un gratuit qui se lit
N째63 - du 15/05/13 au 19/06/13
Politique culturelle Pas de femmes, la suite La fin du théâtre
4, 5 6, 7
Événements Conférence Camille Claudel, Les Papesses Les Informelles, Chaud dehors La nuit des musées, le Printemps des Marseillais Rendez-vous aux jardins, Contes et Jardins, Les Eauditives
8 9 10 11
Villa Méditerranée Forum Libération Ouverture Au programme
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MuCEM Entretien avec Bruno Suzzarelli La galerie de la Méditerranée Le noir et le bleu Le Bazar du genre Au programme
16 18 19 20 21
Marseille-Provence 2013 Le grand atelier de Midi, J1, Picasso céramiste Taysir Batniji, La folle histoire des Arts de la rue Arteum Festins d’Aubagne, Yes We Camp GR13 à Martigues, Puits Morandat Cinémas Arabes, Guédiguian, Ilotopie, Art Comores This is not music Olivier Py, Rencontres du 9e art TransHumance
22, 23 24 25 26 27 28, 29 30 32 33
Critiques Théâtre Rue Danse Musique
34 à 39 40 42, 43 44 à 50
Au programme Musique Théâtre Danse Jeune public
52 à 57 58 à 61 62 à 64 66 à 68
Cinéma
70 à 74
Art et patrimoine Arts visuels
76 78 à 84
Littérature Rencontres Livres Art, CD
84 à 87 88 à 91 92, 93
Arts et sciences Divines désespérances, Musée Salagon
94
Quelques (bonnes) nouvelles Parce que le pessimisme gagne, quelques bonnes nouvelles : les homosexuels vont pouvoir se marier, le beau temps arrive, le MuCEM va faire bouillonner les esprits, la fréquentation de nos lieux culturels est en forte hausse. Mais, surtout, il n’y a jamais eu si peu de famines, d’épidémies ou de guerres que durant ces dernières années. Si l’avenir de la Terre est inquiétant, si ici le chômage et le Front National montent, si ailleurs des dictatures persistent et des toits s’effondrent sur les esclaves de l’industrie textile, l’homme n’a jamais aussi peu tué son voisin, malgré le dictateur Syrien et les enfants américains. L’humanité n’avance pas à reculons, voilà de quoi se réjouir ! et passer à des nouvelles, plus personnelles, sur de légers changements éditoriaux. Pour répondre à la demande nous avons dû augmenter notre pagination, soit 96 pages dans ce numéro, notre tirage, 32 000 exemplaires, et mettre des articles supplémentaires en ligne quotidiennement sur notre site. Pour assumer cette nette croissance de nos activités, plusieurs journalistes sont venues rejoindre notre équipe, dont vous découvrirez les signatures dans ce numéro. Nous ne parvenons cependant pas à suivre la demande ! Les exemplaires disparaissent très vite, les sollicitations des structures culturelles se multiplient, nous ne pouvons plus être disponibles comme nous le souhaitions, portable ouvert et réponse aux mails… Les pages de Zibeline se surchargent de numéro en numéro, mais nous n’avons pas les moyens économiques de tirer davantage, de changer notre périodicité mensuelle, ni d’être exhaustifs sur le territoire. Nous avons donc choisi de mieux annoncer, et d’annoncer moins. Cependant vous trouverez sur notre site, dans l’agenda accessible par le calendrier, des informations supplémentaires que nous n’avons pas pu glisser dans le magazine. Des critiques aussi, nombreuses, des entretiens inédits, qui complètent nos articles. Par ailleurs, pour répondre à ceux qui nous demandent, très souvent à présent, d’insérer leurs informations sur notre site, nous mettons en place un système d’annonces, payantes mais pas chères, pour que ceux dont nous ne connaissons pas le travail puissent communiquer leurs informations dans nos agendas. Car si nous voulons mettre à disposition du public l’information et l’analyse culturelles, nous avons besoin de financements. Pensez donc à adhérer, et à utiliser ce nouveau service… AGNÈS FRESCHEL
Assez du féminis 04 P O L I T I Q U E C U L T U R E L L E
ministe» est décidément tabou…) dans le Pensant ce milieu a priori cultivé, donc coursecteur du spectacle et de la culture. En detois, nous imaginions qu’ouvrir les yeux de ces hors d’une réponse pragmatique (nous sommes gens policés suffirait à les convaincre qu’une un journal culturel…), et d’une autre moins telle inégalité n’est pas acceptable. Nous drôle (dans ce secteur-là les inégalités sont avons donc apposé notre logo en expliquant encore plus criantes qu’ailleurs), nous renvoyons dans quelles conditions, soit au raisonnement du Parlement européen, puis • sans réclamer une parité difficile à mettre 4 ans après jour pour jour du ministère de la en place Culture français (voir encadrés) : les inégalités • en soulignant les qualités esthétiques ou des chances et des salaires dans ces secteurs intellectuelles de manifestations sans femmes se doublent d’une grande influence en terme • en décidant de ne pas épingler les très d’image et de représentation de nombreux solos masculins qui soi. Ne pas voir de femmes emplissent pourtant la plupart de créatrices, sur les scènes et les nos pages conférences, livres et écrans, à la tête des labos ou expos… possédant une parole d’experte, Nous pensions que notre démarempêche nos petites filles de se che était claire et mesurée, notre projeter dans ces rôles. Comme logo ne s’apposant qu’à partir de en politique ou dans le sport, la moins de 20% de femmes sur revendication d’égalité dans le scène et/ou dans l’équipe créaspectacle et les médias est aussi trice. Tout en nous étonnant que un combat pour que change personne n’y ait pensé avant nous, l’image des femmes… nous ne pensions pas susciter de C’est pourquoi il nous semble déluge de reproches (des reurgent de montrer qu’un certain merciements aussi, de la part de sexisme s’est installé dans les femmes et d’hommes). manifestations culturelles, et Pour préciser : nous avons reçu combien la mixité reste imposdes posts, des mails et mêmes Intervention du collectif La Barbe durant la présentation 2012 de la saison de l'Odéon, exclusivement sible, les genres étant de plus en des lettres anonymes nommant masculine (auteurs, metteurs en scène). Luc Bondy avait eu cette réplique culte : "il y a des femmes plus séparés : nous avons reçu nos journalistEs par leur prénom dans mon théâtre, à la communication"© Nick Mead parmi les remerciements des mails et nous reprochant un «copinaManifeste du mouvement H/F (extraits) de femmes musiciennes qui rêge» relevant du «féminissisme» ; égalité femmes hommes vent de mixité mais ont fini par on nous a écrit qu’on se «trompait dans l’art et la culture de combat» parce qu’une mani- …Les inégalités invraisemblables qui perdurent dans ces secteurs créer des groupes de femmes… festation ne pouvait pas à la fois hautement symboliques soulèvent aujourd’hui un vrai problème de parce que les hommes ne veulent représenter les minorités sociales démocratie : quel miroir les arts et la culture offrent-ils à notre pas d’elles. Et des mails de coet les femmes, et qu’aujourd’hui société ? Respectent-ils les principes de partage et de libre accès voulus médiennes qui en ont assez de l’important était le social (Ah par le dispositif public ? Comment les œuvres et les représentations qui voir que les rares rôles de fembon ? et quid des femmes des y sont produites peuvent-elles parler du monde, si les femmes, qui sont mes du répertoire sont de plus en minorités sociales ?) ; on nous a plus de la moitié de la population française, n’y prennent qu’une part plus souvent tenus par des hommes sous prétexte de renouer écrit «il y en a assez, des femmes aussi minime ? incompétentes sont nommées Le mouvement H/F est convaincu que les inégalités entre femmes et avec le théâtre élisabéthain. À partout parce qu’il faut des fem- hommes dans le domaine des arts et de la culture sont le symptôme quand des femmes jouant des mes» (Ah bon ? il ya un réservoir d’un dysfonctionnement profond éloignant nos pratiques de la réalité rôles d’hommes ? Mais c’est malheureusement dans le secteur d’hommes compétents mais pas et des aspirations de notre pays…. des musiques actuelles, là où la de femmes, parce que… elles sont www.snapcgt.org/IMG/pdf/manifeste_HF.pdf revendication d’égalité devrait plus bêtes ? moins diplômées ? être la plus forte, que les femmes tourmentées par leurs ovaires ? ). sont le moins nombreuses… et On nous a reproché d’être fémitement insatisfaisant : la loi garantit l’égalité, nistes, comme si l’égalité était acquise ! De et on ne peut pas dire à nos filles qui ont 8 que notre logo, qui constate des faits, doit poursuivre un combat «essentialiste» comme fois moins de chances que nos garçons de de- s’assortir souvent de commentaires agacés ! si nous avions jamais parlé d’un art féminin, venir metteur en scène ou musiciennes qu’elles ou de la spécificité d’une gouvernance fémi- ont déjà plus de liberté que leurs grand- Là, c’est trop… nine (nous pensons que les femmes ont tort mères : c’est de leurs frères qu’il faut qu’elles Pour exemple, le site et le dossier de presse de mettre en avant des qualités spécifique- soient les égales. En termes d’accès aux pro- de This is [not] music, manifestation labellisée MP2013, jeune et branchée, où nombre ment féminines, qui à notre sens n’existent pas). grammations, et de rémunération. de filles vont chercher une identité… Le Le reproche le plus fréquent remporte la palme dossier comporte deux images de musiciennes du paternalisme bienveillant. On en veut trop Pourquoi l’égalité et 64 photos d’hommes musiciens. Une de ces et tout de suite, «parce que quand même pour dans la culture ? les femmes ça a bien avancé». Ce qui est non Une autre question, moins agressive, revient : deux images, publicitaire, fait partie de la seulement contestable dans les faits durant le on nous demande pourquoi nous focalisons campagne du Mouv’ «Non tout n’était pas mieux dernier quart de siècle, mais de plus complè- notre «combat pour la cause féminine» («fé- avant» : la femme y joue de l’accordéon, et
La mise en place du label «pas de femmes» depuis deux mois dans Zibeline a suscité des réactions que nous n’attendions pas…
Résolution du Parlement européen (extraits)
sme ? représente le comble du ringard. Une autre image de femme, issue d’une œuvre plastique, est assortie de ce commentaire : «de belles créatures frottant langoureusement leur corps sur des capots brûlants ornés des flammes de l’enfer». La femme infernale, le retour ! Quant aux skateuses, elles sont absentes de la programmation, mais présentes par une exposition des moulages de leurs «bustes». En dehors de cette partie primordiale de l’anatomie des sportives de la glisse, les 14 images de sportifs sont des hommes sauf… une qui illustre une programmation qui «décrit la capacité inépuisable de l’être humain à se rendre ridicule lors de performances sportives» ! Vous avez dit sexiste ?
A. considérant que les inégalités dans les possibilités d’emploi et les chances des femmes et des hommes sont fortement présentes et persistantes dans les arts du spectacle, F. considérant que l’objectif égalitaire dans les métiers des arts du spectacle suppose de passer par l’instauration systématique de la mixité, G. considérant que le talent n’explique pas seul la qualité artistique d’une réalisation ou la réussite d’un parcours professionnel, H. considérant en conséquence qu’il convient de modifier les situations de ségrégation actuelles qui persistent toujours dans les arts du spectacle, J. considérant que des préjugés persistants entraînent trop souvent des comportements discriminants à l’égard des femmes dans les processus de sélection et de nomination ainsi que dans les relations de travail, et que les femmes, en dépit d’un niveau de formation supérieur, d’un intérêt pour la formation continue et de réseaux plus forts, ont souvent un revenu plus faible que les hommes, 1. souligne l’ampleur et la persistance des inégalités entre les hommes et les femmes dans les arts du spectacle et l’impact que le mode d’organisation inégalitaire de ce secteur peut avoir sur l’ensemble de la société, compte tenu de la nature particulière de ses activités ;
7. souligne que la discrimination à l’égard des femmes pénalise le développement du secteur culturel en le privant de talents et de compétences et fait remarquer que les talents ont besoin de rencontres avec le public pour être reconnus ; 9. invite les acteurs du domaine culturel à améliorer la présence des créatrices et de leurs œuvres dans les programmations, les collections, les éditions ou les consultations ; 12. invite la Commission et les États membres à envisager, dès à présent, une première étape réaliste dans la lutte contre les inégalités dans les arts du spectacle, consistant à assurer la présence d’au moins un tiers de personnes du sexe minoritaire dans toutes les branches du secteur ; 14. rappelle aux institutions culturelles la nécessité absolue de traduire dans les faits la notion démocratique selon laquelle à travail égal entre un homme et une femme doit correspondre un salaire également identique, laquelle, dans le domaine artistique comme dans bien d’autres secteurs, n’est pas toujours appliquée.
05
LE PARLEMENT EUROPÉEN, LE 10 MARS 2009
L’intégralité du texte de loi est consultable sur www.europarl.europa.eu
AGNÈS FRESCHEL
Déclaration du ministère de la Culture et de la Communication (extraits) Contrairement à beaucoup d’idées reçues, la réalité de la situation des femmes dans l’univers de la culture et des médias est bien peu satisfaisante. Le constat est sévère : quand elles apparaissent, les femmes ont souvent un statut secondaire, un rôle social minoré. […] La légitimité du savoir reste masculine. […] Comment les spectatrices, et en particulier les plus jeunes d’entre elles, peuvent-elles trouver les repères pour s’identifier et prendre confiance ? On sait bien que les différents modes d’expression artistique et culturelle, qu’il s’agisse du spectacle vivant, du cinéma, de la littérature..., et bien sûr les médias, véhiculent des représentations sexistes et des stéréotypes d’autant plus puissants qu’ils sont souvent peu visibles, en raison de l’autorité intellectuelle de la création et de la force de l’image, et qu’ils s’ancrent Mensuel gratuit paraissant le deuxième mercredi du mois Edité à 32 000 exemplaires imprimés sur papier recyclé Edité par Zibeline SARL 76 avenue de la Panouse | n°11 13009 Marseille Dépôt légal : janvier 2008 Directrice de publication Rédactrice en chef Agnès Freschel agnes.freschel@wanadoo.fr 06 09 08 30 34 Imprimé par Rotimpress 17181 Aiguaviva (Esp.) photo couverture Le Mucem Agnès Mellon 095 095 61 70 photographeagnesmellon.blogspot.com
dans l’inconscient collectif. Mais cette puissance peut à rebours s’exercer pour modifier ces représentations réductrices ou erronées. Notre action dans ce domaine, comme dans celui de l’éducation, est donc déterminante. Pour que les choses bougent, pour mettre la société en mouvement, il faut de la volonté -du volontarisme peut-être- et un travail de fond. C’est pourquoi j’ai demandé que figurent dorénavant dans les lettres de mission de tous les dirigeants de nos institutions nationales, établissements culturels et médias publics, des consignes précises pour que la présence des femmes dans les postes de direction comme dans les programmations soit améliorée ; cette exigence figurera également dans les contrats (contrats de performance, contrats d’objectifs et de moyens) qu’ils signent avec le ministère ; et dans les réseaux du spectacle vivant ou les
réseaux de diffusion de l’art contemporain, ou encore les FRAC, je souhaite, en concertation avec les élus locaux, qui sont comme nous garants du respect du principe d’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités, que nous nous engagions de façon volontariste dans un processus de respect de la parité. […] Parallèlement à toutes ces mesures incitatives, quelquefois dissuasives..., il faut aussi montrer et démontrer tout ce que les femmes font déjà, et qu’elles peuvent faire avec le même talent et les mêmes compétences que les hommes, dans tous les domaines. «Rendre visible l’invisible», c’est aussi cela. AURÉLIE FILIPPETTI, LE 10 MARS 2013
L’intégralité du discours prononcé est consultable sur le site du ministère de la Culture www.culturecommunication.gouv.fr
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P O L I T I Q U E C U L T U R E L L E
La culture sans artiste, 06 P O L I T I Q U E C U L T U R E L L E
Si l’année capitale constitue un formidable accélérateur en termes d’équipements culturels nul ne sait, aujourd’hui, avec quel argent ils vont fonctionner. Le paysage théâtral marseillais, en particulier, est dévasté… L’offre culturelle à l’avenir sera certainement augmentée : le MuCEM, la Villa Méditerranée, le musée des Beaux Arts et demain celui d’Histoire vont en particulier offrir aux Marseillais des activités culturelles qu’ils n’avaient jamais pratiquées. Le territoire de MP2013 n’est pas en reste, depuis les Pénitents Noirs à Aubagne en passant par le Conservatoire d’Aix, les musées d’Arles ou l’Eden à La Ciotat. La région toute entière a été poussée à monter des murs : la FabricA à Avignon, le Théâtre Liberté à Toulon, ou le Forum à Fréjus et le Théâtre Durance à Château-Arnoux rééquilibrent le paysage théâtral sur le territoire… en puisant sur les mêmes «enveloppes budgétaires» (le terme consacré fleure bon le dessous-de-table…). Ce qui forcément appauvrit les autres, et met en rivalité les lieux culturels : difficile alors d’imaginer des productions communes, lorsque les tutelles jouent la concurrence de ceux qui devraient collaborer… Cette technique de management est bien connue des entreprises aux cadres surnuméraires : pour s’en débarrasser elles les font plancher sur le même projet, pour qu’ils s’épuisent dans la lutte, et intériorisent les raisons de leur éviction. Combien de directeurs de lieux se laissent aller à dénigrer leurs confrères, qu’ils décrivent comme des adversaires, et qui le sont de fait, dans les commissions d’attribution des collectivités ? Combien d’autres jettent l’éponge tant le combat est dur ?
Des lieux sans moyens Aucun de ces équipements d’envergure n’est destiné à faire vivre les artistes, c’est-à-dire la création. L’exemple le plus frappant est le nouveau FRAC Paca, avec son budget annuel d’acquisition dérisoire, à peine supérieur à ce que la Région attribue au financement d’une seule production cinématographique : 215 000 €, pour irriguer une région entière ? Or c’est cela qui permet d’acheter des œuvres aux artistes et de les faire vivre… À la Friche la Tour Panorama est érigée, le Pôle Théâtre sorti de terre, l’une et l’autre sans aucun moyen de production, ni pour les arts visuels, ni pour la création théâtrale. Le lieu, superbe, a seulement de quoi ouvrir ses portes, payer son personnel perma-
un idéal libéral
Le chantier du theatre de La Minoterie © Philippe Houssin
nent et les charges courantes… Beau comme un frigo vide, et tout aussi glaçant ! C’est sans doute pour la vie théâtrale que le tableau est le plus affolant. Le Gyptis est assuré qu’il ne fermera pas, mais va sans doute se transformer en «Pôle image», entendez en cinéma. Le théâtre est perdu pour la création, même si une partie des moyens doit, en principe, se retrouver à La Friche : nul ne sait si cette «fusion» (on dit OPA, non, chez les capitalistes ?) se passera à budget constant, mais il faudra, au mieux, financer deux lieux avec les moyens d’un seul… En effet, Catherine Marnas est nommée à la direction du Théâtre National de Bordeaux –elle part par lassitude, par désespoir aussi de jamais obtenir dans sa ville les moyens de produire et programmer. Que va devenir le pôle théâtral qu’elle devait diriger et qui se retrouve privé de l’argent de sa compagnie qui ferme dès janvier 2014 ? Quant à la Minoterie en reconstruction et qui ouvrira en septembre, elle devra produire et programmer avec un budget de fonctionnement à peine supérieur à ce que les Minotiers avaient pour un lieu de moindre taille et où ils accueillaient à petits prix : la Ville de Marseille a augmenté sa subvention de fonctionnement, mais celle de l’État est supprimée, celle de la Région en forte baisse… si bien qu’ils n’auront aucune marge artistique supplémentaire : une fois le personnel payé, il restera une somme dérisoire, largement insuffisante pour une programmation régulière, sans parler d’aide à la production…
Plus de production Il n’y aura donc, à Marseille, plus de théâtres en capacité de financer des créations : le Toursky ne pratique que l’accueil, dans des conditions
financières forcément déplorables ; les Bernardines ne peuvent soutenir que de petites formes pas chères, Montévidéo que des lectures, tout comme les autres petits lieux marseillais ; seul le Gymnase, qui n’y est obligé par aucune convention, la Criée et le Merlan, qui y sont enjoints par leur cahier des charges national, sont en capacité de produire des créations théâtrales. Mais par choix ou par contrainte – difficultés du quartier, orientations esthétiques, nécessité de remplir les salles avec des formes sans «prise de tête» ou des affiches prestigieusesils ne produisent que rarement des compagnies théâtrales régionales : le Gymnase/Jeu de paume les a cantonnées cette année au jeune public, la Criée se contente d’accueillir dans sa petite salle un cycle clown de François Cervantes ; et le Merlan préfère nettement le cirque, la danse et les balades. Le tableau n’est pas plus riant ailleurs : partout les pôles fusionnent en «mutualisant les moyens», belle périphrase pour désigner des économies forcées, et des victoires de directeurs qu’on a transformés en compétiteurs. Le théâtre Liberté à Toulon, qui ne désemplit pas quelles que soient ses propositions, voit son budget amputé tandis que Châteauvallon est dans le flou et que le théâtre de Draguignan a dû définitivement renoncer à rester un pôle de création. La Scène nationale de Cavaillon bat de l’aile, abandonnée par la ville. Celle de Martigues peine à se trouver un directeur, l’État et la Ville n’étant pas d’accord sur le projet, si bien qu’aucune production n’est prévisible. La Passerelle à Gap produit moins de théâtre, le Théâtre Durance n’a les moyens que de petites formes, le Sémaphore de Port-de-Bouc est poussé à «mutualiser» avec les Salins, Ouest Provence depuis la mutualisation programme surtout du
jeune public… Qui va donc proposer du théâtre de création en 2014 ? Et qui va financer les compagnies régionales ?
Plus de subventions Parallèlement à cette limitation des capacités de productions des lieux, les compagnies indépendantes subissent de plein fouet une diminution importante de leurs moyens propres. Les aides à la création se réduisent chaque année, et l’on demande à des compagnies de monter des spectacles parfois avec 2000 €… tout en leur reprochant de ne pas avoir un fonctionnement professionnel (entendez : payer les répétitions… mais avec quoi ?) ou en leur disant qu’ils tournent peu (qui les achète ?) ou qu’ils coûtent cher dès qu’ils ont un projet à plus de trois personnes, ou avec un petit décor. Pour les quelques compagnies conventionnées (qui ne sont pas financées au projet, mais reçoivent des subventions régulières…), les enveloppes se réduisent, les cahiers des charges s’alourdissent tandis que tous les coûts augmentent. L’essentiel de leur énergie se perd dans des recherches de financement, et une nécessaire médiation avec des publics nouveaux puisque les collectivités exigent désormais que les artistes, à moyens au mieux constants, s’occupent de colmater la désagrégation sociale en marche… Concrètement : les crédits décentralisés de l’État sont en forte baisse, avalés au trois quart par quelques grosses structures (Centres Dramatiques, Chorégraphiques et d’Art de la rue nationaux, et dans une moindre mesure Scènes nationales et Centres de Création musicale) qui en ont besoin pour fonctionner. Ne pouvant amputer les moyens de ces structures nationales, l’État se désengage sur celles qui déjà ne se partageaient que leurs miettes. À ces réductions au long cours vient s’ajouter une diminution sans précédent du financement culturel de la Région Paca, qui ne sait à quoi vont désormais se limiter ses compétences, puisque sa dotation d’État est en forte baisse. La diminution de 6% annoncée en 2013 se traduit plutôt par 10%, et on murmure que cela atteindra 25% de plus en 2014… Les conseils généraux baissent aussi fortement leurs subventions aux compagnies indépendantes (10 à 15% dans les BdR, jusqu’à 50% dans le Var….). Dans ces conditions non seulement aucun talent nouveau ne peut éclore, ce qui est déjà le cas depuis 15 ans (d’où l’affreuse tendance des jeunes artistes à vouloir flinguer les anciens), mais bon nombre de compagnies ont disparu. D’autres vont suivre, malgré les départs à la retraite de la génération des pionniers de nos théâtres : les collectivités ne redistribueront pas leurs moyens aux plus jeunes, en profitant pour économiser.
Prenez-nous la tête Conséquence immédiate ? Elle est déjà sensible, atténuée par la capitale culturelle qui nourrit les corps, les yeux et aussi les esprits. Révélée par elle aussi : il est difficile de programmer du bon théâtre né dans ce territoire. Les compagnies d’ici ne manquent pas de talent, mais d’argent : sans répétitions, sans décors, sans possibilité de commander des textes à un auteur, sans capacité d’aller au-delà du duo ou trio d’acteurs, elles produisent des œuvres d’une qualité insatisfaisante. Ce qui permet de justifier des déconventionnements, autre technique de «gestion des ressources humaines» bien connue des entreprises. Leur seul moyen de survivre est de se tourner vers les arts de la rue, qui ont ici des moyens de production, de faire du jeune public pas cher, de proposer des relectures light du répertoire. Ou encore : de faire des lectures, de présenter des étapes de travail. Bref des formes pauvres, qui de surcroît éloignent le public. Est-ce la fin du théâtre ? Si nous ne construisons que des musées et des boîtes à programmer ce qui tourne ailleurs, nous aurons droit à de la culture en conserve, et deviendrons un territoire sans parole. À l’heure où Marseille Provence veut constituer une jonction entre Méditerranée et Europe, ce serait une catastrophe… Quant à la volonté plus ou moins consciente d’étouffer le genre dramatique, de le remplacer peu à peu par les arts du corps, des yeux et du son (celui qui fait bouger les corps), il relève certes d’une volonté nécessaire d’affirmer l’importance de la chair et de la libérer, mais
aussi d’une méfiance politique envers la force subversive de cette pratique millénaire née avec la cité. On sait comment Jean Louis Barrault définissait l’art, c’est à dire pour lui le théâtre : «L’art, dans son essence, est contestation, contestation de la mort, contestation contre les pharisiens de tous poils, contestation de soi-même.» Depuis 68 l’histoire lui a donné tort et nombre de spectacles consensuels sont venus conforter l’action de Coca-Cola sur nos cerveaux disponibles. Mais cette utopie française d’un art révolutionnaire financé par l’État et les collectivités qui en dépendent reste possible, à peu de frais : il suffit d’une volonté politique, c’est-à-dire d’une prise de conscience de la force de l’art, qui permette une réorientation vers la création des crédits culturels, et refasse une place aux artistes. Un pôle théâtre qui aurait pour mission de produire, avec des moyens et sans véto esthétique, toutes les compagnies régionales ? Une obligation pour toutes ces structures sorties de terre de les accueillir dans des conditions décentes ? Un réexamen des enveloppes attribuées aux compagnies indépendantes ? Tout cela est plus que jamais nécessaire, et nettement moins coûteux qu’un stade vélodrome, une Villa Méditerranée ou les ors du Festival de Cannes. Sans doute moins rentable (quoique, le Palais de la Glace ou la Buzine…), mais cela s’appelle justement, dans notre monde libéral, l’exception culturelle. AGNÈS FRESCHEL
Conjointement à l’émouvante exposition De la grâce à l’exil réunissant 12 œuvres de Camille Claudel et un projet scientifique et culturel au centre hospitalier de Montfavet, Avignon poursuivra la célébration de la sculptrice…
Sublimer en 3 dimensions
É V É N E M E N T S
qu’elle était «une vie manquée» malgré les succès, et celle de la soeur, dépossédée de tout, enfermée à l’asile de 1913 à 1943. Hervé Castanet évoquait une femme complexe, qui «ne tient pas de l’héroïne hollywoodienne», en incluant dans le tableau son rejet de l’autre, son antisémitisme, et ses positions anti-dreyfusardes... peut-être un premier signe de paranoïa montante. René Pandelon interrogeait quant à lui les liens entre psychose et fécondité artistique, notamment chez les femmes où la folie se déclenche globalement plus tard que chez les hommes : «Le psychotique met en place son délire là où il y avait un trou ; et la création peut à certaines conditions faire suppléance.» Un portrait croisé d’autant plus émouvant qu’il était livré sur les lieux mêmes où «Camille offrit ses cheveux au vent», où sont exposées ses lettres de détresse à sa famille (voir Zib’62). Long-
temps avant sa mort, les médecins estimaient qu’une sortie de l’hôpital était envisageable ; sa mère a toujours refusé qu’il en soit ainsi. GAËLLE CLOAREC
Le colloque Camille Claudel, La femme, la folie, la création a eu lieu le 26 avril au Centre Hospitalier de Montfavet. Tous les 1rs mardis du mois, le Dr Pandelon y anime un séminaire intitulé Psychose et création, ouvert à tous et gratuit. Renseignements : 04 90 03 92 12 Camille Claudel. De la grâce à l’exil jusqu’au 2 juin Musée des Arcades, Centre hospitalier de Montfavet (84) 04 90 03 90 80 www.camilleclaudel2013.com
…en tissant autour d’elle un lien avec quatre autres femmes-artistes dans Les Papesses. Un événement majeur et passionnant à découvrir dès le 9 juin au Palais des Papes et à la Collection Lambert
Habemus Papas ! Avec l’exposition Les Papesses, Avignon accueille un événement majeur et renoue, après Picasso en 1970 et Barceló en 2010, avec les grandes d’expositions d’été. Grâce au partenariat accru entre la Collection Lambert et Avignon Tourisme (société d’économie mixte gestionnaire du Palais des Papes), la parole est donnée à cinq femmes artistes. Pour la première fois, Camille Claudel, Louise Bourgeois, Kiki Smith, Jana Sterbak et Berlinde De Bruyckere sont réunies, autour de l’histoire de Jeanne la Papesse, légende médiévale longtemps attestée par l’église romaine, qui prétendait que cette femme, travestie, élue pape au IXe siècle, avait accouché un jour à cheval… 300 œuvres tisseront la toile de ces Papesses de l’art moderne et contemporain, ayant en commun une passion pour l’histoire de l’art et le choix de matériaux complexes, subtilement mises en dialogue d’un lieu à l’autre par Eric Mézil directeur de la Collection et commissaire d’exposition. Si l’hôtel de Caumont accueille les œuvres les plus fragiles, le Palais des Papes présente les pièces monumentales. De la Grande Chapelle au Jardin Benoit XII, jusquelà inaccessible au public, on découvrira la Vierge au bûcher ou les tapisseries de Kiki Smith, l’Araignée ou The Welcoming hands de Louise Bourgeois, l’installation inédite et
démesurée La Princesse au petit pois de Jana Sterbak ou les immenses sphères de verre inspirées de ses cosmogonies médiévales. Quant à Camille Claudel, après l’hommage rendu à Montfavet (voir zib’62), près de 30 sculptures, dont les Causeuses et l’Âge mur, prêtées par le Musée Rodin et le Grand Palais, seront visibles. Invitée de la Biennale de Venise, Berlinde De Bruyckere présentera ses inquiétantes vitrines et sculptures, «du Bacon qui sortirait des tableaux» selon Eric Mézil. «Il s’agit pratiquement de monographies de chaque artiste mais tout va se croiser, les œuvres vont se parler dans une véritable interrelation» explique-t-il, ravi des prêts accordés par les grands musées nationaux : corps en métamorphose de Berlinde De Bruyckère ou Kiki Smith, alchimie et astrologie chez Jana Sterbak ou Louise Bourgeois, filiation chez Claudel ou Kiki Smith. Un résultat digne de la Cité des Papes, et qui démontre mine de rien que les femmes peuvent être de grandes sculptrices à défaut de prélat suprême ! Accessible pour un ticket unique à 15 € (12 € réduit).
Araignee, Louise Bourgeois © DE.M
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Révolte, fureur créatrice et destruction... le poignant destin de Camille Claudel n’a pas fini de fasciner, si l’on en croit la très nombreuse assistance réunie lors du colloque qui vient de lui être consacré à Montfavet. De son art, de sa passion malheureuse pour Auguste Rodin on a presque tout dit, de même que de ses tentatives pour échapper à l’ombre écrasante du maître. Restait à soulever le voile sur la tragédie familiale : fillette née trop vite après le décès d’un frère aîné, elle fut un enfant de remplacement en somme, comme Van Gogh, comme Courbet... un cas fréquent en ce XIXe siècle à la mortalité infantile élevée. L’intervention de Michel Autrand montrait qu’au-delà des apparences, les destinées si dissemblables de Paul et Camille Claudel ont un tracé commun indéniable : celle du jeune frère, «névrotique et sublimatoire», dont il estimait sur la fin
DE.M.
Les Papesses du 9 juin au 11 novembre Collection Lambert et Palais des Papes, Avignon
www.collectionlambert.com www.palais-des-papes.com
Au travail
We can be heroes © Nicolas Joubard
Chantier au pluriel, performances, résidences, visites, cuisines et laboratoires, fabrications et parcours… il semblerait qu’avec l’arrivée de Thomas Fourneau à la direction (provisoire et exceptionnelle) des Informelles 2013 le monde du théâtre soit enfin reconnu comme partie intégrante de la classe œuvrante sinon ouvrière, acteurs, metteurs en scène et spectateurs compris. L’invitation est claire à ne pas rester yeux à moitié ouverts et bras ballants ni pour les uns, ni pour les autres : il faudra aller en ville sur des places (le cours d’Estienne d’Orves pour se mêler aux «héros chantants» du Groupenfonction ; les Halles Delacroix pour découvrir ce que veut vraiment Geneviève Sorin avec son Garçon, s’il vous plaît ! ; onze fois visiter des chantiers de fin de résidence en sautant des barrières à la Gare Franche et aux Argonautes pour rencontrer des artistes venus de Grèce -Kostas Koutsolelosdu Portugal -le projet Try Romance de Paula Diogo et Claudia Gaiolas ; le plasticien polymorphe Joâo Garcia Miguel- de Norvège -le tumultueux musicien performeur JÆrgen Knudsen- et puis de France et de Belgique tous les autres dont les titres claquent en pure énergie comme Blast, duo danse batterie, sonnent chic (Res Privata ) ou jouent au
cadavre exquis (Autopsie de Geoffrey Copini côtoie Barbecues, exploration ambitieuse et quantique du collectif de Quark à partir de 2666 de Bolaño), la palme revenant à la sublime question mijotée aux Bernardines par Aurélie Leroux et Florence Pazzottu, éclairée par l’incisive Marie Christine Soma Où dois-je encore monter avec mon désir ? Saine fatigue en perspective ! Mais comme pour commencer les créations par le 7e jour, Thomas Fourneau, avec une exquise politesse, ouvre grand la porte à la Divine Party des Endimanchés menés par Alexis Forestier, triptyque de quatre heures où s’entrechoquent le dantesque et le kafkaïen, paroles, images et musique de l’Enfer au Paradis. Superbe fête de théâtre qui augurera sans doute du chemin à parcourir pour le spectateur plein d’espoir ! Et enfin un lieu de fabrique et de monstration pour compagnies désargentées… MARIE-JO DHO
Du Chantier à l’œuvre du 22 mai au 8 juin Les Bernardines, Marseille 04 91 24 30 40 www.theatre-bernardines.org
La création artistique en espace public investit durant 3 jours la ville d’Aubagne. Issue d’un partenariat renouvelé entre le centre national de création Lieux Publics et Aubagne, la manifestation invite le public à suivre les compagnies régionales dans un nouveau festival placé sous le signe de Marseille Provence 2013 : Chaud dehors 2013. Dans 1, 2, 3… le plasticien Olivier Grossetête entraîne petits et grands à l’édification de trois bâtiments éphémères en carton. Une construction collective en avant-goût de la Ville éphémère en octobre prochain à Marseille pendant les Métamorphoses, auxquelles participera également Archaos qui, avant la Gare Saint Charles, expérimente les escaliers aubagnais avec une étape de travail de Run down issue des duos Stars on stairs. Dans les Urbanologues associés, le danseur vertical Antoine le Menestrel et Jean-Marie Maddeddu sont des VRP surréalistes échappés de la Cie Lézard Bleus pour une déambulation poétique, vue d’en haut ou d’en bas, à la découverte de la mémoire des murs de la ville. Feuilleton théâtral, plastique et musical à suivre également avec La Vieille, premier des textes qui constitue Le Grand ordinaire de la Cie Ambre. Après avoir illuminé l’inauguration de MP 2013, Studios de cirque présente le 3e volet de la saga des anges avec Plumes Attacks ou le dernier jour sur terre. Initié lors de Sirènes et midi net en novembre, Alexandra Tandaim et la Cie Tandaim (voir p. 35) interrogent dans
Le mois du chrysantheme © Vincent Lucas
Chaud dehors capital
Le mois du chrysanthème la relation d’intimité entre un acteur et des spectateurs, en «ramenant nos morts au centre de nos villes». D’une tombe à l’autre, sur des mots issus de Douleur exquise de Sophie Calle, le public déambule d’une douleur intime à l’autre. La collection de spectacles continue avec la danse jukebox de Mouvimento, une performance de Mathilde Monfreux, l’atelier musical Artaud cité mené par le compositeur Wilfried Wendling avec
des amateurs, les duos pour fontaines et marchés du réseau franco-italien Marcher commun. DE.M.
Chaud Dehors les 30, 31 mai et 1 juin Divers lieux, Aubagne 04 91 03 91 28 www.lieuxpublics.com www.aubagne.fr
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celle de la mosaïque au musée des Faïences de la Tour d’Aigues… Nouveauté de l’année, le numérique ! Une application androïd, Urban Pulse, initiative de Veolia Transdev, «fonctionne comme une véritable start-up basée à Paris et New York» et a pour ambition de devenir «l’application mondiale incontournable pour tous ceux qui sortent en ville». Et qui disposent d’un matériel adéquat, et cher, alors que la nuit des musées est une entreprise de démocratisation ! Une initiative moins globalisante : un partenariat a été noué avec le ministère de l’Éducation pour
associer les scolaires (primaires, collèges et lycées) à travers l’opération La Classe. Les élèves deviennent passeurs de culture, transmettent leur savoir et leurs regards aux visiteurs : 100 musées en France sont dans l’aventure, pour une culture qui ne se dispense pas d’en haut par les ondes, mais se construit en rhizome, à échelle humaine. MARYVONNE COLOMBANI
Nuit européenne des musées le 18 mai www.nuitdesmusees.culture.fr
Mémoire marseillaise populaire En 2011 et 2012 les saisons d’été du théâtre Silvain, organisées par la mairie du 1er secteur et soutenue par la Région, avaient rencontré un succès public inattendu, remplissant souvent les 2800 places, regroupant sur les gradins de pierre des dizaines de milliers de personnes venues profiter à prix très doux de propositions culturelles hétéroclites, propres à amener au spectacle un public familial d’après la plage, et souvent de grande qualité : retransmission en direct du Festival d’Aix, soirées cinéma choisies, Orchestre des Jeunes de la Méditerranée avec musique en création, opéra pour tous, et une belle soirée avec Fred Nevchehirlian… En fabriquant sa programmation sans grand moyens mais avec les énergies locales et les structures existantes, le Théâtre Silvain avait proposé une culture de qualité, essentiellement musicale, à tous. Cette année les propositions sont aussi nombreuses mais s’orientent davantage, au printemps, vers le théâtre, versant comique, en accueillant des recalés de MP2013. Mais qui ne l’est pas ? les choix en termes de théâtre se sont jusqu’à présent révélés peu pertinents, et rares ! Le
Printemps des Marseillais part dans le sens inverse en invitant des grands noms nés près d’ici : Patrick Bosso vient offrir le 11 juin un stand up unique sur Marseille, où il retrouve et dépeint l’esprit des ouvriers d’immigration récente avec
Le Pays des galejeurs © Stef Durel
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Le 18 mai, pour la neuvième année consécutive, a lieu en Europe la Nuit des musées. Le succès populaire de cette immense fête, où s’ouvrent gratuitement les portes sur des visites nocturnes, est indéniable, quoiqu’en baisse ces dernières années à cause des restrictions budgétaires qui permettent plus difficilement d’inviter du spectacle vivant... Mais cette année sur le territoire la capitale culturelle devrait temporairement sauver les apparences ! À Arles les expositions prendront d’étranges formes, comme celle du musée Réattu et son exposition Nuages (voir p78) ; ou marqueront des lancements, ainsi l’éveil de la Vénus d’Arles, au MdAA (Zib 62). Les galeries d’art contemporain s’ouvrent en nocturne à Marseille de même que le premier étage du J1 et sa superbe exposition Méditerranées, la Vieille Charité, la Friche qui prend de l’avance avec son 48h chrono à partir du 17 mai (voir p 60), le musée Cantini avec l’exposition Matta (Zib 61), ou encore Regards de Provence face à la mer, le nouveau FRAC… Le musée de la mine de Gréasque organise un rallie quizz à la lampe de poche et l’atelier Cézanne d’Aix s’anime de concerts électro-pop. D’autres font toucher de près une technique,
© Sam Mertens
C’est beau un musée, la nuit
une acuité surprenante ; les Carboni reprennent le 14 juin Au Pays du soleil, opérette marseillaise qui tourne avec un succès fou à Paris et Avignon depuis trois ans, et où ils font preuve d’un savoir faire musical et scénique devenu très rare en son genre ; Philippe Caubère renouvelle le 8 juin sa Danse du Diable,
inoubliable exploit d’autobiographie scénique virtuose ; et Serge Valletti vient le 16 juin mettre en scène Gilles Ascaride dans son propre texte J’ai tué Maurice Thorez ! un dialogue hilarant publié aux éditions du Fioupélan et qui plonge dans la culture ouvrière marseillaise des années 60. Enfin Philippe Caubère revient avec Michel Galabru pour leur fameux Jules et Marcel, échanges épistolaires entre Pagnol et Raimu le 18 juin. Autour de ce printemps volontairement centré sur des stars qui vont plaire, et à prix qui restent petits (25 euros un spectacle, mais 50 euros les 5..), d’autres propositions, souvent gratuites : un concert Hawa et Rive Gauche (Soul et électro) le 29 mai, les impressionnantes rencontres vocales des Vallonés avec 42 chorales le 31 mai, puis des projections, concerts, et… kermesses ! Tout l’été, à la nuit tombée, à 21h30, avec des navettes maritimes et terrestres au départ du Vieux Port… AGNÈS FRESCHEL
Théâtre Silvain, Marseille 7e www.capsur2013.fr
Richesse et diversité botanique Pour la 11e année, la Direction du patrimoine du ministère de la Culture, toujours en partenariat avec l’association des Parcs et Jardins de France, vous donne Rendez-vous aux jardins où le temps d’un week-end (31 mai au 2 juin) quelques 2000 jardins en France ouvrent leurs portes, dont certains seulement à cette occasion. En cette année de commémoration du 4e centenaire de la naissance d’André Le Nôtre, jardinier du roi Louis XIV, la manifestation posera la question de la création sous le thème «Le jardin et ses créateurs». Qui crée le jardin ? Jardinier, concepteur, propriétaire, théoricien de l’art, artiste, plasticien, écrivain, poète, philosophe, peintre… tous participent de cette création qui se laisse tranquillement découvrir au grès de déambulations, mais aussi de conférences, rencontres, ateliers, installations… selon les lieux. À Bouc-Bel-Air, comme chaque année depuis 21 ans, les Jardins d’Albertas, classés monument historique, programment les Journées des plantes (24 au 26 mai). Au programme
des ateliers (de la vannerie de jardin pour découvrir le tressage de l’osier de façon traditionnelle, création de lettres et art postal), une conférence par Emmanuel Gueydon, paysagiste, sur Arbres, herbes et compagnie… une cohérence écologique, un tour de France des arbres remarquables, découverte des arbres et de leurs secrets avec Yvan Gindre, expert ornemental, visite guidée des jardins, interludes musicaux, expositions… À Mane, dans les Alpes de HauteProvence, le prieuré de Salagon, site classé Musée de France et Jardin remarquable, multiplie les manifestations (1er et 2 juin). Côté conférences, l’ethnobotaniste Pierre Lieutaghi (concepteur des jardins) donnera Une leçon de patience : les jardins de Salagon entre intentions humaines et temps du végétal : entre bilan historique (les jardins de Salagon ont 25 ans) et aventure culturelle, humaniste et pédagogique (1er juin à 15h) ; le lendemain le collectif Transition en Forcalquierie présentera Une autre façon de cultiver son jardin (à 15h), donnant des méthodes de culture
© X-D.R
Enfin la manifestation fera l’objet d’une publication par les éditions Plaine Page d’un numéro spécial de la revue Art Matin. DO.M.
Les Eauditives les 7 et 8 juin Brignoles les 14 et 15 juin Barjols ZIP / Plaine Page 04 94 72 54 81 www.plainepage.com
aussi astucieuses qu’originales… Une exposition viendra informer sur Les insectes pollinisateurs, créateurs de biodiversité au jardin, avec les apiculteurs amateurs de Haute-Provence et l’association pour la promotion de l’apiculture de loisirs. Les ateliers, nombreux, donnent rendez-vous autour de la création d’un jardin de senteurs, d’un imaginographe (vous pourrez créer votre propre jardin dans une boite magique !), de la création d’un jardin en lasagnes (méthodes de culture astucieuses, à découvrir), de teintures végétales… Si vous ne partez pas avec le clown
Jardinus Felix dans son île verte et fleurie, ou sur les pas de conteuses qui vous mèneront Au jardin des rêves… DO.M.
Salagon, musée et jardins Mane 04 92 75 70 50 www.musee-de-salagon.com Les Jardins d’Albertas Bouc-Bel-Air 04 91 59 84 94 www.jardinsalbertas.com www.paca.culture.gouv.fr
Dans le secret des contes
De l’eau, du délicat Pour sa 5e édition, le festival Les Eauditives, initié par la Zone d’Intérêt poétique (ZIP) de Plaine Page, à Barjols, poursuit sa navigation poétique et artistique, réunissant pour l’occasion plus de trente auteurs et artistes autour des lieux d’eau de Brignoles et Barjols. Mais pas seulement, car cette année le festival investit aussi les rues et les places, le Pôle culturel des Comtes de Provence, la médiathèque de Brignoles, la ZIP… À Brignoles, les fontaines font l’objet d’un parcours qui donnera lieu à des lectures et performances, des installations plastiques, mais aussi et surtout à un balisage urbain par des estampes, affichage mis en place par les artistes graveurs de l’Artothèque ; la médiathèque accueille un débat de Georges Olivari et Odile Jacquemin sur les Eaux et fontaines du Var ; une exposition de Claudie Lenzi et Christian Neroni, Délits de l’eau, rend compte de leur travail sur la matière. À Barjols, la rue de la République accueille des poèmes à ciel ouvert, une installation performative, et la galerie ZIP 22 une exposition de Lole Saisset, Kamishibaïs, Histoire d’eau, soit des petits théâtres de papier issus de la tradition des colporteurs japonais.
© Jardins Albertas
Cela fait 11 ans que le Parc des Troènes, à La Valettedu-Var, se transforme en village de contes pour accueillir la manifestation Contes & Jardins. Avec un public de plus en plus nombreux, 9200 spectateurs en 2012 contre 7080 en 2011, et en progression constante chaque année, elle s’inscrit dans les festivals qui comptent ! Sous les tentes traditionnelles, ce sont 8 conteurs qui transporteront petits et grands dans leur imaginaire : Florence Desnouveaux, conteuse, rapporteuse, menteuse, collecteuse hors norme ; Olivier Ponsot, conteur funambule sur corde vocale ; Jean-Louis Cuenne dont l’univers musical se regarde avec les oreilles et s’écoute avec les yeux ; Katia Belalimat qui recueille des contes issus de la tradition orale touarègue ; Christian Tardif, conteur et comédien, puise dans le répertoire oral mais aussi les récits de vie ; Catherine Zarcate, qui a initié le renouveau du conte en France, unit dans chaque récit profondeur et humour ; Raphaël Faure, qui associe la musique à ses contes ; Christele Pimenta, formée au théâtre, à la danse, au clown, au masque… ; et Luigi Rignanese, ciseleur de chansons, d’histoires, de musiques et de danses collectives… Profitez de tout, la convivialité est le maîtremot de ce festival «hors du temps». Avec une petite nouveauté cette année, des rencontres et des siestes contées qui permettront de prolonger le plaisir en s’ouvrant à de nouvelles sensations auditives… DO.M.
