Zibel65

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un gratuit qui se lit

N째65 - du 17/07/13 au 18/09/13



Politique culturelle Discours d’Aurélie Filippetti Centre Pompidou Mobile Débats à la Friche, Économie culturelle, Ouverture du musée d’histoire de Marseille

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Villa Méditerranée Entretien avec Bruno Ulmer, au programme Primed, rencontre Mahmoud Darwich

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MuCEM Camus Librairie du MuCEM, au programme

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ESADMM

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Festivals Avignon Off Marseille Le FID Aix Musique Théâtre, danse

14 16, 17 18, 19 20 22 24 à 30 31

Arts visuels

32 à 41

Au programme Divers Théâtre, cirque Musique Cinéma

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Rencontres Promenades sonores, Nuit industrielle

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Sciences Le RéDoc, expositions, au programme

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Sans voix Le décès brutal de Françoise Chatôt-Vouyoucas, qui pour des milliers de spectateurs avait ouvert le chemin du théâtre à une époque où presque rien n’existait à Marseille, laisse la rédaction de Zibeline sans voix. Parce que sa douleur de quitter le Gyptis sans savoir ce qu’il allait devenir était palpable, parce que nous pensons à ses proches qui ne vivaient avec elle que pour le théâtre, parce qu’il n’est pas naturel d’envisager l’avenir après un tel deuil, parce que tous les comédiens marseillais, les musiciens et les danseurs, connaissaient son sens de l’accueil et du partage. Et parce qu’au-delà de sa disparition symbolique, si tragique, si grecque, si imprévisible et pourtant comme prédite, il y a le décès réel d’un être cher, dont nous regrettions le départ, et dont nous déplorons à présent la mort. En ces temps de festivals et de cigales, de promenades au soleil et de plaisirs musicaux, l’instant reste comme arrêté, en vacance. Le ciel clair et la chaleur méditerranéenne inondent les corps comme un cri. Quand reviendra l’automne, après un été exceptionnel ponctué des festivals annuels et des réjouissances exceptionnelles de MP2013, que restera-t-il de ceux qui firent notre vie culturelle ? Un pôle de création théâtrale va-t-il vraiment s’ouvrir pour que vivent les compagnies ? Les réductions budgétaires vont-elles permettre la survie de la création et des artistes ? Le taux de mortalité particulièrement élevé des artistes1, leur mauvais état de santé général, sont des données concrètes, chiffrées, qui signent la violence insoupçonnée d’une profession souffrante. AGNÈS FRESCHEL

Patrimoine Musée de Quinson, rencontres Giono, Journées du Patrimoine

Mensuel gratuit paraissant le deuxième mercredi du mois Edité à 32 000 exemplaires imprimés sur papier recyclé Edité par Zibeline SARL 76 avenue de la Panouse | n°11 13009 Marseille Dépôt légal : janvier 2008 Directrice de publication Rédactrice en chef Agnès Freschel agnes.freschel@wanadoo.fr 06 09 08 30 34 Imprimé par Rotimpress 17181 Aiguaviva (Esp.) photo couverture Cie Artonik, The color of time Agnès Mellon 095 095 61 70 photographeagnesmellon.blogspot.com

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Les professions artistiques ont un taux de mortalité entre 45 et 65 ans de 26%, contre 16% pour la population totale, et 10% chez les enseignants et les cadres.

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www.journalzibeline.fr Secrétaires de rédaction Dominique Marçon journal.zibeline@gmail.com 06 23 00 65 42

Musique et disques Jacques Freschel jacques.freschel@wanadoo.fr 06 20 42 40 57

Philosophie Régis Vlachos regis.vlachos@free.fr

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La Régie Jean-Michel Florant laregie@gmx.fr 06 22 17 07 56 Collaborateurs réguliers : Frédéric Isoletta, Yves Bergé, Émilien Moreau, Christophe Floquet, Pierre-Alain Hoyet, Clarisse Guichard, Manon Mathieu


Faire plus avec m P O L I T I Q U E C U L T U R E L L E

Aurélie Filippetti, après une attaque de Frédéric Mitterrand et d’une partie de la presse en rapport avec des nominations prétendument controversées à la tête de certains établissements nationaux, fait un «point d’étape» sur sa politique culturelle. Questions budgétaires Cependant chacun sait que la baisse du budget du MCC en 2014 est effective, pas plus grave que prévue mais annoncée. La ministre semble faire ce qu’elle peut, mais cette donnée de base, fondée sur une politique nationale d’austérité qui va au-delà des exigences mêmes de l’Europe, est suicidaire dans un secteur où les collectivités territoriales diminuent très nettement leurs subventions, où certaines villes ne peuvent prendre le relais, où les entreprises freinent des quatre fers dès qu’on leur parle de mécénat culturel… Marseille en particulier ne pourra se relever de sa Capitale culturelle qu’avec un franc coup de pouce de Aurelie Filippetti à Avignon © Maryvonne Colombani

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C’était en un dimanche caniculaire en Avignon, dans une cour ensoleillée où cette «fille du Nord», comme elle se définit, cherchait l’ombre des parasols, pour y tenir un discours d’une clarté volontaire. Ordonné, passionné et précis. En commençant par répondre sur sa politique de nominations : «Du temps de mon prédécesseur les nominations étaient faites de manière discrétionnaire et arbitraire. À la tête des Centres Dramatiques j’ai nommé trois hommes et trois femmes, ma plus belle nomination étant celle de Catherine Marnas, qui avait été nommée puis dénommée à la tête de la Criée dans des conditions épouvantables.» La ministre de la Culture dit mener une véritable politique culturelle, pour «favoriser l’innovation et le renouvellement des générations esthétiques, et appliquer les procédures dans leurs règles». Elle veut donner un nouveau souffle au spectacle vivant, parle du vivier de femmes qui existe et qui postule à présent : 50% des candidatures sont féminines, ce qui n’était pas le cas jusqu’alors, par un processus bien connu de renoncement préventif… Par ailleurs la «saison égalité» se profile, qui prendra garde cette fois à la représentation des femmes sur les scènes… ce qui semble essentiel à la rédaction de Zibeline, les programmatrices n’étant pas moins inattentives à l’égalité des artistEs que leurs homologues masculins (voir à ce propos la Nuit Industrielle p 58 programmée par Annette Breuil, directrice de la Scène nationale des Salins et Claire Andriès, responsable de la programmation à MP2013…) Puis la ministre en vint au cœur de son propos : il n’est pas demandé au ministère de la Culture «d’effort budgétaire supplémentaire», et la baisse n’ira pas au-delà de ce qui était prévu, affectant les grands projets somptuaires, mais non le spectacle vivant ou l’enseignement artistique. Il ne fut rien dit des autres domaines –patrimoine, audiovisuel public, aides à la presse- sur lesquels la baisse s’appliquera forcément, mais le dégel des 6% de réserve 2013 fut annoncé, ainsi que le maintien intégral des budgets déconcentrés (DRAC). Les meubles semblent donc à peu près sauvés pour ce qui est du spectacle, d’autant que la ministre réaffirma son attachement à un régime spécifique pour les intermittents «Il faut un système qui valorise l’emploi culturel et la place que prend la culture dans l’économie ; un régime de compensation est nécessaire et doit accompagner et sécuriser les professionnels du spectacle. Qu’on arrête de considérer que ces annexes sont des privilèges, ce sont des nécessités que la Nation a mises en place !» Dont acte, mais ce sont les partenaires sociaux qui décideront en décembre…

l’État, qui devra rééquilibrer en faveur des petites structures de création des dépenses qui ont nettement rogné sur leurs budgets, et aider les collectivités territoriales à ne pas piquer du nez culturel après 2013. Le contexte économique n’est pas du tout le même qu’après Lille 2004, et ce qui a aidé une ville pauvre à se redresser pourrait bien définitivement faveliser Marseille, fracturée en deux ghettos, bourgeois provençaux séparés d’un tiers monde majoritairement algéro-comorien… Par-delà les frontières marseillaises, en particulier en Vaucluse, le Front national fait une montée spectaculaire dans les sondages, et devrait remporter de grandes villes, puis des départements, voire la Région. Lorsqu’on évoque cette éventualité, et qu’on demande comment l’État pourrait dans ce cas mener la politique de coopération État Région qu’elle veut mettre en place actuellement, la ministre tient un beau discours : ce serait un «cauchemar» et seule la culture, et l’émancipation des esprits qu’elle amène, peut nous en sauver. Mais quels moyens le gouvernement met-il en œuvre pour nous en préserver ? Le cas des Chorégies ne fait-il pas école ? La grande tradition lyrique et le sublime amphithéâtre antique, peuplé par les chœurs de la région, diffusé sur les chaines populaires, nous ont-ils préservés du FN et de Bompard ? La couleur de la ville a-t-elle changé depuis grâce aux Chorégies ? L’État a-t-il fait quelque chose pour les maisons de la culture que Bompard a fermées ? Combien en a-t-il coûté à l’État qui a compensé la baisse de subvention d’une Ville qui n’a pas cessé pourtant d’encaisser les taxes


touristiques et professionnelles engendrées par le festival lyrique ? Laisser mourir le tissu associatif culturel tout parlant de «sanctuarisation du budget de l’État» ne suffit pas dans notre région au bord du basculement, il faut une politique d’urgence…

Rénovation des outils Malgré ce manque de moyens constaté, la ministre de la culture veut rénover les outils, par une politique qui ne se concentrera plus sur les grands travaux, «notre pays [étant] désormais équipé», mais sur la diffusion (zones rurales, jeunes, quartiers populaires, pratiques amateures…). Il faut «aller chercher le citoyen». Mais lorsque l’incohérence de ces mesures avec les coupes actuelles de ministère de l’Éducation envers les options et ateliers de pratique artistique fut relevée, la ministre éluda, parlant de l’importance du temps périscolaire et hors scolaire… Or une véritable politique d’éducation artistique est hors de prix : si l’on veut offrir à chaque français scolarisé un véritable accès à une pratique artistique (ce qui est un des droits de l’homme), même lorsqu’on entend aussi par cela la simple «fréquentation des œuvres», le coût est énorme : seule l’Éducation nationale peut le faire, et elle est en train de se désengager… Par ailleurs, il est évident que l’état actuel de la création théâtrale (puisqu’en Avignon il ne fut guère question que de cela), dans un pays où les auteurs ne parviennent plus à vivre sans être metteurs en scène voire acteurs de leur propre rôle, où il n’y a plus de troupes pour monter les pièces, où les plateaux se réduisent, où les productions se rapetissent et décroissent phénoménalement en nombre, où les «parts des budgets de la création sont en baisse mécanique dans des maisons fonctionnant au mieux à budget constant» -dixit la ministre !-, on ne voit guère comment une coûteuse politique de diffusion volontariste pourrait être lancée, d’autant que l’on sait comment, sur le terrain marseillais, les associations œuvrant dans les quartiers nord ont du mal à trouver des subsides… Pourtant Aurélie Filippetti l’affirme simplement : si elle fait partie de l’économie et de ce point de vue est essentielle, «la culture est une exception et ne doit pas obéir au marché». Notre ministre a visiblement obtenu qu’on n’envenime pas la blessure, que l’exception culturelle soit préservée (pour les industries culturelles) dans l’accord de libre-échange USA-UE. Elle prend ce qu’on lui donne pour maintenir des mesures d’urgence et que la chute ne soit pas trop dure. Mais la chute est annoncée, dans un domaine où l’on espérait qu’un gouvernement de gauche comprendrait l’urgence professionnelle et l’importance de l’émancipation intellectuelle et artistique pour la salubrité citoyenne de la nation. AGNÈS FRESCHEL

La conférence de presse «point d’étape sur le spectacle vivant» centré sur le théâtre, a eu lieu le 7 juillet à Avignon

© Marc Munari

moins ? Faire aimer l’art Un musée d’art n’est pas comme un musée d’histoire ou de civilisation. Il ne cherche pas à nous faire comprendre le monde, mais à susciter l’émotion. Ce qui relève de deux catégories différentes. Le Beau et le Vrai sont évidemment liés, mais certains éprouvent de l’émotion en regardant les Feux de l’amour : il ne s’agit pas de juger leur émotion, mais d’ouvrir des voies pour qu’un autre trouble esthétique leur soit possible. De faire sentir que la force de l’émotion suscitée par une grande œuvre est un immense plaisir. Ce qui passe souvent par une médiation intellectuelle ou ludique. Mais si l’on ne recherche pas ce sentiment du beau (ou de l’horrible, de l’inattendu, de la porte qui s’ouvre…), à quoi sert le rapport direct à l’Art ? Ne devrait-on pas exposer plutôt des cartels explicatifs devant lesquels les visiteurs passent d’ailleurs, généralement, plus de temps que devant les œuvres, ou des explications multimédias genre D’art d’Art ou Palettes ? Le Pompidou Mobile propose à Aubagne 16 œuvres d’art moderne et contemporain. Le dispositif, les tentes, les excellentes conditions d’exposition et de sécurité, les médiateurs, les comédiens prévus pour accompagner la découverte des œuvres, les ateliers pratiques pour enfants, tout est fait pour ouvrir les yeux. Et si l’on se désole que ce musée mobile s’arrête dans notre région durant le temps estival et interdisant toute visite scolaire, on peut compter sur le réseau de la Ville d’Aubagne pour que l’exposition soit visitée à tout âge, et par tous. De plus elle s’inscrit dans la dynamique de MP2013, et peut être une excellente porte d’entrée pour un florilège d’expositions d’art contemporain tout autour (voir pages expositions).

Cependant l’exposition, pédagogique, ne semble pas miser sur la révélation esthétique : si Auf Spitzen de Kandinsky est de ces toiles devant lesquelles on tombe en arrêt, si la Cabane éclatée de Buren peut réellement amener à voir l’art autrement, si le Cuadrados oliva y negro de Soto produit son effet de tremblement cinétique fascinant, certaines œuvres, choisies pour illustrer le thème (cercles et carrés) et ses déclinaisons abstraites historiques, visent la compréhension des évolutions et enjeux du dernier siècle, et non le sentiment esthétique. Cette tentative de démocratiser l’art, a en tous les cas, le mérite d’innover en apportant les œuvres jusqu’aux «provinces» françaises et, en termes de public, à s’adresser à la population et non aux touristes. Si le Pompidou Mobile répond aux préoccupations de décentralisation et de démocratisation, il induit cependant qu’on se questionne sur la qualité d’une visite des expositions : ces œuvres réunies pour leur thématique et non pour leurs vertus propres vont-elles faire aimer l’art ? Il est clair cependant qu’une autre politique culturelle est à l’œuvre : la démocratisation ne se mesure plus seulement en nombre de visiteurs, qui ne cesse de s’accroitre au Louvre comme sur le Vieux Port : on se demande comment ces visites peuvent émanciper le regard, ce que le terme même de culture suppose. AGNÈS FRESCHEL

Centre Pompidou Mobile jusqu’au 29 septembre Aubagne 04 42 18 18 00 www.agglo-paysdaubagne.com www.mp2013.fr

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Culture 2014 ? en débats à La Friche… 06 P O L I T I Q U E C U L T U R E L L E

La Friche et MP2013 organisent une série de débats en partenariat avec Libération, le Ravi, Zibeline, Radio Grenouille et La Provence Ils ont pour but d’interroger public, artistes et professionnels de la culture, afin de préparer l’après capitale culturelle, et dans un second temps d’interroger les politiques sur leur projets pour Marseille et le territoire. Une première série de débats, destinée à centrer les problématiques et mettre au jour des questionnements, a débuté le 27 juin par des interventions autour de L’espace public. D’entrée le thème se recentra autour des bâtiments publics, et l’architecte Corinne Vezzoni (Centre de conservation et de ressources du MuCEM) parla extension de la ville, lumière et espaces intérieurs, bref n’envisagea pas la question dans ses implications réelles. Ce que le sociologue Jean-Louis Fabiani ne fit guère davantage, négligeant de définir l’espace public, parlant de promenades vespérales et non de contenu culturel, de requalification des espaces et non de ce que les artistes peuvent y faire, «Comme à Berlin la légitimité culturelle est impossible». Certes, mais encore faudraitil y proposer autre chose que des promenades, renchérit Caty Avram, présente dans la salle : «Je ne vais pas emmener des gens se promener dans des quartiers qu’ils connaissent par cœur, je veux qu’ils puissent y vivre des expériences artistiques»… Nicolas Mémain, qui se définit comme un promenologue, avait il faut dire commencé fort, par une provocation de peu de sens : «La culture, il y a ceux qui ne la comprennent pas, et ceux qui font semblant de la comprendre.» Ben non, il y a aussi ceux qui s’en régalent, ceux qui la fabriquent, ceux qui nous font vivre de leurs rêves et de leurs créations. Mathieu Poitevin, avec agressivité mais bon sens, fit remarquer que l’appropriation du centre ville ne concernait pas tous les Marseillais, qu’il n’y avait pas de point d’eau, pas de banc pour s’assoir, et que l’espace public était conçu pour qu’on le traverse et qu’on y consomme, pas pour y vivre. Pierre Sauvageot intervint, trop peu, pour rappeler qu’il fallait se demander comment les artistes s’emparent de l’espace public, que les artistes ont une place à y tenir, que les artistes doivent participer au débat public… qu’il n’y avait pas d’artistes sur scène, et que ces débats autour de la culture ne peuvent se tenir sans eux. Finalement ce premier débat, décevant théoriquement et sur le fond, permit, par les réactions du public, de poser les questions qui auraient dûes être posées par les intervenants… Le prochain, qui sera animé par les soins de Zibeline, avec Radio Grenouille dans la salle, devra poser les concepts plus clairement, et tenter d’en cerner tous les enjeux : mécénat et financements, tout en se demandant ce que rapporte la culture, et à qui, non seulement en termes d’argent, mais en termes d’économie (voir ci après). A.F.

Économie privée et culture le 29 août à partir de 18h30 La Friche, Marseille www.lafriche.org

Économie Voilà une bien étrange association de mots, mais qui s’impose en plein Festival d’Avignon dont nul n’ignore les flux d’argent qu’il génère… Peut-on parler de satisfaction des besoins, et donc d’économie, à l’heure où la finance prend le pas ? Le mot économie vient du grec oïkos qui signifie le foyer : par extension, elle s’occupe de ce qui est calculable pour satisfaire les besoins du sujet. Or on peut très bien (sur)vivre sans lire un livre ou voir un spectacle. Ce n’est pas un besoin immédiat, et on fonde donc l’idée de son économie sur sa valeur marchande, qui n’est qu’une composante de l’économie véritable. La recherche sur l’économie culturelle fut ainsi longtemps négligée : comment rationaliser l’œuvre d’art échappant aux valeurs d’usage et d’échange ? Comment calculer la valeur de cette photo, de ce film, de ce spectacle ? Ainsi, lorsqu’il est question d’économie de la culture, on la confond presque toujours avec son financement, au mieux avec ce qu’elle rapporte indirectement aux commerces. Comme si on pouvait confondre la valeur de Molière avec ce qu’il en a coûté à Louis XIV, ou avec le prestige qu’il a apporté à sa Cour… La culture fait-elle partie de l’économie contemporaine, ou du moins du marché ? Plusieurs raisons ont favorisé l’intégration de la culture dans la pensée de l’économie : d’abord l’apparition de la culture de masse et de ses dérivés reproductibles, numériques ou mécaniques, dont la rentabilité est calculable. De ses Zénith aux tarifs prédictibles, de ses œuvres qui circulent et sont multipliables à l’infini, dont la copie seule (enregistrements), et le moyen de la lire (les divers lecteurs et les flux), peuvent générer d’importants bénéfices, qui ne reviennent qu’en très faible partie et à grands renforts de lois aux artistes (droits d’auteurs ou d’interprètes). On prend également en considération, surtout depuis ce que la grève des intermittents a coûté à Aix et Avignon il y a dix ans, les retombées indirectes d’une création artistique sur un lieu. L’activité culturelle, non marchande et peu rentable, est donc considérée comme un facteur de développement économique des villes et territoires, et de l’économie privée. Le problème étant que cette rentabilité est globale, et que ce ne sont pas les investisseurs directs, mécènes ou collectivités publiques, qui encaissent les bénéfices de l’activité qu’ils financent. Par ailleurs le marché de l’art a ses tocades et se porte bien, il est un investissement sûr… pour les spéculateurs et non pour les artistes. L’économie ce n’est pas seulement l’argent, mais le bénéfice social… Plus philosophiquement et politiquement, l’économie culturelle se définit comme la prise en compte du bénéfice social que peut recevoir une nation. Ce que la collectivité gagne à avoir un peuple éduqué qui sort de chez lui (du foyer justement) pour aller à la rencontre d’œuvres. C’est cela que les économistes sérieux appellent la plus-value culturelle, peu aisément quantifiable mais néanmoins réelle, et transmissible mieux qu’un capital. Parce qu’on ne perd rien à la transmettre,


Marseille, capitale

et culture plusieurs fois, comme tout ce qui relève de l’économie de la connaissance. C‘est sur cette valeur économique de la culture que bute toute rationalisation : quelle part de son budget la nation doit consacrer à la création artistique ? Comment déterminer le bien fondé culturel d’une œuvre ? Or la question essentielle -qu’est-ce que la culture, c’est-à-dire quelles sont les œuvres qui produisent du bien social transmissible- n’est jamais posée. Le rapport entre le potentiel émancipateur d’une œuvre et son coût n’est de fait pas immédiatement mesurable. Et si l’on peut bien dire aujourd’hui ce que «vaut» un Van Gogh parce qu’il a une existence physique, la plusvalue d’une œuvre de l’esprit, de Shakespeare à Stendhal, n’est guère estimable, encore moins au moment où l’œuvre est produite. Le calcul économique achoppe donc sur deux points : d’un côté la nécessité de soutenir des œuvres qu’«on» pense exigeantes (qui ? l’État ? des experts ? des mécènes ?), celles qui rencontrent peu de public immédiat mais qui font avancer la création ; d’un autre côté le financement des loisirs culturels d’un public déjà aisé, qui vient «voter avec les pieds» comme le dit Jean-Claude Gaudin lorsqu’il voit les foules rassemblées sur le Vieux Port, même lorsque c’est pour écouter Patrick Sébastien, dont on peut dire sans grand risque d’erreur qu’il possède peu de potentiel émancipateur. La culture émancipe-t-elle ou reproduit-elle les inégalités sociales ? L’œuvre d’art se doit donc de rencontrer un public, sans forcément le satisfaire, sinon la créativité n’avance guère ; mais on sait que cette créativité est forcément élitiste : l’homme a tendance à chercher dans le loisir culturel la reconnaissance de ce qu’il connait déjà ou a vu ailleurs, non la nouveauté, la douleur, la remise en cause de lui-même. L’offre culturelle reproduit donc naturellement les inégalités existantes, inégalités d’éducation qui ne correspondent pas forcément aux inégalités sociales, mais les recoupent en grande partie : la culture intellectuelle n’est pas forcément pour les riches, qui aiment aussi retrouver ce qu’on leur a transmis plutôt que de découvrir, mais la culture pour pauvre est souvent, artistiquement, pauvre. Sans oublier que l’art a aussi une fonction divertissante, ce n’est pas à sa popularité que l’on peut estimer la valeur d’une œuvre : comme le souhaitait Brecht, la création se doit de faire avancer la conscience humaine. Mais aux intellos qui l’oublieraient, rappelons ces mots de son Petit Organon pour le théâtre : «Traitons le théâtre comme un lieu où l’on s’amuse, ainsi qu’il convient de le faire dans une esthétique, et examinons quel sorte d’amusement nous agrée (…) la fonction la plus générale de l’institution théâtrale est le plaisir. C’est la plus noble fonction que nous ayons à assigner au théâtre.». La valeur économique de la culture réside avant tout dans le plaisir, simple ou complexe, qu’elle crée. RÉGIS VLACHOS ET AGNÈS FRESCHEL

paléochrétienne Le musée d’histoire de Marseille va ouvrir en septembre, et recèle déjà quelques trésors inattendus Cette cité est décidément surprenante, même à ceux qui pensaient en connaître tous les recoins… On connait la grotte Cosquer, la légende antique, la Marseillaise révolutionnaire, le port marchand porte des colonies… voire la Marseille médiévale et la cité rebelle à Louis XIV. Mais Marseille paléochrétienne ? La découverte de la Basilique rue Malaval en 2000 a permis des recherches essentielles, amenant à des découvertes, et à une petite révolution des connaissances historiques de cette époque. Car au Ve siècle Marseille était bien une capitale culturelle ! Sans doute contemporains de l’édifice primitif de Saint Victor, les 50 sarcophages, 228 sépultures, et la Memoria dont on ne sait quelles reliques elle abritait, attestent d’une intense vie religieuse, et d’un lieu de pèlerinage. La Memoria en particulier témoigne d’un système de fabrication d’huile sainte, et les sarcophages orientés vers elle d’une vénération exceptionnelle. Restitués dans la position identique dans une vaste salle du futur musée, ils seront pour le futur visiteur une des stations remarquables du nouvel édifice… Qui se construit patiemment. Le chantier est complexe, sous le centre commercial et les Nouvelles Galeries, de plain pied avec le Jardin des Vestiges classé monument historique, avec de faibles hauteurs sous plafond. Adeline Rispal, architecte et scénographe, a tout fait pour que le passé portuaire de la ville soit présent dans les allées, qui nous emmèneront de Marseille avant Marseille (Grotte Cosquer, -30000 ans avant JC), jusqu’à des projections vers le futur, en passant par Gyptis et Protis, Pythéas, le commerce avec les Ottomans et… Plus belle la vie ! Animée par des dispositifs numériques et multimédias, centrée autour d’un objet phare, chacune des 13 séquences est conçue par Laurent Védrine, le Conservateur du Musée, comme un univers pouvant se lire à tout âge, et satisfaire enfants et historiens. Il s’agit de «rendre simple un site complexe». L’équipement majeur est très majoritairement pris en charge par la Ville (28.6 millions d’€) complété par 2.34 millions du Conseil régional et 1 million d’Euros de l’État, et par le généreux mécénat de la Société des Eaux de Marseille (3 millions d’€). La surface d’exposition, de 7000 m2, en fait un des plus grands musées d’histoire d’Europe. Par ailleurs un itinéraire en 15 stations historiques est prévu depuis le Jardin des Vestiges jusqu’au MuCEM, en longeant les quais de l’ancien port (Hôtel de Cabre, Maison diamantée, église des Accoules, Caves Saint Sauveur, église Saint Laurent…) On pourra donc redécouvrir l’histoire de Marseille dans les salles et dans les rues, pour finir sur l’horizon marin et les civilisations Méditerranéennes. De plus des animations et un parcours pour enfants sont prévus, un auditorium de 200 places… et de nombreuses conférences. Le musée devrait ouvrir juste avant les Journées du Patrimoine, pour prouver qu’il y aura une vie après 2013… et que Marseille a toujours été Capitale ! AGNÈS FRESCHEL

Musée d’histoire de Marseille Ouverture septembre 2013 04 91 90 42 22 musee-histoire-de-marseille.marseille.fr

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Du mouvement naît l’équilibre Rencontre avec Bruno Ulmer, qui propose dans le parcours d’exposition Plus loin que l’horizon, à la Villa Méditerranée, d’explorer le thème des mobilités marchandes et humaines en Méditerranée

