Zibeline n°68

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un gratuit qui se lit

N°68 du 13/11/13 au 11/12/13

e s s e r P a l à s e d i A Les e l l i e s r a M e d s e Les Musé s è o r r e v A ’ d s e r t n o c n e R s e L



Politique culturelle Aides à la presse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 Musées de Marseille . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 Semaine économique de la Méditerranée . . . . . . . . . . . . . 7

Rencontres d’Averroès . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8, 9 MuCEM . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10, 11 Événements Rencontres capitales, Villa Méditerranée . . . . . . . . . . . . . 12 Plateaux de La Friche, La FabricA . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 Entretien avec Xavier Marchand, La Minoterie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .15 Bernardines, Dansem . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16 Le PIC . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

Critiques Jeune public . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 Danse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20, 21 Théâtre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 à 25 Cirque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26 Musique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 à 30

Au programme Théâtre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32 à 39 Jeune public . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42 à 44 Cirque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45 Danse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46 à 48 Musique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49 à 52

Cinéma . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53 à 57 Arts visuels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58 à 65 Livres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66 à 73 Histoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76, 77 Philosophie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78

Mensuel gratuit paraissant le deuxième mercredi du mois Édité à 32 000 exemplaires imprimés sur papier recyclé Édité par Zibeline SARL 76 avenue de la Panouse n°11 13009 Marseille Dépôt légal : janvier 2008 Rédactrice en chef Agnès Freschel agnes.freschel@wanadoo.fr Imprimé par Rotimpress 17181 Aiguaviva (Esp.) Photographe Agnès Mellon 095 095 61 70 photographe-agnesmellon. blogspot.com

Des nouvelles de Zibeline

Il est nécessaire parfois que nous vous parlions de nous. Comme la plupart des acteurs culturels du territoire nous avons dû, pour accompagner cette année capitale, accroitre nettement notre activité, et nos dépenses : notre tirage est passé à 32 000 ou 35 000 exemplaires, notre zone de diffusion s’est agrandie, et notre pagination étant limitée nous avons créé un site qui contient des articles spécifiques que nous ne pouvions caser dans l’édition papier. Aujourd’hui, pour aller plus loin dans cette démarche de diversification de supports, nous lançons une web radio, car nos pages restent trop chargées et nous voulons continuer à développer de la pensée. Cette expansion et diversification ont été rendues possibles par un accroissement régulier du financement des partenaires publicitaires dont la plupart nous suivent depuis 6 ans. Aujourd’hui ces partenaires sont en difficulté financière, ce qui retentit nettement sur nos recettes. Or nous avons engagé des journalistes : l’esprit de partage qui règne à Zibeline -salaires égaux, répartition entre tous des tâches administratives et répétitives, formation de stagiaires, embauche en CDI des salariés- nous caractérise autant que notre ligne éditoriale, et nous ne pourrions vivre sans, ce qui implique des dépenses importantes. Or des années de vaches maigres s’annoncent qui mettent en péril notre expansion, alors que vous êtes de plus en plus nombreux à nous lire, ou à nous solliciter pour que nous parlions de vous. Zibeline est un journal gratuit par éthique, qui veut mettre la culture à la portée du plus grand nombre. Mais il a un coût. Vous pouvez nous aider à «tenir ce coût». En adhérant sur notre site, en participant au crowdfunding lancé sur KissKissBankBank et, si vous êtes des annonceurs potentiels, en pensant que nous sommes aussi un support de com’ peu coûteux et efficace. Nous comptons sur vous. LA RÉDACTION

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Des changements dans le budget 2014 du ministère de la Culture et de la Communication ? Pas vraiment, sauf la baisse globale prévue de 2%, la fin des grands chantiers, l’absence du rééquilibrage Paris/Région annoncé et… une réduction des aides à la presse

Comment l’État aide la presse Les journaux français vont très mal, on le sait, mais on sait moins à quel point ils sont sous perfusion

Le MCC est depuis longtemps plus attentif à la Communication qu’à la Culture : sur 7,2 milliards d’euros du budget de 2014, 4,5 milliards sont affectés aux médias et aux industries culturelles, dont l’essentiel à l’audiovisuel public (3,8 milliards). Reste en 2014 plus de 450 millions d’aides à la presse écrite. Ce qui représente une baisse de 56 millions, puisqu’en 2013 ces aides s’élevaient à 506 millions. Pour comparaison, le budget que l’État consacre au spectacle vivant en 2014 s’élève à 355 millions. En fait la presse écrite coûte à l’État nettement plus cher que cela : en plus de ces aides directes et indirectes1, la TVA «super réduite», à 2.1% 2, représente un manque à gagner pour les finances nationales, et une exception exclusive, ainsi que les tarifs postaux. Les journaux français, quotidiens ou magazines, bénéficieraient donc d’1.2 milliard par an de financements d’État. Les raisons en sont structurelles et historiques. La presse relève de l’économie privée, mais l’égalité d’accès des citoyens à l’information est une mission de service public : l’acheminement des journaux représente donc 276 millions sur les 456, le reste étant une dotation à l’AFP, des aides directes aux quotidiens nationaux, et surtout des fonds de modernisation qui concernent, depuis les États Généraux de la presse mis en place par Nicolas Sarkozy en 2008, toute la chaîne de la presse, de la numérisation des titres à leur diffusion.

Des aides efficaces ?

L’existence d’une presse diverse, accessible à tous, libre de tout contrôle de ses contenus, hors la déontologie qu’elle-même se fixe3, est indispensable à la vie démocratique. La diminution importante des aides décidée par le MCC déséquilibre donc un système qui peinait déjà à survivre, et prenait l’eau de toutes parts : les ventes ne cessent de baisser, les kiosquiers de fermer, les distributeurs d’être sauvés in extremis de la faillite, et les titres de se concentrer dans les mains de quatre grands groupes dont les rédactions sont poussées à faire des Unes aguichantes, de la réécriture de dépêches AFP et de moins en moins d’enquêtes, d’analyses

poussées et de critiques. L’État doit-il fermer le robinet ou changer les règles ? La défense de la pluralité de la presse nécessite qu’il ne mette pas le nez dans son contenu et affecte ses subsides sur des critères comptables, et non sur ses orientations politiques ou ses choix éditoriaux. Toute la difficulté de l’attribution de ces aides vient de là : tous les journaux payants, y compris les plus infâmes torchons, ou les magazines spécialisés dans l’auto, le foot ou la mode, perçoivent automatiquement des aides à l’acheminement, bénéficient de la TVA «super réduite», et bien souvent d’aides directes. Ainsi le PS arrivé au pouvoir s’est ému de voir qu’en 2011 des magazines télé4 s’étaient taillé la part du lion, en dizaines de millions d’euros. Michel Françaix, député PS ayant commandé le rapport sur la presse, a fermement dénoncé ces dérives, et les a en partie corrigées : il n’est plus question aujourd’hui de distribuer des fonds à une revue médicale ou un magazine de tennis… Ils sont réservés à la presse payante IPG (Information Politique et Générale) et la presse magazine «récréative» en est exclue, la presse gratuite n’y ayant jamais eu accès. Par ailleurs, les «pure players»5 vont bénéficier des mêmes aides et de la même TVA «super réduite» que la presse papier.

Et si on changeait vraiment ?

Mais les préconisations de 2013 sont loin de remplir les objectifs de 2012. Michel Françaix voulait favoriser la «presse citoyenne», appliquer une TVA pleine et des tarifs postaux normaux à des publications comme Voici… ce qu’il n’a pas réussi à faire. Il voulait aussi trouver des solutions durables à la mutation de la presse, compatibles avec le nouveau modèle de lecture. Car depuis Internet, personne ne cherche de l’info dans un journal papier : c’est son analyse que le lecteur de presse attend, l’esprit critique, l’enquête, la mise en perspective, la satire. Bref, l’indépendance et la prise de recul. Or les journaux français ont encaissé les fonds pour la modernisation sans se moderniser, et en s’amenuisant… Ils continuent en revanche à exercer des pressions : les commissions d’attribution des aides à la presse, ou de reconnaissance d’un organe de presse6, sont composées… de professionnels de la presse d’IPG payante, qui n’admettent que leur modèle. C’està-dire centralisé, souvent dirigé par des hommes,

réduisant les pages culture à une maigre cerise sur le gâteau et préférant les Unes sportives ou accrocheuses, parce que les ventes augmentent.

Parlons de nous…

S’il faut préserver la presse IPG, du Figaro (sans Madame Figaro ou les suppléments télé !) à l’Huma, il est temps d’admettre qu’il existe d’autres modèles. Des «pure players» comme Médiapart, des journaux indépendants et régionaux comme Le Ravi, mais aussi peut-être des gratuits qui se lisent ? Ainsi, si vous tenez Zibeline entre vos mains, sachez que vous ne lisez pas un journal : la Commission Paritaire ne reconnait pas l’existence des journaux gratuits, qui ne bénéficient d’aucune aide directe ou indirecte, payent la poste au tarif normal… et reversent 19.6% de leurs revenus publicitaires à l’État. Il est donc plus «citoyen» de vivre des aides de l’État comme TéléZ et de vendre Nabila, ou 343 salauds, que de se pencher sur la vie culturelle en toute indépendance. En revanche si vous nous lisez sur écran, vous êtes un vrai lecteur de presse, le site est agréé ! Comme à la radio, on y admet que l’information soit gratuite… AGNÈS FRESCHEL

1 Remboursement à la Poste des tarifs réduits dont la presse payante bénéficie 2 19.6% taux normal, bientôt 20%, 7 ou 5% taux réduit 3 Devoir d’informer, d’enquêter, de divulguer la vérité quelles qu’en soient les conséquences pour soi-même ou son employeur, de protéger ses sources, de ne pas inciter à la violence, de s’interdire le plagiat, de respecter la vie privée si elle n’affecte pas la vie publique… (Charte de Munich de 1971 régissant le journalisme européen) 4 TéléZ, TéléLoisirs, Télé 7 Jours et TéléStar 5 Site de presse n’existant qu’en ligne, comme Médiapart 6 Commissions Paritaires des Publications et Agences de Presse, dépendant du MCC

5 P O L I T I Q U E C U L T U R E L L E


Les musées de Marseille :

le renouveau 6 P O L I T I Q U E C U L T U R E L L E

Longchamp, Borély, Musée d’histoire, Cantini… Les réouvertures se succèdent en 2013, et les visiteurs sont là

I

l était temps. Marseille, deuxième ville de France et capitale méditerranéenne, était fâchée avec la pratique du musée. La plupart des 10 musées gérés par la Ville, dont huit sont labellisés Musées de France depuis 2003, ont connu des périodes de fermeture ou de sommeil dommageables. 220 000 visiteurs en 2012, 280 000 visiteurs au meilleur de la fréquentation des

années 2000, c’est peu : les musées des Beaux Arts de Lyon, Rouen ou Montpellier comptabilisent chacun, à eux seuls, 300 000 entrées annuelles. Et les expositions du MuCEM ont rassemblé en 4 mois plus de 400 000 visiteurs. Mais cela change ! La pratique du musée et de l’exposition, boostée par l’année capitale, est en forte hausse y compris dans les établissements municipaux : pour les 9 premiers mois de 2013, alors que les quatre musées rénovés viennent à peine de rouvrir, les 10 musées de la Ville comptabilisent 530 000 entrées1, dont 220 000 pour l’exposition le Grand Atelier du Midi au Palais Longchamp. Une telle évolution est remarquable, d’autant plus qu’elle veut s’inscrire dans le temps : les grandes expositions vont continuer en 2014, les conférences, ateliers pédagogiques et projections se multiplient, animant des musées jusqu’alors silencieux. Et les rénovations sont réussies. Au Musée Borély les collections de faïence et d’art décoratif voisinent avec des œuvres contemporaines pertinemment mises en perspective. Le Musée d’histoire de Marseille recèle des trésors uniques et se visite agréablement. La restauration du Palais Longchamp est chaleureuse, ce qui est un exploit dans ces salles monumentales, et dans les réserves des collections exceptionnelles se cachent… qui seront exposées dès janvier.

Une marge de progression

D’autres trésors, qui s’exposent dans les collections permanentes, ne sont pas assez connus des Marseillais. Si les Inaugurations et Portes ouvertes rassemblent du monde, la fréquentation régulière reste en-deçà des attentes : ainsi le Musée d’histoire de Marseille a rassemblé 30 000 visiteurs en un mois, dont 16 000 pendant les trois jours d’ouverture. Soit 500 visiteurs par jour «seulement» le reste du temps. De même, 80 000 visiteurs ont fréquenté La Vieille Charité, dont 45 000 pour les expositions temporaires. Pourtant le Musée d’archéologie possède des antiquités égyptiennes rares, et le MAAOA,

sigle barbare désignant le Musée d’arts africains, océaniens et amérindiens, cache quelques pièces que le Quai Branly nous envie, et qui complètent fort bien les collections du MuCEM. De même le premier étage du Musée Cantini, peu fréquenté même lorsque le rez-de-chaussée accueille l’expo César (prolongée jusqu’en mars) : il dresse un panorama du XXe siècle qui mérite largement qu’on monte les marches… Quant au MAC, excentré, et au Muséum d’histoire Naturelle, qui nécessite une rénovation, ils ne rassemblent que 25 000 ou 28 000 visiteurs pour des expositions aussi exceptionnelles que Le Pont ou Lumières.

Les nouveautés

Mais la Ville «y travaille», nous répond Sébastien Cavalier, directeur des affaires culturelles qui a mis en place ce renouveau enfin ambitieux. À côté des collections permanentes à redécouvrir, la Ville de Marseille prévoit en 2014 des grandes expositions. Visage : Picasso Magritte Warhol, sur le portrait au XXe siècle, se déploiera à la Vieille Charité dès février, complétée par les canons de la beauté antique au musée d’archéologie. Puis cet été Cantini se focalisera sur Paul Delvaux et ses femmes nues errant dans des paysages glacés… Des dispositifs pédagogiques nombreux, destinés aux scolaires et aux familles, permettront, de Grobet Labadié jusqu’au Préau des Accoules, de comprendre l’art et l’histoire par la pratique. Et un Pass musées annuel, enfin, verra le jour : pour 30 €, ou 20 € au tarif réduit, le visiteur pourra entrer dans tous les musées de la Ville de Marseille, expositions temporaires et collections permanentes, pendant un an ! Une idée cadeau pour Noël ? AGNÈS FRESCHEL

Musée Cantini, MAC, Musée Longchamp, Musée Borély, Grobet Labadié, Musée d’histoire Naturelle, Vieille Charité, Docks romains, Préau des Accoules et Musée d’Histoire de Marseille 1

www.marseille.fr

2013, ça rapporte Le déficit annoncé de l’exposition le Grand Atelier du Midi est moins grand que les prévisions estivales ne le laissaient supposer. La fréquentation s’est améliorée durant les dernières semaines, et si elle n’a pas atteint les objectifs ambitieux fixés par la RMN1 l’exposition ne plombe pas les finances de MP2013. Le personnel ayant été nettement réduit depuis septembre, des économies

notables ont été réalisées, et les collectivités ont voté un budget de liquidation 2014 de 1.25 million d’euros. La situation semble donc nettement assainie, et la Chambre de Commerce ainsi que les professionnels du tourisme se félicitent d’une année capitale excellente pour les finances… privées. Reste que ce sont essentiellement les subsides publics de la culture qui ont été dépensés,

et que 2014 sera difficile pour le monde culturel si les secteurs qui ont bénéficié de la capitale culturelle ne lui rendent pas la monnaie de sa pièce ! A.F. 1

Réunion des musées nationaux


Pourquoi ils croient à la culture, ou le grand malentendu La Semaine économique de la Méditerranée portait cette année sur la Culture, envisagée comme un facteur de développement économique

Jacques Pfister © Agnès Mellon

Dès l’entrée le débat est faussé. Les acteurs de l’économie se félicitent du succès économique de la capitale culturelle : or au sens propre, l’économie de la culture se mesure en capital culturel, c’est-à-dire en création de richesse culturelle et en transmission de la richesse créée. Une enquête de satisfaction, après une capitale culturelle, devrait demander «vous sentez-vous plus cultivé ?», et aux artistes «avez-vous créé des œuvres transmissibles ?». Or on mesure le succès en visiteurs des manifestations culturelles, voire en nuitées touristiques. En ratio économique : 1 euro investi pour la culture (par qui ? les collectivités)

rapporterait 6 ou 10 euros au territoire (à qui ? aux entreprises et commerces). Ce que le citoyen y gagne, en culture, n’est pas mesuré. Pas plus que ce que les acteurs culturels y perdent. La première table ronde fut inaugurée par Androulla Vassiliou, commissaire européenne chargée de l’Éducation et de la Culture, qui se réjouit de la levée d’un «tabou» : «Il est permis aujourd’hui de parler de la fonction économique de la culture sans soulever de protestation.» «Cela ne veut pas dire que nous devons l’y réduire» concéda-t-elle dans une brève parenthèse qui ressemblait à un déni. Car de culture il ne fut plus jamais question. Mais de bénéfices immédiats en terme de «nouvelles audiences», des fonds européens qui permettent le développement (la part de l’Europe dans le financement des capitales européennes est très faible…), de milliers d’emplois créés sur le long terme, de territoires qui ont «refleuri» grâce au label européen : 20% d’emplois créés à Liverpool, 28% à Sibiu… Carlos Martins, intervenant dans la table ronde suivante, souligna davantage les bénéfices sociaux de la capitale portugaise (Guimaraes, capitale 2012) sur la population jeune (50% de moins de trente ans) et dans une petite ville qui a vécu une expansion ; tandis que Jacques Pfister, président de MP2013 et de la Chambre de Commerce, s’attacha à souligner qu’une coopération nouvelle était née entre les villes et les collectivités, une manière de travailler ensemble dans un intérêt commun. Quant à Bertrand Collette, chargé de mission Grands chantiers de MP2013, il rappela le travail accompli en 7 ans, la structuration du territoire, les équipements : 660 millions ont été investis pour remodeler le visage

culturel de la région, 45 établissement ont été réalisés, rénovés ou étendus. Le budget de MP2013 pour son fonctionnement et la production d’événements (100 millions, dont 15 par des entreprises) a eu un effet évident sur le tourisme, les transports, la notoriété de la région, et a «transformé les habitudes culturelles des habitants» : 3.7 millions de visites ont été comptabilisées à la mi-octobre, pour les expositions (1.8 million, ce qui est exceptionnel), les spectacles, concerts et projections, et les manifestations populaires dans l’espace public (1.6 million de visites). Quant au directeur du MuCEM, Bruno Suzzarelli, il ne pouvait que se féliciter, le succès du MuCEM étant inespéré. Ce premier bilan semblait donc idyllique. Pourtant, interrogés sur la baisse des subventions des collectivités, qui avaient signé l’engagement de ne pas diminuer les subventions courantes pour financer la capitale, ils bottent en touche. Jacques Pfister répondant que ça n’est pas de son ressort, Bertrand Collette que «les engagements ont été tenus sauf à la marge». Une fois encore les acteurs culturels sont renvoyés à leur place... Quant à savoir si la Capitale Culturelle a permis d’accroitre la culture méditerranéenne des habitants… Jamais les prévisions électorales n’ont donné le Front national aussi haut, ce qui est un très mauvais indicateur d’une culture méditerranéenne partagée, et de l’exercice éclairé d’un esprit critique, que toute entreprise culturelle devrait viser. AGNES FRESCHEL

La semaine économique de la Méditerranée s’est tenue du 5 au 9 novembre à la Villa Méditerranée, Marseille

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Reconstruire

l’horizon de paix 8 A V E R R O È S

Depuis 20 ans les Rencontres d’Averroès rassemblent un public toujours plus nombreux venu écouter intellectuels, chercheurs et artistes «penser la Méditerranée des deux rives». L’édition 2013 sera particulièrement riche ! Bernard Latarjet le répète : les Rencontres d’Averroès sont depuis le début de la candidature un volet essentiel de la programmation de la capitale culturelle. Parce que l’événement est d’importance, mais surtout parce que MP2013 y a puisé son esprit : méditerranéen, et voulant élaborer une pensée. Thierry Fabre, créateur et directeur des Rencontres, précise que cette édition est exceptionnelle à plusieurs titres. Parce que, coproduite

par MP2013 (à hauteur de 200 000 euros supplémentaires), la manifestation comptera 5 tables rondes au lieu des 3 habituelles, et qu’elles seront précédées de conférences introductives. Ensuite parce que cette édition «rétro-prospective» ne se centrera pas, comme chaque année, sur un thème, mais fera un point, et ouvrira des perspectives, sur les multiples questionnements qui depuis 20 ans ont permis d’affirmer la Méditerranée comme

une échelle de pensée pertinente. Mais il ne s’agit pas pour Thierry Fabre «d’embaumer cette édition». Il aime à affirmer que les Rencontres sont une «université populaire» même si le terme n’est pas à la mode, et que le public y a un talent fou. Les universitaires doivent sortir de leurs codes, dialoguer et exprimer simplement leur pensée complexe, ce qui est le plus difficile des exercices… Ainsi, Alain de Libera fera la conférence inaugurale (le 28 nov) et participera à la première table ronde avec entre autres Barbara Cassin, débat traditionnellement historique, portant cette année sur Athènes, Jérusalem, Cordoue, héritage partagé ou dénié ? (le 29 nov à 10h). À 15h la deuxième table ronde interrogera les fractures de ce «continent liquide». Le lendemain, à 10h, Irène Théry introduira un questionnement sur Féminin/masculin, liberté ou/ et domination, enjeu universel

mais particulièrement pertinent autour du Mare Nostrum. Plus prospectives, les deux dernières tables rondes interrogeront l’impossible paix (le 30 nov à 15 h) et la Méditerranée créatrice, table ronde réunissant des artistes (le 1er déc à 11h). Un ensemble de questionnements riches, complémentaires, qui devrait permettre de faire le point sur l’ensemble des problématiques actuelles. En effet en présentant cette édition Thierry Fabre, désemparé et grave, soulignait combien le présent ressemblait peu aux horizons de paix que l’on imaginait en 1994, lorsque les accords d’Oslo et la Conférence de Madrid permettaient d’envisager un futur apaisé. Notre avenir est bien plus sombre : «l’Europe est devenue une citadelle imprenable, les Révolutions arabes n’ont pas les lendemains qu’on espérait, la Syrie est en guerre, l’Espagne et la Grèce sombrent et espèrent une Aube

Frontières : un drame philoso La Méditerranée est-elle un monde ou un ensemble d’États ? Un patrimoine commun suffit-il à autoriser cette mer comme concept rassembleur ? Qu’est-ce qu’une frontière sinon l’envie de l’abolir, de rêver au cosmopolitisme, à une citoyenneté mondiale ? La frontière est ce qui divise, ruinant inlassablement tout espoir d’une citoyenneté mondiale et de mise à mort des nationalismes ravageurs. De plus son horrible origine est celle des fronts militaires. Et quelle horrible sentence que «reconduire à la frontière» ! Donc «frontières» ne devrait pas même exister en une époque moderne qui connaît parfaitement le globe terrestre et ses occupants contrairement aux pensées antérieures : comment en effet dans l’antiquité penser philosophiquement le monde sans le connaître géographiquement ? Le plus grand penseur du cosmopolitisme que fut Marc Aurèle n’envisagea jamais Rome comme possibilité

d’un État mondial. (C’est certes dégager qui ne demandent qu’à être dépassées. On grossièrement toute pensée préscientifique, ne saurait dire la même chose d’un État : mais bon, c’est un article court). qu’il reste où il est ! C’est la condition de la Pourtant, aujourd’hui encore, la frontière paix, ou du refus du colonialisme. Ce sont les n’est pas une limite, hommes eux-mêmes elle est une borne qui, dans leur pensée nécessaire pour deux Penser la Méditerranée comme un continent et leur déplacement, liquide est une utopie qui met au jour des ne doivent avoir raisons. La limite concerne frontières non géographiques, dont il sera aucune limite ; pas celui qui la pose et question lors des Tables Rondes : la fracture les États. La fronqui se pense comme économique Nord Sud, la domination des tière est nécessaire ne pouvant pas aller hommes sur les femmes, et historiquement pour un État, mais plus loin… pour l’ins- l’inégalité des «indigènes» des colonies, y ne doit pas empêtant. La colonisation compris dans l’utopie saint-simonienne. cher la circulation et l’impérialisme nous Et puisque la Méditerranée définit un ensemble, des hommes. Or montrent qu’a priori elle trace aussi une frontière avec ceux qui sont aujourd’hui seules rien n’empêche des plus au sud. D’où l’absence des Africains des les marchandises cirÉtats de considérer à réflexions sur la colonisation et l’immigration, culent librement : le terme l’ailleurs comme et la programmation culturelle régionale. De libéralisme mondiale leur. La borne, cela, il ne sera sans doute pas question. A.F. lisé est le nom actuel arbitraire, peut être du colonialisme. déplacée. Mais les La deuxième raison bornes qu’un sujet se fixe et les frontières est liée à la détermination positive : être d’un État sont-elles du même ordre ? Eh bien libre pour le sujet c’est accepter de ne plus non ! Le sujet a des limites intellectuelles être tout pour être quelque chose, et se


Entre les tables

dorée fasciste, Israël s’enferme dans son colonialisme…». Et lorsqu’on lui demande s’il croit que l’élaboration d’une pensée, le débat, le dialogue, peuvent encore être des armes pour éviter le pire il soupire. «Que faire d’autre ? Il faut arrêter le Méditerranisme qui met tout à la sauce du jour et revenir à ce qui nous lie et ce qui nous sépare. Pour combattre la montée du Front national et les horizons de guerre, il faut apprendre de l’histoire, et écouter l’autre. Faire assoir à la même table Israélien (Denis Charbit ndlr) et Syrien (Salam Kawakibi) va aujourd’hui de soi lors des Rencontres. Cela n’a pas toujours été possible, et seuls ces chercheurs peuvent poser ensemble les bases intellectuelles qui pourront peut-être construire des avancées politiques.» On l’espère, encore.

La programmation culturelle des Rencontres d’Averroès a pour cette 20e édition été resserrée autour des quatre jours de tables rondes, de façon à éviter les redondances avec les propositions de MP2013

Les Rencontres d’Averroès ont un programme spécifique destiné au public scolaire, depuis 2005. Cette année, les jeunes générations sont de surcroît conviées à un prologue Averroès Junior, ouvert à tous les publics : le 28 novembre à 14h, rendez-vous est pris dans l’Auditorium du Parc Chanot avec la réalisatrice Samia Chala, qui présentera son film documentaire sur les chanteurs du groupe Zebda : Mouss et Hakim, origines contrôlées. Fouad Didi, Sylvie Paz, Malik Ziad et Bruno Allary, membres de la Cie Rassegna, donneront ensuite un concert mêlant influences espagnoles, algériennes et provençales. La jeunesse pourra évidemment décider de rester pour le lancement officiel de ces 20e Rencontres, avec -après la conférence inaugurale- une soirée consacrée Aux sources de l’Andalousie : Federico Garcia Lorca et le cante jondo (création de Jesus Mendez, à la fois concert, lecture et performance le 28). Le 30, ils seront sans doute encore plus nombreux à célébrer le retour de Rachid Taha sur scène, reprenant en chœur sa fameuse reprise du

ophique ? déterminer par ses choix. Que serait l’identité d’un peuple d’un État sans frontières ? Les usages seraient-ils communs, les lois seraient-elles fondées sur une justice universelle et une égalité de fait ? Toute philosophie, surtout sur ce concept de frontières, se heurte au réel, à l’histoire, au social : le socialisme dans un seul pays de Staline est un contre exemple superbe et terrible… La frontière ne sépare pas, elle définit, détermine et identifie ce qui est en son sein. Ainsi entendue en cette positivité, elle peut prévenir toute homogénéisation d’un grand marché libéral, et susciter le désir d’aller vers l’autre, et non vers toi qui manges le même hamburger que moi. RÉGIS VLACHOS

Jesus Mendez, soiree du 28 nov © JL Duzert

AGNÈS FRESCHEL

tube d’Elvis Presley It’s now or never… Et le 1er décembre, jeunes et moins jeunes se lanceront dans l’Odyssée pour violoncelle et chœur imaginaire de Sonia Wieder-Atherton. Des pauses musicales seront également proposées les trois premiers jours entre les tables rondes, avec le groupe Les Camineurs emmené par Guylaine Renaud, troubadour et conteuse hors pair. Au Palais des Arts se succèderont les élèves de l’ERAC (École Régionale d’Acteurs de Cannes), qui donneront une lecture, le 29 novembre, de textes sélectionnés dans le cadre du projet de Dramaturgie arabe contemporaine porté par la Friche, et la projection entre le 28 et le 30 de documentaires (Voyages d’affaires en Méditerranée de Vassili Silovic, La force des femmes de Ruth Zylbermann, À la recherche du goût perdu de Jean-Paul Fargier, Une jeunesse en révolte d’Antoine Le Rove, Al Intihar de Mario Rizzi, et A house for Bernarda Alba de Lidia Peralta Garcia). On y verra également une performance sur les aléas de la traduction de Yalda Younes et Gaspard Delanoë, Problème technique (le 29). Enfin, le 29, le projet de l’INA intitulé MedMem : Partager les Mémoires audiovisuelles de la Méditerranée sera présenté. Des bornes de consultations seront mises à la disposition du public durant le temps des Rencontres, avec accès à plus de 4000 documents d’archives (radio et télévision). GAËLLE CLOAREC

Les 20e Rencontres d’Averroès du 28 nov au 1er déc Parc Chanot, Marseille 04 96 11 04 61 www.espaceculture.net

À lire Rencontres d’Averroès n°19 La cité en danger ? Dictature, transparence et démocratie Sous la direction de Thierry Fabre Éditions Parenthèses, 12 euros

Un enregistrement des tables rondes de la 19e édition réalisé par mativi-marseille.fr est également disponible en DVD

9 A P O V LE RI R T OI Q È U S E C U L T U R E L L E


Retour à Marseille Pain Noir © Alfama Films

10 M U C E M

Mourir à la guerre Le MuCEM a consacré toute une soirée à l’Espagne dans le cadre de sa programmation cinématographique, soit deux longs métrages précédés de deux courts. En premier lieu, Les désastres de la guerre de Pierre Kast, à la pellicule très abîmée, amplifiant l’atmosphère atroce des gravures de Goya réalisées suite à l’invasion napoléonienne (1808-1814). Puis El perro negro de Péter Forgàcs, excellent travail sur des images d’archives des années 30, contrastant un univers digne de Jacques Henri Lartigue chez les riches industriels, vivant de loisirs et de fêtes, avec les visions du monde ouvrier secoué de grèves. L’Espagne connaissait alors le mouvement anarchiste le plus puissant d’Europe, et l’on suit avec effroi la République proclamée en 1931, la montée du franquisme, les communistes assassinant

libertaires et trotskistes, la dernière ville à tomber en 1939, Madrid, et la vision terrible de la légion Condor allemande dessinant le nom de Franco dans le ciel... quelques mois avant d’aller frapper la Pologne. À peine une courte pause, et l’on repartait avec Guernica d’Alain Resnais, prenant de plein fouet la dimension expérimentale de cette attaque allemande contre les populations civiles basques en 1937. Pour finir par Pain noir d’Agusti Villaronga, film en catalan adapté de l’auteur espagnol Emili Teixidor, une fiction éprouvante mêlant l’héritage sanglant de la guerre civile et la perte de l’innocence enfantine. GAËLLE CLOAREC

Ces films ont été projetés le 27 octobre au MuCEM, Marseille

Quand le jazz est là

Tarek Yamani, né au Liban, était venu à Marseille, rappelle-t-il en début de spectacle, pour du rap, il y a 11 ans. Il est passé par différents styles, du hip hop à l’Afro-cubain ou au flamenco… Puis il y a le jazz, le Prix Télonius Monk en 2010, des concerts, des CDs, une reconnaissance de ce remarquable musicien autodidacte, et pourtant, quelle technique ! Gammes et arpèges nourrissent en un jeu fluide les créations du jeune musicien, Passegiata, Sama’i Yamani, Ashur, Dabke in eb Nakriz ou un bel hommage à Coltrane avec Giant trane ; Bach se syncope avec humour dans son Prélude n°2 en do mineur, un

swing subtil habite les pages les plus lyriques. Parfois une note bleue s’orientalise. Des formes arabo-andalouses prennent un air de la New Orleans. À la fougue emportée de certaines envolées, répondent des instants nus d’une simplicité évidente et dépouillée. Les passages d’improvisation dénotent d’un sens subtil de la mélodie. Ashur, cité et dieu assyrien, est aussi le nom du groupe de Tarek Yamani. Auprès de lui, on entend la batterie inventive de Kristijan Krajncan et le tuba de Goran Krmac. Certes on peut être surpris par l’entrée du tuba dans le trio classique de jazz. Il prend la place de la contrebasse, il en endosse le rôle, et apporte des nappes sonores qui enveloppent le texte musical avec pertinence, que ce soient des incursions dans les années 80 avec Everybody’s Got to Learn Sometime de JamesWarren, ou le retour à des morceaux plus anciens comme East of the Sun de Brooks Bowman. Le groupe offre un bis de Coltrane à un public conquis. MARYVONNE COLOMBANI

Ce concert a eu lieu le 1er novembre au MuCEM, à Marseille

Cet hommage à Henri Tomasi fut particulièrement émouvant. Parce que le compositeur marseillais, longtemps oublié, doit aujourd’hui la reconnaissance de son œuvre à son fils Claude Tomasi, présent et heureux, et que ce sont des musiciens marseillais qui défendent sa mémoire. Chaque pièce, introduite par Lionel Pons, révèle l’aspect solaire d’une œuvre qu’on dit aujourd’hui méditerranéenne et qui est surtout très personnelle, s’étant gardé pendant 30 ans des chapelles qui ont traversé le vingtième siècle. Cyrnos (1929), poème symphonique transposé pour deux pianos, est traversé de thèmes, de questions et de réponses, de morceaux de bravoure, mais paraît par endroits mièvre et surchargé. Peut-être l’interprétation de Fabrice et Nathalie Lanoë, trop mécanique et sans respiration, n’en rendait-elle pas toutes les nuances. Le trio pour cordes interprété par Pythéas (Yann Leroux, Cécile Florentin et Guillaume Rabier) possède en revanche des pages de toute beauté, en particulier un Nocturne à fendre l’âme : dix ans après Cyrnos l’écriture est affirmée, et les trois interprètes cherchent l’émotion, s’amusent, à l’écoute, vibrant. La troisième œuvre est une cantate profane, écrite en 1966, transposée ici pour 5 percussions emmenées par Alexandre Régis. Daniel Mesguich, qui a créé ce Retour à Tipasa en 1985, reprend le texte de Camus de sa belle voix à la diction parfaite et un peu solennelle… Le texte se déploie sur un tapis de percussions évocatrices de l’atmosphère intime et lyrique du texte, le chœur d’enfants Anguelos (direction Bénédicte Pereira) place ses deux voix comme un chant antique et lointain, et nous partons sur la route de la beauté douloureuse du monde… AGNÈS FRESCHEL

Ce concert a été donné au Mucem le 25 octobre dans le cadre de la saison de Marseille Concerts


Attenberg d’Athina-Rachél Tsangari photo de Despina Spyrou © Haos Film 2010.tif

Parlez-nous d’amour Le cycle Féminin/Masculin en écho à l’exposition Au bazar du genre se poursuit au MuCEM jusqu’à la fin de l’année. Il fut question, le 30 octobre, du cinéma grec dans le

cadre de la deuxième carte blanche donnée à l’auteure Ersi Sotiropoulos. Son invité, le critique Michel Demopoulos, a rappelé à un public trop peu nombreux l’aventure du

père. La fatalité antique s’y joue et s’y déjoue. La transgression n’apporte pas ici la mort mais un nouvel équilibre, reconstituant une famille idéale sans tabou. Le film aux petits airs «almodovaresques» s’achève comme une comédie américaine autour d’un sapin de Noël. Le deuxième, Attenberg, ne propose pas d’utopie. C’est un film d’apprentissage tout en ruptures formelles, où la réalisatrice évoque non seulement l’initiation sexuelle d’une jeune fille, entre fascination animalière et discours clinique sur la mécanique des corps et des fluides, mais aussi un XXe siècle révolu dont les cendres du père dispersées dans la mer deviennent la métaphore. Au fond, ces deux films nous ont parlé d’amour, un amour à réinventer sans cesse à sa propre démesure. ELISE PADOVANI

cinéma hellénique des années 40 à nos jours et l’émergence, en pleine crise économique, de nouveaux réalisateurs indépendants, novateurs, démystificateurs, imposant leurs films dans les festivals internationaux. Au programme, deux exemples de cette «nouvelle vague» grecque, Strella de Panos Koutras (2009) et Attenberg d’Athina-Rachél Tsangari (2010). Le premier est un «remix subversif du mélodrame classique». Œdipe en transsexuelle couche avec son

Cycle cinéma Féminin/Masculin, questions de genre jusqu’au 18 décembre MuCEM, Marseille 04 84 35 13 13 www.mucem.org

Agir, interagir et réagir au MuCEM Les spectacles High Tech

Le MuCEM produit un spectacle de Nermine Al Ansari intitulé L’objet du crime et son souvenir d’enfance. Mêlant le dessin, la vidéo et la musique, les différents artistes offrent une manière originale d’illustrer le travail de mémoire (le 22 nov). Les artistes syriens Kinan Azmeh et Kevork Mourad proposeront également une performance audiovisuelle insolite autour d’événements actuels tels que les révolutions du monde arabe (le 29 nov).

Les débats de «genres»

Sophie Bessis, agrégée d’histoire, s’intéressera aux rôles que les femmes ont joués pendant la révolution tunisienne de 2011 dans Féminisme, Femmes et printemps arabe (le 13 nov). Le psychologue clinicien Tom Reucheur et Karine Espineira, docteure en sciences de l’information et de la communication, tenteront de répondre à la question Est-ce qu’on appartient à l’humanité si on n’est ni un homme ni une

femme ? (le 20 nov). Enfin, la sociologue Pinar Selek s’interrogera sur la construction sociale des hommes dans Pouvoir masculin et sociétés hiérarchisés en Question (le 27 nov).