Contes et jardins du 23 au 26 mai Parc des Troènes, La Valette 04 94 23 62 06 www.lavalette83.fr
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L’ouverture au public de la Villa Méditerranée se fait par étapes ! Après un colloque des présidents des parlements européens en avril (voir Zib 62), un Forum du quotidien Libération 12 a fait bruisser le dialogue… V avant un concert puis un docu. I L Le programme se poursuit L et s’intensifie en juin (voir p14), A avec l’ouverture des expositions M et pléthore de spectacles, É D films et concerts. I Pour nous habituer peu à peu T E à l’abondance ? R R A N É E
Libé retrouve son nom En pleine crise de la presse Libération, qui n’est parfois pas le dernier à jeter de l’huile sur des feux inutiles (voir Zib 61), a voulu à Marseille jouer un rôle fédérateur en invitant intellectuels, journalistes, politiques et citoyens à faire débat autour de l’actualité méditerranéenne. Huit tables rondes très ouvertes à la parole du public ont permis de faire un tour des points chauds du bassin. Intitulée Agir aujourd’hui en Méditerranée, la table ronde inaugurale réunissait autour d’Alexandra Schwartzbrod le président de la Région PACA Michel Vauzelle, Samir Dilou, ministre tunisien des droits de l’homme et de la justice transitionnelle, et Dimitris Kourkoulas, secrétaire d’État grec aux affaires étrangères. Pour ce dernier, «la Grèce se trouve plus près de la sortie de crise que du début, mais cela dépend beaucoup de ce qui va se passer autour». Pour Samir Dilou, «on ne peut pas demander aux peuples qui ont souffert pendant des décennies d’attendre encore, pourtant la régulation demande du temps». Pour Michel Vauzelle enfin, la solution apportée par les élus locaux peut être celle du dialogue avec la société civile : «Sans attendre que nos gouvernements prennent des décisions, nous pouvons réfléchir ensemble, car les jeunes ont les mêmes préoccupations à Alger ou à Marseille : emploi, drogue, tentations extrémistes...» Tous s’inquiètent du devenir de la Syrie, des conséquences de cette crise humanitaire énorme, et s’interrogent sur le fait d’armer les rebelles au risque de voir ces armes se retourner contre la population. La Grèce a vu augmenter de 400% le nombre de réfugiés syriens cette année. Dans notre monde globalisé, une économie détruite pèse sur tous les voisins...
© Gaelle Cloarec
La Villa qui ouvre, qui ou
Une révolution aussi ! un débat s’interrogeait : Jeunes du Caire de Madrid et d’Athènes, même combat ? Les trois jeunesses révoltées et indignées sont différentes, mais ont des points communs troublants. Encadrés par le correspondant de Libération François Musseau, les jeunes racontent leurs engagements et leurs espérances : «Nous devons réagir, trouver des solutions.» Une meilleure communication entre les élus et le public, entre le Nord et le Sud, et grâce aux réseaux sociaux permettrait selon eux une meilleure mobilisation citoyenne. Pour évoluer, pourquoi pas ?, «vers une nouvelle Europe plus solidaire». Car l’essentiel pour eux est de voir se dessiner un avenir qui les prenne en compte, enfin. Une exigence plus criante encore lorsque les regards se concentrent sur Alger Nouvelle Génération : en 6 courts métrages, on découvre 6 regards différents sur Alger rassemblés par les deux journalistes Aurélie Charon et Caroline Gillet dans un documentaire. L’objectif, comme celui de la table ronde qui suit, est de faire entendre la voix des jeunes Algériens en ce cinquantenaire de l’Indépendance. Une jeunesse qui ressent le vide, l’ennui et l’immobilisme mais aussi, comme le fait remarquer Amina Zoubir, l’une des six cinéastes, le manque d’espace laissé à l’individu. Dans cette Algérie «en quête d’une autre histoire», la sociologue Fatma Oussedic rappelle l’importance de la lutte féministe, puisque l’assujettissement à l’homme reste ancré dans le mode de vie, sans réel changement générationnel.
Presse et libération Mais c’est sans doute lorsque les débats ont abordé l’information qu’ils ont eu le plus de
sincère acuité. Ainsi, pour parler d’AL-Jazzera au-delà des clichés, Mathieu Guidère, professeur d’Islamologie à l’université de Toulouse, retraça brièvement l’histoire de la chaîne d’information atypique de sa création en 1996 jusqu’à son rôle dans le Printemps Arabe. La perception de la chaîne a fortement changé depuis que, sans être actrice des révolutions elle en a permis la diffusion, et a donné un visage et une parole à l’opposition. Mais c’est aujourd’hui qu’elle se banalise : fortement concurrencée dans les pays où la parole s’est libérée, Al Jazzera est en perte d’audience… et se recentre sur le sport, une branche considérable qui impacte majoritairement les jeunes. Le débat sur le traitement de l’information dans la presse méditerranéenne a su se préserver des évitements habituels et Nicolas Demorand a d’emblée précisé les enjeux : «les voies et moyens du journalisme de qualité sont en érosion constante. Et si la presse écrite disparait, les médias dominants, audiovisuels, ne feront pas le travail démocratique.» Ignacio Cembrero chiffra précisément le problème : El Païs avait en 2006 420 journalistes et vendait 430 000 exemplaires. Aujourd’hui les ventes ont chuté à 310 000 exemplaires, et les recettes publicitaires ont diminué de 60%. Le journal autrefois largement bénéficiaire est aujourd’hui en déficit, les journalistes sont moins de 300, et font le même travail qu’avant, augmenté de celui pour les éditions numériques… Le traitement de l’information, forcément, s’en ressent, le travail d’investigation est devenu trop rarement possible, les sources sont moins vérifiées, on cherche des sujets qui se vendent, et ce qui coûte cher, enquête au long cours ou à l’étranger, présence
Omar Souleym an
ouvre… au parlement européen ou couverture régionale, tout cela se réduit… Avirama Golan, journaliste israélienne, répondit à une spectatrice qui l’interpellait sur le traitement d’un fait divers à Aubagne, qui avait été présenté dans Ha’aretz comme une agression à caractère antisémite alors qu’il s’agissait d’une simple altercation : elle avoua, impuissante, que les faits divers internationaux ne pouvaient plus être traités sérieusement, vérifiés, les témoignages confrontés, et que son journal s’en remettait comme les autres à des relais pas toujours fiables : «Aujourd’hui on sait tout dans l’instant, c’est magnifique, mais les fausses nouvelles aussi se multiplient.» Yannis Pretenderis, éditorialiste pour les quotidiens To Vima et Ta Nea, fut encore plus amer : «La presse grecque n’a pas vu venir la crise, et le peuple le lui reproche, nous traversons une véritable crise de confiance parce que nous n’avons pas été assez bons, et ne le sommes toujours pas.» Quant au traitement de la question européenne il est «à côté de la plaque, la presse se focalise sur Merkel petit Satan, et n’enquête pas.» Et Yannis Pretenderis de conclure : «Nous devons inventer un nouveau type de journalisme, qui sache traiter des problèmes européens, qui intervienne dans la vie publique, qui dise pourquoi la Grèce est en faillite, qui voit venir les choses et les analyse. Qui cherche à savoir à qui est la faute et comment en sortir.» Redonner de la crédibilité et de la force démocratique à la presse, débattre de son avenir et de ses formes, est sans doute le meilleur moyen pour retrouver des lecteurs. Le Forum Libération a su ouvrir à la fois un débat sur cet avenir, et brillamment inaugurer l’esprit démocratique de cette nouvelle maison de la Méditerranée. AGNÈS FRESCHEL, GAËLLE CLOAREC ET MANON MATHIEU
Ces débats ont eu lieu les 19 et 20 avril
Souleyman, fouteur de oaï magnifique
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L’icône syrienne de la dabhka a électrisé l’inauguration musicale de la Villa Méditerranée La fête sera de courte durée et aura mal commencé (des problèmes techniques ont plombé le démarrage du concert). Pourtant, entre la star syrienne des mariages et le public marseillais venu découvrir le nouvel édifice régional, la nuit de noces est explosive. Omar Souleyman, en dépit d’une allure austère rappelant un récent dictateur irakien, sait déclencher la liesse. L’homme aux moustaches, keffieh rouge et lunettes noires ne s’encombre pas d’instruments traditionnels. Sur fond de synthétiseurs stridents qui reproduisent avec frénésie des sonorités orientales (luths, violons, percussions) entortillées dans une électro primaire, Souleyman chante son désir pour les femmes. Celles qu’il a connues autant que celles qui lui ont échappé, comme le montrent les sous-titres de ses textes, projetés pour l’occasion en fond de scène. Aujourd’hui réfugié en Turquie, il est la voix d’une dabhka renouvelée, musique festive traditionnelle liée à une danse folklorique du Moyen-Orient qui a fini par entraîner l’auditorium
13 de la Villa Méditerranée. Comme il a su séduire l’Islandaise Björk et le Britannique Damon Albarn. Après une heure de concert dans une ambiance exaltée, Omar quitte la scène, sans rappel. Beaucoup plus chaleureux, Rayess Bek partage avec son prédécesseur des origines orientales -lui est Libanais- et un goût certain pour la musique électronique qu’il distille dans un hip hop proche du slam au propos assez finement engagé, reprenant Brassens et Vian. Mais l’apport le plus intéressant est la présence d’un joueur de oud qui anoblit une rythmique plutôt conventionnelle. THOMAS DALICANTE
Rayess Bek et Omar Souleyman ont joué le 3 mai à la Villa Méditerranée, à Marseille
Voyage au bout de la nuit Pour son premier rendez-vous cinéma du cycle intitulé Les yeux dans les yeux, la Villa Méditerranée nous a proposé un voyage au bout de la nuit avec le film de Yolande Zauberman: Would you have sex with an arab ?, succession des témoignages de juifs et palestiniens israéliens dans la nuit festive de Tel Aviv. Ils sont jeunes, écoutent la même musique, se ressemblent, se croisent dans les bars, les boîtes et dansent au bord du même précipice creusé par leur Histoire de haine et de sang. Des Romeo et Juliette potentiels à qui la réalisatrice, au moment où faiblissent les inhibitions, demande s’ils feraient l’amour ensemble. Question simple, frontale, fermée. La caméra guette la surprise, la
gêne, la nervosité des interviewés. Avant les mots, les visages en gros plan révèlent le conflit intime. Car qu’ils l’aient déjà fait, le feraient peutêtre, ou ne le feraient jamais, les réponses montrent que l’identité de l’autre conditionne le désir. Qu’on ignore «l’ennemi» considéré comme in-envisageable ou qu’on couche avec lui par conviction pacifiste, on a peur de tomber amoureux, peur des conséquences. La mixité chantée par les poètes est réservée aux courageux qui acceptent d’être des «électrons libres» ou à ceux qui ont cru un jour à la paix. «Ce n’est pas au lit qu’on mettra fin à la guerre» dit en substance Juliano Mer-Khamis, metteur en scène né d’un mariage mixte, assassiné à Jenine et auquel le film est dédié. On ne construit Would you have sex with an arab de Yolande Zauberman pourtant que sur le désir, affirme Yolande Zauberman qui croit en la puissance des marges. La traversée de la nuit qui suit dans sa dernière séquence la traîne rouge de la fiancée palestinienne, transsexuel à l’identité liquide, s’achève dans la lumière crue du jour sur les barbes et les schtreimels des orthodoxes comme une gueule de bois après l’ivresse. E.P
V I L L A M É D I T E R R A N É E
Une Villa pour la Méditerranée 14 V I L L A M É D I T E R R A N É E
Construit autour des enjeux contemporains spécifiques à la Méditerranée, le programme d’ouverture de la Villa Méditerranée, accessible au public depuis le 3 mai, dévoile la richesse créative du bassin méditerranéen. Le directeur de la Villa, François de Boisgelin, confiait dans un récent entretien (voir zib’57) la particularité de ce nouveau bâtiment d’être un lieu de rendez-vous (gratuits pour la plupart) destiné à la rencontre d’experts et à la circulation de tous les citoyens. En plus de débats et colloques, des parcours d’exposition sont imaginés et racontés par un artiste-narrateur (ou une narratrice, promettait le directeur dans ce même entretien), ainsi que des manifestations artistiques et culturelles soutenues cette année par Marseille-Provence 2013.
Plus loin que l'horizon, Istanbul, 19-09-2012 © Villa Mediterranee-Bruno Ulmer
Les parcours expositions Ces parcours, permanents ou temporaires, validés par un comité scientifique, sont la marque de fabrique de la Villa. Des dispositifs scénographiques innovants, interactifs, qui plongent le spectateur dans un récit visuel et sonore. Ainsi, dès le 14 juin s’ouvre Plus loin que l’horizon, parcours conçu sur 3 ans et réalimenté régulièrement par le documentariste Bruno Ulmer qui nous plonge, à partir de plusieurs récits des Ulysses d’aujourd’hui, au cœur des mobilités méditerranéennes. Tourisme de masse version croisière dans Welcome on board, ou traversées humaines avec Les hommes qui marchent et Les clandestins de la mer. Un parcours à vivre en prenant le temps de la contemplation. Parallèlement, 2031 en Méditerranée, nos futurs ! (du 14 juin à sept 2013), conduit par Régis Sauder, donne la parole à la jeunesse du pourtour méditerranéen. Après Nous, Princesses de Clèves, le réalisateur reprend son principe d’ateliers participatifs, menés à Beyrouth, Izmir, Tunis, et avec une classe du lycée Saint Exupéry à Marseille, où des jeunes de 15 à 20 ans disent librement «leur» Méditerranée. Un triple dispositif permettra de découvrir leurs angoisses, leurs espoirs et leurs rêves. Le dessinateur «public» Benoît Bonnemaison-Fitte a traduit leurs représentations d’avenir pendant qu’une caméra filmait le travail. Une fresque d’images diffusera les slogans imaginés par les participants.
Le Temps scellé © The Jakarta Post - Jerry Adiguna
La programmation événementielle Des manifestations pluridisciplinaires invitent à découvrir de nouvelles façons de vivre ensemble. Dans le cadre du cycle Exils et retours, le 17 mai, spectacle To Diplo Biblio (Le double livre), en grec surtitré, par la jeune Cie Pequod qui adapte le roman de Dimitris Hatzis, l’un des plus importants de la littérature grecque de l’après-guerre sur le récit d’une émigration en Allemagne et d’un retour déraciné. Les 23 et 24 mai, ce sera la pièce bouleversante de Nasser Djemaï, Invisibles, un hommage aux hommes venus travailler en France et qui vieillissent ici, écartelés entre deux rives. Côté cinéma, beaucoup de projections : le documentaire les Oubliés de Cassis de Sonia Kichah (le 21 mai à 19h), les Rencontres internationales des cinémas arabes (du 28 mai au 2 juin) avec Aflam (voir p.26) ; Première Passion de Philippe Baron (4 juin), Pasolini pa* Palestine, une création making of du collectif Ildi ! eldi d’après le film d’Avreen Anastas (le 6) ; Mur de Simone Bitton, Une bouteille à la mer de Thierry Binisti et Le fils de l’autre de Lauraine Levy (le 8) ; Le cochon de Gaza de Sylvain
Estival (le 9), et le 11 juin à 18h30, conférence sur la problématique de l’eau rare L’eau en partage. Le soir, concert Une nuit dans le désert du joueur de oud Yaïr Dalal et le 25 juin, les pionniers du rap Algérien : Lofti Double Kanon. Avec Le Trait et Le temps scellé, la chorégraphe Nacera Belaza présente le 28 juin deux pièces hypnotiques qui inoculent lentement, en cercles et délicatesse, la force de leur empreinte spirituelle. La création d’Hubert Colas, Gratte-Ciel, à partir du documentaire de Sonia Chiambretto créé sur la base d’archives et témoignages de jeunes Algériens conclura cette ouverture, du 3 au 7 juillet. DE.M.
04 95 09 42 52 www.villa-mediterranee.org
Voyage à l’intérieur du MuCEM Cet équipement majeur sera une bulle d’oxygène pour toute la région ! Pourtant, à quelques jours de son ouverture, le contenu et la vocation du musée restent mystérieux pour la plupart de ceux qui l’ont vu patiemment s’ériger au fil des ans…
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Zibeline : Le MuCEM a longtemps passé pour une Arlésienne muséale, un projet dont tout le monde parle et que personne ne voit jamais. Pouvez-vous nous rappeler ses origines ? Bruno Suzzarelli : C’est le premier Musée national décentralisé en province, un geste fort, qui a pris du temps. La décision de principe du ministère remonte à 2000, les études préparatoires se sont succédé, les concours… il y a eu trois ans de flottement entre 2005 et 2008, puis la désignation de Marseille-Provence comme Capitale européenne de la Culture a permis d’accélérer le mouvement, de convaincre les collectivités de participer à l’investissement : dans l’intérêt de tous il fallait que le MuCEM soit ouvert en 2013. Ce ne sera pas le seul établissement national en région, certains monuments historiques comme le Château de Compiègne ont ce statut, et les antennes régionales du Louvre ou du Centre Pompidou relèvent d’un financement central d’État. Mais là il s’agissait de faire venir les collections du musée parisien des Arts et Traditions Populaires, ce qui a un tout autre sens. Il y a eu également, dès le début du projet de décentralisation, des hésitations sur le contenu… Oui, à plusieurs titres. Fallait-il faire venir à Marseille les Arts et Traditions Populaires tels qu’ils étaient, ou changer le format et le projet scientifique ? Mon prédécesseur, Michel Colardelle, a compris qu’il fallait élargir le champ géographique d’un fonds muséal essentiellement français et historiquement colonial, pour l’ouvrir à un XXe siècle éclaté. Depuis 2009 nous envisageons le MuCEM comme un musée de la Méditerranée dans son rapport avec l’Europe, changement qui s’est opéré ici, en nous imprégnant du territoire. Un autre aspect important est notre vocation pluridisciplinaire… Un musée DES civilisations… Oui. On ne prétend pas être issus de l’ethnologie, nos témoignages ne sont pas seulement ethnographiques. Ils relèvent du quotidien, mais rendent compte de tous les regards des sciences sociales, des phénomènes de société, des grandes questions qui agitent la Méditerranée : la mobilité, la religion, les guerres, l’environnement… Outre les expositions permanentes et temporaires nous voulons que le MuCEM soit un lieu de rencontres, de débats, de propositions artistiques, dans un esprit très accueillant. Nous avons une ambition démocratique, nous voulons nous adresser aux gens qui vont et ne vont pas au musée en multipliant les occasions de les inté-
© Agnès Mellon
Un Musée des civilisations
Bruno Suzzarelli Directeur du MuCEM, ancien inspecteur général de l’administration au ministère de la Culture, il a dirigé depuis novembre 2009 la création du musée à Marseille, et la construction des trois pôles : le bâtiment du J4 et ses passerelles, le Fort saint Jean et ses jardins, le Centre de ressources et le déménagement des collections. Aujourd’hui il coordonne le fonctionnement, l’évolution du projet et la programmation culturelle.
Bruno Suzzarelli © MUCEM-C
hristophe Fouin
resser. Un musée comme le nôtre doit faire comprendre sa vocation. Qui est ? De créer une nouvelle vision de la Méditerranée, qui n’impose pas un point de vue européaniste. De donner du recul, pour permettre d’élever le niveau de compréhension de cet espace. Définir un champ, c’est définir ses frontières. Vous limiterez-vous à la Méditerranée, irez-vous vers l’Asie et l’Afrique ? Nous n’empièterons pas sur les collections et vocations du Quai Branly ! N’y a-t-il pas quelque chose de gênant dans le fait de garder à Paris les Musées d’Art, et d’établir à Marseille les Traditions populaires ? Marseille est une ville populaire, ce qui n’a pas de lien avec nos collections. On récuse ici cette idée de la hiérarchie entre les arts : pour construire un musée des civilisations les questions
de société s’exposent à travers des objets usuels, des beaux arts, de l’art contemporain : le regard des artistes est important et différent, un musée de société qui s’en priverait se couperait une jambe. Combien de visiteurs attendez-vous ? On estime à 250 000 le nombre annuel de visiteurs dans tous les musées de Marseille. Ce qui est largement en dessous de villes équivalentes ou plus petites comme Bordeaux, Lille, Toulouse ou Lyon. Ce retard va être comblé avec tous les nouveaux équipements muséaux. Ici nous comptons sur 300 000 visiteurs annuels, ce qui semble un objectif moyen ambitieux mais raisonnable. Nous travaillons sur des segments de public, scolaires, touristes, ou dans le champ social, pour que tout le monde vienne… Le fonctionnement du MuCEM suppose une part de recettes propres importante en volume. Comment comptez-vous l’obtenir ? Oui, de l’ordre de18 ou 20%, ce qui peut sembler peu, et le serait à Paris. Mais ici, avec la politique tarifaire qui correspond à nos ambitions démocratiques, la billetterie ne suffira pas à fournir ces recettes. Les cas de gratuité sont nombreux, il n’y a pas ici le même consentement à payer. Comment allez-vous faire ? Le mécénat n’est pas non plus facile à l’heure actuelle… Nous allons louer les espaces à des événements privés. Il y aura aussi une librairie et un restaurant. Qui ne transformeront pas ce lieu en temple de la consommation ! Pas de boutiques avec des fac-similé en plâtre ? Avec la Librairie Maupetit je pense que l’on peut gager sur la qualité ! ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AGNÈS FRESCHEL
Exposer la pensée
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Zibeline : Vous êtes responsable du contenu scientifique du musée de l’Europe et de la Méditerranée. Pourquoi avoir conçu la majeure partie de sa surface permanente comme des galeries de la Méditerranée ? Zeev Gourarier : Il y avait une idée forte préalable à ma venue, qui n’était pas une bonne idée : comment faire un musée de l’Europe et de la Méditerranée sans être néocolonialiste ? Les collections des ATP sont historiquement constituées d’objets français et de ses anciennes colonies… et la Méditerranée n’appartient pas à l’Europe. Il fallait par ailleurs construire ce musée autour d’une problématique. Penser la Méditerranée va de soi. Pourquoi ? La méditerranée est un ensemble cohérent qui constitue un cas particulier de l’histoire des hommes, un bassin de civilisation singulier, où les trois grands monothéismes sont nés. Il y a des histoires parallèles des civilisations. Certes le bassin méditerranéen n’est pas supérieur aux bassins chinois ou aztèque. Mais on peut y retrouver des traces des grandes mutations humaines, sur un temps long, conjoncturel et événementiel. C’est-à-dire ? La première galerie s’appelle, dans cet ordre, Invention de l’agriculture et naissance des Dieux. En Méditerranée cela se passe il y a 6000 ans, mais les dieux sont nés aussi ailleurs. Tout se passe comme si, en se sédentarisant, en domestiquant la nature, l’homme ne pouvait plus se sentir un animal. Et que cette domination de la nature le conduise, par analogie, à inventer des dieux le dominant. Cela se passe partout, chez tous les hommes, de la même manière. Et vous allez montrer cela ? Que l’homme invente Dieu ? Les dieux. Oui, je vais essayer ! Ce n’est pas facile d’exposer des concepts que le visiteur peut appréhender au gré de ses déambulations… Donc : Al-Buraq devant la mosquee Al-Aqsa, Nasser Ellefi, Tunisie, vers 2000, peinture sous verre © MuCEM
l’homme quitte la pensée totémique, celle d’un aborigène qui se pense kangourou –pas comme un kangourou, mais véritablement kangourou. Il quitte aussi la pensée animiste, celle qui fait que l’on demande son avis à la montagne, aux éléments -la pensée animiste persiste dans la croyance astrologique, un mode de pensée ne disparait pas tout à fait quand une autre apparait… Donc, l’homme invente les dieux… Oui, c’est la première révolution de l’humanité. Le chasseur-cueilleur se sédentarise, partout dans le monde par vague, et change son mode de pensée. Il devient analogique et pense que, puisqu’il plante et domestique, quelqu’un l’a créé et décide pour lui. Il n’est plus l’animal, mais comme l’animal. C’est donc une vision de l’homme que vous exposez dans vos galeries. Y’at-il une hiérarchie entre ces modes de pensée, un progrès ?
Zeev Gourarier Conservateur général du patrimoine, il est le directeur scientifique et culturel du MuCEM depuis novembre 2010, le commissaire des expositions permanentes des galeries de la Méditerranée et du Temps des loisirs. Directeur adjoint des ATP jusqu’à leur fermeture en 2002, puis directeur du musée de l’homme, il a publié de nombreux ouvrages, notamment sur la fête et le cirque, et conçu de grandes expositions au Grand Palais ou à Versailles.
Zeev Gourarier © MuCEM
L’homme développe des systèmes de pensée en rapport avec le monde dans lequel il vit. Le mode de pensée du chasseur cueilleur est le meilleur dans son monde, et ne peut pas être un modèle dans le nôtre, même si il peut nous apprendre des choses. Depuis 100 000 ans au moins les capacités cognitives des hommes n’ont pas changé, il n’y a pas de supériorité d’une civilisation sur une autre. Tout au plus des progrès, techniques, et des progrès dans le respect de l’autre. La Méditerranée n’est donc pour vous qu’un exemple ? Non. Elle a de fortes singularités conjoncturelles, qui l’ont conduite vers la seconde grande mutation de l’humanité. L’invention des monothéismes, dont Jérusalem sera le symbole dans l’exposition, conduit l’homme à penser que ce ne sont pas les dieux qui font mal et lui qui subit, mais lui qui agit mal, qui est responsable et redevable auprès des autres. Ce qui constitue un progrès moral considérable, et permet l’invention de la citoyenneté (objet de la troisième galerie) qui naît en Grèce, mystérieusement. Pas pour tous… Oui la citoyenneté grecque est sectorielle, il faut être homme, libre, avoir une panoplie… Les céramiques grecques ne montrent pas le citoyen qui vote, mais qui chasse ou banquète. La citoyenneté évolue, en particulier parce que le Christ proclame que tous les hommes ont une âme, y compris le Rois mages venus d’ailleurs… Peu à peu on se demande pourquoi Dieu n’a pas donné d’âme aux Amérindiens, si les noirs, si les femmes ont une âme, et quelque chose se passe au niveau de la morale. Même si -nous le montrons avec une guillotine, le mur de Berlin- le droit à la vie ou le droit de circuler ne sont pas acquis. Vous parliez d’une seconde grande mutation, que nous sommes en train de vivre, comme les chasseurs-cueilleurs ? Oui. Nous sortons du mode de pensée analogique, c’est la pensée naturaliste qui prend le dessus. Nous ne sommes plus des agriculteurs, nous ne comprenons plus le monde par comparaison, mais en le découvrant, en comprenant que nous sommes différents de la nature, mais constitués de la même matière. Donc sans nécessité de Dieu créateur. L’idée de Dieu commence à ne plus être obligatoire au XVIIIe siècle. Avant cela c’est inenvisageable. L’homme a découvert le monde ; avec Vasco de Gama la Méditerranée est devenue une mer intérieure. Dans Au-delà du monde connu, la quatrième galerie, on entre dans le temps événementiel, on montre de beaux objets, une sirène des îles Fidji, des soieries, des porcelaines, des objets précieux… pour que ceux que j’ai perdu avec mes concepts aient au moins le plaisir des yeux ! La navigation, les cartes des Portulans, un astrolabe, des instruments de précision, une caravelle… Après cela il n’y aura plus qu’à enchainer avec le Noir et le Bleu ? Oui, il commence où mes galeries finissent ! ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AGNÈS FRESCHEL
Les Lumières et leur ombre Zibeline : Le Noir et le bleu est le titre d’un ouvrage que vous avez publié en 1998… Oui, cette exposition est le fruit d’une vingtaine d’années de réflexion. Il s’agit de mettre en évidence ce qui fait de la lumière et ce qui la nie. C’est-à-dire la barbarie. Les lumières et leur ombre. Qui sont donc reliées ? Oui. L’exposition part des Désastres de la guerre de Goya. Des idéaux des Lumières qui conduisent à la répression barbare, à la douleur. Ce qui interroge dès l’entrée sur l’idée de civilisation, et permet d’écrire immédiatement ce mot au pluriel. Il faut renverser la carte mentale pour comprendre comment l’ombre et la lumière sont reliées. Pourquoi symboliser les contradictions par ces couleurs, qui d’ailleurs ne s’opposent pas ? Parce que les 400 œuvres que nous exposons nous parlent aussi de notre «obstination à rêver, dans laquelle chaque civilisation trouve sens et direction» comme l’affirme Wajdi Mouawad : face à Goya il y a Miro, son bleu, infini, que le Noir ponctue, plus ou moins, linéaire comme l’écriture. À partir de ces trois points départ, le Bleu, le Noir, le rêve méditerranéen, vous avez conçu un parcours historique… …en douze moments. Nous suivons le fil du temps par nappes, en prenant garde d’équilibrer les représentations : chaque moment doit être regardé des deux rives, sans eurocentrisme. Or nous avons, historiquement, plus de représentations européennes. J’ai donc veillé à ce que les œuvres exposées se répondent le plus souvent possible en miroir. Ainsi, lorsque nous évoquons la conquête napoléonienne de l’Égypte, nous mettons en regard la répression du Caire vue par Abel Gance ou Youssef Chahine. Pour la colonisation française nous montrons les représentations algériennes d’Abd el-Kader, où il apparaît sur un pied d’égalité avec Napoléon III. Nous montrons aussi comment Mehemet Ali, qui se présente comme le successeur de Bonaparte, reprend l’argument de civilisation pour moderniser l’Égypte. Les intentions civilisatrices sont donc ambigües, dominatrices, mais relevant d’une utopie ? Dès 1832 l’utopie méditerranéenne apparait chez les Saint Simoniens. Le topos du Rêve méditerranéen passe ensuite par le philhellénisme, la célébration de l’antique. La Grèce blanche, comme le dit Philippe Jockey, qui blanchissait la statuaire pour rendre purs les visages, jusqu’aux films nazis de Leni Riefenstahl… On retrouve pourtant le rêve Saint Simonien autour du percement du Canal de Suez avec de belles images d’archives du début du siècle, qui célèbrent une continuité devenue possible par la connexion du chemin de fer et de la navigation à vapeur… L’idéal du progrès technique… Ou le même, celui, généreux, de La Civilisation Universelle nourrie par la Raison, fondée par la Science et agie par la Technique. En même temps le XIXe siècle a inventé la mer, la villégiature, le Grand Tour, bâtit des corniches… Nous montrons cela à travers des affiches, des objets, des photographies. Puis nous nous attachons à trois villes composées de multiples populations : Istanbul, Alexandrie, Beyrouth. Le rêve cosmopolite a plusieurs visages, effrayant lorsqu’on regarde le Registre des indésirables à Istanbul même si, à travers les photographies du personnel de la banque Ottomane, on se rend compte à quel point ce cosmopolitisme était réel… Le parcours se poursuit par l’évocation de trois intellectuels… Oui. Le Gai savoir de Nietzsche, le Cimetière marin de Paul Valéry, la Prière de Taha Hussein. La Méditerranée est,
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Bleu II, Joan Miro, 1961, Centre National Georges Pompidou, Paris
pour ces trois hommes-là, un rêve partagé. Il y a aussi, dans les années 30, une connexion intellectuelle et artistique, que l’on illustre par le moment andalou de Lorca et de Manuel de Falla. Puis le parcours vire au tragique… Comment illustrez-vous cette plongée dans le Noir ? Avec le Minotaure de Masson. On s’interroge sur les représentations fascistes, nazies, que l’on met en regard avec la résistance d’Abdelkrim au Maroc ; sur les reconstitutions des batailles qui servaient la propagande ; sur la France, qui, pour le centenaire de la conquête algérienne, l’a rejouée en armes. Avec des arrêts sur les nœuds tragiques de l’Histoire, qui ont brisé le rêve : l’incendie de Smyrne en 1922, Barcelone 36/40, la destruction de Marseille en 43, Setif 45, Jérusalem 48, Suez 56, avec le déboulonnage de la statue de Lesseps, Alger 62, avec en regard la joie des Algériens, le désespoir de ceux qui partent… Le Noir a-t-il gagné, l’idéal est-il mort ? Wajdi Mouawad nous dit le contraire dès l’entrée. Les poètes et les artistes le réinventent, ou en témoignent :
Thierry Fabre Responsable du développement culturel et des relations internationales du MuCEM, commissaire général de l’exposition inaugurale Le noir et le bleu, chargé de la programmation culturelle Les Intensités d’été. Docteur en sciences politiques, il a quitté l’Institut du Monde Arabe et la revue Al Qantara qu’il dirigeait pour fonder à Marseille, en 1994, les Rencontres d’Averroès, et la revue La Pensée de midi qu’il a dirigé durant ses 10 ans d’existence. Thierr y
Fabre © Agnès M ellon
Soutine, De Staël, Klein et sa Vague regardent à nouveau vers le Bleu… Il est réinventé aussi par le savoir, et nous évoquerons Germaine Tillion, et Braudel. Avec des salves d’avenir pour conclure : une installation contemporaine humoristique de Larissa Sansour, et l’espoir porté par les peuples qui aujourd’hui écrivent une partie significative de l’histoire, avec les révolutions… Au long de ce parcours, les œuvres illustrent-elles une thèse ? Les œuvres ne sont pas là pour illustrer, mais pour faire surgir. Avec cet alliage rare d’œuvres d’art, d’archives fortes et de créations contemporaines, nous cherchons à créer une puissance symbolique, un mode de préhension sensible, pour exposer une pensée visuelle. Un catalogue complété par un abécédaire, ainsi qu’un ouvrage évoquant sous forme de Portraits ceux qui sont évoqués dans l’exposition, prolongeront la démarche, et donneront une épaisseur plus conceptuelle à ce qui est mis en œuvre ici. Tous sont sous presse, et seront disponibles le jour de l’inauguration. ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AGNÈS FRESCHEL
Le Noir et le Bleu. Un rêve méditerranéen 1500 m , J4 jusqu’au 6 janvier 2014 www.mucem.org
Les genres humains ?
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Zibeline : Pourquoi avez-vous choisi de vous centrer, pour cette exposition inaugurale temporaire, sur la question du genre en Méditerranée ? Denis Chevallier : Un musée des civilisations doit aborder les grandes questions de société qui agitent son espace. Les questions chaudes et polémiques. Nous en avons défini plusieurs : celle de l’eau, le thème du religieux, les migrations, la ville, et toutes les interrogations liées à l’altérité, à comment vivre «entre autres». Le MuCEM veut s’emparer de ces sujets brûlants, présents aussi dans les expositions inaugurales… Mais le point à propos du masculin féminin, fondateur du groupe social basique, ainsi que la manière dont les sociétés méditerranéennes codifient la sexualité, nous semblaient essentiels à poser d’entrée. L’exposition va parler d’homosexualité, de rapport entre les sexes ? Entre autres. Nous allons parler de l’égalité hommes femmes, en particulier au travail. De la question du voile, qui stigmatise les femmes ou qu’elles revendiquent comme un signe d’appartenance à une communauté. Puis de la sexualité, hétéro et homosexuelle : la virginité, l’âge du mariage, la sensualité. Et de la revendication de genre qui est récente, des lois répressives sur l’homosexualité autour de la Méditerranée. L’actualité, avec la loi du mariage pour tous et les mouvements homophobes, rend ce sujet brûlant… Le vivez-vous comme un risque ou comme une chance ? Cela tombe plutôt bien ! Les gens sont aujourd’hui intéressés par le sujet. On ne cherche pas à exciter, il n’y a aucune provocation dans notre démarche, mais il faut montrer ce qui est. Par exemple, on pourra nous taxer d’islamophobes en regardant la carte des règlementations sur l’homosexualité. On a beau atténuer les couleurs, opposer le gris pâle au bleu plutôt que le noir au blanc, il apparait clairement que les pays musulmans conservent des lois homophobes. Il faut le dire… Qu’allez-vous montrer dans ces 500 m2 ? Nous avons défini des thématiques -nous n’avions
pas la place pour une approche historique- et nous sommes concentrés sur les changements depuis 50 ans. C’est-à-dire depuis la révolution de la contraception. En Algérie il y a 50 ans les femmes se mariaient entre 16 et 18 ans et avaient en moyenne 6 enfants. Aujourd’hui elles se marient à 30 et ont 2 enfants. Notre section Mon ventre est à moi retrace cela, et le fait qu’une «femme accomplie» reste généralement une mère en Méditerranée. Les Chemins de l’égalité passent donc par la revendication des droits politiques, mais aussi ici par Myriam Lamare championne de boxe, les féministes qui luttent contre les images dégradées de la femme, contre Berlusconi en 2011… On s’attache au combat LGBT à travers l’histoire des Gay Pride, de leur répression, en montrant que les droits, comme le mariage pour tous, précèdent souvent les sociétés… qui continuent à fabriquer des objets homophobes, des insultes courantes homophobes. On a ainsi conçu une douche sonore homophobe, pour faire entendre la violence des mots… Cela peut être choquant ! Selon Walter Benjamin il faut produire «un petit choc pour faire entrer l’histoire dans les mémoi-
Denis Chevallier Conservateur du patrimoine, docteur en ethnologie, il est directeur adjoint du MuCEM, responsable du département recherche et enseignement, commissaire de l’exposition Au Bazar du genre, et de la programmation culturelle de la Semaine du genre. Il prépare, pour 2014 et 2015, des expositions temporaires sur le Carnaval, les Lieux Saints, la nourriture… Denis Chevallier © Frederic Presles
res». C’est ainsi que je conçois une exposition, qui pour moi n’est pas un alignement de beaux objets. Y aura-t-il cependant des œuvres d’art ? Oui, des commandes contemporaines, à Fred Sathal par exemple, une trentaine d’œuvres en tout, comme cette tapisserie de Sandra Dukiç qui exhorte Enfante ! Une vingtaine de films aussi, dont une commande. Les lesbiennes de Nan Goldin qui répondent aux Damnées de Rodin… puis des objets issus des collections des ATP, des amulettes viriles, des vêtements… et des collectes récentes : des objets acquis lors de pèlerinages de fertilité, un kit d’hymen artificiel, interdit en Égypte, preuve que cela marche, des costumes de Gay Pride, des photos de banderoles revendicatrices ; des objets plus anciens aussi, une coupe de XVIe siècle qui montre la femme qui sort de la côte d’Adam… On évoque aussi la violence faite aux femmes en Égypte, les Vierges jurées en Afghanistan, qui ont le droit d’être traitées en hommes si elles jurent de rester vierges… Les objets d’art ont-ils pour vous une valeur différente des objets du quotidien ? Pas dans le cadre d’une exposition comme celleci. L’équilibre art/objet de peu ne compte pas, la valeur archéologique non plus, il faut que l’objet dise quelque chose, qu’il ait du sens, la charge esthétique ou émotionnelle pouvant être plus ou moins forte. Il faut que l’objet soit rare, ou surprenant, mais sa valeur m’importe peu dans ce cadre. Les objets sont les mots des muséologues, ils s’articulent les uns aux autres, ils n’ont pas de sens tout seul… ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AGNÈS FRESCHEL
Au Bazar du genre, Féminin-Masculin en Méditerranée 500 m2 , J4 jusqu’au 6 janvier www.mucem.org
Rataj - Enfante, Sandra Dukic, Banja Luka, Bosnie-Herzegovine, 2006, matiere textile © MuCEM, Christophe Fouin
Trois autres expositions inaugurales commenceront le 7 juin, ainsi qu’une programmation artistique gratuite Fort Saint-Jean Le Temps des Loisirs
Panneaux de Van Crayenest, Charles Van Craeyenest, France, 1947, bois, matiere textile © MuCEM
Centre de Conservation et de Ressources
☛Exposition permanente, accrochage renouvelé tous les 3 ans, 850 m2. ☛Commissaire général : Zeev Gourarier Un parcours historique retrace le passage des fêtes rituelles millénaires à la société des loisirs, après la Révolution puis au Second Empire (fête foraine, cirque, magie…). Une exposition riche en objets rares et spectaculaires, trésors de la collection des ATP ou acquisitions retraçant les rites de passages (de la naissance à la mort), les fêtes calendaires (solstices, vendanges, moissons, fêtes religieuses…) puis les fêtes foraines, cirque et marionnettes…
Expositions photographiques ☛Quatre expositions photographiques successives, 320 m2. ☛Commissaire général : François Cheval Du 7 juin au 29 juillet : Les choses de ce côté du monde, une exposition collective présente le travail de huit vidéastes et photographes contemporains autour de Marseille et ses environs (André Mérian, Stéphane Couturier, Servet Kocyigit, Ange Leccia, Patrick Tosani…) Du 9 août au 23 sept : Odyssées d’Antoine d’Agata, un portrait des migrants auxquels il s’est mêlé lors de leurs périples aux frontières. Ateliers de l’Euroméditerranée. Du 4 oct au 18 nov : Memory of trees, de Kathryn Cook, séries en noir et blanc et couleur où la photographe américaine a recherché, à Marseille et en Turquie, la mémoire effacée du génocide arménien. Ateliers de l’Euroméditerranée. Du 29 nov au 28 janv : MareMater. Patrick Zachmann voyage à travers la mémoire juive, confronte son histoire familiale à celle des migrants d’aujourd’hui. La mère du King, Saida, 2001 © Jean-Luc Moulene
Les Intensités d’été Dès l’ouverture et durant tout l’été, une programmation de cinéma, concerts, débats et de spectacles de plein air, offerte aux visiteurs, au Fort Saint Jean ou dans l’Auditorium Germaine Tillion… Cela commence à Marseille dans les années 40 pour finir le 1er septembre en évoquant Marseille aujourd’hui… Autant de propositions qui s’inscrivent en complément et écho aux expositions temporaires et permanentes.
sit, spectacle de Serge Hureau et du hall de la chanson, autour de la TSF pendant l’occupation Le 16 juin à 16h30 : Resisting paradise, un documentaire de Barbara Hammer suivi à 18h30 de Fluchweg nach Marseille (la fuite vers Marseille) de Ingemo Enstrom Du 17 au 22 juin : Prix Med (voir p 72) Rencontres, projections de documentaires et remise des prix. www.mucem.org Estrella Morente © X-D.R
Au programme
Enseigne de baraque foraine, France, 20e siecle © MuCEM
☛Des personnalités extérieures posent sur les collections du MuCEM, conservées au CCR, un regard libre qui tisse des liens inédits. 100 m2. Jusqu’au 6 janv : Présentée vivante. Jean Blaise, directeur général du Voyage à Nantes, a fait appel à l’écrivain Joy Sorman pour relier des objets divers possédant chacun une histoire propre. Avec la commissaire d’exposition Patricia Buck, ils ont mis en scène ces objets choisis autour du texte de Joy Sorman.
Le 7 juin à 22h : Concert d’ouverture avec le Khoury Project des frères Khoury (oud, violon, qanoun) qui invitent la chanteuse andalouse Estrella Morente Le 14 juin à 18h30 : une rencontre autour de l’Art en guerre à la Villa Air Bel et au camp des Milles, suivie à 22h de la projection de Transit de René Allio, d’après Anna Seghers Le 15 juin à 14h : Etat de piège ou la filière marseillaise, documentaire de Terry Wehn Damish, suivi à 16h30 des Camps du silence de Bernard Mangiante et d’une rencontre débat, à 18h30, autour de Varian Fry et Gilberto Bosques À 21h30 : On chantait quand même - Radio tran-
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Le premier temps de la capitale culturelle a su rassembler les foules, proposer des formes contemporaines, et de singulières surprises. Même si la satiété esthétique ou intellectuelle ne fut pas toujours au rendez-vous. En sera-t-il de même pour le second épisode, qui s’annonce encore plus fort ?
De Cézanne à Matisse : 22 M P 2 0 1 3
notre identité culturelle ? Assurément, cela va être une grande exposition : tout le monde l’attend, ces peintres-là sont les préférés des Français et des touristes qui viennent en France. Le Palais Longchamp et le Musée Granet, chacun dans son genre, sont des lieux magnifiques, rénovés, tout à fait prêts à accueillir une grande exposition internationale, tant au niveau de la sécurité des œuvres que de la circulation des publics. Cela fait longtemps que l’on attend un vrai musée des beaux arts à Marseille, et une fois encore la capitale culturelle a permis l’équipement d’un lieu indispensable. Bref tout est réuni pour que Le Grand Atelier du Midi soit le climax, en termes de fréquentation, d’une année culturelle qui réunit les foules. On peut cependant s’interroger sur l’insistance de Jean-Claude Gaudin, lors de la conférence de presse organisée à Paris, à présenter cette exposition comme «le véritable début de la Capitale.» La Mairie de Marseille soutient pourtant ses artistes et la création. Pourquoi présenter ainsi cette exposition qui, si elle ravit le secteur du tourisme, et va permettre à chacun d’approcher un patrimoine inégalé pour au plus 19 euros (billet couplé plein tarif), ne crée aucune richesse culturelle, et dépense un budget colossal (non communiqué) en assurances, frais de transports, et locations d’œuvres ? Au plus jette-t-elle des ponts inédits entre des œuvres et des courants, comme le font l’expo Rodin à Arles ou Picasso à Aubagne : pour magnifiques qu’elles soient, ces expositions ne peuvent s’annoncer comme les événements primordiaux d’une Capitale qui veut avant tout fabriquer de la culture. Où est aujourd’hui l’atelier du midi qui permettra de léguer un patrimoine à nos enfants ?