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Zibeline : D’où vient cette proposition ? Estce vous qui avez imaginé cette thématique ? Bruno Ulmer : Non ! C’est une proposition de la Villa Méditerranée. Avant que je n’arrive, le 24 septembre 2010, il y avait déjà un comité scientifique pour ce projet d’exposition, déjà qualifié d’exposition permanente, constitué de penseurs et d’acteurs de la Méditerranée. Assez rapidement, ils se sont mis d’accord sur la question de la mobilité et de la jeunesse. Or, au PRIMED, j’avais gagné le prix des «Enjeux méditerranéens» avec un film documentaire produit par Arte, Welcome Europa, qui suivait le parcours de jeunes en migration dans les grandes capitales de l’Europe. Valérie Gerbault, membre du comité scientifique avait gardé le film en mémoire et, quand il a été question de faire appel à des narrateurs, Valérie a suggéré que ce soit moi. Je trouvais cela très audacieux de faire appel à un cinéaste pour transformer en images les propositions, souvent abstraites, du comité scientifique, à moi qui plus est, qui fais du cinéma plutôt radical, tournant autour de l’humain, du sensible, du caché, de la lucidité, sur la Méditerranée. On s’est très vite entendu avec Nathalie (Abou Isaac ndlr) sur le cœur du projet : j’ai senti de sa part l’idée de casser les règles muséographiques et d’apporter un regard nouveau, un peu décalé, sensibilisant… Nous avons établi une liste des mobilités méditerranéennes possibles, à partir de laquelle nous explorons trois champs : le marchand, le touristique et l’humain clandestin. Comme le parcours est proposé aux visiteurs durant trois ans, un cycle de renouvellement va se mettre

en place dès la fin de l’année; probablement les mobilités matérielles qui concernent celles via les réseaux sociaux. Car j’aimerais réunir des bloggeurs de la Méditerranée qui ne se rencontrent aujourd’hui que virtuellement. On parle aussi d’une liaison culturelle entre Marseille et Alexandrie. Donc, après avoir défini votre projet, vous avez eu une totale liberté ? Une liberté absolue ! J’ai fait récemment un «droit de réponse» à Télérama car on a laissé entendre que Régis (Sauder ndlr) et moi, on était un peu les faire-valoir de la Région, ce que je démens. On n’est pas du tout dans ce rapportlà ! On a une liberté totale, comme au sein de la Villa, il y a un respect de ce qu’on propose, un accompagnement. Mais si on est là, c’est qu’on adhère à une certaine vision politique de ce que peut être la Méditerranée. Il y a une chose que je tiens à dire : ici, il n’y a pas de cartels qui expliquent tout ; on fait confiance à l’intelligence des visiteurs ; on leur propose du sensible et non une surcharge d’informations. La scénographie y est pour beaucoup, avec ces espaces ménagés pour qu’on puisse s’arrêter, s’asseoir…. Bien sûr ! On veut montrer sans dire. C’est tellement insupportable quand on montre des images et qu’une voix off décrypte comme si on n’avait pas compris ! Le simple plaisir de regarder et de s’ancrer dans un imaginaire nous est interdit. Je veux prendre le contrepied de cela. Un bateau passe, prenez le temps de le regarder ; une silhouette d’un visiteur passe devant le bateau, interrogezvous sur le rapport entre les deux… À un moment vous allez voir des clandestins dans le même axe de regard, en gros plan, et si vous regardez un peu à côté, le port de Marseille en grand : vous vous rendez compte que les deux histoires sont en train de se relier… Donc, non seulement, on fait confiance à l’intelligence des visiteurs mais on convoque aussi leur histoire. On a un gros travail à faire, c’est

le recueil des paroles, des récits pour les restituer dans les parcours. Comment le travail s’est-il fait ? On est un lieu de réflexion et de restitution. J’aime bien utiliser le terme «fab-lab» : le laboratoire et la fabrication mis en partage. Il y a un temps de recueil avec les gens qui viennent, comme les jeunes de l’IRD cette année, il y a l’expo qui est un passage et un prolongement avec toutes les formes artistiques. Ainsi pour la programmation de Plus Loin que l’horizon, il y a des films sur les migrations, sur les mobilités marchandes, sur la cueillette des fraises. Au départ, j’avais envie de travailler avec des écrans placés dans des objets comme des barques. La rencontre avec Elizabeth Guyon de Digital Deluxe à Arles a été essentielle. La scénographie était là pour souligner de façon abstraite les propositions d’images avec une volonté de ma part de voir une chose et d’en voir une seconde en décalage, voire une troisième comme dans mes films. Voir dans une image que j’ai filmée une silhouette qui passe donne l’impression qu’on a cassé l’idée d’être à distance. Et la toupie comme symbole ? Un de mes amis, architecte, m’a dit en faisant tourner une toupie : «C’est le meilleur exemple de la science, c’est le mouvement qui donne de l’équilibre !» C’était l’image de ce que j’avais envie de raconter : du mouvement naît l’équilibre. L’emblème du projet. PROPOS RECUEILLIS PAR ANNIE GAVA

Plus loin que l’horizon Villa Méditerranée, Marseille 04 95 09 42 52 www.villa-mediterranee.org

Héritages de Médi

o Brun r©A Ulme .G

À la rentrée, la Villa Méditerranée propose, en co-production avec MP2013 et le MuCEM, un cycle de réflexion sur «Les héritages araboislamiques dans l’Europe méditerranéenne» organisé par l’Institut national de recherches archéologiques préventives. La programmation s’établira sur quatre journées, du 11 au 14 septembre. Associant archéologues, historiens et anthropologues, ce colloque se donne pour ambition de faire le point de la recherche sur la présence et les influences de la civilisation arabo-islamique dans la Méditerranée occidentale, du haut Moyen Âge à l’époque moderne.


Dance of Outlaws de Mohamed El Aboudi

transfert technologique d’Al-Andalus», «AlQutun : importation des produits et introduction de la culture du coton en méditerranée occidentale», les 12 et 13). Médecine, astronomie, philosophie seront au programme de la dernière journée (le 14), avec Marilyn Nicoud, François Clément, Fathi Jarray…

C’est sous le signe de l’amitié que Etel Adnan, Farouk Mardam-Bey, André Velter, Anne Alvaro, le Trio Joubran et Ernest PignonErnest se retrouvèrent pour évoquer leur compagnon de route Mahmoud Darwich. Car tous l’ont croisé, en chair et en os, et en poésie. Avec une belle simplicité et en présence de Leïla Shahid, ambassadrice de Palestine auprès de l’Union européenne, de la Belgique et du Luxembourg, ils ont confié un peu de leurs souvenirs personnels, littéraires, photographiques. «L’hommage en germe depuis sa mort s’inscrit dans l’histoire des Écritures croisées» rappela Annie Terrier qui rencontra le poète en 1997 et lui offrit une carte blanche en 2003 à laquelle participait, déjà, l’essayiste et poète André Velter. Quant à l’intitulé de la rencontre Mahmoud Darwich, Un indien en Méditerranée, celui-ci «a surgi à l’évidence comme l’image la plus juste du peuple palestinien». De fait la voix rauque de la comédienne Anne Alvaro lisant Le dernier discours de l’indien rouge pénétra plus encore la profondeur du texte : «Et nous savons que la vérité est plus puissante que la justice…», «Nous avons marché pieds nus pour sentir l’âme des gravats…», «Il pleure le peuple de ce lieu blessé…». Mais l’heure n’était pas à la complainte et bien plus à l’échange ! L’auteure Etel Adnan confia que «la meilleure façon de s’approcher de Darwich était de lire sa poésie ou de l’entendre», que les humiliations vécues par son peuple «le minaient de l’intérieur» et qu’il portait en lui «une vision de la poésie comme l’expression la plus aigue de l’être humain, comme si la poésie était à la pointe de la pensée». Sur le mode de la conversation entre amis, Farouk MardamBey, engagé dans l’édition des écrivains arabes au sein d’Actes sud, André Velter et Ernest Pignon-Ernest qui le dessina avant de le rencontrer et, récemment, essaima ses empreintes photographiques à Ramallah et à Naplouse, évoquèrent ce qui, dans son œuvre et son parcours, éclaire la nuit. La présence des mythes, l’inquiétude et l’exigence permanentes, l’influence des maîtres classiques, la figure centrale du Christ, la résistance chevillée au corps… Tout ce qui fait qu’il faut «lire Mahmoud Darwich le poing serré et le cœur ouvert». «Échanger des présents et des chants pour faire taire les armes» : son credo colla à chaque instant de la soirée jusqu’au bouquet final avec le Trio Joubran, accompagné par le percussionniste Youssef Hbeish.

MANON MATHIEU

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Méditerranée en docs La 17e édition du PRIMED organisé par le CMCA s’est tenue du 17 au 22 juin, proposant au public des projections gratuites au MuCEM et à La Villa Méditerranée, ainsi qu’une conférencedébat sur la télévision publique en Méditerranée, animée par Hervé Brusini (à voir sur http://primed.tv/la-conference-en-video-a-la-demande/). Si un public nombreux et très intéressé a assisté à cette conférence passionnante qui a abordé aussi bien les missions d’un service public de télévision que son financement et ses perspectives, on ne peut que regretter qu’il n’en ait pas été de même pour les projections que le public a souvent boudées. À tort, car bon nombre des documentaires présentés étaient de qualité. Et c’est à juste titre que les jurys ont récompensé pour le grand prix «Enjeux méditerranéens» Dance of Outlaws de Mohamed El Aboudi, l’histoire de Hind, une jeune Marocaine violée à 15 ans, rejetée par sa famille et qui tente de survivre en dansant dans les mariages, sans jamais baisser les bras. En la suivant durant 5 ans, Mohamed El Aboudi, qui dit avoir construit son documentaire avec les outils de la fiction, a su faire partager les espoirs, les rires, les moments de découragement de cette jeune femme qui ne cesse de se battre pour récupérer ses papiers et se marier avec Bilal, son fiancé qui purge 20 années de prison pour avoir fait brûler un matelas dans une maison ! Le prix «Mémoire de la Méditerranée» est revenu à In Utero Srebrenica de Giuseppe Carrieri. Vingt ans après le massacre de Srebenica, beaucoup de mères bos-

Des mots qui éclairent la nuit

niaques ne savent pas où sont les corps de leurs enfants et, inlassablement, continuent à rechercher des indices, des os… Giuseppe Carrieri a recueilli la parole de ces femmes ainsi que celle de psychologues et de biologistes qui travaillent dans des laboratoires d’identification. On ne sort pas indemne de ce documentaire aux images somptueuses en noir et blanc, même si on peut s’interroger sur le parti pris de l’esthétisme de la douleur comme devant certaines photos de Salgado. Plus léger et plus optimiste, le film de Lidia Peralta Garcia, A House for Bernarda Alba, est doublement récompensé : par le prix Art, patrimoine et cultures de la Méditerranée et prix MPM Averroès junior. La réalisatrice a suivi un groupe de neuf femmes gitanes de Séville, qui, dans un atelier, montent la pièce de Garcia Lorca, montrant en alternance cette expérience, et les répercussions sur leur vie quotidienne. Les jurys ont aussi primé Le Martyre des sept moines de Tibhirine de Malik AitAoudia, Ich Liebe Dich d’Emine Emel Balci, Dans les murs de la Casbah de Céline Dréan, Le thé ou l’électricité de Jérôme Le Maire… Tous ces films sont encore visibles à l’Alcazar qui propose des visionnements à la demande durant deux mois. A.G.

Centre Méditerranéen de la Communication Audiovisuelle 04 91 42 03 02 www.cmca-med.org http://primed.tv/

iterranée Les universitaires et spécialistes André Constant, Michel Lauwers, Damien Carraz ou encore Yann Codou, entre autres, feront part de leur différents points de vue et études à l’auditorium de la Villa Méditerranée (le 11). L’auditorium Germaine Tillion accueillera la seconde partie : Oueded Sennoune, Anika Kniestedt ou Catherine Richarté cibleront d’avantage leur problématique sur Marseille, ses relations avec le monde musulman («Les relations entre Marseille et le monde musulman à la fin du Moyen Âge»), et les savoir-faire, techniques et cultures transmises («Le bourg des Olliers à Marseille au XVIIIe siècle : un

du 11 au 14 septembre Villa Méditerranée, Marseille 04 95 09 42 52 www.villa-mediterranee.org

La rencontre-lecture-concert Mahmoud Darwich, Un indien en Méditerranée s’est déroulée le 23 juin à la Villa Méditerranée, Marseille

09 V I L L A M É D I T E R R A N É E


Camus,

la mesure ?

Albert Camus © Henri Cartier-Bresson

Il fait enfin chaud au Fort Saint Jean quand s’ouvrent les deuxièmes «Intensités de l’été». Une programmation de tables rondes, cinéma et spectacle intitulée Pourquoi Camus. Derrière nous, toute une mer vibrante de soleil. Thierry Fabre explique son propos général : il est question en quelques jours de faire ce qui n’a pas été fait à Aix. De réinterroger Camus, pour faire revenir la littérature et ses questionnements, la réflexion intellectuelle et politique au cœur de la capitale européenne. Il était temps ! MP2013 se poursuit en fêtes et succès, mais nourrit peu les esprits… Pourquoi Camus est-il si essentiel aujourd’hui ? Benjamin Stora, absent pour cause de voyage présidentiel officiel en Tunisie, devait participer au débat, présence symbolique après son éviction du commissariat de l’exposition à Aix. Mais lors du premier débat, la présence lumineuse de Maïssa Bey apportait au fond toutes les réponses. L’écrivaine parla sans fard. Du vrai rejet quand elle avait lu L’Etranger à la fin des années soixante, la figure de l’Arabe caractérisant immédiatement une «écriture coloniale». Du temps qu’elle avait mis pour y revenir… Puis de son éblouissement des années plus tard à la lecture de Noces, pour y avoir reconnu cet attachement charnel à la terre algérienne qui ressemble tant au sien, et lui a permis d’entrer par le soleil dans l’interrogation politique de Camus. Sa «fragilité», n’était pas de «l’indétermination» mais le courage d’aller «à contresens de l’histoire». De s’indigner, comme journaliste, contre les massacres de Sétif dès 1947, de refuser la violence, en

pressentant la douleur de l’exil qui se profilait. Elle parla de ces «frontières invisibles» qui régnaient entre «Arabes» et «Français», du fait que les deux mondes ne se fréquentaient pas à la ville, que les Français sont absents aussi des romans de Mohamed Dib. Et surtout, elle dit que l’écrivain, mort à 47 ans, avait cheminé, que Le premier homme mettait en scène son déchirement intérieur, et les raisons de cet éloignement de la guerre d’indépendance et de la violence de l’OAS et du FLN : «un homme ça s’empêche, sinon ça devient…». Il voulait rester un homme, d’où son refus de s’engager auprès des Algériens en 58, son «silence troublant» parfois, comme son impossibilité de défendre autre chose que le fédéralisme, et son approbation discrète de l’autodétermination en 1959 : c’est la violence, la brutalité qu’il refusait. Jean Yves Guérin précisa que penser qu’il était «tiède» était un contresens : il était animé par l’idée de mesure, pas «mollasson» mais tendu entre des idées contraires, qui sont au centre de son questionnement de «réformiste exigeant». Il fit sourire le public en parlant de ces néo réac anciens maoïstes qui ont condamné Camus en son temps, l’ont traité de «philosophe pour Terminales», puis sont passés de Mao à Sarko. Lui a toujours défendu l’idée qu’on ne possède pas la vérité et que Camus la cherche, comme Sisyphe, dans ce court instant où il redescend la pente et sourit, juste à l’opposé des idéologues qui poussent leur rocher destructeur et vain. En écrivain responsable il se soucie de la lecture qu’on fera de ses textes, refuse de pousser au meurtre comme Céline, ou Sartre, s’interdit la littérature à thèse, avoue ses déchirements. Comme dans Les Justes il affirme que la fin ne justifie pas les moyens, que l’idée de «trêve civile» que Camus défendait en 1956 est admirable. Puis le professeur de littérature rappela la modestie des origines de Camus, le décrivant comme un enfant de cette troisième république «jacobine et uniformisante» qui lui avait permis de faire des études, sans lui donner l’idée de parler l’arabe. La figure de l’instituteur, si importante dans son œuvre, représente la force et la faiblesse de cette France-là, qui n’associait pas la Liberté avec le libéralisme et «le fric», mais a manqué de la connaissance de la culture de l’autre. Car si Camus a une place si grande dans les régimes liberticides, s’il est traduit en Persan, c’est parce qu’il pose sans cesse la question de la démocratie, cruciale aujourd’hui. Propos qui fut parfaitement illustré par les divers extraits du discours de Stockholm (1957, Réception du Prix Nobel) lus sans emphase et avec une clarté lumineuse : «Chaque génération, sans doute, se croit

vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. Héritière d’une histoire corrompue où se mêlent les révolutions déchues, les techniques devenues folles, les dieux morts et les idéologies exténuées, où de médiocres pouvoirs peuvent aujourd’hui tout détruire mais ne savent plus convaincre, où l’intelligence s’est abaissée jusqu’à se faire la servante de la haine et de l’oppression, cette génération a dû, en elle-même et autour d’elle, restaurer, à partir de ses seules négations, un peu de ce qui fait la dignité de vivre et de mourir.» Reste à savoir ce que notre génération peut faire de cet héritage, en exportant sa démocratie tout en respectant la culture de l’autre, en cultivant la trêve, en cherchant d’autres réponses à la violence que l’œil pour œil, et trouvant d’autres universalismes que la globalisation économique. La réponse dans Camus et au MuCEM ? AGNÈS FRESCHEL

Pourquoi Camus ? s’est déroulé les 5 et 6 juillet, en quatre débats successifs, la mise en scène de la correspondance avec René Char, la projection de documentaires, et de L’Etranger de Visconti : magnifiquement filmé, mais où Mastrioanni, sans doute trop beau pour être Meursault, hésite entre exprimer la douleur, l’indifférence, la révolte ou l’abrutissement, comme si son personnage lui demeurait incompréhensible… peut-être l’est-il ?


Pour que vivent les livres 280 m2 au J4, 45 au Fort Saint-Jean, les deux espaces librairie du MuCEM ont ouvert le même jour que le musée, prêts en temps et en heure Il aura pourtant fallu des semaines de discussion avant de trouver la mise en scène adéquate pour le plus spacieux des deux. Difficile en effet de concilier la notion de transparence chère à Rudy Ricciotti et les très nombreux ouvrages à exposer (le fonds se compose de plus de 12 000 titres). La solution a finalement été trouvée : des colonnes aériennes viennent prolonger les tables de bois, tandis que les étagères plus massives se dissimulent derrière la billetterie ; quant au flux, © Agnès Mellon il se fait naturellement entre les deux portes (et les deux caisses) de la librairie. Un lieu agréable et accueillant. Une belle réussite de Saint-Malo par exem-ple, Françoise Nyssen partient ; le musée quant à lui percevra une pour Maupetit-Actes Sud qui a remporté la a rappelé qu’ils étaient «offerts aux libraires», redevance sur le chiffre d’affaires. concession de ce nouvel espace dédié aux ce qui équivaut à 40% d’escompte sur leurs Ce développement d’une politique de soutien livres. Et une belle récompense pour le tra- ventes. En ce qui concerne la librairie du aux libraires va de pair avec sa réactivité dans vailleur acharné qu’est Damien Bouticourt. MuCEM, pour laquelle Actes Sud n’a reçu aucune le domaine éditorial. Derniers rachats en On ne reviendra pas sur tout ce que le nou- aide de la Région, seul le fonds livre lui ap- date : Le Rouergue et plus récemment Payot veau gérant de la librairie Maupetit Rivages. «Sinon, c’était Hacheta fait pour redorer la célèbre ente», déclarent en chœur Nyssen et seigne marseillaise (lire Zib’58), Capitani, qui revendiquent leur ni sur son association avec deux expansion comme indispensable autres libraires pour la création à la diversité éditoriale. Aujourde La Salle des Machines (voir Le MuCEM poursuit ses activités Dès septembre une programma- d’hui la petite maison provençale Zib’ 59 et 60). Avec dix personnes d’été abondantes par les Histoires tion régulière, rythmée autour du fondée en 1978 par Hubert embauchées et une perspective Vraies de la Méditerranée : l’écri- temps de la parole, du temps des Nyssen (le père de Françoise) a d’1,5 million d’euros de chiffre vain François Beaune met en scène images et du temps des spec- bien grandi : sur 10 000 manusd’affaires d’ici trois ans, la nou- les anecdotes et récits de vie tacles prend le relais… On parlera crits reçus par an, 600 seulement velle librairie du MuCEM en-tre recueillis à travers un ensemble de La citoyenneté en questions, sont publiés par Actes Sud, 1000 dans la suite logique de cette de pays de la Méditerranée qui lors de rencontres qui porteront toutes maisons confondues ! Et stratégie de développement de seront lus sur les terrasses du Fort sur le devenir de la société et du à ceux qui leur reprochent une l’économie du livre dont Marseille Saint Jean, avant de laisser le pu- vivre ensemble, du Temps des tendance à l’hégémonie, les ina grand besoin. Le 15 juin der- blic conter les siennes (le 23 août). archives, du Pouvoir des images, téressés répondent qu’ils nier, Damien Bouticourt faisait les Du 28 au 31 août, danse et gestes en écho aux expos photos pré- travaillent ensemble depuis honneurs du lieu à Françoise Nys- poétiques seront au rendez-vous sentées au MuCEM (un lundi par trente ans, dans un climat de sen et Jean-Paul Capitani, deux avec un parcours chorégraphique mois à 18h30), de Porteurs de rêve, confiance et de passion, et que des trois membres du directoire du chorégraphe italien Virgilo programmation conçue par Cathe- là est la clé de leur succès. d’Actes Sud. La maison arlésienne Sieni. Un projet à l’initiative du rine Poitevin qui complètera Quand on voit l’enthousiasme a naguère sauvé Maupetit de la théâtre du Merlan et de MP2013 l’expo Le Noir et le Bleu (chaque avec lequel ils parlent de l’école déroute ; elle est aujourd’hui éga- qui réunit une centaine d’ama- jeudi à 18h30). alternative qu’ils vont bientôt lement «associée» à la librairie du teurs, interprètes de «l’art du geste» Enfin, plus tard dans le mois, la ouvrir dans la Crau, on est tenté MuCEM. Cette association paraît en divers lieux de Marseille. compagnie Arketal, pour qui «la de les croire. assez naturelle, au vu des liens Les intensités d’été s’achèveront marionnette est [un] moyen d’ex- FRED ROBERT évidents qui unissent le catalogue avec Marseille Résonnance, un pro- pression comme d’autres utilisent d’Actes Sud (très ouvert sur les jet qui met en valeur les sons de le pinceau, la glaise ou le stylo», La librairie du MuCEM est ouverte littératures du pourtour méditer- la vie quotidienne de la ville de retracera l’histoire de cet art, de tous les jours, sauf le mardi, de 10h ranéen) et les thématiques du Marseille en les sauvegardant l’Antiquité à nos jours, lors d’une à 19h00. Nocturne le vendredi musée ; elle manifeste surtout la pour recréer des performances so- conférence-spectacle (le 15 jusqu’à 22h00 volonté affirmée de renforcer tous nores dans l’espace urbain. Le septembre à 17h30 au Fort Saint 04 84 35 14 95 les maillons de la chaîne du livre. compositeur Erdem Helvacioglu Jean). Voir aussi p. 48. www.librairiedumucem.fr Cette nouvelle librairie devient présente Marseille écoute Mar- MANON MATHIEU ainsi la septième enseigne Actes seille, une création en prise avec Sud de France. Quant aux impor- la culture et l’environnement soMuCEM, Marseille tants stands de la maison d’édition, cial contemporains de Marseille, 04 84 35 13 13 au Salon du Livre de Paris ou lors les 30 et 31 août de 18h à 19h. www.mucem.org du festival Etonnants Voyageurs

Activ’été du Mucem

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Performance à l'occasion de l'exposition PiLAB Création, galerie MAD © Cecile Braneyre © ESADMM 2013

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La Friche en ligne de mire

L’ESADMM

met le turbo La belle endormie se réveille d’un profond sommeil, prête à retrouver le rayonnement des années marquées par l’empreinte de ses «pères fondateurs» : César, Claude Viallat, Toni Grand, Christian Jaccard… Tout s’est accéléré à partir de janvier 2012 quand l’École d’art, devenue École supérieure d’art et de design Marseille-Méditerranée (ESADMM), est passée du statut de régie municipale à un établissement public de coopération culturelle. Une transformation en forme de pari pour Anne-Marie d’Estienne d’Orves, présidente de l’EPCC : «C’est l’aboutissement d’un travail préparatoire de 4 ans. Grâce à la Ville de Marseille qui nous finance pour le moment à 90% et aux partenaires privés que l’on espère de plus en plus nombreux, et grâce à la vision de Jean Mangion [directeur général, ndlr], tout s’est mis en place. Cela nous donne des ailes pour avancer». Enthousiasme partagé par Jean Mangion qui a du combattre quelques résistances internes pour que «l’évolution soit digérée par toutes les équipes : elles sont entrées dans le jeu et ressentent une nouvelle fierté». Autonome donc, l’ESADMM multiplie les contacts avec les institutions publiques (Conseil général, Conseil régional, Communauté urbaine), les entreprises privées, via son nouveau Fonds de dotation / mécénat «Luminy-Art-design-dotation» et la redistribution de la taxe d’apprentissage (7000 € récoltés en 2012, 30 000 € 2013). Cette montée en puissance lui permet de mettre en œuvre de nouveaux projets pédagogiques, tels la rénovation de l’enseignement

de la section design axée sur les relations entre création et entreprises (design numérique, design d’espace et design d’objet) ; le développement de workshops transdisciplinaires dirigés par des artistes et professeurs nationaux et internationaux ; la mise en place de partenariats ciblés avec des écoles d’art à l’étranger ; le développement du service de la formation professionnelle et continue sous forme de sessions (500 personnes concernées) ; la création de passerelles avec l’École polytechnique et l’École supérieure de management de Luminy. Et de lancer en septembre la création d’une classe préparatoire publique préparant aux concours d’entrée dans les établissements supérieurs d’enseignement artistique. L’ESADMM peut désormais accompagner ses 500 étudiants jusqu’au doctorat et même au-delà avec un programme de post-professionnalisation sur trois ans. L’automne 2013 verra également la création d’une plate-forme numérique conçue comme un atelier de création et un espace de formation aux métiers et activités du numérique, faisant se croiser étudiants et entreprises, designers et industriels, architectes et stylistes… Bref, la transversalité et l’ouverture sur le monde économique sont les maîtres mots de la nouvelle direction.