Les débats «Histoire et civilisations»

Athena Georganta, professeure en littérature grecque moderne, expliquera dans Lord Byron, poète du Levant, l’importance de la Méditerranée dans les œuvres du poète anglais (le 14 nov). Entre utopie et réalité, le poète Camille de Toledo, l’écrivain Abdelfattah Kilito et le traducteur Omar Berrada discuteront d’un souhait qui leur est cher : Je parlerai toutes les langues du monde (le 18 nov). Le débat Benito Mussolini et la nouvelle Rome permettra à l’historien Luciano Marrocu de montrer comment Mussolini a lié le rayonnement de Rome au fascisme (le 21 nov). Emmanuel Laurentin recevra Alain Dieckhoff, directeur de recherche au CNRS, lors de la rencontre du Temps des Archives intitulée 1978, Les accords de Camp David, le

premier traité de paix entre Israël et un pays arabe (le 25 nov). Lors du débat Germaine Tillion, vivre ensemble en Algérie, l’historien Tzvetan Todorov exposera les différents travaux de l’ethnologue (le 5 déc).

Les débats «Sport»

Le sport peut-il être utilisé comme un moyen de lutte contre les discriminations ? Georges Vigarello, co-directeur du Centre Edgar Morin, et Claude Boli, docteur en histoire contemporaine, donneront des éléments de réponses dans Sport et citoyenneté (le 2 déc). Quant au professeur d’anthropologie Christian Bromberger, il s’intéressera à la mesure qui interdit la présence des femmes en Iran dans les stades où se déroulent des compétitions d’hommes dans Offside de Jafar Panahi, les femmes et le football en Iran et ailleurs (le 4 déc). MuCEM, Marseille 04 84 35 13 13 www.mucem.org

11 M U C E M


Rencontres au Pharo 12

Photo prise lors de la 1re édition des Rencontres Capitales © Irène de Rosen

É V É N E M E N T S

Après une première édition en 2011, les Rencontres Capitales sont de retour à Marseille. Leur organisateur, Christian Auboyneau, espère pouvoir pérenniser cette manifestation d’envergure : 25 débats, 130 invités issus des sphères économiques, culturelles, universitaires ou politiques. 12 000 personnes sont attendues, dont une forte proportion de jeunes, «car cette initiative est née d’un constat : les moins de 25 ans sont désabusés, sans perspective d’emploi ni pouvoir d’achat». Le budget ? 500 000 euros, financés en bonne partie par la Ville, et des partenaires privés : Manpower, Suez, Constructa, Kedge Business School et la banque Neuflize OBC. L’objectif ? Rien moins que d’imaginer une autre société, lors de tables rondes aux sujets variés. On pourra ainsi successivement réfléchir à l’entreprise de demain, se demander pourquoi la France n’arrive pas à se réformer, espérer moraliser la finance, quitte à inventer un autre capitalisme, émettre des hypothèses sur les innovations qui vont changer nos

La Villa M l’histoire

«Echelles des temps»

«Regards sur ville»

Le 19 novembre, l’écrivain Sonia Chiambretto animera une lecture conférence intitulée Fusée diamant. Illustrée par des témoignages et documents d’archives, elle racontera cette conquête de l’espace engagée par la France à la fin des années 60 en plein désert algérien. C’est ensuite le cycle Regards sur ville qui

prendra place à la Villa Méditerranée. Une majorité de la population méditerranéenne se concentre dans les villes. Une première analyse de Marseille et Alger aura lieu le 24 novembre, lors d’une conférence spectacle avec la présentation du projet de l’Agence Nationale de Psychanalyse Urbaine, Marseille-Alger : Destins croisés, destins chargés. Un moment fort sera consacré à la Villa Méditerranée pour l’édition 2013 du festival Image de ville qui

Fusée Diamant © Photo DGA-CLM

À partir du 29 novembre, l’exposition Echelles des temps remplacera 2031 en Méditerranée, nos futurs!. Sous la forme d’un parcours pédagogique, l’exposition retrace l’histoire de l’espace méditerranéen d’un point de vue géologique et sociologique. Divisée en deux temps, celui des hommes et de la terre, chaque espace sera animé par des films et des dessins choisis par le scientifique Jean-Luc Arnaud, directeur de recherche au CNRS et responsable du pôle «Espace, Représentations et Usages» de la MMSH (Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme).

vies (et peut-être lui donner un sens), voire apprendre à devenir un champion. Une thématique large, donc, proposée à des personnalités éclectiques, pour varier les points de vue : Bernard Kouchner, Douglas Kennedy ou Costa Gavras côtoieront Catherine Trautmann, Mgr Philippe Barbarin, François Baroin ou la championne d’escrime Astrid Guyart. À l’occasion de l’année capitale, plusieurs débats seront consacrés à la culture, interrogeant notamment les limites de sa démocratisation (le 16 novembre à 14h), ou répondant à la question «Moi artiste, d’où vient mon imaginaire et d’où vient mon inspiration ?» (le 15 à 14h). Barbara Hendricks donnera un récital de jazz en ouverture des Rencontres le 14 novembre, tandis que les pianistes Zhu Xiao Mei et Jean-François Zygel se succèderont les deux jours suivants. GAËLLE CLOAREC

Les Rencontres Capitales du 14 au 16 nov Palais du Pharo, Marseille 01 41 46 19 50 www.rencontrescapitales.com

invitera pour deux soirées des architectes et cinéastes à dialoguer sur l’art du «vivre ensemble», les 25 et 27 novembre. Enfin, douze danseurs algériens et burkinabés dirigés par le chorégraphe Hervé Koubi revisiteront les traditions de danses de rue dans le spectacle Ce que le jour doit à la nuit (29 novembre).

«Récits d’exils»

Récits d’exils, est un cycle qui se prolongera en 2014. Il sera inauguré, en coréalisation avec Marseille Objectif Danse, les 12 et 13 décembre par le chorégraphe Christian Rizzo. Entre solitude et mélancolie, il racontera, par l’intermédiaire de la danse, l’exil d’un autre danseur et performeur turc, Kerem Gelebek, dans Sakınan Göze Çöp Batar (c’est l’œil que tu protèges qui sera perforé). ANNE-LYSE RENAUT

Villa Méditerranée, Marseille 04 95 09 42 52 www.villa-mediterranée.org



L’étranger à l’œuvre

© Pierre Grosbois

14 É V É N E M E N T S

29, v’là la crise

Inaugurer les Plateaux de La Friche avec El Cachafaz de Copi est emblématique de l’esprit qui aurait dû régner en ce lieu… On ne sait ce qu’il adviendra du magnifique outil que sont ces salles de théâtre. Cela dépendra de la volonté des tutelles, de la capacité des compagnies de se fédérer, de la volonté de désenclaver ce quartier, et sans doute des élections municipales. Le départ de Catherine Marnas est programmé en janvier, et pour l’instant l’avenir de ce lieu magnifique reste dans un flou indissipé… Emblématique, El Cachafaz l’est par son succès public, et sa générosité : le plateau est occupé par la présence humaine de cent choristes amateurs qui chantent, bougent et jouent non comme des pros, parce que ce serait les réduire, mais comme des gens qui donnent tout, et remercient. Les quatre musiciens aussi, attentifs, les suivant, les rattrapant parfois, entrent dans la partition avec un plaisir visible, audible surtout : le violon de Marie Laurence Rocca est ample et déchirant, Jean Bernard Rière fait sonner majestueusement les solos de sa contrebasse, et si Magali Rubio est un peu moins souple à la clarinette, l’accordéon de Jean-Marc Fabiano pose avec constance les balises d’une musique surprenante. Car la véritable révélation de ce Cachafaz est le talent de compositeur d’Alain Aubin. Le chanteur lyrique, chef de chœur, avait jusque là arrangé des chansons populaires, écrit des musiques de scène… mais jamais il n’avait fait entendre son univers personnel, fait d’accents populaires alliés à une profondeur harmonique puissante, savamment agencé pour qu’aucun interprète n’y soit en difficulté, et que les nuances du texte soient soulignées. Les chœurs à trois voix prennent aux tripes, et imposent leur pathos dans cet univers déjanté… Car la pièce de Copi est folle ! En alexandrins espagnols, elle mêle avec une grâce unique un langage d’une crudité inenvisageable, où meurtres, bites molles ou dures, transsexualité, anthropophagie

cohabitent avec une religiosité moquée et des âmes moralisatrices… Le texte, constamment drôle, surenchérit à chaque instant à ses propres excès qui deviennent comme naturels, portés avec noblesse par Alain Aubin époustouflant en transsexuel vocal danseur de tango sur talons aiguilles, Julien Duval qui joue tous les rôles annexes et chante comme un pro, Renaud Golo qui roule des mécaniques avec un parfait naturel. Catherine Marnas gère ce plateau en virtuose, fait bouger les groupes, danser les corps, trouver une justesse aux moindres inflexions, et laisse l’émotion et la drôlerie affleurer sans empiéter sur la gravité du message politique : El Cachafaz ressemble à un opéra de quat’sous sud américain et évoque la crise de 29 ; mais son univers où la faim, l’injustice de la loi et la misère poussent au franchissement de toutes les limites, évoque plus le nôtre. Le tapage du rire n’y est plus un rempart contre la mort. AGNÈS FRESCHEL El Cachafaz a été créé à la Friche du 19 au 25 octobre

À venir

Catherine Marnas participe aux dramaturgies arabes qui se dérouleront à la Friche. Elle a passé commande d’un texte à Driss Ksikes, auteur marocain, pour 6 acteurs dont une Libanaise et deux Tunisiens. N’enterrez pas trop vite big brother parle de la jeunesse, de son rapport aux réseaux sociaux, de son besoin de changement, des menaces totalitaires, et du souvenir parti en fumée d’un immeuble où le creuset multiconfessionnel méditerranéen existait encore. Trois autres créations en arabe auront lieu à La Friche lors des dramaturgies arabes, et de nombreuses lectures et performances. du 25 nov au 1er déc La Friche, Marseille 04 95 04 95 95 www.lafriche.org

Présentée par Paul Rondin et Agnès Troly (directeurs associés du Festival d’Avignon) le 28 octobre, la Compagnie du Zieu de Nathalie Garraud et Olivier Saccomano a inauguré La FabricA dans sa fonction de lieu de résidence. Après 14 jours de travail, ils ont proposé, avant la création à Bagdad, un filage de L’Avantage du printemps, commandé dans le cadre d’un projet de coopération culturelle en scène sur les clichés Orient/Occident ; première partie du cycle Spectres de l’Europe autour de la figure de l’étranger, qu’ils poursuivront avec la forme itinérante Othello, variation pour trois acteurs1. «Je suis l’Arabe qui annonce le printemps. Je suis le dieu qui dort dans vos banlieues… Je suis le spectre qui hante l’Europe, je suis la légende sous les photographies de vos journaux. Je suis Othello.» Marie et Omar (Mitsou Doudeau et Omar Abi Azar) seront Desdemone et Othello mais leur réalité d’acteurs, et d’étrangers l’un à l’autre, se confrontera aussi à Shakespeare et à l’Histoire. Les désillusions politiques de l’une, l’engagement d’interprète pour TF1 au Sud Liban pour l’autre, intercalés entre un extrait bégayant de Vladimir et Rosa de Godard, laissent ainsi apparaître leurs contradictions et le lien avec certains motifs d’Othello. Trahison, jalousie, menace des étrangers, la tragédie du Maure de Venise et son crime passionnel se frottent en filigrane au fantasme du non-européen. La Cie du Zieu sait mettre la question politique au premier plan et attend un public participatif. Ce soir-là le dialogue, sans médiation avec la salle, pourtant bien remplie et aussi de quelques têtes souvent «étrangères» au In, resta timide. L’acteur metteur en scène libanais donnera une conclusion clairvoyante face au reproche sur son jeu «antipathique» : «Mais le Libanais sympathique et gentil, c’est aussi un cliché ! Merci de vous en être aperçu.» DE.M. 1 au Massalia du 24 au 29 mars, au Bois de l’Aune du 31 mars au 4 avril, au Festival d’Avignon 2014

À venir Rencontre avec Thomas Jolly pour le projet en intégral d’Henri VI le 13 nov à La FabricA, Avignon Dramaturgie arabe contemporaine Le Syndrome Est-Ouest : L’avantage du printemps et Happinness of a Little Family (du chorégraphe égyptien Mohammed Shafik) le 30 nov à La Friche Filage l’Avantage du printemps, Cie du Zieu © DE.M


Création et événements

La saison du nouveau théâtre de la Joliette-Minoterie est lancée, et marche du tonnerre de Dieu !

Après Bleu ! de la Compagnie TPO qui a ravi le jeune public (voir p18), Marseille Objectif Danse s’installe dans les lieux avec la venue exceptionnelle de la Trisha Brown Dance company, pour une reprise et revisitation des Early works de la grande dame de la post-modern dance américaine (les 12 et 13 nov, voir Zib 67). Suivra la création de la Cie Provisoire, maîtresse des lieux. Haïm Menahem porte en lui ce texte depuis 2009, quand il a été traduit en français par Jörg Stickan : le récit d’Edgar Hilsenrath, écrit en 1980, est une logorrhée provocatrice, publiée d’abord aux États-Unis tant il s’apparente dans son impudeur à Bukowski, dans sa superbe à John Fante. Mais si le narrateur, double explicite de l’auteur, erre dans les nuits américaines au début des années 50, et s’affronte à la même misère sociale et sexuelle, il nous parle aussi d’autre chose : Edgar Hilsenrath revient des camps, juste après la guerre, et porte le lourd passé des Juifs d’Europe, qui ne s’efface pas dans le Nouveau monde. Cela s’appelle Fuck America, et pour ce solo Haïm Menahem sera accompagné aux saxos par David Rueff (du 21 au 29 nov). Un autre événement pour clore un trimestre décidément exceptionnel, juste avant Dansem

Grand Siècle

Xavier Marchand et sa compagnie occuperont deux scènes marseillaises en novembre 2013 et janvier 2014 avec les «pièces romaines» de Racine, Britannicus et Bérénice. Le metteur en scène éclaire son choix de cette belle ambition en diptyque

Zibeline : On connaît votre travail avec des auteurs parfois loin du théâtre (le récent Germaine Tillion), et voici Racine au programme ? Xavier Marchand : J’ai le goût des œuvres non dramatiques qui intègrent une oralité à vivre sur scène, mais la grande écriture de Racine s’est imposée à moi dans des circonstances signifiantes : une lecture dans la chaleur estivale des Pouilles, à l’ombre d’oliviers

15 Orlando © Frieke Janssens

(voir p16) : la venue de Guy Cassiers (du 5 au 7 déc). C’est la première fois que le grand metteur en scène flamand, habitué du Festival d’Avignon mais aussi de la scène nationale de Martigues, mettra les pieds à Marseille. Avec Orlando, adapté du roman de Virginia Woolf, mais à peine : on y entend tout le texte (en néerlandais sous-titré). Le travail de Guy Cassiers est ailleurs, dans la scénographie époustouflante qui transforme l’espace, la distance au corps de la comédienne, à sa voix, androgyne. Car Orlando, personnage inspiré par les travestissements Shakespeariens, traverse les siècles et change de sexe, visitant l’histoire et les mœurs, et imposant sur le monde le regard décalé et si ému de l’écrivaine. Et celui de la comédienne Katelijne

peut-être contemporains de l’auteur; je ne pouvais qu’entendre la couleur des voix, la richesse des intentions, la force de l’actualité -même si «contemporiser» la tragédie est une erreur-, la précision de l’écriture pour faire résonner l’universel. Mais alors pourquoi pas Phèdre ? Le hasard des lectures transformé en nécessité : Britannicus et Bérénice ont été écrits à un an d’intervalle ; on a dit que le rôle de Titus consolait de celui de Néron et les deux tragédies entretiennent des rapports étroits ; Titus, élevé à la cour de Néron était le meilleur ami de Britannicus et aurait goûté au poison ; l’état d’esprit de Racine au moment de l’écriture est bien connu : projet de carrière contre Corneille avec la première pièce dont atteste la préface de la seconde, écrite en pleine aventure amoureuse

Fuck America © Philippe Houssin

Damen, incroyablement malléable, au regard extatique, dont on regrette seulement de ne pas comprendre la langue… AGNÈS FRESCHEL

04 91 90 07 94 www.theatrejoliette.fr

avec la Champmeslé ; et enfin malgré une structure différente -événementielle et violente pour Britannicus, calquée sur les mouvements intérieurs du «malgré lui malgré elle» pour Bérénice-, les deux pièces ont comme schéma de départ un acte déjà posé. Le travail actuel consiste à en révéler les aspects dans la mise en scène et le jeu des acteurs. Ces liens entre les deux pièces expliquent-ils le choix d’une même distribution ? Il nous a semblé intéressant, en écho modeste aux quatre Molière de Vitez, de retrouver l’idée de troupe et de privilégier un travail de fond de l’acteur sur des personnages parfois aux antipodes ; ainsi Anne Le Guernec jouera Agrippine et Bérénice. Les personnages ne sont pas univoques et comportent tous ombre et lumière ; les comédiens auront à porter un «gigantisme»

auquel a pu être confronté un empereur de 19 ans ! Quant au décor, il sera sensiblement le même, entre labyrinthe et souvenirs presque effacés de mises en scène antérieures. Incarner, toucher, sont les axes de notre travail et je dirais qu’un spectacle réussi est celui qui n’a pas d’autre existence que celle de la mémoire du spectateur… ENTRETIEN RÉALISÉ PAR MARIE JO DHÔ

Britannicus du 20 au 28 nov La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 www.theatrelacriee.com Bérénice du 28 au 31 janv Théâtre Joliette-Minoterie, Marseille 04 91 90 07 94 www.theatrejoliette.fr

PÉ O V LÉ I N ET I M Q E U N ET S C U L T U R E L L E


16 É V É N E M E N T S

Cela avait commencé du temps de feu Danse à Aix, et ça s’appelait Colina. Les Bernardines ont repris le flambeau et continué l’aventure, avec deux partenaires européens : O Espaço do Tempo au Portugal, et le Tanzhaus nrw à Düsseldorf. Et, depuis Colina s’est transformé en Try angle, un dispositif qui permet aux artistes de se rencontrer, de passer du temps de création en résidence, de partager leurs pratiques jusqu’à créer des objets communs. Du 21 au 24 novembre c’est le résultat de ces laboratoires à grande échelle dont Marseille pourra découvrir l’étape ultime : 60 artistes ont été accueillis durant trois résidences de deux semaines chacune, et 9 projets en sont sortis, plus ou moins longs et aboutis, mais toujours inattendus nous dit-on, transversaux, en mouvement, inventifs, surprenants, inclassables. Ils devaient en retenir 3… mais n’ont pas pu tant les propositions sont intéressantes ! Il

For Pleasure © Matthias Creutziger

Trouvailles de labo

s’agira donc de tout voir de ce Final Showing. On y croisera de jeunes artistes de toute l’Europe, danseurs avec musiciens et performeurs, auteurs avec comédiens et plasticiens, chacun dans sa langue et sa pratique enrichissant l’autre. Quelques noms ? Montaine Chevalier,

Jörg Ritzenhoff, compositeur allemand trafiquant Nietzsche, Odile Darbelley. Tzeni Argiriou qui chorégraphie la guerre civile grecque, Michel Cerda et Miguel Pereira, et pour finir une rencontre avec les metteurs en scène Marie Josée Malis et FM Pesenti, les philosophes Heiz Wisman et Pierre Judet de La Combe, autour du temps au théâtre, et de notre société impatiente… Zibeline, partenaire actif, diffusera sur sa web radio, le 4 décembre à 10h, une émission spéciale : Politique du Temps, l’écart du Théâtre en écho à ce Final Showing… Réalisation : Marie-Jo Dho, Agnès Freschel et Marc Voiry ! AGNÈS FRESCHEL

Try Angle du 21 au 24 nov Klap, Gare Franche, Bernardines 04 91 24 30 40 www.theatre-bernardines.org

Curieux de nos corps Après le premier volet de Dansem décliné en août pour cause de Capitale culturelle (voir Zib 66), le festival de danse contemporaine en Méditerranée reprend de plus belle en cette année capitale. Arnaud Saury a lancé le bal aux Bernardines (voir ci-dessous), et tous les partenaires habituels de Dansem sont là. Au programme on vous recommande en particulier la rencontre entre deux danseuses aux univers différents mais à la présence tout aussi forte : Raffaëlla Giordano et Maria Munoz sont deux artistes précieuses (L’incontro du 4 au 7 déc aux Bernardines). Avant cela, Alessandro Sciarroni inaugure une première collaboration de Dansem avec Aix et son Pavillon Noir (les

14 et 15 nov, voir p 46) avant d’aller créer Joseph, performance technologique, au Théâtre de Lenche (les 19 et 20 nov). Trois danseuses guidées par Marc Vincent joueront avec un corps absent (masculin ?) à La Friche le 21 nov, tandis qu’un autre trio, mixte, de Niv Sheinfeld et Oren Laor poursuivra les 22 et 23 nov la collaboration aixoise. À Klap c’est la portugaise Marlene Monteiro Freitas qui présentera une performance outrageuse le 26 nov, juste avant Balkis Moutashar et son music hall revisité (musique Nicolas Cante). Comme chaque année un petit détour par le

Théâtre d’Arles à mi-parcours, avec Christian Rizzo (voir p 46), puis retour le 11 déc aux Bernardines avec This is not a love story de Gunilla Heilborn… La suite dans le prochain Zibeline ! A.F. Dansem Jusqu’au 14 déc Marseille, Aix, Arles 04 91 55 68 06 www.officina.fr

L’incontro, Maria Munoz et Raffaella Giordano © Andrea Macchia

Intégrale ? Mémoires du grand Nord, suite et fin peutêtre... remaillage, remixage et déminage, c’est dommage ! Arnaud Saury et Séverine Bauvais avaient tracé avec bonheur deux étapes dans ces territoires distants et glacés chers à Jack London, portés par la musique, la danse et la joie de jouer une fantaisie inclassable (voir Zib 60). L’intégrale, annoncée comme telle et dessinant ainsi un horizon d’attente, déçoit un peu en avalant ou compressant les deux premiers volets (dieu merci on retrouve la glacière orange et les oreilles de chien) et en «évitant» les formes nouvelles ; faire un feu ou faire défaut ? On a l’impression que le spectacle recule (il ne s’agit pas de régression !) devant un engagement possible dans une autre énergie. Les voix résonnent dans la solitude glacée du plateau des Bernardines et les corps courent encore mais c’est le champ sonore qui occupe le devant de la scène ; Alexandre Maillard muscle ses interventions musicales, réussies d’ailleurs, et nouveau venu, Manuel Coursin crée une ambiance septentrionale en jouant avec des sons infimes : la chemise à

Mémoires du Grand nord, Mathieu ma fille Foundation © Julian Blight

carreaux sèche ou gèle devant le micro et ça craquelle, l’allumette fait son petit feu dans sa petite boîte et ça crépite... bref la flambée de bouts de ficelle réchauffe mais pas tant que ça ! MARIE JO DHÔ

Mémoires du Grand Nord (Intégrale), création de Mathieu ma fille Foundation, a été donné aux Bernardines, Marseille, dans le cadre de Dansem et de la Semaine du Genre le 9 novembre


© Agnès Mellon

Un PIC de création

L’Ensemble Télémaque a désormais un magnifique outil de travail : le Pôle Instrumental Contemporain, à l’Estaque, lieu de résidence de la musique contemporaine, de passerelles entre compositeurs, de rencontres avec le jeune public. Un acte politique, si l’on en croit la présence des représentants des collectivités : Pascale Reynier, adjointe à la culture des 15e et 16e arr. qui souhaite une politique culturelle de qualité dans un secteur cher à Samia Ghali qu’elle représente ; Daniel Hermann, adjoint au Maire, qui vante les superbes aménagements culturels de la ville, et loue les qualités techniques de cet espace moderne ; Michel Vauzelle, qui parle de bras tendus aux quartiers populaires, mais pointe la diminution des budgets culturels ; et René Olmeta, vice-président du CG13, qui renouvelle son indéfectible soutien à Raoul Lay, directeur de Télémaque. L’absence de l’État dans le financement de l’équipement était en revanche manifeste. Place à la musique : le programme très éclectique, créé en janvier aux ABD (voir Zib 60) est dominé par l’immense talent de Brigitte Peyré qui, dans des performances théâtrales et vocales incroyables, électrise le plateau, joue mille personnages en quelques lignes. L’univers cocasse (Max Lifchitz, Three songs pour soprano et trompette), ludique et tonique (Georges Aperghis, Récitations), est entrecoupé de respirations instrumentales des excellents percussionnistes Gisèle David et Christian Bini (Kagel, Rrrr). Gérard Occello, trompette sensible, est le double de la soprano. Les sons tuilés entre chant et cuivre sont magiques, respirent… La mise en scène intelligente d’Olivier Pauls joue sur l’écoute, dans un perpétuel échange de sons et

de mouvements, pour une marche militaire endiablée (Lifchitz : Do animal think), une Sequenza de Berio survitaminée où la voix impose aux musiciens loufoqueries et drames. La Récitation n°11 Comme ça est un moment de douce folie. Le public est conquis dans cette belle salle en bois clair, à l’acoustique chaleureuse. Mais l’actualité de Télémaque ne se confinera pas à l’Estaque : un grand concert de l’ECO à la Criée le 19 nov (voir Zib 67), Schuberman(n)ia au Toursky le 6 déc, où l’on retrouve Raoul Lay, compositeur, dans l’une de ses plus belles pièces… et Bon anniversaire Max ! (voir p56) qui tourne dans la région. YVES BERGÉ

À venir Bon Anniversaire Max ! le 5 nov à 14h et 20h30 PJP, Le Revest-les-Eaux 04 94 98 12 10 www.polejeunepublic.fr le 12 déc à 10h et 14h30 Cinéma l’Alhambra, Marseille 04 91 03 84 66 www.alhambracine.com Symphonies électriques des nouveaux mondes le 19 nov La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com Les Mardi du PIC : ensemble Yin le 26 nov Le PIC, Marseille 04 91 39 29 13 www.ensemble-telemaque.com Schubertman(n)ia le 6 déc à 21h Le Toursky, Marseille 0 820 300 033 www.toursky.org 04 91 39 29 13 www.ensemble-telemaque.com


Bleu ! © Ilaria Costanzo

18 J E U N E P U B L I C

Plaisirs de vacances

L

e temps fort jeune public de MP2013, Cahier de vacances, a battu son plein pendant les deux semaines de vacances de Toussaint (cf Zib’ 67). Au MuCEM, les enfants sont venus en nombre participer à différents ateliers, et assister (parfois plusieurs jours de suite !) aux représentations qui leur étaient proposées gratuitement. Le 2 novembre, ils ont ainsi découvert les marionnettes de la Compagnie Théâtre populaire du Yourtistan, dans une croustillante aventure : Le sort de Karagöz. Personnages iconoclastes pleins d’autodérision et mélange savoureux des accents (italien, marseillais, du bled, pied-noir...) assortis de quelques gros mots ont emporté l’immédiate adhésion du public. Que les personnages menacent le manipulateur de marionnettes de faire grève, ou que l’un des héros claironne «Moi, par solidarité, je laisse le travail à ceux qui en ont vraiment besoin !», on sentait la fibre subversive des jeunes générations agréablement titillée... Le lendemain, en collaboration avec La Baleine qui dit «Vagues», c’est un artiste bilingue (italien/ français) qui régalait l’assistance de ses récits gigognes inspirés du Conte des contes de Giambatista Basile. Sam Cannarozzi, piochant dans le Decameron de Boccace par-ci, les proverbes napolitains par-là («Si vous cherchez ce que vous ne devez pas chercher, vous trouverez ce que vous ne voulez pas trouver») réussissait -malgré quelques ratés de traduction- à embarquer avec panache son public dans la tradition sicilienne.

Surprises, découvertes et amusement !

Au théâtre Massalia, le 22 octobre, La Compagnie Skappa ! & associés a réussi à plonger les explorateurs d’un soir au cœur du XVe siècle à travers une histoire habilement ficelée tirée du roman de Norberto Cenci Il

re populaire du Yourtistan Le sort de Karagoz © Cie Théât

Mondo senza il Tutto. Le comédien Fabrizio Cenci tire les cartes de ce conte fantastique aux multiples facettes à travers les aventures de l’indien, celles de la jolie Bella ou la découverte du monde d’un enfant né en 1492... Véritable mise en abyme, Qui découvre qui ? s’appuie sur un jeu d’ombres et un décor animé par la projection de sublimes dessins aux traits fins. Des petits détails de narration et d’ambiance qui transforment ce récit aussi imaginaire qu’historique en un moment d’éveil et d’enchantement pour ces explorateurs d’un soir, qu’ils soient petits ou grands !

Vêtus de chemises colorées et scintillantes, les trois chanteurs et musiciens de ZUT ont fait vibrer petits et grands, le 30 octobre au théâtre du Gymnase. Ces rockers-conteurs élaborent des mélodies entêtantes et vitaminées, soigneusement articulées sous la forme de comptines aussi divertissantes qu’éducatives sur des rythmes rock, reggae, funk, rap... Du 2 au 9 novembre, au théâtre Joliette-Minoterie, la compagnie TPO embarque les enfants pour un voyage ludique et interactif au cœur de la Grande Bleue. Dessiner sur le sable, écouter la musique d’un coquillage ou poursuivre une étoile de mer, tout devient possible grâce à un espace scénique à la pointe de la technologie : vidéos-caméras, micros et systèmes sensoriels actifs en fonction des mouvements effectués sur la scène. Des prouesses techniques qui transforment les enfants en petits aventuriers, à la fois acteurs et spectateurs. Ils partent, chacun leur tour, à la découverte de l’univers marin en emboitant les pas d’un voyageur perdu guidé par une belle et mystérieuse sirène. La mise en scène de Bleu ! est subtilement calibrée entre les chorégraphies virevoltantes des deux héros, et les instants où les enfants entrent en dialogue avec le décor pour vivre un moment d’éveil au monde aquatique inoubliable. Autant de spectacles qui ont permis de vivre à travers la musique, le théâtre ou la danse des moments d’apprentissages, de découvertes et d’éveils culturels à partager en famille. GAËLLE CLOAREC et ANNE-LYSE RENAUT

La manifestation Cahier de vacances s’est déroulée du 16 octobre au 10 novembre dans divers lieux de la Région PACA Bleu ! est joué à l’Olivier, Istres, le 20 novembre à 10h et 15h et à la Colonne, Miramas, le 16 novembre à 10h



20 D A N S E

Triple Axel © Agnès Mellon

Stimmlos © Agnès Mellon

Klap Klap Klap Bravo à Michel Kelemenis et à son équipe pour ces questions de danse passionnantes et généreuses !

L

e Klap a deux ans, et l’on se demande comment la danse régionale vivait sans… 24 compagnies ont trouvé, du 8 au 31 octobre, un lieu pour répéter, fabriquer, questionner, partager entre artistes, et montrer au public leur travail, dans des conditions professionnelles et une grande convivialité. Une initiative qui fait honneur à ceux qui l’ont portée, et montre à quel point la création chorégraphique est riche et variée dans notre région. Après Fana Tshabalala, Ex Nihilo, Itinerrances et Caroline Bô (voir Zib 67), la Méta-Carpe a proposé un laboratoire mettant en jeu le public le 14 oct, puis la Cie La Parenthèse un spectacle créé en Pays de Loire, fait de récits de vie collectés, de rencontres au bal, avec le très bon ensemble de jazz Paï Paï. La danseuse Julie Compans illumine la scène, pour ce Paso qui fait (trop ?) penser au Bal d’Ettore Scola. Passionné de Wagner, Arthur Perole s’inspire également des poèmes de Baudelaire pour créer un langage scénique singulier grâce à une gestuelle volontairement lente et un dynamisme créé par des changements d’angles de vue. Entre l’abstraction et l’expressivité, c’est le côté le plus noir du romantisme, celui de la passion presque irréversible qui l’intéresse dans Stimmlos, présenté le 15 oct. C’est ensuite toute l’éclosion d’un être partagé entre sa culture, son éducation et son apparence physique que nous a fait vivre Patricia Guannel avec Lespri Ko. Mêlant la danse classique, contemporaine ou traditionnelle, elle évoque une palette de sentiments avec une sensibilité extrême et une technique implacable. Le 18 oct, le public est propulsé dans une émission de radio consacrée au folklore autrichien. Avec I’m from Austria, like Wolfi !, le chorégraphe et interprète autrichien Christian Ubl pose avec beaucoup d’humour la question de l’identité d’un pays dans une Europe qui se voudrait uniforme. Dans Themselves Jean-Jacques Sanchez bouleverse les rapports à

l’espace, aux mouvements et aux émotions, entre les danseurs et le spectateur présent sur scène. Une façon de traiter de manière atypique la notion de proximité et du rapport à l’autre. Le 19 oct, le chorégraphe Nans Martin s’interroge sur la thématique de l’errance dans Muô. Guidées par la musique de Sylvain Olivier, les deux danseuses improvisent une chorégraphie qu’elles vivent comme «un travail sur une sorte de fenêtre toujours ouverte». Enfin, Mathilde Monfreux a offert une performance physique et artistique étonnante lors de la présentation de Last Lost Lust. Entièrement nue, elle sort dans un tourbillon de violence, d’épuisement et d’exaltation de cette enveloppe molletonnée et immaculée de blanc. Au sol comme dans les airs, elle enchaîne des allers retours époustouflants, oscillant, parfois brutalement, entre cet état de chrysalide protecteur et celui d’une effrayante liberté. Le 22 oct Yendi Nammour proposait un solo mettant subtilement en scène sa dualité, et comment l’orient s’empare de son corps contemporain comme une mémoire ancienne qui reviendrait en elle. Puis la cie Dodescaden présente un bout de projet très abouti, qui évoque la rue et l’errance, la précarité, en plongeant dans le déséquilibre, le son saturé, des journaux jonchant le sol, faisant naître des Rues intérieures très fortes. Le 25 oct, Montaine Chevalier reprenait des extraits de D’assise, créé l’an dernier aux Bernardines (voir Zib 58), tandis que Ex Nihilo renouvelait son écriture en retrouvant la scène, délaissant la rue dans Mashy. Le 28 oct Sébastien Ly danse C2I, Circulations 2 Isohélie, un solo déroutant, intime, retenu, contrastant avec le discours extrêmement labile qu’il tient ensuite pour l’expliquer… tandis que le duo de Samir El Yamni, travail en cours, propose déjà de belles rencontres entre les corps. Le même soir Wendy Cornu dirige Ellipses, une pièce en cours elle aussi : ses danseurs obéissent à des contraintes très précises, aléatoires dans leur succession mais extrêmement déterminées, donnant aussi à voir comment des corps libres obéissent… Le 31 oct les Questions trouvent une conclusion en apothéose. Les élèves de la classe option danse de l’Ecole Bellevue ouvrent le bal avec Triple Axel, une création sur le sport. Le plaisir de voir danser

ces enfants, tous d’origine africaine, est un peu terni par la tendance très nette des garçons à frimer, et des filles à rester derrière. Peut-on lutter contre ? Il le faudrait, si on veut parler d’éducation du corps… Puis trois pièces courtes : le solo My Way de Kelemenis, rituel sacrificiel porté par la grâce de Claire Indaburu, qui finit sous un voile blanc comme un linceul ; un duo de Christian Ubl, dynamique ; et la reprise réinventée d’un petit bijou de Bagouet, ironique pastiche de la corrida et du Paso, délicieux. La soirée se conclut par un bal rouge, où le public danse enfin, ensemble, avec les artistes. AGNÈS FRESCHEL et ANNE-LYSE RENAUT

Les Question de danse ont été programmées du 8 au 31 octobre au Klap, à Marseille


La Semaine du genre, une des dernières productions de MP2013, est restée relativement confidentielle (voir également p 16). La soirée d’ouverture au MuCEM donnait pourtant l’occasion, très pertinemment, de relier le féminisme et la cause lesbienne, souvent occultée médiatiquement par l’homosexualité masculine. Une performance de Cécile Proust qui rappelle le refus de la domination masculine et du modèle du couple hétérosexuel, explicite les catégories butch fem, l’évolution du terme queer, s’amuse à jouer au Drag King, interroge le désir de masculinité. Tout ça avec drôlerie et force extraits vidéo parfaitement calés et choisis, et une manière d’inclure le public dans la démonstration à la fois intrusive et sympathique ! Au 3bisf en revanche ça ne parlait pas. La création de Germana Civera s’avéra particulièrement obscure. Au sens propre -long noir, ombres qui passent, litanies de noms, interminable marche silencieuse, tentative de contact ratée… Puis soudain, après ces tableaux sans sens, un autre particulièrement réussi, autour d’une table dressée, où un jeu autour de verre d’eau permet de faire circuler le désir entre femmes, entre hommes, entre hommes et femmes. Après cela encore un tableau mal rythmé,

La biennale 2013 des arts urbains en Vaucluse a tenu sa 9e édition du 15 au 24 octobre. Cavaillon, Le Thor, Avignon, Apt, Monteux ont accueilli et fait circuler, à bord d’un collectif cohérent de 9 partenaires à géométrie variable (et sans financement dédié, chaque structure programmant indépendamment), les artistes issus des cultures urbaines, du b.boying (ou danse hip hop) au graffiti, du DJing au Human Beatbox, et également des ateliers d’initiation. À l’Auditorium Jean Moulin, au Thor, la Cie Alexandra N’Possee a présenté Anima, mêlant arts numérique et danse hip hop, destiné aux enfants dès 6 ans. Si le jeune public a pu s’émerveiller de l’incessant bouillonnement d’images projetées, de marionnettes articulées, de jeux d’ombres ou de duels virtuels, la quête du jeune Zao se perdait malgré tout dans les corps des 10 danseurs dont les performances techniques souffraient d’imprécision et s’emmêlaient dans les filets virtuels. À force de multiplier des tableaux disparates qui n’en finissent plus, tout comme la musique sans véritable homogénéité, cette rencontre du monde de l’animation et du monde réel a du mal à résister à l’effet «jeu vidéo» abrutissant. A contrario, la compagnie Stylistic dans À ton image, au théâtre Golovine, à Avignon, a su cultiver la sobriété et la maîtrise technique pour donner du sens et colorer le mouvement. Ici, l’utilisation des arts numériques interactifs (sons, images, et vidéo créés en direct, avec un système basé sur la détection du mouvement) par le musicien Damien Traversaz, ont servi le propos pas forcément novateur de la quête des racines, surtout en hip hop, mais en empruntant un chemin pour le coup inventif et passionnant, et quasiment indétectable techniquement. Clarisse Veaux, dont la danse, entre contemporain et hip hop, se fortifie à chaque création, jouait du clair obscur et de la félinité pour aboutir à sa recherche personnelle en interaction parfaite avec les médias utilisés.