Un événement exceptionnel Mais la curiosité du public pour cette période artistique semble infinie, comme un éternel retour à ce qui figure en déformant, permettant à la fois de reconnaitre le sujet et d’admirer la distorsion. Dans ce domaine patrimonial l’exposition est indéniablement exceptionnelle, tant au niveau du volume (près de 200 œuvres rassemblées, dont nombre de grands formats et pléthore d’œuvres majeures, mais 1 seule femme sur 49 artistes) que du point de vue adopté. Il s’agit en effet de voir ces œuvres tout à côté des paysages qui les ont vues naître, dans leur lumière de l’été. Bruno Ély et Marie-Paule Vial, respectivement commissaires des expositions à Granet et à Longchamp, ont conçu des parcours éclairants, choisis, truffés de
André Derain, Le Faubourg de Collioure, 1905. Huile sur toile, 59.5 x 73.2 cm, Paris, Centre Pompidou, musée national d’art moderne, achat en 1966 © Centre Pompidou, MNAM-CCI, dist. RMN-Grand Palais – Philippe Migeat © ADAGP, Paris 2013
mises en perspectives inédites. À Marseille l’histoire de la couleur, les fauves, depuis les tourments de Van Gogh, l’éclat de Bonnard, jusqu’aux années 50 avec Monet, Renoir, Dufy, Signac, Soutine, Vallotton, Dali. À Aix l’histoire des formes depuis Cézanne bien sûr, jusqu’à l’abstraction ou aux papiers découpés en passant par le cubisme, Picasso, Derain, Gauguin, Man Ray, Modigliani, Matisse, Braque… L’itinéraire de ces peintres se croise autour des mêmes motifs dans les paysages provençaux, mais aussi à Collioure, en Espagne, en Italie, sur les rives de cette Méditerranée latine où tous sont venus séjourner, s’arrêter et vivre. Et qui éclate indéniablement dans leurs œuvres, paysages marins, Sainte Victoire, Estaque, voies ferroviaires et jardins éclairés de la même lumière, faisant jaillir la couleur et la forme indomptées… AGNÈS FRESCHEL
Pablo Picasso, Paysage, Juan-les-Pins, 1924. Huile sur toile, 38 x 46 cm, collection particulière © Succession Picasso 2013
Le Grand Atelier du midi du 13 juin au 13 oct Musée Granet, Aix Musée des Beaux Arts, Marseille www.mp2013.fr/le-grand-atelier-dumidi-2
Claude Monet, Antibes, 1888. Huile sur toile, 65 x 92 cm, Londres, The Courtauld Institute © The Samuel Courtauld Trust, The courtauld Gallery London
Picasso et la
mère méditerranée Si le magnifique catalogue de 224 pages est trop lourd pour visiter l’exposition Picasso céramiste et la Méditerranée à Aubagne, le hors-série Découverte Gallimard écrit par Bruno Gaudichon est idéal. Petit, pratique, thématique et abondamment iconographié, il dit tout sur son aventure de la terre : le rapport du sujet ou du motif au support, l’inspiration tauromachique, «les grecqueries» ou l’Antiquité revisitée, l’enracinement dans la production traditionnelle locale, l’invention permanente… Mais on peut tout aussi bien appréhender le dialogue du maître avec la Méditerranée vierge de toute information tant l’exposition se lit à «œuvre ouverte». Nul besoin donc de savoir que sa visite de l’exposition des potiers de Vallauris en juillet 1946 fut une révélation ou que son installation à Antibes à 65 ans sera un retour aux sources, décisif et foisonnant, pour admirer ces 160 pièces hors normes. Il suffit d’aiguiser son regard pour percevoir dans les formes l’importance des sources antiques ou populaires méditerranéennes : les gourdes portées sur le dos se transforment en insectes, les poêlons à châtaignes deviennent des masques, les tomettes et les lastres sont détournées de leur usage et dans les Tanagra, il réinvente ses propres codes. Pour remarquer la spontanéité des dessins exécutés d’un seul trait car il réalisait ses céramiques en peintre ! Pour s’étonner de la matité ou de la brillance des couleurs déclinées en d’infinies variations comme cette
Femme aux cheveux verts de 1948 dont on voit les «accidents de cuisson». Pour saisir l’amplitude des thèmes : les faunes cannibalisent les plats à viande, les pichets, les tomettes ; les motifs tauromachiques envahissent l’arène des coupelles et des plats espagnols ; les poissons et les grappes de raisin comme des natures mortes offertes… Par une habile mise en perspective de l’ancien et du moderne, et par sa générosité, l’exposition touche les néophytes comme les érudits. À la manière de l’illustre artiste qui légua la majorité de ses pièces aux musées de Malaga, de Barcelone, Céret, Paris, Antibes, et qui travailla main dans la main avec les artisans céramistes de l’atelier Madoura de Georges et Suzanne Ramié à Vallauris. Qui, en pleine maturité, «retrouva ce sentiment d’appartenir à la culture méditerranéenne» et ne cessa jamais d’ouvrir de nouveaux chemins. Jusqu’à sa mort. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
jusqu’au 13 oct Chapelle des Pénitents noirs-centre d’art, Aubagne www.picasso2013.com À lire Catalogue, Gallimard, 39 euros Hors-série Découverte Gallimard, 8,30 euros
Tête de femme (recto), Tête d’homme (verso), 12-8-50. Poêlon à châtaignes, terre cuite rouge chamotte tournée,peinte aux engobes, intérieur sous alquifoux 32,5 x 7,5 cm. Diam. 22 cm. Pièce unique. Coll. part. © Successions Picasso 2012 © Maurice Aeschimann
Oeuvre de Patrice © Gaelle Cloarec
Les beaux jours J1 Nul ne sait encore ce qu’il adviendra de lui après l’année capitale... mais chic ! Le J1 prolonge son ouverture jusqu’au 26 mai inclus, occasion pour ses insatiables visiteurs (150 000 comptabilisés fin avril, soit 10 000 visiteurs par semaine…) de savourer encore ce lieu d’exception avant la pause estivale. De se prendre au jeu du photomaton argentique installé par Eddy Bourgeois, qui permet de composer un petit scénario en 4 images, et remporte un tel succès qu’une exposition est prévue à l’automne. De se perdre le long des tombes du Père Lachaise, dont Stéphanie Solinas a collecté les phrases d’adieu («Qu’un nuage d’amour aille jusqu’à toi», «Ma tristesse est profonde, mais je sais que je te retrouverai»...) et photographié les médaillons, qui ressemblent de loin à des empreintes digitales, et de près à un corps radiographié. De s’attarder sur les visages composant l’ultime mosaïque des Chercheurs de midi, celle des Personnages, après l’épisode des Paysages et celui des Usages. La plus nostalgique, la plus touchante peut-être, celle où l’on voit le plus de photographies anciennes, qui évoluent du cliché posé «bourgeois» datant d’une époque où les appareils coûtaient cher à la démocratisation des prises de vue spontanées. La Galerie travaille sur un projet de livre et DVD avec les Éditions Bec en l’air, pour que les très nombreuses images reçues aient un avenir... Occasion surtout de découvrir l’incroyable travail de Patrice, compagnon d’Emmaüs à la Pointe Rouge, qui dans son atelier élabore une multitude d’objets mystérieux et évidents à la fois. Un sablier avec des cailloux en guise de sable, pour que le temps passe moins vite ; une série de couverts aux gestes caressants ; une pipe qui ne cassera pas, renforcée qu’elle est par une chaîne... Ce monsieur si discret qu’il a choisi de n’avoir qu’un prénom risque de ne pas pouvoir rester anonyme longtemps ! GAËLLE CLOAREC
À venir Le Corbusier et la question du brutalisme du 11 octobre au 12 janvier J1, Marseille 04 91 88 25 13 www.mp2013.fr
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Rien ne s’efface tout à fait L’artiste palestinien Taysir Batniji inaugure le nouvel espace culturel de Salon-de-Provence. Un premier choix hardi qui met en avant l’art contemporain
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Taysir Batniji, L'homme ne vit pas seulement de pain #2, Salon-de-Provence, 2013, vue partielle © C. Lorin-Zibeline
L’approche politique et humaniste se retrouve dans cinq vidéos volontairement brouillées (projection sur mur noir) suggérant la confusion des vies quotidiennes de personnes en transit. Pour une première, ce choix porte une ambition certaine compte tenu d’un public toujours à conquérir pour la culture. Celui-ci pourra se tourner ensuite vers les œuvres d’art singulier de Raymond Renaud, personnalité artistique salonnaise remarquée par Jean Dubuffet, ou observer bientôt depuis le château de l’Empéri l’anamorphose urbaine éphémère conçue spécialement par Felice Varini. Comme d’autres communes Salon se met à l’art contemporain.
Gageons que le projet se confirme au-delà de 2013 ! CLAUDE LORIN
Taysir Batniji L’Homme ne vit pas seulement de pain jusqu’au 16 juin Espace Robert de Lamanon, Salon-de-Provence ateliers et visites guidées 04 90 44 89 90 (1) en collaboration avec l’Addap13 et l’Aagesc (Association pour l’Animation des Equipements Sociaux)
Comme une vibrante cathédrale... Le Vieux-Port transfiguré pour l’inauguration de la Folle histoire ! Personne n’aurait imaginé traverser le VieuxPort de Fort à Fort à pied sec, sinon en rêve... Ce rêve est devenu réalité pour plus de 400 000 personnes les 3 et 4 mai grâce à Carabosse qui, loin d’être la méchante fée du conte, est un collectif d’artistes multiples, comédiens, plasticiens aimant jouer avec le feu en déclenchant des rêves ! Sollicités par Karwan, structure initiatrice du projet, ils ont imaginé la construction d’un ponton de 160m, constitué de dalles carrées flottant sur des boudins gonflants. Dès le début de la soirée la foule attendait le départ, pressée de chaque côté du port. À 20h30, les promeneurs empruntaient la passerelle par vagues pour contempler l’étendue marine empourprée par le soleil couchant. Peu à peu des hommes et des femmes en noir ont mis chaque soir le feu à 6000 pots de terre suspendus à des structures métalliques, certaines tournant sur elles-mêmes, d’autres formant un tunnel de flammes sur 300m devant la mairie. Ainsi scénographiés, les 230 000 m2 du port forment une place publique sur laquelle on peut déambuler en valse lente parmi les parfums agréables de la cire. Entre les deux Forts une grue de 35m a élevé peu à peu 5 sphères formant un lustre monumental. Du haut des jardins du Pharo, de l’esplanade de St Victor ou de celle de St Laurent, la vue sur la ville illuminée avec douceur
est stupéfiante. Les marseillais, les voisins et les touristes promènent leur plaisir dans le calme, se réchauffent aux braséros cylindriques sur le quai de la Fraternité. Instants magiques de La folle histoire des Arts de la rue qui en est à sa 4e édition grâce à la participation de MPM, de la ville de Marseille et surtout du CG 13 ainsi que, pour cette année capitale, MP 2013 (budget un peu moins de 2,5 Md’euros). Aurait-on pu imaginer des propositions artistiques plus consistantes pour cette Capitale qui fait déambuler les foules mais nourrit peu les esprits ? Sans doute. Mais ainsi Marseille retrouve le dialogue avec son port et les Arts de la rue lui ouvrent les portes d’un rêve fraternel. CHRIS BOURGUE
Le Vieux-Port entre flammes et flots a eu lieu les 3 et 4 mai sur le Vieux-Port à Marseille
À venir Moteurs ! le 17 mai Cité des Arts de la Rue T’as de la chance d’être mon frère ! No Tunes International le 16 mai à Aureille Dream City les 18 et 19 mai à L’Estaque Waterlitz Générik Vapeur le 19 mai sur le J4 The color of times déambulation d’ Artonik le 20 mai Bd de Paris et aussi à Marignane, Lambesc, Charleval, Port-Saint-Louis-du-Rhône
© Agnes Mellon
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Non loin de l’emblématique fontaine moussue vient de s’ouvrir l’Espace culturel Robert de Lamanon, un nouvel équipement dédié aux arts visuels à Salon-de-Provence. Cette première proposition offre aux Salonnais et aux visiteurs l’opportunité d’une familiarisation avec la création actuelle encouragée par Marseille-Provence 2013. L’exposition propose un panel du travail de l’artiste sous différents médiums photo, dessin, objet/sculpture, installation dont la pièce réalisée dans la savonnerie Marius Fabre présentée auparavant à Marseille (Ici, Ailleurs, La Friche). Taysir Batniji réaffirme ici l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme de 1948 dont la portée se veut autant locale qu’universelle à travers un matériau commun au bassin méditerranéen, éphémère (une première version en chocolat près de Genève en 2007) et symbolique (soin, pureté, tradition). Plus spectaculaire et allusive, Mine de rien, écriture murale éphémère a été réalisée au graphite avec quatre jeunes salonnais dans le cadre d’un chantier éducatif (1).
et Aureille Toutes les manifestations sont gratuites La Folle histoire jusqu’au 20 mai à Marseille (voir Zib’62) www.follehistoire.fr www.cg13.fr
Parc d’attractions Le château, à la fois musée et hôtel de ville de Châteauneuf-le-Rouge avait accueilli l’année précédente un premier volet dont les installations sont toujours visibles dans le parc et continuent d’évoluer avec le temps (Zib 53). De l’autre côté du rêve inscrit le second chapitre en occupant autant le musée pour une exposition collective de pièces empruntées majoritairement à plusieurs organismes publics (Fonds Communal d’Art contemporain de Marseille et divers FRACs), que l’extérieur avec un projet monumental commandé au collectif d’artistes du Cabanon Vertical. Au dernier étage du bâtiment accueillant la partie muséale, les œuvres bénéficient d’une récente rénovation bien venue. La commissaire, Christiane Courbon, s’en réjouit : «Cela va nous permettre une meilleure visibilité d’accrochage. Pour les œuvres nous avons recherché des pièces qui traduisent ces questions liées au voyage concernant le territoire, l’errance ou le déracinement. Le périple d’Ulysse c’est se frotter aux frontières ou aux pertes de repères, ce qui crée la rencontre aussi. Des questions donc très contemporaines.» Les regards sont variés : Marie Bovo, Wolfgang Laïb, Bouchra Khalili, Tatiana Trouvé, Yves Belorgey, Mathieu Mercier… Dans le jardin à la française composé de buis taillés datant du XVIIe siècle, un parcours initiatique et
Le Cabanon Vertical, Au risque de se perdre, installation dans le parc du chateau, vue partielle. 2013 © C. Lorin-Zibeline
Après la préfiguration en 2012 du projet Le chez soi et l’ailleurs dans le cadre d’Ulysses (voir p 76), Arteum explore L’autre côté du rêve avec en en point d’orgue une création du Cabanon Vertical
avons travaillé comme un éclaté d’architecture en ménageant des déplacements et des pauses. Ce sont des structures de bois comme un décor de théâtre qui se rend visible et praticable. Ça peut évoquer ce qu’on appelle des folies ou le jardin du Désert de Retz. Le dispositif s’intègre au lieu mais il n’est pas fait pour la contemplation. Avec cet itinéraire on provoque une expérience déroutante, une sorte de révélateur où les gens se perdent et se retrouvent en écho au parcours d’Ulysse chahuté par les dieux» explique Olivier Bedu qui a travaillé précédemment avec Tadashi Kawamata en Camargue (Zib 61). Cette complexité intentionnelle se renforce d’un dispositif sonore conçu pour le projet : le poète Maxime Hortense Pascal a travaillé une écriture en «confrontant poésie contemporaine, traces homériques, lignes joyciennes» auxquelles se joint une déclar’action de Julien Blaine, dans une mise en design sonore de Julian Mannarini et Jean Baptiste Zellal. CLAUDE LORIN
ludique emmène le visiteur par des passages obligés entre des arbustes de quatre mètres de haut, tels des escaliers, porte dérobée, culde-sac, passerelle, pont suspendu,
poste de guet et points de vue en pin douglas et jeu de miroir combinant intériorité du cheminement et aménagement d’ouvertures visuelles nouvelles offertes sur l’horizon. «Nous
Le chez-soi et l’ailleurs, l’autre côté du rêve jusqu’au 27 juillet au musée jusqu’au 27 octobre dans le parc Marché Noir et extraits intervention chorégraphiée du GUID/Ballet Preljocaj le 1er juin à 11h Arteum-musée d’art contemporain Châteauneuf-le-Rouge 04 42 58 61 53 www.mac-arteum.com
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Le deuxième temps de la capitale culturelle s’annonce, avec les grandes expos, les festivals et le plein air. Pour vivre la culture autrement, à table ou en déambulant…
Aubagne, ou l’art de la convivialité M P 2 0 1 3
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Orta, qu’on offre à chaque convive une assiette de cette céramique qu’on fabrique là, que des débats sur le slow food se déroulent sur la place, à côté d’un marché intelligent, artisanal et biologique… Un art de vivre, de penser, dans cette commune qui a vu naître les AMAP, et sait aussi exposer de sublimes céramiques de Picasso (voir p23). Bientôt il y aura le Pompidou mobile. Et bientôt aussi les Festins de Méditerranée traverseront d’autres villes, puisqu’il est vraiment question lors de cette année capitale d’explorer les cultures culinaires… depuis ces festins partagés jusqu’aux Carrioles mobiles et aux tables théâtrales de la Friche en septembre. AGNÈS FRESCHEL
Programme des prochains festins www.journalzibeline.fr/programme/manger-ensemble Programme culinaire de MP2013 www.mp2013.fr/le-theatre-des-cuisines Programme de L’An commun en Pays d’Aubagne www.aubagne.fr www.mp2013.fr
mpez ! ce sont 22 personnes pour le staff permanent, 43 associations locales rencontrées, 468 «kisskissbankers»
places d’hébergement. Et l’objectif, construire un village éphémère où il fera bon vivre, dans «une sorte
mobilisés pour co-financer l’aventure, et 207 propositions reçues suite à l’appel à projet, pour un espace de 6000 m2 qui proposera 180
d’été 1936 où flotte dans l’air un parfum des possibles». Artistes, bricoleurs, architectes mettent les bouchées doubles pour que les
Vue aerienne site integral © Alice Audebert
Les campeurs utopistes du Quai de la Lave à l’Estaque ont enfin obtenu l’autorisation de concrétiser leur projet Yes we camp. Le feu vert du GPMM a pris la forme d’une convention signée jusqu’au 30 novembre 2013, sous réserve de validation par la commission de sécurité. Une dernière étape qui ne devrait pas poser problème, la mise aux normes étant supervisée par le Bataillon des Marins Pompiers et l’APAVE pour la maîtrise des risques techniques et environnementaux. C’est un soulagement pour le porteparole de l’équipe, Nicolas Détrie : «Jusqu’à il y a quelques jours, nous n’étions pas sûrs de pouvoir réaliser ce projet en toute légalité.» Car cette initiative à l’interface entre MP2013 et son Off a suscité un investissement important dans une ville comme Marseille, singulièrement démunie de campings. Yes we camp en quelques chiffres,
© A.F
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Cette ville a quelque chose d’étonnant. Il suffit qu’un brin de soleil s’y pointe pour que les visages s’éclairent, que les bonjours entre inconnus s’échangent, que sur les marchés on vous renseigne avec un sourire et un accent qui a gardé le chant de la Provence. Est-ce les transports gratuits, la proximité des collines, la taille humaine, l’histoire ouvrière ? Le Festin du 4 mai avait quelque chose du banquet de mariage où l’on se retrouve avec des inconnus et quelques camarades, sauf que les mets préparés par Christophe Dufau revisitaient avec génie les traditions populaires provençales (bouillabaisse d’épinard, anchoïade, dessert au fenouil et pastis) ou niçoise (le stockfish), et que le vin choisi par Philippe Faure-Brac, du Cassis au Beaumesde-Venise, étaient des nectars. 600 personnes pour partager ce festin à petit prix sur des nappes blanches, pendant que quelques comédiens passent vous susurrer des recettes littéraires, que les élèves de l’école d’hôtellerie s’activent pour que tout soit parfait… Vous avez dit culture ? Celle du goût sans doute, et du partage vrai, d’autant que s’inaugure aussi une belle statue de Manon en jean rose de Jorge et Lucy
multiples facettes du projet voient le jour au plus vite : scène polyvalente, ateliers, potagers mobiles, vélo-laveurs (on pédale pour faire tourner la machine), tours sanitaires (toilettes sèches au 1er étage, douches au 2e et chauffe-eau solaires tout en haut), sans parler des espaces de bivouac et des caravanes relookées. Lors de la rencontre organisée le 17 avril au CAUE13 pour annoncer le succès des démarches auprès du Port, on sentait l’effervescence monter : les initiateurs du projet, Olivier Bedu (du collectif Cabanon Vertical) et Eric Pringles ont de quoi être fiers des énergies assemblées autour d’eux. Avec la bénédiction de MP2013, si l’on en juge d’après la présence souriante de leur parrain Jean-François Chougnet. GAËLLE CLOAREC
www.yeswecamp.org
Arpenter le territoire
27 En file indienne sur le chenal de Caronte © Pierre Carrelet
Au long des 365 kms du GR 2013, six temps forts sont prévus. Le premier a eu lieu du 12 au 14 avril en Pays de Martigues et a proposé, le temps d’un beau weekend, de découvrir un territoire atypique, méconnu des habitants de la région. Des paysages inattendus qu’on a commencé à déguster pendant le pique-nique point de vue organisé par le collectif SAFI. Les pieds dans l’eau (ou presque) au bord d’une petite plage délicieuse devant l’étang couvert de voiles, avec en arrière-plan la Sainte-Victoire et le massif de l’Etoile, qui l’eût cru ? Des paysages étonnants qu’on a ensuite appris à déchiffrer grâce aux nombreuses randonnées que marcheurs, artistes et scientifiques avaient concoctées pour ce weekend spécial. Au nombre de celles-ci, la balade De gare à
gare, emmenée par Sophie Bertran de Balanda. Pour cette architecte de formation, urbaniste depuis trente ans auprès de la collectivité de Martigues, le territoire martégal constitue un «très bon laboratoire de lecture du paysage». Dans les parcours qu’elle imagine elle veut apprendre aux promeneurs à lire le territoire qu’ils ont sous les yeux, leur donner une culture du regard, un véritable point de vue, aux deux sens du terme. Elle avait donc organisé une marche de la gare de Croix-Sainte à celle de Port-de-Bouc, afin de faire appréhender concrètement la réalité de cet espace gagné sur les eaux. Du plateau du Campéou à la passe de Bouc, le long du chenal de Caronte, entre voies de chemin de fer et usines abandonnées, on a suivi l’histoire du lieu, des salines à l’in-
dustrie. On s’est aussi posé la question de son devenir : comment requalifier ces no man’s land, à quoi les affecter dans un usage qui intéresse la population ? Plus de 150 personnes ont suivi cette randonnée inédite, ponctuée de lectures, au cœur d’un paysage hors-normes. Reste à savoir ce que deviendra ce nouveau GR une fois les temps forts passés : cette production importante de l’année capitale culturelle, décidément plus sociétale qu’artistique, permettra-t-elle, une fois passées les randonnées organisées, que les citoyens s’approprient autrement les paysages métropolitains ? FRED ROBERT
www.mp2013/gr2013
Géométrie ///////////////////////////////////////// Les Ateliers de l’EuroMéditerranée permettent l’éclosion de productions atypiques. Oiseaux/ Tonnerre, produit avec le GMEM dans le cadre de son festival (voir p 43) en est un exemple à la fois surprenant et attachant. L’installation sonore se fonde sur une géométrie géographique particulière qui joue de la dualité entre la nature et des marques de l’activité humaine. Le puits Morandat plonge dans les entrailles de la terre à une profondeur équivalant à la hauteur de la Sainte Victoire qui lui fait face. Entre les deux, il y a le paysage naturel, les strates de son histoire géologique et sous-marine. Histoire de mémoires, intimes et collectives, minérales et humaines, tout cela s’entrelace dans une bande-son composée par Célia Houdart aux textes et Sébastien Roux à la création sonore. Deux années ont été nécessaires à ce travail à quatre mains, inspiré de rencontres avec d’anciens mineurs, «de l’acoustique de leur métier, mais aussi
des oiseaux qui nichaient dans leurs anciens vestiaires». Le but : «composer la bande-son d’un film imaginaire.» L’écoute se déroule en deux temps, l’un au puits Morandat, pièce emplie de brumes où grondent le tonnerre, les machines d’autrefois, dans des alvéoles plongées dans la pénombre où elle et lui évoquent leur marche par touches impressionnistes. Le second réclame plus d’efforts physiques : démarrant à la Maison de la Sainte Victoire, il suit un chemin parfois escarpé, rythmé par trois stations d’écoute. Les sons diffusés dans le casque s’immiscent parmi ceux qui entourent le marcheur, créent des confusions parfois angoissantes. À l’esthétique du fragment, proposée par les artistes, le jeu de piste du parcours apporte une homogénéité. La Marbrière clôt la balade, clin d’œil à la mine ! Ouf ! MARYVONNE COLOMBANI
Jusqu’au 12 mai installation au Puits Morandat, Gardanne Jusqu’à fin 2013 parcours sonore sur la Montagne Sainte-Victoire www.mp2013.fr/auprogramme/atelierseuromediterranee/celia-houdart-etsebastien-roux-i-entreprises-dupuits-morandat
© Mar yvonne Colombani
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MP2013 avec
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Arabes
Du 28 mai au 2 juin se tiendront à Marseille les premières Rencontres Internationales des Cinémas Arabes, un moment important d’échanges entre cinéastes, professionnels des rives de la Méditerranée et le public. L’organisation de ces Rencontres portées par AFLAM qui porte depuis des années le cinéma arabe devant des publics diversifiés, et permet ainsi d’en saisir la richesse, n’est pas allé sans difficulté : le mot Méditerranéen si présent dans les programmations et les discours politiques serait-il un euphémisme qui cacherait la difficulté à programmer la culture arabe ? La programmation prévue en cette année capitale est sans doute, par la mise en miroir des films des deux rives, par les thèmes abordés, depuis la jeunesse sans avenir jusqu’à la place des femmes et le rapport à la religion, la meilleure voie de dialogue et de destruction raisonnée des réticences et racismes ordinaires… D’autant que la présence des réalisateurs s’assortit de nombreuses actions envers les scolaires et des publics peu habitués à fréquenter le cinéma d’auteur. 50 films, longs et courts, dont 9 en première française, une soixantaine de cinéastes invités, des tables rondes thématiques, des rencontres avec des critiques, des ateliers, sont au programme de cette manifestation qui se déroulera à la Villa Méditerranée, au Cinéma Les Variétés, à la Maison de la Région et au CRDP. A la Une, à la Villa Méditerranée, propose des longs métrages récents comme Wadjda de la Saoudienne Haifaa Al Mansour, Rengaine de Rachid Djaïdani, Comme si nous attrapions un cobra de la Syrienne Hala al Abdallah ou Millefeuille du Tunisien Nouri Bouzid. En ouverture le 28 mai à 20h, Mort à vendre présenté par un critique et suivi d’un débat avec le réalisateur Faouzi Bensaïdi, (comme tous les autres films), nous plongera dans le quotidien de trois jeunes sans avenir à Tétouan. Un cinéaste, un parcours mettra en lumière le travail d’Ibrahim Batout qui a joué un rôle important dans le renouveau du cinéma arabe de la nouvelle génération dont on pourra voir le travail dans la section Jeunes Talents. Quatre critiques de cinéma, Giuseppe Gariazzo, Jean Michel Frodon, Jean-Pierre Rehm et Sofiane Hadjadj, présenteront chacun 2 films, un film arabe et un film non-arabe dans la section Un critique, deux regards. Le public pourra ainsi voir Rome plutôt que vous de Tarek Teguia et Copie Conforme d’Abbas Kiarostami, Sur la planche de Leila Kilani et Nénette et Boni de Claire Denis, Ici et ailleurs de Godard et Deux mètres de cette terre d’Ahmad Natche ; Terra incognita de Ghassan Salhab et Millenium mambo de Hou Hsiao Hsien. Enfin, invité dans la section Le cousin de…, consacrée à un cinéaste venu d’ailleurs, le Sicilien Pasquale Scimeca dont on pourra voir plusieurs films dont Malavoglia. Sans nul doute, ces Rencontres sauront-elles créer des liens durables entre les réalisateurs, les publics et les acteurs culturels arabes et européens. AGNÈS FRESCHEL ET ANNIE GAVA
AFLAM 04 91 47 73 94 www.lesrencontresdaflam.fr
Wadjda de Haifaa Al Mansour
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C’est à La Criée qu’a démarré le 23 avril le voyage avec Robert. Robert, c’est Guédiguian, une des deux «figures emblématiques» du cinéma à qui MP13 a décidé de rendre hommage du 19 au 30 juin, le deuxième étant René Allio dont une rétrospective sera présentée en novembre. MP2013 a donc emmené le cinéaste et sa bande en navette maritime du Vieux Port à l’Estaque, à l’Alhambra, pour ce qui était aussi une «entrée en matière» de la programmation cinéma MP 2013, voyage agrémenté d’une escale à La Ciotat, à l’Eden, doyenne des salles de cinéma du monde qui rouvrira le 9 octobre et accueillera le Festival Cris du Monde en novembre. Ont donc été rapidement évoqués Pier Paolo Pasolini, la force scandaleuse du passé qui commence le 14 mai, les Itinéraires cinématographiques comme Ecrans voyageurs qui se poursuit en plein air, le ciné concert, Monte Cristo, le fantôme du Château d’If, Etoiles et cinéma, le programme de dix films proposés dans les parcs de Marseille à partir du 26 juillet. Oubliées : les premières Rencontres Internationales des Cinémas Arabes que MP 2013 coproduit avec AFLAM (voir ci-contre). On peut s’interroger !
Robert en livre et en films Ce fut aussi l’occasion pour Christophe Kantcheff de présenter son superbe livre, Robert Guédiguian, cinéaste, publié aux éditions Le Chêne, dans lequel il sort de l’exégèse de Robert, pour analyser et traduire son univers et sa vision du monde. Robert Guédiguian © A.G
C’est aussi ce qu’ont fait brillamment son monteur Bernard Sasia et Clémentine Yelnik. Ils ont plongé durant un an dans l’œuvre du cinéaste qui a «le sentiment d’une mission accomplie, qui a été le porte parole de gens qui n’ont pas la parole, rendant ainsi la parole à son père et qui est très fier de ce qu’il a accompli». Constitué de scènes des films, remontées, commentées souvent avec humour, Robert sans Robert, dont c’était la deuxième projection après la Cinémathèque française, est un vrai film qui nous donne envie de revoir l’œuvre, qui nous parle avec finesse du travail de monteur et nous offre un voyage dans les strates du temps. Il sera projeté à l’Alhambra ainsi que le documentaire de Richard Copans, En vérité, je vous le dis. Et l’on pourra également voir et revoir les films de Robert durant douze jours, ses 17 longs métrages, présentés, le soir, par le cinéaste ou un des membres de la Tribu (voir sur notre site son abécédaire) Gérard Meylan, Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Boudet qu’on retrouve dans presque tous les films depuis Le dernier été, sorti en 1980 jusqu’aux Neiges du Kilimandjaro en 2011, en passant par Marius et Jeannette, le film qui l’a fait largement connaître…
Au Fil d’Ariane C’est le titre du prochain film que le cinéaste commence à tourner le 13 mai dans la région, avec tous ses acteurs, «laissant tout le monde s’exprimer car la mise en scène, c’est aussi laisser chacun faire ses propositions.» Dans les salles, dans les rues, allez donc retrouver Robert ! ANNIE GAVA
Rétrospective intégrale Robert Guédiguian du 19 au 30 juin du 23 au 30 juin L’Alhambra, Marseille 04 91 03 84 66 www.alhambracine.com du 19 au 23 juin La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com
Opera d'O © Matthieu Dussol
Robert L’eau de l’avenir Et revoilà la compagnie Ilotopie à Martigues ! Pour cette nouvelle expérience aquatique, une cité lacustre, architecture flottante déjà existante dans le magasin de la compagnie, est ici revisitée, agrandie, prête à fabriquer son électricité avec ses panneaux photovoltaïques pour ses bras articulés, sa sonorisation et ses lumières. AnApOs, du nom d’un dieu fleuve de l’est de la Sicile, est une véritable cité flottante, ancrée au fond de l’étang, qui avec ses alentours couvre 2 hectares entre Ferrières et l’île sur l’étang. Unités d’habitations, potagers d’énergies, forum, sculptures, fixes ou en mouvement, sous l’eau ou jouant avec l’émergence, tout est à découvrir et à tester. Et notamment les 5 Janus, cinq divinités aquatiques qui laissent émerger doucement de la surface leurs énormes têtes bifaces, avant de disparaitre sous l’eau, en cycle aléatoire. Ou encore le grenier sous-marin, qui laisse voir des personnages fictifs, des architectures «intérieures» et des installations
étonnantes visibles en embarcation (canoës, pédalos ou paddle) à la verticale des scènes visitées. Pour compléter cette proposition, Ilotopie prend l’eau avec sa création Opéra d’O, spectacle nocturne féérique à voir les soirs de weekend (31 mai, 1er, 7 et 8 juin). Cette fable aquatique pose une loupe très grossissante sur un état de fait qui n’aura échappé à personne : l’eau va manquer. Une réalité qu’il est bon de rappeler, pour une prise de conscience qui passe par un univers qui oscille entre douce folie et farce grotesque, un opéra baroque qui imagine des lendemains inattendus sans pour autant masquer un désenchantement grinçant. DO.M. AnApOs, cité lacustre du 31 mai au 9 juin Place des Aires, sortie du canal Baussengue, Martigues 04 42 06 90 61 www.mp2013.fr www.ville-martigues.fr www.ilotopie.com
Visibilité Comorienne La 1re édition du Festival Arts Comores s’annonce comme une célébration festive de la culture Comorienne, assez peu connue en France, pourtant toujours Française en partie, et faisant partie de notre histoire coloniale… À Marseille, où la discrète communauté Comorienne est pourtant très représentée (le chiffre difficilement vérifiable de 10% de la population est fréquemment avancé), l’événement est de taille. Accueilli pour l’essentiel au Parc du Grand Séminaire par la mairie des 13e et 14e arr. où l’essentiel des Comoriens résident, le festival se veut démonstratif de la richesse de cette culture influencée par l’Afrique et l’Orient, par un Islam très souple et un matriarcat ancestral, par le Français, le Mahorais et une multitude de langues vernaculaires, par des paysages très contrastés et des niveaux de vie très différents
sur chaque île, et dans la diaspora… essentiellement installée dans une ville qui l’ignore. Peintures, sculptures, photographies, installations, mais aussi musique seront au rendez-vous avec un temps fort très attendu : la dernière œuvre du chanteur Comorien, et créateur du label Wedoo Music, organisateur de l’événement, Chébli Msaïdie. Heza, le chemin du Taarab est un spectacle largement inspiré de son histoire personnelle, une épopée africaine dans laquelle il reprend le répertoire de son père en y mêlant ses propres compositions. Entre valeurs modernes et pratiques ancestrales, les Comores s’ouvrent ainsi sur le monde. Et Marseille, enfin, à elles ? DO.M. du 28 juin au 6 juillet Divers lieux, Marseille 09 67 24 36 19 www.mp2013.fr
Eh les mecs, surfez sur la Friche ! Un événement majeur dans un lieu magique, pour une culture jeune et… masculine !
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This is (not) music, en quelques chiffres, c’est 40 000 m2, pendant 47 jours, avec plus de 20 événements sportifs, 58 artistes et 60 concerts ! À la croisée entre l’art contemporain, la musique, l’action sport et le street art, le projet initié par le Cabaret Aléatoire donne aussi l’occasion de découvrir la Friche dans ses nouveaux habits et sous un nouvel angle, celui de la culture urbaine. Après s’être répandue dans le monde entier, cette culture est devenue l’une des sources d’inspirations de nombreux artistes contemporains. Ils sont souvent eux-mêmes adeptes de skate, BMX ou de surf comme le célèbre John Serverson connu pour son film Big Wednesday, fondateur de Surfer’s Magazine, et dont la photographie prise en 1964 du surfer Greg Noll face à la vague mythique de Banzai Pipeline ouvre l’exposition Dernière Vague. Ce parcours, étendu sur 2500 m2, permet de découvrir l’influence des sports de glisse dans tous les domaines des beaux arts ou arts appliqués et visuels, comme l’architecture avec la présentation des projets futuristes inspirés de skatepark de Vito Acconci ; la sculpture avec les œuvres hybrides de Wilfrid Almendra s’inspirant des univers du rock, de la moto, du surf, du skate ou encore BMX ; le graffiti comme l’œuvre dédiée à l’histoire du skateboard de Tilt, un artiste toulousain connu mondialement pour ses flops (lettrage en forme de bulle) qui a fait ses premiers tags sur des banks de skate. Des films situent ces sports dans des pays où on les attend peu : ils peuvent se pratiquer avec peu de moyens et quel que soit le niveau de vie, comme pour ces jeunes ougandais filmés par Yann Gross évoluant sur des spots qu’ils ont construits eux-mêmes avec de la brique, et qui grâce à la débrouille et à leur communauté créée autour du skateboard organisent leur premier contest de skate ! Tout aussi émouvant, le film de Pierre Michelon s’intéresse à la pratique du surf en Algérie : il y suit des jeunes qui ont découvert presque «par hasard» le plaisir de surfer ces vagues. Un bonheur qui leur fait oublier, le temps d’une glisse, les difficultés économiques du pays. Bref, une très belle exposition présentant des figures emblématiques comme Mike Giant, Jim Phillips ou encore Alexander Klein, et un geste inaugural fort pour la Friche et cette nouvelle Tour-Panorama impressionnante, comme l’immense fresque colorée du street artiste, Remed.
Vito Acconci, A Skate Park that Glides Over the Land & Drops Into the Sea (detail), 2004, Projet de skatepark (non realise) pour The Third Millennium park, San Juan Puerto Rico © Acconci studio
On déplore d’autant plus que cette exposition soit marquée par le manque d’artistes féminines (seulement 4 !) et que justement une femme artiste comme Madeleine Berkhemer mette en avant dans ses œuvres l’image stéréotypée de la pin-up américaine légèrement vêtue dessinée sur des plateaux de skateboard. Les femmes qui s’intéressent et pratiquent en nombre ce genre de sport ne sont représentées dans l’exposition Open Your Art au skateshop de la Friche, que par des moulages de bustes de femmes issues de la street culture (voir p 5).
Ambiance ! Néanmoins, il faut tenter l’expérience de passer une soirée à la Friche ! Le soir sur le toit-terrasse, l’ambiance est décontractée avec les DJs aux platines, le bar, les transats, les baby-foot, la mini-rampe de skate... Côté musique, la soirée finit souvent au Cabaret Aléatoire qui a proposé (et proposera encore) des artistes de haut niveau. Ainsi Oy a offert une performance incroyable : la chanteuse a su avec grâce allier soul et beats électroniques et Cody Chesnutt a pris la relève avec talent. Le programme est très varié, allant de spécialistes de techno/house comme Shaun Reeves au provocateur et plus que célèbre rockeur anglais Pete Doherty. C’est aussi l’occasion unique de voir l’impressionnant rap-
peur américain Mos Def, heureux d’être présent sur une scène marseillaise malgré une acoustique un peu décevante. En espérant que ce ne sera pas le cas pour le concert tant attendu des Wu-Tan Clan le 24 mai à la Cartonnerie ! ANNE-LYSE RENAUT
Prochaine programmation musicale 17 mai : Soirée éclectique / Oiseaux de nuit, film-documentaire de Chassol + MYSELF + Djs résidents de Radio Grenouille 18 mai : Musique jeune public/ MIC & ROB, concert goûter Création jazz, hip hop / Musique Rebelle Round 2013, 50 artistes et musiciens invités par le batteur Ahmad Compoaré 20 mai : Concert hip hop / Grems by Skullcandy + NEMIR 23 mai : Concert Rock / La Femme 24 mai : Concert hip hop / Wu-Tan Clan This is (not) music jusqu’au 9 juin 04 95 04 95 04 www.lafriche.org
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Le travail qu’Olivier Py a mené sur Eschyle est en tout point remarquable. Par sa compréhension profonde et sa mise en perspective limpide avec notre présent ; par sa «traduction» en vers qui sans trop bousculer le texte le fait résonner avec notre Méditerranée : ses exils, la violence faite aux femmes, le caractère sacré de l’accueil, la compassion pour l’ennemi. Car le dépouillement et le lyrisme d’Eschyle, à l’origine du théâtre, renvoient la tragédie vers les fondements de la cité, dans la démesure de la décision politique, loin des délibérations amoureuses ou des conflits domestiques qui ont fondé notre théâtre moderne. Cette démesure parle immédiatement, à tous ; aux lycéens malgré
la langue ardue et l’âpreté ascétique du dispositif scénique. Car Olivier Py a voulu adopter les principes d’un «théâtre d’intervention», forme légère portée par trois acteurs, sans décor ni attirail technique, disposant simplement de leur voix, de leur corps et du texte, debout sur des tables qu’ils arpentent et deviennent des terres qu’ils défendent ou désirent. Des acteurs en tout point hors du commun : Mireille Herbstmeyer, Frédéric Giroutru et Philippe Girard sont des monstres qui tonnent et pleurent, s’effondrent et se redressent là, devant vous, à portée de souffle, mais si loin dans l’émotion que personne n’ose avancer la main. (Mais comment font-ils pour jouer cha-
Les Perses © Alain Fonteray
Trilogie Eschyle
que jour, deux ou trois fois, des pièces différentes ?). Celui qui n’était pas encore le futur directeur d’Avignon avait présenté chacune des pièces à l’Odéon qu’il dirigeait alors, puis aux ATP d’Aix, enfin la trilogie aux ATP d’Avignon. Soit Les Suppliantes –les Egyptiennes violentées demandent l’asile au risque de la guerre-, Les Sept contre Thèbes –ou comment Etéocle combat la terreur menée aux portes de la Cité par son frère-, Les Perses –ou l’arrogance des Grecs vue par les yeux de leur ennemi victorieux. Trois pièces étonnantes, qui n’appartiennent pas aux mêmes cycles, mais en forment un nouveau, en trois épisodes de 50 mns, à voir d’un trait pour les plus accrocs à l’émotion archaïque débridée.
Les Sept contre Thèbes le 6 juin à 15h Pavillon Noir, Aix le 6 juin à 20h Les Amandiers, Aix le 12 juin à 15h Pavillon Noir, Aix le 12 juin à 20h Voûte Chabaud, Venelles Les Perses le 7 juin à 15h Pavillon Noir, Aix le 7 juin à 20h Le Château, Trets le 13 juin à 15h Pavillon Noir, Aix
A.F.
le 13 juin à 20h Salle Ferrat, Le Tholonet
Les Suppliantes le 5 juin à 15h Pavillon Noir, Aix le 5 juin à 20h Salle Yves Montand, Saint Cannat le 11 juin à 15h Pavillon Noir, Aix le 11 juin à 20h Les Amandiers, Aix
L’intégrale Eschyle le 8 juin à 19h Fondation Vasarely, Aix le 14 juin à 19h Le Château, Peyrolles ATP, Aix 04 42 26 83 98 www.atpaix.com
Pas question de buller Aix serait-elle un paradis des bulles ? Pour le public qui courait les expositions et préférait rester enfermé dans la Cité du Livre en dépit de la chaleur et d’un soleil radieux les 12, 13 et 14 avril derniers, assurément oui. Le weekend BD, temps fort des Rencontres du 9e art, reste un moment privilégié pour les amateurs de tous âges, qui ne reculent devant aucune file d’attente afin de pouvoir échanger quelques mots avec leurs dessinateurs préférés et surtout de repartir avec une belle dédicace sur la page de garde de leurs albums. Pour les auteurs, en revanche, ces trois jours de rencontres et de signatures sont un véritable marathon. Ils n’ont pas été invités pour buller. Car une dédicace de bédéiste, c’est autre chose que quelques mots. Un dessin, si possible personnalisé, demande du temps, de l’énergie. Voilà pourquoi on n’a parfois fait qu’entrapercevoir des crânes (celui, chauve, du Flamand Herr Seele, créateur du Cowboy Henk, ou ceux, plus chevelus, de l’extravagante équipe de Métamorphose). Penchés sur les albums, ils dessinaient et dessinaient encore. Un marathon, on vous dit. Mais pour la librairie du festival, qui regroupait plusieurs enseignes aixoises, une bonne opération commerciale, la plupart des albums se vendant pas moins d’une vingtaine d’euros…FRED ROBERT
Jacques Ferrandez a lui aussi couru le marathon des dédicaces ; ce qui ne l’a pas empêché de s’interrompre entre deux séances pour honorer son RDV Café BD avec Frédéric Bosser. Albert Camus, tout particulièrement célébré en cette année centenaire de sa naissance, a été au centre de l’entretien. Ferrandez a rappelé l’importance qu’a eue pour lui l’adaptation en 2009 de L’hôte, ce «condensé de l’œuvre de Camus en 25 pages». Son adaptation de cette nouvelle peu connue a été appréciée par la fille de l’écrivain, Catherine, qui lui a ensuite donné le feu vert pour celle de L’Etranger. Evidemment, «s’attaquer à un tel monument, ça fout la trouille» avoue le dessinateur. Ce qu’il craignait surtout, c’était de trahir l’imagination du lecteur. Son souci majeur a d’ailleurs été de donner un visage à Meursault (lire chronique p90) Mais pour le reste, il ne s’est pas posé trop de questions. En ce qui concerne le cadre par exemple, il lui est apparu évident qu’il devait garder celui de l’époque de rédaction du roman, donc de l’Algérie d’avant la Seconde Guerre Mondiale, celle qu’a connue Camus. Et quand on l’interroge sur les raisons de cette adaptation, il redit son attachement viscéral à l’Algérie, qui le rapproche de l’auteur de Noces. Il rappelle aussi l’actualité du personnage de Meursault et la dimension uni-
© Gaëlle Cloare c
verselle du propos de L’Etranger (qui pose entre autres la question de la norme sociale). Il affirme son admiration pour celui qu’il qualifie avec humour d’«auteur dégagé». D’ailleurs, conclut-il, aujourd’hui en Algérie même ceux qui le jugent «colonial» reconnaissent en lui «un très grand écrivain algérien.» F.R. Le weekend BD des Rencontres du 9e art a eu lieu les 12, 13 et 14 avril à Aix-en-Provence. Certaines expositions durent encore en mai et juin. www.bd-aix.com
La grande cavalcade Transhumance 2013, Animaglyphe Crau © Lionel Roux-Theatre du centaure
Répartie sur trois semaines et six temps forts, la TansHumance initiée par le Théâtre du Centaure est l’un des événements phares de ce printemps 2013 sur le territoire de Marseille Provence. De son succès dépendra une bonne part du bilan de l’année capitale, tant au niveau de la fréquentation du public que de la qualité artistique… Sabots fourchus, sabots ferrés... la valse des ongulés est prête à commencer, ou plutôt leur longue marche à travers le territoire de MP2013. Venus de l’autre côté des Alpes, les chevaux des Marennes et les vaches italiennes aux cornes en forme de lyre rejoindront les juments de Camargue et les brebis de la Crau dans un cheminement qui débutera le 18 mai à Cuges-les-Pins, et s’achèvera sur le Vieux Port de Marseille le 9 juin. Entre les deux, une multitude d’étapes pour se métamorphoser en «TransHuman» le temps d’une randonnée, d’un bivouac ou d’un pique-nique : Istres, Lambesc, Les Baux de Provence, Salon, Châteaurenard, Miramas, Saint-Antonin, Saint-Martin-deCrau, Meyrargues, Trets... On pourra «dessiner dans le paysage», aussi, en réalisant un Animaglyphe : «œuvre de land art participative», chorégraphie mêlant hommes et bêtes, ces «tracés éphémères pour le regard des oiseaux» seront filmés depuis les airs sur les flancs de la Sainte-Victoire comme ils l’ont déjà été à Rome, Piazza del Popolo, et sur les plages marocaines. Ou encore banqueter à la camarguaise, danser sous les étoiles, reprendre en chœur l’hymne de Manu Théron écrit pour l’occasion, goûter les chansons de Provence et d’Italie... Rendezvous à mi-parcours le 1er juin à l’Etang des Aulnes pour la Ré-Union des trajectoires, lors d’un BalBête conçu par Serge Hureau et chorégraphié par Dominique Rebaud (avec de vrais musiciens pour mener le branle ! Lo Còr de la Plana, El Maya el Asilah et Assurd). Pour s’inscrire, participer à pied ou à cheval, se renseigner sur les parcours, il faut se rendre sur le site internet de MP2013, dont les équipes sont sur les dents depuis des mois. Concrétiser le rêve poétique du Centaure d’une communion entre l’homme et l’animal, nature et cultures sur le pourtour de la Méditerranée n’a effectivement pas été une mince affaire. Outre le retrait des
cavaliers marocains privés de TransHumance par un Office du Tourisme confondant capitale culturelle et foire artisanale, il a fallu gérer les multiples intervenants, et la grogne des artistes du territoire qui ont eu l’impression d’être remplacés par des animaux. Et puis encore dialoguer avec les collectivités concernées, réunir les autorisations nécessaires au déplacement des troupeaux, prévoir la logistique, la sécurité, prendre des mesures sanitaires... Un ordre d’idées ? 26 semi-remorques attendront les bêtes au soir de l’arrivée à Marseille, pour les rapatrier. Et l’on n’imagine pas le tonnage de crottin qu’il faudra évacuer... GAËLLE CLOAREC
La TransHumance du 17 mai au 9 juin www.mp2013.fr/transhumance Salon de la Centauresse, installations vidéo Jusqu’au 1er sept MdAA, Arles www.arles-antique.cg13.fr TransHumance, film d’art de moyen métrage du 28 mai au 11 juin Carrières de Lumières, Les-Baux-deProvence 04 90 54 47 37 L’Observatoire du Bout du Monde, installation multimédia Juin-juillet et sept-oct tous les vendredis et samedis Théâtre du Centaure, Marseille 04 91 25 38 10 Vernissage exposition photo de Lionel Roux et lancement du livre TransHumance (Actes Sud) le 13 juillet Arènes, Saintes-Maries-de-la-Mer 04 90 97 85 86
Francois-Michel Pesanti © X-D.R
Radical ?
