Zibel67

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un gratuit qui se lit

N째67 - du 16/10/13 au 13/11/13



Politique culturelle Saisons d’Avignon ............................................................5 Entretien avec Olivier Py, rencontre Terra Nova ......................................................6, 7 Compagnies du Var, Terre Comuni .......................................8 Entretien avec Robert Pasquier, succession du BNM ...........................................................9

Événements Entretien avec Julien Duval, Télémaque et le PIC ........................................................10 Entretien avec Catherine Marnas et Alain Aubin, La Marelle ......................................................................11 Le MuCEM ................................................................ 12 à 14 Villa Méditerranée, La Friche, Rencontres d’Averroès ......................................................15 KLAP, Rencontres à l’Echelle .............................................16

Critiques Actoral ....................................................................18 à 20 Théâtre ...................................................................21 à 23 Cirque/rue ............................................................... 24, 25 Musique ................................................................. 26 à 30

Au programme Jeune public ............................................................ 32, 33 Théâtre .................................................................. 34 à 39 Danse ..................................................................... 42, 43 Cirque/rue .....................................................................44 Musique ..................................................................46 à 51

Cinéma ............................................................... 52 à 57 Livres .................................................................. 58 à 64 Arts visuels ....................................................... 66 à 73 Sciences/philosophie ..................................... 74 à 76 Histoire .....................................................................78

Mensuel gratuit paraissant le deuxième mercredi du mois Édité à 32 000 exemplaires imprimés sur papier recyclé Édité par Zibeline SARL 76 avenue de la Panouse n°11 13009 Marseille Dépôt légal : janvier 2008 Directrice de publication Rédactrice en chef Agnès Freschel agnes.freschel@wanadoo.fr Imprimé par Rotimpress 17181 Aiguaviva (Esp.) photo couverture Avignon Agnès Mellon 095 095 61 70 photographe-agnesmellon. blogspot.com

Criminels

Circuler est un droit humain. L’asile est un devoir humain. Jusqu’à quand tolèrerons-nous que des hommes meurent dans la mer dont nous célébrons la culture ? Jusqu’à quand penserons-nous que nous avons nativement des droits qu’ils n’ont pas ? Les lois européennes qui interdisent aux opprimés économiques et politiques de circuler sont criminelles, elles sont dictées par des intérêts électoraux, et un réflexe de repliement. Au nom de quelles prétendues valeurs humaines peut-on refuser l’asile aux Syriens sous les bombes ? Aux Libyens qui ont fui le malheur ? Aux Palestiniens maintenus depuis plus de dix ans derrière un mur inacceptable ? Nous laissons des hommes se noyer, 20 000 au moins depuis dix ans, plusieurs centaines en quelques jours. La Tunisie, 10 millions d’habitants, a intégré un million de réfugiés libyens après la guerre. Le Liban, 4 millions d’habitants, a construit des camps de réfugiés en toute hâte pour près d’un million de Syriens. Au nom de quoi l’Europe ferme-t-elle ses frontières ? De l’impossibilité d’intégrer tout le monde ? Mais l’Europe vieillissante a besoin d’immigration ! Et les êtres humains un devoir d’assistance ! L’Europe ferme ses frontières contre ses propres intérêts humains et économiques, par idéologie xénophobe. Parce qu’elle a renoué avec ses démons, qu’elle croit à nouveau à la suprématie de sa civilisation, à la supériorité de sa culture, de sa religion, et à l’hégémonie du Blanc. Les discours puants refleurissent et les peuples européens y cèdent, parce qu’il est plus facile de se laisser aller à la bassesse que de partager sa table. Les électeurs qui poussent les gouvernements à fermer les frontières ou à choisir les migrants sont des lâches. Les politiques qui obtempèrent, qui distillent la peur et attisent la tentation du repli, sont des criminels. AGNÈS FRESCHEL

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Avignon,

vie de saisons En été, 125 théâtres fleurissent la ville mais dans l’année les lieux permanents diffusent également, créent, se fédèrent et font le spectacle… jusqu’au prochain tour de Off Regroupées en association, les Scènes d’Avignon conventionnées par la ville (qui programment du 27 janv au 2 fév la 6e édition du Fest’hiver) comptent aujourd’hui un «petit nouveau», le théâtre des Carmes. Une (ré) intégration légitime d’un lieu phare dirigé jusqu’en 2009 par André Benedetto, qui offre une belle place aux créateurs du coin avec des sorties de résidence.

Les 6 Scènes historiques…

Du 25 au 27 oct, les Carmes fêteront leurs 50 ans avec des Rencontres dédiées aux œuvres du poète Benedetto. Au Chêne Noir, des événements musicaux : Ferré, Ferrat, Farré (17 et 18 oct), Christian Vander (ex Magma) en piano solo, Olivier Py dans Miss Knife, le Cuarteto Cedron. Côté théâtre, des paroles littéraires et engagées : La légende noire du soldat O d’André Neyton, Le Petit Poucet (version Gelas) par l’Éternel Eté, Parole d’honneur d’Attilio Bolzoni, Philippe Caubère dans une re-création de La danse du diable & Avignon 68, Les Misérables revus par Le Kronope, Dau et Catella, Zazie dans le métro par la Cie Houdart-Heuclin. Deux nouvelles créations pour Gérard Gelas : Le Tartuffe Nouveau revisité par Jean-Pierre Pelaez (14 au 24 nov), et L’épidémie d’Octave Mirbeau avec la Petite Troupe amateure du Chêne. Aux Halles, après être l’invité d’honneur du 19e Parcours de l’art (jusqu’au 26 oct), puis des créations à Shangai (Le roi se meurt de Ionesco), en Guadeloupe (La boîte d’Henry de Véronique Kanor), Alain Timar crée Ô vous frères humains d’Albert Cohen. Le théâtre accueille également La Trilogie de Franck de François Cervantes (7 et 8 nov, voir p. 36) qui reviendra pour un seul-en-scène dans Prison possession, puis L’Avare par Alexis Moati, et la Cie Kaléidoscope pendant Festo Pitcho. Ce Festival jeune public coordonné par l’Éveil Artistique (qui programme la Cie Lunasol le 13 nov à l’Entrepôt et pour les plus grands l’émouvant Jérémy Fisher de Mohamed Rouabhi en décembre) reviendra du 12 au 19 avril. Éclectisme et bonne humeur au Chien qui Fume : Enriqué rend hommage à Mariano (18 au 20 oct), Valérie Siaud disserte sur la méthode des contes toltèques (6 nov), Gérard

5 Miss Knife © Eric Deniset

Vantaggioli reprend Moi, Dian Fossey, la truculente Edmonde Franchi crée Sérénade en mer. Puis après une carte blanche à Clémentine Célarié, Eric Breton montera un opéra bouffe sur Don Quichotte et, suite à des résidences de création, on découvrira le ciné/scène Iolanda de Thierry Alcaraz, et Dracula le pacte par la Cie le Cabestan. Viendront le temps des Festivals des Globe-trotters et du Film de court-métrage présidé par Jean-Louis Trintignant. Au Balcon, avant de créer Chants d’exil de Brecht en février, Serge Barbuscia reprend le touchant Droit dans le mur (8 et 9 nov, voir p. 36) et les Tableaux d’une exposition. Un hommage sera rendu à Albert Jacquard tandis que les fidèles seront accueillis : la Cie Octavio de la Roza, Luis de la Carrasca, le Théâtre Monte-Charge. On pourra aussi apprécier la Cie Alchimistoire dans Une passion entre ciel et terre de Christiane Singer, Gustave Parking, la Cie Equivog. Quant au théâtre Golovine, il poursuit ses ateliers impro-danse mensuels ouverts à tous (Mardiff avec Onstap le 12 nov), ses mercredis réservés aux Bambini (cie Okkio le 6 nov) et l’accueil de pièces hip hop dont la Cie As2danse en décembre.

… Et les autres

En attendant le rendez-vous d’hiver du Festival de danse Les Hivernales, du 1er au 8 mars, avec un focus sur la danse urbaine (Ex Nihilo, Vagabond Crew, Kader Attou, Anthony Egea, Christiane Véricel, Onstap, Black Blanc Beur, Emmanuel Eggermont…), le CDC poursuit ses Lundis au Soleil (Nans Martin le 25 nov, 2 Temps 3 Mouvements le 9 déc). À la Manutention, alors que le théâtre des Doms est en travaux de novembre à février, les Hauts Plateaux sont désormais occupés uniquement par le Collectif Inouï qui poursuit son programme Gare aux Oreilles avec La Gloïre et Gratte (17 oct), les Mutants Maha (23 nov) et Frédéric Le Junter en décembre. Quant à la scène jazz de l’Ajmi, sa programmation est toujours de haut niveau avec Les contes de Rose manivelle le 18 oct (dans le cadre de Drôle d’Hip Hop, à suivre jusqu’au 24 oct), le dispositif The Bridge (26 oct), Melc (9 nov) (lire sur journalzibeline.fr).

Outre le festival Émergence(s), qui met à l’honneur les jeunes compagnies régionales au printemps, l’association Surikat Production (www.surikat-prod.com) tente de faire vivre la ville avec les nouveaux rendez-vous extérieurs mensuels Venez-voir ! (à suivre sur www. venezvoir.net). Et puis encore, la Fabrik’théâtre et ses Match d’Impro, ses Contes à croquer, Le Médecin volant par la Cie de la Mouvance, La Tempête par Le Kronope, la Cie Didascalies. Le BourgNeuf qui continue de programmer malgré une épée de Damoclès suite au changement de propriétaire : Les vieux machins (25 et 26 oct) ou L’Île aux célébrités de Semioprod (15 et 16 nov) ; et L’Autre Scène du Grand Avignon (ancien Espace Bardi à Vedène), avec de la danse, des concerts, des spectacles et La fleur au fusil, une semaine de commémoration autour de la guerre 14-18 (9 au 16 nov). DELPHINE MICHELANGELI

Le Chêne Noir 04 90 86 74 87 - www.chenenoir.fr Les Halles 04 32 76 24 51 - www.theatredeshalles.com Le Chien qui Fume 04 90 85 25 87 - www.chienquifume.com Le Balcon 04 90 85 00 80 - www.theatredubalcon.org Le Golovine 04 90 86 01 27 - www.theatre-golovine.com Les Hivernales 04 90 82 33 12 - www.hivernales-avignon.com Les Doms 04 90 14 07 99 - www.lesdoms.be Les Hauts Plateaux 09 51 52 27 48 - www.collectif-inoui.org L’Ajmi 04 90 860 861 - www.jazzalajmi.com La Fabrik’théâtre 04 90 86 47 81 - www.fabriktheatre.fr Les Carmes 04 90 82 20 47 - www.theatredescarmes.com Le Bourg-Neuf 04 90 85 17 90 - www.bourg-neuf.com L’Autre Scène 04 90 31 07 75 - www.lautrescene.com

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Je n’ai pas peur de l’héritage Entretien avec Olivier Py, le nouveau directeur du In ! Zibeline : On sent beaucoup d’attentes de la part des Avignonnais que vous avez rencontrés hier soir… Olivier Py : J’en suis effectivement assez impressionné… on fera ce qu’on peut ! On sait que Corsetti ouvrira l’édition à la Cour avec le Prince de Hombourg, vous invitez Emma Dante, Nathalie Garraud… que pouvez-vous nous dire de plus sur la programmation ? Y aura-t-il de la danse ? La programmation est faite à 95%, mais je garde quelques effets d’annonce pour le mois de mars. Je vous confirme qu’il y aura toujours de la danse, du théâtre, et de l’indisciplinarité. On fera également une programmation jeune public dans un lieu défini, avec 2 ou 3 spectacles pour enfants de tous âges. Nous réduisons le nombre de spectacles, il y en aura une trentaine, et allongeons la durée du Festival, pour qu’il comprenne quatre week-ends. Pourquoi réduire le nombre de spectacles ? Nous voulons augmenter la jauge, c’est-à-dire le nombre de places mises à la vente, non le taux de fréquentation qui est déjà à 95%. Le problème du Festival aujourd’hui n’est pas le remplissage de salles, mais l’accessibilité et la disponibilité des billets. Donc plus de lieux, moins de spectacles mais avec plus de représentations. On ne changera pas le public si on ne travaille pas ça. Vous engagez une réelle volonté de travailler avec le Off ? Oui, une volonté de dialogue… mais le Off n’a pas véritablement besoin du In. Vous dites le In ? Vos prédécesseurs répugnaient à cette dénomination… Oui, le Festival d’Avignon... Mais le Off existe non ? Il faut pouvoir le nommer. La chose la plus saillante que nous pouvons faire pour le Off, c’est de flécher des institutions, des artistes ou des pièces que l’on aura vus, et pas seulement sur une feuille volante, détachée de notre programme. Vous flècherez aussi du théâtre privé ? Non ! Je me sens en solidarité avec le théâtre public, je n’ai pas de devoir vis-à-vis du privé. Nous flècherons les productions des CDN (Centres Dramatiques Nationaux, ndlr), ce qui se crée dans le théâtre public et passe dans le Off. Je ne peux

pas cacher qu’il y a un Off, ça serait un déni de réalité ! On aura aussi des échanges avec les théâtres permanents avignonnais bien sûr. Certains candidats socialistes, à Marseille, veulent établir un lien avec la programmation d’Avignon. Des choses prévues ? Je n’ai pas de projet tout de suite… j’ai discuté avec Macha Makeïeff récemment… Quant à la région… Ce qui se passait à Avignon jusqu’à aujourd’hui n’est pas un modèle de décentralisation de proximité. C’est-à-dire ? Je voudrais des spectacles d’intervention pendant le festival, qui débordent de la périphérie d’Avignon. La région Paca est la seule région, avec l’Ile de France, où on a tourné la trilogie d’Eschyle (voir Zib 63), avec les ATP d’Aix puis la scène nationale de Cavaillon. On a tourné dans les établissements scolaires, essentiellement. Ce serait une bonne idée de trimballer Othello de Nathalie Garraud dans une région qui risque de voter FN à 50% ! Toutes les salles vont-elles continuer à fonctionner ? Les lieux historiques, comme la Carrière de Boulbon, continueront bien sûr. D’autres non. Je ne peux pas m’avancer totalement mais il y aura aussi trois ou quatre nouveaux lieux. À budget constant ? Je n’ai pas demandé de budget supplémentaire pour ça, je vais me débrouiller. Je trouverai des sponsors… mais pour le coût de fonctionnement de La FabricA, pour que ça ne soit pas pris sur le budget artistique. Mes prédécesseurs avaient budgétisé 300 000 euros, c’est un budget purement technique nettement insuffisant. Vous parlez beaucoup du projet social de La FabricA, qui n’était pas vraiment prévu au départ. Va-t-elle devenir un lieu permanent d’Avignon ? Ça n’est pas une salle de spectacles, c’est un lieu de répétition et de création. Mais les artistes ont dans leur cahier des charges d’y mener aussi une action sociale, notamment avec les gens des quartiers. La plupart des artistes aujourd’hui sont d’ailleurs en demande de ça. On fera des répétitions ouvertes, des stages, des ateliers. Le volet social m’importe particulièrement, c’est vrai, mais les quartiers, la banlieue, c’est une question mondialisée, qui concerne tout le monde aujourd’hui. Mais comment fait-on du théâtre populaire ? La notion du théâtre populaire a changé. Faivre

Olivier Py © Agnès Mellon

d’Arcier avait une rupture à créer après Paul Puaux (successeur de Jean Vilar, ndlr). Pour moi l’héritage est plus facile. Et je ne peux pas raconter l’histoire du Festival à des gens de 30 ans qui ne connaissent pas Vilar ! Vilar ce n’est pas la figure du commandeur mais plutôt un grand mécano. Il arrivait à faire venir 2% d’ouvriers… si j’arrive à avoir 2% de gens des quartiers, j’aurai gagné puisqu’aujourd’hui c’est eux le «non-public». Vilar n’était pas obsédé par les ouvriers, il s’adressait aussi aux commerçants, aux bourgeois. Le théâtre populaire c’est ça, sinon c’est du théâtre prolétaire, celui que Sartre demandait à Vilar, même si lui même créait ses pièces à Paris dans le privé. Voulez-vous convertir le public, populaire et non prolétaire donc, dans cette région qui vote massivement FN ? On peut effectivement augmenter le public local et régional. Quand on dit que le Festival est fréquenté par des «parisiens», ça m’amuse : ils ne sont que 25% pour l’Île de France, les autres régions c’est 30%, les étrangers 9%. Par contre, le Vaucluse et les BDR à 18% et Avignon à 14%... il faut vraiment améliorer cela. Mais pour cela il faut avoir des billets à vendre, donc augmenter la jauge ! Aurez-vous une attention particulière aux artistes régionaux ? Oui, c’est le cas avec Nathalie Garraud, et il y en aura d’autres. Mais avant de parler de la région, il faut souligner qu’il n’y avait pas beaucoup de théâtre de l’hexagone dans les précédentes programmations. Avignon doit être un reflet et un relais de ce qui se crée en


France. Le spectacle de Corsetti c’est l’histoire d’Avignon en 68, ça m’intéresse qu’on revisite l’histoire. Je n’ai pas peur de l’histoire, ni de l’héritage ! Programmerez-vous des femmes ? On vous a reproché leur absence lors de votre première saison à l’Odéon. Je suis homosexuel, donc… (rires). Non, sérieusement, avant que je prenne la direction il n’y avait pas de femmes programmées à l’Odéon, j’ai toujours veillé à ce qu’il y en ait. Je ne dis pas qu’à Avignon on sera paritaires, mais il y a déjà Nathalie Garraud, Emma Dante, Marie José Malis… La place des femmes dans le spectacle vivant va bouger… En danse il y a moins de chorégraphes femmes qu’avant, à l’opéra n’en parlons pas… Oui, des femmes chefs d’orchestre il y en a deux, Equilbey et Gibault, ce sont des postes de pouvoir. Une telle domination numérique des hommes pose des questions… Il y a un plafond de verre, dans ma génération, on était 15 mecs pour 2 nanas, c’était évident. Mais je ne crois pas que ce soit dans la relation entre le spectacle et le public qu’est le problème, c’est dans le renouvellement des pouvoirs. Il y a un sexisme nondit d’une génération, la nôtre, qui a reproduit la domination du mâle blanc et une homophobie. Le théâtre est en retard par rapport au cinéma où les femmes se sont imposées. Au théâtre, j’affirme que c’est générationnel. Quand on a fait le festival Impatience à l’Odéon, consacré à l’émergence, on ne s’est pas posé la question et on s’est retrouvé avec une parité. Donc c’est générationnel. Vous voulez accorder une place à l’émergence et réduire le «In dans le In» en arrêtant l’idée d’artiste associé. Oui, pas de In dans le In, ni de Off dans le In. Si on programme des jeunes gens dont le nom n’a pas circulé partout, ça sera à égalité. De même si on travaille avec des amateurs, ce qui est dans les tuyaux pour 2014 avec certains Avignonnais. Quid de votre création pour 2014 ? Je ne peux pas encore en dire grand-chose… il faut que j’écrive, mais ça s’appellera Orlando et ses pères. Ça devrait être une comédie. Et vous allez avoir le temps ? En général, j’écris un an avant la création et je donne aux acteurs 3 mois avant.

Ils sont libres ? Je les ai prévenus ! Quand j’écris je sais toujours pour qui, c’est mon mode de fonctionnement. Et quand trouvez-vous le temps d’écrire ? J’écris 20 minutes tous les jours. Ça vient comme ça, le matin ? Non, plutôt au coucher ! Et ça ne vient pas toujours ! Vers la fin j’ai besoin de passer du temps pour structurer et tout revoir alors je m’isole et je ne fais plus qu’écrire. Mais il faut écrire tous les jours sinon… Ça rouille ? Oui ! Donc trois au quatre mois avant le festival ça vous suffit pour mettre en scène ? Je répéterai avril-mai à la FabricA, puis 3 jours de répétition pour remettre en route, mais je laisserai la FabricA aux autres. Je ne créerai pas à la Cour, c’est mon premier Festival, je devrais m’occuper de beaucoup de choses. Vous parliez hier de recréer les grandes heures du Verger… Oui pour des débats avec le public, des rencontres avec les artistes, un lieu de prise de parole, un lieu politique, on en a besoin. Pouvez-vous nous éclairer sur cette idée de quartier numérique à La FabricA, que certains hier soir ont qualifié de Vilar 2.O ? (Sourires). L’idée de ce quartier qui serait organisé avec un accès numérique, c’est pour attirer les jeunes à la lecture et permettre une meilleure médiation. Je ne peux pas en dire plus pour l’instant. Vous poursuivez les rencontres mensuelles, par exemple le 28 octobre à la FabricA ? Oui, les rencontres publiques, ce n’est pas le plus difficile à faire. Notre présence à Avignon sera effective durant l’année, avec le théâtre d’intervention, les répétitions ouvertes, les générales. J’en ferai une début mai, pour les Avignonnais. Allez-vous continuer à mettre en scène des opéras ? Je vais arrêter pour un temps, j’ai déjà annulé beaucoup de choses, Berlin, Amsterdam. J’en referai plus tard. Donc uniquement de la mise en scène de vos écrits ? Oui, pour l’instant. Je ferai une création à chaque festival d’Avignon. Entretien réalisé par DELPHINE MICHELANGELI et AGNÈS FRESCHEL

Tous d’accord ? Le 9 octobre, la fondation progressiste Terra Nova 84 invitait au débat Olivier Py et les têtes de liste des municipales

Jean-François Cesarini, président de l’antenne Vaucluse, rappelait que «l’impact sur la ville et la dimension sociale du Festival» restait l’une des préoccupations du cercle de réflexion composé de citoyens et politiques de tous horizons. Olivier Py a présenté les grandes lignes de sa philosophie et son projet, émettant le souhait de renouveler le public (mise en place d’un abonnement de 4 spectacles pour 40 euros) et rassurant une salle comble et captive : «le théâtre populaire, ça veut dire que je dois ce que je suis au public d’Avignon». Décentralisation et théâtre public («des mots consubstantiels») furent également les axes de son discours, fluide et passionnant, et trouvèrent des adhésions spontanées chez tous les candidats présents : la tête de liste UMP, Bernard Chaussegros, manquait à l’appel. Ainsi l’implantation de La FabricA au cœur du quartier populaire Monclar, son projet social, et l’idée d’ «un nouveau lieu culturel d’éducation» apparut pour les Avignonnais comme le sujet-phare, et très politique en temps de campagne électorale. Michel Bissière (Avignon Renouveau), ne pouvait encore dévoiler de projet culturel mais demandait que le Festival «multiplie les contacts et partenariats avec ceux qui travaillent à la culture toute l’année» ; André Castelli (Front de gauche), très attaché au terme «populaire» et à «une plus grande cohérence pour la Ville qui souffre du syndrome de pont cassé», formulait son engagement pour «une activité culturelle émancipatrice» ; Cécile Helle (PS) donna trois clés pour relever les défis -urbain, public et temporel- liés au Festival. À savoir la mobilisation des acteurs permanents de la ville «et des compagnies qui manquent de lieux alors que nombre de théâtres équipés sont fermés 11 mois sur 12», une place pour l’émergence, et la création d’un pôle de lecture publique avec un réseau de bibliothèques dans les quartiers périphériques. «Olivier Py veut un festival populaire, vibrant, vivant et humaniste… c’est ce que je veux pour la Ville». DE.M. Olivier Py, J.-F. Cesarini, Cécile Helle © De.M

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Dans le Var

rien ne 8

regroupant de nombreux théâtres du département. Le collectif qui regroupe aujourd’hui 34 compagnies professionnelles, tout en reconnaissant «que le financement de la culture par le CG représente un effort qui mérite d’être salué», souligne néanmoins une diminution des aides, en 3 ans, qui atteint 50 à 80% selon les différentes compagnies du collectif. Un financement public (villes, conseil général, conseil régional, État) qui représente 42% de leurs budgets, les 58% restants étant dus à leurs ressources propres (notamment billetterie et principalement ventes de spectacles). Une situation aggravée aussi par l’absence de coproduction pour la presque totalité des cies, et celle, quasi intégrale, de diffusion dans les salles et théâtres du territoire. «Que reste-t-il de ces opérateurs historiques qui ont coproduit ou diffusé les spectacles des compagnies varoises et plus largement de la région ? Le Réseau Scène(s) et le label Var en scène n’existent plus.»

va plus

P O L I T I Q U E

La catastrophe est là. Celle qui pourrait sonner le glas des compagnies de spectacles vivants dans le Var, qui voient dans la diminution des aides du conseil général «une volonté déguisée d’éliminer purement et simplement un maximum de ces compagnies». Cet avis est celui du Collectif des Compagnies du Var, créé en 2000 par nécessité de «devenir lieu d’échange, de réflexion et de solidarité face à une structuration des lieux de diffusion» : le Réseau Scène(s) -6 salles de la périphérie toulonnaise- et le label Var en scène du CG

C U L T U R E L L E

Terre comuni,

Il faut réagir Loin de baisser les bras, le collectif se mobilise en lançant réflexions et propositions à l’endroit des décideurs politiques et culturels, mais aussi du public, pour repenser les pratiques et les stratégies des politiques culturelles, envisager d’autres orientations dans la répartition des budgets, redéfinir les liens entre artistes et structures du territoire. Et se projeter plus en avant en demandant que soit pris en considération le côté économique de leur travail, rappelant à toutes fins utiles le chiffre d’affaire généré par ces cies : 1 500 000 euros entièrement réinvestis sur le territoire, des centaines de représentations par an, des cours, des stages, des événements… une réalité vivante, un maillage social et culturel que l’on pourrait considérer comme «un pôle artistique décentralisé et itinérant sur l’ensemble du territoire». «Une fois cette prise de conscience réalisée, une fois cette ré-évaluation opérée, il sera temps de travailler aux critères, au fonctionnement, à la répartition, à l’évaluation.» Dont acte. DOMINIQUE MARÇON

symbole d’un esprit de communauté culturelle

Présentation de Terre comuni-Terres communes par (de gauche à droite) Frank-Éric Retière, Graziano Melano, Robert Pasquier, Jean Flores © MGG-Zibeline

européenne À l’heure où l’unité européenne se fissure de toutes parts, la culture est un ciment, un liant ou un baume selon les diagnostics en cours… Pour les porteurs du projet franco-italien Terre comuni / Terres communes, elle est ce qui réunit les peuples par delà les frontières géographiques, historiques ou identitaires, ce qui stimule l’imaginaire collectif. Graziano Melano, directeur de la Fondazione Teatro Ragazzi e Giovani Onlus de Turin, en est convaincu, il est l’instigateur de cet échange transfrontalier : «L’esprit de Terre comuni est de mettre ensemble des équipes de théâtre et des créateurs de théâtre, son objectif est de stimuler les jeunes des villes partenaires et faire entendre les deux langues». À ses côtés, d’autres ardents défenseurs du développement culturel sur le

territoire transalpin : le Théâtre du Briançonnais (05), le Théâtre Durance à Saint-Auban (04) et le Théâtre de Grasse (06), où a été donné le 10 octobre le coup d’envoi d’une aventure associant 2 pays, 4 villes, 4 théâtres, des artistes et des jeunes autour d’un programme de création, de diffusion, de médiation, de traduction et de formation. Pour Frank-Éric Retière, directeur du Théâtre du Briançonnais, il s’agit «d’un projet exemplaire, éminemment humain, que j’espère nous pourrons pérenniser. Il faut que ce soit un début, une ouverture…». Quant à Robert Pasquier, directeur du Théâtre Durance «né de l’Europe il y a dix ans», il se félicite de «la qualité du compagnonnage» et rappelle l’importance de «la fonction sociale de la culture qui crée du lien, de la proximité et met

en synergie des lieux aux identités différentes». Enfin, clin d’œil à la compagnie génoise Sarabanda qui présentait ce jour-là la première création du projet, Piccole Modifiche, le directeur du Théâtre de Grasse Jean Flores ne cachait pas leur «ambition de faire que le théâtre, petite pierre après petite pierre, petite modification après petite modification, participe à la construction culturelle européenne». Concrètement, c’est dans la salle que le projet a pris corps, quand le jeune public a réservé une standing ovation à la compagnie Sarabanda -fait rare dans les représentations

scolaires !- qui démarrait en beauté sa tournée. Sur sa route, elle croisera la Fondazione Teatro Ragazzi e Giovani Onlus avec Hansel & Gretel des frères Merendoni et une performance en appartement (AT O) et Clandestine de Manosque qui créera Carta Memoria le 4 novembre à Saint-Auban. Avant de sillonner villes, départements, et régions… MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Calendrier complet du projet (créations, résidences, ateliers) sur www.terrecomuni.eu


Le Théâtre Durance est, depuis sa création en 2007, conventionné par le ministère de la Culture pour le jeune public et, par sa politique tournée vers la création, les résidences d’artistes, les actions transfrontalières, il est labellisé par le conseil régional de PACA pôle régional de développement culturel. Son directeur depuis l’origine, Robert Pasquier, lui apporte sa passion. Zibeline : Alors que nous sommes dans les annonces de restriction de budget, comment le Théâtre Durance réussit-il à s’adapter ? Robert Pasquier : Le budget du théâtre s’élève à 1 million 250 000€ quand il y a un projet européen avec la FEDER1. Les deux premières années, le budget artistique représentait 55% du total. Aujourd’hui, c’est 48%, alors qu’il devrait être supérieur à 50% pour mener à bien les missions multiples du théâtre : l’enjeu du territoire est fort, nous sommes en zone rurale, les populations sont disséminées. Mais nous entrons dans une dynamique de crise, alors que jusque-là le 04 avait été épargné grâce à nos tutelles et aux institutions État et Région. On roule sur une petite équipe, les investissements technologiques permettent un gain en personnel et ce pour 60 à 65 levers de rideau par an ! L’efficacité vient du travail remarquable des bénévoles et surtout de l’engagement total de l’équipe professionnelle, je leur demande l’impossible et «elles et

Robert Pasquier © Alain Lebreton

Une culture citoyenne 9

ils» vont au-delà ! C’est à ce prix fort que le Théâtre Durance est un lieu de diffusion et de création reconnu par tous. Mais la marge artistique s’érode, dans un délai de 5 à 6 ans, nous ne pourrons plus soutenir la création. Quelles solutions préconisez-vous ? Une réelle mutualisation des moyens serait nécessaire, rapprochement avec d’autres opérateurs, promotion des jeunes créateurs de la région, dans le cadre d’un projet de développement culturel et artistique départemental. L’installation d’un label national est indispensable à la survie du théâtre et des opérateurs du département. Cela permettrait la mise en œuvre de moyens supplémentaires stables, car de nombreux opérateurs de la région PACA sont en danger par la suppression des aides annexes.

D’autres horizons

Frédéric Flamand quittera le Ballet National de Marseille en janvier 2014. Une fin de mandat paradoxale, puisque son ballet tourne mieux que jamais : avec au mois d’octobre un focus important à Milan, une programmation à la Maison de la danse de Lyon, au Pavillon Noir, une tournée en Belgique… Frédéric Flamand, contrairement à ses prédécesseurs, n’interdit pas à son successeur -que l’on ne connait pas encore- de danser son répertoire. Le BNM va donc continuer cette année de tourner Sport fiction et Orphée et Eurydice, créations 2013 de Flamand, mais aussi de plus anciennes, Moving Target et Titanic, et les pièces d’Emanuel Gat, Emio Greco et Olivier Dubois récemment entrées au répertoire.

Une saison chargée donc, d’autant que le Festival de danse de Cannes de novembre (voir p.42), qu’il dirige, s’annonce passionnant ! Ramassant un ballet en miettes en 2005, sans répertoire et secoué de conflits après la révolte contre

© Agnès Mellon

La fédération de tous ces moyens n’irait-elle pas à l’encontre de la diversité ? Certainement pas, c’est pour cela que j’insiste sur le concept de la mutualisation. Le seul critère, avoir les mêmes ambitions. Je m’inscris fortement contre la soupe, le populisme, me contentant de quelques concessions pour promouvoir ensuite la création, des œuvres engagées dans un véritable propos artistique. Il faut se préserver contre la pensée unique par la diversité d’accueil des écritures, garder une dimension plurielle. La culture crée du lien social, les formes artistiques amènent à penser en même temps qu’elles divertissent. Entretien réalisé par MARYVONNE COLOMBANI

FEDER : Fonds Européen de Développement Régional

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Pietragalla, il laisse une maison en ordre de marche, avec des danseurs jeunes et performants… mais trop ou pas assez (néo)classiques selon les goûts ! Le mandat de Flamand a également permis de rendre vie au Studio

du BNM. D’en faire une salle de spectacles réguliers, fréquentés, un espace de résidence et de répétitions. Les Danses de l’Inde les 4 et 5 octobre ont réjoui le public d’un beau mélange entre danses populaires indiennes, et univers urbains. La Attakkalari Dance Company vient de Bangalore : leur Dancelogue, composée d’extraits courts de leur répertoire, présente un travail vidéo superbe, une bande son très travaillée, des danseurs passant des positions de bras traditionnelles au hip hop ou à l’acrobatie la plus débridée… D’autres horizons se sont indéniablement ouverts ! AGNÈS FRESCHEL

P O L I T I Q U E C U L T U R E L L E


Surcaricaturons féroce ! Julien Duval, que l’on connait comme comédien de Catherine Marnas, Alexandra Tobelaim ou Renaud Marie Leblanc, met aujourd’hui en scène Alpenstock, un texte de Rémi de Vos…

É V É N E M E N T S

Entretien réalisé par AGNÈS FRESCHEL

Alpenstock du 12 au 14 nov La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 le 29 nov Théâtre de la Licorne, Cannes 04 97 06 44 90 www.madeincannes.com n Torres Julien Duval © Julia

va au-delà de l’imaginable, et que l’horreur du propos raciste est si énorme qu’il ne peut que déclencher le rire !! Comment dirigez-vous vos comédiens dans cet univers loufoque ? Surtout pas comme des mécaniques. Leurs propos et les situations sont si éloignées du réalisme qu’il faut qu’ils restent collés

Happy B rthday

Télémaque !

