Zibeline n°70

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un gratuit qui se lit

N°70 du 14/01/14 au 12/02/14

2013,

l’heure des bilans

Changements de directions



Politique culturelle Bilan MP2013 ................................................................... 4 à 7 Mons 2015 ..........................................................................8 Publications de femmes, Salon ...............................................9 Olivier Py, Philippe Berling ...................................................10 Didier Le Corre, Gilles Bouckaert ............................................11

MuCEM ...........................................................................12 Critiques Théâtre, cirque, rue 14 à 17 Danse, cirque .....................................................................18 Danse ..........................................................................20 à 23 Théâtre, Jeune public ..........................................................24 Jeune public ................................................................... 25, 26 Musique .......................................................................28 à 37

Au programme Théâtre ........................................................................38 à 45 Danse ......................................................................... 46 à 48 Jeune public .................................................................49 à 52 Cirque, rue .........................................................................53 Musique ...................................................................... 54 à 57

Cinéma ......................................................................58 à 61 Arts visuels Musée Réattu .....................................................................62 Musée Granet .....................................................................63 Buren ................................................................................64 Galerie des Riaux, Nouveaux commanditaires ..........................65 Au programme ................................................................. 66, 67

Rencontres Muerco Coco, D. Poullard et G. Rannou ...................................68 Albert Cossery, Mahmoud Darwich, Libraires à Marseille ............69

Livres, cd ................................................................. 70 à 77 Histoire .........................................................................78

Mensuel gratuit paraissant le deuxième mercredi du mois Édité à 32 000 exemplaires imprimés sur papier recyclé Édité par Zibeline SARL 76 avenue de la Panouse n°11 13009 Marseille Dépôt légal : janvier 2008 Rédactrice en chef Agnès Freschel agnes.freschel@wanadoo.fr Imprimé par Rotimpress 17181 Aiguaviva (Esp.) Photographe Agnès Mellon 095 095 61 70 photographe-agnesmellon. blogspot.com

Notre présent 2013 a été mené au pas de course. D’expositions en feux d’artifices, d’inaugurations en nominations, et en départs, l’année capitale a métamorphosé le paysage culturel, sans qu’on puisse vraiment y penser, ralentir, réfléchir. Dans les médias la course se poursuit, l’info succède au scoop, les cataclysmes s’annoncent et passent, et l’on oublie ce qui se passe là-bas, en Syrie, où l’homme est né, et dans les tremblements, les vagues de la terre. D’anecdotes en élections, de Depardieu qui embrasse Poutine à Mandela qui rejoint le camp des ombres juste avant les courses de Noël et la ruée des soldes, l’info arrive et passe, nous laissant inchangés, informés comme par un courant léger et continu qui ne nous emmène plus. Le visage du monde se bouleverse, et nous le regardons conscients de tout, maîtres de rien. Nous recevons et transmettons le flux, impuissants à l’arrêter, à nous construire. Déconcernés et avertis pourtant que nos sociétés s’endurcissent, installant la pauvreté, reléguant toujours plus loin les utopies d’égalité, et nous transformant en consommateurs pressés, angoissés, amoindris. Nous ne nous tenons jamais au temps présent, écrivait Pascal en une époque où tout était tangible, hors l’espace de Dieu, mais où ce seul ailleurs provoquait en lui le vertige. Qu’écrirait-il aujourd’hui quand dans la rue nous marchons sans nous voir, parlant tout haut à des absents, pris dans la toile électronique, oubliant, aussitôt qu’appris, les événements d’un monde épris d’instabilité ? Si imprudents, que nous errons dans les temps qui ne sont pas nôtres, et ne pensons point au seul qui nous appartient. Zibeline vous souhaite, en 2014, de goûter aux délices de la lenteur, à la joie d’être présent, à ce qui seul nous appartient. AGNÈS FRESCHEL

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La nouvelle année signe pour le territoire la fin de la Capitale Culturelle. Un peu partout, sans grand recul, chacun s’essaye à un premier bilan. Remarquable surtout par ses contradictions, et ses contours peu nets : artistes, publics, entreprises et cadres culturels n’ont pas vécu la même année…

Bilan chiffré et

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économie culturelle

l y a une pratique franchement agaçante, Imesurer à l’heure des bilans, qui consiste à surtout le succès d’une manifestation culturelle

en nombre de participants, de visiteurs ou pourcentage de remplissage des salles. Depuis le début de 2013 on ne mesure que cela… et certains vont jusqu’à parler de «vote avec les pieds». Ce qui ne signifie pas que les habitants du territoire votent comme des pieds (quoique…), mais qu’ils approuvent la capitale culturelle puisqu’ils arpentent le Vieux Port quand on l’allume d’habits de fête. C’est un peu court pour parler de succès culturel, qui ne se mesure pas en nombre de curieux, mais en satisfaction du public, et en qualité artistique réelle. C’est-à-dire en capacité à émouvoir, bouleverser, faire bouger le contenu des têtes et des cœurs. Ainsi la Friche se réjouit du nombre de visiteurs en 2013, comptabilisant ceux qui viennent boire un coup au restau ou faire du skate au même titre que ceux qui vont visiter une expo ou voir un spectacle : si tout cela relève d’une pratique culturelle, elles ne sont pas du même ordre.

Fréquentation

Reste que les chiffres de fréquentation sont, dans l’ensemble, très bons, et que c’est une

bonne nouvelle à la fois pour les habitants du territoire, qui ont vu leurs pratiques culturelles augmenter, et pour la vie économique, l’industrie du tourisme, les finances publiques qui vont récupérer en impôts leurs investissements. Ainsi on comptabilise plus de 10 millions de visiteurs dont 5.6 millions dans les expositions, 236 000 scolaires, une augmentation certaine du public durant les grands festivals d’été. Les «grands événements» ont rassemblé près de 2 millions de personnes, depuis la Fête d’ouverture jusqu’aux deux Révélations finales, et plus de 400 000 spectateurs pour Flammes et flots. 1.8 million de personnes ont visité le MuCEM en six mois, dont un tiers pour ses expositions, 250 000 en 10 mois pour la Villa Méditerranée, le J1 plus de 300 000 durant les sept mois de son ouverture… Bien sûr l’exposition Jean-Michel Bruyère à Arles, les étapes de la TransHumance ou les escales des Ecrans voyageurs ont parfois frôlé le bide ; il est clair aussi que le festival littéraire, le FRAC ou l’exposition Le Pont au Mac n’ont pas rencontré le public escompté, malgré la qualité de leurs propositions ; il est très net, et ceci depuis la candidature, que les spectacles produits par MP2013 n’étaient pas été assez nombreux pour représenter un

Installation scénographiée de Stephan Muntaner pour la CCI Marseille Provence © Thomas Serriere

accroissement significatif de la fréquentation des théâtres. Mais dans l’ensemble l’année capitale a rassemblé habitants et touristes autour d’événements nombreux et souvent atypiques.

Finances

Suffisamment en tous les cas pour que l’industrie du tourisme se réjouisse : le territoire a connu un accroissement de 20% de sa fréquentation hôtelière, soit 2 millions de touristes supplémentaires par rapport aux années précédentes (10 millions en tout, dont 17% d’étrangers et 1 million de croisiéristes), dans un contexte national très morose. Il est clair que le secteur privé, qui a investi plus de 15 millions d’euros en mécénat, y trouve généralement son compte en termes de retombées économiques à court terme. Sans compter le bénéfice moins tangible : l’image du territoire y a gagné, la présence dans les médias nationaux et internationaux a changé, malgré les faits divers qui concomitamment sont venus agrémenter la capitale culturelle d’une guirlande de kalachnikovs meurtrières. Le bilan financier de l’association MP2013 reste à tirer. On sait qu’elle risque d’être déficitaire, mais moins que prévu grâce à des économies opérées durant le dernier trimestre, un rattrapage des collectivités, et une hausse de la fréquentation des grandes expositions en fin de course. Certains événements, comme la TransHumance ou l’exposition Bruyère, ont coûté très cher sans atteindre leurs objectifs. Les salaires, qui ont fait couler beaucoup d’encre au début de la Capitale, ont représenté finalement une part raisonnable du budget, la disparité entre la rémunération des dirigeants et les contrats aidés recrutés durant l’année 2013 expliquant une moyenne acceptable... Quant au management, on n’a pu que constater un turn-over du personnel, certains départs inexpliqués, et des plans sociaux qui dès l’été ont privé les acteurs culturels des interlocuteurs avec qui ils avaient mis en place les projets. Mais MP2013 n’a pas brûlé, ni explosé en vol comme certains le prédisaient. Resteront, malgré un sentiment d’amertume régnant sur la fin, de très beaux équipements, dont on espère qu’ils auront les moyens de fonctionner ; quelques publications et de rares productions qui tournent ; un changement d’image du territoire et de comportement vis-à-vis de la culture des habitants et des médias. Autant de facteurs qu’on ne peut chiffrer en termes de retombées directes, mais qui dessinent une transition économique globale. AGNÈS FRESCHEL


La Capitale culturelle du point de vue des entreprises : quel bilan et quels échos pour l’avenir ? L’exemple de l’AP-HM

une des spécificités de MP2013 par L’ rapport à d’autres Capitales européennes de la Culture a été la volonté d’impliquer les

entreprises de façon particulière. Mastodontes de l’économie ou PME, publiques ou privées, nationales ou régionales, nombreuses sont celles qui ne se sont pas contentées de mettre la main à la poche, mais ont joué le jeu en accueillant des artistes en résidence et en impliquant leurs équipes sur le long terme. Les Ateliers de l’EuroMéditerranée, financés conjointement par les entreprises et MP2013, et les Ateliers de Participation Citoyenne, qui ont impliqué les personnels et les habitants dans des processus de création aux côtés d’artistes, font partie des dispositifs originaux qui devraient perdurer après 2013, si l’on en croit le dernier rapport du Conseil d’Administration de MP2013. L’Assistance Publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM) est l’un des plus gros employeurs de la région avec 15 000 salariés sur 5 sites hospitaliers. À travers son programme Santé e(s)t culture(s), l’AP-HM a amplement participé à l’année capitale, parfois très en amont de 2013. L’Action de Participation Citoyenne Un air de famille a ainsi été initiée dès octobre 2010 avec les personnels de la Conception, des patients, et les étudiants du Centre de Formation des Musiciens Intervenants, produisant une

Salon de Provence, l’archipel des Canougues, cabanon vertical © CABANON VERTICAL

Déplacer l’art

quarantaine de chansons dans 17 langues, qui résonnent encore dans les couloirs. À l’Hôpital Nord, le collectif du Cabanon Vertical est intervenu en 2011, menant à bien plusieurs projets d’amélioration de la vie des services au quotidien. On lui doit une signalétique à la fois ludique et efficace en chirurgie infantile, et un espace convivial en médecine interne, deux propositions grandement appréciées par les familles dans un contexte souvent éprouvant. Sur le site de Sainte-Marguerite, les étudiants de l’École Nationale Supérieure de Paysage ont encadré des équipes de soignants, des

élèves infirmiers et des patients, tous armés de pelles et de pioches, afin d’offrir un beau jardin à la cour centrale. Pour Josianne Cassin, psychologue dans le service du Pr Naudin, l’apport du jardinage est considérable : «Chez les psychotiques qui souffrent tellement de solitude, le travail collectif est précieux, et puis si l’on fatigue le corps, les idées tournent moins vite». C’est ici également qu’est intervenu le metteur en scène de théâtre Marco Baliani, dans le service d’endocrinologie du Dr Raccah. Éliane Pic est art-thérapeute, elle ne tarit pas d’éloges sur le bénéfice ressenti par ses patients en surcharge pondérale. «Le travail sur Le baiser de la grenouille, conte sur la découverte de soi, a libéré les gestes de ces personnes empêtrées dans la honte, créé énormément de complicité, renforcé l’alliance pour les soins. Beaucoup ont perdu du poids.» Après coup, l’expérience a servi d’outil de travail en groupe de parole, et les patients qui ont réclamé sa reconduction ont été entendus par le médecin responsable : un partenariat va être noué avec l’hôpital Montperrin d’Aix-en-Provence. Pourtant, dans un milieu hospitalier malmené par les objectifs de rentabilité, la mise en place de projets culturels impliquant budgets et mobilisation des personnels n’allait pas de soi. Les équipes surchargées de travail se sont parfois inquiétées du coût de ces opérations, quand un renfort aurait été si bienvenu. Comme dans certains Quartiers créatifs -dispositif de participation citoyenne destiné à impliquer les habitants des zones sensibles dans un acte artistique propre à changer le quartier dans lequel ils vivent (voir p.63)-, l’extrême urgence dans laquelle vivent les publics concernés a parfois empêché de mesurer combien ces actions étaient originales et précieuses. Mais outre l’impact thérapeutique réel de ces résidences d’artistes, la capitale culturelle aura aussi permis aux employés de l’AP-HM de pointer leurs frustrations et souffrances. Comme le souligne Éliane Pic, «il aura eu un avant et un après». GAËLLE CLOAREC

Le Baiser de la grenouille, jardin d’hospitalité de l’hôpital Salvator, Marseille 9e © Mathieu Ducaroy

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Les métamorphoses de Marseille

omment ne pas se réjouir du C nouveau profil architectural de Marseille qui s’est dessiné à

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l’aune de la capitale culturelle européenne, entre l’inauguration du Silo le 21 septembre 2011 et du Théâtre Joliette Minoterie le 28 septembre 2013 ? La Cité des arts de la rue ayant simplement entériné de manière «officielle», le 30 novembre dernier, une réalité partagée par Lieux publics, Karwan et la FAI-AR… À deux exceptions près -le Pavillon M et le J1-, les nouveaux espaces dédiés à la culture sont pérennes et marquent un tournant décisif tant du point de vue du développement urbanistique (quasi exclusivement sur le front de mer et dans la zone Euroméditerranée) que de l’augmentation de l’offre culturelle (musées, salles de spectacles, lieux d’échanges des savoirs et des ressources) et de sa diversité (concepts, missions et formes). Certains équipements comme le MuCEM, la Villa Méditerranée, la Tour Panaroma irriguent d’un sang neuf les veines de la cité phocéenne, sortis de terre à l’occasion de 2013 autour de projets novateurs. D’autres ont mis à profit la labellisation pour coupler leur déménagement avec l’envie d’un geste architectural fort : le Frac, le Musée Regards de Provence et La Minoterie réinventée, aujourd’hui ouverte sur la place Henri Verneuil. D’autres encore

n’ont pas voulu rester en rade en opérant de profonds liftings, tels que le musée des Beaux-arts au Palais Longchamp, le Musée d’histoire-Site archéologique de la Bourse, le Château Borély qui, après des années de désaffection, regroupe les collections des arts décoratifs, de la faïence et de la mode. Une politique de rénovation des bâtiments doublée du redéploiement des collections qui, espérons-le, devrait offrir une meilleure visibilité aux musées de Marseille… D’autres enfin ont bénéficié de l’élan de MP2013 pour se doter d’outils de création et de diffusion : le Klap et le Château de la Buzine portés par la Ville, ou encore le PIC de l’Ensemble Télémaque. Quant à la Friche, elle a fait l’objet d’un vaste programme de réhabilitation (crèche, ateliers d’artistes, bureaux, commerces) et de création de nouveaux espaces (Tour-Panorama et Pôle arts de la scène) qui booste déjà sa fréquentation. Ephémères, le J1 mis à disposition par le Grand Port Maritime a fermé ses portes le 22 décembre dernier malgré un succès public jamais démenti, tandis que le Pavillon M sera démonté le 15 février prochain. Une disparition que d’aucuns regretteront puisque 1,2 millions de personnes y sont passées en 347 jours. Toutes ces métamorphoses interrogent les relations entre l’espace MuCEM © Agnès Mellon

Villa Méditerranée © Agnès Mellon

public et les équipements d’art et de culture, leur fonctionnement, leur appropriation par les habitants, leur intégration dans l’environnement urbain. Jusque dans un plus vaste territoire : à Aix, l’année 2013 aura favorisé l’émergence du Conservatoire de musique et de danse Darius Milhaud, la rénovation de la Chapelle des pénitents blancs (Collection Planque du musée Granet) et l’ouverture d’un musée historique sur le site-mémorial du camp des Milles ; à Arles, l’extension du musée départemental Arles antique ; à La Ciotat, la rénovation mille et une fois annulée de l’ancien cinéma l’Eden. Autant de mutations profondes qui devront continuer à alimenter les désirs d’un public plus friand qu’avant. La preuve : une pétition circule déjà pour annuler le démantèlement du Pavillon

M… Mais pour s’inscrire durablement dans le paysage, tous ces «nouveaux» équipements devront pouvoir compter sur l’engagement de leurs partenaires financiers, entreprises privées et collectivités publiques qui les ont portés sur les fonds baptismaux. À l’heure des bilans et des comptes, une fois les budgets d’investissement votés, la question de la mise à niveau des budgets de fonctionnement est plus que jamais d’actualité. Il n’est question, au mieux, que de leur maintien… MARIE GODFRIN-GUIDICELLI


Paysage

après la

bataille Si la capitale de la Culture a profondément changé le bâti culturel, elle laisse aussi des brèches ouvertes, et des motifs d’inquiétude Politiques d’abord : on ne sait ce qu’il en sera de la coopération culturelle à l’échelle de la métropole marseillaise qui se dessine dans la douleur. Les communes voisines de Marseille, qui se sont impliquées dans la capitale avec enthousiasme, sont en attente d’une politique commune qui leur laisse de la latitude, corresponde à leurs enjeux particuliers, et ne soit pas noyée dans l’hégémonie marseillaise, ou ne les oriente pas vers des identités caricaturées. Ainsi à Aix, qui a investi depuis longtemps dans les grands équipements de son pôle (Pavillon Noir, GTP, Cité du Livre et Conservatoire), les petites et moyennes structures, les compagnies indépendantes, malmenées en 2013, s’inquiètent de leur avenir. Aubagne et son pays de l’Étoile, qui ont vécu une année capitale exceptionnelle par le nombre et la qualité des événements, se demandent comment poursuivre. Et si Istres, Salon-de-Provence ou Martigues ont su saisir l’occasion de remodeler leurs ambitieuses politiques culturelles, la question de la coopération avec Marseille reste délicate, comme on l’a vu le 31 décembre, quand la capitale régionale a décidé de doubler la Révélation du Groupe F prévue à Istres par une autre Révélation, du même Groupe F, à la même heure à Marseille.

Du côté des artistes

À Marseille, une grande inquiétude, parfois résignée, règne dans les compagnies indépendantes : bon nombre de bâtiments ont été construits (voir ci-contre), mais d’autres sont en attente de décision quant à leur avenir. Les théâtres, en particulier, sont aux abois. Le Gyptis a mis la clef sous la

porte, le Comptoir de la Victorine est menacé de fermeture, Montévidéo va disparaître, les Bernardines changer de direction… On ne sait si ce très beau lieu, propre à l’expérimentation par sa jauge, son emplacement et son architecture, finira en salle de répétition pour le Gymnase ou la Criée, en un improbable théâtre jeune public, ou si un metteur en scène tel Hubert Colas aura l’opportunité de lui redonner vie. Les salles de la Friche, magnifiques, seront-elles dotées des moyens suffisants pour devenir un pôle de production et de diffusion du théâtre régional qui souffre d’un manque criant de visibilité et de financements ? Si Catherine Marnas s’est envolée vers la direction du Théâtre National de Bordeaux, Renaud-Marie Leblanc, Alexandra Tobelaim, Xavier Marchand, François Cervantès, Charles-Eric Petit, Agnès Régolo, Hubert Colas, Alexis Moati mais aussi Arketal, Nono, Skappa, l’Agence de Voyages Imaginaires… ont besoin de l’implication des théâtres dans de réelles coproductions. Or les scènes nationales du territoire peinent désormais à tenir ce rôle, et la production des compagnies régionales se raréfie au Gymnase, à la Criée, au Toursky… bref dans les théâtres qui devraient en avoir les moyens. Et si la nouvelle Minoterie est un équipement ouvert à ce genre d’aventures, il n’a pas pour l’heure de moyens réels de production ! Il en est de même en danse et en musique, où le Klap de Kelemenis représente un bol d’air généreux de son espace pour les compagnies du territoire, mais ne peut pratiquer que l’accueil, tout comme le PIC de Télémaque ou la Salle Musicatreize. On ne sait si José Montalvo, qui vient d’être désigné pour succéder à Frédéric Flamand, sera attentif au paysage chorégraphique du territoire. En revanche Christian Sébille, à la tête du GMEM, a su bâtir en trois ans des collaborations éclairées, et va installer son Centre National de Création Musicale avec le GRIM, à la Friche. Mais les changements de direction nombreux à la tête des équipements nationaux (voir p10 et 11) laissent les compagnies dans le flou quant à l’année 2014/2015. Un audit est en cours sur la scène nationale du Merlan, une inspection au Théâtre Liberté de Toulon… ce qui réduit la marge pour construire des saisons ambitieuses. Dès juin, Bruno Suzzarelli laissera la tête du MuCEM à un successeur dont on ne sait quelle sera la politique artistique. À Avignon, Olivier Py développe les résidences,

et la programmation annuelle, ancrée dans la ville, qu’avaient initiée ses prédécesseurs. Mais la FabricA serat-elle un lieu de production pour les compagnies du territoire ? Entretemps les élections municipales orienteront bien des choix, cruciaux pour la vie culturelle du territoire. Il faudra en tous les cas compenser la pauvreté criante, en matière de spectacle vivant, de la Capitale Culturelle. La région, friande de théâtre, n’a eu droit qu’à très peu de productions pertinentes, et les labellisations 2013 n’ont fait que conforter des projets portés par les théâtres ou les compagnies. Quand elles n’ont pas accéléré, directement ou indirectement, les chutes : le Ballet d’Europe a fermé ses portes au lendemain de la création de la très belle pièce de Sharon Friedman, ainsi que le Bureau des Compétences et Désirs, la Galerie Alain Paire… Il est urgent que les collectivités locales et territoriales prennent la mesure de la détresse des acteurs du territoire, et que la DRAC cesse de voir ses subsides dédiés aux compagnies fondre plus vite que neige au soleil ! AGNÈS FRESCHEL


D’autres Capitales…

8 P O L I T I Q U E C U L T U R E L L E

Vous pensiez que la France en avait fini pour longtemps avec les Capitales Européennes de la Culture ? Eh bien non : Mons en 2015 puis San Sébastian en 2016 associent des villes françaises frontalières à leur élection… Dans un esprit différent de Marseille Provence

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ves Vasseur, le commissaire général de Mons Y 2015, est un des fondateurs, depuis les années 80, de la notion de scène transfrontalière. Depuis

Mons, il a participé à la création du Manège avec Didier Fusilier : circulation des publics et des œuvres, productions communes, Maisons Folies érigées simultanément à Maubeuge et Mons… Pour lui la culture est sans conteste le moyen de structurer, dynamiser, réinventer un territoire. Zibeline : Mons 2015 associe de nombreuses villes au projet de Capitale Culturelle. Pourquoi ce choix, et est-il comparable à celui de Marseille Provence ? Yves Vasseur : Il s’agit comme ici de fédérer un territoire autour de la culture, mais la réalité est assez différente. Mons est une petite ville, comparable à Aix-en-Provence au niveau de la population, mais qui a l’habitude de travailler avec ses voisins immédiats : les publics circulent aisément de Mons à Bruxelles, et traversent la frontière pour aller à Maubeuge tout proche, voire à Valenciennes ou à Lille. Nous avons l’habitude de travailler ensemble. Ce sera donc une capitale francophone ? Non, pas seulement. Des villes flamandes sont associées également. Il est important en Belgique de ne pas scinder davantage le pays, et la culture est un moyen de rapprocher tous les Belges, Wallons et Néderlandophones. La scission politique est importante. Est-elle aussi culturelle ? Non, elle est politique effectivement, économique aussi. Mais il n’y a aucun problème entre artistes wallons et flamands. Leurs préoccupations, leurs esthétiques sont les mêmes, et c’est une chance pour le pays, un moyen certainement de retrouver notre cohésion. C’est votre ambition ? Vous savez, Elio di Rupo, Premier ministre de Belgique depuis 2011, est le Bourg-

mestre de Mons (équivalent belge du Maire ndlr). C’est lui qui a insufflé l’idée que la culture pouvait non seulement dynamiser un territoire, mais aussi qu’elle est le moyen de reconstruire une unité, ou une communauté, pendant les crises politiques. Le territoire de Mons est-il en souffrance économique ? Oui. Comme dans le Nord de la France la fermeture des charbonnages a conduit une grande partie de la population au chômage. Le pays est pauvre, avec un taux de chômage très important. Mais cela change, la reconversion est en route. C’est pour cela que le slogan de la capitale est : «Quand la technologie rencontre la culture». Google, IBM, Hewlett-Packard, Microsoft s’installent à Mons et y investissent. Votre capitale européenne mise donc davantage sur une reconversion industrielle que sur un afflux de touristes et de croisiéristes, comme à Marseille ? Nous espérons que des touristes viendront en 2015, mais nous voulons avant tout que la population soit concernée, circule, retrouve un dynamisme, et que cela continue d’attirer les investisseurs et les industriels. La région en a besoin, et nous savons d’expérience qu’un territoire qui avance culturellement retrouve de l’emploi. Sur quels axes repose la programmation ? Contrairement à votre territoire, notre région possède la plupart des équipements culturels nécessaires à la programmation, même si certains doivent être aménagés ou rénovés : théâtres, auditoriums, Maison Folie, musées… ont été construits durant les trente dernières années grâce à la volonté politique d’Elio di Rupo en particulier, et à la coopération transfrontalière. Nous pouvons donc consacrer nos efforts à la programmation elle-même, qui s’articule autour des grandes figures artistiques qui ont marqué l’histoire de Mons. Van Gogh, Orlando de Lassus, Verlaine qui a été emprisonné à Mons. Saint Georges et le dragon aussi, qui sont une tradition culturelle à Mons. Et la création contemporaine, les nouvelles technologies, sans oublier le patrimoine architectural, récent ou ancien, et industriel. Tout cela commencera le 24 janvier par une grande fête, et des expositions… D’autres liens avec Marseille ? Frédéric Flamand qui sera un artiste associé, et l’ensemble Musiques Nouvelles qui travaille régulièrement à Marseille avec l’ensemble Télémaque et le GMEM… Nous travaillons à d’autres liens encore, et sommes intéressés en particulier par tout ce qui a été fait dans les entreprises et dans les quartiers en difficulté sociale. C’est un modèle pour vous ? Toute expérience est à partager ! et un réseau s’est créé entre les capitales européennes de la culture. Nous espérons aussi que les Marseillais auront envie de nous rendre visite ! Entretien réalisé durant la Semaine Belge à Marseille par AGNÈS FRESCHEL


Les femmes causent et s’éditent

Le 3e Salon méditerranéen des publications de femmes les a réunies, avec quelques hommes, autour de la créativité féminine, sa spécificité, et la lutte contre les inégalités. Le Collectif 13 Droit des Femmes, composé d’une vingtaine d’associations, de syndicats et de groupes politiques, qui a été créé en 2001 suite aux Marches Mondiales des Femmes, en est l’organisateur. Le programme était alléchant avec la présence d’artistes aux dons multiples. Une table ronde animée par Catherine Lecoq a permis à plusieurs artistes de s’exprimer sur leurs créations. La poète performeuse et plasticienne Claudie Lenzi joue selon son habitude sur les mots et leurs sonorités ; Danielle

Catherine Beaunez © Chris Bourgue

Stéphan évoque sa mise en scène de la pièce de Germaine Tillion, Une opérette à Ravensbrück - Le Verfügbar aux enfers ; Lisa Mandel parle de sa série documentaire en bande dessinée sur les hôpitaux psychiatriques

de Marseille ; Florence Pazzottu montre un de ses poèmes-vidéo Le triangle mérite son sommet, sa nouvelle forme d’expression. Catherine Beaunez, une des rares dessinatrices humoristes françaises, a fait un tabac avec

Dans les étoiles La ville de Salon s’apprête à assurer la présidence des Villes Ariane pour l’année 2014, en partenariat avec l’École des officiers de l’Armée de l’Air (la communauté des Villes Ariane, créée en 1998, est une association «qui a pour mission le renforcement de la coopération entre les villes et des organismes industriels impliqués dans les programmes de transport spatial Ariane» ; elle compte 19 membres appartenant à 6 pays européens, ndlr). L’occasion, comme le souligne Michel Tonon, le Maire, «d’animer et de valoriser notre ville, de promouvoir le développement de notre territoire», et de partager avec la Base aérienne 701 un bouillonnement d’idées autour du thème «Civil et militaire, espace partagé». Après la soirée d’ouverture, le 24 janv, placée sous le parrainage de Jean-Loup Chrétien, avec conférence et projection du film de Kubrick 2001, l’Odyssée de l’espace, l’année

sera émaillée chaque mois, de séminaires, débats, expositions (dont celle qui est très attendue, Des ailes et des hommes, du 29 mai au 1er juin, mise à disposition par le ministère de la Défense et qui transformera

la projection de ses images engagées pour la cause féministe, dont certaines ont été parfois censurées ! À noter aussi la présence de Marie-Jo Bonnet et de Catherine Binon qui ont parlé de la représentation des femmes dans l’art. Les livres étaient présents avec leurs auteures. Notamment le Dictionnaire des Marseillaises des historiennes Renée Dray-Bensousan et Hélène Échinard (voir Zib’58) avec leurs inconnues magnifiques à découvrir. CHRIS BOURGUE

Le 3e Salon méditerranéen des publications de femmes s’est tenu les 6 et 7 décembre à la Maison de la Région, Marseille

la Place Morgan en base de lancement) et conférences. Do.M.

Les manifestations annuelles d’Agglopole Provence revêtent un habit étoilé, à l’image de Lire Ensemble qui aura comme thème «En quête d’espace et de méditerranée». Comme chaque année depuis 9 ans, les 17 communes du territoire accueilleront des spectacles et des rencontres avec des auteurs, après la soirée de lancement qui aura lieu le 8 mars au Théâtre Armand avec du théâtre d’improvisation. Les concours de nouvelles sont quant à eux toujours adressés aux adultes (sur le thème «(En)quête de méditerranée») et collégiens et lycéens scolarisés sur le territoire d’Agglopole Provence (sur le thème «Mystère(s) en méditerranée»). La date limite d’envoi des textes est fixée au 1er mars, et la remise des prix s’effectuera le 21 mars, en clôture de la manifestation, au Portail Coucou. du 8 au 21 mars Service culture, Salon-de-Provence 04 90 44 77 41 www.agglopole-provence.fr

9 P O L I T I Q U E C U L T U R E L L E


Olivier Py…

ou l’éloquence

Rencontrer Olivier Py pour évoquer Orlando ou l’Impatience, sa création en cours d’écriture pour 10 le Festival d’Avignon 2014, engage une lecture entre P ses lignes cérébrales, O L captivante… et patiente

lui ressemble pas, plus qu’un surintendant». Sa programmation, «déjà trop dévoilée» où les 5 continents seront présents, veut renouveler les publics et favoriser l’émergence. Il a d’ores et déjà créé un abonnement Jeune Public et un lieu dédié, se veut indisciplinaire et ouvert, pour un Festival qui ne sera «ni un retour au texte ni aux classiques, il n’est juste pas question de chasser les poètes, vivants ou morts, de la cité». Il parle aussi de sa vigilance face aux élections municipales. Il votera en mars à Avignon : «On va voir si la ville de culture fait la différence dans une région où le FN monte. Va-t-on réussir à affirmer dans cette ville la richesse de l’immigration ?». De la mini-polémique créée par Aurélie Filippetti, qui évoqua le «désert culturel» hivernal de la ville, lors d’une réunion de soutien à Cécile Helle au dernier Forum d’Avignon : «Mais pas du tout ! Je ne m’embête pas culturellement à Avignon, il y a des programmations toute l’année, la Collection Lambert, l’Utopia, La FabricA.» Quant au Forum, auquel il était invité : «Qu’on dise aujourd’hui que la culture participe plus au PNB que le luxe est un paradoxe passionnant. L’idée qu’elle est un moteur économique n’est pas directement celle de la politique culturelle de la gauche…»

I T I Q U E

C U L T U R E L L E

7 pères et un ministre Olivier Py © Carole Bellaïche

Volontiers volubile, l’artiste directeur du In maîtrise l’art de la parenthèse. Il décrit, pêle-mêle, sa nouvelle vie avignonnaise et le «mouvement» inspirateur du mistral ; son travail, «je ferai pour Avignon une création par an, un bon rythme. Cette année à l’opéra j’ai dépassé la mesure, mais j’ai fait trois spectacles magnifiques» ; il chasse d’un revers la critique, fait flamboyer sa vision politique, «la gauche de demain sera culturelle ou ne sera pas !». Et raconte, par bribe, la pièce au «format Shakespearien» qui ouvrira le Festival à La FabricA.

Petit public deviendra grand

Pressé mais accueillant, il disserte avec force et sans détour de sa nouvelle fonction : «À la tête du Festival il ne faut pas obligatoirement un artiste, mais une personnalité pour qui c’est un destin et pas un plan de carrière. Le lien avec le public est plus passionnel pour l’artiste, il a tendance à programmer ce qui ne

L’auteur, pour qui «l’impatience est à la fois [son] meilleur défaut et [sa] plus grande qualité», délivre les premières clés d’Orlando. «C’est un roman picaresque, une comédie politique dans laquelle sept pères conduiront dans une aventure de théâtre hors norme la quête d’un jeune homme. On change de forme à chaque acte, Claudelien, Brechtien, Beckettien… Il aura pour adversaire spirituel, sur l’ensemble de sa vie, un ministre de la culture !» Un spectacle «manifeste» sur le théâtre, répété six petites semaines, Olivier Py préparant scrupuleusement les répétitions, sans improvisation. «Ecrire un manifeste qui soit une comédie, ça me met la pression ! La comédie est plus populaire, c’est l’art sublime, à condition qu’elle nous tire par le haut.» «Mais la chose la plus difficile que je fais, c’est chanter» avoue l’interprète de Miss Knife. Un défi relevé à revoir au Chêne Noir les 13 et 14 fév. DELPHINE MICHELANGELI

La prochaine rencontre aura lieu le lundi 27 janvier à La FabricA à 20h30 avec l’auteur et metteur en scène Fabrice Murgia. Orlando ou l’Impatience, a été présenté au public le 9 décembre et sera créé au Festival d’Avignon 2014 Le In aura lieu du 4 au 27 juillet, le Off du 5 au 27.

Sur la vague de 2013

En juin 2011, la communauté d’agglomération Toulon Provence Méditerranée annonçait son retrait du projet Marseille Capitale européenne de la culture. Mais la volonté du Théâtre Liberté de Toulon -inauguré le même moisde travailler avec les acteurs culturels de MP2013 n’a pas été entamée : «Nous avons immédiatement signifié à TPM que le théâtre voulait désenclaver le territoire toulonnais et promouvoir un esprit d’ouverture, explique Pascale Rodier-Boeglin, directrice générale. Notre volonté de nouer des liens avec MP2013 a paru tout à fait normale». De fait, le théâtre a accompagné des projets existants, accueilli ou coproduit des spectacles. Il s’est rapproché de La Friche la Belle de mai en participant, dès sa genèse, au projet autour des dramaturgies arabes contemporaines et programmé quatre spectacles. Ce premier round ne s’arrête pas là car pour son directeur, Philippe Berling, «c’est ce type d’initiative auquel on a envie de se raccrocher car il correspond à notre ligne artistique. La Friche est devenue, avec MP2013, l’un des lieux importants de la métropole marseillaise. On veut poursuivre notre collaboration et susciter des écritures et des nouvelles productions dans l’ensemble des pays concernés». Dès l’arrivée de Macha Makeïeff à La Criée, les deux théâtres ont eu envie d’œuvrer ensemble : d’un côté Liberté a coproduit Ali Baba qu’il a présenté dans la foulée de la création marseillaise, de l’autre La Criée accueillera Dreck créée en octobre dernier à Toulon… Avec Dominique Bluzet, la complicité ne date pas d’aujourd’hui car l’acteur Charles Berling est un habitué des planches aixoises. C’est donc tout naturellement que le directeur Charles Berling a programmé Abd Al Malik la saison dernière et, en 2014, Un beau matin, Aladin de Charles Tordjman et Azimut d’Aurélien Bory produit par le Grand Théâtre de Provence. Sans oublier la lecture par Charles Berling d’extraits du Premier homme d’Albert Camus à l’occasion de la Fête du livre de Toulon, production made in Liberté inscrite dans le programme officiel de MP2013, et également programmée à La Criée lors du festival littéraire. Mais est-ce pour autant que le public de la métropole marseillaise s’est déplacé sur la côte varoise ? Selon Pascale Rodier-Boeglin, «difficile de quantifier avec exactitude la fréquentation sur les spectacle étiquetés MP2013 car globalement 7% des spectateurs viennent de Marseille». L’impact réel est une visibilité accrue du théâtre au-delà de son territoire car il a bénéficié «de leurs moyens supplémentaires pour créer et produire, et nous pour les accueillir». MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Un beau matin, Aladin de Charles Tordjman sera donné le 30 janvier et Azimut d’Aurélien Bory le 17 avril www.theatre-liberte.fr


Didier le Corre © Delphine Michelangeli

«Je fais le pari de l’intelligence» Didier le Corre a succédé à Jean-Michel Gremillet le 2 janvier à la tête de la scène nationale de Cavaillon. Recruté sur un projet qu’il qualifie de prudent, le breton d’origine assume en douceur la transition vers le sud, et souhaite concilier exigence artistique et démocratique. Zibeline : Votre parcours est atypique, vous avez une formation dans les travaux publics, avez été directeur des affaires culturelles dans la Marne, administré l’Institut et l’école de la marionnette de Charleville-Mezières, dirigé les scènes de Vitry-le-François et d’Albertville. Comment arrivet-on à la direction d’une scène nationale ? Didier Le Corre : Ça n’était pas ma vocation au départ, je m’étonne moi-même d’avoir été retenu ! J’ai senti qu’il fallait remettre du lien sur ce territoire, en affirmant mes axes d’engagement autour de l’accès au plus grand nombre. Je suis issu d’un milieu ouvrier, mon premier accès à la culture c’est grâce au collège. Ce sont les hasards des rencontres de gens investis dans la culture et mes valeurs socio-culturelles qui m’ont amené à diriger des théâtres. Votre première tâche sera de renouer le dialogue avec la municipalité… Je ne prends pas en héritage les remous avec la ville, liés à des problèmes de personnes et des projets qui ne sont plus partagés. Il m’apparait prioritaire de renouer le contact avec les élus locaux. Je ne prendrai pas d’engagement politique en tant que directeur, ce qui n’exclut pas que je défende certaines valeurs, hors du débat politicien.