T H É Â T R E
théâtre : c’est sa manière de faire, la nature propre de chaque acteur qui construit la dramaturgie bien davantage qu’une mise en scène menée de l’extérieur. C’est justement cette «dramaturgie sauvage» qui constituait le fond et la forme du spectacle précédent A sec, tentative de point final sinon de «liquidation» d’une expérience collective, quasi «familiale», menée depuis des années ; le metteur en scène présent au plateau y mettait à mal sa fonction dont la mort était
MARIE JO DHO
Solaris d’après Stanislas Lem / lecture et mise en espace de F.-M. Pesenti dans une installation de Rafael Lain et Angelica Detanico a été présenté au théâtre des Bernardines, Marseille, le 19 et 20 avril
Tête de Maure et Fleur Rouge Pour la Corse et pour le Parti : si la mort a un sens, celle du résistant Jean Nicoli décapité par un soldat italien le 30 août 1943 convoque tout un monde de passion et de fidélité, de trahison aussi peut-être… ce sont en tout cas les images fortes que dessinent sobrement le texte et la mise en scène de Noël Casale pour (ô combien pour) l’actrice Edith Mérieau quasiment seule en salle, tout près des spectateurs. C’est d’abord Jeanne l’épouse qui raconte simplement la vie d’un instituteur qui respire large : départ pour l’Afrique, le Soudan, les rives du Niger et les premières prises de conscience communes des ravages de la colonisation ; retour au pays et organisation du maquis qui en Corse relève aussi de la poésie. Voix posée et mains expressives la grande jeune femme se déplace doucement en une présence apaisante dont on réalise soudain qu’elle
est celle d’une revenante extralucide puisque, morte huit ans avant son mari, elle porte douloureusement le récit de son supplice. L’estrade à claire-voie qu’elle emprunte parfois laisse filtrer une étrange lumière, seul artifice avec quelques échos de Webern pour accompagner la légende en train de se construire. Puis, comme toujours dans le théâtre de Noël Casale, se lèvent les autres, le fasciste athlétique qui de sa foulée impériale occupe la région et pourchasse le communiste ou l’impayable administrateur colonial en grand singe dont les gestes ne sont pas moins monstrueux que les discours : inaltérable sur la durée, toujours juste y compris dans l’excès et la caricature, Edith Mérieau les incarne tous formidablement ! À tel point que la venue sur scène de Moustapha Mboup qui entonne un chant de deuil après lecture des lettres
© Eric Rondepierre
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François-Michel Pesenti a la réputation d’être un metteur en scène «difficile», qui n’hésite pas à prendre le spectateur à rebrousse-poil et les acteurs de front, loin de toute complaisance et davantage dans la «transaction secrète» que dans le «donnant donnant» du spectaculaire. Mais s’entretenir avec l’homme relève -on ose à peine le dire sous cette forme- de la partie de plaisir, tant la parole cisèle, définit et dresse les contours fermes d’un travail d’artiste. À bâtons rompus la cohérence de l’œuvre, passée et en cours, se dessine à partir de quelques mots tout simples : le «retour» par exemple, terme avec lequel la presse accueille (Zibeline aussi !) quasiment chaque proposition nouvelle. C’est que la Compagnie du Point Aveugle -tout un programme- revient souvent de loin. François Michel Pesenti rappelle combien sa collaboration avec les pays asiatiques (Chine, Taïwan, Japon en particulier) a été déterminante dans son approche de la scène et du traitement de la langue, toujours finalement étrangère comme un territoire à traverser ; pas d’exotisme dans cette démarche mais la même logique que celle qui pousse à s’engager dans les grands textes «haute langue» dit-il- aussi bien Duras ou Koltès que Racine et Kleist avec toute la distance à parcourir pour le spectateur d’aujourd’hui. Il parle encore de la nécessité absolue du «travail d’oreille» et de la perception fine de l’autre, l’acteur, matériau émotionnel fondamental du
montrée comme une composante subtile... Pas de cruauté pourtant dans le sourire de Pesenti mais de la malice, forme première de l’intelligence et avec le Solaris de Stanislas Lem présenté aux Bernardines en une version personnelle sinon allégée, le «retour» est total : ce texte, nous dit-il, est déjà matière sous-jacente de bon nombre de ses spectacles et revient ici sous forme de lecture-performance dont il est l’acteur, accompagné de Marcelle Basso, survivante du dernier opus. Science-fiction métaphysique, histoire d’amour désincarnée, fantasmes et interrogations sur l’identité et le réel que traduit parallèlement le trajet stylisé de la lune et du soleil dans les images de deux plasticiens brésiliens auteurs d’une installation au protocole rigoureux. Expérience forte pour le spectateur, rencontre avec sa propre vie et voyage jusqu’au «seuil noir que tout œuvre suppose» (Point Aveugle, encore) et que tout homme porte en lui, c’est le souhait du metteur en scène. Radicalité bien honnête donc, au sens noble du terme que F.-M. Pesenti cerne en trois formules qui, l’air de rien, trament tout l’entretien «ne rien dire de moi», «croire en quelque chose», «montrer ce en quoi je crois». Radical ? Limpide !
ultimes de celui qui va mourir semble superflue… Quant au soleil sur l’Alta Rocca nul doute qu’il continue à éclairer la vie de Noël Casale ! M.J.D
Vie de Jean Nicoli (texte et mise en scène de Noël Casale) a été présenté aux Bernardines, Marseille, du 29 avril au 4 mai
© Cosimo Mirco Magliocca
Ni pute ni soumise Une création de la Comédie Française à Marseille, d’un texte contemporain traduit de l’arabe, est assurément un symbole fort. D’autant que Rituel pour une métamorphose, du Syrien Saadallah Wannous, n’est pas anodin : brossant le tableau d’une société orientale (Damas, fin XIXe) soumettant les femmes ou les prostituant, minée par les conflits politiques et sombrant dans la folie du mysticisme ou un extrémisme religieux fondé sur la répression sexuelle, le texte s’attache aux racines historiques des Islams fondamentalistes, tout en prônant la libération du désir dans des élans de pureté ou des vertiges qui font penser aux contrastes de Genêt. La scène centrale de la métamorphose, dans laquelle Julie Sicard brûle d’une flamme intérieure fascinante, est un très beau sommet dramatique. Hélas le reste n’est pas à cette hauteur. Les comédiens du Français semblent engoncés dans des costumes orientalisants qui brident leurs gestes, même Denis Podalydès n’est pas toujours juste, et Thierry Hancisse, en dehors de la scène où il se dévoile, semble inspiré par Iznogoud : gestes psychologiques, petits yeux qui se froncent, raideur… les techniques de jeu sont anciennes (je me déplace je parle je fais un geste je parle je barytone et articule) dans cette vieille maison lorsqu’un metteur en scène inspiré ne les bouscule pas… Pourtant la scénographie, riche, est belle, jouant de transparence, d’arabesques subtiles et d’une belle surprise. Et les allusions à Guantanamo, un peu lourdes, rappellent avec pertinence que l’usage de la torture perdure. Peut être que dans un espace moins restreint, avec le travail du temps, la subtilité du texte passera mieux ? Car si la religion n’est pas remise en cause les fous de dieu en prennent pour leur grade, et le sort réservé aux femmes et aux homosexuels dans une société qui meurt de tuer le désir. AGNÈS FRESCHEL
Rituel pour une métamorphose a été créé au Gymnase, Marseille, du 29 avril au 7 mai Il sera repris à la Comédie Française, Paris, du 18 mai au 11 juillet www.comedie-francaise.fr
Trois pour neuf, mais…
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36 Ils sont dynamiques, vifs, drôles, et trois seulement pour jouer les neuf personnages du Misanthrope.
La troupe du Cartoun Sardine Théâtre s’en donne à cœur joie dans cette interprétation. L’idée
Célébrer l’esprit de troupe L’amour du théâtre est une chose rare, y compris chez les metteurs en scène. Charles Eric Petit et ses comédiens aiment le texte, le jeu, jusqu’à plonger dans le répertoire shakespearien pour y trouver des choses à dire sur notre monde. Sans le bousculer, en y ajoutant aux marges un cadre qui reflète leur vie d’aujourd’hui. Car le Songe d’une nuit d’été est une pièce sur le théâtre, et sur le couple. Les Individus (c’est ainsi que la compagnie se nomme) emmenés par Charles Eric Petit mettent en abyme la pièce de Shakespeare pour y parler d’une troupe d’aujourd’hui, désargentée et enthousiaste, traversée d’ego, de désirs et de passions. Dans un décor en ruine faits de portants et de costumes récupérés çà et là ils trouvent le matériau pour jouer les couples de la comédie, les rois et les dieux qui se divertissent du destin des hommes, les citoyens et les artisans qui les subissent mais parviennent à garder leur route en dépit des consignes, manipulations et ratages des instances supérieures. Et les comédiens-personnages s’amusent, adoptant le ton parfois philosophique du texte, tournant gentiment en dérision sa pompe, rendant sensible sa magie à deux balles, glissant de mise en abyme en linéarité, fabriquant au passage de très jolies images dans des cadres, puis plongeant sans hésitation dans le comique le plus farcesque, têtes d’ânes et chassés-croisées, parodie de théâtre élégiaque par des artisans qui sursignifient la lune ou le lion. Tous les © Mathieu Bonfils comédiens sont justes, mesurés ou déchainés lorsqu’il le faut, incarnant sans hésitation l’émotion ou la distance, la violence des désirs et la versatilité dérisoire des sentiments. Une troupe et un spectacle qui devraient avoir un bel avenir, si les programmateurs et les subventionneurs aimaient encore, un tant soit peu, le théâtre. AGNÈS FRESCHEL
Le Songe d’une nuit d’été a été créé au théâtre Gyptis, Marseille, du 9 au 13 avril
monde où la frivolité l’emporte, les nuances chères à Philinte, qui sait rester droit tout en sachant moduler ses attitudes avec tact, la finesse d’Éliante, qui analyse avec justesse la cristallisation de l’amour d’Alceste pour Célimène, sont gommés ; de trop nombreux passages sont supprimés. Aussi, l’étonnante gravité de la pièce malgré son appellation de comédie qui avait déjà surpris les spectateurs du XVIIe, est absente cruellement. La conscience douloureuse de cet «ennemi du genre humain» est sacrifiée au seul profit des effets comiques de ses excès. MARYVONNE COLOMBANI
Le Misanthrope a été joué le 3 mai au Toursky, Marseille
© RML
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est originale, les effets comiques bien venus, les gens rient beaucoup aux facéties des petits marquis, d’Oronte, poète amateur et surfait, des minauderies de Célimène. Tout ce qui correspond à la superficialité de la vie de cour est rendu avec brio. L’escarpolette de la coquette renvoie à une Véronique qui ne se laisse pas cueillir… mais… comme dans la scène des portraits bien trop écourtée : à cet allant de commedia dell’arte, et l’indéniable complicité avec le public, manquent profondeur et nuances. L’atrabilaire amoureux a davantage d’épaisseur que celle qui lui est ici accordée. Les aveuglements du rigoriste Alceste, son intransigeance, sa volonté héroïque d’absolu dans un
Compassion ou torture ? La première mise en scène de Vincent Franchi est une surprise de taille : l’assistant de Renaud Marie Leblanc est jeune, et s’attaquer ainsi à une pièce récente de Lars Noren, complexe et rude, dénote un courage certain… La justesse de la mise en œuvre confirme une maturité peu commune. Se déroulant dans un lieu ambigu -est-on dans une prison, un hôpital psychiatrique, un espace mental, une chambre, un bureau ?– Acte repose sur des incohérences psychologiques et des anachronismes constants qui déroutent, interdisent aux acteurs de se réfugier dans une incarnation facile, et les oblige pourtant à trouver des ressorts, une identité, à leurs personnages. Lui se prétend médecin, mais est-il un psychiatre, un tortionnaire, un policier ? Elle, une terroriste allemande des années 70, semble pourtant se battre comme une résistante contre un nazisme sous jacent… Le texte roule, assume ses ambigüités sans les résoudre, plongeant les deux personnages dans un huis clos où ils se dévoilent, se livrent, s’épaulent, se révoltent et se désirent même
parfois, avec dégoût. Vincent Franchi met en scène ses acteurs dans un espace neutre dont la lumière évolue patiemment, avec des envolées de dialogues troués de silences, des changements de ton injustifiés et pertinents. La tâche pour les jeunes acteurs, incarnant des personnages plus âgés, est énorme, et ils sont un peu frêles pour ces rôles écrasants, marchant dans le bon sens et au bon rythme mais pas toujours justes s’ils sont souvent touchants. Quoi qu’il en soit, le travail de cette compagnie toulonnaise est remarquable d’intelligence dramatique, interrogeant notre rapport à la révolte, au remords et à la culpabilité peut être, à la soumission et à la terreur sûrement. Le texte demeure brut et lourd comme un bloc de granit, on voudrait le relire et revoir encore, tant son jeu avec le réalisme dramatique reste intrigant. AGNÈS FRESCHEL
La Cie la Souricière a joué Acte de Lars Noren du 16 au 27 avril au Théâtre de Lenche, Marseille
«T’as joué, t’as perdu !»
© Thierry Mondet
Artaud Tunisien On le compare à Gide, Rimbaud, Artaud, et pourtant Mnaouar Smadah, né à Nefta, la perle du Djerid en 1931 et disparu un 28 décembre 1998, poète, luthiste, écrivain, journaliste, compositeur, responsable de la qualité des paroles pour les chansons à la radio tunisienne, producteur à la radio algérienne, est bien peu connu des publics hors de la Tunisie. La Compagnie Alzhar s’attache à rendre à un plus large public ce «pilier de la culture tunisienne» dont on ne trouve aucune traduction, explique Jeanne Poitevin, metteur en scène de Affaires et peines. «Un livre comprenant les poèmes traduits pour le spectacle est en cours d’élaboration et verra le jour probablement l’an prochain», nous assure-t-elle. Son travail, créé lors du festival de poésie Les voix de la Méditerranée en 2011, s’inscrit dans la continuité de ceux initiés en Tunisie, depuis sept ans, riches de questionnement sur le devenir des relations nord/sud, des espoirs suscités par la révolution, et la volonté d’un réel partage culturel. Symbole de cette ambition, le choix des deux acteurs qui interprètent les textes de Mnaouar Smadah, issus des deux rives, Maxime Carasso qui lit d’abord les poèmes en français, Heykel Mani, qui les interprète ensuite en arabe. Le sens est donné, puis on se plaît à le conjuguer aux sonorités du texte arabe : douceur des syllabes, échos de voyelles semblables, âpreté de certains accents, passion première du conteur qui s’emporte. «C’est le désert qui s’éveille au vent» pour un poète qui affirmait «dans la terre des douleurs, je me suis exilé». MARYVONNE COLOMBANI
Affaires et peines a été joué le 18 avril au Hang’Art à Gardanne
La nouvelle création de Serge Barbuscia, Droit dans le mur, s’organise à partir de l’idée cocasse -et juteuse- de métamorphoser l’ancienne prison avignonnaise Sainte-Anne en hôtel 5 étoiles. Une actualité locale à rebondissement que le metteur en scène ouvre à la question universelle du vivre-ensemble. En convoquant poésie, chansons engagées et humour, il continue d’interroger la condition humaine et prend position contre l’exclusion (la Fondation Abbé Pierre soutient le projet). La pièce intercale dans un aller-retour entre fiction et réel une mosaïque littéraire (Michaux, Baudelaire, Aragon, Guéno), la voix et la colère de l’Abbé Pierre, Coluche, Ferré, et des témoignages vidéo des visiteurs de cette prison insalubre qui vivrait «un conte de fée en devenant un palace dédié au
bonheur». Les trois comédiens, impliqués dans le refus de l’amnésie, «sinon, on va droit dans le mur», tentent d’abattre les murs du silence, volent sur le mythe d’Icare, se cognent aux diagonales labyrinthiques de l’enfermement. La vie ne serait-elle qu’une grande partie de Monopoly, sans pitié pour les perdants ? La faillite ou le pactole, aller direct pour la prison ou éternel retour à la case départ. Est-ce ainsi que les hommes vivent ? DELPHINE MICHELANGELI
Droit dans le mur s’est joué les 13 et 14 avril au théâtre du Balcon à Avignon, en avant-première le 9 avril au Toursky à Marseille, dans le cadre du Rapport au mal-logement 2013
Murmures et cascades Alexandra Tobelaim aime à travailler sur les histoires ordinaires, qu’elle pêche ici et là, dans les transcriptions du réel. Villa Olga est écrit à partir de faits divers de la Côte d’Azur, sa Seconde surprise de l’amour frotte Marivaux avec les confessions impudiques de Sophie Calle, et Italie Brésil prend naissance dans un match culte. Pour débuter une longue association avec le théâtre de la Minoterie (voir p 6) elle a conçu une semaine d’événements de rue près de la Joliette. Avec sa bande de comédiens, elle a donné à entendre dans des situations spatiales inattendues, au creux d’un confessionnal de papier ou sous une cascades de mots, des histoires vraies plus invraisemblables que les scenarii les plus délirants. Un américain à la double vie qui a tué © A.F
sa famille puis en a fondé une autre ; une vieille dame qui met un voleur en fuite… sursaut d’horreur ou de dignité qui ont occupé un temps la conscience commune, et sont ou non restés dans les mémoires. Des Faits divers à partager à nouveau l’aprèsmidi dans le quartier de la Joliette du 21 au 24 mai. On pourra retrouver également la cie Tandaim le 1er juin dans Le mois du Chrysanthème (voir Zib’57) lors du Festival Chaud Dehors à Aubagne (voir p 9) et dans le savoureux Italie Brésil au théâtre de Fontblanche, Vitrolles, le 14 juin. A.F.
Les Faits divers se sont déroulés du 23 au 27 avril aux ABD Gaston Defferre
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L’art des liaisons 38 T H É Â T R E
On savait John Malkovich familier des Liaisons dangereuses : l’acteur a composé un Valmont inoubliable, parfaitement subjectif et crédible à la fois, émouvant et fidèle à la lettre du texte épistolaire… Mais l’intelligence d’un acteur et celle d’un metteur en scène sont-elles de même nature ? L’habitude de l’écran ne nuit-elle pas à la scène et John Malkovich, même s’il vit en Luberon, entend-il suffisamment la langue classique française ? Dès les premières scènes toutes les craintes sont balayées. Avec une audace sans esbroufe Malkovich propose une autre lecture du roman, une Merteuil plus masculine, un Valmont superficiel, une Tourvel engoncée, une Cécile Volange nettement violée… Surtout, tous évoluent dans un espace placé au centre de tous les regards, puisque les comédiens ne quittent pas la scène lorsqu’ils sont hors jeu, et que des regards s’échangent comme si tous manipulaient chacun. On retrouve le XVIIIe dans des accessoires symboliques et la langue qui adapte les lettres en dialogue sans en gommer la saveur. Des téléphones cellulaires et des tablettes remplacent les lettres sans choquer, pour rappeler
© Cosimo Mirco Magliocca
l’immaturité de ces personnages désœuvrés, gâtés et fin de règne. Même le féminisme de Merteuil apparait pour ce qu’il est : la volonté de domination d’un être opprimé par son «sexe», mais détruisant les autres femmes avec une infinie cruauté. Les jeunes comédiens sont l’élégance même, raffinés et vains comme des aristocrates sadiens. Seul Valmont, cabot, un brin précieux, en fait trop. Mais succéder à John Malkovich sous sa direction ne doit pas être évident… AGNÈS FRESCHEL
Les Liaisons dangereuses s’est joué du 9 au 19 avril au Jeu de Paume, Aix
Jeux dangereux Seul, sur le plateau du théâtre les Argonautes, un co-médien formidable endosse tour à tour les quatre rôles du thriller Pour rire pour passer le temps de Sylvain Levey. Entouré de quatre micros, chacun représen-tant l’un des protagonistes, dans une mise en scène épurée où les jeux de lumières ont toute leur importance, Gilbert Traïna donne vie au texte avec la virtuosité d’un comédien pour qui la technique n’interdit pas l’émotion de l’incarnation. Son travail tant au niveau vocal qu’au niveau gestuel est impressionnant, et fait éclater la singularité et le caractère étouffant de la pièce. Une atmosphère pernicieuse s’installe sur son simple
© S. Levey
souffle, ce jeu de bruits et de respiration étant plus expressif encore que les mots eux-mêmes. Un effet relayé par les casques audio que portent les spectateurs, et la précision gestuelle insufflée par Thierry Escarmant, à mi-chemin de la mise en scène et de la chorégraphie. L’histoire, quant à elle, divisée en sept scènes, reste simple : un concentré de violence malsaine et de barbarie gratuite qui surgit comme un divertissement. Car dans ce huis clos se révèle une inconscience dangereuse du mal, qui s’exerce «pour passer le temps», pour le plaisir de manipuler l’un et de lyncher l’autre, sans motif apparent. Un texte saisissant qui exhibe l’omniprésence de la violence dans notre société, sinon pour en extirper les racines, au moins pour qu’on ne puisse pas l’ignorer. MANON MATHIEU
Pour rire pour passer le temps était au Théâtre Les Argonautes, Marseille, du 9 au 11 avril
À venir le 17 mai Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr
Être ou ne pas... Cette question fondamentale à tout le moins n’a pas fini de hanter le théâtre et ce n’est pas Valère Novarina qui l’élude ou l’esquive dans l’Espace Furieux dont l’Atelier de Création de l’Université de Provence a présenté des extraits significatifs. Une fois de plus les étudiants, sous la direction de Louis Dieuzayde, nous convoquent «devant la parole», devant le Verbe fait chair. Premier texte de Novarina entré au répertoire de la Comédie Française, cette version pour la scène contient à plein les thèmes, les mots et quasiment tous les personnages constitutifs de l’univers du dramaturge. De quoi nourrir l’acte de théâtre auquel se livrent sans se ménager les seize jeunes gens qui «sont» sur le plateau et ne représentent rien. Pas facile d’explorer le «je suis» qui, en lettres de néon, griffe le mur du fond sans incarner mais en jouant, tout simplement l’un après l’autre et parfois plusieurs pour un rôle : Jean Singulier est trois qui se succèdent dans une parfaite fluidité et comble d’ironie La Figure Pauvre aussi pour énumérer dans une belle litanie cosmique la liste des herbes et des plantes ! Réglées réglo les apparitions et les disparitions, rythme impeccable scandé par la couleur des vêtements (costumes?): brun, rouge, orangé, une certaine chaleur dans la véhémence des paroles qui «se» racontent, vies à la diable ou énumérations de chiffres innombrables. Travail formidable qui avale les faiblesses de jeu (il y en a peu : assis en brochette sur un banc, bouche ouverte, écuelle à la main ils réussissent tous l’examen frontal) et recrée le novarimonde à l’identique, tableaux compris dans une fidèle littéralité scénographique. Novarina sans Novarina, c’est possible! MARIE JO DHO
L’ Espace Furieux a été donné au Théâtre Vitez, Aix, du 23 au 27 avril
Sous le squelette Il y a chez Courteline un art du dialogue qui relève du croquis. Comme un dessinateur parvient en quelques traits appuyés et peu réalistes à rendre l’idée d’un personnage, Courteline saisit dans ses échanges verbaux l’essence des relations humaines, qu’il concentre en saynètes explosives. Monter ces huit très courtes pièces face public, en les jouant mais à distance, sans décor ni costumes, sans artifice, permet d’en faire surgir, à sec, la puissante mécanique ; la terrifiante vision d’une humanité veule et grossière © Joachim Olaya
aussi, petite bourgeoisie à l’idéal plat, et peuple qui la singe, artistes prétentieux et femmes acariâtres… Sans décorum Courteline apparaît sans pitié, avec toute la drôlerie de la méchanceté. Il faut dire que Michel Fau est éclatant d’intelligence du jeu : toujours hors de ses personnages, et dedans pourtant, les faisant exister d’un geste, femmes et hommes, cyniques et naïfs, puis jouant à ne plus jouer sans étonnement… Jérôme Deschamps hélas à ses côtés n’est pas à sa hauteur. Il adopte une lenteur d’élocution et une posture avachie fatigantes, systématiques, drôles un instant mais loin du tourbillon de son compagnon à mille facettes. Si bien que leurs dialogues, déséquilibrés, ne prennent que lorsque Michel Fau occupe le premier rôle, ce qui laisse avec l’impression que Jérôme Deschamps n’a pas su se mettre en scène. Ou qu’un peu plus de travail n’aurait pas nui ?
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© Philippe Delacroix
Dans le
AGNÈS FRESCHEL
tourbillon de la vie
Courteline en dentelles a été joué au Théâtre Liberté, Toulon, les 10 et 11 avril
C’est que du bonheur ! Et pour faire entendre leurs dissonances, tout est possible, comme de transformer la salle de conférence en jeu télévisuel, en ring de boxe, en salle d’interrogatoire. Comme de prendre à partie le public qui jubile. M.G.-G.
La crise commence où finit le langage a été présenté les 10 et 11 avril au Théâtre liberté, Toulon © JL Fernandez
Longtemps complice d’Olivier Py, Olivier Balazuc s’est lancé dans la folle aventure d’adapter pour le théâtre deux textes critiques de l’anthropologue Éric Chauvier : La crise commence où finit le langage et Que du bonheur. La mince affaire ! Le résultat est une réussite totale : l’acteur-metteur en scène-scénographe, accompagné de la comédienne Valérie Kéruzoré et du musicien Benjamin Ritter, parvient à nous faire avaler termes et jugements thétiques avec la même dextérité qu’un magicien lance ses couteaux. C’est dire le talent du trio. Sous les apparences habiles d’une conférence, les voici dissertant, rugissant, s’entredéchirant, dansant même, sur la crise économique, la crise de nerfs, la crise immobilière, la crise existentielle… À l’aube d’une nouvelle ère, paraît-il… Paroles d’expert, verbiage critique, scientifique, analyses, cotations, stratégies de vente et de communication : rien n’est évacué pour nous asséner que «la crise est comme une nuit sans fin qui nous terrorise». Bref, un règlement de comptes en bonne et due forme est en train de se jouer entre «un velléitaire, un homme théâtralement obscène» et une optimiste forcenée qui rétrécit son champ lexical au seul «c’est que du bonheur !».
Un homme aime une femme, Marie. Ils ont l’âge de penser à la mort plus qu’à l’amour, et pourtant ils s’aiment. Malgré les corps flétris, malgré la mémoire éparse qui resurgit par bribes. Toujours dans le désordre. Parfois même ce sont des cauchemars, voire des fantasmes. La maladie ne dit pas encore son nom, et l’accouchement des souvenirs est douloureux… À sa manière très singulière d’entrecroiser la parole théâtrale («nous élaborons une matière textuelle composée de monologues, de dialogues»), la chorégraphie aérienne (Zimmermann et De Perrot planent sur le travail des corps en apesanteur), l’acrobatie circassienne et le jeu des sons (de Vivaldi, Purcell et Bach interprétés par l’Ensemble Vocalita à la création sonore), Julie Bérès invente une fiction onirique tissée de morceaux de vie universels. Avec quelle intelligence des mots, quelle ingéniosité scénographique, quelle perfection du jeu ! Lendemains de fête est le tableau vivant d’un monde tragique, car tellement humain, habité par des fantômes, des apparitions troublantes, des disparitions comiques, des funambules de la vie désarticulés. Où les acteurs, danseurs et chanteurs remontent le cours de la vie à contre-courant, sens dessus dessous, renversés, culbutés. Où la pudeur des sentiments n’a pas à rougir de l’impudeur des corps amoureux : c’est cru, c’est beau, c’est vrai. C’est drôle et absurde aussi. C’est «une histoire de gens qui se battent mais qui ne se plaignent pas.» MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Lendemains de fête a été joué les 3 et 4 mai au Théâtre de Grasse
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Sur scène au quotidien Quand le théâtre se transforme en lieu de vie
© A.F
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Écoutez sans voir
AGNÈS FRESCHEL
Champ harmonique s’est exposé aux Goudes du 4 au 28 avril Venue d’ailleurs, coproduite par le GMEM et lieux publics, s’est déroulée dans le cadre du festival les Musiques (voir p 43 et p 47)
À venir Chorus, une sirène futuriste, mécanique et musicale de Ray Lee Le 5 juin à midi net Parvis de l’Opéra, Marseille 04 91 03 81 28 www.lieuxpublics.com
MANON MATHIEU
Opératour Ici-même Tous travaux d’art Le Merlan, Marseille Jusqu’au 25 mai 04 91 11 19 20 www.merlan.org
Foundouk © X-D.R
La Camargue enchantée ! En attendant le temps fort de la 13e édition des Envies Rhônements du 20 au 28 juillet, le Citron Jaune, Centre national des Arts de la Rue, propose un parcours d’art contemporain d’avril à fin septembre. Une idée originale pour faire découvrir au public des installations plastiques dans ce cadre unique qu’est la Camargue. L’ouverture de ce parcours a eu lieu le 5 avril avec la création contemporaine Les Flûtes du Bois d’Argent d’Erik Samakh au domaine de la Palissade. Vêtu d’une combinaison de chasseur, ce sympathique personnage n’est pas muni d’un fusil mais d’un objet beaucoup plus pacifique qui a la vertu presque magique de © Anne-Lyse Renaut
Le directeur de Lieux Publics est un compositeur. Pourtant les installations de Pierre Sauvageot sont aussi visuelles que sonores : son Champ harmonique aux Goudes a mis en spectacle justement la fabrique du son, leur beauté artisanale. Mais il sait programmer de la musique abstraite lors de ses Sirènes et midi net. Voire de l’électroacoustique ! Ce qui désoriente un peu son public habitué à voir… C’est qu’il n’est pas si facile d’écouter. Le 8 mai lorsque la sirène retentit elle est captée et relayée par l‘ordinateur d’Hervé Birolini qui amplifie son aspect inquiétant, lui donne des graves et des craquements qui tournent autour du public… qui se rapproche des deux musiciens. Les enfants montent sur les épaules des parents, certains s’éloignent. Puis la vielle à roue de Valentin Clastrier entre en jeu, et tous les regards s’accrochent à elle : les sons naissent de gestes qui se voient, glissades infinies, bribes de modes traditionnels puis pulsations enfin, qui rassurent. Les corps des spectateurs désorientés se mettent à marquer le rythme, bercent les enfants, tandis qu’Hervé Birolini fouette l’air comme un batteur sans caisse claire, sans abandonner ses nappes et enveloppes qui fondent le tapis sonore. Les musiciens montent ensemble, crescendo, vers l’aigu, puis s’arrêtent. La sirène de fin retentit comme un rideau qui tombe.
Pour 6 semaines, le Merlan est devenu un navire où les visiteurs peuvent déambuler librement, du lac souterrain au grand bivouac installé directement sur la scène, en passant par l’hyper médiathèque. Un projet d’envergure mis en place à l’occasion de la capitale culturelle par les artistes Grenoblois du collectif Ici même. Ce refuge, renommé Foundouk, multiplie les activités, les moments de partages et de découvertes. Jusqu’au 25 mai le Merlan ouvre ses portes nuits et jours du jeudi soir au lundi matin pour des projections, performances et changements scénographiques, et des balades à la découverte du quartier et de Marseille. Lors des nocturnes, de 19h jusqu’au lendemain matin 7h, les promeneurs sont amenés à déambuler autour du Merlan, avec en poche un plan stylisé à la manière d’Ici même, au-devant des rencontres et des explorations de ce monde de la nuit. En plein jour, l’observation de la ville continue, mais les yeux fermés. Des concerts de sons de villes sont organisés tous les après-midi dans sept lieux différents de
Marseille. Une immersion de tous les sens et une marche étonnante pour explorer un secteur, seulement guidé par la main de l’accompagnateur auquel il faut donner toute sa confiance. Le noir d’un parking, le cliquetis d’une souris d’ordinateur, s’assoir sur un banc au soleil… tout a un aspect différent lorsque l’ouïe prend le dessus sur la vue. Et lorsqu’il est question de vivre plutôt que de regarder…
capturer… le vent ! Les flûtes d’Erik Samakh ont la particularité d’être autonomes. Constituées d’un tuyau d’orgue et d’une tête solaire, ces drôles de tiges sont posées discrètement sur des branches mortes. Les flûtes se fondent dans le décor naturel du Bois d’Argent qu’elles bercent par leur musique apaisante. À travers cette installation, le but du plasticien est «d’amplifier la nature du lieu ainsi que les sens» et plus particulièrement l’ouïe. En fonction des vents et de leurs directions, la tonalité des flûtes change et attire l’attention des visiteurs sur d’autres sons de la nature. Aux frottements des feuilles se mêlent tantôt les bruits urbains de la ville voisine tantôt ceux de la mer. Pour Erik Semakh, ce parcours est «l’occasion de faire venir les gens dans un endroit qu’ils ne connaissent pas ou de le redécouvrir d’une toute autre manière». De Rio à la Lorraine en passant par l’Italie, ses flûtes ont enchanté le monde entier. Une chance de pouvoir les accueillir pour la première fois dans cette magnifique Camargue ! ANNE-LYSE RENAUT
Les Flûtes du Bois d’Argent est un parcours ouvert du 5 avril à fin septembre au Domaine de la Palissade, Salin-de-Giraud
Nuits câlines Angelin Preljocaj voulait avec ses Nuits écrire un chant de gloire à Shéhérazade, femme suprême qui peuple les nuits de son Sultan tyran et gagne le droit de vivre de ses récits essoufflants. Cela commence au harem, entre femmes lascives, se poursuit par un bal de virils guerriers, se peuple d’oppression, puis peu à peu l’érotisme s’installe, torride, offrant de magnifiques duos,
explorant des déhanchements et des gestes de bras empruntés aux danses orientales, un tableau fort sur This is a man’s world, un autre ironique inspiré du générique d’un James Bond… Puis le propos se délite dans une succession de moments portés par des interprètes sublimes, mais émaillée de trop peu de contrastes pour qu’un certain ennui ne s’installe pas, malgré une
Le sport est une danse comme les autres Quand Frédéric Flamand conçoit une création pour l’espace public, il ne le fait pas à moitié. Au contraire, il offre plus ! Tous les danseurs du BNM plus ceux de la classe d’insertion, un dispositif scénographique impressionnant, pléthore de costumes… et un allant réjouissant ! De quoi est-il question dans Sport fiction ? de célébrer le mouvement et son pouvoir d’évocation. À la manière d’une revue, par une succession de numéro, les danseurs donnent à voir chaque sport, avec jubilation ! Du foot à la boxe, du vélo au tennis, de la natation au saut à la perche… avec de légers décalages pour surprendre le regard : les footballeurs s’attachent à des barres horizontales de babyfoot, des femmes boxent, les escrimeurs rencontrent des ballerines… Les katas de judo, un ballet d’hommes d’affaires, des patineurs et des gymnastes évoquent une esthétique du sport proche des recherches chorégraphiques : on voit la danse de chaque discipline, avec un côté suranné années 30, des tenniswomen qui ressemblent à Olive de Popeye, des projections d’archives sportives de tous les temps surtout anciens, et d’ingénieuses
AGNÈS FRESCHEL
Les Nuits ont été crées au GTP, Aix, les 29 et 30 avril
© Agnès Mellon
allusions, sans ralentis ni saccades, aux décompositions du mouvement de Muybridge. La musique, répétitive américaine (John Adams), mais aussi extraite de cartoons ou des films de Tati, sonne à la fois symphonique et simple, alerte, burlesque comme cette célébration de l’épopée sportive, qui évite soigneusement ses tragédies et ambiguïtés, pour rechercher leurs esthétiques. Leurs danses ?
Deuxième étape de Constellations à Toulon, KKI au musée d'art © MGG - Zibeline
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© Agnès Mellon
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scénographie de lumière subtile. La sensualité se désincarne en dépit de la beauté des corps, jusqu’aux deux derniers tableaux qui se centrent enfin sur le propos qui semblait essentiel : une Shéhérazade multipliée dompte l’homme en l’enrobant des effluves de son narguilé comme celle des Mille et une nuits remportait son combat par le charme de ses récits ; puis elle passe à travers les grilles de sa prison, libérée par le Sultan qui la laisse vivre au terme du combat des sens et de l’esprit. On renoue alors, enfin, avec l’exceptionnelle inventivité du chorégraphe. Avant cela sa danse reste techniquement parfaite mais ses Nuits mériteraient d’être resserrées, et leur propos plus lisible : car l’érotisme n’y semble ni franchement vaincu, ni vraiment triomphant. Parce que la douleur n’y est pas aussi sensible que dans Liqueurs de chair ?
De haut en bas Au premier jour Kubilai Khan Investigations prit de l’altitude pour déplacer danses et performances au sommet du Mont Faron à Toulon. Un parcours avec haltes inédites et galaxies sonores… Le lendemain KKI trouvait de belles résonances avec l’espace de la ville pris «comme un terrain de jeu», où les formes hybrides conçues par Franck Micheletti induisaient «des rapports moins conventionnels qu’au théâtre, au plus près de la danse et des artistes». Comme dans les salles vides du Musée d’art propices aux investigations spatiales des danseurs aux prises avec le chambranle d’une porte, une tablechevalet recouverte de coulures ou une bicyclette maniée par Camille Chatelain dont on découvrira à la Cave de Lilith les talents de chanteuse. Ce fut l’occasion d’une belle révélation : en costume blanc et chemise noire, le jeune chorégraphe-danseur Simon Tanguy offrit un solo époustouflant, tout en énergie démesurée. Tel un cabri dans l’arène il entra dans une sorte de fureur de danser et de déclamer, soufflant, hennissant presque ! Après une halte chez Contrebandes, la procession s’élança jusqu’à la galerie Axolotl où Franck Micheletti et le clarinettiste Benoit Bottex improvisèrent un duo frénétique, avant de s’enfoncer dans d’autres mondes sonores à l’Arbre à Bulles. Au troisième jour Constellations bouclait sa trajectoire au niveau zéro de la mer, transformant les jardins de la Tour royale en scène à ciel ouvert : une manière de prendre la large… MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
AGNÈS FRESCHEL
Sport fiction a été créé à la gare Saint Charles, Marseille, les 10 et 11 avril dans le cadre de la Folle histoire des arts de la rue
Constellations s’est déroulé les 9, 10 et 11 mai à Toulon
Persistance de la lumière Comme dans un tableau surréaliste la scène présente trois espaces autonomes en écho délivrant chacun un fragment, un éclat de la puissante «méditation sur l’éternité» qu’a voulue Michel Kelemenis avec la création de Siwa (lieu mythique où Alexandre le grand a eu la révélation de son caractère divin) : le quatuor Tana interprète dans l’ombre du lointain Debussy et Yves Chauris ; les quatre danseurs hommes occupent le cœur du plateau, oasis minérale malicieusement convoquée par quelques verres d’eau, sous un ciel déchiré par le soleil double à la course à peine perceptible de la vidéo de Steeve Calvo. Ambitieux, le projet chorégraphique livre une danse sagement virile : la vie et la mort, l’attirance et
la rupture, la solidarité… les interprètes se guettent, se cherchent, s’ébauchent en se frôlant ; contacts, reptations, jeux à trois contre ou pour un ; grave mais pas trop : ça se déhanche, ça fait la statue et le haut-relief, ça offre un bouquet de visages au projecteur (Jean Bastien Nehr au zénith) et ça fait la nique à la musique qui ne s’en porte que mieux. Le quatuor Tana paisiblement, libère Debussy de ses miroitements franchement impressionnistes et laisse vivre entre les mouvements de l’œuvre en sol(eil) mineur, mélodique et expressive, les pizzicati, les raclements à sec et les stridences rêches des cordes du Paysage emprunté que le jeune compositeur Yves Chauris a écrit pour accompagner l’œuvre
scénique avec une grande intelligence de l’univers mental du chorégraphe. Beau travail de correspondances ! MARIE JO DHO
© Laurent Philippe
Dans ce spectacle en deux parties, le compositeur, vidéaste et chorégraphe Hiroaki Umeda s’interroge sur les interactions entre le réel et le virtuel. La première partie intitulée Duo est en fait un solo dans lequel le danseur se retrouve à côté de son double numérique. Les nouvelles performances technologiques permettent à cet hologramme de se dédoubler, se brouiller et parfois même de se zoomer. Le duo semble difficile à mettre en place face à ce double aux «superpouvoirs». Mais c’est sans compter sur le talent de danseur désarticulé d’Umeda, qui grâce à sa connaissance du geste et des technologies numériques réussit à transporter le spectateur dans cet univers singulier en double dimension mi-numérique/mi-humaine, ou les avatars contaminent le mouvement des corps. La musique électronique est le fil continu de ce spectacle. On la retrouve dans la deuxième partie avec une pièce d’ensemble composée de trois danseurs hip hop. 2.repulsion met en avant la mécanisation du corps. L’ondulation des corps de ces danseurs hors pair suit avec précision les vibrations violentes de la musique. Comme si des ondes sonores virtuelles les traversaient. Ils ne se regardent cependant pas et seule leur association permettra de maîtriser cette énergie. À travers ces deux chorégraphies expérimentales, Hiroaki Umeda bouleverse les codes habituels du hip hop. En l’associant à une musique électrisante et saccadée, procédant par flux, il invente une esthétique aussi complexe qu’élégante grâce au rapport harmonieux ou conflictuel qu’il établit entre corps urbains et nouvelles technologies. A-L.R.
ANNE-LYSE RENAUT
Apache a été donné le 3 mai au théâtre de Fos
2.repulsion / Duo a eu lieu les 11 et 12 avril à l’Odéon, Nîmes Repulsion © Dieter Hartwig
seurs vêtus de jeans et de vestes en peau. On pense aux habits de bison des apaches. Ils forment comme eux une tribu marginalisée, semblent égarés dans ce décor de garage automobile délabré, qui rappelle ce mouvement musical des années 60, précurseur du punk rock, intitulé «garage rock». Ainsi, ces danseurs évoluent dans un univers atypique en apparence éloigné du leur. Cependant, au fil des tableaux, les individus sont traversés par ces sentiments universels que sont l’amour, la mélancolie, la colère et parfois la folie. Qui sont les mêmes pour les enfants du rock et du rap ?
SIWA, pour quatre hommes et quatuor (dont deux femmes) a été donné le 4 mai au théâtre de la Criée, Marseille, dans le cadre du Festival du GMEM (voir p 47)
Hip H(electr)op
Osez le Hip rock ! Médaillé d’or en Modern Jazz, élève de la Rosella Hightower à Cannes, formé en danse contemporaine à New York, Hamid Ben Mahi est un ovni du hip hop. Cette large palette lui a permis d’entreprendre un travail de recherche dont il est l’initiateur, et de rapprocher le hip hop de la danse contemporaine. Mais ici il va jusqu’au rock ! Sans dénaturer les mouvements désarticulés et les acrobaties performatives du hip hop, le chorégraphe offre au public une nouvelle vision de la danse urbaine, qui détache le hip hop du rap et l’apparente aux révoltes du rock. Sur scène, ce sont les anciens musiciens d’Alain Bashung, Yan Péchin à la guitare et Bobby Jocky à la basse, qui revisitent considérablement les airs de la figure de proue du rock français. Une base sonore qui rythme les pas des dan-
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© Agnès Mellon
D A N S E
Nadia Beugre © X-D.R
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L’art sans frontière
Chorégraphe et commissaire de cette exposition, Alain Buffard s’intéresse à ces individus qui ont subi un va-et-vient culturel en partie hérité du colonialisme du XIXe siècle. De gré ou plus souvent de force, ces rencontres ont produit des pensées, des œuvres et des histoires singulières. Histoires Parallèles : Pays mêlés ne parle pas de métissage culturel mais plutôt de ces richesses indescriptibles produites par un voyage au-delà des frontières ou par l’arrivée d’un étranger sur ses terres. Pour cela, le chorégraphe a choisi un endroit qu’il considère comme «emblématique de notre histoire coloniale», le muséum d’Histoire naturelle ainsi que la chapelle des Jésuites de la ville de Nîmes. Dans ces lieux publics s’insèrent des histoires qu’on ne trouve pas dans les livres d’école. Des histoires parfois locales, comme les portraits d’Anna-Katharina Scheidegger, de ces travailleurs indochinois amenés en France en 1914 qui ont apporté, par exemple, leur savoir à la riziculture camarguaise (voir p 70). Parfois touchantes comme la rencontre émouvante entre la mère de l’artiste turque Ferhat Özgür qui porte le foulard traditionnel et échange ses vêtements avec sa voisine, une professeure habillée de façon moderne. Parfois illégales comme The Mapping Journey Project, de l’artiste franco-marocaine Bouchra Khalili, qui montre à travers 8 vidéos ces migrants
racontant leur parcours en dessinant sur la carte officielle leur propre carte clandestine. Le concert des talentueux Ballaké Sissoko et Vincent Segal a donné l’occasion d’admirer le flux intense des notes délicates de la kora, une harpe-luth Malienne à 21 cordes, et le génie du violoncelliste qui pince, frappe, et fait vibrer les cordes de son instrument avec une aisance déconcertante. Quant à Nadia Beugré, c’est sur scène qu’elle trouve ses Quartiers libres. La danseuse entreprend une lutte effrontée contre un monde asservissant, symbolisé par ce câble de micro enchainé à son cou, ou encore cette multitude de bouteilles en plastique vides dont elle est recouverte. Cette vision particulière du monde est le fruit du croisement des cultures qu’elle a vécues et permet ainsi la création d’œuvres aussi précieuses qu’uniques ! ANNE-LYSE RENAUT
L’exposition Histoires parallèles : pays mêlés s’est tenue au muséum d’Histoire naturelle et à la chapelle des Jésuites du 7 mars au 28 avril, Nîmes Ballaké Sissoko et Vincent Segal ont joué le 19 avril au Théâtre de Nîmes Quartier Libres a eu lieu le 20 avril à l’Odéon, Nîmes
Service ferroviaire maximum
© X-D.R
Benjamin MiNiMuM et m a r y s e ont présenté Ferroviaire le 5 avril à la Mesón, à Marseille
An Pierlé,
une sobre mélancolie
An Pierle © X-D.R
Dénicher des musiciens talentueux des quatre coins de la planète, Benjamin MiNiMuM en a l’habitude à travers Mondomix, magazine de référence des musiques du monde dont il est le rédacteur en chef. Lorsque ses amis de la Mesón lui ont proposé une carte blanche, il en a profité pour faire coup double : présenter aux Marseillais l’univers underground naïf des m a r y s e et leur création commune Ferroviaire. La rencontre entre la musique acoustique et ludique des sœurs jumelles parisiennes d’origine philippine et les mix bruitistes de l’artiste reporter donne vie à un tableau musical aux pigments urbains d’essence traditionnelle. Rappelant Björk ou encore Camille, les m a r y s e jouent, au sens propre, avec une multitude d’instruments (principalement du violon et de la harpe) ou d’objets dont elles ont décidé qu’ils le deviendraient. Petits cris tribaux et soupirs sensuels en boucle, ambiance minimaliste, elles semblent s’inspirer aussi bien de l’air que du feu, de l’eau que de la terre. Des morceaux auxquels les collages sonores de MiNiMuM, réalisés à partir de sons enregistrés entre autres dans la gare Saint-Charles, font étonnamment écho. T.D.