Télémaque a 20 ans ! Depuis 1994, Raoul Lay, directeur et fondateur de l’Ensemble Télémaque, et compositeur reconnu, crée, diffuse, partage, et aime animer les plus beaux croisements artistiques. Télémaque n’a cessé de créer des passerelles multi-générationnelles, de Georges Boeuf, né en 1937, fondateur du GMEM, au brillant Pierre-Adrien Charpy, né en 1972, compositeur, professeur d’écriture au Conservatoire de Marseille. Après avoir longtemps bourlingué, les Télémaqueux sont fiers de pouvoir accoster dans leur belle résidence, le PIC (Pôle Instrumental Contemporain) sur l’emplacement de l’ancien cinéma de l’Estaque Le Rio. Les trois axes du projet Télémaque se concrétisent enfin pleinement : -avoir une résidence stable pour poser enfin leurs projets multiples et disposer d’une salle techniquement parfaite ; -pouvoir accueillir compositeurs et ensembles de toutes origines :

Philippe Festou y viendra avec son Ensemble Yin du 21 au 26 novembre ; -rencontrer le public et le jeune public par des actions multiples (Journées portes ouvertes, concerts-lectures, participation de chorales de collèges à des projets forts…). La naissance du Pôle Instrumental Contemporain à l’Estaque, dans des quartiers Nord si souvent délaissés, honore notre région, même si toutes les tutelles n’ont pas œuvré à sa réalisation. Le PIC a un bel espace de 450 m2, 100 places, une structure en bois et une très belle acoustique. Unique à Marseille ! L’inauguration officielle aura lieu le 24 octobre à 18h. Un concert suivra à 19h30 Corpus Fictif, réunissant Berio, Kagel, Aperghis, Lifchitz et Machuel. L’Alhambra accueillera le 25 octobre (14h30 et 20h30), 3 jeunes compositeurs européens (Glowicka, Fiorini, Kobaner) qui poseront leurs riches sonorités

les 9 et 10 janv Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr le 20 mai Théâtre Durance, Château-Arnoux 04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr

sur les images de Max Linder, le père du burlesque : Bon Anniversaire Max. Le 26 octobre, avec le soutien du GMEM, journée portes ouvertes au PIC à 11h30, 14h30, 17h30 : création de Pôm Bouvier B, Rémanences, suivi du concert Corpus Fictif à 19h30. Autre temps fort le 19 novembre : la Criée invitera 5 musiciens contemporains, avec les Symphonies électroniques des nouveaux mondes : Pierre-Adrien Charpy, Adrian Iorgulescu, Ted Hearne, Martijn Padding, François Narboni, appartenant à la dynamique de l’ECO (European Contemporary Orchestra, 33 musiciens). Entre Le PIC © Agnès Mellon

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Zibeline : Pourquoi ce passage à la mise en scène ? Julien Duval : Un retour plutôt, j’avais fait quelques mises en scènes il y a dix ans. Et je veux rester avant tout un acteur. Mais ce texte m’a tant fait pleurer de rire qu’il fallait que je le monte ! C’est pourtant un texte politique qui fustige l’extrême droite… De façon très politiquement incorrecte ! Mais il allie effectivement ces deux qualités rarement synchrones au théâtre : un comique jubilatoire et fracassant, et une vraie pertinence politique. Incorrecte ? Oui, il est question d’un homme obsédé par la pureté, de sa femme bonne ménagère qui se laisse séduire par un immigré balkanique, du plaisir pris à tuer qui redonne une virilité, du plaisir pris à voir une femme faire le ménage… tout cela dans une surcaricature féroce, des dialogues écrits brillamment, des situations absurdes puisque le mari a beau tuer l’amant il revient toujours, que la surenchère de meurtre

au réel, sans ironie, jouant au plus près de leur personnages, de leurs sentiments. Sans distance ! Le côté cartoon et film d’horreur est donné par le son, la lumière. Qui sont confiés à l’équipe de la compagnie Parnas ? Oui, c’est la production d’une équipe qui a l’habitude de travailler ensemble…

le cadre d’une œuvre écrite et la trame contemporaine, beaucoup d’instinct, de moments d’improvisations grâce aux instruments électriques, électroniques, aux bidouillages en direct du DJ Performeur/Son Philippe Petit qui peut varier les timbres, les hauteurs, les durées, dans une parfaite énergie collaborative. Le PIC, lieu ouvert sur les musiques d’aujourd’hui à Marseille, finalement mobile et audacieuse ! YVES BERGÉ

04 91 39 29 13 www.ensemble-telemaque.com


Copi au chœur L’entrée de la Marelle © Pascal Jourdana

Catherine Marnas prend en janvier 2014 la direction du Théâtre National de Bordeaux. Mais d’ici-là on pourra voir deux de ses créations aux Plateaux, le pôle théâtre de la Friche qui ouvre ses portes le 19 octobre. Avec un opéra de Copi et Alain Aubin…

Catherine Marnas et Alain Aubin © Dan Warzy

Zibeline : Comment vous est venue cette idée de travailler à deux ? Alain Aubin : On était restés sur un projet inabouti, l’idée de monter Le Frigo de Copi... Depuis je me suis mis à composer, j’ai écrit pour Catherine les chœurs de Sainte Jeanne les Abattoirs, et mon chœur a pris de l’ampleur. Donc on a voulu retrouver Copi, monter cette pièce chorale, en vers, qui me semblait faite pour la musique, et pour ma manière d’écrire les voix et les masses. Qui a évoluée : ce n’est pas de la musique de scène, ou des adaptations pour chœur populaire, j’y ai cherché des univers harmoniques complexes, et les phrasés, les mouvements mélodiques s’y sont inscrits par-dessus, dans un second temps. Une pièce chorale ? Alain Aubin : Oui, avec des solistes, des comédiens, de la danse aussi, mais surtout des chœurs. Une centaine de choristes amateurs est impliquée dans le projet, il y a trois chœurs qui se répriment et se pacifient : les hommes, qui sont des révolutionnaires, les femmes, qui cherchent à survivre, et les âmes. Catherine Marnas : El Cachafaz est un danseur de tango mythique en Argentine, un voyou des rues en fait. Copi s’en saisit pour écrire une fantaisie débridée, et son humour sur lit de désespoir est

d’une grande humanité : il s’agit de faire la grimace à la mort… J’y ai été un peu gênée parce que les femmes y sont conservatrices, puis j’ai compris que justement dans ce contexte de dictature elles voulaient conserver le vivant, d’où leurs erreurs. Ce qui m’intéresse c’est que dans cet univers comique la charge émotionnelle de la musique d’Alain est forte. Je ne crois pas qu’on puisse écrire de la musique comique, elle touche ailleurs, sa grimace a un autre rapport à la mort. La scénographie ? Catherine Marnas : Forcément minimale, avec tout ce monde sur le plateau : les choristes, les comédiens, danseurs, musiciens… Mais c’est une magnifique occasion pour inaugurer le nouveau théâtre de la Friche : un projet participatif, drôle et musical, fondé sur la collaboration entre artistes. Ce théâtre, dont j’ai rêvé, que j’ai vu construire, me manquera. J’espère que mes successeurs auront les moyens de le faire vivre. Ce qu’on ne vous offrait pas ici ? Catherine Marnas : Effectivement. Entretien réalisé par AGNÈS FRESCHEL

El Cachafaz du 19 au 25 oct La Friche, Marseille 04 95 04 95 95 www.lafriche.org

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Le grand saut de la Marelle

Depuis 2010 la Marelle, dans sa villa installée à La Friche, organise des résidences d’auteurs, des rencontres littéraires mensuelles, et le festival CoLibris. Partenaire actif de la plupart des actions littéraires de Marseille, elle permet que des étrangers (entendez des non marseillais) écrivent sur cette ville, et aide en cela de nombreux projets d’édition. Pourtant la Marelle a failli disparaître comme tant d’autres structures en 2013. Toujours pour les mêmes raisons : il a fallu suivre l’accélération de 2013, l’activité a augmenté de 60%, et les financements n’ont globalement pas bougé : la Sofia (société de reversement des droits de reproduction des livres) qui les a aidé au début a cessé son aide, à peine compensée aujourd’hui par une légère augmentation des tutelles : les Conseils Général et Régional, ainsi que la DRAC, ont augmenté en deux ans de 10 000 ou 5000 € chacun, la Ville muette jusque là est timidement entrée dans le financement en 2013… Les meubles sont donc sauvés et l’activité peut continuer, mais risque de redescendre à son niveau de 2012, refreinant cet élan qui avait permis à tant d’écrivains de produire une littérature inattendue sur Marseille. «Le système des subventions n’est pas adapté à une structure comme la nôtre, explique Pascal Jourdana. On nous demande d’avoir des recettes propres. Comment voulez-vous que des rencontres littéraires ou des résidences d’artistes génèrent des recettes ?» Une tutelle ne pourrait-elle pas prendre en charge les résidences d’écriture correctement ? L’investissement représente peu de choses, et le bénéfice en termes de production littéraire serait immense… AGNÈS FRESCHEL

http://villa-lamarelle.fr

PÉ O V LÉ I N ET I M Q E U N ET S C U L T U R E L L E


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Le MuCEM Pourquoi ils écrivent

Wajdi Mouawad © Jean-Louis Fernandez

É V É N E M E N T S

Le succès du musée continue de surprendre agréablement : loin de se tarir, le flot de visiteurs s’est encore accru en septembre, et en quatre mois 1 100 000 personnes ont franchi les passerelles et les portes pour une promenade, un spectacle ou une expo… Les entrées payantes affichent d’ailleurs un score considérable : si deux visiteurs sur trois se promènent dans les propositions gratuites, plus de 350 000 personnes ont déjà visité les expos, soit davantage que ce qui était espéré en un an… Mais les propositions du soir recueillent moins de succès dans la salle Germaine Tillion. Pourtant chaque jour des séances de cinéma, des rencontres littéraires ou historiques, des concerts, des conférences d’une grande qualité intellectuelles sont proposées. Mais les entrées fermant à 18h30, et le J4 désert la nuit, sont peu propices à garder le visiteur dans les murs ajourés… Il faut savoir qu’il s’y passe des choses la nuit ! Et si la fréquentation a été peu satisfaisante, la qualité des propositions était au rendez-vous. Qu’on se le dise : la cité culturelle est ouverte tous les soirs (sauf le mardi) en nocturne !

Il est des heures précieuses. La première des rencontres littéraires organisée par le MuCEM le 16 septembre était un de ces moments rares. Tout y était parfait. Philippe Lefait qui interrogeait avec pertinence mais aussi une modestie presque naïve, riant de l’intelligence de ses hôtes ; Patrick Boucheron qui parla de la place de l’historien avec la pertinence d’un homme qui ne cesse de s’interroger et de construire ; Wajdi Mouawad qui sous les yeux des spectateurs émerveillés inventa des histoires, parla par métaphores longuement

filées, avec un sens unique du récit inopiné, et symbolique. Ces trois-là ensemble tournaient, chacun à sa manière, autour des problèmes posés par l’écriture de l’histoire, fictionnalisée ou non. Patrick Boucheron : «Être médiéviste c’est une autre façon de chercher l’actuel, de pister les traces. […] L’histoire aujourd’hui ne se reconnait plus par ses certitudes, il faut pratiquer l’hygiène de l’incertitude et exhiber ses fragilités.» Car «le régime propre des historiens est de défendre la vérité mais le moyen pour ne pas faire de la littérature est de s’engager dans l’écriture, pour fortifier la frontière entre la vérité et sa transcription.» Wajdi Mouawad : «J’ai toujours pensé qu’écrire était un déclin par rapport à la parole, au théâtre.» Patrick Boucheron : «Au Moyen-Âge Scripta manent verba volent ne veut pas dire que les écrits perdurent et que les paroles s’évanouissent, mais que les écrits sont figés tandis que le verbe s’envole vers Dieu…» L’écriture est, pour chacun, une sorte de dévoiement de ce qui serait un absolu : la vérité historique pour Boucheron, les visions qui le visitent pour Mouawad. Et puis ils parlèrent encore de la difficulté de vivre dans un monde obsédé par le besoin d’être connecté. De combien il était plus difficile de s’adresser à une «audience élargie» qu’à un public de spécialistes -les brouillons les plus torturés de Duby sont ceux de ses émissions Le Temps des Cathédrales- du fait que ce n’est pas la guerre qui fait un écrivain, le traumatisme,

Désir sans sentiments

En écho à l’exposition Au bazar du genre Féminin/Masculin, le MuCEM a mis en place un cycle de documentaires et fictions chacun évoquant la sexualité, la virilité, la féminité… dont une double projection intitulée Fatalement féminines le 25 septembre. Chroniques d’un amour d’Antonioni et Loulou de Pabst ont été choisis pour interroger les représentations cinématographiques de la femme fatale. Le premier raconte l’enquête d’un détective sur Paola et son amant Guido, le second l’histoire d’une femme sensuelle, maîtresse du Dr Shön qui la désire mais ne la traite jamais comme une humaine. Loulou, comparée à Pandore, est victime du vice : le Dr Shön ne s’intéresse qu’à son corps, ses amis à son argent et Alwa, qui dit l’aimer, finira par les ruiner au jeu les condamnant à vivre dans les bas quartiers de Londres. Pabst lui-même, qui filme Louise Brooks avec fascination,

affuble sa femme fatale d’un goût du luxe animal. Seule la Comtesse Anna Geschwitz, dont les sentiments pour Loulou sont aussi faits de désir, veut vraiment lui venir en aide. Mais lorsque Loulou tue en légitime défense, elle est accusée de meurtre : un homme de ce rang ne peut être un assassin. Vingt ans après en Italie le néoréalisme filme la femme autrement, mais elle est toujours aussi fatale aux hommes : traitée en objet elle n’a pas à s’exprimer. Enrico Fontana, mari de Paola, lui refuse une Maserati sous prétexte que cette voiture trop rapide, trop virile, «n’est pas faite pour une femme». Paola ne peut vivre son amour avec Guido sans passer par le meurtre, tandis que lui n’a cure de la mort accidentelle de sa fiancée Giovanna, plus mystérieuse qu’elle n’y parait. Le désir reste lié à la mort. Cinéma parlant et film muet s’enchainent de


le soir mais le désir d’écrire et l’admiration pour les livres… mais qu’on fait avec ce qu’on a vécu, «ce que vous avez sous la main. J’ai donné la parole à ceux qu’on m’a appris à détester. Ma mère me disait que je n’étais ni juif ni arabe ni rien, mais un Phénicien. C’est-à-dire le membre d’un peuple mort.» Interrogé sur ce qui fait l’identité, et sur comment la dépasser, l’historien répondit comme un écrivain : «Bien sûr l’identité nationale est une fiction, mais on ne croit qu’aux inventions. La nation française a été inventée et alors ? On y croit.» Mouawad : «On se met à inventer des histoires, du théâtre en particulier, parce qu’il faut inverser une somme de bêtises. J’ai eu envie d’écrire du théâtre en lisant Hamlet, parce que les jeunes gens y étaient tous victimes des luttes des pères qu’ils devaient endosser. Il faut que les jeunes aient le droit à l’indifférence, et il faut inventer les mots de la riposte.» La rencontre se termina par la question toute simple d’une enfant d’une dizaine d’années : «Comment écrit-on du théâtre de l’intérieur ?» L’auteur acteur respira longuement, et raconta l’histoire d’un frère qui a tant souffert qu’il n’a plus de mots en lui, et pour lequel on les invente, lui rendant la parole. L’empathie était palpable, et le respect, profond.

Crise et pétrole au JT L’animateur de La Fabrique de l’histoire sur France Culture Emmanuel Laurentin a inauguré son cycle Le temps des archives au MuCEM le 23 septembre. Il accueillait le spécialiste des questions d’énergie Alain Beltran, à propos de la crise du pétrole survenue en 1973. Ce dernier proposait une contextualisation bienvenue : le gâchis usuel lorsque le baril valait à peine 1€, les signes avant-coureurs, le basculement du rapport de force entre les pays arabes producteurs et ceux qui dépendaient d’eux, les relations entre bloc communiste, USA, Israël et Europe post-décolonisation... Le tout ouvrant sur un nouvel ordre économique mondial, avec les avatars que l’on connaît, du nucléaire au gaz de schiste.

Cette rencontre a eu lieu le 16 septembre au MuCEM dans le cadre des rencontres littéraires (un lundi par mois) Jeremy Gravayat. Maison du peuple ©

ALICE LAY

GAËLLE CLOAREC

Symphonie architecturale

AGNES FRESCHEL

manière fluide : ces histoires sentimentales sont à la fois théâtrales et très abstraites dans leur traitement, particulièrement Loulou réalisé au moment où l’expressionisme influençait le cinéma allemand. Mais aujourd’hui le point de vue apparaît doublement masculin : si les personnages exercent une domination qui va jusqu’au bestial (Loulou finit égorgée par Jack l’Eventreur, scène qui avait été censurée en 1929), les réalisateurs fascinés par leurs actrices en font aussi des représentations du mal. La sexualité féminine est perçue par des hommes qui «créent» des êtres désirables plutôt que de laisser parler leur désir. Un sujet encore tabou ? le public n’est pas venu nombreux au MuCEM, qui pourtant programme du cinéma de répertoire enfin accessible à Marseille, autour de questions passionnantes.

La grande force de cette formule est de s’appuyer sur les documents audiovisuels mis à disposition par l’INA, qui plongent immédiatement le spectateur au cœur du processus historique. Procédé intéressant à plus d’un titre : les journaux télévisés de l’époque, avec des sujets de fond traités en plus de 10 minutes (luxe inimaginable aujourd’hui !) servent tout autant à l’histoire des médias qu’à celle de la crise du pétrole. Gageons que le Temps des archives saura trouver son public lors des prochaines sessions, le 21 octobre avec 1982, la Marche des Beurs, et 1978, Les Accords de Camp David le 25 novembre.

Maison Latapie, Floirac © Philip pe Ruault.

«Le bâtiment est un instrument qui s’ignore, il faut le révéler» explique l’artiste Nicolas Maigret, membre du collectif Art of Failure. Le 20 septembre, dans l’auditorium Germaine Tillion du MuCEM, il présentait Résonant Architecture, une installation vidéo documentaire des plus étonnantes. Depuis 2006, il réalise des expériences dans le monde entier sur des bâtiments atypiques : la tour Freitag à Zurich formée de 17 conteneurs, La Maison du Peuple à Clichy composée de «mur-rideau» ou encore

la maison Latapie à Floirac protégée par des tôles ondulées transparentes. À l’aide de haut-parleurs vibrants, il active à basse fréquence toute la structure du lieu pour en révéler une acoustique unique. «Cette technique permet de dévoiler la sonorité particulière des lieux étudiés et donne un rapport différent à l’architecture. L’œil se tourne vers des détails qu’il n’aurait peutêtre pas détecté en regardant simplement le bâtiment.» Pendant une heure, le spectateur est plongé à l’extérieur comme à l’intérieur des lieux étudiés. Les vibrations varient en fonction de la structure, du matériel utilisé mais aussi de l’environnement : «Des captations naturelles ont été ajoutées grâce à l’installation de micros à proximité du bâtiment» ajoute Nicolas Maigret. En associant l’image et la résonnance d’un lieu, le collectif Art of Failure modifie subtilement la perception d’une œuvre d’architecture. Ils ajoutent d’autres dimensions pour développer des sensations encore inconnues. Pour prolonger l’expérience, une installation vidéo sous forme de triptyque a été installée dans l’espace forum du MuCEM jusqu’au 30 septembre. ANNE-LYSE RENAUT

L’installation vidéo Résonant Architecture a été projetée le 20 septembre à l’auditorium Germaine Tillion du MuCEM

13 PÉ O V LÉ I N ET I M Q E U N ET S C U L T U R E L L E


Le dialogue, valeur sacrée du MuCEM

Cycle «Porteurs de rêve» 14 É V É N E M E N T S

En écho à l’exposition Le Noir et le bleu. Un rêve méditerranéen, le MuCEM propose un cycle de rencontres dédié à ces personnages qui ont marqué l’histoire du bassin méditerranéen du XVIIIe au XXe siècle. Ce mois-ci, l’écrivain grec Takis Théodoropoulos sera présent pour parler d’un poète qui le passionne : Constantin Cavafis (le 17 oct).

Les débats

Le 16 octobre, Michel Bozon, sociologue à l’Institut National d’Etudes Démographiques est invité à dialoguer autour du thème L’adolescence, objectif sexualité. Transgressions ordinaires et paniques adultes. L’occasion de parler de la panique morale adulte face aux transgressions ordinaires des adolescents. Le 28 octobre, rencontre entre Anastasia

Makridou-Bretonneau et Antoni Muntadas lors du débat Aller-retour, citoyenneté et déplacements qui parlera des questions de «citoyenneté» soulevées par l’œuvre qui interpelle dès l’entrée du J4.

Les performances

Le MuCEM présente, en partenariat avec la manifestation Invisible Design, deux projets du Soundwalk collective dont le but est de «rendre visible l’invisible». Le 18 octobre, à travers l’expérience Ulysse Syndrome, le public suivra les aventures du collectif embarquant sur un bateau, équipé de scanners et d’antennes, afin d’enregistrer de manière insolite leur traversée de la Méditerranée. Le 19 octobre, l’équipe repart pour Medea, un voyage sonore au bord d’un voilier au cœur de la Mer Noire. Du 18 au 21 octobre, le forum du MuCEM accueillera l’exposition des Lauréats du parcours Invisible Design. Lire aussi les annonces en pages musique (p.48), ainsi que l’article sur le colloque Héritages arabo-islamiques dans l’Europe Méditéranéenne sur www.journalzibeline.fr. ANNE-LYSE RENAUT

MuCEM, Marseille 04 84 35 13 13 www.mucem.org

Photos flottantes

Memory of trees de Kathryn Cook constitue l’avant-dernière exposition du cycle photographique conçu pour le MuCEM par François Cheval, directeur du musée Nicéphore Niépce à Châlon-sur-Saône, après Les choses de ce côté du monde puis Odysseia d’Antoine d’Agata, pour se clore avec Mare-Mater de Patrick Zachmann

Kathryn Cook vient d’achever un travail de plusieurs années sur le génocide arménien dont une des dernières étapes a été une résidence à Marseille auprès de l’association La Jeunesse Arménienne de France dans le cadre des Ateliers Euroméditerranée, et la réalisation d’un ouvrage avec les éditions Le Bec en l’Air. En parcourant Memory of trees s’instille progressivement un sentiment d’étrangeté. Hormis une vitrine documentaire et quelques informations murales, rien n’indique que nous sommes en présence d’un évènement dramatique. Il est surtout question ici de traces -principe même de la photographie. L’auteur multiplie les angles d’entrée, crée un état de vision flottante. Flous de bougé, de filé, situations indéfinies, visions nocturnes chargées, flous d’usure du temps d’images anciennes, sous-expositions embrument la signification immédiate. Certaines images sont plus métaphoriques : la grande tâche au sol d’une maison, la zone déneigée autour d’un arbre «parlent» d’un territoire comme autant de cartes d’une géographie affabulée. Un portrait dans le portrait confond la présence réelle. Une ombre oblitère le demi-visage d’un homme comme mutilé. Ce brouillage des identités, des frontières physiques et temporelles poursuit celui de l’Histoire, renforcé par l’apport d’images d’époque retravaillées et de

Kathryn Cook, Memory of trees, 2012. Along the deportation route in Syria, between Aleppo and Deir-Zor © Kathryn Cook - Agence VU

gros plans de cocons de soie faisant allusion à l’ancienne tradition arménienne du tissage pratiqué aujourd’hui par les Kurdes dans le village d’Agaçli («place des arbres»). Memory of trees révèle par ailleurs une interrogation sur l’écriture photographique affranchie du documentaire, confrontée à l’histoire et la douleur. Il constitue une subtile recherche d’auteur dont les images pèsent de tout leur poids suggestif. Membre de l’agence VU, Kathryn Cook se consacre principalement à des projets personnels et porte depuis plusieurs années son regard sur les sociétés post-génocidaires au Moyen Orient, en Turquie et au Rwanda. Elle sera présente pour une rencontre publique le lundi 11 novembre à 18h30. CLAUDE LORIN

Memory of trees, Kathryn Cook jusqu’au 18 nov MuCEM, Marseille 04 84 35 13 13 www.mucem.org www.becair.com

À l’abordage ! Pour accompagner les enfants et leurs parents dans la découverte du MuCEM, le nouveau Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, un petit guide est le bienvenu ! C’est celui d’Isabelle Glorieux-Desouche, historienne, ethnologue, conférencière, qui propose un parcours ludique favorisant l’observation. Six itinéraires sont proposés, que l’on peut emprunter dans le désordre en suivant ses impulsions. Ainsi la juxtaposition de l’architecture contemporaine du Musée avec les bâtisses chargées d’histoire du Fort Saint-Jean permet un voyage dans le temps et dans l’espace ouvert sur la ville et la mer. Il est permis de se perdre dans les escaliers et les passages couverts, incitant à l’aventure les visiteurs les plus jeunes qui parcourront ensuite le jardin des migrations en découvrant les plantes méditerranéennes, comme l’olivier installé par les Phocéens il y a 2600 ans, les plantes voyageuses, les aromatiques... Passage précieux dans les salles du Fort consacrées aux loisirs avec la maquette du cirque de Georges Berger, L’Universal Circus Pir’Ouett, et ses 3000 figures en bois (40 ans de travail), l’hommage aux chevaux de manège, aux marionnettes... Dans les collections permanentes, les plus grands découvriront l’histoire de l’agriculture, des religions et des droits de l’homme. La consultation du guide en amont pour préparer la visite de ce grand vaisseau sera certainement d’un grand secours avec ses photos et ses plans. CHRIS BOURGUE

Objectif MuCEM, le guide des visites en famille Isabelle Glorieux-Desouche Actes Sud Junior, 14,50 euros



La Méditerranée autrement

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Zeid Hamdan & Maryam Saleh © Alaa Minawi The Lebanese Rocket... © X-D.R

É V É N E M E N T S

Du 22 octobre au 3 décembre, le cycle L’Histoire autrement donnera une vision différente des médias sur les révolutions du monde arabe passées et actuelles. De nombreux documentaires permettront aux spectateurs de voir des images inédites et de revivre des moments clefs de la révolte. Il y aura notamment 18 jours (le 22 octobre), un film collectif de 10 cinéastes qui témoignent à travers 10 courts métrages, filmés dans l’urgence, de l’occupation de la place Tahrir au lendemain de la chute d’Hosni Moubarak. Une séance de radio live sera à nouveau organisée le 26 octobre par Aurélie Charon et Caroline Gillet, productrices de l’émission Welcomme, nouveau monde sur France Inter. Cette fois-ci l’émission XXI : notre siècle, nos printemps s’intéresse aux récentes révolutions du Caire et de Tunis et revient sur celles d’Algérie en 1988 ou Tel Aviv en 2011. Le public assistera le 15 novembre à la rencontre musicale entre le compositeur libanais, Zeid Hamdan et la chanteuse égyptienne Maryam Saleh connue pour avoir repris les chants révolutionnaires de l’égyptien Sheikh Imam. À travers le documentaire de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, The Libanese rocket society, c’est l’extraordinaire aventure spatiale libanaise qui reprend vie, avec des témoignages et des archives qui raniment le rêve des années 60 (le 19 novembre). De l’Espagne aux États-Unis, c’est toute l’évolution du mouvement des indignés qui sera traitée dans le documentaire collectif intitulé Dormiamos, despertamos (le 10

ANNE-LYSE RENAUT

novembre). Enfin, dans 74, reconstitution d’une lutte (2012), les réalisateurs Rania et Raed Rafei font revivre aux spectateurs l’occupation

Homo urbanicus

Trois jours de rencontres, débats, balades et propositions artistiques pour mettre La ville à l’épreuve de la démocratie, c’est ce que propose le collectif Pensons le matin du 25 au 27 octobre sur le site de La Friche. À l’automne d’une année capitale qui soulève forcément nombre d’interrogations, l’heure des premiers bilans a sonné, et un questionnement politique et citoyen sera le bienvenu pour réfléchir aux liens entre culture, gentrification et ségrégation urbaine. On pourra aussi «penser avec les pieds» lors de balades révélant les dégâts sociaux de certaines opérations immobilières, s’instruire en lisant la revue Faire Savoirs conçue par des chercheurs en sciences sociales, s’interroger sur le service public de la culture à Marseille, dialoguer avec une philosophe (Joëlle Zask) et un architecte (Aykut Köstal), ou bien rêver à un monde meilleur avec le groupedunes sur le toit-terrasse. Surtout, on ne s’en remettra pas à ceux qui sont supposés savoir, pour réfléchir à notre place. Comme in Moreau le rappelle Philippe © Ala Foulquié, ancien directeur des lieux : «tout le monde est penseur». GAËLLE CLOAREC

du 25 au 27 oct La Friche la Belle de Mai, Marseille 04 95 04 95 04 www.lafriche.org

par sept étudiants du bureau du directeur de l’Université américaine de Beyrouth en 1974. À noter que pendant le tournage, les comédiens ont souvent laissé place à l’improvisation et sont en réalité de véritable «acteurs politiques engagés dans des luttes présentes» (le 12 novembre). Voir aussi les annonces musique en p.48.

Villa Méditerranée, Marseille 04 95 09 42 52 www.villa-mediterranee.org

Autour des Rencontres

La 20e édition des Rencontres d’Averroès s’apprête à Penser la Méditerranée au XXIe siècle. En amont, on pourra voir une installation vidéo du collectif Le Nomade Village sur les vitrines de l’Espace Culture (angle Canebière / rue de Rome, vernissage le 2 novembre). Toutefois pour marquer cet anniversaire, la programmation culturelle Sous le signe d’Averroès a été resserrée autour des quatre journées de tables rondes, de façon à gagner en visibilité. Au pied de l’auditorium du Parc Chanot, une grande carte de la Méditerranée représentée sans frontières sera installée, œuvre propice à la réflexion de Sabine Réthoré. Lectures des élèves de l’ERAC dans Window IV © Co llectif Nomade Village le cadre du projet de Dramaturgie arabe contemporaine porté par la Friche, projections de documentaires, concerts et accompagnements musicaux (de Rachid Taha à Guylaine Renaud, en passant par l’Odyssée pour violoncelle et chœur imaginaire de Sonia Wieder Atherton), le public des Rencontres n’aura que l’embarras du choix... G.C. Les 20e Rencontres d’Averroès du 28 nov au 1er déc Parc Chanot, Marseille www.rencontresaverroes.net


Michel Kelemenis fait en cette année 2013, souvent oublieuse des artistes de la région, une place de choix à la création chorégraphique qui s’élabore ici Ses Questions de danse ont débuté le 8 octobre par une soirée sud africaine témoignant de liens artistiques profonds tissés entre Marseille et Johannesburg. Le danseur Fana Tshabalala avait travaillé son magnifique solo, Une Rupture, au KLAP, pour le danser également en Afrique du Sud. Il y met clairement en jeu les liens de servitude, l’histoire d’un joug installé par l’Europe, chantée par Brigitte Fontaine, sur son propre corps d’Africain, superbe, entravé. Chaque mouvement est d’une grâce et d’une force rarement alliées. Son duo Between us avec son compatriote Thulani Chauke est en cours de création (et s’oriente vers d’autres voies : celles du dialogue entre deux corps différents -Thulani Chauke est plus petit et plus nerveux) qui cherchent à s’imiter et communiquer. Des moments de parodie s’esquissent, et de belles rencontres, des affrontements aussi, qui déjà interrogent… La cie Ex Nihilo a travaillé avec Dala, collectif Sud-Africain, mais la performance qu’ils ont présentée devant le KLAP n’en semblait pas affectée : on y retrouve la même danse, urbaine, sporadique, et les mêmes regards appuyés entre les interprètes qui attendent avant de se jeter dans le mouvement comme dans une bagarre… Où sont les vigiles sud-africains dont il était question dans le projet, sinon sur des vidéos volontairement illisibles ? En

Une rupture, de Fana Tshabalala © Agnès Mellon

Place aux artistes

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revanche l’installation dans le hall du KLAP, conçue avec les Pas perdus (voir également p.68), parle immédiatement des corps absents… Le 10 octobre deux autres compagnies régionales, emmenées par des femmes, prenaient le relais. On eut le plaisir de retrouver l’écriture de Christine Fricker, chorégraphe marseillaise qui faute de moyens se produit peu, ou que l’on a cantonnée dans des projets participatifs ou pour enfants (une femme ?). Le malentendu éclate en découvrant le début de One+one : Christine Fricker aime les corps non normés et divers, mais elle sait écrire le mouvement. Dans l’espace, le geste, et surtout dans le temps, en construisant une progression, avec un vocabulaire qu’elle emprunte à ses interprètes et réécrit pour en faire des phrases chorégraphiques. Huit jours de répétitions avec 5 danseurs amateurs fidèles ont déjà permis de faire jaillir un propos, la singularité des êtres apparaissant lorsque leurs corps si

Les 8e Rencontres à l’Échelle, temps fort annuel invitant des artistes des rives de la Méditerranée à confronter leurs pratiques artistiques, animent Les Bancs Publics jusqu’au 16 nov. Au programme : lecture Congo d’Eric Vuillard par Julie Kretzschmar et Thomas Gonzales (20 oct, inauguration des Plateaux de la Friche), solo dansé Dead dog/Vision par l’Egyptien Mounir Saeed (12 et 13 nov), performance Quand les poèmes colonisèrent notre pays de Lénaïg le Touze (12 nov), Al Atlal (les Ruines) de Sharif Andoura (14 et 15 nov), Touch me Taste me par Gurshad Shaheman (15 nov), et l’œuvre amplifiée et spatialisée Chœur Tac-Til, jouée dans le noir

(16 nov). À voir jusqu’au 27 oct, à la Friche Belle de Mai, l’exposition du photographe Bruno Boudjelal, Jours intranquilles, Chroniques algériennes d’un retour (19932003). Un récit autobiographique et une quête identitaire sur les terres natales de son père, l’Algérie, en 5 volets. Rencontre entre l’artiste et Christian Caujolle (20 oct à 16h), et lecture avec le journaliste Sid Ahmed Semiane dans Correspondances (22 oct à 19h). DE.M. Rencontres à l’Échelle Jusqu’au 16 nov 04 91 64 60 00 www.lesbancspublics.com www.lesrencontresalechelle.com

ce VU’ © Bruno Boudjelal - Agen

À la hauteur !

différents exécutent les mêmes mouvements… Une chorégraphe encore : Caroline Bô a rencontré le poète Maxime Guidot-Déjoux et ils racontent, l’une dansant et parlant un peu, l’autre poétisant et dansant pas mal, l’histoire d’un couple. Qui se trouve, jubile, se distend, s’affronte, puis jubile à nouveau. Un temps l’homme attaque de ses mots la femme au centre d’un vortex. Un temps ils dansent ensemble, dans des jolies poursuites, des portés charnels. Les mots du poète sont rugueux et faits de rapprochements surprenants, ce qui permet à Dévortex d’échapper à toute la banalité de ce type de duo. AGNÈS FRESCHEL

Question de danse jusqu’au 30 oct 04 96 11 11 20 www.kelemenis.fr

PÉ O V LÉ I N ET I M Q E U N ET S C U L T U R E L L E


T H É Â T R E

Introspections libanaises Le théâtre de Lina Saneh et Rabih Mroué déconcerte. Tout en interrogeant, y compris sur le mode humoristique, la notion d’artiste et le rapport au corps, il parvient à décortiquer les mécanismes d’étouffement d’une société par la domination religieuse, institutionnelle ou médiatique. Dans Qui a peur de la représentation ?, l’action relève du jeu. Un homme et une femme assis à une table. Elle, ouvre au hasard un livre que l’on devine d’art contemporain et cite des noms de personnalités occidentales à la notoriété acquise en bousculant l’ordre établi. Lui, en arbitre, lui accorde un temps défini par la page de l’ouvrage piochée pour évoquer les artistes en question. L’actrice se positionne alors devant une caméra imaginaire et se lance dans la description de performances de body art plus ou moins provocatrices, où le sexe, la scatologie ou la mutilation sont de mises. Par intermittence, l’homme se lève à son tour et, dans sa langue maternelle, raconte le récit réel de la dérive d’un compatriote, Hassan Mamoun, dans la folie meurtrière. Ici, l’individu est, dans un cas, émancipé et valorisé ; dans l’autre, nié et manipulé. Dans le premier, la violence s’apparente à une prétendue modernité quand, dans le second, elle résulte de l’archaïsme d’un mode de pensée. Avec Appendice, le couple Saneh-Mroué s’attaque au tabou de l’incinération dans le monde musulman. Immobile, sur une chaise en fond de scène, Lina écoute, muette, son compagnon détailler l’absurde et hilarant scénario qu’elle a elle-même établi pour, d’amputation en ablation, brûler un à un ses organes et, au final, vaincre l’interdiction, délivrer le corps de toute emprise du sacré ou de la morale. Se sacrifier, au prix de la douleur physique, pour faire triompher la liberté d’action et de décision de l’individu. Le sacrifice, par le suicide, fut le choix, en plein printemps arabe, d’un jeune activiste libanais dont le geste fatal est au centre de la pièce 33 tours et quelques secondes. Entre théâtre-documentaire et installation. Sur les planches, pas de présence humaine mais le bureau du défunt. Fax, sms, flash télévisé, portable qui sonne en vain et, sur écran, la page Facebook du militant où apparaissent en direct les réactions passionnées de ses partisans comme de ses adversaires, provoquant une polémique dans tout le pays. Les combats politiques peuvent-ils survivre à ceux qui les ont menés ? Cela semble la préoccupation essentielle de Lina Saneh et Rabih Mroué. THOMAS DALICANTE

Ces spectacles ont été joués les 2, 3 et 5 octobre, à la Villa Méditerranée, dans le cadre d’actoral

Sad Sam Lucky, Matija Ferlin © Nada Zgank

Qui a peur de la représentation © Houssam Mchaiemch

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Grand écart Avec le Sad Sam Lucky de Matija Ferlin, c’est la plongée dans un lac des signes, une expérience de la durée, du son et du mouvement. Tournant en rond dans une pièce délimitée par une scène de marbre semblable à un tableau posé au sol, un homme agrafe des pages indéchiffrables sur une table : «Beaucoup de travail m’attend, n’est-ce pas réjouissant ?». Il les met en voix et en gestes, sous forme de bribes d’histoires : cris inarticulés et archaïques, monologues ébauchés, grincement inaudible et pourtant assourdissant d’une table qu’on déplace, mouvements des lignes que dessine la poussière noire sur le sol blanc… Autant d’esquisses qui semblent suspendre dans l’espace des trajectoires anecdotiques, des morceaux de vie. Ce que la formule, conçue sur la répétition hypnotique d’une tâche de scribe à la Bartelby, pourrait avoir d’expérimentalo-cérébral est désamorcé par la puissance, l’efficacité et le dosage parfait de précision et d’émotion d’une science du corps et du son à la fois conceptuelle, expressionniste et athlétique. Au minimalisme noir, blanc et gris du premier, succèdent les couleurs acidulées de La Vecchia Vacca de Salvatore Calcagno. Un jeune homme est à la fois nourri et tiraillé par les fantasmes de femmes qui sont autant de variantes de l’amour impossible voué à la mère. Les kitscheries pastel et les musiques des années 60 habillent des nudités barbouillées, fragiles ou brutales. Les femmes, à la fois gracieuses et avachies, sensuelles et veules, ont des voix tantôt d’anges et tantôt de pies jacassières, des seins à la fois lourds et creux : plénitude nourricière, désir, ou poches vides d’un pis qui a trop servi. Madone, ma maîtresse ! Entre l’éternel féminin et l’éternelle Italie, entre pasta et nutella, la jeune équipe de La Vecchia Vacca nous offre une proposition généreuse mais finalement convenue, où le poncif, pas toujours maîtrisé, manque son effet. Dans la programmation d’Actoral, ces deux spectacles se rejoignent d’une certaine manière : une attention portée au voyage cosmopolite entre les langues, ainsi qu’à la rencontre du théâtre et de la danse, à la richesse qu’apportent les approches graphiques et chorégraphiques. Mais de l’un à l’autre, mieux vaut savoir faire le grand écart. AUDE FANLO

Sad Sam Lucky, de Matija Ferlin (24 et 25 septembre) et La Vecchia Vacca de Salvatore Calacagno (30 septembre et 1er octobre) ont été coproduits par le Théâtre des Bernardines, pour le festival actoral


Avec Ponts Suspendus, Gustavo Giacosa fait surgir intact un univers très personnel, fait d’hystéries plastiques, de quelque chose empruntant au baroque des films d’horreur, à l’esthétisation des joues creusées et des maquillages noirs, des contrastes. Les tableaux d’épouvante s’y succèdent, jouant des lumières léchées, d’une scénographie faite de passerelles entre l’ici-bas et l’au-delà, avec des musiques qui glissent et rythment, puis s’envolent vers le lyrique. Un travail dont il dit qu’il est en cours d’élaboration, et qui semble très fini, tant l’onirisme noir déchaîne de tempêtes froides, obstinées… The Pyre de Gisèle Vienne est tout autant mutique. Plongée dans un vortex, tourbillon de flashes incessants, de lumière blanche qui semble l’aspirer vers le fond ou la projeter en avant, elle bouge. Lentement. Dans un mouvement permanent, souple et fascinant. Les dix premières minutes sont époustouflantes d’autant que la musique bat sourdement, tout autant que la lumière, dans les oreilles. Puis on s’ennuie : la plasticienne ne semble pas mesurer le déploiement du temps théâtral. La deuxième partie reprend la première, un

The Pyre © Gisèle Vienne

Sans parole au Merlan

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garçon est entré aussi, et progresse dans le sens inverse de la danseuse. Plus gourd. Un instant ils se saisissent, et c’est à nouveau très beau. Puis cela s’éteint, et on reste avec le sentiment étrange d’avoir vu la vie qui passe et brûle, comme une révélation qui aurait duré trop longtemps. A.F.

