Zibeline n°71

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un gratuit qui se lit

N°71 du 12/02/14 au 19/03/14

Remous dans

l’archéologie Spectacles :

l’abandon de l’État ?



Politique culturelle L’archéologie préventive .............................................. 4 Les Bis de Nantes ..................................................... 6, 7 Cinéma dans la Région, La Réplique ............................... 8 La Marelle .................................................................. 9 Entretien Hubert Colas ................................................ 10 Entretien François Cervantes ........................................ 11 Entretien Catherine Dan, Fabrice Murgia ........................ 12

MuCEM .................................................................. 14 Villa Méditerranée .................................................... 15

Critiques Théâtre, ..............................................................16 à 24 Danse ................................................................. 25 à 27 Musique ..............................................................28 à 35

Au programme Théâtre ............................................................... 36 à 43 Danse ................................................................. 44 à 47 Jeune public ........................................................48 à 51 Cirque ...................................................................... 52 Musique ..............................................................53 à 57

Cinéma .............................................................58 à 61 Arts visuels Musée des Beaux Arts, antiAtlas ................................... 62 Frac, Château de Servières ........................................... 63 Hôtel Renaissance, Tabula rasa .................................... 64 Fondation Maeght ...................................................... 65 Au programme ..................................................... 66 à 68

Livres, DVD ..................................................... 70 à 74 Rencontres Antoine Choplin, BdP, ARL .......................................... 76 Forum des Lycéens, La Cité .......................................... 77 MuCEM ..................................................................78, 79

Réaction

Les racistes défilent dans la rue, les antisémites se donnent en spectacle, les homophobes se mêlent publiquement de la vie intime des autres, et voudraient faire à nouveau peser sur les épaules libérées les carcans des préjugés anciens… Voilà que tous ceux-là s’affichent, réclamant une autorité morale, et oubliant où conduit naturellement cet idéal sectaire du moi blanc hétéro avec mâle dominant et femme-mère. Une norme qui n’est que barbarie : c’est dans l’acceptation de l’autre en soi que réside la civilisation, Patrick Chamoiseau l’a brillamment démontré au MuCEM (voir p78)… Il reste à espérer que ce raidissement n’est qu’un soubresaut de résistance aux avancées sociétales en marche, celles qui nous porteront à nous sentir, vraiment, tous égaux, au moins dans les regards. Le score du Front national dans la région devrait mesurer l’ampleur de la Réaction à l’œuvre…

Changement

D’autres changements se profilent pour Zibeline : notre appel à contribution a été entendu ! Merci à tous ceux qui ont contribué ou relayé ! Nous sommes un peu sortis du rouge, pouvons développer notre radio que vous êtes nombreux à écouter, et notre site, afin que l’information culturelle soit à votre disposition partout et à tout instant. Nous continuons à avoir besoin de vous pour vous fournir gratuitement une information libre et pertinente : n’oubliez pas que vous pouvez à tout instant nous soutenir en adhérant directement sur notre site. Et que Zibeline vaut bien ça ? Un autre changement, plus personnel, et lié au constat dressé plus haut : pour tenter de faire changer les regards, et défendre la place fondamentale de la culture, je me présente aux élections municipales à Marseille, sur les listes du Front de Gauche. Comme il me semble difficile et peu éthique de continuer à écrire sur la politique culturelle dans ces conditions, je vais laisser Zibeline vivre sa vie sans moi jusqu’aux résultats des élections ; l’équipe est prête à prendre le relais, et vous verrez quelques nouvelles signatures… À très bientôt ! AGNÈS FRESCHEL

Mensuel gratuit paraissant le deuxième mercredi du mois Édité à 32 000 exemplaires imprimés sur papier recyclé Édité par Zibeline SARL 76 avenue de la Panouse n°11 13009 Marseille Dépôt légal : janvier 2008 Rédactrice en chef Agnès Freschel agnes.freschel@wanadoo.fr Imprimé par Rotimpress 17181 Aiguaviva (Esp.) Photographe Agnès Mellon 095 095 61 70 photographe-agnesmellon. blogspot.com