To B, The real tragedy, Germana Civera © Marc Coudrais (1)

Parler (ou pas) du genre

Vogue le hip hop

21

de morts et résurrections successives, liant désir et pulsion de meurtre. Des images restent pourtant, fortes. Qui complètent bien le théâtre documentaire et mutin vu en ouverture ! A.F.

La semaine du genre s’est déroulée du 2 au 10 novembre à Marseille

Vertige camusien

DELPHINE MICHELANGELI © Alwin Poiana

Drôle(s) d’Hip Hop au eu lieu dans le Vaucluse du 15 au 24 octobre Anima, Cie Alexandra N’Possee © Renaud Vezinv

Adapter L’Étranger pour la danse pouvait sembler un pari surprenant. Mais Emio Greco et surtout Pieter Scholten l’ont relevé avec brio. La scénographie multimédia est prodigieuse ! Le cadre de scène est fait de centaines d’ampoules qui dessinent les états intérieurs de Meursault, des personnages de BD s’animent sur les murs, les vidéos se projettent avec une précision et une pertinence étonnante, et tout évolue vers l’enfermement final. Car chaque détail est signifiant et conforme au déroulement romanesque, et on ressent comme dans le roman l’énigme des états intérieurs de

Meursault, son désarroi quand sa mère meurt, l’alcool et la chaleur, le dégoût et la mer, Marie, le meurtre, l’absence de remords, le refus du mensonge, et la peur. La danse d’Emio Greco essaie de porter tout cela mais son corps n’est plus tout à fait à la hauteur de ses désirs de chorégraphe : sa danse, si belle quand il l’offre à ses danseurs, manque d’ampleur et de précision, même dans ses saccades caractéristiques, et sa tenue réaliste (chemise, chapeau mou et pantalon) est décalée et peu seyante. En revanche son regard à la fois impénétrable, dur et perdu, porte le vertige intérieur de Meursault avec une vraie conviction ; et la bande son, qui comme la scéno suit pas à pas les étapes clés du roman, contient très peu de mots, et fabrique une musique enveloppante, burlesque quand il va au cinéma, stridente sans excès sous le soleil, comprenant deux signaux majeurs : le coup de feu qui claque, et la sentence qui tombe. Plus qu’une adaptation, cet Étranger est une lecture du roman, une exégèse, qu’on ne peut comprendre sans connaître l’œuvre, mais qui l’éclaire et l’image. AGNÈS FRESCHEL

L’Étranger a été créé au Jeu de Paume, à Aix, du 6 au 9 novembre

D P O A N L SI ET I Q U E C U L T U R E L L E


© Benoît Paqueteau

Transhistoire(s) 22 T H É Â T R E

Les Bancs publics nous font encore voyager et leur festival d’automne à eux, les Rencontres à l’échelle, 8e du nom, ont déjà dessiné à mi-parcours quelques trajectoires qui pour être modestes n’en reflètent pas moins, sinon un état du monde, au moins une géographie tout intime. L’Algérie toujours, en face et en dedans, avec l’histoire en images aigres-douces du photographe de hasard et de nécessité qu’est Bruno Boudjelal, dont l’exposition Jours intranquilles (chroniques algériennes d’un retour) s’est terminée le 26 octobre : quête d’une identité longtemps noyée dans les secrets de famille, travail de reconstruction dans le pays d’origine au milieu d’une décennie bien noire (19932003), et surtout le «je suis photographe» comme mensonge fondateur qui lancera la machine ; le flou, le fragment, le reflet, la transparence obturée et le cadré décalé sont autant de manières de dire «je» ; de petits cartons jalonnent simplement les étapes et dévident une histoire de tourments sans aucun pathos. Le Congo, ensuite; pas celui de Tintin ni celui de Gide ou de Conrad et un peu tout cela avec Éric Vuillard dont Thomas Gonzalez a donné une lecture vive en crescendo sous la houlette de Julie

Kretzschmar : désastres de la colonisation, cruautés distillées par des personnages d’opérette, grotesque des discours et scènes d’autosatisfaction pompeuse sont le fond granuleux et chaotique d’un récit surprenant. D’autres horizons -Egypte, Ethiopie, Iran- vont s’inviter dans ce festival de la Belle de Mai dont l’identité bien affirmée devrait être le garant d’une pérennité pourtant de plus en plus menacée ; fragilisation de la structure (baisse des subventions ; disparition programmée de l’esprit de Babel, la revue des cultures) et questionnements sur le devenir du lieu même dont Julie Kretzschmar, en bonne maîtresse de maison, semble craindre le déplacement à La Friche, préférant à la «clarification du paysage culturel» un ancrage actif dans un quartier qu’il est capital de ne pas déserter... MARIE JO DHÔ

Les Rencontres à l’échelle se poursuivent jusqu’au 16 novembre au théâtre des Bancs publics et à la Friche de la Belle de Mai, à Marseille 04 91 64 60 00 lesrencontresalechelle.com

Deux drôles de zigotos dans la nasse de Tarkos

La dernière fois que Christophe Tarkos nous avait éblouis, c’était avec L’Argent, mis en bouche par Stanislas Nordey et Akiko Hasegawa, éblouissants (Zib’56). C’est dire si notre attente était grande en découvrant la création du Cabinet de Curiosités, Au bord de la nuit#2, à partir d’extraits de Caisses, Carrés, Processe, PAN et Je veux être la fuite ! La sensation de faire corps avec la «pâte-mot» de Tarkos fut grisante grâce au bel équilibre entre la musique, la vidéo et les mots mis en scène et scénographiés par Alexandre Dufour, et à l’énergie totalement maitrisée des acteurs Mathieu Bonfils et Laetitia Vitteau. Tous deux invitèrent à une lente plongée dans l’univers textuel de Tarkos et l’imaginaire formel d’Alexandre Dufour, aquatique et sensoriel. Aux premières lueurs, raides comme un I au pupitre, en

smoking noir, ils déclament, sourire figé aux lèvres ; un jeu sobre, comme parfait contrepoint à la structure insaisissable des poèmes et à la folie des mots. On perçoit les blancs, les silences et même la ponctuation. Mais la plongée n’est pas de tout repos, les voilà embarqués dans un souffle puissant. Chacun avale les mots, en dedans, pour mieux les recracher. Des phrases décousues. Des glapissements, des cris, des jappements, vociférations, injures, exclamations, beuglements, leur corps pétri des mots de Tarkos. Ils jouissent de leur état de mot. Ils se balancent les mots à la face comme ils se jettent à l’eau. Et c’est trempé de la tête aux pieds (baptisés ?) qu’ils terminent leur course folle. Quinze jours seulement après avoir été imprégnés de son écriture : bravo, beau tour de force ! M.G.-G.

Au bord de la nuit#2 a été donné les 5, 6, 7 novembre au Théâtre du Rocher, La Garde

Un tel État de

délabrement…

Le 21 mai 1975 : première représentation allemande du Président de Thomas Bernhard à Stuttgart. Ironie du temps, le même jour s’ouvre dans la ville le procès de quatre dirigeants de la Bande à Baader… Quand le Président se planque par peur des attentats, la Présidente déclame haut et fort : «ambition, haine, rien d’autre !», animée d’une folie qui lézardera sa vie. Au texte féroce, cinglant et corrosif sur la soif du pouvoir et des honneurs, l’aveuglement des élites, la corruption, l’asservissement des peuples, Michel Raskine répond par une mise en scène au couteau, et les acteurs Marief Guittier et Charlie Nelson par une interprétation magistrale. Bouche tordue par la haine, yeux injectés de sang pour elle, fausse bonhommie et lente gestuelle pour l’autre : chacun soliloque, chacun rit d’un rire répugnant, chacun entonne le chant du désespoir (le texte de Bernhard est une longue complainte faite de troublantes répétitions), leurs «monologues» faussement interrompus par leurs dialogues imaginaires avec des marionnettes, poupées de chiffon aussi muettes qu’inertes. Jamais elles ne pourront leur renvoyer à la face toute leur médiocrité, leurs bassesses et leur désir de vengeance ! La peur de guets-apens fomentés par les anarchistes les rend tour à tour hystériques ou apathiques, enclins aux jérémiades ou aux atermoiements, sans cesse aux aguets, surtout face aux artistes qui «sont aussi des graines d’anarchistes !». Ultime pirouette de la pièce, l’oraison funèbre du Président victime de l’attentat tant redouté : c’est sa marionnette que l’on met en terre devant sa veuve éplorée… MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Le Président a été joué le 18 octobre au CNCDC Châteauvallon, Ollioules © Loll Willems


L’Algérie sous

toutes ses formes

En attendant Godot est un grand texte de théâtre. Qui demande de la modestie au metteur en scène, parce que les didascalies de Beckett sont si précises qu’elles laissent peu de place à l’invention ; exige une mécanique implacable des acteurs, parce qu’ils ne savent pas ce qu’ils peuvent signifier ; laisse le spectateur pantelant, parce que ce monde est noir, malgré le rire, et que le réel jusqu’au langage y est constamment, et dès l’entrée, détruit. Un monde post-apocalyptique imaginé après la guerre, en proie à une déshérence métaphysique et pratique -les objets y disparaissent, et tout fait mal, des silences aux chaussures, et au temps qui ne passe pas. La mort y est la seule délivrance envisagée, avec la nuit, dans un paysage où les arbres sont nus et où un faux Dieu qui s’appelle Godot maltraite son berger et rate ses rendez-vous. La mise en scène de Marion Coutris respecte la lettre : la pierre, l’arbre, les quelques accessoires sont là, tels qu’on

les attend, dans un espace presque vide est quasiment fermé. Les personnages sont des clowns, maquillés, dérisoires et mités. Mais la présence humaine de Christian Mazzuchini ajoute de la chair à Didi, et Serge Noyelle en Pozzo rage et fait ronfler ses phrases. C’est surprenant, et du coup des relations humaines se tissent entre eux, de la tendresse, de la domination et de la peur, des liens, et comme une psychologie, étrangère au texte, et là pourtant sousjacente. Une lecture inhabituelle, peut-être à contresens parfois, mais cohérente, et qui fait poindre l’espoir que l’humanité n’a pas tout à fait disparu… AGNÈS FRESCHEL

À noter En attendant Godot se joue jusqu’au 23 novembre. Prolongation probable… Théâtre Nono, Marseille 04 91 75 64 59 www.theatre-nono.com

Des hommes ordinaires

Michel Schweizer a une façon bien à lui d’envisager le spectacle vivant, et les champs disciplinaires qui s’y réfèrent habituellement. Pour déjouer les attentes préconçues, et construire un espace de création qui désacralise la représentation, il réunit sur scène des savoir-faire, des compétences qui «redynamisent le public dans un degré de perception, de réflexion qui redonne à voir des fragments du monde […]». Après avoir travaillé avec des chiens et leurs maîtres dans Bleib, des adolescents dans Fauves, il s’intéresse dans Cartel, dont la création a eu lieu au Théâtre d’Arles, à la danse classique. Et plus particulièrement celle qui a rythmé la vie de Cyrille Atanassoff et Jean Guizerix, deux anciens danseurs étoiles de l’Opéra Garnier, et de Romain di Fazio, jeune danseur de 21 ans en formation. Avec eux, pris dans cette dynamique propre aux spectacles de Michel Schweizer, une comédienne, Maël Iger, et une chanteuse lyrique, Dalila Khatir, sans oublier M. Schweizer lui-même, en directeur de plateau. Il ne s’agit pas tant ici d’une dernière danse, dont les pas esquissés, avec infiniment de délicatesse pour les uns et de fougue pour l’autre, racontent tout le talent passé

© Cordula Treml

Clowns métaphysiques

Le conte, la mort d’un père, le retour au pays de ses racines… Rachid Akbal a le don de retranscrire toutes les émotions vécues par un enfant, Kaci, coincé entre deux cultures, loin des clichés communautaires. Le premier volet de la Trilogie Algérienne, Ma mère l’Algérie, est un hommage vibrant à la «terre-mère». Sur scène, Rachid Akbal plonge le public au cœur des montagnes Kabyles, à travers un conte traditionnel raconté par la mère de Kaci. Toutes les épreuves traversées par l’héroïne sont des fenêtres ouvertes sur l’Algérie, son peuple, ses traditions, ses paysages… Dans le deuxième volet, Baba la France, Rachid Akbal ne laisse aucune place à l’imaginaire, la réalité est celle de «l’arrivée triomphale» de Baba, père de Kaci, au «Pays de la chance», du travail harassant au Havre, de la guerre d’Algérie, des désillusions… La justesse du jeu d’acteur, mêlée à la beauté et aux détails du texte, co-écrit par Caroline Girard, abordent de manière subtile et émouvante le parcours semé d’obstacles d’un paysan kabyle venu travailler en France. C’est aussi toute la complexité du statut d’immigrant qui est habilement traité dans le dernier volet Alger Terminal 2. Accompagné par la musique et la voix de Margarida Guia, Rachid Akbal navigue tour à tour entre la jeunesse de Kaci en France, son travail forcé en Algérie, sa rencontre avec une belle prostituée... Le jeu du comédien prend de l’ampleur, ainsi que la mise en scène, grâce aux effets sonores et à la vidéo, un final tel un véritable feu d’artifice d’émotions dont on ne sort pas indemne… ANNE-LYSE RENAUT

La Trilogie Algérienne a eu lieu du 4 au 10 novembre au théâtre de Lenche, Marseille Alger terminal © Régine Abadia

© Didier Olivré

et présent, mais plus «universellement» de transmission qui passera par l’échange qui va se créer sur scène. Il est question alors de «donner une mémoire» en dansant, du plaisir (ce qui donne lieu à une discussion savoureuse et animée entre les «anciens» et le «jeune») d’être sur scène malgré (ou grâce ?) le travail quotidien répétitif et déplaisant, de rencontres avec les plus grands chorégraphes, de chant, de réflexions intimes et en même temps indubitablement générales sur les contraintes de l’âge… Cette communauté éphémère révèle alors un de ces «fragments du monde», avec beaucoup d’humanité. DOMINIQUE MARÇON

Cartel a été créé au Théâtre d’Arles les 15 et 16 octobre

23 PT H O LÉ ÂI T RI E Q U E C U L T U R E L L E


Jean Zay © Celia Vinciguerra

24 T H É Â T R E

Pour que le grain ne meure Il est des travaux qui apparaissent nécessaires, car ils sonnent l’alarme, portent dans une nouvelle lumière des faits, des actions qui parfois ont été «oubliés» par l’histoire officielle. Ainsi celui effectué à partir de Souvenirs et Solitude de Jean Zay (éd. Belin) par Raymond Vinciguerra et Jean-Manuel Bertrand pour la Cie TETRA ART. Jean Zay, ministre du Front Populaire réforme profondément l’enseignement, invente les bibliobus, crée des musées, puis, jugé de manière inique par Vichy, dégradé comme Dreyfus, emprisonné 4 ans, est assassiné par des miliciens en juin 1944. La pièce s’orchestre autour des textes de Jean Zay. Une jeune femme d’aujourd’hui (Nancy Madiou) distribue les tours de parole, interrogeant le passé qui s’anime avec l’homme de Vichy (Michel Grisoni), industriel pétainiste et collaborateur, le jeune milicien (Mathieu Tanguy), le gardien de prison (Michel Panier) ancien de 14. Un panorama de la France sous

l’occupation est ainsi brossé. Jean Zay (Philippe Séjourné), en prison, analyse lucidement les comportements et prépare des réformes qu’il pense pouvoir mettre en œuvre à la Libération. Il reçoit dans sa cellule son épouse et ses deux filles. Le texte de la pièce a été soumis à ces dernières en première lecture. Elles sont d’ailleurs présentes lors de la première au Toursky. Émotion, hommage, un moment fort malgré des longueurs, une action qui mériterait d’être resserrée. Le théâtre s’érige ici en devoir de mémoire militant. MARYVONNE COLOMBANI

Jean Zay a été joué le 17 octobre au Toursky, à Marseille

À venir le 19 nov La Colonne, Miramas 04 90 50 66 21 www.scenesetcines.fr

Entre le soleil et le fleuve

Entre la chaleur du soleil et la fraîcheur des eaux, peu de place pour les compromis… Les Ox vénèrent le Dieu Fleuve, les Iq le Dieu Soleil, tous les ingrédients sont réunis pour l’instauration d’un conflit aussi stupide et destructeur que l’on peut l’imaginer. Les deux grands prêtres antagonistes s’enferment dans l’étroitesse d’une haine sectaire. La fille de l’un sauve le fils de l’autre, éveillant les malédictions paternelles. Les enfants traversent le fleuve, découvrent une île et inventent une nouvelle manière de vivre. La fable est belle, adaptée de la pièce de Jean-Claude Grumberg par la troupe Débrid’arts, dans une mise en scène à la fois simple et efficace de Judith Arsenault. L’utilisation de masques (construits par Patricia Gattepaille) renforce le caractère universel du propos, mais souligne aussi les différents caractères. Les Grands prêtres aux idées monolithiques portent des masques complets, interdisant toute nuance, toute évolution, alors que ceux de leurs enfants, plus réduits, laissent

aux visages la possibilité d’exprimer des émotions diverses. Le spectacle destiné aux enfants ne tombe pas dans un discours bêtifiant, se contentant de mettre en évidence l’absurdité des intégrismes de tout poil. Le jeu des acteurs est empreint de vivacité, de fraîcheur, établissant une jolie complicité avec le public. Ne pensez pas que seuls les enfants se sont régalés ! M.C.

La Bataille, d’après l’ouvrage Iq et Ox de Jean-Claude Grumberg (Actes Sud Papiers), a été jouée les 15 et 16 octobre au Bois de l’Aune, à Aix

À venir le 17 déc Salle Pezet, Le Tholonet www.letholonet.fr le 21 déc Salle Yves Montand, Saint-Cannat 04 42 57 34 65 www.saint-cannat.fr

Hors des c ous

Elle n’a pas froid aux yeux Rouge… Il faut dire qu’avec un prénom pareil, son destin paraissait tout tracé : «Rouge, j’ai pas eu le choix de la couleur […] Rage, passion, Carmen…» La petite fille bout d’une rage exubérante rentrée, chantant à son miroir quelques notes bien senties qui laissent présager d’un avenir violent… Il l’est, dès la disparition du père dans le canapé du salon (!), obligée de vivre avec une mère qui fait ce qu’elle peut mais ne peut endiguer le caractère bien trempé de la fillette qui annonce la couleur : «Je prendrai pas le bon chemin…» Dans cette très libre adaptation du Petit Chaperon Rouge de Charles Perrault, Jeanne Béziers et sa bande du groupe Cordcore (Cie Macompagnie) s’en donnent à cœur joie pour dévoyer un chaperon qui avait tout pour aller contenter sa grand-mère, suivre le chemin tracé par Perrault dans son conte et subir l’effroyable destin qu’on lui connaît… C’était sans compter sur la douce folie de Jeanne Béziers, qui offre une héroïne rebelle aux enfants qui apprécient le danger quand il ne fait que les frôler. La peur peut être jouissive quand l’échappatoire comique n’est pas loin ; mais que se passe t-il si Rouge tombe amoureuse du loup ? Tout ici est mis en musique, des bruitages -pertinents et très réalistes- aux chansons qui racontent la révolte adolescente du chaperon (dont un succulent rap qui explique le sens de l’expression «la bobinette cherra»). Rouge va tracer son chemin bien à elle, quitte à atterrir dans le ventre du loup et ne plus vouloir en sortir parce que «dehors c’est tout pourri»… DOMINIQUE MARÇON

Rouge a été chanté et joué le 29 octobre au Sémaphore à Port-de-Bouc CordCore © Le Bijou


Suite à un accident survenu alors qu’il avait 5 ans, la mémoire immédiate de Stirs n’excède pas 3 minutes. Ses parents l’envoient alors vivre au Japon, un pays «neuf» pour lui, loin d’un quotidien dont il ne comprendrait pas les évolutions. Là, Asaki, sa nourrice, va accompagner chacun de ses pas, réinventant au gré des questions («C’est à qui ça ?», «On se connaît ?», «Elle est où ma chambre ?») une action possible. Mais comment vivre l’éternel recommencement ? Comment fait-on, par exemple, pour sortir de la maison-cocon et aller acheter des fleurs à Asaki ? Le metteur en scène Alexis Armengol met en mots et en images un sujet grave avec légèreté et poésie, créant une scénographie à hauteur du propos : la scène est à la fois maison et rues de Tokyo, et espace d’intervention à vue -projections de vidéos et de dessins (magnifiques) réalisés en direct par Shih Han Shaw- qui démultiplie les pistes de lecture. La mémoire de Stirs (impeccable Laurent Seron-Keller) est alors relayée par des illustrations qui s’effacent au fur et à mesure qu’il les regarde et en prend conscience, et par la voix d’une narratrice-accompagnatrice-complice et chanteuse (Camille Trophème) qui déroule le fil de son histoire, jusqu’à se transformer en fantôme japonais sauveur d’êtres perdus aux chevaux rouges, d’une esthétique japonisante proche du manga. On passe d’une trouvaille à l’autre, dans la peau d’un petit garçon qui a en fait 39 ans, puis… 99 ans. Stirs, tout en naïveté et innocence sauvegardées avance en âge, mais n’aura jamais que 5 ans, pour toujours. DO.M.

J’avance et j’efface a été joué aux Salins, Martigues, le 6 novembre

À venir le 7 fév Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com les 18 et 19 fév Le Jeu de Paume, Aix-en-Provence 08 2013 2013-11-09 www.lestheatres.net

© P. Fabre

© Marie Pietry

Des fleurs pour Asaki

Ce que nous sommes

Qu’est-ce que c’est que d’être une femme noire en France aujourd’hui ? qu’est-ce qu’être un noir Français ? En adaptant deux des ouvrages de Léonora Miano (qui vient d’obtenir le Prix Femina pour La Saison de l’ombre, Grasset), Femme in a City (seconde partie de l’ouvrage Écrits pour la parole, l’Arche) et Blues pour Elise (Pocket), Eva Doumbia met en scène un groupe de femmes, des Afropéennes qui se retrouvent une fois par mois dans un restaurant, le Waliblues, lieu de toutes les mises au point. Derrière des propos complètement anodins et futiles, qui englobent la coiffure, les vêtements, les déceptions amoureuses, le boulot, se nichent des questionnements politiques qui replacent l’afropéenne dans un contexte historique qui continue à la définir aux yeux des blancs : la femme noire française ne peut être que descendante de colonisés ou de déportés. Ce handicap historique elles le vivent au quotidien, invoquant le destin de leurs pères aux «chéloïdes courant le long des cœurs» (cicatrices), les stéréotypes depuis trop longtemps intégrés comme des vérités, en se réappropriant aussi, légitimement !, la Marseillaise et le drapeau Français sur fond de musique soul… Eva Doumbia mixe les disciplines, entremêlant les parties parlées, chantées et dansées à la cuisine, faite sur le plateau. Comme une prise de conscience qui ferait des goûts qui se transportent la métaphore d’une France qui se transforme. Reste que ce spectacle-là éclaire d’une dimension humaine et bien réelle le débat actuel français sur un racisme toujours très présent dans une nation qui «se fantasme blanche, mais ne l’est pas» nous dit Eva Doumbia. Do.M.

Afropéennes a été joué au Sémaphore, à Port-de-Bouc, le 8 novembre

25 PT H O LÉ ÂI T RI E Q U E C U L T U R E L L E


Les enfants de Doisneau

26 C I R Q U E

On les croirait sortis d’une photo de Doisneau ces six mômes facétieux et inventifs qui jouent à la guerre en riant, recréent leurs chemins de traverse et poétisent le quotidien. On s’attend presque à les voir sonner à une porte pour s’enfuir en sautant à cloche-pied. Les jeunes circassiens, parfaitement accordés, du collectif Lapsus ont Six pieds sur terre, composent des numéros au vocabulaire accessible mais totalement réinventés, de véritables petits haïkus acrobatiques en suspension et plein d’humour qui retracent l’insouciance de l’enfance et le goût du jeu. En quelques tableaux éphémères, où se dressent à l’aide de briques

des tours de Pise (infernales), des murailles imaginaires et de délicats jeux de domino, où s’inventent des parties de jonglage et de monocycle sur coquilles d’œuf d’une maîtrise impressionnante, ils réinventent la tradition en toute élégance. Un séduisant travail chorégraphique où les corps, savamment éclairés, prennent le temps d’installer la poésie… jusqu’au surréalisme final jubilatoire. Un collectif prometteur ! DELPHINE MICHELANGELI

Six pieds sur terre s’est joué à l’Auditorium du Thor les 1er et 2 novembre, dans le cadre du Festival Clowns d’Automne, Cirques Divers

Magic fingers

Ils sont huit comédiens-acrobates québécois, unis comme les 7 doigts de la main (du nom de leur Cie), unis aussi par un esprit de troupe dont la complicité sur scène est éclatante. Leur 8e création, la bien nommée Séquence 8, se veut plus théâtralisée que les précédentes, très chorégraphiée aussi, et aborde la rencontre avec l’autre, en invoquant l’amour, la peur, le rejet… avec une profusion de numéros toujours époustouflants de virtuosité, de techniques maîtrisées, et d’acrobaties exécutées en toute décontraction surtout quand il s’agit de tourner en dérision un discours qui deviendrait trop encombrant, celui d’un Monsieur Loyal en l’occurrence, qui ponctue et annonce les numéros. Il y a de la liberté dans ces séquences, des respirations dues à des improvisations longtemps travaillées, et à un mélange de danse/acrobatie, et de performance/poésie qui réinventent le genre circassien. Ce qui rend même les numéros «classiques» infiniment plus intéressants : quand il s’agit d’aller faire tinter à plusieurs reprises une cloche suspendue en haut d’un mat chinois, ou suivre la voltige d’un duo doux-dingue à la planche coréenne (planche à bascule) ; et plus poétique aussi le solo au cerceau aérien d’une des artistes éclairée du sol par un complice resté dans l’ombre, ou le jonglage bluffant de «boites à cigares»… DOMINIQUE MARÇON

Séquence 8 a été donné au Théâtre de Nîmes les 5 et 6 novembre, et au Carré de Sainte-Maxime les 9 et 10 novembre Séquence 8 © Lionel Montagnier

Cie Lapsus © spictacle

À voir les 13 et 14 mars au PJP (Revestles-Eaux), les 17 et 18 mars au Carré (Sainte-Maxime), le 22 mars à Simiane-Collonges

Franck et le silence La Trilogie de Franck, que François Cervantes travaille depuis 1996 (l’année où il est retourné sur les bancs de l’école pour écrire le premier volet, La table du fond), englobe trois points de vue en cascade sur le rapport entre l’école et la famille. Deux acteurs remarquables, Nicole Choukroun et Stephan Pastor, jouent en 3h40 cette performance au plus près du public, où tous les liens psychologiques et les sous-entendus d’une micro société se dramatisent avec finesse et invention. Littérature et théâtre élèvent ici les esprits ; la famille symbolisant le poids, accablant, d’une libération obligatoire. Et silencieuse. Tout part de la disparition de Franck que sa mère Sylvie, pourtant morte d’inquiétude et de solitude depuis 3 jours, ne déclare pas, ni à son père absent ni aux autorités. L’élève de 4e ne rentre plus à la maison mais continue d’aller à l’école, son refuge : «Il est heureux au collège» assurent les profs qu’elle rencontre pour savoir ce qu’il y vit. Pour connaître ce fils qui «fabrique du silence», a rempli le vide de sa vie mais lui reste inconnu. Et qui trouve dans les études son salut. Logique puisque «l’école est faite pour apprendre à quitter ses parents» entend-on ! Vertu de l’instruction, nostalgie de l’enfance, effritement des idéaux, le collégien, qui «a trouvé une autre vie que la vie» en se passionnant pour la littérature, recèle en lui tous les attendus de l’adulte.

Dans le second volet, Silence, se jouent les retrouvailles de Franck et Sylvie dans un bar où l’élève se réfugie. Pour lire. Le public assiste au choc de conscience d’une mère sans mots qui redécouvre son enfant. La rencontre a lieu certes («redis-moi que tu es vivant») mais le dialogue fragile, les liens familiaux comme inopérants. Franck reste muet, délivré «du mensonge des adultes qui lui avaient fait croire qu’ils pouvaient être des parents» par les livres. Dans Le soir, l’intrigue est douloureuse, le drame patent. La maison des parents, étouffante, où tout y est étriqué, abrite le théâtre d’une distension entre deux personnes absentes l’une à l’autre. Les corps s’évitent, tombent, se blessent. Père carriériste, mère à côté de sa vie, s’affrontent entre les mots et les non-dits, la communication ne faisant qu’entériner l’échec. «Franck est enfermé dans le silence», hurle Erick, le père, «les livres n’ont rien à voir avec la réalité, c’est le contraire de la vie». On comprend pourquoi le fils s’y tapit. DE.M.

La Trilogie de Franck s’est jouée au théâtre des Halles, Avignon, les 7 et 8 novembre.

À venir du 4 au 22 février Plateaux de la Friche, Marseille 04 95 04 95 95 www.lafriche.org



Deux soirées se suivent à l’Opéra de Marseille… mais ne se ressemblent pas !

28 M U S I Q U E

La belle «Étrangère» Le 5 novembre, l’Orchestre de l’Opéra est sur la scène, surplombé par son Chœur. Au premier plan, Paolo Arrivabeni fusionne l’attention, mène les musiciens à la baguette. Entouré d’un «plateau» comme on en voit peu, il suit des solistes d’exception au souffle du belcanto. On découvre une «étrangeté» : un Bellini de 1829 intitulé La Straniera dont le livret abracadabrantesque est truffé de coups de théâtre… à pouffer ! De fait, cet opus-là aurait mérité d’être mis en scène : cela aurait rendu plus lisibles les rebondissements, combats, meurtre avorté, procès, quiproquos, doutes et rendez-vous amoureux, suicide, derniers soupirs… Nonobstant, l’intérêt du genre réside dans les voix. Et quelles voix ! Faute du jeu théâtral, elles se concentrent sur la musicalité, le chant pur.

La Straniera © Christian Dresse 2013

La Ciofi se donne corps et âme au personnage de «l’étrangère», ses vocalises fleuries, ses aigus vaillants déclenchent des hourras. Le reste de la distribution est ce qu’on trouve de mieux en France. Que dire de Ludovic Tézier, de sa ligne de chant que nulle syllabe ne brise, des harmoniques kaléidoscopiques de son baryton, puissant et souple, sans chichi, de ses aigus d’airain... Une leçon ! À l’applaudimètre, il l’emporte, suivi par Karine Deshayes, bijou de mezzo à l’expression sensible et la pâte somptueuse. Et la vaillance du ténor Jean-Pierre Furlan, son timbre homogène, ses aigus à saturer la trompe d’Eustache laissent pantois !

Saison

instrumentale

Pour sa deuxième soirée de concert, et ouvrir une programmation instrumentale, l’Opéra de Toulon avait choisi d’accueillir sur scène le violoniste français David Grimal, soliste renommé. Avec un programme symphonique qui lorgnait pour une fois vers une modernité certaine, le public avait de quoi être un peu bousculé dans ses habitudes. À l’exception de la 7e symphonie en ré mineur op.70 de Dvorák créée en 1885, qui pouvait faire figure de classique par son orchestration très influencée par le romantisme germanique, le reste du répertoire provenait exclusivement du XXe siècle. Avec le Concerto pour Violon et Orchestre en ré mineur op.47 de Sibelius, l’orchestre s’aventurait pour une fois dans un vocabulaire musical dense, âpre et rugueux, en avance sur son temps et loin des morceaux de bravoure convenus, trahissant une inspiration moderne aux fulgurances mélodiques parfois proches de l’atonalité. Les passages de soliste offraient à l’invité la possibilité de montrer toute l’étendue de son savoir-faire, ce qu’il confirma dans une remarquable interprétation du deuxième mouvement de la Sonate pour violon de Bartók en guise de superbe bis. À l’opposé de cette musique massive, l’écriture pour orchestre à cordes dans Company de Philip Glass (1937-), éminent compositeur répétitif américain, permit à Giuliano Carella et son orchestre de dévoiler un travail riche sur le timbre et la texture au travers de courts motifs mélodiques récurrents. Souhaitons que ce répertoire y soit désormais plus souvent de mise. EMILIEN MOREAU

Le concert de David Grimal et l’Orchestre Symphonique de l’Opéra de Toulon a eu lieu à l’Opéra de Toulon le 8 novembre David Grimal © Jean-Louis Atlan

…Décevant Schubert Le 6 novembre… on change de division. Le belle prestance et narrateur hors pair, sa voix Paris Mozart Orchestra dessine avec clarté et élégance les mouvements de la 5e symphonie de Schubert, se moule dans le bras ample de Claire Gibault (conjuguant, fait encore rare en France, chef au féminin) pour une direction ne payant de mine, mais au demeurant efficace. On attendait Andreas Schmidt dans un cycle de Lieder de Schubert. Spécialiste du genre,

Hors-les murs Le 21 octobre, le Quintette pour deux violoncelles vaut le détour : l’entrée est libre et l’auditorium des ABD Gaston Defferre fait le plein ! Les cinq musiciens, coutumiers de la fosse de la Place Reyer, font preuve d’une belle

est claire, marque de l’école allemande, mais les aigus sont poussés, dépassé qu’il est par la texture instrumentale dont les transcriptions s’avèrent chargées en fioritures et doublures du chant inopportunes. Il a 53 ans… sa voix en paraît 15 de plus ! JACQUES FRESCHEL

entente, équilibre des registres, rendent au monde schubertien son ambivalente gaité teintée de grise mélancolie… L’altiste Magali Demesse mène la barque, fixant d’un geste poétique la barre expressive, jetant des

sons comme des mots, des rondes accrochées aux portées qu’on se passe d’un pupitre à l’autre… Le 1er violon Alexandre Amedro respire à l’image d’une soprano, donne de la chaleur au chant souverain, virevolte à faire tourner les têtes

au-dessus du souffle tissé par des cordes expertes : Gérard Mortier (2nd violon), Odile Gabrielli & Xavier Chatillon (violoncelle). J.F.



Fiesta

African Jazz Roots

à plein régime Pendant quatre soirées, le Dock des Suds a renoué avec l’ambiance qui a fait sa réputation. Classiques et bonnes surprises de la programmation y auront sans doute aidé

30 M U S I Q U E

Ouvrir la Fiesta des Suds avec IAM était faire le choix d’une double symbolique. D’abord parce que le groupe phare du hip hop marseillais ne s’était pas produit dans sa ville depuis de longues années, à l’exception d’un concert intimiste au Moulin à l’automne 2012. Ensuite parce que le courant musical identitaire à la cité phocéenne a été injustement ignoré par les programmateurs de la Capitale européenne de la culture. Les retrouvailles ont donné lieu à un match à domicile fusionnel pendant lequel la bande à Akhenaton et Shurik’n a déroulé une discographie longue d’un quart de siècle. Plus de deux heures de live avec une présence marquée de la vidéo digne des grands shows à l’américaine. IAM a confirmé sa capacité à allier une mise en scène millimétrée, une écriture exigeante et une proximité sincère avec le public. Une bousculade bon enfant et bigarrée comme seule la Fiesta, à Marseille, sait en proposer. Le lendemain, l’événement était tout aussi gigantesque avec l’escale à Marseille du projet Africa Express. Une épopée marathonienne conçue et dirigée par le Britannique pop-rock Damon Albarn (Blur, Gorillaz) qui offre un voyage sans visa au cœur des tendances musicales actuelles du continent noir. Le défilé sur scène de dizaines de musiciens n’a en rien altéré la cohérence de l’ensemble. La présence d’artistes aussi bien occidentaux qu’africains et sans compétition ni hiérarchie entre des pointures comme Rachid Taha, Matthieu Chedid, Tony Allen et Damon Albarn lui-même, et d’autres à la notoriété moindre dont la pétillante Fatoumata Diawara, font de ce spectacle une œuvre pleine de sens, débordante

ès Mellon Avishai Cohen © Agn

d’humanité, d’en-commun et au message éminemment politique. Africa Express restera incontestablement parmi les grands moments de toute l’histoire de la Fiesta. Les deux moments forts du weekend suivant sont sans aucun doute les prestations, bien que sans comparaison possible, de Skip & Die et d’Avishai Cohen. Les premiers, nés d’une rencontre entre une chanteuse plasticienne sud-africaine et d’un musicien producteur néerlandais, jouent hors catégorie si ce n’est dans celle des déjantés. Électro, pop, hip hop, rythmes latinos… et, cerise dans le cocktail survolté, des textes engagés. On l’avait apprécié dans les jardins du Palais Longchamp l’an dernier, il nous a fait chavirer cette année. En plus d’être un contrebassiste surdoué, Avishai Cohen fourmille d’idées. Adepte d’un jazz métis, il a imaginé cette fois-ci la rencontre de son trio avec un quatuor à cordes très classique qu’il a emmené vers les sonorités méditerranéennes. Une heure d’émotions ininterrompue à son comble lors de son appel au vivre-ensemble entre Israéliens et Palestiniens. À relever aussi le charisme attachant de Féfé, l’énergie sans âge de Kassav et la cumbia chaleureuse de Toto la Momposina. THOMAS DALICANTE

La Fiesta des Suds s’est déroulée les 18, 19, 25 et 26 octobre au Dock des Suds, à Marseille

Le Forum des Jeunes et de la Culture de Berre ponctue régulièrement sa programmation musicale sous les influences croisées des musiques du monde, cultivant une double ouverture vers des cultures musicales particulières et envers un public mélomane accueillant.

Pulsations

Créé en 2010 par le batteur Simon Goubert et le griot/maître de la kora sénégalais Ablaye Cissoko, African Jazz Roots développe moins la fusion des styles comme d’usage dans certaines formations, mais la complémentarité et le dialogue des univers musicaux entre la tradition africaine et le jazz modal de la veine coltranienne. Ce nouveau format, avec Sophia Domancich au Fender Rhodes qui se substitue à l’un des deux tambours sabar (tambour à deux mains dont une avec baguette bois souple) présents dans leur dernier CD (Cristal Records, 2012), en a fait plus que la démonstration. Reprenant plusieurs titres pour offrir aussi de belles échappées improvisées (quelques effets démonstratifs du tambour, un orgue un peu envahissant), les musiciens ont su laisser de l’air et de l’espace entre les temps forts pour des conversations jubilatoires, portés par la pulsion et la pulsation des tricotages rythmiques, des matières sonores, les contrastes des couleurs de chaque instrument, grâce au groove par la contrebasse de Jean-Jacques Avenel toujours présent, notamment sur le souffle vital véritablement incarné par la flûte peuhl d’Ousmane Bâ, surnaturelle, dans un jeu à six sur le mode se perdre/se retrouver au final dans l’intériorité inspirée du griot.