Vous souhaitez un rééquilibrage de la programmation. C’est-à-dire ? La saison de Jean-Michel (jusqu’à juin 2014, ndlr) est au top niveau ! C’est une belle pression qu’il me laisse. Il y a une demande en faveur des jeunes et des musiques actuelles, je souhaite être partenaire et complémentaire des SMAC de Vaucluse, en leur offrant un plus grand plateau et les accompagnant sur les réseaux. Il faut développer les esthétiques pour que les jeunes s’ouvrent à toutes les musiques. Et au reste ! Si je m’inscris dans la continuité de la ligne artistique, je veux intensifier les partenariats avec les opérateurs culturels, accueillir plus de danse, d’arts du cirque, et de projets pluridisciplinaires. Je suis en contact avec l’auteure et metteure en scène Pauline Bureau, Dorian Rossel, la Cie Les anges au plafond, Gilles Cailleau et son projet Shakespeare. La cie Arcosm sera associée pour 3 ans. Et les artistes de la région ? Je ne suis pas d’ici, alors je prends mon bâton de pèlerin et je vais les voir. Je serai vigilant et attentif à leur travail. L’éducation artistique est une de vos priorités ? Je veux élargir la décentralisation des Nomade(s) au-delà des 15 kms, dans les villages, les quartiers. On ne doit pas apparaître comme des prestataires mais nouer un vrai partenariat avec les communes d’accueil, et intensifier la rencontre entre artistes et publics. Je crois en la pédagogie de l’expérience. Et je fais le pari de l’intelligence ! PROPOS RECUEILLIS PAR DELPHINE MICHELANGELI

Gilles Bouckaert © X-D.R

Deux des quatre scènes nationales de la Région PACA ont changé de direction récemment. Didier Le Corre succède à Jean-Michel Gremillet à Cavaillon, et Gilles Bouckaert a pris la suite d’Annette Breuil à Martigues. Présentations…

Ouvrir et rassembler Zibeline : Quel a été votre parcours avant d’arriver à Martigues ? Gilles Bouckaert : Je suis originaire du Nord, je suis né à Dunkerque ; j’ai travaillé pendant 12 ans à la scène nationale de Maubeuge (directeur de la communication puis directeur de la diffusion artistique ndlr), puis 10 ans à la scène nationale de Créteil (directeur des projets artistiques ndlr). Connaissiez-vous la Ville de Martigues ? Non, mais je suis né à Dunkerque, et les deux villes ont les mêmes industries. Il y a énormément d’échanges de population entre les villes, dans le sens nord sud car beaucoup d’entreprises ont fermé à Dunkerque, dans la pétrochimie et la sidérurgie, et j’ai toujours pensé que Martigues était la ville jumelle de Dunkerque dans le sud. Je savais que si je postulais pour prendre la direction d’une scène nationale ce serait celle de Martigues. Comment s’est passée votre prise de fonction ? Très bien ! J’ai été tout de suite mis dans le bain lors de la Nuit Industrielle qui a eu lieu à Martigues dans la nuit du 31 août au 1er sept… Quels sont vos projets pour la scène nationale de Martigues ? Ce ne sera pas fondamentalement différent de ce qui existe, on continuera à y faire du théâtre, de la danse, de la musique, c’est une scène pluridisciplinaire. J’ai à peu près la même vision qu’avait Annette Breuil, c’est-à-dire qu’il faut que ce soit hétéroclite dans la programmation, avec une ligne conductrice qui est basée sur la qualité des spectacles. L’ouverture du lieu me tient à cœur : quand on est directeur de scène nationale, il faut faire comprendre aux gens que cet espace est le leur. Ce que j’ai envie d’apporter, parce que je viens de lieux où on a beaucoup travaillé dessus, ce sont les nouvelles technologies dans le spectacle vivant. Et notamment dans la suite du travail initié lors de la Nuit Industrielle : on ne va pas refaire la même chose, mais ce sera en effet un événement qui mêlera industrie et nouvelles technologies. De quelle façon ? On est sur un bassin où il y a des industries lourdes, pétrochimie, sidérurgie, etc. Or derrière ces industries-là il y a des nouvelles technologies. Et de la même façon elles peuvent permettre, au théâtre, de faire autrement les spectacles. C’est un parallèle que je trouve intéressant et important. Il y aura aussi une ouverture vers les arts plastiques, avec des installations qui seront dans et hors du théâtre à Martigues, et au cœur des industries. Rien n’est encore arrêté, mais ça devrait durer une semaine à 10 jours, avec une clôture qui donnera lieu à des formes plus performatives, orientées vers le spectacle vivant. PROPOS RECUEILLIS PAR DOMINIQUE MARÇON

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Les loisirs... depuis quand ? Erri de Luca Détail de la maquette de l’Universal Circus Pir’ouett, Georges Berger,Paris, France, 1924-1971 © MuCEM

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Munissez-vous d’un plan pour vous orienter vers les salles consacrées à l’exposition Le temps des Loisirs au Fort Saint-Jean car la signalétique reste encore très discrète, presque inexistante... Mais une fois passé l’obstacle de l’orientation, laissez-vous tenter par un voyage dans un temps encore «très récent»... celui des loisirs. Jusqu’au XIXe siècle, la société, majoritairement agricole, rythme son quotidien en fonction des récoltes et des caprices de la

nature. Seul les rites de passages et les fêtes calendaires sont synonymes de divertissement. C’est à ces moments «extraordinaires» qu’est consacrée l’immense vitrine installée dans la chapelle Saint-Jean. Elle regroupe des objets insoupçonnés comme un magnifique «bouquet de Saint Eloi» en fer forgé marquant la fin d’apprentissage d’un compagnon du Tour de France, ou encore l’armoire normande de la dot d’une mariée sculptée dans un arbre planté à sa naissance. Puis il faut monter au niveau 1 pour admirer les sublimes tissus brodés des costumes des marionnettes à fils de Maurice Graziani (XXe Siècle) ou encore de la famille Dulaar-Roussel (XIXe siècle). Venant souvent de la commedia dell’arte, tous les personnages les plus fantasques sont présents, d’Arlequin à Polichinelle, mais aussi plus populaires comme le Guignol ou héroïques comme d’Artagnan. Enfin, au niveau 2, place à l’univers déjanté du cirque avec Circus Pir’Ouett, une œuvre de plus de 2000 pièces commencée en 1919 et créée pendant 40 ans par le graphiste et dessinateur Georges Berger. Dompteurs de lions, clowns, saltimbanques... aucun circassien n’est oublié parmi les 800 personnages minutieusement recréés. Amusant et bluffant !

Le grand romancier sicilien sera présent au MuCEM le lundi 3 février à 19h, pour un entretien avec Fabio Gambaro, collaborateur du Monde des livres et correspondant à Paris de la Reppublica. Ils évoqueront ensemble Les Poissons ne ferment pas les yeux, son dernier roman paru en 2013, et le prochain à sortir, toujours chez Gallimard, en mars 2014 Le Tort du Soldat. Un événement, proposé par les Comptoirs de l’ailleurs (voir p.70), qui chaque mois conjuguent grande littérature, conversations chaleureuses, particularisme méditerranéen et portée universelle. A.F. Erri de Luca © Marie Leclerc

A.-L.R.

Le temps des loisirs, exposition permanente MuCEM, Marseille 04 84 35 13 13 www.mucem.org

Le MuCEM continue sur sa lancée !

Installation

Le quartier du Panier est à l’honneur avec l’exposition Tabula Rasa au forum du J4 (du 17 janv au 17 fév). L’auteur Dominique Cier et l’artiste Cristina Lucas ont choisi des vidéos, images et mots pour expliquer toute l’évolution historique du Panier, de la destruction du quartier en 1943 jusqu’à nos jours : «des souvenirs des anciens, de la mémoire des plus jeunes».

Cinéma en famille

Du 8 au 26 janv, parents et enfants sont invités à découvrir de véritables petits bijoux du passé. Des dessins animés restaurés comme La petite taupe (1975) du Tchèque Zdenek Miler (le 5 janv), des grands classiques comme Heidi (1952) de Luigi Comencini (les 8 et 12 janv), l’univers loufoque de Jacques Tati avec Jour de fête (1947) (le 22 janv), Les aventures fantastiques (1948) du cinéaste tchèque Karel Zeman (les 15 et 19 janvier). Enfin, une avant première avec La pie voleuse (1973), l’adaptation de trois airs d’opéra du compositeur italien Emanuele Luzzati en dessins animés (le 26 janv).

Les rencontres

Comme tous les mois, le MuCEM organise de nombreuses rencontres. Le premier débat s’intitule Pierre Mendès-France, l’indépendance de la Tunisie, l’occasion de parler du célèbre «discours de Carthage» avec Sophie Bessis, agrégée d’histoire, et Jean-Louis Crémieux Brilhac, historien et ancien résistant (le 20 janv). L’auditorium Germaine Tillion accueillera l’écrivain Patrick Chamoiseau pour parler du «concept de mondialité» (le 30 janv). Enfin, Erri de Luca, Prix Européen de Littérature 2013 est attendu le 3 février pour un grand entretien avec le journaliste Fabio Gambaro.

Rendez-vous

Le grand rendez-vous de ce mois-ci est la Nocturne jeunes #2. 25 étudiants vont investir la Galerie de la Méditerranée et porter un regard particulier sur une œuvre de l’exposition qui les a interpellés. Une visite unique qui promet aux visiteurs des interventions personnelles et totalement décalées ! (le 24 janv)

Temps fort

Visages de Syrie – La Vie qui résiste, un thème étudié sous toutes ses formes par le MuCEM du 31 janv au 2 fév : des débats comme Syrie, patrimoine(s) en péril (le 31 janv), la projection de documentaires et les lectures des textes des personnages-clefs de la lutte syrienne, comme le politicien communiste Riad al-Turk, la syrienne Samar Yazbek, réfugiée à Paris depuis 2011 ou le médecin et écrivain Yassin Al-Haj Saleh, ancien prisonnier politique (le 1er fév). Quelles sont les répercussions de cette crise syrienne en Méditerranée, et au-delà ? Le journaliste du Monde Christophe Ayad propose d’ouvrir le débat lors d’une table ronde géopolitique (le 1er fév). Enfin, c’est la beauté des paysages syriens qui clôture ce temps fort avec la projection de deux films Azrak-Ramadi (Bleu-Gris) (2004) de Mohamad Al Roumi et Round trip (2012) de Meyar Al Roumi (le 2 fév). ANNE-LYSE RENAUT

MuCEM, Marseille 04 84 35 13 13 www.mucem.org



Pousser au crime

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«O love ! O life ! Not life but love in death». Cette phrase de Shakespeare semble être le propos même de cette mise en scène des Justes de Camus. Plus qu’au contexte politique du terrorisme en réponse au despotisme, Medhi Dehbi s’intéresse à l’amour de la vie que chaque personnage incarne à sa manière. Même Stepan ne fait pas exception : s’il est prêt à faire tuer des enfants c’est pour que d’autres ne meurent plus de faim. Au lieu de prendre place sur scène, les cinq comédiens se déplacent dans un espace sans plateau, ni gradins. On découvre peu à peu d’où et de qui, parmi la foule, surgit la parole. Cela dans une ambiance pesante d’enfermement aux faibles lumières. Ambiance pesante régnant également au sein du parti socialiste révolutionnaire. Camus pose clairement la question : la violence est-elle la bonne réponse à l’oppression ? Posée durant la décolonisation des pays arabes, et faisant référence au terrorisme de gauche pratiqué en Europe, Les Justes précisaient la révolte plutôt réformiste de Camus. Aujourd’hui, jouée majoritairement en arabe, avec une scène entièrement en français ou quelques passages en anglais, la pièce montre que la jeunesse révoltée de Camus pourrait être celle de l’autre rive. Car le point de départ d’une révolution est toujours l’étouffement d’un peuple par le

© Mehdi Dehbi

pouvoir. Malheureusement, la mise en scène est parfois fragile dans sa circulation : les comédiens en permanence en contact avec le public et restant immobiles lors de quelques scènes sont parfois dos à certains spectateurs. Parfois, ils serrent la main des spectateurs disant «Bonjour» entre deux répliques. Cette mise à distance du théâtre qui devrait rapprocher du spectateur fonctionne parfois à contre-courant : un aspirateur assourdissant perturbe une scène où deux personnages ne doivent pas être entendus des autres protagonistes. Mais ils devraient l’être

Iphigénie contemporaine

Mademoiselle Else © Christian DRESSE 2013

Untel a des «yeux de veau mourant», l’autre… Au jeu des portraits, elle tient de Célimène. Issue de la bourgeoisie viennoise, elle, Else, tournoie avec grâce lors de vacances dans une station thermale italienne. «L’air est comme du champagne»… La nouvelle d’Arthur Schnitzler publiée en 1924 évoque les émois naissants de Mademoiselle Else, jusqu’au drame provoqué par la lettre de sa mère qui la supplie de solliciter, pour son père acculé à la faillite, une aide auprès du riche marchand de tableaux, Dorsday. Ce dernier accepte à la condition de la voir nue. Fin de l’insouciance et des scènes imaginées, Else en un long monologue intérieur se débat, se soumet, s’indigne, juge avec lucidité, joue et rejoue la scène insupportable à laquelle elle se sent condamnée. L’adaptation du

texte par Jérôme Ségura -dans un décor sobre avec un lit rond et blanc entouré de rideaux, une porte fermée qui laisse entrer la lettre fatale, un miroir devant lequel se dessine l’adieu à soi, un petit écran de contrôle, intrusion du monde, voyeur jusqu’au tréfonds des consciences-, sait garder avec justesse le ton de la jeune fille, la confusion bouleversante de ses sentiments, sa plongée inéluctable vers la mort. Floriane Jourdain interprète avec une fine intelligence ce personnage déchiré, dans une mise en scène superbe de JeanClaude Nieto, avec en mémoire le délicieux air de Giuditta de Franz Lehar «Meine Lippen Sie küssen so Heiss» repris par Else. Le spectacle était donné en hommage à Françoise Chatôt, le 12 décembre au Jeu de Paume, Aix MARYVONNE COLOMBANI

À venir le 21 mars Théâtre de Fontblanche, Vitrolles 04 42 02 46 50 www.vitrolles13.fr

du public ! Néanmoins, Medhi Dehbi parvient à transmettre fidèlement l’idée selon laquelle l’humanisme n’a, dans un monde cruel, d’autre issue que la mort. Un spectacle sans utopie, mais humain. Donc Camusien ! ALICE LAY

Les Justes a été joué au Théâtre du Jeu de Paume à Aix-en-Provence du 18 au 20 décembre

Les bons, les brutes et le tyran Voir dans le Caligula de Camus le simple récit d’une spirale de la folie vers laquelle peut conduire le pouvoir absolu serait réducteur. Certes, la personnalité de l’empereur romain suffirait à en © Letizia Piantoni faire le sujet central d’une œuvre. Et l’interprétation mesurée de Bruno Putzulu, évitant avec bonheur le sur-jeu que le caractère d’un tel individu pouvait générer, mériterait à elle seule tous les honneurs. Homme blessé par le deuil, le fils d’Agrippine protège sa vulnérabilité dans une violence outrancière, qui ne sert qu’à dissimuler sa propre angoisse d’être confronté à la mort tout en semblant la convoquer. Mais l’auteur, comme le metteur en scène Stéphane Olivié Bisson qui a choisi de se mesurer à la version écrite initialement en 1941, sont allés bien plus loin que la radioscopie d’un tyran. Monstre complexe qui parvient à attendrir dans l’horreur et provoquer le sourire dans la haine, ce Caligula aborde finalement les travers bien actuels d’une société où parfois la lâcheté, la soumission, la perte de la dignité font triompher le renoncement et étouffent la combativité. Humains à l’extrême, les protagonistes victimes de Caligula n’en sont pourtant pas plus faibles que leur maître. Chacun semble au fond y trouver son compte et le spectateur, poussé à l’acceptation de l’intolérable, renonce à tout jugement. Le travail de Stéphane Olivié Bisson, les performances des acteurs honorent l’écriture camusienne et conduisent aux questionnements existentiels qu’elle porte en elle. THOMAS DALICANTE

Caligula a été joué au Théâtre du Gymnase, à Marseille, du 10 au 14 décembre



Fin de partie

T H É Â T R E C I R Q U E R U E

© Benjamin Bechet

délimitaient une scène liquide sur laquelle et au-dessus de laquelle pendant près de trois quarts

fondateur de la cité phocéenne, matérialisé dans ses grandes lignes à grands traits de lumière, cerné, précédé, suivi par des chaloupes rectangulaires soulignées de blanc, supports mobiles de jaillissements pyrotechniques. Dans cette féerie, l’œil ne savait plus où donner du regard : le ciel explosant de paillettes, les silhouettes lumineuses d’acrobates se balançant dans le gréement du vaisseau amiral, les voiles se diaprant comme ailes de papillon. Adieu 2013, marqué au feu dans la nuit marseillaise ! L’enchantement fut total. Puisse 2014 nous en réserver d’autres. ÉLISE PADOVANI

Les Révélations 7 et 8 ont clôturées l’année capitale le 31 décembre à Istres et à Marseille

Aimer, peut-être Les adaptations de livres par la Compagnie 2b2b se suivent mais ne se ressemblent pas. Après Mais je suis un ours ! de Frank Tashlin, c’est l’illustrateur australien Shaun Tan qui a inspiré la chorégraphe Valérie Costa. Son ouvrage Là où vont nos pères (publié chez Dargaud) est une variation muette sur l’émigration. De cette trame, le spectacle LOV.etc. maintient une atmosphère de mystère amplifiée par l’absence de dialogues, dont l’impact est d’autant plus puissant. Accompagné par une bande son d’une riche inventivité (souffle du vent, violon, piano, échos de gare, bulles et bulletin de météo marine...), le duo Marjorie Currenti et Julien Dégremont offre une performance généreuse à l’imaginaire du public. Sur le plateau transformé en mer miniature par la grâce de la vidéo, ils se hissent sur un radeau de valises, rescapés souriants, ou bien évoluent comme sous une couette dans les plis d’une immense carte. Trois rappels enthousiastes plus tard, les jeunes spectateurs commentent certains passages, intrigués surtout par la technique : comment peut-on courir immobile ? Et ces images projetées sur un dos nu mouvant, qu’est-ce qu’elles veulent dire ? Valérie Costa sourit et leur répond «voilà, c’est précisément ce que j’ai voulu faire : que vous puissiez imaginer plutôt que comprendre». GAËLLE CLOAREC

LOV.etc. a été joué du 7 au 11 janvier au Théâtre de Lenche, Marseille © Laurence Giner - Cie 2b2b

© Julien-René Jacques

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Derniers épisodes de la saga imaginée par le Groupe F, initiée en janvier 2013 à Arles, les Révélations 7 et 8 ont clos simultanément ce 31 décembre à Istres et à Marseille l’année capitale, en un bouquet d’eau et de feu. Apéritif de St Sylvestre ou cerise sur le gâteau-dessert de MP2013, le spectacle a rassemblé 150 000 personnes sur le Vieux Port devenu le décor d’un théâtre à ciel ouvert. Décor balayé de lassos lumineux, soulevé de vagues colorées, creusé de cônes polychromes, strié d’épées de Jedi, enflammé de torches échevelées. La bonne mère, le fort Saint Nicolas, les pannes, les façades du port, amers familiers métamorphosés dans la nuit par ces jeux de lumière,

d’heure, acte après acte, se sont créés les artifices, ménageant, en musique, une progression dramatique vers l’acmé. Après les sculptures d’eau, rideaux diaphanes et geysers scintillants, l’arrivée d’un ketch majestueux, thème

Tchekhov mis à nu Faire entendre plutôt que représenter, dire, raconter… Une Mouette. Il s’agit bien de La Mouette de Tchekhov, mais plus encore de la version qu’en donnent Isabelle Lafon et les quatre magnifiques actrices qui l’accompagnent ; une version réduite, resserrée par la metteure en scène et comédienne, qui conserve l’essentiel du texte pour en faire un récit auquel quelques indications de style indirect ont été rajoutées. Elles sont donc cinq sur la scène qu’aucun décor n’encombre, côte à côte et face au public, en tenue de ville. Cette simplicité visuelle donne à entendre, libère l’imagination, permet de côtoyer immédiatement Nina, Treplev, Arkadina… Elles ne bougent pas ou à peine -un mouvement du bras, une tête qui se tourne, un pied en retrait pour signifier une sortie-, préservent l’osmose qui les soude, se distribuent une parole qui jaillit, puissante et essentielle. Tout est contenu dans ce souffle choral, cette rythmique précise qui s’apparente à une partition musicale. De l’envolée des mots naît une situation théâtrale unique, une remise en question de l’acte de représentation qui, nu, apparaît plus palpitant encore. Car le jeu qui vibre en chacune laisse s’échapper l’essence même du drame dans sa vérité crue. Tout est là, sur scène, sans superflu. Do.M. Une Mouette a été joué au Théâtre d’Arles les 12 et 13 décembre


Voltige de la vie C’est bien sûr d’acrobates dont parle le spectacle de Julien Ricordel et Olivier Meyrou : deux formidables interprètes, à partir du deuil de leur père spirituel Fabrice Champion (l’un des fondateurs des Arts Sauts), racontent leur histoire d’amitié et fabriquent, au fil de leur danse acrobatique d’une extrême sensualité ou dans le trou noir de leurs souvenirs, du sens à sa disparition tragique et à la dernière acrobatie insurmontable. Les images du documentaire réalisé sur le spectacle Nos limites, dans lequel le trapéziste devenu tétraplégique poursuit, malgré le handicap, sa passion, se mêlent aux numéros d’une troublante apesanteur donnés par Alexandre Fournier et Mathias Pilet. Mais c’est surtout d’une magnifique histoire d’amour, jaillissante de tendresse, dont il est question, amour de la vie, de l’humain, de la confiance en l’autre. Dans le flot des souvenirs, la voix, la respiration, les paroles entêtantes -je ne veux pas rester comme ça… j’peux plus marcher, me

promener dans les prés, monter les escaliers, avoir d’orgasme, nager dans la rivière et dans les lacs, j’peux plus, j’peux plus, j’peux plus- de l’ami perdu les portent jusqu’aux cimes. Ils composent entre fiction et réel, passé et présent, encaissent les chocs, explorent les limites de leurs corps, interrogent leur pratique -l’acrobatie est une façon de vivre au quotidien et de penser «libre» de tout explorer, c’est une autre manière de rencontrer le monde- se battent contre la fatalité. En équilibre et la tête haute. À travers leur expérience, et leur mélancolie affichée, ils engagent au lâcher-prise. Et à la vie. Splendide et inoubliable. DE.M.

Acrobates s’est joué les 9 et 10 janvier au théâtre de Cavaillon

À Venir du 21 au 23 janv Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 www.merlan.org © Christophe Raynaud de Lage


Des usages de la production journalistique T H É Â T R E D A N S E C I R Q U E

© Andre Elbing

âges confondus, sont transportés dans cet univers onirique, émus par cette esthétique de l’émergence, de l’étonnement, qui sait avec un dosage subtil alimenter notre curiosité et notre capacité à nous laisser porter par l’imagination et la poésie. Quelle est donc cette mirifique troupe s’impatiente le lecteur ! Dirigée par Frédéric Zipperlin -qui a travaillé trois ans dans la mythique formation du Cirque du Soleil-, la troupe du Cirque Bouffon offrait à La Croisée

des Arts de Saint-Maximin un spectacle à la fois exigeant et délicieux d’humour poétique, Solvo, «solution» en Espéranto. En effet, l’art de la chute était remarquablement servi ! MARYVONNE COLOMBANI

Solvo a été joué les 20 et 21 décembre à la Croisée des Arts, Saint-Maximin

Objectivisme poétique

La force du destin

Écrivain associée au Théâtre Durance, Sonia Chiambretto s’entoure d’artistes du monde du théâtre ou de la danse pour une mise en espace de ses textes. Décembre voyait la création de POLICES ! avec le danseur et chorégraphe Rachid Ouramdane. Sonia Chiambretto s’inscrit dans la lignée du très beau film de Chris Marker, Le fond de l’air est rouge, en en reprenant pour son texte le montage discontinu. Le papier épais au grain lourd, dessine autour des mots de larges espaces de respiration, une blancheur où les phrases sont mises en scène, trouvent dans leur disposition un ton, un rythme, un sens plus soutenu, listes, répétitions, termes comme écartelés, ainsi ce «au secours» avec le r et le s détachés, chute vertigineuse en fin de page. À l’instar de Charles Reznikoff, l’auteure

D’abord un long cri, une plainte, dans le noir. Et puis le cadavre d’un homme, tête renversée. Et un chant, rauque : «Lève toi Ô maître, lève toi» ! Nous sommes à la cour du roi d’Écosse, du président de la République tunisienne Habib Bourguiba et de Zine el-Abidine Ben Ali par la magie du théâtre de Lotfi Achour qui transpose Macbeth de Shakespeare dans la Tunisie contemporaine. Pari audacieux et totalement réussi de puiser dans les rouages de «la pièce écossaise» pour évoquer les luttes intestines des familles dirigeantes, critiquer le pouvoir totalitaire, dénoncer le culte de la personnalité ou tenter, pour la première fois, de «regarder notre histoire récente et sortir de la sacralisation de l’Âge d’or». Avec habileté et sans jamais tomber dans un sentimentalisme dégoulinant, Lotfi Achour croise tous les personnages shakespeariens : les sorcières (elles accueillirent le retour victorieux de Macbeth), Lady Leila (aussi ambitieuse que son illustre aînée), MacZine (qui tient son peuple avec une main de fer), les courtisans et les partisans qui courbent l’échine. Cette version revue et corrigée aurait pu s’arrêter là, mais le metteur en scène, virtuose, jongle avec tous les artifices de la scène pour créer des scènes métaphoriques : jeux de lumière, trompe l’œil, marionnettes, libre circulation entre le chant, la danse et le théâtre ; et avec toutes les images de la réalité pour dénoncer la main qui a donné le bâton, la vengeance, les complots, l’épée qui tranche sans hésiter : archives sonores et visuelles, documentaires, témoignages, où l’on entend la parole de Bourguiba, de Ben Ali, de philosophes, historiens, chefs religieux, prisonniers. Car le théâtre -ce lieu sacré de la fiction- est aussi le lieu de souvenirs indigestes et la caisse de résonance des révolutions arabes.

pratique l’objectivisme poétique : témoignages, documents sont choisis, orchestrés, nous apportant ainsi une sensibilité, une perception nouvelle. POLICES ! nous entraîne de l’époque moderne à la rafle du Vel d’Hiv en passant par le 17 octobre 1961. Il y a les faits, mais aussi leur traitement médiatique, la force d’imaginaire qu’ils véhiculent. Le livre (éditions Grumeaux) est un véritable poème symphonique. On aurait aimé retrouver cette réorganisation lyrique dans sa transcription sur scène avec la musique de Jean-Baptiste Julien. On n’oubliera pas cependant la participation festive des enfants du conservatoire Olivier Messiaen, et de personnes issues du territoire (40 environ) qui apportaient leur fougue et leur passion. Une expérience collective exceptionnelle et ne serait-ce que © Pedro Machado pour elle, le travail du Théâtre Durance doit être salué ! M.C.

POLICES ! a été joué le 14 décembre au Théâtre Durance, Château-Arnoux

© X-D.R

18

Une odeur de papier, une masse informe dans la pénombre… peu à peu on distingue un amoncellement invraisemblable de journaux froissés. Au sommet, quelqu’un tente de lire des fragments, bribes rapidement rejetées dans la mer houleuse des feuilles. Des ailerons de requin passent, de curieux périscopes arpentent les vagues caduques… des êtres s’extraient progressivement des flots tandis qu’une poupée de papier, danseuse, nymphe, sirène qui par l’abandon de sa voix est dotée de jambes, déité étrange, se dresse, devient spectatrice de ce monde qui semble s’animer pour elle. Clowns irrésistibles, élégants acrobates aux cordes, jongleur monté sur une échelle droite aussi à l’aise que s’il était au sol, experte des cerceaux, musiciens acharnés et cocasses… une contrebasse arrive à être jouée par sept archets !!! On rit, jamais bêtement, les spectateurs, tous

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Macbeth : Leila and Ben, a Bloody History a été joué le 11 janvier au Théâtre Liberté, Toulon



20 D A N S E

Le solo présenté par Christian Rizzo à la Villa Méditerranée s’inscrit dans un cycle consacré à l’exil et aux migrants qui sera développé en 2014. Le danseur, Kerem Gelebek, occupe le plateau, juché avec son gros sac à dos sur un grand coffre en bois. Plongé dans ses pensées il mettra longtemps à bouger, avec une infinie lenteur, pour finir par quitter son perchoir. Dans le silence ou avec une bande-son très présente, Kerem va peu à peu prendre possession de son nouvel espace comme s’il acceptait de renaître au monde. Et plus que de l’exil, revendiqué comme le thème de cette pièce, c’est l’histoire d’une appropriation qui semble se jouer devant nous. Le personnage prend de plus en plus confiance en lui, se dépouille de

ses vêtements de voyage, installe son nouveau décor de vie avec ce qu’il a sous la main, son bonnet, ses chaussettes, une plante verte. Démontant les panneaux du coffre pour qu’ils captent la lumière, il en fait une table pour poser ses livres. De même qu’il installera sur des cailloux tirés de son sac les mots «here» et «there», ici et là-bas. Et n’est-ce pas le parcours même de Kerem, parti de Turquie pour danser en France et en Allemagne ? Gestes lents et amples, ou plus resserrés, les mains derrière le dos, la danse est minimaliste. Cette pièce de 2012 se présente comme une amorce de celle que Rizzo a présentée au Festival d’Avignon cet été, D’après une histoire vraie, où il magnifie la gestuelle orientale avec huit danseurs qui évoluent sur les

© Marc Domage

Renaissance

rythmes de deux batteurs fous. La rencontre avec l’équipe a permis à une spectatrice tunisienne de souligner le fait qu’il n’y a pas de femmes dans ces spectacles. Il est vrai qu’on le regrette ! CHRIS BOURGUE

Langages du corps

Ce que performer veut dire : une double soirée pour approcher un infinitif qui ne tient guère en place et qui pour le coup se conjugue en rapport voix / vitesse. D’abord en portugais tout vifs, Sofia Dias et Vitor Roriz offrent généreusement un dépaysement total «out of any présent» du regard et de l’oreille en un travail rigoureux qui laisse le spectateur pantois ; deux corps tremblent, dodelinent de la tête, des bras, des mains, parkinson galopant sur une bande son d’influx nerveux ; un tableau devient rouleau, actionné par un discret troisième, et les signes bizarres se succèdent (fragments d’ADN, cordon ombilical sectionné ?) avant que les mots ne s’imposent sur le même mode du haché et du coupé menu «ready to go ready to fade» ; l’un commence où l’autre finit sans la moindre faille dans l’ajustement ; exercices de fakirs ascétiques ? transe froide et herméneutique ? C’est mystérieux, envoûtant, ça ne ressemble à rien, sinon à un écho lointain de la quête d’une Laurie Anderson

Sakinan göze çöp batar (C’est l’oeil que tu protèges qui sera perforé) s’est donné les 12 et 13 décembre dans le cadre de Marseille Objectif Danse à la Villa Méditerranée, Marseille, et au Théâtre d’Arles le 6 décembre

Désarmante simplicité

jeune. Et puis Carmen, alliée à Shakespeare via Olga Mesa et Francisco Ruiz de Infante, occupe le grand plateau de la Cartonnerie transformé en un vaste chantier sous-titré acte 1 : celui du brouillard ; oui, brouillon, embrouillé et néanmoins jubilatoire. Elle est rousse, bien dans sa chair et se débat avec Bizet ou du moins avec les pièces démontées de son opéra ; elle construit «play!» et détruit «stop!» ; s’embarrasse, se harasse à cor(p)s et à cris dans l’énergie de sa robe rouge tandis qu’il tend et détend le piège techno derrière sa console : déroutant, percutant ; il y est question d’intensité, de variations et peut-être d’alternance des pouvoirs… Oui décidément la performance est bien un accélérateur de particules !

This is not a love story © Stefan Bohlin

MARIE JO DHO

Hors de tout présent et Carmen / Shakespeare ont été présentés par Marseille Objectif DansE les 18 et 19 décembre à la Friche, Marseille © Mesa et Infante

Que peuvent faire un homme et une femme sur scène, sinon vivre une histoire d’amour ? Et bien non. Gunilla Heilborn n’a pas écrit une danse de couple, mais une sorte de road movie pour deux corps, dissemblables parce que l’une chantonne, que l’autre parle, mais partageant le même étonnement devant l’espace qui s’ouvre, les phrases échangées, les poids des corps, le mouvement, la présence de l’autre, la route qu’on ne peut parcourir en arrière. Car il est question de cela, de l’étonnement de vivre et de laisser derrière soi des choses ineffaçables mais qu’on ne peut cependant revivre. De ce moment où l’on se rencontre, où l’on chemine ensemble découvrant l’étonnement d’être au monde. C’est simple, philosophique, poétique, drôle par endroits, fait de sentences jamais lourdes, de verbe jamais pesant, et de silences jamais vides. This is not a love story, et l’on ne sait pas trop ce que c’est, sauf un moment commun. AGNÈS FRESCHEL

This is not a love story a été proposé le 11 décembre aux Bernardines, Marseille, dans le cadre de Dansem



22 D A N S E

Au Silo à l’occasion du dernier Festival de Marseille, au Pavillon Noir à Aix, à Châteauvallon à Ollioules, le spectacle Sadeh21 est un et trois à la fois selon la dimension du plateau où se meuvent les 18 danseurs de la Batsheva Dance Company et selon la distance qui nous sépare. Mais c’est toujours la même vague d’émotion qui gronde au fil de cette odyssée du corps ! Sadeh21 est le dernier exploit de Ohad Naharin, ex danseur à la Batsheva Dance Company avant d’en être un directeur artistique novateur, qui orchestre avec maestria une multitude de variations chorégraphiques. Progressivement et en profondeur, il met en mouvements séquentiels une succession de soli, de duos, puis d’ensembles ; il les agence, les diffracte, les accouple, pour composer une véritable symphonie. Les corps s’inscrivent au sol avec légèreté et force à la fois. La réussite tient à une inventivité formelle inépuisable et à la qualité technique des danseurs, corps et âmes plongés dans des figures extrêmement complexes ; et irradiantes, tant la danse, particulièrement dans cette pièce fleuve semblable à une ronde ininterrompue, ne cesse de balancer entre l’instinctif et le maitrisé, la rigueur géométrique

© Gadi Dagon

21 raisons de voir Sadeh

et l’abstraction. Éffilée et précise comme une calligraphie japonaise… Sadeh21 -qui signifie Champ 21- est une pièce hypnotique dont l’épilogue fait l’effet d’un feu d’artifice : d’un mouvement l’autre, les «lettres» se forment, arrondies, comme l’écolier appliqué à former sa plus belle page d’écriture.

Sadeh21 a été joué les 6 et 7 décembre au CNCDC Châteauvallon et les 13, 14 et 15 décembre au Pavillon Noir à Aix

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Danser la vie ! Pourquoi le Sacre du Printemps ? «Cette pièce d’un mystère absolu nous a donné l’impression qu’il était possible d’envisager quelque chose. Au début ce n’était qu’un travail de recherche puis tout le monde s’est mis à travailler pour ne garder que cette essence» explique le co-chorégraphe Jean-Pierre Moulères. L’idée du spectacle …du printemps ! est pourtant venue d’un autre chorégraphe, Thierry Thieû Niang, qui a décidé de créer, il y 8 ans à Marseille, un atelier de danse pour les seniors. Sur scène, 24 danseurs se rassemblent autour d’un lecteur Des Cahiers de Nijinski. L’un d’entre eux, Chronos, commence alors une course interminable dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. En mesure, et à contretemps. Chacun s’y joint à sa manière. Puis les perruques et les habits tombent, les cheveux blancs et les corps vieillissant apparaissent. La chorégraphie est inspirée de gestes quotidiens, épurés et délicatement sculptés. À la fin, l’élue est choisie dans un soudain regain d’énergie, mais le sacrifice n’aura pas lieu… Un symbole de cette vie qui continue, même à son crépuscule. Cette vérité qui transpire sur scène revient dans tous les témoignages qui façonnent le documentaire Danser le printemps à l’automne, présenté le 17 décembre au cinéma l’Alhambra en écho à la représentation. Ils sont unanimes.

© Jean-Louis Fernandez

Parce qu’elle leur a permis de découvrir un nouveau rapport à leur corps affaibli, parfois même malade, et de puiser en eux des ressources physiques et mentales encore inconnues, ils ont tous vécu cette création comme une «seconde vie». Et Thierry Thieû Niang de confirmer : «Ce projet, c’est de la vie pas forcément de l’art.» ANNE-LYSE RENAUT

…du printemps ! a été interprété le 16 décembre au Klap, Marseille Danser le printemps à l’automne a été projeté le 17 décembre au cinéma l’Alhambra, Marseille


Flamand, Montalvo Pour clore l’année capitale, et offrir à Marseille sa dernière création, Frédéric Flamand a fait danser à tout son Ballet National des fictions sportives. Une reprise-création, puisqu’il avait créé ce spectacle lors des Métamorphoses de Lieux Publics, en plein air, sur le parvis de la gare Saint Charles (voir Zib 63). En salle, à la Criée, le spectacle a perdu et gagné : de bi-frontal il est devenu cadré, plus confortablement offert à tous les yeux dirigés vers la même cible. Les effets scénographiques, vidéos, y sont plus efficaces encore, et certains tableaux y gagnent en poésie : le ballet des escrimeurs et des ballerines est un moment de grâce… Mais le carnaval final, défilé de mode chatoyant, ne porte pas le même esprit de fête : même si le public est convié un instant à monter sur scène, le mur entre les danseurs et la salle demeure, imposant… Reste que ce spectacle, et surtout Orphée et Eurydice joué récemment à l’opéra, feront regretter le départ d’un directeur

du Ballet National qui a su, malgré la perte de ses décors emportés par le feu, malgré l’absence totale de répertoire à son arrivée après le cataclysme Pietragalla, malgré la difficulté de gérer un corps de ballet vieillissant et un personnel parfois peu adapté, redonner vie, réputation, répertoire et jeunesse à un des plus grands ballets de France, ouvrir son studio et partager sa salle. Il part en laissant un calendrier de tournée rempli, sans interdire son répertoire contrairement à ses prédécesseurs, et en laissant ses danseurs tourner la superbe création d’Olivier Dubois (voir p 46). Il reste à espérer que José Montalvo, qui prend sa succession à la tête du BNM, aura autant de sens du partage. Au vu de son dernier opus, Don Quichotte du Trocadéro (voir Zib 61), on peut parier que oui !

23 D P O A N L SI ET I Q U E

Sport Fiction a été dansé à la Criée, Marseille, du 18 au 21 décembre

© JC Verchere

AGNÈS FRESCHEL

Conte et décompte de Noël la danse !), Roméo et Juliette (ici transformés sur le mode cocasse), sans oublier le voile qui tombe sur la scène finale à l’instar de celui de Lac, avant la folie jubilatoire qui s’empare de la troupe entière. Artifice, confettis… Le public est debout, loin de la querelle des anciens et des modernes sans cesse renouvelée lorsqu’il est question de ballets classiques : le jeu autour de Balanchine, la liberté rendue aux corps, chassant de la pointe

Casse-Noisette et Compagnie © Angela Steling

Pour les fêtes de fin et de début d’année, Jean-Christophe Maillot nous emportait dans le tournoiement délicieux de Casse-noisette, un conte empli de mémoires, jonglant entre le thème initial et les réminiscences des anciennes chorégraphies du directeur des Ballets de Monte Carlo. Bien sûr, il y a l’argument d’Hoffman, la musique de Tchaïkovski, l’esthétique en tableaux, autant de scènes initiatiques qui permettent à la petite Clara de grandir. Mais sa volonté de s’immiscer dans le monde des adultes est ici transcendée par la volonté de danser. La fillette, délicieuse de fraîcheur et de désir, se rêve étoile. Enfant de la balle, elle assiste aux répétitions du cirque dansant de ses parents. Il faudra l’intervention de la Fée Drosselmeyer (sublime Bernice Coppierters), image de la Princesse de Hanovre pour J-C Maillot (ainsi le laisse-t-il entendre), pour que le rêve se fonde à la réalité. Les habitués se régalent à retrouver les échos des grandes chorégraphies du Casse-noisette Circus, du Songe (avec Puck), de la Belle (qui réveillera l’endormie ?), Cendrillon (ah ! toujours le rêve de

dure des chaussons les carcans de toutes les époques, renouant avec le plaisir du mouvement, racontent avant tout celle l’ineffable bonheur de la danse. Qui peinait davantage à être présent lors de la soirée emmenée par Diana Vishneva. L’étoile du Théâtre Mariinsky, habitée de grâce, aux bras exceptionnels, alliant sans efforts apparents la plus grande souplesse à un dynamisme et une précision rarissimes, est sans

conteste possible une immense soliste. Mais le trio de Jean-Claude Maillot, narratif, laissait peu de place à ses envolées : Switch, en racontant l’histoire d’une danseuse aux prises avec le réel, fabriquait une mise en abyme sans que l’interprète, contrairement à ses deux compagnons, n’atteigne la distance nécessaire à ce regard sur soi-même. Quant au solo de Carolyn Carlson, s’il recelait de beaux moments de danse pure, ses figures frisaient parfois le ridicule : des rétropédalages à plat ventre, des mandarines offerts sur un ton guilleret, des moments inexpliqués d’expressionnisme soudain se succédaient sans logique apparente. Restait, pourtant, le plaisir indescriptible de contempler une interprète exceptionnelle, qui mérite un répertoire qui lui convienne mieux. MARYVONNE COLOMBANI et AGNÈS FRESCHEL

Casse-Noisette, Switch et On the Edge ont été dansés à Monaco du 26 décembre au 5 janvier et les 18 et 19 décembre

C U L T U R E L L E


La thérapie par l’humour

J E U N E P U B L I C

Le jeu de l’ombre et de la lumière

La mise au point de la camera obscura (chambre noire) est attribuée à Alhazen, un physicien et opticien arabe du XIe siècle. Pendant les vacances de Noël, les enfants de 8 à 12 ans ont pu découvrir au MuCEM un procédé photographique qui s’en inspire : le sténopé. Bien loin des appareils numériques et leurs instantanés en rafale, ils se sont équipés de petites boîtes métalliques percées d’un trou et préalablement chargées de papier photosensible, avant d’aller chasser le sujet idéal dans les magnifiques extérieurs du Musée des Civilisations. Le sténopé est une méthode qui laisse le temps de la réflexion, demande une certaine préparation, s’appuie sur l’aléatoire : voilà de quoi initier les jeunes générations au plaisir de l’anticipation, et au

moment magique du tirage en laboratoire, lorsqu’on voit lentement apparaître son image dans le bac du révélateur. Ces ateliers étaient proposés par l’association Un atelier de cinéma au quotidien (AT-CI-QO), et animés par Susana Monteiro Rodrigues. Si de prochaines interventions jeune public ne sont pas encore prévues sur le site du MuCEM, elle intervient dans d’autres structures de la région tout au long de l’année. On peut la contacter par mail (atelier@atciqo.org) ou sur le site du Pôle Cinéma Paca (www.pole-cinema-paca.org). G.C.