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www.journalzibeline.fr Rédactrice en chef adjointe Dominique Marçon journal.zibeline@gmail.com 06 23 00 65 42

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Secrétaire de rédaction Delphine Michelangeli d.michelangeli@free.fr 06 65 79 81 10

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Arts Visuels Claude Lorin claudelorin@wanadoo.fr 06 25 54 42 22 Livres Fred Robert fred.robert.zibeline@free.fr 06 82 84 88 94

Cinéma Annie Gava annie.gava@laposte.net 06 86 94 70 44 Élise Padovani elise.padovani@orange.fr Philosophie Régis Vlachos regis.vlachos@free.fr

Sciences Christine Montixi christine.montixi@ac-aix-marseille.fr Polyvolantes Chris Bourgue chris.bourgue@wanadoo.fr 06 03 58 65 96

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Directrice de publication Directrice Commerciale Véronique Linais vlinais@yahoo.fr 06 63 70 64 18 La régie Jean-Michel Florant laregie@gmx.fr 06 22 17 07 56 Collaborateurs réguliers : Frédéric Isoletta, Yves Bergé, Émilien Moreau, Christophe Floquet, Pierre-Alain Hoyet, Clémence Usseglio-Viretta, Aude Fanlo, Dan Warzy


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qui a pour tutelle le ministère de la Culture, celui de la recherche et de l’enseignement supérieur, et le ministère des Finances. Cet établissement de service public répond aux exigences des DRAC, soit de diagnostic, soit de fouilles. Que s’est-il passé en 2003 ? Sous le gouvernement Raffarin la loi est modifiée : le diagnostic est laissé entièrement à l’INRAP, mais l’aménageur lance un appel d’offres auquel le privé comme le public peuvent répondre. Il faut que les opérateurs privés aient l’agrément du ministère et n’aient aucun lien avec des organismes de bâtiment public. Une commission, la CIRA, composée d’archéologues, donne une appréciation scientifique sur les dossiers, formule un avis transmis au Préfet. L’État ne se prononce pas sur la clause financière mais sur le projet. En quoi la loi Raffarin a-t-elle concrètement modifié la donne ? Les syndicats parlent de chantier bâclé, de dumping social qui permettrait d’arracher les marchés… Ce système a permis de créer de l’emploi ; les archéologues du privé ont les mêmes compétences que ceux du public, la seule différence est celle du statut. L’État reste le point central du

dispositif, arbitre, garant, c’est ce qui ressort aussi du livre blanc écrit par tous les acteurs précités, et rendu début 2013. La loi des Patrimoines -soulignons le pluriel- sera présentée en 2014. Il ne faut pas oublier qu’il existe des Unités Mixtes de Recherche, Pôles Publics de l’archéologie, rassemblant le ministère de la Culture, l’université, l’INRAP, les collectivités, le CNRS : les savoirs particuliers se rassemblent. L’archéologie est plurielle. C’est-à-dire ? Il ne s’agit pas que de conserver ou prévenir, la restitution au public est essentielle, surtout au public scolaire. Le patrimoine est une chance, mais il ne faut pas non plus sanctuariser le pays. En PACA, plus de 36 000 sites sont recensés ! Or, pour les DRAC, les budgets sont reconduits à l’identique de l’année précédente. Il n’y a pas eu de baisse significative pour le patrimoine. Quant à l’INRAP, ses difficultés sont passagères et conjoncturelles, liées au mécanisme de redevance de l’archéologie préventive. 180 CDD ont été convertis en CDI, nous sommes le seul pays dans lequel l’archéologie a progressé ! Notre paysage a été façonné par les archéologues, c’est aussi une fierté. Entretien réalisé le 23 janvier par Maryvonne Colombani, à la DRAC d’Aix-en-Provence