Découvertes

«Ce concert ainsi que ceux à venir d’Antonio Rivas (le 21 nov) et Egschiglen (le 23 jan) s’inscrivent dans une dynamique de découverte de musiciens et de styles musicaux spécifiques. Ils sont associés à une rencontre musicale avec les différents artistes et en lien avec nos ateliers de pratiques artistiques. Ces rencontres sont ouvertes à un public mélomane et plus particulièrement aux élèves des ateliers musique du Forum, ainsi qu’à toute personne pratiquant un instrument» soulignent les responsables du Forum. CLAUDE LORIN

Le concert African Jazz Roots a eu lieu le 18 octobre, hall du Forum des Jeunes et de la Culture de Berre l’Etang © Laurent Ferrigno



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le 16 nov La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

A U P R O G R A M M E T H É Â T R E

Ivan Romeuf en rêvait depuis longtemps. Il met en scène cette pièce de Claudel, jouée pour la première fois en 1912. Une pièce mystique, portée par le sens du sacrifice et la foi, mais aussi une pièce humaine qui met lumière les violences des passions et des amours contrariées. La jeune Violaine est atteinte de la lèpre après avoir donné un baiser de compassion à Pierre de Craon. Son projet de mariage avec Jacques se brise au profit de sa soeur Mara. L’enfant qui naîtra de cette union est ressuscitée par Violaine dans la Nuit de Noël. Servis en partie par de jeunes comédiens issus de l’ERAC et de l’ENSAT, les personnages hors du temps seront portés par la langue claudélienne dont la force évocatrice séduit, même si on n’adhère pas à son mysticisme. Avec une scénographie dépouillée et des costumes colorés au début de la pièce qui s’assombrissent au fur et à mesure de la progression de l’intrigue, Yvan Romeuf veut donner une portée universelle et symbolique à sa création. du 3 au 25 déc Friche du Panier, Marseille 04 91 91 52 22 www.theatredelenche.info le 18 avril Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr

Villégiature De la Trilogie de la villégiature de Carlo Goldoni,

Thomas Quillardet et Jeanne Candel ont choisi de ne mettre en scène que des deux premières parties, Le Départ et La Villégiature, se saisissant de l’intrigue et de la langue avec humour et énergie pour dresser un tableau drôle et acéré des relations bourgeoises dans l’Italie du XVIIIe siècle. À Livourne en 1761, deux familles s’apprêtent à partir en vacances, entre rires et drames… du 2 au 4 déc La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

© Augustine Aldighieri

Foot théâtral

Certes, le foot est un spectacle en soi, en faire un objet de théâtre instaure un redoublement, une mise en abîme. Dans le cadre de MP2013, le Théâtre de la Mer s’unit à deux théâtres avec lesquels il entretient déjà une longue histoire : ARTA (l’association Rif pour le Théâtre Amazigh du Maroc), et MC (théâtre des Pays Bas). Le foot est apparu comme le lien fédérateur le plus évident, populaire, emblématique, soulevant en même temps les questionnements d’identité et d’intégration. D’ailleurs, les langues des trois pays sont utilisées dans ce spectacle international, «on drible avec un ballon mais aussi avec les langues» sourit Frédérique Fuzibet, directrice du théâtre de la Mer. Confrontation de techniques, de méthodes, travail d’improvisation pour Casablanca, à partir d’interview et du livre du sociologue Christian Bromberger ainsi que de textes poétiques et philosophiques pour Marseille, en lien avec la culture urbaine pour Amsterdam. Tout cela se fond en une création commune où toutes les voix singulières s’entendent. Une belle aventure humaine ! du 15 au 24 nov Théâtre de la Mer, Marseille 09 53 29 03 53 www.letheatredelamer.fr le 26 nov Espace Culturel Busserine, Marseille 04 91 58 09 27 www.mairie-marseille.fr du 16 au 21 déc La Distillerie, Aubagne 04 42 70 48 38 distillerie.theatre-contemporain.net

© Masaaki Tanaka

met la langue des signes à l’honneur. Après des ateliers de sensibilisation, de 11h à 16h, une table ronde réunira Emmanuelle Laborit, comédienne et metteuse en scène, André Meynard, psychanalyste, Agnès Bertin, directrice du Parvis des Arts, et Anthony Guyon, directeur artistique de la Cie ON/OFF sur le thème Des yeux pour entendre, des mains pour parler (de 16h30 à 17h15). Elle sera suivie de la projection du film de Marion Aldighieri, Avec nos yeux (à 17h45), et du spectacle Metroworld de la Cie ON/OFF (à 20h30), programmé par le Festival Sur le Fil.

Macha Makeïeff reproduit à Marseille l’Expérience Japonaise qu’elle avait inventée au Théâtre de Nîmes dont elle fut la directrice artistique de 2003 à 2008. Ce temps fort est «une fenêtre grande ouverte sur la création et l’avant-garde artistique japonaise», qui prend à contrepied les images convenues et les poncifs habituels. Au programme, le 6 déc : la performance physique et visuelle de trois jeunes femmes, Mari Katayama, artiste plasticienne, Mégané, danseuse, et Ann Murasato, musicienne, suivi du concert de Tomari, duo acoustique guitare et chant, et de la danse de Kentaro mêlant hip hop et spiritualité japonaise. Le lendemain, le folklore pop-électronique de Oorutaichi précèdera la danse provocante et sensuelle de Baby-Q, emmenée par la danseuse et chorégraphe Yoko Higashino. les 6 et 7 déc La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

Barbès Café Au bistrot le «Barbès Café», la fête, la musique

et la danse sont au rendez-vous tous les soirs. C’est là que se retrouvent, autour de Lucette, la patronne française, les artistes maghrébins immigrés, musiciens professionnels ou amateurs. À travers ses souvenirs et anecdotes c’est l’histoire de l’immigration nord-africaine qui se dessine, en chansons. Méziane Azaïche rend hommage aux chanteurs, aux musiciens d’ici et de là-bas, avec Lili Boniche, Salim Hallali, la grande Rimitti, Hanifa la «diva punk» kabyle, mais aussi Piaf, Ferré, Barbara... du 22 au 30 nov Le Gymnase, Marseille 08 2013 2013 www.lestheatres.net © Julien Borel

© X--D.R

nos yeux… L’Expérience Japonaise L’annonce faite à Marie Avec Durant toute une journée, le 16 nov, la Criée


Caligula

Nord et Sud dans... Germinal Oubliez Emile Zola ! Ce Germinal-là est l’œuvre d’Halory Goerger et Antoine Defoort, une fresque loufoque dans laquelle ils refont le monde, avec humour et intelligence. Des lois de la physique aux fondements de l’interaction sociale, ils rejouent la naissance d’une civilisation le temps de la représentation, dont le territoire est le plateau de théâtre et les habitants des comédiens : l’occasion de rire de nous-mêmes et de ce que nous produisons... © Letizia Piantoni

Fils d’Agrippine, devenu empereur romain célèbre pour ses frasques meurtrières et ses lubies de dictateur suite à la douleur provoquée par la mort de sa sœur adorée Drusilla, Caligula semble hésiter sans cesse entre désespoir et amour de la vie. Stéphane Olivié Bisson met en scène la version initiale que Camus écrivit en 1941, avec Bruno Putzulu dans le rôle-titre, privilégiant la vision humaine et complexe que développait l’auteur, d’un héros confronté à ses angoisses, monstrueux et vulnérable à la fois, en quête d’absolu.

du 27 au 30 nov Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 www.merlan.org

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les 24 et 25 mars Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02

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les 27 et 28 mars Pavillon Noir, Aix (programmation des ATP) 04 42 26 83 98 www.atpaix.com

du 10 au 14 déc Le Gymnase, Marseille 08 2013 2013 www.lestheatres.net

© X-D.R

Des fleurs pour... © Alain Rico

Celui qui… Celui qui… Clin d’œil à Samuel B est une

création de la Compagnie Éphémère avec des comédiens du Centre d’Art Dramatique pour comédiens différents (le CAD) dans le cadre du Festival La Main dans le Chapeau, organisé par l’association Tétines et Biberons. Sur un plateau de théâtre vide au sol noir, sept comédiens sont en quête de personnage, du texte qui leur permettra d’exister. Le texte de Filip Forgeau, mis en scène par Philippe Flahaut, est parcouru de musiques, de poésie, nous entraînant dans un voyage où de nouvelles réalités se dessinent. On rit, on rêve, le théâtre tisse une toile magique où chacun se laisse prendre. © Lot

Algernon est une souris de laboratoire, dont des chercheurs réussissent à accroître l’intelligence, ce qui les pousse à tenter l’expérience sur le cerveau de Charlie Gordon, un homme simple d’esprit qui devient en peu de temps un génie... L’œuvre culte de Daniel Keyes est adaptée en monologue par Gérald Sibleyras, dans une mise en scène d’Anne Kessler. Gregory Gadebois est Charlie, aventurier hors du commun d’expériences scientifiques. Des Fleurs pour Algernon les 10 et 11 déc Le Toursky, Marseille 0 820 300 033 www.toursky.org

Celui qui… Clin d’œil à Samuel B le 3 déc Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr ©X-D.R

Le spectacle de Jeanne Poitevin et la Compagnie Alzhar, en coproduction avec MP13 (Zibeline 64), s’inspire de l’ouvrage apocryphe d’Albert Camus, Le Premier Homme. Le texte de Camus s’entrelace avec les paroles des gens issus de différents points de la Méditerranée, comédiens professionnels ou pas. La lecture du texte de Camus invite chacun à se plonger dans sa propre mémoire. Ce retour sur soi ouvre aux autres, à l’écoute, à la découverte d’une même humanité. Nord et Sud dans nos histoires le 22 nov Théâtre Henri Martinet, Les pennes-Mirabeau 04 42 09 37 80 www.pennes-mirabeau.org le 6 déc Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr

La barque le soir Le spectacle de Claude Régy, programmé

par les ATP, est une adaptation du texte Voguer parmi les miroirs extrait du roman La Barque le soir de l’auteur norvégien Tarjei Vesaas. Le texte est porté avec une belle simplicité dans un jeu subtil de lumières par l’acteur Yann Boudaud. Accroché à un tronc d’arbre à la dérive, le personnage, à moitié noyé, vogue entre conscient et inconscient. Une exploration poétique des limites, des frontières, du savoir. Spectacle proposé par les ATP d’Aix. du 28 nov au 1er déc Pavillon Noir, Aix-en-Provence 04 42 26 83 98 www.preljocaj.org/

P R O G R A M M E T H É Â T R E


Une fée Tout mon amour Danielle Bré et la Compagnie In Pulverem Reverteris s’empare du roman de Frédéric Boyer qui narre les tribulations d’une très jeune femme vendue par son frère. De l’Est à Vienne, où elle arrive enfin, elle croise les pays défaits, une société à la dérive. Entre les illusions et la réalité, sombre, elle oppose une passivité étrange jusqu’au jour où elle tue Monsieur, celui qui «veillait» sur elle… «Entrons dans les coulisses du monde habité» invite la metteure en scène.

P R O G R A M M E T H É Â T R E

On se souvient avec délices du spectacle Le Voyage sur place d’Alain Reynaud, dans son principe de double lecture, partagée entre l’auteur et l’acteur. C’est sur ce même schéma que le texte de Christian Carrignon Presque Tout l’Univers -en référence à l’encyclopédie pour la jeunesse Tout l’Univers- est mis en scène par Alain Simon, qui lui fait prendre une distanciation jubilatoire. Il s’agit encore ici d’un récit d’enfance, savoureux, à la mode des énumérations de Pérec. Une création attendue, en coproduction entre le Théâtre des Ateliers et le Théâtre de Cuisine… on se délecte déjà ! du 18 au 21 et du 26 au 29 nov et 1er décembre Théâtre des Ateliers, Aix-en-Provence 04 42 38 10 45 www.theatre-des-ateliers-aix.com

Au pied du mur… Depuis sa création en 2011, le spectacle écrit

(et publié aux éditions Voix navigables) et mis en scène par Lazare remporte les suffrages, par la poésie et la justesse de son propos. Il s’agit de l’histoire d’un enfant, Libellule, que l’on voit grandir, des derniers rangs de la classe à la cave de dealer. Aucun jugement, aucun cliché mais une appréhension forte et sensible qui renvoie chacun à ses propres expériences. Au pied du mur sans porte les 21 et 22 nov Salle du Bois de l’Aune, Aix-en-Provence 04 42 93 85 40 www.agglo-paysdaix.fr

Il s’agit du premier texte de Laurent Mauvignier écrit pour le théâtre. La Compagnie Les Possédés l’interprète sous la houlette de Rodolphe Dana, suivant au fil des répétitions les modifications de l’auteur, lui en suggérant parfois. Le sujet, scène traditionnelle de reconnaissance chez Molière -une jeune fille se présente à un couple, affirmant qu’elle est leur enfant disparue dix ans auparavant-, prend un nouveau relief. Si l’un des parents accepte ce retour, l’autre le dénie, met en doute la véracité des assertions de l’enfant retrouvée. Il est question d’amour, de perte, d’ellipses, de vide… l’écriture de Mauvignier y excelle. les 28 et 29 nov Salle du Bois de l’Aune, Aix-en-Provence 04 42 93 85 40 www.agglo-paysdaix.fr le 13 mars Le Forum, Saint-Raphaël 04 98 12 43 92 www.aggloscenes.com

© Giovanni Cittadini Cesi

Presque Tout l’Univers

du 3 au 7 déc Jeu de Paume, Aix-en-Provence 0 820 000 422 www.lestheatres.net

© Jean-Louis Fernandez

C.Carrignon, G.Jolly et A.Simon en séance de répétition © Théâtre des Ateliers

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Sud-Papiers) permet au metteur en scène Charles Tordjman de retrouver l’univers du dramaturge qu’il avait déjà servi dans Vers toi Terre Promise en 2008. Un couple plus vraiment jeune ne trouve plus de quoi s’accorder, la dispute qui ouvre la pièce semble saugrenue : «moi, je crois pas que les fayots font péter !» / «moi je crois !». Onze scènes opposent sur le jeu du crois / crois pas les deux protagonistes, qu’interprètent Pierre Arditi et Catherine Hiegel.

Race El Cid Créée fin novembre 2009 à Broadway, la pièce L’Agence de Voyages Imaginaires s’empare du dramaturge américain David Mamet connaît un triomphe. Elle s’attaque à toute forme de racisme, de discrimination, de préjugés. Sont mis en scène deux avocats, l’un noir l’autre blanc, qui acceptent de défendre un riche blanc accusé d’avoir violé une jeune femme noire dans une chambre d’hôtel. Dysfonctionnements de la justice, rôle pervers de l’argent, relativité de la vérité, tout est passé à la moulinette dans une mise en scène de Pierre Laville avec Yvan Attal et Thibault de Montalembert. du 19 au 23 nov Jeu de Paume, Aix-en-Provence 0 820 000 422 www.lestheatres.net le 26 nov Le Forum, Fréjus 04 94 17 73 70 www.aggloscenes.com les 27 et 28 nov Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com

avec fougue de la pièce de Corneille, dans une version réécrite par Philippe Car et Yves Fravega. Le théâtre se retrouve sur une scène de chapiteau, s’anime d’une musique d’inspiration hispanique, joue entre humour et action. Cette tragédie qui finit bien emprunte autant à Shakespeare qu’à Tarentino. Le spectacle est conseillé à partir de 8 ans. le 6 déc Espace NoVa, Velaux 04 42 87 75 00 www.espacenova.com

© Elian Biachini

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le 18 nov Théâtre Vitez, Aix-en-Provence 04 42 59 94 37 http://theatre-vitez.com

Moi, je crois pas ! La pièce de Grumberg (éditée chez Actes



© Mara Bratos

A U P R O G R A M M E T H É Â T R E

Pour son dernier spectacle comme artiste associé des Salins, Jean-Claude Berutti met en scène Les Femmes de Bergman de Nikolai Roudkovski. Dans une chambre d’hôpital, Ingrid vient de subir une intervention chirurgicale sensée lui rendre sa voix ; elle est réduite au silence, et à l’écoute des soliloques soi-disant bienveillants de Liv, son infirmière, qui plus tard se transformera en Harriet... La référence à l’œuvre et à la vie du cinéaste suédois devient prétexte à une partition virtuose...

le 3 déc Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com

Le Tourbillon de l’amour

Très peu connu en France, Daisuke Miura est un metteur en scène très en vue dans son pays, le Japon, dont le théâtre semi-documentaire, centré sur le sexe, flirte avec l’outrance et la subversion pour témoigner des désarrois d’une génération de trentenaires paumés et complexés. Lesquels se trouvent justement en virée dans un club privé de Tokyo, où ils viennent pimenter leur vie le temps d’une nuit d’orgie. les 27 et 28 nov Théâtre de Nîmes 04 36 66 65 10 www.theatredenimes.com

Les Femmes de Bergman du 14 au 16 nov Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

Inconnu à cette adresse

La Grande et fabuleuse...

Cinq vendeurs, cinq représentants de commerce se retrouvent dans une chambre d’hôtel après leur journée de travail. Deux époques (1968 et aujourd’hui) reliées par une même problématique : réussir ou ne pas réussir sa vente, être ou ne pas être un gagnant. Sans jugement aucun, Joël Pommerat interroge notre manière de nous penser nous-mêmes, de concevoir ce qu’est un être humain, et nos relations.

© ARTCOMART - Victor Tonelli

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L’un est un looser cinquantenaire insomniaque qui veut claquer toutes ses économies pour entrer de nuit au Prado avec ses fils pour admirer les Peintures Noires de Goya, alors que ses enfants préfèreraient aller à Disneyland… L’autre n’a qu’une obsession, affronter Borges, son «père» littéraire tant admiré dans sa jeunesse mais qui ne s’est pas opposé à la dictature militaire en Argentine… sans jamais trouver le courage de l’aborder. Arnaud Troalic met en scène, sur un rythme endiablé, l’écriture provocatrice et crue, mais aussi infiniment poétique, de Rodrigo Garcia.

© Wakano Hikino

Borges vs Goya

Les Femmes de...

La Grande et fabuleuse histoire du commerce les 28 et 29 nov Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

© Laurent Breard

Planète

les 30 et 31 janv Théâtre de Cavaillon 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com © Elizabeth Carecchio

Habitué des salles nîmoises, le Collectif Les Possédés revient à l’Odéon avec Planète, pièce tirée d’un texte d’Evguéni Grichkovets mise en scène par David Clavel et Nadir Legrand. Sur scène un homme, au premier plan, parle aux spectateurs, tandis qu’en arrière-plan une femme, dans son salon, vit sa vie, sans le voir ni l’entendre. Cet homme partage avec la salle ses pensées qui défilent dans une bouillonnante errance mentale. Entre ironie légère et fausse naïveté, Planète est un voyage par la parole, un regard simple et touchant sur la vie. du 20 au 22 nov Théâtre de Nîmes 04 36 66 65 10 www.theatredenimes.com

À l’origine c’est un roman épistolaire, devenu culte, que Kathrine Kressmann Taylor écrivit en 1938. Deux amis, Martin est allemand et vit à Munich, Max est juif et habite San Francisco, échangent des lettres sur fond de montée du nazisme. La correspondance prend peu à peu une orientation idéologique lorsqu’il apparait que Martin se laisse convaincre par l’hitlérisme triomphant… Delphine de Malherbe met en scène Thierry Lhermitte et Patrick Timsit dans les rôles-titres, repris par Charles Berling et Michel Boujenah à Toulon. du 3 au 5 déc Théâtre de Nîmes 04 36 66 65 10 www.theatredenimes.com le 6 déc Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr le 12 janv Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr


de Jean-Pierre Pelaez, écrite en alexandrins «à la manière de Molière» mais résolument contemporaine et originale, est jouée avec une «vraie grande troupe d’acteurs valeureux» : il fallait bien neuf comédiens pour décrire les hypocrites modernes de tout poil et les faux humanitaires médiatiques… et nous faire rire à gorge déployée de ce qui nous désespère. Nouvelle création pour le metteur en scène du Chêne Noir qui souhaite relever le défi de «secouer le ronron culturel qui fait de Molière un sage auteur classique pour révéler sa puissance subversive et arracher le masque des Tartuffes d’aujourd’hui». On lui fait confiance !

Les tableaux... Serge Barbuscia et le peintre Bruno Aimetti

© Bernard Richebe

Le Tartuffe Nouveau Le roi se meurt Mise en scène par Gérard Gelas, la pièce

s’invitent dans le chef-d’œuvre du compositeur Modeste Moussorgski, lui même inspiré par Hartmann, pour un conte musico-pictural interprété par le pianiste Roland Conil, où les tableaux deviennent les acteurs principaux de l’intrigue. Les tableaux d’une exposition les 6 et 7 déc Le Balcon, Avignon 04 90 85 00 80 www.theatredubalcon.org

Moi Dian Fossey

du 14 au 24 nov Chêne Noir, Avignon 04 90 86 74 87 www.chenenoir.fr

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© Manuel Pascual

La Légende noire... À l’occasion du Centenaire de la guerre 14-18,

le 30 nov Opéra du Grand Avignon 04 90 82 81 40 www.operagrandavignon.fr

Le médecin volant

© Bernard Gilhodes

© X-D.R

André Neyton s’inspire de faits réels et d’écrits de grands écrivains français pour évoquer l’affaire du «XVe corps» constitué par des soldats provençaux. Fusillé pour l’exemple, et malgré sa réhabilitation officielle, le soldat O laisse une plaie ouverte. Cette pièce bouleversante et remarquablement interprétée explique pourquoi il n’a pas eu le temps de montrer le courage et la loyauté qu’il s’était promis face à l’ennemi.

P R O G R A M M E

Créée en 2005, la pièce d’Eugène Ionesco remporta deux Molières dont celui du meilleur acteur pour Michel Bouquet. L’immense comédien reprend le rôle du roi tyrannique Béranger 1er, mis en scène par Georges Werler, aux côtés de Juliette Carré, et retrouve son auteur fétiche qui nous entraîne sur les sentiers impénétrables de l’âme dans une réflexion métaphysique sur la vie et la mort. Mise en scène par Gérard Vantaggioli à partir du récit de Pierre Tré-Hardy, Stéphanie Lanier incarne la primatologue Dian Fossey, sauvagement assassinée dans les brumes des volcans Virungas. Une dernière nuit pour retracer le destin d’une vie consacrée aux grands singes, un dernier combat «drôle et sauvage comme un cri» au cœur de l’Afrique et de la nature. les 15 et 16 nov Chien qui Fume, Avignon 04 90 85 25 87 www.chienquifume.com

La Légende noire du soldat O les 5 et 6 déc Chêne Noir, Avignon 04 90 86 74 87 www.chenenoir.fr

Déplace le ciel Troisième volet d’une réflexion menée par Leslie © ECPAD

Confrontation entre drame imaginaire et drame quotidien, la pièce de Molière (l’une de ses premières), mise en scène par Guy Simon pour la Cie de la Mouvance, reprend les codes de la Commedia dell’Arte mêlée à la nécessité de deux comédiens sans-abris de jouer avec les éléments de la rue pour gagner leur vie. Quand l’énergie du désespoir et la dérision servent la mécanique de la farce où le personnage de Sganarelle reste toujours au cœur de la supercherie. le 22 nov Fabrik’théâtre, Avignon 04 90 86 47 81 www.fabriktheatre.fr

Kaplan, Elise Vigier et Frédérique Loliée autour de la question de la femme d’aujourd’hui, en proie aux mots, à la folie et la «normalité», Déplace le ciel est une pièce sur l’amour, le langage, le rêve. Face à la «pensée télé» et les idées reçues, deux femmes se confrontent autour de l’absence d’un être aimé, traversent la séparation et repartent dans la vie et le monde. Rencontre et dédicace avec l’équipe du Théâtre des Lucioles après la représentation du 15 à Cavaillon. les 14 et 15 nov Théâtre de Cavaillon 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com le 19 nov Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com

T H É Â T R E


La balade des noyés Hannibal

les 22 et 23 nov Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr

Elisabeth ou l’équité

© Elisabeth Carecchio

Changer constamment…

© X-D.R

Les enfants... Dans une distance onirique et un kaléidoscope d’images inspirées, loin de toute narration classique, Fabrice Murgia poursuit son questionnement sur la jeunesse et s’attaque au sujet de la dérive sectaire. Spectacle vivant et numérique se côtoient pour dénoncer tout ce qui prive l’homme de sa liberté. Bluffant. Les enfants de Jéhovah le 29 nov Théâtre Durance, Château-Arnoux/SaintAuban 04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr © Mario Del Curto

Autour de fragments autobiographiques de Michel Onfray (montés par Dominique Paquet), Thomas Cousseau incarne le philosophe dans un seul-en-scène puissant qui délivre la pensée en marche «d’un homme d’action décidé à vivre pleinement le présent», selon le metteur en scène Patrick Simon. Un pouvoir de résilience et un art de vivre pour une philosophie pratique qui ne sépare ni la pensée de l’action, ni de l’émotion.

Eric Reinhardt © F. Mantovani

T H É Â T R E

La réunification des deux Corées du 28 au 30 nov CNCDC Châteauvallon, Ollioules 04 90 22 02 02 www.chateauvallon.com

Bernard Sobel adapte l’auteur allemand du XIXe siècle, Christian Dietrich Grabbe, pour se pencher sur le destin tragique d’une figure majeure de l’Antiquité : Hannibal. Le général carthaginois en guerre contre Rome, interprété par Jacques Bonnaffé, défie le sens de l’Histoire et prépare sa sortie dans une succession de scènes hallucinantes.

A U P R O G R A M M E

Le dernier spectacle de Joël Pommerat laisse peu de place à Pyongyang et Séoul, malgré son titre. Dans un univers novateur et jubilatoire, le metteur en scène raconte vingt histoires d’amour. Variation sur le même thème pour un état des lieux à formes multiples, semé d’étrangeté, chacun vivant sa tragédie dans un dispositif bifrontal (scénographie Eric Soyer), laissant le spectateur face à un no man’s land d’humanité.

Changer constamment en lumière et en flamme le 26 nov Le Rocher, La Garde 04 94 08 00 34 www.ville-lagarde.fr

Fable morale tissée par le metteur en scène Frédéric Fisbach et l’auteur Eric Reinhardt (qui signe sa première pièce) sur le monde du travail et le capitalisme. Elisabeth (Anne Consigny), directrice des ressources humaines d’un grand groupe industriel, est au cœur de ce drame hyperréaliste dans lequel elle voit sa vie basculer et son équité bafouée. les 11 et 12 déc Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr

Roméo et Juliette L’histoire d’amour de Shakespeare servie

par le théâtre complet d’Omar Porras, qui allie aisément texte, geste chorégraphique et musique. Pour confronter deux cultures autour de l’urgence du sentiment amoureux, le metteur en scène associe à deux comédiens européens six acteurs japonais, pour «faire émerger un langage propre pour que tout ce qui diffère puisse entrer en dialogue». les 15 et 16 nov CNCDC Châteauvallon, Ollioules 04 90 22 02 02 www.chateauvallon.com

les 27 et 28 nov Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com © Lot

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le 22 nov Théâtre Durance, Château-Arnoux/SaintAuban 04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr

La réunification des...

© Hervé Bellamy

Racisme, violence, sexe, amour, cauchemars, euthanasie, culpabilité… des questions existentielles auxquelles se livre, dans un huis clos corrosif, un tandem improbable qui transporte le cadavre d’un immigré clandestin dans le coffre d’une voiture. Eva Vallejo et Bruno Soulier (qui signe également la musique en direct) mettent en scène le road-movie de Carlos Eugenio Lopez, passant du rire à l’effroi, de l’humour le plus noir à l’émotion la plus ténue.


Roméo & Juliette Le marin Mêlant le cirque, la danse et la vidéo, David Bobée réinvente l’histoire légendaire des amants de Vérone de Shakespeare avec 14 artistes, danseurs, comédiens, DJ et acrobates. Il propose un langage scénique singulier où l’expression du corps est aussi importante que celle des mots. Dans une atmosphère orientale et délibérément contemporaine, Roméo et Juliette se transforment en «héros immémoriaux, tragiques amoureux des temps modernes». le 16 nov Carré Léon Gaumont, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com les 4 et 5 déc Théâtre des Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

Dans le cadre de la deuxième édition de Parole d’Ados, huit élèves de l’option théâtre du lycée d’Altitude de Briançon ont travaillé sous la tutelle de la metteure en scène Lucile Jourdan, pour interpréter la pièce de Marivaux. Encadrés par la Cie Les Passeurs, les apprentis comédiens actualise et pose un regard nouveau sur ce texte du XVIIIe siècle racontant l’expérience étonnante d’isolement vécue par quatre adolescents.

© Christophe Raynaud de Lage

le 30 nov Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberté.fr

Illumination(s) Trois époques, trois histoires, trois destins. Oscillant entre le rêve et la réalité, une dizaine de jeunes hommes, qui ont grandi dans la cité du Val Fourré à Mantes-la-Jolie, ont prêté leur corps, leur voix et leurs mots à Ahmed Madani. Ils dansent, chantent tout en traitant de sujets aussi différents que la guerre d’Algérie, la condition des jeunes des banlieues ou encore l’exil dans des scènes émouvantes et drôles.

✓✓✓ L’OFFICINA PRÉSENTE

© Marc Ginot

9 NOVEMBRE > 14 DÉCEMBRE 2013 ✓✓✓ MARSEILLE AIX-EN-PROVENCE ARLES ✓✓✓

le 19 nov Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com © Francois Louis Athenas

Le metteur en scène, Jean-Claude Fall propose une adaptation vivifiante et dynamique du chef-d’œuvre de Georges Feydeau. Transposée dans les années 50, l’histoire cocasse et folle de l’aristocrate Fernand Bois d’Enghien et de sa maitresse Lucette est rythmée de manière subtile et atypique, notamment par les mélodies de Reinhardt Wagner interprétées sur scène par trois musiciens, et jouées et chantées par une pléiade de comédiens exceptionnels. le 26 nov Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com

La Cie l’Individu, dans une mise en scène de Guillaume Clausse et Florian Haas, interprète la seule pièce achevée, et publiée de son vivant, de Fernando Pessoa. Trois jeunes filles veillent sur une quatrième dans son cercueil, lorsqu’un marin surgit dans l’imaginaire de l’une d’elle. Un jeu de rêves en abyme s’enchaîne, cadencé par la puissance et la beauté du texte poétique de l’auteur. Le marin serait-il réel ? Les 5 et 6 déc Salle Lorraine, Cannes 04 97 06 44 90 www.madeincannes.com

les 19 et 20 nov Théâtre du Briançonnais, Briançon 04 92 25 52 42 www.theatre-du-brianconnais.eu

Un fil à la patte

© Mathieu Bonfils

© Isabelle Fournier

La dispute

INFOS/RÉSERVATIONS :

+33 (0)4 91 55 68 06 www.dansem.org




Les mômes sont de «sorties» !

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Bac à Fouilles

J E U N E

© Alban Halry

P R O G R A M M E

P U B L I C

Cendrillon fille d’aujourd’hui © Guillaume Ledieu

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Jusqu’à la fin de l’année, la programmation du festival Momaix ne désemplit pas et continue de proposer au jeune public des événements artistiques nombreux et variés. Le théâtre Antoine Vitez ouvre ses portes à de jolis spectacles parmi lesquels Bagatelle avec Roland Schumacher dans le rôle de Cornelius, un vagabond qui n’a pour seul bien qu’une drôle de poussette et une histoire qui aborde les problèmes du quotidien comme l’angoisse, le courage, l’argent ou la propriété (les 26 et 27 nov). Juliette, quant à elle, est l’héroïne de La vache sans herbe mise en scène par Agnès Régolo. Autour d’elle, un médecin en détresse, un papa qui a rejoint les anges et une maman étonnante qui insuffle un vent de révolte et une énergie fabuleuse dans l’univers fragile de la jeune fille (le 5 déc). Le théâtre du Jeu de Paume accueille le collectif Hangar Palace pour la présentation de Cendrillon, fille d’aujourd’hui, une manière originale et décalée d’utiliser le conte des Frères Grimm et de Perrault pour parler de la famille recomposée (le 29 nov).

Côté danse, le collectif Via Katlehong Dance est invité au Pavillon Noir. Originaires d’Afrique du Sud, les danseurs présentent un cabaret insolite mêlant chants traditionnels, danses africaines, hip hop ou encore le gumboots, célèbre danse des mineurs en bottes de caoutchouc (du 4 au

7 déc). Au Grand Théâtre de Provence, le théâtre anglais et le hip hop ne font qu’un. Dans Roméos et Juliettes, le chorégraphe Sébastien Lefrançois s’est lancé le défi de retranscrire, à travers la danse et le cirque, toute la puissance des émotions de l’œuvre emblématique de Shakespeare (le 5 déc). L’œuvre de Stanley Kubrick adaptée au langage du corps, c’est une nouvelle odyssée accessible aux petits et grands que propose les 18 danseurs de la Cie israélienne Batsheva Dance Compagny avec Sadeh 21 (du 6 au 7 déc à Ollioules, le 10 déc à Istres, du 13 au 15 déc à Aix). Enfin, le 3bisf présente La part du colibri interprétée par la compagnie Tandaim. Une fable écologique et futuriste dans laquelle le jeune public découvre ce que sera le monde en 2073 quand la Grande Terre peuplée d’animaux aura disparu… (les 17 et 18 déc). Festival Momaix jusqu’au 21 déc Pays d’Aix 04 42 91 99 19 www.momaix.fr

Le Petit chaperon... Flûtt ! Une danseuse, une musicienne et des mini C’est toute l’émotion du conte de Perrault

cerfs-volants… Avec délicatesse, deux oiseaux vivent leurs premiers souffles de vie. Au fil des notes, ils prennent leur envol et affrontent le monde social avec courage et tendresse. La compagnie Piccola Velocità met en scène un spectacle d’éveil qui, tout doucement, interpelle l’univers de l’adulte tout en éclairant la curiosité de l’enfant. À partir de 2 ans.

Le Petit chaperon rouge les 3 et 4 déc (au KLAP) Théâtre Massalia, Marseille 04 95 04 95 70 www.theatremassalia.com

© Hélène Dattler

© Erik Damiano

du 13 au 21 déc Le Lenche, Marseille 04 91 91 52 22 www.theatredelenche.info

qui est mise en lumière grâce à la compagnie Divergences. En partenariat avec le
KLAP, la compagnie propose une création chorégraphique expressionniste et sensorielle. Les mots ne sont plus la clef du récit classique du Petit chaperon rouge. Explosive et légère à la fois, la mise en scène laisse place au corps et aux effets sonores pour provoquer des sensations inattendues chez le spectateur.

Autour d’un bac à sable, Lila Berthier et Claire Leyat se transforment en archéologues drôles, aventurières et curieuses. Au cours de leur fouille, elles font de nombreuses découvertes et racontent toutes sortes d’histoires aussi fantastiques qu’historiques. Rythmée par une musique de Vincent Trouble, la compagnie Qui bout ! crée une comédie pétillante et ludique appréciée des petits comme des grands. À partir de 3 ans. le 22 nov Théâtre du Golfe, La Ciotat 04 42 08 92 87 www.laciotat.com du 4 au 7 déc Le Lenche, Marseille 04 91 91 52 22 www.theatredelenche.info

Kipkappen L’excentrique coiffeuse, Mrs Promptly, enseigne

au plus grand nombre l’invention du célèbre kipkap qui rend chaque client libre et joyeux. Mais un jour, l’arrivée d’un élève très particulier va bouleverser toute sa vie… Pascale Platel et la compagnie belge BRONKS s’emparent d’une histoire imaginaire et captivante pour démontrer subtilement toute la difficulté d’évoluer en tant qu’enfant. Dès 7 ans. Kipkappen (bar bobard) du 21 au 24 nov Théâtre Massalia, Marseille 04 95 04 95 70 www.theatremassalia.com


© Karine Barbier

L’enfant sauvage

E tu ? Oh boy ! C’est le juron préféré de Barth. Irresponsable et maladroit, il avance dans la vie de manière insouciante et terriblement amusante. Le jeune homme refuse de grandir et démontre malgré lui que l’humour est une véritable force. En s’inspirant du livre de Marie-Aude Murail, Olivier Letellier met en scène une histoire bouleversante et attachante qui a reçu le Molière Jeune Public 2010. Dès 9 ans. le 28 nov Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com les 10 et 11 avril Salle culturelle, Simiane-Collongue 04 42 22 62 34 www.simiane-collongue.fr

«En l’an 1800, des chasseurs aperçurent une silhouette humaine… c’était un enfant, un garçon entièrement nu». Considéré comme un monstre de foire et mis à l’écart de la société pendant près de 12 ans, l’enfant sauvage arrivera-t-il à retrouver le goût de la vie et des autres ? La Cie 7e ciel fait renaître chez le public ce sentiment de fascination de l’étrange et du différend qui rassure, questionne et effraye. Dès 9 ans.

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«D’où viens tu ?» C’est une question universelle que se posent les trois interprètes de la Cie Lunasol. Au rythme de la guitare et du chant, ils créent un monde sensible et poétique. Sous la forme d’une «balade musicale d’ombres dansées», le spectacle apporte, grâce à l’éveil artistique, une réponse adressée aux grands comme aux petits dès 3 ans. Programmation par l’association Éveil artistique des jeunes publics.

le 29 nov Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr

les 13 et 14 nov L’Entrepôt, Avignon 04 90 85 59 55 www.festivaltheatrenfants.com

Le chevalier de... Don Quichotte n’a aucun secret pour eux.