GAËLLE CLOAREC

L’atelier Lumières et jeux de sténopés a eu lieu du 26 au 30 décembre au MuCEM, Marseille

La Conférence a eu lieu le 20 décembre à La Criée, Marseille

Des mathématiques à l’apéro Pattes de mouches griffonnées au tableau noir, poussière de craie, tignasses en bataille et blouses blanches... Pas d’erreur, c’est bien une escouade de mathématiciens qui a envahi le Théâtre Massalia pendant quelques jours, menée par le Groupe n+1. Avec, au programme, de la recherche fondamentale, du théâtre, et des mathématiques appliquées à la cuisine. Dans leur Labo Volant, on a enfin pu comprendre «comment ça marche dans la tête» quand on additionne des poires et des pommes, quand on est de mauvaise foi, ou quand on fait des associations d’idées. Dans le cadre de ce Campement mathématiques, on avait également le loisir d’étudier de près la vie

quotidienne des scientifiques : certains trouvent l’inspiration sous la douche ou dans le train, d’autres en partageant une bonne bouteille de vin avec un ami. A la question «les mathématiques, est ce qu’on les invente, ou on les © Gaëlle Cloarec

T H É Â T R E

Sténopé © Elio Paris

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Elles sont deux femmes sur scène, lestées d’un ficus (pas de conférence digne de ce nom sans cet accessoire) et d’un sanglier en peluche (prénommé Sigmund Schlomo à l’instar du professeur Freud, en raison de leur intérêt commun pour les glands). Emma la clown est «Docteur en tout», Catherine Dolto «supposée sacheuse», et le moins que l’on puisse dire c’est que leur alchimie décoiffe ! Pour faire entrer en résonance la psychanalyse et l’art de trouver son clown à la façon de Jacques Lecoq, elles ne reculent devant rien. D’entrée de jeu, elles convoquent le funambule Philippe Petit, qui fit quatorze allers-retours sur son fil tendu entre les Twin Towers à New York parce que la police l’attendait des deux côtés. «Combien de clowns meurent au fond des gens le jour où ils abdiquent ?». C’est que le clown et ses avatars défient les statistiques, «là où le monde veut nous conduire au renoncement à force d’arguments objectifs». Joyeusement cruelles avec leur public, elles lui mettent sous le (faux) nez ces héros de l’existence qui ne se posent jamais en victimes, tellement désespérés et tellement pleins d’humour qu’ils n’ont pas d’autre choix que de devenir clowns. Car être clown, comme entreprendre une psychanalyse, «ce n’est pas un sport pour jeunes filles ! C’est tout refaire dans la maison mais rester dedans pendant les travaux. Ça secoue !»

découvre ?», on a pu constater qu’ils choisissent à l’unisson la deuxième option. Le public s’est également intéressé, sur les traces de la chercheuse Clémence Gandillot, au recensement «de toutes les choses du monde», en adoptant un

découpage chronologique biblique «pour des raisons pédagogiques». Mettre en équations des questions existentielles, c’est bien, mais ça creuse. Heureusement, un apéro conséquent était prévu, concocté directement sous les yeux ébahis des plus jeunes, à grand renfort d’éprouvettes, émulsions millimétrées et circuit électronique culinaire. G.C.

On pouvait intégrer le Labo volant du 10 au 14 déc ; Le Campement mathématiques s’est tenu les 14 et 15 décembre au Théâtre Massalia, Marseille


La grenouille au fond du puits croit que le ciel est rond du Vélo Théâtre propose une véritable ode aux souvenirs d’enfance, mise en scène par Francesca Bettini et avec l’aide ingénieuse du «bricoluminologue» Flop Lefebvre. Tout commence avec l’histoire d’un vieux monsieur barbu, Monsieur Brin d’Avoine, qui possédait quatre cents maisons, toutes aussi différentes et extraordinaires les unes que les autres. Mais il n’en aimait qu’une seule. Un coup de tonnerre s’abat sur la salle, et c’est alors que le rideau s’ouvre sur une scène vide. Les trois employés de maison racontent l’histoire de leur maitre, à l’aide d’objets hétéroclites qui viennent, au fur et à mesure, remplir la pièce. Une projection, en noir et blanc, très keatonienne, vient clore le spectacle. Mais qu’en est-il de notre visite ? Enfin, les employés nous laissent entrer et nous font visiter ce cabinet de curiosités. Nous quittons nos sièges, avec hâte. Ici et là, entre toutes les pièces, se côtoient images répondant à la lumière, ou projetées sur le mur, et même sur nos mains, mais aussi une armoire remplie de souvenirs et de bibelots.

Cette expérience sensorielle nous fait rentrer dans l’intimité d’une personne amoureuse de sa toute première maison, et nous en sommes les témoins. Tout le long, que ce soit lors du spectacle ou lors de notre visite sur scène, les employés font corps avec les objets. La mise en scène propose une symbiose entre l’image et le verbe. Un véritable plaisir auditif et visuel. CLÉMENCE USSEGLIO-VIRETTA

La grenouille au fond du puits croit que le ciel est rond s’est joué au Théâtre Massalia du 7 au 11 janvier

À venir les 21, 22 et 25 janv Vélo Théâtre, Apt 04 90 04 85 25 www.velotheatre.com le 16 avril Palais des Congrès, Digne-les-Bains 04 92 30 87 10 www.dignelesbains.fr

«Amour amour»

«Il était une fois…» La salle de l’espace NoVa de Velaux, comble, est en haleine. En ouverture, des mots d’enfant, par des voix off… sourires, «est-ce que les rêves sortent des oreillers ?» Le jeune public se laisse emporter par le rythme des vers de Perrault, ce n’est pas une approche facile diriez-vous, et pourtant la magie opère d’emblée. La Cie des Trois Hangars fait mine d’être fidèle au texte, jusqu’à l’impertinence, puis «traduit» une prose qui se fait obscure -les siècles gardent les histoires, mais les manières de dire changent-, © X-D.R

© Vélo Théâtre

Ode aux souvenirs d’enfance

La terre, demain

Ils sont assis en rond comme autour d’un feu de camp. Les enfants viennent voir un spectacle d’anticipation, mais peu à peu, sans didactisme, une fable écologique sérieuse prend forme, juste là cependant, à leur portée. Les deux comédiens, Flore Grimaud et Carlos Martins, tournent autour d’eux, campant sans niaiserie deux enfants avides de vie et de plats de viande, dans un monde futur déserté par les animaux… La musique diffusée en direct par Olivier Thomas se fait présente, accompagne leur désir d’ailleurs, jusqu’à ce que les deux personnages se projettent au centre du cercle, sur une terre morte, emplie d’animaux empaillés sous globes, et de la voix de Pierre Rabhi décrivant le désastre. Alors les enfants deviennent acteurs. Comment faire pour que la terre tourne rond à nouveau, pour que la vie revienne ? Comment, aujourd’hui, trouver les gestes qui sauvent se battre contre un monde insensé qui s’autodétruit ? Le public enfantin, visiblement concerné par ces questions, trouve des réponses. Vaines à l’échelle planétaire, mais cette Part du colibri qu’ils veulent assumer, ces quelques gouttes d’eau transportées dans de petits becs pour éteindre un vaste incendie, sont autant de signes qu’une prise de conscience est là. La scénographie, la musique, la mise en œuvre, le talent frais des comédiens, le propos, tout fonctionne, et Alexandra Tobelaim réussit à imposer son univers de metteur en scène dans son premier spectacle jeune public. Même si l’on peut regretter que la conscience écologique passe une fois de plus par une éducation des comportements individuels, et non par une dénonciation des États et des industries… AGNÈS FRESCHEL

remodèle le discours, introduit des variantes : la basse-cour où la princesse est à l’état de souillon devient un cirque minable, où l’on applaudit un tour de prestidigitation, fort réussi ma foi ! Pas d’essayage de la bague non plus par toutes les jeunes filles du royaume, les acteurs sont quatre… mais un détour par l’univers de Jacques Demy et les chansons de Michel Legrand, c’est délicieux et iconoclaste aussi : quand la troupe s’attaque à la confection du gâteau d’amour, la farine vole, les œufs explosent, les premiers rangs se voient arrosés (d’eau)… jubilation garantie ! Les robes, démesurées, couleur du temps, de la lune, du soleil, doivent leur poésie aux effets vidéo. La mise en scène, originale, inventive, est servie par le talent comique des acteurs, qui avec une verve inépuisable jouent sur les décalages, établissent une complicité joyeuse avec le public. Les bonheurs de Noël continuent ! Peau d’âne a été donné le 10 janvier à l’Espace NoVa, Velaux

La Part du Colibri a été créé au 3Bisf, Aix, les 17 et 18 décembre

À venir du 14 au 18 janv Théâtre Joliette-Minoterie, Marseille 04 91 90 07 94 www.theatrejoliette.fr le 5 mars Le Sémaphore, Port-de-Bouc 04 42 06 39 09 www.theatre-semaphore-portdebouc.com du 13 au 16 avril Théâtre en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com les 17 et 18 avril Cannes 04 97 06 44 90 www.madeincannes.com

25 PJ O E U L NI ET I P Q U U B E L CI C U L T U R E L L E


J E U N E

«Tout ce qu’un homme est capable d’imaginer, d’autres hommes sont capables de le réaliser», Jules Verne ne croyait pas si bien dire ! Grâce à une reconstitution artisanale et inventive, la première sur une scène de théâtre, très fidèle au roman inspiré par George Sand à Jules Verne, la cie Imaginaire Théâtre invite les spectateurs à suivre le récit du professeur Aronnax à bord du Nautilus, lors d’une réception officielle au Muséum d’Histoire Naturelle de Paris. Le héros est incarné par Sydney Bernard, qui endosse le rôle au-delà de la scène, en divulguant sa «malette» des trésors (et secrets) autour de cette aventure théâtrale qui accueillait le 14 décembre le 210 000e spectateur (pour plus de 650e

P U B L I C

Un monde à lui tout seul

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représentations) ! «Je suis vivant et libre» proclame le naturaliste avant de retracer, à partir d’un bureau de curiosités abritant trappes mystérieuses, bulles de savon à profusion et animaux empaillés, son odyssée fantastique dans l’immensité des flots. Aux côtés d’un capitaine Némo (en crâne de tigre) amoureux de sa liberté, justicier savant grandi dans les ravages de la colonisation et de l’esclavage, émergent de gigantesques monstres des mers tentaculaires et autre Maëlstrom gonflables. Didactique et abordable, le spectacle honore l’esprit précurseur de Hugo, abritant derrière le spectaculaire et facétieux théâtre d’objets géants un voyage au cœur des sciences, de la géographie, des idéaux humanitaires et

Smisse, petit homme de 3 ans, vit sa vie à fond, en compagnie de ses indispensables doudous Ouf le singe et Tata la tortue. Tout son univers se dévoile au fur et à mesure des journées et saisons qui défilent, à l’école avec son copain Boubou, à la maison dans le joyeux désordre de sa chambre remplie de jouets, au parc avec oncle Tonton… Et partout il se met à explorer, réinventer le quotidien pour fuir sa peur du suppositoire (et faire du coup s’envoler Ouf sur une fusée), éviter les haricots verts (que © Philippe Cibille la craquante Tata la tortue sera sommée de terminer à sa place), ou réenchanter la sortie au parc en devenant un vaillant explorateur face à l’éléphant et au lion… Seul sur scène, Damien Bouvet incarne Smisse, et c’est immédiatement évident. D’une posture l’homme se transforme, et voilà Smisse accompagné de sa maman, de sa maîtresse, de son copain, ou seul face à l’aventure qui l’attend. Cet univers-là Damien Bouvet le parcourt depuis longtemps, avec infiniment de douceur et de générosité, un temps d’enfance qu’il habite au gré de ses spectacles et qu’il revisite à chaque fois, considérant les enfants comme des petits d’homme dont le monde fourmille de découvertes. Et les adultes de suivre… Do.M.

La vie de Smisse a été joué au théâtre d’Arles les 7 et 8 janvier

© Jerome Rey

Vivant et libre !

écologiques… toujours d’actualité. Pêche à outrance, réchauffement de la planète, extermination des espèces : de la fiction au réel, tout résonne encore dans ce pays des découvertes, qui délivre, en prime, la saveur de la littérature.

20 000 lieues sous les mers a été joué les 14 et 15 décembre à l’Auditorium Jean Moulin, au Thor

DELPHINE MICHELANGELI

«Où t’es Poucet outai ?» «Dans les forêts de notre tête, il traîne toujours un petit garçon» chante la joyeuse troupe de l’Eternel été en ouverture de cette rafraîchissante adaptation du conte de Perrault par Gérard Gelas. Le Petit Poucet a grandi, il est aujourd’hui marquis… et amnésique. Ses valets, Moustique et Moucheron, gavroches délurés et polissons à souhait, vont l’aider à se retrouver dans la forêt de ses vieux souvenirs. Les enfants sont également interpellés pour lui rafraîchir la mémoire et lui délivrer au moment venu des petits cailloux confiés à l’entrée : «Il était une fois un bûcheron et une bûcheronne…». Grâce à un astucieux cube scénique transformable, les lieux du présent et du passé se succèdent et offrent des flashbacks © X-D.R

accessibles dans la maisonnée d’enfance du cadet, souffre-douleur de la famille, dernier-né d’une fratrie crevant famine mais pas d’idées. Des formules jaillissent, où l’on retrouve la verve de l’auteur Gelas, «essayons de trouver un pays où les pauvres soient moins pauvres», «celui qui le peut mange l’autre quand il a faim», «désormais l’artificiel c’est le vivant», ou encore «le pouvoir n’est pas un conte pour enfants». Un conte de «l’ancien temps», réactualisé -clin d’œil au Papaoutai de Stromae, «où t’es poucet outai?», repris à l’envie par les enfants, ne franchira peut-être pas la durée… mais l’imagination de cette jeune compagnie saura s’adapter-, qui conforte le destin et l’intelligence de ce Petit Poucet, ne cédant ni à la peur ni à son amour indéfectible pour des parents pourtant peu scrupuleux. Un voyage musical et positif plein d’humour, qui délivre avec entrain un message d’espoir. C’est déjà beaucoup ! DE.M Il était une fois… le Petit Poucet s’est joué du 16 au 20 décembre au théâtre du Chêne Noir, Avignon



28 M U S I Q U E

Noël Gitan © J.F

Les Chants de Noël, proposés gratuitement depuis vingt ans par le conseil général des Bouchesdu-Rhône, se sont nichés aux quatre coins du département.

Noëls pluriels O

n file dans la circulation engorgée des soirs d’emplettes précédant la fête, de St-Pierre à St-Michel où le «Noël Gitan» a été déplacé. La voix suave et ornée d’un jeune chanteur provençal (Grégory Duveau) nous accueille avant que les palmas (claquements de mains syncopés typiques du flamenco) ne se mêlent à la guitare (Pepe Fernandez), au violon (Pascal Delalée), la mandole ou le chant andalou (Gil Aniorte-Paz) et que tout s’enrobe au clavier arrangeur de Martial Paoli. Les arabesques nerveuses, danse tournoyante de Florencia Deleria apportent un peu de chaleur dans la vaste église du 5e arrondissement où les chauffages ont cessé de brûler. Tchoune Tchanelas, maître du chant gitan, a un peu de mal à chauffer sa voix, naturellement engorgée dans le suraigu, à la limite du cri : son Ave Maria schubertien revisité aux arpèges de cordes et ruptures pianistiques est un peu laborieux, mais son «canto jondo» courageux s’enhardit peu à peu... Résonnent alors une rumba virtuose, pulsée, ou un fandango nous conduisant à pas ternaires sur les routes de Galilée, vers un monde sonore mixant la liturgie de la Misa Criolla à une psalmodie provençale, un chant séfarade ou catalan... Tout un beau programme qui aurait mérité un peu de «pédagogie», une présentation des morceaux nous racontant cette formidable histoire de culture métisse cheminant vers la lumière...

Swing à l’âme

A quelques lieues de là, c’est à Ste-Marguerite qu’on égoutte et se réchauffe dans l’église du 9e arrondissement, bien remplie, malgré le temps toujours peu engageant, pour le «Noël Soul». La compagnie Nine Spirit, dans le sillage des zébrures du saxophone de Raphaël Imbert, déchirant l’air humide de la nef, et du chant limpide de Marion Rampal, entrainant en polyphonie le public à

scander en chœur un traditionnel «ay-é-é-men» américain, propose une affiche renouvelée par rapport au «Noël Swing» de l’an dernier. Les arrangements soignés proposent des ballades ou gospels mêlant des pratiques sacrées et des chants profanes, évocations de Christmas qui courent de Martin Luther à Billie Holiday, de Nat King Cole à Elvis... Pas de batterie (seulement quelques percussions minimales), ni clavier, ni contrebasse et ses pizz coutumiers ! Non ! Juste des voix expertes, sensuelles (Laure Donnat, Alexandra Satger et Ronald Baker en «special guest»), jonglant du solo expressif au choral millimétré, et un ensemble de «brass» (Jean-François Bonnel, Romain Morello, Simon Sieger), fondant l’harmonie au gros sousaphone, trombone, sax, clarinette ou trompette, pour mettre au jour une âme («soul») à la fois commune et intime, portant le blues du quotidien ou la parade de rue, la country music et les spirituals dans un même élan d’espérance.

Engouement russe

Parmi les nombreux concerts de Noël du CG 13 de cette année, le «Noël Russe» a connu un succès sans précédent, refusant du monde jusque dans les plus petites communes, quitte à provoquer même quelques mouvements d’humeur des nombreux spectateurs refoulés : ainsi à Trets, pour une jauge de 230 personnes, 600 faisaient la queue et ce depuis le début de l’après-midi !!! Le chœur cosaque Kouban donnait à entendre des chants liturgiques orthodoxes, des chants traditionnels russes et ukrainiens et des polyphonies cosaques. Les voix superbes, dont celle d’ange du plus jeune, se liaient avec bonheur. De quoi rendre la Provence adepte de Tarass Boulba ! JACQUES FRESCHEL et MARYVONNE COLOMBANI

Les Chants de Noël du CG13 ont tourné dans tout le département du 4 au 23 décembre

Noël Soul © J.F


Une histoire marseillaise ! ignorés du mélomane moyen, le virtuose, secondé au piano par Frédéric Isoletta surfant à mille croches sur les touches d’un Pleyel, nous raconte un âge d’or de la mandoline : ces Années folles où la France comptait trois millions de mandolinistes, quand à Marseille œuvrait un orchestre à plectres par quartier, où l’instrument avait son propre magazine (Le Plectre, de 1904-1934). Marseille était un peu la «Naples française», tant la mandoline était ancrée dans la culture locale, en particulier grâce à Laurent Fantauzzi qui fut le 1er professeur d’une classe de mandoline ouverte dans un conservatoire en France entre 1921 et 1941. Ce disciple de Raffaele Calace (1863-1934) a formé et côtoyé tout un vivier de musiciens qui ont composé des œuvres tournoyantes de gaité populaire, acrobatiques de virtuosité, riches en trémolos vibrants ou pizzicati pointillistes... Elles sont signées Vincent Scotto

Sur un même portrait, le Quatuor Modigliani a réuni trois figures emblématiques du quatuor à cordes : Haydn, le précurseur, Beethoven, la figure tutélaire et Ravel, le coloriste français. Résolument tournés vers l’avenir et les forces du progrès, les deux premiers, dans le pas de Le Brun, affirment la primauté de la ligne, du point, des mélodies sculpturales balayant l’espace de la force de leurs traits. Aux antipodes, héritier d’un Titien, d’un Blanchard, le français délaisse le fusain et nous inonde d’un océan de couleurs. Son unique Quatuor en fa majeur bariolé de couleurs chaudes, doucement irisé d’une lumière tantôt forte tantôt tamisé, trouve son expression dans un champ harmonique pruiné de modalité. Haydn, dans le Quatuor op.5O n°1, dans l’ingénuité de ses thèmes et de ses harmonies «simplistes» déploie toute sa science d’écriture. Quant au maître, dans son septième Quatuor op.59 n°1, il étire les registres, déchire l’espace, secoue le monde, son regard fixé vers les siècles à venir. Cette opposition de styles, le Quatuor Modigliani, fort d’une lecture des œuvres intelligente, d’une technique irréprochable, d’une osmose parfaite, l’a parfaitement illustrée. Au fil des ans, cet ensemble de jeune français s’affirme comme un des quatuors les plus en vue du moment. Avec Zaïde, Ebène... la France montre toute la richesse de son vivier. Cocorico et longue vie à Modigliani ! CHRISTOPHE FLOQUET

Concert donné au GTP, Aix, le 10 décembre

particulier, au panache de Vincent Beer-Demander (qui conduit désormais la classe de mandoline du CNRR de Marseille) ou à son ébouriffant Tango Mediterraneo joué à toute volée percussive, lyrisme flamboyant et maestria technique par un duo à suivre ! JACQUES FRESCHEL

Vincent Beer-Demander et Frédéric Isoletta se produiront avec Mandoline for ever à l’Alcazar, Marseille, le 12 avril «Chants de Noël» a été donné à l’Estaque, Marseille, le 22 décembre

Voix de demain ?

Holst, Britten, Kodaly, ou Rutter, ces compositeurs au programme du dernier concert du 47e Festival à Saint-Victor ont grandi, été formés dans des Maîtrises, ces chœurs d’enfants qui depuis le Moyen Âge sont un vivier de musiciens (Machaut, Josquin, Janequin, Marin Marais, Delalande, Bach, Schubert... et tant d’autres !). Gageons que certains jeunes de la Maîtrise des Bouches-du-Rhône, à l’affiche le 5 décembre dans la magnifique acoustique romane, passeront des bancs de l’«école» dirigée par Samuel Coquard aux sunlights des scènes de demain ! Parmi les solistes, Théo Imart, s’il sait mener sa barque et ménager le fragile et rare diamant qui se moule dans sa gorge, en a tous les atouts : jeunesse viscontienne, une voix de sopraniste grimpant aux pointes des portées musicales, patinée, claire, vibrante et naturelle... On ne peut s’empêcher de penser à Philippe Jaroussky à ses débuts ! En compagnie de deux autres voix pimpantes, Majda Boughamni (soprano) et Mathias Laurent (beau timbre de sopraniste également), des quinze ou vingt-cinq jeunes chanteurs en alternance, rompus au rituel du concert (voir Zib 68) et de la harpiste virtuose Elodie Adler, c’est le monde poétique d’A Ceremony of Carols qu’on a apprécié dans une interprétation mêlant rigueur, précision, suavité et lyrisme. Pour ce concert approprié à Noël, la langue anglaise a fait office de fil rouge au pays des Children’s Choirs : de la fraicheur prîntanière aux nuits d’été promises à l’amour (Eastern Pictures), du lever de soleil à la marche obstinée vers la lumière (Hymns for the Rig Veda), belles pages signées Gustav Holst, jusqu’aux réjouissances populaires d’un hymne à la Nature de Zoltan Kodaly (Wainamoinen makes music). Tout un programme vivifiant qu’on retrouve dans un disque qui vient de paraître chez Parsiphonie («Christmas Carols» PAR 002) ! (Voir p. 76). Garabedian

Le combat du dessin et de la couleur

Frédéric Isoletta et Vincent Beer-Demander © J.F

ou Mario Monti (Csardas), pour les plus célèbres, mais aussi Antoine Padutto (musicien et... anarchiste !), Théodore Thurner (mais oui... le petit boulevard qui grimpe vers Notre-Dame du Mont !), ou Jeanne de Benedetti (mandoliniste et 1er violon à l’Opéra de Marseille)... Entre 1950 et 1980 la mandoline, qualifiée de poussiéreuse, est tombée en désuétude, surfant sur une vague populaire et amateur trop conventionnelle, faute surtout de répertoire moderne et attrayant. Aujourd’hui un sang neuf coule dans ses double-cordes grâce, en

Théo Imart © Jean-Philippe

Ça se fait de plus en plus... S’organisent ci et là des concerts privés, espèces de salons mélomanes à l’ancienne où l’on accueille des artistes dans l’intimité d’un appartement. À Marseille, en 2013, on renoue avec la tradition de salons tenus en leur bastide par Lily Pastré ou Marie de Sormiou (Villa Magalone). Depuis 20 ans déjà, la pianiste Christiane Berlandini-Laurent concocte ses «Moments musicaux» du côté de Notre-Dame. Plus récemment, la chanteuse Larenka Hoareau a ouvert sa porte de la Place des Capucines à des récitals favorisant un contact privilégié avec les artistes. Et pour en apprendre sur l’histoire marseillaise de la mandoline, il fallait y venir, le 10 décembre, écouter Vincent Beer-Demander, jeune toulousain débarqué sur la Canebière pour reprendre le flambeau local de l’instrument à plectres (voir Zib 69) ! Non content de nous faire découvrir des opus

J. F.

Recrutement : Maîtrise/enfants : auditions du 5 au 7 mai (clôture des dossiers 20 février sur maitrise13.com - auditions 2014) Ce concert a eu lieu le 5 décembre à l’abbaye Saint-Victor, Marseille

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Sergey Khachatryan, violoniste (1er Prix du concours Reine Elizabeth), joue avec sa sœur Lusine, brillante pianiste. Lui, est surdoué, imprimant à chaque thème, chaque mouvement, une expression, une couleur, une énergie rares. Elle, est sensible, passionnée. Les compositeurs arméniens sont à l’honneur : les Sept Danses pour piano seul de Komitas (1869-1935), ethnomusicologue, ecclésiastique boulimique, écriture modale, monothématisme assez naïf. Le jeu de la pianiste est précis, rubato parfois excessif pour ces tableaux populaires. La Sonate pour violon et piano de Babadjanian (1921-1983) nous dévoile la technique diabolique de Sergey, sur des accords graves en ostinato du piano au début, puis final stravinskien déchaîné. Nocturne d’Edouard Baghdassarian, mélodie d’une étrange beauté, violoniste très habité, cordes à peine effleurées ; Introduction pour piano et violon d’Edouard Mirzoyan, époustouflant. Frère et sœur, jeunes et survoltés, concluent ce beau voyage. Le Poème pour violon et orchestre (piano ici) de Chausson étale ses couleurs impressionnistes, départ introspectif puis plénitude des sons. Œuvre dédiée au belge Eugène Ysaÿe, dont on savoure la Sonate N°2 pour violon seul. Sergey joue sur le violon avec lequel Ysaÿe a

o Borgreeve Sergey Khachatryan © Marc

Arménie, terre de culture

créé sa Sonate, Stradivarius de 1807 ! Toute la palette des nuances et tempi poussée à l’extrême : du clin d’œil au Prélude de la Partita N°3 de Bach au thème du Dies Irae. Découvrir le répertoire arménien des XIXe et XXe siècles, hors de la célébrissime Danse du sabre de Katchatourian, entouré de 2 œuvres européennes majeures, est une initiative intelligente. Aujourd’hui, où les repères souvent se perdent, il est essentiel de se replonger dans les terres de culture. YVES BERGÉ

Ce concert a été donné le 10 décembre à la Criée, Marseille

Deux américains à Toulon

Nicholas Angelich © Stéphane de Bourgies

Pour sa troisième soirée de concerts avec invités, l’Opéra de Toulon a visé juste en programmant la venue en ce début décembre de Nicholas Angelich sous la baguette de John Nelson. La première partie, débutée par une relecture joyeusement irrévérencieuse du passé par l’œuvre d’Alfred Schnittke dans Moz-Art à la Haydn, nous permit de découvrir

un orchestre en version réduite mais au mieux de sa forme et débridé par une mise en scène loufoque voulue par le compositeur. Une belle entrée en matière confirmée ensuite par une prestation de premier plan pour porter sur les cimes le jeu explosif et tranchant du pianiste dans le splendide Concerto en Do Majeur op.26 de Prokofiev. Ce chef-d’œuvre aux harmonies polytonales et aux élans pré-répétitifs transcendait littéralement les musiciens. Rarement on aura entendu aussi parfaite combinaison, tant le soliste semblait en son jardin dans cette partition techniquement très difficile nécessitant une virtuosité et une puissance inouïes. Deux valses de Chopin vinrent mettre un terme à cette remarquable entrée en matière, avant de laisser place à la musique ionique de la monumentale Héroïque de Beethoven aux portes du romantisme dans son écriture formelle mais encore classique dans son harmonie. La direction fluide et ample mettait en valeur cette imposante perfection avec une vision très aérée de la partition qui combla un public déjà conquis. La prestation de ces deux musiciens internationaux et de l’orchestre fut digne d’un cadeau de Noël. Les musiciens de la maison en ont profité pour tutoyer les sommets du genre. Souhaitons qu’ils y restent ! EMILIEN MOREAU

John Nelson, Nicholas Angelich et l’Orchestre Symphonique de l’Opéra de Toulon, le vendredi 6 décembre

Fête symphonique

La dernière sortie de l’année de Lawrence Foster à la tête de l’Orchestre Philharmonique de Marseille a été festive. Juste avant la dernière des Huit danses slaves de Dvorak, grand «bis» traditionnel des formations symphoniques, le maestro -qui effectue un magnifique travail depuis son arrivée Place Reyer- a gentiment souhaité de bonnes fêtes au public, le remerciant au passage d’être venu en nombre au Pharo le 13 décembre. Pétaradant et tonitruant, à coups d’archet, mailloches ou à pleine bouche, cordes, percussions et vents attaquent le dernier mouvement rhapsodique, paradent au rythme d’un martèlement ternaire hallucinant... C’est une atmosphère de kiosque à musique, à la fois raffinée et puissante, nourrie au folklore de l’Est, populaire et savante, qui s’achève après un feu d’artifice de cadences et contretemps, de mélodies brillantes savamment agencées, de cassures rythmiques souplement négociées : un formidable «exercice» d’orchestre pour soirée de gala ! Auparavant, le souffle romantique de Brahms a irrigué l’auditorium de ses vagues de pathos stimulant l’imaginaire, invoquant une narration secrète... Au violoncelle Jean-Éric Thirault, abandonnant pour un soir son rang de «1er violoncelle solo», donne une réplique sobre, nette, nuancée et virtuose à Olivier Charlier, violoniste au panache rompu aux podiums de solistes. Le duo, complice dans les phrasés et respirations, sous la direction claire et efficace de l’Anglais, nous emporte dans un univers poétique, vibrant et riche, s’imbriquant dans la pâte symphonique, phalange puissante au grand complet. Il ne manquait au programme qu’un peu d’originalité : une pièce moderne par exemple, qui aurait satisfait ceux qui ne se contentent plus d’un répertoire (aussi beau soit-il !) d’un passé «ressassé». JACQUES FRESCHEL

Ce concert a eu lieu le 13 décembre au Palais du Pharo, Marseille © J.F


mesure et démesure ! Orphée aux Enfers est une bouffonnerie qui stimule l’imaginaire des metteurs en scène : propice à la fantaisie, elle tombe parfois dans une trivialité inopportune. La musique du «Mozart des

Champs-Elysées», bien plus riche et subtile qu’elle n’y paraît, et le livret du couple Crémieux et Halévy, tout en sous-entendus ignorant l’obscénité, ne méritent pas pareil traitement. Point n’est

© Christian Dresse

Bouffe d’Enfer :

besoin de vulgarité gratuite, de transformer l’Olympe en orgie fornicatrice, voire incestueuse, les vocalises d’Eurydice en gloussements orgasmiques... pour qu’on apprécie l’ouvrage dans un esprit de fête nimbée de douce folie ! C’est ainsi qu’on goûte à cette réécriture du mythe au temps des fêtes de fin d’année à l’Opéra de Marseille : dans la mesure... et la démesure ! Car c’est avant tout du grand spectacle (comme on en voit finalement rarement) avec un orchestre complet, des chœurs pros, d’excellents chanteurs et acteurs, costumes et décors luxueux qui s’étagent en profondeurs, jeux de suspensions, de couleurs, et sa dizaine de danseurs n’escamotant pas le Cancan final... On est loin d’une production économe ! On en prend plein les yeux (et les oreilles grâce à la direction énergique de Samuel Jean), on sourit aux idées de Claire Servais mêlant la télé-réalité («Opinion publique» incarnée par MarieAnge Todorovitch) à l’élucubration mythologique : Pluton (Loïc Félix) est une crapule issue d’un clip de rappeur filant en décapotable infernale. Méphistophélique, il

prend le devant de la scène, en négatif d’un Jupiter (Francis Dudziak) tantôt tribun pitoyable d’un cénacle de dieux avachis ou Roi solaire guinchant son Menuet... Tout ce beau monde embarque pour un charter au bout d’un joyeux Enfer, explosant en apothéose dans un ultime tableau «barocambolesque», lorsqu’Eurydice (délicieuse Brigitte Hool) connaît l’ivresse des bas-fonds et Orphée (Philippe Talbot) n’en mène pas large avec sa toge d’opérette et sa dérisoire lyre à charmer les bestiaux... On apprécie particulièrement la prestation vigoureuse de Jenifer Michel en Diane teutonne façon «domina» et la poésie qu’Yves Coudray apporte au personnage de John Styx présenté d’ordinaire comme une brute bourrue et avinée. Un fil rouge qui contribue à rendre à Offenbach une tenue qui lui manquait ces derniers temps ! JACQUES FRESCHEL

Orphée aux Enfers a été joué du 27 décembre au 5 janvier à l’Opéra de Marseille

Impérial En cette fin d’année maussade, l’Opéra de Toulon a encore une fois fait mouche en programmant judicieusement La Vie Parisienne. Cet opéra-bouffe de Jacques Offenbach, véritable tube depuis sa création en 1866 sous le Second Empire, a conquis l’auditoire avec un esprit comique et festif de rigueur en cette saison. Exit le tragique avec cette histoire de bourgeois et de nobles aussi oisifs qu’intrigants, et place à la plaisanterie vaudevillesque dans la plus pure tradition française où se mêlent la moquerie sournoise et la critique acerbe. Porté par une mise en scène dynamique et intelligemment pensée (Nadine Duffaut) dans des décors circulaires et bien éclairés donnant à la masse des protagonistes une fluidité bienvenue, le jeu des acteurs costumés à la perfection (Gérard Audier) était jubilatoire. À l’image du truculent Brésilien incarné par Marc Larcher ou de la sublime Métella de Marie-Adeline Henry ou encore du superbe Baron d’Olivier Grand, pour ne citer qu’eux, le plateau vocal et les chœurs méritaient les éloges. Il est vrai cependant qu’en termes de lyrisme, l’ouvrage n’est pas un sommet du genre, mais n’était-il pas destiné au départ davantage à des comédiens chantants ? Néanmoins, la réussite n’est pas à porter au seul crédit des chanteurs ; l’orchestre dirigé avec énergie et rigueur par Jérôme Pillement pimenta

© Frédéric Stephan

une très belle écriture qui donnait à cette immense farce toute sa saveur musicale et le magnifique ballet final fut d’une fraîcheur pétillante… alors «champagne» ! EMILIEN MOREAU

La Vie Parisienne a été représentée à l’Opéra de Toulon du 28 au 31 décembre

31 M P U O LS I Q T U I Q E U E C U L T U R E L L E


2014 M U S I Q U E

souffle d’un archet électrique... Brillant ! On finit le concert avec des viennoiseries, toujours appréciées en cette saison par un public friand de Valses florales ou impériales, signées Strauss, avant que, comme au Musikverein, on ne tape dans ses mains (mais moins en

cadence que le très discipliné public viennois), sur la pompière Marche de Radetzky. Un beau succès populaire à renouveler ! JACQUES FRESCHEL

Traineau de fête

Période oblige, c’est au Gymnase qu’on s’est rendu le 17 décembre pour entendre (sans sa maestra Laurence Equilbey) le fameux chœur Accentus dans un Concert de Noël affichant deux douzaines de chants traditionnels, souvent anonymes, tournant autour de la Nativité ! Tout un répertoire en langue vulgaire mixant indifféremment les croyances chrétiennes aux coutumes profanes remontant, dit-on, à l’ancestral culte solsticial du soleil... Dans des arrangements classiques, on a voyagé de l’Europe du Nord ou de l’Est à la cime d’un «Beau sapin» germanique ou de carols anglais... suivi ce train-train un peu poussif jusqu’à une station (enfin !) originale signée Jacques Prévert sur une valse de Jean Wiener : un Noël des ramasseurs de neige décalé où les «cheminées» restent «vides»... Ce fut un peu de poivre avant un gâteau de Rois marchant en «canon», au pas de L’Arlésienne, et des sucreries made in USA. C’est alors qu’on rêva de Saint-Nicolas, travestis en «crooner» au manteau rougissant, swinguant aux couleurs d’une firme de soda et ses bulles chorales façon «whap doo whap» ! JACQUES FRESCHEL

Le Concert de Noël a eu lieu le 17 décembre au Gymnase, Marseille © J.F

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Dos à la fosse, Samuel Jean dirige l’Orchestre Philharmonique de Marseille, entre deux représentations et dans le décor d’Orphée aux Enfers (voir p 31). À sa baguette, c’est d’abord Carmen qui s’avance au «zim boum boum» d’une corrida et ses espagnolades... Le théâtre est plein : on a répondu présent, le 2 janvier, à l’appel de l’Opéra et son «Concert du Nouvel An»... pour 5 euros la place ! «Y a-t-il jamais eu pareil concert à Marseille ?» s’interroge le chef qui joue les Monsieur Loyal, présente un peu essoufflé les morceaux au programme. Nous proposerait-il par ailleurs une année 2014 «infernale» à grand renfort de Bal fantastique (Berlioz), de chevauchée diabolique (Faust) ou de Danse macabre ? Nonobstant, quel magnifique «Violon Super Soliste», a recruté l’Orchestre ! Dans le célèbre poème symphonique de Saint-Saëns, le jeune Da-Min Kim forme et déforme à l’envi les phrasés du solo, fait crisser ses cordes au

Samuel Jean © Cédric Delestrade ACM-Studio

en musique !



«Unis

et solidaires,

on va tout faire péter !»

34 M U S I Q U E

«Ici on lâche rien, ce sont les patrons qui tremblent !» Sur la scène du Toursky, les ouvriers d’une usine chantent leur colère face aux licenciements programmés, leurs souvenirs, mais aussi leurs envies et leurs espoirs. Christophe Tof Moura (trompette), Alain Loise Chiarazzo (guitare), Lionel Rigouléou Romieu (tampoura), John Massa (saxophone), Etienne Jesel (basse), Thierry Massé (claviers), Jérôme Leroy (accordéon) et Guillaume Bonnet (batterie), ils sont nombreux les musiciens déjantés et énergiques du collectif Quartier Nord pour accompagner les voix puissantes de Robert Rock Rossi, Frédéric Achard, Gilbert Tonton Donzel, Marie Démon, Amandine Buixeda et Jean Gomez. Entre chaque chanson, les musiciens se transforment en véritables comédiens, drôles, solidaires et attachants. Des chantiers navals de la Ciotat aux «cigareuses» de la Belle de Mai, «râleuses mais qui savent s’enflammer»,

© Frédéric Stephan

ils racontent leur quotidien, celui de leurs parents et de leurs grands-parents ; mais aussi et surtout la mémoire ouvrière qui s’effiloche… Quant à la reconversion… Globalisation, évasion fiscale, cet «argent sale placé dans des comptes secrets», politique du «ne jamais partager», dette «qui donne mal à la tête»... Chantés sur des rythmes mêlant le folk, le rock et le jazz, les textes, empreints d’une douce nostalgie et d’un militantisme sans cesse renouvelé, révèlent tout l’univers d’Alain Chiarazzo et Robert Rossi, les deux créateurs

«Car la rouille n’aura pas raison du jazz»

Un slogan, plus que le titre d’une composition du saxophoniste lorrain Laurent Gianez, qui illustre à merveille le concert donné au Roll’Studio. Étaient invités de jeunes musiciens qui nous permettent de nous assurer que le jazz

n’est pas mort, loin s’en faut ! On sait gré au pianiste Pierre Piloni, à l’initiative du projet d’hommage à Wayne Shorter, de saluer la mémoire de Nelson Mandela dès le début. Les pièces choisies proviennent des compositions du

du groupe de Rock marseillais Quartier Nord en 1977. Mais le succès de cette pièce est aussi lié au dynamisme communicatif des acteurs-chanteurs-musiciens, qui se ressent dans les applaudissements enthousiastes du public. «Tous au piquet, ensemble on va gagner !» ANNE-LYSE RENAUT

Tous au piquet ! a été joué les 10 et 11 janvier au théâtre du Toursky, Marseille

célèbre saxophoniste : Crescent, Yes or No, Footprints, Night Dreamer... La présence du bassiste Pascal Blanc donne un teint particulier, électrique et pêchu, à cette soirée et l’on pense instinctivement à la période Weather Report. L’énergie est également portée par Maxime Briard à la batterie, mordante et d’une rigueur métronomique. Dorian Selmi est l’invité surprise qui par ses rythmes aux percussions a contribué à l’assise rythmique du quartet. On est vraiment étonné de la forte présence sur scène et de la maturité musicale de Pierre Piloni et de Julien Ndiaye,

exubérant saxophoniste cannois. Tous deux possèdent une réelle maîtrise de leur instrument et n’hésitent pas à s’engouffrer dans des chorus interminables d’une grande richesse de couleurs avec un traitement sonore de hardbop teinté de fusion. Vivre avec son temps, tel est l’idéal de ces musiciens talentueux que l’on espère retrouver prochainement. DAN WARZY

Ce Tribute to Wayne Shorter a été joué au Roll’Studio, Marseille, le 14 décembre © Dan Warzy



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Le GRIM a débuté le 12 décembre les folles Nuits d’Hiver #11 à Montévidéo. L’occasion d’habituer ses oreilles à de nouvelles sonorités, de nouveaux artistes, et même de nouveaux instruments ! Dans ce laboratoire musical, c’est l’atypique violoncelliste coréenne Okkyung Lee qui a ouvert le bal. Assise à quelques centimètres du public, la musicienne effile son archet, le frotte doucement puis violemment contre les cordes, étouffe les notes avec le bras jusqu’à trouver une esthétique singulière. Forte de son expérience (déjà une dizaine d’album à son actif) et d’une dextérité hors norme, Okkyung Lee est capable de faire ressortir des sonorités surprenantes de l’instrument : passant parfois des aigües aux graves sur une rythmique excessivement rapide, elle fait grincer son violoncelle avec un maîtrise totale. Une soirée complétée par les performances d’Erik Minkkinen et du trio Trophies. De ce dernier groupe, on retient les rythmes affolés de la batterie de l’australien Tony Buck, la précision du japonais Kenta Nagai accompagné de sa guitare Fretless (sans le manche) s’alignant sur l’énergie des textes

Okkyung Lee © Pierre Gondard

Ouvrez vos écoutilles !