Elle a voulu renouer avec ses premières amours. Un tête-à-tête avec son piano. Sur scène, la formule lui réussit toujours aussi bien. An Pierlé a également retrouvé avec un plaisir affirmé le Poste à Galène, salle qui l’avait accueilli avec son groupe de rock White Velvet. Cette fois-ci, l’excentricité de l’artiste belge n’est pas dans ses mélodies poétiques aux arrangements tout en sobriété. C’est plutôt entre deux ballades que la blonde dévie. Reconnaissant elle-même que les morceaux de son dernier album, Strange Days, ne sont pas d’une grande gaîté, elle plaisante avec la mélancolie de certains textes, tous en anglais. S’amuse à aguicher le public, assise sur un ballon de grossesse en guise de tabouret de piano. À presque 39 ans, elle évolue dans un univers malicieux. Sa voix puissante et limpide, dont elle joue avec sensualité et espièglerie, rappelle inévitablement celle de Kate Bush. Rendue célèbre en France par une version cocasse d’Il est cinq heures de Jacques Dutronc, An Pierlé a fait de la reprise une spécialité. Aujourd’hui, c’est le tube de Talk Talk, Such a shame, qu’elle se réapproprie avec la douceur envoutante qui la caractérise. THOMAS DALICANTE
An Pierlé s’est produite le 25 avril au Poste à Galène à Marseille
L’esprit d’invention
contrepoint et des suspensions, de la basse continue et des marches harmoniques, d’ornements,
Opéra Série A ? L’idée d’assister à trois plombes d’opéra seria, même mozartien, faisait craindre qu’Orphée cédât à… Morphée ! C’est que le livret de La Clémence de Titus n’a pas l’allant des trois grands opéras écrit par Da Ponte. Foin de la comédie dans ce testament du genre créé trois mois avant la mort de Mozart. On y trouve toutefois des ressorts, comme au final du 1er acte, quand les quiproquos nouent une situation captivante, le Capitole flambe et qu’on manque d’assassiner l’empereur… et qu’un magnifique Quintette avec chœur, aussi, fonde un sommet de l’histoire de l’Opéra. Finalement conquis, le public a cédé à la perfection de récits, aux merveilles d’arie… à une riche distribution et la direction minimale, épousant le chant, de Mark Shanahan. La mise en scène de David Mc Vicar (Festival d’Aix 2011), souligne la gémellarité de l’ouvrage avec La Flûte enchantée : car La Clemenza di Tito se nourrit aussi de symboles maçonniques. Quand Titus apparait, souverain éclairé rayonnant dans son habit des Lumières (Paolo Fanale superbe ténor), c’est le jeune Tamino qu’on imagine, après qu’il aurait remplacé Sarastro à la tête du Temple, mais étrangement protégé par une poignée de sbires aux postures (un peu ridicules) de samouraïs. Seule la blanche Servilia (Clémence Barrabé, jeune soprano française pleine d’avenir) est en mesure de suppléer sa Bérénice (Pamina ?) perdue. Sinon, Rome est en noir, en prise aux passions ! En tête, la diabolique Vittelia (héroïque Teresa Romano !) qui se démarque toutefois de la «Reine de la nuit» lorsqu’elle trouve la voie de l’Initiation. L’œuvre vire au rouge au final, celui du cœur, certes, mais aussi du sang, plaie ouverte dans l’esprit de Titus, meurtri, trahi par son ami Sesto (belle Kate Aldrich en travesti !) gagné à son tour par la confusion des sentiments qu’expriment si bien les ultimes accords syncopés de l’orchestre. JACQUES FRESCHEL
La Clémence de Titus de Mozart a été présenté du 4 au 12 mai à l’Opéra de Marseille
modes ou chorals, pour former une espèce de vaste «Suite» baroque ? L’empilage final affiche une «col-
lision» frappante, originale, dont les flèches s’opposent, en sens inverse… Car on ne sait s’il faut suivre la «mise au tombeau» ou «l’ascension» au Paradis ? On n’aura pas de réponse… si ce n’est un délicieux bis offert sous la forme de variations sur une mélodie entêtante, «tube» également… mais d’un autre temps : «Une jeune fillette» qu’on a «rendu nonette» et qui «n’attend que la mort»… On la fredonne à l’issue d’un programme plaisant, mais qu’on aurait pensé plus «iconoclaste», usant trop peu, hormis quelque ostinato contemporain ou tango chaloupé, de recyclages, métissages… JACQUES FRESCHEL
© Lucas Belhatem
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Freddy Eichelberger © Robin Davies
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Sur son luxueux clavecin à pédalier (copie d’un instrument italien du XVIIIe siècle), sonore, conçu pour l’opéra, le 11 avril en la Salle Musicatreize, Freddy Eichelberger entame une descente chromatique qui rappelle la Chaconne illustrant la Mort de Didon de Purcell. À ce figuralisme baroque, le claveciniste superpose des arpèges qui frappent illico l’oreille… Malgré l’incongruité proposée, on reconnait une fameuse intro, d’ordinaire jouée à la guitare, celle du tube de Led Zep : Stairway to heaven ! Mais où donc veut nous conduire le musicien, à l’issue d’une heure d’improvisations virtuoses, classiques, un brin monocordes, durant laquelle il a renoué avec l’esprit d’invention de Bach, après qu’il s’est joué du
Pharaonique En ce début de printemps, l’Opéra de Toulon a programmé Aïda, un des immenses succès lyriques de Verdi, dans une reprise de production de l’Opéra de Nice. Commande créée en 1871 au Caire alors que le compositeur était au sommet de son art, cet ouvrage lyrique surprend par son sujet exotique mais aussi par ses proportions imposantes. Verdi prônant la libération du joug ? On aurait tort en tout cas d’y voir un simple exercice de style orientaliste destiné à mettre en évidence un talent que nul ne contestait à l’époque. En effet, le compositeur dans son souci de réalisme jetait déjà les bases de ce qu’allait devenir plus tard le vérisme, en explorant l’intimité de ses personnages avec une infinie délicatesse tout en offrant une synthèse musicale des traditions française, italienne et allemande. Fort d’un plateau vocal puissant et homogène sur le plan dynamique, et de premiers rôles vocalement convaincants malgré les graves peu sûrs du rôle titre (Mardi Byers), ce spectacle mettait en lumière cette recherche de vérité dans l’expression des sentiments. Cependant, les décors massifs et monumentaux, ainsi que la présence en nombre des chœurs auxquels s’ajoutait parfois un ballet, confinaient parfois les protagonistes dans un statisme dommageable et étouffaient une mise en scène très classique inspirée par une Égypte Antique de carte postale. Fort heureusement, la direction souple et aérienne du chef Alberto Hold-Garrido a su avec bonheur éviter l’écueil d’un style orchestral imposant et parfois pompier, tout en ménageant un espace confortable aux chanteurs. ÉMILIEN MOREAU
© Christian Dresse
Aïda a été présenté du 7 au 13 avril à l’Opéra de Toulon
Répertoire et création contemporains Le festival les Musiques du GMEM s’éclate entre Aperghis et Dusapin Ça redonde et bégaie le 3 mai à La Criée, s’accumule et récite… musique des mots, chant schizo, gymnastique des tocs et des maux de mémoire… chez Georges Aperghis, ce compositeur qui explore depuis quarante ans l’univers singulier du «théâtre musical» ! Inspirée du quotidien, sa langue, poétique, absurde et drôle, a trouvé son clown blond, burlesque, au visage angélique : Donnatienne Michel-Dansac. Depuis près de dix ans, elle jongle entre Tourbillons et Calmes plats (1989-92) et des textes, fragments en inserts, d’Olivier Cadiot. Au prix d’un travail scénique colossal, d’une précision métronomique, une heure durant, l’artiste joue de décalages, cassures de rythmes et de la voix, des intentions, alors que son visage projeté sur écrans en jardin et cour, guide le spectateur dans un jeu subtil de champ-contrechamps, chant-contrechants, au croisement des arts. Brava ! Un couple d’heures plus tard, alors que sur les quais du port Flammes et Flots bat son plein, l’Ensemble C Barré (dir. Sébastien Boin) livre un programme qu’on considère aujourd’hui comme classique. Pourtant, le geste créateur de Ligeti dans son Concerto pour violoncelle (1966) conserve toute sa force d’antan : un continuum sonore qui dévoile toute une palette de textures, jusqu’au silence (certes, brouillé par les flonflons de la fête extérieure) et sa cadence fantomatique (Alexis Descharmes). Xenakis aussi, et son architecture chaotique, stridente et mécanique, déshumanisée (Thalleïn, 1984), ou le masque pointilliste de Donatoni (Flag, 1987), gravitent autour d’opus de Pascal Dusapin Ces derniers mettent en jeu la voix (Fran-
Donatienne Michel-Dan sac ©
Mikael Libert
çoise Kubler) dans un folklore dépouillé d’accroches géographique et temporelle (Ask, 1987), l’exclamation douloureuse (Ô Berio, 2006) ou la relation dantesque au Créateur (Comoedia, 1992). Une complexité où chacun peut trouver son chemin, suivre une voie énigmatique… au demeurant stimulante !
L’héritage allemand
O Mensch © Marthe Lemelle
O Mensch est le fruit de la rencontre entre Pascal Dusapin et l’œuvre de Nietzsche. Créé le 30 avril à la Criée en 27 moments, dont 4 Interludes au piano. Nietzsche ne résume t-il pas tout l’héritage romantique germanique ? Dusapin aime ce vague, sa lumière douce, l’homme qui erre dans le brouillard, le dépouillement, le voyageur… Ces mille peintures défilent à travers O Mensch, un «opéra» pour baryton et piano appuyé par des vidéos, des jeux de lumières, des ajouts de musique concrète. Les textes proviennent de poésies de jeunesse puis d’aphorismes, et construisent un parcours, qui part du rejet de Wagner à travers le Prélude de Tristan, que Dusapin se plaît à rendre besogneux sous les doigts magiques de Vanessa Wagner ; car Nietzsche fut si déçu par Wagner tombant aux pieds de la croix (Parsifal 1883) ! Ayant découvert le Sud, Naples, l’Italie, Nietzsche souhaite une mutation du goût et Carmen le fascine. Mais comment se libérer de Wagner ? Georg Nigl représente cette puissance dans la lutte, incarnant la musique inclassable, expressive, lente ou vivace, tonale, atonale, méta tonale, habitée d’images de films expressionnistes (Fritz Lang, Murnau). Les accords lents sont entrecoupés de longues plages de silences d’une troublante lenteur : C’est la guerre qui grandit. Le baryton-acteur, impressionnant, exploite tous les registres de sa voix si souple, de la basse profonde au contre ténor, voix de tête pour les passages plus exaltés, légers ou philosophiques. En contorsions inspirées de photographies anciennes, il est tour à tour clown, acrobate, funambule, penseur. Il s’éveille au désir, convoque une soif de méchanceté. Puis bondit comme l’oiseau sur les toits : le piano devient joueur, modal. Jusqu’à ce qu’un aigle convoque la nuit, lento, voix de tête, le vent en fond. Dieu est mort, mais cette musique contemporaine est bien vivante. JACQUES FRESCHEL ET YVES BERGÉ
Voir également Siwa p 43 et Venue d’ailleurs p 40
Tradition, prolongement et fusion Philippe Boivin, compositeur, professeur au CFMI, s’est lancé dans un pari d’écriture assez fou, en mêlant les polyphonies de Musicatreize aux sonorités traditionnelles du gamelan Bintang Tiga, dirigé par Gaston Sylvestre ! La création Trio Bhuwana (identité bouddhique des trois mondes) se décline en deux parties : Swah Swara et Bhur Gong. Elle associe des poèmes sur la méditation, le savoir, et se conclut par une pièce étrange et puissante (Syllabaire des consonnes) où les basses lugubres figurent la mort. La seconde partie fait apprécier le duo des 2 soprani (Kaoli Isshiki et Claire Gouton) comme deux flûtes solistes sur des textes de Jean-Antoine de Baïf et François Villon. Les notes du gamelan étant dans une gamme non tempérée, Roland Hayrabédian a du jongler, dans sa direction et son écoute, avec des problèmes de hauteurs, rendant un ensemble parfois instable, la résonance des gongs, xylophones, métallophones, percussions brouillant, en nappes sonores et gammes pentatoniques, les échelles plus tonales des parties vocales. La musique cyclique dans l’esprit de la tradition balinaise et javanaise, où l’individu se met toujours au service du collectif, est rendue par un ensemble percussif coloré, tons rouge et or, où chacun prend sa place, attend, écoute, partage, s’efface pour laisser entrer les voix. Une énergie vibratoire pour un pari réussi, entre tradition et modernité. YVES BERGÉ
Ce concert a eu lieu le 19 avril à la Salle Musicatreize, Marseille © Yves Bergé
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Entre l’ancien et le nouveau
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De manière atypique se dessinait la formation de l’Ensemble Les Voix animées, pour l’interprétation du deuxième volet de la trilogie du cycle Entre terre et mer, Gaudeamus : une soprano, deux contre-ténors, deux ténors, un baryton, Luc Coadou, également à la direction musicale. Le programme s’orchestre autour de la Missa «Viri Galilaei» de Palestrina, à la jointure entre la Renaissance et le baroque. Viennent s’intercaler des motets de Josquin des Prés et de Tomas Luis de Victoria, tous deux ayant appartenu comme l’illustre maître à la Chapelle Pontificale. Les pièces s’appuient sur l’assise de la basse, s’élèvent en cathédrales, sonnent en cloches victorieuses, recher-
chent la plénitude, s’emportent en un langoureux vertige. Les lumières du soir ocrent les murs de l’abside, les chants des oiseaux répondent aux chanteurs. Les voix superbes se glissent avec aisance dans ce répertoire, cisèlent les phrases musicales, sculptent la matière, définissent de nouveaux et subtils équilibres. Par trois fois, en nappes sonores aériennes, juste appuyées par une pulsation monocorde, le motet Sicut cervus de Dimitri Tchesnokov (commande des Voix animées) auquel en bis répondra en écho lointain le Sicut cervus de Palestrina. Dimitri Tchesnokov, particulièrement heureux de pouvoir écrire pour un tel chœur -deux autres motets accompagneront bientôt
Les voix animees, Gaudeamus, abbaye du Thoronet © Bernard Vansteenberghe
ce concert-, a écrit, explique-t-il, ce motet avec le soutien de la SACEM, spécialement pour ces voix et le cadre acoustique de l’abbaye du Thoronet. La qualité du silence qui laisse résonner les dernières harmoniques, suffit à en dire la réussite. MARYVONNE COLOMBANI
Le concert a été donné le 14 avril à l’Abbaye du Thoronet
Marseille baroque En cette année capitale, Jean-Marc Aymes et l’ensemble Concerto Soave, nous emmènent de Naples à Marseille, à la découverte de musiciens méconnus. Marseille comptait de nombreux maîtres de chapelle de talent aux XVIIe et XVIIIe siècles ! Le napolitain Pergolesi est le seul compositeur référent du concert, rendu immortel par le Stabat Mater, écrit juste avant sa mort à… 29 ans ! Dans son sublime Salve Regina, la voix de Maria-Cristina Kiehr se fond dans le legato des cordes, avec une magnifique montée chromatique... Les surprises commencent avec l’Ouverture de l’opéra Andromaque de Leonardo Leo, rappelant l’énergie des opéras italiens. L’ensemble (10 cordes, basson, clavecin) imprime de belles envolées. On se pose alors dans la cité phocéenne pour se délecter du Dies Irae d’Alexandre Louët, né à l’angle de la rue Grignan et de la rue Paradis en 1743 ! La soprano dévoile son art parfait du style baroque : vocalises, longues tenues, sons en-
flés, relâchés. L’esprit du concerto grosso est très présent ; les musiciens s’en donnent à cœur joie, dans un jeu de questionsréponses jubilatoire, prouvant que les voyages étaient incessants entre Marseille et l’Italie. On pense à Corelli, Vivaldi, ou Gluck et Bach. De Chalabreuil on ne sait pratiquement rien, mais son Exultate Deo a tout le charme du motet à la française, avec alternance de vocalises et de phrases plus déclamées. Une Sonate, brillante et dansante, de Pierre-Gabriel Buffardin, virtuose et pédagogue hors pair de la flûte, complète ce riche programme, qui permet de redécouvrir le génie de ces compositeurs provençaux oubliés, fussent-il de répertoire ! YVES BERGÉ
Ce concert a eu lieu le 27 avril dans le cadre du Festival de musique sacrée de Marseille
Concerto soave © Yves Bergé
À venir «Music Divine» le 11 mai Eglise de l’Immaculée Conception, Toulon le 12 mai Abbaye du Thoronet 06 51 63 51 65 www.lesvoixanimees.com
Des flûtes pour des violons L’ensemble des Festes d’Orphée, spécialisé dans le répertoire baroque, s’est amusé à décliner les flûtes dans son dernier concert, Flûtes en fête, de la ténor à la «sopranino». Le programme très éclectique musarde entre les auteurs baroques. Le Concerto IV de Schickhardt dont l’allegro aurait pu servir d’indicatif pour l’ancienne ORTF, laisse la Canzoni francese de Frescobaldi accorder à la partie de la viole de gambe une indépendance visà-vis des flûtes qu’elle ne faisait que soutenir précédemment. Boismortier apporte une construction plus complexe dans un style fleuri et narratif ; Pachelbel reste très sage avec ses variations de flûtes en canon sur l’ostinato de la viole de gambe. Michel Corrette ouvre la deuxième partie la plaçant dans le registre mutin et léger, avec le Concerto comique La servante au bon tabac où chacun reconnaît l’air de la comptine. L’entrain du morceau fait passer les curieux frottements du Concerto a quatro de Telemann, transcrit pour quatre flûtes. La Fantazia de Purcell guide alors les auditeurs dans un univers étrange, travail de demandes et réponses, échos, auxquels succède l’écriture lumineuse de Vivaldi dans son Concerto pour quatre violons transcrit pour flûtes et basse continue. Le bis quitte totalement ces univers pour une œuvre «retrouvée par John Towner Williams», dixit en souriant Guy Laurent. Il s’agit du thème d’Indiana Jones qui achève ce concert sinon dans la création du moins dans la bonne humeur. M.C.
L’Ensemble des Festes d’Orphée s’est produit le 30 avril à la Chapelle des Oblats, Aix
Premiers de cordées Juste après qu’on a assisté à quelques concerts de musique de chambre dans la (trop) grande salle du GTP lors du Festival de Pâques à Aix, on se retrouve le 9 avril à l’Auditorium de la Timone, dans des conditions optimales d’écoute et de vision, pour le dernier récital de la saison 2012-2013 de la Société de Musique de Chambre de Marseille (SMCM). On y réentend le Quatuor Modigliani, toujours jeune ensemble qui s’invite à la Faculté Médecine pour la 5e fois… en à peine dix ans ! De fait, ces quatre garçons surdoués, dont le parcours commun est époustouflant, ont commencé à jouer ensemble en 2003 : ils soufflent dix bougies musicales en notre compagnie. On loue, par ailleurs, le «flair» de l’équipe de Bernard Camau l’intimant à découvrir, avant tout le monde, de jeunes talents ! Dans la salle palissée de bois, près de 500 personnes apprécient l’acoustique nette du lieu comme la proximité avec les artistes. Si les quatre instruments italiens des XVIIe et XVIIIe siècles mettent un temps avant de trouver leur plein régime, justesse, cohésion, pâte sonore dans l’Opus 50 n°1 de Haydn ou l’ultime Quatuor n°16 de Beethoven, et de fulgurants moments de grâce inventive, les Modigliani recouvrent la hauteur de leur (déjà grand) renom dans Ravel. Ils nous embarquent dans la sonorité soyeuse, féerique et colorée, pointilliste et expressive du génial Quatuor en fa qui rythma les images d’Un cœur en hiver de Sautet.
La prochaine saison Placée sous le signe de la jeunesse, d’octobre 2013 à avril 2014, le programme s’appuie sur de jeunes artistes récemment et brillamment primés à Bordeaux, Vienne, Pékin, Genève, New York comme les quatre filles du Quatuor Zaïde ou, canadiennes, celles du Cecilia String Quartet pour une étape dans leur tournée européenne, les cordes mixtes du Quatuor Hermès ou la belle pianiste russe Natasha Paremsky. En duos, on retrouve Lise Berthaud (alto) et Adam Laloum, Julian Steckel (violoncelle) et Paul Rivinius (piano), Nurit Stark (violon) et Cédric Pescia (piano), en trio enfin Liana Gourdjia (violon), Marc Coppey (violoncelle) et Peter Paul (piano). Traditionnellement, la SMCM accueille la Biennale Internationale de Quintette à Vent pour une belle affiche de Dixtuors.
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JACQUES FRESCHEL
Devenir adhérent : Espace Culture 04 96 11 04 60 Par courrier : Société de Musique de Chambre de Marseille, 21 Bd Haguenau, 6 allée Ste Colombe 13012 Marseille smcm@laposte.net www.musiquedechambremarseille.org
Quatuor Modigliani © Andrew French
Abdel Rahman el Bacha © Mitsuta
Abdel Rahman
«le Pacha» Ce n’est pas Le Vaisseau fantôme que dirige Fabrizio Maria Carminati au Silo le 12 avril ! De fait, dans la vaste nef de l’ancien magasin à grain transmuté en salle de concert, l’Orchestre de Philharmonique de Marseille possède un bien «Capitaine», bondissant, électrique… C’est Wagner, cependant qu’il conduit à la baguette, Ouvertures des Maîtres Chanteurs de Nuremberg et de Tannhäuser : on les voudrait plus augustes, célestes quand on les trouve militaires, pompières, grossières... Avec le chef italien, c’est un peu «Chico» qui s’introduit au Venusberg ! Alors on ferme les yeux, car on se dit que la vue brouille parfois l’entendement… et l’orchestre joue bien, sans faille, ni accroc. Il aurait sans doute mérité une plus grande hauteur de vue, échelle de nuances dans l’équilibre des pupitres, un dessin plus précis des traits instrumentaux dans les tutti… Aussi, quand il attaque la longue introduction orchestrale du 1er Concerto de Brahms, tranchante comme une hache… on prend peur ! Mais, ouf, le Silo trouve son «Pacha» ! Dès les premières mesures du piano, Abdel Rahman el Bacha impose son tempo, son style, sa vision détachée, puissante et articulée. Il marie le souffle romantique au lyrisme mystique, tire à lui l’orchestre, impose une écoute mutuelle, oscille entre la fusion et le combat, détaille… On renoue avec l’essentiel : la justesse du ton et l’émotion ! JACQUES FRESCHEL
Tharaud l’explosif
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Alexandre Tharaud © Marco Borggreve
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Alexandre Tharaud a une élégance naturelle, et une posture de dandy toujours juvénile. Ses 44 ans passés semblent une erreur administrative ! D’abord les Neuf pièces lyriques de Grieg, où le pianiste joue de toutes les atmosphères chères au compositeur de Peer Gynt : lyrisme, thèmes populaires, technique parfaite, phrases larges très affirmées dans le registre grave. Puis les Kinderszenen op. 15 de Schumann, de caractère apaisé et passionné, qui contrastent avec le refus de Wieck d’accorder la main de sa fille Clara à Robert. Tharaud surprend par un jeu parfois assez marqué, puis soudain, plein de finesse : Der Dichter spricht (le poète parle), lente, si déchirante. On attendait la transposition de l’Adagietto, extrait de la 5e symphonie de Mahler. Tout aussi brillant que soit cet exercice de haute volée, on est très éloigné de l’esprit de l’œuvre : le génie de Mahler était de rendre invisible, planant, éthéré son orchestre, cordes à peine effleurées. Tharaud en fait quelque chose de très
symphonique, démarrant par un mezzoforte où Mahler entrait sur la pointe des pieds, nappe immuable et magique, immortalisée sublimement par Visconti (Mort à Venise). Tharaud a voulu prouver au piano ce que Mahler avait refusé à l’orchestre, mais transposer le génie orchestral de Mahler au piano n’est-il pas une inutile gageure ? Dans l’Appassionata de Beethoven, l’Allegro ma non troppo est brillant, jouissif, la technique époustouflante, malgré un Andante con moto nerveux. Tharaud aime apprivoiser les résonances finales, maîtriser les ultimes vibrations, et la main tourne après le silence encore, comme pour dire : j’ai le son que je veux. Un pianiste exceptionnel, qui sera unique lorsqu’il trouvera l’équilibre entre technique et humanité, affirmation et poésie. YVES BERGÉ
Verdi ma non troppo ! Foin des «La donna è mobile», «Questa o quella» et autre «De miei bolenti spiriti» ! Ces airs «ténorissimes» tirés de Rigoletto et La Traviata, on ne les entendra pas, lors même qu’ils sont communément associés au «Re d’Italia» dont Rolando Villazòn célèbre le bicentenaire le 2 mai au Grand Théâtre de Provence ! Le plus beau «lirico» actuel y reprend seulement la partie la moins «courue» de son dernier disque Villazon Verdi publié en 2013 pour Deutsche Grammophon. Pas une concession de la part du franco-mexicain, même en bis où certains attendent de reconnaitre quelques notes familières ! La star n’en a pas besoin pour triompher, faire lever les foules : elle remplit la salle sur son nom seul, génère une minute d’acclamation lorsqu’elle n’a pas encore ouvert le clapet à contre-ut… Hormis Ah la paterna mano de Macbeth ou Quando le sere al placido de Luisa Miller, les airs d’I Lombardi, Il Corsaro ou Oberto écrits par Verdi autour de la trentaine, contreviennent aux us et recettes consistant à livrer à l’auditoire ce qu’il attend, plutôt que l’emmener vers des terres nouvelles. Pas d’effet de cirque non plus ! Tout au plus passe-t-il par un si naturel, en début de récital, aigu en accroche de funambule : il n’y reviendra plus ! De surcroit, c’est avec une série de Romanze méconnues du maître de l’opéra, orchestrées avec gout par Luciano Berio, que Villazòn l’emporte (avec l’Orchestre National Symphonique Tchèque), par son talent propre. C’est qu’à quarante ans le ténor est au faîte de la maturité : son timbre est d’une beauté lumineuse, art du chant maîtrisé au millimètre, un métier théâtral hors pair n ès Mello © Agn doublé d’une personnalité éminemment humaine, généreuse, dont la connivence, le sens du partage avec le public, à fleur de peau, ravit ! JACQUES FRESCHEL
Le récital a été donné le 20 avril à l’Auditorium du Pharo, Marseille
Madame M.
Dans le monde des pianistes virtuoses, gravitent au firmament des interprètes illustres quelques femmes d’exception telles que Martha Argerich ou encore la locale Hélène Grimaud. Dans cet aréopage très fermé de dames de caractère, la pianiste portugaise Maria Jo o Pires, par son charisme, sa discrétion, son amour de la transmission, est une figure emblématique. Interprète d’un soir au Maria-Joao Pires © Felix Broede GTP dans le Concerto n°2 en fa mineur opus 21 du juvénile Chopin, le public aura pu apprécier l’excellence de son toucher, la grâce de son jeu, sans emphase, tout en intériorité, d’une virtuosité aristocratique exempte de démonstration pyrotechnique comme l’aimait le pianiste polonais. Avec quelle poésie elle mit en valeur l’élégance mélodique du Larghetto ! Chaque note, chaque ornementation, pesée, soupesée, trouva sa juste place au sein d’un discours ciselé, dentelle de mots muets écorchée d’une douce mélancolie. Le très bel Orchestre de Chambre de Bâle, tout à l’écoute et au service de la soliste, mit parfaitement en relief la beauté de cette pièce de pianiste pour pianiste ! Mais le célèbre chef Trevor Pinnock, à la tête de cet ensemble talentueux, bien équilibré, avec une belle pâte de cordes, aurait été bien inspiré d’entourer le chef-d’œuvre de Chopin d’autres pièces que l’insipide Siegfried Idyll de Wagner, poème symphonique interminable en hommage à la naissance de son fils et de la sempiternelle «Jupiter» de Mozart. Mais dès la sortie du concert ces pièces étaient oubliées et restaient dans les oreilles les magnifiques pages dessinées par la grande Maria. CHRISTOPHE FLOQUET
Concert donné au GTP, à Aix, le 4 mai
l’univers carcéral, à partir d’ateliers qu’il a animé à la prison de Clairvaux (elle fut aussi autrefois un monastère). Là, aux côtés de musiciens professionnels, comme la soprano Brigitte Peyré, près d’une centaine de jeunes choristes marseillais chantent l’ombre et rêvent de lumière, récitent l’enfermement, l’exclusion, l’espoir et la peur de liberté, intérieure, fantasmée… chuchotent, tremblent, crient, questionnent le silence, les conventions, les flous de la mémoire et de l’identité… Un hymne à la vie et aux songes d’enfants !
Le Gyptis en Surprise[s]
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L’événement est majeur à Marseille, émouvant pour tous ceux ont suivi l’aventure du couple Chatôt-Vouyoucas dans l’histoire théâtrale de la ville, au Théâtre de la Belle de Mai depuis 1987 et même une dizaine d’années auparavant au petit Théâtre Massalia de la rue Grignan… Tiens on se souvient avec nostalgie d’un Godot ou d’un Claudel qu’on y découvrait à l’époque ! Cygnes blancs, Françoise et Andonis chantent leurs dernières notes en Surprise[s] le 23 mai à 19h15 au Théâtre Gyptis qui deviendra un Pôle image, sans doute, dans la foulée du départ. Mais le duo n’a pas manqué de cultiver l’art de la transmission, car la belle équipe qu’il a formée, et qui mène maintenant la danse, ne manquera pas de développer l’ouvrage, explorer de nouvelles voies… on le dit… à quelques encablures de là ! La musique a toujours occupé une part honnête de la programmation du Gyptis, encore dernièrement avec Lettres d’amour et des amours. Pour cette ultime quinzaine de mai, en guise de flèches du Parthe, comme pour signifier que le combat continue, noble, tourné vers l’avenir et la création, c’est l’Ensemble Télémaque qui joue l’invité Surprise[s] ! D’abord avec la Mort Marraine, beau conte de Grimm mis en musique par Raoul Lay, joué par Agnès Audiffren et mis en scène par Julie Cordier. Un spectacle à succès, pour tout public, qui tourne depuis cinq ans. Puis c’est vers l’un des compositeurs phare de la création contemporaine que le directeur musical se tourne.
70 jeunes filles L’Ensemble Télémaque reprend également, pour la 70e fois, La jeune fille aux mains d’argent, opéra créé en 2006, pour comédien (Franck Manzoni) et marionnettes, chœur et instruments, mis en musique par Raoul Lay sur un livret d’Olivier Py (d’après Grimm), mis en scène par Catherine Marnas. JACQUES FRESCHEL La Mort marraine © Agn ès Mellon
Thierry Machuel effectue un travail singulier sur le chant choral, la poésie contemporaine, explore une nouvelle poétique musicale autour Gospel, du Nô, des chants traditionnels palestiniens, basques… Si bien qu’aujourd’hui on étudie son œuvre au baccalauréat !
Nous d’ici-bas Dans son dernier oratorio, joué le en création mondiale Thierry Machuel évoque à nouveau
MARSEILLE. La Mort Marraine le 16 mai à 14h30 et 19h15 SAINT-MARTIN DE CRAU. Le 24 mai à 20h30. Salle Mistral (scolaire à 14h30) 04 91 39 29 13 www.ensemble-telemaque.com Nous d’ici-bas. Le 31 mai à 14h30 et 18h30. Entrée libre sur réservation 04 91 11 00 91 Théâtre Gyptis www.theatregyptis.com www.theatregyptis.com
Passion opéra ! Après La Clémence de Titus, l’affiche de la Place Reyer reste classique, antique… La reine Cléopâtre mise en musique par Jules Massenet, prend la suite du Mozart Imperator ! C’est un «Drame passionnel» sur le poème de Louis Payen qu’on suit, qu’on vit, entre la mythique et sensuelle Egyptienne, dompteuse d’aspics, (Béatrice UriaMonzon) et son amoureux jusqu’au-boutiste Marc-Antoine qui trahira et se tuera pour elle (Jean-François Lapointe)… Et (ouf !), on découvre un nouveau chef-d’œuvre de l’auteur de Manon, Thaïs, Le Cid, Werther, Cendrillon ou Don Quichotte sur la Canebière, car Cléopâtre n’y a jamais été représenté depuis sa création posthume en 1914. Pour cette nouvelle production, on met le paquet : pour la vue, avec le trio Roubaud / Favre / Duflot et pour l’ouïe, au
service d’un chant français qu’on retrouve toujours avec plaisir, une distribution royale enrichie de Luca Lombardo, l’un des meilleurs ténors contemporains pour interpréter l’esclave Spakos devenu amant-fou de la Reine, ou Kimy Mc Laren en Octavie, épouse délaissée. C’est le «king» Laurence Foster qui dirige l’Orchestre et les Chœurs de l’Opéra. Auparavant, l’Orchestre Philharmonique de Marseille aura achevé sa saison dans le cadre de l’ultime concert du 18e Festival de Musique Sacrée en accompagnant le Chœur PACA (dir. Michel Piquemal) et un beau quatuor de solistes dans un programme Dvorak (Psaume, Te deum et Messe en ré majeur). Le dernier concert de musique de chambre nous emmène du côté ibéro-latin de Turina, Falla
ou Piazzolla, avec Laurence Stevaux (soprano), Elisabeth Soulignac (violon) et Agathe Dipiro (piano). J.F. MARSEILLE. Cléopâtre. Les 15, 18, 20 juin à 20h et le 23 juin à 14h30. Opéra Conférence Opéra. Le 8 juin à 15h. Foyer Opéra et Rencontre à l’Alcazar. Le 12 juin à 17h. Salle de conférence. Entrée libre Concert Dvorak. Le 29 mai à 20h30. Eglise Saint-Michel Musique de chambre Le 25 mai à 17h. Foyer Opéra 04 91 55 11 10 http://opera.marseille.fr
RetrouveZsur notre site tous nos articles et d’autres encore ! -l’Abécédaire Guédiguian - Vincent Peirani 5tet au théâtre Fontblanche, Vitrolles -Polyphonie System à la Machine à Coudre, MArseille - Martine Joséphine Thomas au Méjan, Arles - C’est la faute à Vénus à la Chapelle Saint-Joseph, Marseille - Orphée aux enfers au théâtre du Lacydon, Marseille - le Sextuor Cattanea au Château des Remparts, Trets - Barbe Bleue à l’Odéon, Marseille -Adam Laloum à la Criée, MArseille
- Baptiste Trotignon au GTP, Aix - Jeanne Garraud à Théâtre et Chansons, Aix - Choré de Jean-Christophe Maillot au Grimaldi Forum de Monaco -Le Catalogue de l’exposition Rodin à la lumière de l’antique - Stephen Sondheim de Renaud Machart, Actes Sud - Saint Georges regardait ailleurs de Jabbour Douaihy, Actes sud
www.journalzibeline.fr
JACQUES FRESCHEL
MARSEILLE. L’homme qui plantait des arbres. Le 22 mai à 20h. Salle Musicatreize 04 91 00 91 31 www.musicatreize.org
Joel Versavaud © X-D.R.
Duo et quatuor
Le formidable jeune pianiste David Kadouch et Edgar Moreau, violoncelliste récemment révélé aux Victoires de la Musique 2013, proposent, dans le cadre du Festival de La Roque d’Anthéron hors-saison une beau programme de Sonates de Debussy (n°1), Schubert (Arpeggione) et Chostakovitch (op.40 – le 21 mai à 20h). On poursuit dans l’ancienne halle aux poissons avec de la musique de chambre et le Jerusalem String Quartet qui joue les Quatuors n°1 de Smetana, n°3 de Chostakovitch et les Bagatelles de Mark Kopytman (le 27 mai à 20h en partenariat avec Marseille Concerts). J.F MARSEILLE. La Criée 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com
Programme de salle…
L’Ensemble Musicatreize dirigé par Roland Hayrabedian retrouve son «chez-soi» pour un beau programme vocal autour du Cycle des berceuses : deux pièces en création de Félix Ibarrondo et Daniel Tosi s’ouvrent à la lumire méditerranéenne, nouvelles fleurs enracinées dans la tradition orale et le monde de l’efance. Maurice Ohana (Berceuse et Sybille) comme la «liturgie du métal», alchimique Maadann de Zad Moultaka, complètent l’affiche (le 12 juin à 20h). C’est aussi l’accordéoniste Pascal Contet qui s’invite dans un programme mixant le baroque Couperin à la bossa nova ou Piazzolla, comme le contemporain Bruno Mantovani ou l’inclassable Jacques Rebotier… (le 14 juin à 20h). J.F.
Concerts à 20h. Salle Musicatreize Réservations au 04 91 00 91 31 www.musicatreize.org
De Fuchs à Imbert
Julie Fuchs (Révélation lyrique aux Victoires de la Musique 2011) est de ces jeunes sopranos capables de passer de la comédie musicale ou l’opérette à l’opéra (belle Galatée au Festival d’Aix 2011 !). On la découvre en récital dans l’écrin aixois (le 24 mai à 20h30. Théâtre du Jeu de Paume). On attendait à Marseille la venue du saxophoniste Raphaël Imbert, depuis son Mozart Ellington initié au GTP en 2011et la sortie du disque Heavens Amadeus & the Duke (CD Jazz Village-harmonia mundi JV 570011). Avec les sbires jazzy de la Compagnie Nine Spirit, la voix chaleureuse de Marion Rampal, les cordes classieuses du Quatuor Manfred ou Florent Héau à la clarinette, les éclats du swing d’Ellington et les Lumières mozartiennes «se fondent en une seule et même lueur», enfin sur la Canebière ! (le 15 juin à 20h30. Théâtre du Gymnase). 08 2013 2013 www.lestheatres.net
Festival d’Aix-en-Avance
Dès la mi-juin, le Festival d’Aix prend les devants sur les traditionnelles dates lyriques de juillet (Don Giovanni, Rigoletto, Elektra… en 2013). Toute une série de programmes autour de Francis Poulenc, à l’occasion du cinquantenaire de sa disparition en 1963, est donnée à Aix (GTP, Hôtel Maynier d’Oppède, Bois de l’Aune), Rousset et Marseille (La Criée). On entend Les Mamelles de Tirésias avec les chanteurs de l’Académie Européenne de Musique, «Je fais ce qui me chante», spectacle mis en scène par Olivier Balazuc, et sa belle musique de chambre par des spécialistes du genre (Eric le Sage, Lise Berhaud, François Salque…). J.F
Festival d’Aix en juin. Hommage à Francis Poulenc du 14 au 18 juin Programme complet sur www.festival-aix.com
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Commande 2013 du Festival de Chaillol, dirigé par Michaël Dian (en partenariat avec le GMEM) au Marseillais Georges Bœuf, L’homme qui plantait des arbres, d’après la nouvelle de Giono, est créée en avant-première dans la ville du compositeur. Elle essaimera ensuite ses graines sonores, sa poésie écolo-humaniste, fera rimer répertoires et territoires du côté de Gap et du Champsaur (du 23 au 26 mai Week-end musicaux & les 24 et 27 juillet Festival). Quel autre texte que celui du berger Elzéard Bouffier (présenté en 1953 comme authentique) peut incarner aussi intensément l’espoir de la renaissance des vallées alpines ? À la lecture sobre, «radiophonique» de la comédienne Bénédicte Debilly, Georges Bœuf joint un environnement sonore, non illustratif, mais sensible, explorant la matière acoustique à l’image de la musique concrète, soulignant les articulations du récit : ce sont Claudio Bettinelli aux percussions (minérales, végétales, collectées dans les Alpes…) et Joël Versavaud au souffle de ses saxophones, qui traceront cette harmonie de l’homme et la nature que chantait Giono.
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Giono salutaire !
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L’ESTAQUE. Les 18 et 19 mai à 14h, 15h, 15h45, 16h30 et 17h30. Quai de la Lave www.ensemble-telemaque.com
De la Terre au ciel
Après les Sonates de Mozart données à Marseille (Salle Musicatreize) ou le programme De Naples à Marseille joué au Festival de Musique Sacrée, Jean-Marc Aymes embarque les musiciens de Concerto Soave pour la Venise provençale. Pour le dernier concert de la saison de la Scène Nationale Les Salins, on entend des merveilles baroques : la cantate Ariane d’Alessandro Scarlatti, le Salve Regina et des extraits de l’oratorio La Resurrezione d’Haendel, servis par la voix unique de María Cristina Kiehr. J.F. MARTIGUES. Le 21 mai à 20h30. Eglise de la Madeleine 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr
L’Art de la fugue
© Christophe Manquillet
L’une des plus belles œuvres de Bach ! Sa dernière fugue écrite d’après les lettres (notes) de son nom (B.A.C.H.) est inachevée, suspendue, au milieu d’une phrase, comme si le Kantor avait laissé-là… tomber sa plume… définitivement pris la «fuite» ! C’est la pianiste Célimène Daudet qui joue l’opus et dialogue avec les corps en apesanteur du circassien Yoann Bourgeois, la danseuse Marie Fonte, au gré d’une scénographie poétique signée Goury. J.F GAP. Les 30 et 31 mai à 20h30. Théâtre La Passerelle 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.eu
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La biennale d’art contemporain tunisienne Dream City fait escale à l’Estaque et propose trois parcours artistiques imaginés en collaboration avec les artistes «estaquéens» Jean-Marie Arnaud Sanchez et Ali Benrezkallah. On parcourt les rues, pénètre des espaces inattendus, découvre des créations, installations, performances, ballades sonores, visuelles... Quai de la Lave on écoute Solange Baron (accordéon) et Christina Bini (percussions) interpréter Icla, pièce de la jeune compositrice italienne Alice Berni. Un subtil dialogue, énergique ou hypnotique, à goûter l’après-midi ! J.F
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ICLA dans la rue !
Toujours le dimanche ! Mísia en Liberté
Les quatre dimanches du 26 mai au 16 juin sont à réserver ! Pour sa 7e édition, le festival Autour des Claviers, initié par le Duo KW (les pianistes Clara Kastler & Hubert Woringer), nous emporte dans un voyage empli d’évocations littéraires et musicales. Dans l’ordre : Diane de Montlivault et l’inénarrable virtuose François-René Duchâble mêlent textes et partitions romantiques, Chopin, Sand, Liszt, Marie d’Agout, Schumann et sa Clara («Langages croisés»). Deux générations de sopranos turques Aytül Büyüksaraç et Elif Genek, nous font découvrir la musique classique du XXe siècle de leur pays en compagnie du pianiste Sylvain Souret («Les Voix d’Izmir»). La jeune Sarah Lavaud met toute sa sensibilité au service de «Saint-Ex.» avec maître Bertrand Perier à la lecture («Un Petit Prince»). Enfin, l’ensemble Ad Fontes (dir. Jan Heiting) soutenu par le Duo KW jouent la Création de Haydn et rendent hommage à Poulenc avec son Gloria. Qualité et éclectisme, deux conditions du bonheur ? M.C. LE THOLONET. Les 26 mai, 9 et 16 juin, les dimanches à 18h30. Eglise St-Joseph, domaine Aubrun. Et le 2 juin à l’Eglise du Tholonet. 04 42 96 96 96 www.autourdesclaviers.com
Dalberto vs El Bacha
Michel Dalberto © J.-P. Raibaud
Ou Schubert vs Beethoven ! Deux soirées, deux magnifiques pianistes, chacun pour un programme majeur ! Les derniers feux artistiques de la saison du Théâtre de Nîmes sont allumés (et entretenus !), lors de deux concerts enchaînés, par Michel Dalberto et Abdel Rahman El Bacha. Ils interprètent respectivement les quatre ultimes Sonates de Schubert et Beethoven… Monumental ! J.F NÎMES. Les 7 et 8 juin à 20h et 22h. Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10www.theatredenimes.com
© B. Aragao
Voilà une petite vingtaine d’année que l’une des belles figures du fado moderne, héritière d’Amália Rodrigues, tangue son train nocturnal, la «saudade» portugaise, entre passion et élégance ! Mísia livre, au pied du Faron, un florilège de son dernier album enchanteur : La Reine de la Nuit. J.F TOULON. Le 21 mai à 20h30. Théâtre Liberté 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr
Symphonique
Jean-Christophe Spinosi s’invite à la tête de l’Orchestre de l’Opéra de Toulon dans Beethoven (7e symphonie), Haydn («L’ours») et le 1er concerto pour violoncelle de Saint-Saëns avec Jérôme Pernoo (le 31 mai à 21h30. Opéra de Toulon). Jean-François Heisser dirige l’O. L.R.A.P. dans un programme symphonique et lyrique (Turina, Ravel, Falla…) augmenté de marionnettes (le 7 juin à 20h30. Opéra d’Avignon). J.F 04 94 92 70 78 www.operadetoulon.fr 04 90 82 42 42 www.opera-avignon.fr
Roméo et Juliette
Sonia Yoncheva © Javier Del Real
L’opéra de Gounod, mis en scène par Paul Emile Fourny et dirigé par Alain Guingual ! Les amants de Vérone sont interprétés par Sonya Yoncheva et Florian Laconi. J.F AVIGNON. Le 26 mai à 14h30 et le 28 mai à 20h. Opéra 04 90 82 42 42 www.opera-avignon.fr
Couleurs Urbaines Flavia Coelho © Roch Armando
née, le Toursky vibrera au son du flamenco sous la direction artistique de José-Luis Gomez. Danse d’une dynamique impressionnante avec Jairo Barrull qui, entre gestes épurés et aériens, retrace dans Herencia son héritage artistique à travers sept générations (le 23 mai). Un zapateado d’une virtuosité hors du commun. Le 24 mai, Visitando el Mundo signe le retour de Chispa Negra qui mêle flamenco traditionnel et reprises de titres de Leonard Cohen à Hotel California. Explosif et virtuose.
dant 15 jours spectacles musicaux, rencontres d’artistes, conférence et exposition autour du thème des Diseuses avec un dytique consacré au parlé chanté d’Yvette Guilbert. Paris-Bukarest rendra hommage à la chanteuse roumaine Maria Tanase (16 au 18 mai), le spectacle sur la correspondance d’Yvette Guilbert et Freud Je ne sais quoi (30 mai) succèdera au second épisode sur le destin de la «Reine du Caf’conç» dans En v’là une drôle d’affaire (21 au 25 mai). Confrontation entre Slam et Rap avec à la participation du groupe DGT Crew, dans Diseuses d’hier à aujourd’hui (28 et 29 mai). du 16 au 30 mai Théâtre de Lenche, Marseille 04 91 91 52 22 www.theatredelenche.info
Les 20 ans de la Fête du Panier 5e édition du Festival Couleurs Urbaines dans le Var avec des stars internationales, les révélations de demain ou la scène locale. À la Seyne-sur-Mer : hip hop avec Keny Arkana (30 mai, Bourse du travail), rencontre de danse avec la Battle sur Seyne (15 juin, entrée libre) et Biga Ranx, HK & les Saltimbanks et Flavia Coelho (14 juin, esplanade Marine sur invitation). Groundation Meta & The Cornestones joueront à Six-Fours (31 mai, espace Malraux), Idir à Ollioules (7 juin, Châteauvallon) et Elisa Do Brasil à Toulon (8 juin, Bar à Thym). La ville accueille également une Roller jam session (1er juin, Statepark) et la projection du film documentaire sur la Côte d’Ivoire Sabadou de Samir Benchikh (29 mai, cinéma le Royal). du 29 mai au 15 juin Toulon, Six-fours les plages, Ollioules, la Seynesur-Mer www.festival-couleursurbaines.com
Esprit Musique Les 3 groupes Lauréats du Concours Jeunes
le 22 mai Cargo de Nuit, Arles 04 90 49 55 99 www.cargodenuit.com
Les Rendez-Vous... De mai à juillet, les publics sont invités à découvrir à l’heure de l’apéro des artistes de la scène musicale régionale. Un festival convivial et gratuit organisé par le Bureau Intermédiaire de Production, avec six rencontres musicales qui renouent avec la tradition populaire en lieu et place de l’emblématique Kiosque à musique des Réformés et un programme élargi à des ateliers jeune public et des Djs chaque soir. Premier rendez-vous avec Mysterlô, OK Bonnie et Girls on the rocks le 19 mai, Sugarcraft et Nassim Dj le 2 juin, Bal décalé le 30 juin, Date With Elvis, Gaïo et Del’Amott le 7 juil et Hugo Kant, Markovo et Eve Dahan le 21 juil. Nouvelle destination à l’Estaque avec un Rendez-vous Barg’eau sur une scène flottante, le 15 juin, avec Wayaz, Hyphen Hyphen et Maniacx. Les rendez-vous du kiosque du 19 mai au 21 juillet Kiosque à musique des Réformés, Marseille 1er Espace Mistral de l’Estaque, Marseille 16e 06 84 52 99 15 www.rendezvousdukiosque.fr www.mp2013.fr OK Bonnie © Marc Thirouin
Talents Caisse d’Epargne 2013 sont en tournée dans la Région et c’est au Cargo de Nuit qu’ils offriront leur deuxième date, en entrée libre. Les nancéens de Backstage Rodeo déploieront leur rock underground déjanté teinté de blues. Mélange disco synthétique et cold wave avec The George Kaplan Conspiracy pour une électropop mutine et dansante. Puis, blues rock psychédélique avec le trio breton The Same Old Band, qui promet une expérience proche de la transe, avec ses guitares tortueuses et lancinantes. À l’issue du concert, les spectateurs repartiront avec la compilation Esprit Musique #2.