L’ESADMM profite de cette embellie pour faire peau neuve, débloquant 10 M€ pour des travaux de mise aux normes et 3 M€ pour la réfection de toutes les huisseries de l’école labellisée depuis 2007 Patrimoine Architectural du XXe siècle. Ce qui ne l’empêche pas de viser le centre-ville où elle inaugurera, en 2014, une nouvelle vitrine de 7000 m2 sous la Tour Panorama pour installer sa galerie d’exposition et son centre de recherche… En attendant, boulevard Chave, l’exposition PiLAB Création proposée dans le cadre de Campus 2013 réunit productions et activités de la partie enseignement et laboratoire artistiques du programme d’accueil d’étudiants sourds et malentendants PiSOURD. Sous la direction artistique de Jean-Louis Connan, la chorégraphe Pascale Houbin, l’artiste Imogen Stidworthy, l’historien de l’art François Bazzoli et le réalisateur Guillaume André ont «fait en sorte que le projet innerve l’ensemble de l’école, transformant la question des malentendants en question d’art» : captations vidéo, écritures, danse abordent les notions de transgression, de censure, d’art et de ses rapports avec la société. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

PiLAB Création jusqu’au 30 juillet Galerie MAD, Marseille 5e www.esdamm.fr



Tranches de vies

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F E S T I V A L S T H É Â T R E

Maux féminins Les femmes ont sensiblement ouvert cette 1re partie de Festival. Dans La Parabole des papillons, la Cie Mises en Scène leur donne la parole et une digne place sur scène. Amatrices ou professionnelles, enfants, adultes, mères, filles, épouses, en fleurs, en deuil, maltraitées ou en amour, elles se racontent, vivantes et fragiles, dans un montage de textes issus d’ateliers où elles se sont livrées dans l’année, improvisant ensuite au plateau. Ces témoignages autour de «l’être femme», remaniés par les auteurs Jean Cagnard et Valérie Rouzeau et tricotés par le dramaturge Gilles Robic, Michèle Addala qui travaille depuis plus de 25 ans dans le quartier Monclar à recueillir des tranches de vie, poignantes, révoltantes et souvent drôles, en fait matière à poésie. Car leur vie, qu’elle soit d’Avignon ou d’ailleurs, est un théâtre universel. Le plateau -ou la table principale : «C’est ici l’endroit où on parle ?»-, déborde d’images et de vie

La Parabole des papillons © Delphine Michelangeli

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Artiste associé de la 67e édition avec Stanislas Nordey, Dieudonné Niangouna a refait le monde à la Carrière Boulbon dans Shéda, un poème épique volubile. L’auteur, metteur en scène, comédien congolais, inspiré par les histoires que lui contait sa grand-mère, plonge durant 5 heures le spectateur dans la gueule du loup, lieu monstrueux en totale adéquation avec le propos -pourtant décousu- porté par 14 comédiens et musiciens africains et européens. «Que le premier qui crève gagne» annonce le gardien de la ville morte dans ce désert de pierres reflétant les limites du monde contemporain, d’où une communauté cherche à se reconstruire (ou à se détruire) parmi les légendes et crises identitaires. «Vous ne pouvez pas aimer la vie si vous ne connaissez pas la mort»… Flots de paroles ininterrompus, poésie crue, métaphores et monologues parfois artificiels occupent l’espace, déjà majestueusement habité. On s’évade alors du texte fleuve et fantasmagorique, de ces histoires de sorcières, de civilisations perdues, de peur, de solitude et d’urgence, pour se noyer dans le décor d’après guerre et voir les hommes-dieux tomber du ciel, un seigneur déchu (Frédéric Fisbach) plonger dans la mare aux crocodiles (drôlerie !), Niangouna jaillir des gradins en voyageur abandonné proférant que «le sous développement et la chaise électrique sont les véritables maladies de l’être humain» et s’impatienter, un peu, face à la tribu transformée en super-héros qui laisse filer le temps. Pour quitter, après une 1re partie sous les flots (éclairs et pluie, invités magiques de la soirée), les 1001 contes de cette fresque mythologique que l’auteur a mis 12 ans à enfanter, foulant la caillasse de cette Carrière décidément très bavarde.

syndrome de Wendy. Exit Neverland, direction l’île d’Utoya au lendemain de la tuerie de 69 jeunes gens, «l’âge auquel le sexe et l’amour physique sont possibles», avec un détour par Shangaï exactement (l’auteure toujours aussi exaltée sait rebondir d’une rive à l’autre dans des détours fascinants, «un écrivain est honnête dans ses livres, il est faux dans sa vie», profère-t-elle), face à Wendy-Liddell visitée par les morts et obsédée par l’abandon et la perte de la jeunesse. «Puiser ces forces dans ce qui n’est plus» pour tisser des fils dramaturgiques où se croisent un garçon perdu, un orchestre et deux septuagénaires chinois qui valsent interminablement, et puis cet ébouriffant monologue, où la performeuse a le don inouï d’utiliser l’hystérie pour se livrer, déchirée par son «incapacité à être heureuse» et son «sentiment de non appartenance». Bouleversante, monstrueuse Angélica Liddell qui fait de sa souffrance («la norme» selon elle) son manque d’illusion pour l’humanité, sa haine envers les mères et sa peur de l’amour, son œuvre. Et qui, virevolte, presqu’enfantine, en réclamant un rock’n’roll (et un brin d’amour ?).

Balade intérieure Alors que La FabricA C’est encore la mort, l’identité, la mémoire, la croyance… et le libre arbitre qui sont originalement a été inaugurée par abordés dans le projet déambulatoire Remote le Groupe F (voir p. 44) Avignon du Rimini Protokoll. «50 personnes performent pour elles-mêmes» dans ce parcours à et la ministre de la Culture travers la ville où une voix artificielle guide une horde de spectateurs hagards et dociles affublés Aurélie Filippetti, de casques et de doutes existentiels. Un projet excitant qui nous met face à notre façon de les premiers spectacles considérer le monde du vivant (consommation, e du 67 Festival d’Avignon université, foule) et des morts (cimetière, église), parfait, et tout autant crispant révèlent des conteurs qui ont techniquement puisqu’il est impossible de quitter la mini-société recréée grâce à qui «tu fais des choses que tu l’art de mêler leur vie n’aurais pas fait tout seul», sous peine de perdre le signal de transmission sonore. Troupeau tu es, à la fable avignonnaise (ils sont 27 femmes et quelques hommes) et devient la partition émouvante des souffrances, petits plaisirs, chants harmoniques, corps parlants, rencontres improbables, traces invisibles, exils douloureux, percussions corporelles comme morceaux de bravoure… Et l’homme dans tout ça ? «L’homme doit résister, surtout s’il est une femme.» Ni manichéen ni larmoyant, un spectacle choral touchant de vérité… et d’espoir. Une autre femme, Angélica Liddell, a fait résonner ses mots de douleur et de colère. Invitée dans deux spectacles issus de sa trilogie sur la Chine, l’Espagnole torrentielle et incandescente présente dans Todo el cielo sobre la tierra sa version du

troupeau tu resteras ! Chacun s’en extirpera comme il peut. Avec à l’évidence un regard modifié sur la ville. DELPHINE MICHELANGELI

À lire sur www.journalzibeline.fr la suite des chroniques sur le Festival d’Avignon Festival d’Avignon du 5 au 26 juillet www.festival-avignon.com



Avignon en plein dans le OFF Jusqu’au 31 juillet, le festival Off égrène ses 1258 pièces dans tous les recoins de la ville. Qu’il soit danse, théâtre, performance, instructif, délassant, comique, incisif ou commercial, le spectacle est roi (du marché) !

Ubus de papier 16

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F E S T I V A L S

Après une première création avec des comédiens français en 2007, Alain Timar reprend le monument d’Alfred Jarry embarquant à ses côtés une troupe d’acteurs hongrois fabuleuse d’énergie. Ils sont douze : 6 Mères Ubu, 6 Pères Ubu interchangeables et reconnaissables au premier coup d’œil, et autant de personnages connexes, qui fanfaronnent à «s’en faire péter la panse» pour raconter à travers l’odyssée du

© Delphine Michelangeli

T H É Â T R E

couple mythique l’absurdité de la course au pouvoir, la réalité et la bassesse des comportements humains. Plateau nu mais ingénieusement habité par un amoncellement de papier que les comédiens utilisent et chiffonnent en dévidant un imposant rouleau kraft, pour fabriquer avec une rapidité démoniaque et une inventivité jubilatoire costumes, attributs et accessoires. À la trappe les crapules, usurpateurs, magistrats, financiers, autres sbires ou paysans d’un Royaume surréaliste, la mise en scène d’Alain Timar prend la folie des grandeurs pour ce qu’elle est ! Un Übu Király qui restera dans les petits papiers, semant la «merdre» pour mieux récolter les rires… sur nous-mêmes. DE.M.

Übu Király au théâtre des Halles du 6 au 28 juillet à 11h (relâche le 17) 04 90 85 52 57 www.theatredeshalles.com

Prendre le temps Dans C’est aujourd’hui demain ?, la compagnie Vauclusienne tendrement dénommée Bout d’Ôm, ouvre les fenêtres du temps aux enfants à partir de 6 ans. Papyrus et Papillon travaillent et rangent chaque minute dans leur Grande Fabrique du Temps, où de formidables et ingénieuses structures de jeu aux 1001 couleurs jalonnent le récit pour illuminer la perception que chacun a du temps. Mais quelque chose ne tourne plus rond dans cette petite entreprise, et Plume, virevoltant personnage qui aimerait grandir deux fois plus vite en modifiant l’ordre des choses et des lendemains, va leur apprendre à rêver. Pédagogique et flâneur, le spectacle

qui ne cherche pas à «faire moderne» et garde un charmant aspect artisanal, est rassurant et s’attache à offrir un temps de pause voluptueux à la découverte des émotions dans la course du monde. Parce que vivre ici et maintenant s’apprend dès le plus jeune âge, ce conte apaisant en donne les clés dans un temps joliment suspendu.

Oiseaux de rue Présenté en plein air dans la cour du lycée Aubanel, sur les chemins balisés du terrain de course, la Compagnie Ex Nihilo reformule le tourbillon de l’anonymat dans Trajets de Ville. Ces précurseurs de danse dans l’espace public, installés pourtant en région Paca, n’avaient jamais joué au Festival d’Avignon, ni dans le In ni dans le Off ; ils se placent avec ce projet dans une catégorie à part, tant leur poésie et esthétique détonnent dans un paysage souvent convenu. Magnifique danseurs -ils sont 9, on les croirait 100-, qui déambulent dans une course effrénée autour et à l’intérieur d’un cercle dessiné à la craie, leur circulation tient du miracle. Les corps sont tendus et électriques, les chocs inévitables donnant lieu à des rencontres fortuites, combats de rue ou étreintes passionnées, et des projections aériennes hallucinantes. Prodigieuses images arrêtées en plein vol, frissonnantes de grâce, sur les mots d’un arpenteur au micro qui guide les pas, rapides et assurés : «On ne se quitte plus, on se le dit que ce que l’on cherche est là», «ne ralentis pas, à gauche, plus vite, à droite, arrête». Le centre est l’arène de cet essaim en devenir, la vitesse le moyen de communication avec la violence du monde alentour et le regroupement opéré seul chemin des possibles. Prodigieux et hors du temps. DE.M.

DE.M.

C’est aujourd’hui demain ? à la Maison du Théâtre pour enfants jusqu’au 27 juillet (sauf 14 et 21) 04 90 85 59 55 www.festivaltheatrenfants.com

Trajets de Ville au CDC Les Hivernales jusqu’au 21 juillet (relâche le 17) 04 90 82 33 12 www.hivernales-avignon.com

Mirage Belge Les Belges ont décidément l’art et la manière de partir d’une idée commune aux plateaux de théâtre, la condition de l’homme, pour en faire un joyau de dérision et de drôlerie. Programmé par le théâtre des Doms aux Hivernales dans le cadre de l’été au CDC particulièrement danse, le spectacle imprononçable [Weltanschauung] de la Kosmocompany, soutenu par le lieu bruxellois de recherche L’L qui a le nez fin, est une peinture (rupestre) surréaliste, burlesque et jubilatoire, au pays d’Adam et Eve. Clément Thirion et Gwen Berrou, acteurs cocasses et

géniaux, dansent leur monde métaphysique et se mettent à poils (et en moonboots) pour partager leurs recherches sur la création du monde, naïfs lucides et généreux bipèdes évadés dont on ne sait quelle grotte, persuadés qu’ils vont sauver l’humanité. Appuyés par la vidéo qu’ils détournent, encore une fois de manière totalement inventive, ils nous prouvent, de la préhistoire à la musique de Klaus Nomi, tout le potentiel de la dynamique du serpent-ruban échappé d’un tableau expressionniste d’Emile Nolde et du pouvoir du cerveau et se replacent -avec quelle

grâce !- dans la marche du monde. Danse, théâtre, performance… le tandem réinvente la fable cosmique. DE.M. [Weltanschauung] au CDC Les Hivernales jusqu’au 21 juillet (relâche le 17) 04 90 82 33 12 www.hivernales-avignon.com Théâtre des Doms Festival Off jusqu’au 28 juillet 04 90 14 07 99 www.lesdoms.eu


© Spigo Films

C’est l’alarme L’argument de la pièce de Régis Vlachos, Partisans, se nourrit d’Histoire, évoquant la réunion clandestine du Conseil National de la Résistance le 27 mai 1943 à Paris sous la présidence de Rex, Jean Moulin. Trois personnages se trouvent dans l’antichambre, Yvonne accompagnant le représentant des socialistes, Robert celui des communistes et Marcel celui de la droite patriote. Le décor est posé par les sons : ceux du dehors, dont une arrestation en pleine rue, des mouvements dans les escaliers ; ceux du dedans : poste de TSF qui diffuse les airs de l’époque, radio-Londres, discussions de la pièce de réunion… Dans ce huis clos, l’enfer contre lequel on lutte vient de dehors. Mais les trois personnages se heurtent aussi à ce qui les oppose : Marcel a été formaté par des «valeurs» religieuses antisémites, Robert par un communisme aveuglé… Yvonne, juive, oppose sa finesse, et dévoile avec une amère lucidité les dessous de la réunion, qui a surtout pour but de légitimer de Gaulle et trouver des fonds… L’un des mérites de cette pièce est de retracer les motivations de cette période, rappelant les conquêtes du CNR (retraite ! sécu ! nationalisations !) et de les mettre discrètement en regard de nos luttes. Yvonne souligne énergiquement le scandale de l’oubli des droits des femmes (la moitié de la nation !) par les mouvements même dits les plus progressistes, Marcel parle de valeurs naturelles, Robert d’obéissance aux consignes. Partisans remue les mémoires mais aussi notre rapport politique au monde contemporain, dans un texte aux dialogues vrais, aux échanges rapides, sans tirade didactique, malgré des formules qui tranchent. Quelques moments semblent de trop : la violence décalée du «jeu de l’interrogatoire» déroute, comme les plongées en apartés dans les souvenirs. Mais on sourit aussi dans cette pièce grave, les acteurs sont très convaincants, et la mise en scène de François Bourcier jongle entre champ visuel et hors champ acoustique avec une belle maestria : une pièce didactique dans le bon sens du terme ! MARYVONNE COLOMBANI

Partisans au Théâtre des Barriques jusqu’au 31 juillet à 15h 06 52 37 67 41


Un formidable jeu de correspondances Sadeh21 © Agnès Mellon

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Chroma © Agnès Mellon

18 Lieu de tous les croisements, F le Festival de Marseille E danse et arts multiples S T aura été marqué par I des œuvres fortes, et V A lumineuses. Au sens où L S la lumière les pénétra de diverses manières D A N S E

Difficile de présenter en deux mots Ryoji Ikeda, figure majeure de la scène minimaliste électronique. Un «chef d’orchestre», certainement, car il manie à la perfection le son, l’image, les matières, les phénomènes physiques et les notions mathématiques. Quitte à déstabiliser notre écoute par l’avalanche de détonations visuelles et sonores, de vibrations, de partitions chiffrées, de phrases parfois faciles («Information is not Knowlegde»), de formes et de graphismes impulsés par le son. Qu’importe, son concert-performance Superposition propose une expérience cosmique dans une obscurité quasi totale, aux allures de rituel mystique. Même sensation d’immersion avec l’une des deux œuvres en dialogue du suédois Christian Partos qui emprunte aux nouvelles technologies leur vocabulaire plastique : dans M.O.M. (Miroir à orientation multiple), cinq mille petits éclats dessinent le portrait de sa mère disparue, apparaissant et disparaissant au gré de notre propre reflet qui, selon l’inclinaison de la lumière, le recouvre totalement. L’œuvre procède de la même geste que Sophie Calle affrontant la mort de sa mère dans son exposition-performance Rachel, Monique jouée au Festival d’Avignon 2012. La seconde, Step-MotorAnimations, est une œuvre à la table composée de deux disques en rotation éclairés par une lumière stroboscopique : l’effet de spirale entraîne dans son sillage l’image mille fois dupliquée de sa fille bébé. Seul bémol à cette double installation, le lieu -département spectacles vivants et hall d’entrée de l’Alcazar- qui a l’avantage d’être ouvert à un large public mais dont les espaces sont peu appropriés. Une galerie du réseau Marseille Expos aurait pu jouer la carte de l’art contemporain accessible à tous… Chroma de Shiro Takatani et Soleils de Pierre Droulers ont, dans des grammaires très diffé-

rentes, fait surgir de belles correspondances car ils partagent un même questionnement sur la lumière et entretiennent des relations intenses avec la couleur. Vibrantes même ! Chroma c’est le noir qui chemine vers la couleur, c’est la rédemption après la mort. Shiro Takatani, en maître du clair obscur, dessine dans une scène crépusculaire des images mouvantes sur le sol, découpe des silhouettes fugaces telles des ombres chinoises. Ellipses de danse surgies du tréfonds et murmures chuchotés dans un monde de lignes et de plans, d’images vidéo où le paysage se fond dans le paysage, où la toile disparaît du châssis et où les tableaux sont monochromes. Vivre Chroma sur scène a la même intensité que voir Le Carré blanc sur fond blanc de Malévitch ! Dans Soleils, Pierre Droulers nous ramène où la clarté se fait. Là où la lumière sculpte les silhouettes fuyantes, glissantes, quand la danse questionne le geste et le vide, quand les corps se musicalisent et drainent le rythme. Lancinant, entêtant, martelé au sol dans un souffle puissant. À la vitesse du feu la lumière passe de main en main, se propage ; elle est incantation quand le «dieu soleil» prend possession des corps emportés par le tempo des percussions.

Au-delà du cercle de lumière

Le Festival de Marseille connut d’autres instants magiques avec Bill T. Jonesqui, à l’issue de Play and Play : An Evening of Movement and Music, esquissa quelques pas de danse devant un public conquis par la gestuelle épurée de ses interprètes, l’élégance de ses chorégraphies, le mariage complexe de son écriture avec la musique de Ravel et de Mendelssohn. Ses trois pièces explorèrent tour à tour le champ de la mélancolie, le monde de l’image et le tourbillon de la vie. Même standing ovation pour Sadeh21 de la Batsheva Dance Company dirigée par Ohad Naharin. Le raz de marée émotionnel prit naissance dans une succession de figures au ralenti et de pas de deux énergiques, grossit à force de déhanchés joyeux et de diagonales ascensionnelles, s’immobilisa dans la violence d’un corps-à-corps explosif avant de culminer dans un ensemble exclusivement masculin, scandé, foulant la terre aux pieds. Un flux et reflux permanent jusqu’à ce que les corps disparaissent derrière le mur dans un ultime mouvement : «Je voudrais (…) que les murs tombent dans une interrogation commune, le temps d’une représentation.» C’est chose faite. Puis une ultime lumière noire venue d’Afrique du sud envoûta la dernière soirée du festival quand la pop instrumentale du quartet d’Éric Truffaz fit entendre la danse musicale de Gregory Maqoma. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Le Festival de Marseille a eu lieu du 19 juin au 12 juillet


U donc ! Il serait vain de tenter le moindre jeu de mots sur ou avec le nouvel opus transalphabétique d’Appaix : tout (Univers) y est envisagé avec la grâce (light) du biais (oblique), apanage tout aussi bien des oracles d’Apollon que de la course du crabe. Et il y a des deux dans ce spectacle qui monte, démonte et remonte, selon la démarche bien connue de la Compagnie La Liseuse, rien moins que les grands et les petits moments de l’aventure de l’écriture, de la flamme vacillante du premier feu (de bout en bout les images de Renaud Vercey sont de justes compagnes) au crépitement de la machine à écrire (le son d’Olivier Renouf est un bon compagnon). Rien d’épique ni de biblique dans cette entreprise, mais des corps pris à la lettre avec leurs bras et leurs jambes de danseurs qui semblent naître à un matin du monde par l’accolade, la tape amicale ou la torgnole (figure éponyme du précédent spectacle en T) marques pour soi de la présence de l’autre ; des voix aussi par des bouches en

O (joli duo primitif de Séverine Bauvais et Pascale Cherblanc) qui s’essaient au mot dans sa matérialité : les langues claquent, les gorges raclent et les lèvres vibrent. De la pierre gravée aux monuments fragiles de cartons qui s’écroulent parfois -car le gag y est inscrit-, la danse se fait étymologie d’ellemême via la calli/topographie : Georges Appaix se livre en chorégraphe qui doute et crée en arpentant régulièrement le territoire du plateau comme une page blanche ; les danseurs vivement se cherchent et se lient en jouant les minuscules, écrivent cachés dans leur cahier d’écolier et le spectacle se déploie en scrabble jubilatoire jusqu’au défilé lettriste des toges de papier. Plus poétique que jamais, il ne manque pas une cédille à ce U condamné à être une éternelle majuscule ! MARIE JO DHO

Univers Light Oblique a été créé au Festival de Marseille le 9 et 10 juillet

Alger, cité radieuse ? Ce que Le Corbusier n’a pu réaliser pour la ville dans les années 30, Hubert Colas le réussit somptueusement pour la Villa Méditerranée et le festival de Marseille : son Gratte-Ciel est magnifique, maîtrisé et sa ligne claire s’impose... celui de Sonia Chiambretto, moins bien dessiné, peine à s’élever. Autrement dit une mise en scène qui caracole toute seule légèrement à côté d’un texte qui hésite à en être un. L’auteure, poursuivant son travail de tricotage des mots des autres ( ici des entretiens sous diverses formes avec des algériens de tous milieux et de tous âges ) laisse la parole s’imposer -et ce respect est irréprochable-, mais aussi peser dans un empilement de matériaux où se croisent évocation de moments du passé bien connus, témoignages directs et fragments de vie actuelle ; «faits divers» qui appartiennent à l’histoire douloureuse ou relèvent du désir de vivre d’une jeunesse pleine de vigueur, universelle donc, tourmentée et légère comme un dialogue facétieux sur Facebook. Des personnages s’esquissent et s’effacent : Paul l’appelé éthique ou Hakim, leitmotiv incarné entre constat et injonction «Hakim court / Hakim, cours !» mais pour aller où ? Sans doute trop brut ou déjà un peu usé, le discours ne devient pas poème malgré le puissant travail scénographique et dramaturgique mené par Hubert Colas pour ses comédiens en empathie avec le vidéaste Pierre Nouvel. Autour, la plupart du temps, d’un podium / ring numérique lumineux en mouvement, les six comédiens pour la plupart «familiers» de la collaboration Colas / Chiambretto représentent et portent les paroles à bonne distance, toujours justes dans leur engagement et leur immersion bien calculée dans la mer d’images dont le flux et le reflux préservent le spectacle de la pesanteur didactique. M.J.D.

Gratte-Ciel de Sonia Chiambretto a été créé à la Villa Méditerranée en coréalisation avec le Festival de Marseille du 4 au 7 juillet


Annonces de Nurith Aviv

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F E S T I V A L S C I N É M A

D. comme Cinéma Partir en voyage avec le FID, le Festival International de Cinéma-Marseille, c’est prendre des risques ! Risque d’être agacé, charmé, décontenancé, enthousiasmé… Accepter de ne pas comprendre parfois, de vibrer, de s’ennuyer, d’avoir envie de quitter la salle et de rester malgré tout. Avoir envie de DÉCOUVRIR. La 24e édition qui s’est tenue du 2 au 8 juillet a démarré en beauté avec le film d’Alexey Fedorchenko, Celestial wives of the meadow Mari (voir sur le site FID sous influence).

Admiratifs… …devant le ciné-concert In The Land of the Head Hunters, en version restaurée avec une création musicale de Rodolphe Burger, un film de fiction qu’a réalisé le célèbre photographe Edward S. Curtis en 1914. Durant plusieurs mois, il a partagé la vie quotidienne des Kwakiutl (peuple amérindien) puis a mis en scène la quête initiatique et les aventures de Motana, fils du chef Kenada, amoureux d’une jeune fille promise à un sorcier. Les moments où Rodolphe Burger chante et accompagne à la guitare l’approche du cortège nuptial et les danses rituelles sont sublimes. …devant le film du cinéaste franco-mexicain Matías Meyer, membre du jury International, Los últimos cristeros, sorte de western métaphysique qui donne à voir les dernières semaines des cristeros, ces résistants d’une guerre qui a duré trois ans avec l’État mexicain, de 1926 à 1929, et a fait plus de 250 000 morts. Matías Meyer alterne plans d’ensemble de paysages montagneux ou de la sierra que traversent le colonel Florencio Estrada et ses hommes dont il filme en gros plans les visages émaciés, les regards, l’attente d’un lever de soleil après l’orage, ou la mort. Les dialogues sont le plus souvent des témoignages, et les acteurs, non professionnels, incarnant pour certains le rôle de leurs grands-parents, sont superbes. Une séance en partenariat avec les Rencontres du Cinéma Sud Américain.

Sous le charme Nurith Aviv interroge sept femmes, dont les philosophes Marie José Mondzain, Barbara Cassin ou la poète Haviva Pedaya, sur les récits des Annonces faites à Hagar, Sarah et Marie, rapportés par l’Ancien et le Nouveau Testament, et le Coran. Voix, photos

d’enfances, images en noir et blanc puis en couleur… Elles parlent de leur vécu, de leur interprétation des Annonces, comme des leitmotiv où elles évoquent tour à tour le rôle des femmes, la poésie, le passage de l’idole à l’icône. C’est intelligent et passionnant. Le film était présenté avec la SCAM. Autres femmes, celles que suit, au Liban durant cinq ans, Corine Shawi dans E muet. Deux d’entre elles parlent de leur vie amoureuse, s’interrogent sur leurs choix, se livrent avec franchise tandis que la troisième s’enferme dans le silence. À travers leurs portraits se dessine aussi, en creux, celui de la réalisatrice, et sa fascination pour ses personnages et leur complicité. Un regard de femme sur les femmes et l’amour. Dans Mille soleils, une jeune femme, Mati Diop, part sur les traces de Touki Bouki, film réalisé par son oncle Djibril Diop Mambety en 1972 à Dakar, et qui raconte leur histoire ; c’est à un nouveau voyage dans la capitale sénégalaise qu’elle nous convie, mélange subtil de fiction et de réel, histoire de famille, d’exil et de cinéma.