20 000 lieues sous... En 1869, le Professeur Aronnax vit une expédition

sous-marine des plus fantastiques au bord du Nautilus. Entre le conte fantastique et le théâtre d’objet, la Cie Imaginaire adapte au théâtre l’œuvre de Jules Verne pour faire revivre au public une fabuleuse épopée emprunte d’un regard précurseur sur le développement durable et l’humanisme. Dès 7 ans. le 10 déc Espace NoVa, Velaux 04 42 87 75 00 www.espacenova-velaux.com le 14 déc Auditorium Jean Moulin, Le Thor 04 90 33 96 80 www.artsvivants84.fr

Tête haute Une jeune princesse abandonnée trouve refuge

Jérémy est différent des autres enfants. Il a les mains et les pieds palmés. Considéré comme une attraction commerciale, seul l’amour de ses parents reste intact. Mêlant les sentiments d’impuissance, d’inattendu ou encore de solitude, toute la richesse du texte de Mohamed Rouahbi est mise en valeur grâce à l’adaptation scénique drôle et énergique de la compagnie Hauts les crânes. les 11 et 12 déc Chapelle des Pénitents Blancs, Avignon 04 90 85 59 55 www.festivaltheatrenfants.com

au cœur de la forêt. Heureuse, elle s’occupe en lisant tous les mots de son dictionnaire qu’elle ne quitte plus. Mais la situation est éphémère et de nombreuses épreuves l’attendent… Joël Jouanneau et le collectif MxM explorent toute la magie de l’association du texte et de l’image à travers un récit initiatique aussi tendre qu’inquiétant. Dès 6 ans. le 29 nov Théâtre de Cavaillon 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com le 10 janv Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com les 18 et 21 mars Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com

le 3 avril Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr © X-D.R

Le chevalier de la mancha le 29 nov 3 Casino, Gardanne 04 42 51 44 93 www.ville-gardanne.fr

Jérémy Fisher © X-D.R

Les quatre comédiens de la Cie Les loups masqués se l’approprient et jouent tour à tour les aventures chevaleresques de leur héros favori. Un récit fantastique auquel se mêlent les mélodies de la guitare, du saxophone, de la flûte et d’instruments surprenants comme le cajon (caisse de résonance) ou le sanzula (clavier en métal).

A U P R O G R A M M E J E U N E P U B L I C


Don Juan mémoire... L’ogrelet Sur la scène, un acteur et une marionnette de grande taille. La Cie Pelmanec pose un regard décalé sur le célèbre personnage de Don Juan. S’appuyant sur un savant travail de dédoublement et de langage théâtral, Miquel Gallardo présente un Don Juan, vieux et épuisé. Il décide de se retirer dans un couvent franciscain. Mais l’heure de l’examen de fin de vie a sonné, comment vivre en paix et délier les nœuds d’un passé si confus… Dès 14 ans.

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© Rosanna Parmeggiani

Don Juan mémoire de moi le 19 nov Théâtre du rocher, La Garde 04 94 08 99 34 www.ville-lagarde.fr

A U P R O G R A M M E J E U N E P U B L I C

Après le succès de C’est pas pareil ! et Quoi ? C’est quoi ?, Carta Mémoria est la dernière création de la Cie Clandestine. Le théâtre de papier n’a plus aucun secret pour Ester Bichucher et Denis Fayollat. Toutes les histoires s’adaptent aux figurines délicates qui n’ont de fragile que leurs corps car les messages véhiculés sont profonds et posent la question du hasard, du libre arbitre ou encore du conformisme et du totalitarisme. Dès 8 ans. le 4 déc Théâtre Durance, Château-Arnoux 04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr les 18 et 19 fév Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com

Zazie et Max Quand Zazie se met à jouer au foot, faire de la

boxe ou dessiner des mammouths, Max n’en revient pas. Est-ce une fille ? Avec humour et légèreté, Baptiste Isaia met en scène un spectacle mêlant le jeu pétillant des comédiennes aux drôles de marionnettes en bois. Adapté de l’histoire de Thierry Lenain, Zazie et Max aborde sans complexe la question du genre et brise les clivages garçons/filles en s’amusant, avec malice, des stéréotypes réservés à chaque sexe. Dès 6 ans. le 11 déc Théâtre du Briançonnais, Briançon 04 92 25 52 42 www.theatre-du-brianconnais.eu

Élevé par une tendre maman, l’ogrelet est pourtant le fils d’un ogre. Il ne le sait pas jusqu’à ce qu’il découvre son attirance pour le sang frais lors de son premier jour d’école. Pour vaincre ses pulsions, il devra affronter trois épreuves. Véritable parcours initiatique, ce conte est le fruit de l’écriture subtile et inventive de Suzanne Lebeau à laquelle s’ajoute la scénographie aussi féérique que dramatique de Marcello Chiarenza. le 19 nov Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatreendracenie.com

Ninna Ô

© Chan

La guerre des boutons

© X-D.R

© X-D.R

Carta Mémoria

Des tranchées de sable aux guerriers tout nus, l’histoire de Louis Pergaud fait rire Gilles Cailleau. Sa mise en scène, c’est celle du théâtre forain : un terrain vague, une fanfare, cinq clowns… La Cie Attention Fragile entraîne le public dans un monde synonyme de gaieté et de liberté où la sagesse et la réflexion trouvent aussi leur place : «Et si les guerres qui gangrènent le monde n’étaient que des jeux de mômes qui ont mal tourné ?» les 15 et 16 nov
 Théâtre Marélios, La Valette 04 94 23 62 06 www.lavelette83.fr
 © Sophie Rigaux

Ninna Ô signifie «fait dodo». La Cie Lunasol invite aux rêves et à la sérénité à travers un spectacle de danse, de sons et d’ombres sur le thème de l’eau et de la maternité. Un univers aquatique et onirique où l’eau est perçue comme «porteuse de mémoire, une mémoire à retrouver» en compagnie des parents le long d’un doux voyage à la découverte du corps, des choses, des goûts ou encore des émotions. Dès 2 ans. le 27 nov Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatreendracenie.com


le 19 nov Carré Léon Gaumont, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com

Et si la jongleuse, le lanceur de couteaux ou l’équilibriste avaient eux aussi droit à la parole. Articuler le cirque de façon à le faire parler, tel est le souhait d’Ivan Mosjoukine. Au cours d’un numéro, comme dans la vie, rien n’est toujours parfait. Il y a l’erreur, la chute, puis le courage mais aussi de la colère et de la passion. Un spectacle vibrant où l’esthétique du cirque rime avec sentiments.

© Ryoko Uyama

débarquent à Sainte-Maxime. Swift ! est un voyage ludique à la découverte de choses étranges et normales, trop grandes ou trop petites, d’univers inconnus et d’horizons toujours plus lointains. Derrière cette idée de démesure se dressent de nombreuses pistes imaginaires menant toutes à la découverte de l’Autre : l’autre culture, l’autre continent ou encore l’autre homme ! Dès 3 ans.

Smashed

© Ivan Mosjoukine

Swift ! De nos jours Les talentueux comédiens de la Cie Skappa

les 5 et 6 déc Théâtre de Cavaillon 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com

© Skappa Associés

le 16 nov Théâtre Durance, Château-Arnoux 04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr

© Happes

Carnages Les clowns les plus célèbres du XXe siècle

VieLLeicht

ouvrent à nouveau les portes du théâtre grâce à la Cie L’Entreprise et François Cervantes. Pipo et Rhum, Dario et Bario ou encore les frères Fratellini invitent le public à vivre une grande fête collective. Ces personnages considérés comme marginaux démontrent qu’ils ont, aujourd’hui encore, beaucoup de choses à partager mais aussi plus de traits communs avec les spectateurs qu’on ne le pense… Dès 11 ans. le 26 nov Théâtre d’Arles 04 90 52 51 55 www.theatre-arles.com le 4 déc Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatreendracenie.com le 3 mai Carré Léon Gaumont, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com

© Christophe Raynaud de lage

Dernière création de la compagnie languedocienne Happés, la pièce en solo VieLLeicht raconte l’histoire d’une femme qui, dans les airs, cherche un espace de liberté, d’abandon de soi ou tout simplement de légèreté. Sous les yeux du public, la circassienne Mélissa Von Vépy devient mi-femme mi-pantin, tour à tour tiraillée entre la rigueur et la vigilance de la marionnette et ses envies d’évasion et de rêveries. du 16 au 18 nov Théâtre La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.com

Après avoir fait le tour du monde, la Cie Gandini Juggling fait une escale au théâtre Durance. La recette de leur succès est un savoureux mélange d’élégance et d’humour très anglais avec lequel les 9 jongleurs élaborent des tableaux cinématographiques en hommage à Pina Bausch.

le 17 nov Théâtre Le Forum, Saint-Raphaël 04 98 12 43 92 www.aggloscenes.com


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École de danse de l’Opéra de Paris les 16 et 17 nov Grand Théâtre de Provence, Aix 08 2013 2013 www.lestheatres.net

A U P R O G R A M M E

Les capacités de l’Espace Nova de Velaux permettent de nouvelles explorations, dont celle du monde virtuel en 3D. Par la magie indéniable de ces images nouvelles, le couple Pietragalla-Derouault nous entraîne dans un univers onirique aux décors mouvants qui semblent tisser d’étranges liens avec les danseurs. Technologie de pointe certes -celle des ingénieurs créatifs de Dassault Systèmes-, mais qui reste au service de l’imaginaire, de la poésie. La danse explore de nouveaux territoires singuliers et émouvants. le 28 nov Espace Nova, Velaux 04 42 87 75 00 www.espacenova-velaux.com

© David Elofer

Orphée et Eurydice les 30 nov et 1er déc Titanic les 21 nov, 7 déc et 14 déc Ballet National de Marseille 04 91 327 327 www.ballet-de-marseille.com

Roméos et Juliettes Le chorégraphe Sébastien Lefrançois et sa

compagnie Trafic de Styles s’approprient avec talent la pièce de Shakespeare, revisite les grandes scènes du bal, de la bataille entre les Montaigu et les Capulets, sans oublier la grande scène du balcon. On abandonne Prokofiev pour le contemporain Laurent Couson, la chorégraphie quitte les petits pas, les pointes et les fouettés pour l’énergie du hip hop de sept danseurs et d’un circassien dans un beau détournement des codes. du 5 au 7 déc Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence 08 2013 2013 www.lestheatres.net

© Matteo Maffesanti

Alors que l’on ne connait pas le successeur de Frédéric Flamand à la tête du Ballet de Marseille, son opéra dansé, véritable bijou chorégraphique, va occuper le plateau et la fosse d’orchestre (les 30 nov et 1er déc). L’opéra de Glück, revisité par Berlioz, semble fait pour la danse contemporaine, ses tableaux évocateurs, le statisme de son chant, les ombres de l’enfer, tout évoque derrière le chant des corps muets qui passent. La scénographie de Hans Op de Beeck est époustouflante, drôle, simple et sophistiquée, atteignant parfois un sublime paradoxal dans les petites choses déplacées… La création à Saint-Etienne (voir Zib’53) fut un triomphe, redoublé depuis à Versailles… Car le plateau vocal est parfait, les danseurs remarquables. La Ballet National poursuit par ailleurs son périple, s’attardant en particulier dans la région en recréant Titanic au Festival de danse de Cannes que Frédéric Flamand dirige (le 21 nov), mais aussi à Ensues la Redonne (le 7 déc) puis Saint-Maximin (le 14 déc) avec des programmes variés. Puis ce sera La Criée, pour la création de Sport fiction…

© Dan Aucante

D A N S E

de Paris, offre pour son tricentenaire -elle a été fondée en 1713 par Louis XIV- un spectacle composé de trois ballets qui rappellent les grandes personnalités qui l’ont dirigée : le Ballet de Faust sur la musique de Gounod, chorégraphié par Léo Staats qui apporte l’esprit classique du début du XXe, Aunis de Jacques Garnier, nourri des influences contemporaines d’Ailey et Cunningham, sur la musique de Maurice Pacher, et le Concerto en Ré de Bach par Claude Bessy qui fut directeur de l’école de 1973 à 2004. Aujourd’hui Élisabeth Platel perpétue la tradition d’excellence de ce vivier d’étoiles.

© Pascal Elliott

© Pipitone

de danse… Orphée et Eurydice École Mr et Mme Rêve La prestigieuse École de danse de l’Opéra

Folk-s…

Les danses folkloriques et plus particulièrement le Schuhplattler, exclusivement masculine, perpétuée en Bavière et dans le sud du Tyrol inspirent Alessandro Sciarroni qui en reprend les rythmes, les techniques -battre ses chaussures contre les paumes de ses mains-. Le martellement incessant s’exacerbe. La danse se fait musique. Y-a-t-il un prolongement à ce type de danse ? Quelle est la place du folklore dans le paysage de la création contemporaine ? Les six danseurs dessinent un présent fort et dynamique. Folk-s, Will you still love me tomorrow ? les 14 et 15 nov Pavillon Noir, Aix 0811 020 111 www.preljocaj.org


Ship of Fools Air Ship of Fools (La nef des Fous), est une pièce singulière qu’interprètent trois danseurs. La chorégraphie de Niv Sheinfeld et Oren Laor reconstruit l’absurde réalité de la vie en Israël. Les trois personnages se côtoient, mais chacun essaie de protéger son propre monde. Un jour pourtant leurs vies vont basculer… Dans ce spectacle, musique, danse, théâtre créent un univers dense où nos rêves et nos cauchemars prennent forme. les 22 et 23 nov Pavillon Noir, Aix 0811 020 111 www.preljocaj.org

Emprunt(e) Poursuivant son attention envers la danse hip

hop, le théâtre Golovine reçoit la compagnie As2danse. Dans ce duo formé par Ludovic Lacroix et Rafael Smadja, la ligne directrice tend à exprimer la complexité de l’identité et illustrer le pouvoir de l’empreinte, caractérisée par la tradition, la famille ou le statut social. Une construction identitaire à partir de la dualité, où chacun entamera un long chemin pour se trouver et se comprendre. Dès 6 ans. le 3 déc Théâtre Golovine, Avignon 04 90 86 01 27 www.theatre-golovine.com

© Gadi Dagon

© Marc Coudrais

Danse et poésie Troisième Escal’à’Thor dans le hall de l’Auditorium Créée à Nîmes, Air est une chorégraphie pour deux corps sonores dialoguant avec un quatuor de chanteurs. Vincent Dupont s’est inspiré d’un film court de Jean Rouch, Les Tambours d’avant, dans lequel l’ethnologue a filmé une danse de possession au Niger, une transe qui révèle, avec le corps et la voix, quelque chose de fondamental. Le public, placé entre les danseurs et les chanteurs, est immergé dans un flux de vibrations visuelles et sensorielles.

Mamela Nyamza… Humour, jubilation, danse virtuose, sans doute les mots clé de la chorégraphie de Mamela Nyamza pour les cinq jeunes danseurs des quartiers de Soweto, les Soweto’s Finest. La danse urbaine et la chorégraphie contemporaine se rejoignent dans un spectacle qui sait dénoncer les travers qui subsistent dans l’Afrique d’après l’Apartheid. Audace, vivacité, puissance… à ne pas manquer !

les 14 et 15 nov Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

Mamela Nyamza et les Soweto’s Finest le 21 nov Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

Voulez-vous danser...

le danseur turc Kerem Gelebek, «C’est l’œil que tu protèges qui sera perforé», traduction du Turc Sakinan Göze Çöp Batar, est un poème sur la mélancolie et l’exil intérieur, deux notions qui les rapprochent. Kerem Gelebek, danseur turc qui a quitté son pays pour venir danser en France et s’installer à Berlin, et Christian Rizzo, comme exilé d’une pièce dans laquelle il se projette par procuration. Avec précision et souplesse, Kerem Gelebek déploie sa danse faite d’ondulations ou de gestes saccadés, d’accélérations et de décélérations, qui donne à voir l’intime tiraillement de soi à soi. C’est l’œil que tu protèges qui sera perforé le 6 déc (dans le cadre du festival Dansem) Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com les 12 et 13 déc (avec Marseille Objectif Danse) Villa Méditerranée, Marseille 04 95 09 42 52 www.villa-mediterranee.org

© Philippe Pache.

C’est l’œil que tu… Écrit sur mesure par Christian Rizzo pour

Octavio de la Roza, ancien danseur étoile de Béjart, raconte son histoire en la liant à celle de l’homme à la tête de chou dans une création forcément très «gainsbourienne», à l’érotisme et la poésie fidèles au chanteur. Dans le style du film Je t’aime moi non plus, mais avec deux danseuses qui l’accompagnent, le danseur se mue en Faune et transforme les chansons de Serge Gainsbourg en danse. Un pari audacieux et réussi. les 29 et 30 nov Théâtre du Balcon, Avignon 04 90 85 00 90 www.theatredubalcon.org

Jean Moulin avec un regard croisé entre la danse et la poésie d’Arthur Rimbaud. Une rencontre originale entre la chorégraphe Françoise Murcia, passionnée par la musicalité du mouvement et construisant des chorégraphies où «elle aime l’idée de ne pas y inscrire tout le sens, de le laisser se déployer dans l’œuvre, pour que naisse la poésie», et Dario Pellegrini, grand amateur de poésie. Entrée libre. le 3 déc Auditorium Jean Moulin, Le Thor 04 90 33 96 80 www.artsvivants84.fr


Les Chants de l’Umaï Clear Tears…

© Karl Biscuit

Avec cette pièce chorégraphique pour 7 danseurs et 3 musiciens, Thierry Smits explore les transpositions formelles d’états d’âmes proches de la saudade, du spleen, dans une danse précise, sans pathos, qui transmet le mal-être, la suffocation, mais aussi une énergie qui traverse et transcende la nostalgie. La création musicale accompagne et mène la danse par la présence des musiciens sur scène.

P R O G R A M M E

© Six mickael

A U

L’Umaï, la matrice de l’univers, le commencement de la terre et du ciel. Marcia Barcellos est cette Umaï, dans un solo conçu et mis en musique par son complice Karl Biscuit, cofondateur du Système Castafiore. Elle interprète cette ode à la féminité, dans un décor qui joue de tous les effets -vidéo, lumières, hologrammes-, au cours de cinq chants, librement réorchestrés à partir de mélodies venues d’Inde ou d’Afrique.

Clear Tears/Troubled Waters le 22 nov à 20h30 CNCDC Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com

le 10 déc Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

Coré est la déesse grecque des Enfers. Fasciné par ce personnage mythologique, Mickaël Six imagine une chorégraphie audacieuse mêlant la danse hip hop et la vidéo. Les danseurs de La Cie Bakhus font face à des ombres mystérieuses et facétieuses créant une dynamique inattendue. Entre le surnaturel et le réel, le spectateur voyage dans un monde aussi étrange qu’envoûtant. Illusion garantie !

Mexican Corner

© Gabriel Ramos Santiago

D A N S E

CTTW © Fabienne Louis

Entre deux & Same same

La cie varoise Kubilaï Khan Investigations présente sa nouvelle création, conçue durant l’été dernier entre le Mexique et la France, une plongée au cœur des violences qui secouent la société mexicaine. Au cri de Mexico Despierta ! (Mexique réveille toi !), Franck Micheletti et son alter ego Aladino Rivera Blanca initient une approche transversale (chorégraphie, musique et vidéo) dans un processus d’échanges intensifs, qui comprend la Danse «comme poésie de l’action».

La Cie Stylistik propose un spectacle en deux parties autour du thème de l’entre-deux cultures. Utilisant la délicatesse et l’énergie de l’écriture chorégraphique du hip hop, Abdou N’gom exprime à travers le solo Entre deux toute la difficulté de se sentir ni d’ici ni d’ailleurs. Dans le duo Same Same, il est accompagné du danseur Sithy Sithadé Ros pour poser la question de la rencontre de plusieurs continents à travers le langage du corps.

les 19 et 20 nov Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr

Debout Raphaëlle Delaunay, chorégraphe, fut aussi l’interprète des plus grands (Roland Petit, Martha Graham, Pina Bausch…). Dans ce solo, qui retrace ses 20 années de danse, elle met en scène des éclats d’anecdotes, et mêle son expérience intime à la grande histoire de la danse avec pudeur et sincérité. le 22 nov à 19h CNCDC Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com

le 23 nov La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.eu

Al menos dos caras

le 6 déc Espace des arts, Le Pradet 04 94 01 77 34 www.le-pradet.fr Cie Stylistik © Clémence Richier

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À l’ombre de Coré

© Pedro Arnay

Le chorégraphe israélien Sharon Fridman crée une valse enivrante où les émotions de chaque danseur s’entremêlent de manière extrême et touchante. Entrainés dans une valse vertigineuse, les deux interprètes entrent en conflit avec l’espace, se laissent emporter par le hasard, chutent, s’éloignent… Autant de situations qui les amènent à s’interroger sur le rapport, parfois viscéral, à l’autre. le 23 nov Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com


Marseille tous azimuts En cette fin d’année, l’Opéra de Marseille fédère les talents et multiplie les formes de concerts

Symphonies electriques © Agnès Mellon

Si l’Orphée et Eurydice représenté Place Reyer est marqué par la création, mise en scène et chorégraphie de Frédéric Flamand, il n’en demeure pas moins que l’œuvre de Gluck (révisée par Berlioz) est un opéra marquant de la littérature lyrique classique. C’est la contralto Varduhi Abrahamian qui incarne le héros parti aux Enfers à la recherche de sa tendre et défunte Eurydice (Ingrid Perruche). Kenneth Montgomery dirige l’Orchestre et le Chœur de l’Opéra (le 30 nov à 20h et le 1er déc à 14h30). Entre le récital du baryton Leo Nucci (le 15 nov à 20h) et le Concerto pour violon et violoncelle de Brahms (le 13 déc à 20h, Pharo), de multiples étapes attendent les mélomanes. Prenez une boussole ! Ces journées sont émaillées, souvent hors-les-murs, de concerts à entrée libre, dans le cadre du Festival de Musiques Baroque et Classique (les 15, 17, 22, 24, 26 nov à l’Église St Michel), comme le traditionnel Concert de Noël avec l’Orchestre Philharmonique dirigé par Fabrizio Maria Carminati (le 6 déc à 20h30, Église St Michel). On attend les Variations Goldberg de Bach (le 18 nov à 18h30, ABD Gaston Deferre) ou l’Histoire du Soldat de Stravinsky pour une mini-tournée (les 26 et 27 nov à 18h à l’Opéra, le 2 déc à 18h au Musée des Terroirs Marseillais à Château-Gombert et le 3 déc à 11h, 15h et 18h aux ABD)… sans oublier les traditionnels récitals du CNIPAL (les 21, 22 nov et 11,12,13 déc à 17h15, Opéra).

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Ça rend fou ? De la musique contemporaine à la folie Beethoven ou la mélodie russe, tout un champ sonore se développe à La Criée !

JACQUES FRESCHEL

Opéra de Marseille 04 91 55 11 10 ou 04 91 55 20 43 http://opera.marseille.fr Leo Nucci © Roberto Ricci

Conjugaison de talents européens, de formations musicales dédiées à la musique d’aujourd’hui, l’ECO (European Contemporary Orchestra) est un formidable outil qui manquait à la création contemporaine. Cette espèce de «Super-ensemble» électro-orchestral, dirigé par Raoul Lay et Jean-Paul Dessy, nous fait découvrir des mondes sonores nouveaux, des créations mondiales ou «premières» en France, d’opus d’Adrian Iorgulescu, Matjin Padding, Ted Hearne, de François Narboni et PierreAdrien Charpy. La mezzo-soprano Yana Boukoff chante Rachmaninov, Tchaïkovski, Moussorgski et Dvorak (dans un programme dit «russe» ?), en compagnie du pianiste Daniel Wayenberg (en partenariat avec le label Lyrinx). Une nouvelle «Folie» sur le Vieux-Port

est planifiée par le Festival de la Roque d’Anthéron qui s’invite, hors-saison, au théâtre dirigé par Macha Makeïeff. C’est Beethoven qui fraye son passage, de salle en salle, à travers la foule qui se presse au gré des douze récitals donnés par une pléiade de musiciens : le Trio Les Esprits, le Quatuor Ysaÿe, la violoniste Marina Chiche, les pianistes Anne Queffélec, Etsuko Hirose et Abdel Rahman El Bacha interprètent un large florilège de sa musique de chambre. J.F. ECO, Symphonies électriques des nouveaux mondes le 19 nov à 20h Mélodies «russes» le 25 nov à 20h La Folle Criée les 29 et 30 nov La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

Trois théâtres… déclinaisons musicales ! Les Talents Lyriques dirigés par Christophe Rousset et la mezzo suédoise Ann Hallenberg chantent du répertoire pour castrat dont une partie (Broschi, Porpora, Leo) fut celui de Farinelli (le 19 nov, GTP). Une «histoire de l’immigration en chansons» avec Barbès Café, cabaret oriental imaginé par Meziane Azaïche (du 22 au 30 nov, Gymnase). La jeune violoniste anglaise Nicola Benedetti et Eric Le Sage au piano interprètent des Sonates de Beethoven, Brahms et Strauss (le 25 nov, Jeu de Paume). Le pianiste Nikolaï Lugansky joue le 5e concerto de Beethoven en compagnie du Royal Scottish National Orchestra (dir. Peter Oundjian) qui interprète également Messiaen et Rachmaninov (le 26 nov, GTP). Le Quatuor Modigliani est l’un des plus grands quatuors actuels : il captive dans Haydn, Beethoven et Ravel (le 10 déc, GTP). J.F.

Quatuor Modigliani © Carole Bellaiche

Grand Théâtre de Provence & Jeu de Paume, Aix-en-Provence Le Gymnase, Marseille 08 2013 2013 www.lestheatres.net

P R O G R A M M E M U S I Q U E


d’Aqui Dub © Clementine Crochet

Les rendez-vous du J4 Quintettes à vent

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À la Villa Méditerranée, le Libanais Zeid Hamdan (guitare, machines) et l’Egyptienne Maryam Saleh (voix) se rencontrent dans l’amphithéâtre situé sous l’architecture de Stefano Boeri (le 15 nov). Au MuCEM, le Trio Aldo Romano/Louis Sclavis/Henri Texier (batterie, sax & clarinette, contrebasse) propose une rencontre jazz «melting-pot» (le 15 nov). Les Syriens Kinan Azmeh et Kevork Mourad imaginent une performance audiovisuelle, autour d’événements contemporains, mêlant musique électronique, vidéo et dessin live (le 29 nov). Les quatre compères d’Aqui Dub se nourrissent du chant occitan, du souffle des Balkans, de rythmiques post-punk… mêlent le bouzouki à l’électro (café-concert le 6 déc). Le guitariste de flamenco contemporain Raimundo Amador se produit en quintette (le 13 déc). MuCEM, Marseille 04 84 35 13 13 www.mucem.org Villa Méditerranée, Marseille 04 95 09 42 52 www.villa-mediterranee.org

Trio russe et poésie allemande

Le traditionnel concert du Festival russe se conjugue aux piano, violon et violoncelle avec le Trio Brahms qui joue Chostakovitch et Tchaïkovski (le 19 nov à 20h). C’est ensuite le romantisme de langue allemande qui est revisité par l’ensemble Télémaque. La soprano Brigitte Peyré interprète Wanderlied de Raoul Lay qui, à l’instar de Bernard Cavanna pour des Lieder de Schubert, transcrit de façon originale, pour l’orchestre, le cycle des Dichterliebe (Amours du poète) de Schumann. Autant de poèmes chantés par le baryton Fabrice Mantegna (Schubertman(n)ia, le 6 déc à 21h). Le Toursky, Marseille 0 820 300 033 www.toursky.org

Les premiers concerts de la 10e Biennale Internationale de Quintette à Vent s’affichent en région avec les Quintettes à vent (flûte, hautbois, clarinette, basson et cor) de Marseille et d’Avignon, St-Christopher de Lituanie et Arte Combo. On court à Vitrolles (17 nov), Carry (19 nov), Toulon (28 nov), Aix (7 déc), Port-de-Bouc (14 déc)… entre répertoire et créations… pour une suite en 2014. Institut Français des Instruments à Vent Programme complet sur ifiv-marseille.com

C’est le classique mélo-lyrique Madama Butterfly qu’on goûte rue Racine : la jeune geisha abandonnée est interprétée par Ermonolla Jaho, quand son Don Juan d’officier américain est chanté par Sébastien Guèze. Alain Guingal dirige l’ORAP et le Chœur de l’Opéra Grand Avignon et la metteuse en scène Mireille Larroche retrouve l’opus qu’elle créa devant le mur antique d’Orange en 2007 (les 17 nov à 14h30 et 19 nov à 20h30). C’est la harpe d’Emmanuel Ceysson qui dialogue ensuite avec l’Orchestre maison dirigé par Samuel Jean dans un répertoire français : Fauré, Saint-Saëns, Théodore Dubois et la très rare Henriette Rénié (le 22 nov à 20h30), quand, en collaboration avec Musique Sacrée en Avignon, l’ORAP accompagne un beau quatuor vocal pour la Messe en ut de Beethoven et une création mondiale de Martin Romberg (le 6 déc à 20h30). Opéra Théâtre du Grand Avignon 04 90 82 42 42 www.operagrandavignon.fr

Quintette St Christopher © X-D.R

Quatuors et «Arts Flo»

Un dimanche arlésien (le 24 nov) est consacré à Dvorak par le Quatuor Zemlinsky (11h) et Mozart, Christian Lauba et Schönberg par le Quatuor Asasello (15h). Une soirée chante ensuite la France baroque de Lambert, Couperin ou Charpentier, des airs «sérieux et à boire» par Les Arts Florissants de William Christie (le 12 déc à 20h30). Chapelle du Méjan, Arles 04 90 49 56 78 www.lemejan.com

Quatuor Zemlinsky © X-D.R

Pauline Courtin Trio Brahms © X-D.R

Avignon lyrique

Enfant du Pays, Pauline Courtin poursuit une belle carrière en tutoyant les hauteurs dans les rôles d’Eurydice (Offenbach), Le Feu (Ravel), Constance (Poulenc), Despina ou Blondchen (Mozart), Gilda (Verdi), Micaëla (Carmen)… La soprano fait une étape dans son aire natale pour un récital où elle côtoie le baryton Christian Helmer (au piano Anaït Serekian). le 16 nov à 20h30, église de Trets http://13.agendaculturel.fr/concert/trets

Classiques toulonnais

Au pied du Faron, on accueille pour la première fois la pianiste Lise de la Salle dans un programme Chopin, Bach et Brahms (le 19 nov à 20h30, Palais Neptune). Mozart a 18 ans lorsqu’il compose sa Fausse jardinière sur un livret alambiqué, truffé de coups de théâtre et de quiproquos… s’achevant (ouf) par trois mariages ! Et comme c’est celui «de Figaro» que cet opus annonce, on ira l’entendre dirigé par Andreas Spering dans une mise en scène signée Vincent Broussard (les 22 nov à 20h et 24 nov à 14h30, Opéra). Pour leur 100e concert, Les Voix animées (7 chanteurs a cappella) présente une «rétrospective» de leur répertoire (le 30 nov à 18h, Musée d’Art). Nicholas Angelich s’attaque au 3e Concerto pour piano de Prokofiev en compagnie de l’Orchestre de l’Opéra dirigé par John Nelson qui joue également la 3e symphonie de Beethoven et une pièce contemporaine de Schnittke (le 6 déc à 20h30, Opéra). J.F. Lise de la Salle Festival de musique de Toulon et sa région 04 94 18 53 07 www.festivalmusiquetoulon.com La Finta giardiniera & Nicholas Angelich Opéra de Toulon 04 94 92 70 78 www.operadetoulon.fr Les Voix animées (entrée libre sur réservation) 06 51 63 51 65 www.lesvoixanimees.com



À venir à Berre

A U P R O G R A M M E M U S I Q U E

Les fouteurs de joie © X-D.R

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Après une fête d’ouverture qui s’est déroulée dans une ambiance chaleureuse et dynamique grâce au concert des cinq languedociennes de La Mal Coiffée (voir chronique sur journalzibeline.fr), puis le spectacle La vie tendre et cruelle des animaux sauvages de la compagnie Azeïn mêlant sentiments et haute voltige, le Forum de Berre continue sa programmation de rentrée qui promet elle aussi d’autres moments d’émotions et de prouesses artistiques : le 21 nov, l’accordéoniste Antonio Rivas invitera le public à découvrir l’univers savoureux des musiques

Anne-Lyse Renaut

Forum de Berre 04 42 10 23 60 www.forumdeberre.com

Festival Les Inovendables La 7 édition du festival orienté autour des lutheries nouvelles, de la e

composition et de l’improvisation, se déroulera du 20 nov au 14 déc en deux étapes. Le 20 nov, ouverture avec la création De Marseille à la Lune, dans le cadre d’un échange Albanie, Nouvelle Zélande, Turquie. L’ensemble, dirigé par Phil Spectrum, sera accueilli à l’Espace Julien, pour une soirée concert où les numéros et interludes musicaux s’enchaîneront dans une atmosphère grinçante et onirique (le 21 nov à Vitrolles, le 22 à Valréas, le 23 à Flayosc, le 24 à Moustiers Ste Marie). Le 29 nov, retour au Léda Atomica Musique, rue Saint-Pierre, où le duo Noroc (Sam de Agostini, batterie, et Guillaume Saurel, violoncelle) harmonisera ses tambours et ses cordes. D’imbrications rythmiques en incantations mélodiques, on retrouvera le violoncelliste, le 30 nov à 22h, dans la création Trois chevaux de front, avec David Rueff et Nadine Estève. Au préalable, mise en bouche avec Deux soli, un duo par Roland Semadeni et Philippe Festou. Le 1er déc à 17h30, chanteurs et musiciens du LAM croiseront le fer avec Les Improsteurs, et le 6 à 21h, immersion dans un univers musical éclectique avec le duo Cathy Heiting/Jonathan Soucasse et Joos au beatbox. Le 7 déc, Modern Times avec Phil Spectrum (claviers et instruments insolites) et Jean-Jacques Lion (saxo) qui improviseront sur un ciné-concert. Le 13, Les Garris souffleurs offriront un voyage dans le temps et le 14 déc, Yes Baby, une électro sombre et sensuelle portée par Phil Spectrum et Clis Gaul autour de l’histoire de Jerry Trigger. DE.M.

Festival Inovendables du 20 nov au 14 déc 04 96 12 09 80 http://ledatomica.mus.free.fr

traditionnelles colombiennes telles que la cumbia et le vallenato ; et le 29 nov, le surprenant «quintette romantico burlesque» des Fouteurs de Joie envahira le hall du forum, toujours accompagnés de leurs multiples instruments, ukulélé, clarinette, accordéon, guitare ou encore saxophone.

Trois chevaux de front © X-D.R.

Voyages sonores

Les Chants de Noël du CG13 tournent et résonnent en décembre

Barbara Furtuna © X-D.R

Les noëls chrétiens (ou la juive hanoukka) prendraient racine dans des festivités ancestrales et païennes liées au solstice. Symboliquement, c’est le temps de l’année où la lumière s’arrête (heureusement !) de décroitre, alors le rapport des durées du jour et de la nuit s’inverse. À la fête donc, s’invite une posture introspective liée à l’espérance et au renouveau. Dans toutes les traditions, les chants sont liés à cet esprit de Lumière, célèbrent la vie nouvelle avec un masque jubilatoire qui déguise mal un appel, au-delà des religions, à la profondeur spirituelle. C’est dans cet esprit universaliste qu’on se rassemble, depuis plus de 20 ans, dans les églises du département des Bouches-duRhône, pour découvrir des musiques venues de tous les azimuts. Ce sont des concerts gratuits, où il vaut mieux arriver tôt si l’on veut avoir une place assise ! On y entend des artistes de haut-vol pour d’authentiques voyages. C’est la Corse et ses polyphonies par le quatuor Barbara Furtuna (Notte Santa), le chant andalou ou la guitare flamenca (Noël Gitan), la langue de Mistral aux sons de vièles et fifres du Trio Auréa & Olivier Féraud (Aquesta nuech...), l’Est slave et populaire des Grandes Voix Cosaques (Noël Russe), le jazz US et ses racines africaines par la compagnie Nine Spirit (Noël Soul). JACQUES FRESCHEL

Chants de Noël 2013 du 4 au 23 déc Programme complet sur www.culture-13.fr/agenda/les-chants-de-noel-2013.html


Du 2 au 7 décembre, les amateurs de courts métrages se retrouveront à Aix pour la 31e édition du Festival Tous Courts : près de 160 films issus de la jeune création contemporaine internationale et du patrimoine dont 54 en compétition. En ouverture le 2 déc à 19h, sous l’égide de Marseille-Provence 2013, dans l’auditorium du Conservatoire Darius Milhaud, un programme de 6 courts métrages européens venus d’Espagne, de France, de Grèce, du Portugal et du Royaume-Uni. Une soirée Arte dans laquelle Hélène Vayssière présentera deux films en avant-première, Braconnière de Martin Tronquart et Animal Sérénade de Béryl Peillard en présence des réalisateurs. En partenariat avec le Festival de Cracovie, deux programmes inédits pour découvrir la créativité des jeunes cinéastes polonais. Des films tournés en région,

Animal Sérénade de Béryl Peillard © Chaz Production

Vous avez dit «courts» ?

deux programmes de films expérimentaux, la collection Crossing Borders/À la frontière, 7 courts venus d’Italie, d’Autriche, de Belgique, des Pays-Bas, de France, d’Allemagne, d’Angleterre et de Suède. Et cette année, le 6 déc, la Nuit du

Cour(t)s à l’Eden

En 2011, on nous avait annoncé le dixième et dernier PETIT Best of Short et promis qu’il allait devenir GRAND (Zib’44). En 2012, une seule séance !, où le public, fidèle, a pu voir les premiers courts métrages de réalisateurs aujourd’hui reconnus (Zib’56). En 2013, c’est dans la salle des premiers films de l’histoire du cinéma que le Best Of Short est accueilli du 15 au 17 novembre. Il présentera les films primés en 2012 dans les plus grands festivals internationaux de courts métrages ainsi que ceux qui ont obtenu Oscar, César, Palme d’Or ou les grands prix de Sundance, Venise, Berlin… En tout, une soixantaine de films en compétition à La Ciotat. À ceux qui prétendent que l’équipe ne prend pas de risques en ne présentant que des films au succès confirmé, on peut Curfew de Shawn Christensen

rétorquer que le court métrage ne trouve pas toujours sa place dans les salles de cinéma, que le public peut difficilement se déplacer dans les plus grands festivals internationaux et qu’il a ainsi l’occasion de voir en trois jours, dans le plus vieux cinéma du monde, les courts qui ont enthousiasmé les jurys dans le monde entier : Avant que de tout perdre (Xavier Legrand), dans les Solitudes (Liova Jedlicki), on écoutera Le Cri du homard (Nicolas Guiot) et La fugue (Bernard Marlin) ! Alors, rendez- vous à l’Eden ! A.G.