bani Colom vonne © Mary

Le 19 novembre dernier, un millier d’archéologues en grève, venus de toute la France, manifestaient à Paris pour protester contre la fragilisation de leur statut, remis en cause par la loi de 2003 du gouvernement Raffarin qui a créé un marché de l’archéologie préventive, avec appel d’offre ouvert aux firmes commerciales privées. Un véritable dumping social et scientifique serait pratiqué par ces dernières. Les inquiétudes liées aussi à la perte d’un tiers des moyens depuis 2006, sont vives. Les syndicats souhaitent le rétablissement du monopole de l’INRAP. Le malaise s’accroît avec les incertitudes liées au projet de loi des Patrimoines qui doit être présenté au cours de l’année 2014. Zibeline s’est rendu auprès de Xavier Delestre, conservateur régional de l’archéologie à la DRAC, pour demander des précisions à propos cette loi. Zibeline : Qu’en est-il aujourd’hui de l’ouverture au privé des chantiers d’archéologie préventive, et des atteintes susceptibles d’être portées à la valeur et à la rigueur scientifique des opérations de fouille, dont l’INRAP est le garant ? Xavier Delestre : D’abord, pour contextualiser tout cela, l’archéologie est une discipline scientifique qui a une longue histoire, mais une vie institutionnelle très jeune. La loi de 1941, validée en 1945, était une loi de police, destinée à la protection du patrimoine, ce sera la seule jusqu’en 2001. On y prenait enfin en compte la notion de la conservation du patrimoine. Mais la loi avait une faiblesse : ne pas préciser qui finance ! Jusque dans les années 50, les archéologues étaient le plus souvent des dilettantes, riches et éclairés, mais avec la professionnalisation de l’activité ils ont été ressentis comme des empêcheurs de tourner en rond, contrecarrant d’autres actions qui étaient aussi légitimes : construire des autoroutes, des hôpitaux, des logements sociaux. Cela a mené à un débat politique d’ampleur. La France avait signé en 1994 la Convention de Malte selon laquelle le patrimoine est un bien collectif de la responsabilité de l’État. Aussi en 2001 la loi consacre l’abandon de la politique du sauvetage, qui ne convenait ni aux archéologues ni aux aménageurs, pour s’orienter vers la prévention. Comment cela se passe-t-il dans les faits ? L’État, par le biais des DRAC, expertise pour déterminer l’intérêt de la fouille. Cette loi invente aussi un impôt, le coût de la fouille est à la charge de l’aménageur. L’État peut accorder des subventions dans le cas d’un aménageur, simple particulier, ou lors de la construction de logements sociaux. En relation avec cette loi, un outil voit le jour, l’INRAP,

Coudouneu, Lançon-de-Provence, Bouches-du-Rhône, 1993 © Gaëtan Congès

P O L I T I Q U E

Du paysage de l'archéologie préventive



Où va le spectacle vivant ? 6 P O L I T I Q U E C U L T U R E L L E

Depuis 10 ans les Biennales Internationales du Spectacle accueillent à Nantes les professionnels de la filière, dressant un bilan de santé du secteur. Le discours d’Aurélie Filippetti y était très attendu… Jamais les Bis n’avaient rassemblé autant de monde : 11 254 professionnels ont fréquenté cette 5e édition d’un salon professionnel animé de débats, proposant aussi spectacles et concerts. L’occasion pour les politiques de s’exprimer, pour les artistes de partager leurs expériences, pour les syndicats et les sociétés d’auteurs et d’interprètes de proposer et revendiquer. Mais les trois journées ont formulé bien des déceptions, et des inquiétudes…