ANNE-LYSE RENAUT

Les soirées des Nuits d’Hiver#11 ont eu lieu du 12 et 19 décembre à l’espace Montévidéo, Marseille

L’unité d’un homme Michel Gaechter joue aussi bien Bach que Schoenberg. C’est peut-être parce qu’il emprunte avec autant de naturel l’art du premier, architecte du système tonal au XVIIIe siècle, comme celui du second, «destructeur» de ce dit-système s’essoufflant au XXe, que le pianiste français envisage plus qu’un autre ce qui relie deux univers sonores apparemment opposés. Alors «Schoenberg, révolutionnaire ou conservateur ?».... L’œil bleu malin, conférencier au débit calme, virtuose à la main sûre, Gaechter répond, une heure durant, à cette problématique qui ne dépareillerait pas comme sujet posé à l’agrég. Une caméra filme ses doigts sur un clavier projeté sur un écran mural. On suit donc aisément, dans le détail, comment Arnold Schoenberg s’émancipe de la carrure classique en désynchronisant les lignes mélodiques, bâtit

chantés et parlés de l’italien Alessandro Bosetti. Mais certains artistes sont allés encore plus loin en inventant leurs propres instruments. C’est le cas des jeunes musiciens du groupe e-Saxbow. Ils ont présentés, le 19 décembre, une pièce intitulée Polyphasie, créée il y a un an au GRIM. François Wong utilise un saxophone électrifié (l’instrument est branché à de nombreuses pédales lui permettant de moduler à sa convenance les effets de chaque note) et Florent Colautti a joué de son e-string. Sur un socle en bois -qui évoluera plus tard en caisse de résonnance-, il a fixé des cordes de guitare reliées à des archets électroniques vibrant grâce à un traitement par ordinateur. Alternant entre des moments suspendus, de hautes et basses tensions, leurs mix laissent entrevoir un bel avenir pour ces petits génies de l’électroacoustique.

ses thèmes en bricolant avec la tradition, le chant mozartien ou la valse viennoise... Et pourtant, quel monde sépare sa Nuit Transfigurée (op. 4 de 1899) des Variations pour Orchestre (op. 31 de 1928) ! L’oreille commune ne s’y fait toujours pas au XXIe siècle, alors que le compositeur, devenu «un homme seul», affirmait n’avoir jamais cessé de composer de la même manière. Le public, venu nombreux le 21 décembre à l’Alcazar, malgré l’aridité apparente du sujet, l’a mieux compris, et s’est trouvé plus à même d’apprécier son Pierrot Lunaire (op.21 de 1912) affiché au concert du soir clôturant le 11e Festival Nuits d’Hiver du Grim. JACQUES FRESCHEL

Ce spectacle a clôturé le 11e Festival Nuits d’Hiver du Grim le 21 décembre à l’Alcazar, Marseille

Improvisation et Ecole de Vienne

Michel Gaechter à l’Alcazar © J.F

Jean-Marc Montera, directeur artistique du Grim, guitariste multi-expériences, et Christian Sebille, directeur du Gmem, compositeur életroacoustique, se retrouvaient sur la scène du Grand Plateau de La Friche pour la soirée de clôture du 11e Festival Nuit d’Hiver du Grim : première partie d’échanges et d’improvisations, puis hommage à Schönberg, Berg, Webern. Montera se lance, rageur, sur sa guitare, Sebille prend les sons, les étire, les malaxe, tout se joue en direct, c’est magique. L’esprit de création des premiers bidouillages des compères Schaeffer et Henry ne sont pas loin. L’Ecole de Vienne se dresse, hautaine, nécessaire. La Sonate op. 1 pour piano de Berg, superbe Michael Gaechter, est un flot lyrique expressionniste, les Vier Stücke op. 7 pour violon et piano et Drei kleine Stücke op. 11 pour violoncelle et piano de Webern résument la magie miniature du musicien, fulgurances ou introspections, lumineuse Fanny Paccoud, violon, Séverine Ballon, violoncelle, très habitée. Les Vier Stücke op. 5 pour clarinette et piano de Berg sont très sensuelles, Mathieu Steffanus, envoûtant. Dominique Visse, contre-ténor, spécialiste de la musique Renaissance et Baroque, avait la tâche incongrue de se frotter à la magie du Sprechgesang, parlé-chanté que Schönberg décline dans son Pierrot Lunaire en 1912, la créatrice, Albertine Zehme, étant une chanteuse de cabaret. Visse colle à l’ironie, la morbidité des textes, complice du brillant quintette, musiciens précités plus Amélie Michel, flûtes, si chaleureuse. La Sérénade de Pierrot, voix de tête sur les pizz du violoncelle, marche à merveille: D’un grotesque archet dissonant, agaçant sa viole plate. Idée géniale de mêler l’art de Schönberg aux aventures improvisées, aléatoires, de Montera et Sebille. La rupture radicale de 1912, entraînant dans son sillon toutes les audaces du XXe siècle, résumées ici d’un jet fulgurant. YVES BERGÉ

Concert donné le 21 décembre, en clôture du 11e Festival Nuits d’Hiver du Grim, à La Friche, Marseille


La Méditerranée par tous les côtés Marseille 2007, Marseille 2013. La boucle des Cantates des rives est bouclée. Six ans après sa création, le spectacle conçu par Manu Théron, Zied Zouari, Said El Maloumi et Dionysios Papastergios est revenu dans la ville qui l’a vu naître pour clôturer la capitale européenne de la culture à la Cité de la musique. Une ode au creuset culturel méditerranéen qui propose un croisement d’esthétiques musicales traditionnelles entre Occitanie, Grèce et Maghreb. La complicité développée au fil des collaborations entre ces artistes et le travail d’harmonisation de leurs influences respectives

rendent difficile de discerner la moindre frontière entre Orient et Occident. À la direction artistique du projet, Manu Théron chante naturellement en occitan mais aussi en grec. Le jeu élégant et enlevé du violoniste tunisien Zied Zouari, les percussions subtiles du Marocain Said El Maloumi et la finesse de Dionysios Papastergios au luth grec s’unissent dans un langage ouvert à l’improvisation. Une incursion indienne réaffirme la porosité des univers musicaux. À dominante instrumentale, cette ultime séquence du cycle «Cantates du monde – Marseille, porte du Sud» offre un condensé de ce

37 © M. Dufétel

qu’il a démontré tout au long de l’année : revisiter nos racines par les voix et les instruments de la Méditerranée. THOMAS DALICANTE

L’équilibre de la vie Dans une cour défraîchie, les murs tombent et laissent entrer la chaleur des chants soufis. Les voix de Medhi Ayachi, Mourad Brahim, Nidhal Yahyaoui, Hassan Soltan, dirigées par Sofyann Ben Youssef, vibrent d’émotions. Comme une respiration, leurs chants tunisiens donnent vie au spectacle. Une bouffée d’air musicale qui permet aux trois danseurs d’errer et de voyager -Rayah en arabe. L’un d’entre eux se sert de béquilles, c’est Hédi Thabet. Il n’a qu’une jambe. Ce qui n’empêche pas cet homme longiligne de marcher avec une certaine aisance. Mais la danse et l’acrobatie dans tout ça ? Rayahzone est une pièce chorégraphique, mais c’est aussi l’histoire de trois complices qui s’aiment, s’enivrent, s’amusent, se violentent... Car, avant tout, Hédi Thabet, Ali Thabet et Lionel About avancent ensemble. Alternant les pas de danse et les jeux d’équilibre, ils enchaînent les combinaisons avec une fluidité déconcertante. Presque naturellement, les

trois danseurs s’assemblent pour ne faire qu’un. Qu’ils s’élancent sur une tige de métal ou qu’ils inventent des êtres à 3 jambes et 4 mains, tous leurs gestes sont indéniablement liés. Chacun se complètent car chacun a un rôle : ils incarnent la raison, la mort et la folie. Hormis la performance physique et ces exercices de maintien ingénieux, c’est une belle vitrine de la vie que les trois protagonistes retranscrivent sur scène. Créant un langage corporel rempli d’émotions, chacun tombe lorsque l’un ne trouve plus la force d’avancer, les autres la retrouvent alors, lui insufflant l’envie et le courage. Plus besoin de béquilles pour marcher, ils ont trouvé leur propre équilibre à trois. ANNE-LYSE RENAUT

Rayahzone a été joué les 11 et 12 janvier au théâtre du Merlan, Marseille

Cantates des rives a été joué le 13 décembre à la Cité de la musique de Marseille

M P U O LS I Q T U I Q E U E C U L T U R E L L E

© Dan Aucante


Riviera Cyrano de Bergerac Pommerat Il est rare qu’on puisse le dire avec autant de clarté : Au Monde et Les Marchands sont des chefs-d’œuvre, sans doute ce que Joël Pommerat a écrit de plus bouleversant. De ces spectacles qui vous marquent à jamais, parce qu’ils inventent une autre façon de faire du théâtre, parce qu’ils sont magistralement construits, et surtout parce qu’ils parlent à notre humanité. De ce que nous sommes, intimement, socialement, dans notre rapport au Monde, au travail, à l’autre. De comment la société nous abime, et comment le théâtre seul peut le montrer.

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© Marie Clauzade

Le metteur en scène Georges Lavaudant raccourcit habilement (trois heures au lieu de quatre) l’immense pièce d’Edmond Rostand tout en en gardant la flamme, la virtuosité langagière, le panache, avec dans le rôle de Cyrano, Patrick Pineau. Cyrano est ici un condensé de verve, d’excès, jouant superlativement pour cacher ses fêlures. Comme même une laide ne pourrait l’aimer, il choisit la plus belle… Retrouver les cadets de Gascogne, la précieuse Roxane, un nez à tirade, le beau Christian, le fourbe de Guiche, les pâtisseries de Ragueneau… la victoire sur les cent à la Porte de Nesle, la lecture bouleversante de la lettre dans le soir qui tombe. À voir, à revoir, à reprogrammer, un inépuisable bonheur ! du 15 au 18 janv La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com les 31 janv et 1er fév Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatreendracenie.com

Peau d’ours… En deux conférences imagées, l’ethnologue

Philippe Geslin, qui contribue à développer l’anthropotechnologie (l’étude de la résolution de problèmes que pose l’arrivée d’une technologie nouvelle dans un environnement différent de celui qui lui a donné naissance), nous invite à explorer les coulisses du monde Inuit. «Ceux du grand pouce» : ainsi se nomment les derniers chasseurs du Groenland qui vivent encore au rythme des saisons, de la mer, des tempêtes et du froid. Ils guettent la présence des phoques ou celle, plus rare, des bancs de bélougas à la peau claire. Tout semble en suspens pour ces peuples du Nord. Dans cet univers inquiétant, on glisse, on se résigne, on attend… Peau d’ours sur ciel d’avril le 18 janv et le 29 mars La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

Les Marchands du 13 au 16 fév Au monde du 18 au 21 fev Co-accueil Merlan La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

© Manuel Pascual

© Elizabeth Carecchio

Le roi se meurt Dans un pays imaginaire, un vieux roi solitaire

croyait tenir dans son poing un pouvoir éternel. Michel Bouquet endosse pour la quatrième fois le costume de Béranger Ier, monarque passant sans arrêt du désespoir enfantin à la dépression de l’adulte s’accrochant désespérément à la vie. Le roi de cette farce macabre d’Eugène Ionesco doit accepter l’inévitable, le rendez-vous avec la mort. Le metteur en scène Georges Werler n’a jamais cessé de s’interroger sur l’œuvre du dramaturge. Fasciné par cette réflexion de la vie et la mort, il tente de pénétrer dans la pensée même de l’auteur. les 28 et 29 janv Le Toursky, Marseille 0 820 300 033 www.toursky.org

© Bernard Richebé

Elle s’appelle Marguerite Boulc’h et prend d’abord comme nom de scène «Petite Pervenche», sur les conseils de la Belle Otéro, puis quitte le domaine fleuri pour rendre hommage à sa Bretagne natale avec le nom de Frehel. Elle aima Maurice Chevalier qui l’abandonnera pour Mistinguett, sombra dans la drogue, l’alcool, fut rapatriée de Turquie, mourut dans la misère. La vie mouvementée de la grande chanteuse réaliste est l’objet d’une pièce d’Emmanuel Robert-Espalieu dans une mise en scène de Gérard Gélas. Myriam Boyer incarne de manière bouleversante celle qui chantait La coco, La java bleue, joua au cinéma (Pépé le Moko). Ce personnage immense, dont la vie semble tirée d’un roman, a marqué profondément la chanson. les 7 et 8 fév Le Toursky, Marseille 0 820 300 033 www.toursky.org

Face au mur Hubert Colas reprend la trilogie de Martin

Crimp qu’il avait créée au Gymnase en 2006. Mutine, mordante, désespérée et drôle, sa mise en scène est constamment élégante, les images décalant les réalités abruptes évoquées dans un espace neutre couvert de ballons. Quant aux acteurs, remarquables, ils s’adressent aux spectateurs comme de l’intérieur d’eux-mêmes. Dans un calme qui contraste avec la violence du monde évoqué… les 16 et 17 janv La Friche, Marseille 04 95 04 95 95 www.lafriche.org


l’Énéide Bérénice Precious Ridiculous Dire un texte, une histoire, c’est renouer avec la Après Britannicus (voir Zib 69), Xavier Marchand Jeanne Béziers adapte et met en scène le simplicité. Miloud Khétib avec la Compagnie du Singulier se glisse avec délectation dans le texte de Virgile, par le biais de la nouvelle traduction de Dominique Buisset. Il s’agit d’une belle aventure pour un conteur que celle d’interpréter le récit complexe et mouvementé des aventures d’Énée le Troyen, destiné à fonder une colonie qui donnera le jour à la capitale du monde, Rome. La langue poétique et puissante du poète latin participe à ce moment d’exception. Il est très beau aussi d’avoir des personnages qui las de la guerre cherchent tout simplement à vivre en paix. La récitation du Chant I de l’Énéide du 11au 22 fév Les Bernardines, Marseille 04 91 24 30 40 www.theatre-bernardines.org

poursuit son travail sur l’œuvre de Racine en montant Bérénice, second volet du dyptique. «Dans cette pièce folle «où rien ne se passe», le choix auquel est confronté Titus est aussi une alternative : la fidélité à la loi s’oppose à la fidélité due à Bérénice. Sous couvert de sacrifice, c’est à l’histoire d’une répudiation non assumée à laquelle on assiste et au lent processus qui mènera Titus de son projet à sa réalisation : le sacrifice de son amour chancelant à l’opinion publique.» du 6 au 9 fév Théâtre Joliette-Minoterie, Marseille 04 91 90 07 94 www.theatrejoliette.fr

texte de Molière, sur une musique de son frère Martin Béziers, avec fraîcheur et subversion, comme à son habitude. Dans sa version, les deux provinciales sottes et impertinentes s’inscrivent dans la lignée des premiers mouvements d’émancipation de la femme du Moyen Âge, à l’époque de l’amour courtois. Leur préciosité, pensent-elles, va les aider à clamer leur indépendance, à passer outre l’autorité d’un père ou d’un mari… Glissant de la musique de chambre au rock, Jeanne Béziers rend un hommage burlesque et tragique à la féminité. le 29 janv Le Gymnase, Marseille 08 2013 2013

Festival Parallèle 04 L’Épreuve Pour sa 4 édition, le Festival Parallèle, e

Jacques le fataliste… Jacques et son maître voyagent et discutent.

Unis par la route, le maître et le valet tentent de tromper l’ennui, le valet racontant à son maître ses aventures amoureuses. Mais ce récit est sans cesse interrompu, par le maître lui-même, ou par le fait d’interventions ou accidents extérieurs… Jacques pense donc que le monde est régi par le fatalisme, les événements étant déterminés par le principe de causalité. Gilbert Barba met en scène le conte philosophique de Diderot avec des marionnettes et des masques. Jacques le fataliste et son maître du 28 janv au 1er fév Le Lenche, Marseille 04 91 91 52 22 www.theatredelenche.info

temps fort dédié à la jeune création initié par Komm’n’Act, propose de faire découvrir une nouvelle génération d’artistes du spectacle vivant. Au Merlan, le 29 janv, la danse de Volmir Cordeiro (Ciel), celle de l’association Léda (Democracy), le théâtre de Mathieu ma fille Foundation (I’m a love result) et le dj set de Dj Moulinex ; au Théâtre Joliette-Minoterie, le 30, de la danse avec Eleanor Bauer (Big Girls do Big Things), et du théâtre avec la Cie Vasistas (Domino) et Geoffrey Coppini (Autopsie) ; à La Friche, le 31, on retrouve Volmir Cordeiro, et le théâtre de Pascale Bongiovanni (Burn out) et Jean-Pierre Baro (Woyzeck (je n’arrive pas à pleurer)) ; au Klap, en clôture le 1er fév, danse au programme avec Lenio Kaklea (Arranged by date), Dewey Dell, Kuro Tanino et Yuichi Yokoyama (Marzo), et Fouad Bouchoucha (Machine). du 29 janv au 1er fév Marseille 04 91 55 68 06 www.komm-n-act.com Ciel © Laurent Friquet

© Brigitte Enguerand

Angélique est belle, pauvre et amoureuse de Lucidor. Lucidor est beau, riche, et amoureux d’Angélique. Mais les cercles de la perversion font passer la pièce de Marivaux de la comédie au drame : Lucidor, pensant qu’Angélique n’aime que sa fortune, la vend à son valet. La jeune fille, de colère, s’offre à un gentil fermier, Blaise, l’aimant en vain. Mensonges, ruses, faux-semblants… Clément Hervieu-Léger met en scène cette histoire de duperie avec une rigueur géométrique, et tout en subtilité, qui laisse apparaître la mélancolie, la cruauté voire le sadisme des personnages. Le Jeu de Paume, Aix-en-Provence 08 2013 2013 www.lestheatres.net

© X-D.R

Grand chantier Ce grand chantier est celui du territoire de Fos

qui a connu une grande transformation avec l’implantation de sites industriels. Agnès Régolo met en scène le texte d’Hélène Vésian, qui a recueilli les témoignages d’habitants, des paroles teintées de nostalgie, fières ou inquiètes. Une enquêtrice (Agnès Régolo) et son acolyte (Kristof Lorion) mènent une investigation riche qui leur permettra de retracer l’histoire d’un territoire emblématique et de questionner, au-delà des particularismes, notre rapport au monde. Enquête sur un grand chantier du 24 au 26 janv Théâtre Joliette-Minoterie, Marseille 04 91 90 07 94 www.theatrejoliette.fr

Une Odyssée Un vieux professeur de littérature fait apprendre

à ses élèves le chef-d’œuvre d’Homère, l’Odyssée. Les jeunes, avides d’aventures, et lassés du style pompeux et classique du récit homérique, décident de kidnapper leur professeur et de vivre à la manière d’Ulysse et ses compagnons. Grâce à leur imagination, ils se retrouvent au milieu de la mer Ionienne, dans une Grèce Antique remastérisée. Irina Brook et sa compagnie du même nom, modernise cette épopée connu de tous. Dès 8 ans. le 17 janv L’Alpilium, Saint-Rémy-de-Provence 04 90 24 33 51 www.mairie-saintremydeprovence.fr

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Le signal du promeneur Comment faire… La première création du Raoul Collectif a déjà

Le Dragon d’Or

été moult fois récompensé. Les cinq membres du collectif mettent en scène à partir de textes de Pérec, d’Henri David Thoreau, d’Emmanuel Carrère, d’Ivon Krakauer cinq personnages solitaires qui se placent en marge du système. Les situations se succèdent, dans lesquelles nos personnages rompent avec le réel. Cette performance artistique éblouissante est traversée de clés, de mots, de poésie, de philosophie, de musique. Une belle réussite pour ces jeunes acteurs qui se veulent porteurs d’un «cri viscéral du vivant». les 4 et 5 fév ATP, Théâtre Vitez, Aix-en-Provence 04 42 59 94 37 theatre-vitez.com

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le 7 fév Théâtre du Briançonnais, Briançon 04 92 25 52 42 www.theatre-du-brianconnais.eu

© X-D.R

Le Dragon d’Or est le nom d’un petit take away asiatique situé dans un pays indéterminé d’Europe. Un jeune Chinois, venu pour tenter de retrouver sa sœur, a mal aux dents. Pas de couverture sociale, elle va lui être arrachée avec une clé à molette. La dent saute dans la soupe thaï d’une hôtesse de l’air… La pièce de Roland Schimmelpfennig sait ne pas tomber dans l’empathie larmoyante en parlant de la condition atroce des émigrés clandestins qui ne peuvent même pas se rendre chez le dentiste. Les hommes doivent être joués par des femmes, les femmes par des hommes, les vieux par des jeunes et réciproquement. L’action est découpée finement, le regard très cinématographique. La Cie Ma voisine s’appelle Cassandre se lance dans l’aventure dans une mise en scène de Nanouk Broche. les 21 et 22 janv Théâtre Vitez, Aix-en-Provence 04 42 59 94 37 theatre-vitez.com

L’or bleu La pièce de Georgia Doll écrite en 2010 et

auto traduite de l’allemand par l’auteure, a déjà donné lieu à une lecture publique le 18 avril dernier aux Bancs publics. Par le biais du voyage d’un jeune couple d’Allemands, Samanta et Josef, dans un pays du Moyen-Orient déserté des touristes, toute une réflexion poétique s’amorce. Les langues se mêlent (les passages en arabe sont traduits par Djamal Saadi), les utopies se rêvent. Le jardin où les personnages sont accueillis est une image de l’Éden qui se fissure. L’Or Bleu a été édité en version bilingue dans Nouvelles Scènes, Presses Universitaires du Mirail à Toulouse. le 29 janv Théâtre Vitez, Aix-en-Provence 04 42 59 94 37 theatre-vitez.com

Le 8 fév Théâtre Durance, Château-Arnoux 04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr

© X-D.R

Au départ, il y a un livre, Comment faire du théâtre avec succès (éditions Sulliver) coécrit par Pierre Béziers et Pit Goedert, désigné comme un «anti-manuel» ou «un livre en moins sur le théâtre». Yves Fravega met en scène ce «cours magistral» donné par Monsieur Pit à une jeune comédienne, leçons théorique, recettes, travaux pratiques… un moment de jubilation où le spectateur peut avoir son mot à dire. Comment faire du théâtre avec succès le 27 janv 3bisf, Aix-en-Provence 04 42 16 17 75 www.3bisf.com

Illusions Comiques Mondor, Tabarin, Gros Guillaume, Gautier Gar© Huma Rosentalski

Rendez-vous gare de... Guillaume Vincent a emprunté la démarche

du documentariste, interviewant pendant six mois une jeune femme bipolaire, alternant les phases maniaques et les phases dépressives, transcrivant ses dires mot pour mot, avec les lapsus, les hésitations, les balbutiements. Réduisant cette énorme masse documentaire à une heure de spectacle, il redonne vie à cette parole réelle, au quotidien de la maladie, avec le plus de fidélité possible du langage et des émotions. Le personnage est porté avec talent par Émilie Incerti Formentini. Rendez-vous gare de l’est le 11 fév Théâtre Vitez, Aix-en-Provence 04 42 59 94 37 theatre-vitez.com les 8 et 9 avril La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com le 11 avril Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com

guille, Floridor se retrouvent sur scène dans l’esprit déjanté de la Cie Les loups masqués dans une adaptation jubilatoire et farcesque de la pièce de Corneille, L’illusion Comique. Foin des stances du Cid, vivent les jeux de mots, les saillies drolatiques, les plaisirs du verbe des bateleurs dans une mise en scène de Jean-Philippe Kreif. le 17 janv Maison du Peuple, Gardanne 04 42 51 44 93 www.ville-gardanne.fr le 8 fév Complexe culturel, Simiane-Collongue 04 42 22 62 34 www.culture.simiane-collongue.fr

© X-D.R


Des souris et des... Sermons joyeux Dégradés Le court roman de Steinbeck adapté au théâtre Forme théâtrale du Moyen Âge, le sermon par Marcel Duhamel connaît depuis une dizaine d’années un véritable triomphe dans la mise en scène de Jean-Philippe Evariste et de Philippe Ivanic. La vérité psychologique des personnages transparaît, portée avec une belle acuité par de superbes comédiens. Une grande tendresse dans cette approche de la différence et de l’amitié dont Lennie et Georges sont les archétypes. Des souris et des hommes le 11 fév Salle Émilien Ventre, Rousset 04 42 29 82 53 www.rousset-fr.com

joyeux avait pour but de divertir le public en caricaturant la vie religieuse et quotidienne. Seule en scène, accompagnée par son piano, Charlotte Adrien interprète six textes qui apostrophent le spectateur sur des sujets divers. le 4 fév Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

La Rose tatouée 41

le 29 mars Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr

© Romain Tanguy

La dégradation en question est celle que les agences de notation infligent aux pays et aux hommes dans notre société. Un collectif d’une dizaine d’artistes engagés, dont D’ de Kabal et La Zampa, prend le parti de s’en amuser, avec beaucoup de cynisme, dans une performance rock assez déjantée. D’autant que les auteurs du texte ne sont autres que deux grandes plumes du roman noir, Caryl Férey et Jean-Bernard Pouy… les 3 et 4 fév Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com © I. Déus

Ménélas… Le Rébétiko, musique d’Asie mineure qui voit le

jour dans les années 20, accompagne la lecture de Simon Abkarian qui raconte l’histoire de Ménélas (roi de Sparte) et d’Hélène (son épouse, femme amoureuse à qui on interdit le droit disposer de son destin). Avec Grigoris Vasilas (au chant et au Bouzouki, luth à long manche) et Kostas Tsekouras (à la guitare), il questionne la solitude de Ménélas, et redessine les contours de son chagrin d’amour occulté par la guerre de Troie. Ménélas Rébétiko rapsodie le 21 jan Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

Adishatz / Adieu Entre vie réelle et vie fantasmée, Jonathan

Capdevielle, comédien, marionnettiste et chanteur, dresse son autoportrait dans une pièce écrite à partir de chansons, de conversations qui évoquent les racines, la tradition, la famille. A capella, il révèle ses obsessions, ses émotions, sa solitude et une certaine nostalgie de son adolescence passée à Tarbes. le 28 janv Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

© Karine Letellier

Non loin de La Nouvelle-Orléans, dans le sud des États-Unis, dans un quartier italien, Serafina (Cristiana Reali), une jolie couturière veuve depuis 3 ans, vit toujours dans le souvenir de cette passion conjugale. Jusqu’à l’arrivée en ville d’un drôle et beau camionneur sicilien qui va lui redonner goût à la vie… Benoît Lavigne met en scène cette œuvre joyeuse et poétique de Tennesse Williams, avec treize comédiens. le 8 fév Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

Une année sans été À peine sortis de l’enfance, et déjà passés

dans l’âge adulte, cinq filles et garçons vont se retrouver confrontés aux grandes questions de l’existence que sont la création artistique, l’avenir, l’amour, la mort. Joël Pommerat met en scène ce texte de Catherine Anne, à l’écriture simple et épurée. Ce projet unique dans le parcours du metteur en scène a pour objectif l’accompagnement et la transmission d’une expérience artistique et professionnelle à un groupe de jeunes gens, comédiens mais pas seulement. les 23 et 24 janv Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com

Don Quichotte Les cinq comédiens du Groupe Anamorphose

se plongent avec délectation dans le chef-d’œuvre de Cervantès et réinventent les aventures du célèbre chevalier à la triste figure. Au cœur d’un vide-grenier, lieu propice à toutes les projections, on trouve de tout : peluches, disques, tissus, tableaux, bibelots, ustensiles de cuisine… Une matière inépuisable qui va se transformer au fil du récit et devenir marionnettes, costumes et décors, les comédiens réinventant l’espace de la scène en espace de jeu. le 7 fév Le Sémaphore, Port-de-Bouc 04 42 06 39 09 www.theatre-semaphor-portdebouc.com © Anamorphose

A U P R O G R A M M E T H É Â T R E


L’épidémie Correo Express La Petite Troupe du Chêne Noir, jeunes

Fest’hiver

comédiens amateurs formés toute l’année dans les ateliers théâtre de Véronique Blay, est dirigée pour cette création par Gérard Gelas, qui a déjà révélé au grand jour nombre de jeunes talents issus de ses formations. Dans cette farce tragique, Octave Mirbeau y épingle le personnel politique indifférent aux misères sociales. Rien de plus revivifiant pour le metteur en scène, en cette période électorale, que d’en confier les rôles à des adolescents…

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33 monstres © cie du dire-dire

Les Scènes d’Avignon, rejointes cette année par le théâtre des Carmes, entendent défendre la création régionale avec la 6e édition du Fest’hiver. Les six scènes permanentes accueillent donc, durant une semaine et deux fois par jour en alternance, les jeunes compagnies professionnelles sans lieu fixe avec la qualité en ligne de mire. C’est aux Carmes que s’ouvrent les festivités, avec La Passion selon Juette de la Cie avignonnaise Simples Manœuvres, adaptée du roman éponyme de Clara Dupont-Monod. Mylène Richard, Olivier Barrère et Guillaume Saurel (violoncelle) retracent l’histoire de cette jeune fille du 12e siècle qui refuse le destin imposé par ses parents, la société et l’église (27 et 28 janv). Belle résonnance avec le choix du théâtre du Balcon, où Elsa Stirnemann-Coqueran interprète Une passion entre ciel et chair, d’après le roman de Christiane Singer. Une «mise en chair» de la passion d’Héloïse et Abélard, entre amour divin et charnel (30 et 31 janv). Au théâtre Golovine, la Cie Bakhus de Grasse jouera La quête de Jazzon, mêlant danse hip hop et musique jazz (28 et 29 janv) ; on y retrouvera d’ailleurs aux Hivernales 2014, le 3 mars, le chorégraphe Mickaël Six dans A l’ombre de Coré. Au Chien qui Fume, rencontre entre l’art et la vie dans 33 monstres de la Cie niçoise du Dire-dire, autour du journal intime d’une femme adressé à son aimée Véra, d’après le texte de la féministe russe Lydia Zinovieva-Annibal, narré par deux comédiennes (29 janv et 1er fév). Stefano Fogher et Kristof Lorion nous embarquent au théâtre des Halles dans Le Panama ou les aventures de mes sept oncles de Blaise Cendrars, un spectacle inventif, drôle et acide, riche «d’acrobaties elliptiques et de flashbacks métaphoriques» (30 janv et 1er fév). Les 31 janv et 2 fév, c’est au Chêne Noir que se terminera le mini-marathon théâtral avec Macbeth de Shakespeare, «déshabillé des parures de la tragédie» par Arny Berry et une pléiade de comédiens. du 27 janv au 2 fév Divers lieux, Avignon www.scenesdavignon.com Carmes 04 90 82 20 47 www.theatredescarmes. com Balcon 04 90 85 00 80 www.theatredubalcon.org Golovine 04 90 86 01 27 www.theatre-golovine. com Chien qui Fume 04 90 85 25 87 www. chienquifume.com Halles 04 32 76 24 51 www.theatredeshalles.com Chêne Noir 04 90 86 74 87 www.chenenoir.fr

du 16 au 19 janv Chêne Noir, Avignon 04 90 86 74 87 www.chenenoir.fr

© X-D.R

Dans un bureau de poste oublié dans un petit village, Pablo, Miguel et Clara sont amenés à partager une nuit d’orage. Des hommes et femme que tout oppose confrontent leurs rêves de voyage et d’ailleurs… Une pièce sur fond de salsa cubaine née de la rencontre entre trois comédiens du Théâtre del Caballero de Cuba et le metteur en scène français Alain Destandau du Théâtre Monte Charge du Pau. les 17 et 18 janv Le Balcon, Avignon 04 90 85 00 80 www.theatredubalcon.org

À nos morts

© Manuel Pascual

Parole d’honneur Marco Gambino nous entraîne dans un

surprenant voyage au cœur de la Mafia. Le comédien italien révèle les paroles des puissants chefs de l’une des plus anciennes et secrètes organisations criminelles, ou des mafieux plus anonymes ou repentis, retranscrites par le journaliste d’investigation Attilio Bolzoni. Une performance implacable à l’intérieur du raisonnement mafieux. les 6 et 7 fév Chêne Noir, Avignon 04 90 86 74 87 www.chenenoir.fr

© Michel Gabriel Duffour © Palmera

Comédie musicale en hommage aux soldats des colonies françaises, maliens, ivoiriens, marocains, algériens, indochinois… indigènes raflés ou engagés volontaires, ayant contribué à la libération de la France durant les guerres 14-18 et 39-45. Mêlant théâtre, hip hop et vidéo, et poursuivant son objectif de créer des spectacles vivants traitant de l’histoire des territoires et des habitants, des immigrations et de la mémoire collective, la Cie Mémoires Vives produit un conte moderne, sensible et intelligent, autour du sacrifice des ces hommes et femmes. le 24 janv Auditorium Jean Moulin, Le Thor 04 90 33 96 80 www.artsvivants84.fr


La fin du monde est... J’ai 20 ans, qu’est-ce... Marsiho François Morel, ex-Deschiens et chroniqueur Le superbe texte d’André Suarès, comme sur France Inter, a réuni quelques-uns de ses textes écrits à l’origine pour la radio et s’amuse avec les genres (vidéo, chanson) pour parler de l’amour, du temps qui passe, de la mort… avec ce dernier jour de la semaine en point de mire. Le comédien compose un spectacle existentiel, une pléiade de personnages y dressent le bilan de leur vie mais partagent aussi leurs rêves, leurs angoisses et leurs petits bonheurs. Un humanisme tendrement désenchanté. La fin du monde est pour dimanche le 21 janv Théâtre Durance, Château-Arnoux 04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr le 22 janv Théâtre la Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.eu

un long poème en prose dédié à Marseille, aimée, détestée, belle, sublime et fangeuse, est porté par l’immense talent de Philippe Caubère. Naissent les soirs incendiés, les bruits, odeurs, les mots de la ville dans les débuts du XXe siècle. Une vision amoureuse et lucide, violente et tendre que Caubère sait rendre avec passion. Incontournable !

©Thomas Faverjon

Pour tenter de saisir ce qu’est la jeunesse française d’aujourd’hui, Cécile Backès et Maxime Le Gall ont interrogé, en 2010, une soixantaine de jeunes gens, notamment autour des questions de l’accès au logement et de l’entrée dans le monde du travail. Des entretiens réécrits par cinq auteurs, François Bégaudeau, Arnaud Catherine, Aurélie Filippetti, Maylis de Kerangal et Joy Sorman, pour un spectacle au regard pluriel qui rend compte des préoccupations et des difficultés de la jeunesse moderne. J’ai 20 ans, qu’est-ce qui m’attend ? le 4 fév Théâtre de Cavaillon 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com

les 24 et 25 janv Théâtre de Cavaillon 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com du 28 janv au 1er fév Le Jeu de Paume, Aix-en-Provence 08 2013 2013 www.lestheatres.net du 18 au 20 mars Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 wwww.theatredenimes.com

le 7 fév Théâtre la Licorne, Cannes 04 97 06 44 90 www.madeincannes.com

La Bonne Âme du...

le 21 mars Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr

le 5 fév Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr

La danse du Diable Créé en 1981, le spectacle de Philippe Caubère

-auteur et acteur à la fois- ne se veut «ni un «one man show» ni une série de sketches» (Caubère), mais entraîne le spectateur dans une histoire à la fois cocasse et tendre, celle de Ferdinand Faure, qui doit beaucoup à la mémoire de son créateur. Autobiographie déguisée, mais pas seulement, réflexion sur le théâtre, bonheur de l’improvisation qui rend chaque représentation unique, un ensemble somptueux où chacun vit une réelle expérience-plongée (?) théâtrale dans ce beau voyage intérieur. le 7fév Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr du 21 fév au 1er mars Théâtre du Chêne Noir, Avignon 04 90 86 74 87 www.chenenoir.fr

Semaine Arts et Avatars Pour interroger la réflexion autour des nouveaux

le 22 mars Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com © Manuelle Toussaint © Polo Garat Odessa

La fable politique et lyrique de Bertolt Brecht, charge virulente contre la religion et le capitalisme achevée en 1940, est portée par le généreux théâtre musical et choral (18 comédiens et musiciens sur le plateau, costumés par Macha Makeïeff) de Jean Bellorini. Le jeune metteur en scène, l’un des plus brillants de sa génération, éclaire avec profondeur et légèreté la question des inégalités et de la soumission. 3 heures de spectacle qui passent en fanfare, riches d’images poétiques et d’émotions. La Bonne Âme du Se-Tchouan les 23 et 24 janv Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr du 29 janv au 1 fév La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

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mondes offerts par «l’esthétique de l’artificiel» et explorer la notion d’ubiquité, le théâtre Liberté consacre une semaine de regards sur les arts numériques. En collaboration avec le plasticien et théoricien en sciences de l’art Julien Carbonne, la programmation enchaînera spectacles (le 11 fév expérience lyrique modifiée du collectif Metaxu et la performeuse Jenkis, le 15 Renée en botaniste du Système Castafiore), conférences (le 11 Norbert Hillaire), concerts augmentés (les 13 et 14 Benoit Bottex et Arnaud Ziemichod), workshops, films (le 14), installations (Alea Jardin de Lucile Haute et Benoît Verjat ; Random par Tomek Jarolim) pour aboutir à une réflexion globale sur l’œuvre numérique. du 11 au 15 fév Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr

© Karl Biscuit


A U

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Imaginé, réalisé et interprété a cappella par Monique Brun d’après les entretiens de Léo Ferré (Vous savez qui je suis, maintenant aux éditions la mémoire et la mer), le spectacle met en lumière la conscience aiguë du chanteur et poète pour le genre humain. «On ne soupçonne jamais que la poésie ne soit finalement pas une affaire de spécialistes. C’est en pensant à ces personnes aussi que j’ai avancé dans ce travail», explique la comédienne-chantiste. du 30 janv au 1 fév Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com

© Thierry Burlot

Après Tout est normal mon cœur scintille, Jacques Gamblin, en acrobate gourmant, revient à Châteauvallon pour improviser et distiller sa douce fantaisie pleine de grâce. Le comédien sortira de ses carnets d’écriture, des phrases suspendues et autres textes absurdes, drolatiques et sensibles, partagés en toute confidence avec le public. Il se produira également avec Laurent de Wilde et ses musiciens dans Gamblin JazzE de Wilde Sextete les 31 janv et 1er fév. le 30 janv Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com

L’apprentie sage-femme

L’échange Un quatuor d’acteurs pour relater le drame

le 4 fév Le Rocher, La Garde 04 94 08 99 34 www.ville-lagarde.fr

© X-D.R

Comment rendre familier et intense l’univers complexe de Marcel Proust, au-delà de son œuvre ? C’est ce à quoi s’attache Philippe Person, en mettant en scène les comédiens Anne Priol et Pascal Thoreau dans ce spectacle écrit par Philippe Honoré. Un tourbillon ludique et bouleversant dans lequel Proust et ses personnages se moquent avec subtilité de nos manies quotidiennes, de nos lâchetés et de nos obsessions. Rire et émotions garantis. le 21 janv Le Rocher, La Garde 04 94 08 99 34 www.ville-lagarde.fr

amer et sans concession sur l’universalité du paradoxe amoureux et la soumission à l’argent de Paul Claudel. Marthe (Isabelle Andréani) et son mari Louis Laine (Grégori Baquet) sont isolés du monde. Thomas Pollock, un riche américain marié une actrice, propose à Louis d’acheter sa femme… Un chassé-croisé amoureux où les personnages se déchirent dans une quête du bonheur, transcendé par la langue qui illumine les sentiments et crée la catharsis de Claudel.

Jacques inédit

Délivrez Proust !