Émus Ver y Escuchar, voir et entendre, c’est bien ce qu’on fait au cinéma. José Luis Torres Leiva s’est intéressé, lui, à ceux qui ont une perception différente du monde, parce qu’ils sont sourds et/ou aveugles. Tous se parlent, s’interrogent, s’apprennent mutuellement le bruit

d’un caillou jeté dans l’eau, la lune, la forme d’une rose. Ils parlent avec leur bouche ou leurs mains dans une grande complicité avec leurs interprètes et avec le cinéaste : on sort très touché de ce film généreux et plein d’humanité. Dans son dernier film L’Image manquante, Rithy Panh, qui a déjà évoqué le génocide cambodgien sous la dictature des Khmers rouges, se retourne vers son enfance, recréant les images perdues d’un court bonheur familial puis de la tragédie avec des figurines de terre cuite peintes, objets qui portent une âme… On sort sous le choc de ce film présenté en partenariat avec les Actions Culturelles d’ARTE. On pourrait encore parler d’Instructions pour une prise d’armes, premier film, réussi, de Laurent Krief, du joli Hands me downs d’Yto Barrada présenté dans les Sentiers avec Fotokino, de l’étonnant Suitcase of love and shame que Jane Gillooly a réalisé à partir d’une valise contenant des heures d’enregistrement de deux amants, et bien sûr des films du «Saint patron» de la 24e édition, Pier Polo Pasolini. «Ab joy» ! ANNIE GAVA

☛ PALMARES •Grand prix de la Compétition Internationale : Mille Soleils de Mati DIOP •Grand Prix de la Compétition Française : Loubia Hamra (Haricots rouges) de Narimane MARI •Prix Georges de Beauregard International : Holy Field Holy war de Lech KOWALSKI •Prix Georges de Beauregard National : La Buissonière de Jean-Baptiste ALAZARD •Prix PREMIER (film) : Sienawka de Marcin MALASZCZAK •Prix du GNCR : Holy Field Holy war de Lech KOWALSKI •Prix Marseille Espérance : Holy Field Holy war de Lech KOWALSKI •Prix Renaud Victor : Loubia Hamra (Haricots rouges) de Narimane MARI •Prix des Rencontres Cinématographiques de Cerbère/ Port-Bou : Instructions pour une prise d’armes de Laurent KRIEF



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par cinq ! 22

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F E S T I V A L S M U S I Q U E

Du 6 au 11 juillet, Zibeline a assisté aux premières représentations du Festival d’Aix et propose un panorama en cinq actes de la cuvée 2013 : Rigoletto psy, Don Giovanni controversé, Elena retrouvée, Elektra choc, The House taken over en création 1. Secrets de famille Robert Carsen a plongé dans le secret du héros, difforme et laid, qui cache sous son masque de clown un double pétri d’amour paternel pour celle qui est sa raison de vivre : Gilda. Autour de ce rapport père-fille se construit un espace en profondeur : au premier plan Rigoletto, somptueusement porté par George Gagnidze, au second plan Gilda, divine Irina Lungu aérienne et profonde, puis la cour, incarnée par ce personnage frivole et léger, grand amateur de femmes qu’est le Duc, Arturo Chacon-Cruz, ténor chaleureux et puissant. C’est dans un décor de cirque où déambulent des danseurs, des filles légères, que se joue cette farce tragique jusqu’à la scène finale où l’on s’effondre en même temps que le bouffon maudit. Le London Symphony Orchestra, splendide, avec à sa tête Gianandrea Noseda, l’Estonian Philharmonic Chamber Choir, firent corps avec les voix et la mise en scène, transportant le public de l’Archevêché dans un spectacle total, magique à la hauteur du bicentenaire Verdi.

2. Limites de l’interprétation ? Quand une mise en scène, d’un opéra mythique tel que Don Giovanni de Mozart, suscite autant de controverses, alors la question mérite d’être posée : Dimitri Tcherniakov, génie ou imposteur ? Certainement un imposteur de génie. Trompés ceux qui pensaient assister à la pièce de Da Ponte tant le livret devient un prétexte

Elektra © Pascal Victor - Artcomart

à dé-construction, lieu de fantasmes du metteur en scène plus que véritable lecture «entre les lignes» du «modèle» initial. Et les autres ? Envoûtés par le spectacle proposé ! Théâtre fabuleux, drôle, subtil, au jeu d’acteur magnifique. Envoûtés par la capacité à considérer l’œuvre comme une matière vivante en mutation permanente, comme objet de réflexion dégagée d’une gangue normative et aseptisée. Doit-on poser des limites à l’interprétation ?

3. À ravir ! Elena de Francesco Cavalli n’avait pas été joué depuis 350 ans ! De quels plaisirs ne s’est-on privé ! La belle Hélène dans cette pièce en est à ses débuts de femme à ravir, pour une partition superbe, magnifiquement servie par de jeunes chanteurs bourrés de talent et la Cappella Mediterranea sous la subtile direction de Leonardo Garcia Alarcón. Anna Reinhold campe un Menesteo fragile et émouvant, Solenn’Lavanant Linke une bouleversante Ippolita. Le couple Elena (la soprano Emöke Barath) Menelao (le contre-ténor Valer Barna-Sabadus) est exceptionnel. Le naturel et la fausse ingénuité d’Elena face au trouble amoureux du jeune homme, conscient déjà du caractère éphémère de son succès, sont un régal. Les duos des jeunes gens sont des instants de pur bonheur. Chaque spectateur est ainsi happé, ravi par ce petit bijou enfin retrouvé !

4. Elektrachoc ! D’abord parce qu’Evelyn Herlitzius est tout simplement exceptionnelle, petit bout de femme tout à la fois fragile, belle et puissante Electre. Parce qu’autour d’elle le plateau est royal avec l’immense wagnérienne Waltraud Meier (Clytemnestre), Mikhail Petrenko (Oreste) ou Adrienne Peczonka (Chrysothémis)… Parce qu’ensuite la mise en scène de Patrice Chéreau propose une vraie lecture de Strauss et Hoffmannsthal, loin de la caricature et du

mythe «à l’antique» où chaque personnage a sa chance : défendre son point de vue, se laisser aller au doute, à la nuance… Parce qu’enfin Esa-Pekka Salonen accomplit aux pupitres de l’Orchestre de Paris un travail de symphoniste, donne à entendre toute la richesse polyphonique des thèmes, motifs, accents, dans la clameur d’un langage harmonique aux limites du chaos, exprimant, plus loin encore, les limites du verbe… On a rarement, dans une vie de spectateur, la chance d’assister à ça !

5. La maison du bonheur The House taken over de Vasco Mendonça, d’après Julio Cortazar, narre l’histoire d’un frère et d’une sœur névrosés, reclus dans la maison familiale. Ce couple, très bien joué par Oliver Dunn et Kitty Whately déambule dans un espace qui progressivement se rétrécira jusqu’à la claustration totale. La tension permanente dans laquelle nous installe le jeune compositeur portugais, par une écriture très tendue jouant en permanence avec les dissonances, les oppositions de registre, les sonorités dures et âpres, finissent à la longue par affaiblir le drame. La profondeur psychologique des personnages, la dimension psychanalytique de l’œuvre aurait mérité un traitement instrumental plus en profondeur, moins «illustratif», et une dialectique plus fine entre texte et musique. Du beau théâtre plus que de l’opéra ! MARYVONNE COLOMBANI, CHRISTOPHE FLOQUET ET JACQUES FRESCHEL

Festival d’Aix jusqu’au 27 juillet 0820 922 923 www.festival-aix.com Retrouvez tous ces commentaires plus développés sur le site www.journalzibeline.fr)



Des nombres porte-bonheur

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Bonheur d’un lieu délicieux, le château Pontet-Bagatelle, plaisir d’entendre des artistes qui interprètent, mais aussi créent selon leur sensibilité propre, voilà ce que sait offrir le Festival international de guitare de Lambesc par l’association Aguira et ce pour la 13e édition. Le public fidèle a pu ainsi applaudir les 50 ans de carrière de Jorge Cardoso, le directeur artistique du festival et des guitaristes du monde entier. On a pu remarquer ainsi le jeu très précis et intérieur de Ryszard Balausko (Pologne) sur Villalobos ou Antonio Ruiz Pipo, celui passionné de Jose Luis Ruiz del Puerto (Espagne) sur des pièces de Torroba ou La Mort inquiétante de Marco Tomas.

Révélation : le jeune musicien Eren Süalp (Turquie) avec des pièces de Bayraktar ou ses créations comme le délicat Raindrops. Enfin, magique, Paco Ibañez. Hommage bouleversant à Moustaki avec En Méditerranée, et «ses pays oubliés que la guerre moissonne», à Brassens, «le Bach de la chanson française», à la Provence avec André Peyron. Paco Ibañez rappelle que «la terre a besoin que l’on prenne soin d’elle», lance ses foudres sur l’espionnage américain, s’insurge sur l’omniprésence de l’anglais qui fait disparaître toutes les autres langues, se réfère à La pensée unique de Claude Hagège, rappelle la beauté unique de chaque langue… En bis, il offre à un public

Saveurs d’été Comme chaque année, dispersé sur différentes communes de ToulonProvence-Méditerranée, le Festival Estival de Toulon a repris ses quartiers à Ollioules, Six-Fours et dans son port d’attache à la fin du mois dernier. Faute de Collégiale Saint-Pierre fermée cette année pour travaux, les amateurs ont dû se rabattre sur l’étonnant édifice néocontemporain qu’est l’église Sainte-Anne à l’architecture moins convaincante que son acoustique. On pouvait y entendre une première fois Jordi Savall et son ensemble Hespèrion XXI, suivis quelques jours plus tard de Fabio Biondi et L’Europa Galante jouant eux aussi sur instruments d’époque. Le répertoire baroque ainsi mis à l’honneur prenait un sens tout à fait singulier mettant l’auditeur face à une réalité qui a longtemps été occultée : en effet, qui dit musique concertante ne dit pas forcément musique pour grand ensemble mais simplement jouer ensemble. De cette communion naissent des dialogues instrumentaux d’où émergent aussi progressivement des solistes, une dualité très bien mise en évidence par les musiciens. On peut également parler de communion avec le Quatuor Psophos tant la complicité qui unit ses membres semble évidente à l’écoute. Agrémentée de la venue d’Emmanuelle Bertrand pour deux quintettes (F. Schubert et T. Gouvy), l’homogénéité de la recette ne faisait aucun doute tant l’adjonction d’un second violoncelle aux quatre cordes initiales semblait avoir inspiré aux compositeurs des combinaisons sonores multiples. En point d’orgue à ce Festival, Ferenc Vizi et l’Ensemble Cifra ont fait vibrer l’enceinte de la Tour Royale au son de mélodies tziganes et des fameuses Rhapsodies Hongroises de F. Liszt. Malgré une amplification (in)délicate, ce métissage populaire/savant distillait une chaleur bienvenue lors de cette fraîche soirée. EMILIEN MOREAU

Le Festival Estival de Toulon et sa région a eu lieu du 25 juin au 11 juillet Fabio Biondi et l'Europa galante © Emilien Moreau

Paco Ibañez © Maryvonne Colombani

debout Andaluces de Jaen. On sort plus riche, animés par la force enthousiaste et humaniste de ce grand compositeur interprète.

Le 13e Festival international de guitare a eu lieu à Lambesc du 30 juin au 6 juillet

MARYVONNE COLOMBANI

Pastré en majesté

Ensemble C barré © Dan Warzy

La Campagne Pastré a servi d’écrin à une manifestation unique. Jusqu’à minuit le parc a été exeptionnellement ouvert aux déambulations libres du public venu passer la soirée en famille. Soirée aussi inattendue qu’inoubliable qui clôture le programme du Festival de Marseille en partenariat avec le GMEM ! Le vagabondage proposé à travers bois et prairies permettait de croiser danseurs et conteurs tout en captant des sons venus des arbres ou du sol, des voix, des gargouillis créant une atmosphère étrange et apaisante à la fois. Autour de l’étang, les reflets des arbres dans l’eau nous faisaient perdre nos repères, les ombres grandissantes de la nuit trouées de quelques lumières se mettant à l’unisson de l’Appel des carillons de Llorenç Barber et des percussions de Philippe Foch. Plus loin le canal était occupé par la symphonie des Gouttes prolongées de Pierre Berthet ; dans le sous-bois on était surpris par les rugissements rauques d’Isabelle Duthoit et le violoncelle de Didier Petit. On ne pouvait ni tout voir ni tout entendre mais le public a été conquis par la proposition de l’Ensemble C Barré qui a entre autres donné des pièces du libanais Zad Moultaka et du jordanien Saed Hadda. CHRIS BOURGUE

La Nuit Pastré s’est déroulée le 12 juillet


chœur d’enfants composé de la classe de 6e CHAM du collège Mignet et la classe de CM2 de l’école Sextius, mené avec une belle justesse par Anne Périssé dit Préchacq, présente le travail d’une année, rigoureux, précis, attentif aux aptitudes de chacun, qui s’inscrit dans le cadre du service éducatif du Festival d’Aix-en-Provence. Tout est réglé au millimètre, les déplacements, les expressions, les voix, les récitatifs, sur le superbe arrangement orchestral de Frédéric Isoletta au piano. On suit les démêlés de Pepícek et Aninka face au terrible accordéoniste Bundibár. Les enfants triomphent bien sûr. L’annonce finale, rappelant les conditions de

Les voix d’Aubin © Gilbert Ceccaldi

JACQUES FRESCHEL

Le festival De Vives Voix a eu lieu du 3 au 5 juillet à Marseille

MARYVONNE COLOMBANI

Flamenco vibrant Cette année le programme du Festival Côté Cour est tourné vers la Méditerranée, dans le cadre de Marseille-Provence 2013. Le 13 juillet, la jeune andalouse Rocío Marquez, revisitait un flamenco profond, cante hondo (ou jondo) en hommage à ses illustres anciens : Juanito Valderrama, Niña de los Peines, Niña de Antequera, Terremoto de Jerez, Antonio Chacón, Camarón… mais avec un regard tourné aussi vers le quotidien. La pétillante chanteuse étale une technique parfaite de souffle, sons filés, crescendo puissant, où se greffent des ornementations par paliers sans fin : impressionnant ! Le guitariste Alfedo Lagos, aux sonorités magiques, apporte avec ses rasgueados endiablés et ses golpes la fougue indispensable, suivant la soliste et son incroyable duende (virtuosité, transe). Jorge Perez, cajón et percussions, improvise, colle au chant et à la guitare avec la science de l’écoute. Les chants viennent de la vie quotidienne : amours, passions, joies, pleurs, projetés par une voix magnifique, inflexions puissantes ou très intériorisés. Elégante, sensible, lumineuse, Rocío est engagée dans ce combat permanent entre tradition et modernité. Une superbe découverte dans le cadre majestueux du Pavillon de Vendôme. YVES BERGÉ © Yves Bergé

4 juillet : soirée de plein air au Théâtre de la Sucrière ! On fête les 10 ans du Festival De Vives Voix qui étoile, sous la houlette d’Odile Lecour, les nuits du 15e arr. de Marseille. «Carte blanche» est donnée au fidèle Alain Aubin ! Le contreténor convoque une pléiade de musiciens, tisse avec la soprano Muriel Tomao de suaves duos qui nous bercent d’harmonies acidulées en vagues ternaires... À l’invite du vocaliste Gino Sitson, le public s’en mêle, ébauche un fond sonore sur lequel le Camerounais lance sa voix-trompette rythmée au tambour de ses lèvres… Jacques Chalmeau revêt le frac d’un pianiste à la palette fine, accompagne le chant, se jette en acrobate dans une transcription de Rhapsody in blue. Des cuivres de l’Orchestre du Pays d’Aix l’escortent dans sa métamorphose de maestro… Au final, il mène à sa main une impressionnante mosaïque de chœurs dont l’engagement fait plaisir à voir, à entendre, l’orgue aussi de Christian Guida, la clarinette basse de Magali Rubio… On recrée AOÏDE, oratorio qu’Alain Aubin avait pensé pour la soirée d’ouverture de MP2013 à la Major. Quel bel hymne à Marseille, puissant, épique… évoquant aussi la traversée tragique d’Africains, Ulysses miséreux bercés par des sirènes trompeuses, s’échouant aux portes de l’Europe ! La polyphonie tisse un dialogue porteur d’espoir entre les rives de la Méditerranée, appelle au renouveau d’une ville qu’on aime autant qu’elle irrite…

Brundibár a été donné les 21 et 22 juin au Camp des Milles dans le cadre du Festival d’Aix-en-Provence

la création et le sort des petits interprètes, à Terezìn, qui venaient reprendre le rôle de ceux qui disparaissaient et ce pour les 50 représentations qui furent données de 42 à 44, accorde à cette œuvre un caractère poignant audelà de toute mesure.

À venir Concert de L’Hostel Dieux le 24 juillet Musée Granet, Aix Enco De Botte & C° le 28 juillet Pavillon de Vendôme, Aix 06 83 60 19 80 www.festival-cotecour.org

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On peut commencer par les points communs : mêmes dates, 18991944, même parcours, camp de Terezìn, chambre à gaz d’Auschwitz, le 17 octobre 1944, tous deux musiciens, tous deux décrétés «musiciens dégénérés»… Tous deux enfin ont été joués lors du Festival d’Aix en juin au SiteMémorial du camp des Milles cette année. Délicatesse du Quintette à vent opus 10 de Pavel Haas, pour flûte, hautbois, clarinette, cor et basson, en première partie. Les musiciens, tous professeurs au conservatoire d’Aix savent rendre la sensible sérénité de la partition. Quel plateau ensuite pour l’interprétation de Brundibár, opéra pour enfants, de Hans Krása ! Un

Brundibar © Vincent Beaumes

Bouleversant

M U S I Q U E


Théâtre buissonnier

M U S I Q U E

L’Aubagnaise Quel immense projet participatif ! Monter L’Arlésienne de Bizet avec des chœurs amateurs, sacrément bons, mis en scène et se déplaçant dans un espace très contraint, au milieu de comédiens professionnels, de chanteurs lyriques semiamateurs, de l’orchestre Divertimento complété par des professeurs du Conservatoire d’Aubagne… Quel beau dynamisme, quelle ressource dans la pratique artistique possède cette petite ville qui croit à la culture ! Le résultat artistique compte-t-il ? Et bien oui, et le moindre des respects que l’on doit à une telle entreprise est de la critiquer comme on le ferait d’une autre. Techniquement, il y a des défauts. Certains dus à l’annulation de répétition générale pour cause de pluie… qui a rendu parfois incertains les déplacements de foule et trop sommaires les effets de lumière ; d’autres au net manque de voix des solistes, doublé pour le ténor d’une maladresse scénique et pour la soprano d’un vibrato peu sûr ; d’autres à L’Arlésienne elle-même, musicalement sublime, mais comme Carmen franchement énervante par moment avec son homme envoûté par une femme démon, et ramené par sa mère abusive vers une nunuche. La Reine d’Arles, présente dans la salle et saluée par les Élus, perpétue cette tradition provençale contre laquelle nombre de voix s’élèveraient si elle venait de l’autre rive de la Méditerranée... Les qualités ? L’orchestre Divertimento dirigé par Zahia Ziouani sonne bien, chaleureux, arrondi, et la chef porte dans ses bras une expressivité sans borne… même si quelques départs étaient approximatifs ; l’adaptation et la mise en scène de Renaud Marie Leblanc, qui coupe dans la Suite orchestrale, fait sonner les dialogues, ajoute quelques airs de Carmen, donne de la présence scénique au Chœur par quelques gestes, est d’une générosité qui transparaît à chaque instant. Le résultat ? Une véritable joie commune…

Le Théâtre Durance offre au début de l’été des Escapades hors de ses murs, investissant les places. À Peyruis, le 4 juillet, le cirque Triskel apportait une lecture principalement des mythes celtes. Homme et nature y sont intimement liés, les druides et les rois se transforment en animaux. L’harmonie entre monde animal et humain se transcrit en métaphores. La première partie du spectacle s’inspire de la légende de la création celte entre le dieu des forêts et la déesse des eaux avec de curieux personnages, mi-hommes mi-animaux, dotés de masques aux élytres étranges. Cernunnos s’éveille… les mythologies s’entrecroisent. La deuxième partie plus contemporaine s’élève dans les agrès pour des chorégraphies aériennes aussi époustouflantes que maîtrisées. Les circassiens de ce bel ensemble connaissent tous un parcours mêlant les disciplines du cirque et de la danse (Covent Garden, Fratellini, Cirque de Moscou…). La perfection des mouvements, jusqu’aux pointes ou aux écarts vient sans conteste du classique. Les musiques choisies jonglent entre les airs bretons, irlandais, écossais, galiciens, africains… tout est en fluidité, équilibres, souplesse. Les numéros individuels ou «polyphoniques» s’enchaînent avec légèreté, n’hésitent pas à jouer avec le public nombreux et conquis. Une heure, c’est bien court ! MARYVONNE COLOMBANI

AGNÈS FRESCHEL

Les Escapades se sont déroulées du 4 au 6 juillet L’Arlésienne a été créée à Aubagne le 20 juin

Bien garni Les 20 ans de la Fête du Panier en même temps que la Fête de la Musique… Dommage, il a fallu choisir… entre une fête de quartier musicale qui ne déçoit jamais et un gratin de variété sur le Vieux-Port, présenté par Patrick Sébastien (s’il vous plaît !)… Comme chaque année, de nombreux concerts variés étaient programmés sur les six places du quartier historique de Marseille, où la foule chante, mange, danse et boit… Une fois de plus le pari est réussi : la Fête du Panier a réuni tous les Marseillais pour un grand moment populaire, festif et fédérateur. Parmi la trentaine de prestations proposées le 21 juin, retenons

Mention spéciale pour le Docteur ès funk marseillais Selecter the Punisher (organisateur entre autres du festival Tighten Up !) qui ouvrait (place des 13 Coins) et clôturait (place de Lenche) cette soirée. Deux sélections haut de gamme de pépites soul-funk-hip hop, parfaitement mixées, qui ont ensorcelé doucement le public jusqu’à l’explosion finale.

© Kevin Derveaux

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F E S T I V A L S

© Marc Munari

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© M.C.

KEVIN DERVEAUX

La Fête du panier a eu lieu les 21 et 22 juin à Marseille

celle de la Cumbia Chicharra qui a sérieusement chauffé la Place du Refuge de ses irrésistibles vibrations latines, et celle du trio

jamaïcain The Abyssinians, une harmonie vocale céleste sur le rythme envoûtant du reggae… Solaire.



Mi mutant, Mi troublant

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Idée peut-être un peu trop audacieuse que d’ouvrir les nuits de Mimi par la création de Franck Dimech Shadoks Forever. Cette adaptation de la série animée culte en concert théâtre sur une musique de eRikm a dû en dérouter plus d’un. Vêtus de langes, ces Shadokslà ne pompent pas mais s’agitent, détruisent, combattent, découvrent, éructant leur fameux «Ga Bu Zo Meu». Une allégorie plus que jamais d’actualité sur la marche insensée d’un monde qui s’uniformise tout en se clivant. Le lendemain, pour la «Nuit des doigts dans la plaie du rock», les avant-gardistes dadaïstes du rock étaient au rendez-vous : Père Ubu. Entre riffs presque noisy et thérémine omniprésent, la sauce prend vite sous les colonnes illuminées de l’hôpital Caroline. Et malgré un Thomas Bonvalet un peu trop solitaire juste avant les papys de Cleveland, les Avignonnais d’Algecow avaient ouvert le plateau au soleil couchant, tels deux agités doués apprivoiseurs de sons et de rythmes que les goélands résidents ne sont pas prêts d’oublier. La 3e soirée a fait la démonstration que sans costumes ni décor, ni même orchestre symphonique, un opéra pouvait être de qualité. Créé par le contre-ténor congolais Serge Kakudji, Muindaji Opéra est le récit des épreuves traversées par des Africains expatriés. Un des atouts du trio reste l’émotion transmise par la maîtrise des nuances. Les doigtés délicats du

Pere Ubu © F.I

pianiste et de la flutiste oscillent brillamment du crescendo au decrescendo. C’est ensuite Jeff Mills, l’un des pionniers de la techno, qui entre en scène accompagné de la danseuse Raphaëlle Delaunay. Dotée d’une technique implacable, elle enchaîne les déhanchés insolites laissant ce corps musclé s’entremêler aux images intergalactiques projetées. The Gateway était présenté pour la première fois aux festivaliers qui ont également eu le privilège d’assister, en clôture du festival, à une autre création, coproduite par MP2013, celle de Rodolphe Burger, Le cantique des cantiques &

Le Festival Mimi a eu lieu du 4 au 7 juillet sur les îles du Frioul, Marseille

zy

Une très belle édition du Charlie Jazz Festival vient de s’achever dans cet endroit propice aux découvertes. Lieu majestueux, organisation détendue à l’efficacité redoutable, programmation musicale éclectique, autant d’ingrédients pour un résultat mémorable. L’accueil du public a été considérablement repensé, avec de nouveaux espaces de circulation et de restauration. Le collectif d’artistes plasticiens Arroseur Arts Osés a présenté des œuvres au caractère souvent incisif, ancré dans l’air du temps, les photos de Gérard Tissier ont résumé l’activité de l’association. Au final, c’est toute une poésie du lieu que l’on fait sourdre. Honneur est fait aux grands «Charlie» de l’histoire du jazz (Mingus, Parker, Haden) par le Méditerranean Charlie Orchestra qui a ouvert ce festival. Réunis autour de la compagnie Nine Spirit, dirigé par Johan Farjot et

FRÉDÉRIC ISOLETTA, ANNE-LYSE RENAUT, THOMAS DALICANTE

War Kellylee Evanc © Dan

Bienheureux festivaliers !

Hommage à Mahmoud Darwich. Entouré notamment de l’excellent Mehdi Haddab au oud et de Ruth Rosenthal et Rayess Bek au chant, l’ancien compositeur d’Alain Bashung a réussi à extraire de deux œuvres poétiques sublimes, l’une issue de la Bible, l’autre du plus grand poète contemporain du monde arabe, une pièce musicale d’une parfaite unité, au tempo lancinant et aux sombres envolées.

Lors du troisième et dernier jour, après Papanosh et la Tit’fanfare, la rencontre avec la chanteuse Kellylee Evans fut merveilleuse. Un quintet en parfaite osmose. Enfin, bouquet final exceptionnel avec le quartet d’Avishaï Cohen, contrebassiste exubérant, au grand talent et au grand sens du partage. Les ramures des platanes ont probablement dû agir, diffusant une énergie bénéfique à la création d’instants inoubliables. Remercions encore les musiciens, mais aussi les bénévoles et techniciens qui ont œuvré tels des catalyseurs de plaisirs pour offrir un événement vraiment exceptionnel. DAN WARZY

sous la direction artistique de Raphaël Imbert. Un projet impressionnant. La journée du samedi voit un public très nombreux avec le trio Marcel et Solange et la Fanfare d’Occasion qui exploitent le lieu de leur présence

originale. Le duo explosif pianotrompette d’Antonello Salis et de Fabrizio Bosso a conquis de nombreux amateurs. Le quintet d’Ibrahim Maalouf présente son projet tendre, doux et épuré, celui de son dernier CD Wind.

Le Festival Charlie Jazz Festival a eu lieu les 5, 6 et 7 juillet au Domaine de Fontblanche à Vitrolles



Drames d’amour Écrin grandiose et magnifique, les Cours du Château de l’Empéri ont accueilli le 24e Festival Théâtre Côté Cour

Jeux de séduction © X-D.R

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F E S T I V A L S M U S I Q U E

Embastillée, Madame de Rosemonde attend son exécution. Et se souvient. C’est le point de départ, et le fil conducteur, de ces Liaisons dangereuses adaptées du chef-d’œuvre de Choderlos de Laclos par Régis Mardon et Pascal-Emmanuel Luneau. Transposée au début de la Révolution française, l’histoire ne perd rien de sa force ni de son intérêt. Sans doute est-ce du aussi à la mise en scène de Patrick Courtois, qui, d’une élégante simplicité, mêle des flashsback, procédé éminemment cinématographique, aux costumes d’époque (magnifiques !), rendant le propos moderne et lumineux ; il s’appuie aussi sur le jeu exceptionnel des comédiens, chacun incarnant avec force et conviction roueries, abus

et descente aux enfers… Quelle finesse dans le jeu des regards de la marquise de Merteuil et son complice le vicomte de Valmont, tout en perfidie et duplicité, dans celui de Madame de Rosemonde quand, sa vie défilant, elle ne peut que se plier à ce destin si cruel, dans celui de la pieuse présidente de Tourvel, en proie au trouble et à la capitulation, ou dans celui de la pieuse Cécile de Volanges, qui se révèle être éminemment vengeresse quand sonne le glas… Du grand théâtre ! DO. M.