Le rôle de l’État

L’apogée en forme de Nadir de ces rencontres professionnelles fut l’intervention d’Aurélie Filippetti, qui eut du mal à soutenir son bilan. Elle commença son discours en s’excusant de la brièveté de son passage, qui ne lui permit pas de participer au débat, alors même que les syndicalistes soulignaient la paupérisation galopante de la profession. En rangs serrés, ce sont artistes et techniciens, intermittents et permanents, indépendants et structures nationales, qui se plaignent de la perte progressive de leurs moyens de production, et de la réduction impressionnante des marges artistiques dans toutes les maisons. Le discours d’Aurélie Filippetti, loin de rassurer, montra

surtout son impuissance, et les efforts de son ministère à faire avec ce que le gouvernement lui donne… Elle commença donc par défendre son bilan, fondé essentiellement sur des actions qui ne coûtent rien, mais changent effectivement le paysage : les nominations à la tête des établissements nationaux d’une génération d’artistes ou de directeurs plus jeunes, avec une attention portée à la parité (50% de femmes nommées), aux collectifs d’artistes, aux formes innovantes ; son attachement à la liberté de la création, qui doit être garantie par l’État quand elle est menacée par des volontés de censure ; les efforts législatifs menés pour une juste rémunération des droits des auteurs et interprètes sur Internet, et le soutien affirmé, sans légiférer, à la reconduction du statut des intermittents du spectacle ; enfin, la préservation de la part du budget du ministère de la Culture et la Communication allouée à la création, après le «dégel» du solde de 2013.

La baisse des moyens

C’est ici que le bât blesse, et fortement. Si le travail du ministère est intelligent dans ses choix et ses orientations, dans les faits il ne travaille qu’aux marges, sans aucune latitude budgétaire, en reconduisant de fait la politique des gouvernements précédents qui ont peu à peu asphyxié la décentralisation culturelle, et la capacité de production des maisons de spectacle vivant. La ministre ne dispose pas des marges de manœuvre nécessaires à l’élaboration de la politique culturelle ambitieuse nécessaire pour redynamiser un secteur en crise profonde, et sur le déclin. «Nous avons fait preuve collectivement d’un grand sens de responsabilité face aux difficultés budgétaires que traverse notre pays»

déclare-t-elle, avant de rappeler combien elle est «attachée à la défense des moyens d’intervention du ministère pour la création». Ce qui signifie en clair que le budget du ministère de la Culture a baissé en 2013 et 2014 (-2.1%), et celui de la création stagné. Au sujet des moyens d’intervention décentralisés en région, la ministre déclare : «L’État entend maintenir son niveau d’intervention pour la création dans les territoires, qui est la vraie solidarité que je souhaite afficher avec les artistes dans un contexte de crise.» Mais dans le détail, le niveau d’intervention de l’État ne lui permet pas d’être garant d’une politique volontaire : si «la présence de l’État est absolument essentielle pour pouvoir mener une politique culturelle qui respecte l’égalité entre les citoyens et les territoires», le manque de moyens ne peut qu’aggraver les déséquilibres existants. En effet, les crédits décentralisés aux Régions sont les mêmes que les années précédentes, augmentés parfois très légèrement, mais avec des missions supplémentaires. Ce que la ministre explique en substance : «Ce sont les crédits d’intervention de l’État en région à travers les DRAC que j’ai veillé à préserver, et même parfois à augmenter. Ce mouvement continuera, c’est absolument indispensable pour la réussite, notamment, du projet d’éducation artistique et culturelle.» Entre les lignes se lit un aveu d’impuissance à faire changer des affectations de crédits très inégalitaires, l’essentiel du budget de l’État consistant dans les crédits centralisés affectés pour la grande majorité à Paris et l’Île de France (voir répartition ci-contre).

Une inégalité culturelle

© ministère de la Culture et de la Communication

L’État est donc très loin d’être le «garant de l’égalité» culturelle des citoyens, et l’effort de rééquilibrage est dérisoire. Comment, avec les mêmes sommes et l’augmentation des coûts, avec une politique d’éducation artistique et culturelle qui vient s’ajouter aux missions sans moyens supplémentaires, et après des années de disette et de diminutions successives, ne pas craindre pour l’existence en région d’une politique de création dans les maisons nationales, et de soutien par la subvention de la création indépendante ? Les rumeurs sur la disparition ou le changement de statut des DRAC (fusion avec les Régions ? dépendantes des Préfectures ?) vont bon train, et la ministre se veut rassurante : «Si certains voient dans cette disposition (loi de décentralisation qui affecte aux Régions une partie des compétences de l’État ndlr) une menace pour l’existence des directions régionales des affaires culturelles et le signe d’un désengagement de l’État, je veux les rassurer : ce ne sera ni l’un ni l’autre et je poursuivrai, en 2014, mon action en faveur d’une présence renforcée de l’État en région, aux côtés des collectivités territoriales.»