Qu’est-ce qu’il nous fait Rodrigo ? On a l’habitude que les spectacles de Rodrigo Garcia dérangent : sa manière brutale de mettre en jeu un rejet primaire, instinctif, de la société de consommation (ou non) est une agression frontale, qui non seulement montre les excès, les débordements et l’absurdité de notre monde contemporain et de ses relations humaines, mais aussi comment on s’y complait. Comment lot © Christian Berthe le spectateur, là devant, et les acteurs, eux aussi, y sont plongés jusqu’au cou. Pas de lutte ou de dialectique, pas de révolution en vue sinon nihiliste, dans sa volonté d’anéantissement comme seule issue possible. Muerte y reencarnacíon en un cowboy va jusqu’au bout de cela. Version macho cinquantenaire. Tout y est décrit comme absurde. La famille, la consommation et le couple, la mort même. Cela commence d’ailleurs par cela, une très lente et très très bruyante agonie, avec des soubresauts et des réincarnations possibles, en danseuses, en corps gémellaires, puis en cow-boy. Pas un mot n’est échangé pendant plus d’une heure, puis une fois la transformation opérée, les deux hommes transformés en caricatures d’américains pseudos virils balourdent des slogans nihilistes, mettant à bas tous les plaisirs possibles de la vie, de la relation à l’autre, ne sauvant que la baise, et encore. Geisha, poussins, chat replet sans appétit, vache de rodéo ornent la scène ou les vidéos qui passent, comme autant d’artifices affirmés. C’est constamment glauque et assourdissant, et les spectateurs quittent la salle en grappes. L’impérialisme américain que l’auteur metteur en scène critiquait dans ses précédents spectacles semble ici parfaitement intégré. Crise de la cinquantaine ? Décidément, certains hommes ont du mal ! AGNÈS FRESCHEL

Muerte y reencarnacíon en un cowboy a été joué à La Criée les 11 et 12 octobre dans le cadre d’actoral

Ponts suspendus et The Pyre ont été donnés au Merlan les 25 et 26 septembre et les 3 et 4 octobre dans le cadre d’actoral

Et la cruauté, bordel ? On pourrait croire à un conte pour enfant. Puis les personnages de Mystery Magnet, un temps innocents, se révèlent des monstres. Affreux, sales, mais pas si méchants. Ça dégouline, ça régurgite, ça gicle, ça tranche et ça perce. Sauf que les immondices projetées le sont tel un feu d’artifice de couleurs. Comme si l’enfer était pavé d’un arc-en-ciel. Se dévoile alors un monde habité d’êtres à poils longs, de centaures au féminin, de pantalons géants qui se déplacent tout seuls. Quand une nuée de fléchettes s’abat sur cette cour des miracles, cela ressemble davantage à une pluie de sucres d’orge qu’à une attaque chimique. Un humour gore mais tendre ! Le spectacle de Miet Warlop et la compagnie Campo repousse les limites de l’imaginaire, réinterprétant les codes du surréalisme et du burlesque. T.D.

Mystery Magnet a été joué du 8 au 10 octobre, à la Criée, dans le cadre du festival actoral © Reinout Hiel

T H É Â T R E


L’actécrit est joliet

T H É Â T R E

La Part du rite © Domitille Chaudieu.

lui refiler des consignes absurdes («en anglais», «en zozotant»), de le sadiser en n’envoyant pas la musique, de rire eux aussi à son monstrueux grotesque, introduit encore une épaisseur, une complicité de spectateur avec le public. Savoir jouer ainsi avec son propre ridicule est du grand art. Nettement moins drôle et pourtant, Yves-Noël Genod qui nous balance un texte de Jean-Michel Espitallier. L’Invention de la course à pied (et autres trucs) est pourtant drôle et cruel : la haine du sport, de ceux qui courent pour rien en uniforme de joggers, de l’éthique

proprette, des anabolisants et des musculatures, est toujours réjouissante, surtout lorsque la méchanceté affleure franchement, et que la virilité en prend pour son grade. Mais Yves-Noël Genod joue la désinvolture systématique, avec un débit uniforme, sans contraste, les seuls événements étant le surgissement d’un éphèbe nu et une progression vers l’avant-scène. Le parti pris est bien tenu, mais un peu assommant… Plus surprenant encore La Part du Rite : Isabelle Launay, conférencière spécialiste de l’histoire de la danse fait un exposé, partant

D’or et de fange

Confrontation de géants au théâtre Toursky : Philippe Caubère se mesure au texte d’André Suarès, Marsiho. De l’Estaque au château d’If, dans le soir incendié, André Suarès brosse le tableau de la ville. Vue générale, nimbée de lumières, évocation des différents quartiers… toute la ville du début du XXe siècle renaît avec ses bruits, ses odeurs, ses activités, ses quais, ses rues, ses maisons, sa galerie truculente de personnages, ses scènes de genre… Indignations emportées, lorsque la bêtise des politiques détruit des merveilles d’architecture. Description infernale de la Bourse, avec sa «masse brutale» qui semble être vouée aux «126 flammes de l’enfer»… vision de peintre, de coloriste, amoureux de la lumière, qui se plaît à évoquer les Daumier, Puget, Cézanne… Marseille, «Cosmopolis», sublime et fangeuse, se love dans une prose amoureuse et poétique rendue avec une verve bouleversante dans le jeu efficace de lumières de Philippe Olivier. Caubère, seul sur scène, tout de blanc vêtu, interprète cet hymne avec puissance, humour, variant subtilement les nuances, jouant sur les silences, la douceur de Debussy, les élans wagnériens… À la fin du spectacle, il remercie Richard Martin de lui avoir permis de réaliser ce rêve de 20 ans, jouer Marsiho à Marseille… Comment expliquer qu’un tel monument n’ait pas été labellisé MP2013 ? On entre dans la partie des mystères, et l’on change d’auteur pour se plonger dans Eugène Sue… MARYVONNE COLOMBANI

Marsiho a été donné le 12 octobre au Toursky, à Marseille Marsiho, André Suarès, éditions Jeanne Laffitte, 10 euros

Marsiho photo Michele Laurent @ Maison de la poésie de Paris

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Un des mérites les plus saillants d’actoral est de savoir programmer dans chaque lieu des propositions qui lui ressemblent, et peuvent rencontrer, et faire légèrement bouger, son public. Dans le nouveau théâtre de la Joliette le cycle l’objet des mots, élaboré avec la SACD, jouait sur du velours : nouvelle salle, mais public déjà conquis, dans ces murs tapissés de livres, cet accueil ouvert, cet escalier où l’on descend chercher des mots comme à la Minoterie on montait vers les combles. En bas donc, grande salle : la Cie du Zerep, soit Sophie Perez et Xavier Boussiron présents aux commandes, mettent sur orbite Stéphane Roger, clown affreux sale et obéissant. Sur un texte de Nathalie Quintane dont on ne sait pas trop ce qui reste, sauf le personnage de Gros pépé papa et son chien, avec des bribes de Duras et des extraits de Macbeth. Cela s’appelle Broute solo, et c’est indescriptible. Comment expliquer qu’un comédien fasse hurler de rire toute une salle en répétant et déclinant sur les tons les plus extravagants qu’une soupe est bonne ? Ou en essayant de monter sur des praticables cul nu après avoir enlevé les leggins que les deux autres, hilares, l’ont obligé à mettre ? Leur regard sur lui, leur manière de

d’Isadora Duncan et sa danse libre jusqu’aux notations codifiantes de Rudolph Laban, et les mettant en rapport avec l’histoire populaire et politique, des années folles au nazisme, de la pratique partagée à la pratique dictée. L’écouter serait déjà passionnant. Mais le dispositif surprend et désoriente : la conférencière est allongée, empaquetée totalement dans une serviette de bain blanche et Latifa Laâbissi, le visage entièrement couvert de ses cheveux, ne va pas cesser de la malmener, la trimballer, la plier, la couvrir, elle toujours enfermée dans sa serviette et poursuivant imperturbablement ses propos sur ce qui signifie le geste libre… La juxtaposition des deux discours, s’il établit clairement une performance –mais comment fait-elle pour parler ainsi malmenée pendant 40 minutes ?- met en place également un tremblement de sens, sans métaphore et sans illustration, quelque chose qui interroge le geste et l’art, à la bonne place. AGNÈS FRESCHEL

Les Objets des mots et la Part du rite ont été donnés à la Minoterie dans le cadre d’actoral, du 8 au 11 octobre


Pas ma Méditerranée

Le Dernier jour du jeune © Raphael Arnaud

Le dernier jour du Jeûne est un spectacle enlevé, franchement drôle par moments, où l’on croise ces personnages que l’on voit dans la rue, hauts en couleurs, excessifs, hâbleurs et fragiles. Un peu lent au démarrage, le spectacle de plus de deux heures passe ensuite dans le plaisir. Car les comédiens sont

pleins de fougue, et le texte de Simon Abkarian frappe juste, grâce à sa langue travaillée, qui superpose avec une grande habileté des phrases triviales ou littéraires. De même les personnages, à mi-chemin entre les divinités de l’Olympe et la verve populaire de quidams d’aujourd’hui, savent

rester sans référents temporels précis, et ressemblent à tous les méditerranéens, chrétiens, juifs ou musulmans, levantins, maghrébins ou européens… Les accents de chacun se mélangent, d’Ariane Ascaride à Simon Abkarian, si bien qu’on ne sait pas sur quel bord de la Méditerranée on se trouve ni à quel Dieu on fait référence. Mais cela passe tout seul, parce que l’en-commun est plus fort que tout… Mais voilà : cet en-commun est franchement terrifiant ! Matriarcal à mort mais enfermant les femmes, superstitieux et se riant de la raison et des vérités des livres, demandant aux filles de se marier et aux garçons de trouver du travail… Bien sûr le boucher est un père incestueux, bien sûr il sera descendu à froid par le patriarche, qui par la même occasion apprend à son fils comment il faut se venger lorsqu’on est un homme… Il semble dangereux de renouer avec la tragédie antique si c’est pour adopter ses lois archaïques : la vengeance et le meurtre, l’apologie de la femme d’intérieur et de l’attente, et cette abominable scène

où la jeune fille dit non à son père qui la viole, entre deux moments comiques, donnent décidément peu envie de cette Méditerranée… où certains osent excuser les bijoutiers qui tirent sur leurs cambrioleurs. AGNÈS FRESCHEL

Le Dernier jour du jeûne a été créé au Théâtre du Gymnase, Marseille, du 24 au 28 septembre

À venir le 12 oct Théâtre de L’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr le 15 oct Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com du 18 au 19 oct Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com


Résister à l’exil

22 M U S I Q U E

Tante Hortense & guests s’est tenu du 17 au 21 septembre au Théâtre de Lenche, Marseille. Le concert de Tante Hortense avec David Lafore a eu lieu le 20 septembre

GAËLLE CLOAREC

Petite forme pour grand plaisir ! Une surprise de taille attendait les spectateurs pour l’inauguration du fringant Théâtre Joliette-Minoterie : le Molière 2011 du théâtre musical. Peter Brook y dévoile une forme légère et épurée du monument mozartien avec l’aide de Marie-Hélène Estienne pour la dramarturgie et Franck Krawczyk pour la musique. Réduite à sa partie pianistique, la partition est superbement interprétée par Rémy Atasay tandis que les interprètes sont très à l’aise dans un espace nu, uniquement occupé par de grands bambous, déplacés de temps en temps pour évoquer la forêt, la prison, des armes... Des surtitrages bien placés, accompagnés de dialogues parlés en français, permettent à tous de suivre l’intrigue soigneusement débarrassée du symbolisme et des lourdeurs de l’opéra. À l’aise dans cette forme allégée, les chanteurs-acteurs, très jeunes dans l’ensemble, évoluent avec plaisir dans ces situations et ces dialogues dont l’humour a été finement mis en valeur ; soulignons notamment l’heureuse prestation de Thomas Dolié dans le rôle de Papageno et la présence bienveillante d’Abdou Ouologuem en magicien. Un moment de charme, de plaisir partagé qui augure bien du devenir du nouveau théâtre. CHRIS BOURGUE

Une Flûte enchantée s’est donnée du 28 septembre au 5 octobre au Théâtre Joliette-Minoterie À venir : Bleu ! De la Cie italienne TPO, création mondiale, en coproduction avec Marseille 2013,du 2 au 9 novembre (voir P.33)

© Alicia Pe res

T H É Â T R E

Dans le cadre d’un hommage à la chanson française sur le territoire de Marseille-Provence 2013, et pour accompagner la sortie de son nouvel album Plus cher, le groupe Tante Hortense présidait à l’ouverture de saison du Théâtre de Lenche. Stéphane Massy -magnifique chanteur assumant avec grâce une gestuelle maladroite- susurrait de sa voix douce de précieuses vulgarités, tandis que Christophe Rodomisto installait en trois sifflements et un air de guimbarde une atmosphère digne d’Ennio Morricone. Tante Hortense partageait la scène avec le marseillais renégat, car désormais parisien, David Lafore, remplaçant au pied levé Alice Lewis. Toujours caustique (sauf lorsqu’il commet de trop appuyées chansons d’amour) et hilarant, il fallait le voir empoigner sa guitare, l’accorder pendant de longues minutes au nez du spectateur et danser tout bedon dehors, pour mesurer à quel point il est appréciable de partager, façon bœuf, musique et bonne humeur avec des artistes. Bilan : le public conquis a quitté la salle le sourire aux lèvres, en se répétant les meilleurs mots de la soirée. Vive la chanson française, quand elle ne se prend pas au sérieux !

Tante hortense © X-D.R

La tante qui chante

Chacal, la fable de l’exil ou comment trouver sa place dans une société donnée, de France ou d’Algérie. On retrouve dans ce spectacle un des aspects du travail de Virginie Aimone et Jérémy Beschon, à savoir une interrogation sur le pouvoir et la domination et la manière de s’en écarter, à défaut de s’en débarrasser totalement... Le projet s’appuie sur le travail de Tassadit Yacine-Titouh, chercheuse à l’EHESS, dans son livre Chacal ou la ruse des dominés (éditions La Découverte) dans lequel elle a regroupé fables et légendes de la tradition orale kabyle. En cela il s’adresse à un public plus large que celui des précédents spectacles de Jérémy Beschon qui en a assuré l’écriture et la mise en scène. On retrouve des personnages connus des enfants, comme le lion roi des animaux, le hérisson, le chacal, et, comme ceux de La Fontaine, ils nous font bien penser à nos voisins, avec leur charge de duplicité et de soif de pouvoir... Jérémy Beschon utilise une langue souvent savoureuse, baignant à la fois dans la poésie de la légende et l’acidité de la banlieue. Il faut rendre hommage à la comédienne qui assure l’interprétation de treize personnages avec subtilité, variant les timbres, les accents, pour incarner les différents animaux, passant de l’un à l’autre pour jouer les dialogues, trouvant pour chacun le geste sûr qui permet de le reconnaître ; ainsi quand elle incarne le hérisson, les coudes relevés, ses mains couvertes de mitaines noires s’écartent en étoiles... Ces fables donnent une belle leçon de résistance. C.B.

Chacal s’est joué le 10 octobre au Théâtre Comoedia à Aubagne, dans le cadre du projet Nous serons tous d’ici, des médiathèques du Pays d’Aubagne, labellisé MP 2013 Chacal, la fable de l’exil © X-D.R


Intégrer l’abjection Vifs © Do.M

Scène ouverte ! Le théâtre d’Arles a ouvert sa saison avec un temps fort des plus réjouissants, dévolu aux nouvelles écritures scéniques

temps de regretter, encore moins d’espérer ; et dans un geste de résistance où ne cesse de poindre l’ironie, ils valsent, étourdis d’un rythme qui les tient debout. Tant que durera la musique…

Quel pari que celui de débuter sa saison par une telle programmation ! Et quelle émulation au sein du public, curieux, en attente de surprenantes formes assez peu visibles ailleurs… Les propositions de ce temps fort, en offrant une réflexion sur l’état de notre monde, s’affranchissent souvent des codes de la représentation théâtrale, confrontant les écritures et leur représentation. Le 5 octobre, le collectif germano-britannique Gob Squad installait sur le plateau du théâtre un aquarium-laboratoire bordé de miroirs sans tain dans lequel sept très jeunes comédiens se laissent scruter par le public. On sent planer l’insouciance de leur jeune âge… démentie dès la première phrase : «En ce moment nous pensons souvent à la mort». Le ton est donné, ces jeunes-là ont des choses à dire. Dirigés par une voix off féminine, et une bande-son pop-rock rafraichissante, ils vont vivre en accéléré, jusqu’à leur mort, une vie parsemée de questionnements, étrange miroir qui renvoie chacun au temps qui n’est pas forcément passé comme on l’aurait rêvé enfant. C’est à la fois bouleversant et réjouissant Toujours au théâtre, le 8, c’est à une étrange fin des temps que nous invitent les comédiens grecs du Blitz Theatre Group. Nulle joie visible sur le visage de ces trois femmes et trois hommes, nulle émotion, même pas lorsque les couples se forment pour danser une valse, première d’une longue série. Dans Late Night, seul compte le temps présent, empreint de nostalgie, que vivent ces six rescapés d’une guerre qui a décimé l’Europe. Alternant danses et prises de paroles, sans que jamais le mouvement ne s’arrête, chacun égrène et ressasse ses souvenirs, comme pour se persuader qu’une vie, avant, a bien eu lieu, et lui permettre simplement de continuer. Mais il n’est plus

Sans frontières

Dans l’écrin magnifique de l’église des Frères Prêcheurs, l’installation du GdRA a pris toute sa (dé)mesure, du 5 au 9. Initié par le théâtre d’Arles, en complicité avec Le Merlan, et coproduit par MP 2013, Vifs – Un musée de la personne est sans doute le projet le plus abouti du GdRA. Ici tout s’entremêle, le métissage entre les arts du spectacle et les sciences sociales donnant lieu à une déambulation (pour commencer) où la vue, l’écoute et le jeu (des capteurs sous certains écrans permettent de modifier l’image) mettent le visiteur/spectateur dans un état d’active participation. Pour questionner les notions d’identité et de territoire, 12 portraits filmés d’Arlésiens et de Marseillais sont projetés sur 12 écrans géants, que l’on écoute casque sur les oreilles : ces 12 témoignages de vie sont autant d’univers qui dessinent un territoire qui n’apparait plus seulement géographique, définissant un nouveau réseau que l’on imagine infini. Pour clore le voyage, musique et trampoline se rejoignent au cœur de l’installation, la voix de Christophe Rulhes résonnant sous les voûtes de l’église, tandis que les corps de Julien Cassier et Olivier Boyer chutent et se relèvent indéfiniment. DOMINIQUE MARÇON

Ce qu’il ya d’insupportable dans la condition de Sad, dans son long cri de désespoir, c’est qu’il a fait siennes les abjections racistes dont il est victime. Cet Irakien venu en Allemagne pour y étudier, parce qu’il en aime la langue, Goethe et Schiller, se retrouve dans la position d’un sans-papiers sans identité, sans existence. Celle de ces gens que nous croisons tous les jours, quand ils ne sont pas morts à Lampedusa ou expulsés vers des pays où ils ne peuvent vivre. L’enfer, Sad l’a retrouvé en Allemagne. Non pas parce qu’il y vit mal, puisqu’il survit, vendant des roses, attendant le retour de l’électricité, urinant proprement et mangeant ce qu’il trouve. Mais parce que le regard des Allemands, sur son crâne trop plat ses yeux noirs, la peur de l’envahissement qu’il fait naître en étant seulement là, le trouble qu’il produit dans l’identité nationale, le sentiment d’être un sous humain, tout cela il l’a intégré, admis, comme son odeur repoussante et ses pores dilatées. Il est une ordure (Dreck en allemand), une saleté, qui ne peut que disparaitre, se tuer, pour mettre fin à l’abjection. Ce qu’il fera à la fin. Charles Berling avait déjà mis ce texte de Robert Schneider en scène, en 1997, avec Alain Fromager. Il le reprend aujourd’hui et lui donne une autre actualité : l’époque est pourtant légèrement décalée -il s’agit du racisme des années 70, à la fois plus violent et moins installé- et l’Allemagne est présente parce qu’on entend son hymne rappelant le nazisme encore proche… Mais aujourd’hui, alors que les démons renaissent, que les frontières se referment partout en Europe qui a pourtant besoin d’immigration, Dreck sonne plus universel, et hélas plus près de nous. Alain Fromager est simplement époustouflant, à la fois repoussant, émouvant, perdu, éteint, explosif. Dirigé au cordeau par Charles Berling, dans un décor aussi nu que possible. AGNÈS FRESCHEL

Dreck a été créé au Théâtre Liberté, Toulon, le 3 octobre

À venir jusqu’au 19 octobre Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr © Christophe Michel

Les nouvelles écritures scéniques se sont déroulées du 5 au 16 octobre, au théâtre d’Arles et dans certains lieux de la ville.

À venir Vifs - un musée de la personne du 17 au 27 oct Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 www.merlan.org

23 PT H O LÉ ÂI T RI E Q U E C U L T U R E L L E


Ville occupée

24 C I R Q U E R U E

Déambulation festive, occupation surprenante d’une ville en prise avec une manifestation artistique qui offre, en son cœur historique, une programmation de qualité : Salon Public. Rendez-vous était donc donné, dans les rues, les cours, et sur les places de Salon-de-Provence, à tous les curieux et amateurs de toute nature, par l’association Karwan et la Ville de Salon. Scellée par un vrai-faux jumelage entre Salon, Ménétreux (faux-vrai village Bourguignon représenté par la Cie OpUS) et Souknine (collectif Éclats de Lune, Maroc), la manifestation prend corps dans l’instant, le ton étant donné : place à l’humour et à l’absurde, les spectateurs consentants que nous sommes seront piégés, bien sûr, mais heureux de l’être ! Dans la Cour Brunon du Château de l’Emperi -le décor naturel campe parfaitement l’action-, la Quermesse (sic) de Ménétreux (Cie OpUS) dévoile ses atours. Les stands sont prêts, une dizaine, les animateurs trépignent, attendant le discours boiteux d’un maire de pacotille et d’un animateur de fête atteint d’une logorrhée rafraîchissante : lapinodrome humain, jeu du tranche-cochon, apparition -oh combien peu

Monstre(s) d’humanité © Do.M

conventionnelle et rafraichissante- de la vierge, lancé de frigo, tiercé de renards empaillés... participez, vous serez couronnés ! Le lendemain, le sujet est gravissime : les puissants de ce monde sont réunis pour donner un sens à notre vie (que les consentants lèvent la main !) : la Cie n°8, dans Monstre(s) d’humanité, révèle une fin du monde enthousiasmante : un méga consortium international fait montre de son pouvoir destructeur lors d’une fin du monde où seuls les puissants devraient pouvoir survivre... Le cauchemar est réjouissant, d’autant que les cadors finissent par s’entretuer de

façon absurde devant nous, clouant l’action en beauté lors d’un enterrement de Smartphone des plus hystériques... Heureusement, la perte de repères n’est pas contagieuse... Les intempéries du lendemain ne laissèrent hélas pas de place au collectif Éclats de lune et à sa parade Azalaï, ni d’ailleurs au grand pique-nique de clôture. Ce n’était heureusement pas le cas à Marseille, à lire ci-dessous. DOMINIQUE MARÇON

Salon Public a eu lieu du 27 au 29 septembre dans la ville de Salon

Le côté obscur de la force

La caravane revient au Port

Parade Azalaï © G.C

Rendez-vous était donné à 11h sous l’Ombrière du Vieux-Port de Marseille, et il y a eu foule pour accueillir Azalaï, la parade extraordinaire du collectif Éclats de lune revenue en Provence après avoir sillonné le Maroc l’an passé. Un grand soleil d’été indien était présent aussi, ce qui ne gâche rien (contrairement à Salon, lire ci-dessus). Et c’est ainsi que les compagnies françaises et marocaines associées au convoi ont défilé dans une allée de sourires, au rythme des derboukas et de l’accordéon. Leurs marionnettes géantes aux traits expressifs, les beaux échassiers musclés et les véhicules insolites qui les accompagnaient ont eu leur petit effet auprès des touristes et badauds, emportés par une bonne humeur communicative. Le Porte-Folie, semi-remorque conçu par Karwan comme un lieu d’exposition itinérant et livrant une vision des arts de la rue... disons plus conceptuelle, n’a pas fait le poids en terme d’affluence. Le public était manifestement plus enclin à la déambulation festive qu’à l’approche théorique. D’ailleurs, ne serait-ce qu’au niveau de la faune et la géographie, et si l’on en croit certaines expressions d’enthousiasme enfantin grappillées au fil de la parade («Oh, regarde la vache !» à la vue d’un gigantesque dromadaire arpentant le pavé du Vieux-Port), pour la pédagogie, il y a encore du boulot. GAËLLE CLOAREC

La parade Azalaï a défilé à Marseille les 5 (Estaque) et 6 octobre (Vieux-Port)

Le complexe Gymnase Jeu de Paume GTP a commencé la saison 2013/2014 par des créations d’envergure, toutes largement coproduites. Un luxe dont on espère qu’il pourra se poursuivre… Azimut d’Aurélien Bory, conçu avec les acrobates du cirque de Tanger en résidence au GTP, occupait le grand plateau d’Aix pour un spectacle inattendu. Quarante cinq minutes pour une douzaine de courts tableaux, jamais à proprement parler spectaculaires : les musiciens viennent faire entendre leurs mélismes mélancoliques, une femme accouche infiniment d’hommes tendres, tous s’entassent debout serrés dans un sac… Sur le grillage du fond de plateau ces corps si performants grimpent sans frémir, dessinant des lignes obliques, des échafaudages, des colonnes et des entassements, jamais dans la pirouette ou le périlleux. Le tout dans une pénombre calculée qui ne laisse voir que les mouvements, les muscles, l’effort sans visage et sans douleur. C’est sombre, certainement trop court, un peu vain peut être… mais indéniablement très beau ! Et cela emmène le cirque ailleurs, vers une rêverie plastique, mystérieuse comme les rêves dont on a perdu la clef. AGNÈS FRESCHEL

Azimut s’est créé au GTP du 20 au 27 septembre © Aglae Bory


Et sous la chrysalide ? Lieux publics voulait métamorphoser la ville. C’est-à-dire lui révéler sa seconde nature sous la peau. Le changement c’est maintenant ? Cela a commencé avec les projections de KompleXKapharnaüM le 20 septembre, des images muettes sur les murs, visages d’habitants interrogatifs, comme curieux de ce qui allait venir. Un peu trop discrets, sans doute, pour que l’interrogation se répande. Sur la Canebière, le dimanche, une table immense, bruissante et partageuse, et des interventions d’artistes par séquences de 20 minutes et hop, on change, on passe de Franck Manzoni essayant de susurrer subtilement les premières pages de la Recherche du temps perdu -et parvenant un instant à retenir l’attention de tous- à des pots de fleurs, des animaux de basse-cour, un violoncelle, un conteur. Ça met de la vie, et même s’il est difficile d’y être subtil, le soleil est là.

Changer

Acte II. Les propositions s’ancrent à la Gare Saint Charles, sur l’aire du départ. Descentes d’escaliers, nombreuses, forcément inégales. Guinguette improvisées, où on attend, pas longtemps, entre les propositions qui fleurissent. Sur le quai N, des transats et des casques. Pierre Sauvageot a composé une pièce électroacoustique qu’il diffuse dans les oreilles particulières et collectives, à chacun et à tous. Les mots de Cendrars -La prose du transsibérien- reprennent les phrases du Sacre du printemps composé la même année, il y a cent ans. Tout y est ! Les agrégats sont remplacés par des bruits ferroviaires, des consignes de gare suivent les lignes mélodiques, les pays sont traversés par leur langue, toute l’œuvre défile, et on part ! Entre le plaisir de la reconnaissance et la surprise simple de la transformation des instruments en sons, en mots, un beau voyage…

Construire

Le troisième acte est une apothéose ! Avec la construction d’une ville éphémère sur la proposition du plasticien Olivier Grossetête, qui a déjà œuvré, plus modestement, dans notre région à Martigues et Aubagne. Avec d’abord des plans, dessins préparatoires, deux tonnes de cartons, des kilomètres de rubans adhésifs. Les ateliers en amont pendant le mois précédent ont permis la construction des parties élaborées des structures, puis leur stockage dans des entrepôts de La Poste, partenaire de la manifestation. Près de 70 écoles, centres sociaux, centres d’insertion et de formation adultes, et un grand nombre de bonnes volontés spontanées estimées à

La ville éphémère © Agnès Mellon

Arpenter

près de 8000 personnes, ont ainsi participé. Le 2 octobre a eu lieu La première danse, spectacle participatif, Sirène de rentrée. Le rituel urbain sur la place de l’Opéra tous les premiers mercredis du mois depuis 10 ans, est exceptionnellement déplacé pour l’occasion. Sur l’invitation des bénévoles, dirigés au micro par Pierre Sauvageot, les spectateurs ont soulevé les structures de carton sur des valses célèbres. Ça bouge la ville ! Hélas les orages violents dans la nuit du vendredi ont endommagé ces premières réalisations, mais quatre grandes structures ont été reconstruites dans l’allégresse, puis détruites le dimanche sous un beau soleil, enfin recyclées par les Eaux de Marseille Environnement, autre partenaire.

Rappeler

On pouvait parallèlement visiter The City speaks au Pavillon M, exposition du British Council. On y découvrait comment les différentes communautés accueillies dans une ville contribuent à changer son image et à marquer son âme. Une ville ne change pas d’un seul coup, et garde trace des passages de tous. C’était aussi l’occasion de voir rassemblées des maquettes des principaux monuments de Marseille, et de rappeler leur histoire. AGNÈS FRESCHEL et CHRIS BOURGUE

Métamorphoses a eu lieu du 20 septembre au 6 octobre à Marseille Prochaine Sirène sur la place de l’Opéra le 6 novembre à midi net avec Sur tes gardes, musique de Benjamin Dupé, pour électronique et clarinette basse (voir p.48) www.lieuxpublics.com


26 M U S I Q U E

C’est avec plaisir qu’on retrouve la belle mise en scène d’Aïda signée Charles Roubaud, après Marseille en 2008 et Orange en 2011. Pour l’ouverture de la saison imaginée par Maurice Xiberras, on assiste derechef à une féerie de projections d’images, en fond de scène ou sur les côtés, à même les pans de décor ou sur des tombées de rideaux servant d’écran, simulant des colonnes, parois en bas-relief, pyramidales et statuaires, fleuve mouvant de reflets lunaires, défilé militaire amplifiant le «triomphe» aux «trompettes» stéréophoniques… C’est un habile emboîtement d’effets d’optiques, travelling cinématographiques du plus bel effet... Jusqu’au final où, suivant le livret, le tombeau s’ouvre sur un ciel nocturne… et nous laisse la tête dans les étoiles ! Sur le plateau, Zoran Todorovitch (Radamès) donne le meilleur de lui-même en dépit d’une forte laryngite (le 27 sept) entravant sa puissance naturelle, la justesse des aigus... mais la voix tient, par miracle… jusqu’au bout… Ouf, on a frôlé l’annulation ! Michele Capalbo est une Aïda puissante, au

© Christian Dresse

Verdi à l’optique

timbre large comme son vibrato, elle séduit particulièrement dans les aigus filés pianissimo. Marco di Felice se taille une bonne part du succès avec son beau baryton dans le rôle d’Amonasro, quand Amneris (Sonia Ganassi) émeut à la fin de son ultime cri de désespoir. Les rôles de la Grande Prêtresse (Ludivine Gombert) ou Ramfis (Luiz-Ottavio Faria) sont bien distribués Dans la fosse, Fabrizio Carminati est dans son jardin avec Verdi : il connait tous les recoins d’une partition qu’il mène d’une baguette sûre.

Charme baroque

Magali Léger © Christian Jungwirth

JACQUES FRESCHEL

Aïda a été donné à l’Opéra de Marseille du 21 septembre au 3 octobre

Sous le soleil

Elle signe à la pointe de sa baguette son nom d’un double Z, Zahia Ziouani, chef «e» au royaume des chefs, chacun de ses zestes gorgés de soleil et emplis de lumière rappelant ses origines méditerranéennes. Et ces couleurs d’Orient, exotisme de façade comme chez Saint-Saëns dans sa Danse Bacchanale, lumière tamisée comme dans le superbe Poème pour violon et orchestre op 25 de Chausson, douce violence de tons ocrés dans la Danse extraite de la Vie brève de De Falla... Zahia les distille avec une énergie solaire dirigeant l’Orchestre Symphonique Divertimento comme un peintre manie ses pinceaux. Construisant son programme comme ces délicieuses mignardises baignées de miel, elle nous amène progressivement au cœur de l’Orient dans la musique classique algérienne, puis dans les rythmiques claudicantes de la Grèce et de la Turquie, intégrant à son orchestre de superbes musiciens d’Orchestre de Palestine de Chypre et d’Algérie. Cette mixité, ce syncrétisme, ce métissage de styles et d’esthétiques, le public du GTP put l’apprécier pleinement dans deux œuvres de jeunes compositeurs, Olivier Pénard dans son Dyptique musical franco-algérien 1re partie, suivie de la 2e partie de ce même dyptique de Salim Dada. Ces deux œuvres, habilement construites et très bien orchestrées, d’un dynamisme vivifiant, furent à l’image de cette soirée haute en couleurs. Raphaël Pidoux, magistral, Jean- Marc Phillips-Varjabédian, violoniste élégant au jeu sans emphase à l’émotion brute, Rachid Brahim-Djelloul, altiste et chanteur algérien magnifique... autant d’artistes d’horizons différents réunis par cette femme majuscule, qui a réussi à montrer combien l’Art, et la musique en particulier, est un vecteur d’émotion, de connaissance mais également d’intégration. CHRISTOPHE FLOQUET ieule © Christophe Fill Raphael Pidoux

Au XVIII siècle, Haendel est un compositeur «européen» qui synthétise les influences stylistiques de son temps, à la fois par l’étude des partitions de maîtres allemands, français, italiens, anglais, que par l’imprégnation culturelle de pays où il vécut. Le Saxon a une vingtaine d’années lorsqu’il arrive à Rome où l’on interdit les représentations d’opéras. Durant près de trois ans, il compose de la musique religieuse, dont les joyaux qui furent joués par l’Ensemble RosaSolis au Théâtre du Jeu de Paume le 2 octobre. Dans un pur style baroque, un théâtre qui se prête à des répertoires qu’on n’apprécie guère dans des salles trop spacieuses, les archets des violons ont rebondi, virevolté au-dessus d’un excellent continuo (violoncelle & orgue positif ou clavecin). Deux Sonates (op.2) se sont intercalées entre les pièces vocales interprétées par une diva svelte, souriante, dans sa robe d’apparat : Magali Léger. De sa voix chaleureuse et rondelette, ses aigus vibrants, elle est passée d’un Alléluia rieur (Coelestis dum spirat) à la tendresse du Salve Regina chanté sur le fil de soupirs haletants et de cordes soyeuses. Condensé d’émotion, le Gloria in excelsis Deo a frappé l’auditoire par l’ardeur de vocalises lancées en trapéziste, comme par les dissonances douloureuses illustrant le «miserere nobis». Aucune faute de goût, si ce n’est d’accord, récurrent, entre deux violons dont la projection sonore s’est avérée déséquilibrée. J.F. e

Et ce sont les scènes de foule qui marquent les esprits, comme le ballet «afro-guerrier» de Laurence Fanon, largement plébiscité… et toutes les parties des Chœurs de l’Opéra (dir. Pierre Iodice), comme ses appels puissants à la «Victoire» ou ses «sotto voce» sensibles.

Le concert a été donné au GTP le 11 octobre


Paroles de génies

Elle est seule, devant l’orchestre, avec pour accessoires un fauteuil et un téléphone de brocante posé sur une table basse qu’elle décroche furieusement, enserre et câline au son de la «Voix», si dérisoirement «Humaine» de l’amant qui fuit, détourne et ment… culpabilise… n’aime plus ! Elle s’obstine à l’appeler encore «mon chéri… mon amour», simule le calme quand elle «devient folle», jusqu’au cri déchirant le théâtre ! Sa solitude l’étouffe, comme ce fil -il y en avait un en 1958 au téléphone- dont elle s’entoure le cou en écharpe suicidaire en murmurant «je t’aime»… Comme le monologue de Cocteau rend avec finesse cette tragédie du quotidien ! Et comme la musique de Poulenc souligne les tourments intérieurs, entrecoupe d’accords anguleux la communication brouillée, figure l’attente désespérée, s’épanche, lyrique, aux souvenirs heureux ! Mireille Delunsch, formidable comédienne, rend grâce au texte, incarne avec force le désespoir d’un être dont les ors ont passé et dont le chant, à la limite de la brisure, touche chacun(e) de nous ! Auparavant, les pianos jumelés des sœurs Momoyo & Mari Kodama ont marié puissance percussive et élégance lyrique dans leur réplique à l’excellent Orchestre Philharmonique de Marseille (dir. Lawrence Foster). Quel travail de précision réalisé dans la mécanique d’orfèvre imaginée par Poulenc : tout un dialogue

Mireille Delunsch © Aude Boiss aye

pointilliste aux dissonances acides, clarté mozartienne moirées de couleurs automnales, matière brute ou serpent mélodique étiré… du mystère au burlesque ! Une semaine Poulenc qui a vu aussi deux spectacles créés au Grand Foyer les 8 et 9 octobre : sa «Correspondance» illustrée au piano par Edouard Exerjean et Histoire de Babar avec Maurice Vinçon (récitant) et des solistes de l’Opéra. JACQUES FRESCHEL

La Voix Humaine et Concerto pour deux pianos de Poulenc, à l’Opéra de Marseille le 11 octobre, dans le cadre du cinquantenaire de la disparition de Jean Cocteau et de Francis Poulenc

Souffle poétique Trio Méditerranée © X-D.R

Une «mer méditée, narrée», scandée par les sirènes, lesquelles ? Celles des bateaux qui entrent et sortent des ports, ou celles mythologiques qui enchantent les Ulysse arrimés à leur mât… Le Trio Méditerranée compose un immense poème d’amour qui réconcilie les rives opposées. Les instruments, les airs, trouvent des échos dans les formes abstraites ou non projetées sur le mur de fond, le tambourin devient un reflet de lune arraché à la nuit. Musiques arabo-andalouses, comme Ya rasha Ifattan, qui narre la souffrance amoureuse et prend à témoin la gazelle ou la branche de

saule, poèmes, de l’Émir Abdelkader ou de Claude Crousier, improvisations, musique classique savante, airs populaires, textes iraniens, emportés avec finesse par le violon ou le oud de Fouad Didi qui interprète la plupart des chants suivant une ligne sobre qui ne cherche par l’ornementation à tout prix. Shadi Fathi interprète les morceaux avec délicatesse au setar, petit luth à trois cordes au long manche, au daf, grand tambour cerné de sonnailles, au zarb, instrument de percussion composé d’une pièce de bois creuse, et à la darbouka, toujours avec la même élégance. Les clarinettes de Claude Crousier dessinent un orient rêvé. Mais le groupe ne se contente pas de transmettre un patrimoine précieux, il s’attache à la modernité en rythmant le concert de l’œuvre contemporaine de François Bousch, Sirènes, composé pour clarinette basse et sons fixés. Les architectures se complètent, apportant les unes aux autres de nouvelles grilles de lecture, d’écoute. Le public conquis ovationne ces beaux musiciens, les youyous répondent aux sirènes… MARYVONNE COLOMBANI

Chants sacrés en Méditerranée, le 8 octobre au Comoedia, à Aubagne

Oubliées…

Fidèles à leur habitude de défrichage d’un répertoire méconnu du grand public, Claire Bodin et sa compagnie Les Bijoux indiscrets sont venus au Foyer Campra de l’Opéra de Toulon exhumer quelques trésors du répertoire baroque, tous écrits par des femmes. Alternant œuvres instrumentales et œuvres mixtes, le programme nous invitait à découvrir une fois de plus le talent méconnu de compositrices qui n’auraient pas eu à rougir de leur travail, comparé à celui de leurs homologues masculins. Dans les cantates profanes de Barbara Strozzi et Camilla de Rossi par exemple, on mesurait à quel point le dialogue amoureux restait, longtemps après l’Amour Courtois, un sujet de préoccupation tissé ici autour de savoureuses alternances de timbres vocaux. Le mélange d’une soprano et d’un alto, rendu avec un bel équilibre et beaucoup de connivence par Lina Yang et Julien Freymuth, mettait en évidence les tourments de l’âme, ces fameux affetti propres aux canons esthétiques de l’époque. La musique était alors au service de la voix, mais dans les œuvres purement instrumentales, la maîtrise de l’écriture n’était pas en reste et démontrait également l’expertise indéniable d’Isabella Leonarda et Mrs Philarmonica dans deux superbes Sonates pour deux violons et basse-continue. Grâce à une interprétation remarquable, l’auditoire en fut convaincu. À l’issue d’une telle prestation on ne peut que souhaiter voir ce préjudice totalement réparé. Vivement l’enregistrement… EMILIEN MOREAU

Concert donné le 4 octobre à l’Opéra de Toulon Ensemble Les Bijoux indiscrets © X-D.R.