© Chantal Depagne

S’inspirant de l’introduction de l’ouvrage L’Ethique a-t-elle une chance dans un monde de consommateurs ?, du sociologue Zygmunt Bauman, Thierry Bedard poursuit son cycle d’études scientifiques où s’accorde le «divertissement de société» à la violence des idées. Une aventure intellectuelle vécue par un groupe de chercheurs londoniens sur la vie sociale des guêpes, racontée par une scientifique (Rebecca Finet) qui s’identifie totalement à la bête. Au final, un reportage délirant sur un champ de bataille, accompagné par la musique décapante du groupe de rock new-yorkais Sonic Youth. Les guêpes du Panama le 8 fév à 19h Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com

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Les guêpes du...

© X-D.R

© Bruno Steffen

© Jean-Pierre Estournet

Léo 38

Conte initiatique porté par le jeu puissant et sensible de la comédienne Nathalie Bécue (ancienne pensionnaire de la Comédie Française). Un seul en scène pour plusieurs personnages autour du récit émouvant, écrit par Karen Cushman, de l’histoire d’Alice. Une enfant sans nom dans une Angleterre médiévale, qui apprendra, sous la férule d’une sage-femme revêche, à trouver sa place dans le monde. Dès 12 ans. le 11 fév Musée archéologique, Saint-Raphaël 04 98 11 89 00 www.ville-saintraphael.fr le 12 fév Théâtre Marélios, La Valette-du-Var 04 94 23 62 06 www.lavalette83.fr le 15 mai Théâtre du Golfe, La Ciotat 04 42 08 92 87 www.laciotat.com


Roméo et Juliette Fanny, César La pièce de Shakespeare ne cesse de nous La compagnie Il est une fois, après le succès

émouvoir, dénonçant l’absurdité des guerres, qu’elles soient de familles rivales ou de pays. Dénonciation d’autant plus forte qu’elle parle d’un amour idéal, de sa naissance, de sa magie, de sa beauté qui enchante le monde. Le texte est ici adapté par Cécile Leterme et mis en scène pour la Compagnie Vélo volé par François Ha Van. Variante, le personnage de Frère Laurent se situe parfois en regard extérieur à la pièce et endosse un rôle de conteur. Intemporel. le 4 fév Théâtre Le Forum, Fréjus 04 94 95 55 55 www.aggloscenes.com

le 25 janv Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com

Ma mère me rend... La pièce de Jérémy Lorca, mise en scène par

Olivier Lejeune, remporte tous les suffrages, grâce à son comique déjanté, ses situations cocasses, son rythme rapide, ses personnages haut en couleurs. Jeannine, charcutière autoritaire, s’est disputée avec son mari et se réfugie chez sa fille et son compagnon. Tout s’emballe dans une mécanique impitoyable. On rit beaucoup, les acteurs, Grace De Capitani, Séverine Ferrer, Emmanuelle Boidron et Jérémy Lorca s’en donnent à cœur joie. les 25 et 26 janv La Croisée des Arts, Saint-Maximin 04 94 86 18 90 www.st-maximin.fr

le 17 janv Théâtre de la Licorne, Cannes 04 97 06 44 90 www.madeincannes.com

Cabaret Marilyn Les élèves de l’Ensemble 21 de la prestigieuse

© Marc Vanappelghem

Monsieur chasse, dit-il, mais que fait-il réellement ? Sa jeune épouse n’accepte le principe de le tromper que si l’infidélité de son mari est prouvée. Les couples se croisent se décroisent. Il y a une adresse, 40 boulevard d’Athènes fréquentée à l’excès, on s’espionne, on minaude, on cherche à convaincre, on hésite, les frontières de la morale deviennent élastiques. Le jeune metteur en scène Robert Sandoz s’en donne à cœur joie, emprunte à la BD, focalisant sur le tissu écossais qui envahit les murs et un pantalon qui hante la scène… On rit beaucoup dans cet univers décalé du maître du vaudeville, Feydeau.

de sa reprise de Marius, présente les deux derniers volets de la trilogie pagnolesque, Fanny et César, dans une adaptation de Marie Fabre qui monte aussi la mise en scène et Jacques Chauvin. Pour sauver l’honneur de la famille, Fanny qui attend un enfant de Marius épouse Panisse. Mais qui ne connaît pas la suite ! À voir pour le plaisir de retrouver la belle langue de Pagnol.

le 20 fév Théâtre du Golfe, La Ciotat 04 42 08 92 87 www.laciotat.com

école de l’ERAC proposent cette année un spectacle autour de Marilyn Monroe. Toujours entourée d’hommes, Sinatra, Dean, Martin, Arthur Miller, Yves Montand, elle n’était cependant pas la somptueuse «godiche» que la tradition cinématographique présente, souligne la metteure en scène Véronique Dietschy. Elle se cultivait, écrivait des poèmes… Chansons, danses, musique permettent d’évoquer ce personnage complexe que l’on ne saurait réduire à l’air de Diamonds are a girl best friends ou de I wanna be loved by you. Et pourtant que c’est beau ! Poo poo pee doo ! les 17 et 18 janv Friche Belle de Mai, Marseille 04 95 04 95 04 www.lafriche.org

© X-D.R

La compagnie des... One woman show superbe dans lequel Zabou

Breitman joue les rôles d’une mère, Rose, sa fille, Louisiane et maître Echinard, l’huissier. Drames familiaux liés à la deuxième guerre mondiale, non-dits, souffrances, tout se dévoile dans une logorrhée sensible et désespérée. Un très beau texte de Lydie Salvayre, porté avec un beau talent. La Compagnie des spectres les 17 et 18 janv Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com le 24 janv Centre Culturel René Char, Digne 04 92 30 87 10 www.sortiradigne.fr

le 24 janv Théâtre de la Licorne, Cannes 04 97 06 44 90 www.madeincannes.com © X-D.R

Monsieur Chasse

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La Nuit des poètes Fabrications… Sûtra Le ballet de Lorraine sous la direction de Le spectacle s’inscrit dans un esprit de continuité, Petter Jacobsson présente deux pièces du répertoire contemporain. Fabrications de Merce Cunningham, chorégraphie pour quinze danseurs, est d’une difficulté monstrueuse, avec pas moins de soixante-quatre enchaînements dont l’agencement n’est pas déterminé par une histoire mais un procédé aléatoire. Le résultat est époustouflant ! Puis, sans doute l’une des pièces les plus célèbres de Twyla Tharp sur la musique tournoyante de Philip Glass, In the upper room. Classicisme et modernité se rencontrent dans une performance où vitesse, technique, abstraction de la danse se conjuguent.

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Fabrications/In the upper room du 16 au 18 janv Pavillon Noir, Aix-en-Provence 04 42 93 48 14

A U P R O G R A M M E D A N S E

les 4 et 5 fév Pavillon Noir, Aix-en-Provence 04 42 93 48 14 www.preljocaj.org

www.preljocaj.org

© Robert Gil

Le spectacle La nuit des poètes par la compagnie Pietragalla-Derouault s’inscrit au confluent de la danse et de la poésie. En fil conducteur, le poème d’Aragon La Nuit des jeunes gens. Dans cette œuvre, trois jeunes poètes discutent passionnément, Aragon énumère les nuits de son passé. La confidence lyrique permet d’aller aux sources de la création. La musique qui sous-tend le propos emprunte au hip hop, à l’électro, au classique. Julien Derouault danse, chorégraphie l’invisible, le corps en mouvement devient écriture, poème. le 21 janv Théâtre Toursky, Marseille 0 820 300 033 www.toursky.org

Élégie

Aktualismus…

© Marc Domage

Ce spectacle conçu par Marcia Barcellos et Karl Biscuit qui animent Système Castafiore depuis 1990, constitue une petite anthologie d’œuvres fondatrices du vocabulaire de la danse. Humour et distanciation se teintent de poésie. Inventivité des costumes, des chorégraphies, exploration des limites, des frontières floues de l’absurde, tout cela est servi par la technique irréprochable des danseurs qui visiblement se prennent au jeu avec délectation. Le spectacle est accessible dès neuf ans, une belle initiation ! Aktualismus Oratorio Mongol du 21 au 24 janv Pavillon Noir, Aix-en-Provence 04 42 93 48 14 www.preljocaj.org

Baron Samedi À Aix et Châteauvallon on pourra revoir la pièce © François Stemmer

Olivier Dubois s’inspire des Élégies du poète allemand Rilke pour sa nouvelle création destinée au Ballet National de Marseille. La figure de l’ange parcourt l’œuvre du poète, dépouillé de toute référence religieuse. Proche de Narcisse, l’ange rilkéen est «la créature chez qui la transformation du Visible et de l’Invisible apparaît accomplie» (Rilke). La chorégraphie d’O. Dubois, réglée avec une précision d’horloge tisse ainsi les dix Élégies sur la musique de Wagner et de François Caffenne. du 13 au 14 fév Ballet National de Marseille 04 91 32 72 72 www.ballet-de-marseille.com

de transmission, Sûtra signifie en hindou «un fil qui tisse à travers» ; trois générations se conjuguent ici, le légendaire maître Kelucharan Mohapatra, son élève, tout aussi renommée, Madhavi Mugdal et sa nièce, Arushi Mugdal qui interprète et renouvelle la tradition de la danse de style Odissi (née dans l’est de l’Inde). Raffinement, délicatesse des gestes, maîtrise absolue jusqu’aux plus infimes respirations. La jeune Arushi Mugdal est éblouissante, accompagnée par trois musiciens. Dans le cadre de la semaine de la danse traditionnelle, sera projeté au studio Bossati un documentaire sur le théâtre-danse Kathakali et Bharata Natyam.

créée à Nîmes en 2012 : Alain Buffard est mort le 21 décembre d’un cancer qui le rongeait, mais son œuvre reste, et Baron Samedi est une pièce forte, faite de moments jamais décousus autour du personnage vaudou du Baron Samedi, esprit de la résurrection, et évoquant plus généralement le rapport au sexe et la colonisation. Avec quelques moments rares, portés par des femmes africaines, explorant le travestissement, sur les songs dévoyés de Kurt Weill. du 30 janv au 1er fév Pavillon Noir, Aix-en-Provence 04 42 93 48 14 www.preljocaj.org le 8 fév Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com

© Kamal Sahai

Kamigata-Mai Accompagnée d’un danseur et d’un chanteur

Jiuta (le Jiuta est un art de l’évocation) et son luth shamisen (instrument à trois cordes pincées), la danseuse Keiin Yoshimura, maître dans l’art du Kamigata-mai, danse apparue à Osaka, Kyoto et Kobé au XIIe siècle sur les danses traditionnelles Nô, Kabuki et Kyogen. Cette danse aux mouvements lents dépeint les émotions les plus subtiles, chaque détail devient signifiant, jusqu’aux plus infimes variations des expressions du visage grimé de blanc. Le maniement d’une ombrelle devient un art raffiné. Dans le cadre de la semaine de la danse traditionnelle, sera projeté au studio Bossati un documentaire sur le Théâtre Nô et Kabuki. les 7 et 8 fév Pavillon Noir, Aix-en-Provence 04 42 93 48 14 www.preljocaj.org


Dolores

© Guto Numiz, casadafoto

Danse – Temps 1

Danse au féminin Deux femmes, chorégraphes-interprètes aux

tempéraments indépendants, s’emparent de la scène de l’Odéon pour apprivoiser notre sauvagerie. Anne Lopez, artiste associée au Théâtre et habituée de la scène nîmoise, y revient avec Mademoiselle Lopez, solo dans lequel elle tord le coup aux idées reçues. En 2e partie, un autre solo avec Magali Milian, autre fidèle du Théâtre, qui propose Dream on Track 1, pièce dans laquelle elle questionne son parcours d’artiste. le 6 fév Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

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Inspiré par l’univers de Pedro Almodovar, le chorégraphe brésilien Jomar Mesquita présente cette pièce remplie de passion et de désir, «à l’esthétique pop qui s’amuse de la mince frontière qui sépare le bon du mauvais goût, le beau du laid, l’élégance du kitsch et la comédie du drame». Et révèle avec les danses de salon «latines» un monde de passion et de désir…

P R O G R A M M E

les 5 et 6 fév Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-ds-salins.fr

Pudique Acide © marc Coudrais

Trois temps forts dans ce rendez-vous annuel du Comoedia : Pudique acide et Extasis, deux pièces chorégraphiques créées dans les années 80 par Mathilde Monnier et Jean-François Duroure. Remontées 25 ans plus tard et confiées à deux nouveaux interprètes, Sonia Darbois et Jonathan Pranlas, elles offrent toujours une danse vive, grave et burlesque à la fois, et affirmant la primauté d’un corps à corps à deux comme un acte plus théâtral que simplement formaliste (le 29 janv). Le 31, deux pièces de Sylvain Groud se partageront la soirée : Elles brosse le portrait de cinq femmes, danseuses de hip hop ; et Je suis descendu du plateau, sur un texte de Maylis de Kerangal, dissèque l’acte de se mettre en scène. les 29 et le 31 janv Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr

Grand hôtel Deux espaces pour figurer le rebond et la

légèreté, pour déjouer la pesanteur et ressentir la matière, le temps et l’espace différemment. Josette Baïz installe les danseurs de sa Cie Grenade dans un premier espace sidéral et immaculé où tout est léger, et où la danse est souple et éthérée ; la version opposée est plus terrestre et réaliste, et fait régner la pesanteur qui transforme les corps et les énergies. le 18 janv Espace NoVa, Velaux 04 42 87 75 00 www.espacenova-velaux.com

D A N S E

Tiger tiger…

Le chorégraphe Frank Micheletti s’interroge, avec son collectif Kubilaï Khan Investigations, sur les conséquences pour nos corps, nos consciences et nos relations de la perpétuelle accélération de notre monde. Les six danseurs, venus des quatre coins du monde, déploient une danse nerveuse et fulgurante, se croisent, se rencontrent parfois… Tiger tiger burning bright le 28 janv La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.eu

Dream on track © Pierre Duprat

Promenade obligatoire Rites La chorégraphe Anne Nguyen met en scène huit poppeurs (le popping est une des spécialités de la danse hip hop) dans une marche ininterrompue savamment ordonnée qui explore les différents états possibles d’«être ensemble» dans une société toujours en mouvement. Les interprètes composent ainsi une matière mouvante douée d’un inconscient collectif, en lutte contre le déterminisme et son propre enfermement. En imposant des contraintes géométriques à une gestuelle hip hop très codifiée, Anne Nguyen ne cesse d’ouvrir de nouveaux espaces d’écriture, de créer d’autres formes. le 17 janv Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com

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Denis Plassard, chorégraphe associé à l’Auditorium du Thor cette année, rassemble autour de lui six danseurs dans cette pièce qui invite à découvrir une fantastique collection de danses traditionnelles «contemporaines et imaginaires» : de la danse «calorifage» pratiquée sur les parkings des centres commerciaux à la «Tri danse» des séminaires de motivation des entreprises, tout est décortiqué de façon savante et loufoque ! À noter que le 4 fév le chorégraphe animera le 5e Escal’à Thor, rencontre conviviale dans laquelle il parlera de son parcours et de ses projets. le 7 fév Auditorium Jean Moulin, Le Thor 04 90 33 96 80 www.auditoriumjeanmoulin.com


Au-delà

The Roots Ne m’oublie pas The Roots est la dernière création de Kader Maître de la marionnette et plasticien hors pair, Attou, directeur du Centre Chorégraphique National de La Rochelle. Avec les onze danseurs de la Cie Accrorap, il explore, crée et réinvente sans concession les codes du hip hop. Grâce à une technique implacable, la troupe révèle une esthétique singulière pleine de poésie. Des musiques orientales, électros, en passant par Brahms et Beethoven, les danseurs font voyager le public d’une émotion et d’une culture à l’autre, sous la forme de solos, trios ou chorégraphies d’ensemble des plus étonnants. le 30 janv La Croisée des Arts, Saint-Maximin 04 94 86 18 90 www.st-maximin.fr

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© Nicolas Guyot

Pionnier de la danse contemporaine au Congo, DeLaVallet Bidiefono a créé Au-delà pour le Festival d’Avignon 2013. Dans les années 90, son pays natal a subi plusieurs guerres civiles et la mort a envahi le quotidien des Congolais. Sur scène, six danseurs, un chanteur et deux musiciens rendent un hommage vibrant aux victimes de ces violences. Entre tradition et modernité, les textes de Dieudonné Niangouna s’entremêlent avec les corps des danseurs pour évoquer la tristesse, la rage mais aussi la force et l’espoir. Avec talent, DeLaVallet Bidiefono utilise sa seule arme pour exprimer l’inexplicable, la danse. le 6 fév Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com le 8 fév Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com le 14 fév Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com

le 4 mars Théâtre de Cavaillon 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com

Philippe Genty emmène le public dans un univers onirique… celui des grandes étendues arctiques. À la croisée du théâtre, de la danse et du cirque, il offre un voyage fascinant dans lequel les artistes norvégiens de l’Université North-Trondelag s’interrogent sur l’humanité et son inconscient. Au rythme des mélodies enchantées de René Aubry, le spectateur est plongé dans un monde d’une beauté presque rêvée subtilement reliée à la réalité. Une odyssée chimérique composée de mystérieux pantins à découvrir dès l’âge de 6 ans. les 13 et 14 fév Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com

D’indicibles violences

le 15 mars Le carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com

Swan lake Après Roméo et Juliette et Carmen, la choré-

graphe sud-africaine Dada Masilo revisite le ballet classique du Lac des cygnes créé en 1877 au Bolchoï. La trame de l’histoire reste inchangée. Odette, le cygne blanc, symbole de pureté, affronte Odile, l’effroyable cygne noir. Sauf que ce dernier est… un homme. Avec une énergie et un humour explosifs, la chorégraphe plonge le spectateur dans une autre réalité, celle de l’Afrique du Sud, en abordant de manière audacieuse certains tabous dont le mariage forcé, l’homosexualité ou encore les ravages du sida. les 25 et 26 janv Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com les 28 et 29 janv Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

© Laurent Philippe

«Envisagée comme un voyage à l’intérieur d’un volcan de chair extrême», la pièce D’indicibles violences met en scène huit danseurs explorant les limites de leurs corps pour y retrouver «le geste primitif». À travers des performances physiques aussi sensuelles qu’éprouvantes, le chorégraphe Claude Brumachon fait resurgir des émotions fortes parfois enfouies, celles d’«une animalité première». Sur une musique de Christophe Zurfluh, il exprime à travers le langage du corps les conditions essentielles de l’homme : «des êtres en vie, à l’instant-là, présents, aimants, désirants et désirés». le 31 janv Théâtre de La Licorne, Cannes 04 97 06 44 90 www.madeincannes.com

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Noun

En attendant le Petit... Little Jack et l’ouragan La compagnie l’Arpenteur joue le Grand, et la Petite. Les deux enfants deviennent frères et sœurs et s’imaginent un monde nouveau rempli d’étoiles qu’ils savent cueillir, de grenouilles qu’ils vont rencontrer, et où ils peuvent, aussi, défier la mort. Leur plus grand souhait : faire revivre leur mère morte... Philippe Dorin dote aussi ces enfants d’une conscience pleine de questions : pourquoi les étoiles ne sont plus dans le ciel, le matin ? Comment ramener la mère décédée ? Dès 6 ans.

© Eric Sneed

Le souffle, le mouvement et le rythme se rencontrent dans ce spectacle, qui allie le langage, la danse et la voix. S’inspirant de la mythologie égyptienne, et plus particulièrement de la légende Nout, cette histoire, construite par Athenor, raconte le voyage du soleil. Enfermé tous les soirs dans le corps de Nout, connue sous le nom de dame du Ciel et des Étoiles, le soleil renaît chaque matin. Tous les éléments font corps, et cosmogonie. du 22 au 25 janv Le Massalia, Marseille 04 95 04 95 70 www.theatremassalia.com

La trilogie de Franck

La Table du fond © Christophe Raynaud de Lage

Depuis 1996, François Cervantes travaille sur le rapport entre l’école et la famille. Il livre avec finesse et invention trois points de vue engagés et personnels sur le processus de l’apprentissage. Trois pièces et 3h40 pour traverser, en compagnie de Franck et sa mère Sylvie -et bien d’autres personnages-, la confrontation de deux mondes opposés : le théâtre et l’école. La Table du fond, Silence et Le Soir, joués par deux comédiens magistraux, Nicole Choukroun et Stephan Pastor, offrent une performance inoubliable, en intimité avec le public, sur l’émancipation à travers la littérature. À partir de 11 ans. du 7 au 23 fév Le Massalia, Marseille 04 95 04 95 70 www.theatremassalia.com

En attendant le Petit Poucet du 15 au 16 fév Le Massalia, Marseille 04 95 04 95 70 www.theatremassalia.com

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le 12 avril Théâtre de Fos-Sur-Mer 04 42 11 01 99 www.scenesetcines.fr

© X-D.R

Little Jack nous emmène dans un ouragan de grands espaces : vallée de la mort, canyon, la forêt aux arbres tordus, et à la rencontre d’indiens, de cow-boys, desperados... Le couple Alain et Marie Vidal met en scène un véritable road-movie musical avec guitare et harmonica, avec la compagnie Arthema. Un conte musical qui se raconte aux petits comme aux grands.

© MathieuBonfils

Contes d’hiver Les contes d’hiver sont à l’honneur au Comoedia

d’Aubagne. Le théâtre propose quatre jours de totale immersion dans le monde des contes avec notamment, les contes provençaux de Anne-Marie Testa-Rambaud (La Messourguiero) le 5 fév, joué par la compagnie Les Sirènes ; les marionnettes articulées de Sandrine Maunier et Rémi Lambert le 6 (Veilleuse) qui racontent la relation d’une jeune fille avec sa veilleuse de nuit, jouée par la compagnie Théâtre désaccordé ; le 7, l’association Au bout du Conte fera jaillir les histoires et les murmurera (Cab’arrêt contes). Le samedi 8 fév sera dédié à Achille Grimaud, Serge Grondin et François Lavallée, trois compagnons de route, pour leur spectacle sur la francophonie et l’auto-fiction (le Cabaret de l’impossible). Ils seront aussi présents, le 9, à La Valette. du 5 au 8 fév Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr le 9 fév Théâtre Marélios, La Valette 04 94 23 62 06 www.lavalette83.fr

le 24 janv Maison du peuple, Gardanne 04 42 65 77 00 www.ville-gardanne.fr

Quichotte

J E U N E P U B L I C

© X-D.R

© Gaelle Evellin

P R O G R A M M E

Fatigué de son petit boulot mal payé, répétitif, voir aliénant, Michel se transforme, soudainement, en un Don Quichotte. Au passage, il embarque une petite caissière qui va devenir sa fidèle écuyère, Sancho Panza. Les deux personnages de cette adaptation du livre de Cervantès souhaitent corriger le monde afin de le rendre meilleur, notamment en ce qui concerne les valeurs de justice, de solidarité et d’amour courtois. Un défi que relèvent Bruno Deleu, et la compagnie Les nains du Sud. du 7 au 8 fév Parvis des Arts, Marseille 04 91 64 06 37 www.parvisdesarts.com


Les aventures de Tom... La vieille qui tricotait… Monsieur, Blanchette... La compagnie Amarande s’empare des épopées secrètes de Bulldozer. De la façon dont Bulldozer a lâché un cheval au galop en direction de la bouche de son frère, à ses propres fesses qui l’ont poursuivi pour chercher des endives, en passant par des méduses qui s’envolent juste au-dessus de personne... Tout vous sera dit, tout vous sera révélé. La metteure en scène Sophie Pavillard propose des bulles d’eau, des bulles d’oser. La vieille qui tricotait des bulldozers le 25 janv Théâtre de Simiane, Simiane-Collongue 04 42 22 62 34 www.simiane-collongue.fr

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JT H E U É N Â ET R PE U B L I C

le 1er fév Théâtre des Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr du 6 au 8 fév La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

© Jean-Marc Rigault

Fou amoureux de la jolie Becky, Tom Sawyer ne fait qu’inventer de nouvelles bêtises, à longueur de journée, avec ses camarades Huck et Joe. Son frère, Sid, et sa tante Polly, commencent à désespérer de son comportement infantile. Jusqu’au soir où un événement bouleverse tout le village et dont Tom Sawyer est le seul témoin. Pour le plaisir des grands comme des petits, le célèbre personnage de Mark Twain revient sur scène pour de nouvelles aventures, adapté et mis en scène par Freddy Viau. Dès 5 ans. Les aventures de Tom Sawyer le 15 janv Salle Émilien Ventre, Rousset 04 42 29 82 53 www.rousset-fr.com

Le Chat Botté

J’avance et j’efface

© X-D.R

Sous un ciel de... À la frontière de la Palestine et d’Israël, deux

enfants se rencontrent pour une affaire d’eau : Lirane, fillette de 8 ans, et Ferhat, âgé de 11 ans. En éteignant un feu imaginaire avec une bouteille d’eau, elle lance un appel «Au secours», qui alerte le garçon. Se forme, alors, une amitié profonde qui fait fi du conflit politique des deux pays. Une rencontre qui leur apprendra le respect et les mènera à l’invention de leur propre destinée. Wilma Lévy met en scène le texte de Daniel Danis. Dès 10 ans. le 21 janv Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

© Fabienne Rappeneau-Wikispectacle

Tout commence avec le livre géant du Chat Botté qui fera de son maître, Benjamin, le marquis de Carabas. Les pages défilent, les décors changent, les six membres de cette comédie musicale endossent différents rôles : d’un bouffon jongleur à un ogre transformiste, en passant par un roi très gourmand et une princesse amoureuse d’étoiles et de planètes. Cette adaptation du fameux conte de Perrault par l’Atelier Théâtre Actuel est une combinaison entre cirque, théâtre, combats et danse. le 29 janv Salle Émilien Ventre, Rousset 04 42 29 82 53 www.rousset-fr.com

© Isabelle Vignaud

P R O G R A M M E

Monsieur, un éleveur prospère, n’a qu’un seul rêve dans sa vie : vivre tranquillement avec ses chèvres. Mais c’était sans compter sur l’intervention d’un loup, qui veut les séduire. Ce petit voyou y arrive sans trop de difficulté. Monsieur retrouve un peu d’espoir grâce à une vache pas comme les autres, du nom de Blanchette. José Pliya, metteur en scène et directeur de l’Artchipel, en Guadeloupe, réadapte avec intelligence et force la fable de Daudet, La chèvre de Monsieur Seguin. Dès 7 ans.

© X-D.R

Le metteur en scène Alexis Armengol met en mots et en images un sujet grave avec légèreté et poésie : l’amnésie de Stirs, suite à un accident survenu alors qu’il avait 5 ans, et qui lui laisse 3 minutes d’autonomie… Avec sa nourrice japonaise, qui accompagne chacun de ses pas, et une narratrice-accompagnatrice-complice qui déroule le fil de son histoire, il réinvente une vie possible. La scénographie, ingénieuse et magnifique, mêle projections de vidéos et de dessins réalisés en direct par Shih Han Shaw. le 7 fév Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com les 18 et 19 fév Jeu de Paume, Aix-en-Provence 08 2013 2013 www.lestheatres.net


laissé voir un spectacle encore incomplet, s’arrêtant à mi-chemin du parcours d’Aladin, perdu dans une oasis loin de sa belle… Mais cette ébauche était déjà merveilleuse : l’adaptation du conte des Mille et une nuits est visuellement magique, les marionnettes de Matej Forman évoluant dans des décors en trompe-l’œil à surprises permanentes. Agnès Sourdillon est une narratrice malicieuse et délicieusement décalée, juste à portée des enfants, et ravissant les adultes. le 22 janv Festival Amarelles Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com le 28 janv Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 55 24 77 www.scenesetcines.fr

© X-D.R

le 30 janv Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr

La vie de Louise va très vite être mise sens dessus-dessous par le contenu de ses poches. C’est que la compagnie Les Jardins Insolites les a remplies d’histoires, et du lapin d’Alice. Ce voyage poétique emmène Louise sur les traces du lapin blanc qui a disparu, tout comme la carte cœur du jeu de cartes sur celui d’une souris qui a changé la tapisserie de sa maison, et sur un nuage qui s’est immiscé dans sa poche. Un voyage peuplé de péripéties. De 18 mois à 3 ans.

© X-D.R

C’est dans la poche Un beau matin, Aladin Owa quand le ciel... La création au Théâtre du Jeu de Paume a

Deux femmes, Tahamata et Ogoa, choisissent deux destins opposés : l’une opte pour la maternité, l’autre pour le pouvoir et la reconnaissance. Mais un besoin de maternité se tisse bientôt également en Ogoa. Elle part alors en quête de Woyengi, la Mère de toute création. Elle affronte homme, roi, phénix pour parvenir jusqu’à sa créatrice dans le berceau de l’Afrique et sa gestuelle musicale ici chorégraphiée par Konan Kouassi mis en scène par Philipe Boronad et la Compagnie Artefact. Owa, quand le ciel s’ouvre le 11 fév à 19h30 Le Rocher, La Garde 04 94 08 99 34 www.ville-lagarde.fr

Chubichaï Le chubichaï est un enfant au visage rond

comme la lune. Il appelle sa mère. Celle-ci ne répond pas alors il part à sa recherche. Sur son chemin, il rencontre des personnages étranges, mais retrouvera-t-il sa mère ? La Cie Le Vent des forges met ici en scène le théâtre des peurs enfantines avec l’invention d’un monde hostile, mais également de l’imagination du jeune âge à l’aide d’argile manipulée comme à l’aide de poupées inanimées mais vivantes aux yeux de l’enfant rêveur.

le 5 fév Forum des Jeunes, Berre l’Étang 04 42 10 23 60 www.forumdeberre.com le 12 mars Centre culturel René Char, Digne-les-Bains 04 92 30 87 10 www.sortiradigne.fr

qu’on s’en approche suffisamment près… L’entomologiste Jean-Henri Fabre, admiré de Darwin, en parle sans anthropomorphisme mais en décrivant les amours, les luttes et les obstinations des petites bêtes comme quelqu’un qui pour la première fois dévoile un mystère, et ouvre les portes d’un monde insoupçonné… Philippe Berling avait créé ce monologue, porté avec subtilité et passion par Jacques Mazeran, il y a une dizaine d’années. La langue du scientifique est délicieuse, et les histoires de ces êtres vivants aux vies si courtes sont étonnamment intenses… du 29 janv au 8 fév Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr

© Irena Vodakova

Go !!! Dans l’obscurité de son appartement, une

vieille femme voyage dans le peu de lumière qui lui reste. À l’aide de fragments d’objets rassemblés par du ruban adhésif, elle fabrique des souvenirs. Le passé devient alors plus vif que le présent car entremêlé aux vies de personnes admirées. Basé sur des notes de voyages prise par Polina Borisova, ce spectacle, qu’elle met en scène, scénographie et joue, raconte la solitude des personnes voyageant dans les souvenirs. Go !!! Les voyages intérieurs de Polina Borisova le 28 janv Le Rocher, La Garde 04 94 08 99 34 www.ville-lagarde.fr

© Renaud

Le pays des insectes Le monde des insectes est fascinant dès lors

les 22 et 24 janv Pôle Jeune Public, Le Revest-les-Eaux 04 94 98 12 10 www.polejeunepublic.fr

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Madame Bovary

La belle au bois... Babayaga Le baptême de la princesse Aurore, la bienveil- Figure mythologique des contes slaves, la lante Fée des Lilas luttant contre la méchante fée Carabosse, le piège du rouet sur lequel Aurore se pique le doigt… Le conte de Charles Perrault a marqué de nombreuses générations. Et il continue aujourd’hui avec ce ballet jeune public chorégraphié par Eric Belaud, directeur du ballet de l’Opéra du Grand Avignon. Sur une musique de Piotr-Illitch Tchaïkovski, la scénographie féérique et originale d’Emmanuelle Favre va à nouveau faire rêver petits et grands.

52 A U P R O G R A M M E JT H E U É N Â ET R PE U B L I C

© Yves Gabriel

Mariée à un médecin de campagne, la vie d’Emma est loin de ressembler aux histoires romantiques des livres qu’elle dévorait plus jeune. Tout en respectant le fil de cette célèbre tragédie, Agnès Limbos met en scène l’œuvre de Flaubert sous la forme originale du théâtre d’objet. Karine Birgé et Marie Delhaye de la Cie Karyatides déroulent les pages du roman comme un livre d’images. Avec une légère dose d’humour et une extrême finesse, elles animent des petites poupées délicates pour faire naître toute la poésie de cette intrigue résolument moderne. Dès 12 ans.

La belle au bois dormant le 18 janv L’Autre Scène du Grand Avignon, Vedène 04 90 31 07 75 www.lautrescene.com

le 8 fév PôleJeunePublic, Le Revest 04 94 98 12 10 www.polejeunepublic.com le 7 mai Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com

le 1 fév Théâtre Marelios, La Valette-du-Var 04 94 23 62 06 www.lavalette83.fr

L’envers de mes... La Cie Saïda Kao s’intéresse à un moment

le 4 fév Théâtre Durance, Château-Arnoux 04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr

le 12 fév Théâtre Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr

La Pelle du large Depuis plus de quarante ans, Philippe Genty

détourne des objets du quotidien et élabore des techniques théâtrales qu’il maîtrise à la perfection. Un navire formé d’une pelle et d’un manche à balai vogue sur une mer agitée en rideau de douche… Il suffit de peu de choses pour faire revivre au public les aventures extraordinaires d’Ulysse. Accompagné par trois comédiens manipulateurs, l’artiste s’empare de l’Odyssée d’Homère comme personne et recrée une mise en scène aussi drôle qu’astucieuse, agrémentée de jeux de mots irrésistibles. Dès 6 ans. le 11 fév Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com

le 1er fév La Croisée des Arts, Saint-Maximin 04 94 86 18 90 www.saintmaximin.fr le 4 fév Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 54 77 77 www.carreleongaumont.com

er

le 7 fév La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.com

«Babayaga» est une horrible ogresse. À travers les aventures d’une courageuse petite fille, deux danseuses guident les enfants dans un spectacle sans parole qui tire toute sa richesse des superbes illustrations de Rébecca Dautremer et d’effets scéniques associant les images et le son de manière étonnante. Connue pour ses performances interactives de qualité, la Cie TPO mêle la technologie à l’univers féérique des contes pour enfants. Ils pourront d’ailleurs participer et agir sur l’histoire avec l’aide d’une amulette magique !

© Julie de Waroquier

Cuisse de grenouille «Une histoire simple d’une jeune fille qui voudrait

devenir danseuse.» Le spectacle chorégraphique de la Cie Caterina & Carlotta Sagna est pourtant plus élaboré qu’il n’y paraît. Pour réaliser son rêve, l’apprentie danseuse va devoir faire de nombreuses rencontres : de la vieille danseuse russe aux techniciens et gardiens. C’est toute la magie de l’univers théâtral que la petite fille va découvrir à travers de drôles de personnages. Un voyage initiatique dans un décor ludique et surprenant d’où peut jaillir à tout moment, une méduse, une météorite ou même un flocon de neige géant ! Dès 6 ans. le 12 fév La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.com © Laurent Philippe

particulier pour l’enfant : la plongée vers le sommeil. Oreillers, couettes et voiles blancs sont au cœur du décor de ce spectacle construit à partir des témoignages des enfants euxmêmes. Ils ont discutés avec les artistes de leurs rêves, angoisses ou rituels avant de s’endormir. Le résultat offre des moments amusants et délicats mêlant danse, cirque et théâtre. Une performance interprétée par Edwige Pluchart qui s’adresse également «à nous, adultes, qui souvent, oublions de rêver». Dès 5 ans. L’envers de mes sommeils le 22 janv Théâtre Le Forum, Fréjus 04 94 95 55 55 www.aggloscenes.com

La leçon Ils sont trois : Sonia Diremdjian, Christine

Eckenschwiller et Yves Sauton de la Cie La mouvance. Des comédiens sur scène comme dans la pièce qui s’accrochent à leur seule raison de vivre dans un monde dévasté par la guerre : jouer La Leçon d’Eugène Ionesco. «Nous ne pouvons être sûr de rien mademoiselle, en ce monde !» dit le professeur dans cette œuvre qu’ils jouent et rejouent. Mais quel rôle jouer, quelle mise en scène ? «Quand l’absurdité de la pièce se mêle à l’absurdité de leur existence…» Dès 12 ans le 30 janv La Fabrik’théâtre, Avignon 04 90 86 47 81 www.fabriktheatre.fr


«Un pas de côté par rapport au quotidien…» La 16e édition des Elancées, festival des arts du geste qui prend place sur tout le territoire intercommunale de Ouest Provence, s’annonce d’ores et déjà éblouissante. C’est avec beaucoup de «joie et de fierté» qu’Anne Renault, sa directrice artistique, en a annoncé la programmation. Auparavant, Nicole Joulia, Présidente de Scènes et Cinés, vice-présidente de Ouest Provence et première adjointe au Maire d’Istres, avait souligné le fait qu’il était «exceptionnel de pouvoir présenter un festival qui soit à la fois tous publics et aussi pointu», et que pour permettre au plus grand nombre d’y participer, y compris à ceux qui, souvent, sont éloignés des salles de spectacles, les élus avaient souhaité maintenir les tarifs «très accessibles […] en dépit de conditions budgétaires compliquées» (le Pass Elancées est particulièrement intéressant !). À l’image du premier spectacle programmé cette année, le festival se fera le relais d’hommages à des grands noms de la scène et à de grandes troupes circassiennes : Aurélien Bory ouvre en effet avec Plan B (les 11 et 12 fév à l’Olivier, Istres), «un spectacle que nous avions accueilli à sa création il y a 10 ans» souligne

Lune Air

Nubes © Eduardo Garcia Gonzalez

Anne Renault, puis ce sera au tour de Philippe Genty avec Ne m’oublie pas (le 18 au Théâtre, Fos), qui y avait été présenté il y a 20 ans dans sa première version ; belles fidélités en cirque, avec la Cie Rasposo qui revient avec Morsure, sa toute récente création (du 21 au 23 sous chapiteau, Istres), la Cie Akoreacro avec Klaxon (du 14 au 16 sous chapiteau, Istres), ou encore Le Cirque Farouche de Zanzibar de Jef Odet pour une Soirée cabaret (le 13 au Magic Mirror, Istres) et Blast (les 15 et 16 à La Colonne, Miramas). Fidélités aussi en

danse avec la Cie espagnole Aracaladanza qui présente Constelaciones et Nubes, et la Cie X-Press pour FTT. Et puis, comme chaque année, les Elancées suivent et soutiennent les artistes de la région : Christine Fricker, Cie Itinérrances, reprend Faux pas… créé lors de la précédente édition (le 20 au Théâtre, Fos), la Cie Piccola Velocità propose Flûtt ! sa toute nouvelle création pour tout-petits (le 12 à l’Espace 233, Istres, et le 19 à l’Espace Pièle, Cornillon) ; quant à la Cie Grenade- Josette Baïz, elle est présente avec trois spectacles, Grand Hôtel (le 14 à l’Espace Gérard Philippe, Port-St-Louis), Allegoria Stanza (le 15 à l’Olivier) et Roméo & Juliette (le 22 à La Colonne), et participe aussi à des ateliers, depuis octobre, qui donneront lieu à trois représentations… Do.M.

Les Elancées du 11 au 23 fév Fos (04 42 11 01 99), Grans (04 90 55 71 53), Istres (04 42 56 48 48), Miramas (04 90 50 66 21), Port-St-Louis (04 42 48 52 31) www.scenesetcines.fr

Ali & Nous sommes… À bas bruit Les deux spectacles de la compagnie MPTA forment un ensemble. À l’aide de quatre béquilles, une lampe et une chaise, les acrobates Hedi Thabet et Mathurin Bolze imaginent avec Ali, un fabuleux spectacle d’équilibristes mêlant saltos et haute voltige. Dans la seconde partie inspirée du poète René Char, la danseuse Artémis Stavridis s’associe au duo d’artistes pour parler d’amour, de désir et de liberté. Également sur scène, quatre musiciens entrecroisent les musiques populaires grecques des années 20 (le rebétiko) au répertoire du compositeur tunisien Cheikh El Afrit.