Chispa Negra © Nathalie Goux
Rona Hartner © Dana Stephane Maitec
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IXe Festival International Flamenco les 23 et 24 mai Théâtre Toursky, Marseille 0 820 300 033 www.toursky.org
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Festival Flamenco Mai en musique Dans le cadre du XXIII Festival Mai-Diterra- Carte blanche à Nathalie Joly qui propose pen-
En plein cœur de Marseille, l’incontournable Fête du Panier célèbre l’été et son 20e anniversaire. L’événement populaire et festif Marseillais rassemble durant 2 jours petits et grands en alliant propositions artistiques venues du monde entier et interventions associatives, dans le quartier mythique du Panier. Avec la Cumbia Chicharra, le duo d’Aixoises Andromakers, le groupe de jazz funk marseillais Accoules Sax, les chansons napolitaines et tradition comique avec I Posteggiatori & Hélène Coriace, l’électro tsigane de Rona Hartner & Dj’Tagada. Et encore : Ablaye Cissoko, Moussu T e Lei Jovents, D’Aqui Dub, Mad Professor, le projet marseillais Gainsbourg Confidentiel, New York Gypsy All Stars… À noter également le 21 juin, la venue du groupe mythique reggae des années 70, the Abyssinians, et le 22 la performance originale de l’égyptien Mina Ghobrial qui allie flûte traversière et beat box. les 21 et 22 juin Divers lieux, quartier du Panier, Marseille 04 91 91 09 28 www.fetedupanier.com
de Beaumont de Pertuis dans une aventure musicale festive et populaire, la 9e du nom. 20 concerts donnés gratuitement sur 4 scènes, une traditionnelle bourse aux instruments, des spectacles de rue, des ateliers pour enfants. Au programme : les gagnants du Tremplin Rock Underplane, le blues agricole de Free Beans, hip hop rock avec Gamac, arabian rock avec Temenik Electric, les incontournables Raoul Petite suivis de Scarecrow. Mais encore Solsista, Junky Monkies, la Pétank Elektro, Nell Sin, Ottilie B et l’opéra comique Carmen par l’OPI. Pour les enfants, B.A.B. ou initiation au répertoire classique avec Famille Maestro. Mirabeau accueillera également un concert de Lina And. Et si la pluie s’invite, un chapiteau est prévu. le 19 mai Divers lieux, Beaumont de Pertuis et Mirabeau (84) 06 95 13 97 73 www.arcensolasso.fr
Joutes musicales Au cœur de la Provence Verte, la 16 édition du Festival e
des nouvelles musiques traditionnelles du monde, labellisée Marseille-Provence 2013, donne à entendre pour l’occasion les métissages des musiques de la Méditerranée : les Sérénades du Mélonious Quartet, la Nouba contemporaine de Montanaro, Mascarimirí et le Gitanistan Orkestra, Françoise Atlan, Sébastien Bertrand et le concert bal Grand’Danse Connection Club. L’occasion également de relier les enregistrements du label Silex depuis 20 ans aux projets accueillis aujourd’hui au Chantier avec André Ricros, Valentin Clastrier, Jacques Pellen et Eric Barret, Jean-François Vrod, Benjamin Mélia et Belouga Quartet, Isabelle Bazin, Lo Còr de la Plana… Joutes musicales de printemps du 17 au 19 mai Divers lieux, Correns 04 94 59 56 49 www.lechantier.com
Le Vaisseau voyageur © X-D.R
Sons du Lub En une journée, les Sons du Lub’ plongent les ruelles
Le Monde est chez nous
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Organisée par la Régie Culturelle Régionale dans le cadre de l’année Capitale, en prolongement des précédentes Biennales autour des pratiques en amateur, la manifestation Le Monde est chez nous présente les 8 et 9 juin 40 spectacles gratuits, 800 artistes rassemblés sur 5 scènes à Aubagne. Musiques, danses et créations rythmeront ces 2 jours de fête et de rassemblement pour «une République des Musiques» où se côtoient artistes et citoyens passeurs de cultures du monde. La Région Paca, terre d’accueil des ces artistes issus des rives de la Méditerranée, met ainsi en valeur les «patrimoines culturels immatériels coexistant sur son territoire»et développe l’échange des savoirs. Deux grandes étapes au programme : des ateliers dédiés à la pratique et à la création, menés toute l’année par des artistes de la région, dont un premier rendez-vous accueilli sur le territoire en avant-première à Cuges-les Pins, le 18 mai, pour l’ouverture de TransHumance, projet phare de
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MP2013. Puis le public pourra découvrir en juin les cultures constituant l’identité de la région dans un Tour du monde des cultures de 48h : danses provençales et occitanes, capoeira, doudouks arméniens et tambours africains, rap et chants comoriens, musique tsigane et voix du monde, balèti et bal sévillan, musiques et danses de Grèce, de Chine, d’Inde et des Balkans, traditions juives, soufis, berbères... Un Passo-carriero méditerranéen et afro-américain composé de 300 musiciens en déambulation ouvrira la fête tandis qu’un village associatif, esplanade Charles de Gaulle, présentera les actions artistiques de nombreuses associations régionales. Une fête multicolore, fédératrice et métissée pour un patrimoine et une diversité culturels partagés. DE.M.
les 8 et 9 juin Divers lieux, Aubagne www.laregie-paca.com
Scènes de bistrots Jean-Francois Vrod © X-D.R
Les artistes de la région s’invitent à vos tables de Bistrots de Pays, transformées en scènes de spectacle pour l’occasion. 20 rendez-vous musicaux, soutenus par la Région Paca et initiés par la Régie Culturelle, s’inscrivent sur le territoire et notamment en milieu rural. Le Trio Fernandez distillera son flamenco (le 17 mai à Massoins, le 18 à Caille et Aiglun), et BATpointG son hip hop musette (le 16 à La BATpointG © Matthieu Wassik Bastidonne, le 18 à Puimichel, le 24 à chain. Liste des bistrots concernés sur Bras d’Asse et le 25 à La Tour-sur- www.bistrotdepays.com. du 9 au 25 mai Tinée). Quant au choro brésilien du duo 04 42 94 92 00 Luzi-Nascimento et la chanson tradiwww.regionpaca.fr tionnelle des Balbelettes, ils assureront www.bistrotdepays.com une tournée régionale à l’automne pro-
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Les Suppliantes
Le jeu de l’amour…
Oh les beaux jours
Galin Stoev fait partager son attirance pour la langue labyrinthique de Marivaux et entraine la Comédie-Française dans sa prose, laissant maîtres et serviteurs se défier et se prendre dans les filets de la confusion amoureuse. En rapprochant l’espace de la scène et celui des coulisses, le metteur en scène bulgare faire éclater les contradictions subtiles de l’être humain et dévoile la cruauté d’un renversement social éphémère. Le jeu de l’amour et du hasard du 29 mai au 1er juin La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 wwwtheatre-lacriee.com
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© Cordula Treml
Jean-Pierre Vincent réunit cinquante femmes et quelques hommes amateurs de la cité phocéenne, passionnés de théâtre, pour faire entendre le texte d’Eschyle et révéler cette intrigue d’une évidente clarté autour de la démocratie, du respect des femmes, de l’étranger, la violence et l’hospitalité. Plus d’un an de travail pour raconter l’histoire des arrières petites-filles de la prêtresse Lo, fugitives attendant l’asile dans la plus emblématique des cités grecques Argos.
Qui attendrait les Nono dans Becket ? Un théâtre à l’écriture sèche et serrée, peu primesautière, maniant plutôt l’humour du désespoir dans un monde en ruine qui ne cesse de continuer à mourir… Mais ses personnages sont aussi des clowns, et les cabarets des Nono ont montré que Serge Noyelle savait être grinçant. Sa Winnie (Marion Coutris) s’enfonce dans la terre, mais garde des couleurs aux joues, en attendant… Godot qu’ils montent en novembre.
du 10 au 13 juin Théâtre du Gymnase, Marseille 08 2013 2013 www.lestheatres.net
du 16 mai au 8 juin Théâtre Nono, Marseille 04 91 75 64 59 www.theatre-nono.com
Tartuffe La musique de Marylin Manson rythme la reprise du Tartuffe de Molière par Laurent Delvert. Une intrigue transposée dans une famille bobo d’aujourd’hui où Tartuffe redevient un homme d’église, ange démoniaque mystérieux, séduisant et repoussant. Le jeune metteur en scène rajoute à la version initiale censurée une formidable puissance dramatique, fait tomber les masques et offre à cet Imposteur un contrepoint autour des dérives destructrices des religions. du 23 au 25 mai La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 wwwtheatre-lacriee.com © Paul Delort
Reine de beauté
Mangeront-ils ? Laurent Pelly met en scène la comédie en vers débridée et insensée de Victor Hugo. Tout juste créée au théâtre national de Toulouse (dirigé par le prolifique metteur en scène), la pièce nous plonge dans l’audace et la liberté de l’auteur, auprès de deux tourtereaux rebelles, d’une sorcière centenaire, un clochard céleste, une nature empoisonnée et des talismans. Et derrière la fable rocambolesque, Hugo parle de justice et de vérité, de la puissance des faibles et de la grandeur des petits. du 12 au 15 juin La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 wwwtheatre-lacriee.com
© X-D.R
T H É Â T R E
© Raphael Arnaud
© Brigitte Enguerand
A U P R O G R A M M E
Au cours du Festival Mai-diterranée, la capitale européenne de la Culture 2013 slovaque s’invite au Toursky. Ainsi, le théâtre National de Ko ice présente un huis clos tragi-comique de Martin McDonagh. La comédie met en scène une mère qui refuse toute liberté à sa fille de 40 ans. Sous les échanges acerbes, la société tout entière est démontée. Un repas slovaque à la sortie pour se remettre de ses émotions ! La reine de beauté de Leenane le 17 mai Théâtre Toursky, Marseille 0 820 300 033 www.toursky.org
48 h chrono tchacheurs Bruce Bégout et Marc Rosmini, Christian Salmon, Jean Luc Brisson… Ne ratez pas non plus les Écrans multiples, docu ou vidéo expérimentales, fiction même, et télé. Et surtout, La République Marseille de Denis Gheerbrant proposé par Marseille Objectif danse (voir p 74). Le tout est gratuit, sauf exception rare, dans cet «espace public en perpétuelle transformation» comme aime à le dire son directeur Alain Arnaudet. Mais dont on aimerait qu’il ait les moyens de se transformer plus efficacement en espace de production (voir p 6) ! A.F.
répétitive américaine en quatuor pour s’éveiller le dimanche matin, Unframed de JR qui s’inaugure, le groupedunes qui fait visiter son installation, une promenade dansée d’Appaix, une visite peuplée de fantômes par l’Erac guidé par les Parnas, et du côté des intellectuels
Nord et Sud…
du 17 au 19 mai La Friche, Marseille 04 91 11 45 63 www.lafriche.org
Lettre d’une inconnue Influences «Par quelles influences sommes-nous traversés ? © F. Lot
Les 29 et 30 mai Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com
© Benjamin Tavaron
T H É Â T R E
Et comment ces influences diverses colorentelles notre perception du monde et de nous-mêmes ?» Dans son spectacle interactif et théâtral, Thierry Collet utilise la magie mentale comme un outil de questionnement sur notre libre arbitre. Il établit des parallèles troublants entre ses procédés de manipulation et ceux des stratégies de marketing et de publicité… À partir de 15 ans.
Forever young Léo et sa sœur Léa reçoivent un enregistrement de la voix de Gilles, l’ami, l’amant, disparu. Il leur demande post mortem de se livrer à un Grand Jeu par lequel ils doivent fonder une cellule hors du monde où leurs utopies prendraient vie. Les grands thèmes de la vie de la lutte de la mort sont abordés à travers les textes d’Artaud, Céline, Ferré, Péguy et tant d’autres. Une révolte où la vie et la littérature se rejoignent dans une mise en scène de Jean-François Matignon avec la compagnie Fraction.
La compagnie Alzhar, sous la houlette de Jeanne Poitevin, fait partager sa lecture du texte apocryphe d’Albert Camus, Le Premier homme. Il est mis en résonnance entre les acteurs sur scène et la vidéo qui transcrit l’évolution de cette création depuis 2010 à travers des ateliers miroirs, réalisés en PACA, en Tunisie, Algérie, Espagne, Italie… 70 artistes sur des images de la mémoire méditerranéenne. Nord et Sud dans nos histoires le 24 mai Théâtre du Golfe, La Ciotat 04 42 08 92 87 www.laciotat.com
Balade contée Sylvie Viéville de la Compagnie Amarande vous entraîne dans une promenade par les sentiers (prévoir de bonnes chaussures ! et un goûter) qu’elle peuple de contes. Les elfes s’éveillent, lutins, farfadets, gnomes, apparaissent. À partir de 8 ans, rendez-vous au domaine des Marres le 25 mai à 14h Simiane-Collongue 04 42 22 62 34 www.simiane-collongue.fr
le 17 mai Le Sémaphore, Port-de-Bouc 04 42 06 39 09 www.theatre-semaphore-portdebouc.com
Le texte bouleversant de Stefan Zweig est interprété par Sarah Biasini, dans une mise en scène de Christophe Lidon. Un écrivain reçoit un jour une lettre anonyme, celle d’une femme qui vient de perdre son enfant et qui avant de disparaître elle-même lui déclare son inconditionnelle passion. Un texte éblouissant que Max Ophuls avait porté au cinéma en 1945. le 24 mai Espace Gérard Philipe, Port-Saint-Louis 04 42 48 52 31 www.scenesetcines.fr
© Guy Delahaye
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© Bonlieu scene nationale
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L’an dernier la première édition s’était déroulée dans une convivialité et effervescence dignes enfin du bouillon de culture de la Friche, partant dans tous les sens et insensé, sauf que quelque chose se trame là d’irremplaçable. Cette année rebelote, avec Thierry Bédard en maître d’œuvre qui a proposé aux artistes résidents de nous livrer leur vision, actuelle et future, utopiste ou réaliste, de la ville. Lui même présente Slums et La Planète (voir p66), et ses 48h chrono s’inscrivent dans This is [not] Music (voir p28). Mais il y aura près d’une soixantaine de propositions en 48h, depuis une visite de la crèche en chanson ou des jardins communautaires, jusqu’à une séance d’aérobic township d’Aurélien Desclozeaux, en passant par un avant goût musical d’El Cachafaz (Alain Aubin), une scène embarquée de Radio Grenouille, Zinc et Ornicar, de la musique
Conservatoire du Grand-Avignon, Jean-Yves Picq a travaillé avec les élèves de dernière année du cycle spécialisé théâtre. C’est au milieu de la Méditerranée qu’on les retrouve, sur un radeau de fortune alors qu’ils étaient partis pour une croisière de luxe… L’occasion de rendre hommage à la littérature maritime et à la mythologie. du 7 au 9 juin Théâtre des Halles, Avignon 04 32 76 24 51 www.theatredeshalles.com
Les trois Parques… Dix ans après le premier volet de sa trilogie
© Daniel Angeli
Le Mare nostrum … À la française ! Dans le cadre de sa résidence d’auteur au
Rêve, Evénement, Souvenir, Jacques Rebotier donne une suite à son spectacle Les Ouvertures Sont. Assises dans un nulle part contemporain, derrière des masques représentant leurs propres visages, elles détournent les discours, réordonnent le monde et coupent net le cours des existences. Furies, fées ou grâces, elles sont les réincarnations des figures mythiques féminines. Les trois Parques m’attendent dans le parking les 30 et 31 mai Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr
Nouveau cabaret pour l’inclassable Edouard Baer, qui décide, avec sa troupe de fidèles lurons, de redorer l’image de la France, pays devenu mal aimé. Luigi, un de ses personnages fétiches, devient VRP attitré d’une Semaine pour la France, et mènera sa troupe, de chansons improbables en tableaux loufoques, pour une déclaration d’amour… irrésistible ? le 16 mai Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr © X-D.R
Retour à Argos Le Dindon En résidence artistique à la Fabrik’Théâtre, le
© Victor Tonelli
Théâtre du Kronope y crée Le Dindon de Georges Feydeau, dans une mise en scène de Guy Simon. En plus du délire burlesque et décalé qu’on leur connaît, le Kronope fera se confronter les codes de la Commedia dell’arte avec ceux du vaudeville… Avec cinq comédiens pour une vingtaine de rôles !
La locandiera Mirandolina est une femme libre... Dans son auberge les hommes de passage la séduisent, sauf un, chevalier misogyne qui s’est juré de ne jamais donner son cœur à une femme. En cherchant à le mettre à genou, elle tombera dans le piège qu’elle a fomenté, victime des sentiments avec lesquels elle aura imprudemment joué. Dominique Blanc et André Marcon font merveille dans les rôles-titres, dans une mise en scène de Marc Paquien.
les 24 et 25 mai Fabrik’Théâtre, Avignon 04 90 86 47 81 fabriktheatre.fr
les 30 et 31 mai Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr
le 15 mai La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.eu © Julien Piffaut
© Frederic Iovino
Ardoisie, près de la Pampa. Après la disparition soudaine de leur mère, directrice d’un vieux cirque, ils décident de reprendre le flambeau, avec leurs copains Ficelle, joueur de blues, et Manouche, danseuse de séguedille et fandango… Joël Jouanneau met en scène son propre texte à la langue fluide et musicale qui mêle toujours le grave au léger.
© Pascal Victor
PinKpunK CirKus Pink et punk sont deux jumeaux qui vivent en
Au moment où Olivier Py (voir p29) les reprend dans la région et où Jean-Pierre Vincent les monte au Gymnase (voir p 56), Irène Bonnaud revisite elle aussi Les Suppliantes d’Eschyle pour en révéler l’actualité. Elle y associe une réflexion contemporaine sur «la forteresse Europe», et sa politique envers les migrants, et met en scène ces demandeuses d’asile nées en Afrique, parties requérir l’hospitalité en Europe, pour fuir le mariage forcé qu’on leur impose en Egypte… les 24 et 25 mai Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr
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Bill-T. Jones, Body Against Body © Paul B. Goode
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Paysages et campagnes À l’image du filet auquel se suspendait Bill T. Jones dans l’un de ses tout premiers combats avec la pesanteur, dans les années 1980, le Festival de Marseille ressemble à un entrelacs de géographies, d’écritures, de générations artistiques. Où s’enchâssent, avec de belles lignes de force, 6 créations, 1 première en Europe, 7 premières en France et 3 grandes compagnies invitées pour la première fois à Marseille... dont Bill T. Jones, justement ! L’ensemble maillant le territoire de 9 points de rencontres, entre nouveaux (Villa Méditerranée, Campagne Pastré, Gardens-Cité des arts de la rue inaugurée à cette occasion…), anciens (La Criée, le Silo, l’Al-
cazar-BMVR…) et retrouvailles (le BNM). Exit la salle Vallier pourtant plébiscitée par les artistes… Cette 18e édition ne déroge pas à la règle d’un festival «passeur et rassembleur» qui capte dans sa nasse les figures prestigieuses (Ohad Naharin, Sasha Walz, Pierre Droulers, Ryoji Ikeda), les perles souvent insaisissables (Gregory Maqoma, le plasticien suédois Christian Partos) tout en restant à l’écoute des expressions régionales (Hubert Colas et Sonia Chiambretto, Christophe Haleb, Georges Appaix, le Gmem). Enfin, à année particulière, tempo particulier : le festival commencera le 19 juin, profitera des chaleurs de fin d’été en compagnie
Tous les plaisirs sont permis La Croisée des Danses ne ment pas qui conjugue trois écritures portées par deux artistes de la scène régionale (Système Castafiore installé à Grasse et Kubilai Khan Investigations à Toulon), et la compagnie Käfig qui fit le buzz à la Biennale de la danse de Lyon en 2010 avec Boxe boxe. Comme Système Castafiore le fit en 2009 à la Biennale de danse de Cannes avec Stand Alone Zone… Pas de création donc, mais le plaisir de revoir trois univers à des années lumière les uns les autres. Gants de velours et sacré dose d’humour pour Mourad Merzouki qui mixe eme Castafiore © Stand alone a Zone, Syst
Karl Biscuit
l’art de l’esquive et du mouvement dans un ballet où les droites et les coups de pied s’enchaînent avec virtuosité, où les crochets s’étirent dans les cordes à l’infini, où les sauts et les rebonds rythment les échanges. Un grand jeu de séduction entre la boxe et le hip hop sur une musique décalée interprétée par le Quatuor Varèse… Dans Stand Alone Zone, Karl Biscuit et Marcia Barcellos orchestrent créatures hybrides, métaphores poétiques et images de synthèse pour peindre, au fil des saynètes, un monde visuel à la lisière du réel et du fantastique. Habitué à se fondre dans l’espace public, Franck Micheletti déplace sa compagnie KKI sur le plateau tout en la plongeant dans la réalité urbaine. Celle des mégalopoles dont sont issus ses danseurs : Suède, Singapour, Mozambique, Hongrie, Japon. Leur univers sonore mixé en live dédoublant, dans un puissant écho, la tension des corps lancés dans la folie des villes. M.G.-G.
La Croisée des Danses du 18 au 25 mai La Croisée des arts, Saint-Maximin 04 94 59 84 59 www.var.fr
de Christophe Haleb du 29 août au 21 sept (dans le cadre du nouveau temps fort du BNM «Août en danse»), programmera une création d’Alexandros Markeas et Eli Commins portée par Piano et Cie le 5 nov, et jouera même les prolongations jusqu’au 19 déc avec le mythique Alonzo King LINES Ballet. Un programme ambitieux donc, malgré des péripéties qui mettent en danger son financement : si la Ville de Marseille reste toujours aussi fidèle à «son Festival», si Jean-Claude Gaudin réaffirme années après années sa «fierté» de ce festival «de stature internationale», le brutal désengagement de la Région surprend. Car ce festival, doté de 1.333 M d’euros par la Ville de Marseille, a vu le Conseil Régional diminuer sa participation de 40%, ramenant celle-ci à 50 000 euros. Or le festival de Marseille est un des rares programmateurs du territoire à coproduire encore des compagnies régionales, et Apolline Quintrand affirmait que malgré cette diminution les 120 000 euros affectés à ces productions n’étaient pas touchés… grâce en partie au grand retour du Conseil Général 13, absent depuis 2003 du financement du Festival, qui remet la main à la bourse à hauteur de 50 000 euros… On sent bien dans ces affectations et désaffections des alliances et froids politiques, dont il faudrait préserver le financement des manifestations culturelles, qui ne sont pas des outils de campagne… M.G.-G. ET A.F.
Festival de Marseille du 19 juin au 12 juillet 04 91 99 02 50 www.festivaldemarseille.com
Tous dehors La Scène nationale de Gap offre une fin de saison centrée sur les arts du cirque et le théâtre de rue. Après PinKpunK Cirkus de Joël Jouanneau (15 mai), le collectif Ivan Mosjoukine, dans De nos jours (notes on the circus) déroule 80 saynètes sur le quotidien, la vie et les sentiments (18 mai, réservé aux adultes). Du 21 au 29 mai, le collectif AOC mêle dans K’Boum (dès 6 ans, en excentrés) humour, performance, hip hop, danse contemporaine, capoeira et BMX. Le relai sera passé les 30 et 31 mai au circassien danseur Yoann Bourgeois et la danseuse Marie Fonte dans l’Art de la fugue, pour un dialogue des corps en apesanteur. Du 31 mai au 2 juin, Tous dehors enfin ! distillera dans le centre de Gap et au col de Gleize théâtre, musique de rue, déambulation, cirque. Au programme : Urbaphonix de la cie Décor sonore, Mademoiselle de la cie Jeanne Simone, une traversée en 12 minutes de Phèdre dans Les Racines par la cie Didascalie & co, Commandos poétiques des Souffleurs et Cavale de Yoann Bourgeois avec un duo virtuose qui relativise avec l’attraction terrestre.DE.M. Théâtre la Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.eu
Extremalism © Agnès Mellon
Nubes Grenade les 20 ans Tous les nuages sont-ils des brebis ? Inspirée de l’univers de Magritte, la compagnie de danse madrilène Aracaladanza invite le public (dès 4 ans) à entrer dans un monde imaginaire où les tableaux du peintre deviennent support au rêve et à l’émerveillement. La créativité débordante du chorégraphe Enrique Cabrera allie fantaisie, imagination et magie. le 29 mai Théâtre des Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr
Comme à son habitude le Ballet National de Marseille ouvre ses portes pour accueillir deux créations très différentes, qu’il coproduit en ses murs : Trikonanga est un solo de danse indienne interprété par Hemabharathy Palani, qui transforme la danse codifiée kuchipudi en abstraction sur les triangles du corps… Emio Greco et Pieter C.Scholten reprennent la pièce pour 12 danseurs qu’ils avaient créée en octobre pour le Ballet : Double Points : Extremalism, qui sait à la fois être athlétique et ondulante, brutale et sensuelle…
© Jean Barak
Ouverture 22
20 ans après la création du groupe Grenade, la chorégraphe Josette Baïz retrace un panorama éclectique de la danse contemporaine. Un spectacle rassemblant des extraits du répertoire de chorégraphes emblématiques : Jérôme Bel, Philippe Découflé, Michel Kelemenis, Angelin Preljocaj… réinterprété par des danseurs, petits et grands, d’origines et de cultures différentes. le 31 mai Théâtre de Fos 0810 006 826 www.scenesetcines.fr
© Eduardo Garcia Gonzalez
Vinática Consacrée meilleure interprète par le Prix Danse le Monde ! national de la danse en Espagne à 26 ans, Le festival Danse le monde ! entraine le public
du 23 au 25 mai Studio du BNM, Marseille 04 91 327 327 www.ballet-de-marseille.com
reconnue pour son audace, sa transgression et sa souplesse, Rocío Molina présente sa sixième création qui porte le titre de celle qui ne met pas d’eau dans son vin. Dans un décor inspiré de Brueghel, la danseuse dessine son flamenco transgressif et authentique, accompagnée de trois musiciens, d’un chien et de restes d’enfance.
À bas bruit Le circassien Mathurin Bolze poursuit sa quête artistique autour de la place de l’homme face à des situations de risque et de solitude. Il met en scène trois artistes (Mitia Fedotenko, Elise Legros et Cyrille Musy) qui contribuent à créer le spectacle à partir de récits de marcheurs, de films, et notamment celui du ciné-ethnologue Jean Rouch, Jaguar. Les acrobaties -roue de hamster à taille humaine, tapis roulant- figurent toutes les marches, immobiles, sautillantes ou disloquées, ode à la promenade voire à l’errance…
sur le thème de l’Asie, précisément en direction de la Chine et l’Inde. Un voyage au cœur des racines de l’écriture chorégraphique avec deux créations de la compagnie San Tuo Qi : Aquatique (6 juin) et Dieu Tonnerre (le 7). Natyarambhen de la Cie Natya clôturera la 4e édition, le 8 juin, pour une démonstration des prouesses techniques et rythmiques de la danse indienne, dans le respect du répertoire traditionnel.
le 15 juin Théâtre de l’Olivier, Istres 0810 006 826 www.scenesetcines.fr
Aquatique © X-D.R
du 6 au 8 juin Théâtre Golovine, Avignon 04 90 86 01 27 www.theatre-golovine.com
les 24 et 25 mai Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr © Christophe Raynaud De Lage
© Felix Vazquez
Tes jambes nues Immergée tout au long de la saison au cœur du village de Noves, partenaire de la Scène nationale dans ses tournées Nomade(s), la chorégraphe Julie Desprairies emmène ses interprètes, professionnels et amateurs, dans une danse agricole, emprunte d’universel et porteuse d’un imaginaire poétique. le 7 juin en Nomade(s) au Théâtre de Verdure, Noves Théâtre de Cavaillon 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com
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© Celie Valdenaire
La Curva Sacre et Royaume Vincente Escudero se produisait en 1924 dans Le Sacre © JC Carbonne
Contes tordus
un petit théâtre parisien du même nom. À partir de ce mot, Israel Galvan compose une chorégraphie superbe, rythmée par le piano jazz très contemporain de Sylvie Courvoisier, la voix flamenca d’Inés Bacán, les palmas de Bobote. Israel Galvan danse, infléchissant les courbes de l’espace pour créer un univers de tensions et de courbes. Magnifique ! les 24 et 25 mai Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com
D A N S E
Deux pièces d’Angelin Preljocaj, pour le bonheur des spectateurs du GTP. Le Sacre du Printemps, charnel, puissant, met en scène la danse cruelle du désir ; le Ballet Preljocaj interprète avec fougue cette œuvre maîtresse qui revisite sans le dévoyer l’argument de Stravinski. Royaume Uni créé pour quatre danseuses hip hop à Suresne, voit la rencontre de deux esthétiques, et parie que la danse contemporaine peut introduire du féminin dans le hip hop. Les énergies se mêlent, créant un genre nouveau.
le 18 mai Théâtre d’Arles 04 90 52 51 55 www.theatre-arles.com
Demain, je n’ai plus... Ancien du collectif AOC, Sylvain Decure se lance dans la création d’un spectacle solo. Le challenge est de taille. Enfermé dans une boîte vitrée de 60 cm de large sur 2m20 de haut avec un tas d’objets du quotidien, ce personnage atypique tente de répondre à sa manière aux problèmes de l’isolement du corps et de l’esprit. Une performance physique unique aussi burlesque que dramatique.
Sacre du Printemps/ Royaume Uni du 23 au 25 mai Grand Théâtre de Provence, Aix 04 42 91 69 69 www.grandtheatre.fr
À louer Rêv’illusion La compagnie belge Peeping Tom, familière du
Demain je n’ai plus rien le 18 mai Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com © Christophe Raynaud de Lage
pavillon Noir qui a programmé tous ses spectacles, revient avec les mêmes danseurs, chanteurs, comédiens. Ils se retrouvent dans un château hanté où domine l’incertitude, où les codes spatiaux temporels se perdent. La virtuosité de la danse et la mise en scène théâtralisent un univers fantasmagorique, scénographiquement superbe. les 15 et 16 mai Pavillon Noir, Aix 04 42 26 83 98 www.preljocaj.org
Atonkoun Serge Somé, originaire
du pays Dagara enseigne la danse traditionnelle et afro contemporaine à l’École de Danse Internationale Irène Tassembedo et en Europe. Dans Atonkoun, il évoque le thème des cérémonies funéraires, au son des balafons, quand les proches viennent pleurer le défunt, lui portent des offrandes. S’inscrivant entre tradition et modernité, cette chorégraphie joue sur la plastique et l’énergie. le 19 juin Pavillon Noir, Aix 04 42 26 83 98 www.preljocaj.org
© Julie Verlinden
A U P R O G R A M M E
Sur une musique d’Alexandre Meyer, Julie Nioche et Christophe Huysman ont conçu et interprètent ce spectacle où la danse et l’enfance se rejoignent (à partir de 14 ans). Balles multicolores, drôles de skis, équilibres improbables, leurs permettent d’évoquer la précarité inhérente à la vie. Le jeu et l’illusoire pour atteindre une certaine réalité…
© Felix Vazquez
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Première mondiale au Bois de l’Aune pour cette création de Taoufiq Izeddiou qui poursuit ainsi son compagnonnage avec la salle. Cette chorégraphie veut bousculer les codes, évoquant ainsi les bouleversements qui ont eu lieu de l’autre côté de la Méditerranée. Une saine insolence pour se libérer de la censure et de l’enfermement. L’artiste revendique la folie pour ses danseurs de la Compagnie Anania. «Laissez-moi danser le rire !». Les 7 et 8 juin Bois de l’Aune, Aix 04 42 93 85 40 www.agglo-paysdaix.fr
Festival François Cervantes
J E U N E P U B L I C
ANNE-LYSE RENAUT
La curiosité des anges le 4 juin Le 6ème jour le 6 juin La Petite histoire du clown le 7 juin Carnages les 6 et 7 juin Le concert Le 7 juin La criée, Marseille 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com
Le Sixieme jour © Christophe Raynaud de Lage
A U P R O G R A M M E
investissent les hauts lieux du théâtre et de la littérature à partir du répertoire des célèbres clowns du XXe siècle, comme les frères Fratellini. Un voyage à suivre étape par étape, pour qu’une relation unique se crée avec ces personnages émouvants qui décalent le réel pour ouvrir un espace onirique. À partir de 11 ans.
Henriette & Matisse Western Aussi subtil qu’ingénieux, le chorégraphe
Terres L’un est grand et plutôt terre à terre, l’autre est
Michel Kelemenis fait découvrir au jeune public l’univers coloré du peintre Henri Matisse accompagné de l’une de ses muses préférées, Mademoiselle Henriette. Il offre une mise en scène ludique et pétillante sur l’acte de création savamment orchestrée par quatre personnages : l’artiste, le modèle, le pinceau du trait et celui de la couleur. À partir de 5 ans.
petit et naïf. Mais c’est ensemble qu’ils s’approprient une parcelle de terrain. Tout bascule lorsqu’une jeune femme sans attache s’invite dans leur propriété et qu’un homme décrète qu’il a hérité du bien. Une fable émouvante et philosophique : revisitant le «ceci est à moi» de Rousseau, Elise Martin traite avec légèreté des origines de la propriété et de la socialité. À partir de 9 ans.
© Daniela Nieri
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Il est un résident assidu un familier des scènes de la Friche depuis 2004 mais c’est la première fois que François Cervantes se produira à La Criée. Ce passionné travaille depuis 20 ans sur la figure du clown, en particulier avec la grande comédienne qu’est Catherine GermainArletti. Le Festival qui lui est consacré est l’occasion de montrer à de nouveaux spectateurs les multiples facettes du clown théâtral, individu aussi mystérieux qu’extravagant. Un moment composé de quatre spectacles et d’une rencontre-échanges, La Petite histoire du clown, illustrée avec l’équipe de la cie L’entreprise. La curiosité des anges met en scène la naissance de deux clowns, Zig et Arletti. Deux êtres à part et si purs qu’ils n’ont besoin que très peu de mots pour aller à la rencontre de l’autre. Arletti se retrouvera seule dans le 6e jour. Elle qui n’est pas sûre d’être homme, femme… veut désormais comprendre comment l’aventure humaine a commencé à travers les multiples épisodes de la Genèse. Dans Le concert, Arletti rencontre Philippe, un musicien pour qui elle se passionne mais qui a une toute autre conception de la musique, et de l’amour. Carnages est une fête collective où les clowns
les 14 et 15 mai Salle Aristide Briand, Saint-Chamond 04 77 31 04 41 www.saint-chamond.fr © Agnes Mellon
Le 15 mai Théâtre La Colonne, Miramas 04 90 58 37 86 www.scenesetcines.fr le 25 mai Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com
«Le western… nous a offert toute une galerie de héros simples et humains dans lesquels nous reconnaître». Conteur et acteur d’exception, Massimo Schuster est un marionnettiste qui transforme la pacotille en rêves éveillés. Grâce à la dynamique «cinématographique» du théâtre de papier, il fait voyager petits et grands au plein cœur du Far West à travers les aventures du jeune cow-boy Tom, qui n’est autre que… luimême ? À partir de 8 ans. le 18 mai Théâtre des Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr
La Planète… Johanna Mariama Bah ou Mame Fama Ly donnent un autre regard sur le monde. Avec un globe terrestre gonflable, pour observer et penser le monde à l’envers, la conférence scientifique et pédagogique reste ludique. La planétologue détourne la vision des enfants et des adolescents, comme de leurs parents. La Planète (ou comment se représenter le monde ?) les 18 et 19 mai Théâtre Massalia, Marseille 04 95 04 95 70 www.theatremassalia.com
Le Schpountz
Mildiou… © X-D.R
Ali Baba… Métilde Weyergans et Samuel Hercule revisitent le conte des Mille et une Nuits en le plongeant dans un burlesque proche du film muet. Cassim et Ali Baba sont gérants de station-service, chevauchent des Harley Davidson et comblent leurs soirées vides de westerns télévisés. Dès 8 ans. Ali Baba et les 40 voleurs le 7 juin La Croisée des Arts, Saint-Maximin 04 94 59 84 59 www.var.fr
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© Laurent Combe
We dance to forget De Michael Jackson aux Velvet Underground en passant par U2, les danseurs de l’équipe belge des fABULEUS invitent le spectateur à cette joyeuse «party» rythmées par les musiques pop et endiablées de ces dernières décennies. Ce couple déjanté déborde d’énergie qu’il communique avec force et optimisme dans des chorégraphies survoltées. Attention : bonne humeur contagieuse à l’horizon.
Mildiou, l’enfant du champ de patates le 24 mai Espace Robert Hossein, Grans 0810 006 826 www.scenesetcines.fr
le 31 mai PôlejeunePublic, Le Revest 04 94 98 12 10 www.polejeunepublic.com
Léon le nul
du 6 au 9 juin Domaine de Lavalduc, Istres 0810 006 826 www.scenesetcines.fr
© Francois Saint Remy
P U B L I C
Pour clore son Cycle la Comp. Marius livre une version sobre mais généreuse de la pièce de Pagnol, la rendant universelle de son accent belge… L’œuvre célèbre la simplicité du peuple et des villages, au travers de ce personnage désordonné aux habits rapiécés, né sur le tournage du film Angèle. Comme à son habitude la troupe délaisse les théâtres préférant jouer dans les paysages naturels où Pagnol aimait tourner.
Ainé, second ou dernier, quelle place tenir dans la famille, dans la fratrie ? Ce conte fantastique écrit par Gérard Potier parle de la préférence familiale comme de la quête d’égalité. Un voyage imaginaire à partager en famille, que propose la compagnie Le Bazar Mythique, accompagné par l’accordéon de Maryse Roux. Dès 7 ans.
Une belle, une bête C’est en ombres et lumières que Florence
L’Art Tangent… L’Art Tangent désigne d’après ses concepteurs toutes ces œuvres ou pensées qui, par leurs trajectoires aléatoires, se trouvent proches de l’art contemporain. S’inspirant d’artistes comme Marcel Duchamp et Pierre Dac, Odile Darbelley et Michel Jacquelin créent une performance à la fois plastique et théâtrale à travers des rendez-vous nomades et ludiques.
Lavaud rapporte son interprétation du célèbre conte de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont. Les vidéos projetées et les sons guident plus encore que la voix. Un mélange de mystère, effroi et fascination pour retracer l’histoire de ces deux êtres que tout oppose. Dès 9 ans. le 29 mai Théâtre de l’Olivier, Istres 0810 006 826 www.scenesetcines.fr © Christian Loubradou
Un plongeon au cœur d’une vie, celle de Léon. Cette fable sociétale et réaliste parle de famille sans patriarche, d’une mère un peu trop débordée, et d’un enfant à l’imagination débordante qui veut grandir. La compagnie Visavies rapporte ses peurs mais aussi ses amours, au travers de sons et vidéos pour un spectacle à mi-chemin entre théâtre et dessin animé. Dès 11 ans. le 31 mai La Croisée des Arts, Saint-Maximin 04 94 59 84 59 www.var.fr
L’Art Tangent en Valise et PartyT Du 24 au 30 mai Le 24 mai, Bibliothèque de Peynier Le 25 mai, Bibliothèque des 2 Ormes, Aix Le 26 mai, Jardins d’Albertas dans le cadre de la journée des jardins, Bouc-Bel-Air Le 27 mai, Centre social des Amandiers, Aix Le 28 mai, Bois de L’Aune, Aix 04 42 93 85 40 www.agglo-paysdaix.fr © Michel Jacquelin
J E U N E
Le Schpountz, Marcel Pagnol
A U P R O G R A M M E
Cong Binh, la longue nuit indochinoise de Lam Le
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Une trop longue nuit Sorti au niveau national le 30 janvier, malgré une critique favorable, le soutien de la ligue des droits de l’homme, l’appui de Lilian Thuram et de Christiane Taubira, Công Binh de Lam Lê n’a trouvé de salle ni à Marseille ni à Aix pour éclairer cette «longue nuit indochinoise» (sous-titre du film) et dissiper une amnésie historique mâtinée de culpabilité. C’est pourtant à Marseille au camp de Mazargues qu’une partie de ce drame colonial s’est déroulé. C’est pourtant au cimetière St Pierre que M. Than, nonagénaire de l’Estaque entretient le carré des Indochinois oubliés. Le Chambord sollicité par la région qui a aidé à la production du film, a mis fin à cette aberration le 4 avril pour une séance, hélas, unique. Les Công
Binh (littéralement ouvrierssoldats) étaient 20 000 jeunes vietnamiens. Enrôlés de force en 1937 pour aller soutenir l’(a)mère patrie qu’ils pensaient invincible, bloqués en France par la défaite de 40, parias corvéables à merci pendant près de dix ans, ils furent 14 000 à revenir chez eux, repris dans la tourmente de la guerre d’Indochine, injustement considérés comme des traîtres. Le réalisateur donne la parole aux quelques survivants. Ils racontent avec dignité, humour parfois, sans haine, sans plainte, l’arrachement aux familles, le voyage étouffant dans les cales, l’arrivée à Marseille, le transfert aux Baumettes, les camps, les poudrières qui brûlent les poumons, le sel des Salins de Giraud qui ronge la peau, le froid, la faim, la soif, la
culture du riz en Camargue dont ils furent pionniers, la prise de conscience progressive de leur condition, la politisation des camps, les affrontements entre trotskistes et communistes, les faux-espoirs de la Libération, le mal du pays, la venue d’Oncle Hô en 46. Puis, le retour, l’opprobre, le soupçon, la torture pour certains. Ils disent la honte, le silence, la surdité de la France pour reconnaître leurs droits. Le réalisateur les accouche peu à peu de ce passé douloureux, suit la chronologie, intercale leurs propos d’images d’archives, met en scène leurs petits-enfants en quête de réhabilitation, convoque le discours d’Aimé Césaire dont la petite-fille d’un de ces malgré-eux lit des extraits. L’intervention des Marionnettes sur l’eau de Hanoï qui, tel un chœur antique commentent le destin des Công Binh du point de vue de ceux qui les attendent, rythment le documentaire, les intégrant déjà, par l’intermédiaire d’un art ancestral, à la mémoire collective. On songe aux «dépatriés expatriés» de Prévert ces «étranges étrangers» auxquels on a renvoyé leurs «petits couteaux dans le dos» et on sort de la salle indignés de n’en avoir rien su. ELISE PADOVANI
Công Binh, la longue nuit indochinoise, film de Lam Lê
Le Cinéma s’expose (mal) à la Buzine Des caméras uniques en leur genre entassées dans une salle-couloir, des affiches les unes sur les autres, du matériel précieux en hauteur grâce à des cartons ornés de tissus colorés… Le tout ressemble davantage à une brocante qu’à une exposition, au grand dam de François et Hervé Loubeau, organisateurs du Cinéma s’expose, qui déplorent leurs conditions d’accueil au Château de la Buzine. L’adjointe au maire déléguée au cinéma, Éliane Zayan, ne cache pas sa colère. Originellement prévue dans la grande salle du rez-de-chaussée, entièrement rénovée et vide de surcroit, la collection cinématographique des frères Loubeau a été délogée, arbitrairement semble-t-il, au dernier étage du Château. Une «salle multimédia» peu apte à recevoir expositions et visiteurs. La venue des scolaires et les projections de films et documentaires sur l’invention du cinéma prévues sont donc compromises, au grand regret de la directrice de l’établissement Christine Fillette, instauratrice de cet évènement exceptionnel à la Buzine. Parce qu’en effet, «le cinéma s’expose» n’en est pas à son coup d’essai. L’association qui détient une immense collection de plus de 8 000 appareils et
80 000 titres, a déjà effectué près de 400 expositions en France. De ville en ville, l’exposition cumule les visiteurs et les succès puisque comme le dit François Loubeau «le cinéma intéresse tout le monde, je n’ai jamais rencontré une personne qui n’aime pas ça !». Malgré tout, le public pourra apercevoir la caméra utilisée lors du tournage du film Les tontons flingueurs, celle de Charlie Chaplin ou encore l’une des premières télévisions au monde : le phénakistiscope, mise au point en 1832 par le Belge Joseph Plateau. Lanternes magiques, zootropes, lampascopes, praxinoscopes… et autres appareils sont ainsi réunis pour un voyage historique vers le temps des pionniers. Somme toute, une exposition passionnante et de qualité, à voir… dans un autre lieu, qui lui octroiera l’espace et l’ampleur mérités ? MANON MATHIEU
jusqu’au 30 juin Château de la Buzine, Marseille 04 91 45 27 60 www.labuzine.com
Drôles de dames Le 10 avril, au Prado à Marseille, était présenté en avant-première, Cheba Louisa, le premier long métrage de Françoise Charpiat, un film qu’elle a co-écrit avec Mariem Habidat et qu’a produit Anne Derré. Un film de femmes donc, d’autant qu’il raconte, entre autre, l’amitié qui se noue entre deux femmes que tout semble opposer au départ et qui se rencontrent par hasard. Emma (Isabelle Carré), une rousse extravertie et aux tenues excentriques qui élève seule ses deux enfants, pour éviter une saisie d’huissier, force presque la porte de Djemila (Rachida Brakni), issue de l’immigration, juriste et (trop ?) intégrée qui vient de prendre un appartement pour essayer d’échapper à sa mère (Biyouna) qui veut tout décider pour elle. Quand Djemila découvre dans une valise que lui donne discrètement son père, ce qu’on lui a tu jusque là ; les disques de sa grand-mère, Cheba Louisa, une star du chaâbi, des films en super-8 où on la voit danser dans les cabarets, c’est le début de sa prise de conscience. Elle commence à assumer l’héritage familial, ce qui va lui permettre de se libérer. On sort de ce film qui parle du poids des racines et de la famille, de préjugés et de tabous mais aussi de solidarité, d’ouverture à l’autre, d’amitié et de liberté, ragaillardi, avec l’envie de chanter rai et chaâbi. Une bouffée d’oxygène qu’on doit à la superbe interprétation et à l’énergie des comédiennes ainsi qu’à la musique de Rachid Taha. ANNIE GAVA
Sortie en salles le 8 mai Rachida Brakni, Biyouna et Francoise Charpiat © A.G.