27 M P U O LS I Q T U I Q E U E C U L T U R E L L E


Au cœur de la musique Marathon singers

28 M U S I Q U E

Le 14 septembre, on s’agite autour de deux gradins enserrant le chœur dans un angle des «Grandes Tables» à la Friche de la Belle de Mai. Les chanteurs donnent de la voix alors qu’on circule, s’interpelle... À la console, Alexandros Markeas organise un espace sonore mouvant dans lequel on baigne. Au centre, Roland Hayrabedian jouent les sémaphores, chef hyper-concentré risquant à tout moment de perdre le fil du temps millimétré par l’électronique. On tend l’oreille, déchiffre les phonèmes. Le public est conquis quand Dionysos, le vin, le sang… prend des accents tragiques, que les voix épousent un fortissimo électronique. Pour certains, c’est un premier contact avec de la musique qu’on dit «contemporaine»… souvent décriée ! Le 15 septembre Musicatreize achève son marathon à la rue Grignan après une vingtaine de concerts donnés un peu partout. L’ensemble américain Cantori débute avec des opus placés sous le signe de la Méditerranée. Puis Musicatreize fait entendre trois de ses auteurs fétiches : Zad Moultaka et son haletant Ikhtifa, Edith Canat de Chizy pour une Berceuse colorée de percussions, le Grec Alexandros Markeas avec son inquiétante Wall Street Lullaby d’une mère à son enfant sur fond de crise financière…

Ils n’ont pas chômé les chanteurs de Musicatreize du 13 au 26 septembre avec «Les parcours dans la ville», «Tenso days» ou «L’Odyssée dans l’espace»…

Dialogue Nord-Sud

Du 16 au 18 septembre, la Villa Méditerranée accueillait deux «Tenso Days» et quelques ensembles vocaux parmi les meilleurs d’Europe qui questionnent les traditions vocales méditerranéennes. On consacre Maurice Ohana et son centenaire. Pour le concert de clôture, c’est le Sud et le Nord qui dialoguent ! Musicatreize chante Swan Song d’Ohana, folklore incantatoire réinventé, et une belle pièce de Zad Moultaka : Callara II fouille dans le ventre des pianos, le grain cannelé des cordes de harpes, les percussions et les voix, afin d’en extraire des sons qui se mixent, s’amplifient en une espèce de cérémonie rituelle sur fond de culture maya et de prophéties apocalyptiques… Quel contraste avec les univers glaciaires, vents septentrionaux et lumière rasante glissant sur une banquise d’accords mouvants de compositeurs baltes interprétés par l’excellent Chœur de la Radio Lettone ! «Apsveicu» (bravo) lance-t-on à Riga !

Sappho à l’Opéra

Le 26 septembre : Berlioz aurait aimé la démesure de cette «Odyssée dans l’espace» qui, à l’Opéra de Marseille, a écrit ses derniers chants. L’immense projet

© X-D.R

mêlant professionnels et amateurs connait son apothéose. Sur le plateau et dans la fosse d’orchestre s’organise le vaste dispositif vocal et instrumental. Tout le second balcon est occupé par une mosaïque chorale, si bien que le spectateur se trouve baigné dans une marée sonore qui lui arrive de toutes parts. Les deux œuvres au programme sont inspirées de la poétesse Sappho (vers 630-580 av. JC). Dans Sapphô’s Legacy, le Suédois Jesper Jordin s’intéresse à son héritage en déclinant une mosaïque de textes féminins courant des Pussy Riot à Hildegard von Bingen... Alors que la texture sonore déploie ses trames planantes, une soprano (Géraldine Keller), dans le suraigu tutoyant le cri, franchit la barrière chorale… Nous parviennent alors une myriade de textes parlés, de notes obstinées, de dissonances serpentines, vocalises modelant un magma quasi-électronique, polyphonie soyeuse se souvenant du plain-chant… avant que tout s’achève à coup de cloche, de sons glissés et souffles zéphiriens, dans une métaphore figurant l’immortalité. L’enjeu du Libanais Zad Moultaka est amarré à la Méditerranée. Avec Leipsano, il s’intéresse aux «restes» des manuscrits, ses «trous» textuels, épouse la forme des «lambeaux» calligraphiés, laissant au «vide» l’espace de s’emplir… Ce sont des éclats de mots grecs qui se superposent, scintillent au gré d’un ballet difracté de chefs de chœurs appointant ou déphasant leur battue. Une puissante machine se met en marche, empruntant un continuum quasi imperturbable, ralentie au tempo de caisses pesantes qui s’éteignent dans une expiration aérienne chapeautée d’harmoniques sifflantes… JACQUES FRESCHEL

Chanson française

Fraîchement remarquée sur la scène régionale, Ottilie [B], artiste à l’humour parfois mordant, a eu du mal à convaincre son public dans l’exercice ingrat de la première partie tant son univers musical semblait éclaté. Sur des textes au sens obscur, dans un patchwork de styles qui puisent dans le musette, la chanson, voire la pop, ses errements vocaux cherchent une cohérence entre l’exubérance du cri, le chant diphonique ou les harmonies en re-recording. Mélange déroutant, d’autant que la voix semble puissante et accrocheuse grâce à un timbre cuivré dans le médium. Preuve de cette quête sonore inaboutie, une improbable reprise de Madame Rêve dans un maelström bruitiste assez incongru.

Aux antipodes, Mathieu Boogaerts semblait en deuxième partie à l’aise dans son art, distillant ses subtiles mélodies sur des arrangements singuliers et simples pour voix et instrument. En version solo avec son jeu de guitare très fluide ou au piano en version simplifiée, il se mue pour un soir en un chantre de l’Amour Courtois version XXIe siècle, avec sa voix très douce et sur le ton de la confidence. Il crée une intimité avec son public tant ses textes et la musique qui les porte sonnent comme un gage de sincérité. EMILIEN MOREAU

Ce concert a eu lieu le 12 octobre à Hyères dans le cadre de la programmation de Tandem


Husbands © Agnès Mellon

Marsatac

invincible Malgré un léger recul d’affluence -30 000 spectateurs contre 35 000 l’an dernier-, l’édition 2013 du festival a tenu ses promesses Après trois soirées à guichets fermés à Nîmes, Marsatac a posé son vaisseau dans sa ville d’origine pour huit événements aussi variés qu’un après-midi jeune public, un ciné-concert ou encore une grand-messe électro dans une église. C’est au Silo que la grosse machine est lancée avec un plateau composé pour attirer un public aussi large que le spectre musical proposé. Au menu, deux formations 100% marseillaises avec, en lever de rideau et pour leur première grosse scène, Husbands, un patchwork de la nouvelle scène phocéenne : des membres de Nasser, Oh ! Tiger Mountain, Kid Francescoli et les jumelles d’Isaïa au chœur. Leur pop léchée fonctionne et dégage une certaine innocence maîtrisée. Loin du phénomène inexpliqué appelé Fauve, dont le chanteur agace par ses déplacements autistiques et son chant saccadé de diatribes post-adolescentes que quelques commentateurs osent comparer à du Ferré ! Quant au nouveau spectacle de Nevchehirlian, il poursuit le sillon creusé depuis Vibrion, trouvant un équilibre harmonieux entre un rock épuré, des montées électros, des percussions accentuées et une poésie engagée. Pas facile de trouver le ton juste après l’immense succès de son incursion chez Prévert. Mais ce sont tout de même le torse dénudé et le trip hop irradiant de Tricky qui auront provoqué le

plus d’hystérie au cours de cette soirée. Le lendemain, au Dock des Suds, trois drôles de musiciens, cheveux longs et chemises colorées. En apparence, les Stepkids ne semblent pas en accord avec leur époque. Ce côté décalé est pourtant la qualité première de ce trio américain insolite. S’ils qualifient leur musique de «soul psychédélique», la particularité du groupe reste avant tout cette savoureuse mélodie, parfois très cosmique, mixant la soul, la pop et le jazz. Sur scène, aucune fausse note. La batterie, la basse ainsi que la guitare s’accordent subtilement avec les timbres de voix singuliers de ces trois crooners. Non loin, les Sud-Africains Shangaan Electro enflamment le public avec leurs danses énergiques et leurs rythmes effrénés. Proposant un style encore méconnu, le groupe n’hésite pas à revisiter la sonorité des musiques traditionnelles en créant un cocktail musical détonnant, constitué de sons électroniques. Derrière leurs platines, le duo Modeselektor de Gernot Bronsert et Sebastian Szary propose des mix puissants et variés. Ces petits génies réussissent à surprendre le public à chaque morceau, et effectuent une belle démonstration du rayonnement actuel de la scène électro berlinoise. Le punk poissonnier ça vous dit quelque chose ? et l’électroclash dégénéré ? Des photographes aux premières loges arrosés de liquides en tous genres, vous en avez rêvé, les licencieux Sexy Sushi l’ont fait ! Acclamés par une foule dense surexcitée, Rebeka Warrior et Mitch Silver n’y vont pas avec le dos de la fourchette. Le duo nantais n’a pas besoin de se mettre en jambe avant de mettre les watts. Et ce

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Tricky © Agnès Mellon

n’est pas le charmant bourreau, en chair et en os qui embellit de manière raffinée la scène, qui empêche dès le troisième titre une vingtaine d’aficionados de fouler dans une hilarité communicative le dance floor de fortune au milieu de l’imperturbable Mitch et de la sirène dénudée Rebeka. Si le répertoire des punks de l’électro n’invite pas à la quiétude et à l’écoute contemplative, il n’hésite pas à secouer un festival bondé et à le réveiller pour la nuit. Un son plus saturé tu meurs, une pulse intenable, une logorrhée impossible à suivre et surtout un show néo-dadaïste complètement dingue. Pour clore 11 jours de marathon musical, Marsatac le festival a invité Marsatac producteur et label au théâtre national La Criée pour une soirée tournée vers les musiques du monde (à notre grand bonheur bien présentes dans cette édition). Il s’agissait de proposer les restitutions scéniques des Mixatac, triptyque discographique résultant de collaborations entre musiciens marseillais et d’autres grandes villes du monde (Bamako, Essaouira, Beyrouth), provoquées par le festival. On y retrouve Nasser, Fred Nevchehirlian ou Alif Tree au côté du fleuron de la musique mandingue comme Ahmed Fofana et Massaran Kouyaté, d’un maître gnawa, Maalem Hassan Boussou, ou encore de la nouvelle scène pop libanaise avec Rayess Bek et Ziad Saad. Une initiative salutaire car c’est indiscutablement sur scène que l’on saisit la subtilité de ces rencontres artistiques et l’énergie qu’elles dégagent, complètement étouffées par les versions albums. THOMAS DALICANTE, FRÉDÉRIC ISOLETTA, ANNE-LYSE RENAUT

Marsatac s’est déroulé du 19 au 29 septembre à Nîmes et Marseille


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Zik Zac très orienté

Bien que précaire et militant, le festival de musiques actuelles continue d’être un événement à part dans le paysage culturel aixois. Et malgré presque autant de changements de site que d’éditions, la manifestation créée par la Fonderie résiste à toutes les tempêtes. Fidèle à sa conception métissée et multiculturelle de la musique comme du monde, Zik Zac a joué les prolongations du printemps arabe avec une programmation particulièrement influencée par le Maghreb et le Moyen-Orient. Assaisonnée de jazz et de folk par Nawel, de raï dans la pure tradition par Cheikha Rabia, de balades subtiles par Idir, d’électro par Temenik Electric, de musette et de hip hop par HK et les Saltimbanks ou de rock à la fois rugueux et planant par Rachid Taha. Venu présenter son dernier album Zoom, à la croisée des chemins entre Le Caire d’Oum Kalthoum et Memphis du King, Taha a optimisé la courte heure accordée à chaque invité, pour balayer trois décennies de carrière et rappeler quel artiste incontournable il était.

Rachid Taha © X-D.R

Un

Appuyé par l’indispensable Hakim Hamadouche au mandoluth (instrument à cordes dérivé du oud), le musicien franco-algérien -plutôt en forme- encore sous-estimé a égrainé les titres qui sont bel et bien inscrits au patrimoine

mondial du rock. Avec une version orientalisante de It’s now or never d’Elvis Presley (elle-même tirée du standard napolitain O sole mio), Rachid Taha a confirmé qu’il excellait toujours dans l’art de la réappropriation, plus

que de la reprise, de morceaux populaires, tels que Ya rayah et Rock the casbah. Son compatriote bien que kabyle et ainé, Idir, a une nouvelle fois touché par la finesse de ses mélodies, sa générosité communicative et un message de paix et de fraternité universel plus que jamais d’actualité. Autres rythmes bien présents, ceux inspirés par la soul music. Si le funk propre mais convenu de l’aguicheuse Lena & the Deep soul n’est pas passé inaperçu, tout comme l’heavy soul-rock de Z-Star, on retiendra surtout l’électro soul aux accents hip hop de Dafuniks que l’on avait déjà fortement appréciés en 2012 à Marsatac. Un festival dont la mobilité a participé à la notoriété. C’est tout ce qu’on souhaite à Zik Zac qui mérite bien plus de public. THOMAS DALICANTE

Zik Zac a eu lieu les 20, 21, 22 septembre et 4 octobre dans différents lieux d’Aix-en-Provence

Municipale Balcanica © X-D.R

Mise à feu en fanfare ! Pour clôturer une journée «portes ouvertes» bien remplie, la Municipale Balcanica a mis le feu à la Criée le 28 septembre. Cet orchestre de fanfare originaire du sud de l’Italie, dont la musique revendique des influences méditerranéennes et est-européennes, invite à un voyage éclectique entre chansons du folklore italien, sonorités balkaniques, impros de jazz et rock énergique, le tout teinté tantôt de lyrisme, tantôt de mélancolie et de tendresse, créant ainsi un espace d’expression original et poétique. La section des cuivres est impressionnante et frénétique, renforcée par des invités de marque : Vito Mitoli à la trompette

et Beppe Di Filippo et Carlo Actis Dato aux saxophones soprane et baryton. La rencontre avec Estelle Goldfarb au violon apporte à cet ensemble déjanté -outre la (seule…) touche féminine- sa virtuosité et son sens du groove. Le tout invite à la danse, ce que n’a pas manqué de faire le public ravi dans les travées pourtant étroites du théâtre… moment suspendu où on se laisse dire que, sûrement, Dieu est un gitan ! C.M.

God is a Gypsy a eu lieu le 28 septembre à la Criée, Marseille


Soirées & Matinées musicales d’Arles Saison 2013-2014 Les Arts Florissants & William Christie René Jacobs Christophe Desjardins Jean Louis Steuerman Quatuor Asasello Cyprien Katsaris Alain Planès... Abonnez-vous ! Association du Méjan 04 90 49 56 78 / www.lemejan.com


Vacances à temps plein Durant les vacances de la Toussaint, MP2013 dédie un temps fort au jeune public en organisant Cahier de Vacances, une programmation familiale de plus de 40 événements artistiques ! 32 A U P R O G R A M M E J E U N E P U B L I C

Direction le théâtre, comme des grands !

La Cie Skappa ! & Associés s’empare de la Cartonnerie à la Friche. Avec Swift !, un voyage parsemé d’objets aux «proportions absurdes», à la frontière de l’imaginaire et du réel, jusqu’au 17 oct. Du 22 au 24 oct, ils reviennent Qui découvre qui, l’histoire «d’un Indien ayant découvert l’Europe avant que Christophe Colomb ne découvre l’Amérique». Ils manient l’épée aussi bien que les mots, l’association Arsène se moque avec humour et subtilité de l’univers des pirates dans Attention, Pirature fraiche, du 22 au 25 oct à Aix, Peyrolles et Rognes. Et comme les manifestations se croisent forcément en cette année capitale de la culture, au Momaix d’autres spectacles sont à découvrir comme Baba, Un beau matin, Aladin, Rouge…. (lire ci-contre).

Des Festivals rien que pour nous !

Jusqu’au 13 nov, Salon-de-Provence organise Public en Pousse, un festival gratuit à destination des enfants, mais pas que. De nombreux stages d’initiations et 7 spectacles y sont proposés. À noter : la clôture du festival par une représentation surprenante du Petit prince en partenariat avec la Base Aérienne de Salon (les 12 et 13 nov). Danse, musique, expositions et ateliers, les enfants de 6 à 14 ans sont conviés le 6 nov à La fiesta des Minots au Dock des Suds : l’occasion d’admirer les ballets arméniens de la troupe Aragatz, d’écouter les Zaventures du Petit Roi de la Cie Tontonballons, ou de s’amuser avec la création musicale Des Mots en musique III imaginée par des jeunes marseillais et réunionnais !

Les expos, c’est rigolo !

L’illustratrice Belge Kitty Crowther aime les sentiments, les voyages et la poésie. Jusqu’au 27 oct, elle fait découvrir, au Studio Fotokino, La cour des Miracles : un monde imaginaire peuplé de personnages étranges et émouvants. Du 2 au 24 nov, c’est au tour de l’ingénieux Isidro Ferrer d’envahir le studio avec l’exposition Nature nomade. Les apprentis moussaillons sont aussi invités à embarquer pour des expéditions imaginaires. Ils s’échoueront sur l’île extraordinaire des Robinsons, à l’Alcazar, du 26 oct au 4 jan, puis emprunteront les chemins du fabuleux musée des songes à Vitrolles et partiront À l’abordage ! dans de nombreuses villes de la

Têtes à têtes © Charlotte Sampermans

région PACA, pour expérimenter un nouveau module multimédia itinérant, jusqu’au 11 janv.

Au cinéma, on est des stars !

Du 16 oct au 12 nov, la 14e édition du festival CinémAnimé, à voir dans les de Cinémas du Sud (www.cinedusud.com), offre une programmation de nouveaux films et avant-premières comme Loulou, l’incroyable secret (2013) de Grégoire Solotareff et Eric Omond, mais aussi des grands classiques comme Le roi et l’oiseau (1980) de Paul Grimault. Du 22 au 27 oct, le cinéma Les Variétés et le CipM présentent Deux ans de vacances, Voyages extraordinaires. L’occasion de diffuser à nouveau tous les films qui se sont inspirés de romans d’aventure comme L’île au trésor, Le Château dans le ciel, ou encore Les aventures de Pinocchio.

En avant la musique !

Le 23 oct au théâtre des Salins à Martigues, les Weepers Circus présentent Le Grand Bazard…, un quintet pop-rock dans une mise en scène pétillante. Entrecroisant les genres, le groupe de musiciens ZUT emporte petits et grands dans un joyeux tourbillon musical intitulé Zut… et qu’ça saute au théâtre du Gymnase, les 29 et 30 oct. Une dernière petite note… de danse pour la Cie Kelemenis qui présente le 31 oct au Klap, Triple Axel, un spectacle mêlant la danse et le sport, avec la participation des enfants de l’école Bellevue, et le théâtre d’Arles qui reçoit Têtes à têtes, l’étrange parcours d’un bonhomme à grosse tête, le 7 nov. ANNE-LYSE RENAUT

Cahier de vacances du 16 oct au 10 nov, Divers lieux dans la région www.mp2013.fr

Heureux les mômes !

Le jeune public est décidément choyé en cette période de vacances ! Croisant, et complétant la programmation de Marseille-Provence 2013 Cahier de vacances (voir ci-dessus), le Momaix offre une vingtaine de spectacles aux petits, et grands, sur le territoire aixois. Le Bois de l’Aune propose de se lancer A l’abordage de 4 «pestacles», dont le temps fort Rose is a rose, spectacle musical mis en scène par Benoît Bradel et la Cie Zabraska, qui raconte la quête d’identité de Rose et Willie, deux cousins qui n’en sont pas vraiment (18 et 19 oct) ; Attention Pirature fraîche par la Cie Arsène, qui donne une vision fantaisiste et burlesque du monde des pirates (du 22 au 25 oct) ; et Rouge, de Jeanne Béziers, d’après le conte de Charles Perrault, avec 3 musiciens comme chaperons, une chanteuse en petite fille, un loup… (25 et 26 oct, 31 oct à Pertuis et le 2 nov à Bouc-Bel-Air). Le jeune Croûte de riz vit dans la misère et doit son surnom au fait qu’il «n’aime que ce qui est brûlé au fond de la casserole» : proposée au théâtre des Ateliers, cette légende cambodgienne raconte l’histoire héroïque d’un petit garçon qui va forcer son destin (du 16 oct au 11 dec).

En s’inspirant du conte des Mille et Une Nuits, Charles Tordjman et Agnès Sourdillon font naître un monde merveilleux, où les superbes marionnettes de Matej Forman prennent vie au fil des mots d’une narratrice devenue magicienne : Un beau matin, Aladin est créé au Jeu de Paume du 22 au 26 oct. Nous reviendrons bien sûr sur la fin de la programmation dans notre prochain numéro… A.-L.R.

Le Festival Momaix du 12 oct au 21 déc Pays d’Aix 04 42 91 99 19 www.momaix.fr

phe Rose is a rose © Christo

Le Dévéhat


Rachid Akbal © X-D.R

Les saisons Trilogie Algérienne Baba Elle chante et confectionne, sous les yeux des de Rosemarie spectateurs, un délicieux Baba au chocolat. La Cie Les Passeurs fait découvrir aux specJulie Seiller interprète Alice, une petite fille souhaitant recréer la recette transmise par sa grand-mère. Un spectacle culinaire et musical original mis en scène par Delphine Bailleul qui mettra les petits comme les grands en appétit. Dès 3 ans. les 29 et 30 oct Théâtre des Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

Le Lenche s’intéresse à l’immigration algérienne en France et propose une Trilogie algérienne. «J’aimerais que le spectateur, en sortant du théâtre, ressente l’Algérie», explique Rachid Akbal, un conteur-comédien hors pair. Dans Ma mère l’Algérie, il interprète une mère rêveuse, sa fille courageuse ou même un nouveau-né pour dévoiler au public toutes les facettes d’une Algérie décrite à travers les yeux de plusieurs générations. Dans Baba la France, un paysan kabyle explique avec émotion les moments d’espoir et de désespoir qu’il a vécu en pleine guerre, alors qu’il n’était qu’un enfant. Rachid Akbal livre un récit initiatique passionnant, ingénieusement rythmé par la création musicale d’Ali Merghache. Enfin dans Alger, Terminal 2, Kaci, toujours interprété par Rachid Akbal, est coincé à l’Aéroport. Il se remémore l’Algérie des années 70 et se retrouve face à des sentiments contradictoires en s’interrogeant sur un pays qu’il a dû fuir mais auquel il est toujours attaché. Dès 13 ans.

le 5 nov Théâtre du Briançonnais, Briançon 04 92 25 52 42 www.theatre-du-brianconnais.eu les 13 et 15 nov Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com

Croisades

Alger, Terminal 2 les 9 et 10 nov Le Lenche, Marseille 04 91 91 52 22 www.theatredelenche.info

les 18 et 19 nov Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr

L’ensemble Télémaque rend hommage à l’acteur et réalisateur français Max Linder. Premier grand maître du burlesque, il a marqué toute l’histoire du cinéma et a notamment inspiré Charlie Chaplin. Cent ans après, trois jeunes compositeurs, Karl Fiorini, Kasia Glowicka et Ash Kobaner, composent une musique originale destinée à accompagner en direct trois épisodes tournés en 1912 : Amour tenace, Max a peur de l’eau, Entente cordiale. le 25 oct (dans le cadre de Cahier de Vacances, voir p 32) le 12 déc Cinéma l’Alhambra, Marseille 04 91 03 84 66 www.alhambracine.com le 5 novembre PôleJeunePublic, Le Revest 04 94 98 12 10 www.polejeunepublic.com

Bleu ! Il faudra naviguer, et percer le secret de la mer

les 14 et 15 nov Théâtre de La Colonne, Miramas 04 90 58 37 86 www.scenesetcines.fr

Sept ans de malheur, Max Linder

revisitent le célèbre conte des frères Grimm. Une histoire racontée sur scène par les frères Merendoni, deux vieillards se présentant comme les descendants d’une illustre famille de marionnettistes. Mais quand les marionnettes complotent contre leurs créateurs, tous les univers se croisent. Entre le conte et la réalité, entre des êtres fantastiques et humains, les histoires se superposent et s’entremêlent pour le plus grand plaisir des spectateurs. Dès 6 ans.

Baba la France les 6 et 7 nov

du 2 au 9 nov Théâtre Joliette-Minoterie, Marseille 04 91 90 07 94 www.theatrejoliette.fr

le 17 oct PôleJeunePublic, Le Revest 04 94 98 12 10 www.polejeunepublic.com

Hansel et Gretel Bon anniversaire Max ! Pasquale Buonarota et Alessandro Pisci

Ma mère l’Algérie Les 4 et 5 nov

L’Homme qui plantait… Croisades © Jean-Louis Neveu

Méditerranée pour participer au spectacle visuel, sonore et sensoriel de la compagnie italienne TPO. En interaction avec le public, deux danseuses apprennent aux enfants à découvrir, de manière ludique, les mystères, les civilisations disparues ou encore les trésors précieusement conservés par la Grande Bleue. À noter que le spectacle est aussi donné en séances scolaires du 5 au 8 nov. Dès 3 ans.

tateurs l’univers de Rosemarie. À 10 ans, elle ne parle pas beaucoup mais se pose beaucoup de questions… dans sa tête. Rêveuse, la jeune fille invente un compagnon imaginaire et adorablement dyslexique auquel elle avoue tout : ses confusions, ses peurs, son rapport au corps, au langage et aux adultes. Dès 7 ans.

Ils jouent sur scène ce que d’autres enfants vivent en ce moment même, non loin des bords de la mer méditerranée. Eric Monvoisin et Anne-Laure Janody s’emparent des Croisades de Michel Azama et sensibilisent les jeunes comédiens ou spectateurs, des collégiens qui ont participé à des ateliers en amont, sur les choix, les atrocités mais aussi les espoirs et les rencontres vécus par les habitants d’une ville en pleine guerre. Dès 13 ans. le 7 nov Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com

Sylvie Osman, Cie Arketal, met en scène cette œuvre remarquable de Jean Giono. L’histoire d’un berger solitaire, Elzéard Bouffier, amoureux de la Haute-Provence. Un jour lui vient l’idée de reboiser un territoire désertifié. Pendant 40 ans, il va trier, planter et prendre soin de ses arbres. Sans le savoir, il recrée des réactions écologiques favorables à l’être humain et va sauver des milliers de personnes. Ce «monsieur tout le monde» se transforme en un héros simplement rêveur, altruiste et sensible à la nature. Dès 7 ans. L’Homme qui plantait des arbres le 8 novembre PôleJeunePublic, Le Revest 04 94 98 12 10 www.polejeunepublic.com le 15 nov Théâtre de La Licorne, Cannes 04 97 06 44 90 www.madeincannes.fr

33 A U P R O G R A M M E J E U N E P U B L I C


Invasion ! Jean Zay L’artiste vidéaste et metteur en scène Pierrick

A U P R O G R A M M E

du 5 au 9 nov La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

Katia Kabanova

théâtre de La Garde en 2012, où le collectif est en résidence de création) ne propose pas moins qu’un «voyage au cœur de la vacuité, du vide et de la lassitude» par le biais de sketches provocants, ironiques, décalés qui disent le quotidien… avec l’énergie du désespoir !

Jean Zay © X-D.R

Élaborée à partir de Souvenirs et Solitude de Jean Zay ainsi que de sa correspondance, la pièce est écrite à quatre mains par le journaliste Jean-Manuel Bertrand et le metteur en scène Raymond Vinciguerra. Entre fiction et documentaire, elle retrace en une série de flash-back le parcours politique de l’ancien ministre de l’Éducation Nationale du Front Populaire, alors qu’il est incarcéré à Riom par le régime de Vichy. La création de la Cie Tetra Art interroge notre mémoire et notre esprit de résistance. le 17 oct Le Toursky, Marseille 0 820 300 033 www.toursky.org

Histoire universelle... Le collectif Manifeste Rien livre une nouvelle

le 19 nov Théâtre de La Colonne, Miramas 04 90 50 05 26 www.scenesetcines.fr

T H É Â T R E

Le Projet ennui (It’s enough to bore you to death) du 15 au 26 oct Le Lenche, Marseille 04 91 91 52 22 www.theatredelenche.info

© Le Cabinet de curiosités

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Sorin s’empare de La Criée qu’il va transformer en théâtre optique grandeur nature, en un voyage décalé à travers les images. Dans la grande salle, il installe un parcours parmi une trentaine de ses œuvres, avec des impromptus de la pianiste Diane Nicolle (du 5 au 9 nov, de 14h à 21h). Des performances ont aussi lieu avec les comédiens Nicolas Sansier et Patrice Bouton, et le trompettiste Pierre Bastien (du 5 au 9, à 19h). Enfin, dans 22H13, il met en scène un artiste dans son atelier, joué par Nicolas Sansier, créant des œuvres vidéo devant le public (du 6 au 9, à 20h30).

Le Projet ennui… La pièce du Cabinet de curiosités (créée au

e XIX Festival Russe Dans le cadre de son festival, le Toursky accueille la saison théâtrale de Saint-Petersbourg avec quatre pièces d’exception : Le Rêve de l’oncle de Fiodor Dostoïevski, mis en scène par Témour Tchheidze avec le Grand Théâtre Dramatique Tovstonogov (le 22 nov) ; Le Rêve de l’amour ou le mariage de Balzaminov, une comédie du jeune Théâtre l’Atelier sous la direction de Grigori Kozlov (le 24 nov) ; La Salle n°6 par l’Entrepriza Russe, dans une mise en scène de Vlad Fourman (le 26 nov) ; Lear, d’après Shakespeare, spectacle avant-gardiste du Théâtre novateur Priyut Komediantov-Le Foyer des comédiens (le 29 nov).

version de son adaptation de l’ouvrage d’Alèssi Dell’Umbria, «faite de combats, de trahison, de poésie et d’émeutes, pour une comédienne sur un plateau nu». En remontant jusqu’à la création de la ville pour comprendre le concept fondamental de cité. La représentation sera suivie d’un débat en présence de Jean-Pierre Garnier, chercheur et enseignant en sociologie urbaine. Histoire universelle de Marseille le 29 oct Le Lenche, Marseille 04 91 91 52 22 www.theatredelenche.info

En attendant Godot

XIXe Festival Russe du 18 au 29 nov Le Toursky, Marseille 0 820 300 033 www.toursky.org © Richard Schroeder

Cet opéra, l’un des plus populaires de Leos Janácek, est ici mis en scène par André Engel, avec des jeunes artistes lyriques de la Fondation Royaumont «chanteurs et pianistes [qu’il a voulu rendre] indépendants et responsables de leur interprétation musicale», sous la direction musicale d’Irène Kudela. Un spectacle entre théâtre et opéra, en langue tchèque, surtitré en français. les 12 et 13 nov La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

Le Rêve de l’amour...© X-D.R © Cordula Treml

Après Oh les beaux jours créé en mai 2013, le théâtre Nono poursuit son exploration de l’œuvre de Beckett, dans un esprit de théâtre burlesque, de cirque, de cabaret et de music hall qui lui est propre. Marion Coutris et Serge Noyelle mettent en scène ces «vieux clowns en rupture de ban, laissés pour compte, anges déplumés aux pieds meurtris»… du 7 au 23 nov Théâtre Nono, Marseille 8e 04 91 75 64 59 www.theatre-nono.com


Sang de cerisiers graphisme Antoine Kruk

Images de tsunami au Japon, projetées sur l’écran : le 11 mars 2011, date terrible où les caprices de la terre détruisent, vague déferlante sur les côtes du Tohoku, Fukushima… répliques d’un tremblement de terre de quelques minutes. Yoshi Oida met en scène le texte d’Yves Borrini qui s’est emparé des faits, des émotions suscitées, des questionnements aussi. Cinq acteurs de la Cie Le bruit des Hommes jouent et dansent l’infinie fragilité humaine et sa force tout aussi infinie.

Golgota Le Roi Lear Pour la première fois, le GTP accueille Bartabas. Par la magie du théâtre Zingaro, art équestre, chant et danse se mêlent en une forme nouvelle et inclassable. Le flamenco, avec l’étoile contemporaine Andrès Marin, entrelace ses pas à ceux de quatre chevaux sur des œuvres liturgiques de Tomas Luis de Victoria, à la recherche d’une «musique silencieuse». Humanité, animalité, divin composent la toile de fond du spectacle. du 30 oct au 6 nov GTP, Aix-en-Provence 04 42 91 69 69 www.grandtheatre.fr © X-D.R

Dans le cadre du projet No-Mad, la Compagnie Tétines et Biberons, avec la M.A.S. le Pigeonnier de Rousset, proposent une relecture de la pièce de Shakespeare, associant comédiens en situation de handicap et comédiens valides. Une belle aventure qui nous interroge sur notre humanité. Un autre regard, labellisé MP13.

le 9 nov Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr

le 7 nov Salle Émilien Ventre, Rousset 04 42 29 82 53 www.rousset-fr.com

Les jeunes © Pascal Victor ArtcomArt

Les Misérables Première résidence en création à l’espace NoVa Bartabas © Pierre Terrasson

Vous aurez à comparer la Gibson et la Fender, guitares électriques à caisse creuse ou pleine… David Lescot campe avec ses personnages préadolescents, une idée de l’adolescence, un monde en soi, hermétique, intense, romantique, tragique, épris d’idéal. Trois garçons, les Schwartz, trois filles, les Pinkettes, sont emportés dans une fable initiatique où chacun peut laisser des plumes… les 6 et 7 nov ATP, Théâtre Vitez, Aix-en-Provence 04 42 59 94 37 http://theatre-vitez.com

La voix humaine La pièce de Jean Cocteau est ici interprétée par le théâtre arménien de Moscou. On se souvient, elle est au téléphone. Dans ce long et bouleversant monologue, le spectateur peu à peu se rend compte qu’il s’agit d’une rupture amoureuse. La femme seule sur scène semble fuir l’évidence, suscite les mensonges les plus absurdes pour faire taire sa douleur, repoussant jusqu’aux limites le pouvoir de la voix, dans une sorte de face à face où l’interlocuteur reste invisible. Bouleversant. le 24 oct Théâtre Vitez, Aix-en-Provence 04 42 59 94 37 http://theatre-vitez.com

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L’école des femmes Est-ce qu’une éducation destinée à faire de vous

une sotte assurera la tranquillité parfaite de votre époux ? C’est ce qu’Arnolfe veut croire. C’est ce que l’amour dénonce, éveilleur de l’esprit. La belle et douce Agnès saura se libérer du carcan de l’ignorance en apprenant à aimer. La question de la place de la femme dans la société commence bien par être évoquée chez Molière. La Cie Philippe Adrien traite la pièce avec humour et poésie. le 5 nov Salle Émilien Ventre, Rousset 04 42 29 82 53 www.rousset-fr.com

© X-D.R

de Velaux avec le Théâtre du Kronope ! Un projet gigantesque : adapter Les Misérables de Victor Hugo à la scène, une cinquantaine de rôles pour seulement six comédiens acrobates jongleurs… un véritable défi ! Le Kronope, avec son goût du masque, du baroque, du burlesque rend avec passion cette magnifique épopée. le 8 nov Espace NoVa, Velaux 04 42 87 75 00 www.espacenova.com

© X-D.R

A U P R O G R A M M E T H É Â T R E


La Trilogie de Franck J’avance et j’efface Afropéennes Eva Doumbia et la cie La Part du Pauvre, à partir de deux œuvres de la romancière Leonara Miano, Femme in a City et Blues pour Elise, s’attachent à décrypter, à travers ses clichés, l’histoire de la femme noire en France. Des monologues portés par des comédiennes intenses qui dressent, dans un décor réaliste et une musique omniprésente, un portrait de femmes afropéennes et relèvent les ambiguïtés identitaires.