© AFP

Après le succès d’Imagine-toi, Julien Cottereau se transforme en apprenti sorcier. Maladroit, drôle et illusionniste de talent, il emmène petits et grands dans un univers féérique direction la Lune. Méliès, Frank Sinatra ou encore Star Trek, les références de ce mime-clown-bruiteur d’exception sont aussi variées qu’amusantes. Entre folie et poésie, le public est invité à participer aux expériences les plus fantasques : de l’élaboration de potions magiques, aux sortilèges en passant par de multiples voyages dans le temps ! À partir de 7 ans. le 17 janv Théâtre Toursky, Marseille 0 820 300 033 www.toursky.org

Ali & Nous sommes pareils à ces crapauds qui dans l’austère nuit… du 16 au 18 janv Bois de l’Aune, Aix-en-Provence 04 42 93 85 40 www.agglo-paysdaix.fr © Manon Valentin

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© Christophe Raynaud de Lage

À la croisée du théâtre, du cirque et de la danse, Mathurin Bolze s’intéresse à la façon de marcher et de se déplacer grâce à différents agrès comme la roue à taille humaine ou le tapis roulant. «Comment le théâtre peut-il colorer notre travail de circassien ?» Le scénographe s’inspire également du travail de Jean Rouch, l’inventeur de l’ethnofiction, en liant le théâtre aux histoires personnelles des acteurs-acrobates. Au fil de la pièce, la Cie MPTA dévoile des petits portraits kaléidoscopiques aussi oniriques qu’hypnotiques. À découvrir en famille. les 4 et 5 fév Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com


Cité de la Musique

A U P R O G R A M M E M U S I Q U E

La nouvelle saison déroule son univers fertile et inattendu, entre concerts, rencontres et stages confondant tous les genres musicaux. Des ragas indiens et persans de la Cie Jhankar, implantée à Marseille, qui conversent dans le spectacle Rassa avec le kathak (danse classique du Nord de l’Inde) (30 janv), au Gu Zheng chinois (cithare sur table) de Zhou Jinglin (13 mars) ; du jazz nomade de Yazmen trio inspiré par la poésie yiddish et des auteurs de langue arabe ou berbère (7 fév), à la notion de filiation illustrée par les sonates pour flûte de Bach (père, fils et élèves) par la YLC Flûte Association (14 fév), ou la musique et danse des Balkans (le 8 fév) avec le collectif Balkan’ail. Le châabi s’unit au flamenco avec deux musiciens virtuoses : Juan Carmona & Ptit Moh (14 fév) ; Françoise Atlan partage ses Carnets de voyages (14 mars) ;

l’Ensemble contemporain Yin et les créateurs du MIM (Jean-Pierre Moreau, Philippe Festou et Nicolas Bauffe) présentent Kosmogonia, un concert construit autour d’une nouvelle interprétation de l’œuvre Tierkreis de Stockausen (13 mars) et 4 générations de compositeurs racontent 60 ans de musique acousmatique dans Foliephonies (17 mars). L’accordéoniste Roberto De Brasov accordera son blues aux

Concerts d’hiver de Tandem La SMAC Tandem poursuit sa programmation d’artistes et groupes locaux et nationaux, en partenariat avec plusieurs salles du département 83

nouvelle génération d’artistes Jamaïquains : Lutan Fyah & Jah Mason (13 fév). Soirées Local Heroes avec la sélection varoise du tremplin amateur de la région Paca Class’Eurock (25 fév) et le hard-rock des Toulonnais de U-Turn et The Welleave (29 mars) ; soirée Dub avec la fusion du groupe français Brain Damage et des anglais de Vibronics autour du projet Empire Soldiers (sur l’expérience des soldats anglo-caribéens et franco-africains lors de la 1ère guerre mondiale), relayés par le style très personnel de Panda Dub aux manettes (7 mars). Le rock indé des groupes Appletop, Alpes et Old moutain station fera vibrer, quant à lui, le Crep des Lices (15 mars).

Des découvertes blues pour ce premier trimestre, au théâtre du Rocher de La Garde : le folk blues contemporain de Mathis Haug (31 janv), le guitariste virtuose Martin Harley et Cosimo Blues en version duo (22 fév). À la Croisée des Arts de St Maximin, les Têtes Raides présenteront leur nouvel album Les Terriens (21 mars). Au Théâtre Denis, à Hyères, Emily Loizeau, au piano, donnera son nouveau spectacle intimiste, accompagnée par le violoncelliste Olivier Koundouno (15 fév). Les Femmes s’en Mêlent, le festival itinérant, militant et défricheur qui célèbre depuis 17 ans la scène féminine indépendante, dévoilera l’artiste Ana Aaron et le groupe Fôret (26 mars). L’Omega Live de Toulon accueillera le live jeune public des Wackids qui réinterprètent les standards du rock (4 fév), la 9e édition du festival Les Nuits de l’alligator avec l’antibeau-gosse de la pop Har Mar Superstar et le gospel de Como Mamas (5 fév) et une

Association Tandem, Toulon 04 98 070 070 www.tandem83.com

Bijan Chemirani

Mathis Haug © X-D.R

Artiste discret mais hyperactif, Bijan Chemirani, issu d’une famille de musiciens d’origine iranienne, est un virtuose. Au zarb, percussion traditionnelle perse, comme au saz, luth utilisé en Europe orientale et en Asie centrale. Sa renommée le conduit à de nombreuses collaborations. Mais pour une fois, c’est lui la tête d’affiche pour une carte blanche proposée par la Mesón. On le retrouve pour la première fois en solo puis avec Sam Karpienia au mandole (le 24), accompagné du pianiste Yaron Herman (le 25) et, enfin, avec sa sœur Maryam et Maria Simoglou au chant ainsi que d’autres invités pour une présentation d’un tout nouveau projet. T.D. Carte blanche à Bijan Chemirani les 24, 25 et 26 janv à 20h La Mesón, Marseille 1er 04 91 50 11 61 www.lameson.com

influences tziganes (29 mars) et Radica Sicula délivrera les récits musicaux traditionnels de la Sicile (24 janv). Le 13 fév, l’un des derniers griots du Sénégal, Samba Diabaré Sam participera au Festival du Fanal. Mais pour débuter l’année, c’est le collectif électro jazz Namaste ! qui présente son show du 15 au 17 janv, dans le cadre de la 12e édition de la campagne de prévention Trop puissant initiée par la région PACA et mise en œuvre par la Régie Culturelle Régionale, alternant musique et message pédagogique à l’attention des jeunes lycéens et apprentis pour les inciter à limiter les risques auditifs liés à la pratique et l’écoute des musiques amplifiées (ces animations-concerts se poursuivent jusqu’au 21 fév dans la région). Cité de la Musique, Marseille 04 91 39 28 28 www.citemusique-marseille.com

Charlie & Plouto’s Charlie & Plouto’s © X-D.R

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Yazmen trio © X-D.R

Brassage de langages musicaux à la Cité de la Musique pour ce premier trimestre 2014

Concert ? Conférence ? Théâtre musical ? Concerconférence plus exactement… puisque le spectacle Charlie & Plouto’s, agence d’annotation auquel nous convient le comédien Eric Leconte et le musicien David Rueff rassemble, dans une performance inédite, un conférencier et un concertiste ! À partir des figures des fantaisistes de music-hall, d’improvisations et de considérations sociales et politiques, les deux protagonistes, délicieusement cabots, accordent leurs saxophones et proposent une divagation autour du thème du succès. Une création construite au Forum de Berre, qui promet d’avoir du chien ! les 17 et 18 janv Forum de Berre l’Etang 04 42 10 23 50 www.forumdeberre.com

Das Simple

Le groupe marseillais, qui tourne désormais en quartet, sort son deuxième album, In Girum Imus Nocte, dévoilé en partie lors du festival MIMI 2012. Pour inaugurer l’année du lieu d’expérimentations culturelles Les Bancs Publics, Das Simple donnera un concert forcément punchy, entraînant le public dans ses rêveries métalliques et son puissant capharnaüm noiserock. Une bouffée d’énergie portée par des musiciens brillants. le 24 janv Les Bancs Publics, Marseille 04 91 64 60 00 www.lesbancspublics.com


Louis-Alexandre Nicolini & Gérard Mortier jouent les Études-Caprices pour deux violons (1862), huit pièces virtuoses de Wieniawski et, plus souvent à l’affiche, la Sonate op. 56 pour deux violons (1932) de Prokofiev.

La Cenerentola

MARSEILLE. Le 18 janv à 17h. Opéra Carte blanche à 11h aux élèves du CNRR de Marseille (entrée libre) 04 91 55 11 10 http://opera.marseille.fr

Orchestre SWR Stuttgart

© Thomas-Mueller

L’Orchestre de la Radio SWR de Stuttgart, dirigé par le chef français Stéphane Denève depuis 2011, joue la mélancolique Pavane pour une Infante défunte de Ravel, la 2e Suite de l’Oiseau de feu (1919) tirée du ballet de Stravinsky et Métaboles (1965) de Dutilleux, œuvre majeure du répertoire symphonique moderne évoquant l’idée de métamorphose. C’est en leur compagnie que se glisse également le pianiste Nicholas Angelich pour l’ultime (et le moins souvent joué) 4e concerto de Rachmaninov.

Après les Dialogues des Carmélites la saison dernière, Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeil mettent en scène cette Cendrillon (1817) peinte aux couleurs de Rossini. Si le livret s’écarte un peu du conte de Perrault, dans les détails tout en conservant sa trame, c’est pour en ôter la noirceur et réaliser une pure comédie où «la bonté triomphe»... et surtout la musique, avec ses vocalises belcantistes et ses galops de mots typiques de l’opéra-bouffe ! Le rôle-titre est tenu par la mezzo José Maria lo Monaco sous la direction musicale d’Edmon Colomer. TOULON. Les 24, 28 janv à 20h et le 26 janv à 14h30.Opéra 04 94 92 70 78 www.operadetoulon.fr

Mahler, Symphonie «Titan»

AIX. Le 21 janv à 20h30. Grand Théâtre de Provence 08 2013 2013 www.lestheatres.net

José Maria lo Monaco © X-D.R

Deux violons

Haendel en Italie

Dans le cadre de Musique Baroque en Avignon, la soprano Magali Léger et l’Ensemble Rosasolis interprètent des pièces sacrées et des Sonates en trio écrits par le jeune compositeur saxon lors de son séjour italien. À l’époque, au début du XVIIIe siècle à Rome, on interdisait les représentations d’opéras. Du coup, le texte latin est porté par une musique expressive, l’Alléluia est rieur, le Salve Regine tendre, le Gloria chargé d’une émotion condensée dans les douloureuses dissonances du «miserere nobis» : tout un théâtre intériorisé ! AVIGNON. Le 28 janv à 20h30. Opéra 04 90 82 81 40 http://operagrandavignon.fr

Lucia di Lammermoor Pas moins de six représentations du chefd’œuvre de Donizetti, Lucia di Lamermoor (1835), sont données en quelques jours sur la scène marseillaise. Du coup, l’ouvrage étant des plus éprouvants pour les cordes vocales, deux distributions alternent, dirigées par Alain Guingal. Cette coproduction des Opéras de Lausanne et Marseille fut un beau succès en 2007, grâce en particulier à la mise en scène de Frédéric Bélier-Garcia et aux décors de Jacques Gabel. On retrouve avec plaisir cette plongée crépusculaire dans la folie de l’héroïne qui trouve des accents inimitables dans l’air célèbre et inhumain qui conclut l’opéra. Un drame romantique inspiré de Walter Scott, situé dans l’Ecosse du XVIe siècle, qui narre les amours contrariées de Lucia et Elgardo. Avis aux afficionados du pur bel canto ! j.f MARSEILLE. Du 31 janv au 6 fév à 20h, sauf 2 fév à 14h (relâche 3 fév). Opéra Conférence le 25 janv à 15h 04 91 55 11 10 http://opera.marseille.fr

Simon Abkarian raconte un antique «chagrin d’amour», imaginaire quoique plausible : celui de Ménélas (faible ?), délaissé par la belle Hélène (volage ?) partie pour Troie dans les bras de Pâris. «Depuis longtemps je voulais faire un spectacle à propos de Ménélas et d’Hélène avec mon ami Grigoris Vasilas, bouzoukiste virtuose (et chanteur), et Kostas Tsekouras, guitariste hors-pairs» déclare l’acteur/poète. C’est au rythme du Rébétiko, musique populaire grecque des années 20, qu’on suit l’épopée, banalement tragique et universelle. MARTIGUES. Le 21 janv à 20h30. Théâtre des Salins 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr TOULON. Les 23 et 24 janv à 20h. Théâtre Liberté 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr

© Christian Dresse

Ménélas Rébétiko Rapsodie

Orchestre National de France - Radiofrance © Christophe Abramowitz

© Natasha Koutroupma

La 1ère Symphonie de Gustav Mahler surnommée «Titan», créée en 1889 avec le compositeur au pupitre, n’a pas d’emblée connu de succès. C’est au prix de remaniements qu’elle s’est imposée peu à peu au répertoire et a donné au grand chef d’orchestre qu’était Mahler ses galons de compositeur. On entend cette foison romantique, hymne à la nature et au temps suspendu, teinté d’ironique fanfare, de danse populaire et de mystères, d’ombres vaincues par la lumière... et son célèbre 3e mouvement conçu sur la mélodie de «Frère Jacques», par l’Orchestre National de France placé sous la baguette de son chef depuis 2008 : Daniele Gatti. Anne Gastinel interprète également en leur compagnie le Concerto pour violoncelle de Dvorak. L’O.N.F. donne aussi un Concert pédagogique sur Petrouchka de Stravinsky le 29 janv à 15h (jeune public). AIX. Le 28 janv à 20h30. GTP 08 2013 2013 www.lestheatres.net

55 A U P R O G R A M M E M U S I Q U E


Le son de Marseille

L’Italiana in Algeri

Ensemble Télémaque, Son de Marseille © Agnès Mellon

A U

M U S I Q U E

Trios Tchaïkovski & Rachmaninov

MARSEILLE. Le 30 janv à 19h. ABD Gaston Defferre Entrée libre sur réservation au 04 13 31 82 00 04 91 39 29 13 www.ensemble-telemaque.com

Quatuor Prazak © Guy Vivien

Trio Rachmanivov, Caroline Sageman © X-D.R

P R O G R A M M E

AVIGNON. Le 2 fév à 14h30 et le 4 fév à 20h30. Opéra 04 90 82 81 40 http://operagrandavignon.fr

Même si le vaste espace du Grand Théâtre aixois n’est pas le mieux à même pour favoriser une écoute sensible de la musique de chambre, on ne manque pas pour autant le Quatuor Prazak, fleuron de la musique tchèque dans son répertoire national. C’est Janacek que les cordes chantent dans tout son lyrisme narratif : le 1er Quatuor (1923) surnommé La Sonate à Kreutzer car il reprend musicalement la chronologie de la nouvelle tragique de Tolstoï, et son 2e Quatuor, Lettres intimes (1928), qui évoque l’amour qu’éprouva le vieux compositeur pour Kamila, jeune femme de près de 40 ans sa cadette. Les Tchèques jouent également Haydn et son Quatuor op.71 n°2 (1793). AIX. Le 6 fév à 20h30. Grand Théâtre de Provence 08 2013 2013 www.lestheatres.net

Mozart, Requiem

Le Chœur Accentus et Insula Orchestra, sous la direction de Laurence Equilbey, interprètent une œuvre phare de la musique sacrée : le Requiem (1791) de Mozart. Si l’on sait qu’une bonne partie de la partition, du fait de son inachèvement, n’est pas de la main de Mozart, elle demeure malgré tout une pièce emblématique du Salzbourgeois du fait de sa puissance expressive. Plus rare, c’est le Miserere (1731) de Zelenka, musicien tchèque baroque, que ce beau monde nous livre également : une «lamentation» riche en effets étonnants, frappants... Au quatuor de fameux solistes s’ajouterait, de surcroît, la voix aérienne de Sandrine Piau ! j.f

Le Murmure des Vents

Le doudouk, instrument à anche double, lointain cousin du hautbois, chante peut-être mieux que les mots l’âme de l’Arménie. Sa sonorité douce et grave, vibrante, évoque la solitude plaintive des steppes, des montagnes et plateaux caucasiens, à la lisière de l’Asie, les plaies d’une histoire tragique... Lévon Minassian en est un maître internationalement reconnu. C’est un message de fraternité qu’il livre en compagnie d’autres instruments traditionnels comme le kanoun (cithare) et le kamantcha (vièle), mais aussi un quatuor à cordes (Nor Arax), claviers et guitare flamenca (Pedro Aledo), la danse (Sandra Français) et la poésie (Kelly Martins et Richard Martin). MARSEILLE. Le 1er fév à 21h. Toursky 0 820 300 033 www.toursky.org Levon Minassian © X-D.R

C’est en partenariat avec le label Lyrinx que Macha Makeïeff affiche un de ces concerts que nous réservent depuis quelques années Suzanne et René Gambini. Ils suspendent leurs micros au-dessus des instruments pour graver l’intensité d’un enregistrement «sur le vif». Ce sont Caroline Sageman (piano), David Galoustov (violon) et Maja Bogdanovich (violoncelle) qui s’attaquent à deux belles fresques sonores du répertoire romantique russe : le Trio en la mineur op.50 (1882) de Tchaïkovski, marqué par le deuil et la disparition de Nikolaï Rubinstein, comme sans doute l’original Trio élégiaque n°1 en sol mineur (1892) de Rachmaninov. MARSEILLE. Le 3 fév à 20h. La Criée 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

AIX. Le 5 fév à 20h30. Grand Théâtre de Provence 08 2013 2013 www.lestheatres.net Insula orchestra © Julien Mignot

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Pour le premier concert célébrant ses vingt ans d’existence, l’ensemble Télémaque (dir. Raoul Lay) met en lumière une «école» marseillaise. Si chacun des compositeurs au programme possède son propre langage, on peut, à l’écoute des opus qui s’échelonnent de 1994 et 2011, lire des concordances en matière de lisibilité de la forme, de soin à ne pas rompre avec l’écoute sensible, de l’énergie rythmique... Si elle avait un «père», cette « école » ce serait Georges Bœuf (il a ouvert la première classe de composition au Conservatoire de Marseille en 1988) : on entend son sextuor Variasix (2000). Les compositeurs Régis Campo (Marseillais et ancien élève de Georges Bœuf) et Pierre-Adrien Charpy enseignent la composition, l’écriture au CNNR, et affichent respectivement un sextuor (Anima-1994) et un trio (Récréation-2008). Raoul Lay enfin, Marseillais ayant fait également classe auprès de Georges Bœuf, propose un très personnel quatuor : Ode à Victor (2011).

Quatuor Prazak

Cette production de L’Italienne à Alger (1813) de Rossini, dans la mise en scène rythmée et fantaisiste de Nicola Berloffa, a été créée à Marseille il y a un an et a obtenu un vif succès. Elle sait comment s’y prendre Isabella (Sylvia Tro Santafe) «pour dompter les hommes». Elle fera de son ravisseur algérois Mustafa (Donato di Stefano) un jouet au tempo de pivotements de décors et d’un reversement de valeurs : l’esclave favorite triomphe en femme libre ! Une comédie teintée d’orientalisme qui finit par un happy end, puisque l’Italienne retrouve son adoré de Lindoro (Julien Dran) et le Bey sa légitime (Clémence Tilquin) !


TOULON. Le 4 fév à 19h. Opéra 04 94 92 70 78 www.operadetoulon.fr

Murcof © Alejandro Vidal

Reevox

Jean-Marc Boissière (flûte), Alain Geng (clarinette), Stéphane Coutable (basson), Armel Descotte (hautbois) et Vladik Polionov (piano) jouent des «Musiciens de la Grande Guerre» en cette année 2014 de tragique centenaire. Adolescent en 1914-18, Gérald Finzi a perdu trois de ses frères et son professeur de violon durant le conflit. Erwin Schulhoff a été mobilisé à 20 ans : blessé au combat, un sentiment de révolte le conduit à adhérer aux idéaux communistes... et à mourir interné par les nazis en 1942 ! Leurs œuvres portent une cicatrice douloureuse, même longtemps après la 1ère guerre mondiale. Si Igor Stravinski a fui le conflit armé pour la Suisse, il a composé une pièce pour piano peu connue, dont le titre parle de lui-même : Souvenir d’une marche boche. André Caplet, enfin, exempté en 1914, s’est engagé volontaire lors de la mobilisation générale. Célèbre «musicien poilu», il joua en quatuor, au front, avec Lucien Durosoir, Maurice Maréchal et Henri Lemoine : c’est son beau Quintette qu’on entend. MARSEILLE. Le 8 fév à 17h. Opéra Carte blanche à 11h aux élèves du CNRR de Marseille (entrée libre) 04 91 55 11 10 http://opera.marseille.fr

Boris Berezovsky

MARSEILLE/AIX. Du 11 au 15 fév 04 96 20 60 10 Programme complet sur www.gmem.org Billetterie www.yesgolive.com/gmem

AVIGNON. Le 11 fév à 20h30. Opéra 04 90 82 81 40 http://operagrandavignon.fr Boris Berezovsky © X-D.R

Le Centre National de Création Musicale (GMEM) propose la 3e édition d’un festival interdisciplinaire consacré aux musiques et arts électroniques, «au croisement des esthétiques contemporaines et actuelles». Ce sont des concerts, rencontres, performances/créations (Pierre-Yves Macé, Pascal Gobin, Lucie Prud’homme, Charles Bascou, Sylvain Kassap à la clarinette, Murcof, Patrick Portella) mêlant les expériences sonores (comme celle du Chœur tac-til, constitué en partie de non-voyants), aux arts visuels (Nicolas Clauss), la danse (Marinette Dezeville), le geste de DJ et d’artistes «protéiformes» (eRikm, Jordan Saïsset, Franck Vigroux, Alva Novo, Justus Köhncke, Leftfield), de pianistes (Vanessa Wagner, Thomas Lehn, Reinhhold Friedl), et des séances pédago de concerts/écoutes commentés pour les grands et petits... Cinq jours nomades de La Friche de la Belle de Mai au Gmem (rue de Cassis) ou au Klap Maison pour la danse... jusqu’à Aix (Seconde Nature) et une soirée de clôture jusqu’à 2h du mat !

Si le pianiste russe joue Rachmaninov, ses Variations sur un thème de Chopin et sa Sonate n°2 op.36, c’est à la musique française qu’il consacre la seconde partie de son programme. On l’entend dans des pièces mêlant l’art des sons à la peinture et la poésie, dans Gaspard de la Nuit (1908) de Ravel (d’après les poèmes en prose d’Aloysius Bertrand s’inspirant euxmêmes de tableaux de Rembrandt et Callot) et une série de Préludes (1909-1913) de Debussy tirés du 1er cahier. Tout un monde sonore qui ne manque pas de stimuler l’imaginaire, où défilent en rêverie des images sensuelles, impressionnistes, ou des poèmes symbolistes.

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Le contre-ténor fait partie du cercle restreint des «stars» de ce registre vocal faisant florès depuis quelques décennies dans les théâtres de France et Navarre. S’il a du coffre ce falsetto-là, il lui faudra passer la rampe de la grande salle aixoise, en compagnie de l’Ensemble Armonia Atenea (dir. George Petrou), pour toucher les derniers balcons. Il rend un hommage «rococo» à Gluck en 2014 à l’occasion du tricentenaire de sa naissance. Autour de ce grand réformateur de l’opéra, on goûtera à des pièces de quelques contemporains au XVIIIe siècle : Hasse, Jommelli et Galuppi. AIX. Le 12 fév à 20h30. Grand Théâtre de Provence 08 2013 2013 www.lestheatres.net

Entrelacs de la nuit Ensemble Musicatreize © Guy Vivien

romantique, une ambivalente gaîté teintée de grise mélancolie. Son Adagio, hypnotique et ciné-génique (cf. le film Nocturne indien d’Alain Corneau), est l’une des plus belles pages de l’histoire de la musique de chambre. Il est joué aux violons par Sylvie Bonet & Corinne Moirano-Cartigny, à l’alto par Valérie Pelissier et aux violoncelles par Natacha Sedkaoui et Manuel Cartigny.

Max Emanuel Cencic

Max Emanuel Cencic © Julian Laidig

Quintette de Schubert Musiciens de Le Quintette pour deux violoncelles en ut majeur la Grande Guerre (1828) de Schubert développe une atmosphère

Un grand concert classique de l’ensemble Musicatreize (dir. Roland Hayrabedian) pour seize voix a cappella ! C’est la «nuit» qui sert de fil conducteur à un programme qui balaye un large spectre de l’histoire musicale : de Brahms (Wiegenlied, In stiller Nacht) ou Strauss (Der Abend) à des pièces plus récentes d’Edith Canat de Chizy (Berceuse), Goffredo Petrassi (6 Nonsens) ou Einojuhani Rautavaara (Suite Lorca). Au passage, on entend aussi les Trois chansons de Ravel, celles «de Charles d’Orléans» de Debussy et les Huits chants sacrés et profanes de Britten. Un beau programme qui invite aux songes nocturnes ! j.f MARSEILLE. Le 15 fév à 20h. Salle Musicatreize 04 91 00 91 31 www.musicatreize.org

P R O G R A M M E M U S I Q U E


Ramallah et Tirana

Dans cadre du cycle Regards sur ville et en pré-ouverture du festival Komm’n’act, une plateforme de la jeune création internationale à Marseille, la Villa Méditerranée propose, le 24 janvier, la projection de Ramallah (2013) de Flavie Pinatel, de petits portraits drôles, graves ou décalés d’habitants de la ville palestinienne. Et Tirana (2012) d’Alexander Schellow, une cartographie fictive de l’Albanie mêlant images réelles et d’animation. Villa Méditerranée, Marseille 04 95 09 42 52 www.villa-mediterranee.org

58 A U P R O G R A M M E C I N É M A

One day after peace La Squale «Les méthodes employées pour résoudre le conflit en Afrique du Sud peuvent-elles s’appliquer au conflit israélo-palestinien ?» À l’occasion de la 5e édition du Festival International du Film des Droits de l’Homme en Provence, le cinéma Les Variétés organise, le 30 janvier, la projection de One day after peace (2012) de Miri & Erez Laufer, Grand Prix du Jury Étudiant du festival 2013. Une séance suivie d’un débat. Cinéma Les Variétés, Marseille 08 92 68 05 97 www.cinemetroart.com

Cartes Blanches au MuCEM

La Squale de Fabrice Génestal

Le MuCEM accorde une Carte Blanche les 8 et 9 février à la comédienne algérienne Nadia Kaci, parmi la programmation : Délice Paloma (2005) de Nadir Moknèche, Les Suspects (2005) de Kamal Dehane, présent avec la comédienne. Les 15 et 16 février, une Carte Blanche est également donnée à Boudjemâa Karèche, ancien directeur de la Cinémathèque d’Alger, et au cinéaste Tariq Teguia dont sera projeté Rome, plutôt que vous. L’occasion de présenter les films de jeunes réalisateurs algériens prometteurs : Bîr d’eau, à Walkmovie de Djamil Beloucif, La parade de Taos de Nazim Djemaï ou J’ai habité l’absence deux fois de Drifa Mezenner. MuCEM, Marseille 04 84 35 13 13 www.mucem.org

Les Jours heureux Les jours heureux de Gilles Perret © Vaka Productions

Les Jours heureux est le nom du programme du Conseil National de la Résistance qui a donné naissance à la sécurité sociale, aux retraites par répartition… Le film documentaire de Gilles Perret s’intéresse à ce mouvement de résistance à travers les témoignages de figures politiques d’hier et d’aujourd’hui. La séance du 20 janvier à 20h est suivie d’un débat animé par «Attac fait son cinéma» avec Robert Menchérini, spécialiste de la résistance. Cinéma Les Variétés, Marseille 08 92 68 05 97 www.cinemetroart.com

Le 10 février à 20h30, projection de La Squale en présence du réalisateur, Fabrice Génestal, en partenariat avec La Réplique. «La Squale» vit dans le culte du père qu’elle n’a pas connu, Souleymane, le caïd légendaire de la cité. Lorsqu’elle croise le regard de Toussaint, un chef de bande auteur d’un viol collectif, elle n’a de cesse de le séduire. Cinéma Alhambra, Marseille 04 91 03 84 66 www.alhambracine.com One day after peace de de Miri & Erez Laufer © Erez Laufer Films

À Ciel ouvert

François Truffaut

Le 23 janvier à 20h30, à L’Alhambra Ciné Marseille, projection du dernier documentaire de Mariana Otero, À Ciel ouvert, en sa présence. À la frontière franco-belge, existe un lieu hors du commun, le Courtil, qui prend en charge des enfants psychiquement et socialement en difficulté… et le 24, ce sera Afrik’Aïoli de Christian Philibert, en présence de l’équipe du film. Cinéma Alhambra, Marseille 04 91 03 84 66 www.alhambracine.com

Passer l’hiver

Le 7 février à 20h30, projection de Passer l’hiver, librement adapté de la nouvelle d’Olivier Adam, Nouvel An dans le recueil Passer l’hiver ; en présence de la réalisatrice Aurélia Barbet. Avec Gabrielle Lazure, Lolita Chammah, Sophie Cattani… Une station service. Deux femmes. L’hiver. Du quotidien. Et puis une prise de risque… Une histoire de liens qui se tissent. Cinéma Alhambra, Marseille 04 91 03 84 66 www.alhambracine.com Passer l’hiver d’Aurélia Barbet © Shellac

Jules et Jim de François Truffaut © MK2 Diffusion

«Pour Truffaut, le cinéma pouvait être plus important que la vie.» Du 8 au 28 janvier, l’Institut de l’Image présente une rétrospective des plus grands films du réalisateur français des années 60 à 80. L’occasion de voir ou revoir Catherine Deneuve et Gérard Depardieu dans Le dernier métro (1980), Fanny Ardant et Jean-Louis Trintignant dans Vivement Dimanche ! (1983), Jeanne Moreau dans Jules et Jim ou La Mariée était en noir et suivre le périple amoureux de Jean-Pierre Léaud dans Les quatre cents coups (1959), Baisers volés (1968) et Domicile conjugal (1970). Le 18 janvier à 16h30, le monteur Yann Dedet rencontrera le public après la projection de La Nuit américaine. Institut de l’Image, Aix-en-Provence 04 42 26 81 82 www.institut-image.org


Jasmine à la Ciotat

Le 20 janvier à 19h au cinéma Lumière à La Ciotat, Art et Essai Lumière reçoit Alain Ughetto qui présentera son superbe film, Jasmine. Dans le Téhéran de Khomeiny, mystérieux et oppressant, dans le tumulte de l’Histoire, des êtres de pâte et de sang luttent comme bien d’autres pour l’amour et la liberté. Du frémissement de la pâte modelée, surgit la plus incroyable des histoires mêlant l’amour et la révolution : France, fin des années 70, Alain rencontre Jasmine, une Iranienne ; elle change le cours de sa vie. (Écouter la chronique sur la WebRadio Zibeline). Art et Essai Lumière, La Ciotat www.artetessailumiere.fr

Soirée «SPACE» 2001 l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick © Stanley Kubrick Productions

Le cinéma Royal de Toulon organise une soirée «space», le 8 février à 20h30. La tête dans les étoiles, le spectateur est invité à la projection de deux épopées spatiales avec 2001: l’Odyssée de l’espace (1968) de Stanley Kubrick dans sa dernière version numérique et Gravity (2013) d’Alfonso Cuaron en 3D. Cinéma Le Royal, Toulon 06 25 08 56 32 www.cineroyaltoulon.com

Première fois

Du 11 au 15 février à l’École Supérieure d’Arts d’Aix-en-Provence, se tiendra la 5e édition du festival de premiers films documentaires, courts et longs, portant des regards singuliers sur le réel. Parmi les 300 films reçus, provenant de France, du Canada, de Belgique, d’Algérie, d’Égypte, d’Espagne, d’Italie ou encore d’Allemagne, une quinzaine seront projetés en présence de leurs auteurs. Après Jean-Pierre Thorn et Dominique Cabrera, c’est Henri-François Imbert qui est l’invité d’honneur, un cinéaste de la trace, de la mémoire des images. Il donnera, le 13 fév à 10h30, une master class publique, revenant sur son parcours, sur sa démarche, extraits de films à l’appui, nous faisant voyager de l’Irlande du Nord à la France, en passant par l’Espagne ou le Mali. En ouverture, le 11 à 19h, ses premier et dernier films réalisés à 20 ans d’intervalle : André Robillard, à coup de fusils ! (1993) et André Robillard, en chemin, deux films sur un artiste internationalement reconnu de l’Art Brut.

Sur la plage de Belfast de Henri-François Imbert © Libre Cours

En clôture, le 15 fév à 19h, le superbe Sur la plage de Belfast (1996) où le réalisateur part en Irlande du Nord retrouver des gens qu’il a vus sur un film Super 8 inachevé, trouvé dans une caméra qu’on lui a offerte. ANNIE GAVA

Festival la première fois Les Films du Gabian 06 48 08 52 87 www.festival-lapremierefois.org

La Criée Tout Court : épisode 2 Du 24 au 26 janvier, en partenariat avec Révolution des crabes d’Artus de Pins. le Festival International de Court métrage En animation, on pourra voir Oh Sheep ! de de Clermont-Ferrand, La Criée propose Gottfried Mentor, Braise de Hugo Frassetto trois jours de courts métrages pour ou Kali le petit vampire de tous les âges et tous Regina Pessoa. Ne ratez les goûts : une sélection pas Avant que de tout «sur-mesure» de films perdre de Xavier Legrand, issus des différentes Ce n’est pas un film de compétitions de Clermont cow-boys de Benjamin (Nationale, Internationale, Parent, Welcome and... Labo) à découvrir pour Our Condolences de Leon une immersion dans la Prudovsky, et le grand nsson-©-kostrfilm prix 2013 de Clermont, création contemporaine. ummers-d’Ola-Simo -Dr Six ndnt-a En ouverture, le 24 à 20 h, 8 For-One-Apartme Para armar un helicóptero d’Izabel Acevedo. courts parmi lesquels le réjouissant Music A.G. for One Apartment and Six Drummers, une attaque musicale bien organisée dans une La Criée Tout Court banlieue, des Suédois Ola Simonsson et La Criée, Marseille Johannes Stjärne Nilsson ; le fameux Ilha 04 91 54 70 54 das flores du Brésilien Jorge Furtado et La www.theatre-lacriee.com

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A U P R O G R A M M E C I N É M A

C’est la cinéaste Dyana Gaye qui ouvrira les 27e Rencontres Cinéma de Manosque, le 4 février, avec Un transport en commun, voyage en musique de Dakar à St Louis et son dernier film, Des Étoiles qui suit les parcours de la diaspora sénégalaise. Des rencontres placées sous le signe de la diversité des regards, toujours singuliers ; des films d’aujourd’hui, mais aussi d’hier que Pascal Privet prend le risque de montrer parce qu’on ne les a pas vus souvent, et qu’ils méritent le détour, ou parce qu’ils sont encore fragiles. Qui connait, par exemple, Jacques Baratier ? Un hommage est rendu à ce cinéaste poète

Des Etoiles de Dyana Gaye © Haut et Court

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Les yeux encore plus grands…

dont le film Goha le simple (1958) adapte un chef-d’œuvre égyptien, et dont JeanLuc Godard a dit que sa beauté était aussi maladroite que belle sa maladresse. Sa fille, Diane sera présente pour parler des films de son père, La Ville bidon, Eves futures, mais aussi des siens, Portrait de mon père et L’Avenir de la mémoire, de l’argentique au numérique. Mémoire encore : Des yeux plus grands que les oreilles, documentaire tourné en 16 mm par Jean Arlaud en 1989 qui présente des métiers aujourd’hui disparus aux Salins d’Hyères. Et deux anciens élèves du Lycée Esclangon qui

reviennent à Manosque, Dominique Dattola avec Les trois vies du chevalier qui raconte l’évolution de la liberté de penser depuis le siècle des Lumières jusqu’à aujourd’hui et Alain Ughetto avec Jasmine qui remodèle son histoire d’amour, tout comme Dominique Cabrera a filmé durant dix ans sa famille, cherchant les fils qui relient dans Grandir. Claire Simon qui avait présenté Coute Que Coute, Sinon Oui… revient elle aussi à Manosque pour présenter Gare du Nord avec Nicole Garcia et Reda Kateb ainsi que son documentaire, Géographie humaine. Il ne faudra pas rater Révolution Zendj, Grand Prix-EntreVues/Belfort 2013, de Tariq Teguia, dont on avait apprécié Rome plutôt que vous et Inland. Prenons aussi le risque de voir des premiers films : celui d’Emir Baigazin, un film du Kazakhstan, sur le système de violence inhérent à la nature humaine, Leçons d’harmonie ; Sopro du Brésilien Marcos Pimentel et Of Horses and Men de l’Islandais Benedikt Erlingsson. Et d’autres encore que vous découvrirez. ANNIE GAVA

Rencontres Cinéma de Manosque du 4 au 9 février Théâtre Jean Le Bleu et cinéma Le Lido 04 92 70 35 05 www.oeilzele.net

Des Lumières et du Polar Du 8 au 16 février, se tient, au cinéma Les Lumières de Vitrolles, Polar en Lumières, parrainé cette année par Jean-Pierre Mocky, avec comme invité d’honneur, Richard Bohringer à qui est consacré la journée du 10. Films, concerts, débats et rencontres au programme de cette 5e édition. En ouverture, le 8 à 19h, après un concert et un buffet, projection de Le Renard jaune, en présence de Jean-Pierre Mocky qui participe aussi, le lendemain à 17h, à une table ronde avec Richard Bohringer, avant la projection de deux de ses films dont Dors mon lapin à 21h. Le 11 fév, on partira à Porto-Vecchio, avec Les Apaches, en présence de son réalisateur Thierry de Peretti alors qu’on passera la journée du 13 dans l’univers de Daniel Pennac avec la projection d’Au bonheur des ogres de Nicolas Bary et la pièce de théâtre Monsieur Malaussène par la Cie Le Théâtre Populaire Nantais. Le lendemain, soirée blues et concert improvisé sur Fantômas (1913) de Louis Feuillade. Le 15, embarquement pour le Venezuela avec Pierre, papier, ciseaux en présence de son réalisateur Hernan Jabes, précédé d’une rencontre autour du polar sud-américain. Les «petits» ne sont pas oubliés : le 12 ils ont droit à un ciné-goûter : Jack et la mécanique du cœur de Mathias Malzieu et Stéphane Berla.

Hipótesis de Hernán Goldfrid © Eurozoom

Pour terminer, le 16 fév, après un concert du trio Borsalino, projection du thriller argentin de Hernán Goldfrid avec Ricardo Darín, Hipótesis, qui met en scène un prof de faculté persuadé que son élève est coupable d’un effroyable meurtre. ANNIE GAVA

Polar en Lumières du 8 au 16 février Cinéma Les Lumières, Vitrolles 04 42 77 90 77 www.cinemaleslumieres.fr


Made in courts

«Le jour de l’ouverture des soldes, la culture ne fait pas le poids» se désole l’ouvreur de l’auditorium Germaine Tillon en ce mercredi de début d’année, devant une salle quasiment vide. Pourtant la poignée d’enfants présents, accompagnés par des mamans nostalgiques, se régale à la vision d’un film de 1952 réalisé par Luigi Comencini avec des acteurs non-professionnels dans les rôles principaux. Heidi dégage un charme désuet mais toujours efficace, emportant les jeunes spectateurs à la poursuite d’un troupeau de chèvres sur de magnifiques alpages sépias. Le destin de la petite orpheline, séparée de son grand père bourru à souhait interprété par Heinrich Gretler, étreint toutes les poitrines. Lorsqu’elle se retrouve en ville, sous la coupe d’une gouvernante des plus névrosées (succulentes scènes où une portée de chatons terrifie cette dernière), on voit avec un pincement au coeur son mal du pays s’intensifier. Compagne de la jeune fille de la maison, une charmante infirme

avec poésie changements, plissements, gonflements… sans oublier le fameux Tram, comédie érotique de Michaela Pavlátová, réalisatrice d’origine tchèque, inspirée par le quotidien d’une conductrice plantureuse, qui se laisse emporter par ses fantasmes, érotisant le véhicule, le tout souligné par une petite musique signée Petr Marek, qui rythme admirablement le film. Les courts métrages présentés dans ce programme «Jeunesse d’ailleurs» étaient de qualité, mais le public n’était pas au rendez-vous. Date mal choisie ? Made in friche ne commençait que le lendemain…

Communication insuffisante ? Quoi qu’il en soit, on ne peut que regretter que des projections de courts métrages, gratuites, n’aient pas attiré plus de spectateurs. ANNIE GAVA

Le Jour le plus Court a eu lieu le 20 décembre à la Friche la Belle de Mai, à Marseille 01 44 84 38 11 www.lejourlepluscourt.com

Heidi © Splendor Films

Tralala-i-ou

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Ab Ovo d’Anita Kwiatkowska-Naqvi © PWSFTviT

Pour le démarrage de la 3e édition du Jour le plus Court, l’association chargée de son organisation, Scénario au long court, avait choisi Marseille, dans le cadre de MP 2013, et a invité le public à une soirée à la Friche de la Belle de Mai, la veille du solstice d’hiver. Un événement organisé avec la collaboration de la Scam, l’Agence du court métrage, MP 2013, La Friche la Belle de Mai, Short Film Circuit et Lobster Films. Pour commencer la soirée, un programme a rendu hommage aux 11 pays qui organisent leur Jour le plus court. Pour l’Espagne, Contracuerpo, un des courts de la trilogie d’Eduardo Chapero-Jackson mettant en scène une jeune femme (Macarena Gómez) qui va jusqu’aux limites de son corps ; un superbe film qui aborde la question du corps des femmes et de l’anorexie. Treffit (Le Rendez-vous) du Finlandais Jenni Toivoniemi, raconte l’histoire d’une rencontre entre trois personnes et deux chats de sexe opposé... alors que Flamingo pride relate les aventures d’un flamant rose, seul oiseau hétéro dans un essaim de flamants homosexuels qui est tombé amoureux d’une cigogne femelle… Ce film d’animation de fin d’études de Tomer Eshed, qui a nécessité trois années de travail et une équipe de 30 personnes, est un petit bijou visuel. Autres films d’animation très réussi, Ab Ovo de la Polonaise Anita Kwiatkowska-Naqvi, qui présente le corps d’une femme pendant la grossesse, modelant

à laquelle elle redonne le goût de marcher, mais contrainte d’apprendre les bonnes manières et même à lire (au grand dam de son ami d’enfance, le petit Pierre pâtre et illettré), Heidi s’étiole. Cependant tout est bien qui finit bien, dans les montagnes suisses où l’éternelle fillette aux jolies nattes peut retourner chanter à pleins poumons sa joie de vivre sur la Crête de l’Écho. GAËLLE CLOAREC

La projection de Heidi a eu lieu le 8 janvier au MuCEM, Marseille

P C OI N L ÉI M T AI Q U E C U L T U R E L L E


Pierre Alechinsky, Soleil tournant, 1987. Coll. musée Réattu, don de l’artiste 1990. Encre de Chine et estampage sur papier de Chine marouflé sur toile 190x97cm © ADAGP, Paris 2013

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Laure Guilhot, Rhyzotopia, 2011 et deux peintures d’Antoine Raspal, vers 1775_1780, Coll. musée Réattu © C. Lorin_Zibeline

Réattu s’entête Revoir Réattu... le nouvel accrochage des collections marque la nomination à la tête du musée Réattu d’une nouvelle conservatrice. À nouvelle direction, nouvelles orientations ? Pascale Picard s’en est entrenu avec Zibeline. L’entretien est ici.