Les Liaisons dangereuses ont été jouées le 2 juillet

Les amants de Vérone Dans la Cour Renaissance du Château, la Compagnia Dell’Improvviso interprétait Roméo et Juliette de Shakespeare. Bonheur de voir jouer une vraie troupe de théâtre, avec sa belle complicité. La mise en scène de Luca Franceschi est à la fois simple et inventive : un même espace devient par l’énonciation des didascalies une place, une salle de bal, une chambre, un tombeau ; les costumes se changent sur des tenues de ville, les tabourets et bancs qui servent de sommaire décor sont mus par les acteurs, sans que jamais l’illusion théâtrale se dissipe. À sept, les comédiens endossent tous les rôles avec une verve enthousiaste. Un esprit de commedia dell’arte flotte sur l’ensemble, on rit beaucoup, trop ?, dans cette tragédie dont le texte connaît quelques libertés ! Petit bémol, Roméo manque un peu de la fraîcheur innocente que réclame le rôle, alors que Juliette est toute de finesse émerveillée. Le trio Zéphir sur scène apporte un contrepoint dramatique par ses compositions et sous-tend l’action d’une vibrante émotion. Un grand moment de théâtre. MARYVONNE COLOMBANI

Roméo et Juliette a été joué le 8 juillet À voir aussi au Festival Off d’Avignon, au Théâtre La Luna jusqu’au 31 juillet (relâche le 29)

Saltimbanques dans l’potager Saveurs poétiques du Moyen Orient... Voilà ce que proposait Caressez le potager le 11 juillet. Comme chaque année, ce festival marseillais, qui réunit culture et environnement, s’est installé trois jours dans l’écrin de verdure du Parc de la Mirabelle, dans le 12e arrondissement de Marseille. Pour sa dixième édition, le Festival présentait une création de la Compagnie Messieurs Mesdames (coproduction MP13), Nasruddin Circum. Ce spectacle unique met en musique et en espace les aventures de Nasruddin Hodja (récit du XVe siècle) et les textes d’Orhan Pamuk (auteur turc contemporain, Prix Nobel de littérature en 2006). Pendant plus d’une heure, un narrateur partage la scène avec un

avec grâce les différents tableaux et les chorus improvisés des musiciens ; le quartet, quant à lui, distille un savoureux cocktail de jazz et de musique du monde qui confirme le grand talent du saxophoniste et compositeur Didier Labbé. Une prestation à la fois riche et légère qui permit à tous, parents comme enfants, de se régaler, «le cul dans l’herbe et la tête dans les étoiles» ! KEVIN DERVEAUX © Kevin Derveaux

danseur, quatre musiciens (saxophone, tuba, guitare et davul) et un âne (véritable star des jeunes spectateurs). Le texte oscille entre le récit initiatique et le conte philosophique. La mise en scène parvient à main-

tenir l’attention du spectateur grâce un subtil équilibre entre le théâtre, la musique et la danse : le conteur est porté par des thèmes musicaux orientalisants qui accompagnent les mots jusqu’aux oreilles et rythment le récit ; le danseur illustre

La 10e édition du Festival Caressez le potager s’est déroulée du 10 au 12 juillet à Marseille


de canne ondoyant sous le vent… la vidéo convoque aussi des gens croisés là… le propos prend des allures universelles, chaque mémoire se retrouve dans ces fragments de vie. Un banc face aux images autorise une mise en abîme du spectacle, qui s’amorce par les gestes de la danse de rue avant les envolées vertigineuses sur le mât, ou les batailles mimant celles des coqs exposées en images. Les trois artistes, Anthony Anna, Erick Lebeau, Vincent Maillot, évoluent avec une fluidité et une élégance qui font oublier la folle difficulté des acrobaties exécutées. L’ensemble résonne des superbes compositions d’É. Lebeau au chant, contrebasse et guitare. Le public est debout, transporté.

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Dobout an Bout a été joué à Pertuis le 20 juin

MARYVONNE COLOMBANI

© Alain Fonteray

De quoi Phèdre -«regarde moi, c’est elle»- est-elle coupable / victime ? La question court encore et du cœur de sa vitalité terrible est né le projet itinérant et polyglotte de Jean- Baptiste Sastre ; de Lorient à d’autres bouts de monde le poème dramatique de Frédéric Boyer déracine le mythe, permet justement son envol et transporte une parole errante qui fait halte là où ça fait mal : désir bafoué, cruauté, violence, solitude ; l’homme, la femme et les Compagnons d’Emmaüs par exemple ; belle rencontre de théâtre qui croise les exclusions pour les sublimer. Ce soir de juin les platanes tordus de la Communauté de la Pointe Rouge font office de colonnes sous la lune, et la poussière vole comme dans l’arène sous les cavalcades du chœur «fragile» (compagnons de diverses communautés, «Strassenchor» de Berlin, Tintin, Walter, Roberto ou Naïma, voix et corps éraillés parfois, magnifique dignité toujours…) qui accompagne les Phèdre et les Hippolyte dont les affrontements, mis en scène sans redite dans les trois langues des acteurs, scandent l’avancée du poème partagé. Saisissant et incontestable, le spectacle s’impose parce qu’il semble rétablir à chaque instant l’équilibre menacé du monde : le rayonnement sombre de Hiam Abbas, actrice de cinéma bien connue, ou la puissance mate de JeanBaptiste Sastre en Hippolyte impur, cynique et brutal (duo pasolinien en diable !) accompagnent sans l’écraser la subtile étrangeté du couple allemand avec sa Phèdre transexuelle et monumentale ou la sensualité plus convenue du couple italien ; quand le souffle est coupé par le geste (la main agressive d’Hippolyte plaquée au sexe de Phèdre) ou la parole («j’ai pris la lune dans mon ventre»), la musique frêle du piano électrique égrène une variation Goldberg ou le chœur clame avec humour son animalité façon «nous sommes tous des cachalots». L’éthique se fond ici dans l’artistique comme la poésie dans la matérialité cahotante de la langue. Gageons que ce soir-là chacun est reparti bouleversé avec son ombre tragique. MARIEJO DHO

Phèdre les oiseaux a été donné à la Communauté Emmaüs de la Pointe Rouge, Marseille, et au Bois de l’Aune à Aix-en-Provence du 19 juin au 2 juillet

Black (and gay) is beautiful

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Migrations

Tout commence par la fin du Lac des Cygnes, musique de Tchaïkovski, sur un plateau nu. Bruits de coulisses, les danseurs à tutus blanc saluent le mur du fond, applaudissements lointains… Entrée en matière irrévérencieuse, prélude à la chorégraphie inventive et virtuose de Dada Masilo, Swan Lake. Le ballet mythique est pris d’abord en objet d’observation didactique, paradigme archétypal de tous les ballets : un meneur de revue qui ne dédaigne pas l’esquisse de gestes techniques parfaitement maîtrisés, présente sur un mode parodique les caractéristiques du ballet romantique, défilé des personnages, des attitudes déterminées par les règles immuables de cette forme très codifiée, agrémentée par les ondulations des ailes et… les ébrouements des fesses ! Car ces codes explosent, fusionnent avec d’autres formes, celle de la danse africaine, orientale, french cancan, revue, danse contemporaine dans une harmonie nouvelle et jubilatoire. Le conte primitif lui aussi est détourné, s’ancrant dans les problématiques actuelles : les marieurs et décideurs sont blancs (évocation voilée de l’Afrique du Sud ?), le prince est gay. On passe par tous les registres de l’émotion, du rire franc aux larmes retenues, avec la sublime mort des cygnes sur la musique d’Arvo Pärt. Dans le grandiose amphithéâtre de Vaison servi par une technique parfaite, l’effet est sublime ! MARYVONNE COLOMBANI

Swan Lake s’est donné le 13 juillet dans le cadre de Vaison danses, qui se poursuit jusqu’au 28 juillet © John Hogg

D A N S E

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Avec la tournée du spectacle Dobout an Bout de la Cie Cirquons Flex, le mois de juin a vu encore une belle initiative du Bois de l’Aune, qui irrigue le Pays d’Aix de productions et de coproductions d’une grande qualité permettant à de petites villes de proposer des œuvres de premier plan. Dobout an Bout joue entre les différentes formes d’expression que sont la vidéo, la danse hip hop, les voltes circassiennes, la moringue, art martial cousin réunionnais de la capoeira, la poésie déclamée (deux fonnkèrs, sorte de slam créole, écrits par Francky Lauret)… tout se fond en une écriture ferme d’une belle densité. La scène s’orchestre entre un mât central de six mètres, et deux grands écrans sur lesquels sont projetées des images de la Réunion, rues animées, marché, champs

© Vincent cactus Vanheck

Entre Fonkér Kréol et Moringue

T H É Â T R E


Yvan Salomone, 0558_1005_demoiselles, 2005.coll.Frac Paca

Jean-Jacques Rullier, Fragments de la coexistence des mondes, vitrine sur le site de Saint Blaise, 2013 © C.Lorin-Zibeline

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Un peu plus loin Trois artistes et quatre propositions interrogent notre appréhension et les représentations d’un territoire moins repéré que celui des grandes métropoles voisines. Le Pays de Martigues existe-t-il vraiment ? Parmi les problématiques soulevées dans le projet Ulysses initié par le FRAC PACA, la question du territoire constitue un enjeu majeur. Quatre artistes y répondent selon leurs modalités singulières et plusieurs œuvres inédites dont un drôle de film à propos d’un pont… Au Centre Fernand Léger à Port-de-Bouc dédié aux pratiques amateurs d’arts plastiques, Yvan Salomone expose une sélection de ses Aquarelles de la collection du FRAC PACA. Avec les potentialités d’une technique qui permit à Cézanne de renouveler le genre du paysage et initier l’art moderne à partir d’un territoire et d’un motif uniques, ses peintures issues d’un protocole immuable renvoient moins à des sujets précis qu’aux images que nous pourrions avoir du territoire industriel, portuaire ou plus naturel, pour renvoyer aux alentours du lieu de présentation, Port-de-Bouc, entre opacité et transparence, figuration et typologie mentale. Au musée Ziem et sur le site archéologique de Saint Blaise à Saint-Mitre-les-Remparts, JeanJacques Rullier suscite notre réflexion en demi-teintes. Fragments de la coexistence des mondes, ce sont dix avatars scientifiques de vitrines inventées en résonnance avec le site, les méthodes et les finalités archéologiques. Que gardons-nous ? Dans quelles visées ? Pour quel interlocuteur ? Que représentent-ils d’une société ? Verrerie vernaculaire, petits soldats ou barrières et murets en plastique… supputent un statut d’objets comme traces d’une archéologie

réinventée. Le travail plus subtil tant par la technique du dessin que par les extrapolations qu’il suggère, se découvre dans la salle des exvoto du musée Ziem.Le Glissement des croyances rend compte de voyages réels et ré-imaginés de l’auteur en illustrateur ou cartographe humaniste comme en témoigne cette carte de Jérusalem détaillant les différents quartiers répartis selon les trois religions monothéistes coexistant sur un même espace. Considérant un seul lieu -le pont levant de Martigues filmé en plan fixe depuis la salle de vigie dans le cycle naturel d’une journée-, Fabrice Lauterjung ouvre à l’universel, porté par la complexité de la mise en œuvre. Narrations parallèles (histoire en sous-titres à propos d’une langue qui n’existe pas), décalées, plans fixes contre mouvements du monde extérieur vu à travers les vitres de la cabine ou transmis par les écrans de contrôle, temporalités disjointes, réalité distendue entre intérieur et extérieur, objectivité des images/ déréalisation via la transmission télévisuelle. Amer (repère) pour les marins œuvrant sur la petite mer de Berre car postée sur la colline, la chapelle (dite des marins) dans laquelle est projeté Et quand il eut passé le pont se fait vigie aveugle, abri d’un regard intériorisé tourné vers le dehors. Au passage d’un bateau entre deux mers, clivage et lien entre deux rives, le pont s’ouvre et se referme sur de multiples (ir)réalités que n’épuisent ni le langage ni les images, vers d’autres rives, à partir d’un simple huis clos. Les

œuvres présentées ici rappellent sous leurs formes poétiques qu’un territoire n’existe pas en lui-même. Il est celui que nous nous en faisons. CLAUDE LORIN

Escale sur la petite mer jusqu’au 13 octobre Musée Ziem, Martigues 04 42 41 39 50 Notre-Dame de la Miséricorde, Martigues 04 42 44 35 62 www.ville-martigues.fr Site archéologique de Saint-Blaise, Saint-Mitre 04 42 06 90 61 www.paysdemartigues.fr Centre Fernand Léger, Port-de-Bouc 04 42 43 31 20 www.portdebouc.fr


Ça c’est le bouquet ! La ville d’Istres a passé deux commandes à Daniel Buren dans le cadre de la restructuration de son centre ville. L’ancienne Pyramide rouvre en espace d’exposition avec une proposition éphémère typique de l’artiste. Enthousiasme mesuré en attendant la suite, celle-ci pérenne L’art peut servir l’image des puissants, des collectivités publiques notamment, sollicitant un grand nom et/ou une grande œuvre ? Parfois plus que l’œuvre c’est le (re)nom qui compte… Les jeux d’eau et de remises en forme ont définitivement cédé la place sous les charpentes obliques de la Pyramide istréenne. L’espace privé puis municipal en déshérence languissait entre une sérieuse remise en état, son éradication ou une redestination de sa fonction. C’est désormais chose faite sur les propositions de Daniel Buren dans le cadre de son intervention éphémère commandée par la ville. Structures aquatiques et de gymnastiques rasées, bassins comblés. Place nette pour un gigantesque palais des glaces. Car le miroir c’est pratique. Ça reflète, déforme, chacun y voit ce qu’il peut, se déplace et se contorsionne cherchant un point de vue surprenant, les combinaisons possibles de mise en abyme, pour petits et grands. Effets photogénique et photo-souvenir garantis -ou pour les plus érudits la rue pavoisée du 14 juillet de Monet si on inclut les tôles colorées de la toiture. Portée superficielle ? Avec l’énigme contenue dans le titre de l’installation, l’artiste titille l’intelligence du visiteur attentif.

«5 couleurs moins une» Daniel Buren lors de l'inauguration de Un bouquet 5 couleurs moins une, Istres 2013 © D.Lorin-Zibeline

L’amusement premier se transforme en jeu de piste visuel. Il faut donc lever les yeux vers la verrière rayée de couleurs transparentes. Alors que Daniel Buren contrarie franchement l’oblique de l’ancienne structure– «ici j’ai vraiment travaillé contre le lieu»- avec quatre panneauxmiroirs monumentaux en face à face, il conserve cependant la coiffe triangulaire zénithale y ajoutant de la couleur (il a été peintre). Bleu, jaune, rouge, magenta, blanc (le translucide sert d’intervalle neutre) et vert. Sitôt la réponse obtenue, un sentiment de satisfaction amu-sée et éphémère vous envahit. Nonobstant, que reste-t-il de cette expérience si ce n’est un plaisir rappelant celui éprouvé dans un palais des glaces (que ne reniera point l’enfant qui sommeille en chacun) à cinq euros l’entrée ? La seconde œuvre qui occupera le parvis du nouvel hôtel de ville sera pérenne et gratuite. Mais l’artiste se plait à gérer la surprise. Ce sera pour la rentrée… ludique ? C.L.

Un bouquet : 5 couleurs moins une, travail in situ jusqu’au 31 décembre La Pyramide, Istres www.istres.fr/mp2013


Delphine Gigoux-Martin, Ce que j'aimais..., installation video,tapis suspendus, renards naturalises, 2013. © C. Lorin-Zibeline

Au-delà des murailles

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A U P R À Tarascon, au château du Roi René l’art contempoO rain rejoint l’univers fabuleux du mythe. De méditerranée G d’autres Ulysse ont abordé sur les rives du Rhône R parcours emprunte l’itinéraire de la visite patrimoniale du A Le monument presque entièrement rénové accueillant le Centre M d’Art René d’Anjou. La complexité architecturale contraste avec M la restitution de la superbe pierre de Fontvieille débarrassée de E ses anciens oripeaux (vieilles cimaises, enduits…), révélant de E X P O S I T I O N S

salle en salle l’imposante architectonique et quantité de graffitis, traces d’une histoire complexe. Il ne faut donc pas ménager son effort depuis la chapelle basse protégeant la première œuvre rencontrée de Jean-Pierre Formica. Deux gisants de sel sur leur barque de Camargue funeste rappellent les couples immortalisés de la littérature ou conservés dans la pierre. Un groupe pétrifié est immobilisé, plus loin des aquarelles et céramiques polychromes évoquent un rivage extraordinaire en écho à celui troublant de François-Xavier Courrèges ou les paysages indicibles d’Ariane Michel. Le mythe et la légende s’incarnent dans des objets prodigieux ou surnaturels. Des poissons de méditerranée radiographiés au-delà des apparences pour Ben Attar, un gigantesque poulpe/nautilus (avatar aquatique de la Tarasque ?) de Christian Gonzenbach, les cerveaux volants et cerveaux roulants de Nicolas Rubinstein, trois têtes de cerfs en céramique émaillée et un lapin-témoin solitaire en attente, à même la pierre de Françoise Pétrovich qui signe aussi l’entrée du site avec un Télémaque adolescent rouge guerrier en vigie. Pénélope et Ithaque sont proches. Delphine Gigoux-Martin a conçu plusieurs pièces spécifiques dont une théâtrale installation où se condensent le voyage et l’attente, la cartographie et le tissage suspendant des tapisseries à travers notre chemin pour conclure avec une forêts de javelots d’acier et de verre rappelant l’étape ultime d’Ulysse face aux Prétendants. En invitant aussi le projet collaboratif Ping-Pong de l’Atelier Municipal d’Arts Plastiques, et en évitant les poncifs historicisants accolés au monument dont il a la charge, son conservateur, Aldo Bastié, a su trouver une réécriture suffisamment signifiante, ouverte et poétique faisant cheminer l’univers des œuvres contemporaines avec le patrimonial pour rejoindre des mythologies plus lointaines. C. L.

Rives imaginaires, sur les pas d’Ulysse jusqu’au 31 octobre Centre d’arts René d’Anjou, Château de Tarascon 04 90 91 01 93 http://chateau.tarascon.fr www.mp2013.fr

Francois Morellet, vue partielle de l'exposition 5x3, Le Box, 2013_ au premier plan Beaming Pi 300, 2002 © C. LorinZibeline

En droites lignes Dans l’anse portuaire de l’Estaque, Le Box relève la gageure d’offrir un espace permanent à une collection privée, dédié à l’art contemporain, le fonds M-ARCO. Pour compter dans le concert du renouveau culturel marseillais avec François Morellet en ouverture À la faveur de la restructuration de leur entreprise (Féraud CFM), Marc et Marie-Hélène Feraud ont décidé en 2009 de consacrer les presque mille mètres carrés d’un hangar, ancien box d’abattage, à la présentation d’œuvres et d’artistes de leur collection et en lien avec elle. Un white cube industriel réhabilité sans fioritures. Un peu austère. Une volonté en adéquation avec les appétences esthétiques des propriétaires séduits par les tendances minimalistes : «Cela nous est venu au fur et à mesure. J’étais déjà entourée dans mon enfance par des tableaux, avec mon grand-père, mon oncle venu s’installer en Provence… Nous avons forgé notre goût, beaucoup voyagé et regardé pour savoir devant quelles propositions on réagit le plus. Nous apprécions ces artistes qui travaillent dans des formes rigoureuses, la géométrie, l’abstraction, le dépouillement. Nous allons d’ailleurs vers des œuvres de plus en plus radicales» précise Marie-Hélène Féraud. Marseille 2013 a été l’opportunité pour le couple de mécènes d’ouvrir cet espace au public au-delà du cercle privé et professionnel poursuivant leur implication sur le territoire : comme co-fondateurs de Mécènes du Sud en 2003, avec les expositions Charlton/Traquandi en 2011, une nouvelle génération de l’abstraction en 2012 puis le démarrage de résidences d’artistes et acquisition d’œuvres auprès de jeunes créa-

teurs comme Florian Schmidt plus récemment. Avec François Morellet un nouveau cap est franchi. «C’est sur la suggestion d’un galeriste parisien que nous l’avons sollicité. Il nous a fait cette proposition à partir des plans que nous lui avons envoyés.» L’ensemble comprend six pièces anciennes et neuf inédites -peintures, sculptures, néons, adhésifs sur murs- qui structurent et rythment l’espace d’accueil non sans une élégance rigoureuse recherchée. Les trois sculptures Beaming PI 300 (une un peu reléguée dans un angle) en sont les principaux acteurs. Développées en modules orthogonaux sur le nombre PI, laquées noir, ocre et rouge, elles forment un contraste majeur avec les autres œuvres au mur plus discrètes mais étonnamment présentes, dont les Double sens 1, 2 et 3 (avec néons) ou Tamponnade 1, 2 et 3 relevant du jeu mathématique et linguistique particulier à l’artiste. Le titre lui a aurait été inspiré par le mot tapenade, la spécialité bien connue ! C.L.

François Morellet, «5x3» jusqu’au 20 septembre Fonds M-Arco, Le Box, Marseille 04 91 96 90 02 www.m-arco.org


Le souffle et la matière Sous le dôme en verre en partie occulté de son atelier rue Curiol, devenue Crouli pour le romancier Jean-Pierre Ostende dans sa nouvelle Femmes trouvées en ville, Yazid Oulab a le geste précis de l’artisan et les outils de l’ouvrier. Ceux qu’il utilise lorsqu’il sculpte la matière, et ceux qu’il réinvente en leur conférant le statut d’œuvre d’art. D’objets précieux. Clous dessinés sur le papier, clous surdimensionnés en inox poli posés au sol comme un mikado (ensemble intitulé Alif, comme la première voyelle), Couteau de 7 x 116 x 14,5 cm au manche en bois et à la lame en graphite exposé sur une stèle, ensemble de Vis/Boulon en graphite délicatement présenté en vitrine, fil de fer barbelé tordu fièrement accroché au mur… Ce même fil de fer qui écorche la paume de sa main lorsqu’il emprunte à Rimbaud quelques vers des Illuminations : «Ô cette chaude matinée de février… Ô l’autre monde». Tentative magnifique de rendre ce matériau, agressif, plus tendre… Il y a ces matières, humbles, et tous ces objets usuels, plus humbles encore, dont il s’empare pour représenter des Fragments d’humanité. Comme si un souffle mystique les habitait, les traversait. Yazid Oulab invente son alphabet du monde dans le silence de son «laboratoire», là où il aime réfléchir, lire, créer des formes longilignes, des tiges qui s’élèvent, «noircir à la bombe des objets mixtes», se saisir de ses outils pour faire ses armes d’aujourd’hui. Et s’interroger : «Comment relier ma propre histoire familiale, les deux rives, toutes les

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Yazid Oulab, vue de l'exposition au FRAC Provence-Alpes-Cote d'Azur, 14 Juin - 1er septembre 2013 © J-C. Lett-Frac Paca

histoires de l’art ? Comment donner image à la poésie ?». Sous les hauts espaces bruts du Frac, Yazid Oulab «se fait conteur» par pièces interposées, dévoilant un penchant pour l’épure et la monumentalité, le minimalisme et la fragilité, le noir et la transparence. Corpus cohérent et homogène -même si les matériaux et les formes sont multiples- né de ses questionnements sur les objets (le clou et le couteau… Abel et Caïn), les signes (tracés enchevêtrés ou arabesques tourbillonnantes), les médiums (avec eux toute l’histoire de l’art), les images (dans la vidéo Oud, l’instrument de musique suggère «un monde intérieur en appel d’éveil»), le geste artisanal (comme dans

la menuiserie familiale) et les mots… Dont le puissant Mektoub : c’était écrit. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

jusqu’au 1er septembre Frac Paca, Marseille 2e 04 91 90 30 47 www.fracpaca.org À lire Yazid Oulab Textes de Olivier Kaeppelin, Fadila Kateb, Julia Marchand, Pascal Neveux. Nouvelle de Jean-Pierre Ostende, Femmes trouvées en ville. Éditions du Palais, 24,50 €

L’île aux femmes L’accostage sur les rives de Babilary, l’île imaginaire de Aïcha Hamu, n’est pas sans risques car le mythe de la plage paradisiaque est cousu de fil rouge. L’artiste nous transpose dans cet îlot de la mer de Chine laissé au pouvoir des femmes par l’effet d’une incroyable transfor-mation du Pavillon de Vendôme en canevas grandeur nature : du sol au plafond, un fil en coton tisse des points de fuite et construit des architectures spatiales d’un tableau à l’autre… du Portrait présumé de Ga-brielle d’Estrée et de sa sœur la duchesse de Villars, dominant l’escalier monumental, à Vue de l'exposition de Aicha Amu, Pavillon de Vendome, Aix 2013 © Jean Bernard toutes «les couseuses» piquées dans le panthéon transfigurés, son mini Récamier recouvert de de l’his-toire de l’art ! Reliées entre elles, les toiles toile noire brodée de vers grouillants n’incite pas profanées (des copies photographiques) servent au repos des courtisanes… Pas plus que sa de décor à une exposition clairement théâtrale. sculpture sonore, Anticipation, clin d’œil à la Car Aïcha Hamu a fait table rase du mobilier -à trappe du souffleur dissimulée sous une épaisse quelques exceptions près- pour conserver de la moquette lie de vin, qui joue du décalage et de la splendeur de l’hôtel particulier de modestes disparition. Ici, pas de pétales de rose sur le tapisseries avec lesquelles elle joue de transpa- parterre d’opéra ! Le voyage en terre «babilarence dans Hyphen, photographies de personnes ryenne» est tout sauf idyllique quand, brouillant en transe dont elle ressuscite l’empreinte par un les rapports d’échelle pour mieux manipuler savant procédé technique. Face à ces visages notre regard de lilliputien ou de Gulliver, elle fait

dégouliner du plafond peint une sculpture en cuir tressé couleur sang de bœuf (Rem-brandt et Picasso veillent sur elle), radicalise son évocation des jardins de Babylone (23 modules en bois, peinture et cheveux composent cette Dystopia évolutive), reprend à son compte les sculptures molles de Robert Morris pour créer son bestiaire. Avec interdiction de l’approcher, car les courbes moelleuses des cygnes n’empêcheront pas la sourde menace de leur cou tendu… M.G.-G.

Titre de l’exposition emprunté à P.-Fr. Guyot, abbé Desfontaines, Le Nouveau Gulliver ou Voyage de Jean Gulliver fils du capitaine Gulliver. Traduit d’un manuscrit anglais par M. l’abbé de L. D. F., Paris 1730. Babilary Acte 2 de l’exposition collective Tisser des liens (Zib’62) jusqu’au 29 septembre Pavillon de Vendôme, Aix-en-Provence 04 42 91 88 75

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Points de vue du Panorama 36 A U P R O G R A M M E

Parfois les expositions ne sont pas là où elles devraient être. Prenons l’exemple de L’Atelier Van Lieshout, l’équivalent du blockbuster Le Grand Atelier du Midi pour l’art contemporain, qu’on attendait voir déployer son manifeste utopiste dans les travées du [Mac]… et bien non, c’est à la Tour Panorama que ce laboratoire de pensées fait le buzz et attire la presse nationale et internationale ! Rebelote avec l’exposition des lauréats de la Fondation d’entreprise Ricard, Les Archipels réinventés (2), qui peine à trouver son rythme dans les galeries voutées du Centre de la Vieille Charité, inadaptées à la présentation d’installations qui nécessitent une vision distanciée et à la projection de vidéos qui requièrent une vraie insonorisation. D’autant qu’il sera difficile de déplacer les foules sur le seul nom des 15 artistes lauréats1, pour certains émergents pour d’autres confirmés, même si le Centre national d’art et de culture GeorgesPompidou y est associé puisque leurs œuvres figurent dans ses collections… La présentation des œuvres primées par la Fondation d’entreprise Ricard entre 1999 et 2012 relevait plus du Cartel, justement, que des missions d’un musée. À moins que le [Mac], tout entier occupé par Le Pont (Zib’64), n’ait pu l’accueillir, alors qu’il présentait en 2009 les lauréats du Prix HSBC pour la photographie… Sauf qu’à force d’acheter des expositions «clef en main», on finit par y perdre son âme. Même surprise avec le Centre national des arts plastiques qui déploie une partie de sa collection photographique à la Tour Panorama à

L'Atelier Van Lieshout - Au premier plan, Table with Mexican Crokery dessinee pour la salle du conseil de Slave City, Atelier Van Lieshout © MGG-Zibeline

l’invitation de La Friche et de MP13 : quand son directeur Richard Lagrange déclare «être heureux d’aller à la rencontre d’un public plus diversifié avec un médium plus accessible», on E comprend que sa présence ici est inhabituelle et X que ses partenaires traditionnels sont les musées P et autres sites patrimoniaux. De là à rêver du O musée Cantini ! Certes on ne boudera pas notre S plaisir, car pour déplacer une partie du fonds photographique (676 œuvres sur 11 000) et I imaginer d’autres regards sur les œuvres, le T CNAP a fait appel à l’artiste Patrick Tosani et au I scénographe Pierre Giner. Le résultat est une O invitation à réfléchir sur notre manière physique N d’appréhender la photographie, dans une vraie S proximité grâce à des plans inclinés, avec un déroulé sans début ni fin et un ordre alphabétique «qui exclut les arrangements entre artistes». Sur deux plateaux, Des images comme des oiseaux raconte en pointillés la force des courants de la photographie des XXe et XXIe siècles à travers une sélection qui donne la priorité aux Exposition Empreintes et passa ges a l'acte - Extrait de La Gabb ia (La Cage), installation video presentee dans l’exposition Empr images plus qu’aux de Romina de Novellis eintes et passages a l acte © MGG -Zibeline artistes, aux notions d’échelles et de rapports au corps. Ce qui fait tout son suc.