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© Christophe Raynaud de Lage

le 8 nov Théâtre Sémaphore, Port-de-Bouc 04 42 06 39 09 www.theatre-semaphore-portdebouc.com

Avec pour sujet principal l’amnésie, la pièce d’Alexis Armengol mêle l’univers de l’auteur japonais Yoko Ogawa et celui du neurologue Oliver Sacks. Stirs, 9 ans, la mémoire qui part aux oubliettes, et sa nourrice japonaise Asaki tentent de déjouer les pièges de l’oubli. Une histoire poétique et tendre, dans un dispositif scénographique pluridisciplinaire et inventif, qui s’invente au fur et à mesure sur le plateau. À partir de 8 ans.

Silence © Christophe Raynaud de Lage

Trois épisodes de François Cervantes qui met en confrontation deux mondes à priori opposés, l’école et le théâtre. Un «voyage» de 3h40 où se dressent La table du fond, créée en 2006, dans laquelle Sylvie Salin cherche son fils Franck disparu depuis trois jours et découvre qu’il continue à venir au collège, Silence (2009) où l’on retrouve le fils dans un bar, et le dernier volet Le soir (2012) qui dévoile le retour à la famille et à l’enfance.

le 6 nov Théâtre des Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr © L . Marro

Le Cid Le Panama… Quand la ferveur de la batterie répond à la La cie Les Planches du salut initie le cycle musique de l’alexandrin ! Une forme originale associant rythme en direct et jeu des acteurs, montée par Sandrine Anglade qui célèbre et donne à Corneille toute sa modernité. Entre honneur et amour, Rodrigue et Chimène portent les sentiments jusqu’à leur musicale incandescence. les 17 et 18 oct Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com © Pascal François

des nouveaux rendez-vous de l’Auditorium, les Escal’à’Thor, à la découverte de nouvelles formes artistiques. Dans Panama, Stefano Fogher et Kristof Lorion immergent le spectateur dans le poème de Blaise Cendrars. Un divertissement libre entre un contrebassiste et un comédien qui promet de riches acrobaties elliptiques, flashbacks métaphoriques et autres oxymores virtuels.

les 7 et 8 nov Théâtre des Halles, Avignon 04 32 76 24 51 www.theatredeshalles.com

Les liaisons dangereuses…

Le Panama ou les aventures de mes sept oncles le 5 nov Auditorium Jean Moulin, Le Thor 04 90 33 96 80 www.auditoriumjeanmoulin.com

Droit dans le mur À partir d’une actualité très locale -des pro-

moteurs voulant métamorphoser l’ancienne prison insalubre avignonnaise Sainte-Anne en hôtel 5 étoiles-, Serge Barbuscia convoque poésie, chansons engagées et humour pour interroger les conditions de détentions de nos contemporains et le problème du mal-logement. Un aller-retour entre fiction et réel porté par trois comédiens investis et sensibles. Le 8 nov, à l’issue de la représentation, débat «D’un mur à l’autre» avec la Fondation Abbé Pierre, l’association Mémoire et la radio RCF Vaucluse. les 8 et 9 nov Théâtre du Balcon, Avignon 04 90 85 00 80 www.theatredubalcon.org

© Antoine Icard

La cie En Rang d’oignons, dans une mise en scène d’Edith Amsellem, adapte et détourne le roman épistolaire de Choderlos de Laclos sur un terrain multisports. La marquise de Merteuil et le vicomte de Valmont continuent leur libertinage, à grand renfort de missives en balles de tennis, de cages de foot qui deviennent maison et de filets se transformant en lits. Un show engagé et résolument contemporain qui pose aussi la question de l’inégalité des sexes. Dès 12 ans. Les liaisons dangereuses sur terrain multisports du 6 au 8 nov Théâtre du Briançonnais, Briançon 04 92 25 52 42 www.theatre-du-brianconnais.eu



Les Pieds Tanqués Vieilles chipies Portés par la troupe d’Artscénicum Théâtre, quatre joueurs de pétanque se retrouvent, s’opposent, livrent leur vérité, chacun avec une déchirure secrète et un lien avec la guerre d’Algérie. Un jeu qui les unit au-delà de la simple partie de boule, pour évoquer les blessures de l’exil, de la culpabilité, des rancœurs, et des pardons.

© X-D.R.

Anna © Giovanni Cittadini Cesi.

Anna

A U P R O G R A M M E

les 18 et 19 oct Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr

Molly Bloom

©Pascal Victor.

T H É Â T R E

Adaptée par Emmanuel Daumas, la comédie musicale pop de Gainsbourg avec Cécile de France dans le rôle-titre sera-t-elle aussi moderne que la version de 1967 ? Un chassé-croisé amoureux dont l’action se situe dans une agence de publicité, une chorégraphie signée Pierre Rigal et une orchestration musicale par le groupe Nouvelle Vague. Très pop ! Le film Anna de Pierre Koralnik, avec Anna Karina pour interprète, sera projeté le 28 oct.

Trois vieilles amies se retrouvent chaque dimanche autour d’un thé pour mettre au point un voyage en Californie… Leur point commun ? le vol manifeste. Appréhendées par le jeune lieutenant Foubert, elles devront jouer de leur âge et de leur charme pour l’attendrir. Une comédie de boulevard signée Gérard Moulévrier.

Le Président Michel Raskine resserre l’intrigue de Thomas

Bernhard, qui fit scandale lors de la première allemande le 21 mai 1975 alors que s’ouvrait le procès de quatre dirigeants anarchistes de la Bande à Baader, sur les personnages principaux. Un huis clos domestique autour de l’histoire d’un couple présidentiel, infernal et dérisoire, condamné à se détester, qui se soutient face à l’adversité d’une tentative terroriste.

En complicité avec Blandine Masson et Marc Paquien, Anouk Grinberg incarne la fragile et éternelle Molly, dans le monologue de James Joyce extrait du dernier chapitre d’Ulysse, adapté par Jean Torrent. Une Pénélope qui en une nuit, alors que son mari Leopold dort à poings fermés à ses côtés, parle d’elle dans une liberté absolue, femme brisée mais irradiante qui tisse un portrait des forces et des faiblesses de «ces hommes dont on ne sait quoi attendre». Une fulgurante confession offerte par une magistrale interprète, tout en nuances et en fissures. les 12 et 13 nov Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr les 7 et 8 fev Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com

le 2 nov La Croisée des Arts, Saint-Maximin 04 94 86 18 90 www.saintmaximin.fr

Du vent dans les…

© X-D.R.

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© Julien Anselme

le 25 oct Espace des arts, Le Pradet 04 94 01 77 34 www.le-pradet.fr

le 18 oct Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com © Loll Willems

La Fox Compagnie revient à Saint-Raphaël avec le western burlesque de René de Obaldia. Une farce ironique qui joue des clichés du far-west pour un hommage au cinéma de notre enfance, où l’on retrouve un père buté, une mère chrétienne, un fils voyou et une fille frivole, la putain repentie, le toubib alcoolique et, bien sûr, le cow-boy solitaire. Du vent dans les branches de Sassafras le 5 nov Palais des congrès, Saint-Raphaël 04 98 11 89 00 www.aggloscenes.com


le Cabinet de Curiosités ouvre son espace de création à d’autres metteurs en scène autour de la parole littéraire. Pour ce deuxième rendez-vous, Alexandre Dufour tissera une rêverie poétique sur la question du parler en compagnie de Christophe Tarkos. Un voyage aux origines du verbe déroulé par les comédiens Mathieu Bonfils et Laetitia Vitteau.

© Frederic de Faverney

Au bord de la nuit #2 Le journal de... En résidence au théâtre du Rocher, à La Garde,

du 5 au 7 nov Théâtre du Rocher, La Garde 04 94 08 99 34 www.ville-lagarde.fr

Boutros... © Ifou.

Grosse Patate mange tout le temps. D’où le surnom. Elle s’interroge sur la différence et l’amitié et essaie de comprendre le monde. À partir du texte de Dominique Richard, Thomas Garcia raconte les premières amitiés, premiers amours, mais aussi les rejets et trahisons qui les accompagnent. Dans le cadre de P’tits cannes à you, à partir de 7 ans. Le journal de Grosse Patate les 26 et 27 oct Théâtre Alexandre III, Cannes 04 97 06 44 90 www.madeincannes.com

Lorenzaccio Animé par le désir aveugle de désorganiser le

crime mafieux, ce Lorenzaccio d’après Alfred de Musset, mis en scène par Michel Belletante, est traversé de références cinématographiques et rythmé par la musique acide et tranchante de Patrick Najean. Une version en noir et blanc, dépouillée, lancée à cent à l’heure, qui interroge crûment l’énigme de ce héros, infiltré au cœur de la vie dissolue d’Alexandre de Médicis. le 18 oct Théâtre le Forum, Fréjus 04 94 95 55 55 www.aggloscenes.com

Boutros ou la folle journée les 24 et 25 oct Salle Raimu, Cannes 04 97 06 44 90 www.madeincannes.com

le 6 déc Théâtre du Briançonnais, Briançon 04 92 25 52 42 www.theatre-du-brianconnais.eu © Isabelle Fournier

Dans le cadre du festival pour enfants P’tits cannes à you (du 21 oct au 2 nov), un mime burlesque avec Boutros El Amari, ancien élève de l’ERAC. Inspiré par Chaplin, Keaton, Mr Bean ou Caubère, Boutros découvre son environnement comme si c’était la première fois et nous entraine dans son quotidien décalé. D’aventures extraordinaires en situations étranges, les enfants à partir de 5 ans se laisseront entrainer dans des péripéties de plus en plus surprenantes.




Le carnet de bal de

Frédéric Flamand

P R O G R A M M E D A N S E

plans hyperboles de Système Castafiore et l’éclat métallique de Titanic versus Frédéric Flamand (créé en 1992, la pièce n’a pas pris une ride). Jusqu’aux confins d’une fougueuse jeunesse qui repousse les limites de la virtuosité : Sharon Fridman dans un «duo à trois» magnétique (Al menos dos carras) et Le Cannes jeune Ballet dans un double programme (La Table

verte de Kurt Joos et Concerto de K. Gdaniec et M. Cantalipo de la Cie Linga). Sur le carnet de bal déjà bien rempli, une création : Black Pulp de Martin Harriague (danseur au BNM, directeur de la Cie XIN et photographe) présentée la même soirée que Siwa, le dernier opus de Michel Kelemenis. Et de nombreuses premières en France :

Sur les pavés, la performance

Dedans-dehors, intérieur-extérieur, pavé-plateau, la danse de Geneviève Sorin et de Trisha Brown joue avec les nouveaux espaces du Théâtre Joliette-Minoterie avec la même envie d’abattre les frontières entre danseurs et publics. Avec Garçon, s’il vous plaît ! Geneviève Sorin compose un quatuor «extensible» composé de deux couples de danseurs, un musicien, une bande sonore et un café, faisant surgir et circuler la danse au plus près des clients. Déjà dans le duo Hep !… Garçon ! la saison dernière, elle privilégiait rencontres aléatoires, créations in situ et à vue, interaction

des bruissements des lieux et de la musique… Performance encore avec Trisha Brown dont les rares apparitions sont un événement : en 1993 au Toursky à l’invitation de Marseille Objectif Danse, en 1998 au Festival de Marseille pour son exposition de dessins à la Vieille Charité et son magistral solo If you Couldn’t See me dansé exclusivement de dos… Pour l’heure, MOD attrape au vol sa compagnie le temps d’un retour aux sources avec Early Works, performances initialement conçues pour les toits et façades de Soho, à New York… M.G.-G.

Garçon, s’il vous plaît ! de Geneviève Sorin, terrasse de la Bastide St-Joseph, mairie du 13-14 le 22 juin 2013 © Hervé Nahon

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Le festival s’accompagne de projections cinéma, conférence Autour du mythe de la danse dans la douleur, ateliers, showcases du 19 au 24 nov 04 92 98 62 77 www.festivaldedanse-cannes.com

Dansem, deuxième mouvement

Garçon, s’il vous plaît ! Compagnie Geneviève Sorin les 24 et 25 oct Early Works Trisha Brown Dance Company les 12 et 13 nov Théâtre JolietteMinoterie, Marseille 2e 04 91 90 07 94 www.theatrejoliette.fr

© Compagnie O

A U

A Ballet Story, Victor Hugo Pontes © Susana Neves

Ha! de Bouchra Ouizguen

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Deux ans après son premier Festival de Danse de Cannes placé sous les auspices des nouvelles mythologies, Frédéric Flamand -en partance du Ballet national de Marseille (voir p. 9)- explore les notions de traces et reflets d’un «corps mémoire». Et, peut-être, à la lecture de l’actualité, les traces de l’homme laissées dans son sillage… Le programme se lit comme un carnet de calligraphies chorégraphiques dont les contours oscillent entre la spirale vertigineuse des danseurs d’Anne Teresa de Keersmaeker dans Drumming live et la robotique revisitée avec raffinement par Blanca Li, entre la métaphysique et le merveilleux de Renée en botaniste dans les

Sequel, le solo de Jonah Bokaer, tisse un écheveau d’images, de lumières, de paysages et d’emprunts cinématographiques autour de son corps ; Near the Terrace de Shen Wei est un poème visuel écrit par 18 danseurs échappés des tableaux de Paul Delvaux, statues de pierre et de chair… ; la danse inclassable de Victor Hugo Pontes et la musique tourbillonnante de David Chesky entrent en duel sur le ring dans A Ballet Story ; dans Henri Michaux : Mouvements de Marie Chouinard, la calligraphie est incarnation, mouvement, projection, figures tracées jusqu’à l’épure dans l’espace et sur le plancher blanc…

Après une première «exposition chorégraphique itinérante» réussie à la Friche La Belle de Mai (Zib’65), Dansem retrouve sa forme originelle, en salles, à Marseille, Aix-en-Provence et Arles. On a apprécié son solo show dans Miniatures Officinae, on retrouve donc avec délice Arnaud Saury et ses comparses du collectif Mathieu ma fille Foundation pour une tragi-comédie «glaciale», Mémoires du Grand Nord (Intégrale), à la narration toute aléatoire… Bouchra Ouizguen nous avait emballés avec Madame Plaza : la revoici avec ses complices Fatima, Kabboura et Naïma dans Ha !, une pièce âpre et épurée sur leur rapport à l’obsession, jusqu’à la folie. On attend beaucoup de la création du duo italo-hispanique Raffaella Giordano/Maria Munoz, L’incontro, fruit de la rencontre inattendue de leurs écritures si différentes ! Après trois haltes françaises en compagnie de Marc Vincent, Balkis Moutashar et Christian Rizzo, le tour du monde se poursuit avec la découverte des univers de Marlene Monteiro Freitas (Portugal), Cristina Rizzo (Italie), Alessandro Sciarroni (Italie), Niv Sheinfeld & Oren Laor (Israël) et Gunilla Heilborn (Suède). M.G.-G.

Dansem volet 2 du 9 nov au 14 déc 04 91 55 68 06 www.dansem.org et www.offinica.fr Exposition Miniatures Officinae D’un commun accord, photographies de Manon Avram et Miniature de papier, textes de Christine Rodès du 27 nov au 4 déc Galerie La Poissonnerie, Marseille 7e


L’Étranger

Keyframes

Dans le cadre du parcours d’arts numériques E-Topie, le Groupe Laps s’empare des façades du Pavillon Noir avec un ballet nocturne inspiré des chorégraphies d’Angelin Preljocaj. Sur le principe de la décomposition du mouvement, d’intrigants personnages, sculptures lumineuses qui se jouent des angles et des lignes, vont danser et bondir, poursuivant leur danse jusqu’au Conservatoire pour la musique, la danse et le théâtre. jusqu’au 10 nov de 18h à 22h Pavillon Noir, Aix 0811 020 111 www.preljocaj.org

En quête

© Cyril Opéra

Entre prouesse technique et recherche artistique, le hip hop de la Cie Dyptik explore le thème intemporel du déracinement. Le chorégraphe Souhail Marchiche et ses danseurs sont allés à la rencontre d’anonymes qui leur ont livré histoires, espoirs, angoisses, illusions. C’est au rythme de ces témoignages que la danse livre sa quête de sens. Emio Greco © Mark Wholrab

le 18 oct Théâtre Durance, Château-Arnoux 04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr

Le danseur Emio Greco et le chorégraphe-dramaturge Pieter C. Scholten créent en mouvements, en musique et en lumière les mots du héros d’Albert Camus, répondant-là à l’invitation du Jeu de Paume. Un héros, selon les mots de son auteur, «étranger à la société où il vit, où il erre, en marge, dans les faubourgs de la vie privée, solitaire, sensuelle.» Un étranger au mensonge. du 6 au 9 nov Le Jeu de Paume, Aix 08 2013 2013 www.lestheatres.net

Balance Balance est un étranger dépourvu de tout, qui hésite «entre continuer de squatter ou retourner au bercail». Dans ce solo, Ibrahima Koné, danseur, chorégraphe et metteur en scène d’origine ivoirienne, compare le parcours de l’étranger dans la société contemporaine à «un chemin étroit, obscur et épineux» qu’il traduit par une danse d’inspiration contemporaine, africaine, hip hop… le 25 oct Pavillon Noir, Aix 0811 020 111 www.preljocaj.org

Groupe Laps © X-D.R

Macadam instinct… Le projet de Yann Lheureux s’affranchit

des continents : à Aix et simultanément à Johannesburg, il fait danser deux groupes de sept danseurs pour qu’ils tentent ensemble un même mouvement, instinctif, «le devenir animal». Artistes et publics sont conviés à un «dialogue organique, vibrant et sensoriel», un flux et reflux hypnotique qui pourrait s’apparenter à un rituel contemporain, une communion rendue proche par l’ère du tout numérique Macadam instinct scène numérique les 7 et 8 nov Pavillon Noir, Aix 0811 020 111 www.preljocaj.org

Ibrahima Koné © Claude Woillard D’Honot

Mauvais genre Alain Buffard reprend la pièce chorégraphique

Mauvais genre, et pour l’occasion réunit des danseurs-chorégraphes de la région. Elle se décline en effet en différentes versions selon les lieux, et est chaque fois personnalisée par ses interprètes. Dans le prolongement de Good Boy, le solo fondateur, elle aborde la maladie et la porosité entre le féminin et le masculin. À noter qu’une version improvisée sera dansée le lendemain de la version originale (le 13 nov). les 12 et 13 nov Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

Le Baou - Cessions Franck Micheletti, chorégraphe associé à

Châteauvallon, propose, par le biais des Cessions Studios, une danse au plus près, une plongée au cœur de la matière artistique pour (re)découvrir deux des pièces de sa compagnie Kubilaï Khan Investigations, End of the music et 4 song. du 15 au 17 oct Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com

The Roots À travers cette chorégraphie, Kader Attou,

Cie Accrorap, s’interroge sur ce qui fonde sa danse hip hop aujourd’hui, sans nostalgie aucune, mais avec énergie et émotion. Autour de lui onze interprètes créent un groupe en totale symbiose, aussi à l’aise dans les mouvements d’ensemble que dans les solos. Une danse trouve écho dans la musique, la scénographie et les lumières de toute beauté, pour redéfinir les codes d’un genre en constante évolution. le 8 nov Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com le 5 nov Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr les 13 et 14 déc Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com

43 A U P R O G R A M M E D A N S E


Réalité non ordinaire Freaks Scorpène est un magicien de la pensée. Dans

Piccole Modifiche Un homme va soudainement rencontrer son

double. Grâce à lui, Boris Vecchio entreprend un voyage extraordinaire au plus profond de lui-même. Une route fantastique qu’il va parcourir accompagné de la musique de Marco Tindiglia, des acrobaties de Davide Riminucci ou encore d’une drôle de marionnette du nom de Giorgio réalisée par Amy Luckenbach.

une mise en scène obscure mais pleine de finesse, cet ancien champion d’échecs met à contribution et manipule le public avec une aisance déconcertante. Mêlant l’alchimie, la physique quantique et les œuvres du Comte de Lautréamont, il crée une Réalité non ordinaire dont lui seul a le secret. Balayez toutes vos certitudes et laissez-vous séduire par l’univers mystérieux de cet ovni de la magie.

A U P R O G R A M M E

La vie tendre… La compagnie franco-belge Azeïn présente un

étonnant spectacle de haute voltige, mais pas seulement… Ce duo aérien surprend par son interprétation scénique où les corps deviennent le langage des sentiments d’amour, de haine ou de bonheur. Au rythme des percussions d’un musicien présent sur scène, les deux acrobates imposent avec fraicheur leur énergie et leurs prouesses techniques virevoltantes ! La vie tendre et cruelle des animaux sauvages le 30 oct Forum de Berre 04 42 10 23 60 www.forumdeberre.com

Le monstre est laid, difforme. Véritable phénomène de foire, le freak en anglais, est une créature qui émerveille, fascine et effraye à la fois. Entrecroisant anormalité et normalité, la Cie les Rémouleurs invite leurs étranges créatures dans ce lieu de vie commun qu’est le bar. Et si ce cirque de comptoir n’était finalement que «le miroir grossissant de notre monde» ? du 7 au 10 nov Théâtre de Cavaillon en tournée nomade à Mérindol, Cavaillon, Joucas, Coustellet 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com Piccolo Modifiche, Davide Riminucci et Boris Vecchio © Barbara Vecchio

Séquence 8

Séquence 8 © Sylvie Ann Paré

R U E

le 15 fév La Croisée des Arts, Saint-Maximin 04 94 86 18 90 www.saintmaximin.fr

La vie tendre et cruelle, Cie Azeïn © E. Bayart

C I R Q U E

Freaks © Olivier Vallet

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le 18 oct Théâtre des Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

les 15 et 18 oct Théâtre du Briançonnais, Briançon 04 92 25 52 42 www.theatre-du-brianconnais.eu

Danse, théâtre et acrobaties, les tableaux que dessinent les artistes du collectif les 7 doigts de la main sont insolites et impressionnants par leur technicité. Cerceaux aériens, barre russe ou encore planche coréenne, s’ils maîtrisent les numéros classiques, c’est avec beaucoup d’humour et de délicatesse qu’ils imposent leurs univers poétique en s’interrogeant sur l’individu et son rapport à l’autre. les 5 et 6 nov Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 00 www.theatredenimes.com les 9 et 10 nov Carré Léon Gaumont, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com

Festival Clowns d’Automne… Sur la scène de l’Auditorium Jean Moulin, au

Thor, le collectif Lapsus présente Six pieds sur terre. Toujours à la limite de la chute, les artistes jouent avec l’émotion du public et créent un joli désordre, amusant et malin à la fois, tout en sublimant l’art de l’équilibre et de l’acrobatie. À l’Akwaba, il y aura de la musique avec le concert beat box blues des Heymoonshaker ainsi que les Robertes proposant du rock’n’roll sous des airs de cabaret complétement déjanté. C’est la Cie Les Indéformidables, entremêlant cirque burlesque et contorsions, qui clôturera le festival. Festival Clowns d’Automne, Cirques Divers du 28 oct au 3 nov Divers lieux, Vaucluse 04 90 33 96 80 clownsdautomne.overblog.com Cie Lapsus © spictacle



Festival d’automne

La Straniera

Schubert et Gershwin

Additifs du début novembre, on entend le baryton Andréas Schmidt dans des Lieder avec orchestre de Schubert, dont la maestra Claire Gibault dirige également la 5e symphonie (le 6 nov à 20h). C’est ensuite l’enfant du pays, Jonathan Gilad qui joue, au piano, Rhapsody in blue et le Concerto en fa de Gershwin. L’Orchestre Philharmonique de Marseille est placé sous la baguette de Ricardo Casero Garrigues (le 9 nov à 20h). Opéra de Marseille 04 91 55 11 10 ou 04 91 55 20 43 http://opera.marseille.fr

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M U S I Q U E

Orchestre Philharmonique de l’Opéra © X-D.R

Le 9 festival de musiques classiques et baroques affiche onze concerts gratuits à l’Église St-Michel. Une collaboration avec l’Opéra et le Conservatoire National à Rayonnement Régional de Marseille qui réserve de beaux moments grâce aux solistes et l’Orchestre Philharmonique de l’Opéra (ouverture le 19 oct) et toute une pléiade de talents de notre territoire : l’ensemble Les Ambassadeurs et la soprano Sabine Devieilhe pour des opus de Rameau (4 nov), l’Orchestre de Chambre de Marseille et le piccolo de Jean-Louis Beaumadier pour un programme «autour de Bach» (11 nov), la Maîtrise des Bouches-du-Rhône et le Chœur Asmara (dir. Samuel Coquard, le 13 nov), l’Orchestre à plectre (15 nov), les accordéons (17 nov), les chanteurs (22 nov) et l’Orchestre de Chambre du Conservatoire (dir. Philip Bride, en clôture le 26 nov)… sans oublier de nombreux solistes qui se relayent pour un évènement populaire. Entrée libre. e

du 19 oct au 20 nov Église St-Michel, Marseille 5e 04 91 14 66 76

Quintette

L’Opéra de Marseille programme cette saison, grâce à un partenariat entre la Ville de Marseille et le Conseil Général des Bouches-du-Rhône, une série de concerts «hors les murs». À ne pas manquer, car de surcroît ils sont gratuits ! Ainsi, on peut entendre, aux Archives et Bibliothèque Gaston Deferre, le Quintette pour deux violoncelles D.956 de Schubert par des solistes de l’Orchestre Philharmonique : Xavier Chatillon et Odile Gabrielli (violoncelles), Magali Demesse (alto), Alexandre Amedro et Gérard Mortier (violons). le 21 oct à 18h30 ABD Gaston Deferre, Marseille 3e Entrée libre (sur réservation) 04 13 31 82 00

Jonathan Gilad © Augustin Detienne

Deux Quatuors Straniera © Christian Dresse

Ce n’est certes pas l’opéra le plus connu aujourd’hui, fut-il de Bellini ! Quasiment pas joué dans l’Hexagone, c’est à Marseille qu’on l’affiche… attirant même les micros capitaux de France Musique ! Si l’on assiste à une version concertante, on y perd peu, car en la matière le bel canto prime, avec de surcroit les divas Patrizia Ciofi et Karine Deshayes (tout de même !), quand le plateau masculin n’est pas en reste. On annonce, dirigés par Paolo Arrivabeni, le ténor Jean-Pierre Furlan et le grand baryton (marseillais) qu’on attendait plus Place Reyer : Ludovic Tézier !

Ce sont d’abord les jeunes et talentueuses femmes du Quatuor Zaïde qui assurent l’ouverture de la saison de la Société de Musique de Chambre de Marseille avec un programme tchèque : les Quatuors n°5 de Martinu et n°2 Lettres intimes de Janacek. En Quintette avec le clarinettiste Romain Guyot elles jouent également l’opus 115 de Brahms (le 22 oct à 20h). C’est ensuite le Quatuor Hermès, à l’instar de la formation ci-dessus, ces quatre-là ont raflé dernièrement une moisson de prix internationaux, qu’on apprécie dans Haydn (op.20 n°5), le Quatuor de Verdi et Ainsi la nuit de feu Dutilleux (le 12 nov). JACQUES FRESCHEL

les 31 oct, 5 et 8 nov à 20h le 3 nov à 14h30 Opéra de Marseille 04 91 55 11 10 ou 04 91 55 20 43 http://opera.marseille.fr

Attention ! Car des événements se sont ajoutés par rapport à la programmation initiale prévue, ils sont donc hors-abonnement, mais une priorité est réservée aux fidèles de l’opéra municipal.

Auditorium de la Faculté de Médecine, Marseille Adhésion : Espace culture 04 96 11 04 60 www.musiquedechambremarseille.org Quatuor Hermes © Francois Sechet

P R O G R A M M E



Tutti Frutti

On prend l’habitude d’aller du côté du fort Saint-Jean, car au MuCEM ou à la Villa Méditerranée la musique trouve sa place…

Direction J4 !

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M U S I Q U E

en scène), Alexandros Markeas (compositeur) et Camille Case (slam), inventent une espèce «d’Opéra slam» (le 5 nov à 21h à la Villa Méditerranée). Trio Aldo Romano/Louis Sclavis/ Henri Texier : batterie, sax & clarinette, contrebasse pour une rencontre jazz «melting-pot» ! (le 15 nov à 20h30 au MuCEM). Le Libanais Zeid Hamdan (guitare, machines) et l’Egyptienne Maryam Saleh (voix) se rencontrent à Marseille (le 15 nov à 20h30 à la Villa Méditerranée). MuCEM 04 84 35 13 13 www.mucem.org Villa Méditerranée 04 95 09 42 52 www.villa-mediterranee.org 80 M de vues © Eli Commins

P R O G R A M M E

Hommage à Henri Tomasi : c’est son Trio à cordes par l’Ensemble Pythéas, Cyrnos pour 2 pianos avec Nathalie et Fabrice Lanoé, Retour à Tipasa avec Daniel Mesguich (récitant) la Chorale Anguelos et aux claviers-percussions Alexandre Régis (le 25 oct. à 20h30 au MuCEM, www.marseilleconcerts. com & www.henri-tomasi.fr) Tarek Yamani Trio pour des compositions du pianiste libanais : du jazz mâtiné de son héritage arabe (le 1er nov à 20h30 au MuCEM). 80 000 000 de vues fait référence à la jeune Asmaa Mahfouz, dont la vidéo avait, via-internet, participé au déclenchement de la révolution égyptienne. Nathalie Négro (piano), Eli Commins (mise

L’automne musical des «Trois théâtres» marie qualité et variété

À la veille des vacances scolaires, c’est l’Orchestre Français des Jeunes baroque qu’on entend, dirigé par le violoncelliste Christophe Coin, autour d’une grande capitale musicale européenne au XVIIIe siècle : Dresde (le 18 oct à 20h30 au GTP). Un détour dans la cité phocéenne ? Jane Birkin décline Gainsbourg en «Arabesque» et harmonies Jane Birkin © Gabrielle Crawford orientales de musiciens du Maghreb (le 23 oct à 20h30 au Gymnase). Dans ville de Campra on revit une fusion «Seventies». C’est Remember Shakti : le guitariste John McLaughlin reforme un quintette avec des musiciens traditionnels indo-pakistanais. Nirvana garanti ! (le 24 oct à 20h30 au GTP). Si l’on profitait des vacances pour emmener les petits (dès 3 ans) écouter les cinq gars de ZUT dans une rétrospective de leur dix ans de chansons ! (du 29 au 31 oct à 19h ou 14h30 au Gymnase). Parenthèse burlesque avec le trio de guitaristes de Olé ! C’est du «Heavy metal flamenco show» délirant et spectaculaire ! (du 7 au 9 nov à 20h30 au Gymnase). Le pianiste Antoine Hervé, en duo avec le trompettiste Michel Delakian, passe du Cours Mirabeau à la Canebière pour une Leçon de jazz sur Louis Armstrong (le 12 nov à 20h30 au Gymnase). C’est enfin l’opéra baroque qu’on consacre : quelle «bouffonnerie» cette Servante maîtresse de Pergolèse qui déclencha justement la fameuse «guerre» au XVIIIe siècle ! Ce sont les experts de Café Zimmermann qui livrent ce bel Intermezzo, en français, dans une mise en scène «à la façon d’une commedia dell’arte moderne». À voir ! (du 14 au 16 nov à 20h30 ou 17h au Jeu de Paume). Grand Théâtre de Provence, Aix Le Gymnase, Marseille Le Jeu de Paume, Aix 08 2013 2013 www.lestheatres.net La Servante maîtresse de Pergolèse est également jouée à Martigues au Théâtre des Salins le 12 nov à 20h30 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

Chant des sirènes

C’est pendant douze minutes chaque premier mercredi du mois à midi net ! Avant la 100e en décembre, voici le tour de Benjamin Dupé pour Sur tes gardes. Mathieu Fèvre à la clarinette Benjamin Dupé © X-D.R basse est secondé par le compositeur à la console électronique qui prend, comme chant donné d’un exercice d’harmonie revisité, l’inquiétant signal d’alerte et ses 380 Hertz… À goûter librement. J.F.

le 6 nov à 12h (précises) Parvis de l’Opéra, Marseille 04 91 03 81 28 www.lieuxpublics.com


Regards croisés…

Cordes automnales Ensemble Des Equilibres © X-D.R.

Le Festival de Quatuors à Cordes en Pays de Fayence a 25 ans

C’est un mariage réussi de la musique et des villages varois, devenu un incontournable rendez-vous des grands quatuors internationaux. Cet automne est placé sous les couleurs de «La Bohême», foyer de la musique de chambre avec Dvorak, Smetana, Janacek… mais pas seulement : du répertoire à la création ! Les quatuors tchèques, références mondiales, Talich et Prazak, sont de la fête, comme leurs jeunes homologues Vlach et Bennewitz ou les français Kadenza et Hermès. On attend aussi le Quatuor Jerusalem et le pianiste Jean-Claude Pennetier pour un programme royal ! J.F.

du 26 oct au 2 nov Pays de Fayence 04 94 76 02 03 www.quatuors-enpaysdefayence.com

…sur l’Algérie. L’ensemble Des Équilibres en trio, Agnès Pyka (violon), Edouard Sappey-Triomphe (violoncelle) et Bruno Robillard (piano) mettent en regard l’Opus 92 de «l’orientaliste» Camille Saint-Saëns et des compositions de Nour-Eddine Saoudi (oud) interprétées par ses musiciens. «Une rencontre entre… romantisme français et tradition algérienne.» le 25 oct à 20h30 Salle Musicatreize, Marseille 06 73 30 23 62 www.desequilibres.fr

Festival de Quatuors à Cordes © X-D.R.


Grand Avignon

50 A U P R O G R A M M E

PCME

C’est l’Orchestre de musique contemporaine en résidence au Parco della Musica à Rome. Il se produit au 53 rue Grignan dans Scelsi, Ohana et Sciarrino. le 18 oct à 20h Salle Musicatreize, Marseille 04 91 00 91 31 www.musicatreize.org

Trio Solledonna

Des polyphonies corses au féminin dans le cadre des Chants Sacrés en Méditerranée. le 20 oct à 17h Théâtre Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr

Norma © Marc Vanappelghem

Une production italienne du chef-d’œuvre belcantiste de Bellini et son célèbre air Casta diva immortalisé par la Callas. C’est Hiromi Omura qui tient le rôle-titre de la grande prêtresse quand le ténor Giuseppe Gipali lui donne la réplique sous la baguette de Giuliano Carella. Une histoire d’amour (forcément contrariée !) dont l’intrigue est située en Gaule sous l’occupation romaine et qui finit… au bûcher !

Opéra Théâtre du Grand Avignon 04 90 82 42 42 www.opera-avignon.fr www.orchestre-avignon.com

Todorovitch

Ce sont des Airs sacrés et d’opéras que chante la mezzo-soprano Marie-Ange Todorovitch. Elle est secondée par la soprano Léonie Renaud et accompagnée au piano par Nina Uhari (le 24 oct à 20h). Le 47e festival se poursuit avec un Hommage à Marie-Claire Alain par un trio d’organistes : Olivier Vernet, Bruno Morin et Pascal Marsault (le 24 nov).

les 22, 25 oct à 20h et le 27 oct à 14h30 Opéra de Toulon 04 94 92 70 78 www.operadetoulon.fr

Concerts

Abbaye de Saint-Victor, Marseille Amis de Saint-Victor 04 91 05 84 48 Réservations : Espace Culture/Fnac…

Un opéra de poche, création imaginée par Marc Simon sur «l’incroyable histoire de l’incendie du Grand Théâtre de Nîmes le 29 octobre 1952».

M.A. Todorovitch © X-D.R.

Musique de chambre : les violonistes Laurence Monti et Benoit Salmon, au piano Olivier Lechardeur dans des Sonates de Brahms et Navarra de Sarasate (le 24 oct à 19h, Foyer Campra). Symphonique : le violoniste David Grimal dans le Concerto de Sibelius avec l’Orchestre de l’Opéra (dir. Giuliano Carella) qui interprète également la 7e symphonie de Dvorak (le 8 nov à 20h30). Opéra de Toulon 04 94 92 70 78 www.operadetoulon.fr

Trio Solledonna © Laurent Damerval

Fuoco di me ! David Grimal © BenoîtLinero

M U S I Q U E

Norma

le transfert de compétences de l’Opéra Théâtre Avignon à la Communauté d’Agglomération en 2013, le bâtiment de la rue Racine possède une particule supplémentaire, un adjectif de taille : nous irons donc à l’Opéra Théâtre du Grand Avignon ! On y annonce des moyens supplémentaires, un nouveau dynamisme pour la capitale vauclusienne et ses alentours… En attendant Madame Butterfly (17 et 18 nov), l’Orchestre Régional Avignon Provence (passant d’OLRAP à ORAP) perd un «L» qui ne l’empêche de voler sous la direction de Samuel Jean. Il se produit hors-les-murs dans le Carnaval des animaux (récitant Sébastien Tortelier) et le Concerto n°2 de Chopin avec, au piano, Eric Astoul (le 19 oct à 17h, Théâtre Benoit XII), avant un ciné-concert et la première musique de film écrite par Chostakovitch pour La Nouvelle Babylone, muet russe de 1929 (le 5 nov à 20h30, cinéma Le Capitole).