Une profession alertée

À Nantes chacun rappelle avec amertume le discours du candidat Hollande sur cette même

© A.F

Vœu pieu, déni ou volonté véritable ? La ministre explique que l’État est le premier financeur de la Culture en France : «C’est l’État qui reste le premier investisseur avec plus de 13 milliards d’euros, dans la Culture. Les collectivités locales investissent pour plus de 7 milliards d’euros, et à l’intérieur de ces collectivités locales ce sont les communes et les intercommunalités qui tiennent la majeure part.» Le constat est exact, mais nettement biaisé : les 13 milliards recouvrent l’ensemble du budget du MCC, et non les 7.5 milliards de la Culture : dans les faits, les DRAC ne disposent que de 780 millions d’euros… Les collectivités territoriales investissent donc localement bien plus que l’État, et partout en Régions elles sont très nettement les premiers financeurs. Y compris dans les Scènes Nationales, les Centres Dramatiques ou Chorégraphiques Nationaux, les musées de France, les bibliothèques territoriales, les Écoles d’Art. Les établissements nationaux en Région, dont le fonctionnement est entièrement pris en charge par l’État comme le MuCEM, se comptent sur les doigts de deux mains… et de fait ce sont les collectivités locales et territoriales qui financent la vie culturelle en Région. Jusqu’à quand l’État pourra-t-il se prévaloir d’un rôle de «garant» (du goût ? de l’égalité ? de la liberté d’expression ?) dans ces conditions ?

scène en 2012, et la «sanctuarisation» du budget promise. Chacun s’appuie sur l’étude commandée par l’Inspection Générale des Finances1, montre la part considérable de la Culture dans la vie économique, et à l’intérieur de cette part l’apport croissant du spectacle vivant. Les syndicalistes rappellent que «les économies réalisées sur le budget de la Culture représentent 20 kms d’autoroute», alors que le secteur pèse très lourd2. De nombreux ateliers ont travaillé à repenser les financements culturels locaux à l’heure de la métropolisation ; à travailler en rhizomes pour élaborer des chartes et des cahiers des charges qualitatifs à l’échelle des villes ; à trouver des financements nouveaux, privés, sur les droits de reproduction numérique.

Bref, à tenter de pallier le désengagement du gouvernement… AGNÈS FRESCHEL

1 L’apport de la culture à l’économie en France, décembre 2013, Inspection Générale des Finances, Inspection Générale des Affaires Culturelles www.economie.gouv.fr/files/03-rapport-igf-igacculture-economie.pdf 2 La valeur ajoutée du secteur culturel représente 58.7 milliards d’euros, soit autant que l’agriculture et sept fois plus que l’automobile. C’est un secteur en expansion, créateur d’emploi (2.5% de l’emploi en France), à très fort impact sur l’économie locale.


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Sorti en 2010, et soutenu par la Région, Cheminots de Luc Joulé © Shellac

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Cinéma

Région : le bilan dans la

Le 21 janvier, à la Maison de la région, les professionnels du cinéma et de l’audiovisuel étaient invités à venir discuter du bilan de 10 ans de politique cinéma et audiovisuel en Provence-Alpes Côte d’Azur, entre 2003 et 2013. À la demande du service du cinéma dirigé par Chantal Fisher, une étude a été conduite, entre avril et décembre 2013, par les cabinets IDATE et Hexacom qui, après avoir exploité les ressources documentaires, ont interrogé une quarantaine de professionnels pour, entre autres, évaluer la politique menée depuis dix ans en analysant ses forces et ses faiblesses aussi bien au niveau de la production qu’au niveau de l‘accueil des tournages, du soutien à la formation et à l’emploi, au rayonnement et à la diversité culturelle ou au soutien à l’éducation à l’image. La 2e partie de l’étude tend à proposer des solutions «visant à permettre à la Région de réorienter la politique actuellement menée et les objectifs associés» en prenant en compte le point de vue des acteurs économiques, associatifs ou institutionnels, et après avoir identifié les besoins et les attentes des professionnels ; par exemple, instaurer un rendez-vous annuel sous la forme d’«Assises régionales de l’Audiovisuel», ou créer une cinémathèque régionale pour valoriser et diffuser la mémoire audiovisuelle de la région, élargir le fonds d’aide à de nouveaux formats pour favoriser l’émergence de nouveaux talents ou mieux valoriser et communiquer sur les