Best of International Short Films Festival du 15 au 17 novembre Eden théâtre, La Ciotat 06 63 82 88 41 www.bestoffestival.com

d’Henri-François Imbert ou Une robe d’été de François Ozon. Des programmes aux titres alléchants pour les noctambules, comme Expériences torrides… en Provence, Petits et grands cataclysmes… à Aix ! Le festival se terminera le 7 déc à 19h30 à l’amphithéâtre de la Verrière à la Cité du Livre où le jury, Frédérique Deghelt, écrivaine, Emmanuel Gras, réalisateur, Isabelle Rathery, monteuse et Aurélien Recoing, comédien, annonceront le palmarès de la compétition internationale qui aura permis de découvrir les meilleurs courts de l’année. ANNIE GAVA

Court pilotée par l’Agence du Court Métrage à l’occasion de ses trente ans, va permettre de remonter le temps : l’occasion de (re)voir des courts devenus cultes comme Foutaises de Jean-Pierre Jeunet, Viejo pascuero de Jean-Baptiste Huber, Sur la plage de Belfast

Rencontres Cinématographiques d’Aix-en-Provence Festival Tous Courts du 2 au 7 décembre 04 42 27 08 64 www.festivaltouscourts.com

Cris à l’Eden

Du 20 au 23 novembre, aura lieu à l’Eden Théâtre, à La Ciotat, le 1er Festival Cris du monde, festival de courts métrages construits autour de la notion de plan séquence, ce geste cinématographique qui traverse l’histoire du cinéma, cris de colère, de joie, de de Corneliu Porumbuiu Le soir tombe sur Bucarest souffrance, de victoire. o Wors du © Les films 30 films sélectionnés sur les 310 reçus qui seront projetés les 21 et 22 nov de 14h30 à 18h en présence des réalisateurs et repris le 23 de 8h30 à 14h. Il y aura aussi un atelier et un concours de scénarios, des films longs, des films du patrimoine illustrant la thématique du plan séquence, des rencontres-débats. Le 21 nov à 10h30, un débat Décrire le monde, organiser le monde, rêver le monde, animé par Jean-Michel Frodon avec Samir Ardjoun, Alain Bergala, Jacques Mandelbaum et des membres du jury. Le 22 nov, Des vues Lumière à la vidéo numérique, animé par Jean-Michel Frodon avec Sylvain Georges, Dominique Païni, Tahar Chikhaoui, Jacques Willemont. Et à 20h30, des longs métrages dont deux avant-premières : en ouverture, Le Septième Ciel de Benoit Jacquot, Président du jury ; le 21, Le soir tombe sur Bucarest de Corneliu Porombuiu et le 22, Ana Arabia d’Amos Gitai en présence de la scénariste Marie-José Sanselme. Bonne chance aux Cris du Monde ! A.G.

Festival Cris du Monde du 20 au 23 novembre Eden Théâtre, La Ciotat www.crisdumonde.com

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Rencontres Régionales MuCEM L’Alhambra Dans le cadre de la rencontre Féminisme, En partenariat avec le Centre d’Accueil des des Vidéos Urbaines Femmes et printemps Arabe, le film Mille- Baumettes, l’Alhambra consacre une soirée

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Omegaville d’Anne Alix © Sigrun Sauerzapfe

Divisées en trois thèmes, les 3e Rencontres Régionales des Vidéos Urbaines s’installent dans le quartier de Mourepiane. Mémoire des campagnes sera l’occasion de s’intéresser à l’arrière-pays avec la projection de Lettres de Carabanchel (2009) de Marie de La Rosa (le 14 nov). Une carte blanche sera donnée à l’association CinéMémoire autour du deuxième thème Mémoire des ports. Une journée complétée par Le trou de mémoire (1981) d’Alain Glasberg (le 15 nov). Enfin, dans le cadre de Mémoire de ville, les documentaires Omégaville (2013) et Si Balzac m’était conté (2013) seront projetés et suivis d’un débat en présence des réalisatrices, Anne Alix et Sandrine-Malika Charlemagne (le 16 nov). Rencontres Régionales des Vidéos Urbaines, Marseille 16e 04 91 79 32 94 http://videosurbaines2013.free.fr

Au Château de la Buzine

Un cycle en hommage à Cocteau s’ouvre au Château de la Buzine. L’occasion de replonger dans l’univers du réalisateur avec La Belle et la bête (1946), L’Amore (1948) ou encore Le sang d’un poète (1930), les 20, 23 et 24 nov. Un autre cycle autour de la méditerranée latine proposera de nombreux films d’auteurs comme Fellini Roma (1972) de Federico Fellini (le 27 nov), Oublier Palerme (1990) de Francesco Rosi (le 30 nov) et Senso (1956) de Luchino Visconti (les 30 nov et 1er déc). Une sélection d’opéras filmés continue d’être projetée parmi lesquels Don Carlos de Verdi (le 24 nov), Carmen de Bizet (le 6 déc) et les Noces de Figaro de Mozart (le 14 déc). Château de la Buzine, Marseille
 04 91 45 27 60
 www.chateaudelabuzine.com Fellini Roma de Federico Fellini

feuille (2012) du réalisateur Nouri Bouzid propose de suivre deux femmes, Zaineb et Aïcha, dans leur lutte pour la liberté en plein cœur de la révolution tunisienne (le 13 nov). La Cinémathèque de Bologne et l’Institut culturel italien présentent Novecento (1975) de Bernardo Bertolucci traitant de l’évolution de deux enfants d’origine sociale différente à travers le XXe siècle (le 16 nov). Le public pourra revivre l’arrivée des alliés dans une petite ville italienne en Toscane dans La nuit de San Lorenzo (1982) de Paolo et Vittorio Taviani (le 17 nov). Cynthia Arra et Mélissa Arra s’intéressent aux questions de la transidentité, intersexualité et transsexualité avec L’ordre des mots (2007), le 20 nov. La projection de Vincere (2009) de Marco Bellocchio est l’occasion de mettre en lumière le destin d’Ida Dalser, la maîtresse de Mussolini (le 22 nov). Carte blanche à la revue Bref et à la cinéaste syrienne Hala Abdallah, à l’occasion de La nuit du court-métrage, de 22h à l’aube, en présence de réalisateurs (le 22 nov). Autour du thème Questions de genre, le MuCEM projette Hors jeu (2006) de Jafar Panahi, l’histoire touchante d’une petite fille iranienne qui se déguise en garçon pour pouvoir jouer au foot (le 4 déc). La rencontre Germaine Tillion, vivre ensemble en Algérie animée par l’historien Tzvetan Todorov sera enrichie par le film Les trois vies de Germaine Tillion (2001) de Gilles Combet sur le combat de l’ethnologue (le 5 déc). MuCEM, Marseille 04 84 35 13 13 www.mucem.org

autour du thème La prison et ses enjeux avec la projection d’Ombline (2013) de Stéphane Cazes et César doit mourir (2012) des Frères Taviani (le 23 nov). L’acteur Gérard Meylan sera présent pour commenter le film Robert sans Robert (2013) de Bernard Sasia, le chef monteur de Robert Guédiguian (le 27 nov). L’événement Poulpe fiction proposera des films courts, une conférence, une performance sur ce céphalopode atypique, ainsi que les projections de 20 000 lieux sous les mers (1957) de Richard Fleischer et Grabbers (2012) de Jon Wright (le 30 nov). Cinéma Alhambra, Marseille 04 91 03 84 60 www.alhambracine.com

Le Mois du Documentaire

Dans le cadre du Mois du Documentaire, l’Institut de l’Image accueille l’édition 2013 du festival Image de Ville intitulé En Méditerranée : l’occasion de rencontrer de nombreux cinéastes mais aussi des urbanistes comme le géographe Marcel Roncayolo pour L’Heure exquise (1960) ou encore Je veux voir (2008) en présence de Joana Hadjithomas et Youssef Tohme, architecte (du 15 au 17 nov). L’Institut présentera aussi 16 films de Frederick Wiseman tels que Titicut Follies (1967), Boxing Gym (2010) ou At Berkeley (2013) en avant-première (du 20 nov au 1er déc). Institut de l’Image, Aix-en-Provence 04 42 26 81 82 www.institut-image.org

L’Eden pour Film Flamme Millefeuille de Nouri Bouzid

Villa Méditerranée

The Lebanese Rocket Society de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige fait revivre au public l’aventure spatiale étonnante réalisée au Liban dans les années 60 (le 19 nov). C’est toute L’âme du Panier qui renaît grâce au film de Sofiane Mammeri et Olivier Poli (le 22 nov). Les deux soirées de l’événement Image de ville : correspondances méditerranéennes mêleront l’architecture et le cinéma, pour parler de la complexité de l’espace urbain (les 26 et 27 nov). Enfin, dans La Chine est encore loin, le réalisateur Malek Bensmaïl s’interroge sur la reconstruction de l’Algérie après son indépendance (le 3 déc). Villa Méditerranée, Marseille 04 95 09 42 52 www.villa-mediterranée.org

Pendant deux ans, la cité de l’Abeille à La Ciotat est devenue l’atelier de Film Flamme, et les 12 et 13 nov ses cinéastes donnent rendez-vous dans la plus vieille salle de cinéma du monde, à l’Eden, nouvellement restauré. On y verra, de 14h à 17h, sept films tournés en pellicule, réalisés en atelier collectif : L’Abeille de Déméter par Raphaëlle Paupert-Borne, Imago mundi par Sara Millot, Si elle «tomber» par Jean-François Neplaz, La Guerre qui vient par Stéphane Manzone, Tatlin par Aaron Sievers, Tremblement par Yann Vu et De loin en loin… l’histoire du peuple par Martine Derain et Jean- François Neplaz. À 18h 30 le 12, Film socialisme de J-L. Godard en présence de l’ingénieur du son François Musy et de Jean-Paul Curnier, philosophe ; le 13, Shellac fête ses 10 ans et présente Tuk-Tuk de Kiyé Simon Luang (lire critique sur www.journalzibeline.fr) et Övo de Mathieu Mégemont. Film Flamme, La Ciotat 04 91 91 58 23 www.polygone-etoile.com


La Russie au Toursky

le cinéaste digne

La programmation cinéma du MuCEM s’était ouverte en juin 2013 par la projection sur l’esplanade du Fort St Jean de Transit, adaptation du roman d’Anna Seghers par René Allio (Zib’64). Marseille-Provence 2013 dans son automne avancé, invite derechef ce cinéaste, dit inclassable, fils d’immigré italien, né à Marseille en 1924 et dont l’œuvre, qui ne cessa d’y revenir, fut bien peu diffusée. Rendre hommage à René Allio, réalisateur, peintre, décorateur, scénographe internationalement reconnu, collaborateur de Planchon, fondateur en 1979 d’un Centre Méditerranéen pour la Création audiovisuelle, point de ralliement d’artistes ayant choisi de travailler loin de Paris, admiré par Robert Guédiguian qui produisit avec lui son dernier documentaire Marseille, la vieille ville indigne, semble une évidence, voire une réparation. Pendant qu’en parallèle s’organisera à Paris une rétrospective, on pourra voir ou revoir, les 20 et 21 nov à l’Alhambra et les 23 et 24 au MuCEM, 9 films d’une oeuvre qui n’en compte qu’une douzaine. Des films où la part sensible demeure majeure, où Allio met en lumière au propre comme au figuré les «minuscules». Petites gens qui réagissent au monde environnant, à la «société-souricière» révélant les aliénations collectives tout en explorant leur propre vérité. Deux films «historiques» et «ruraux» : Moi Pierre Rivière ayant égorgé ma mère ma sœur... et Les Camisards. Le premier de 1976 s’enracine dans la terre normande et après Michel Foucault, se penche sur le cas d’un petit paysan dont les crimes monstrueux perpétrés le 3 juin 1835 scellent le destin. Film bouleversant d’une précision et d’une maîtrise qui fait penser tout à la fois, à Bresson, Millet, Rembrandt et au scalpel d’un légiste. Le deuxième de 1972, s’appuyant également sur des faits réels, narre un épisode de la révolte protestante cévenole contre le pouvoir royal, 17 ans après la révocation de l’Édit de Nantes. Peu de moyens, beaucoup d’intelligence, un

Moi Pierre Rivière... de René Allio © Les Films du Losange

René Allio,

esprit libertaire dans le sillage de 68. On retrouvera aussi deux portraits de femmes inoubliables : d’abord, Berthe incarnée par Sylvie dans La vieille femme indigne, premier long métrage de 1965, adaptation d’une nouvelle de Brecht, qu’Allio transporte au Chemin de la Nerthe. Une Berthe dont les yeux bleus aigus défient l’incompréhension de ses proches face à son désir de vivre, enfin ! Puis, cheveux grisonnants, blouse informe, Jeanne interprétée par Simone Signoret dans Rude journée pour la reine (1973). Reine par antiphrase (mais est-ce bien sûr ?) qui du fond de sa banlieue blême, rêve sa vie grâce aux histoires à l’eau de rose du cinéma et des magazines populaires. Deux films encore où Marseille tient la vedette : L’Heure exquise, documentaire autobiographique (1981) et Retour à Marseille (1980), film nostalgique qui, au gré des déambulations de Raf Vallone dans une cité qu’il ne reconnaît plus, ressuscite comme pour le réalisateur les fantômes des lieux. L’hommage s’achèvera le 24 nov en présence de Serge Toubiana avec deux titres moins connus : La Meule, court-métrage de 1964 et le romanesque Matelot 512. Une vraie reconnaissance pour cet artiste mort en 1995, dont l’expression cinématographique correspondait à la synthèse de tous ses talents. ELISE PADOVANI

Les histoires de René Allio du 20 au 24 novembre Alhambra Cinémarseille 04 91 03 84 66 www.alhambracine.com MuCEM, Marseille 04 84 35 13 13 www.mucem.org Partenariat avec Shellac, la cinémathèque française et la SACD et l’INA Sortie d’un coffret DVD le 3 décembre, éditions Shellac Sud

Du 12 au 16 nov à 20h dans le cadre du 19e Festival Russe, aura lieu au Théâtre Toursky la semaine de cinéma Russe. Projection de 5 films inédits à Marseille en présence d’une délégation de cinéastes russes et de Nikolaï Borodachev, Directeur Général du Fonds d’Etat des films de la Russie Gosfilmofond. On commencera par Monologue d’Ilia Averbakh, où réapparait dans la vie de Sretenski, un savant connu et respecté, solitaire depuis le départ de sa femme, sa fille qui lui confie son enfant. Dans Piter Fm d’Oksana Bytchkova (le 13 nov), on assiste à la rencontre de Macha, animatrice radio qui se prépare à épouser un ancien camarade de classe et de Maxime qui vient de gagner un concours international d’architectes ; un tournant dans leur vie. Le lendemain, ce sera La symphonie de Leningrad de Zakhar Agranenko qui relate le siège de Leningrad, alors que la ville est assiégée depuis presque un an par l’armée allemande, un passager d’un petit avion qui a réussi à atterrir apporte à la maison de la radio la partition de la symphonie que vient d’écrire le célèbre Leningradois Chostakovitch. Il y aura aussi Salades Russes, une fenêtre sur Paris de Youri Mamine, le 15 nov et pour finir, le 16 nov, Nuits blanches d’Ivan Piriev, adapté d’une nouvelle de Dostoïevski publiée en 1848. Les films seront présentés par leur réalisateur, ou par Nikolaï Borodachev et suivis d’un débat. Festival Russe du 12 au 16 novembre Théâtre Toursky, Marseille 04 91 02 58 35 www.toursky.org Piter Fm d’Oksana Bytchkova © onlinesfilms

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Burlesque en musique Le Mécano de la Général © X-D.R

Pour cette 9e édition du Fimé (Festival International des Musiques d’Écran), les organisateurs ont axé sur la thématique du rire, à la recherche de chefs-d’œuvre du muet, évitant coups de pieds aux fesses et peau de banane !

Buster et Harold

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La première a eu lieu le 1er novembre au cinéma Royal, à Toulon. Quel plaisir de redécouvrir l’acteur extraordinaire Harold Lloyd dans le film de 1923 de Fred Newmeyer : Monte là-dessus (Safety last). 70 minutes de dynamisme, d’émotion, de quiproquos, de cascades, dont la scène mythique où Harold est suspendu aux aiguilles d’une horloge sur le toit plat d’un immeuble, la caméra en plongée donnant l’illusion du vide ! Le trio jazz, Laurent Marode, piano, Karim Gherbi, contrebasse, Abdesslem Gherbi, batterie, devant l’écran, a travaillé en découpant chaque séquence, apprenant par cœur le déroulement : «La partition, c’est le film» dira le pianiste, à l’interprétation très physique et sensible, millimétrée, où la part d’improvisation… cadrée, permet de beaux moments de magie : mélodique, rythmique, accords lents Blues ou guirlandes Boogie, une deuxième vie par la rencontre musique-image. Deuxième soirée : l’Opéra de Toulon est le cadre majestueux

de la projection du film de Clyde Bruckman : Le Mécano de la General, 1927. Un ciné-concert grandiose avec l’orchestre symphonique de l’Opéra, dirigé par Alexandre Myrat, jubilant sur une musique originale de Joe Hisaishi. Buster Keaton (Johnny), se lance seul à la poursuite d’espions nordistes qui se sont emparés de sa bien-aimée et de sa locomotive ! Sur fond de guerre de sécession le burlesque est toujours présent, sublimé par un Keaton étonnant avec son air de chien battu. La musique d’Hisaishi est puissante, lyrique, deux grands thèmes, binaire et ternaire s’opposent en une immense fresque symphonique où les variations et les Leitmotive

permettent de mémoriser personnages et lieux principaux. Le public, ravi, fait un triomphe.

Chaplin, Resnais et Jarman

À 24 ou 25 images seconde, un film de Chaplin ressemble toujours plus ou moins à un marathon. Forts de ce constat, les quatre chanteurs des Voix Animées, groupe à géométrie variable dirigé par Luc Coadou, ont décidé de relever le défi en revisitant avec un plaisir non dissimulé une quantité non négligeable de tubes, thèmes savants ou populaires, sur une partition arrangée au millimètre pour quatre voix distinctes par Alexis Roy. Cette création vocale,

Max Linder renaît ! Bon anniversaire Max © X-D.R

William Benedetto, directeur du cinéma l’Alhambra, était heureux de célébrer Max Linder (1883-1925), maître du burlesque, dans le cadre des cahiers de vacances de MP2013 le 5 novembre (voir p. 18). Un défi étonnant proposé par Raoul Lay, directeur de l’Ensemble Télémaque, à trois jeunes compositeurs : poser une musique actuelle sur trois courts-métrages de 1912 ! La Turque Asli Kobaner compose sur Max a peur de l’eau ; Kasia Glowicka, Polonaise, sur Amour Tenace et Karl Fiorini, Maltais, sur Entente cordiale de et avec Max Linder, dont les gestes, expressions, entre énergie et souplesse, influencèrent tant Chaplin. La beauté des images, des mouvements, de la lumière inspirent l’excellent trio instrumental : Linda Amrani, clarinette, Solange Baron, accordéon, Christian Bini, percussions, jouent en direct devant les films et le résultat est saisissant ! On rit, on écoute, on colle

Charlot, Octave et Bobine donnée le 6 novembre au théâtre Marélios de La Valette, construite sur des onomatopées et vocalises enveloppées dans une mise en scène loufoque et diablement efficace de Jean-Christophe Mast, soulignait avec pertinence le propos comique des images des deux courts-métrages retenus pour ce concert. The Adventurer et Easy street projetés en version restaurée en étaient comme rehaussés : une belle tranche de rire pour petits et grands. Le 7 novembre, exit le format comique pour une carte blanche au label Optical Sound à Hyères dans la piscine de la Villa Noailles, pour une atmosphère arty et branchée. Fleuron du label, Scanner, alias Robin Rimbaud, musicien britannique officiait derrière son laptop mixant sur des courts étonnants d’Alain Resnais et Derek Jarman. Son set, aux harmonies lancinantes et hypnotiques gorgées d’infrabasses enveloppantes et de nappes statiques donnait aux images un caractère lunaire, plongeant le spectateur dans une forme d’apesanteur, vagabondant d’un univers livresque (la BNF) à une usine de pétrochimie (Pechiney) dans une étrange tranche de rêve. YVES BERGÉ et ÉMILIEN MOREAU

La 9e édition du Fimé a eu lieu du 1 au 10 novembre

descriptive mais une narration mélodique, rythmique, harmonique, fascinante de poésie et d’énergie qui collent au personnage de Max, gentleman cabotin. Leitmotiv thématique riche, modes de jeux, couleurs appropriés… le cinéma muet a cent ans et plus une ride ! Au lendemain de l’inauguration du PIC à l’Estaque (voir p. 17), une dynamique de quartier s’installe, belle parade aux idées sombres. YVES BERGÉ

aux images, on boit du petit lait devant la graphie si raffinée des billets centenaires. La musique dans son ensemble est tonale, mais des appuis très contemporains, acérés sur des scènes mythiques, montrent le talent des compositeurs. Ce n’est pas de la musique

Bon anniversaire Max ! le 12 déc à 10h et 14h30 Cinéma l’Alhambra, Marseille 04 91 03 84 66 www.alhambracine.com Le PIC, Marseille 04 91 39 29 13 www.ensemble-telemaque.com


Bonheurs cinéphiles Le Festival de Gardanne cultive cette remarquable particularité d’unir le sérieux d’une programmation riche et cohérente dans sa quête de sens sur les remuements du monde et sa convivialité. Le succès ne se dément pas au fil des ans et cette année particulière à plus d’un titre -les 25 ans du festival et la réduction à deux salles pour cause de travaux !- suit la tradition. Sélection internationale bien sûr, avec un focus sur la Méditerranée. On pouvait découvrir ainsi le superbe film palestinien de Hany Abu-Assad, Omar, un Roméo et Juliette contemporain, avec les trahisons, la guerre entre Israël et la Palestine, et des acteurs d’une belle vérité. Millefeuille (Tunisie) de Nouri Bouzid, échappant à tous les lieux communs, évoque sur fond de Printemps arabe la condition de la femme avec deux actrices émouvantes et espiègles, Souhir Ben Amara et Nour Mziou, qui font l’éducation des hommes englués dans les traditions. Fort éloigné des problématiques contemporaines, Météora, film grec de Spiros Stathoulopoulos, évoquait les amours interdites d’un moine et d’une nonne, avec des inclusions de dessin animé comme une icône naïve. Polluting paradise, film turc de Fatih Akin, soulève sous la forme d’un documentaire le problème des catastrophes écologiques et du manque de pouvoir des populations face à la logique d’administrations qui se refusent à oublier le profit immédiat. Une place particulière était accordée à l’Italie. On se régalait avec Chaque jour que Dieu fait de Paolo Virzi et les amours de Guido et Antonia, ou encore on applaudissait la fabuleuse prouesse d’acteur de Toni Servillo qui interprète des frères jumeaux aux trajectoires différentes, dans

Viva la Libertà de Roberto Ando. On partait pour des contrées plus nordiques avec un magnifique Oh Boy (Allemagne) en noir et blanc de Jan Ole Gerster, qui narre sur le mode de la Dolce Vita les déambulations désabusées de Niko, jeune Berlinois presque trentenaire. Plus loin encore, Gold (Allemagne-Canada) de Thomas Arslan narre dans les grands espaces canadiens la ruée vers l’or, avec une photographie et une profondeur de champ superbes. On aimait aussi le coup de poing du Géant égoïste de Cloi Barnard (GB) dans une esthétique proche de celle de Ken Loach, tandis que le film Ukrainien La maison à la tourelle d’Eva Neyman rappelle à quel point la guerre, le froid et la faim génèrent égoïsme et cruauté, et que le film argentin Le médecin de famille de Lucia Puenzo évoque les nazis retirés en Amérique du Sud. Des films français aussi, l’émouvant hommage à Guédiguian, Robert sans Robert de Sasia, la plongée en soi avec une caméra épaule de Dominique Cabrera, Grandir, le documentaire remarquablement juste Les enfants valise de Xavier de Lauzanne, Suzanne de Katell Quillévéré, magnifique tant par la caméra que par l’analyse des personnages. Enfin, le prix du public était attribué au film de Gilles Perret, Les jours heureux, sur le conseil National de la Résistance, ses principes, ses détournements dans les discours politiques actuels. Seul point à être oublié, le vote des femmes ! MARYVONNE COLOMBANI

La 25e édition du Festival cinématographique d’automne au eu lieu du 25 octobre au 5 novembre à Gardanne Gilles Perret et Stephane Hessel, les Jours heureux © X-D.R

Festi’Life

Mon petit-frère de la lune de Frédérick Philibert © Sacrebleu prod

Dans le cadre de Marseille-Provence 2013, la Ville de Marseille lance au Château de la Buzine, les 15 et 16 novembre, la première édition du Festival International du Court Métrage sur le Handicap, Festi’Life, né d’une collaboration avec Procap, une association d’entraide Suisse pour personnes handicapées, qui organise le Festival Look&Roll de Bâle. Au programme, 24 films issus de 11 pays, réalisés entre 1997 et 2011 : des fictions comme le multi primé Aglaé de Rudi Rosenberg, Aglaé une jeune handicapée, objet d’un pari perdu ou Les Pinces à linge de Joël Brisse, Sale Battars de Delphine Gleize, César du meilleur court métrage en 2000. Des documentaires comme Signs & Vibrations «Concert spectaculaire et bien réel, musique aux fortes vibrations pour un public composé essentiellement de sourds et de malentendants», de Nalia Giovanoli, sélectionné au Festival de Locarno 2011 ou Love Davka (L’Amour malgré tout) de Rona Soffer, prix du public au festival Look&Roll. Des courts d’animation comme l’émouvant Mon petit-frère de la lune de Frédérick Philibert, parent d’un petit garçon autiste ou encore Brother où Adam Elliot se rappelle avec tendresse son enfance dans la banlieue avec son frère, asthmatique et malvoyant. ANNIE GAVA

Courts métrages sous-titrés en Français, mise à disposition d’une boucle d’induction magnétique pour les porteurs de prothèses auditives, annonces et échanges traduits en Langue des Signes Française. Audiodescription simultanée disponible sur écouteurs. Réservation recommandée. Entrée gratuite pour les personnes accompagnant des spectateurs handicapés. Maison des Cinématographies de la Méditerranée, Marseille 04 91 45 27 60 www.labuzine.com

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Brutale volupté La dernière grande expo de Marseille-Provence 2013, dans le J1 retrouvé, ouvre des espaces à l’art, sous le signe de Le Corbusier

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Qu’en sera-t-il du J1 après l’année capitale ? La réouverture était attendue, mais les premiers jours de l’expo affichent une fréquentation peu comparable à celle de l’expo Méditerranée. Qui précédait celle du MuCEM, attirant aujourd’hui l’essentiel des foules. Pourtant l’exposition est particulièrement passionnante. Jusqu’au 22 décembre le hangar du Port de Marseille accueille des œuvres de Le Corbusier, architecte, urbaniste, Marseille, Unité d’habitation, Le Corbusier, 1945 ©Fondation Le Corbusier, ADAGP, Paris 2013 peintre, sculpteur, dessinateur. La mise en espace de cette ainsi un espace d’un purisme lui-même n’a pas théorisée en architecoriginel en un double contrepoint ture, n’a aucun rapport avec la moindre exposition intitulée au hangar, brutaliste sans le brutalité, la moindre violence. Ce terme Le Corbusier et la question du brutalisme savoir, et aux œuvres, brutalistes fait essentiellement référence à l’état de a été confiée à Jacques de réputation, au moins pour la matière après qu’elle a été travaillée au Sbriglio, lui-même les représentations des œuvres moment de l’édification des bâtiments, et architecturales. Le parcours c’est principalement dans le béton laissé architecte, scénographe et secrétaire s’ouvre à intervalles réguliers brut après son décoffrage qu’elle s’exprime. général de la fondation sur un espace latéral continu, La trace de la planche et les piqûres du Le Corbusier. déambulatoire vide et bordé par gravier comme poésie de la construction. L’ensemble du dispositif les baies du hangar. À chaque On peinera encore plus à trouver la moindre muséographique, centré dégagement, le panorama brutalité dans les œuvres peintes ou sculptées, dans l’axe du hangar, portuaire explose aux yeux toutes rivalisant de courbes et de couleurs Le Corbusier, , cées enla out, deb signé, ni Deux femmes n et pastel sur papier, niADAGP, est légèrement surélevé, vers 1926-1928,crayo du visiteur, et cette double plus organiques et sensuelles les unes que r, Le Corbusie , 0,31x0,21m © Fondation et un trait de lumière daté scénographie grand-ouverte les autres Paris 2013 participe à le détacher nous montre autant les bateaux à quai que Si le Corbusier était fou, «fada» comme on le du sol, comme la métaphore blanche d’un les œuvres aux cimaises ou sur les stèles. dit du côté du Bd Michelet et de sa magistrale paquebot intérieur flottant sur le sol noir. Le Corbusier s’y révèle artiste complet, Unité d’Habitation, c’était d’amour pour son Le parcours se déroule simplement le long architecte plasticien virtuose de la lumière. art, d’amour pour l’art. de l’axe majeur du bâtiment. Des espaces Une lumière qui perce et traverse les œuvres, MAURICE PADOVANI aux formes régulières et rigoureuses se toutes échelles confondues, et qui creuse ses Le Corbusier et la question du brutalisme succèdent, un plan coloré s’oppose à une tableaux autant que l’artisan exécutait les J1, Marseille paroi immaculée, un plafond bas alterne sculptures de l’artiste d’après ses dessins jusqu’au 22 décembre avec une double hauteur, des places se et ses gouaches. www.mp2013.fr forment, le toit du J1 comme ciel. Se déploie Le «brutalisme» notion que Le Corbusier

Haute-tension à Allauch

La ville d’Allauch possède désormais son lieu d’Art Contemporain dans une ancienne usine électrique de briques rouges. Elle vient d’être réaménagée, partageant l’espace entre le Ballet d’Europe et un lieu d’exposition. Dans ce beau volume de 270 m2, Olivier Bernex, directeur artistique, et Jean-Marie Guien, chef de projet, ont installé la 4e Biennale labellisée MP 2013. Nouvel espace, nouvelle feuille de route. Olivier Bernex a voulu interroger les artistes sur une notion qu’on pouvait croire obsolète, celle du Romantisme. Qu’est-ce qui fait que l’on peut encore de nos jours se revendiquer du Romantisme ? Si Plagnol et Surian se méfient de cette référence à connotation passéiste, ils sont plusieurs à adhérer, y trouvant une familiarité avec

l’attitude de résistance à la formatisation et la soif de liberté qui les animent. Olivier Bernex s’est efforcé de trouver ce qui rassemble ces 22 artistes malgré des modes d’expression différents. Priorité est donnée à la peinture dont on annonçait la mort depuis 40 ans… Biennale Allauch, Ma rie Rauzy, Pierre Sou chaud, Yvan Daumas Vladimir Velickovic , © J.M. Guien

Huile et acrylique (Plagnol, Gentil, Velickovic, Moquet), mais aussi aquarelles (Kaniowski), crayon (Ceccarelli et Lestié), pastels (Surian) ; variations dans les supports aussi, papiers (Pierre-Marie Vergnes), toiles, bois, métal (dont des sculptures de Mohsni)… On apprécie la présence de quatre femmes même si leur nombre est encore insuffisant (Cincia, De Battista, Jean et Rauzy)… Une proposition intéressante. CHRIS BOURGUE

4e Biennale d’Art Contemporain jusqu’au 29 décembre L’Usine électrique, Allauch Village 04 91 62 24 59 04 91 10 49 00


Alain Paire avec une oeuvre de Don Jacques Ciccolini, 2013 © C. Lorin_Zibeline

Tous chercheurs

Le J1 a rouvert ses portes et fait désormais partie des pratiques culturelles diurnes des Marseillais. Mais il ferme dans quelques jours ! Les expositions ouvertes le 11 octobre (voir ci-contre Le Corbusier) achèvent les cycles et les actions de l’Atelier du Large : projections en continu de Martine Derain, ateliers pour enfants de Fotokino, Les Rêveurs de Séverine Mathieu et Emmanuel Vigier, un voyage de Fred Nevchehirlian, les portraits du Cours Ju de Mathieu Verdeil et Fred Lévy… ou les expositions de Thomas Mailaender ou Zineb Sedira. Résultats d’Ateliers de l’Euroméditerranée ou d’Actions participatives impliquant des entreprises et des salariés, cette nouvelle pratique culturelle souligne autrement l’implication des habitants dans la Capitale culturelle. Une exposition double complète le parcours : La grâce du hasard rassemble les portraits issus de la collecte du Photomaton installé au J1. 14 000 portraits ont été collectés. Jean-Pierre Moulères, responsable du projet, explique la grâce qui se dégage des séries retenues par l’intimité de la chambre photographique, l’absence de regard qui libère de la pudeur, les réactions chimiques mal maitrisées qui donnent du sépia aléatoire, et le déclenchement inopiné qui capture le hasard. Le mur des baisers est particulièrement intime ! L’autre partie de l’exposition, intitulée Encore un beau jour, expose les images marquantes des Albums de famille collectés sur le site Chercheurs de midi. Et là l’œil est comme fasciné : ces photos sont les mêmes que celles qui trainent dans nos tiroirs et racontent notre passé, celui de nos familles. On y retrouve la toile cirée des années 70, la bouteille de champagne sur la table de fête, nos pins tordus devant la mer, ces enfants qui ressemblent à ceux qu’on était, ces parents aux nôtres. Des histoires se cachent et s’exhibent autour de chaque cliché, et l’accrochage fait surgir l’en-commun comme une épiphanie. Jean-Pierre Moulères voulait tracer un portrait du midi dans une capitale plus largement méditerranéenne. Il y a réussi avec chaleur. Une recherche dont on aimerait qu’elle se poursuive : la constitution d’archives du midi, et leur exposition, ne serait-elle pas intéressante pour le MuCEM ? Quant au J1, son avenir dépend du Port Autonome. Avant tout projet, il faut refaire la toiture. Mais il est impensable que ce lieu idéalement situé redevienne inaccessible au promeneur…

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19 ans, le bel âge ? À la fin de cette année capitale, Alain Paire baissera le rideau de sa galerie aixoise. Mais pas les bras ni la tête

Moins une. Elle aurait dû atteindre les vingt ans du bel âge. Il n’en sera rien. La galerie de la rue du Puits-Neuf s’interrompt à dix-neuf. Son fondateur s’en explique dans l’interview qu’il a accordée à Zibeline, un peu las d’avoir porté cette aventure presque seul mais avec les plus grandes exigences et quelques amis. Un proche, Florian Rodari, déplore que «le public cultive les success stories, les officiels sont indifférents à tout ce qui n’est pas retombée politique immédiate. Ainsi l’aide culturelle va-t-elle volontiers au prestige de vitrine, à la fanfare de rue, rarement au sérieux ou à l’assiduité»1. Rude culture du chiffre qui ne sait l’apport immatériel que tissent les affinités avec les créateurs. Si la galerie a exposé sans hiérarchie des noms reconnus et un peu moins d’Ernst à Tal-Coat, Plossu, Alechinsky, Pons ou Pignon-Ernest et aussi Khélif, Ducaté, Amado, Coadou, Louvel-Paoli, Sorgue ou encore Florence Laude, elle a toujours été un havre d’accueil, d’échange et de croisements nécessaires à la vie de la cité, prolongée sur le web par son blog exceptionnel d’érudition bienveillante.

AGNÈS FRESCHEL

À venir

Pour l’heure, Don Jacques Ciccolini expose. Suivra un hommage à un artiste Aixois méconnu Achille Emperaire (1829-1898) avec l’Atelier de Cézanne jusqu’en février. L’événement majeur est l’exposition-rétrospective 19 ans galerie Alain Paire conçue avec Arteum, Christiane Courbon et Pierre Vallauri, complices de longue date, au musée d’art contemporain de Château-Neufle-Rouge. Vernissage le 13 novembre à 18h30. Le catalogue recueillera témoignages, documents et renseignera sur les œuvres et les artistes sélectionnés.