J.F.

les 8 et 9 nov à 20h Théâtre Christian Léger, Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com Fuoco di me © VOOA


La qualité plutôt que la quantité. C’est en substance la démarche optée par l’association Latinissimo pour l’année Capitale européenne de la culture

Alors que la plupart des festivals ont misé sur une édition 2013 renforcée, Bernard Aubert, son directeur artistique, a préféré maintenir le format traditionnel de la Fiesta des Suds sur deux week-ends et «travailler davantage sur le contenu de ces quatre soirées en valorisant les artistes et acteurs culturels locaux qui sont sur le terrain tout au long de l’année». À moyen terme, celui qui n’a jamais été très tendre avec la direction de Marseille-Provence 2013 aspire à consolider une sorte d’«automne musical marseillais». L’inconnu restant le lieu qui accueillera la Fiesta après l’expiration de son bail sur le site d’Euroméditerranée, en 2014. MP 2013 sera tout de même présente au Dock en soutenant Africa Express, le concert événement orchestré par Damon Albarn (Blur, Gorillaz), le 19 oct. Une performance de près de cinq heures avec des musiciens aux répertoires divers, venus d’Europe, d’Afrique et des États-Unis. Parmi eux, Matthieu Chedid, Rachid Taha, Fatoumata Diawara, Tony Allen, Bassekou Kouyaté, Ebony Bones… Le même jour, une carte blanche à Chinese Man permettra de découvrir certains des artistes de leur label CMR. Mais la veille, ce sont d’autres Marseillais, ceux qui ont donné au rap phocéen ces heures de gloire, IAM, qui ouvriront cette 22e édition. Encore un pied-de-nez à la Capitale culturelle qui a délaissé un des mouvements musicaux phares de la deuxième ville de Ambiance Fiesta © Jean de Pena

France, le hip hop. Marseille et son bouillonnement d’identités culturelles se déclinera tout au long du festival avec également la transe électro-rock de Temenik Electric, la fusion afro-caribéenne du duo Ruben Paz-Papet J, la création flamenco-jazz de Juan Carmona et ses amis, le slam aux accents comoriens d’Ahamada Smis ou encore les DJ’s Djel, Rebel et Oil. Figure montante d’un jazz métissé, le contrebassiste israélien Avishaï Cohen vient présenter au Dock des Suds son nouveau spectacle, tout comme Ben l’Oncle Soul, fade réplique de l’esprit Motown à la française. Dans le courant des musiques noires, on préfèrera de loin la fraîcheur de l’ex Saïan Supa Crew, Féfé. Les amateurs de zouk auront droit à une légende vivante, Kassav, dont le grand retour coïncide avec les trente ans de carrière. Deux femmes emblématiques des musiques du monde figurent au programme : la Réunionnaise Christine Salem, porte-drapeau d’un maloya actuel et Toto la Momposina, reine des rythmes afro-colombiens depuis quatre décennies. À noter également la présence de Che Sudaka, Blitz the Ambassador, Gilles Peterson, Mala in Cuba, Skip & Die, Naâman, Protoje & the Indiggnation. Enfin, pas moins de deux afters prolongeront cette année les festivités. Le 31 oct, l’association We Are Together a concocté un plateau électro avec 2 Many DJ’s, Booka Shade et Derrick May. Le 2 nov, la soirée Global Local, imaginée par l’équipe de La Mesón, promouvra davantage la diversité avec Balkan Beat Box, Flore, Big Butt Foundation et WR1 Soundsytem, un dérivé de Watcha Clan. Une fois n’est pas coutume, c’est la Fiesta des minots qui clôturera, le 6 nov, cette édition. THOMAS DALICANTE

in ier Daarw IAM © Did

Manu Theron © Yohanne Lamoulère Picturetank

22, v’là la Fiesta Manu Théron comme à la

Mesón

La Mesón, lieu intimiste et audacieux, multiplie les cartes blanches et c’est tant mieux. Prochain sur la liste des maîtres de cérémonie, Manu Théron, acteur majeur de l’Occitanie musicale. Et activiste de la collaboration artistique, ce qui, pour ce type d’événement, est plutôt opportun. Ce sont ses récentes explorations collectives que le leader du Cór de la Plana va présenter, en choisissant de sortir du cercle connu des «collègues» marseillais. La première date permettra de découvrir le projet Cervantès pour lequel Manu Théron s’est entouré du compositeur et arrangeur Grégory Dargent à l’oud et de Youssef Hbeisch, percussionniste palestinien du Trio Joubran. Leur recherche sur le répertoire contestataire des troubadours au XIe, XIIe et XIIIe siècles éclaire des textes de Peire Cardenal au contenu très rare dans la littérature européenne de l’époque puisqu’ils mettent notamment en cause l’ordre religieux. «Leur contestation extrêmement argumentée est structurée par la poésie», explique Manu Théron. Le lendemain vient le tour du toulousain Ange B, deuxième pilier des Fabulous Trobadors et véritable machine humaine à faire des sons. Le plateau est complété par l’unique invité marseillais de la trilogie, l’incontournable Sam Karpienia (Dupain) avec lequel Manu Théron a formé le duo Gacha Empega dont le répertoire servira de socle à cette soirée qui se laissera porter sur les voies de l’improvisation. Le concert dominical prendra la forme d’une soupe chantante suivie d’un balèti, tous deux orchestrés par Polyphonic System où l’on retrouve, au côté de l’hôte du week-end, Ange B, Henri Maquet et Clément Gauthier. Après un épluchage de légumes de saison en chansons, les courges iront se frotter aux croutons. Bonne nouvelle pour ceux qui seraient inquiets d’avoir à choisir entre la Fiesta des Suds et cette carte blanche : les deux sont conciliables ! T.D.

La Fiesta des Suds les 18, 19, 25, 26, 31 oct, 2 et 6 nov Dock des Suds, Marseille www.dock-des-suds.org

Carte blanche à Manu Théron les 18, 19 et 20 oct La Mesón, Marseille www.lameson.com

51 A U P R O G R A M M E M U S I Q U E


Enfants au MUCEM

52 A U

C I N É M A

Le Noir et le Bleu/ Espagne

MuCEM, Marseille 04 84 35 13 13 www.mucem.org

Au bazar du genre

Ayer no termina nunca d’Isabel Coixet © Miss Wasabi Et toi t’es sur qui de Lola Doillon © Rezo Film

P R O G R A M M E

Le MuCEM propose à 14h30, à l’auditorium Germaine Tillion, une série de films d’animation pour le jeune public : Pinocchio d’Enzo d’Alo les 16 et 20 octobre, Eugenio de Jean-Jacques Prunès le 21 ; et Azur et Asmar de Michel Ocelot le 30 octobre. Les 23 et 27 octobre, un film de Cristiano Bortone, Rouge comme le ciel : en Italie, dans les années 1970, Mirco, enfant malvoyant, devient élève d’un pensionnat spécialisé. Il parvient à surmonter son handicap à force de créativité et d’imagination. Loin de son père, il ne peut plus partager avec lui sa passion du cinéma. Il trouve pourtant le moyen de donner vie aux histoires.

En écho à l’exposition Au bazar du genre, le MuCEM propose depuis le 4 septembre un cycle de documentaires et de fictions, chaque film étant précédé d’une intervention d’un spécialiste qui revient sur certaines questions posées par l’exposition. Le 16 octobre à 18h30, Et toi t’es sur qui ? de Lola Doillon ; le 30 à 19h, Ersi Sotiropoulos invite Michel Demopoulos critique de cinéma et organisateur de manifestations cinématographiques qui propose Strella de Panos Koutras et Attenberg d’Athina-Rachél Tsangari. Le 13 novembre à 18h 30, Féminisme, femmes et printemps arabe par Sophie Bessis avant Millefeuille, de Nouri Bouzid

Parallèlement à l’exposition Le Noir et le Bleu seront présentés à l’auditorium Germaine Tillion, les 26 et 27 octobre, des films autour de la Guerre d’Espagne : le 26 à 20h 30, Ayer no termina nunca en présence d’Isabel Coixet, en avant-première et en partenariat avec Horizontes del Sur ; et le 27 à partir de 16h30, Les désastres de la guerre de Pierre Kast, El perro negro : histoire de la guerre civile espagnole de Péter Forgács, Guernica d’Alain Resnais et Pain noir d’Agusti Villaronga

Du 25 au 27 octobre, dans le cadre de Regards croisés sur le cinéma européen, Cinépage propose Stella, une femme libre de Michael Cacoyannis, Prima della rivoluzione de Bernardo Bertolucci, Amour libre de Mikko Niskanen, Women in love de Ken Russell et Nous étions un seul homme en présence du réalisateur Philippe Vallois. C’est le critique Xavier Leherpeur qui accompagnera toutes les séances. Cinépage, Marseille 04 91 08 06 53 www.cinepage.com

Dans le cadre du cycle Cinéma & musique, le Château de La Buzine projettera : Autour de minuit (1986) de Bertrand Tavernier (les 18 et 20 octobre), Les choristes (2004) de Christian Barratier (les 23 et 25 octobre), et New York New York (1977) de Martin Scorsese (le 27 octobre). De multiples opéras filmés seront proposés : le 27 octobre, Madame Butterfly de Puccini qui sera aussi l’un des compositeurs interprétés lors d’un concert opéra-opérettes, le 10 novembre, par la Soprano Marianne Néro et la pianiste Valérie Florac. Enfin, Verdi sera à l’honneur, avec la projection de deux opéras : Aïda (le 17 novembre), Nabucco (le 20 novembre). Notons aussi une avant-première inédite à Marseille de La fuite de Monsieur Monde (2004), réalisé par Claude Goretta, le 28 octobre. Château de la Buzine, Marseille
 04 91 45 27 60
 www.chateaudelabuzine.com

MuCEM, Marseille 04 84 35 13 13 www.mucem.org

Carte Blanche à Six-Fours

New York New York de Martin Scorsese © Metro-Goldwyn-Mayer Studios

Court, c’est court ! a 20 ans

MuCEM, Marseille 04 84 35 13 13 www.mucem.org

Amour Libre

Cinéma et musique à La Buzine

Tel père, tel fils de Hirokazu Koreeda © Le Pacte

Les 18, 19 et 20 octobre, au cinéma Daudet à Six-Fours-Les-Plages, l’association Lumière(s) du Sud propose une Carte Blanche au critique Xavier Leherpeur. Au programme, le 18 à 20h, Les Yeux sans visage de Georges Franju. Le 19 à partir de 16h, Sparrow de Johnnie To, Lola de Brillante Mendoza et Tel père, tel fils de Hirokazu Koreeda . Le 20 octobre de 9h à 13h, leçon de cinéma autour de Holy Motors de Leos Carax (sur réservation). Lumière(s) du Sud, Six-Fours 06 22 85 74 61 http://lumieresdusud.moonfruit.fr

Du 14 au 17 novembre, à Cabrières d’Avignon, Cinambule fête les 20 ans de Court, c’est court ! Des panoramas, des premiers films, 20 ans de courts avec le Festival de Clermont-Ferrand, une sélection de La Région suit son court, des séances «Méditerranée», des docs, des films d’animation, des courts expérimentaux, du cinéma fantastique, une Carte Blanche au Brussels Short festival en partenariat avec le Théâtre des Doms, une autre Carte Blanche Du court au long à Christian Philibert avec en avant-première Afrik’Aïoli, le 16 novembre à 20h30, des «Regards sur la musique de films», une troisième Carte Blanche au festival de Cavaillon F.F.E., des rencontres, des concerts. Il y en aura pour tous les goûts, pour les petits et les grands. Bon anniversaire ! Cinambule, Cabrières d’Avignon 04 90 74 08 84 http://cinambule.org/


Méditerranée en Capitales Cœur fidèle de Jean Epstein

Pour son édition 2013, en cette année Capitale, le thème des villes méditerranéennes s’imposait au festival Image de Ville qui, depuis une décennie, anime une réflexion sur le fait urbain à travers le cinéma. Du 15 au 17 novembre à Aixen-Provence, puis du 26 au 27 à la Villa Méditerranée, la programmation offre ses rendez-vous habituels et en inaugure de nouveaux. Côté tradition, en ouverture, le 15 au Conservatoire de Musique Darius Milhaud, un ciné-concert. Dialogue entre un film du patrimoine (Cœur fidèle de Jean Epstein, 1923) et une création musicale contemporaine d’Alexandre Wimmer. Côté innovation, dans le cadre de MP 13, la première de la série des lettres-films produites par Image de ville : correspondance entre l’architecte Nicolas Michelin et le réalisateur Mohamed Lakhdar Tati.

Approche duelle qui se poursuivra avec des rencontres autour de cinq cités capitales du bassin méditerranéen. Chacune vue par un cinéaste et un spécialiste de la question urbaine : Alger, Beyrouth, Damas, Istanbul, et Marseille, à la croisée des regards de la réalisatrice Bania Medjbar

Retour au Berceau

C’est dans l’Eden retrouvé que se François Pirot, Populaire de Régis déroulera du 19 au 23 octobre la 32e Roinsard. Côté drames, le subtil édition du festival ciotaden du Pre- Jeunesse de Justine Malle (digne mier film francophone. L’association fille de Louis), Ombline de Stéphane La Ciotat Berceau du cinéma, qui Cazès, itinéraire d’une jeune femme a œuvré pour la réhabilitation de ce devenue mère en prison ou encore lieu patrimonial, y présentera 20 le bouleversant J’enrage de son premiers films sortis en salle entre absence de Sandrine Bonnaire. 2012 et 2013, trop tôt disparus de Les scolaires pourront suivre l’affiche pour la plupart. Au menu une Master Class animée par copieux de chaque séance : un film Nicolas Bary le 3 décembre. court ancien sélectionné par La soirée de la société clôture du Lobster, 23, où sera suivi de décerné le deux Lumière œuvres d’or, rendra en comhommage à pétition : Bernadette un court Lafont, et un long éternelle métrage. fiancée Les projecdu pirate tions se prodevenue on uti trib Dis c © Shella longeant, si mamie ntonin Peretjatko d’A let juil 14 affinités, par La fille du dealeuse de cannabis un débat en présence dans le Paulette de Jérôme Enrico, d’acteurs ou de réalisateurs. En sorte de Weeds à la française. Et ouverture, hors compétition, on puisqu’à La Ciotat, on est, de fait, retrouvera, moins toxique que Tatie au Paradis du cinéma, comme les Danielle, l’extravagant Oncle Charles années précédentes, toutes les d’Etienne Chatiliez, par ailleurs séances demeurent gratuites ! président du jury. La sélection E.P. d’Yves Alion laisse la part belle aux comédies, un genre qui réussit particulièrement au cinéma franFestival du Premier film francophone çais ces derniers temps. On (re) du 19 au 23 octobre découvrira entre autres, déjanté et Eden Théâtre, la Ciotat frondeur, La fille du 14 juillet d’Anwww.edentheatre.org tonin Peretjatko, Mobile home de

et de l’architecte André Jollivet. Le festival s’enrichit de partenariats avec entre autres, Les Rencontres de cinémas arabes. Il ouvre avec Les Films de Force Majeure et Shellac sud, une section consacrée aux œuvres produites en PACA. Première en région, le documentaire de Lætitia Masson sur Rudy Ricciotti, L’orchidoclaste, sera projeté le 16 novembre à la salle A. Lunel. Invité d’honneur, le géographe Marcel Roncayolo présentera L’heure exquise, de René Allio (1981), retour sur les lieux d’une enfance marseillaise, et livrera sa précieuse réflexion sur les villes d’aujourd’hui dans leurs vérités matérielles et imaginaires. ELISE PADOVANI

Image de Ville, Aix-en-Provence 04 42 63 45 09 www.imagedeville.org


Espagne

à l’horizon 54 A U P R O G R A M M E

C I N É M A

Le 12e Festival de cinéma espagnol de Marseille s’annonce touffu, et bien qu’il ne soit pas question de dévoiler les films en compétition avant la conférence de presse qui se tiendra le 24 octobre, nous pouvons d’ores et déjà étudier les autres aspects du programme. Deux nouvelles d’importance pour cette édition : outre les prix traditionnels décernés au meilleur film de fiction, meilleur court-métrage, meilleurs acteurs etc..., une distinction récompensera pour la première fois le meilleur documentaire, et CineHorizontes inaugure une résidence d’écriture scénaristique à la Cité Radieuse, façon de soutenir un secteur du cinéma espagnol particulièrement fragilisé par la crise. La manifestation étant associée cette année au Festival de Málaga, le jury sera présidé par son directeur, Juan Antonio Vigar. Il rendra notamment hommage à Ángela Molina, l’actrice fameuse de Cet obscur objet du désir, et récemment de Blancanieves (les deux films seront projetés lors des soirées d’ouverture et de clôture), et Javier Cámara, qui joue dans le dernier Pedro Almodóvar, Los Amantes pasajeros. On ne manquera pas les soirées consacrées à la Movida (en particulier le truculent Pepi, Luci y otras chicas del montón, dudit Almodóvar), et au

Blancanieves de Pablo Berger © Rezo films

Mexique avec L’association des Cultures Franco-Mexicaines (le 12 novembre). Sans parler de la Nuit du frisson, dédiée aux films noirs, films d’horreur et thrillers (le 13). On pourra même prendre l’apéro en dansant et en grignotant des tapas, à bord du bus musical de Mister Music Monchi, qui circulera certains jours en accès libre. À noter : CineHorizontes a pour partenaire principal le cinéma Le Prado, mais des projections auront également lieu hors les murs, à l’Alcazar, au MuCEM, à la Villa Méditerranée, ainsi qu’à

L’Afrique

Cinéastes

On pourra rencontrer des cinéastes (re) connus comme Souleymane Cissé qui revient à Apt avec O Sembène, hommage à Sembène Ousmane dont on pourra voir le court métrage Borom Sarret (Le Charretier), sorti en 1963, premier film africain réalisé par un noir africain. Nouri Bouzid sera là avec Millefeuille et l’on verra en ouverture,

GAËLLE CLOAREC

CineHorizontes aura lieu du 8 au 16 novembre à Marseille, divers lieux Le bus musical de Mister Music Monchi circulera les 9, 10 et 14 novembre 04 91 08 53 78 www.cinehorizontes.com

Le rêve et le politique

sur les rives du Calavon Du 8 au 14 novembre, se tiendra la 11e édition du Festival des cinémas d’Afrique du pays d’Apt qui présente la production cinématographique récente du continent africain : 20 longs et 12 courts métrages de 14 pays avec pour la 1re fois, deux longs métrages venus de Madagascar, Malagasy Mankany d’Haminiaina Ratovoarivony et Les Enfants de Troumaron d’Harrikrishna et Sharvan Anenden.

Vitrolles, Avignon, Aubagne, Martigues et Aix-en-Provence.

nts de Flora La république des enfa

l’Après-Midi Gomès © Les Films de

le 8 novembre, le dernier film de Mahamat Saleh Haroun, Grigris (lire entretien sur www. journalzibeline.fr), pendant que le cinéaste le présentera à New-York. Au programme aussi, Une Feuille dans le vent de Jean Marie Teno, La République des enfants de Flora Gomès et le documentaire de Raoul Peck sur le fiasco de l’aide à la reconstruction d’Haïti, Assistance mortelle. Apt accueille aussi de jeunes cinéastes comme Mati Diop et son superbe Mille Soleils et une dizaine de réalisateurs de courts qui débattront sur le thème «Petits moyens, grandes ambitions» le 11 novembre à 14h30, rencontre animée par Olivier Barlet.

Deux thèmes qui parcourent les films des cinéastes africains qui, tout en racontant des histoires individuelles, parlent aussi de la réalité sociale de leur pays : l’Algérie pour Djamila Sahraoui avec Yema ; le Maroc pour Abdeslam Kelai avec Malak, la Tunisie pour Hinde Boujemaa avec son documentaire C’était mieux demain et les quartiers pauvres du Caire pour Hinde Meddeb avec Electro Chaabi. Dans C’est eux les chiens, Hicham Lasri aborde la question de la mémoire et de la répression des années noires de Hassan II et dans Die Welt, Alex Pitstra, cinéaste hollandais d’origine tunisienne, brouille les repères géographiques et historiques. Et puis à Apt il y aura aussi des expositions, les rencontres du matin avec les réalisateurs, un slameur malien, un graffeur… Toute une ville à l’heure africaine ! ANNIE GAVA

Festival des Cinémas d’Afrique du Pays d’Apt du 8 au 14 novembre 06 14 75 45 59 www.africapt-festival.fr


Charlot, Octave & Bobine, Les voix animees © Lobster Films

Cinéma en musique

Le 9e Festival International des Musiques d’Écran aura lieu à Toulon et alentours pendant dix jours. Son objectif : permettre au spectateur de (re)découvrir des œuvres du patrimoine cinématographique, sous l’angle des écritures musicales d’aujourd’hui. La thématique de cette édition porte sur les «Irrésistibles» du cinéma muet, de Georges Méliès à Buster Keaton en passant par Harold Lloyd. La formule des cinéconcerts, vieille tradition remise au goût du jour, a toujours un parfum d’exception... L’ouverture du festival aura lieu au Cinéma Royal de Toulon, avec un film de 1923, Monte là-dessus (Fred Newmayer), sur une musique composée par le trio jazz de Laurent Marode, Karim Gherbi et Abdesslem Gherbi. En cette édition 2013, trois créations sont au programme : on ne manquera pas la projection du Mécano de la «General» de Clyde Bruckman (1927) accompagné par l’Orchestre de l’Opéra de Toulon, non plus que celle de deux

GAËLLE CLOAREC

Festival International des Musiques d’Écran Toulon du 1er au 10 novembre 07 81 26 26 11 www.fimefestival.fr

Pour l’amour du cinéma

nous entraîne de la Belgique au Japon en passant par l’Argentine, la Géorgie, et tant d’autres contrées (une trentaine de pays sont représentés !). Se construit ainsi un tour du monde éclectique et sensible avec des choix cinématographiques qui sont autant

da Tel père, tel fils de Hirokazu Koree

Déjà le quart de siècle pour le rendez-vous incontournable de l’automne qu’est devenu le Festival du cinéma de Gardanne ! Le même enthousiasme, la même exigence de qualité, quelques soient les difficultés matérielles, constituent une ligne de force à laquelle cette édition ne déroge pas, malgré le problème de salles -la plus grande étant fermée pour travaux. Quarante-cinq films pourtant seront présentés, dix-sept avant-premières, cinq rencontres-débats avec des réalisateurs, Solveig Anspach pour Lulu, femme nue, Xavier de Lauzanne pour Enfants valises, Gilles Perret et Les jours heureux, Bernard Sasia pour Robert sans Robert et Dominique Cabréra pour Grandir. Henri de Yolande Moreau en ouverture, Tel père, tel fils de Hirokazu Koreeda (prix du jury au festival de Cannes 2013) pour la clôture. Ces deux films seront projetés simultanément dans les deux salles pour pallier le manque de place. Il sera important de réserver pour assister aux séances souhaitées ! La programmation

courts-métrages de Charlie Chaplin, ou d’un best off de Laurel et Hardy, sublimés respectivement par les Voix Animées et le duo de pianistes Amandine Habib et Robert Rossignol. Incursion dans univers cinématographique plus récent, la Villa Noailles à Hyères accueillera deux documentaires d’Alain Resnais datant des années 50, Toute la mémoire du monde et Le chant du Styrène. Ils seront accompagnés par les flâneries électroniques de Scanner, grand expérimentateur sonore. Élément important à préciser : pour mettre la découverte des «Musiques d’écran» à portée du plus grand nombre, les tarifs du festival sont adaptés à toutes les bourses.

de coups de cœur éclairés. Régine Juin, directrice de ce dynamique cinéma, sait toujours découvrir des perles rares pour nous en faire profiter. N’oublions pas le focus sur la Méditerranée avec des œuvres venues d’Algérie, de Tunisie, de Grèce, de Turquie, de Palestine, d’Israël, d’Espagne, d’Italie, de France. Les festivaliers bénéficieront encore cette année du tarif réduit sur présentation de leur billet de train (TER), la SNCF étant partenaire du Festival d’Automne. Le cinéma de Gardanne fidèle à ses principes citoyens joue aussi la carte écolo ! Laissons-nous conduire dans ce beau tour du monde ! MARYVONNE COLOMBANI

25e Festival cinématographique d’automne de Gardanne du 25 oct au 5 nov Cinéma 3 Casino, Gardanne 04 42 51 44 93 www.cinema-gardanne.com

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ELLES

Les 8e Rencontres Films Femmes Méditerranée promettaient, parmi inédits et avant-premières, de beaux portraits de femmes au cinéma. Promesse tenue. La bande-annonce précédant chaque film a fait éclore en une mosaïque mouvante et colorée, leurs visages, jeunes ou vieux, tristes ou gais, devenus, au fil des projections, familiers. Le film géorgien d’ouverture n’en présentant pas moins de dix ! Dix femmes marquées par la vie et l’histoire de leur pays, prêtes à presque tout pour les 25 000 dollars et l’appartement de 4 pièces attribués par la production d’une émission de téléréalité à la «Meilleure mère de l’année». Keep Smiling de Rusudan Chkonia commence par un drame hors champ et des témoins horrifiés qu’on écarte sans ménagement : «Il n’y a rien à voir !». La caméra dans la scène suivante suit des candidates de tout «format» et de tout style vestimentaire, traversant en file les coulisses d’un théâtre, ignorant le buste poussiéreux d’un Lénine abandonné, pour regagner un plateau où on leur explique les règles du jeu qu’on sait de dupe. Sur fond de propagande gouvernementale claironnant le renouveau de la mère-patrie, le compte à rebours vers la finale commence et la feinte sacralisation de la figure maternelle tourne au cauchemar des humiliations, sous les paillettes et les ors factices. À travers le destin de l’épouse-Barbie d’un député, de réfugiées de guerre vivant dans un hôpital désaffecté, d’une violoniste ratée, rebelle et paumée, s’esquisse un état des lieux du pays où les illusions semblent définitivement perdues. On pense à la comédie italienne des années 70 : crise des valeurs, farce et larmes.

Suzanne de Katell Quillévéré © Mars Films

Le sourire de façade dans une société du spectacle, on le retrouve à Paris, le soir de l’élection de François Hollande, aux lèvres de Lætitia, la journaliste de La Bataille de Solferino de Justine Triet. Radieuse devant la caméra, commentant à coups de formules stéréotypées l’attente des résultats puis la joie de la victoire. Ravagée d’angoisse, téléphonant, fébrile, entre deux prises, au baby-sitter placide chargé de protéger les enfants de leur père, un Vincent Macaigne dément et véhément ! Film survolté où on passe des braillements de bambins à ceux de la foule des militants, où l’espace privé pénètre l’espace public, le documentaire, la fiction et où l’ivresse des grands soirs s’achève par une gueule de bois. De Suzanne, incarnée par Sara Forestier, dans le film de Katell Quillévéré, on gardera longtemps en mémoire, un peu perdu, grave et doux, ce regard d’enfant têtu qui traverse, d’ellipse en ellipse, 25 ans d’une vie ravagée par les «mauvais» choix, sauvée à chaque naufrage par l’amour inconditionnel d’un père et d’une sœur. De la Chronique d’une jeunesse géorgienne de Nana Ekvtimishvili et Simon Gross, superbe clôture des Rencontres, la danse-défi de la jeune Eka, contre le machisme violent de la Géorgie explosive des années 90. Et puis il y a eu aussi le corps lourd, usé, de la vieille Luisa dans le court-métrage de Celia Rico Clavellino, primé par le jury de 13 en courts ; histoire de la prise de possession... d’un fauteuil. Petite révolte sans cris, sans larmes dans une vie de linge à laver, de café à servir à un compagnon indifférent, une vie à petits pas, inscrite en plans

Palmarès 13 en courts

Prix du Jury : Luisa no está en casa de Celia Rico Clavellino (Espagne) Prix du Public : Quand ils dorment de Maryam Touzani (Maroc)

serrés qui soudain se déplie, se délie. Coup de cœur pour la justesse du propos, du ton, du tempo de Vandal d’Hélier Cisterne, itinéraire de Chérif, adolescent graffeur, cousin lointain d’Antoine Doinel. Film d’homme choisi par sa compagne co-scénariste Katell Quillevéré à l’occasion de sa Carte Blanche (voir chronique sur journalzibeline.fr). Mention spéciale à La Tour de guet de Pelin Esmer pour la capacité de cette réalisatrice à rendre sensible la tension par le silence, la lenteur, les lignes de fuite d’un panorama aussi ouvert que ses personnages sont fermés, repliés sur leur douleur, leur colère, leur culpabilité. Des moments forts, tendres, drôles, émouvants et une sélection 2013 très généreuse. ELISE PADOVANI

Les Rencontres se sont déroulées du 25 septembre au 3 octobre à Marseille et se sont poursuivies à Aix, Toulon et Hyères www.films-femmes-med.org


Un baptême en lumière

Inaugurer une nouvelle salle de projection surtout quand son ouverture a été obtenue au prix de tant d’efforts, est une victoire !

Victoire chantée ce 9 octobre, avec une réelle émotion, par les politiques, le maire de La Ciotat, Patrick Boré en tête, par les personnalités du 7e art comme Thierry Frémaux, directeur de l’Institut Lumière de Lyon et par tous ceux qui ont permis cette résurrection comme Monique Valéri, présidente de l’association Berceau du cinéma. Doyenne des salles, l’Eden Théâtre a accompagné depuis l’époque d’Antoine, Auguste et Louis, l’histoire de la ville et des Ciotadens dont on dit que la moitié d’entre eux y a rencontré l’autre. «Tu te souviens quand on fréquentait ?» a-t-on entendu une femme dire à son compagnon. Fermé pour raisons de sécurité, l’Eden retrouve grâce au travail des architectes-scénographes Stern et Masson, son aspect d’origine de petit théâtre à l’italienne velouté de rouge, et une fonctionnalité correspondant aux normes actuelles. La façade identique à celle de 1889 n’a eu qu’à avancer de 80 cm pour laisser passer gaines et câbles. La vieille dame requinquée affirme des ambitions. Favoriser le mélange des publics, être un des chaînons du parcours culturel mis en place par la ville, fédérer les activités des associations, promouvoir le riche fonds patrimonial, organiser des rétrospectives, accueillir des festivals, s’ouvrir à l’ère numérique et au monde entier par le développement de l’Eden virtuel. En présence de Nathalie Baye, la cérémonie, menée par l’actrice Anny Romand dont l’arrière grand-père n’était autre ni

théâtre Ouverture de l’Eden

© Elise Padova

© E.P

que le polisson qui marche sur le tuyau d’arrosage du fameux arroseur, ne s’est pas limitée au ruban tricolore coupé et à la rhétorique des discours officiels brodés de métaphores et de citations. Thierry Frémaux était venu avec un montage des films Lumière qu’il a commentés avec humour et brio. Quel bonheur de voir ces premières fois ! Premier travelling à Venise, caméra embarquée sur le Grand canal. Premières utilisations du hors champ. Premiers effets de cadrages, de mise en scène en 50 secondes chrono. Visions d’avant 14, où éclatent l’optimisme, l’énergie, la foi positiviste des frères Lumière, hommes d’affaires, créateurs et inventeurs du concept même de «salle de cinéma», endroit où on partage ensemble des émotions. Olivier Dahan a présenté un extrait de son dernier film Grace. Nicole Kidman y incarnant la princesse monégasque semble déjà oscarisable. Enfin, filmés par Roman Polanski, on a retrouvé Mathieu Almaric et Emmanuelle Seigner dans le jeu ambigu des rapports de force en amour, selon Sacher Masoch et Roman. La Vénus à la fourrure, comme premier long métrage à l’Eden, ça ne manque pas de pigment ! La soirée s’est terminée dans la rue. L’Eden est alors devenu une locomotive balayée par les images mythiques du cinéma. Un baptême en lumière. ELISE PADOVANI

www.edentheatre.org


La Méditerranée à livre ouvert

A U P R O G R A M M E L I V R E S

Le voyage des perles

Les Écritures Croisées en cette année doublement anniversaire (trente ans depuis la place du collège des Prêcheurs, vingt ans depuis la Cité du Livre), nous convient à un grand voyage -si important qu’il s’orchestre sur deux ans, 2013 et 2014-. Le projet De la Baltique à la Méditerranée, Itinéraire de nos mémoires, se recentre avec MP13 sur le Sud avant d’entreprendre la remontée nordique (2014). À l’instar des perles d’ambre venues des contrées froides de l’Hyperborée, les mythes voyagent, circulent, nourrissent les imaginaires, s’enrichissent, se contaminent, le rameau d’or de Frazer tue Balder et permet à Énée de descendre dans les Enfers… La Fête du livre, concept totalement redéfini par Annie Terrier, leur infatigable organisatrice, accueille cette année des poètes, Gil Jouanard, poète voyageur, Dimitrios Kraniotis, poète danseur, Etel Adnan, poète, écrivain, peintre, l’écrivaine arabo-américaine la plus originale aujourd’hui -«je deviendrais éditeur pour elle» affirme Annie Terrier-, des romanciers, Vassilis Alexakis, JeanPierre Lefebvre. Gérard Meudal et Valérie Marin la Meslée animent les entretiens, les tables rondes. Par ce biais, la fête du livre devient celle de l’intime, voulue par Annie Terrier, dans ces moments de grâce où les auteurs effectuent une plongée en eux-mêmes et dans leur œuvre. Les lectures offrent une entrée de plein pied dans les œuvres parfois mal ou peu connues : lecture intégrale de Au cœur du cœur d’un autre pays de Etel Adnan par Alain Simon au Théâtre des Ateliers ; Le Turbot de Günter Grass (qui ne peut plus se déplacer), sera lu par Hanna Schygulla, accompagnée par le piano de Jean-Marie Senia ; Michael Lonsdale interprètera les pages des auteurs de la table ronde De la Baltique à la Méditerranée, et Sylvia Lipa Lacarrière offrira Les chemins de l’été grec de Jacques Lacarrière, voix si pertinente, si lucide, poétique et érudite de la Grèce, parrain des rencontres aux côtés de Michael Lonsdale qui lira ses textes lors de la soirée d’hommage qui lui est consacrée. Des photographies du mont Athos et de la Grèce de Lacarrière, souvent inédites, feront l’objet d’une exposition, parallèlement à celle d’Ernest Pignon Ernest qui évoque l’immense poète Mahmoud Darwich dans un parcours à Ramallah. Il n’est pas de fin au poème… Le cinéma aussi déclinera ce voyage entre le nord et le sud avec le film polyglotte de Manoel Olivera, Un film parlé, De l’autre côté de Fatih Aknin, entre Hambourg et la Turquie, Trois jours en Grèce de Jean-Daniel Pollet, itinéraire peuplé de rencontres, Le Faussaire de Schlöndorff, l’histoire de ce reporter envoyé à Beyrouth et qui refusera d’écrire sur ce qu’il y a vu. Ces journées précieuses s’achèvent par un concert où l’on entendra le oud et le superbe violon de Fouad Didi, le chant si rare de Martin Destrée, la guitare de Roberto Cassio. L’an prochain, la remontée vers la Baltique sera portée par Yves Bonnefoy…

d’ambre

MARYVONNE COLOMBANI

Fête du livre du 16 au 20 octobre Cité du Livre, Aix-en-Provence www.citedulivre-aix.com

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Fête du livre du Var du 15 au 17 novembre Programme détaillé sur www.fetedulivreduvar.fr

Jean-Noël Schifano, Président du jury du Prix des lecteurs du Var 2013 © LAN

L’été grec © J.Lacarrière

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Turquie, Espagne, Italie, Tunisie, France, Grèce, Algérie, Balkans… près de 250 auteurs (dont le très attendu Douglas Kennedy), des éditeurs, des journalistes (carte blanche à Franz-Olivier Giesbert, à Michel Field), des spécialistes et plus de 50 000 lecteurs ont rendez-vous à Toulon du 15 au 17 novembre pour la Fête du livre du Var. Rencontres thématiques, débats, signatures, et remise du Prix des lecteurs du Var (présidé cette année par l’auteur, éditeur et traducteur Jean-Noël Schifano) sont proposés simultanément aux amateurs de plumes télévisuelles comme aux découvreurs d’autres horizons… La présence de sept maisons d’édition témoigne de la diversité des littératures de Méditerranée : Métailié (collections italienne et espagnole), Actes sud (Lettres hébraïques/Babel Noir), Rivages (Espagne), Elyzad de Tunisie, Portaparole d’Italie, Turquoise de Turquie (Collection Écriturques) et La Fábrica d’Espagne. Des écrits venus d’ailleurs et des esprits abordant l’ailleurs s’y croisent : l’ingénieur de formation et auteur de Gouverner au nom d’Allah, islamisation et soif de pouvoir dans le monde arabe, Boualem Sansal, Gilles Kepel pour son dernier ouvrage Passion arabe, José Lenzini, qui a consacré trois ouvrages à Albert Camus… Sans oublier les artistes programmés aux Rencontres méditerranéennes avec la complicité de l’Hôtel des arts, du théâtre Liberté et du Musée d’Art. En concert, Souad Massi et Éric Hernandez accompagnés par le percussionniste José Cortès et l’accordéoniste Alexandre Leautaud, le quartet Anouar Brahem, le contrebassiste Renaud Garcia-Fons, Yom qui relit la musique traditionnelle juive d’Europe centrale et orientale, Nathalie Négro au piano et Françoise Atlan au chant. La littérature se fera elle aussi entendre à travers la lecture de textes de Orhan Pamuk par Tchéky Karyo et de Le premier homme de Camus par Charles Berling. Les arts visuels s’invitent également à la fête avec, en avant-première à Toulon, l’exposition Histoire : regards d’artistes qui sera accueillie en 2014 au festival international PhotoEspana à Madrid et au musée Marco de Vigo.


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Correspondances de Manosque 2013 © François-Xavier Emery

En quinze ans,

Les Correspondances

sont devenues l’un des rendez-vous les plus importants de la rentrée littéraire, sans rien perdre de la convivialité qui est leur marque. Un festival dédié à la littérature vivante, résolument tourné vers les rencontres et lectures publiques, mélange unique d’exigence littéraire, d’originalité et d’esprit bon enfant, qui stimule les envies de lecture…

L’essentiel de la rentrée littéraire française L’édition 2013 a régalé le public d’explorations géographiques et d’ouvertures sur l’altérité Les 50m2 de son Intérieur parisien suffisent à Thomas Clerc pour développer un récit sidérant. Lors des rencontres, l’auteur se présente comme un obsessionnel qui prend du plaisir à dresser un répertoire exhaustif du moindre recoin de son appartement, dont il chiffre et décrit chaque série et chaque unité, de la chaussette isolée aux carreaux (36 !) de ses murs. Mais on comprend vite, à l’entendre et à le lire, qu’il compose un personnage. Que son appartement qu’il aime épuiser comme Perec le ferait, ouvre incessamment des voies inattendues, souvent très loufoques. Que les objets débrident des mondes poétiques et drôles comme les Choses du Parti Pris de Ponge, et que l’esprit méthodique est là comme un rempart, ou l’ossature de digressions, d’une pensée fragmentée qui procède en fait du coq à l’âne, insatisfaite, comme d’un esthète enfermé dans un réel petit bourgeois où les objets sont des ennemis quotidiens qui menacent… Un récit incroyablement inventif dans sa forme, qui touche à l’autobiographie indirecte mais très impudique, au théâtre par sa langue et son huis clos, au fantastique aussi, au policier,

voire à l’essai sur un matérialisme d’un nouveau genre… et qui se lit d’un trait tant l’autodérision est constante, et le style brillant. Paradoxalement le Japon de Thomas B. Reverdy, lors de leur rencontre croisée, paraissait presque étriqué ! Si lointain qu’il ne permet pas au personnage d’y pénétrer vraiment, jusqu’au terme de son périple, sur les rives dévastées par le tsunami. Reverdy s’anime lorsqu’il parle des Évaporés japonais (voir p. 63), qui disparaissent pour fuir les dettes ou les mafias, et demeurent des ombres vivantes. Mais son évocation du Japon d’après le traumatisme reste extérieure, loin de l’émotion du roman de Furukawa Hideo par exemple (lire Zib’62). C’est autre chose qu’il approche : l’expérience de l’extrême altérité, et de la mémoire littéraire, sur les traces du voyage au Japon de Brautigan. Soulignons les propos orageux et excessifs de René Fregni évoquant ce qu’il se passe Sous la ville rouge, Marseille ! Emporté par sa faconde habituelle il s’est égaré dans des propos déplacés évoquant la drogue et le banditisme, la saleté, ignorant l’aspect solaire d’un cosmopolitisme unique. Propos déplacés qui ont fait partir de nombreux auditeurs et ont été rappelés le lendemain par François Beaune qui aurait (Suite p.60) souhaité en discuter avec lui...