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Eat, Sleep, die de Gabriela Pichler
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grante d’Europe de l’Est devenue ouvrière en Suède, qui se retrouve licenciée malgré sa rigueur et son dévouement professionnels. Son interprète principale, Nermina Lukac, une institutrice dont c’est le premier rôle, a obtenu le prix «Shooting stars» à la 63e Berlinale. On pourra partager aussi les soucis de trois jeunes au Maroc dans Mort à vendre de Faouzi Bensaïdi (voir Zib’57), suivre les aventures de deux amis trentenaires dans Mobile Home de François Pirot. Quant à Guerrière de David Wnend, une plongée dans l’univers néo-nazi actuel, c’est le film coup de poing du festival, multi primé aux German Awards 2012. Une séance de 6 courts, tous primés dans des festivals internationaux, mettra aussi l’accent sur «La jeunesse», avec les excellents Brûleurs de Farid Bentoumi et Frozen Stories de Grzegorz Jaroszuk ainsi que La fugue de Jean- Bernard Marlin, soutenu par la Région et Ours d’Or du court-métrage à la Berlinale 2013. Les projections sont accompagnées de rencontres, d’une exposition autour de l’affiche de film et pour la 1e fois une séance aura lieu hors les murs le 28 mai, au cinéma Le Casino à Trets : Wadjda de Haifaa Al Mansour.
Rêver révolte… Découvrir les portraits cinématographiques d’une jeunesse prise entre rêves et réalité, parfois en perte de repères mais toujours en quête d’un avenir meilleur, c’est ce que propose nouv.o.monde de Rousset, à travers 12 longs métrages et 11 films courts de jeunes cinéastes ou de réalisateurs confirmés. Après Indignation/Révolution en 2012, ce festival qui a pour objectif d’éclairer les mouvements du monde, se focalise cette année sur les Jeunesses de Rêves et de Révoltes. On y découvrira des films inédits comme La jeunesse a-t-elle une histoire ? de Jacques Royer, Electrick Children de l’Américaine Rebecca Thomas, la révélation du dernier festival de Sundance, La Guerra del Maiale de David Maria Putortì adapté du roman d’Adolfo Bioy Casares ou The Comedian de Tom Shkolnik. En avant-première, Eat, Sleep, die de la Suédoise Gabriela Pichler, Grand Prix du Jury au Festival Premiers Plans d’Angers, nous fera suivre Raisa, une jeune immi-
ANNIE GAVA
nouv.o.monde du 30 mai au 2 juin Salle Émilien Ventre, Rousset 04 42 53 36 39 www.filmsdelta.com/nouvomonde.html
Un tour en Méditerranée Du 17 au 22 juin, se tiendra la 17e édition du PRIMED (Prix international du documentaire et du reportage méditerranéen), organisé par le CMCA (Centre Méditerranéen de la Communication Audiovisuelle), un rendez-vous important qui propose au public une sélection de documentaires et de reportages liés à la Méditerranée. Ainsi, parmi les 440 films reçus, on pourra voir gratuitement au MuCEM et à la Villa Méditerranée, 31 films venus de 36 pays et répartis dans différentes sections : «Enjeux méditerranéens, Mémoire de la Méditerranée, Art, patrimoine et cultures de la Méditerranée, Première œuvre, Reportage, Court méditerranéen et prix multimédia de la Méditerranée.» ve it Italy love it or lea
Parmi les thèmes abordés, la condition des femmes, (Dance of outlaws ; Ich liebe dich) des jeunes (We are here) ou des enfants (Living skin), la résistance (Five broken cameras ; Italy : love it or leave it ; Maudit soit le phosphate), la mémoire de luttes ou de la guerre (In utero Srebrenica ; Troufions), ou d’exils (Tinghir Jerusalem, les échos du Mellah), les conséquences de l’arrivée du progrès (Le Thé ou l’électricité) ou de la pollution (Méditerranée, une soupe de plastique). Le 21 juin à 17h au MuCEM, les jurys présidés par Hala Zureiqat et Samah Soula remettront les prix aux réalisateurs dont vous pourrez voir les documentaires et reportages le 22 juin, au MuCEM de 12h à 19h et à la Villa méditerranée de 18h30 à 22h30. Et comme les années précédentes, durant 2 mois, l’Alcazar offrira les visionnements à la demande. ANNIE GAVA
CMCA 04 91 42 03 02 http://primed.tv/le-cmca
Comme chaque ce que les autres
Tapis rou Trois films soutenus par la Région PACA avec une enveloppe de 150 000 € à 200 000 € chacun seront présentés à Cannes cette année. Deux font partie de la sélection officielle Un certain regard : Grand Central de Rebecca Zlotowski, avec Tahar Rahim et Léa Seydoux, et L’inconnu du lac d’Alain Guiraudie, film gay audacieux qui n’aurait pu se faire sans l’appui de la Région. Le troisième ouvrira la Semaine de la Critique : Suzanne, de Katell Quillévéré, histoire d’amour avec dans le rôle principal Sara Forestier, sur la pente savonneuse de la délinquance. Les interventions de la collec-
Quatorze Depuis plusieurs années, la Quinzaine des Réalisateurs, manifestation née après Mai 68 au Festival de Cannes pour protester contre l’éviction d’Henri Langlois de la Cinémathèque Française, propose des reprises à Paris, Marseille, Bruxelles et Genève... Ainsi, du 28 mai au 4 juin, l’Alhambra Cinémarseille accueille 14 longs métrages sur les 21 que comporte la sélection. Cinq films français : Henri, la rencontre de deux êtres en marge, présenté en ouverture le 28 à 20h30, en présence du délégué général Edouard Waintrop et de la réalisatrice Yolande Moreau. Tip top de Serge Bozon où deux femmes de l’IGPN enquêtent sur la mort d’un indic. Les Apaches, premier long de Thierry de Peretti qui nous emmène à Porto Vecchio et, en présence du réalisateur le 31 à 20h30, La fille du 14 juillet, premier long d’Antonin Peretjatko qui nous fait parcourir les routes estivales d’une France en crise. Une comédie, Les Garçons et
année Zibeline annonce de Cannes ne diront pas…
uge et lunettes noires tivité en faveur de l’audiovisuel ne se limitent pas à ce soutien financier. Pour que ces 10 jours soient une occasion d’explorer un patrimoine autant que de découvrir des nouveautés, un partenariat a été noué avec le Festival dans le cadre de l’opération «Cinéma de la Plage» : classiques, avantpremières et grands succès populaires seront projetés gratuitement tous les soirs. Cette année comme les précédentes, ce sont également près de 20 000 élèves qui ont bénéficié du dispositif «lycéens et apprentis au cinéma», visant à «promouvoir auprès des plus jeunes une culture cinématographique qui les conduira à devenir des spectateurs curieux, exigeants et critiques» en leur donnant accès à des œuvres de qualité. 500 d’entre eux iront à Cannes assister à une multitude de séances… et à une montée des marches à grand renfort de paillettes.
Pendant la durée du Festival, la Région occupera un stand avec une programmation spécifique : on notera la remise du prix Med in Scenario le 18, la présentation du Manifeste pour une exploitation cinématographique indépendante par le Groupement National des Cinémas de Recherche le 20, et une réunion d’information sur les nouvelles conditions de tournage dans les Calanques le 21. GAËLLE CLOAREC
Festival de Cannes du 15 au 26 mai 2013 www.festival-cannes.com
à la Quinzaine !
Henri de Yolande Moreau
Guillaume à table ! de Guillaume Gallienne adapté de son spectacle théâtral. Trois films américains : Blue Ruin de Jeremy Saulnier, l’histoire d’un vagabond solitaire qui, après une terrible nouvelle, se met en route pour la maison de son enfance afin d’accomplir sa vengeance. Le Congrès, mi-film réaliste, mi-dessin animé fantastique d’Ari Folman, adapté d’un roman culte de Stanislaw Lem et Jodorowsky’s Dune, un documentaire de Franck Pavich sur les coulisses d’un projet avorté, l’adaptation du roman de sciencefiction Dune par le Chilien Alejandro Jodorowsky dans les années 1970. Ce film
sera présenté le 1er juin à 14h avant La danse de la réalité, adapté de l’autobiographie d’Alejandro Jodorowsky qui n’avait plus réalisé de film depuis 1990. Venu aussi du Chili, L’été des poissons volants, premier film de Marcela Said, qui nous fait partager les vacances d’une adolescente dans la riche maison familiale, alors que la menace de la guérilla gronde. Dans Ugly d’Anurag Kashyap, une fillette de dix ans dont les parents sont divorcés a disparu et c’est le périple de deux adolescents dans le monde du vol de cuivre que l’on suit dans Le géant égoïste de Clio Barnard. Tout juste sorti de prison, Sombra se dit que, vraiment, il aurait peut-être mieux fait de rester à l’ombre dans Après la nuit de Basil da Cunha ; quant à Saul, il découvre à Haïfa, un père transformé, un monde réinventé et, peut-être, l’espoir d’une vie nouvelle dans A Strange Course of Events de Raphaël Nadjari. Ce sont les deux tiers de la sélection de la Quinzaine que nous permet de voir cette année l’Alhambra et tous les cinéphiles s’en réjouissent ! A.G.
Alhambra Cinémarseille 04 91 03 84 66 www.alhambracine.com
Visions Sociales Parrainée par le réalisateur Costa-Gavras et organisée par la CCAS1 en marge du Festival de Cannes, la 11e édition de Visions Sociales, un «cinéma pour éveiller nos consciences», aura lieu du 18 au 26 mai. Une manifestation en accès libre qui s’attache à montrer un cinéma d’auteur questionnant l’ordre social et l’état du monde avec une mise en avant cette année du cinéma indépendant américain (les Bêtes du sud sauvage de Benh Zeitlin, Zero Dark Thirty de Kathryn Bigelow, There will be blood de Paul-Thomas Anderson, The Queen of Versailles de Lauren Greenfield, A little Closer de Matthew Petock). Un focus sur le cinéma des femmes, actrices ou réalisatrices, sera également proposé : Violeta d’Andrés Wood (en ouverture le 18 mai à 21h), Blancanieves de Pablo Berger, Wadjda de Haifaa Al-Mansour, Djeca, Enfants de Sarajevo d’Aida Begic, Les Invisibles de Sébastien Lifshitz…). 16 longs métrages, des courts, une exposition, des rencontres Métiers du cinéma (le 21 mai à 18h avec Jean-Baptiste Thoret), des débats (avec Costa-Gavras le 25 mai à 15h à l’issue de la projection de son film Le Capital ; Gérard Mordillat le 18 mai à 15h pour Le grand retournement) et 7 films inédits des partenaires de la manifestation (ACID, Semaine de la Critique, Quinzaine des Réalisateurs, Cinéfondation : Un certain Regard, Festival de Cannes Sélection officielle). Soirée de clôture le 25 mai à partir de 21h (5 € en faveur d’une association). DE.M.
Visions Sociales du 18 au 26 mai Château des Mineurs, Domaine d’Agecroft Mandelieu-La Napoule, Cannes www.ccas-visions-sociales.org 1 Caisse Centrale d’Activités Sociales de l’énergie
Violeta de Andres Wood
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A U P R O G R A M M E C I N É M A
Certains l’aiment chaud de Billy Wilder
Écrans voyageurs, qui a accueilli sept cinéastes depuis le mois de février dans différentes salles du territoire, continue en plein air, proposant huit grands moments de l’histoire du cinéma sur des sites particuliers. Ainsi le 24 mai, au bord de l’Étang de l’Olivier à Istres, en ouverture du Festin de Méditerranée (voir p. 25) ce sera Certains l’aiment chaud de Billy Wilder. L’escale suivante sera au bord de l’Huveaune, le 15 juin à Roquevaire avec La mort aux trousses d’Hitchcock, projection qui clôturera un tournoi de joutes sur l’Huveaune, remise en eaux pour l’occasion. Les spectateurs sont invités à venir en famille, pour profiter du site et pique-niquer sur place. 04 91 91 07 99 http://ecransvoyageurs.blogspot.fr
La République Marseille Le 17 mai de 23h à 5h sur le toit-terrasse de La Friche, projection de sept films du cinéaste voyageur Denis Gheerbrant, qui nous emmènent dans «sept univers qui composent une ville comme une république, celle des dockers, des militants ouvriers, des femmes d’une cité jardin ou des habitants d’une énorme cité ghetto et, dans ses replis, à la rencontre de tout un peuple, ancien junkie, boxeur, ou toutes jeunes filles devant la vie.» Film produit par Les Films d’Ici et Les Films du Tambour de Soie. Marseille objectif DansE 04 95 04 96 42 www.marseille-objectif-danse.org Les Femmes de la cite Saint-Louis de Denis Gheerbrant
Frontières dedans/dehors Du 13 au 30 juin à la Friche, Lieux Fictifs propose un dialogue entre l’art, la prison et la société, développé de 2009 à 2013, avec le soutien de MP 2013. Deux projets de créations partagées entre artistes, personnes détenues (ceux du dedans), et personnes libres (ceux du dehors) sont ainsi présentés : Dans la solitude des champs de coton de Bernard-Marie Koltès, une installation cinématographique de 120 mn interprétée par 27 détenus des Baumettes et habitants de Marseille, réalisée par Caroline Caccavale et Joseph Césarini et coproduite par la Cie Alzhar. Images en mémoire, images en miroir, une exposition vidéographique de courts métrages réalisés en partenariat avec l’INA à partir d’images d’archives dans le cadre d’ateliers participatifs composés de personnes détenues et de groupes extérieurs, en France, en Europe et en Méditerranée. 04 95 04 96 37 www.lieuxfictifs.org
Prado made in China
Caught in the Web de Chen Kaige
La troisième édition du Festival du Cinéma Chinois en France se tiendra du 13 mai au 12 juin, à Paris, Lyon, Marseille, Cannes, Strasbourg, Biarritz et La Réunion. À Marseille, du 4 au 7 juin, c’est le cinéma Le Prado qui accueille 10 films inédits en France. Trois comédies : Love in the Buff de Ho Cheung, Prix du Public au Festival d’Osaka 2013 ; Perdus en Thaïlande de Xu Zheng (le plus gros succès commercial de tous les temps en Chine !) ; et Full Circle de Zhang Yang, présenté en ouverture le 4 juin à 20h. Un «fantasy action film», Painted Skin 2 de Wu Ershan avec Zhao Wei (invitée d’honneur de cette édition) dont sera présenté le 1er film, So Young. Deux drames : Caught in the Web, le dernier film de Chen Kaige qui avait réalisé Adieu ma concubine et 1942 de Feng Xiaogang, «meilleur film chinois» aux 32e Hong-Kong Film Awards. Un biopic qui raconte le destin tragique de Xiao Hong, très proche du grand écrivain Lu Xun, Falling Flowers de Huo Jianqi. Deux films d’action : La porte du dragon de Tsui Hark et The Bullet Vanishes d’Er Dongsheng Feng Shui de Wang Jing nous permettra de voir l’actrice Yan Bingyan, invitée de cette édition. Le Prado, Marseille www.cinema-leprado.fr
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Escales en plein air
Ciné-concerts Du 15 au 17 mai à 20h, à l’Auditorium du Thor, festival de ciné-concerts. Le 15, Métropolis de Fritz Lang (1927, version intégrale restaurée 2011), accompagné par Actuel Remix, groupe électro de l’Arfi, qui mixe les musiques de Richie Hawtin et l’œuvre de Iannis Xenakis. Le 16, L’homme à la caméra de Dziga Vertov et la musique d’Archipass. Pour finir le 17, avec le soutien de l’association des amis de Georges Méliès, 16 parmi les 520 films de ce pionnier du cinéma, sur une musique originale composée et interprétée par l’arrière petite-fille de Méliès, Marie-Hélène Lehérissey, avec Lawrence Lehérissey : de La Tentation de Saint Antoine (1898) à La Fée Carabosse (1906). 04 90 33 96 80 www.artsvivantsenvaucluse.fr
Force scandaleuse du passé
Mama Roma de Pier Paolo Pasolini
En coproduction avec Marseille-Provence 2013, le FIDMarseille, Alphabetville, l’INA et le cipM célèbrent du 14 mai au 29 juin l’œuvre de Pier Paolo Pasolini, poète, romancier, dramaturge, essayiste, polémiste, chroniqueur, cinéaste et peintre : 23 films, des expositions thématiques, des lectures, des conférences, performances et vidéos d’archive seront proposés dans différents lieux de Marseille. Au CRDP, du 16 au 25 mai, 8 films dont Mama Roma, Le Décameron, Accatone… À partir du 28 mai, au cinéma Le Miroir, à la Vieille Charité, les films de Pasolini dont Médée, Œdipe roi et une programmation de documentaires INA sur cet auteur-réalisateur. On pourra voir aussi des films au MuCEM, à la Villa Méditerranée et à la Friche La Belle de Mai. De plus, le FIDMarseille reprendra l’intégrale du 2 au 8 juillet. www.mp2013.fr
Moebius et l’Odyssée
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ou plutôt alvéoles dans lesquelles sont exposées des œuvres qui rappellent les thèmes mythologiques homériques ou les organes du corps humain, ceux qui tissent une trame dans le roman de Joyce. Les œuvres sont pour la plupart issues des collections des FRAC, d’autres ont été créées spécialement dans le cadre de ce projet, par les deux artistes. Ils ont même dupliqué, ont remanié certaines œuvres pour les besoins de l’exposition. Le ruban autour duquel ont été érigés des points d’observation qui permettent une vue en hauteur, a été construit sur place, un chantier de 5 semaines confie Hervé Hubidos, directeur culture et médiation du Pont du Gard. «Ce n’est pas une exposition conceptuelle, tout le monde peut y trouver quelque chose. Les installations assez ludiques plaisent
Ulysse Pirate, Pont du Gard © Beaux Arts
aux enfants.» Et en effet, entre le chat de Troie, le cerveau à vapeur, le lapin étrange, la sirène en baskets jaunes, l’imaginaire jubile. Dehors, le bateau d’un Ulysse-pirate nous attend, le Holy Glory. Un art contemporain qui, s’il n’oublie pas ses racines, sait aussi trouver ses propres voies. Est-ce le roman de Joyce, l’épopée d’Homère ou la majesté inébranlable de l’aqueduc romain
qui leur a inspiré cette foison de détails, indépendants et fondus dans la structure ? MARYVONNE COLOMBANI
Ulysse Pirate jusqu’au 31 octobre Pont du Gard 04 66 37 50 99 www.pontdugard.fr Lire également p.25
Lacroix, mes trésors cachés L’idée est née d’un trio complice : Véronique Legrand, directrice de l’abbaye de Montmajour, Isabelle Reiher du Centre International de Recherche sur le Verre et les Arts Plastiques (CIRVA) et Christian Lacroix, arlésien de naissance. Des souvenirs d’enfance, d’anciennes collaborations ou encore cette inclination commune pour l’art contemporain leur ont permis d’initier ce projet inédit. «Suite à la baisse de fréquentation du public, cette exposition est l’occasion d’habiller ces lieux vides au XXIe siècle sans les dénaturer !» nous confie Véronique Legrand. L’ancienne administratrice du château de Tarascon gardait en elle depuis longtemps cette envie de collaborer avec le CIRVA (la sélection présentée ici vaut à elle seule la visite !) et sa rencontre avec Lacroix lui a permis de concrétiser ses souhaits. Cette abbaye construite sur des marécages, inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco, est pour Christian Lacroix «l’île» sur laquelle il s’amusait à chercher des trésors disparus. Comme le légendaire collier de la reine Marie-Antoinette caché par le cardinal de Rohan, ancien prieur de l’abbaye ! Des trésors que l’on retrouve à travers
les broderies d’or et d’argent des chasubles exposés dans la sacristie en écho avec d’autres, plus Beautiful Steps #4 de Lang_Baumann, bois et peinture, 2009 © C. Lorin_Zibeline
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Pour les 30 ans des FRAC, trois régions, Languedoc-Roussillon, Bretagne et PACA, se sont unies autour des Ulysses. Le Pont du Gard, en Languedoc-Roussillon, accueille deux créateurs, Sophie Dejode et Bertrand Lacombe. Ils s’intéressent à la figure d’Ulysse à travers l’œuvre fondatrice d’Homère et son écho dans le roman de Joyce. Qui donne l’articulation de l’exposition avec les deux figures de Bloom et Dedalus, inextricablement imbriquées par un ruban de Moebius : une boucle infinie qui conduit du voyage au repli, rendant indissociables qualités et défauts, et effaçant leurs limites. En maths on parle de surface non-orientable, dans l’épopée homérique d’un retour qui éloigne : une construction de bois habillée de diverses couleurs en utilise le schéma, constituant dans ses boucles 18 petites salles
contemporains mais tout aussi somptueux, comme ces costumes créés par le styliste pour le chœur
de femmes d’Aïda à l’Opéra de Cologne flottant sous une arcade rocheuse de la crypte. Dans le cœur de la tour de Mons Majoris (la plus haute colline), on découvre avant d’atteindre la vue spectaculaire sur Arles et ses plaines, le Cortège endormi de Jean-Michel Othoniel dont les croix de verres soufflés sont sublimées par la couleur sablée de la pierre du donjon du XIVe. Le parcours est semé d’union insolite entre le verre, la peinture, le bois, le tissu ou même le bronze… et la pierre de l’abbaye, comme avec cet escalier monumental en lévitation de Lang/ Baumann dans la croisée du transept, les tableaux de Bernard Quesniaux, les œuvres Erik Dietman ou Pierre Charpin : la volonté de Christian Lacroix était de «montrer Montmajour sous un jour inattendu et authentique», et la rencontre entre patrimoine et art contemporain a lieu. ANNE-LYSE RENAUT
Mon île de Montmajour jusqu’au 3 novembre Abbaye de Montmajour, Arles 04 90 54 64 17 montmajour.monuments-nationaux.fr
L'oeuvre de Jaume Plensa en cours d'installation- Nuage IV, 2012, acier, 180x122x196cm © C. Lorin_Zibeline
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Le corps du nuage Pour sa dernière exposition au sein du musée Réattu, Michèle Moutashar explique ses choix et sa démarche singulière de commissaire. Plus proche d’un corps à corps avec les œuvres que de l’intention démonstrative
Zibeline : Quelle a été la genèse de ce projet ? Michèle Moutashar : Cela vient de loin. D’un premier étonnement avec Le Corrège à Parme, plus tard d’une réflexion de Arp à propos de la concrétisation des nuages, ensuite de la rencontre avec Hubert Damisch qui part lui aussi du Corrège pour son livre sur la théorie du nuage. Pourquoi le nuage a-t-il soulevé un tel intérêt ? Il est différent pour le moine taôiste, le berger malien en attente de la pluie, le peintre occidental, mais le nuage touche à l’anthropologie, à la vie quotidienne, la science, l’histoire de l’art. Mais pour toucher au nuage si vous restez dans le ciel vous êtes foutu ! Bien des gens ont essayé de faire une typologie de cet insaisissable mais ça ne marche pas, on ne peut les dépeindre complètement. En Asie le nuage exprime l’énergie vitale. Une des pièces fondamentales au début de l’exposition est une pierre de lettré chinoise façonnée dans les torrents qui en a gardé l’énergie dans ses formes et sert de support de méditation. Arp a montré comment le nuage s’incarne, peut être à portée de main, à portée de hanche, à portée de corps. Le nuage est au-delà des notions d’abstraction et de figuration, totalement sensuel pour ne pas dire sexuel. Dans cet esprit comment avez-vous conçu cette exposition ? Pour moi il y a deux manières de faire des expositions. La première, la plus fréquente : vous avez une théorie et vous allez chercher des œuvres qui confirment votre théorie. C’est la meilleure façon d’empêcher le spectateur d’entrer en contact avec l’œuvre d’art. Pour moi une œuvre d’art est un corps vivant qui parle, le minimum est de pouvoir lui donner la possibilité de s’exprimer. L’autre façon d’exposer est de faire comme les pêcheurs méditerranéens à la palangrotte. Vous avez une sorte de ligne que vous lancez, moi ma ligne c’était Arp et une certaine empathie avec le sujet, les émotions produites par Le Corrège. J’ai constitué
un corpus d’œuvres qui sont des bombes d’énergie, qui expriment tout : la notion de métamorphose, de flux continu, d’incarnation. Tout en constituant cela, j’avais en tête ce bâtiment, son paysage : la quantité d’eau qui tourne sous ses fenêtres, le mistral qu’il se prend en pleine figure, la lumière qui est excessive. Réattu y a fait son atelier. Sa chambre des nuages. C’est comme ça que les Chinois désignent l’endroit où ils réfléchissent. L’exposition entière est un nuage moulé par le bâtiment. Nous sommes dans une partition organique où le visiteur en est la clef. C’est lui qui combine tous les éléments d’une façon mouvante. Nous nous éloignons de la part conceptuelle… En mettant le visiteur comme acteur physique et mental vous dépassez les clivages d’érudition. La fréquentation d’une exposition ne peut pas être uniquement intellectuelle. Regardez les tasses à café de Bailly-Maître-Grand, il n’y a pas plus trivial et plus existentiel. PROPOS RECUEILLIS PAR CLAUDE LORIN
Nuage jusqu’au 31 octobre Musée Réattu, Arles 04 90 49 37 58 www.museereattu.arles.fr
Électrons libres Peu d’élus et peu de pièces, De main en main resserre son propos sur la sculpture du XXe siècle dans le Sud autour de 9 artistes et 33 œuvres. Un choix réalisé par Jean-Roch Bouiller, conservateur, chargé de l’art contemporain au MuCEM, pour dire sa conviction : «C’est une histoire d’artistes charismatiques qui ont laissé des empreintes profondes chez ceux qui les ont rencontrés», et son interrogation : «Dessinent-ils, bout à bout, les contours d’une géographie artistique propre à la sculpture ?» Constituent-ils un foyer artistique, rien n’est moins sûr. Mais des filiations apparaissent, des préoccupations communes, des admirations partagées. Plus encore, une indépendance d’esprit. Richard Baquié traça sa route en solitaire, comme Judith Bartolani (superbe sélection de 3
matériaux qu’il assemble (résine, encre, plâtre). Natif de Briançon, professeur à Nice, aujourd’hui Marseillais, Dominique Angel est insaisissable, même si sa Pièce supplémentaire le met en scène piégé par la glaise, sculpture éphémère que l’on appréhende à travers la trace photographique… Des œuvres mises en perspective avec celles d’André Masson, César et Germaine Richier qui leur ouvrirent une voie royale. M.G.-G.
Fourmi-lion, 1993, 25 x 87 cm, grains de verre fondus sur des grains de sable CIRVA (Marseille) © Richard Monnier (Galerie Arlogos Frac Paca)
œuvres à la fragilité puissante), tous deux influencés par Toni Grand qui transmit son goût de la liberté à Richard Monnier (ces Sablier réalisés au CIRVA ouv-
rent une voie de transparence sur sa sculpture en gravier et plâtre Tout tas est-il ôté d’un tout ?) et Arnaud Vasseux, merveilleux observateur de la réaction des
De main en main jusqu’au 9 juin Galerie d’art du Conseil général, Aix Catalogue, éd. SilvanaEditorial, 22 € 04 13 31 50 70 www.culture-13.fr
Un cru gouleyant ier Sourski dans son atel 3 © MGG/Zibeline au Sm'art, mai 201
Les chiffres sont éloquents et les artistes loquaces : le Sm’art est une réussite ! Ce ne sont pas les 20 000 personnes qui ont flâné au Parc Jourdan qui le démentiront : 30 % de hausse de fréquentation depuis son implantation en centre ville, sans compter l’augmentation des ventes de 10 % par rapport à 2012. Ces chiffres record n’étonnent pas Christiane Michel, créatrice et commissaire du Sm’art. «Je fais tous les salons d’art et je sais que depuis une dizaine d’années le métier de galeriste est en zone de turbulences. Celles qui ont plus de 25 ans ont des artistes connus, mais pas les autres… À raison de 58 000 professionnels inscrits à la Maison des artistes, il est clair qu’il y a un déséquilibre ! Beaucoup de gens de talent ne savent pas où présenter leurs œuvres.» Quant aux salons de décoration qui flirtent avec l’art contemporain, ils feraient fausse route : «Ce n’est pas la même démarche. Les gens veulent rencontrer des artistes et non pas des décorateurs.» Au Sm’art, impossible de ne pas les voir devant leur tente blanche munis de pressbook, de catalogues, de cartes de visite et d’un large sourire. Car s’il y a compétition, il y a «une belle coopération et une vraie émulation». Sourski, installée à Auriol, a participé au salon l’an dernier
avec l’Art-Gallery Laramée et revient en nom propre : «Quand on fait un salon, il faut persévérer pour que le public s’habitue à votre travail, pour transformer les coups de cœur en désir d’achat. Je participe au SIAC à
Marseille depuis 3 ans, j’expose dans les jardins d’Albertas pour les Journées des plantes. Depuis 12 ans que je me consacre à la sculpture, c’est comme si je jetais des bouteilles à la mer… aujourd’hui je suis ravie des ventes et des contacts.» Même enthousiasme de l’association La Bourguette qui lutte contre l’autisme et présente les œuvres de Chantal et Frédéric réalisées dans les ateliers ferronnerie et céramique. Avec 15 pièces vendues, dont 3 mini David, répliques de la sculpture du Parc de Bagatelle à la mairie du 8e de Marseille, c’est toute la motivation des équipes et des patients qui est boostée. Pour sa première participation, le sculpteur seynois Mimi est positif : «Avec les ventes je couvre mes frais et le potentiel dans l’avenir est intéressant. C’est un bon investissement. Après le SIAC, j’ai retrouvé des collectionneurs fidèles.» Il faut dire que même installées au fond d’une allée, ses sculptures monumentales en résine noire et blanche respirent à pleins poumons à l’orée de la canopée. M.G.-G.
Le Sm’art s’est déroulé à Aix-en-Provence du 2 au 6 mai
ni), pseudo scientifique (Duchêne), renouvelant la tradition du dessin (Otero Torres), en paradis exotique (Ghelloussi), absent/présent (Castell)… Sans pour autant I'm an animal too, Myriam Mechita, 2010/2013 © C. Lorin/Zibeline
Noé œuvra sur ordre pour recréer un paradis. De l’éden à l’enfer nombre d’artistes n’ont pas attendu qu’on leur montre un chemin pour emprunter d’autres voies. Animal Paradise, en convoquant les bons et mauvais genres, déployé en divers lieux istréens et villes partenaires (Œuvres en mouvement), montre comment des artistes -une trentaine dont la moitié sont des femmes, pour ça aussi ça nous plaît !- s’emparent de la figure animal dans des dispositifs signifiants complexes et inattendus. Après l’installation historique de Gloria Friedmann ou I’m an animal de Myriam Méchita, une des pièces les plus signifiantes avec Farm set pigs de Pascal Bernier, la mythologie animale se décline sous de multiples tournures. Ani-
mal naturalisé, hybride (Grünfeld, Gagliardi), trophée, robotisé (Cadet, Blanchard), squelettique/ Mickey (Rubinstein) ou sublimé/ or (Zanca), pop (Jabbour,Ciavaldi-
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Animaux au bestiaire À Istres et sur le territoire Ouest-Provence Animal Paradise nous emmène à la rencontre d’un bestiaire peu commun où Darwin aurait du mal à reconnaitre une généalogie…
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confiner les œuvres dans des catégories commodes, l’animalité s’expose en postures incongrues, inquiétantes ou désenchantées comptant que le visiteur saura construire sa part d’appropriation dans cette arche fantastique où en filigrane une autre part de l’Homme est donnée à voir avec ses résonnances actuelles. Le travail entamé voici deux ans par Catherine Soria et l’équipe de la POPARTs se confirme tant par l’approche conceptuelle que par le choix des œuvres sans craindre le grand public ni les ouvertures plus pointues. Seul bémol, le bâtiment dont on rappelle les limites. Conférences, visites nature, évènements ponctuent la programmation. CLAUDE LORIN
Animal Paradise jusqu’au 12 octobre Poparts, Centre d’Art Contemporain Intercommunal Istres et autres lieux 04 42 55 17 10 www.ouestprovence.fr
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5e P.A.C. Pour sa 5e édition le Printemps de l’Art Contemporain joue les contretemps mais reste à l’heure de MP2013. Le réseau Marseille Expos propose en 3 jours, 3 parcours pour une quarantaine de lieux en 3 quartiers : rencontres avec les artistes, lectures, colloque, performances et nocturnes. Ouverture de tous les lieux dès le 17 mai, de 11h à 22 h, soirée d’inauguration à la maison de vente Leclere à partir de 22h, entrée libre. C.L. Printemps de l’Art Contemporain #5 les 17, 18 et 19 mai Marseille www.marseilleexpos.com
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© Marc Heller Lionel Scoccimaro, Customize Vanity Thing, 2010. courtesy Galerie Olivier Robert
Marc Heller «Ciel, la terre !» s’exclame le photographe marseillais Marc Heller lorsqu’il est aux commandes d’un avion, fasciné depuis les années 70 par la photo, la nature et le vertige des airs. De série en série, la réalité des paysages s’efface derrière un jeu abstrait de couleurs : terre ? eau ? sable ? Oui, mais pas uniquement : harmonies de vert acide et d’orange enflammé, étendues irréelles, frontières floues, géométries variables… M.G.-G. Ciel ! La terre, balade aérienne en Provence du 14 mai au 23 juin Office de tourisme, Aix-en-Provence 04 42 16 11 61 www.aixenprovencetourism.com
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Animal design Quel fabuleux bestiaire ! De tout temps les animaux ont été l’objet de représentations et les designers ne dérogent pas au plaisir de combiner formes et symboles. En témoigne l’exposition du Centre Design Marseille qui réunit une quarantaine de pièces, et presque autant de matières et de fonctionnalités aussi inattendues que poétiques, aussi humoristiques qu’inutiles parfois… M.G.-G. du 15 mai au 29 juin Galerie Montgrand, Marseille 6e 06 72 43 19 55 www.designmarseille.org © Frederique Morrel Ongles © Laurent Perbos
Les Arts éphémères Le festival des Arts éphémères souligne les relations inventives de l’art contemporain au paysage et à la nature à travers une sélection d’artistes qui jouent avec la tradition du land art (Caroline le Méhauté, Julia Cottin, Olivier Millagou, JeanMarc Voillot, Ugo Schiavi), mais pas uniquement. D’autres trouvent «naturellement» leur place, dehors comme dedans : Anne-Valérie Gasc, Ilana Salama Ortar, Frédéric Pradeau, Aymeric Louis, Véronique Rizzo, Alain Pontarelli, Pascale Mijares, Karine Rougier, Solange Trigger, Laurent Perbos… M.G.-G. du 23 mai au 13 juin Parcs et salons de Maison Blanche, Marseille 9e et 10e 04 91 14 63 50 www.marseille9-10.fr
Réservoir Rock Le Château-musée Edgar Melik cache des espaces insolites, comme ce réservoir où les œuvres de Jean-Baptiste Gaubert se métamorphoseront «en prestations audiovisuelles inédites». Le temps d’une performance le 26 mai, peintures, photos et vidéos réinventeront un déjeuner sur l’herbe impressionniste, superposition de petites touches picturales et de musique improvisée avec son groupe. La toile et l’installation sonore in situ composeront la pièce Réservoir Rock… M.G.-G.
Performance en live de Jean Baptiste Gaubert © X.D-R
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jusqu’au 30 septembre Château-musée Edgar Melik, Cabriès 04 42 22 42 81 www.musee-melik.fr
Tableau historique Jérôme Cavalière, Camila Oliveira Fairclough, Cécile Meynier, Olivier Mosset, Frédéric Sanchez, Hugo Schuwer Boss composent une sorte de best of autour de l’œuvre abstraite et radicale d’Olivier Mosset. On évoquera sans doute l’audace du jeune Rauschenberg gommant les dessins du grand De Kooning. Le geste est passé dans l’histoire de l’art. Les œuvres le ferontelles avec autant de radicalité ? C.L. Tableau Historique du 17 mai au 28 juin GAD-Galerie Arnaud Deschin, Marseille 1er 06 75 67 20 96 http://lagad.eu Jerome Cavaliere, Entretien avec une oeuvre d'art, Essai #1, #2 et #3 2012 Video HDV, 16-9, 14' © courtesy artiste et galerie A. Deschin
Fabrice Lauterjung, photographie de la serie Et quand il eut passe le pont (© F. Lauterjung
Escales Le projet Ulysses (FRAC PACA) propose quatre escales dans le Pays de Martigues. Le patrimoine résonnera avec l’art contemporain : à la Chapelle Notre Dame de Miséricorde, Et quand il eut passé le pont de Fabrice Lauterjung, Aquarelles d’Yvan Salomone au Centre d’Art Fernand Léger à Port-de-Bouc et sur le site archéologique de Saint-Blaise/Saint-Mitreles-Remparts Jean-Jacques Rullier expose Fragments de la coexistence des mondes et à partir du 21 juin Le glissement des croyances au musée Ziem. C.L.
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Escale sur la Petite Mer Pays de Martigues du 18 mai au 13 octobre www.paysdemartigues.fr www.villedemartigues.fr www.portdebouc.fr
Serie Watercolor, 2012 © Mazen Jannoun (selection La jeune photographie libanaise)
Photomed C’est sous le cèdre du Liban qu’est placé le 3e Festival de la photographie méditerranéenne concocté par Jean-Luc Monterosso, directeur de la Maison européenne de la photographie. Avec la même exigence : promouvoir des talents méconnus (la photographie slovène), rendre hommage à de grandes figures (Gabriel Basilico, Nino Migliori, Fouad Elkoury), découvrir des œuvres inédites (Costa-Gavras), organiser des workshops ou encore provoquer des rencontres impromptues. M.G.-G. du 23 mai au 16 juin Sanary, Bandol, Bendor, Toulon www.festivalphotomed.com
Fake off Enfin une galerie marseillaise loin du triangle d’or ! Celle-ci opère au cœur des Puces, parmi ses antiquaires… en offrant une large sélection particulièrement inspirée d’artistes contemporains vivant pour la plupart à Marseille. Il y en a pour tous les bons goûts, à des prix franchement en dessous du marché, et tous les artistes qui comptent y sont, avec plusieurs oeuvres (Clavère, Benistri, Sémiramoth, Dantzer, Rizzo, Scoccimaro, Olmeta, Perbos, Discepolo…). Les Vierges de Maila Gracia, et les blocs de marbre évidés d’Attila Rath Geber donnent envie d’investir indifféremment dans la pierre et la plume ! Un nouvel accrochage à partir du 6 juin. A.F. jusqu’au 25 mai Galerie Saint laurent, Marseille 15e 06 76 91 42 61 www.galeriesaintlaurent.com
Maila Gracia, Vierge noire, technique mixte, moules bois, 2010, Dame Blanche, technique mixte cauris velour, 2013, Cousine Madeleine, technique mixte, cheveux humains, 2013 © Galerie Saint Laurent
Publications d’artistes Deuxième édition de Publications d’artistes pour des Paroles croisées autour de la Bibliothèque Mobile d’Andrea Blum avec L’atelier cinq, Jouke Kleerebezem, wip-art, L’éditions des petits livres, monotone press, La fabrique sensible et le Centre de documentation du FRAC PACA. La fabrique sensible propose aussi en souscription Merveilles de Marie Ducaté, une exposition de l’artiste et une installation d’Eric Watier. Vernissage le 8 juin à 18h30. C.L. les 7, 8, 9 juin Les Baux-de-Provence 04 90 54 34 39 www.publicationsdartistes.org www.lafabriquesensible.com
Merveilles de Marie Ducate, 2013, livre d'artiste, éditions la fabrique sensible
Patrimoine renouvelé En organisant un des concours artistiques les mieux dotés de France, la CCI Marseille-Provence récompense chaque année des artistes qui se sont intéressés aux enjeux économiques de son territoire. Cette exposition rétrospective est l’occasion de découvrir les œuvres primées depuis 2008 de jeunes talents comme Marc Quer, Mohamed Bourouissa ou Sandra Lorenzi. Originaires de la région ou du monde entier, ils se distinguent par l’originalité, la qualité et l’innovation technique de leurs créations. A-L.R.
De l'eternel avec une date de peremption,tirage sur papier archive Editions P, 60x80 cm, laureat 2012 © Marc Quer
Un patrimoine renouvelé - Acquisitions 2008-2013 du 2 mai au 12 juin Palais de la Bourse, Marseille 0810 113 133 www.palaisdelabourse2013.ccimp.com
Titouan Lamazou © X-D.R
Flâneries d’Art Andréa Ferréol et ses complices savent ouvrir les portes des lieux secrets, parfums du XVIIIe conjugués aux arts contemporains. Pour la septième édition de ses flâneries, pas moins de 21 artistes internationaux (Sophia Vari, Titouan Lamazou…) essaimeront les jardins aixois, tandis que des musiciens partageront des airs d’opéra, de jazz, de tango, une création chorégraphique de Nicolas Zemmour… M.C. les 15 et 16 juin Divers lieux, Aix www.aix-en-oeuvres.com/flaneries-2013
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Largement amorcé l’an dernier, le déploiement du Festival du Livre de La Canebière, organisé par l’association Couleurs Cactus, se poursuivra lors de sa prochaine édition. Il s’étendra cette année sur dix jours, du 7 au 16 juin, et en de nombreux lieux autres que le désormais traditionnel square Léon Blum. Si le festival reste amarré dans le premier arrondissement, investissant plusieurs espaces du centre ville, comme Les Grands Terrains, l’Alcazar, l’Espace Culture ou La Compagnie, il regarde de plus en plus vers la mer. Il fera ainsi escale au Vieux-Port, dans l’anse de la FausseMonnaie, au Frioul et même à L’Estaque, puisque la mairie des 15e et 16e arrondissements l’y a invité toute une journée (le 15). Les rencontres, ateliers d’écriture, lectures et performances proposés cette année, sans compter les concerts, bals et autres événements purement festifs, s’y multiplient allègrement. Mais cette manifestation qui semble vouloir voguer toutes voiles dehors parvient à conserver ses lignes de force ! Le thème retenu pour cette édition est celui du silence : silence de la censure, de l’omerta, des non-dits et des interdits, silence également du rêve, du souffle poétique, de l’inspiration. Le silence sera donc décliné sous toutes ses formes, parlé, chanté et écrit. Parmi les invités, le journaliste, dramaturge et plasticien algérien Mustapha Benfodil jouera un rôle important : il présentera son installation Sans têtes, censurée en 2011 lors de la Biennale des Emirats Arabes Unis, proposera une performance et parlera de son dernier texte, Le point de vue de la mort (Al Dante) qui sera mis en scène au Off d’Avignon cet été. Plusieurs occasions donc de mieux connaître cet artiste engagé contre la censure. On pourra également découvrir le thriller déjanté de l’Espagnol Javier Calvo (Le jardin suspendu ; éditions Galaade), le roman graphique d’Antonin Dubuisson et Alain Glykos (La grande catastrophe ; Cambourakis) et bien d’autres ouvrages. On retrouvera aussi avec plaisir René Frégni autour de son dernier roman Sous la ville rouge (Gallimard), dont l’intrigue se situe à Marseille. Le principe de la mini résidence en duo sera également reconduit cette année avec le romancier Marcus Malte et le photographe Abed Abidat. Tous deux ont un projet commun autour du silence, qu’ils viendront présenter à la fin du festival, moment où sera décerné le Prix de la Nouvelle, dont Zibeline est partenaire. Pas de doute, en 2013, le Festival du Livre va faire du bruit !
Lire en silence © Jose Caddy
Les voix du silence
FRED ROBERT
L’universalisme politique
DO.M.
le 30 mai à 18h45 Hôtel du département, Marseille 04 96 11 24 50 www.cg13.fr
Cultures croisées Mireille Delmas-M arty © Emmanue lle Marchadour
Dernière conférence de la saison pour Échange et diffusion des savoirs, avec Mireille Delmas-Marty. La juriste de renommée internationale viendra parler de l’universalisme politique à l’épreuve de la mondialisation, partant du cosmopolitisme, rêvé notamment par Kant, qui devient en partie réalité avec l’actuelle mondialisation du droit. Avec des obstacles visibles dans le droit du commerce et des finances, le droit des droits de l’homme ou celui applicable aux nouvelles technologies.
5e Festival du Livre de la Canebière Carnets de route du 7 au 16 juin Marseille www.couleurs-cactus.com
Pour sa 11e édition, la manifestation l’Espagne des trois cultures n’a de cesse d’ouvrir un espace de solidarité, de dialogue, de reconnaissance pour aboutir à une fête de tolérance et de culture. À l’image d’une Espagne harmonieuse qui vivait harmonieusement la cohabitation des trois grands monothéismes, musulman, juif, chrétien. Un patrimoine hispano-judéo-musulman que l’association marseillaise Horizontes del sur explore dans différentes interfaces culturelles, du 21 mai au 10 juin. Parmi les temps forts de ces rencontres, des conférences, nombreuses, sont programmées à l’Alcazar, notamment celle d’Antonio Soler autour de son dernier livre, Boabdil, ou de Virginie Ruiz sur Moga-dor au cœur des trois cultures méditerranéennes chrétienne, juive et musulmane : un pont jeté entre le Mexique et le Maroc dans l’œuvre d’Alberto Ruy-Sánchez. Seront aussi projetés les documentaires de Vivian Imar et Marcelo Trotta, Legado et celui de Miguel E. López Lorca, Los expulsados, ainsi que le film de Maria Victoria Menis, La Cámara oscura. Sans oublier l’expo sur les «gauchos juifs», le café littéraire, la programmation musicale… DO.M.