L’atelier du Large J1, Marseille jusqu’au 22 décembre 04 91 88 25 13 www.mp2013.fr Chercheurs de midi Un album des albums Jean Pierre Moulères, Dominique Cabrera Bec en l’air

CLAUDE LORIN Série Se baigner, collection Usages, Douceur des premiers bains de Mai, Mai 1982, St Tropez © Sylvie Lefrere

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catalogue 19 ans galerie Alain Paire, Arteum, 2013

L’interview est à découvrir sur notre webradio www.journalzibeline.fr/zibeline-web-radio Galerie Alain Paire, Aix-en-Provence 04 42 96 23 67 www.galerie-alain-paire.com 19 ans galerie Alain Paire jusqu’au 21 décembre Arteum, Château-Neuf-le-Rouge 04 42 58 61 53 www.mac-arteum.com

A U P R O G R A M M E A R T S V I S U E L S


Au-delà de l’image de presse

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À l’heure où les nouvelles technologies et les réseaux sociaux témoignent en direct de l’histoire en marche, neuf artistes prennent leur distance avec l’image de presse pour poser un regard subjectif sur les faits historiques passés ou présents. Ils usent de la photographie ou de la vidéo pour traquer ses traces et ses blessures. Certaines encore à vif. Oliva Maria Rubio, directrice artistique à La Fábrica à Madrid et commissaire générale du festival PhotoEspaña de 2001 à 2003, a choisi «seulement neuf artistes car tous travaillent sur des séries, ils construisent l’image, c’est-à-dire qu’ils font appel à cette faculté de faire des images et se définissent comme artiste ou narrateur. La situation de crise actuelle nous donne à réfléchir sur notre histoire pour ne pas la reproduire». Ce ne sont ni des reporters de guerre ni des photojournalistes, même si certains, comme Éric Baudelaire, brouillent les codes en reproduisant la réalité dans un tableau fictif ô combien «vivant» ! C’est la guerre comme au cinéma, fabriquée dans les studios de Los Angeles, qui questionne non seulement la véracité des images mais aussi leur statut et leur diffusion par les médias. Souvenons-nous des émeutes de Clichy-sous-Bois en 2005 qui

La Liberté raisonnée, 2009 © Cristina Lucas

avaient fait la Une de l’actualité télévisée : Mohamed Bourouissa s’en est inspiré pour créer une série «d’allégories photographiques» sur la vie quotidienne des jeunes des banlieues. Images tellement vues et revues qu’elles paraissent presque banales… sauf que grâce à ses talents de peintre et de dessinateur, les scènes sont composées à la manière des tableaux d’histoire, avec une parfaite maîtrise des perspectives, de la lumière et des regards tendus comme des flèches. Autre guerre, autre temps avec Shai Kremer qui archéologie les stigmates du conflit israélo-palestinien dans le paysage

sous forme de «compositions méthodiques apparemment innocentes et poétiques» : camps d’entrainement, avions abattus… Paysage, encore, avec Paola De Pietri qui croise mémoire familiale, archives et lectures dans un travail photographique in situ, sur les traces des combattants morts de froid, de faim, au combat durant la Première guerre mondiale. Revenue à la source du malheur, elle photographie les paysages d’hier devenus des lieux touristiques et familiaux, mais perclus de trous d’obus. Eduardo Nave revient lui aussi sur les lieux du crime selon un protocole photographique qui

Les Égarements © Cerise Doucede

Accueilli pour la troisième fois à la Maison de la Photographie à Toulon, le Prix HSBC pour la photographie agit toujours comme un révélateur de talents. Deux jeunes artistes ont tiré leur épingle du jeu face à 778 concurrents, bénéficiant durant un an de quatre expositions et d’une première édition monographique chez Actes Sud. Sans compter les rencontres professionnelles

à Arles, Paris Photo ou Vérone… «Un vrai tremplin et un accompagnement complet» apprécié par Cerise Doucède qui expose dans sa ville natale Les Égarements, clins d’œil à sa famille et à ses proches mis en scène dans un décor fabriqué à la main, où les objets fétiches suspendus racontent un peu de leur intimité. De leurs pensées envolées. Entre ces portraits sensibles et

Cavity © Noémie Goudal

Talents à suivre

redonne la parole à l’événement : même jour, même heure, même endroit que les attentats perpétrés par l’ETA, seuls les titres revendiquent l’histoire vécue. C’est l’état brut des choses oubliées, d’une mémoire fragile. À chacun, donc, son évocation des chocs du monde, de ses fissures, et des cicatrices laissées aux générations suivantes. Cristina Luca -qui avait fait mouche dans l’exposition Mappamundi- réactualise l’histoire française en mettant en mouvement le célèbre tableau de Delacroix La Liberté guidant le peuple dans une vidéo au souffle puissant. D’autres se réapproprient l’histoire en réinventant la réalité jusque dans ses moindres détails : Paolo Ventura met en scène des personnages, des accessoires et des objets miniaturisés dans des situations purement imaginaires… Tous posent la question de la mémoire officielle et de la mémoire intime et nous interrogent : quelles relations l’homme entretient-il avec son histoire ? MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Histoire, regards d’artistes jusqu’au 5 janvier Hôtel des arts, Toulon 04 83 95 18 40 www.hdatoulon.fr

les travaux de Noémie Goudal, le dialogue reste ouvert car elles abordent également la photographie par le biais de l’installation. Métaphore des relations entre l’homme et la nature, la série The Geometrical Determniation of the Sunrise sème le trouble en jouant sur l’ambivalence paysage réel-paysage inventé. Parfois même, un élément insolite vient briser l’harmonie du paysage, lui-même construit et reconstruit. Ce face-à-face souligne leur trait d’union (la photographie plastique, l’installation) et leurs singularités : «Ce sont deux manières différentes de regarder la photo, explique Noémie Goudal. On n’a pas le même usage mais on est toutes les deux impliquées dans le temps car c’est un travail de longue haleine». Leur quête de la perfection est le résultat d’un travail d’orfèvre. M.G.-G.

jusqu’au 11 janvier Maison de la Photographie, Toulon 04 94 93 07 59


Les petits cailloux de

Georges Tony Stoll

Georges Tony Stoll, sans titre (le calme), 2009, 00x67 cm © Courtesy Jérôme Poggi

L’intervention pérégrine de l’artiste marseillais Georges Tony Stoll au Musée Granet devrait, selon les commissaires d’exposition, construire «un dialogue singulier entre les images, entre peinture et photographie, rendant perméables les codes de l’une et de l’autre pour recomposer, de signes figuratifs en terrain abstrait, un réel imaginaire». Sans contester la qualité de son œuvre photographique qui conduit vers ses «territoires de l’abstraction», la question du dialogue reste entière : ses interventions invitent au mieux à jouer à cache-cache avec les collections, au pire à partir à la chasse aux traces, aux signes. Car ses photographies se comptent sur les doigts de deux mains quand les salles regorgent de peintures et de sculptures. Il faut garder l’œil averti pour les débusquer et la majorité des visiteurs passent devant sans même leur jeter un regard… Dommage, quand l’enluminure photographique L’Éclaireur (1997) se joue d’un compagnonnage illustre et d’un jeu de regards obliques avec le Portrait de Granet peint par Ingres ; quand le triptyque Achab tiré de la série Moby Dick (1994/2000) tire le portrait en pied d’un corps entravé par un ruban adhésif, habilement accroché

Une collection

démocratique En janvier 2011, Zibeline1 évoquait le programme Les Nouveaux collectionneurs mis en place par le Conseil général 13 avec le Bureau des compétences et désirs, visant à constituer une collection publique d’art contemporain. Avec, en lieu et place de collectionneurs avertis, des collégiens béotiens responsables des acquisitions et des budgets ! Deux ans plus tard et 14 collèges concernés, non seulement l’objectif est atteint mais la collection s’expose au grand jour selon une scénographie pyramidale originale, thématique2 et pédagogique, conçue par Raphaëlle Jeune et l’agence d’architecture Freaks pour rendre compte du cheminement des collégiens.

entre un Orphée dénudé sculpté par Paul Aubert en 1893 et un Paysan du Danube ceint à la taille d’une peau de bête (Henri Vidal, 1892 env.). Ce n’est donc pas l’emplacement des photographies qui est à déplorer car il fait sens à tous les coups, c’est leur nombre a minima, le manque de signalisation et d’outil pédagogique pour que le dialogue soit activé, et fécond ! D’ailleurs seuls les espaces habités par Cézanne sont exempts de toute présence stollinienne, et l’on s’interroge : volonté de l’artiste de ne pas polluer l’espace sacré ou du directeur du musée pour ne pas troubler les visiteurs venus spécialement pour le maitre aixois ? On se prend aussi à regretter l’absence «des formes indomptables» de G.T. Stoll dans les escaliers menant aux diverses salles, comme le fait si judicieusement la Collection Lambert à Avignon qui aime prolonger l’épopée homérique d’un artiste jusque dans ses coursives… MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Ulysses est là ! jusqu’au 12 janvier Musée Granet, Aix-en-Provence 04 42 52 88 32 www.museegranet-aixenprovence.fr

Hôtel, Épisode 1, vidéo d’animation © Benjamin Nuel

Leurs choix, leurs questionnements, leur connaissance de l’art, tous médiums confondus, acquis durant les visites d’ateliers, de musées et de galeries et leurs rencontres avec les artistes et les professionnels. Cet accrochage éclaire -au sens littéral du terme- chaque section au fur et à mesure du parcours, et incite le visiteur à découvrir la pluralité des écritures et des formes dans un va-et-vient constant avec les textes informatifs contrecollés sur le mur d’entrée. 57 artistes figurent dans la collection, confirmés ou émergents, dont 50 % sont issus de la région, preuve de la richesse du territoire et de la grande acuité de leurs regards… L’exposition, en forme de point d’orgue, annonce des temps heureux puisque le projet se poursuivra en 2014 avec deux classes, et ce même si «chaque étape a été un combat». Aujourd’hui Véronique Traquandi, chargée de mission arts visuels à la direction de la culture, réfléchit à la meilleure manière de faire vivre le fonds : «Il faut qu’il soit d’abord acté, ensuite il devra trouver son autonomie en tournant sur le département ou en trouvant un lieu qui lui soit entièrement dédié». Ce sera le combat de demain. M.G.-G.

Voir Zib’37 in Cahier jeunesse Apparence et réalité, Contraintes et libertés, L’Architecture, Entre réalité et fiction, Jeux de détournements, La Mort et la dérision, Construction/Destruction, Portraits de femmes : entre image et identité, Fragilité de l’existence, jeunes et agités, L’Instant, étrange beauté, Face cachée, Paradoxe 1 2

Les Nouveaux collectionneurs au collège jusqu’au 16 février Galerie d’art du conseil général 13, Aix-en-Provence 04 13 31 50 70 www.culture-13.fr

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De cet endroit

Fidèle au toit-terrasse de la Friche La Belle de mai, le groupedunes suggère dans son installation multimédia de lire autrement le paysage urbain, en étant réceptif à ses moindres mouvements. Son nouveau challenge ? Offrir cette expérimentation au public in situ et aux internautes via une interface (www.decetendroit.net) qui rend compte de tout le processus en cours. Bref, une autre manière de vivre et partager l’espace public. M.G.-G. jusqu’au 31 décembre Friche La Belle de Mai, Marseille 3e 04 26 78 12 70 www.decetendroit.net

A U P R O G R A M M E

De cet endroit, installation multimédia, 2013 © groupedunes

Mahé Boissel

En quelques traits noirs, de légers aplats de couleur, des ombres noircies, Mahé Boissel envahit la toile de silhouettes esquissées à minima : fillettes se réfugiant dans les jupes de leur mère, «femmes acérées» droites comme un I. Deux âges de la vie (jeunesse, maturité) avant que la vieillesse ne vienne pointer le bout de son nez… Semblables aux Parques qui veillent à notre destinée. M.G.-G.

Dessin du jour © Mahé Boissel

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Passage jusqu’au 5 décembre Passage de l’art, Marseille 7e 04 91 31 04 08 www.lepassagedel’art.fr

A R T S

Rencontres entre artistes et écrivains

Michel Bépoix a «pacsé» des artistes et des écrivains qui ont vécu ou travaillé en Provence, osant des duos du plus convenu (Lucien Clergue/Saint-John Perse) au plus improbable (Yves Brayer/Rilke), du plus facétieux (Christian Courrèges/Vicente Blasco Ibanez) au plus érudit (Brigitte Bauer/Jacqueline de Romilly)… Autant de «correspondances» visuelles et littéraires à savourer comme une salade niçoise !

V I S U E L S

M.G.-G.

La Provence, terre de rencontres entre artistes et écrivains jusqu’au 23 février Musée Regards de Provence, Marseille 2e 04 96 17 40 40 www.museeregardsdeprovence.com © Didier Ben Loulou © Peter Klasen, Chronique locale, 1984, huile sur toile, 260 x 200 cm, Collection Fondation Vincent van Gogh, Arles

Didier Ben Loulou

Une belle actualité pour Didier Ben Loulou invité du Garage photographie. Son errance poétique phocéenne entamée en 2012 lors d’une résidence de création dans le cadre de MP 2013 se concrétise aujourd’hui par une série de 50 tirages Fresson 26x26 cm en couleur, trois master class les 6, 7 et 8 décembre, des visites guidées avec repas méditerranéens et un livre chez Arnaud Bizalion éditeur pour 2014. C.L. Marseille de Didier Ben Loulou du 5 décembre au 6 février Le Garage photographie, Marseille 09 53 84 57 00 http://wp.williamguidarini.com


Aérosol et Rubinstein

Après Charlélie Couture et Jak Espi, c’est un autre duo inédit, Nicolas Rubinstein et Jef Aérosol, qui clôturera l’année de la galerie Pluskwa. Aux objets insolites et parfois grinçants du sculpteur marseillais se confronteront les travaux au pochoir d’un des représentants majeurs de la scène du Street Art, une série rock/pop/acidulée de portraits doubles conçue spécialement pour l’événement. C.L. Les deux font la paire du 22 novembre au 28 décembre Galerie David Pluskwa Art Contemporain, Marseille 04 91 33 24 51 www.david-pluskwa.com

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Nicolas Rubinstein, Pull !, résines polyuréthanes et polyester, papier, acier. © Galerie David Pluskwa

A U

Massimo Vitali

P R O G R A M M E

La dernière escale photographique du programme Dépaysement déployé tout au long de cette année pour l’espace d’exposition de la boutique agnès b sera consacrée à Massimo Vitali -représenté par la galerie du jour de la même agnès b-. Connu pour ses vues de littoral maritime et balnéaire, notamment outre alpins, le photographe présentera une série de plages de pierres brûlées par une lumière irréelle poétiques mais toujours distanciées. C.L. Dépaysement Escale 7, Massimo Vitali jusqu’au 28 décembre Project-room agnès b, Marseille 04 96 11 04 50

Massimo Vitali, Poesia 1, 2010 © Massimo Vitali

Instemps

Depuis 2009, le Centre Interrégional de Conservation et de Restauration du Patrimoine (CICRP) propose à des artistes photographes de réaliser un travail personnel en liaison avec les fondements et les activités développées au sein de l’établissement. Antoine d’Agata, José Ramón Bas, Matthias Olmeta, Lucie et Simon, Lisa Ross et Alfons Alt livrent leur regard singulier à travers de grands formats. A.L. jusqu’au 5 janvier Centre de la Vieille Charité, Marseille 2e 04 91 14 58 80 www.marseille.fr Lisa Ross, Surface upon, 2012 Les armes des voyous selon Jean-Pierre Nadau, encre de chine © JP Nadau

Christmas gun

L’exposition réunit divers artistes, notamment marseillais, abordant le thème des armes. Loin de toute pulsion destructrice, le spectateur aura tout simplement affaire à un clin d’œil sur notre monde et son instabilité à travers des armes fabriquées dans des matériaux simples. Comme du carton facilement destructible, ce qui souligne l’idée de fragilité du monde. Fragilité de nos sociétés s’effondrant au détriment même de notre monde. A.L.

du 28 novembre au 28 décembre Galerie Polysémie, Marseille 04 91 19 80 52 www.polysemie.com

A R T S V I S U E L S


Time Machine

Dans la société digitale, considérant aussi l’histoire des médias, quels peuvent être les modes d’expression et d’exposition artistiques ? Quel statut pour l’œuvre d’art ? Quelles circulations pour les images ? Autant de questions générationnelles posées par des artistes internationaux émergents, digital-natives de New-York, Los Angeles et Berlin, choisis par Corentin Hamel. C.L. jusqu’au 14 décembre Fonds M-Arco, Le Box, L’Estaque 04 91 96 09 02 www.m-arco.org Daniel Keller, Zion + platform (Cambrian explosion) miroir, revêtement hydrophobe, acier, 51 x 140 x 120 cm

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Art, espace

Quelles relations entretiennent l’art, le territoire, l’espace et la cartographie ? Une exposition de Nicolas Desplats, une sélection d’œuvres du FRAC Paca et des conférenciers ad hoc, dont Guillaume Monsaingeon, tenteront de circonscrire la problématique posée par le bild, bureau d’implantation des lignes Digne, lieu de programmation et de diffusion adossé à l’école d’art de Digne-les-Bains. C.L. Art Territoire & Cartographie jusqu’au 14 décembre bild, Digne-les-Bains 04 92 31 34 59 www.bildigne.fr

A R T S

Nicolas Desplats, Résidence Fondation Vacances Bleues (détail) © N. Desplats

6 mois en 4 histoires

V I S U E L S

Issues de la revue 6 Mois consacrée au photojournalisme, les images de Miquel Dewever, Janet Jarman, Stephnie Gengotti et Ilvy Njioktjien passent à la loupe 4 histoires, sans pathos : respectivement, la guerre des gangs au Guatemala, le destin de la petite Marisol à Mexico, les amours et maternités adolescentes, les Afrikaners. Quatre points de vue militants sur la réalité de notre monde. M.G.-G. du 19 novembre au 31 janvier Galerie du théâtre La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.eu

Marisol, Tamaulipas, Mexico, 1996 © Janet Jarman

Merveille !

La Galerie des Comptoirs arlésiens de la jeune photographie présente trois nouvelles artistes. Chacune travaille sur la vie à sa manière : Camille McOuat en se mettant en scène dans la nature dans It was so beautiful, Marie-Jeanne Neirynck en abordant la nature éphémère dans Arrière-saison et Magali Lambert en mettant en scène de vieux objets de maison inanimés mais brillant par leurs insignifiances dans Eres una Maravilla, résultat de sa résidence à la Casa Velasquez à Madrid. A.L. jusqu’au 31 décembre Comptoirs arlésiens de la jeune photographie, Arles 06 07 78 94 71 www.comptoirsarlesiens.com

Eres una Maravilla, tu es une merveille © Magali Lambert


1963, année de la vidéo Les 26e Instants Vidéo célèbrent 50 ans d’art vidéo à travers une programmation internationale, rétrospective et prospective : son directeur artistique Marc Mercier se souvient de sa naissance passée sous silence et analyse son rôle dans l’art actuel. Zibeline : Que s’est-il passé en 1963 ? Marc Mercier : On se réfère toujours à l’exposition de Nam June Paik présentée dans le cadre de Fluxus mais quand on regarde la presse de l’époque, cela n’avait pas retenu son attention. C’est après coup que l’on s’est aperçu qu’il s’agissait d’un tremblement de terre, après coup seulement ! À cette époque, dans les pays européens, au Japon et aux USA, un espace de liberté s’ouvrait, un nouveau champ d’exploration, les artistes s’émancipaient des codes du cinéma et de la représentation. Il faut se rappeler que la plupart des installations fonctionnaient à partir d’images filmées en direct. C’était un acte important. Une posture novatrice que vous saluez cette année à votre manière… En effet, on a demandé au pionnier de la vidéo italienne Michael Sambin de rejouer sa performance de 1977. À Marseille, comme à la Biennale de Venise

© Living in a box, Kentaro Taki (Japon, 2010). Installation vidéo exposée à la Tour-Panorama

où il l’a créée, il s’agit d’explorer le direct et faire interagir ensemble le corps, la caméra et le violoncelle. Depuis, la vidéo a acquis ses lettres de noblesse au point d’apparaître de manière récurrente dans les spectacles de théâtre et

de danse. Quel est votre regard ? La vidéo n’est pas seulement un moyen de faire moderne ou d’expérimenter de nouvelles formes, comme dans les années 1980/90 où les artistes étaient dans une ignorance totale de ce qui avait été fait dans le champ de l’art

contemporain. Aujourd’hui, les metteurs en scène et les chorégraphes sont moins fascinés par la vidéo, mais les créations sont plus subtiles. Et dans le champ de l’art contemporain ? Là, comme ce sont souvent des artistes plasticiens qui se saisissent de la vidéo pour renouveler leurs pratiques et leurs démarches, je reste sceptique. Il y a une espèce d’amnésie ! C’est l’une des raisons pour lesquelles on a voulu faire cette célébration. Les gens du cinéma connaissent leur histoire, les plasticiens, parfois, beaucoup moins. Dans les arts numériques par exemple, les artistes ignorent le travail de leurs aînés. Au Japon, où nous avons lancé cette 26e édition, le milieu de l’art vidéo et celui des arts numériques sont assez détachés l’un de l’autre. C’est important aujourd’hui de remettre les pendules à l’heure pour savoir si les artistes des arts numériques se sentent redevables ou non des créations d’hier… ENTRETIEN RÉALISÉ PAR MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Programme des 26e Instants vidéo à La Friche La Belle de Mai (jusqu’au 30 nov) sur www.instantsvideo.com

Les murmures merveilleux

Katia Bourdarel réenchante le Centre d’art contemporain intercommunal d’Istres pour clore non sans une pointe de mélancolie le programme annuel À la conquête de l’espace, épisode 2 qui explorait les modalités de la représentation. «Les choses importantes se murmurent». C’est ainsi que Katia Bourdarel déclare concevoir son œuvre pour élaborer «un art généreux pour un rapprochement avec l’autre». Avec cette carte blanche elle confirme son travail de rêveuse impénitente en investissant les quatre salles en autant de stations d’un parcours initiatique qui outrepasse les réalités tangibles du musée. Ce long chemin proposé au visiteur débute et se clôt avec deux œuvres produites spécialement pour l’occasion, complétées par des pièces récentes. Chacune renvoie de l’une à l’autre avec en fonds commun les archétypes du conte : la forêt, la cabane, les êtres féeriques et hybrides, la lumière et l’obscur, des espaces enchantés et inquiétants, le reflet... L’artiste multiplie la nature des médiums et les dispositifs

narratifs comme dans le wall painting où se combinent deux types et deux techniques de représentation et d’illusionnisme. Sur des silhouettes stylisées d’arbres noirs peintes sur les murs blancs telles des projections cinématographiques sont fixés deux cadres au rendu photographique réalisés à l’aquarelle. Des plantes s’y enchevêtrent autour d’un bras : cueillette ou nature enchantée, avant ou après que la forêt fût noire ? Dans notre dos, dans la vidéo Ailleurs, un elfe sombre évolue dans un sous bois hyper lumineux. Au dernier étage, l’installation Le secret est constituée d’une cabane naine d’où fusent alentour des lumières multicolores à travers des diamants sertis dans les planches fuligineuses. On ne croit pas aux fables mais on s’y complaît. Un livre-coffret Le conte de l’orteil a été réalisé avec l’atelier marseillais Tchikebe sur des textes d’Emélia Carrère, vingt tirages de tête numérotés et signés, hors commerce, ainsi qu’un livret sous couverture sérigraphiée, disponible au CAC (15 euros). Le long chemin se prolonge en novembre : le

intercommunal rt contemporain rdarel, Centre d’a Bou ia Kat , ret sec Le C. Lorin_Zibeline d’Istres, 2013 ©

20, Conterie insolite de Jeannie Lefebvre et une Promenade contée avec Agnès Chavanon/ association AMAC le 29. CLAUDE LORIN

Le long chemin jusqu’au 11 janvier Centre d’art contemporain intercommunal, Istres 04 42 55 17 10 www.ouestprovence.fr

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L I T T É R A T U R E

Saisir le réel

Stand des Ocrezs vagabonds et enluminures de Gilbert Tocco © C.B

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Les Littorales ont offert une programmation et des rencontres d’une grande qualité

Sous le chapiteau principal place d’Estienne d’Orves des auteurs prestigieux sont venus parler de «l’invention du réel». En fait, plutôt que d’«inventer» le réel au sens habituel, il s’agit pour eux de le saisir en le nommant pour l’ordonner, le donner à voir et en faire un objet littéraire. L’inventio serait ainsi à comprendre dans son acception rhétorique ; la fiction deviendrait alors organisation d’une réalité «bruyante mais muette»…

Revisiter

C’est ainsi que l’a présenté Jean-Christophe Bailly. Son dépaysement, récit d’une déambulation dans le paysage et dans le lexique, avec «prélèvements à différents endroits du territoire» se veut «un livre pour apprendre à voir le réel dans sa profondeur». De même, Pierre Patrolin avec La traversée de la France à la nage livre «un ouvrage de pure fiction où quasiment rien n’est inventé», «une plante étrange qui se nourrirait du terreau du réel». Un roman d’aventures où il ne se passe presque rien, écrit «pour faire apparaître le monde en mots». Jean Rolin, qui rappelle ce qu’Ormuz (voir Zib’66) doit à la lecture du livre de Patrolin, décrit ses textes comme des semi-fictions. Il fait partie de ceux que son collègue Christian Garcin appelle «les arpenteurs», dont l’écriture s’apparente au tracé, au parcours. Jean Hatzfeld, lui, revient dans son dernier roman (voir p. 73) sur le siège de Sarajevo. «La même guerre mais racontée autrement», loin du présent des journalistes, avec le recul que permet l’écriture romanesque. Sous son pseudonyme Rebecca Lighieri (Husbands), Emmanuelle Bayamack-Tam rencontrait le dessinateur Jérémy Munoz (Un léger bruit dans le moteur) autour de leurs «polars» qui n’en sont pas, mais qui puisent dans un univers graphique et géographique singulier l’inspiration de romans noirs d’un nouveau type. Puis sous son vrai nom elle rendait hommage à l’esthétisation

Olivier Douzou, Maya Mich alon, José Parrondo et Frédérique Bertrand © Libraires à Marseille

Jean Rolin et Baptiste

s à Marseille Lanaspèze © Libraire

Imager

Au rayon BD, on a pu entendre Cyrille Pomès expliquer comment, à partir de photos et de vidéos, il a restitué les lieux emblématiques du Printemps des Arabes scénarisé par l’islamologue Jean-Pierre Filiu. Quant à Baru, il a rappelé qu’il avait une «tête plus sociologique que psychologique», d’où le soin presque maniaque qu’il apporte à la mise en place des décors qui doivent «rendre compte de ce que les personnages sont» et sa volonté de s’engager dans la manière dont va le monde, en donnant la parole à ceux qui ne l’ont pas. La littérature jeunesse était installée plus loin sur le Cours, dans un étincelant Magic Mirror. Olivier Douzou, directeur artistique des éditions du Rouergue, a retracé son parcours éditorial à l’occasion des 20 ans de la maison (voir Zib’61). Un livre marque l’événement, Forêt wood, hommage à tous les arbres des livres en duo avec José Parrondo... Frédérique Bertrand a expliqué la fabrication de la série Pyjamarama, livres animés qui reprennent une ancienne technique, l’ombro-cinéma. À l’Alcazar, parmi les éditeurs connus de la région on a particulièrement apprécié le livre objet Un tigre dans mon jardin d’Arno, dessinateur marseillais aux éditions Les apprentis rêveurs. À découper et coller. Les livres d’artistes s’exposaient dans le hall du Palais de la Bourse. Gantés de blanc, vous pouviez feuilleter les carnets de 80 participants français et étrangers, notamment des créateurs roumains. Mais aussi lire de la poésie et admirer les enluminures du marseillais Gilbert Tocco sur l’Orlando furioso de l’Arioste. FRED ROBERT, AUDE FANLO et CHRIS BOURGUE

ironique de Baudelaire (Si tout n’a pas péri avec mon innocence), tandis que Nicole Caligaris (Le Paradis entre les jambes) faisait l’éloge de l’ombre de Tanizaki. L’une et l’autre ont en commun une éthique de la langue qui évite tout voyeurisme malgré la crudité, ou la cruauté, de leurs sujets.

Le festival Les Littorales organisé par l’association Libraires à Marseille a eu lieu du 18 au 20 octobre


Pour inventer un festival littéraire

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L

Olivier Adam © David Ignaszewski, Goboy, Flammarion

’invention du réel n’a pas tout à fait satisfait à son désir de transformer Marseille en ville littéraire. Il faut dire que la communication de MP2013 a été molle, que les Écritures Croisées se tenaient au même moment à Aix (voir p. 68), que si Les Littorales (voir ci-contre) ont fait l’effort de coordonner leurs rencontres avec la programmation à La Criée certains événements se chevauchaient, et qu’Actoral venait tout juste de se finir… Bref la période était mal choisie pour lancer cet événement exceptionnel que l’on voulait pérenniser ! On y retrouvait un même esprit et beaucoup d’écrivains qu’aux Correspondances de Manosque (voir Zib’67) mais la recette magique n’a pas fonctionné à plein. Certaines soirées ont néanmoins démontré que, mieux préparés, nombre de Marseillais étaient prêts à faire la fête autour de la littérature : Laurent Gaudé et Charles Berling ont fait grande salle comble, ainsi que le trio acoustique d’Oxmo Puccimo. La lecture musicale d’Olivier Adam fut particulièrement réussie, livrant sans emphase mais avec émotion quelques bribes d’un passé douloureux remémoré lors d’un voyage dans le village natal… Florent Marchet, au piano entre autres, s’inscrivait simplement dans ses silences, soulignant parfois ses mots, aussi. La venue d’Hanif Kureishi, qui aurait dû être un événement, ne rassembla que quelques dizaines de personnes ! Pourtant l’écrivain fut lumineux (et bougon !), soulignant la nécessité que les immigrés écrivent enfin, parce que ce sont eux qui savent comment les sociétés européennes ont changé. Il parla avec passion de ce regard qu’il porte, en tant qu’Anglais d’origine indienne, sur ce qu’il voit de sa fenêtre. Et on écouta sa nouvelle, Courir, avec le même délice qu’on a vu My beautiful laundrette, goûtant son autodérision, sa justesse d’observation, et cette foi toujours présente dans la possibilité d’outrepasser les chemins tracés. Les Rues de la Méditerranée, avec Hiam Abbas et Jean-Baptiste Sastre, fut décevant : l’acteur, tout en force et en scansion, traita avec la même dureté la lumière de Maylis de Kérangal et les rues du souvenir de Boualem Sansal, aplatissant aussi Erri de Luca… Quant à Hiam Abbas elle lut, sans traduction, en Arabe et en Hébreu, faisant sonner la langue, mais nous privant du sens. La Méditerranée y apparaissait bien cloisonnée et impénétrable ! Franchement plus sympathique, le Bal littéraire donna l’occasion d’écouter et de danser ! Cinq écrivains réunis durant une journée avec une playlist ont écrit un récit, un peu tiré par les cheveux mais avec de beaux moments hétéroclites, intercalés entre les morceaux à danser. C’était gai, et créatif, et la formule peut s’améliorer encore ! Dans le hall et la mezzanine de La Criée des petites formes : les écrivains qui retracent en direct leurs impressions de visiteurs de la ville, sur tablette. Un manège de verre à cabines voyeuses, sorte de peep-show littéraire, où des comédiens livrent de courts récits intimes… Les propositions étaient riches et nombreuses, et on espère que ce temps fort littéraire et festif perdurera, et rassemblera des foules comme à Manosque ! AGNES FRESCHEL

Bal littéraire © Cédric Baudu

Premier et dernier Velours rouge et grande salle de La un moment et gardent une résoCriée pour la lecture d’apparat du Premier Homme d’Albert Camus, son dernier roman largement autobiographique, inachevé malgré lui. C’est Charles Berling qui officie à la table toute modeste et porte haut une heure durant les mots déjà bien connus d’un public conquis d’avance. La naissance, le cimetière et la tombe du père, la classe de monsieur Germain… le découpage favorise la connivence et dès l’ouverture Berling a dans la voix «les gros et épais nuages qui filaient vers l’est dans le crépuscule»… les phrases ne retombent pas, flottent

nance un peu nasale créatrice d’une certaine intimité. La main gauche du lecteur s’anime régulièrement et ne mime rien d’autre qu’une intensité passagère ; quelques accrocs, de légers achoppements sauvent opportunément l’exercice d’un académisme sournoisement menaçant. MARIE-JO DHO

Charles Berling lira également Le Premier homme lors de la fête du livre de Toulon (du 15 au 17 nov, voir Zib’67)

D’outre-tombe ! Il s’avance au pupitre et lit, d’une voix posée, tutoie un fantôme, narrateur immatériel instruit de son propre sort tragique. À l’image d’une «Scène d’enfants» schumannienne, «Le poète parle», les cadences suspendues à leur résolution… On n’y coupera pas à la déflagration finale : quiétude morbide sur une chaussée béante… corps en poussières d’étoiles ! On écoute, yeux clos… silence ! Les héros modernes de Laurent Gaudé sont bien réels ; sa langue les enlumine. À la une, Falcone et Borsellino, juges siciliens luttant contre la pieuvre, sans relâche, prisonniers au quotidien de leur propre courage et de leur destin… On sort du Théâtre de La Criée, le 17 octobre, un temps passé avec l’écrivain lisant sa nouvelle Tombeau pour Palerme, parlant de son art,

avec une envie : lire son œuvre. JACQUES FRESCHEL

Les Oliviers du Négus Laurent Gaudé Actes Sud

P L OI LT TI ÉT RI Q A U T U E R CE U L T U R E L L E


Des flics sur la toundra

Olivier Truc était invité à la BDP le 15 octobre dans le cadre du cycle littéraire Paroles d’auteurs réalisé en partenariat avec la Marelle ABD Gaston Defferre, Marseille 04 13 31 82 00 www.biblio13.fr

Olivier Truc © Philippe Matsas

La conjugaison du voyageur et du moine Citoyenne du monde, Etel Adnan, invitée d’honneur des Écritures croisées 2013 se raconte, mère grecque de Smyrne, père syrien ottoman. «J’ai vécu avec deux personnes étrangères à elles-mêmes, et mon éducation passant par l’école française fut livresque, sans rien à voir avec le Liban où je vivais ! Nous étions trois personnes de trois mondes différents.» Se refusant à tout débordement de pathos, l’écrivaine affirme : «Ce n’est pas tragique, mais intéressant, tant qu’un problème ne vous tue pas il vous élève, vous aide…» «Cela m’a poussée à vivre au jour le jour.» Elle part en France, en Amérique, enseigne à Berkeley la philosophie, puis revient à Beyrouth, cette ville née de la guerre. «L’histoire écrit mes livres, j’aimerais parler d’autre chose, mais c’est impossible ! Mon Guernica c’est L’Apocalypse Arabe ! Ma peinture elle, reflète le côté planétaire.» Un film livrera d’ailleurs quelques clés de son art, peuplé de lignes, «ce qui m’intéresse, ce sont les lignes de force. Toute œuvre bouge.» En soulignant son «côté inculte en musique», elle explique : «J’aime la musique comme plongée… elle m’a aidée quand j’enseignais la philosophie de l’art : pour l’art abstrait, il y a un sens caché, comme dans la musique, et qui ne nécessite pas d’être explicité. Écrire de la musique, comme en peinture ou en écriture, c’est attraper un ton. À l’instar des oiseaux qui attendent un courant d’air qui lorsqu’ils l’ont trouvé partent.» Voyageurs aussi les autres invités : Dimitris Kraniotis, danseur et poète dont Dominique Gramont a dit : «C’est comme si le jeune Kavafis avait déjà lu Elytis.» Il explique à quel point la poésie est une forme de lutte contre l’acculturation : «Dans la

X-D.R

L I T T É R A T U R E

la poursuite des éleveurs qui euxmêmes suivent les rennes, voilà un excellent matériau fictionnel. C’est ce qui a décidé le journaliste à se lancer dans la rédaction de son premier roman. Il a bien fait. Son dernier Lapon (lire la chronique journalzibeline.fr) a déjà reçu plusieurs prix depuis sa parution en 2012. Il fait également partie de la sélection 2013-2014 du Prix Littéraire des Lycéens et Apprentis PACA. Un polar du Nord écrit par un Français, original ! Et à suivre. Car l’auteur «garde religieusement [s]es carnets de reportages» : tout un réservoir de personnages et d’histoires à venir. FRED ROBERT

Etel adnan ©

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Dans le grand Nord, en Laponie, il y a des rennes, beaucoup de rennes, que des voitures écrasent, qui disparaissent victimes d’abattages clandestins, que les éleveurs se disputent lors des transhumances saisonnières. D’où la nécessité d’une «police des rennes». C’est de ces patrouilles très particulières, créées en1949, qu’Olivier Truc est récemment venu parler à la BDP. Le journaliste et documentariste vit en Suède depuis vingt ans ; il connaît bien ces «diplomates de la toundra», spécialistes de la prévention et de la médiation. Il a d’abord présenté son film Police des rennes ; ce documentaire réalisé en 2007 en dit long sur l’existence rude et les conflits des éleveurs, ainsi que sur tous les problèmes que posent aujourd’hui les constructions massives sur les zones de pâturage et le réchauffement climatique. Cette police qui sillonne à motoneige les étendues glacées du territoire sami (terme nordique pour «lapon»), à

poésie les mots ont d’autres spectres de significations. Le Grec ancien leur donne une épaisseur, c’est ce qui m’a Ecritures Croisées 2013, ouverture © M.C. permis de devenir poète.» Vivant lui aussi entre des parrains, lui qui se définissait comme un France et Grèce, Vassilis Alexakis, inlassable «mainteneur de mots», pour qui «marcher, c’est conteur, enchanteur du monde, explique : «La vie se réaccorder à ce qui nous entoure». Hannah n’est pas très lisible, aussi ennuyeuse que l’annuaire Schygulla apportait sa présence lumineuse, du téléphone», et donne l’une des clés de son ses choix de textes, accompagnée par le piano écriture, «il faut toujours deux sujets pour faire de J-M. Sénia. La menée des débats par G. un livre, pour que s’entrecroisent les thèmes.» Gil Meudal toujours fine et précise, l’enthousiasme Jouanard, fondateur des rencontres littéraires, indéfectible d’Annie Terrier ont permis à ce est inclassable, poète, voyageur, philosophe… début de voyage entre Méditerranée et Baltique il conte, nourrit d’anecdotes et de faits son de s’opérer en sensible poésie. écriture. «Écrire, c’est conjuguer le voyageur et MARYVONNE COLOMBANI le moine» affirmait Jacques Lacarrière. Il était là par une exposition de ses photographies, les La Fête du livre des Écritures croisées a eu lieu lectures sensibles de Silva Lipa Lacarrière, du 17 au 20 octobre à la Cité du livre, dans cette Fête du livre dont il avait été l’un Aix-en-Provence


LE CORBUSIER REVIENT À MARSEILLE LC AU J1

LE CORBUSIER ET LA QUESTION DU BRUTALISME EXPOSITION 11 OCT. – 22 DÉC. 2013

RÉSERVATION SUR MP2013.FR / FNAC.COM / DIGITICK.COM / PAVILLON M / ESPACE CULTURE / OFFICES DE TOURISME AIX-EN-PROVENCE, ARLES, MARSEILLE J1 : TOUS LES JOURS SAUF LE LUNDI / 12H-18H / PL. DE LA JOLIETTE, BD DU LITTORAL, MARSEILLE 2E Le Corbusier, Ronchamp, 1954 ©André Maisonnier / FLC / ADAGP Paris 2013 Exposition réalisée avec le concours de

Avec le soutien de

Partenaires officiels de Marseille-Provence 2013

Partenaires institutionnels du J1

Partenaires médias de Marseille-Provence 2013

Partenaires du J1

Partenaires médias de l’exposition

Partenaire billetterie

Partenaire de l’exposition


70 L I T T É R A T U R E

Après une première soirée très réussie en septembre, les deux jeunes productrices radio Aurélie Charon et Caroline Gillet ont récidivé avec XXI : notre siècle, nos printemps. Une expérience publique de «radio live en 3 D», c’est-à-dire avec sons, discussion et dessins. Les sons, ils sont extraits de leurs séries radiophoniques réalisées pour France Inter (dont l’excellent Welcome Nouveau Monde qu’on peut écouter sur le site de la radio) et agrémentés de quelques vidéos. La discussion, c’est celle, tout en finesse, que mène le duo avec les invités du jour. Quant aux dessins et photomontages, ce sont ceux qu’Amélie Bonnin réalise en live sur tablette graphique. Une jolie performance technique, dont la préparation a sans doute été méticuleuse et dont on salue la fluidité et le naturel. Ce soir-là étaient réunis sur le plateau, pour évoquer leurs «printemps» à eux, Abdou d’Alger, Stav de Jérusalem (Stav est aujourd’hui la plus jeune élue à la Knesset, le parlement israélien), Amer et Sara, un jeune couple syrien exilé depuis peu à Paris ; grâce à une liaison Skype, on a aussi pu voir et entendre Aylin en direct d’Istanbul. Partout dans le monde méditerranéen, à Taksim, à Tel-Aviv (lors de ce que l’on a appelé «l’été israélien») et ailleurs, malgré la censure, les arrestations, la torture parfois, une jeunesse sans peur affirme sa volonté d’en finir avec

les régimes liberticides et l’injustice. Ce sont ces voix, des voix de jeunes de leur âge, que les réalisatrices nous ont permis d’entendre. Comme autant de contrepoints aux discours officiels sur les «printemps arabes». Et on regrette beaucoup que le public ait été si clairsemé ce soir-là à la Villa Méditerranée. FRED ROBERT