P L OI V L RI ET SI Q U E C U L T U R E L L E


60 L I V R E S Marie Darrieussecq et Maya Michalon, Correspondances de Manosque 2013 © François-Xavier Emery

Fantasmer l’espace

Au cours d’un dialogue passionnant, Yannick Haenel et Philippe Vasset ont rappelé le lien qui se tisse entre lire, écrire et marcher. Tous deux arpentent Paris. En exergue à ses Renards pâles, Haenel a placé la phrase de Walter Benjamin «vaincre le capitalisme par la marche à pied» ; un programme auquel il adhère car «marcher aujourd’hui dans Paris, c’est continuer à piétiner ce qu’on a voulu occulter.» De fait, le XXe arrondissement de la capitale lui apparaît comme un lieu très chargé (des Communards ont été mis à mort au PèreLachaise) ; c’est donc logiquement dans un bar de Belleville que la première apparition du renard pâle aura lieu (voir site). Le narrateur de La conjuration, dont Vasset reconnaît qu’il lui ressemble beaucoup, est lui en quête d’«un lieu hors de l’espace urbain balisé», comme le sont les zones noires, celles qui sont floutées sur les plans. Un lieu qui renvoie à des lectures, un «écran à fantasmes». Le Paris de leurs romans est donc une ville palimpseste, pleine des échos d’ailleurs spatio-temporels, comme l’est le Louveplaine de Cloé Korman (voir p. 63). Les lieux que mettent en scène Marie Darrieussecq et Céline Minard apparaissent également comme des espaces fantasmés, nourris de rêves, de lectures et de films. La Solange de Darrieussecq est un peu son alter ego ; et si elle l’expédie en Californie dans Il faut beaucoup aimer les hommes (voir Zib’66), c’est parce qu’elle-même rêvait d’Amérique quand elle était ado. Et puis dans Solange, on entend Los Angeles. Hollywood, l’Afrique, Darrieussecq fait voyager son héroïne. Une façon pour elle de jouer avec les clichés que ces noms véhiculent, et de les démonter. Comme elle démonte le mécanisme de la passion qu’elle qualifie d’ailleurs de «lieu inhabitable». Dans son huitième roman, Faillir être flingué, Céline Minard arpente l’espace mythique de

la plaine américaine, au gré de la déambulation de divers personnages en quête d’un endroit où s’installer (voir p. 63). Et si elle rappelle sa dette envers Fenimore Cooper et les westerns américains, elle affirme aussi sa volonté de reprendre le genre pour le «réactiver», sans en faire un pastiche, en jouant sur l’écart. De retravailler le mythe de l’Ouest, en écrivant un «roman à la frontière, avant que le monde bascule».

Regarder l’autre

Florence Seyvos raconte sa quête de Buster Keaton à Hollywood, pour extraire des traces biographiques les analogies avec son frère Henri, handicapé. Pour dire avec une pudeur à la fois tendre et douloureuse, la difficulté d’aimer un être inadapté, de savoir quel soutien lui apporter sans intrusion, quelles bêtises accepter sans colère. Les analogies entre Buster et Henri sont toutes de tristesse, de brisures imposées, d’abandons et de reniements. D’une voix timide qui oblige à tendre l’oreille, avec son amie Noémie Lvovsky, l’auteur scénariste a lu son Garçon incassable comme un murmure intérieur. Le contraire du cinéma. Le Don du passeur de Belinda Cannone parle aussi d’un être inadapté : son père. Socialement étrange, différent, sans qu’on comprenne exactement en quoi, pourquoi il reste à côté du monde. Visiblement très émue pendant la rencontre, elle a parlé finement de la forme de son récit -en cercles d’approches-, un portrait plutôt qu’une biographie, qui transforme une personne «qui n’est personne» en personnage… Mais elle s’est un peu mise en retrait lorsqu’il fut question de sa fragilité, de sa porosité au monde qu’elle nomme idiotie dans son récit, innocence parfois, affirmant durement qu’il a raté sa vie, qu’il est violent de vivre avec un être si fragile, mais qu’il lui a transmis les affects qui l’ont façonnée…

ndances © Chris Bourgue Alain Veinstein - Correspo

Lieux artificiels

Alain Veinstein, quant à lui, nous propulse dans l’ère de Twitter. Asticoté par sa fille, l’auteur s’est créé un compte. Pas très à l’aise dans l’espace social il a observé la contrainte des Cent quarante signes en la détournant pour «essayer de faire de la littérature avec ça, des coqs à l’âne...», les blancs jouant le rôle des silences radiophoniques ; n’oublions pas que Veinstein anime des émissions littéraires sur France Culture. Il dit s’amuser à jouer sur le temps par l’immédiateté de l’écriture. D’autres se regardent et se racontent dans des premiers romans. Si l’on est terrifié par la précipitation dans le néant de Boris Razon et le récit dans Palladium de ses hallucinations dûes au Fentanyl, médicament au pouvoir analgésique quatre-vingt fois supérieur à celui de la morphine, c’est parce qu’on imagine ses douleurs, sa détresse absolue et celle de ses proches suite à une terrible maladie qui terrasse durant des mois sans certitude de guérison. On se sent beaucoup moins concerné par le récit de la tentative de sortie de l’addiction au Produit de Kevin Orr. FRED ROBERT, AGNES FRESCHEL et CHRIS BOURGUE

Les Correspondances de Manosque ont eu lieu du 25 au 29 septembre


Mots en musique Dandy décontracté, musicien lettré, Bertrand Belin avait choisi pour cette édition 2013 de rendre hommage au poète Christophe Tarkos, disparu en 2004. Pas vraiment étonnant. La recherche d’une parole autre, faite de rumination, le travail toujours recommencé sur la «pâte-mot», la fabrication concrète, charnelle, d’une poésie écrite pour être dite ne pouvait que parler à l’amoureux des mots qu’est Belin. Bouleversé par le recueil Caisses (POL 1998), il en a offert, avec son air de ne pas y toucher, quelques extraits puissants, qu’il a mêlés à ses textes mi-parlés mi-chantés, certains issus de Parcs, son dernier album. Une performance émouvante et drôle,

éclairée discrètement ou brutalement par sa guitare électrique. Le concert de Joseph D’Anvers balada dans un Los Angeles de clichés, un road movie qui laissait le public très extérieur. En revanche la présentation de son dernier roman par Arnaud Cathrine, entrecoupé des solos de guitare de son complice Florent Marchet et de chansons en duo, a créé un climat intimiste séduisant. Les premières pages du retour dans la bourgade normande de l’enfance du narrateur réveillent ses souvenirs d’adolescence et provoquent des interrogations : Je ne retrouve personne. F.R. et C.B.

Traduire Peu de littérature étrangère cette année à Manosque, mais la rencontre avec Elias Khoury et sa traductrice fidèle Rania Samara affirma l’importance du traducteur «meilleur lecteur de l’œuvre» selon l’écrivain libanais. Comment rendre la forme grammaticale du «duel» quand le français ne possède que le singulier et le pluriel ? Être deux, c’est aussi être dédoublé dans la poésie islamique… Comment traduire le trouble, le «tremblé», des nombreux mots polysémiques ? Quant aux temps, comment déjouer la simplicité de l’Arabe, qui ne possède que l’accompli et l’inaccompli,

dans la langue française qui jongle avec des nuances complexes de passés ? «Elias Khoury écrit des récits enchâssés, parfois il m’arrive de devoir reprendre la traduction du début pour que la subtilité de leurs rapports apparaissent…» Elias Khoury conclut en disant que l’écrivain est lui-même un traducteur, et que bien sûr un livre traduit «perd» par rapport à l’original. 40 % avança-t-il. Mais il ajouta : «Si un livre ne supporte pas la perte de ces 40 %, c’est qu’il ne vaut pas la peine d’être traduit !» A.F.

Jouer le soir À Manosque, à 20h30, on se retrouve dans la grande salle de Jean le Bleu, pour des propositions plus théâtrales. Ainsi Jacques Gamblin nous a fait découvrir un Charles Bukowski loin des Contes de la folie ordinaire, ou du Journal d’un vieux dégueulasse. Dans sa Correspondance, il livre des souvenirs déchirants de son enfance maltraitée, des considérations sur le travail ouvrier, et le long poème qui conclut le spectacle est sublime. L’acteur, extraordinaire, porte ses mots comme si la douleur était la sienne, et même les considérations sur les femmes passent mieux… La lecture de la Correspondance de Robert Walser par Micha Lescot est moins convaincante. Mal choisies, banales, ses lettres ne nous disent que son attrait morbide pour la soumission, parfois drôle, souvent pitoyable… Mis en scène à trois voix, Heureux les heureux de Yasmina Reza

Découverte

offre un véritable spectacle. Des dix-huit personnages de son roman choral elle a gardé cinq récits : Edouard Baer brosse une scène de drague entre deux sexagénaires juifs avec une grande drôlerie, et Josiane Stoléru incarne avec beaucoup d’émotion une mère qui voit son fils se prendre pour Céline Dion. Les histoires de couples sont quant à elles plus conventionnelles… Le dialogue de Charlotte Rampling restituant la parole de Sylvia Plath, poète américaine suicidée à l’âge de 30 ans, et de Sonia Wieder-Atherton au violoncelle interprétant les Suites 2 et 3 de Benjamin Britten a créé un moment de suspension qui touchait au sacré. L’instrument et la voix se passaient le relais et se mêlaient parfaitement, les coups d’archet se faisant l’écho des consonnes mises en valeur par la diction parfaite de la comédienne. A.F et C.B.

Les amis de Giono ont offert la lecture de l’échange inattendu de trente lettres entre Henry Miller et Giono de 1945 à 1951, retrouvées il y a à peine 2 ou 3 ans. On est surpris de découvrir l’admiration totale de Miller pour ce français dont il aimait tout et regrettait que les américains n’y comprennent rien. Miller admire tout autant Que ma joie demeure que la traduction de Moby-Dick. L’échange entre les comédiens Jean-Christophe Quenon et Philippe Lardaud a été un moment de pur bonheur. C.B.

Livre et numérique

Les Littorales ont commencé en avance, par une de ces rencontres quotidiennes au Pavillon M animées par MP2013 à 17h, et souvent passionnantes. Il était donc question le 9 octobre de la chaine du livre mise en péril par le numérique, avec deux romanciers, Karine Tuil et Metin Arditi, et deux éditrices et libraires, Jeanne Laffitte et Katia Imbernon. Si les deux romanciers nous ont livré quelques secrets de fabrication sur la naissance de leurs personnages et leur façon d’écrire, l’échange sur le numérique fut déséquilibré, et peu objectif. Katia Imbernon, éditrice de livres d’architecture et libraire à la Cité Radieuse, rappela justement que tout un pan de l’édition avait déjà disparu : les livres scientifiques en particulier, dont le contenu est adapté à la consultation numérique. Elle rappela aussi que les savoir-faire de l’impression des beaux livres se perdaient, que le métier de photographe était en grand danger. Jeanne Laffitte fut plus radicale : selon elle, pas de salut dans la révolution numérique en cours inexorable. Les livres se vendent moins et les enfants ne lisent plus que sur tablette, le rapport émotionnel avec l’objet livre disparaît… Metin Arditi eut beau rappeler que le livre n’était pas le disque et que sa réalité palpable le gardait d’une totale disparition, et que les difficultés des libraires indépendants n’étaient pas plus grandes que celles des petits commerces, l’éditrice brossa derechef un tableau entièrement négatif. Pourtant le numérique permet de faire de substantielles économies dans la chaine du livre ! L’impression numérique, les relectures, l’élaboration de la maquette, sont considérablement réduits : il y a 15 ans un roman devait se vendre à 20 000 exemplaires pour être rentable, aujourd’hui 5 000 suffisent souvent. D’où la pléthore de romans (excellents d’ailleurs cette année…) de la rentrée. Toutes les études le disent : les jeunes ne lisent pas moins, mais différemment. Multipliant les supports, empruntant aux bibliothèques, achetant sensiblement autant de livres que leurs aînés. Moins chers, sans doute. Mais ils sont moins riches. AGNÈS FRESCHEL

Les Littorales du 18 au 20 octobre Cours d’Estienne d’Orves, Marseille 04 96 12 43 42 www.leslittorales.com

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À Ravensbrück comme ailleurs

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Parce qu’elle a été désarçonnée par la question d’une lycéenne, l’ancienne déportée Suzanne Langlois, pourtant rompue à l’exercice après des dizaines d’interventions en milieu scolaire, prend conscience que quelque chose a toujours échappé au récit qu’elle a coutume de faire de son «histoire folle», celle d’une toute jeune femme qui a mis au monde un enfant dans un camp de concentration. Ce quelque chose, c’est elle en ce temps-là, elle avec son ignorance et sa lucidité, ses sensations, ses pensées. Alors, elle imagine Mila, son double de fiction, et refait avec elle le voyage. Au présent, en portant une attention particulière aux moindres perceptions, au miroitement d’un lac derrière les barbelés, au parfum d’une grappe de lilas mauve… Le huitième roman de Valentine Goby, Kinderzimmer, plonge le lecteur dans le récit, à fleur de peau et de sens, d’une année à Ravensbrück. Né de la rencontre de la romancière avec des rescapés et une puéricultrice de cette «chambre des enfants», il retrace le parcours de Mila, de la mi-avril 1944, date de son arrivée dans

Lignes de vies

Constatant qu’en dépit de son excellent CV, il aura du mal à décrocher un job à la hauteur de ses ambitions, Samir Tahar a décidé de «réinventer sa vie». Il lui a suffi d’ôter les deux dernières lettres de son prénom et de ne pas contredire son futur patron lorsque celui-ci l’a pris pour un Juif séfarade… Vingt ans plus tard, à quarante ans, Sam Tahar est l’un des avocats les plus en vue du barreau new-yorkais ; il a épousé Ruth Berg, la fille d’un millionnaire ; il collectionne les vêtements de luxe, les maîtresses d’un soir et les procès gagnés. Or cette réussite repose sur une imposture : pour construire son personnage, Samir a «emprunté» à Samuel, son meilleur ami, pas mal d’éléments de sa biographie ! C’est ce que découvrent Samuel et Nina un soir sur une chaîne câblée. Une émission vue par hasard et la

un lieu dont elle ignore le nom et la situation géographique, jusqu’à la libération du camp un an plus tard. On a lu de nombreux récits sur le sujet. Mais outre l’angle original qu’a choisi Goby (le paradoxe monstrueux de nourrissons qui naissent et tentent de grandir dans un lieu de mort), Kinderzimmer offre un regard nouveau sur l’univers concentrationnaire. Là comme ailleurs «vivre c’est ne pas devancer la mort» ; vivre c’est tenir, et tenir debout. Ravensbrück n’est pas hors du monde : on peut y accomplir son «travail d’humain» au jour le jour, dans l’instant. La romancière a écrit que son ouvrage était «un roman de la lumière». C’est vrai. Malgré la langue tranchante, hérissée de termes allemands, malgré la syntaxe parfois aussi minimaliste que celle des ordres éructés, le phrasé de Valentine Goby, lancinant comme les mots qu’on se redit tout bas pour résister, riche de toutes les sensations même les plus ténues, même les plus désagréables, trace avec acharnement et sensibilité le chemin de Mila et de ses compagnes vers l’espoir puis la liberté. Un bel hommage à l’héroïsme anonyme

donne va changer… Les lignes bougent, et pas seulement pour le trio central. L’invention de nos vies, neuvième roman de Karine Tuil, en lice pour le Goncourt, décrit une société très actuelle (en filigrane le terrorisme, l’affaire DSK…), très désenchantée, où succès, en affaires comme en littérature, égale forcément mensonges et trahisons, où liberté signifie toujours renoncement. Un page turner rythmé, habilement construit, soutenu par l’alliance originale de termes rares («térébrant», «érugineux»…), d’énumérations scandées par des slashs et de notes de bas de page qui évoquent en quelques lignes caustiques les rêves de silhouettes croisées au fil de l’intrigue. Comme autant d’autres vies à inventer ?

et à la solidarité. Un bel hommage aussi à la littérature et aux romanciers qui écrivent «pour inventer ce qui a disparu à jamais : l’instant présent». Magnifique ! FRED ROBERT

Kinderzimmer Valentine Goby Actes Sud, 20 euros Valentine Goby sera le 14 novembre à la librairie L’Attrape Mots (212, rue Paradis, Marseille 6e, 04 91 57 08 34)

L’invention de nos vies Karine Tuil Grasset, 20,90 euros Karine Tuil était présente à Marseille à l’occasion des Littorales le 9 octobre (voir p.61)

F.R.

Entre la faucille et l’icone Le nouveau roman de Metin Arditi, La Confrérie des moines volants, s’articule en un triptyque qui nous fait voyager dans le temps. La construction tripartite, faussement symétrique où le dernier volet apporte réponses et accomplissement, se ressent cependant comme simplement duelle, sans doute par la répartition chronologique, les années 2000 et 2002, répondant à l’année 1937, et la puissance moindre des chapitres correspondant à la période actuelle, même si elle s’ancre dans une esthétique de la révélation. Mais comment pourrait-il en être autrement, les personnages qui animent la première partie se mesurent à un destin qui les dépasse. Le héros, l’ermite Nikodime, tourmenté, campé à la manière d’un personnage d’Eisenstein, se coltine avec Dieu, empoigne le monde avec une ferveur illuminée, construit son existence à l’image de la passion christique. Nous sommes

dans des époques troubles, lors des grandes purges de 1937 en URSS. Alors que le régime soviétique pille et détruit les trésors de l’Église russe, sous la conduite de Nikodime, se crée la confrérie des moines volants (attention à l’ironique polysémie !) qui, cachés dans les forêts, tentent de sauver les œuvres d’art sacré. Il faut ensuite les dissimuler pour attendre la résurrection de l’Église… Passer aux années 2000, dans un monde où le photographe, Matthias, ignorant encore qu’il est le petit-fils de Nikodime, semble s’être perdu dans la superficialité de la photo de mode constitue un exercice de voltige. L’intrigue prend alors des allures d’enquête. Double résurrection, celle des œuvres retrouvées, celle de Matthias qui renoue enfin avec l’art de la photographie, celui qui révèle, comme le roman qui strate par strate se dévoile. Rédemption par l’écriture ? MARYVONNE COLOMBANI

La Confrérie des moines volants Metin Arditi Grasset, 19 euros À noter On aura le bonheur de rencontrer l’auteur, Metin Arditi, aux Littorales du 18 au 20 octobre à Marseille


Recherche Hassan désespérément Nour n’en peut plus d’être sans nouvelles d’Hassan, son mari. Reparti travailler en France, il n’a plus donné signe de vie. Alors elle quitte à son tour la banlieue algéroise et débarque à Louveplaine, au quinzième étage de la tour Triolet, dans l’appartement loué par Hassan, celui où il avait promis qu’elles le rejoindraient, leur petite Fériel et elle. Quand elle arrive, l’appartement est vide, Hassan s’est volatilisé. On pénètre dans le deuxième roman de Cloé Korman comme Nour dans cet appartement abandonné, sur la pointe des pieds, avec un sentiment de malaise. D’abord, on reste à distance. Et puis Les saisons de Louveplaine déploient leur charme étrange, brutal et poétique à la fois. Et, comme Nour, qui s’aventure de plus en plus hors de l’appartement, à la rencontre des habitants et des histoires de la cité, on se laisse happer par une intrigue

en pointillés, aux multiples possibles et aux personnages qui font bien plus que passer. Cloé Korman a travaillé un an en résidence en Seine Saint-Denis ; elle en a rapporté cette fiction forte, qui réinvente un réel souvent difficile, voire sordide, pour en faire jaillir par éclats -scènes saisissantes, dialogues sur le vif, comparaisons et hors-champs inattendus- toute la vitalité d’une communauté déshéritée qui se bat pour exister, malgré les tours qu’on démolit, les chiens qu’on fait combattre dans les caves dévastées et les trafics en tous genres. Pas d’angélisme, mais beaucoup de générosité, d’humanité. Et si Hassan n’est plus là, qu’importe, ces quelques mois à Louveplaine auront profondément changé Nour. Comme ils ont sans doute changé la romancière.

Les saisons de Louveplaine Cloé Korman Seuil, 21 euros Cloé Korman était présente aux 15e Correspondances de Manosque

63

FRED ROBERT

Tout un monde flottant Voici un roman qui tient à un cheveu dru, plat et noir : celui de Yukiko trouvé sur la manche de Richard B. On approche alors de l’avant-dernière phrase dont le constat placide «Après tout, on n’est pas obligé de savoir comment ça finit» n’est guère ébouriffant mais on consent volontiers à être débarqué sans façon par le concentré d’élégante mélancolie qui conclut (?) le récit. Thomas B. Reverdy nourrit ouvertement son écriture de sa fréquentation du Japon et de son intimité avec l’œuvre de Richard Brautigan dont le journal japonais pointe le nez en italiques comme un écran de pudeur déployé entre réalité terrible et fiction modeste. Qui sont ces évaporés que le titre un brin «fin-de-siècle» invite à rencontrer ? Au-delà de la traduction littérale (johatsu désigne le suicidé social, l’homme qui disparaît, s’évanouit sans laisser de trace ou change d’identité comme la société japonaise le permet en l’absence de toute législation dans ce domaine et surtout en temps de crise), tous les personnages et le lecteur aussi peuvent revendiquer ce qualificatif ténu et néanmoins riche en potentialités narratives. Kaze

(«le vent») ouvre le récit avec son mystérieux déménagement ; le jeune Akainu fuit ce qu’il croit être son destin, de bouge en terrain vague ; Yukiko a cru pouvoir oublier en Californie son enfance mais revient au pays rechercher son père en compagnie de Richard B. en quête sans doute de lui-même à travers son amour perdu. Ce n’est pas parmi les cerisiers en fleurs que zigzague la fiction, serrée avec une minutieuse concision entre courts chapitres documentaires ou oniriques, mais au pays du désastre naturel, économique, nucléaire où le syndicat du crime semble avoir «le pouvoir sans les attributs» et sur lequel le soleil peine à se lever. Thomas B. Reverdy sait dire en profondeur que chaque chose (et chacun) cherche sa place, que le miracle existe peut-être… Sincérité, respect d’une civilisation dont l’opacité est comme la métaphore de l’impossible saisie de l’autre : l’empire des signes n’est pas mort en ce beau roman de rentrée !

Les évaporés Thomas B. Reverdy Flammarion, 19 euros

MARIE JO DHO

Est-ce que tu aimes… dans les Westerns… «Faillir être flingué», c’est autour de ce bel effet sonore que Céline Minard fonde son 8e roman, autour de cet instant en suspens où l’on retient son souffle et où la vie ne tient plus qu’à un fil. Le Grand Ouest Américain, espace mythique, métaphore de l’infini des possibles, offre un vaste champ littéraire. Dans l’immensité, les trajectoires individuelles se croisent ou s’évitent, se rencontrent ou se ratent, se suivent ou se poursuivent, se contournent, s’observent, se repèrent par les traces. Une ville en devenir s’esquisse, où chaque personnage, dans son état d’urgence, cherche à se poser. La trame narrative, linéaire dans son inexorable avancée, se constitue de mouvements relatifs, de rebondissements, de recoupements, d’allers et retours spatio-temporels, d’actions déjà accomplies ou en cours, au hasard des déambulations et bifurcations de personnages, Indiens, Européens, Chinois, dont les identités et les rapports restent encore

à définir. Un balancement s’opère, entre des moments de lenteur et d’accélération, entre le rythme cadencé d’un attelage de bœufs et le déclic d’une arme à feu. Des figures féminines centrales et incongrues véhiculent l’action, grand-mère, tenancière, musicienne ou chamane. Un récit singulier porté par une liberté de ton, un jeu sur le(s) genre(s), un regard poétique. Dans ce western, toutes les figures imposées du genre sont présentes, mais pour être déplacées. On contemple, on se délecte, on jubile. MARION CORDIER

Céline Minard était présente aux Correspondances de Manosque, du 25 au 29 septembre Faillir être flingué est aussi le titre de l’installation artistique de la plasticienne Scomparo avec qui elle travaille depuis dix ans

Faillir être flingué Céline Minard Rivages, 20 euros

P L OI V L RI ET SI Q U E C U L T U R E L L E


Après l’expo

64 L I V R E S

En cet automne, deux importantes expositions sont sur le point de refermer leurs portes. L’amateur ébaubi de cette première expérience esthétique formulerait-il le souhait de prolonger cette délectation ? Le catalogue l’y aidera. Le Grand Atelier du Midi, double exposition phare de cette année Capitale a tout particulièrement bénéficié d’un important accompagnement éditorial (lire Zib’64). L’épais catalogue satisfait amplement son office scientifique, esthétique et historique, reprenant les deux grandes thématiques des expositions aixoise et marseillaise, la forme et la couleur. Regretta-t-on comme pour d’autres publications des reproductions rognant l’œuvre originale. À Arles, Nuage nous transporte dans des univers plus contemporains et poétiques. L’exposition (ne présentant que deux peintures) évite intelligemment la forme didactique, aspect qu’on aurait aimé retrouver un peu plus dans le catalogue. Michèle Moutashar y explicite sa démarche de commissaire (Zib’63) et Hubert

L’œil d’Istanbul C’est l’un des plus illustres écrivains-photographes turcs. À l’œuvre d’abord dans l’écriture, Ara Güler publia ses nouvelles de jeunesse entre 1940 et 1960, en arménien puis traduites en turc, comme une préfiguration à ses photographies à venir, prises entre 1956 et 1985. Traduites en français, les éditions Parenthèses font revivre les unes et les autres dans Arrêt sur images, multipliant les correspondances entre les descriptions minutieuses, l’écriture resserrée à l’extrême, le rythme alerte d’un côté, et la réalité photographique de l’autre. Ara Güler décrit et regarde sa ville avec la même loupe grossissante : aucun détail ne lui échappe. Le tout peint un tableau vivant, bouillonnant de scènes de vie quotidiennes, d’ambiances et de sensations baignées d’une douce mélancolie : ruelles enchevêtrées, petits métiers, bonimenteurs et marchands ambulants, artisans à la peine et femmes à l’usine… On respire les vapeurs des embarcations, on entend

After wall

Il n’y a pas si longtemps des murs avaient des oreilles. Celui-là dispose des yeux des photographes pour signifier avec le soutien d’Amnesty International l’intolérable. Voici un livre constitué d’une seule feuille pliée en accordéon, imprimée recto-verso, couverture épaisse et rigide, maintenus par une large bague de papier fort. Sitôt celle-ci glissée, l’objet se déplie, la manipulation est plutôt malaisée. C’est que le sujet l’est tout autant. Il est donc nécessaire de mettre le tout à plat. C’est ce que font selon différents registres -géopolitique, historique, sociologique, économique, fictionnel- les auteurs des textes (dont un Israélien) accompagnant sept regards photographiques. Et de confondre le lecteur dans son ignorance, ses aprioris. Un seul exemple, concernant les postures engagées par les artistes Malu Halasa, pose cette question simple mais sous-tendue de

Damish, auteur réputé de Théorie du nuage, pointe certains contours de l’art avec le sujet. Si on se satisfait de la qualité des reproductions, on reste sur sa faim dans le rapport aux œuvres, les démarches malgré les notices biographiques en fin d’ouvrage. Prolongement de l’évènement et trace durable, le catalogue d’exposition (d’art) constitue une mémoire et un sérieux outil de connaissance que l’exposition ne peut atteindre à elle seule. Certaines d’entre-elles ont fait date et leurs catalogues sont devenus des références : la série des Paris-Berlin, Paris-Moscou du Centre Pompidou ; plus près de nous Poésure et Peintrie, et Peinture Cinéma Peinture à Marseille. Cependant, malgré de très bonnes intentions, l’impact financier conjugué des prix d’entrée et des publications pour les budgets les plus courants n’est toujours pas pour faciliter la démocratisation de la culture.

Le Grand Atelier du Midi Rmn/Grand Palais, Ville de Marseille, Communauté du Pays d’Aix, 39 euros Nuage Actes Sud, Musée Réattu, 39 euros

CLAUDE LORIN

le tohu-bohu d’Istanbul ! En fin observateur, sa plume est aiguisée et son œil à l’affût : ses personnages s’appellent Hovsep la poisse ou Mesrob le boiteux, les filets des pêcheurs sentent le dur labeur, le marin à la taille élancée attend sa belle d’une nuit… Longtemps après Babylone sort du lot qui dessine le portrait du mystère du monde à travers l’homme blanc, jaune, noir «aujourd’hui marin, demain commerçant, après-demain assassin». Une nouvelle en rupture par le ton et sa portée universelle. Dans Arrêt sur images, les scènes sont enjouées, parfois désabusées, les portraits sont attendrissants, parfois moqueurs, et les photos parfaitement «calmes». Le temps de la pose n’est pas celui du récit, pourtant il raconte la même histoire, celle d’un écrivain-photographe amoureux de sa ville et de ses habitants.

Arrêt sur images Textes et photographies d’Ara Güler Traduction de l’arménien par Alice Der Vartanian et Houri Varjabédian Parenthèses, 17 euros

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

multiples enjeux : «…l’oppression peut-elle être embellie ?». On vend bien aujourd’hui des pans de mur berlinois en galeries ! Depuis l’édification en 2002 du «mur de l’apartheid», vécu ainsi côté palestinien ou bien «barrière de sécurité» pour la version israélienne, le sujet-mur est abordé ici versant palestinien. Ces photographies ont été présentées lors des dernières Rencontres d’Arles -mais on doute dans ce contexte qu’elles aient eu la même portée que le livre-. Steeve Sabella en fait un sujet de formes plastiques complexes, esthétisant, Taysir Batniji focalise sur les traces quand d’autres posent un regard plus documentaire. Kai Wiedenhöfer qui a vécu la chute de Berlin, a suivi la construction depuis ses débuts et rapporte son séjour en 2011, Raed Bawayah emboite le pas des travailleurs jusque de l’autre côté. Trois femmes aussi: Noel Jabbour renvoie l’omniprésence écrasante de

cette infrastructure, Rula Halawani constate que les portes du paradis restent lourdement closes. Plus singulière, Raeda Saadeh se met en scène avec le mur dans des situations absurdes. Absurde et néfaste. Tel est ce mur. Sur sept cent neuf kilomètres. C.L

Keep your eye on the wall Textuel, 45 euros



L’architecture à trois bandes

66 A U P R O G R A M M E A R T S V I S U E L S

À la Friche la Belle de Mai, l’Université d’Été des CAUE a réuni 300 professionnels de l’architecture, de l’urbanisme et de l’environnement. L’occasion d’échanger sur le thème «Culture, débat, territoire» en présence de sociologues de l’architecture, de critiques, de philosophes, de politiques… de promouvoir les outils et actions pédagogiques communs, et décerner «Un Point 13, Grand prix départemental de l’architecture, de l’urbanisme et du paysage des Bouches-du-Rhône» devant le public invité également à voter. Trois bonnes raisons donc, à l’heure où leur financement est fragilisé : depuis le 1er mars 2012, celui-ci correspond à la part départementale de la taxe d’aménagement dont le taux est fixé par les conseils généraux. Sauf que si les CG disparaissent, qu’adviendra-t-il de la taxe… et donc des CAUE ? Pour l’heure, l’esprit était à la parole libre. Sur 85 candidatures provenant de 34 communes urbaines et rurales, 16 ont été présélectionnées et 9 retenues pour le vote final après découverte des projets sur site. Au côté de

Matthieu Poitevin, lauréat du Grand prix Un Point 13 avec François Chaslin et Frédéric Vigouroux © MGG-Zibeline

Frédéric Vigouroux, président du CAUE 13 et conseiller général délégué à la ville, maire de Miramas, le critique d’architecture François Chaslin invita les débatteurs à ne retenir «ni catégories, ni critères qui seraient de fait restrictifs», précisant au jury «que les débats seraient difficiles car ils se feront devant les porteurs de projets». Ce qui prêta, en effet, à de vifs échanges sur les rôles respectifs des CAUE et des agences d’urbanisme, l’évolution des demandes des habitants vers plus d’écologie

et d’économie d’énergie, la spécificité de Marseille «qui a des ambitions architecturales alors que cela n’a pas toujours été le cas»… Dans la salle, les réactions se firent à chaud quand le jury releva la pertinence et l’intelligence d’un projet ou en égratigna un autre soulignant les manques, les erreurs, la «banalité de la réalisation dépassée, voire surpassée»… Bref, partant du principe que Un Point 13 récompense un projet qui «transforme sans révolutionner, tout en changeant», le Grand Prix a été attribué à

la salle polyvalente aubagnaise Les Cailloux (ARM Architecture, Matthieu Poitevin et Pascal Raynaud), deux Prix spéciaux ex-æquo à la Place-Passerelle des Aires (Corinne Chiche et Éric Dussol) et au théâtre de verdure Le Vallon de l’Escale (Jean-Michel Fradkin, ALEP paysagiste) pour la seule commune de Saint-Estève-Janson, la Mention spéciale à La Grange du père à Aubagne (extension d’une maison d’habitation, MJ architectes-Marielle Camoin et Jonathan Inzerillos architectes). Le Vallon de l’Escale remporta également l’adhésion du public avec 217 voix. Hors catégorie, le Prix de l’effervescence culturelle fut décerné à la Friche la Belle de Mai et sa crèche comme «expression du lieu culturel contemporain». Matthieu Poitevin et Pascal Raynaud étaient encore à la fête ! MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

L’Université d’Été des CAUE s’est déroulée du 18 au 20 septembre à Marseille www.caue.fr

Le petit théâtre de Mister G

Après une rétrospective aux Rencontres d’Arles, la galerie Detaille offre à Gilbert Garcin sa première exposition monographique à Marseille. Il était temps : le jeune photographe, qui a commencé sa carrière à 60 ans, est né en 1929 à La Ciotat ! Depuis la découverte du photomontage, chaque image autofictionnelle défie le principe de réalité, tourne les situations en dérision, raconte le monde tel qu’il l’imagine ou le rêve, combine gravité et humour avec une candeur savoureuse. On est dans l’illusion d’optique, le rébus poétique, comme si par un extraordinaire hasard on trinquait au bar avec Prévert, Folon et Tati réunis... Dans l’ouvrage Faire de son mieux, Yves Gerbal perce une part du mystère qui entoure le photographe et son double, Mister G, mis en scène dans des situations cocasses, absurdes, saugrenues : c’est sa «simplicité visuelle désarmante» doublée d’une «efficacité sémantique redoutable». Ce que l’auteur nomme avec déférence «une sorte d’artisanat ludique» quand d’autres y voient un bricolage désuet, un collage à grosses ficelles… Sans oublier son humour ravageur qui a valu à Gilbert Garcin, parfois, d’être raillé «dans certaines coteries artistiques»… Mais, on s’en douterait, le photographe n’en a cure

qui démolit sa propre statue dans Work in progress ou manque de tomber de La tour de Babel ! Ses images désarmeront les esprits les plus récalcitrants par la seule écriture romanesque des titres : La mécanique des couples (un couple patine en sens opposé), Le dessous des choses (il soulève un voile blanc aux dimensions infinies), La dernière ligne droite (courbé en deux, il trace au sol une énième bande noire). L’esprit libre de Gilbert Garcin aime prendre le contre-pied du bien photographiant comme Marie Darrieussecq aime prendre le contre pied de la poésie classique en lui consacrant huit haïkus aussi Exposition de Gilbert Garcin à la galerie Detaille, 2013 © MGG-Zibeline

réjouissants qu’une pochette surprise ! La même gravité facétieuse les réunit. M.G.-G.

À voir Utopies en noir et blanc jusqu’au 7 décembre Galerie Detaille, Marseille 8e 04 91 53 43 46 www.galeriedetaille.com

À lire Faire de son mieux Photographies Gilbert Garcin Textes Yves Gerbal, Marie Darrieussecq Filigranes éditions, 30 € Le 2e tome Lorsque le vent viendra paraitra à l’occasion de Paris Photo (14 au 17 nov)


Feu de consolation

On pourra regretter infiniment le Musée César que Marseille ne possède pas, faute d’avoir su à temps retenir les œuvres que le sculpteur voulait léguer à sa ville… Mais on peut aussi profiter de l’exposition qui lui est actuellement consacrée, réduite mais regorgeant d’œuvres passionnantes, celles que Marseille possède encore, ou que le Frac, et quelques collectionneurs privés, ont prêtées. D’autant qu’elle est à a fois fluide et pédagogique dans son parcours, et parsemée de chef-d’œuvres. Le rez-de-chaussée du Musée Cantini déroule donc chronologiquement une trentaine de ses œuvres, montrant comment sa manière a évolué, même s’il a toujours joué avec le feu et la fusion. Les premiers fers soudés révèlent comment, tendant vers une facture somme toute classique, le sculpteur aimait jouer avec sa matière première, composant un tout regorgeant d’objets encore identifiables… Plus attendues ses compressions de voitures, mais aussi de torchons, qui composent des tableaux étonnants et ont

interrogé en leur temps notre consommation de masse, et notre production de déchets. Les expansions signent tout autant l’inventivité infatigable de l’artiste, excroissances posées là, vernies et maitrisées, coulures verticales ou monstres post-apocalyptiques étalées au sol. La dernière salle est consacrée aux empreintes humaines, le pouce bien sûr, la main de Gaston Defferre aussi, comme un étrange portrait de notable. Un pouce en cristal de Baccarat vient rappeler que le maître aimait aussi signer des séries, et gagner de l’argent, jouant de la célébrité méritée qui lui permettait aussi de vendre à la chaîne dans la dernière partie de sa vie… AGNÈS FRESCHEL

Le pouce, 1965, bronze poli, 183x1 03x83 cm, acquisition de l’état à l’artiste en 1975, attribution à la ville de Marseille en 2008 © [mac] Musée d’art contempor ain Marseille

De l’Art ? BanquÔ !