L’Espagne des trois cultures du 21 mai au 10 juin Divers lieux, Marseille 04 91 08 53 78 www.horizontesdelsur.fr
Traduire l’implicite
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Ouvrages de l’Atelier du Tilde © Juliette Luck2
Que viva CoLibriS Faut-il multiplier les moments festifs (concerts, milongas…) pour qu’un festival littéraire soit jugé digne d’être financièrement soutenu ? À l’issue de la sixième édition de CoLibriS, on peut se poser la question. Depuis sa création, la manifestation a déployé ses ailes, ouvrant des perspectives inédites, comme le croisement de regards latinoarabes pour la présente édition, et gagnant année après année une notoriété internationale. Le travail de fond, que les acteurs de ce festival mènent avec enthousiasme pour faire connaître et apprécier les littératures contemporaines d’Amérique latine, ne semble pourtant pas convaincre les institutions. Celles-ci ne cessent de réduire leurs aides, au point que l’équilibre financier de la manifestation relève aujourd’hui de la gageure. Le budget de la culture est en baisse et à l’intérieur dudit budget, la littérature est loin de se tailler la part du lion : trop peu visible, disent les uns ; trop élitiste, critiquent les autres. S’ils avaient assisté aux échanges stimulants qui se sont tenus à La Friche, ils auraient constaté qu’exigence littéraire et accessibilité, même lorsque les sujets abordés sont complexes, sont compatibles. C’est d’ailleurs une des grandes qualités de CoLibriS, qui n’est pas un salon où l’on vient faire ses courses, mais un véritable lieu, stimulant, de recherche, d’échange et de découvertes. Parmi les rencontres passionnantes de cette édition, la table ronde qui a réuni Carlos Liscano, Matias Néspolo, Maïssa Bey et Kamel Daoud autour du thème de «l’écrivain, voix politique». Hernan Harispe a lancé le débat. Constatant le bouleversement politique et social du continent sud-américain depuis deux décennies, voyant le même changement en germe dans le monde arabe, il a demandé si la littérature accompagnait ou non ces mutations. Selon l’Uruguayen Liscano, il y a actuellement un «divorce» entre littérature et politique en Amérique latine, ce que corrobore le jeune écrivain argentin Néspolo (voir p. 88) pour les années 1990 du moins. Cette période d’évolution néolibérale de tout le continent a favorisé l’éclosion d’une littérature plus légère,
plus formaliste, moins engagée. Mais les temps changent ; de nombreux écrivains de sa génération renouent aujourd’hui avec des thèmes politiques, liés au poids de l’héritage des dictatures. Face à des auteurs sud-américains «impliqués», les Algériens se disent totalement «engagés». Kamel Daoud (voir p. 88) rappelle brillamment la nécessité de la littérature face à la dictature. À quoi Maïssa Bey ajoute que «toute prise de parole dans un pays où la transgression des codes est sévèrement punie est un acte politique.» Daoud conclura pourtant que l’expérience de l’Amérque latine l’intéresse mais ne répond pas à sa question fondamentale : comment vaincre la dictature religieuse ? CoLibriS permet aussi des découvertes. D’auteurs, comme le Chilien d’origine palestinienne Walter Garib ; un octogénaire flamboyant à l’élocution magistrale (voir p. 89). D’éditeurs également. L’Atelier du Tilde, à qui l’on doit l’édition du Voyageur au tapis magique de Garib, était à l’honneur cette année. Cette maison lyonnaise (créée en août 2010) est née de la volonté de trois jeunes traducteurs de diffuser des œuvres latino-américaines et espagnoles inédites en français, d’où le nom «tilde», tout en soignant l’objet de façon très artisanale, d’où le terme d’«atelier». Les jeunes éditeurs font presque tout eux-mêmes, traduction, fabrication, diffusion…, ce qui leur permet de proposer de très beaux livres à des prix très doux. Une démarche peu lucrative mais généreuse ! Pour l’équipe de La Marelle, l’heure est désormais aux bilans. Qu’adviendra-t-il de CoLibriS en 2014 ? Sans doute faudra-t-il l’associer à d’autres événements (le festival de cinéma sudaméricain ?). L’ouverture au public scolaire et universitaire, largement amorcée cette année devrait croître encore. Afin que (sur)vive un festival littéraire de grande qualité ! FRED ROBERT
Le festival CoLibriS s’est déroulé à Marseille (La Friche) et dans la région du 24 au 30 avril
En conclusion du festival littéraire, CoLibriS proposait à l’Espace Van Gogh d’Arles, au siège du CITL*, une rencontre animée par Yann Nicol entre Alberto Ruy-Sanchez (voir p. 89) et son traducteur, Gabriel Iaculi. L’échange extrêmement riche permettait un nouveau déchiffrement des arcanes de l’œuvre de Ruy-Sanchez et une approche passionnante de l’art de la traduction. Il n’est pas de meilleure lecture, plus approfondie que celle de la traduction affirme Gabriel Iaculi : «Ma méthode est très hétérodoxe, il s’écoule un an ou deux entre ma première lecture et la traduction.» «Comment faire sentir en français au lecteur les allusions du texte ? En traduisant, je comprends le chemin de l’auteur et je suis obligé d’emprunter le mien par un tour à la fois totalement différent et qui à l’issue est à peu près semblable.» Dans l’écriture baroque de l’écrivain mexicain, tout se joue sur la polysémie, l’implicite, c’est ce qu’il faut rendre, absolument ! Dans le roman, un personnage essentiel, le potier : Gabriel Iaculi s’initie alors à la poterie. «Quelle chance pour moi d’avoir un tel traducteur ! sourit Alberto Ruy-Sanchez. De toute façon, comme pour un chorégraphe, mon livre ne m’appartient plus en français, il est l’œuvre de Gabriel !» Quel bonheur pour le lecteur ! MARYVONNE COLOMBANI
Cette rencontre au eu lieu le 30 avril à l’Espace Van Gogh, Arles *CITL : Collège International des traducteurs littéraires © M.C
Bouquet final © Hassen Haddouche/filtrages
Des Américains à Draguignan Débarquement américain dans le Haut-Var pour la troisième édition des Escapades Littéraires, organisées par l’association Libraires du Sud. Ce festival littéraire est des plus plaisants. Grâce au lieu d’abord : au fond d’une placette ombragée de platanes et aménagée en café se tient la Chapelle de l’Observance. Acquis par la commune en 1992 et restauré jusqu’en 2005, ce bel édifice du XVIe siècle est aujourd’hui dédié aux expositions d’art contemporain et aux manifestations culturelles. On y circule à l’aise, mais tout est concentré. Grâce ensuite à l’accueil, excellent, et à l’ambiance, conviviale et propice aux échanges. Ici, tout le monde se parle et tous -bénévoles de l’association, lecteurs, équipe de la municipalité, interprètes, journalistes, auteurs, libraires- sont «à fond» pour faire de ce jeune festival une manifestation qui compte dans le paysage littéraire de la région. Ils y réussissent aussi grâce à la qualité des rencontres proposées. En une journée, on a ainsi pu redécouvrir Mark Twain à travers l’hommage que lui a rendu Bernard Hoepffner. Le traducteur vient de proposer une version nettement moins édulcorée que les précédentes de Tom Sawyer (voir p .91) et Huckleberry Finn, plus en accord avec l’esprit des deux romans, pas vraiment politiquement corrects ni destinés aux enfants (surtout le second). On a également pu rencontrer Richard Russo et Iain Levison dont les romans brossent le portrait d’une Amérique en crise. On a parlé comics et romans graphiques avec Gilbert Shelton, créateur des Freaks Bro-
thers, Marc Voline, qui a énormément fait pour qu’on n’oublie pas George Harriman et son Krazy Kat, et le talentueux quadra Anthony Pastor, qui a redit l’importance de la culture US pour sa génération. Ses romans graphiques jouent constamment avec les codes du western ou du roman hard boiled. Une table ronde a réuni Rick Bass, Adam Novy et David Vann sur le thème des « grands espaces américains » (voir p. 90). Bass a rappelé l’influence de Jim Harrison sur lui. Celui qui dit préférer les ours au métro vit aujourd’hui dans le Montana, au fond d’une vallée sauvage ; une expérience assez proche de celle que Thoreau rapporte dans Walden. Vann dit avoir été marqué pour toujours par son enfance sur une île, près de l’océan, en bordure d’«une forêt très humide et très dense» puis par son adolescence près de Sacramento, dans une propriété qui ressemble fort à celle qu’il évoque dans Impurs (lire chronique p. 90). La description du paysage est pour lui une façon de figurer l’émergence de l’inconscient. Pour le très pince-sans-rire Adam Novy en revanche, la forêt reste «un lieu d’échec personnel» (il est nul en feux de camp) ; pas de forêt donc dans sa Cité des oiseaux mais une «géographie de la dislocation» et la création d’un nouvel espace, d’un monde souterrain surpeuplé. De belles rencontres en vérité, et un festival à découvrir absolument. FRED ROBERT
Les Escapades littéraires ont eu lieu à Draguignan (Var), Chapelle de l’Observance, du 3 au 5 mai
Le 12 avril, au Portail Coucou à Salon, se clôturait la 8e édition de Lire Ensemble, manifestation intercommunale autour du livre et de la lecture organisée par Agglopole Provence, où durant une quinzaine de jours les 17 communes du territoire ont accueilli nombre de manifestations au sein de leurs bibliothèques. Lors de cette soirée tous étaient présents, les participants des concours qui attendaient la remise des prix, mais aussi ceux qui avaient participé aux ateliers graphiques et d’écriture (notamment avec Jo Ros, Jihad Darwiche et Thomas Azuelos) et dont était visible la richesse de production ! La compagnie Tout Samba’L offrait aussi un beau moment avec une lecture-spectacle autour d’une sélection de portraits littéraires écrits par Jo Ros, haute en couleurs, à l’image de ces habitants qui lui ont ouvert leur porte et leur vie. Un kaléidoscope de personnalités qui, selon les mots de l’auteur, lie «tradition et modernisme en préservant la mémoire, la sauvegarde des patrimoines [...] Pour que rien ne s’oublie de ces vies, de ces tranches d’histoire locale adossée à celle de la planète». Le recueil est en ligne sur le site de l’Agglopole, surfez-y... Émotion et belles rencontres enfin autour des lauréats des concours de nouvelles ados (sur le thème Rencontres du 13e type) et adultes (sur celui de Gens d’ici et d’ailleurs), avec deux beaux premiers Prix de chaque côté. Une participation importante, dont la qualité fut soulignée par les membres des jurys. Et notamment celle d’Hélène Katsaras, Grand Prix Agglopole Provence, Gens qui rient, gens qui pleurent, déclinaison emballante du thème imposé, unanimement saluée. Ses écrits à venir sont attendus avec impatience... DO.M.
Lire Ensemble s’est déroulé du 29 mars au 12 avril sur le territoire d’Agglopole Provence
87 L I T T É R A T U R E
Pour parler d’eux
88 L I V R E S
Michèle Lesbre s’intéresse à la façon dont les événements de notre vie personnelle s’insèrent dans une écriture romanesque en une sorte d’incrustation, pas toujours volontaire, dit-elle... Ce n’est pas le récit de soi qui l’intéresse mais plutôt comment l’histoire du monde et des hommes traverse notre propre histoire. En décembre 2003, avant de se précipiter sous un wagon du métro, un vieil homme a souri à Michèle Lesbre (voir Zib’62). Tu pendant des années, ce récit ouvre le roman : trois pages coups de poing qui introduisent une fiction, celle d’une femme amoureuse qui, bouleversée par ce qu’elle vient de vivre, renonce à rejoindre son amant.
Écoute la pluie Michèle Lesbre Sabine Wespieser, 14 €
La vie de Victor Dojlida, personnage central du récit de 2001 qui vient d’être réédité, l’a fascinée au même titre. Ce polonais réfugié à Homécourt, puis résistant et déporté, fut emprisonné en France pendant 40 ans après avoir voulu se venger de son arrestation par un policier français. À sa libération en 1989, Michèle Lesbre l’a rencontré, est devenue son amie, considérant comme un «geste citoyen» de parler de cet homme en colère. Elle témoigne ainsi de l’influence du politique sur la vie privée, naviguant entre réalité et fiction, présent et passé, en un dosage subtil.
Victor Dojlida, une vie dans l’ombre Michèle Lesbre Sabine Wespieser, 14 €
Cette rencontre du cycle Écrivains en dialogue a eu lieu aux ABD le 9 avril, à Marseille
CHRIS BOURGUE
Beaux, riches et moraux Milieu du XXIe siècle. La Norvège, enrichie par ses gisements sous-marins, domine un monde que la crise a appauvri et que la pénurie d’or noir paralyse (le baril de brut est à plus de 300 dollars). Pourtant, il y a quelque chose de pourri dans ce royaume d’anticipation, où tous jouissent de la manne pétrolière, où on envoie les vieux vivre des retraites dorées sur les côtes méditerranéennes, où l’on se battrait presque pour aller en prison tant ces lieux de détention sont agréables à vivre. Car il s’avère difficile de concilier richesse et vertu, même lorsque cette alliance paradoxale est au cœur du système politique… Lorsque Brut
est paru en 2011, ce premier roman de Dalibor Frioux a été remarqué. De fait, cette cynique contre-utopie ne manque ni de brio ni d’à-propos, la réflexion sur les liens pervers qu’entretiennent morale et argent étant largement d’actualité. Mais si certaines scènes sont de vraies trouvailles, celle par exemple où les privilégiés invités à une «réunion de baptême d’un nouveau champ pétrolier» doivent se rincer la bouche au pétrole pour trouver l’inspiration, l’ensemble pâtit de la distance volontaire que l’auteur maintient avec des personnages-marionnettes qui ne semblent exister que pour illustrer sa thèse. FRED ROBERT
Brut Dalibor Frioux Seuil, 21,50 € Dalibor Frioux sera invité le 18 mai à Gardanne et à Marseille dans le cadre des Escales en Librairies (association Libraires à Marseille) www.librairie-paca.com
Qui aime bien châtie bien Il faut être du pays pour se permettre de tenir un discours aussi noir sur l’Algérie, sur Alger la Blanche («vaste estomac», «évier d’histoires»), sur un peuple «souffrant de désœuvrement», «tellement écrasé que le jour où nous nous sommes levés notre échine est restée courbée». À travers ses personnages d’anciens militaires, de coureur de fond ou de nègre pour ancien combattant analphabète, Kamel Daoud tente d’exorciser un défaitisme quasiment décrit comme atavique, une malédiction gravée par des années de colonisation sur l’arbre généalogique
des algériens. Car dans ces quatre nouvelles, sous des mots rageurs d’amour ambivalent, on perçoit une note de détermination infinie. Cet auteur-là ne baissera pas la garde, il a le souffle du marathonien qui ne s’arrêtera plus de courir, une fois la ligne de la victoire franchie, derrière «les petits détails qui continuent de tinter comme des casseroles, les grandes questions qui n’ont pas de porte, et les rêves qui traînent par terre».
Le Minotaure 504 Kamel Daoud Sabine Wespieser Éditeur, 13 € Kamel Daoud était présent lors du festival CoLibriS (voir p. 86) qui s’est déroulé du 24 au 30 avril
GAËLLE CLOAREC
La gentille et la dégueulasse Selon Matias Néspolo, il y aurait sept façons de tuer un chat. Dans son livre pourtant, on n’en verra que deux, «la gentille et la dégueulasse» ; c’est ce que professe Chueco (le Tordu) à son copain Gringo, le narrateur. Dès les premières lignes, on plonge : dans la misère, la débrouille, la mort et l’argot des rues. La scène inaugurale donne le ton, percutant. Et ce chat que Chueco exécute gentiment, d’un coup, dans un bruit «de branche morte qui casse» parcourra le roman, comme une métaphore de l’existence menacée des habitants du bidonville de la banlieue de Buenos Aires où se déroulent ces quelques jours décisifs de l’existence du Gringo. Un chat qu’on tue parce qu’il faut bien manger, dont la peau ferait un joli manteau de poupée si elle ne se mettait à grouiller
d’asticots… Mort subite ou mort lente, putréfaction, à l’image d’une Argentine plongée dans la crise. Ce court récit, qu’on dévore, peut se lire comme un roman noir : batailles rangées entre clans rivaux pour le contrôle de la revente de drogue, cambriolages, prostitution, corruption, scènes nocturnes, bars glauques et morts violentes, tout y est. Mais Néspolo va plus loin. En soignant l’épaisseur psychologique de son jeune héros, tout en angoisse et en sentiments mêlés, d’amour, de culpabilité, plein du désir de sortir de là mais conscient de la nécessité d’aller jusqu’au bout de son destin, comme Achab dans Moby Dick, un livre que Gringo traîne partout avec lui et dont il commente les épisodes de manière très personnelle. Mais surtout, en brossant en filigrane le
portrait saisissant de son pays au bord du chaos, Néspolo signe un premier roman prometteur. F.R
Sept façons de tuer un chat Matias Néspolo traduit de l’espagnol (Argentine) par Denise Laroutis Thierry Magnier, 22,30 € Matias Néspolo était invité au festival CoLibriS
Hamsa, la loi du cinq Surtout, ne pas déduire de la photographie de couverture la nature du texte ! Il ne s’agit absolument pas d’une espagnolade parfumée d’eau de rose de mauvaise qualité ! À mon corps désirant, sixième volume consacré à Mogador (actuelle Essaouira), clôt un cycle consacré au désir où tous les écueils du genre sont évités. L’écriture d’une grande pureté est celle du conteur à laquelle parfois se mêlent des fragments poétiques. Les récits s’entrelacent ; les lieux, les époques trouvent d’étranges échos, entre le Mexique et le Maroc, surgissements dans le désert, chasseurs d’orchidées et insectes de lumière. Scandent les articulations de l’ouvrage les blasons de chaque doigt de la main. Cinq doigts, cinq étapes, cinq mouvements, cinq, comme le chiffre sacré de l’islam, comme les cinq doigts de la main de
Hamsa avec, en vague de fond, le livre d’Ibn Hazm, La loi de Hamsa, véritable art d’aimer. Cet art se retrouve sublimé dans la mort : l’amante passe une commande étrange au potier, un objet parfaitement inutile qui serait façonné des cendres des deux amants à leur mort. Alchimie de la terre et du feu, alchimie de l’écriture, «j’écris comme l’artisan travaille la matière». Les narrations se mêlent, chacune ancrée dans ses songes, son appréhension du monde, «du délire qu’est la vie», dont «la réalité ultime est le désir». «Les corps amoureux sont des dunes que le vent déplace en contant leur histoire.» Alberto Ruy-Sanchez nous emporte dans un ouvrage inclassable, baroque et subtil d’une émouvante profondeur. Est-ce ainsi que naissent les légendes ? MARYVONNE COLOMBANI
89 À mon corps désirant Albert Ruy-Sanchez Galaade, 21 €
L I V R E S
De haute laine C’est bien entendu sur un tapis volant que l’aïeul Aziz, au début du XXe siècle, a rejoint les Amériques depuis sa Palestine natale et sa descendance ébahie le croit sur parole ; il faut dire que ses talents de conteur et de commerçant ambulant convergent pour en faire un «Magnifique» dont les aventures sont au cœur du roman de Walter Garib, auteur chilien de renom, descendant de ces émigrants arabes qui ont fait souche en tentant de préserver l’essentiel de leur identité culturelle. Et c’est, semble-t-il, pour reniement des origines du clan familial qu’à la troisième génération Bachir Magdalani -dont le nom n’a rien d’italien, malgré ses tentatives pathétiques de s’en persuader- subit la cinglante humiliation sociale qui ouvre magistralement ce récit labyrinthique. Mosaïque bigarrée, emboîtement vertigineux
de scènes en abyme, ruptures spatio-temporelles et arborescence des souvenirs déclenchés par un mot, une odeur ou une saveur exigent un lecteur aux aguets prêt à suivre le narrateur hyper-omniscient dans ses sauts et gambades sur un territoire truffé de noms et de références historiques lointaines (la guerre du Chaco entre Bolivie et Paraguay 1932-1935...). La traductrice Solène Bérodot a rendu ce coupé-collé de motifs proliférants, âme du récit tout autant que la personnalité du grandpère et de ses femmes, en virtuose du passé-simple qui donne à chaque scène remémorée sa densité de présent. Comble de bonheur, ce texte si dense a trouvé «son» livre : coutures et nœuds apparents, reliure japonaise à l’aiguille, coffret à la vignette chatoyante, les petites mains non plus ne chôment pas à l’atelier du tilde, maison
d’édition lyonnaise associative respectueuse du travail (très) bien fait. Aucune résistance vraiment à se laisser emporter par ce Tapis Magique ! MARIE JO DHO
Le voyageur au tapis magique Walter Garib L’atelier du tilde, 22 € www.atelier-du-tilde.org Walter Garib et l’atelier du tilde étaient présents au Festival CoLibris «Regards latino-arabes» du 24 au 30 avril (voir p. 86)
Le visage de Meursault Il a osé ! Jacques Ferrandez a osé donner un visage et un corps à cet homme sans prénom, dont tous les lecteurs de L’étranger se sont forgé une image personnelle. Un sacré défi. Mais qui d’autre que lui pouvait le relever ? Comme Camus, Ferrandez connaît bien l’Algérie où il est né et où il séjourne régulièrement ; ses Carnets d’Orient en sont la preuve. Il connaît aussi très bien l’œuvre de Camus, dont il a déjà adapté une nouvelle L’hôte (Gallimard, 2009). Son adaptation en bande dessinée du célèbre roman n’est donc pas si choquante. D’autant plus qu’il réalise ici une œuvre d’une grande force plastique et d’une indéniable fidélité au texte et à l’esprit de Camus. Son Meursault blond aux faux airs de James Dean est assez proche du personnage originel de jeune adulte qui refuse de jouer le jeu. Et ses traits imprécis reflètent son caractère énigmatique. De même, le cadre, réaliste, est celui de l’Alger coloniale des années trente, époque à laquelle Camus
écrivit son roman (paru seulement en 1942). Quant au texte, du début à la fin, c’est celui du romancier. Ferrandez a seulement pris soin de transformer la «voix off» du livre en paroles directes. Il l’a fait habilement : ainsi sa façon d’insérer le célèbre incipit «Aujourd’hui maman est morte…» est tout à fait judicieuse. Certaines scènes, celle du meurtre par exemple, se passent de mots ; sur une double page aquarellée figurant la plage viennent s’incruster les vignettes qui rythment l’action. Une technique chère au dessinateur, qu’on retrouve tout au long de l’album et qui donne à cette (re)lecture de L’étranger sa couleur particulière. FRED ROBERT
L’étranger d’après l’œuvre d’Albert Camus Jacques Ferrandez Gallimard, 22 €
Lire aussi p. 32 le compte-rendu de la rencontre avec Jacques Ferrandez dans le cadre des Rencontres du 9e art à Aix-en-Provence
Les joies de la famille
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Sukkwan Island puis Désolations avaient plongé le lecteur dans l’humidité et les glaces de l’Alaska. Le troisième roman de David Vann, Impurs, l’étouffe dans la fournaise californienne. Dans tous les cas, des conditions extrêmes et très vite l’enfer. Un enfer dont la nature glacée ou ardente n’est que le miroir. Car le véritable enfer est celui que subissent les personnages au sein de familles mortifères. Le démontage en règle de la sacrosainte famille et la mise à jour de ses non-dits, de ses violences, de ses perversions de toutes sortes, tels semblent être les projets principaux de Vann. Les deux romans précédents dressaient un tableau terrifiant de la relation père/fils. Avec Impurs, le romancier (qui est né en Alaska et a grandi en Californie ; tiens, tiens…) s’attaque aux rapports malsains qui unissent Galen, un jeune adulte de 22 ans, oisif, adepte du new age et de la masturbation, et sa mère SuzieQ. Dès les premières
pages, tout est dit : «L’air était irrespirable. Si brûlant que sa gorge était un tunnel desséché, […] et il ne savait pas pourquoi il ne parvenait pas à partir, tout simplement. Elle avait fait de lui une sorte d’époux, lui, son fils. […] et chaque jour il avait le sentiment qu’il ne pourrait supporter un jour de plus, mais chaque jour il restait.» Le roman de Vann rappelle la tragédie grecque ou racinienne, son déroulement inéluctable, ses héros accablés par un destin familial qui fait d’eux des maudits, des «impurs». Par son rapport à la nature à la fois concret et symbolique, il se place aussi dans la lignée des grands romans américains. Un drame tellurique se joue, dans la sueur et la poussière ; le titre originel est d’ailleurs Dirt (saleté). Un style remarquable mais une lecture difficile, surtout pour les femmes et mères. FRED ROBERT
Impurs David Vann traduit de l’américain par Laura Derajinski Gallmeister, 23,10 €
David Vann et son éditeur Olivier Gallmeister étaient invités aux Escapades littéraires de Draguignan (voir p. 87)
Yaak la vérité qui compte «La Nature est l’étalon-or d’un système biologique et flexible» nous explique Rick Bass. Ancien géologue installé depuis des décennies dans la vallée du Yaak («flèche» en indien Kootenai), il lutte pour que son territoire devienne réserve naturelle. Dans un combat inégal qui l’oppose aux compagnies forestières, il tente de faire interdire les coupes à blanc, ces déboisements ultimes dévastant parcelles et forêts comme on vide les rayons des supermarchés. Une belle cause pour un beau plaidoyer lyrique, quand on ajoute encore que pumas, grizzlys, loups, aigles royaux et ombles plates constituent les habitants de cet Éden calfeutré dans le nord du Montana. Sans parler des parterres de fleurs nommées lys des glaciers, castillèjes d’Amérique, sabots de la vierge, orchidées colombe, lune-fougères… Mais les bons sentiments ne génèrent pas forcément la belle
littérature, et Rick Bass n’est pas Giono. Sans aller vers l’allégorie de L’homme qui plantait des arbres, on se prend à rêver d’un Chant du monde des espaces américains, avec cette urgence violente et passionnée qui se garde du pensum. Bass, qui prétend traquer le Vrai et rien d’autre, exprime nombre de banalités -Si un lieu est source de paix, ne peut-il transmettre cette paix à ceux qui l’habitent ?- voire des idées réactionnaires -Les rythmes sanguins de la terre qui persistent dans nos veines affirment qu’il nous faut nous reconnecter à des rythmes stables et naturels-. Quelques passages (Quatre coyotes et Cette terre sauvage) nous laissent pourtant imaginer qu’un autre livre était possible, puisé aux mystères et aux eaux glacées des sombres forêts du Nord. ÉDOUARD BARTHELEMY
Le Livre de Yaak Rick Bass Gallmeister, 20,90 €
Rick Bass était présent lors des Escapades littéraires de Draguignan
Sonate d’automne Ce livre pourrait se présenter ainsi : en vingt-etune adresses et soixante-quatre années de pérégrinations, voici toute la vérité sur le corps dans lequel «habite» la personne nommée Paul Auster. Rien n’y manque des chutes, pincements, morsures, maladies, souffrances, glissements, paniques et pertes irrémédiables subies par le vaisseau fragile dont le capitaine est aussi le coryphée. Enfin, comme bon nombre de critiques ou d’interviews l’ont souligné jusqu’ici, on n’oubliera pas de saluer au passage la grande «sincérité» de l’écrivain, sa manière pudique et pourtant lyrique de transformer les larmes en écriture. Sauf qu’à y regarder de près, rien n’est Vrai. Bien sûr, Brooklyn, Manhattan, les morts subites du père et de la mère, la recherche compulsive des corps à aimer, les crises de panique, la douleur, tout est véridique. Mais Paul Auster est
un immense écrivain, c’est-à-dire un grand menteur. Son travail consiste à éclairer certaines scènes tandis que d’autres restent dans l’ombre. Et progressivement, sinueusement, sans jamais rien y laisser paraître, c’est ce travail d’ombres et de lumières qui, par ses manques et l’habileté de l’auteur, insinue peu à peu un vertige (Vertigo ?) en nous. Quelle est cette sœur schizophrène dont on ne dit en tout et pour tout que deux mots ? Pourquoi cette grand-mère a-t-elle abattu son mari ? Qu’est-ce qui rendait ce père si taciturne ? Loin d’avoir produit une bluette sur le temps qui passe et les ravages de la vieillesse, Auster manipule sous nos yeux un théâtre de morts et de vivants qui nous glace et nous enivre. De la grande littérature de fiction. E.B.
Chronique d’hiver Paul Auster, trad. Pierre Furlan Actes Sud, 22,50 €
In the pocket On pourrait parier sans risque que Tom et son indécrottable copain Huck n’auraient pas renié la nouvelle aventure que se paient les éditions Tristram basées à Auch dans le Gers : le lancement d’une collection de poche, économique donc, douze titres par an, dans un format maniable, au poids plume et à la couverture au pelliculage brillant -miroir d’appoint au cas où ? «Souple» c’est son nom, sa qualité plastique et sans doute morale au vu de la diversité du catalogue ! Nous y retrouvons parmi les premiers parus la «nouvelle traduction» (2008) des Aventures de Tom Sawyer, ressuscitées par la foi en l’impureté fertile de la langue de Mark Twain qui anime le traducteur Bernard Hoepffner. Roman pour «garçons et filles» peut-être mais dont l’auteur «espère qu’il ne sera pas esquivé par les adultes» ce classique de la littérature américaine (1876), ici rétabli en version intégrale, explore les territoires les moins exposés à la facilité narrative et à l’angélisme sucré! Pesanteur d’une
communauté villageoise d’avant la guerre civile, réglée par le puritanisme, École et l’Église indissociables (saveur acide des sermons des dames patronnesses ou du Révérend), lutte permanente entre le Bien et le Mal dans les consciences, permanence des superstitions et omniprésence de la mort sur les bords du lent Mississipi : les «bêtises» et les écarts de conduite de Tom et Huckleberry Finn ne sont que la manifestation d’un élan vital vers la liberté d’être. Le traducteur reste finement proche de la littéralité au risque mesuré de semer un léger trouble de lecture face aux incorrections ou ellipses langagières de certains personnages tel Injun Joe (le très très méchant indien) et n’hésite pas à conserver certaines proximités avec le lexique biblique qui imprègne nombre de situations. Belle occasion que nous offre Tristram de fuguer avec Tom dans la poche-revolver ! MARIE JO DHO
91 Les aventures de Tom Sawyer Mark Twain Traduction de Bernard Hoeffpner Collection souple des éditions Tristram, 9,95 €
Marseille, capitale littéraire Rémi Duchêne dédie son ouvrage à son père, Roger Duchêne, le génial dixseptièmiste que tous les étudiants de lettres aixois ont un jour croisé. L’embarcadère des lettres est un bel hommage, garant d’une transmission de l’amour des écrivains... S’attachant à une période couvrant la première moitié du XXe siècle, l’auteur évoque, quasiment au sens premier du terme, les grandes figures littéraires qui ont vécu ou passé par Marseille, ville incontournable à l’époque pour tout voyage vers les orients. Le contenu est érudit, précis, fourni d’anecdotes mais aussi d’analyses rapides et pertinentes des œuvres. Un tableau esquissé des situations historiques et économiques accorde à l’ensemble les contextualisations nécessaires. Les vies des écrivains tels Camus, Colette, Simone de Beauvoir, Sartre, Éluard,
Malraux, Apollinaire, Cohen, Genêt, Pagnol... les liens qui les ont unis, les raisons qui les ont menés à Marseille, se dessinent au fil des chapitres, et finissent par définir une alchimie entre la littérature et ses sources d’inspirations : trames romanesques, visions poétiques et philosophiques, trouvent ici leur cristallisation. On comprend l’effervescence créatrice, qui trouvait alors l’une de ses expressions les plus vivantes dans le creuset des Cahiers du Sud de Jean Ballard. Sans jamais édulcorer la vision de Marseille, Rémi Duchêne tisse d’une plume alerte et passionnée un immense poème amoureux pour cette ville, «blanc coquillage/ Bruissant de lointaines rumeurs» (Louis Brauquier). Car Marseille est une ville où l’on a beaucoup écrit…
L’embarcadère des lettres Rémi Duchêne JC Lattès, 23 €
MARYVONNE COLOMBANI
Femme et irlandaise Témoignage étonnant que celui de cette écrivaine qui décide à 78 ans d’écrire sa biographie, ne voulant pas en laisser le soin à d’autres ! Il lui aura fallu trois ans pour en venir à bout. Nécessairement, bien que non exhaustif et non linéaire, le récit se développe en un gros volume dont on regrette parfois les longues digressions sur la vie sociale et surtout mondaine d’Edna O’Brien. Car elle a côtoyé en toute simplicité, et souvent au cours de soirées bien arrosées, des artistes, des célébrités, tels Samuel Beckett, Paul Mac Cartney, Jackie Onassis, Martha Graham... Elle a connu la pauvreté et l’opulence, l’opprobre et l’adulation. Un grand nombre de ses livres ont été condamnés par les austères autorités ecclésiastiques irlandaises qui ne plaisantaient pas avec la morale dans les années 60, lors de la parution de son premier livre, traité d’«immondice». Car
la jeune femme d’alors n’a pas hésité à parler crûment de sexualité et d’émancipation. Les mémoires relatent son «initiation brutale» à la sexualité dès les années de couvent, puis la fuite et le mariage en 1954 avec l’écrivain Ernest Gébler qui jalousera rapidement son succès littéraire et qu’elle quittera en 1962, luttant pour la garde de ses deux fils. Le récit témoigne aussi de son amour des livres et des mots, de l’admiration de la poésie de Yeats, et de l’attachement au pays qu’elle a ancré au cœur, et dont elle évoque l’histoire sanglante dans des chapitres poignants. CHRIS BOURGUE
Fille de la campagne Edna O’Brien Sabine Wespieser, 25 €
Edna O’Brien sera à Lyon le 1er juin dans le cadre des Assises internationales du roman (AIR) www.villagillet.net
L I V R E S
Déambulations princières
92 L I V R E S
L’attachement du photographe ciotaden Michel Eisenlohr pour Marseille est tel qu’il lui a déjà consacré deux ouvrages : Trésor des églises de Marseille en 2010 (Éd. Ville de Marseille) et Aime comme Marseille en 2002 chez Images du Sud. Le même éditeur publie aujourd’hui Palais Longchamp, monumental et secret, fruit d’une errance dans les lieux entre 2005 et 2007, avant sa remise en valeur. Un travail d’ombres et de lumières, de courbes et de droites, d’absence et de présence qui fait la part belle à la patine du temps. Et une approche silencieuse et respectueuse digne d’un «photographe romantique» auquel Rudy Ricciotti voue une sincère admiration : «En revoyant ses photos, j’ai pensé à Curzio Malaparte comme à Pierre Paolo Pasolini quand les récits accrochent le cœur.» Par petites touches, Michel Eisenlohr saisit l’âme du Palais
et de son château d’eau, l’usure des pierres, la majesté des caryatides, la vie silencieuse des tableaux posés à même le sol, le temps suspendu des réserves, les saisons du parc dont on entrevoie les traces de l’ancien jardin zoologique. Une série romantique peut-être, classique certainement, qui laisse au sujet le premier rôle comme la mise en page sans chichi privilégie les photos. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Palais Longchamp, monumental et secret Images du Sud, 22 € Rencontre et dédicace le 13 juin à 17h30, Espace culture, Marseille Exposition au Pavillon M du 12 au 19 juillet : vernissage et concert le 11 juillet à 18h ; rencontre et dédicace le 12 juillet de 10h à 15h
En tête à tête avec Laboye Un lieu, une histoire, une rue, une scène, une personne : chaque fois que Roland Laboye déclenche son appareil photo c’est une part de lui-même qu’il offre en partage. Petites tranches de vies plurielles qu’il fait siennes par sa proximité et son empathie. Un voyou coiffé d’une banane rencontre un flic au costume repassé, un coup de vent voile de pied en cap une none, une femme au chemisier fleuri se fond dans le décor d’une pépinière, un chien bondissant et un cheval à bascule partagent le même élan, triste visage d’un homme surmonté d’un trophée de tête de taureau… Quels liens entre tous si ce n’est son regard aimable sur les objets et les gens ? Si ce n’est sa manière décalée (et caustique) de débusquer l’inattendu, l’absurde ou l’incongru pour vriller en un éclair le sérieux des apparences !
Roland Laboye attrape le monde par le petit bout de la lorgnette, toujours à l’arrière des paysages ou derrière ses sujets, à tel point qu’on le croirait invisible. D’abord on sourit, puis on se gausse, et enfin on éclate d’un rire franc face à tant de situations désopilantes et d’angles de vue inattendus ! Fruit du hasard ou d’une mise en scène, Le sirop de la rue se déguste par petites lampées pour faire durer le plaisir. M.G-G. À lire
Le sirop de la rue, Le Bec en l’air, 28 €
À voir Au Musée des Tapisseries à Aix jusqu’au 2 juin (04 42 23 09 91), en collaboration avec l’association La photographie (Aix)
Photographier ? Le photographiable réunit les actes du colloque qui s’est déroulé à la Bibliothèque de l’Alcazar (BMVR) à Marseille en novembre 2009, doublé d’une exposition intitulée explicitement Aux limites du photographiable dont nous retrouvons certaines œuvres en fin d’ouvrage. La proposition des initiateurs, Michel Guérin et Jean Arrouye, professeurs à l’université d’Aix-Marseille, s’articule à partir d’un essai de référence Pour une philosophie de la photographie de Vilém Flusser paru en 1996 où l’auteur s’interroge sur le rôle programmatique des techniques et des appareils dans l’acte photographique, le photographiable. La notion fait l’objet de nombreux développements et controverses, suscite aussi l’extension vers des champs de réflexion relatifs notamment à notre société postmoderne, les limites et possibilités des technologies, la redéfinition de la photographie, de ses effets de réalité ou de déréalisation du monde, appuyés sur divers exemples artistiques comme sociétaux.
Cette tâche complexe s’ordonne selon trois champs de réflexion pour autant de chapitres : Questions philosophiques, anthropologiques, éthiques puis Esthétiques enfin selon les Paradigmes littéraires et artistiques. On va jusqu’à supposer que dans tout art du visuel il y aurait du photographique avant même l’avènement de la photographie. On suggère aussi que «les limites du photographiable» sont «faites pour être reculées et déplacées». L’ouvrage encouragerait à aller plus loin, et à travailler à la modification de ces limites, pour toucher à l’essence de l’artistique vs des usages plus prosaïques, à l’instar des artistes présentés dans Aux limites du photographiable. CLAUDE LORIN
Le photographiable Ouvrage collectif sous la direction de Michel Guérin et Jean Arrouye Presses Universitaires de Provence, 24 €
Exposition au Centre culturel, Saint-Raphaël du 15 juin au 3 août Rencontre et conférence le 28 juin à 18h animée par Rémy Kerténian, responsable de la Maison de la photographie de Toulon
Schubert limpide Maria-Joao Pires était en concert le 4 mai au Grand Théâtre de Provence où elle a joué le 2e concerto de Chopin en compagnie de l’Orchestre de chambre de Bâle (dir. Trevor Pinnock) (voir article p. 50). Au disque, la pianiste portugaise, depuis son Voyage magnifique gravé en 1997, poursuit le dialogue intime qu’elle noue avec Schubert, tout en limpidité dans l’élan instru-
mental qu’elle impulse au clavier, jamais brumeux, et dont le fil sonore reste essentiellement mélodique. Avec les Sonates «tardives» n°16 (D.845) et la testamentaire n°21 (D.960), Pires s’attache à rendre le caractère méditatif, aérien de ce romantisme viennois, si singulier… chefs-d’œuvre qui touchent à tous coups !
Schubert Maria-Joao Pires CD Deutsche Grammophon 477 8107
JACQUES FRESCHEL
À l’improviste L’altiste Guillaume Roy présente, en solo, pour le label marseillais émouvance, onze plages improvisées tirées de sessions d’enregistrements qu’on suit au fil d’idées, travaillées en coulisse ou écloses sur le vif, motifs polaires sur lesquels on s’appuie et qui hantent comme une obsession qu’on ne parvient pas à refouler. On se frotte à ses cordes, ondule dans ses boucles en trémolos, on y prend le jus, s’immisce au creux du silence
entre deux souffles, harmoniques qui s’étiolent vers le grave… Gouttelettes qui claquent en pizzicati ou sonorités qui semblent issues de trames électroniques, en trompe-oreille, l’alto chante d’une voix rauque, ou à peine, à l’oreille et s’enhardit au fil de mots/sons grommelés (Corinne Frimas), crachotant comme un disque rayé… Un chemin insolite !
From scratch Guillaume Roy CD émouvance EMV 1035 www.emouvance.com
J.F.
«Chat noir» Ça commence par une Grève générale, slogans de rue qui s’emboitent aux syncopes d’un reggae revisité, au riff à l’unisson d’une guitare et d’un violon jazzy-gipsy… Alors surprise : on perçoit un discours enregistré, habilement intégré, superposé en une espèce de slam distancié et onirique… on reconnait une voix : celle de… Stéphane Hessel, l’auteur d’Indignez-vous disparu en février dernier ! Le ton est donné : coloré et festif, com-
posite… La douzaine de morceaux qui se succèdent doivent beaucoup à leur auteur Philippe Eschenbrenner (guitare, chant, bouzouki) et meneur du groupe marseillais Djanamango, qui arrange aussi des standards de jazz, des traditionnels tziganes pour piano et synthé, batterie, violon, basse. À découvrir !
Chat noir Djanamango CD Voilà du Son 203459 www.myspace.com/ djanamango
J.F.
Sorti des dunes De l’electro-pop-rock arabisant made in Marseille. Temenik Electric, c’est un peu tout ça, et mais pas seulement. Après quelques années de maturation qui ont façonné une tonalité méditerranéenne profondément actuelle, le groupe sort son premier album, Ouesh Hada ? Même si la recherche de comparaisons est souvent vaine et dévalorisante, on pense inévitablement à Rachid Taha et c’est, dans ce cas, plutôt gratifiant. «On est des enfants du rock et du chaâbi, de la pop et des musiques orientales», explique simplement Mehdi
Haddjeri, auteur et interprète. Les textes en arabe (algérien dialectal) sont autant de regards sur le monde d’aujourd’hui. Parfois sans concessions, en résonnance avec les guitares musclées, les transes gnawa et les rythmes electro. Les instruments traditionnels du Maghreb ne sonnent pas comme des pièces rapportées par nécessité culturelle, mais apportent leur douce rugosité. Ils font eux aussi le son Temenik. Un son qui invite à la révolte en dansant.
Ouesh Hada ? L’autre distribution disponible depuis le 29 avril
THOMAS DALICANTE
Marsatac revient en galette Mixatac #1 Bamako est le premier chapitre d’une collection d’albums faisant suite à des créations entre musiciens marseillais et d’autres rives, initiées par le festival Marsatac. C’est en 2008 que le projet «Mixup» voit le jour à travers deux résidences à Bamako puis à Marseille. Enregistré au mythique studio Bogolan, l’album offre une rencontre réussie entre la musique mandingue et les rythmes électroniques, un dialogue entre instruments traditionnels -kora, percussions, balafon, sokou- et les machines d’aujourd’hui. Plus de quinze artistes ont participé à l’aventure parmi
lesquels de grands noms de la scène actuelle malienne : Ahmed Fofana, Massaran Kouyaté, Issa Bagayogo, Aboubacar Koné, Neba Solo, Sidiki Diabaté... On n’est pas étonné de retrouver, côté français, les alchimistes David Walters et Alif Tree. À noter : les deux prochains albums de la série Mixatac prolongeront les créations Essaouira 2009 (disponible fin mai) et Beyrouth 2012 (sortie en septembre). Il aurait été dommage de ne pas immortaliser des concerts qui ont marqué les esprits. T.D.
Mixatac #1 Bamako Orane/L’autre distribution
91 C D
© Ugo Mechri
La carpe et le lapin 94 A R T S E T S C I E N C E S
On n’imagine pas la carpe et le lapin s’aimer d’amour tendre... Pas plus qu’on ne voit un scientifique et un dramaturge collaborer aisément, tant leurs champs sont éloignés. C’est bien l’a priori sur lequel a travaillé Thibaut Rossigneux lorsqu’il a créé sa série de Binômes, persuadé que la science peut «devenir une source d’inspiration féconde pour le théâtre contemporain». Et il a eu raison ! La rencontre entre Thierry Tatoni, chercheur d’Aix-Marseille Université, et l’auteur Simon Grangeat a donné naissance à une œuvre étonnante. Le premier se dit écologue, et non écologiste, ce qui n’enlève rien à la teneur hautement politique de son discours... très clai-
rement repris dans la pièce par le second, d’une manière humoristique qui fait honneur à son titre : Divines désespérances. Et il en faut de l’humour et de la pertinence pour faire passer les perspectives alarmantes de l’humanité : au rythme où s’accélèrent le réchauffement climatique, la pollution et l’épuisement des ressources, «Il va y avoir beaucoup de morts. Oh, l’espèce humaine ne disparaîtra pas, il n’y a pas de raisons qu’elle sorte du schéma classique de l’évolution, mais sur 6 milliards d’individus, il n’en restera peut-être qu’un, et la vie sera très différente.» C’est tout l’intérêt de cette démarche, souligné par Thierry Tatoni qui
avoue avoir pris conscience grâce à ce projet de ses difficultés à communiquer son travail. Bien sûr, on ne résume pas 30 ans de recherches en une représentation, mais ce format mêlant entretien vidéo et texte théâtral est extrêmement percutant. 15 Binômes ont vu le jour avec des biologistes, climatologues, physiciens, immunologistes... D’autres sont en préparation, toujours avec les mêmes contraintes : une rencontre de 50 minutes entre l’auteur et le scientifique, puis deux mois d’écriture sans contacts autorisés. La pièce est ensuite créée par la compagnie Le sens des mots, dont les 5 membres se relaient, successivement metteur en scène, assistant et acteurs. «Les scientifiques ont toujours peur d’être ennuyeux face à des artistes supposés mener une vie excitante. Les artistes ont peur de ne rien comprendre, d’être bêtes.» Élisabeth Mazev a même rêvé à la veille d’une rencontre avec un mathématicien... qu’elle devait repasser le bac ! Voilà au grand bénéfice du spectateur une jolie démonstration qu’il n’y a pas de rapprochement impossible, pour peu que l’on accepte de surmonter ses appréhensions initiales. GAËLLE CLOAREC
La représentation de Divines désespérances a eu lieu le 3 mai au Théâtre de la Cité (Marseille). La compagnie Le sens des mots sera présente en Avignon pendant tout le festival 2013 avec d’autres Binômes.
Sous les flots Rendez-vous au Point de Bascule pour un Bar des Sciences consacré aux rejets de polluants en mer, et à leur place dans un débat citoyen. Comment nous emparer de cette question cruciale pour l’environnement et la santé ? En présence de Philippe Mioche, professeur d’histoire contemporaine à l’Université Aix-Marseille, Président de l’Association Mémoire Industrie et Patrimoine en Provence, Jacques Mordini, ingénieur retraité de l’Usine Péchiney, Yves Lancelot, Océanographe, ancien Directeur de recherche au CNRS, et Benjamin Durand, Directeur du Parc National des Calanques. G.C. le 16 mai à 18h30 Le Point de Bascule, Marseille 06 11 05 87 54 www.levillagedesfacteursdimages.org
Objectifs et gélatine Certes, l’exposition Un loisir érudit n’occupe que deux salles à l’étage du prieuré de Salagon, mais le contenu est assez dense, nourri de repères chronologiques précis et pose d’intéressantes problématiques. Il s’agit par le biais de la présentation de travaux du marquis François de Ripert-Montclar, plaques de verre et photographies appartenant au fonds du musée de Salagon, d’aborder la photographie et ses usages au XIXe siècle. Court historique, des recherches de Niepce (1812) à l’invention de la plaque à gélatine sèche (1880), biographie de la famille de Monclar, s’esquissent au fil des photographies. Elles répondent à la double fonction d’objet de mémoire, et d’affirmation de soi, par la collation des possessions matérielles. «Photographier, précise l’un des textes exposés, c’est posséder», se faire photographier, c’est aussi une revendication de classe : par ce biais, la bourgeoisie montante du XIXe siècle manifeste son pouvoir. Bien vite cependant, avec l’invention de la photo-carte
de Disderi, cet art se «démocratise», quittant les guéridons, la photo rejoint les albums. Plus curieusement, apparaissent les photos-cartes de visite souvent portraits de personnages importants, Napoléon III en était un adepte ! On glissait ces photos dans l’album familial, lustre de la proximité ! La photo-carte connaît aussi un vif engouement, on y joue déjà avec les codes figés qu’imposaient
les poses des balbutiements. La photographie reste néanmoins un art réservé à une élite, noble ou bourgeoise. On s’approvisionne chez Lumière à Lyon (1882), on s’essaie aux portraits, aux compositions… on entre à la Société française de photographie (1852) à celle de Marseille ou à l’Office aixois (1860). Les membres de la Société française d’archéologie, dont notre marquis fait partie, s’attachent à
L'aperitif au pied du chateau d'Allemagne, dernier quart du XIXe siecle, Musee de Salagon © Francois de Ripert-Monclar
étudier les monuments antiques et médiévaux de la région (une mission héliographique est mandatée en 1851 pour archiver une vaste partie du patrimoine architectural français. Mistral y participe). Photographie de mémoire, photographie scientifique, on la retrouve aussi dans l’espionnage ! Avec le Photo-éclair de Fetter, que l’on camoufle sous une veste, dans un chapeau, un livre, un sac…déjà en 1849, il sert à identifier les meneurs d’une grève de tramways. Il est aussi l’instrument de prédilection des ancêtres des paparazzis ! Le droit à l’image déjà se pose pour une pratique si enracinée dans nos habitudes, que l’on oublie à quel point elle est récente. MARYVONNE COLOMBANI
jusqu’au 30 juin, Salagon (Mane) 04 92 75 70 50 www.musee-de-salagon.com Catalogue de l’exposition : 10 € Voir également : Rendez-vous aux jardins p.11