L’émission de radio live XXI : notre siècle, nos printemps a été réalisée le 26 octobre à la Villa Méditerranée, dans le cadre du cycle L’histoire autrement (lire également p. 76) Les émissions d’Aurélie Charon et Caroline Gillet sont à écouter sur www.franceinter.fr

Villa Méditerranée, Marseille 04 95 09 42 52 www.villa-mediterranee.org

Sucré salé

L’info Welcome Futur © Amélie Bonnin

Les voix de la jeunesse

graphique En amont du festival Les Littorales, Franck Bourgeron est venu présenter à la librairie La Réserve à Bulles le premier numéro de La Revue Dessinée, un mook trimestriel «100% info, 100% BD». Parce qu’il est un admirateur inconditionnel de XXI (il y a fait référence à de nombreuses reprises au cours de la rencontre), parce qu’il est convaincu que la BD est «un outil graphique formidable pour raconter le réel», Bourgeron a entraîné dans ce projet cinq autres auteurs de bande dessinée, qui détiennent aujourd’hui 80 % du capital de l’entreprise, histoire de garder leur indépendance. Initialement, ce devait être une revue numérique avant tout (3,50 euros le numéro) ; mais les ventes en ligne ayant été décevantes (pour le moment), c’est sur La Revue version papier que les espoirs reposent. De fait, ce numéro remplit le cahier des charges : des écoles graphiques très diverses et des sujets d’actualité qui parlent à tous. On peut ainsi naviguer d’une très sérieuse enquête au long cours sur les gaz de schiste à l’évocation humoristique de la Ménagerie du Jardin des Plantes, d’un reportage sur «le prix de la terre» (ou des obstacles auxquels doit faire face tout jeune agriculteur désirant s’installer) à une excursion dans les terres australes à bord d’une frégate de la Marine Nationale, la liste est loin d’être exhaustive. Sur 226 pages, on croise aussi des exilés du Congo et du Rwanda, Salvador Allende, un skateur, un prof de sémantique, un viking percussionniste… Une revue énergique et engagée. À découvrir ! FRED ROBERT

Grains de sel, le festival aubagnais «du livre et de la parole de l’enfant» est cette année labellisé MP2013 et a en conséquence renforcé sa programmation. Pour sa troisième édition, l’inépuisable thème de la famille a été retenu, et ce sont donc 50 maisons d’édition jeunesse, 25 ateliers, des expositions, des spectacles qui occuperont le centre ville pendant 4 jours. De multiples occasions pour les jeunes et moins jeunes de faire au choix l’acquisition d’un livre pop-up pour s’initier à l’oeuvre de Kandinsky, de rencontrer Axl Cendres, auteure d’un roman-feuilleton produit spécialement à l’occasion de la Capitale culturelle, ou encore de participer à une création collective lors de la Fête Foraine Graphique orchestrée par les Ornicarinks. Revisiter l’Encyclopédie de Denis Diderot sera également possible, avec Franck Prévot, ou bien partir à la conquête de l’espace en compagnie de l’astrophysicien Alain Doressoundiram. Les besoins spécifiques

Grains de Sel © Marc Munari, Ville d’Aubagne

des ados et tout-petits seront comme chaque année pris en considération, avec en particulier l’histoire de Bouli Miro pour les premiers au Comoedia, et le spectacle Dans la lune par la Cie Tatem au Bras d’Or, destiné à un public de 12 mois à 3 ans. Une «Bulle» mangas, BD, romans accueillera les grands, tandis que la Véranda des enfants enchantera les bambins. Toutes générations confondues ne manqueront pas les 4 expositions programmées, avec notamment des planches originales de Claire Franek, illustratrice de l’album Le jeu de cette famille paru aux éditions du Rouergue. GAËLLE CLOAREC

Grains de sel aura lieu à Aubagne, divers lieux du 14 au 17 novembre 04 42 18 17 77 www.aubagne.fr

Franck Bourgeron était invité à La Réserve à Bulles le 17 octobre Bourgeron et Chris étaient présents sous le chapiteau des Littorales du 18 au 20 octobre La revue dessinée automne 2013, 15 euros Renseignements et abonnements sur www. larevuedessinee.fr


Art, argent, mondialisation Quand la crise se déclarait en 2008 et infectait les sociétés à l’échelle de la mondialisation, pendant que le marché international de l’art contemporain continuait -jusqu’à aujourd’hui- de flirter avec les résultats insolents de l’industrie du luxe, en 2009, à Marseille, un colloque tentait d’en détricoter les tenants et aboutissants pour le domaine de l’art et la culture. Cinquième volet du cycle «L’histoire de l’art en question(s)», L’art, l’argent et la mondialisation sous la direction de l’économiste Nathalie Moureau et l’historien de l’art Jean-Noël Bret, restitue les différentes participations et réflexions amenées par ces rencontres1. Des économistes, sociologues, philosophes, un critique d’art et un artiste tracent les linéaments complexes du phénomène. Galeries, foires, biennales, rôle des institutions publiques d’état et européennes, commissaires, historiens, collectionneurs (grands), critiques, comment par divers canaux chacun participe à la consécration de certains artistes, valorisent les collections (grandes) privées et leurs propriétaires comme autant de valeurs, infléchissant aussi la gouvernance des établissements culturels et patrimoniaux (l’exemple de la Rmn/Réunion des

Qui selon qui

Spécialisées et reconnues dans l’alternative écologique, les éditions Wildproject se fourvoiraient-elles lorsqu’elles s’intéressent à l’art contemporain phocéen ? Pourtant dans le domaine de la musique À fond de cale et M.A.R.S., respectivement pour une histoire du jazz et du hip hop à Marseille, étaient plutôt réussis dans la même collection «À partir de Marseille». Qui est qui (sans point d’interrogation), formes et figures de l’art contemporain à Marseille rappelle dans la première partie du titre un jeu télévisé à succès où il fallait deviner des personnalités de divers horizons mais fonctionne à la fois comme les Ripolin et sur le principe des portraits croisés. Untel présente untel qui présente à son tour un(e) autre. Ainsi se succèdent hommages, petites chroniques, anecdotes du monde de l’art contemporain phocéen lié principalement au réseau Marseille expos. Défilent des artistes,

musées nationaux selon Guillaume Montsaingeon) vers une conception managériale propre aux grands domaines industriels et financiers, l’artiste devenant un véritable entrepreneur porté aux nues de la réussite. La photographie a réussi l’épreuve du marché note Dominique Sagot-Duvauroux. Le cas de la Chine pour Alain Quemin incite à «reconsidérer les théories sur la globalisation culturelle». Pour l’artiste Raoul Marek la culture mondialisée «repose […] sur la variété des cultures et la qualité des échanges». Cependant Nathalie Heinich rappelle que derrière la crise financière subsiste une crise des valeurs (immatérielles). «Les artistes sont-ils encore susceptibles de créer indépendamment du système économique ?» s’interroge Marine Crubilé. Un bouquin indispensable, sobre, mais foisonnant jusqu’aux notes de bas de page.

71 L’Art, l’argent et la mondialisation L’Harmattan, 20 euros €

CLAUDE LORIN

organisées par les associations A.C.C. (art, culture et connaissance) et l’AEPHAE (association euroméditerranéenne pour l’histoire de l’art et l’esthétique), les 29 et 30 octobre 2009, Bibliothèque municipale à vocation régionale de Marseille 1

des responsables de structures et autres acteurs d’hier et d’aujourd’hui. Sont convoquées des figures emblématiques qui ont assurément compté pour la promotion et la diffusion d’un art actuel. Une histoire (très) parcellaire peut ainsi se tisser de proche en proche, les uns se reconnaissant, les non initiés se les imaginant, l’ouvrage étant exempt d’illustrations. Cependant suivant un tel florilège, un tantinet people ou frisant l’autopromotion comme chez Triangle, il ne faut pas s’attendre à quelconque mise en perspective ou recul critiques sauf par endroits, quand Pedro Morais rappelle la spécificité et les limites des structures associatives de l’art contemporain local. Le danger d’une telle publication serait de conforter la rumeur de l’entre-soi marseillais. Et on se demande vraiment à qui s’adresse la seconde partie en anglais ? À moins de parier

sur l’effet à l’international de Marseille-Provence Capitale de la culture. Alors à quand un Who’s who de l’art contemporain marseillais, s’il en fallait un. C.L.

Qui est qui formes et figures de l’art contemporain à Marseille Wildproject, 12 euros

Raconter la ville La littérature écrite et visuelle consacrée à Marseille n’a cessé de s’enrichir particulièrement avec cette année Capitale de la culture. En suivant ses fragments d’une ville, puisés dans un fonds personnel constitué entre 1996 et 2012, Sylvain Maestraggi donne à voir une ville parcourue dans ses moindres recoins, hors des visions et circuits pittoresques, au plus près des lieux et des gens, vernaculaire voire triviale. Le regard de l’auteur s’avère plus humaniste que documentaire rappelant les photographes de la street photography. La réalisation, libérée des contraintes éditoriales habituelles grâce à un financement par crowdfunding a permis au photographe et à la graphiste Florine Synoradzki de concevoir

une maquette épurée laissant toute la place aux images. Celles-ci, près d’une centaine presque toutes présentées à l’horizontal et proches du format 9x13, se succèdent comme un montage cinématographique parcellaire et elliptique mais suggérant un récit plus englobant. Sauf une courte citation de Walter Benjamin et la liste d’une quarantaine de lieux, l’ouvrage ne comporte aucun texte, pagination, ni légende et datation. Ainsi décontextualisées, certaines photographies ouvrent cette déambulation vers d’autres lieux pour prendre une signification plus universelle mais non idéalisée. CLAUDE LORIN

Marseille, Fragments d’une ville Sylvain Maestraggi L’Astrée rugueuse, 28 euros

P L OI V L RI ET SI Q U E C U L T U R E L L E


Portrait en miroir de Diyarbakir

72 L I V R E S

Diyarbakir, au sud-est de la Turquie, est «la ville qui murmure en ses murs» et l’écrivain kurde Seyhmus Diken est à son écoute, consacrant à sa ville natale un récit tout à la fois documenté et sensible. Fait exceptionnel, le texte est publié par la maison d’édition turque Turquoise écritures ! Ensemble ils réconcilient l’inconciliable et permettent à l’auteur, qui est également chargé des affaires culturelles de Diyarbakir, de raconter cinq mille ans d’histoire avec force détails, chiffres, sources historiques et poétiques, et de raviver «la mémoire d’une Turquie turque mais aussi kurde, juive, arménienne, syriaque et chrétienne». Au fil de longues descriptions topographiques et urbanistiques (la cité compte 5,350 km de fortification et 82 tours), de souvenirs d’enfance, de figures tutélaires comme le père Aziz, de faits historiques comme la fondation de la République dans les années 1920, d’anecdotes,

de rencontres inattendues (avec la journaliste du Nouvel observateur Ursula Gauthier sur les traces de son père arménien) et d’immenses regrets (une sourde nostalgie enveloppe les textes écrits entre 1995 et 2002), l’essai soulève les questions de l’exil des kurdes et des arméniens, du vivre ensemble, de la protection de la mémoire d’un lieu et des hommes. Il chante une nation riche de ses poètes et de ses écrivains, une terre agricole fertile grâce aux eaux du Tigre et de l’Euphrate qui font battre son cœur… En cela Seyhmus Diken est, fondamentalement, «la voix de Diyarbakir» saluée par l’écrivain Mehmet Uzun : «La voix humaine d’un homme courageux». MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Seyhmus Diken sera le 16 novembre à la Fête du Livre de Toulon

À Barcelone, la vie se paye cash ! Loin des Ramblas pour touristes, les quartiers excentrés sont vérolés par les centres commerciaux, habités par des zombis, des junkies, des malfrats à la petite semaine et des gros calibres. C’est là que Victoria Gonzalez a choisi d’ouvrir son bureau de détective privé, là où «le sauna des rues fleure bon l’urine» et où «dieu a les traits d’un dealer qui a lu deux ou trois livres». L’ex-rockeuse y a ses repères, ses indics, ses fantômes. Et ses peurs aussi. Plongée jusqu’au cou dans ce gourbi infâme elle va enquêter sur la mort de deux fillettes, sans connaître son commanditaire, mais en croisant tous ses vieux démons… Le style de Cristina Fallarás est franco de port et n’épargne aucun détail morbide, aucun tourment, aucun repli des corps avachis ou rachitiques, aucune noirceur des âmes ; l’horreur, et même l’innommable déverse son torrent de phrases. Comme si, en avançant vers la vérité, l’héroïne

Diyarbakir Seyhmus Diken Turquoise écritures, 20 euros

nous enfonçait un peu plus avec elle dans un putain de piège du diable ! Car le crime tisse sa toile d’araignée à coup de rebondissements et de fausses pistes, à l’image de l’anarchie de la ville, scrupuleusement dépeinte, et aux doutes de Victoria et de ses acolytes plus fêlés les uns que les autres. Entre quelques rouleaux d’euros, deux packs de bière, trois putes, des pratiques sexuelles perverses, une famille bourgeoise haïe, une mère alcoolique et le souvenir d’une jeunesse foutue, Victoria réussira pourtant à se frayer un chemin vers la lumière, perdant au passage ce qu’elle avait de plus cher au monde. Sa petite fille à naitre.

Deux petites filles Cristina Fallarás Traduit de l’espagnol par René Solis Métailié Noir, 17 euros

M.G.-G.

Cristina Fallarás sera le 16 novembre à la Fête du Livre de Toulon

Retour à Beyrouth

Lorsque l’on demande à Etel Adnan par quel livre elle nous conseille d’entrer dans son œuvre, elle désigne celui-là, Au cœur du cœur d’un autre pays. Pourquoi ? «Parce que c’est celui qui parle le plus de moi», sourit-elle. Son modèle, un ouvrage de William H. Gass choisi dans une librairie de San Francisco, In the Heart of the Heart of the Country qui suit une structure tout à fait particulière, reprenant à chaque chapitre les mêmes sous-parties aux titres détachés en gras, «lieu», «le temps qu’il fait», «ma maison», «une personne»… dans ce jeu qui pourrait faire penser à un questionnaire de Proust élargi, les strates de temps se posent, apportant chacune de nouvelles sensations, de nouvelles pensées, de nouveaux lieux. Se dessine la complexité de l’individu, dans ce qu’il est, dans son rapport au monde : «Comment séparer le moi du non-moi ?» Le temps devient une réelle dimension de l’écriture,

tandis que le voyage, l’observation de l’autre, des autres ainsi que de soi la nourrit. Dans ce livre, Etel Adnan raconte son retour au Liban, à Beyrouth, oscillant entre le ton de l’épopée homérique, «Ainsi j’ai parcouru les mers, et suis venue…», celui de l’histoire passée, «On pense à vous Lawrence», la poésie du quotidien, «les pommes pendent comme de petits mondes verts». Entre Californie et Liban, la conteuse nous emporte jusqu’au tournoiement du dernier chapitre, où chaque phrase commence par un infinitif injonctif, urgente violence de la guerre. Une œuvre profonde, incisive dans ses fulgurances qui en quelques pages fait entendre une voix. MARYVONNE COLOMBANI

Etel Adnan était l’invitée des Écritures Croisées qui ont eu lieu du 16 au 20 octobre à Aix

Au cœur du cœur d’un autre pays Etel Adnan Tamyras, 11 euros



Tirs croisés

74 L I V R E S C D

Jean Hatzfeld connaît bien son sujet. Il a passé plus de trois ans en Croatie puis à Sarajevo durant le siège de la ville, comme reporter de guerre. De ce temps des journalistes qui «couvrent l’événement», il reste quelque chose dans son dernier roman, puisqu’on y suit par moments un trio de journalistes français et qu’on mesure aisément le mélange de peur et d’excitation qui est leur quotidien en temps de guerre. Ce n’est pourtant pas cet aspect qu’Hatzfeld a privilégié dans Robert Mitchum ne revient pas. Rien à voir non plus avec Hollywood ou le cinéma, en dépit du titre : Robert Mitchum est le nom d’un chien ! Dix ans après le siège de la capitale bosniaque, c’est par la fiction que l’écrivain revient sur ce conflit européen majeur. Comme il le déclarait

durant Les Littorales, «c’est la même guerre, mais racontée autrement.» À travers l’histoire de Marija et de Vahidin, espoirs de l’équipe nationale de tir sportif, qui s’entraînent activement en vue des J.O. de Barcelone. Ce duo de sportifs exceptionnels est aussi un couple d’amoureux. Mais elle est serbe, lui musulman. Dès le début des tirs sur Sarajevo, ils sont séparés. Puis tous deux seront enrôlés, chacun dans son camp, pour leurs talents de tireurs d’élite… Situation tragique et romanesque par excellence que celle de ces amants combattant dans des clans adverses. Passant d’un point de vue à l’autre, Jean Hatzfeld rend sensible l’engrenage dans lequel les personnages s’abîment peu à peu. Grâce à de multiples effets de réel, il immerge le lecteur

Sexe, amour et trahisons «Se marier, fonder une famille, accepter tous les enfants qui viendront, les soutenir dans ce monde incertain, est la meilleure chose qu’un homme puisse réaliser.» La citation que James Meek a placée en exergue à son troisième roman est de Kafka. L’auteur a pris soin d’ajouter entre parenthèses, après le nom du célèbre Praguois, «qui ne le fit jamais». Cette épigraphe pourrait bien s’appliquer à la plupart des nombreux personnages qui peuplent Le cœur par effraction. Puisque tous passent leur temps à s’assigner des lignes de conduite qu’ils s’empressent de ne pas suivre. Tous voudraient être «des gens bien». Ou du moins le paraître. Pas si facile, même pour les plus sympathiques d’entre eux. Cet épais

roman (plus de 500 pages tout de même !), qu’on lit avec plaisir malgré certaines longueurs et quelques comparses peu utiles, a le mérite d’allier les plaisirs de la saga familiale classique (avec son lot d’infidélités, de mensonges et de rivalités) à ceux d’une fresque sociale très contemporaine, sur fond de tabloïds, d’émissions de téléréalité pour ados en mal de célébrité, de secte protectrice de la morale -et incitatrice à la délation !- et de recherche scientifique à la pointe de toutes les questions actuelles, du traitement du cancer ou du paludisme à la quête de l’éternelle jouvence. Il y en a presque trop et on s’y perd parfois. N’empêche. James Meek livre ici une belle galerie de portraits, dont celui, très

Poétique du monde

Etel Adnan, invitée d’honneur des Écritures Croisées d’Aix-en-Provence, écrit en français, arabe, anglais. Son dernier recueil poétique, écrit en américain, a été superbement traduit en français par Marie Borel et Françoise Valéry. Là-bas se compose de 38 poèmes au titre identique, Là-bas, répartis symétriquement (19x19) autour du court poème central Ici. Les questions initiales trouvent leurs réponses en elles-mêmes, ouvrant de nouvelles évidences : «Où sommes-nous ? Où ? Où existe puisque nous sommes…». Les mots arpentent le monde, le temps, un «temps-machine qui nous observe, laissant loin derrière la lumière blanche de la mer». Les courts

Guérinel à vents

À l’heure où s’ouvre à Marseille la 10e Biennale internationale de Quintette à vent (du 16 nov au 23 janv pour 8 concerts et 3 classes de maîtres, voir p.50), paraît un disque généreux qui met en valeur des talents qu’on connait bien dans la région. Le Quintette à vent de Marseille constitué de (flûte), (hautbois), (clarinette), (basson) et (cor), mais aussi la pianiste , (récitant) et le baryton , rend un hommage mérité au compositeur méridional (né en 1930) avec Six bagatelles (1971), Le baiser de la mésange (2007) d’après Roman de

paragraphes qui orchestrent les poèmes ont la puissance et la fluidité d’un Saint-John Perse ou d’un Walt Whitman. Le poète donne à entendre, à voir, à comprendre, parfois sur le ton de la conversation, s’empare des mythes, joute avec les dieux, passe du minuscule à la vision cosmique : «Le moineau dit «peut-être», puis il dit «j’écoute»… l’océan rentre par ma fenêtre»… Le familier s’ombre de la cruauté des temps : dans la cuisine, «les tomates saignent». Poème sur la guerre, «les jours sont armés», terrible, lyrique, puissant, Là-bas suit une musique à la fois personnelle et universelle où le «tu» est le symbole de l’autre, familier et lointain, qui

Renart, «autre chose que le jour» (2002) sur des poèmes de Boris Vian et Médiatissées (2008). C’est un panorama, en raccourci, d’une œuvre encore trop confidentielle, riche de près de 120 opus, mariant un modernisme de facture, des couleurs et styles multiples, ni exclusifs ou excluant, évoluant avec le temps vers une épure des formes où la dissonance et le lyrisme, le geste vocal primordial, l’écriture instrumentale fonctionnant par touches quasi-picturales, l’humour, l’étrangeté et la poésie constituent un langage propre. JACQUES FRESCHEL

dans la cité assiégée et ses environs. Sans doute pour qu’on n’oublie pas Sarajevo en ruines au moment où d’autres villes multiculturelles, pas si loin, sont elles aussi la proie des flammes. FRED ROBERT

L’auteur était présent aux Littorales le 20 octobre

Robert Mitchum ne revient pas Jean Hatzfeld Gallimard, 17,90 euros

attachant, de Bec (la sœur dans l’histoire) un émouvant personnage de femme d’aujourd’hui, qui comme les autres devra assumer de trahir… pour mieux aimer. F.R. L’auteur était présent aux Littorales le 20 octobre

Le cœur par effraction James Meek Métailié, 21 euros

subit comme «je» le métal des combats. «Il y a pourtant cette douce lumière» lorsque «la magie des mots opère». M.C. Là-Bas Etel Adnan Éditions de l’Attente, 12 euros

CD Triton TRI331187 www.disques-triton.com Institut Français des Instruments à Vent http://ifiv-marseille.com



10 réalisateurs, 10 visions. Les courts-métrages de 18 jours ont un point commun : ils montrent les conséquences de la Révolution Égyptienne dans la vie civile. Une autre façon de voir l’histoire récente, par la fiction Mentionnée ou filmée, la Place Tahrir est le lieu central où se déroulent ces évènements vus par des Égyptiens, ordinaires ou non, qui jouent un rôle souvent malgré eux. Rétention de Sherif Ada nous montre un policier interné en hôpital psychiatrique, persuadé de faire un mauvais rêve quand la démission de Moubarak est annoncée alors que les autres patients sont plutôt contents. Dans Couvre-Feu de Sherif Bendary, un enfant, Ali, oblige son grand-père à rester dehors la nuit juste pour que le lendemain, il fasse fièrement une photo avec «le peuple voulant la chute du régime». Dans Ashraf Seberto d’Ahmed Alaa, un simple salon de coiffure se transforme en hôpital de bataille, une femme s’oppose à son mari lui interdisant de participer à la Révolution dans Intérieur/ Extérieur de Yousry Nasrallah. Et dans Quand le déluge survient de Mohamed Ali, certains tentent de tirer profit de la Révolution, sans succès, en vendant des drapeaux de Moubarak. Khaled Marei mise sur l’humour dans Révolution Cookies, où un jeune vendeur naïf s’enferme dans sa boutique pendant quinze jours en s’imaginant que la Révolution est une invasion d’Israël. Mais les courts-métrages sont inégaux : comme gagné par un regard hollywoodien, 19-19 de Marwad Hamed nous montre une scène où un policier sadique torture un des leaders de la Révolution. Dans le même registre, Fenêtre

d’Ahmad Abdallah met en scène un jeune homme suivant la Révolution uniquement par Internet et observant sa voisine se rendant régulièrement sur les lieux des batailles. Finalement, il ne se joindra à la lutte que pour son beau visage. Créature de Dieu de Kamla Abu Zikry, quant à lui, met en scène une jeune vendeuse de thé ayant teint ses cheveux et se demandant si Dieu la punira pour ça. Elle aussi ne se joindra à la Révolution que pour les yeux d’un beau jeune homme qu’elle veut séduire. Ce film tourné sans budget vaut surtout par sa dimension de témoignage : il a pour toile de fond l’Histoire très récente, et porte en germe ses plaies d’aujourd’hui. Chaque réalisateur a tenté de faire transparaître les conséquences d’un tel bouleversement historique dans la vie privée et individuelle, et dans une société marquée par ses clivages et ses immobilités. Malheureusement le public était clairsemé le 22 octobre pour visionner ce film exclusif, ouvrant le cycle L’Histoire autrement à la Villa Méditerranée et qui propose jusqu’au 3 décembre concerts, projections, conférences et lectures passionnants… ALICE LAY

L’Histoire autrement jusqu’au 3 décembre Villa Méditerranée, Marseille 04 95 09 42 52 www.villa-mediterranee.org (Lire également p. 70)

Guerrière obstinée et souriante, la comédienne et réalisatrice Bénédicte Sire a imaginé à travers le coeur de Marseille différents parcours-spectacles (voir Zib’57). «Nomade interdisciplinaire et metteure en scène du réel», de rue en place, de maison en commerce, elle interroge les gens sur leurs origines, recueillant souvenirs et confidences. Elle s’en fait le relai, retraçant leur histoire pour des arpenteurs curieux. Et les histoires intimes se mêlent à la grande Histoire... La Voie historique commence au Musée d’Histoire, sur l’emplacement du port antique. Bénédicte y raconte la légende de la création de Massalia par les Phocéens sur les terres des Gaulois du Midi en 600 av. JC. On traverse la rue de la République, anciennement rue Impériale, on emprunte la Grand rue où l’on admire l’Hôtel de Cabre, la plus vieille maison de Marseille (1535), déplacée sur verrins lors de la reconstruction du quartier. Arrêt à la Galerie des Accoules où Georges Bornand évoque sa complicité avec le sculpteur César et ses compressions de bijoux de famille. Un passage dans les couloirs de l’Hôtel-Dieu permet non seulement d’admirer le nouveau 5 étoiles mais de découvrir les restes des mosaïques des anciens thermes romains. Puis l’église des Accoules, rouverte après 7 ans de restauration, accueille la lecture d’un texte inouï d’Honorat de Valbelle qui décrit le faste du mariage de Catherine de Médicis avec le futur Henri II en 1533. La rue Caisserie réserve la surprise d’un jardin suspendu en pleine ville ; Bénédicte devient Gina qui raconte ses origines napolitaines et les piqueniques en barque... Mais place de Lenche c’est l’évacuation du quartier en janvier 1943 et le désarroi de la population du Panier anéanti qui sont évoqués par quelques habitantes. L’itinéraire se poursuit vers le Fort St Jean d’où l’on domine le port et ses forts, occasion de rappeler les analyses de l’historien-archéologue Nicolas Faucherre qui y lit la mise au pas de la ville par l’état central... D’autres découvertes vous attendent. Courez-y ! CHRIS BOURGUE

Créées grâce à un partenariat d’Images, sons et Cie et du Musée d’Histoire de Marseille ,Trajectoires, la Voie historique a eu lieu le 19 octobre

À venir Trajectoires Voie historique de Marseille, place de Lenche, Bénédicte avec Ririne © Chris Bourgue

H I S T O I R E

Le peuple veut la chute du régime

Intérieur Extérieur de Yoursry Nasrallah

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Arpenter l’Histoire des Marseillais...

Voie historique : 23 nov, 7 & 21 déc Noailles et Canebière : 16 & 30 nov, 14 déc www.facebook.com/TrajectoiresDansLeVentreDeLaCanebiere Espace culture, Marseille 04 96 11 04 61 www.espaceculture.net www.mp2013.fr Musée d’histoire, Marseille 04 91 55 36 00 www.marseille.fr


L’histoire judéo-musulmane La notion de civilisation judéo-musulmane est-elle en train de se perdre ? C’est l’une des questions à laquelle les trois auteurs du livre Histoire des relations entre juifs et musulmans. Des origines à nos jours ont essayé de répondre ce 26 octobre au MuCEM. Si la phrase «temps de la détestation» est lancée, c’est avant tout pour noter que «ce qui se passe en ce moment avec le conflit israélo-palestinien ne reflète pas la relation que les juifs et musulmans ont eue depuis de nombreux siècles. Pendant très longtemps, ces deux civilisations ont partagé la même musique, la même cuisine, les mêmes habits et la même langue», souligne le professeur Benjamin Stora, spécialiste de l’histoire du Maghreb. «À l’époque des Abbassides, 90 % de la population juive vivait en terre orientale». L’historien marocain Mohammed Kenbib a aussi rappelé que «pendant plus de 2 000 ans, les juifs ont été présents au Maroc». Après avoir été oublié, aujourd’hui le Maroc a décidé de reconnaître «la composante hébraïque de la population marocaine. Cette année à Fès, le roi se félicitait de la restauration d’une synagogue du XVIIe. De plus, l’histoire des juifs fait désormais partie des manuels scolaires». Sylvie Anne Goldberg, directrice de l’École des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS) a mis en avant «le fait que les choses ne passent pas forcément par les coupes chronologiques, l’Orient et l’hébreux se sont construits ensemble, une analyse autre que celle des conflits ou des situations juridiques est nécessaire». Pour compléter l’échange, la projection de la première partie du documentaire Juifs et Musulmans. Si loin, si proche de Karim Miské a permis de comprendre de manière fluide et précise la période de 610 à 721, avec le parcours de Mahomet et son influence sur le judaïsme ou encore ce que représentait réellement le statut de «dhimmi» pour les juifs et les chrétiens. Trois autres épisodes, réalisés pour Arte, relatent les liens étroits entre juifs et musulmans jusqu’à aujourd’hui. Véritables petits bijoux à découvrir en famille ! ANNE-LYSE RENAUT

La rencontre Histoire des relations entre juifs et musulmans a eu lieu le 26 octobre à l’auditorium Germaine Tillion au MuCEM Histoire des relations entre juifs et musulmans Des origines à nos jours Sous la direction de : Abdelwahad Meddeb et Benjamin Stora Albin Michel


Numérique : le bon grain et l’ivraie

Les structures Alphabetville, Zinc et Leonardo/Olats ont accueilli en résidence à Aix Stephen Kovats et Bernard Stiegler, dans le cadre du parcours d’arts numériques e-topie, programmé par MP2013. L’occasion de croiser les points de vue de ces deux théoriciens sur les enjeux de la numérisation du monde

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Stephen Kovats © Gaëlle Cloarec

BERNARD STIEGLER

Quelle est votre position sur le numérique ? La société hyper-industrielle a commencé comme le web, en 1993. Tout s’industrialise, la vie affective, l’éducation, tout fait l’objet de technologies de contrôle, avec l’internet des objets et les puces RFID. Le numérique fait exploser le droit, la fiscalité, la vie privée, entraîné par les cavaliers de l’apocalypse : Google, Facebook, Apple et Amazon. Le capitalisme se casse la figure, c’est un modèle insolvable, qui détruit la psyché des individus et l’environnement. L’Europe pour des raisons historiques est encore préservée, mais on peut prédire d’ici 10 ans l’effondrement du modèle économique occidental : le chômage va exploser, les travailleurs seront remplacés par des machines. Ce sera la fin du salariat et par conséquent celui du pouvoir d’achat. Que préconisez-vous ? En faire une force, utiliser cet otium, ce loisir, comme une liberté de faire ce que l’on veut vraiment. Mais il va falloir se remonter les manches. Il faut que la conjuration des imbéciles cesse. Prenez les écologistes, par exemple. Un boulevard s’ouvrait à eux, et par paresse et ambition personnelle ils ont tout ruiné, en essayant de fourguer le consumérisme «vert», qui est toujours du consumérisme ! La réponse c’est l’économie contributive. Elle est

solvable, ne repose pas sur la privation de savoir, mais au contraire sur la dé-prolétarisation, les retrouvailles avec le savoir-faire et le savoir-être. Fab labs, modèles énergétiques, de santé, re-territorialisation... Google est un faux système contributif tandis que les logiciels libres augmentent le savoir des individus, au lieu de le capter ou de l’encadrer. Et comment procéderiez-vous ? Je ne crois pas au grand nombre, plutôt aux individus incarnant des capacités d’individuation. Au XVe siècle au Japon, un groupe de samouraïs a décrété «ça suffit de faire la guerre», et ils ont inventé la culture zen. Tout ce qu’il y a de bien dans le monde, on le doit à des figures comme celles-là. C’est possible de changer, on peut imaginer que les goldens boys de la finance pourraient sortir de la vie pulsionnelle, seulement pour cela il leur faudrait trouver des figures d’identification. Aujourd’hui l’attention est captée par les grands médias, les industries culturelles qui la canalisent vers les marchandises, les marques. Personne ne veut arrêter de consommer, or il faut adopter un point de vue raisonné et délibéré pour se désintoxiquer. On a besoin d’artistes, de savants... mais ils doivent se politiser. GAËLLE CLOAREC Bernard Stiegler © G.C.

Qu’est-ce qui vous a amené à participer à cette résidence ? La Fondation Vasarely ! C’est le lieu le plus significatif d’Aix-en-Provence, étonnamment peu mis en valeur. Plus sérieusement, je suis toujours en recherche de partenaires qui travaillent aussi sur les sociétés en crise, sur les moments où tout va changer, sans que l’on sache comment. Il y a des opportunités intéressantes dans le vide, le presque sans lois, lorsque personne ne sait ce qu’il est possible de faire ou pas. Ainsi à Berlin après la chute du Mur, ou bien aujourd’hui au Soudan du Sud, l’État le plus jeune du monde. Vous travaillez là-bas sur le numérique ? Le Soudan du Sud a très peu d’infrastructures, une grande pauvreté, un très bas niveau d’éducation. Avec la paix et l’indépendance il va falloir tout construire, et il n’y aura pas de futur sans cet aspect technologique, qu’on le veuille ou non. La question est donc : est-ce que vous voulez l’impérialisme de Microsoft, ou décider de votre avenir par vous-mêmes ? Nous montrons qu’il y a des alternatives, que l’on peut renforcer son indépendance face aux gouvernements, aux multinationales, en utilisant les systèmes libres, et pas seulement les logiciels mais les structures, les méthodologies appliquées à d’autres secteurs d’activités. C’est une discussion technologique certes, mais surtout conceptuelle et philosophique. Qui vous soutient dans cette démarche ? Les structures comme l’ONU ou l’UNICEF sont déjà sensibilisées. L’UNESCO consacre un département entier à ces réflexions, la Knowledge Societies Division. La force de l’Open Source c’est son faible coût : on a le choix entre bâtir un modèle d’éducation, de partage des savoirs pour presque rien, face à un système de contrats très cher et pas meilleur. Or la connaissance de ces alternatives n’est pas prioritaire pour les gouvernements qui veulent vendre leurs logiciels ! En Afrique, où cette culture est déjà très forte, existe un réseau informel qui essaie de défendre ces arguments au niveau international : la Free Software and Open Source Foundation for Africa. Au Soudan du Sud, Nyandeng Malek Dielic, seule femme à gouverner l’un des 10 états du pays, est très motivée par l’Open Source, séduite par ces aspects de collaboration et d’autonomie. Cela pourrait représenter un modèle de développement pour le reste du monde, y compris l’Europe.

Un blog a été créé à l’occasion des résidences Zanzibar : www.residencezanzibar.info Stephen Kovats était en résidence dans le cadre du parcours d’arts numériques e-topie du 17 au 19 octobre, Bernard Stiegler du 5 au 7 novembre


© René Habermacher

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BONNES RAISONS, DE VENIR AUSSI AU MUCEM ... Plus qu’un simPle musée, c’est une cité culturelle qui ProPose rencontres et débats, cinéma et sPectacles.

1 Goûter un grand moment de jazz avec le trio

6 Redécouvrir le grand cinéaste René Allio, à partir d’une rétrospective de ses films, avec quatre projections au MuCEM

Aldo Romano, Louis Sclavis et Henri Texier.

Le vendredi 15 novembre à 20h30.

Les samedi 23 et dimanche 24 novembre.

7 Questionner les images d’archives à propos

2 Se laisser porter par l’immense film

de ce moment-clef des « Accords de Camp David », en 1978, avec Henry Laurens, professeur au Collège de France et Emmanuel Laurentin, de France Culture.

de Bernardo Bertolucci « Novecento », véritable fresque de l’histoire de l’Italie (5h20 de pur cinéma…). Le samedi 16 novembre à partir de 18h30.

Le lundi 25 novembre à 18h30.

3 Apprécier « toutes les langues du monde »,

8 Partager l’imaginaire de ces deux artistes syriens contemporains, Kinan Azmeh

autour de la littérature et des traductions, avec Camille de Toledo, Abdelfattah Kilito et Omar Berrada.

et Kevork Mourad, à partir d’une performance audiovisuelle mêlant musique électro, vidéo et dessin live.

Le lundi 18 novembre à 18h30.

Le vendredi 29 novembre à 20h30.

4 S’interroger, d’hier à aujourd’hui, autour de

9 Réfléchir, avec Georges Vigarello

la figure de Benito Mussolini et du projet fasciste d’une « Nouvelle Rome », avec l’écrivain Luciano Maroccu.

et Claude Boli, aux relations complexes

entre « Sport et citoyenneté ».

Le lundi 2 décembre à 18h30.

Le jeudi 21 novembre à 18h30.

5 Passer toute une nuit au MuCEM autour

d’une formidable programmation de courts métrages venus de toute la Méditerranée, « La nuit du court-métrage ».

10 Additionnez les neuf autres raisons, et venir

au MuCEM tout simplement pour le plaisir de s’y promener…

Le vendredi 22 novembre, de 22h à l’aube.

Retrouvez le reste de la programmation sur MUCEM.ORG

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