Il est rare que les banques investissent Guerra, un Tricheur à l’as de carreau autant, et avec autant de pertinence, dans par Danica Dakic, œuvres qui toutes la création. Lorsque la Société Marseillaise deux affichent des contrastes frappants de Crédit a rejoint le groupe Société avec les originaux, dans la luminosité, Générale, on a craint que son activité de la pauvreté des personnages, la chaleur mécénat ciblé sur les arts contemporains, des couleurs. en particulier régioParmi les œuvres de naux, ne s’amenuise. la rive européenne on On avait tort. L’exposiretiendra également tion organisée en son les Espectadores siège, avec Jean-Frand’Alex Pleidemunt, çois Chougnet comme rangées de chaises commissaire, met au vides debout comme jour une petite partie au spectacle qui du fonds immense de théâtralisent les la Société Générale, paysages comme et en particulier de sa Duchamp muséifiait branche marocaine. La les pissotières ; et la complémentarité avec très belle photo en le mécénat actif de la contre plongée d’une SMC pour MP2013 est cour intérieure de évidente. Belsunce par Marie Beaucoup de photoBovo : ouverte sur graphies, et beaucoup le ciel, vivante de de femmes de l’autre Marie Bovo, Cour intérieure, 2008, tirage Ilfochrome, son linge suspendu, côté de la mer : Lalla 152x120 cm, Courtesy collection Société Générale enfermée comme au Essaydi qui coupe une femme en trois fond d’un puits. et la couvre de calligraphie au henné, Une quarantaine d’œuvres, à découvrir en disant son morcellement, Najia Mehadji, poussant les portes du siège de la SMC qui est passée en quelque années des entre 9h et 17h. En semaine seulement : Fleurs-Flux ornementales à des Volutes cela reste une banque! A.F. abstraites puisant dans le même geste ; Lamila Naji et ses quatre saisons qui La Méditerranée n’est pas seulement renouent avec le principe de la variaune géographie tion… Beaucoup de citations aussi dans jusqu’au 31 oct cette expo, et de relectures : la Danse de Siège de la SMC, Marseille Matisse par Yasmina Alaoui et Marco www.mp2013.fr

César à Marseille jusqu’au 14 janvier Musée Cantini, Marseille 04 91 54 77 75 www.marseille.fr


Habiter le lieu Chez Vidéochroniques, Richard Nonas,Tongue/mother-tongue (détail), 2013 © C. Lorin/Zibeline

Après une première exposition à l’Atelier Archipel en 2009, puis deux œuvres pérennes au Château d’Avignon et près de Digne, le sculpteur new-yorkais Richard Nonas revient en Provence avec deux expos à Arles et Marseille et quelques projets dans ses cartons

Raw

68 A U P R O G R A M M E A R T S V I S U E L S

Ce qu’il y a d’intéressant avec certaines formes d’art contemporain, c’est qu’on est toujours à peu près sûr de rien. Suivant l’opinion de certains commentateurs et bien que l’artiste s’en défende, on ne peut s’empêcher de ressentir la proximité formelle du travail de Richard Nonas avec les propositions du courant minimaliste/conceptuel comme avec celui du Land Art. La différence essentielle se situerait dans son expérience de terrain en tant qu’anthropologue qu’il quitta, insatisfait, pour le domaine de l’art, tout en conservant l’idée d’habiter le lieu qui fonde singulièrement toute son œuvre et qu’il définit comme «l’évènement si banal et si troublant d’être ici». Ses deux créations invitent à quitter le rapport cérébral et savant pour expérimenter un espace requalifié par des œuvres sans artifices, une forme d’art pauvre, «raw» dans l’esprit anglo-saxon, le moins possible dénaturé par l’intervention de l’artiste. Qu’il s’agisse des cent soixante quinze modules identiques (une paire de blocs de bois, l’un simplement posé en oblique sur l’autre) répartis sur toute la surface du sol chez Vidéochroniques ou d’une disposition plus ténue à l’Atelier Archipel, s’impose l’impression duale ou paradoxale

Projets

C’est dans le cadre d’une collaboration débutée en 2009 à l’initiative de Jean-Blaise Picheral de la galerie l’Atelier Archipel en Arles que Richard Nonas a pu réaliser deux œuvres pérennes, Fog au Château d’Avignon en 2010 et Edge Stone, au hameau de Vière près de Digne, en 2012 avec le musée Gassendi (avec lequel un second projet est en gestation), l’édition de deux ouvrages, Fieldwork aux éditions Analogues et The Raw Edge avec des photos de l’artiste et de Bernard Plossu chez Yellow Now. Plus ancré sur le patrimoine, son prochain projet pour le cirque antique d’Arles réinvestit les caractéristiques rémanentes de son travail (un «gimmick» qu’on pourrait reprocher) -principe modulaire, répétition, alignement, dépouillement- avec une implantation orientée selon la spina (muret central autour duquel tournaient les chars), axe majeur du site romain. CLAUDE LORIN

de complexité contenue dans la simplicité, de vacuité et de proximité, de la présence du lieu d’accueil devenue absente, comme si être ici sans y être. Que ce soit pour le matériau ou la mise en espace, Richard Nonas tente une sorte de geste juste, rétif à toute objectivation soit-elle minimaliste, amenant plutôt vers une relation-expérience sensible, psycho-kinesthésique, quasi ineffable. Le critique d’art Fabien Faure explicite cette posture particulière avec toute sa complexité dans le numéro de Semaine que les éditions Analogues consacrent au travail de l’artiste.

Richard Nonas Tongue/mother-tongue jusqu’au 23 novembre Vidéochroniques, Marseille 09 60 44 25 58 www.videochroniques.org Richard Nonas, Sculptures avec des photos de Bernard Plossu jusqu’au 24 novembre Atelier Archipel en Arles 06 21 29 11 92 www.atelierarchipelenarles.com

Foot jusqu’au Sud extrême Coupe du monde de foot. En Afrique du Sud, 2010. Trois artistes traversent du nord au sud le continent africain, s’arrêtant aux mêmes étapes, un ballon au pied. Guy-André Lagesse, Doung Jahangeer, Peter McKenzie, soit un plasticien, un architecte et un photographe reporteur, filment les mêmes lieux très différemment, mais captent des pratiques et des personnages surprenants. Des femmes passionnées, des moments d’une convivialité folle, des gestes de danse… Un voyage qui les mène de la République Sahraoui jusqu’en Afrique du Sud, en passant par le Burkina Faso, le Cameroun et le Mozambique. L’installation plastique à La Friche projette les trois vidéos en six écrans parallèles, les sons se mêlent, et il faut y passer du

pas prescriptifs, mais le principe de conversation entre nous, avec les gens, caractérise ce dispositif. Établir une conversation permet de lutter contre l’oppression, l’hégémonie, et de faire redécouvrir aux peuples africains les processus d’humanisation dont ils sont privés. Filmer l’Afrique est toujours politique.» Filmer le foot parfois aussi. A.F.

Mme Koanda, Ouagadougou, Burkina

Faso, © Guy-André Lagesse

temps pour se plonger dans le bain, puis laisser surgir les détails… Le foot en tous les cas y est une fête, un passeport pour

ouvrir aux rencontres. Et une affirmation de la vitalité des peuples, comme l’affirme Doung Jahangeer : «Ces films ne sont

No time for extra time Les Pas Perdus 04 91 50 07 38 jusqu’au 10 novembre La Friche, galerie éphémère, Marseille 04 95 04 95 95 www.lafriche.org


sciences et technologies en jeu E-Topie est à l’image du fameux Rubik’s Cube : à chaque jour une face colorée à résoudre, des centres et des coins à repérer pour gagner. Seul ici le temps est compté : du 10 octobre au 10 novembre ! Car la programmation, exponentielle, se développe en rhizomes à Aix et Marseille et les partenaires prolifèrent, réunis autour des pionniers de la connexion «arts, sciences et technologies» que sont la Fondation Vasarely et l’École supérieure d’art. Quelques temps forts à repérer : le festival pluridisciplinaire urbain Chroniques des mondes possibles conçu par Seconde nature ; le festival Gamerz organisé par M2F Créations qui déploie les installations multimédia de 50 artistes internationaux dans quatre lieux de la ville ; la remise du Prix Victor Vasarely de l’art dans l’espace public à Péter Imre & Tàmàs Màté ; le projet «antiAtlas des frontière» composé d’un colloque et de deux expositions sur les mutations des frontières au XXIe siècle, fruit d’une collaboration entre chercheurs et artistes ; l’exposition collective et installation interactive Fenêtre augmentée produite par Zinc, ou encore le projet musical nomade Sisygambis réalisé par Les 7 portes… Sans oublier les projection-mapping de Ryoji Ikeda sur le parvis de la Fondation Vasarely (qui ont eu lieu du 10 au 12 oct) et l’installation lumineuse du Groupe Laps, Keyframes, sur les façades du Pavillon Noir et du Conservatoire d’Aix (10 oct au 10 nov). Autant d’expériences visuelles et sonores, tactiles et virtuelles, chorégraphiques et scientifiques qui font de E-Topie une plate-forme interactive à la dimension d’un territoire. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

jusqu’au 10 novembre www.mp2013.fr

Prix Victor Vasarely de l’Art dans l’Espace Public © Peter Imre & Tamas Màté

Arts,


De la terre jusqu’au ciel…

70 A U P R O G R A M M E A R T S V I S U E L S

L’espace d’une peinture, d’une vidéo ou d’une photographie, les artistes contemporains s’emparent d’un genre pictural né au XVIIe siècle en Hollande : la marine. Et, Quelque soit la minute du jour, pour emprunter le titre à une série d’Olivier Masmonteil, ils subliment l’infini maritime et aérien. Ils flirtent avec la vague, la lumière, les nuages. Ils tanguent, s’envolent, se noient et nous racontent leur odyssée. En virtuose de la couleur, Olivier Masmonteil saisit toute l’intensité du plus imperceptible Falaises © Marcel Dinahet mouvement de lumière à l’île de Pâques comme au golfe du Morbihan. Les photographies de Cyrille Weiner à la presqu’île de Giens et de Joël Tettamandi aux anciens Salins à Hyères actent d’une vision objective du réel : «lieu extrême de situation mentale» chez l’un, traces de la présence humaine dans un paysage aujourd’hui préservé chez l’autre, ou encore scènes de Temps libre à la plage chez Julie Ganzin. Dans la série vidéo Falaises, l’approche de Marcel Dinahet est totalement physique, la caméra à fleur d’eau brouille la frontière entre terre, ciel et mer… Bernard Plossu, comme à l’accoutumée, fragmente

le paysage pour en révéler les détails : tatouage d’une sirène sur un bras musclé, ressac, grues de l’Estaque vues d’un train la nuit. Dans les photographies silencieuses d’Éric Bourret, les éléments naturels touchent à l’abstraction, ils se délitent, se répandent, fusionnent et provoquent chez le spectateur une perte de repères extatique. Une réflexion sur l’immobilité, en quelque sorte, partagée par la vidéaste Caroline Duchatelet qui affectionne les vibrations infimes du paysage dans son rapport insondable avec le temps. Qu’il s’agisse des Nuanciers ou des Mers, les séries photographiques de Jacqueline Salmon dévoilent une appréhension quasi picturale de la nature, du vent, des mouvements de la terre et de la vague. Comme s’il fallait à tout prix gommer la sensation d’intranquillité. L’expérience se poursuit, presque à l’infini, avec l’épopée poético-cosmique d’Ange Leccia et les rêves immergés de Muriel Toulemonde.

…en passant par l’Outremer Djibouti, Nouméa, Méditerranée, Toulon : le nouveau portfolio de Charles Fréger réalisé entre 2010 et 2013 dans le cadre des résidences artistiques de la Villa Noailles, embrasse non pas l’armée d’un territoire, fut-il morcelé, mais le «territoire de l’armée en tant que communauté». C’est l’une de ses nombreuses expéditions dont il parle comme d’une «campagne photographique», lui qui, jeune étudiant aux Beaux-arts de Rouen, réalisait déjà des portraits de marins ! Avant de s’intéresser à la figure du légionnaire dans le Sud de la France, puis aux fusiliers marins et plongeurs démineurs de l’arsenal de Cherbourg… Volontairement laissée hors de son chemin, Tahiti apparaît au gré des déhanchements de vahinés filmées en plans fixes à Toulon et Fréjus, sans parole ni musique. Taches de couleurs mouvantes qui tranchent avec les portraits statiques des hommes et des femmes figés dans leur uniforme et leur décoration, visages impassibles, le regard souvent tendu vers l’horizon, «collés» sur des fonds paysagers immenses, ouverts à d’autres possibles… Perdus dans un décor trop grand pour eux ? De dos, de face ou de profil, ils sont tous photographiés de manière frontale, quasi abrupte, immobilisés dans leur salut, jumelles, trompettes ou armes à la main. Une frontalité sévère qui accuse plus encore le halo d’irréalité qui les enveloppe, ce «réel recoloré» totalement subjectif : plus la posture est surjouée, plus le sujet évoque la statuaire (ou les figurines de plomb de l’enfance…) et plus le paysage (la mer, le sable blanc ou le désert volcanique) semble exagérément fantasmé. C’est un ailleurs bon

Paradoxalement, c’est un tout, indissociable, l’un ne représente plus rien sans l’autre ! L’un ne signifie plus rien sans l’autre… Par le plus étrange des hasards, trois semaines après le départ du photographe de Djibouti, la demi-brigade quittait le golfe d’Aden pour Abou Dhabi. Il reste ses photographies. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Mer & ciel jusqu’au 26 janvier Musée d’Art, Toulon 04 94 36 81 01 www.toulon.fr Catalogue édité par le Musée d’Art, texte Philippe Piguet, 5 euros

© Charles Fréger, Outremer, 2011-2013

marché, exotique, que Charles Fréger met en scène en arrière-plan comme une vulgaire carte postale, une toile de fond avec laquelle la figure fait corps, comme elle fait corps avec les forces armées qu’elle représente.

Outremer jusqu’au 17 novembre Musée d’Art, Toulon du 21 novembre au 12 janvier Villa Noailles, Hyères 04 98 08 01 98 www.villanoailles-hyeres.com Catalogue édité par Archibooks, photographies Charles Fréger, préface et notices Raphaëlle Stopin, 30 euros



Matière Stand Art

La 4e exposition de la Galerie Saint Laurent, au Hall des Antiquaires des Puces, réunit vingt artistes pour mettre en avant le concept d’art contemporain mondain. Il y a l’apparat et ce qu’on ne veut pas montrer, mais qui surgit et transgresse les frontières de la mondanité. Installations, peintures, sculptures, vidéos et photographies, diverses à l’image de l’hétérogénéité des univers, tentent de transgresser les frontières. A.L. jusqu’au 24 novembre Galerie Saint Laurent, Marseille 06 76 91 42 61 www.galeriesaintlaurent.com

72 A U P R O G R A M M E A R T S

Frédéric Clavère, King kong 2011, Huile sur toile, 240x200 cm © Galerie Saint Laurent

Photos à Maison Blanche

Le festival conçu par Christophe Asso honorera Robert Frank (Les Américains, paru en 1958) avec expo et conférence par Jean-Louis Connan le 24 octobre à l’Espace Culture. À Maison Blanche, la nouvelle génération : Marie Sommer (premier prix), Anke Schüttler, Lisa Sudhibhaslip, Marine Lanier et Randa Mirza. Le précédent lauréat, Andrés Donadio, pour un travail inédit à la Straat galerie du 21 novembre au 31 décembre. Tous les détails, dates et lieux sur le site. C.L. La Photographie Maison Blanche #3 du 17 octobre au 8 novembre Mairie des 9e et 10e arrondissements, Marseille 04 91 14 63 50 www.laphotographie-maisonblanche.org

Marie Sommer, de la série Teufelsberg, 2009 © M. Sommer

V I S U E L S

Instants Vidéo

Cette 26e édition célèbre les cinquante ans de l’art vidéo (1963 date symbolique marquée par l’œuvre de Nam June Païk) et se focalise sur l’art vidéo québécois contemporain. Projections et réactivations d’œuvres historiques des pionniers mais aussi la création vive (plus de 100 artistes, 150 films) explorant les territoires cathodiques et numériques à l’échelle internationale. C.L.

Haleh Jamali, Someone who is not like anyone, installation vidéo. © H. Jamali

Beyrouth Mutations

Samer Mohdad porte un regard lucide sur sa cité natale, et son évolution depuis l’interminable guerre civile qui s’est déroulée de 1975 aux années 90. Ville historique, ville blessée, Beyrouth tente de se reconstruire et les strates de son passé n’en finissent pas de s’enchevêtrer. Les photographies de l’exposition sont rassemblées dans le livre Beyrouth Mutations, paru chez Actes Sud en 2012. G.C. jusqu’au 18 janvier Bibliothèque Départementale des Bouches-du-Rhône, Marseille 3e 04 13 31 82 00 www.biblio13.fr

50 ans d’art vidéo du 7 au 30 novembre Friche de la Belle de Mai, Marseille 04 95 04 96 24 www.instantsvideo.com

Beyrouth Mutations zaytouni 1995 © Samer Mohdad


Sylviane Bykowski & Gilles Favier

L’espace labyrinthique du Fort Napoléon favorise le télescopage de deux regards photographiques : celui de Sylviane Bykowski, en résidence in situ d’un an, livre une vision faussement bucolique du lieu et flirte avec le kitsch ou le monumental ; celui de Gilles Favier, directeur artistique du festival Imagesingulières à Sète, remonte la piste du vaudou africain du Bénin au Brésil. M.G.-G. Les quatre saisons du fort Sylviane Bykowski 6e Vagabondages photographiques Artiste invité : Gilles Favier jusqu’au 16 novembre Galerie la Tête d’obsidienne-Fort Napoléon, La Seyne-sur-Mer 04 94 30 42 80

© Gilles Favier

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© Sylviane Bykowski

© Jean-Baptiste Audat

Jean-Baptiste Audat

L’homme a plusieurs noms et plusieurs identités selon qu’il est marseillais ou africain : Jean-Baptiste Audat ou Jean-Baptiste Touré quand il œuvre avec le célèbre photographe malien Seydou Keita en 1995… Rien d’étonnant si, aujourd’hui, il est L’homme sans noms à l’Espace Pouillon à l’occasion d’un projet évoluant au fil de performances, interventions et débats. Rien d’étonnant encore s’il a le don d’ubiquité avec deux moments forts en forme de portrait, l’un à la galerie Bercker, l’autre à Arteum. M.G.-G.

Paper’Art Project jusqu’au 26 octobre Mac Arteum, Châteauneuf-le-Rouge 04 42 58 61 53 www.mac-arteum.com Reliance jusqu’au 2 novembre Galerie Vincent Bercker, Aix-enProvence 04 42 21 46 84 L’homme sans noms jusqu’au 13 novembre Espace culturel Fernand Pouillon, Marseille 04 13 55 05 85

Jean-Marie Cartereau

P R O G R A M M E A R T S V I S U E L S

L’art de Jean-Marie Cartereau, véritable entrelacs de dessin, sculpture, peintre et écriture, fait le lien entre le monde animal, végétal et humain. Dans un désordre et un bouillonnement qui ne sont qu’apparence : tout ici est finement agencé, proportionné, déployé ; les ombres ont des racines, les serres sont portatives et les jardins potagers prêts à éclore… M.G.-G. Mon histoire naturelle, 1980-2013 jusqu’au 3 novembre Villa Tamaris centre d’art, La Seyne-sur-Mer 04 94 06 84 00 www.villatamaris.fr Bronze à la cire perdue, 20 x 28 x 8 cm, 1991 © Jean-Marie Cartereau

L’Ostensible, 2008, photo couleur sous diasec, 165 x 120, 2006 © Michèle Sylvander

A U

Tisser des liens, acte 2

Après Au fil du temps, Tisser des liens joue À fleur de peau sa nouvelle partition collective, entrecroisant les œuvres de Ghada Amer, Valérie Belin, Ymane Fakhir, Aïcha Hamu (sa carte blanche vient juste de se terminer), Julie Legrand, Sophie Menuet, Chiharu Shiota et Michèle Sylvander (notre photo). Une exposition 100 % féminine qui a de l’étoffe ! Parution du catalogue en présence des artistes jeudi 14 novembre à 12h30. M.G.-G.

Tisser des liens : À fleur de peau jusqu’au 31 décembre Pavillon de Vendôme, Aix-en-Provence 04 42 91 88 74


74 S C I E N C E S P H I L O S O P H I E

Conversations de Salerne 2013 plateau Pour une culture humaniste de la santé en Méditerranée © G.C

Le jardin curatif Se rendre aux Conversations de Salerne, c’est toujours un moment qui se savoure à l’avance, tant on est sûrs d’y trouver beaucoup d’intelligence collective et d’espace pour la réflexion. Cette année encore cela n’a pas manqué, pour la septième et dernière édition d’un cycle dont on n’ose rêver tout haut qu’il pourrait renaître de ses cendres ! Édition qui visait à faire dialoguer le soin et la culture, l’hôpital et la société, en laissant la place à la controverse, pour peu qu’elle soit féconde... Difficile en effet pour certains d’admettre dans un champ de vision rétréci par la crise économique que les dépenses engagées au nom de l’art ne sont pas faites au détriment de l’efficacité médicale. Ou bien que la technique contribue à réduire l’être humain à un corps organique sans tenir compte du corps existentiel, tout aussi important lorsqu’on vise la santé. On a donc applaudi aux propos de Pierre Fuentes déplorant que le programme de médecine en France ne prévoie les sciences humaines et sociales qu’en début de cursus, période de bachotage. Et surtout à ceux du doyen de la Faculté de Médecine de Beyrouth, Roland Tomb, se déclarant optimiste car ces mêmes humanités, histoire de la médecine, de la psychiatrie, des religions ont repris une place prépondérante au Liban. Les témoignages de dialogue fécond entre les rives de la Méditerranée ont été particulièrement appréciés, notamment lors du grand plateau réunissant de nombreuses personnalités venues d’Alexandrie, Rabat, Gênes ou Alger. Seul regret, souligné par un membre du public : peu de femmes, et aucune infirmière invitée au débat, alors que leur profession est au cœur d’une vision humaniste de la santé. On a d’ailleurs été ému, parfois aux larmes, à l’écoute du travail sonore réalisé par les étudiants infirmiers de l’IFSI Nord avec radio Grenouille, irruption poignante du quotidien à l’hôpital via la voix des patients. De même que par le discours empathique de David Le Breton, anthropologue de l’Université de Strasbourg, rappelant que nous

sommes tous perdus à l’hôpital, en rupture avec notre environnement familier, face à un jargon, des rituels et codes vestimentaires incompréhensibles... mais que pour un migrant, la différence est encore plus grande, et la possibilité de se rebiffer bien moindre. On a souri également d’entendre Carine Delanoë-Vieux inviter les étudiants présents dans la salle à jeter la pyramide de Maslow à la poubelle, «car il est faux que l’on doive attendre d’avoir assouvi les besoins matériels pour s’intéresser à l’être et au sentiment d’appartenance. Les dictateurs le savent, qui s’attaquent non seulement au corps, mais à la culture de ceux qu’ils veulent asservir». Pourtant le moment le plus précieux de ces Conversations, ce fut indéniablement la prise de parole d’un patient de l’hôpital Salvator, témoignant de ses sensations à l’endroit du nouveau jardin d’hospitalité conçu par le paysagiste Gilles Clément. Ce dernier (pour qui «le panneau pelouse interdite représente l’enfer de l’ordre bourgeois») lui a offert «la joie énorme de mettre les doigts dans la terre». Jardiner, c’est travailler le terreau de l’espérance, sur lequel la vie et la santé poussent mieux... L’enclave hospitalière est une ville dans la ville, où l’on peut souffrir à la fois de solitude et de promiscuité. L’une des plus belles caractéristiques du jardin, ou

de l’espace accueillant conçu par le Cabanon Vertical à l’hôpital Nord, c’est qu’ils permettent de s’isoler quand c’est nécessaire, et de se retrouver au moment opportun. Voilà sans doute ce que souligne Gilles Clément lorsqu’il dit préférer s’adapter à la singularité des êtres plutôt qu’à leur classification, et s’adresser plutôt à des personnes qu’à un «malade», un «ado en difficulté», ou un «schizophrène». GAËLLE CLOAREC

Les Conversations de Salerne ont eu lieu les 10 et 11 octobre à la Faculté de Médecine, Marseille

À lire pour faire durer le plaisir, l’ouvrage collectif réunissant les contributions de nombreux intervenants ayant participé aux différentes sessions du cycle : Les Conversations de Salerne Éditions La passe du vent, 15 euros

Chroniques des mondes possibles Performance musicale et chorégraphique orchestrée par Jeff Mills, Chroniques des mondes possibles est issue de la rencontre entre l’artiste et les chercheurs du Laboratoire d’Astrophysique de Marseille. Inspiré par les découvertes récentes sur les exoplanètes (cf. interview de JeanPierre Sivan sur ce sujet, Zib’66),

son travail sera présenté en première mondiale à Aix-en-Provence dans le cadre de MP2013. G.C.

le 10 nov Fondation Vasarely, Aix-en-Provence 04 42 20 01 09 www.fondationvasarely.fr


Pop ! Jacques Serrano © X-D.R

À nouveau, la Pop Philosophie, organisée par Jacques Serrano, s’empare de Marseille. Des intervenants du monde entier viendront extraire concepts et théories philosophiques de la culture populaire ou médiatique. Sommes-nous dans un nouveau «moment» philosophique ?, tel est le thème du premier débat organisé le 21 octobre au MuCEM, auquel participera le philosophe Frédéric Worms. Le 22, Olivier Coquard se servira du film culte de Georges Lautner pour expliquer la naissance de la consommation de masse, s’interroger sur notre société de loisirs ou même parler du passé colonial de la France dans Les trente glorieuses au miroir des Tontons flingueurs. La Métaphysique de la clope sera abordée par Guillaume Pigeard de Gurbert, utilisant notre rapport au tabac pour soulever la question

si Hergé avait tout simplement utilisé Tintin pour assouvir son obsession d’un monde totalement ordonné ? Éléments de réponse dans la rencontre Tintin au pays de l’ordre de Jean-Marc Terrasse à l’Alcazar (le 23 oct), tandis que Françoise Gaillard s’interrogera sur «l’idéologie démocratique du bonheu » véhiculée par le royaume magique de Mickey (le 24 oct à l’Alcazar). Et si Marx, Pascal ou Hume possédaient un Ipod ? Marianne Chaillan présentera une étonnante playlist des philosophes le 24 octobre au CIPM. Le festival se clôturera par la nuit de la Pop Philosophie, pendant laquelle de nombreux intervenants comme Dominique Quessada ou Marc Rosmini viendront établir un rapport très «pop» entre la publicité ou encore le cinéma avec la philosophie. ANNE-LYSE RENAUT

du temps et de la mort. Parce que ce mouvement de pensée peut sembler flou et abstrait, l’ambiguïté du concept de la

«pop philosophie» sera traitée par le philosophe Francesco Masci dans La pop philosophie n’existe pas à l’ESADMM (le 23 oct). Et

La semaine de la Pop Philosophie aura lieu dans divers lieux culturels du 21 au 26 octobre, à Marseille


Courez le RISC !

76 S C I E N C E S

La 7e édition des Rencontres internationales sciences et cinémas présente documentaires, fictions, animations, performances du 10 au 19 octobre : par un choix éclectique d’images en mouvement, l’équipe de Polly Maggoo (en coproduction avec MP 2013) engage à une rencontre, avec des œuvres tout d’abord mais aussi avec des cinéastes et des scientifiques qui se prêtent au jeu des regards croisés en faisant le pari que de là naîtra une découverte, par hasard. Plus de 40 films présentés au cours de cette édition, s’inscrivant dans une compétition des meilleurs films euro-méditerranéens et qui seront récompensés par un prix du public, un prix jeunesse et un prix du jury. Aucun thème n’est imposé mais la programmation est traversée par des questionnements : «transformations», «égarements», «cheminements», «renaissances».... En soirée d’ouverture, Doux amer de Matthieu Chatellier, film à la première personne, journal de l’intime et élan vital faisant feu de tout bois pour «résister» à l’annonce de la maladie (le diabète) qui envahit le quotidien, ne se soigne pas, pénètre l’inconscient et habite les rêves. Face à l’amertume et au sentiment d’injustice, la douceur vient des temps partagés avec les proches, de la nature, mais aussi du geste créatif qui sauve.

Synesthesia de de Terri Timely

La découverte continue avec une soirée de regards féminins. Ouvrir, d’abord, de Letizia Buozo qui invite à pénétrer la vision d’une anatomopathologiste de l’hôpital Saint-Antoine (Paris) ; du cadrage très serré du documentaire -qui fait écho au cadre institutionnel, au cadre architectural strict et froid du laboratoire, au cadre de l’image microscopique et à celui de la lame d’anatomopathologie- émerge une recherche de profondeur, une quête de sens : qu’est-ce que le corps ? Comment peut-on comprendre ses anomalies ou ses transformations ? À pleines dents ensuite, de Keren Ben Rafael, une autofiction dont le tournage, obsessionnel, s’est déroulé sur plusieurs années durant lesquelles cette jeune réalisatrice, qui doit constamment subir des opérations dentaires, va filmer sa vie, ses proches… et ses dentistes. L’artiste se dit mal à l’aise avec l’auto-centrage, le narcissisme qui se dégage d’abord mais que l’on oublie très

vite, effacé par les questionnements autour de la vie amoureuse, la confiance en soi et l’instrumentalisation de l’autre. Pour la suite, pourquoi ne pas profiter des quelques séances (en accès libre) programmées à partir du 15 au 19 octobre ? Le programme est alléchant, il y en a pour tous les âges ; à noter en particulier une séance spéciale mercredi 16 (au cinéma Les Variétés) en avant-première française : une performance de Jürgen Reble & Thomas Köner (respectivement pionnier du cinéma expérimental et compositeur), Materia Obscura, ainsi que la soirée de clôture le 19 (toujours aux Variétés) qui devrait réserver quelques belles surprises… CHRISTINE MONTIXI

RISC jusqu’au 19 octobre 04 91 91 45 49 www.pollymaggoo.org

La science en transmission Les femmes de génie sont rares © X-D.R

«Le savoir est quelque chose de précieux, c’est notre seul bien commun qu’il faut préserver» annonçait Emmanuel Ethis, président de l’Université d’Avignon, pour le lancement du Festival Sciences en Scène. Une seconde édition qui proposait 5 jours d’animation et spectacles gratuits pour découvrir la science différemment. Le coup d’envoi a été donné au théâtre des Halles par la Cie des Ondes avec Les femmes de génie sont rares ?, une pièce sur le parcours, semé d’embûches et de stéréotypes, de trois pionnières scientifiques, Marie Curie, Ada Lovelace et Emilie du Châtelet. Dans un jeu d’inversion des genres, avec peu de moyens et une forme plutôt conventionnelle en 3 tableaux, mais une écriture limpide, une précision historique et un réel travail de médiation pédagogique, Anne Rougée et

la science en scène en restant au cœur de l’humain ; c’est ce qui a échappé partiellement à la conférence dansée sur l’origine du monde donnée par Roland Bacon à l’Auditorium Jean Moulin, dans le cadre de la Semaine de la Science. Encadré par deux danseuses de la Cie Hallet Eghayan, qui dénouaient difficilement le lien prescrit entre art et sciences, l’astrophysicien a déroulé, sans réelle vulgarisation, 13 milliards d’années d’histoire en accéléré… et à l’infini ! DE.M.

Stéphane Baroux ont relaté la place des femmes dans un territoire qui leur fut longtemps interdit. «Non, la science n’est pas réservée aux hommes !» pourraient affirmer

en chœur ces femmes de génie qui ont réussi leur rêve scientifique… au prix d’une reconnaissance tardive. Cette compagnie de théâtre met

Sciences en scène eu lieu du 9 au 13 octobre à Avignon 13 heures et des poussières… le 10 octobre à l’Auditorium du Thor



Sauvé des eaux 78 H I S T O I R E

Exceptionnelle à plus d’un titre l’extension nouvelle du Musée Archéologique d’Arles a ouvert ses portes au grand public le 5 octobre. Y est exposée la fameuse épave Arles-Rhône 3, dont les étapes de découverte ont rythmé ces dernières années. Aventure aussi bien scientifique et technique qu’humaine, dont les grands moments sont rapportés par le film projeté en boucle dans un renfoncement de la nouvelle aile du musée. C’est une véritable course contre la montre qui est ainsi présentée, les impératifs de calendrier liés à MP13, aux conditions climatiques, aux caprices du fleuve, au parcours obligé des pièces avec la durée incompressible du traitement des bois… tout est à flux tendu dans une dramatisation digne des meilleures œuvres de suspens ! «C’était un pari insensé» souligne Claude Sintès, conservateur du musée bleu. Jamais on n’aurait pu penser réussir un tel exploit en si peu de temps : trois ans pour un travail qui dans des conditions classiques en aurait pris trente ! Et surtout, il s’agit d’une première mondiale dans ce type de travail. «Il n’y avait pas de modèle de référence» rappelle-t-il. Divers secteurs de compétences ont dû apprendre à travailler ensemble, des équipes de plongée à celles de l’atelier de conservation Arc-Nucléart. Les 10 tonnes de bois gorgé d’eau ont nécessité trente cycles de lyophilisation pour sécher ! Le bateau lui-même, long de

Épave Arles-Rhône 3, Musée archéologique d’Arles © M.C

31 mètres, est unique par son remarquable état de conservation, il dispose encore de son mât de hallage ainsi que sa pelle de gouverne ou les aménagements internes ! Sans doute, les pierres du chargement ont permis à l’embarcation de se sceller rapidement au limon du fleuve, ce qui l’a protégée pendant 2000 ans ! Une belle mise en situation permet de voir le bateau comme s’il était encore à quai. Autour, les thèmes de la navigation, du commerce fluvio-maritime, des métiers du port, sont traités avec des pièces choisies parmi les milliers de vestiges arrachés au fleuve (900 m3 de sédiments fouillés)… poteries, amphores comportant un corpus épigraphique unique, fragments de statues, jusqu’à la pièce votive du navire. Le tout dans un environnement

climatisé digne des Beaux-Arts ! Enfin, les humbles qui travaillaient apparaissent dans un musée avec leurs outils, comme ce chiffon rempli de cailloux pour passer la poix qui calfeutre la coque… Que de témoignages précieux mis en évidence ici. L’archéologie reste une fantastique aventure ! MARYVONNE COLOMBANI

La barge du Rhône sera l’objet d’un reportage sur l’émission Des racines et des ailes le 6 novembre Exposition permanente Musée Archéologique d’Arles 04 13 31 51 03 www.arles-antique.cg13.fr

L’artiste et le gardien Fin des années 30 : bon nombre d’artistes et intellectuels opposants au régime nazi sont venus se réfugier en France, et particulièrement en Provence. De septembre 1939 à juin 1940, les ressortissants du Reich et autres étrangers, considérés comme sujets ennemis par l’État français, sont internés au Camp des Milles, camp de transit ou de rétention, avant que cette ancienne tuilerie ne devienne un point de départ pour les camps de la mort (cf. Zib’56). La reprise d’une activité industrielle sur le site dès 1947 n’a pas effacé les traces d’un tel passé, les fresques dessinées par les prisonniers, les graffitis gravés sur les poutres... Ont été préservées aussi un certain nombre d’œuvres rassemblées aujourd’hui par la commissaire Juliette Laffon dans l’exposition Bellmer, Ernst, Springer, Wols Des artistes au Camp des Milles. Les

Alain Chouraqui, Président de la Fondation du Camp des Milles, rappelle que le fait de déployer une dimension culturelle dans un lieu de déportation n’est jamais une évidence, même si le site des Milles n’était pas un camp d’extermination où «l’on ne peut que se taire, essayer de sentir, c’est tout». L’enjeu du cycle d’expositions intitulé Créer pour résister est de souligner avec force et délicatesse à la fois que «l’art peut faire reculer l’indicible», là où la raison atteint ses limites. Il est clair que découvrir ces œuvres ici n’a pas le même impact que dans un musée des Beaux-Arts. GAËLLE CLOAREC Ferdinand SPRINGER Sommeil du prisonnier, 1939-1940 Technique mixte sur papier Collection particulière © Jean Bernard

dessins et aquarelles réalisés par ces quatre hommes au cours de leur détention, ou en rapport avec elle, sont accompagnés d’un travail précieux de documentation accompli par Bernadette Caille (sachant que la recherche archivistique du Mémorial est loin d’être menée à bien). Mettre en regard les obsessions de Hans Bellmer, corps morcelés, mis à nu, le style renaissance italienne

de Ferdinand Springer, appliqué à des activités du quotidien comme l’évacuation du «seau à merde», les courriers désespérés adressés par Max Ernst à sa galeriste parisienne, et les feuillets arides de l’administration, souligne à la fois le processus implacable qui amenait les gens dans les camps, et l’irrépressible force vitale des détenus s’exprimant ainsi par la création.

Bellmer, Ernst, Springer, Wols jusqu’au 15 décembre Site-Mémorial du Camp des Milles 04 42 39 17 11 www.campdesmilles.org

À lire Bellmer, Ernst, Springer, Wols au Camp des Milles Flammarion




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