AVL en figure de proue L’Atelier Van Lieshout est la colonne vertébrale d’une programmation orchestrée par Le Cartel (réseau des six structures2 arts visuels de La Friche à l’origine de sa première venue à Marseille) sous le titre générique New Orders. Son regard prospectif

sur les comportements humains et les sociétés modernes sert de point d’appui à la revue web Additionnaldocument.org de documentsd’artistes.org qui tire les fils de la réflexion en intégrant diverses contributions d’auteurs, philosophes, sociologues, artistes, chercheurs sur la notion de «qualité dystopique du monde». Son œuvre, qui fait exploser les frontières de l’art, irrigue aussi Empreintes et passages à l’acte conçue par Mehdi Brit : réunissant les éléments constitutifs à la performance, cet art de la représentation, du geste, de l’accessoire et du corps mis en jeu, les propositions des 14 artistes interagissent selon un processus lié à la mixité et à l’autocritique. Le point d’orgue est son exposition monographique The Butcher dont le volet le plus intéressant est Slave City, projet écrit de 2005 à 2008 basé sur la critique d’un univers rationaliste où le profit est le pivot central. Un monde qui tourne en boucle sur lui-même. Et le plus surprenant celui consacré à Blast Furnace (Haut fourneau) réalisé à l’échelle du dernier étage du Panorama, œuvre monumentale dans ses proportions qui bouleverse les notions de sculpture et tente -vainement- de réunir l’humain et la machine… Mais AVL n’a pas dit son dernier mot puisque Le Dernier cri l’invite à son projet de sérigraphies Seven Prints ! et Art-O-Rama dévoilera l’œuvre de commande Excrementorium, espace de discussion composé de toilettes assemblées autour d’un cercle. Enfin, en miroir aux thématiques qui lui sont chères (la nourriture, l’autonomie, les rituels, les cultures), l’exposition No Fear, No Shame, No Confusion réunira les travaux de Liz Magor, Jean Marie Appriou, Andrea Büttner et Laure Prouvost. Rendez-vous est pris en octobre. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI


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Lauréats de 1999 à 2012 : Didier Marcel, Natacha Lesueur, Tatiana trouvé, Boris Achour, Matthieu Laurette, Mircea Cantor, Loris Gréaud, Vincent Lamouroux, Christophe Berdaguer & Marie Péjus, Raphaël Zarka, Ida Tursic & Wilfried Mille, Isabelle Cornaro, Benoît Maire, Adrien Missika, Katinka Bock 2 Astérides, le Dernier cri, Documents d’artistes, Art-O-Rama, Sextant et plus, Triangle France

À voir The Butcher Atelier Van Lieshout jusqu’au 31 décembre Empreintes et passages à l’acte Exposition et performances jusqu’au 15 septembre Excrementorium Atelier Van Lieshout Cycle de discussions du 30 août au 1er septembre Exposition du 30 août au 7 septembre Seven Prints ! Projet de sérigraphies du Dernier cri du 30 août au 7 septembre No Fear, no Shame, no Confusion du 11 octobre au 2 février 2014 www.cartel-artcontemporain.fr et Des images comme des oiseaux Une traversée dans les collections du CNAP jusqu’au 29 septembre à la Friche la Belle de mai, Marseille 3e www.lafriche.org Les archipels réinventés (2) Prix fondation d’entreprise Ricard

Douce France… L’œil rieur de Jacques Henri Lartigue est d’une fraicheur insubmersible. Par tempête ou sous le soleil, amis, famille, célébrités, enfants sont photographiés avec la même élégance sur les plages de Normandie, du Pays Basque ou de la Côte Photographie Jacques Henri Lartigue d’Azur où il s’est éteint en 1986 / Chou Valton, plage de la Garoupe. Juillet 1932 à 92 ans. Ce sont Les amies de © Ministère de la Culture – France / AAJHL ma mère en goguette à Etretat en 1910, Kees van Dongen en peignoir de bain et tableau qui s’y glisse comme lorsqu’André Habonnet, Florette dont on ne distingue que les guet peigne sur le motif au Cap du Dramont en ongles carmin s’aspergeant le corps, Bibi, sa 1919. Mais le plus surréaliste est la série sur le femme, qui paraît bien frêle dans le port de tournage du film Les aventures du Roi Pausole Marseille en 1928… En ce temps là, sur les pla- pour lequel des dizaines de naïades alanguies ges, les «bourgeois» discutaient, jouaient au jouaient les figurantes… Bien avant les sulfucerf-volant ou lisaient The Discovery of India de reuses icônes de Helmut Newton ! Nehru ! Images instantanées ou apprêtées, c’est M.G.-G. le temps des loisirs et de l’insouciance que LarRivages tigue surprend avec ce sens exquis de la pose, jusqu’au 29 septembre des cadrages impeccables, des dégradés de Maison de la Photographie, Toulon noirs au blanc sublimes. Comme s’il regardait le 04 94 93 07 59 monde avec légèreté et bonheur : les voiles des www.toulon.fr goélettes flottent au vent comme les jupes des À voir aux Rencontres d’Arles (voir p38), Bibi, dans la demoiselles ! Ses photos ressemblent à des taChapelle des Trinitaires (jusqu’au 25 août). bleaux mis en scène avec des acteurs (ses proches et sa famille), quand ce n’est pas le

E la nave va… Antoine Boudin est un homme de la mer même s’il est né en Avignon ! La canne de Provence est passée entre ses mains de designer et il n’a d’yeux que pour elle : l’herbe est légère, flexible, imputrescible, naturellement vernie et étanche. Idéale pour construire un Gaubeja en Mar avec une «fine équipe de bons amis», et laisser à Jean-Baptiste Warluzel le soin de filmer l’assemblage dans, dessus et sous l’eau. Un vrai miracle ! Diplômé de la prestigieuse École cantonale d’art de Lausanne en 2008 et lauréat de Vue de l'exposition arundo e estrambord de Antoine Boudin au Moulin, La Valette, 2013 © Guillaume Guillet-Le Moulin

Centre de la Vieille Charité, Marseille 2e 04 91 14 59 18 www.culture.marseille.fr

À lire Des images comme des oiseaux Édition bilingue français-anglais Coédition CNAP et Loco, 35 €

la bourse Agora en 2011, Antoine Boudin, en résidence à la Villa Noailles à Hyères, a investi l’Espace d’art Le Moulin transformé en «capitainerie» le temps de l’exposition arundo e estrambord. Aux couleurs sang et or de la Provence. Il a reconstitué et posé à terre Gaubeja en Mar dont on peut suivre la performance en vidéo, installé à ses côtés une embarcation réalisée pour l’occasion, Quieu Bagna II. Merveille de simplicité, métaphore du ventre de la baleine… Il dévoile les coulisses de son atelier d’habile artisan où sont soigneusement rangés outils, croquis (fac-similés de ses carnets de notes) et objethèque. Alignés au cordeau la Famille de bilboquets Pitchoun h en canne de Provence, cuir et soie, bientôt éditée par l’atelier petith-hermès, partenaire de la bourse Agora, des lampes de lecture, des chaises en lamelles d’agave ou de canne, une planche de surf… La traversée se termine par une installation en hommage à Joseph Beuys, version kit de survie en mer de sa pièce culte The Pack. M.G.-G.

Les archipels réinventés Coédition Centre Pompidou et Fondation d’entreprise Ricard, 19,90 €

jusqu’au 29 septembre Espace d’art Le Moulin, La Valette-du-Var jusqu’au 31 octobre Jardin remarquable de Baudouvin, La Valette-duVar 04 94 23 36 49 www.lavalette83.fr

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Pas tout vu (mais on s’en fout un peu) 38 A U P R O G R A M M E E X P O S I T I O N S

Même en ramenant la thématique jusqu’au noir et blanc, les événements arlésiens pour la photographie dispensent continûment une offre pléthorique In and Off. Qui peut le plus… Qui déplorera une telle concentration de (re)découvertes possibles ? Le syndrome de Stendhal menaçant au détour, les organisateurs du In auraient pu saisir l’opportunité de la thématique pour aérer quelques cimaises, aux ateliers SNCF en particulier. Si cette profusion convient au travail de Gilbert Garcin ou Pieter Hugo ou au déploiement d’une thématique sensible avec Keep your eye on the wall (éditions Textuel), elle se justifie moins ailleurs si ce n’est de surjouer la présentation/spectacularisation (Moriyama), parfois au détriment de la photographie elle-même comme la théâtralisation des images de Jean-Michel Fauquet ou la dramatisation d’un message (Alfredo Jaar). Et quand et où pourra-t-on s’arrêter... s’asseoir… et prendre le temps d’apprécier une image pour ellemême et soi-même? En abondance et toute discrétion à L’Atelier du Midi -qui effectue un travail remarquable depuis nombre d’années–, le projet Caravanes, décalé dans sa thématique avec justesse, propose un bel accrochage intégré à cette maison-galerie malgré des contraintes et des moyens trop connus (label MP13 mais sans les euros). La variété des clichés sans hiérarchisation entre amateurs/professionnels/célébrités constitue un parcours visuel aux multiples entrées en seulement quelques mètres carrés (voir Pierre Jamet aux Ateliers). Chez Voies Off la sélection se veut une réelle découverte. Yusuf Sevincli sait faire surgir d’étonnantes ambiances (vue onirique d’une ruelle interlope envahie par des apparitions au Magasin electrique - Daido Moriyama, Labyrint + Monochrome, vue partielle © C.Lorin-Zibeline

Brigitte Bauer, photo extraite de la video Three of us, coproduction B.Bauer-Voies Off, 2013.

à la galerie Voies OFF Yusuf Sevincli, Good Dog © Yusuf Sevincli

d’oiseaux) mais l’ensemble issu des séries Good Dog et Post apparait bien disparate. Lors de la projection de Three of us de Brigitte Bauer une partie du public semblait contenir son enthousiasme. Cela est sans doute dû à cette distanciation particulière qui imprègne les images retenant une complète empathie envers ces trois jeunes photographes d’origines différentes se questionnant sur leurs perspectives artistiques et leur devenir matériel. À prendre une posture «objective» la photographie ou le récit filmique atteignent-ils leur objet pour le spectateur ? Faisant fi de la thématique générale, des programmateurs maintenaient la couleur (Sassen, Sugimoto, Tillmans, Eldagsen…) et, pour certaines œuvres à la limite de sa disparition comme dans Mer Méditerranée au Grand Radeau de Thibault Cuisset (Le pays clair, éditions Actes Sud). Mais en passant de l’Espace pour l’art aux Ateliers pour de plus grands formats ces paysages avec leur part d’intimité y gagnaient-t-ils vraiment? Et puis Lartigue (Bibi pas tant réjouie), Parks, Larrain, Penone, Assier toujours entre deux rives, les révolutions basculées de Sugimoto, la présence de Minkkinen… à revoir posément s’il nous reste des vacances. CLAUDE LORIN

Arles in Black jusqu’au 22 septembre 04 90 96 76 06 www.rencontres-arles.com Festival Voies Off 04 90 96 93 82 www.voies-off.com L’Atelier du Midi 04 90 49 89 40 www.atelierdumidi.com Espace pour l’art 04 90 97 23 95 www.espacepourlart.com


Art-O-Rama Le principe d’Art-O-Rama est immuable : 17 galeries internationales élisent parmi les 4 artistes du Show Room celui qui bénéficiera d’un solo show l’année suivante. Et le gagnant est… l’artiste marseillais Yann Gerstberger dont on découvre les nouvelles productions. Petite singularité à signaler : la présence de L’Atelier Van Lieshout (voir page 36) qui dévoilera Excrementorium, objet d’une commande spécifique. M.G.-G. du 30 août au 7 septembre La Cartonnerie, Marseille 3e 04 95 04 95 36 www.art-o-rama.fr © Veronique Bigo

GAG-Gerstlberger 2013 © Gerstberger

39 A U P R O G R A M M E

Véronique Bigo Le monde des objets n’a plus de secrets pour Véronique Bigo à force de leur tirer le portrait ! Mais au-delà des «images connues ou reconnues de notre mémoire collective», c’est leur âme qu’elle surprend au bout de son pinceau. Au Silo, la monumentale Salle des Mamelles se prêtera au jeu de ses dessins et peintures, notamment le 5 décembre lors de la vente aux enchères organisée par l’étude Leclère. M.G.-G. La voleuse d’objets du 14 septembre au 23 décembre Le Silo, Marseille 2e www.silo-marseille.fr

A R T S

Agnès Mellon Photographe de presse et auteure, Agnès Mellon hante les plateaux de théâtre et de danse en toute discrétion. Ce qui lui permet de capter l’expression des corps au plus près, de donner à voir leur respiration profonde… De ses immersions dans les lieux de la création, elle offre des portraits comme des autoportraits, sensibles, à fleur de peau. M.G.-G. Identité jusqu’au 25 août Klap, Marseille 3e 04 96 11 11 20 www.kelemenis.fr

Identité © Agnès Mellon

© Emilie Perotto

Émilie Perotto La sensation produite par Émilie Perotto à Art-O-Rama en 2009 se poursuit avec Lent Dehors qui fait se confronter dessins, photographies, vidéos et sculptures d’échelles différentes. Jouant des espaces et des vides, des formes («lances», «rambardes») et des matériaux (Topan, bois aggloméré, poignée métallique, roulettes), ses sculptures-objets sont une fois de plus savamment mises en scène. M.G.-G. Lent Dehors jusqu’au 21 septembre Galerie du Château de Servières, Marseille 4e 04 91 85 42 78 www.chateaudeservieres.org

V I S U E L S


Inédite(s) David Pluskwa réunit sa team autour d’œuvres inédites, dont un Mickyfucky décoiffant «échappé» de la série Mickey is also a rat de Nicolas Rubinstein qui participait récemment au parcours Ulysses du Frac (Zib’60). À ses côtés Jonone, Tilt, Jak Espi, Erro, rod, Niki de Saint Phalle, CharlElie Couture, Peter Klasen, Jef Aerosol, Philippe Pasqua, Élisabeth Montagnier et Robert Combas. M.G.-G. jusqu’au 2 août et du 27 août au 12 octobre Galerie Pluskwa, Marseille 6e www.david-pluskwa.com

A R T S V I S U E L S

Incognito ?

L’Écomusée de Volx poursuit ses expositions annuelles initiées avec succès l’an dernier en proposant à un artiste de se plonger dans les oliveraies du pays et de dialoguer avec ses éléments. Jouant avec son double, artiste anonyme, l’artiste Jean Le Gac, issu de la Nouvelle Figuration des années 70, s’est prêté avec délices à un jeu de cache-cache avec des oliviers centenaires avant de se fondre incognito dans la foule du vernissage. C.B. Se fondre dans le paysage / L’herbier du peintre anonyme jusqu’au 12 novembre Écomusée de Volx 04 92 72 66 91 www.ppp-olive.com Site Ineos de Lavera, 2013 © Alain Sauvan

Projet realise pour l'ecomusee de l'Olivier © Jean Le Gac

A U P R O G R A M M E

© Nicolas Rubinstein, Mickyfucky

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Alain Sauvan Fin explorateur du pays martégal et de l’étang de Berre, Alain Sauvan se tourne vers cet autre motif plastique et artistique que composent les sites industriels en activité, adoptant la couleur sous format numérique. Dans le centre de Martigues, le photographe a fait réaliser une quarantaine de tirages monumentaux sur bâches et conçu un diaporama de 160 images pour la Nuit industrielle du 31 août. C.L. Réalité du territoire jusqu’au 31 octobre Centre ville de Martigues 04 42 06 90 61 www.paysdemartigues.fr www.mp2013.fr

Cite Radieuse © Patrick Box

Patrick Box Photographe de terrain, Patrick Box s’est consacré à des sujets «humanistes», témoignant autant de la vie des ouvriers que de celle des artistes, et de lieux marqués par l’histoire des hommes. On le croise tout autant sur les chantiers navals, les salins du Midi qu’aux Correspondances de Manosque. Après les Rencontres d’Arles en 2008 et 2009, Patrick Box propose une sélection de photos noir & blanc ou couleurs qui précisent l’acuité de son regard. C.B. jusqu’au au 9 août Galerie Sordini, Marseille 04 91 55 59 99 www.galerie-sordini.com


Marseille - Bernard Buffet (1928-1999), Marseille le Vallon des Auffes, 1993, 130 x 195 cm, Galerie Maurice Garnier

Capitales méditerranéennes Au cœur des cités d’Arles, Salon, Aix, Marseille et Toulon, les regards aiguisés des peintres du XXe siècle se sont posés sur les rues, les fontaines, les monuments historiques et d’autres endroits méconnus voire insolites. Le musée Yves Brayer offre au public l’occasion de découvrir les perceptions variées et souvent surprenantes d’Auguste Chabaud, Paul Signac, Alfred Lombard, Henri Manguin… A-L.R Les Capitales Méditerranéennes «de Signac à Buffet» jusqu’au 26 septembre Musée Yves Brayer, Les Baux-de-Provence 04 90 54 36 99 www.yvesbrayer.com

Claude Parent, Fragment 2 La percee K horizon, 1964-2012, papier canson, 21 x 29,5 cm. Collection Claude Parent © eac estelle epinette

Rêves d’architecture L’Espace d’Art Concret propose deux expositions consacrées à l’architecture. Le mémorial, Projet d’architecture célèbre la collaboration de l’artiste Yves Klein avec l’architecte Claude Parent. Il y est question du «…vide, l’immatériel, le monochrome, la cosmogonie». Rêves d’architecture interroge le rapport avec les arts plastiques, notamment les différentes étapes d’un projet architectural imaginé, presque fantasmé, et à la réalité parfois plus complexe. A.-L.R Yves KLEIN / Claude PARENT - Le mémorial, Projet d’architecture jusqu’au 25 août Rêves d’architecture jusqu’au 27 octobre Espace de l’Art Concret, Mouans-Sartoux 04 93 75 71 50 www.espacedelartconcret.fr


Grands chemins

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Croiser culture, sciences, arts et environnement dans le delta du Rhône, c’est ce que propose le festival itinérant des Envies Rhônements, initié par Le Citron jaune, dans une version étoffée pour l’année capitale. Au choix : installations, performances, danse, théâtre, musique... Lors de la soirée de lancement le 22 juillet à Arles, on pourra par exemple suivre les balades sensibles du collectif Seconde Peau, et la conférence extravagante de Pierre Cleitman, La Place du Mécontentement dans les énergies renouvelables. Le lendemain, celle de Gilles Ramstein et Jean Jalbert portera sur le réchauffement climatique : Ca va chauffer ! Port-Saint-Louis-duRhône accueillera le 24 les impromptus musicaux de Didier Petit, tandis que l’ANPU mettra l’egosystème de la Camargue sur le divan à partir du 25, et que l’on pourra pénétrer l’entresort de la Cie Songes, Lettres d’amour aux fleurs et au vent, aux Saintes-Maries-de-la-Mer. À découvrir également, le travail des artistes en résidence, comme Rara Woulib, Brigitte Carle et le collectif Tricyclique Dol (liste non exhaustive !). Enfin, deux documentaires sur les thématiques environnementales du festival seront projetés tous les jours au cinéma Le Méjan d’Arles (séances 14h et 16h). GAËLLE CLOAREC

Tricyclique Dol sera present aux Envies Rhonements 2013 avec Contre nature, un parcours visuel et sonore en pleine nature © Jean de Pena

Grands chemins d’Envies Rhônements du 20 au 28 juillet Camargue 04 42 48 40 04 www.lecitronjaune.com/les-envies-rhonements.html

Invitation au voyage

Cuisines créatives Passer d’une dégustation à une démonstration de savoir-faire culinaire avant de s’installer devant un spectacle pour bec fin, voire un concert-goûter, ce sera possible lors de Cuisines en Friche à la rentrée. Un feu d’artifice pour les papilles concocté par de très grands chefs, ou l’avant-garde des jeunes toques, puisant leur inspiration dans le patrimoine gastronomique méditerranéen. Et une pléiade d’artistes invités à trouver un terrain d’entente et d’exploration dans le monde merveilleux de la cuisine : Robert Guédigian y programmera des soirées cinéma, et l’artiste belge Peter de Bie devrait y côtoyer le Teatro da Mangiare des italiens Delle Arriete. La Cité de l’Architecture (Paris)

et la Maison de l’Architecture (Marseille) consacreront une exposition au renouveau de la cuisine de rue, tandis que Nicolas Simarik conjuguera œnologie et art contemporain suite à son AEM dans les vignes du New Hotel of Marseille. Tout ceci gravitera autour d’un marché où l’on pourra se procurer fruits et légumes, poissons, viandes, fromages et produits laitiers, jus, miel, herbes, épices, et pains variés. De quoi joindre l’utile à l’agréable, et retrouver l’espace de quelques jours les saveurs et l’art de vivre de l’été. Cuisines en Friche est une co-production MP2013 avec La Friche et Les Grandes Tables, en partenariat avec Garabedian l’association Gourditerranee, 2012 © J.-P. Les chefs de Gourme méditerranée G.C.

du 11 au 15 septembre La Friche la Belle de Mai, Marseille 04 95 04 95 04 www.lafriche.org www.mp2013.fr

Biljana © X-D.R

Pour son 6e anniversaire, le Festival des Cultures du Monde de Gémenos (Festival International de Danses et Traditions Populaires) accueille à l’invitation de l’ensemble folklorique La Poulido de Gèmo plus de 200 artistes venus parfois de très loin : Nouvelle Zélande, Corée, Argentine ou Cuba ! Décollage assuré, que ce soit en compagnie des tambours japonais du groupe Super Taïko Junior le 17 juillet, ou encore au son des chants du Mali assurés par Manden Kono le 19 (une parade aux flambeaux aura lieu le même soir). Un spectacle est prévu le samedi 20 au Théâtre de Verdure : Le monde dans un écrin est une création collective avec participation active du public. Le dimanche de clôture verra tous les pays invités défiler ensemble aux abords du marché artisanal «des couleurs du monde», avant le grand balèti final. G.C.

Festival des Cultures du Monde du 15 au 21 juillet Gémenos www.lapoulidodegemo.com



Danse le monde

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Le Festival de Martigues sera particulièrement riche cette année, il fête ses 25 ans, tandis que l’association fondatrice, La Capouliero célèbre son demi-siècle. Le symbole de cette édition, un cœur en bois d’oranger, œuvre contemporaine de Joaquin Sanchez, a été taillé par les Indiens Aché du Paraguay et décoré par les Indiens Huichol du Mexique. Comme chaque année, les festivités s’orchestrent autour de différents lieux : le Canal Saint Sébastien, le Village du Festival, le théâtre des Salins, la salle du Grès, le cinéma Renoir avec la projection de Sugar man. Afrique du Sud, Argentine, Malaisie, République du Mambo, Cuba, Équateur, Pérou, Kabylie, Burundi sont au rendez-vous pour nous emporter dans des airs de tango, fado, flamenco, salsa, tziganes, basques et tant d’autres… avec des groupes du monde entier, et des formations lo-

cales, le tout d’une superbe qualité. Innovation, le festival s’unit à Marseille Provence 2013 pour un certain nombre de coproductions, notamment avec l’Afrique du Sud sous le label de l’Institut Français dans le cadre des Saisons Croisées France-Afrique du Sud. À noter, une journée Places aux Femmes avec débats et concerts. MARYVONNE COLOMBANI

Festival de Martigues du 22 au 30 juillet www.festival-martigues.fr

Sibongile Mbambi, chanteuse d'Afrique du sud © Patrick Gherdoussi

F comme Festival ? En mai 2012, le Groupe F inaugurait le chantier de la future FabricA du Festival d’Avignon, rassemblant 4000 personnes sur le terrain encore vierge. Un an plus tard, en ouverture de la 67e édition et pour inaugurer le nouveau de lieu de fabrique théâtrale du Festival, ils étaient 8000, habitants et festivaliers, à découvrir le paysage de feu et de lumières inventé par les artificiers poètes. Le 5 juillet, Ouvert !, conçu après plusieurs mois de résidence sur le quartier où est implanté La FabricA, alterna dans un ballet rondement mené, voix d’enfants recueillies dans les écoles alentours déclinant leurs prénoms, hommes de lumières grimpant l’édifice flamboyant auréolé de vidéos et effets d’optique pas toujours convaincants, et bien sûr,

Cri de cœur feux d’artifice qu’attendaient tous les grands et petits enfants comme un 14 juillet. Quelques gros traits cependant, parmi les couleurs et dessins d’enfants projetés, barreaux de prison qui s’ouvrent (habiter dans un quartier serait synonyme d’incarcération ?), fenêtres qui se brisent (délinquance inévitable ?), grimpeurs gravissant des routes et des flots pour laisser apparaître un rideau (le théâtre serait le chemin à emprunter !) et résonner les trompettes de Vilar. L’intention était spectaculaire, la mixité du public obtenue, et la fête en ce sens réussie. Mais elle laissait aussi l’impression d’une certaine facilité dans le savoir-faire et l’utilisation du vocabulaire de ces créateurs pyrotechniques hors pairs. DE.M.

À venir

Ouvert !, Group e

le 21 juillet Cornillon-Confoux le 8 août (Révélations 4e épisode, MP2013) Port-Saint-Louis le 17 août Port-Saint-Louis www.groupef F, la FabricA ©

DE.M2

Bain de jouvence

Au XIXe siècle, un élève de l’École Polytechnique puis du génie maritime, conçut et dirigea la construction de nombreux navires, steamers dignes des romans de Jules Verne. À La Ciotat il inaugura la série des constructions pour les mers de Chine. Son court passage (il meurt à 38 ans) a marqué cette ville par la construction de la première cité ouvrière de France (elle pouvait accueillir près de 800 personnes). En hommage, la ville de La Ciotat organise une fête, partie de pétanque, animations, repas, balèti. Pour MP13, Le cri de la Cité, un spectacle de rue avec une vingtaine d’habitants, comédiens bénévoles, évoque dans une mise en scène de Barthélémy Guili et l’Association Cri Mémoire, la vie de la cité, avec des anecdotes, des souvenirs. Une exposition Au temps de la cité ouvrière rappelle avec des photos et des documents sonores ce pan de patrimoine urbain et ouvrier à l’Espace Gare de l’Escalet. M.C.