En prenant à son tour les rênes du musée Réattu, Pascale Picard poursuit les liens complices tissés avec la ville. Après avoir assuré la responsabilité des collections ethnographiques du Museon Arlaten, ce docteur titulaire d’une thèse sur Ingres et l’antique, a travaillé comme conservatrice au Musée départemental Arles antique et fut la commissaire de la récente et très remarquée exposition Rodin, la lumière de l’antique. Quand Michèle Moutashar, son prédécesseur, avait scellé son mandat d’une large part accordée à l’art contemporain (Nuages, sa dernière exposition dans le cadre de Marseille-Provence 2013), dans une continuité mesurée, Pascale Picard entend appuyer son action sur le patrimoine et les collections d’un musée des Beaux-Arts, sous la figure tutélaire du peintre arlésien qui donna son nom à l’établissement. À l’abri des bâtiments de la Commanderie de Malte classés aux Monuments Historiques, il s’agit d’amplifier le travail scientifique à l’endroit des 4 600 œuvres, «cœur palpitant du musée», et poursuivre les actions en direction «du public sans lequel le musée n’existe pas». Si la politique d’acquisition nécessite une pause et réflexion -les budgets imposent leur dictat- elle n’est pas pour autant remise en cause dans le principe.

Jacques Réattu, Demi-figure peinte, 1789. Coll. musée Réattu. Dépôt de l’ENSBA de Paris 2007. Huile sur toile - 100x80 cm

Une sculpture de Jean-Blaise Picheral, artiste travaillant à Arles et responsable de la galerie Archipel, a rejoint récemment la section d’art contemporain. D’un autre côté, la gestion et la conservation ne sauraient être la seule justification d’un établissement muséal. Bien que de statut municipal, le Réattu doit sa réputation au-delà des frontières camarguaises pour bonne partie à ses collections (donation Picasso, département photographique) comme à sa politique d’expositions. Plusieurs projets sont dans les cartons. Des temps forts ponctueront l’année avec des prêts exceptionnels comme au moment de l’ouverture

de la Fondation Van Gogh. Cet été lors des rencontres de la photographie, un hommage sera rendu à Lucien Clergue, pionnier avec Jean-Maurice Rouquette de la création dans un musée des Beaux-Arts d’une collection photographique dont on fêtera les cinquante ans en 2015. Puis retour à l’art néoclassique de Jacques Réattu en 2016. Cible de cette nouvelle programmation, le public arlésien en particulier saura-t-il réapprendre le chemin du Réattu ? CLAUDE LORIN

Revoir Réattu Musée Réattu, Arles 04 90 49 31 14 www.museereattu.arles.fr


Les trésors cachés des quartiers Mis en œuvre par MarseilleProvence 2013, les Ateliers créatifs favorisèrent la rencontre entre les artistes et les habitants de quartiers en rénovation urbaine. Tels la cité des Abeilles à La Ciotat et Beisson à Aix qui font l’objet de deux expositions et deux livres Hors contexte du programme, D’un rien prolongé à la Chapelle des Pénitents bleus à La Ciotat (13-29 décembre) et Trésors de Beisson au musée Granet à Aix présentent un intérêt artistique mineur. Car l’enjeu ne se situe pas dans la monstration mais dans l’expérience, complexe, hors des médias et des lieux de culture. Les expositions sont la manifestation émergée d’un investissement au long cours des artistes auprès des habitants, la restitution visible d’un protocole de rencontres, d’ateliers, de résidences dont on perçoit des bribes à travers des photographies, des objets intimes et familiers, des dessins, des films, des paroles. Expériences qui laissent des traces et des souvenirs partagés, et se prolongeront dans l’installation en février, sur l’esplanade du Belvédère à Beisson, de la sculpture monumentale La Rose des vents de Jean-Michel Othoniel. Dans la reconduction à La Ciotat de balades architecturales, ou la rediffusion à l’Eden et en plein air des films réalisés en super 16, la Ville ayant souhaité que les artistes poursuivent leur inscription à l’Abeille au-delà des Quartiers créatifs. Les expositions ne disent mot de l’histoire des cités (à l’exception de plan et planning d’occupation des terrains du Beisson), du vivre ensemble ; elles ne révèlent pas ce qui ne se voit pas. Il est ici question de «jubilations poétiques» et artistiques. À La Ciotat : peintures de passants et de «spectateurs modèles» de Raphaëlle Paupert-Borne ; Compositions de Suzanne Hetzel mêlant documents, cartes postales, objets et récits d’habitants ; photographies de Mohamed Boucherit ; calendriers perpétuels de Giuseppe Secci qui habite l’Abeille ; diffusion brute de décoffrage des réalisations de l’Atelier collectif Film Flamme au point que le son est inaudible pour cause «des paroles trop vulgaires», dixit la personne de l’accueil… À Aix : pastels et photos de Marc Couturier qui transcendent le motif des balcons en formes abstraites, Musée de nous conçu comme un cabinet de curiosités, vidéos des chorégraphies de Islam El Shafey, dessins

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Vue de l’exposition à la Chapelle des Pénitents Bleus, La Ciotat, décembre 2013 © Martine Derain

préparatoires de La Rose des vents et sélection d’œuvres de Jean-Michel Othoniel. Autant d’images parcellaires qui éclairent, faiblement, les processus mis en œuvre et omettent certaines difficultés : «À La Ciotat, l’atelier n’a pas eu beaucoup de succès, explique Martine Derain. On a été obligé de modifier le projet. Mais on est arrivé à faire ce que l’on voulait faire : créer une fiction et l’amener auprès des gens qui se la sont appropriée»… En ce sens le programme interroge les politiques de la ville, les conditions d’interventions des artistes, le sens caché de la transformation d’un «quartier sensible» en «quartier créatif». Le catalogue Trésors de Beisson l’évoque brièvement dans le chapitre «Comme un village» constitué de photographies prises sur le terrain par Christophe Duranti. Seul l’ouvrage Prolongé d’un rien, Journal de bord d’un quartier créatif de Marseille-Provence 2013 est le véritable miroir du quotidien partagé à l’Abeille. Il donne des pistes de réflexion et des clefs de compréhension, mettant des mots et des visages sur des expériences, humaines d’abord, artistiques ensuite, racontant les doutes, les illusions et les désillusions, les petits et grands bonheurs. Tel ce SMS de Jean-Marie Gilson adressé à Martine Derain le 17 septembre 2013 : «Bravo à vous tous, belle jolie vision de l’Abeille et des différences de couleurs, de pays et de culture, un joli moment de tolérances bises, vous et encore bravo, nous vous aimons vous les artistes d’une seconde de notre vie.» Et si c’était cela la réussite des Quartiers créatifs : être artiste d’une seconde dans la vie de l’autre ? Au-delà des œuvres, des expositions, des films, des livres, une autre façon de mener une politique culturelle offerte enfin à ceux qui en sont loin ? MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Le programme Quartiers créatifs s’est déroulé à la cité de l’Abeille à La Ciotat de juin 2011 à décembre 2013 et à la cité Beisson à Aix-enProvence en 2013.

À voir Trésors de Beisson Marc Couturier, Jean-Michel Othoniel jusqu’au 16 février Musée Granet, Aix-en-Provence 04 42 52 88 32 www.museegranet-aixenprovence.fr

À lire Prolongé d’un rien Journal de bord d’un quartier créatif de MarseilleProvence 2013 Éditions Commune, 25 euros Trésors de Beisson Catalogue de l’exposition Coédition musée Granet / Beaux-arts de Paris éditions, 25 euros

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Art Public

Ben, Buren, les Art’bribus : à Istres, l’art contemporain est invité à investir l’espace public

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Dotée d’un Centre d’art intercommunal dans le cadre d’Ouest-Provence (lire régulièrement nos chroniques) et d’un lieu d’exposition à la Chapelle Saint-Sulpice, la municipalité d’Istres s’est orientée par ailleurs dans son plan de rénovation urbaine vers les formes d’art contemporain hors musée. Le projet Art’bribus avait inauguré cette inclination, prolongée, pour l’année Marseille-Provence Capitale de la culture, avec l’invitation de quelques grands noms : Hervé Di Rosa, Robert Combas, Ricardo Mosner, Erro, Robert Crumb. Une brochure distribuée gratuitement précise l’implantation de ces abris rénovés par les artistes. Le but affiché par le premier magistrat est d’envisager «l’art comme un outil pour renouveler le développement urbain, posant le sentiment esthétique comme outil essentiel du bien vivre ensemble»1 en sollicitant notamment l’expertise de personnalités de renom. Ben ne déçoit pas puisqu’il a proposé de faire du Ben, c’est-à-dire ce qu’on attendait de lui. Ses déclarations et aphorismes en blanc sur grands panneaux noirs, procédés bien connus qui ne coûtent presque rien (environ mille euro pour et selon l’artiste, mais il ne nous a pas été possible à ce jour de connaître le coût total de l’opération) ne laisseront sans doute pas les badauds indifférents : «être soi-même», «la pensée est libre», «la différence est une chance». Daniel Buren, plus monumental, a fait... du Buren. Disons quelque chose de reconnaissable rapidement comme tel. Sa Grande

Daniel Buren, La Grande diagonale, Istres, 2013 © C. Lorin_Zibeline

Diagonale ne laisse pas indifférent non plus, avec un sentiment d’être un peu maigrelette sur cette vaste esplanade de la Cité Administrative récemment sortie de terre. Portant les couleurs de la ville, côté jaune/ côté bleu, elle mène droit comme un seul «i» vers le lieu du pouvoir local, ailleurs dans l’autre sens, par un effet de perspective croissante/décroissante. Une alternative contemporaine au principe des perspectives royales ? Le quidam saura zigzaguer entre, ce qui est plus ludique. À entendre certains, ça fait quand même un peu trop barrière. Il est vrai qu’une bonne partie des 57 poteaux ont tendance à trancher/rayer la vue sur l’étang de l’Olivier. Mais la rayure c’est la signature. Et on en a besoin pour la rénovation et l’attrait de l’argument touristique. Ce faisant, Istres est probablement une des municipalités qui aura su conserver dans la suite des événements Marseille-Provence 2013 une trace artistique durable dans son espace public. Entre argument d’édile et

Ben, Etre soi-même, Istre s, 2013 © C. Lorin_Zibeline

projet culturel artistique bien ficelé on attend donc la suite. La première adjointe annonçait d’autres projets d’art dans sa ville sans pour autant en dévoiler le contenu. Proposer une alternative de choix aux ronds-points paysagers au goût parfois douteux, qui s’en plaindra ? CLAUDE LORIN

préface du catalogue Daniel Buren, Un bouquet : 5 couleurs moins une, travail in situ 1

www.istres.fr

Daniel Buren La collection de DVD Works & Process des éditions a.p.r.e.s. dirigées par le documentariste Gilles Coudert, propose de «découvrir et d’appréhender la démarche d’un créateur à travers différentes approches documentaires». Hyber, Kawamata, Hucleux sont notamment au sommaire avec Daniel Buren qui bénéficie d’une réédition. Celle-ci reprend l’édition épuisée de 2002, augmentée de sous-titrages en anglais, de deux films de Gilles Coudert ainsi que de plusieurs documents inédits de l’artiste. On s’arrêtera en particulier sur One Year of Ballets in Manhattan, performance dans les rues de New York en 1978 (retrouvé dans les archives de son assistant) et Interruption, suite de critiques cinglantes de l’art du moment (1969, galerie Yvon Lambert) sous

forme de films diffusés en scopitone, ancêtre du vidéoprojecteur. Le DVD 1, le plus copieux, déploie dix chapitres entre Paris, New York, Baden-Baden, Chicago, dans une chronologie décroissante de 2011 à 1959 (film super-8 de l’artiste au Mexique dans lequel pourrait-on déceler les prémices de son travail à venir, singulièrement son intérêt pour les bandes de tissus ?). Le DVD 2 reprend l’intégralité de la performance Couleurs superposées, Acte XIII, rejouée pour ce documentaire, réalisée à l’occasion de la préfiguration du Centre Pompidou-Metz. Ces 4h de programme auront de quoi aiguiser la curiosité des aficionados comme celle des détracteurs de l’artiste le plus connu des créateurs français vivants dit-on (il est né en 1938). Aussi de quoi ne pas en rester à

la polémique des Deux Plateaux. Il y a suffisamment de matière ici pour (re)découvrir et mieux comprendre l’œuvre, la démarche suivant les propos de l’artiste depuis ses débuts - hormis l’aventure BMPT- grâce aussi aux commentaires extérieurs des commissaires, critiques, journalistes, architectes, parfois du public (pas toujours converti et unique représentant de la partie critique). Il ne manque qu’un livret pour donner du lien à l’ensemble.

Pour continuer

On ne ménagera pas sa peine ou son enthousiasme en poursuivant avec une des dernières réalisations de Gilles Coudert à propos d’Exentrique(s), travail in situ (Monumenta, Grand Palais, Paris, 2012), réussi tant dans sa simplicité que par ses qualités

didactiques, projeté en présence de l’artiste et du réalisateur à la Pyramide d’Istres dans le cadre de son installation Un bouquet :5 couleurs moins une, travail in situ qui vient de se clore (lire ci-contre). Cette dernière fait l’objet d’un nouveau projet de DVD, avec une autre œuvre, pérenne, La Grande Diagonale, travail in situ (lire p. 65) inaugurée en décembre dernier pour le parvis de la nouvelle Cité Administrative istréenne. Last but not least : tout ceci serait à suivre à la lumière des écrits de l’incoercible «in situeur» réédités récemment aux éditions Flammarion/CNAP. C.L. Works & Process Daniel Buren a.p.r.e.s. éditions, 25 euros


Van Rogger sur le devant de la scène Cela faisait longtemps que Roger Van Rogger (1914-1983) n’avait pas tenu le haut de l’affiche, les dernières expositions significatives datant de 1985 au Musée d’art de Toulon et de 2008 à l’Hôtel des arts. Depuis juillet, la galerie des Riaux, installée à proximité de la Maison de la photographie, s’attache à promouvoir et à diffuser son œuvre picturale. Un projet un peu fou porté par Thierry Berruet qui collabora durant cinq ans à la Fondation Van Rogger, autrefois nichée sur la colline de Vallongues à Bandol, là où le peintre et sa famille élurent domicile de retour des États-Unis et du Brésil. Période d’exil et de gloire qui précéda des années de déception et de sentiment d’incompréhension… «En 1968 la Ville de La Seyne-sur-Mer lui a consacré sa première exposition en Europe, mais le public est resté sourd à son art. Cela a remis en cause tout son travail», explique Thierry Berruet, intarissable sur la vie et le parcours de l’artiste, fin analyste des différentes périodes et thématiques qui construisirent son œuvre. D’ailleurs il a choisi pour sa troisième exposition -après Patrick

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Vue de l’exposition Arlequin de Van Rogger à la galerie des Riaux, Toulon © X-D.R

Garnier et Vincent Rivière qui considèrent Van Rogger comme «un maitre du siècle passé»- de mettre en perspective gouaches et peintures sur le thème de l’Arlequin avec des toiles abstraites de la même période. Car Van Rogger le coloriste suivit les chemins de l’abstraction jusque dans la représentation de la figure : Catherine, son épouse décédée en 2000, n’écrivait-elle pas : «Au bout de trente arlequins, il va mieux. Ils deviennent abstraits, dit-il, cela n’a plus d’intérêt. Je peux retourner à ma peinture» dans Petites scènes de la vie d’un peintre… Sur 42 œuvres réalisées, la galerie des Riaux en expose 21 dans un espace harmonieux qui privilégie l’intimité avec la peinture. Et avec la littérature car elle dispose d’un large fonds de

catalogues, d’études thématiques, d’études de sa correspondance avec René Char et autres ouvrages publiés aux Éditions de Vallongues. Sans jamais prétendre être «dépositaire» de son œuvre, elle veille à sa survivance à travers une succession de temps forts et un seul impératif : trouver des collectionneurs. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Arlequin jusqu’au 13 mars Galerie des Riaux, Toulon 06 62 98 64 08 www.galeriedesriaux.com

Réflexion en ombre courbée

Un kiosque sombre et comme déformé par le vent… L’Opéra Noir qui occupe désormais la Place Lulli, derrière l’Opéra de Marseille, en est comme l’ombre maline. Tout en résine d’un bleu frisant le noir, réplique amoindrie et distordue, mais cependant exacte, du kiosque à musique de la Canebière, l’œuvre des plasticiens Berdaguer et Péjus fait

penser une expansion de César qui aurait été revisitée par Tim Burton, ou habitée par un Marsupilami. Accueillant malgré sa noirceur, tout en courbes et rondeurs, sans angles abrupts, chaud et souple, le kiosque offre ses marches, demande qu’on y pénètre, et qu’on s’attarde un instant dans ses sons. Eux aussi sont un reflet déformé : le

L’Opéra noir, Berdaguer et Péjus, 2012 © L’Opéra noir, Berdaguer&Péjus, ADAGP Paris 2012

dispositif conçu par le GMEM diffuse les sons captés en direct dans le ventre de l’opéra par quatre micros, sur et sous la scène, depuis la salle, dans l’atelier des couturières. Un témoignage en direct indistinct, et évolutif, de la vie sonore du grand bâtiment à musique à quelques pas. Les soirs de représentations et de répétitions, c’est de la musique perturbée qui s’élève… Lors de l’inauguration le 10 janvier, on entendait surtout les bruits de la foule rassemblée, et des élus venus se féliciter de l’affaire. Car cet Opéra noir est aussi une initiative singulière, soutenue à la fois par la Mairie de Marseille et MPM, par Marseille-Provence 2013 et les collectivités : projet des Nouveaux Commanditaires, mécéné entre autres par la Fondation de France, il a été porté par l’Association des commerçants du Centre Ville de Marseille, qui a passé commande aux deux plasticiens. Comme l’a fait remarquer Eugène Caselli, cette œuvre «s’inscrit naturellement dans la rénovation d’un centre ville qui retrouve des espaces de vie jusqu’à présent consacrés aux voitures en stationnement». Mais avec ici, en plus, une bonne dose de poésie… AGNÈS FRESCHEL

Opéra noir, installation permanente sur la Place Lulli, Marseille

A U P R O G R A M M E A R T S V I S U E L S


Izabela Kowalczyk

C’est en 2012, pour L’art renouvelle le lycée, qu’Izabela Kowalczyk conçoit ses premiers Reliefs à partir de ses œuvres sur toile. Au support traditionnel du peintre elle substitue la surface plane du bois découpé et peint, dissocie fond et forme pour une mise à distance du mur. L’image appelle la tridimensionnalité, la sculpture. Pour cette exposition elle a choisi de confronter ses deux démarches dans un même lieu. Vernissage le 21 janvier à 18h30 et table ronde avec Augustin Giovanoni, docteur en philosophie et Bernard Muntaner, éditeur et critique d’Art. C.L.

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V I S U E L S

Izabela Kowalczyk, Relief 5, 2012, medium, bois, métal, peinture acrylique, 142 x 234 x 7,5 cm © X-D.R

Alain Boggero

Il y a quelques années, Alain Boggero s’est donné le projet pharaonique de réaliser les portraits des 6 000 camarades de labeur licenciés suite à la fermeture des chantiers navals de La Seyne-sur-Mer. L’ancien charpentier tôlier présente une sélection d’œuvres puissantes dans une veine expressionniste sur supports variés et techniques mixtes, cartons d’invitation détournés, livres peints originaux (La navale vivra, fac-simile, Le Factotum, 2010), rouleau d’essuie mains à vendre au mètre... C.L. Les ouvriers jusqu’au 15 février Galerie Béatrice Soulié, Marseille 04 91 90 26 07 www.galeriebeatricesoulie.com Laurent Millet, série L’Herbier, tirage numérique réhaussé, 2007_2010 © Laurent Millet

A R T S

Peintures et reliefs du 22 janvier au 13 février Galerie Passage de l’art, Lycée du Rempart, Marseille 04 91 31 04 08 www.lepassagedelart.fr

Création récente d’Alain Boggero, polyptyque, 2013 © courtesy galerie B. Soulié

Laurent Millet

L’Herbier de Laurent Millet inaugure le dernier volet du cycle Borderline consacré en 2014 à l’A NORME. Inspiré par les planches anciennes botaniques, mixant photographie et peinture, l’artiste protéiforme compose des autoportraits hybrides où les greffons végétaux poussent sur les organes du corps considérés comme leur terreau. Vernissage le 17 janvier à 19h ; lecture performée de Y. Sarfati le 7 février. C.L. L’herbier du 17 janvier au 21 février Vol de Nuits, Marseille 04 91 47 94 58 www.voldenuits.com

Paradigmes de l’art

Les esthétiques éclatées d’une vingtaine artistes d’Europe et d’Amérique du Nord se penchent sur notre contemporanéité pour esquisser les contours multiples d’une cartographie de l’art contemporain, questionnant la validité du postmodernisme, après arts minimal et conceptuel, réintroduisant le principe de narration à l’heure de la globalisation esthétique provoquée par l’Internet. Un workshop fera le prolongement avec les artistes et les commissaires Charlotte Cosson et Emmanuelle Luciani Pastré. C.L. Oracular/Vernacular jusqu’au 16 février MAMO Centre d’art de la Cité Radieuse, Marseille www.mamo.fr www.oracularvernacular.com

Vue de l’exposition Oracular_Vernacular, cur. by Charlotte Cosson & Emmanuelle Luciani, MAMO Audi Talents Awards © courtesy Julie Liger


Art 96

Chemin de la Soude à Marseille, l’hôtel 96 ouvre ses espaces d’accueil et ses jardins méditerranéens aux artistes contemporains : Chantal Saez, Isa Moretto, Sylvie Serre, Joël Gorlier, Laurence Lefevre, Tarita. Ce trimestre, rendez-vous avec Roselyne Conil (résine et béton, acier, verre, bois, bronze, carton, tout est question d’équilibre) et Nicole Brousse («le réel rencontre la fantasmagorie») qui dévoilent leurs sculptures, et Marc Ingoglia ses peintures sur Plexi modelé parfois en objet 3D… M.G.-G.

Cache-cache, sculpture de Nicole Brousse © X.D-R

Oeuvre sur Plexiglass de Marc Ingoglia © X.D-R

Konverzácie

du 15 janvier au 30 mars Hôtel 96, Marseille 9e 04 91 71 90 22 www.hotel96.com

67 © Anne Loubet

Photo Art Centrum à Košice et Les Ateliers de l’Image à Marseille se sont rapprochés après la nomination des capitales de la culture pour l’année 2013, dans le cadre de Second Cities, un projet d’échanges photographiques. Côté français, le projet de résidences a été baptisé Regards Croisés. L’exposition à La Traverse restitue cinq sensibilités, Suzanne Hetzel, Anne Loubet, Flore Gaulmier, Pascal Grimaud et Gilles Pourtier. Cinq séries en dialogue avec un territoire citadin ou périurbain inconnu. A.L. Konverzácie, retour sur résidences du 15 janvier au 15 février Les Ateliers de l’Image/La Traverse, Marseille 04 91 90 46 76 www.ateliers-image.fr

Photographie Maison Blanche #3, suite et fin

4e et dernière étape du Festival de photographie contemporaine de Marseille qui a mis à l’honneur Robert Frank et primé le travail de cinq jeunes auteurs : Marie Sommer, premier Prix, pour ses topographies de la colline de Teufelsberg à Berlin («la montagne du diable») ; la collection de cartes Book of Life d’Anke Schüttler ; la Saga familiale de Lisa Sudhibhasilp ; La vie dangereuse de Marine Lanier, expression des débords de la vie ; Randa Mirza qui, dans Beirutopia, fait le portrait de l’avenir de Beyrouth… À voir à la MAD, partenaire du festival. M.G.-G. Lauréats 2013 jusqu’au 8 février Galerie MAD, Marseille 5e 04 91 82 83 23 www.laphotographie-maisonblanche.org

Un adulte bâtit les fondations de son bon sens sur la chute certaine d’un objet qui n’a pas de support © Émilie Perotto Teufelsberg © Marie Sommer

Émilie Perotto

Un adulte bâtit les fondations de son bon sens sur la chute certaine d’un objet qui n’a pas de support : tel est le titre «feuilletonnesque» de l’œuvre présentée par Émilie Perotto au Centre de Conservation et de Ressources du MuCEM. Réalisée en acier inoxydable, la sculpture -son «bras» le plus long mesure 9 mètres- interagit avec le bâti, la lumière naturelle, la circulation extérieure et les baies vitrées. Une prouesse technique doublée d’une inventivité fébrile. M.G.-G. jusqu’en mai 2015 CCR, Marseille 3e 04 84 35 14 00 www.mucem.org

A U P R O G R A M M E A R T S V I S U E L S


Jouons z’avec les mots

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Il n’y avait pas grand monde ce matin-là au P’titM pour le quarante-huitième rendez-vous (sur cinquante) de l’année Capitale. Dommage car le Détachement International Muerto Coco vaut vraiment le déplacement. Muerto Coco, qu’es aco ? Sous cette énigmatique appellation se cachent Raphaëlle Bouvier et Maxime Potard. Tous deux formés au Théâtre des Ateliers d’Aixen-Provence, tous deux passionnés de poésie contemporaine… et bien décidés à faire partager leur passion. Pourquoi ? Parce que, écriventils, «la poésie contemporaine est une discipline ludique, actuelle, bénéfique à tous» et qu’il leur paraît indispensable de «casser les préjugés à son égard». Comment s’y prennent-ils ? C’est tout simple : ils proposent des Lectures z’électroniques pour deux humains et quelques machins. Les humains, ce sont eux. Les machins, ce sont les micros, la pédale sampler et surtout les jouets d’enfants qui servent de base musicale et sonore à la performance. Quant aux lectures, elles sont extraites de recueils des plus grands noms de la poésie d’aujourd’hui : Jacques Rebotier, Christophe Tarkos, Emmanuel Adély, Annabelle Verhaeghe… Chaque lecture-performance dure une vingtaine de minutes, autour d’un thème

© Aliette Cosset

choisi. Ce matin-là, c’était vingt minutes de Lectures z’animales, accompagnées des sons artificiels d’un jardin d’éveil comme on en a tous manipulé. Cris d’animaux stéréotypés, sons de la vie quotidienne, petits mots et bisous un peu gnangnan, sous cette nappe sonore que le duo répète, amplifie, module, les mots des poètes, proférés au micro, forcent le passage, offrant une vision nettement moins «bisounours» des rapports homme/animal. Il y est entre autres questions de l’extermination des espèces sauvages

Drôles de verbes

Connaissez-vous les verbes «libraire» (conjugué sur le modèle de «braire») et «lièvre de martir» (qui se conjugue comme «partir») ? Ces deux tables de conjugaison (complètes et présentées comme dans n’importe quel manuel) décoraient pourtant il y a peu les vitrines de la librairie Le Lièvre de Mars, rappelant aux passants le bon vieux temps de l’école, du Bled et du Bescherelle, et les invitant à retrouver le mot-source noté en rouge. Ainsi, «libraire» est-il infinitif, tandis que «lièvre de mars» devient présent (indicatif ou impératif, au choix). Autre exemple, qu’appécieront les Marseillais, le verbe «aller au lit», qui donne au subjonctif présent «que j’aille au lit» (aille au lit, aïoli, vous saisissez ?) Les libraires du Lièvre aiment les mots qui jouent, qui sonnent, qui s’affichent. Pas étonnant qu’ils aient invité dans leur antre pataphysicoulipien les deux créateurs de cet étonnant Précis de conjugaisons ordinaires. David Poullard est graphiste, Guillaume Rannou comédien. Tous deux ont commencé en traquant les locutions figées du langage usuel, sur les traces de l’«infraordinaire» cher à Georges Pérec. Ils ont eu envie de réaliser une collection de ce qu’ils appellent des «locutions verbives» c’est-à-dire des «formes considérables comme verbes». De là sont nées leurs souvent désopilantes conjugaisons. Mais, comme ils le soulignent, il s’agissait de «se poiler, mais pas seulement». La table de conjugaison leur paraît un objet «assez joli» en soi. Et puis certains verbes ont une puissance étonnante ; en témoigne ce «j’y suis j’y rester», inspiré par les actions de RESF.

Ce Précis de conjugaisons ordinaires apparaît ainsi comme une «tentative d’étirement du français figé». Une manière drôle et poétique de tordre la langue, de la renouveler. Fort de ce premier succès, le tandem a récidivé avec les Très Précis de conjugaisons ordinaires, de courts opus thématiques. Le premier, consacré au travail, offre entre autres les conjugaisons de «flux tendre», de «ressourcer humaines» ou de «préavivre de grève», tandis que le second, inspiré par certains titres de chansons populaires célèbres, propose de conjuguer «tater Yoyo» ou «antisocial perdre son sang-froid».On attend avec impatience le troisième, sur le temps (il est prévu pour très bientôt). Ces inédites conjugaisons sont très amusantes à lire. Et encore plus à entendre. Ce soir-là, au Lièvre de Mars, Guillaume Rannou a régalé le public de la conjugaison intégrale du verbe «ne pas me quitter». Lecture magistrale. Effet comique garanti. FRED ROBERT

David Poullard et Guillaume Rannou étaient invités au Lièvre de Mars le 13 décembre Précis de conjugaisons ordinaires éditions Xavier Barral, 20 euros Très précis de conjugaisons ordinaires tome 1 le travail tome 2 les chansons populaires éditions Monte en l’air, 6 euros chacun

et de «l’après-toi de ta bête» (l’animal domestique ou comment s’en débarrasser). Et si le décalage entre les textes et les sons prête à rire, voire à s’esclaffer, il n’empêche que la réflexion fait son chemin. C’est à cela que visent ces lectures z’électroniques, à faire réfléchir, à faire agir aussi. Car au terme de ces vingt minutes joyeuses et rondement menées, qui sait si certains des auditeurs-spectateurs n’auront pas envie d’aller lire les textes qui leur ont été proposés, de découvrir par eux-mêmes un nouvel univers littéraire, et pourquoi pas de se mettre à écrire à leur tour ? C’est en tout cas ce qu’espère le duo de choc, qui propose selon le même principe des lectures politiques, sexuelles, urbaines. Et à venir en 2014 des lectures super{z}héroïques et des lectures {z} magiques. Une façon inédite, et très astucieuse, d’offrir à tous des textes de qualité. FRED ROBERT

Le Détachement International Muerto Coco a présenté 3 Lectures z’électroniques le 14 décembre au Pavillon M à Marseille Renseignements sur www.muertococo.jimdo.com ou auprès de Fanny Roques au 06 89 49 26 01


Ascèse et désir

et tout rapport avec l’organisation sociale, s’il entraine dans son sillage un poète puis un policier homosexuel, il est aussi un homme orgueilleux, niant ses pulsions, qui l’ont amené à tuer une prostituée par un mélange de désir refoulé, de besoin de hasch et d’argent. La prose si musicale d’Albert Cossery, le souffle de la comédienne, font entendre ce surgissement du désir et de la pulsion de meurtre, très étrangers au détachement prôné… et agissant comme chez Sartre -la racine dans La Nausée- ou Camus -le couteau dans L’Étranger- au titre d’une épiphanie qui vient contredire le chemin tracé et en révéler le mensonge. Albert Cossery, réédité régulièrement par Joëlle Losfeld, vaut vraiment d’être relu. Parce que cent ans après sa naissance on peut mesurer à quel point il est singulier : parlant lorsqu’elle n’était pas à la mode de la «Méditerranée», et ancré dans le grand courant français qui a marqué l’histoire littéraire mondiale.

Albert Cossery © X-D.R

Une fois encore la rencontre littéraire mensuelle du MuCEM était d’une très grande qualité, et a rassemblé peu de public. Espérons qu’Erri de Luca saura faire venir des foules de lecteurs (voir p. 12) ! L’œuvre d’Albert Cossery (1913-2008), pourtant, mérite qu’on s’y attarde. Pour évoquer la figure de l’auteur «égyptien de langue française» comme il aimait à se définir lui-même, son éditrice et amie Joëlle Losfeld et sa traductrice américaine Alyson Waters ont rappelé l’histoire de la réception de ses romans, reconnus en partie grâce à Henry Miller, inscrits dans l’histoire littéraire de Saint-Germain-des-Prés marquée d’existentialisme, mais parlant toujours de l’Égypte. Très éclairante sur son mode de vie, l’éditrice a permis de comprendre la singularité de cet homme qui a toujours refusé de posséder quoi que ce soit même une adresse, une carte de crédit, et de travailler, d’entrer dans le jeu social et la relation d’autorité, parce qu’il voulait être absolument libre. Puis Nathalie Richard, souveraine et modeste, a offert une lecture de Mendiant et orgueilleux impressionnante, savamment nuancée et sans effet de manche, faisant découvrir les ambiguïtés d’un roman souvent présenté comme un appel au détachement ascétique, et de fait beaucoup

AGNÈS FRESCHEL

plus complexe que cela. Car si le «héros» Gohar, professeur de philosophie, est devenu Mendiant par choix, abandonnant toute possession matérielle

Cette rencontre-lecture a eu lieu le 16 décembre au MuCEM, Marseille

Le poème comme adresse Au MuCEM, une rencontre-lecture titrée Mahmoud Darwich, Le Galiléen suivie d’une projection évoquait l’œuvre de Mahmoud Darwich Simone Bitton présentait son film, Mahmoud Darwich, et la terre comme la langue, seul documentaire sur le poète, dans la collection 100 écrivains du XXe par FR3 qu’il lui avait fallu convaincre, Darwich était «oublié» dans la liste ! On suit le poète dans son écriture -«même seul, j’ai le réflexe de cacher ce que j’écris... l’écriture a son rituel secret, je n’aime pas en montrer les étapes»-, et dans son histoire si intimement liée à la grande. Déplacé en 1948 avec sa famille, il évoque le retour impossible : son village natal est rasé par les occupants israéliens. Il «élit alors résidence dans le poème», soulignant l’homonymie entre le vers et la maison, même mot en arabe, bayt. La poésie devient

Mahmoud Darwish, et la terre comme la langue de Simone Bitton

résistance. La relation entre son œuvre et son parcours était évoquée avec pertinence et tendresse, par Farouk Mardam Bey, directeur de la collection Simdbad chez Actes Sud et Elias Sanbar, ambassadeur de la Palestine auprès de l’UNESCO, écrivain et traducteur de Mahmoud Darwich en langue française. Ils mirent en évidence le déchirement «entre la tentation de l’enracinement et celle de l’ailleurs», les influences poétiques, entre autres, de Ritsos et surtout Lorca, une défiance atavique de la mer, et pourtant une profonde imprégnation de la richesse culturelle méditerranéenne, dont le lyrisme épique traverse son œuvre. Trois figures émergent, récurrentes, celle du dieu Tammouz, du Christ

(Galiléen comme lui), et du Phénix. «En tant que poète, je suis né une dizaine de fois, à chaque recueil de poèmes s’ouvre un nouveau monde.» La musique particulière de sa poésie affleure jusque dans la prose souligne Elias Sanbar. Dominique Devals, accompagnée de F. Tortiller et P. Lacarrière, interprétait quelques textes. Une envie : se replonger dans une poésie qui au contraire des habitudes confidentielles que nous connaissons, suscitait un immense enthousiasme populaire dans tout le monde arabe. MARYVONNE COLOMBANI

BD en escale

Pour leurs premières Escales en librairie de l’année, l’association Libraires Marseille fait la part belle à la bande dessinée en accueillant deux auteurs qui ont chacun fait paraître un ouvrage en 2013. Le belge Benoît Jacques est illustrateur et auteur, dont la BD La Vallée enchantée vient de paraître aux éditions Benoît Jacques Books ; il sera présent le 13 fév à 18h30 à la librairie Le Grenier d’Abondance, à Salon-de-Provence (04 90 58 36 40), et à la librairie Le Lièvre de Mars, à Marseille (04 91 81 12 95), le 14 à 19h. L’américain Derf Backderf prendra le relais quelques jours plus tard pour présenter Mon ami Dahmer (Jeffrey Dahmer, le serial killer !), paru aux éditions Çà et Là, le 17 fév à 17h30 à la librairie Book in Bar à Aix (04 42 26 60 07), et le lendemain à 18h à La Réserve à bulles, à Marseille (09 73 62 11 47). Do.M.

Cette rencontre a eu lieu le 19 décembre au MuCEM, Marseille

www.librairie-paca.com

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Passionnément

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Bien que son œuvre ait été traduite en français dès la fin des années 1980, on connaît surtout Jeanette Winterson depuis l’énorme succès de son autobiographie Pourquoi être heureux quand on peut être normal ? (récemment éditée en poche, coll. Points). Ce texte, une ode vibrante à la littérature, un hymne percutant à la liberté d’aimer, un pavé dans la mare bien-pensante, mérite largement cette célébrité. Couronné en 2012 du Prix Marie-Claire, il fait aujourd’hui partie de la sélection du Prix Littéraire des Lycéens et Apprentis de la région PACA et les lecteurs adolescents s’en délectent. Surfant sur la vague, l’Olivier vient de republier, dans une édition révisée, un des premiers romans de l’écrivaine britannique, paru en 1987. Excellente idée car La passion est un vrai bonheur de lecture. Située à l’époque napoléonienne, cette étrange fiction mêle habilement les genres (roman historique,

Bari in London

Autant commencer par la fin (Londres, première décennie du XXIe siècle) puisque les dernières lignes, on le pressent, pourraient facilement ouvrir d’autres horizons «Quand je me suis retournée vers Ali en essuyant mes larmes, lui aussi pleurait.» Que d’eau ! Que d’eau ! Roman lacrymal ce Princesse Bari ? Point du tout en regard des malheurs et calamités qui s’abattent sur l’héroïne dont le «je» exquis guide le lecteur. Naître fille, septième de la famille, en Corée du Nord dans les années 90 constitue déjà une catastrophe en soi et survivre à une telle condition relève du miracle. Hwang Sok-yong trouve avec son écriture poids plume -élégamment portée par ses traducteurs- la voie pour dire le gigantisme des forces à mobiliser pour vivre simplement une vie. L’auteur, qui a connu la prison et autres honneurs dont les pays

Retour à K

«Personne ne s’arrête bien longtemps à K. […] À la manière d’un auvent cachant le ciel, les collines barraient le regard. De quoi arracher un soupir.» Dès les premières lignes du huitième livre d’Eun Hee-kyung, le ton est donné. À K., il n’y a rien. Ou presque. Cette bourgade à l’aspect piteux est pourtant au centre de l’intrigue de Secrets, publié en Corée en 2005 et récompensé du prix Leesan. C’est à K. que Yeongjun et Yeonju, deux frères plutôt ennemis, ont grandi ; c’est de K. qu’ils ont dû partir lorsque l’entreprise de travaux publics de leur père a fait faillite ; c’est à K. qu’ils reviennent après la mort de celui-ci afin de s’acquitter de la mission qu’il leur a confiée : vendre la maison de leur enfance et donner le fruit de cette vente à une inconnue. Secrets porte bien son titre. S’y révèlent jusqu’à la fin non-dits et secrets de famille, tandis que ressurgissent les souvenirs du passé : celui de la Corée de leur jeunesse dans les années 1970, et

conte fantastique, récit d’apprentissage, histoire d’amour…), les lieux (Boulogne-sur-Mer, Venise, Moscou…) et les registres (de la crudité la plus sordide à la poésie la plus émouvante), entraînant sans faiblir le lecteur à la suite des deux personnages-narrateurs principaux, Henri, un jeune soldat devenu cuisinier de Napoléon, et Villanelle, la fille d’un batelier vénitien, croupière au Casino et travestie à ses heures. Deux personnages troublants, dont les routes vont se croiser au fil de ce récit qui n’est au fond qu’une suite de variations sur le thème de la passion «quelque part entre la peur et la volupté». Passion de la conquête, passion du jeu, passion amoureuse. Passion des histoires aussi, que la romancière égrène au fil du roman pour le plus grand plaisir du lecteur. FRED ROBERT

totalitaires gratifient les gens de bien, dépose son expérience et sa culture (le chamanisme irrigue très naturellement le réalisme dans des pages oniriques parfois déconcertantes) en un personnage délicat et fort, Bari «l’abandonnée», qui lestée de son double de légende, la «princesse», accomplira la quête des migrants d’aujourd’hui en traversant fleuves et mer à fond de cargo. Des cadavres de la famine nord-coréenne aux corps pulvérisés par la prostitution ou sacrifiés au Djihad, le récit se déploie comme un conte philosophique sans l’ironie et le mordant des Lumières mais avec une tendresse tout aussi active pour l’humanité ; l’écriture en suspension semble flotter au dessus du désastre et ne s’y noie jamais. Belle consolation...