La ville de Cannes s’illumine de somptueux feux d’artifices jusqu’au 24 août. Ces manifestations rivalisent d’invention et de virtuosité, le Prix du Public est en jeu ! On s’émerveillera donc avec les Nanos Fireworks (le 14 juillet), les Vaccaluzzo Pirotecnia d’Italie (le 21), EFC Évènement (le 29), Pyro Magic de Hong Kong (le 7 aout), Luso Pirotecnia (le 15), et Jacques Couturier Organisation (le 24). Les Nuits musicales du Suquet accueillent une programmation riche et éclectique du 22 au 28 juillet, du pianiste Cyprien Katsaris et un choix de partitions rares et virtuoses, à la carte blanche au Festival Pietrasanta initié par Michael Guttman, de l’hommage à Mikis Théodorakis par l’Ensemble Élégia de Grèce au concert pour les enfants de Riccardo Caramella et Maria Alberta Navello, encore à l’affiche, David Levy, l’Ensemble ASSAMI, Forabandit, Sinfonia Flamenca et une

belle soirée Jeunes talents de la Côte d’Azur… La villa Domergue ouvre ses portes au festival de jazz du 9 au 12 août, avec la voix chaude et vibrante de Rachel Ratsizafy, les harmonies du Frédéric Viale Quartet jazz tango et afro-musette, le piano de Philippe Leoge dans le sillage de Claude Nougaro, les sonorités gitanes ou flamenco du groupe Les Doigts de l’homme. Enfin un Festival majeur de l’art russe offre 8 spectacles (chants, danse, cinéma) et une exposition qui nous fait nous évader en Sibérie (du 23 au 27 août). Que de belles alternatives à la plage n’est-ce pas !!! M.C.

L’été à Cannes 04 92 99 33 83 www.palaisdesfestivals.com

le 20 juillet Place Evariste-Gras, La Ciotat Exposition du 15 au 28 juillet Espace Gare de l’Escalet, La Ciotat www.laciotat.com Le Cri de la Cite, photo de repetition © X-D.R



Tous en piste

A U P R O G R A M M E

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T H É Â T R E C I R Q U E

Azimut © Agnes Mellon

Enfin, dans le même mouvement, le GTP offre son plateau pour une nouvelle création d’Aurélien Bory, Azimut, avec les artistes du Groupe acrobatique de Tanger (du 20 au 27 septembre). Un spectacle qui de fraiera un chemin à travers un Tanger en pleine mutation, où les acrobates diront «la fragilité de leur existence» et leur inébranlable volonté de pratiquer leur art ancestral en le confrontant au monde azimuté qui les entoure. DO.M.

Et vole le théâtre ! Depuis 9 ans, le Festival des Comédiens volants transforme Barbentane en un grand terrain de jeu. À quelques encablures d’Avignon, ce village offre une programmation riche et pluridisciplinaire, ramassée sur 3 jours. La place de La Rebutte, entourée de falaises couleur ocre, se transforme alors pour l’occasion en amphithéâtre naturel pour accueillir spectacles, apérosFaust © Elian Bachini concerts, ateliers... Cette année encore les compagnies de qualité seront nombreuses à se succéder du 9 au 11 août, artistes du cru et compagnies de renom se côtoyant pour le plus grand plaisir de tous : la cie Du Petit Monsieur, habituée à habiller de vertus clownesques toutes les situations, ouvre les festivités avec En dérangement, spectacle burlesque muet, avant d’imaginer un campeur dépassé par le montage de sa tente dans Deux secondes... ; les Toulousains de la cie L’Esquisse joueront Public or not public, une comédie délirante sur la place du public dans l’histoire du théâtre ; l’Atelier Théâtre Actuel ouvre une bulle de poésie avec Les Loupiotes de la ville, succession de saynètes rythmées, en l’air et sur terre ; quant à la cie Les Cartoun Sardines, elle clôture en beauté ces 3 jours avec Faust, le film muet de Murnau théâtralisé par deux musiciens et un comédien... Sans oublier les apéros-concerts dinatoires animés par Los Dos Amigos&Co et Manu and Co. DO.M. Festival des Comédiens Volants Barbentane 06 07 55 88 29 www.lescomediensvolants.fr

Bois de l’Aune, Aix 04 42 93 85 40 www.agglo-paysdaix.fr CIAM, Aix 09 83 60 34 51 www.artsenmouvement.fr Grand Théâtre de Provence, Aix 08 2013 2013-07-13 www.lestheatres.net

Couleur rouge À Carqueiranne, dominant la baie et les îles d’or, le Fort de la Bayarde accueille depuis 14 ans le Festival Théâtre In Situ... Cette année le rouge de la passion, de l’amour, du désir, de la colère, de l’avidité... teintera la programmation, poussant tous les états affectifs à leur paroxysme... dans un savant mélange de pièces de répertoire et contemporaines, avec de nombreuses et attrayantes têtes d’affiche, y compris à la mise en scène ! Jugez plutôt : Occupe-toi d’Amélie, de Georges Feydeau, avec Hélène de Fougerolles et Bruno Putzulu ; La Guerre de Troie n’aura pas lieu, de Jean Giraudoux, mise en scène par Francis Huster ; Le Jeu de la vérité de Phuilippe Lellouche avec David Brécourt, Christian Vadim... ; La Belle vie de Jean Anouilh, mis en scène par Philippe Daguerre, avec Annie Chaplin... À souligner, le remarquable Richard III, de Shakespeare, monté par la compagnie des Dramaticules dans une mise en scène de Jérémie Le Louët, et l’intrigant La Conversation de Jean D’Ormesson dans une mise en scène de Jean Laurent Silvi. DO.M. Richard III © Jean-Louis Fernandez

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La rentrée dans le pays d’Aix se fera sous le signe du cirque. De nombreuses propositions émailleront le territoire, parmi lesquelles deux spectacles des Frères Forman, Opéra Baroque, pour lequel ils seront en résidence de création à Aix, et leur délicieux Obludarium. Adapté d’un opéra tchèque du XVIIIe siècle (de Karel Loos), De la petite che-minée construite de travers par des maçons rusés, Opéra Baroque est prétexte au jeu et chant des manipulateurs de marionnettes de génie –tout autant que comédiens et chanteurs- que sont Milan, Matej et Petr Forman. Ma-rionnettes en bois de 35 cm, doubles figurés des comédiens, marionnettes à doigts, plates… chacun tient son rôle pour conter l’histoire (à Meyrargues, Pertuis, Saint-Cannat, Peyrolles et au Bois de l’Aune du 29 août a 2 septembre). Obludarium, voyage dans un imaginaire forain aussi envoûtant que déjanté, est programmé dans le cadre du temps fort cirque Jours et [nuits] de cirque(s) en partenariat avec le CIAM (du 25 septembre au 4 octobre). Car Aix va pouvoir compter sur un nouvel espace culturel, le Centre international des arts en mouvement, qui comptera aussi une école de pratique amateur (ouverture fin septembre, nous y reviendrons).

Festival Théâtre In Situ du 27 juillet au 14 août Fort de la Bayarde, Carqueiranne 04 94 01 40 26 www.theatreinsitu.com


Pour le meilleur… © Mario del Curto

Kati Pikkarainen et Victor Cathala, le duo d’artistes du Cirque Aïtal, ont posé leurs valises dans une vieille Simca 1000 customisée qui trône au milieu de la piste. Couple à la ville et sur scène, ces deux-là vivent le nomadisme dans sa réalité la plus brute, entre répétitions et tournées, une vie itinérante où se côtoient les lumières de la piste et la poussière de la route… Au cours de jeux icariens, échelle aérienne, perche en équilibre et numéro de main à main -leur spécialité-, ils explorent ce drôle de quotidien, dans un spectacle aussi drôle que lumineux. Pour le meilleur et pour le pire du 10 au 14 septembre Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com

Les Fugues Le spectacle rassemble une série de petites danses spectaculaires pour un homme et un objet. Composée précisément sur une partition de l’Art de la fugue de J.-S. Bach, chaque danse se trouve écrite pour un objet particulier. Deux variantes sont proposées ici, Fugue trampoline et La balance de lévité, dans lesquelles le corps de Yoann Bourgeois oscille en permanence entre équilibre, chute et suspension. du 3 au 22 septembre en Nomade(s) Théâtre de Cavaillon 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com

Cavale Un escalier sur les hauteurs

© Magali Bazi

de la colline Saint-Jacques, un trampoline en contrebas… Et les corps de deux hommes qui ne cessent de s’envoyer en l’air, en de nombreux vaet-vient qui fendent l’horizon. L’élégante pureté du geste tend au « point de suspension », cet équilibre sublime atteint par le corps dans son envol alors que la chute n’est pas encore engagée. Mathurin Bolze et Yoann Bourgeois reviennent aux sources de l’acrobatie pour créer un moment de grâce et d’enchantement. les 7 et 8 septembre Colline Saint-Jacques, Cavaillon 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com


Pianos flottants

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Le «Festival Flottant, un piano à la mer» débutera aux Salles sur Verdon du Lac de Sainte Croix. C’est un duo lyrico-déjanté qui lancera la programmation (23 août) : Cathy Heiting est une soprano à la voix puissante, Jonathan Soucasse un pianiste compositeur de talent, à deux ils forment un duo hors norme capable de passer du lyrique au jazz avec humour et délicatesse. Un autre drôle de duo prendra le relais avec Histoire(s) de Musical(s) (24 août) : Tamara Dannereuther et Samuel Peronnet traiteront, avec un petit cabaret aquatique insolite, d’un genre aussi savant que populaire, le musical. Sur la plage des Catalans, Nicolas Cante et Cyril Benhamou entameront une traversée jazz originale et psychédélique grâce au

savant mélange de musiques acoustiques et électroniques (6 septembre). La virtuose Vanessa Wagner offrira quant à elle un voyage au cœur du répertoire des plus belles mélodies du piano-forte (7 septembre). Les derniers moments de piano au bord de l’eau se vivront sur la plage de Corbières avec le récital classique de Cécilia Arbel et Martial Paoli (13 septembre), suivi du groupe Miss White and the drunken piano (14 septembre). La compagnie La Rumeur proposera une comédie musicale atypique, Le roi éphémère créée en 2013, portant sur les aléas du pouvoir et de l’ambition (15 septembre). Enfin, la création musicale Sirène improbable clôturera le festival avec une alliance inattendue entre le joueur de Kora Ba Cissoko, le

Citoyens du monde

«Eco-responsable, pluridisciplinaire, transM générationnel» et gratuit ! Le Cosmopoli’zen festival U commence en image avec la S projection du documentaire I Les roses noires d’Hélène Q Milano suivi d’un débat. La U réalisatrice donne la parole E aux adolescentes issues des banlieues de Marseille ou Paris, victimes de différentes discriminations (18 juillet). Place à la fête et au reggae, le 19 juillet, grâce à une programmation de qualité avec Omar Perry, le fils du légendaire Lee «Scratch» Perry ou encore PAPET J and the 149 band dirigé par Papet Jali des Massilia Sound System. Révélation des Transmusicales 2010, Blitz Akua Naru © Till van Loosen the ambassador et son live band The Embassy Ensemble ouvriront les festivités aux sonorités hip hop/jazz le 20 juillet. Une soirée qui sera aussi l’occasion de découvrir le groove captivant d’Akua Naru, associant sa technique aiguisée du hip hop US aux rythmes de jazz du DIG-FLO Band. La dernière journée sera marquée par des projections à visionner en famille comme La prophétie des grenouilles de JacquesRemy Girerd (21 juillet), l’histoire de l’arche de Noé revisitée de manière moderne et touchante. Il y aura aussi des ateliers, des performances graff, des expositions et même des défilés… en plein centre de Vitrolles ! A.-L.R.

Cosmopoli’zen Festival du 18 au 21 juillet Vitrolles 09.51.00.65.43 www.cosmopolizen.org

© Paulin jeremy

pianiste Martial Paoli, la soprano Odile Heimburger et le chanteur/ guitariste de flamenco Tchoune Tchanelas. ANNE-LYSE RENAUT

Un piano à la mer du 23 août au 15 septembre Plage des Salles sur Verdon, Plage de Corbières, Plage des Catalans, Marseille 04 91 84 31 68 www.larumeur.eu

Musique et entrecroisements culturels Dans le cadre du cycle Entrecroisements proposé par le MuCEM, l’auditorium Germaine Tillion accueillera, le 13 septembre, le compositeur, pianiste et grande figure du théâtre contemporain libanais Ziad Rahbani. Fils de la grande chanteuse Fayruz, il continue le travail initié par son père et son oncle avec les frères Rahbani, qui ont été de véritables novateurs de la musique arabe. Musicien émérite, il s’inspire de la musique classique, emprunte au jazz, notamment le style bebop au tempo très rapide, et propose une sorte de «jazz oriental» unique. Il cultive aussi très tôt sa passion pour le théâtre. À l’âge de 17 ans, il écrit et met en scène sa première pièce qui est une comédie musicale intitulée Sahrieh (Soirée). Alors que le pays est en pleine guerre civile, il va multiplier les succès grâce à son humour et son analyse subtile de la société libanaise. Devenu l’une des icônes de la gauche arabe, il a su tourner en dérision, avec beaucoup de clairvoyance, les instances politiques, morales et religieuses. Sa venue à Marseille est l’occasion de découvrir cet homme engagé, et grand musicien, qui a marqué l’évolution de la musique traditionnelle arabe. A.-L.R. Ziad Rahbani © Marouan Tahtah

Concert de Ziad Rahbani le 13 septembre MuCEM, Marseille 04 84 35 13 13 www.mucem.org



Libre et gratuit !

Bamboo Orchestra © X-D.R

50 A U P R O G R A M M E M U S I Q U E

Avant de faire vibrer le parc Borély pendant tout un week-end (les 31 août et 1er septembre), c’est dans les Alpes du Sud qu’Aires Libres posera ses platines. Le 21 juillet, le château de Montmaur accueillera principalement des artistes de la scène locale. Mélangeant swing, électro ou encore house oldschool, The Words, Teo Wired, et Seb Richier proposeront des mix audacieux. Le 28 juillet, sur la plage du Ceinturon à Hyèresles-palmiers, le public retrouvera à nouveau des dj locaux comme Alcaline ou Elijah, et de toute la France avec la parisienne Eva Peel. Une programmation essentiellement régionale et de qualité qui se partagera aussi en famille grâce à l’organisation d’ateliers d’arts plastiques, d’initiations au Mix ou encore de circuit bending, à savoir du recyclage musical de jouets sonores ! Aires Libres le 21 juillet Château de Montmaur le 28 juillet Plage du Ceinturon, Hyères-les-palmiers les 31 août et 1er septembre Parc Borely, Marseille http://aireslibres.wordpress.com

Bacchanales de Saint-Cannat Sous le signe de Bacchus, avec leurs dégustations de vins des Coteaux d’Aix, les festivités des Bacchanales de Saint-Cannat savent aussi renouer avec l’antique de l’inspiration dionysiaque en proposant deux soirées de concerts d’une belle qualité. Il s’agit bien d’une fête, où tous les plaisirs se conjuguent : les Vingt ans de Grenade, par les seize danseurs de la Cie et Groupe Grenade de Josette Baïz, avec des chorégraphies de Philippe Découflé, Jean-Claude Gallotta, Michel Kelemenis, Abou Lagraa, Jean-Christophe Maillot, Angelin Preljocaj, Josette Baïz (le 19 juillet à 21h) ; le Ciné-concert Gosses de Tokyo, film muet de 1932 de Myasujiro Ozu, par le Bamboo Orchestra (le

19 juillet à 22h30) ; la fanfare des musiciens de la Banda du Dock dans une belle jubilation déambulatoire (le 20 juillet à 21h) qui emplit les rues de son énergie sonore, et la Cumbia Chicharra, groupe marseillais composé de 12 musiciens français et chiliens, qui vous entraînera dans les rythmes endiablés de la Cumbia, musique populaire colombienne qui enchante toute l’Amérique latine (le 20 juillet à 22h30). MARYVONNE COLOMBANI

les 19 et 20 juillet Jardin Joseph Richaud, Saint-Cannat 04 42 57 34 65 www.festival-bacchanales.com

Jazz en été À l’occasion du 15e anniversaire de Jazz en août, l’ouverture du festival se fêtera dès le 1er août avec l’organisation d’une «charrette musicale» ambulante. Elle déversera dans les rues de La Ciotat les premières mélodies de jazz du groupe Bâton Rouge. La soirée du 2 août sera exclusivement consacrée au Blues : le public pourra apprécier l’habile mélange de guitares acoustiques et électriques proposé par les musiciens

The immigrants © X-D.R

expérimentés du groupe The Immigrants. En deuxième partie, la voix rauque et puissante ainsi que l’énergie légendaire de Nina Van Horn enflammeront la place de l’Escalet. Le jazz sera à l’honneur le 3 août avec le groupe de jazzmen, Massaliazz, trois Marseillais virtuoses dont on apprécie le swing maîtrisé et ingénieux du contrebassiste Michel Zenino, du batteur Jean-Pierre Arnaud et du saxophoniste Olivier Temime, lauréat du concours Jazz Futur et prix de soliste au tremplin de la Défense. Les dernières notes «groovy» du festival seront jouées par le Ronald Baker Quintet qui interprétera du hard bop, l’association subtile et malicieuse du jazz, du blues et du gospel ! Jazz en août ANNE-LYSE RENAUT

du 1er au 3 août Place de l’Escalet, La Ciotat 04 42 71 81 25 http://jazzconvergences.com

Bravoure et diversité Ils ne voulaient pas décevoir les 2000 spectateurs de la première édition, les organisateurs des Zic’Aulnes se sont donc battus contre… la pluie ! Téméraires et convaincus que ce festival de musiques actuelles doit continuer d’exister, ils programment donc le 14 septembre la soirée qui devait se dérouler le 18 mai... La formule ne change pas. En plein air, au bord de l’Étang des Aulnes, tout le monde pourra profiter des musiques éclectiques programmées. Une diversité qui exclut peut être la mixité des genres mais en aucun cas des styles musicaux. Le groupe Scarecrow s’élancera sur la scène porté par l’énergie de son «blues hip hop» atypique. Le duo MC2 pratiquera quant à lui de l’électro-glitch-hop, un savant mélange d’électro, hip hop et de glitch, des rythmes électroniques produits volontairement grâce à de petits «bugs» techniques. Il y aura du rock et du reggae avec PAPET J des Massilia Sound System, sans oublier l’inclassable trio acoustique Pense-Bête alliant la douceur et la force du swing manouche, de la valse, du reggae ou encore du rock. A.-L.R

Zic’Aulnes le 14 septembre Etang des Aulnes, Saint-Martin-de-Crau 06 47 39 99 40 www.festival-zicaulnes.com



Vingt lieux sur la mer… 52

Eclosions musicales ! Surfant sur les nouvelles vagues hip hop, rock et électro du moment, le MIDI-Festival dévoile une programmation pleine d’énergie et de nouveaux talents. La première soirée à l’hippodrome de la plage donnera la part belle aux univers pop-rock de groupes tels que Appletop, trois Hyérois dynamiques et plutôt doués, qui présenteront leur dernier titre Twenty-five. Les musiques néogrunge des jeunes Splashh et les mélodies implacables des Anglais The Horrors viendront compléter le programme survolté de cette

soirée d’ouverture. Les plus motivés des festivaliers pourront continuer la fête sur la plage de l’Almanarre et vibrer sur les sons mixés des djs et compositeurs allemands Prosumer et Henrik Schwarz. Douceur et fraîcheur seront les mots-clés de la deuxième soirée. Après avoir écouté les rêveries musicales du groupe Los Porcos, le public pourra se laisser bercer par le mélange jazz/soul et pop de l’étonnant King Krule. Le duo anglais AlunaGeorge interprètera son célèbre «R&B futuriste» et Justin Martin

clôturera la soirée avec les mix explosifs de son dernier album Ghettos & Garden. La troisième et dernière soirée accueillera Niall Galvin, alias Only Real, qui joue un rap singulier sur de la pop anglaise, ainsi que les musiques aussi légères que pétillantes des groupes Swim Deep et Temples. ANNE-LYSE RENAUT

MIDI-festival du 26 au 28 juillet Hyères 09 53 01 55 04 http://midi-festival.com

ZinZanez vous ! Vous avez dit cigales, fanfares et balètis ? Mais pas que : le festival ZinZan se transforme à nouveau en véritable «laboratoire de musiques populaires». L’expérience commence à la citadelle des Baux-deProvence, le 22 août, avec le groupe Dupain. Formés dans les années 90, ces rockeurs méditerranéens chantent des textes contestataires rythmés par un savoureux mélange de flamenco espagnol, pizzicata italienne ou rebetiko grec. Le 23 août, au village d’Orgon, le Belouga Quartet révèlera au public les multiples facettes du traditionnel Galoubet-Tambourin. Sa particularité : être utilisé de manière différente dans chacun des quatre départements de Provence avec des variations de styles, de techniques et même de formes ! Ce sera au tour du Trio Combi-Quenehen-Palis d’ouvrir les festivités musicales le 24 août. Bernat Combi et ses jazzmen, Raphaël Quenehen (saxophones, clarinette) et Sébastien Palis (clarinettes, balafon) ont puisé dans les archives sonores de l’Institut d’Estudis Occitans pour faire renaître, retravailler et vivifier les plus belles chansons traditionnelles du Limousin. La dernière journée sera

dédiée au Nazniz, une sorte de pack surprise composé d’ateliers ouverts, jeux traditionnels et projections de films déjantés ! A.-L.R. ZinZan Festival du 22 au 25 août Les Baux-de-Provence, Orgon 06 65 61 68 79 www.zinzan.festival.sitew.fr

JACQUES FRESCHEL C. Blazy

M U S I Q U E

AlunaGeorge © X-D.R

uregard © Restanques de Bea

A U P R O G R A M M E

Musicatreize fixe un rendez-vous important en septembre : avec le soutien de MP2013, Roland Hayrabedian pense bien pointer enfin l’AN UN de sa biennale Vingt lieux sur la mer… qui jusqu’alors n’a été qu’ébauchée (2007 et 2009), voire annulée (2011). Lors des Journées du Patrimoine (les 14 et 15 septembre), vingt lieux de la cité (et au-delà) sont investis, non seulement par Musicatreize, mais également par deux formations réputées : le Nederlands Kamerkoor et l’Ensemble Cantori (USA). Ce sont des concerts éclairs, souvent gratuits (ou pour des prix modiques), qu’on suit de surprises en surprises tout au long du week-end… Une bonne façon d’entrer dans la musique d’aujourd’hui ! En ouverture de la manifestation, on ne manquera pas le concert à Saint-Victor, en hommage à Ohana et au centenaire de sa naissance, où l’on entend ses Cantigas à côté de la Messe de Stravinsky et celle «des pauvres» de Satie (le 13 septembre). Le programme européen des rencontres «Tenso» est également accueilli à Marseille (du 16 au 18 septembre). Musicatreize est entouré de trois grands ensembles vocaux d’Amsterdam, Riga et Porto qui participeront également au «Concours Ohana» d’écriture pour chœurs. Après un récital de Lieder (le 21 septembre), l’événement s’achève à l’Opéra de Marseille par la création de deux opus autour de textes de Sappho signés Jesper Nordin et Zad Moultaka : un projet pharaonique («Odyssée dans l’espace») pour d’importantes masses chorales amateures et professionnelles (le 26 septembre).

20 lieux sur la mer du 13 au 26 septembre Marseille 04 91 00 91 31 www.musicatreize.org



Piano-Graal !

54 A U P R O G R A M M E M U S I Q U E

À «La Roque» c’est le Walhalla du piano ! Pour sa 33e édition, le festival initié par René Martin accueille ses plus valeureux guerriers, rompus aux chevauchées pianistiques et prêts à plonger, à mains nues, dans la gueule ouverte d’un Steinway. De fameux noms viennent du monde entier, ou de France si riche en virtuoses, de jeunes talents aussi… pour demain ? Qu’ils jouent en formation classique, avec orchestre ou en musique de chambre, du clavecin ou du jazz, du pianoforte… on ne s’en lasse pas ! Un mois durant, pour 90 concerts émaillés de «Nuits» qui se prolongent à leur cœur, de cycles et d’intégrales, de rencontres thématiques, de récitals intimes dans l’après-midi ou de grands rendez-vous concertants en soirée, on fait la route, si belle, vers les platanes centenaires du Parc du Château de Florans, ses immenses gradins et sa conque acoustique, ou vers la Crau et l’Étang des Aulnes et vers bien d’autres lieux autour du Lubéron et du Pays d’Aix, terrasses de verdure, écrins plus intimes : Gordes, Silvacane, Lambesc, Rognes, Lourmarin, Cucuron, Aix, Mimet. Même les Marseillais sont comblés puisque La Criée accueille trois concerts (dont Sokolov le 27 juillet) et l’Opéra municipal le West-Eastern Divan Orchestra dirigé par Barenboïm pour une unique date en France (le 13 aout) ! Alors au choix, on n’a que l’embarras : Kissin, Angelich, Volodos, El Bacha, Tharaud, Berezovsky, Queffelec, Pletnev, Kadouch, Lugansky, Rudy, Hamelin, Diluka, Aimard, Désert, Strosser, Neuburger, Bar-Shaï, Boffard, Le Guay, Pennetier, Giusiano, Trifonov, Duchâble, Dalberto, Woo Paik, Xiao-Mei , Korobeinikov, Hirose, Laloum, Freire… Une interminable litanie de pianistes classiques à faire rêver, à laquelle s’ajoutent les touches contemporaines de Tristano, le swing de Fonseca, Bollani, Enhco, Herman, Terrasson… et pas que du piano ! Avec les Wanderer (trio), les Prazak (quatuor), Kremer, Charlier ou Capuçon (violon), Staier ou Cuiller (clavecin)… et de nombreux orchestres venus d’ici et d’ailleurs ! On y court… à n’en pas digérer !

Salon des musiques

an Marc Andre Hamelin © Fran Kaufm

33e Festival international de piano du 20 juillet au 20 août La Roque d’Anthéron 04 42 50 51 15 www.festival-piano.com

Une envie d’expo en plein air, de village provençal à découvrir, de musique, de beauté, de fraîcheur ? À 25 km d’Aix-en-Provence, le 2e Festival Off de Land et City Art de La Roque d’Anthéron vous attend avec les œuvres de 30 artistes sur 30 lieux. À l’Office du Tourisme, emparez-vous d’un flyer avec le plan des sites, partez pour un peu plus d’une heure, ainsi que dans une chasse aux trésors -les enfants adorent-, à la découverte des sculptures contemporaines installées dans les jardins du village, des jardins privés, dans la vitrine d’un magasin, le jardin du musée, dans le parc de l’Office notarial, dans l’ouverture d’une fenêtre en haut d’une maison… toutes les œuvres sont visibles de la rue, même du trottoir d’en face ! Puis descendez vers la plaine où sont installées les œuvres de Land Art. Vous succomberez devant les installations surprenantes installées dans les champs d’oliviers, dans l’îlot délicieusement poétique de Croq jardin ainsi qu’aux lavoirs-bassins de Silvacane. e

2 Festival Off de Land et City Art de 19 juillet au 18 août La Roque d’Anthéron

JACQUES FRESCHEL

Musiques au cœur de Provence Tout au long du mois d’août, l’équipe du Festival d’été Durance Luberon concocte un programme riche et éclectique qui donne envie d’aller se balader du côté de Lauris, Puget-sur-Durance, Grambois, Cucuron, Mirabeau, Le Puy-Sainte-Réparade, Saint-EstèveJanson, Lourmarin ou Silvacane : de belles affiches qui proposent de surcroit d’entendre de nombreux talents issus de la région ! La fanfare théâtrale et délirante Les Grooms déambule dans les rues (le 9 août) et revisite Le Roi Arthur pour une vision populaire de l’opéra de Purcell (le 10 août) ; c’est Schumann et ses deux merveilleux cycles de Lieder L’amour et la vie d’une femme et les Amours du poète qui sont chantés (Sandrine Sutter, mezzo et Ulrich Studer, baryton) pour une soirée éminemment romantique (le 13 août) ; c’est l’Académie Bach qui met en scène deux cantates du Kantor pour une espèce d’opéra imaginaire et facétieux (le 17 août) ; c’est Tchoune Tchanelas qui marie les univers de la

musique classique et du flamenco (le 21 août). Le Duo Darius Milhaud joue aussi au piano à quatre mains Le carnaval des animaux et Casse-noisette en compagnie du comédien Alain Carré (le 19 août). Moment fort du festival, on crée pour la première fois en France, avec l’ensemble Ad Fontes et Jan Heiting, au gré de textes livrés par Marie Christine Barrault, un bel opus de Benjamin Britten : The Compagnie of Heaven (le 23 août) ! Deux «apéros» à 19h ponctuent la manifestation avec le jazz du trio vocal féminin Doodlin’ (le 16 août) et l’opéra chanté par Tatiana Faucounau pour un récital lyrique en clôture (les 24 et 25 août).

Comme l’an passé Eric Le Sage, Paul Meyer et Emmanuel Pahud proposent deux programmes quotidiens pour leur Festival International de Musique de Salon-deProvence, l’un à 18h « intime » à l’église romane St-Michel, l’autre traditionnellement à 21h dans la belle Cour Renaissance fortifiée du Château de l’Empéri. Un rendez-vous incontournable pour les amateurs de musique de chambre depuis plus de vingt ans ! Cet été on propose «Un voyage en Méditerranée» : des œuvres, des programmes, des compositeurs (beaucoup de français) qui s’y rattachent des points de vue stylistique, géographique… mais pas que ! Milhaud, Ravel, Turina, Rota, Falla, Xenakis y trouvent leur place naturelle. Et quand les interprètes (en sus des trois initiateurs) se nomment Nora Gubich, François Leleux, Lisa Batiashvili, Edgar Moreau ou Frank Braley (au milieu d’une pléiade de virtuoses), on n’hésite pas longtemps ! Sur onze journées, deux sont labellisées MP2013 : les concerts et ciné-concerts sont donc… gratuits au Kiosque à Musique, sur la Place St-Michel ou au Château même où sera projeté le Ben-Hur muet de Fred Niblo (1925) avec improvisations à l’orgue de Thierry Escaich (le 28 juillet), où l’on entendra aussi le Quatuor Zaïde dans Janacek et Martinu (le 4 juillet).

… et Verdi En partenariats avec France Bleu Provence et MP2013, le 6e festival d’Art Lyrique reprend le flambeau musical au Château de l’Emperi avec trois manifestations pour célébrer l’année Verdi : concert «Jeunes talents lyriques» et projection du film Verdi, une passion, un destin (le 11 août). La Traviata (rien que ça !) par des jeunes interprètes de la région PACA, le Chœur de l’Opéra de Parme et des musiciens de l’Orchestre Symphonique des Cantiera d’Arte de Reggio Emilia (le 12 août). Enfin avec les mêmes musiciens, un récital «Va pensiero» d’extraits de chefs-d’œuvre de Nabucco à Otello (le 14 août). JACQUES FRESCHEL

Musique à l’Emperi Salon-de-Provence du 28 juillet au 8 août 04 90 56 00 82 www.festival-salon.fr

J.F.

16e Festival Durance Luberon du 9 au 25 août 06 42 46 02 50 www.festival-durance-luberon.com

6e festival d’Art Lyrique Salon-de-Provence du 11 au 14 août 06 64 24 60 62 www.mezzavocesalon.fr/



L'accompagnatrice de Claude Miller e

56 A U P R O G R A M M E C I N É M A

Du 22 au 25 août aura lieu la 10 édition des Rencontres Cinématographiques de Cavaillon, organisées par Ciné Plein Soleil avec comme invité d’honneur le producteur JeanLouis Livi, auquel sont consacrées une exposition, Jean Louis Livi, 25 ans de production et une table ronde. Au cinéma La Cigale, projections et débats animés par Xavier Leherpeur, sans oublier un atelier «Stylo et Caméra» pour les jeunes du 12 au 22 août. Le 24, un hommage à Claude Miller réunira ses proches Annie et Nathan Miller ainsi que ses amis dont Romane Bohringer, Vincent Rottiers et Yves Angelo. L’occasion de (re)voir L’accompagnatrice ou Je suis heureux que ma mère soit vivante. Le 25 sera consacré à Alain Resnais dont on pourra voir Les Herbes folles en présence de Laurent Herbiet son coscénariste qui présentera, en clôture, son nouveau film Les trois silences avec Caroline Silhol. ANNIE GAVA

Association Ciné Plein Soleil 06 26 52 42 63 www.rencontrescine-cavaillon.fr

Docs à Lussas Du 18 au 24 août se tiendra la 25e édition des États généraux du film documentaire à Lussas, en Ardèche. Dans Expériences du regard est proposé une vingtaine de films de l’espace francophone. Histoire de doc permettra de se rendre compte de la richesse et de la diversité du cinéma belge du XXe siècle. La Route du doc nous emmènera en Allemagne pour explorer la production récente de ce pays. Fragments d’une œuvre sera consacré à 4 femmes cinéastes, Barbara Meter, Margaret Tait, Ute Aurand et Drahomira Vihanová. Deux séminaires, Regards philosophiques et la Voie des images, et comme chaque année une section Afrique, une journée SCAM, une journée SACEM, des projections chez l’habitant, des rencontres professionnelles permettront aux «docuphiles» de finir l’été en beauté. A.G.

États généraux du film documentaire 04 75 94 28 06 www.lussasdoc.org

Le château de la Buzine ne prend pas de congés d’été ! Bien au contraire, une programmation riche et intense sera présentée avec trois cycles cinéma. Le premier sera consacré aux «monstres sacrés» du cinéma que sont Marcel Pagnol et Raimu, incluant la projection de la célèbre trilogie marseillaise Marius, Fanny et César. À partir du 28 juillet, un autre moment sera dédié aux opéras filmés en hommage à Giuseppe Verdi. L’occasion de revivre en image les plus belles créations du XIXe siècle comme La Traviata à la Fenice de Venise (18 août) ou encore Otello à la scala de Milan (25 août). Enfin, Septembre en mer permettra au public d’explorer les fonds marins grâce aux classiques cinématographiques tels que Le monde du Silence de Jean-Jacques Cousteau ou Atlantis de Luc Besson. ANNE-LYSE RENAUT

Château de la Buzine, Marseille 04 91 45 27 60 www.chateaudelabuzine.com

Ciné Plein-Air

West Side Story de Robert Wise

Ciné Plein-Air sillonne douze quartiers de Marseille pendant tout l’été. Une programmation qui a pour but de satisfaire tous les goûts mais aussi tous les âges. Il y aura des grands classiques comme West Side Story de Robert Wise (26 juillet) et des films émouvants comme La guerre est déclarée de Valérie Donzelli (27 juillet) au cœur du quartier du Panier. À la tombée de la nuit, d’autres films animeront les soirées d’été en famille comme La Folie des grandeurs de Gérard Oury (2 août). Enfin, le documentairefiction Couleur de peau : Miel, proposera une belle histoire vraie, film cofinancé par la région PACA, sur les enfants coréens adoptés après la guerre de Corée dans les années 70 (16 août). A-L.R.

Jusqu’au 7 septembre Marseille 04 91 91 07 99 www.cinetilt.org

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Fin d’été et Plein Soleil Un été au château

Monte-Cristo Le théâtre Sylvain propose de revivre les aventures du jeune marin Edmond Dantès au rythme des mélodies de l’Orchestre National d’Île-de France. Adapté du célèbre roman d’Alexandre Dumas, Monte-Cristo de Henri Fescourt (1929) est considéré comme l’un des chefs-d’œuvre du cinéma muet. La projection sous la forme de deux ciné-concerts, les 18 et 19 juillet, sera aussi l’occasion d’apprécier la mise en musique unique de Marc-Olivier Dupin. A-L.R.

www.capsur2013.fr www.mp2013.fr

Escales en plein air

Il etait une fois dans l’Ouest de Sergio Leone

L’été continue et le tour d’horizon des grands classiques cinématographiques aussi : le 17 août, projection d’Il était une fois dans l’Ouest de Sergio Leone au parc de la Bastide Corsy à Aix-en-Provence. Écrans voyageurs programme le 6 septembre une nouvelle escale au square Narvik en haut des escaliers de la gare Saint-Charles, avec Trois places pour le 26 de Jacques Demy, un périple amoureux et artistique à regarder entre amis ou en famille ! Enfin, le 13 septembre, à l’église Saint-Vincent à Roquevaire, La Ruée vers l’or de Charlie Chaplin. Dans le cadre de l’ouverture du Festival International d’Orgue, une improvisation musicale sera proposée par le pianiste, organiste et chef d’orchestre, Michel Robert. A-L.R.

04 91 91 07 99 http://ecransvoyageurs.blogspot.fr



Mes nuits sans femmes Après This is [not] Music, MP 2013 programme une autre manifestation majeure populaire sans femmes. Et la mémoire, et le présent des ouvrières ?

58 R E N C O N T R E S

Cette Nuit industrielle promettait d’être passionnante : patiemment concoctée par deux villes qui savent y faire en matière de réflexion politique sur le travail, dans un bassin industriel où les usines associées ouvrent exceptionnellement leurs portes, dans un paysage où la mer, l’Étang, les cheminées et la beauté nocturne des usines éclairées se combinent sans effort avec le charme d’un centre-ville provençal… Mais comment est-il possible de proposer le travail de 28 créateurs dans tous les genres, dont UNE SEULE femme ? Pour la musique le compte est clair : des concerts (Gari Gréu, Dupain, Julien Lourau et Simbad, James Ford et Jas Shaw) jusqu’aux Dj’s embarqués sur des bateaux (Lefto, Mars Blackmon, Dj Oïl, Dj Paul) tous sont des hommes, musiciens des ciné-concerts compris (Dupain encore, Jean Jacques Lion et Phil Spectrum). Les films sont aussi des œuvres d’homme, de Chaplin à Emmanuel Vigne et Julien Chesnel. Les

Toutes oreilles dehors Depuis plus de trente ans, Radio Grenouille n’en finit pas d’explorer le champ des possibles radiophoniques, toujours un peu en dehors des clous, résolument hors des

installations et arts visuels aussi, fait plus rare : Topophonia (Mathieu Immer et Benjamin Lahitte), Hysterical Machine (Bill Vorn), une installation d’Edouard Levine, une exposition photo d’Alain Sauvan. Pour les spectacles le compte est un peu plus délicat : si à Portde-Bouc le solo écrit mis en scène et joué par Paul Fructus n’est pas ambigu à ce titre, les trois spectacles proposés par les Salins à Martigues mettent en scène quelques femmes, mais sont tous écrits et dirigés par des hommes, d’ailleurs très majoritaires aussi dans les distributions : Rochus Aert orchestre électronique et visuel, Espèce H très beau spectacle de Metalovoice écrit par trois auteurs hommes (Sampiero, Durif, Calcano), Pipototal où de belles machineries industrielles, fabriquées par des hommes et conçues par Philippe Geoffroy, trimballent aussi quelques femmes… encagées ! Quant aux visites guidées des sites industriels, elles sont animées par le comédien/auteur Bertrand Bossart. Mais peut-être y aura-t-il quelques femmes en hôtesses d’accueil ? Julie de Muer, seule artistE de la programmation, propose quant à elle des promenades sonores, à la découverte des paysages et des mémoires.

Campeo Croix-sainte © Radio Grenouille

sentiers battus. La radio associative culturelle marseillaise se plaît ainsi à expérimenter des pratiques sonores créatives, afin de mettre en question et en récit le territoire ; un territoire dont ses auteurs, documentaristes et réalisateurs scrutent, de leur regard décalé et sensible, les enjeux et les usages. Les quarante promenades sonores qui ont récemment vu le jour (les premières ont été inaugurées en même temps que le GR2013) vont dans le même sens : il s’agit, au gré de ces «parcours sonores», d’«arpenter et écouter autrement le territoire de Marseille-Provence», de poser un regard neuf sur des lieux connus mais aussi (et surtout ?) d’explorer des endroits méconnus. Lié à la marche, le voyage sonore permet de ralentir, de changer d’échelle, de se glisser dans les interstices de la ville et de ses alentours. Une expérience physique, sensorielle, à vivre casque, mobile ou MP3 à l’oreille, guidé par les voix de ceux qui ont préparé ces itinéraires : artistes, documentaristes

Bien entendu nous ne voulons dissuader personne d’aller à la Nuit industrielle : parmi toutes ces propositions nombre sont intéressantes, passionnantes même, chacun des artistes hommes n’est pour rien dans ce choix exclusif de programmateur ! La Nuit industrielle devra être un moment réussi et important de la Capitale. Mais comme nous déplorions que This is [not] music, temps fort des cultures urbaines, ait été si masculin, nous regrettons amèrement que ce temps politique, où l’art se plonge dans les problématiques du travail industriel, soit aveugle à l’évidence de l’absence des femmes. Les deux axes bleu de travail «rétro», et bleu électrique «futuriste» nient à la fois le travail de nos mères, si mal payées et malmenées, et celui de nos écoles, qui se battent pour que les filles cessent de s’interdire les filières industrielles… AGNÈS FRESCHEL

La Nuit industrielle aura lieu à Martigues et Port-de-Bouc le 31 août à partir de 18h. Conditions d’accès et de circulation réglementées, accès aux sites sur réservation, la plupart des manifestations sont à entrée libre.

et auteurs de Radio Grenouille, habitants… Ce projet original est né alors que Marseille venait de poser sa candidature pour devenir «capitale culturelle». Qu’est-ce qu’une ville qui devient «capitale culturelle» ? Comment ses habitants la regardent-ils ? Comment sera-t-elle regardée par tous ceux qui viendront la visiter ? Ces questions tous, à Radio Grenouille, se les sont posées. Deux promenades pilotes ont alors été conçues, le projet a été validé. La subvention MP2013 a permis la réalisation des quarante promenades sonores, dont quelques-unes restent à finaliser ; un autre financement, du Ministère de la Culture, a aidé au développement d’une plateforme web pérenne ; car le projet a vocation à durer et à s’étendre sur d’autres territoires. Pour suivre un de ces parcours (tous accessibles en transports collectifs), rien de plus simple. Il suffit de se rendre sur le site, de sélectionner une promenade, de la télécharger gratuitement et

d’aller l’écouter in situ. Les promenades durent entre trente minutes et une heure. Elles sont très variées, dans les lieux, les approches, les thématiques. Afin d’aider au choix (forcément difficile), un astucieux système de pictogrammes a été mis en place ; on trouve également sur le site un résumé de chacune d’elles, une courte biographie de son auteur, des extraits, des diaporamas. Si on craint de se perdre, des cartes sont disponibles. Et une fois la balade terminée, on peut ajouter des commentaires, des photos… Un projet collaboratif donc, bien dans l’esprit de l’équipe de Radio Grenouille, pour qui le partage des points de vue constitue le ciment des lieux. FRED ROBERT

www.promenades-sonores.com Merci à Pauline Gervais, Adeline Debatisse et Xavier Thomas pour leurs réponses et leur documentation



De lumière e L’eau et la lumière, thèmes chers au cœur des vacanciers, sont à l’honneur pour l’année Capitale : parallèlement à l’exposition le Grand Atelier du Midi qui souligne combien la lumière de la Méditerranée fut à la source de la modernité en peinture, (voir Peindre au soleil Zib’64 et De Cézanne à Matisse : notre identité culturelle ? Zib’63), deux expositions scientifiques invitent à des parcours didactiques et ludiques autour de ces éléments naturels nécessaires au développement de la vie.

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Lumière au palais Longchamp

© Gaelle Cloarec

S C I E N C E S

La mondialisation, voyage immobile Marseille a accueilli durant la 1ère semaine de juillet sociologues et chercheurs en sciences sociales lors d’une université d’été sur le thème des Dominations et résistances. Cinq jours extrêmement riches, tant par la variété des intervenants venus du Québec, d’Égypte, du Sénégal ou de Belgique, que par la qualité des contenus. Lors de la journée de clôture, on a ainsi eu le plaisir d’écouter Anne Catherine Wagner rappeler que l’apparition d’une classe dominante cosmopolite, unie par un même capital culturel et un mode de vie standardisé n’est pas propre au libéralisme contemporain : les aristocraties du XVIIIe siècle marquaient ainsi leur distance avec les basses classes, tout comme c’était le cas dans l’Antiquité romaine. Puis ce fut au tour de Roland Gori de s’exprimer sur le caractère insidieux de la dominance moderne, qui esquive le débat citoyen en multipliant normes et décrets : «L’évaluation est un moyen de faire intérioriser des ordres sans en avoir l’air, tout en leur donnant l’apparence de l’objectivité.» Selon lui, les dispositifs s’imposent moins au sujet qu’ils ne le fabriquent, opérant une véritable mise sous tutelle avec assentiment de l’individu. Mais il insiste : il n’y a aucune raison d’accepter ce diktat. Dans la même recherche des lignes de force de l’émancipation, on constate avec plaisir que les sciences sociales balaient devant leur porte : Philippe Corcuff par exemple déplore certains travers de groupes auto-proclamés «capables» s’étant donné pour mission de transmettre la pensée critique aux «incapables» (comprendre les non-intellectuels !). Le capitalisme mondialisé stimule les désirs individuels sans jamais les satisfaire, car il n’existe que dans la marchandisation : il génère de la frustration. Mais cantonner le sujet à la frustration, c’est dénier sa capacité d’autonomie, son imagination, c’est «aplatir la critique sous l’idée de souffrance». Nous adoptons sans hésiter sa conclusion : cultiver ses imaginaires, c’est de la résistance. GAËLLE CLOAREC

La 4e université d’été en sociologie et sciences sociales du RéDoc s’est tenue du 1er au 5 juillet au Campus Saint-Charles, Marseille

Source d’inspiration, objet de mystères, la lumière questionne aussi le scientifique : quel rôle joue-telle dans l’aventure du vivant ? Dans notre vie quotidienne ? Comment en percer les mystères ? Comment la produire, transformer son énergie ? Comment décoder les messages qu’elle véhicule depuis ses sources les plus proches aux plus éloignées de l’Univers… Autant de questions auxquelles les chercheurs de l’Institut Pythéas et les ingénieurs et industriels du pôle de compétitivité OPTITEC tentent d’apporter des réponses dans l’exposition Lumières, accueillie par le Muséum d’histoire naturelle de Marseille. Cet événement de culture scientifique et technique s’enrichit d’un volet artistique avec Blue Morph, une installation interactive de Victoria Vesna (en résidence d’artiste à l’IMERA) qui invite le visiteur à changer sa perception des sons et images en entrant dans l’univers de la métamorphose du papillon, ainsi que des installations vidéo : Volta de Luce Moreau et Lighthouse in the Sea of Time de Zineb Sedira visibles au MAC dans le cadre de l’exposition Le Pont. L’ensemble est conséquent et très bien documenté, mais… La distance n’est pas grande entre le Musée des Beaux-Arts (voir De Van Gogh à Bonnard) et le Muséum d’histoire naturelle et on regrette cette coexistence passive entre les deux ailes du bâtiment ; pour éclairer ce vaste sujet, l’occasion était belle de confronter les regards d’artistes et de scientifiques, à l’abri de la colonnade circulaire du Palais Longchamp…

Eau à Gardanne Si le Palais Longchamp est le lieu de l’arrivée des eaux de Marseille… c’est à Gardanne que le thème Exposition Tribul@tions d’une goutte d’eau © Christian Pirozelli


et d’eau

CHRISTINE MONTIXI

Lumières du 28 juin au 5 janvier Muséum d’histoire naturelle de Marseille Palais Longchamp 04 91 14 59 50 www.museum-marseille.org Tribul@tions d’une goutte d’eau jusqu’au 4 août Puits Morandat, Gardanne 04 42 51 70 31 www.ville-gardanne.fr

AGENDA

La Nuit des étoiles Cette année, ne manquez pas Les Nuits des étoiles ! Le thème 2013 retenu par l’Association Française d’Astronomie, Les distances dans l’Univers, sera décliné un peu partout en France et à l’étranger, et vous permettra de contempler la voûte étoilée sur des centaines de sites. du 9 au 11 août 01 45 89 81 44 www.afanet.fr/nuits/

Observation du ciel par un amateur avec son telescope, juillet 2010 © JL. Dauvergne/Ciel et Espace Photos

de l’eau est à la fête cet été. Ce territoire riche d’une longue histoire industrielle est particulièrement marqué par l’empreinte de l’eau. La municipalité y mène une politique engagée pour défendre la Culture Scientifique Technique et Industrielle et propose aux visiteurs une randonnée urbaine en 15 étapes à la découverte de l’eau : H2O-Gardanne, guidée par une application smartphone développée par des élèves ingénieurs du site Georges Charpak de l’école des mines de SaintEtienne (co-production MP2013). Au gré des chemins, l’application aide à découvrir les usages relatifs à l’eau ainsi que le patrimoine bâti (fontaines, noria, lavoir…), à comprendre les caractéristiques hydrogéologiques de la commune et les importants aménagements réalisés sur le réseau des cours d’eau. La dernière étape -et non la moindre- conduit au puits Morandat, carreau de la mine de charbon dont l’activité a cessé en 2003, site acquis par la Ville de Gardanne pour y développer un pôle économique et culturel. On y découvre (dans les anciens vestiaires des mineurs) une exposition interactive, Tribul@tions d’une goutte d’eau, permettant de se glisser dans la peau d’une goutte d’eau, pour explorer toutes les facettes du précieux liquide. Et avec un peu de chance, on peut se laisser guider sur le site par un ancien mineur de fond… passionnant !

Trous noirs et galaxies Deux conférences auront lieu le même soir à Saint-Michel l’Observatoire : Un vibrant Univers, présentée par la spécialiste des hautes énergies dans l’espace Isabelle Grenier, et La science, une ambition pour la France, par le découvreur des anneaux de Neptune André Brahic. le 23 août Centre d’Astronomie, Saint-Michel l’Observatoire 04 92 76 69 09 www.centre-astro.fr


Le visage de l’autre

62 P A T R I M O I N E

La nouvelle exposition temporaire du musée de Quinson, L’identité retrouvée, nous plonge dans un univers qui tient à la fois du manuel du biologiste, de l’anatomiste, du détective, du paléontologue et du sculpteur. Composée au départ pour le musée départemental de Préhistoire d’Île de France en 2012, cette exceptionnelle exposition voyage pour la première fois. On entre dans l’univers du travail d’Élisabeth Daynès. D’abord il y a son atelier, véritable cabinet des curiosités, si hétéroclite est le fouillis d’objets qui le compose, table d’anatomie, fragments d’ossements, outils de travail, celui en cours, piqueté d’étranges repères, livres de référence, moulages, photographies, dont certaines très ludiques : Néandertal avec des lunettes ! Un savant très convaincant ! On s’attarde devant deux planches qui présentent des moulages de bouches et de nez, les parties les plus difficiles à recomposer. Face à l’atelier de la sculptrice, l’antre du médecin légal, le docteur Jean-Noël Vignal, partenaire essentiel des travaux de l’artiste. Le travail de reconstitution des corps et des visages de nos ancêtres hominidés est long, précis, érudit. En

Giono’s friends

E. Daynes et l'homme de Cerny © Photo S. Entressangle et E.Daynes

premier lieu, une étude anthropologique des fossiles, selon les principes des méthodes médicolégales pour déterminer l’âge, le sexe, l’alimentation, les conditions de la mort, le lieu d’habitat de l’individu, etc ; puis des repères, comme de petites allumettes, sont posés sur le crâne pour reconstituer les parties molles (peau et muscles) qui ont des mesures standard, on aboutit à une tête d’écorché, avec les muscles, les tendons, la peau recouvre ensuite le tout. Silicone, puis moule (en collaboration avec Rhône Poulenc)… pour la reconstitution de la couleur de la peau, Élisabeth Daynès prend conseil auprès des

scientifiques ; de même pour les yeux et les cheveux qu’elle implante un à un avec une aiguille, ce qui représente un mois de travail ! Le résultat, des regards qui vous accrochent, des physionomies vraies. Nous sommes face non plus à des vestiges obscurs, mais des êtres dotés d’une extraordinaire expressivité dans une véritable rencontre. Fascinant ! MARYVONNE COLOMBANI

L’identité retrouvée jusqu’au 1er décembre Musée de Préhistoire, Quinson 04 92 74 09 59 www.museeprehistoire.com

Centenaire Visuel Journees du patrimoine © JEP 2013

Il y eut une première loi le 30 mars 1887 concernant les monuments historiques et leur protection. Elle manifestait d’une première prise de conscience (ciment identitaire rassemblant autour de la notion de nation après la révolution française), mais c’est le 30 décembre 1913 que la loi sur les monuments historiques instaure par un ancrage dans l’appareil juridique une réelle politique du patrimoine. À partir de cette loi, pourra se développer une réflexion sur

l’évolution de la notion même de patrimoine qui, enfin inscrit dans un cadre législatif, trouve une légitimité. Cette année fête le centenaire de cette loi qui a bien sûr évolué, s’est développée, et a même adopté depuis peu le patrimoine immatériel (en 2003 par la convention de l’UNESCO). Bibliothèques, archives, musées, monuments historiques se mobilisent pour présenter leurs fonds, proposer des parcours originaux, souvent inédits. Cette année fait place au «patrimoine virtuel». La médiation interactive permet une appréhension plus accessible des lieux, de leur histoire par des reconstitutions, des animations en 3D par, des jeux vidéo ou des applications de «réalité augmentée». Centenaire oblige, l’édition des journées du patrimoine de cette année cherchera à mettre en avant l’histoire des sites, des collections, ainsi que celle de l’engagement des différents acteurs qui défendent, entretiennent, présentent ces joyaux qui sont notre mémoire commune. M.C.

les 14 et 15 septembre www.journeesdupatrimoine.culture.fr/

Jean Giono est tant lié à la Provence des Collines, à Manosque où est son Paraïs et où toutes les rues parfois sentent son écriture, à Pascal et au cinéma de Pagnol pour le meilleur et pour le pire, qu’on en oublie parfois qu’il fut aussi un grand américanophile, fervent admirateur de Miller, très influencé par les recherches narratives de Faulkner après la guerre, fan de western et de jazz… et grand connaisseur de toute la littérature américaine, de Poe à Chester Himes. Lui même fut traduit en américain dès 1929, et accompagna aussi le parcours de ces écrivains qu’il admirait… La maison Giono en sa ville natale met en lumières cet aspect méconnu de ses influences, en cinq journées d’été chargées et passionnantes : rencontres, lectures comparées, colloques, cafés littéraires, spectacles, westerns et concerts sont au programme, toute la journée à partir de 10h, sous le patronage actif d’Edmund White, jusqu’à la dernière journée consacrée au Mexique. Parce que Giono aimait aussi les Précolombiens ! A.F. Giono-des-Amériques Rencontres Giono 2013 du 1er au 5 août Théâtre Jean le Bleu, Manosque 04 92 87 73 03 www.rencontresgiono.fr © Denise Bellon– Fonds Denise Bellon – Les Films de l’Equinoxe




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