La passion Jeanette Winterson traduit de l’anglais par Isabelle D. Philippe L’Olivier, 20 euros

Princesse Bari Hwang Sokyong Philippe Picquier, 19 euros

MARIE-JO DHÔ

plus loin de l’occupation japonaise, et plus loin encore, de la Corée ancestrale des légendes et des fêtes rituelles… Dans ce roman ample, chargé d’une poignante mélancolie, les époques se mêlent, comme s’emmêle l’écheveau des relations familiales. Et à travers l’évolution de la petite ville de K., où les centres commerciaux ont remplacé les champs et les maisons anciennes, à travers le personnage taciturne et sans attaches du fils aîné Yeonjung (devenu cinéaste à Séoul), c’est à une réflexion désenchantée sur les mutations de la Corée contemporaine que se livre la romancière. Un regard émouvant et très instructif sur un pays encore mal connu en Europe. F.R

Eun Hee-kyung faisait partie des écrivains coréens invités à Aix-en-Provence au printemps 2012

Secrets Eun Hee-kyung traduit du coréen par Kim Young-sook et Arnauld Le Brusq Philippe Picquier, 19 euros


Miroirs déformants De l’aveu de son auteur, Arnaud Ryckner, ce livre s’est imposé à lui. Et ce n’était pas facile. Ce n’est pas un roman mais l’échange de deux voix, deux hommes qui ne se connaissaient pas. Le narrateur a reçu une lettre, «une bouteille à la mer», dans laquelle A., emprisonné, demande à rencontrer un directeur de thèse. Une longue correspondance s’ensuit. Arnaud Rykner a récrit les deux voix en gardant quelques extraits de A., mentionnés en fin de livre. L’expérience de la condamnation et de l’enfermement d’un enseignant de lycée qui a eu une pulsion de meurtre passionnel le renvoie à ses interrogations sur sa propre trajectoire. Qu’est-ce qui fait qu’à un moment tout bascule et que les murs de la prison ne s’écroulent pas, même

après la libération ? Car A. subit une double peine, il est radié de l’Éducation Nationale. On ne sait pas ce qu’il deviendra après cette sorte de mort légale. En revanche la libération marque le désengagement du narrateur qui part à la dérive quittant sans explication sa femme, son domicile, après avoir envoyé une lettre d’insulte à sa hiérarchie. La relation de ces deux hommes se passe comme en un jeu de miroirs déformants où l’image et son reflet s’échangent. Le narrateur s’évade, mais sera-t-il libéré de ses fantômes ? La belle image rayée laisse la place au vide. Et nous suivons ce récit, le souffle court.

La belle image Arnaud Ryckner Le Rouergue, 15,50 euros

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CHRIS BOURGUE

P L OI V L RI ET SI Q U E

«Pieds de poule» Les hommes aux pattes d’oiseau viennent de pongo par le pays de l’eau et c’est la catastrophe qui met fin à un ordre ancien fondé sur la solidarité, la paix forgée par la parole, l’horizon limité. Léonora Miano parle la langue du Mythe pour dire l’Histoire, celle de la traite négrière qui a décimé tout un continent portée par les affrontements tribaux et l’appât du gain des africains eux-mêmes : temps incertains après l’Amérique découverte (mais les protagonistes ne le savent pas, qui ignorent tout de l’existence d’un océan). Roman du basculement, du moment où tout chavire et laisse place au Mal, La saison de l’ombre peut s’installer ici et ailleurs dans une Afrique pré-coloniale de l’intérieur des terres, confrontée à l’avènement d’une modernité malheureuse qui prend la forme de l’esclavage. Le récit s’ouvre juste après le grand incendie et la disparition brutale, inexpliquée de douze hommes du village ; nous sommes avec celles dont les fils n’ont pas été retrouvés, groupe

tragique d’où vont se détacher trois femmes dont la quête et surtout la traversée du chaos permettent la prise de conscience de ce nouvel état du monde qu’il faudra affronter «les yeux ouverts». Enigmatique dans ses commencements, l’histoire se met en place à tâtons, par petites touches et avance pas-à-pas, toujours au plus près de personnages magnifiques, liés par l’appartenance à la communauté ancestrale, dans une prose concise, ciselée qui pèse chaque mot et génère paradoxalement un lyrisme puissant ; le récit se fait dévoilement de tous les sens que peut endosser le mot «ombre», du cœur des ténèbres jusqu’au matin qui vient, de l’absence à la présence en donnant forme et voix de sujets à des victimes souvent confondues dans le grand spectre de l’esclavage. L’écriture épouse à la perfection en les éprouvant de l’intérieur les affects et les surprises des personnages. Le roman a obtenu le prix Fémina et c’est justice !

La saison de l’ombre Léonora Miano Grasset, 19 euros

MARIE-JO DHO

Le Prix littéraire a 10 ans ! Depuis 2004, le Prix littéraire des lycéens et apprentis de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, réalisé par l’Agence régionale du Livre Paca, propose à 1 000 jeunes adultes de la région de découvrir le monde du livre, du côté de la création et du côté de ceux qui la font vivre. Depuis sa création en 2007, Zibeline accompagne le prix, critique les BD et romans, participe aux forums régionaux. Pour fêter ces 10 années d’aventures littéraires et graphiques, nous vous proposons de retrouver dans chaque numéro de Zibeline un peu de l’histoire de ce Prix : quelques témoignages inédits, écrits ou dessinés, des auteurs qui ont participé à cette traversée et nous livrent ainsi un peu de leurs souvenirs... Retrouvez des extraits de ces témoignages sur le site et le blog dédié : blog.prixpaca.com Zibeline et l’ARL PACA

Le prix PACA, c’est l’aventure - qui fait voir du pays - qui fait briller les yeux - qui fait voyager les mots… e du C’est le souvenir de moments partagés, de mer embrasée par la lumièr visages soir, de palmiers en contre-jour sur les autoroutes où il pleut, de jeunes font des (leur enthousiasme, leurs étonnements), de gâteaux au chocolat qui miettes dans les salles de classe, de paroles neuves. grandes C’est le souvenir, qui habite un coin du cœur, de petites lumières et de rencontres. 3) © Hélène Gestern, nov 2013 (Prix littéraire Paca 2012-201

C U L T U R E L L E


Libertés chéries La liberté d’information et de communication, comme celle de pouvoir s’exprimer par l’acte artistique, sont-elles garantes des peuples libres ou aspirant à l’être ? Elles sont assurément un contre-pouvoir nécessaire dès lors que toute velléité de démocratie ose se pointer à l’horizon. Les deux dernières livraisons de Reporters Sans Frontières nous le rappellent.

Les réseaux

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L’artiste chinois dissident Ai Weiwei a décidé de faire de la surveillance et de la répression qu’il subit de la part des autorités de son pays le matériau-même de son œuvre, en mettant à profit toutes les formes de communication et de réseaux sociaux, alors que son blog avait été fermé en 2009 par le pouvoir chinois. Il est devenu ainsi l’un des artistes désormais les plus en vue de l’art contemporain dans le champ de la contestation, rejoignant la cohorte des artistes activistes. Les textes inédits de dissidents chinois Hu Ping, Hu Jia, Zeng Jinyan, l’écrivain en exil Liao Yiwu viennent épauler ses images documentant sa résistance.

Le crayon

Le traditionnel dessin de presse s’avère un média redoutable véhiculant la pertinence du sens et

Triste sud

L’actualité politique et sociale africaine se rappelle constamment à nos bons et mauvais souvenirs. Alors que les conflits terribles reprennent en s’intensifiant au Soudan du Sud, les photographies de Cédric Gerbehaye en sont malheureusement le témoignage permanent. Le reporter de l’agence VU’ est un habitué des zones de conflits : le schisme Israël/Palestine, la question kurde en Turquie et en Irak, en République démocratique du Congo plus récemment (Congo in limbo, chez le même éditeur salué par de nombreuses récompenses), à la suite de laquelle il entreprend entre 2010 et 2012 ce travail tout en empathie sur les populations victimes depuis des décennies des guerres intestines entre les différentes factions. Un long texte du grand reporter au New Yorker Jon Lee Anderson vient en appui pour recontextualiser ces images dans l’histoire

l’impertinence de la conscience en quelques traits. Une exposition itinérante à l’initiative de Plantu, Cartooning for peace, lui a été consacrée. Le portfolio qui s’en inspire rassemble une cinquantaine de croqueurs(es) du monde entier. Leurs regards scrutent au scalpel l’actualité internationale selon plusieurs registres : La liberté d’expression/Le pouvoir/La presse, Le monde sur écoute et L’état du monde.

Bonne résolution

Selon Reporters Sans Frontières, 89 journalistes ont été assassinés en 2012 dans l’exercice de leur fonction. En novembre 2013, l’ONU a pris une résolution sur la sécurité des journalistes et avance la création d’une journée internationale sur le sujet. Mais certains se demandent quels seront les moyens de mise en œuvre sur le terrain pour exercer effectivement ce contrôle par les états membres ? Quel statut est encore à construire pour les auteurs, les photographes, les penseurs, pour toutes celles et ceux qui bataillent pour la liberté d’expression de par le monde, en dénoncent les turpitudes ?

100 dessins de Cartooning for peace pour la liberté de la presse 100 photos de Ai Weiwei pour la liberté de la presse Reporters sans Frontières, 9,90 euros

CLAUDE LORIN

coloniale du pays et ses convulsions actuelles oublieuses du référendum de 2011, et la récente reconnaissance en tant que 193e état membre de l’ONU. Dans ce contexte qui semble sans issue, Cédric Gerbehaye, ayant opté cette fois-ci pour le numérique et la couleur, semble avoir moins recherché la dénonciation qu’offrir une certaine compassion (entretien avec Laurent Debrue, sur le site de la librairie filigranes tv)1. Ses images, empreintes de tristesse et désolation, poétiques et esthétiques pour certaines, pourraient paraître parfois presque trop belles sur le velouté du papier mat. D’autres à charge plus symbolique, comme cet arbre décharné repris en couverture avec des tons de terre, se dressant tel un repère coutumier pour le berger de la tribu Dinka autant qu’en emblème dérisoire et désespéré. D’autres encore semblent dire quelque chose,

comme «ce n’est pas facile mais la vie continue» et «tout cela, peut-être, n’a jamais été» : juillet 2010 sur les bords du fleuve Gilo. Ce travail a reçu le prix SCAM 2012. C.L.

Land of cush Cédric Gerbehaye, photographies Jon Lee Anderson, texte Le bec en l’air éditions, 30 euros

(re)Publication culte On ne peut qu’être en admiration à la lecture de cet ouvrage dont la première édition, en allemand, date de 1968 : Stanislaus von Moos travaille depuis un demi-siècle sur Le Corbusier, et livre le fruit de ses recherches. Au même titre que l’Histoire de l’art de Gombrich est devenu depuis longtemps un parangon incontournable, Le Corbusier une synthèse est un des piliers des bibliothèques artistiques et architecturales, pour néophyte ou spécialiste. La nouvelle édition, richement iconographiée, de cette étude très complète parue chez Parenthèses, donne un peu de fraicheur et permet une lecture très aérée de cette publication culte. Approche chronologique,

données analytiques, repères biographiques permettent d’appréhender le regard critique de Von Moos sur la vie et l’œuvre de l’architecte. Car cette étude synthétique majeure, maintes fois remaniée, embrasse la globalité des créations de l’artiste architecte visionnaire, des plus connus aux moins commentées : maisons individuelles, habitats collectifs, édifices sacrés, programmes industriels et plans d’urbanisme, mais aussi articles, conférences, livres, peintures, sculptures, tapisseries… FRED ISOLETTA

Le Corbusier une Synthèse Stanislaus von Moos Parenthèses, 26 euros


Un «herbier» peu ordinaire… Geoffroy Mathieu shoote les villes avec distance, comme en réserve d’elles. Déjà dans Dos à la mer, promenade en Méditerranée urbaine, il regardait Beyrouth, Marseille, Alger, Valence et Tripoli dans les yeux, sans donner de repères. Pas de front de mer, de rades illuminées, de baies radieuses mais les entrailles des villes à ciel ouvert… Avec Geum Urbanum, toujours chez Filigranes éditions, il tire un portrait en pointillés de Tanger (avril 2010 à l’invitation de Vol de nuits), Marseille (entre 2007 et 2010), et Édimbourg (juin 2011 lors d’une résidence à l’Institut français d’Écosse). En pointillés parce que l’organisation des diptyques et triptyques se fiche de la chronologie comme de l’atlas ; parce que l’absence de légendes simultanées brouille notre reconnaissance. Tanger ? Marseille ? Édimbourg ? Qu’importe, l’herbe y est toujours verte, surtout «la benoite des villes» qui se faufile partout et

doit son nom scientifique Geum urbanum à l’odeur agréable produite par ses racines. Le photographe la traque sauvage et folle en prairie écossaise, maigrelette en périphérie urbaine, tristounette aux abords d’un lotissement, tondue avec précision ou envahissante… Question de place, abordée justement par Baptiste Lanaspeze dans Nature urbaine qui interroge les relations ville-nature, réalité humaine-réalité naturelle, espace urbain-espace sauvage. Son petit opuscule niché entre deux cahiers tranche, par sa couleur jaune moutarde et son petit format, avec le format classique à l’italienne. Et épouse parfaitement, par les petits dessins malins de Stéphane Brisset, l’esprit rigoureux des photographies : ne sont-elles pas notre seul point de repère, point de fuite, point de convergence ?

Geum urbanum Photographies de Geoffroy Mathieu, texte de Baptiste Lanaspeze traduit en anglais par Helen Tomlinson, dessins de Stéphane Brisset Filigranes éditions, 20 euros

MARIE GODFRIN-GUDICELLI

Les éditions Laffitte en lumière Réédition du Marsiho d’André Suarès, paru chez Trémois en 1931. Le livre est broché avec une couverture jaune orangé et un papier de beau grammage ; les illustrations sont des bois gravés de Louis Jou, l’ami catalan de l’auteur marseillais, graveur et célèbre typographe. On relit avec plaisir ces pages rutilantes d’excès dans ce bel écrin de lettrines, culs de lampes et gravures aux belles textures. Au fil des pages on retrouve l’ardeur de Suarès qui clame sa passion pour sa ville, ses artistes Puget et Daumier, mais aussi son mistral et sa lumière. La peinture provençale affirme sa singularité avec un panorama des peintres du Sud entre 1840 et 1960 sous la forme du catalogue détaillé d’une vente de collections d’amateurs passionnés réunies par Damien Leclère. Jean-Roger Soubiran, qui a assuré la rédaction, détaille au fil des pages une histoire de la peinture provençale du naturalisme à l’expressionisme, mettant en valeur l’avant-garde provençale et les amis du Bar du Péano.

Le Vieux Port et son pont transbordeur sont à l’honneur dans les belles images de la photographe allemande Germaine Krull qui a vécu en France de 1925 à 1940. Magnifique réimpression de l’édition de 1935, ce livre se déguste comme une gourmandise raffinée mise en valeur par le texte d’André Suarès, avec ses cadrages d’une grande modernité et ses points de vue audacieux. CHRIS BOURGUE

Marsiho André Suarès 29 euros Paysages provençaux de Loubon à Ambroggiani Jean-Roger Soubiran 18 euros Marseille Germaine Krull & André Suarès 29 euros

n’est pas desservi et qu’il faut le mériter, qu’on s’y perd dans la poussière, installe La Friche dans la caricature qui a freiné son développement depuis 25 ans, et dont on voudrait bien qu’elle sorte… tout en restant La Friche, avec ses nouveaux espaces de vie, et toutes les conversations qui éclosent partout autour des cafés. Les photos de Frédéric Lecloux, s’étalant sur des doubles pages plein cadre, disent aussi les groupes improvisés, le mouvement, les accumulations, les surfaces dans des boîtes, les flous, les graffs, la beauté nocturne, tout ce qui pousse et se partage. Le lieu commun. Comme toujours chez Bec en l’air, la maquette est soignée et la mise en page superbe, ce qui compense bien les poétiques poncifs. AGNÈS FRESCHEL

P L OI V L RI ET SI Q U E C U L T U R E L L E

En fait un lieu commun Il n’en revient pas, Arno Bertina, d’être tombé sur La Friche, d’avoir vécu en résidence dans ce lieu-là, d’avoir voulu y écrire et le décrire, juste dans l’interstice de ces deux verbes (qui se contredisent ? se complètent ?). Bref Arno Bertina signe une description qui n’en est pas, à la Butor, s’inventant d’abord un vous qui comme dans La Modification arriverait en gare à Saint-Charles, se dirigerait vers La Friche à pied, traverserait ses espaces, raconterait une skateuse imaginaire… Puis il passe au Je après sa première nuit de résidence, toujours aussi admiratif de l’esprit du lieu, des graffitis révoltés («sa mère la pute la réinsertion»), de la transformation incessante, de l’architecture de Poitevin et des jardins de Brisson, des Frichistes. C’est là que le bât blesse : faire l’apologie d’un lieu parce qu’il

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Étonnamment étonnée Une description de La Friche la Belle de Mai avec de délicats morceaux de fiction, dedans Frédéric Lecloux photographies, Arno Bertina texte Le bec en l’air, 25 euros


Le journal de Patrick Zachmann

74 L I V R E S

La traversée de Mare Mater1 est chaotique, et donc inconfortable. L’imposant volume de 312 pages conjugue tous les styles : album de famille, journal intime, récit de voyages et reportage avec, en toile de fond, une histoire familiale et une histoire universelle. Celle de la séparation inéluctable de Patrick Zachmann avec sa mère Juive d’Algérie, «très âgée et malade», et celle des migrants clandestins qui franchissent «la mer au péril de leur vie pour gagner l’Occident». Plutôt que de choisir une mise en regard objective de l’une et l’autre, en deux chapitres distincts, l’auteur-photographe croise images et textes dans un long carnet de route, depuis ses premiers repérages en février 2011 à Marseille jusqu’au… lundi 21 janvier, jeudi 14 février et samedi 30 mars 2013 ! Trois dates qui clôturent son périple et correspondent à trois textes que seule la couleur différencie : le fil de l’itinérance des migrants en

noir, l’histoire reconstituée de sa mère en orange et quelques réflexions personnelles consignées durant sa mission en gris. Les fils se croisent, parsemés de photos en vignette ou brandies comme des étendards en double page, pêle-mêle. Heureusement, l’ouvrage stipule en page 41 une liste des «personnages principaux» que le lecteur, quelque peu désorienté, rencontrera sur sa propre route, ainsi que le code couleur qui le guidera. Sauf qu’avant de s’élancer, il devra lire le texte de François Cheval, On ne devrait jamais quitter sa mère du regard, dont le titre à lui seul balisera son chemin : «Mare Mater est un tout indissociable». MARIE GODFRIN-GUDICELLI

Édition et exposition au MuCEM réalisées dans le cadre d’une mission photographique de Marseille-Provence 2013 1

Mare Mater Photographies et textes de Patrick Zachmann préface de François Cheval Actes Sud, livre-DVD, 39 euros

Hommage aux artisans d’art Avec Istanbul, Les derniers artisans on ne quitte plus les rives du Bosphore ni Ara Güler dont on avait apprécié le recueil de nouvelles et de photographies Arrêt sur images (Zib’67). Cette fois, «l’œil d’Istanbul» signe la préface du nouveau livre d’images de Damien Guillaume, fin connaisseur de la Turquie1. «En regardant ces photos, j’ai l’impression d’examiner une radiographie. Et je découvre des gens, qui sont les miens, leur vie fait partie des fragments de ma vie. On dirait que ces photographies nous ont saisis à jamais.» Si Ara Güler a la sensation d’une «révélation», c’est dire si le lecteur, lui, découvre la densité du travail photographique comme celle de l’homme au travail ! Voici un hommage sans affectation à ceux qui perpétuent les traditions dans la chaleur de leur atelier ou la pénombre de leur échoppe, bien souvent réduite à «une lucarne au ras du sol, une caverne, un labyrinthe». À ceux qui redoutent leur éviction ou leur disparition : «Le métier a changé, nous sommes les derniers, faute de clients, faute d’argent, bientôt… demain, des hôtels 5

étoiles nous chasseront aux périphéries…» Grâce à Damien Guillaume, l’incessant va-et-vient des mouvements de l’ébéniste, du ferblantier, du bourrelier, du tisserand ne tombera pas dans l’oubli, son appareil ayant su s’immiscer entre les maitres (usta) et les apprentis (kalfa) penchés sur l’établi et révéler à l’ignorant un détail, le galbe d’un objet, l’usure d’un outil. En contrepoint des clichés colorisés, le texte de Jean-Michel Belorgey trace brièvement l’histoire des images d’ateliers dans l’Empire Ottoman jusqu’aux photos «de l’ethos industriel, de la France au travail»… Et ose un parallèle entre la sensibilité du photographe «aux charmes ambigus de la déréliction» et la réapparition aujourd’hui «du goût des ruines, des inachèvements et de l’abandon». M.G-G.

1 Damien Guillaume a publié Regards croisés, Besançon, nature intime du temps et Voyage au cœur de la Turquie avec Nedim Gürsel, et La Turquie biblique avec Sébastien de Courtois

Istanbul, Les derniers artisans Photographies de Damien Guillaume, texte de Jean-Michel Belorgey, préface de Ara Güler Empreinte Temps présent, 19,90 euros

Visitons les artistes !

Le 3e volume des films Instants d’Art a été projeté à la Maison de la Région. Noble tâche de l’association Contre vents et marées que de mettre en lumière les artistes de la Région PACA, les faire connaître aux publics de proximité, mais aussi favoriser les contacts nationaux et internationaux. Alain Puech, actuel président, tient à préciser que l’association se tient à l’écart des phénomènes de mode et respecte une parité absolue… Dix femmes et dix hommes sont présentés dans ce DVD (cela met à 60 le nombre d’artistes depuis le début de l’opération) avec peintures, sculptures, dessins, gravures, volumes. Le réalisateur Jean-Michel Pérez présente sa démarche : «Chaque artiste est présenté en fonction de sa voix. La première fois je n’enregistre que du

son. Ce n’est qu’après que je filme et travaille le montage. Deux minutes pour chacun, le temps d’une chanson... Un moment de rencontre précieux.» Méthode originale pour approcher au plus près de l’artiste : donner l’envie d’en savoir davantage, aiguiser notre curiosité. Chaque séquence commence par un plan fixe sur la porte de l’atelier avec le bruit de la sonnette ou les coups frappés à la porte. Et tout de suite la voix du plasticien. On aperçoit très peu son visage, on voit ses mains qui caressent les papiers ou les toiles. Les vues sur l’atelier créent une atmosphère qu’on pourrait qualifier de recueillie. Chaque séquence est ponctuée par des bruits de pas qui descendent l’escalier. CHRIS BOURGUE

Instants d’Art DVD produit par Contre vents et marées et les Films de Némo 10 euros


L’art de l’immersion Il n’est pas rare de nos jours que le visiteur d’une exposition d’art contemporain, en quelque point du globe, ne soit pas invité à faire l’expérience d’une installation. Mais quelle est vraiment la nature de ce médium ? Quelle est son histoire ? En quoi se différencie-t-il pour le spectateur, comme pour l’artiste, des autres formes artistiques ? Comme on regarde un tableau, une installation se vit. Dans un langage accessible Alain Alberganti, Docteur en esthétique, ne se contente pas de faire le tour de la question. Avec la rigueur et l’érudition du spécialiste, d’un bout à l’autre son livre nous fait littéralement éprouver son sujet, plus particulièrement ce qu’il appelle l’installation immersive qu’il différencie de l’installation-sculpture. En adoptant une démarche systémique, l’auteur reprend le cours de l’histoire de l’art depuis l’époque des classiques avec la question de l’espace perspectif (par le détour de l’antique), revisite dans le détail le moment fondamental des révolutions esthétiques du XXe siècle, portées plus précisément dans le théâtre et les arts plastiques, peinture et sculpture surtout, les arts visuels ne se contentant plus de la finalité de la représentation. «Il a fallu toute la première partie du XXe siècle pour libérer l’espace plastique de l’emprise du cadre, du socle et de la scène.» Pour nombreux

créateurs il s’agit de concevoir et proposer un autre rapport à l’œuvre, qui en appelle davantage au corps et à une participation du visiteur en l’immergeant dans un espace singulier. La forme installation, principalement immersive, se joue dans la porosité des divers champs artistiques, de l’art du spectacle et de l’architecture. Regardeur, visiteur, spectateur, acteur, participant... sont tout autant et variablement sollicités dans le dispositif esthétique. «... L’installation immersive n’est pas une oeuvre-objet mais une oeuvre-espace.» Si de nombreux artistes sont référencés, et certains étudiés plus avant ainsi Sarkis, J.Turrell, R.Serra, D.Buren, Y. Kusama, H-W. Müller, on aurait aimé -pour davantage ancrer le propos- élargir les références et bénéficier de reproductions afin de visualiser ces créations spécifiques, tant leur mise en vue peuvent être variées de Soto à Thomas Hirschhorn jusqu’aux dispositifs multi média interactifs. Un index des termes et concepts aurait été aussi bienvenu. Complexe, passionnant, indispensable pour comprendre finement une part désormais familière de l’art d’aujourd’hui, tant la question de l’appropriation de l’espace reste une problématique fondamentale des êtres humains.

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De l’art de l’installation, La spatialité immersive Alain Alberganti L’Harmattan, 39 euros

CLAUDE LORIN

C U L T U R E L L E

Le JT fabrique l’info Dans la collection L’ordre des choses Agone édite une analyse du sociologue Jérôme Berthaut, d’une rigoureuse et implacable justesse. Chercheur, maitre de conférences, spécialiste de l’ethnographie des médias, Jérôme Berthaut s’est penché sur l’émergence et l’évolution des sujets «banlieues» dans le «20 heures» de France 2 depuis 2001. Interviews, analyse des émissions et des carrières des journalistes révèlent comment la télévision fabrique l’opinion publique par ses choix de sujets, ses habitudes transmises et les inflexions de ses lignes éditoriales. Ainsi l’émergence et l’importance croissante du faits divers, l’invention d’une spécialisation banlieue, la contamination du mode de traitement de ces sujets y compris dans la politique internationale ou le sport, la fréquence du rapport créé entre Islam, violence et banlieue, sont finement analysés. De même les rapports de connivence et de collaboration entre la police et les journalistes sont amplement démontrés, ainsi que leur influence sur le traitement de l’info, du scoop, de l’exclusivité. Le métier de journaliste, y compris dans les émissions de reportages, y apparait comme peu reluisant ! Managés par des rédactions pour qui l’efficacité ne se mesure qu’en termes d’audience, les journalistes reproduisent et accentuent des comportements caricaturaux, emploient un langage aussi stéréotypé que les concepts préfabriqués qu’ils trimballent,

oubliant d’interroger ce qu’ils filment, et ne ramenant que les images qu’ils sont venus chercher. L’enquête est édifiante, précise, répétitive par endroit dans ses démonstrations appuyées, mais expliquant pas à pas comment le JT trafique le réel pour le faire entrer dans des cases et des formats qui influencent fortement l’opinion publique, et fabriquent un lieu commun plus que dangereux pour notre société : la banlieue, c’est-à-dire la périphérie des grandes villes, c’est-à-dire de Paris -le JT de 20h est fabriqué essentiellement à partir du Parisien- sont pauvres, musulmanes voire islamistes, violentes, en proie au trafic de drogue, d’armes, aux tournantes et au meurtre. Il resterait à confronter cette fabrique médiatique d’un lieu commun avec la réalité sociologique des périphéries des grandes villes : si les banlieues ne ressemblent évidemment pas à cette image fabriquée pour vendre de la peur, mesurer l’écart avec le réel reste à faire. Car les journalistes de télévision ne fabriquent pas seulement l’info, et le mal va plus loin : en décrivant des comportements délinquants à partir de leur caricature, ils induisent chez les «jeunes de banlieues» des attitudes mimétiques. C’est la fiction qui aujourd’hui invente le réel : les faits divers les plus sanglants de ces dernières années ont largement été inspirés par les reportages orientés de nos télévisions, et la violence de nos fictions. AGNÈS FRESCHEL

P L OI V L RI ET SI Q U E

La banlieue du «20 heures» Ethnographie de la production d’un lieu commun journalistique Jérôme Berthaut Agone, 23 euros


Paul Dukas par les Siècles

Pour le grand-public, Paul Dukas (1865-1935) est l’auteur de... L’Apprenti Sorcier, immortalisé par Mickey et Walt Disney... quoique ni l’un ni l’autre ne le soit, immortel, tant les références d’autrefois (Fantasia date de 1940) ont tendance à se perdre dans la marée d’images qui s’offrent aux yeux des bambins. Ferait-on aujourd’hui un sondage auprès des ados, pour savoir qui connait ce dessin animé, qu’on serait surpris ! Bref, François-Xavier Roth et son orchestre

76 C D

Les Siècles, non-contents de graver une version somptueuse du poème symphonique (d’après Goethe), exhument la Cantate supra-romantique Velléda en compagnie d’un beau couple de chanteurs (Chantal Santon & Julien Dran), ainsi que l’Ouverture pour la tragédie de Corneille Polyeucte. JACQUES FRESCHEL

Yana & Daniel : un duo voyageur Au moment où l’on a découvert l’incroyable couple Yana Boukoff & Daniel Wayenberg à La Criée fin novembre dans un récital de mélodies slaves (voir Zib’69), paraissait leur disque nous emmenant bien ailleurs qu’en Europe de l’Est : «De Napoli à La Habana, de Sofia à New York». Lui, est une légende vivante, plus de soixante ans de carrière au compteur : placide et alerte comme un jeune pianiste de 84 ans ! Elle, petite-fille

CD Duka Les Musicales Actes Sud (distr. Harmonia mundi) www.actes-sud.fr

de Yuri Boukoff, est une belle plante de mezzo à la voix suave, vibrante. Si on la préfère dans les pièces tournoyantes et tendres des Bulgares Dobri Christo ou Parashkev Hadjiev que dans les Romances sucrées de Tosti, sa sensualité s’exprime à souhait dans les Canciones negras de Montsalvatge et les standards de Gershwin. Yambo !

Super Audio CD Yambo ! Lyrinx, LYR 2288 www.lyrinx.com

J.F.

Zingarella, petite danseuse de bois C’est un beau livre grand format, paginé d’illustrations (Leslie Umezaki) qui en mettent plein les yeux, colorées, un peu inquiétantes aussi, où l’on lit des sources qui filent des côtés d’Otto Dix ou Chagall. L’histoire est imaginée par Manon Rozier : Zingarella est une marionnette de bois, vedette trébuchante jetée dans un vieux coffre, héroïne partageant alors la vie d’oubliés du théâtre, mais qui l’aideront bientôt à retrouver, pour en

L’autre CAC 40

Que nous a réservé le CAC 40 en 2013 ? Dans le jargon de la Région, le CAC, Conseil Artistique à la Création, désigne une politique d’aide à la création et à la production artistique, en l’occurrence aux musiques actuelles, traditionnelles et du monde. Depuis quelques années, la Région PACA édite une compilation gratuite des groupes qu’elle est une des rares collectivités à subventionner, soutenir par la diffusion et le conseil. C’est que l’aide aux musiques actuelles, si disparates, n’est pas aisé : elles relèvent souvent d’une économie privée ou au contraire vivent d’expédients peu en accord avec les cadres légaux artistiques. Comment l’argent public peut-il intervenir dans ce secteur et sur quels critères de qualité ? En éditant des CD par exemple, et en le diffusant largement dans les festivals de musiques actuelles de la région et d’ailleurs : cette compil du CAC 40 comporte donc quarante plages, et déniche des talents locaux, soit des formations en tous

sortir, un fil invisible… un fil de «soi» ! La fable initiatrice, narrée par Catherine Alias, défile aux sons du Casse-noisette de Tchaïkovski et ses danses arabe, russe, chinoise, «des mirlitons» ou de la «fée dragée»… et comme c’est Ansermet qui dirige l’Orchestre de la Suisse Romande… on se tait et on tend l’oreille !

Livre + CD Jeunesse Zingarella Éditions Le Sablier (Forcalquier) www.lesabliereditions.com

J.F.

genres et tous styles, parfois bien surprenants et plus ou moins connues des autochtones. Le double album présente pour chacune d’elles un titre emblématique des spécificités et qualités du groupe sélectionné. Outre les déjà connus Kabbalah, Fred Nevchehirlian, Lo Cor de la Plana, cette mosaïque régionale fait également découvrir de petites merveilles. Le duo Catherine Vincent (voir Zib’60) en fait partie, poétique et militant. Dans un tout autre registre, les Andromakers viennent secouer les endormis avec leur électro recherchée alors qu’Isaya nous berce avec ses ballades envoûtantes. Retenons également le crooner garage Oh Tiger Mountain, le rock de The H.O.S.T, le multiculturalisme de Radio Babel Marseille, la singularité de Nini Cabaret ou encore le métal hurlant de Svart Crown. Il y en a 40 ! FRED ISOLETTA

Musiques actuelles Musiques du Monde 2013 Région Paca Arcade


Festes d’Orphée : Un Noël en Provence C’est le 3e volume des Noëls patrimoniaux de Provence que publie l’ensemble de musique baroque aixois Les Festes d’Orphée. Quel magnifique travail d’édition accompli, depuis 1996, d’exhumation et de diffusion de formidables redécouvertes qui forgent une identité musicale originale de la Provence historique. À côté d’un grand Motet «à la française» de Campra (Nativité de Jésus-Christ, Noël), on découvre deux Motets «parodiques» régionaux d’Auphan (Dixit sur les Noëls à chant) et Dupertuys (Magnificat des Noëls). Ces derniers procèdent d’un thème préexistant (souvent

des chansons à la mode) recevant de nouvelles paroles... latines ! C’est le cas pour les deux opus d’Auphan et Dupertuys qui puisent allègrement dans les Noëls de Nicolas Saboly (1614-1675) ayant œuvré de Carpentras à Arles, Aix, Nîmes ou Avignon... ainsi que des chansons populaires françaises et même du répertoire «galant». On se laisse gouverner à l’alternance des airs, chœurs et symphonies, aux contrechants de flûtes et violons, de la viole et du clavecin ou des timbales, et à la variété des couleurs vocales, sous la baguette de Guy Laurent.

CD Un Noël en Provence Vol. III Parnassie PAR 57 www.parnassieeditions.fr www.orphee.org

JACQUES FRESCHEL

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Maîtrise des BdR : Christmas Carols La Maîtrise des Bouches du Rhône et son Jeune Chœur dirigés par Samuel Coquard, se sont produits au Festival de Saint-Victor début décembre (voir p. 29) dans une affiche de leur dernier disque de Chants de noël» en anglais, accompagnés de harpe (Elodie Adler). On connait bien A Ceremony of Carols de Benjamin Britten, chef d’œuvre au rituel magnifié de poésie : les voix y sont somptueuses (d’étonnants jeunes sopranistes en particulier !), la lecture d’une

clarté rigoureuse. On découvre également de belles pages de Gustav Holst (Hymns for the Rig Veda et Two eastern pictures) comme l’hymne à la nature de Zoltan Kodaly Wainamonen makes music. À la harpe seule, ce sont des pièces carillonnantes de John Thomas qui font office d’interlude. Un disque de fête ! J.F.

Sur la planète NOVA Orange vif, le beau coffret Haute Musique de Radio Nova ne passe pas inaperçu dans les bacs et sur son étagère. Rassurez-vous, les dix CD qui composent ce joli recueil non plus. Loin de la standardisation des compilations conventionnelles, Nova nous souhaite une bonne année à sa manière, groovy, électro ou rock’n’roll. Avec des titres plus frais et éclectiques les uns que les autres (114 au total), ceux qui croyaient tout connaitre du réservoir musical Nova n’ont qu’à bien se tenir. Résolument contemporaine, l’habile sélection de nos défricheurs nous fait découvrir perles et trouvailles, merveilles et

surprises. Pour ne rien laisser au hasard, nos têtes chercheuses de lecture au saphir renifleur ont eu la très bonne idée de glisser au beau milieu de toute cette mosaïque quelques tracks singuliers issus des décennies précédentes, sans pour autant tomber dans le déjà vu. Une belle réussite. FRED ISOLETTA

Haute Musique Nova coffret 10 CD, 50 euros

CD Christmas Carols Parsiphonie PAR002 www.maitrise13.com

P C O D L I T I Q U E C U L T U R E L L E


Histoire : réalité augmentée

78 H I S T O I R E

19 décembre 2013, en présence du sénateur-maire de Marseille et de nombreuses personnalités, a été inaugurée l’extension numérique du Musée d’Histoire de Marseille qui permet aux visiteurs de préparer leur visite ou de parcourir la Voie Historique structurant la vieille-ville jusqu’à Saint-Jean, en écoutant les commentaires de spécialistes et en voyant en 3D le contexte urbain à différentes époques depuis la fondation de la ville. Ces programmes accessibles sur smartphone ou tablette permettent une promenade d’un peu plus d’un km, dans l’espace et le temps. Cela a été aussi l’occasion de présenter le numéro 243 de la revue Marseille consacrée au Musée d’histoire, succédant au numéro qui fait le tour du patrimoine architectural de la cité phocéenne. Ce numéro de la revue qui existe depuis 1936, dirigée par Pierre Echinard, précise les intentions et les ambitions du Musée et les treize séquences qui permettent de donner au public les éléments pour comprendre l’histoire de la ville. Laurent Védrine, le conservateur en chef, y précise les quatre idées sur lesquelles s’est appuyée la rénovation : «Une porte ouverte sur la ville ; l’archéologie au service de la transmission de l’histoire ; la ville figurée : représentations et réalités ; les objets ont la parole.»

Laurent Védrine © Annie Gava

Souhaitons bonne «promenade augmentée» à tous ceux qui souhaitent s’immerger dans les strates et lieux de l’Histoire, le long de la Voie Historique, du Musée d’Histoire jusqu’au MuCEM. ANNIE GAVA

Musée d’Histoire de Marseille 04 91 55 36 00 www.marseille.fr Revue Marseille www.marseille.fr/siteculture/jsp/ site/RunStandaloneRevueMarseille. jsp?page=revuemarseille

Reconnaissance des coopératives On vous en parlait dans le Zib’61 : les 15e et 16e arrondissements de Marseille ont vu naître en 2011 une coopérative d’habitants composée à 80 % de femmes, qui proposent balades urbaines et chambres d’hôtes pour faire découvrir leur quartier autrement. Depuis trois ans, le projet atypique d’Hôtel du

Nord était soumis à incertitudes, peinant à s’intégrer dans la législation appliquée aux professionnels du tourisme. Au mois d’avril, les sociétaires adressaient une lettre à Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’Économie sociale et solidaire et de la Consommation, pour lui demander de reconnaître Hôtel du Nord © balade du Verduron N. Cazals

leur spécificité. La réponse vient d’arriver, et elle est positive ! Désormais, ils pourront maintenir haut et fort leurs critères : donner la primauté à l’hospitalité et au cadre de vie dans une filière courte, sans intermédiaire entre les hôtes et leurs «passagers» (comme ils nomment joliment leurs clients). Reste à compléter l’offre de services -qui comprend déjà la vente de produits locaux et l’édition d’ouvrages- en développant les propositions faites aux groupes et en harmonisant les tarifs de la coopérative. Et surtout à ouvrir un chantier juridique et technique pour voir s’il sera possible de bénéficier de la même fiscalité que les agences de voyage (qui ne paient la TVA que sur leurs marges), et mettre au point une bonne formule d’assurances déclinable à d’autres initiatives. Ailleurs dans le monde, de telles pratiques émanant de collectifs de particuliers se développent. Prosper Wanner, gérant d’Hôtel du Nord, cite les régions très froides du Canada, où les indiens concernés par les questions environnementales se

rassemblent pour agir. En France, Benoît Hamon a présenté début novembre au Sénat une loi consacrée à l’Économie Sociale et Solidaire, qui ne clarifie pas forcément les choses, selon Prosper Wanner : «Elle cherche à faire du nombre, dans un secteur où la demande participe certes d’un courant collaboratif et témoigne d’un vrai changement dans la population, mais où ceux qui répondent s’inscrivent trop souvent dans une démarche marchande.» Malheureusement, les start-up attirées par le flou juridique investissent l’ESS, de même que les grosses machines comme la SNCF récupèrent le covoiturage pour le rentabiliser. Autant de bonnes raisons pour rester vigilants sur les glissements fréquents d’une valeur éthique à une valeur mercantile, de façon à identifier les projets qui tiennent bon la barre de l’engagement coopératif. GAËLLE CLOAREC

Hôtel du Nord, Marseille 09 50 28 29 96 http://hoteldunord.coop




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