productions aidées par la Région, les producteurs régionaux et leurs œuvres… Le débat, court, qui a suivi, a fait apparaître que certains professionnels regrettent que le fonds d’aide créé il y a 10 ans n’ait pas augmenté, que la région Paca très attractive en la matière (la 2e en France), ne soit plus que la 5e au niveau du soutien ; d’autres que les participants ne soient pas assez associés aux décisions et aux commissions, d’autres encore que la diversité et la mutation du milieu ne soient plus prises en compte. On ne peut que se réjouir de l’existence de ce bilan qui permettra à la filière du cinéma et de l’audiovisuel de faire le point. Mais si les études et les assises sont nécessaires, le constat qu’il faut financer la création et la diffusion des films d’auteur tombe sous le sens, et devrait être la priorité des financements culturels, y compris dans ses industries, plutôt que «d’améliorer la position concurrentielle et de renforcer l’attractivité du territoire»… ANNIE GAVA

La restitution publique de l’étude «10 ans de politique territoriale en faveur du cinéma et de l’audiovisuel : bilan et perspectives» a eu lieu le 21 janvier à La Maison de la Région, Marseille

Les ateliers de La Réplique La Réplique, centre de ressources des métiers de l’acteur créé en 1981 -qui fédère les artistes autour de projets communs, propose des formations, favorise l’emploi en collaborant avec les collectivités territoriales, en particulier avec la Région PACA-, a mis en place il y a 10 ans Les Ateliers Courts. Le 28 janvier, à la Maison de la région, elle a commencé un cycle de projections pour montrer au public quelques-uns des 15 films réalisés. Le principe est simple : chaque année, la Réplique s’associe à un producteur régional et un réalisateur invité pour donner naissance à un film, issu d’un travail collectif, basé sur la recherche et l’improvisation, en plaçant le travail de l’acteur en amont de la narration et de la forme du scénario. C’est ainsi que l’on a pu voir Big in Vietnam de Mati Diop, le portrait d’une femme entre deux mondes, avec en toile de fond un plateau de cinéma dressé dans une forêt aux environs de Marseille, où l’on tourne Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos et que quitte l’acteur principal. Commence alors une errance dans la ville pour la réalisatrice franco-vietnamienne qui va à la découverte d’un monde et de souvenirs. Suit une comédie de Lucia Sanchez, Waterloo : ils sont douze et il semble que certains n’auront pas leur place ; ils sont prêts à tout pour la trouver jusqu’à livrer bataille… Les spectateurs ont pu aussi découvrir le travail de l’atelier court animé par Alain Guiraudie dans le documentaire d’Elise Tamisier, Guiraudie côté cour(t). Les projections vont continuer au Polygone Etoilé le 31 janvier, à La Buzine le 5 février et à l’Alhambra le 10 À partir du 10 février, tous les films seront visibles sur http://atelierscourts.lareplique.org/ A.G.

La Réplique 04 26 78 12 80 www.lareplique.org


La Marelle rebondit Nous évoquions il y a quelques temps les difficultés que rencontraît, comme beaucoup d’autres structures culturelles de la région, l’association La Marelle (lire à ce sujet l’article d’Agnès Freschel paru dans le n° 67). En ce début 2014, les contraintes financières perdurent. Certains événements, comme le festival CoLibris dédié aux littératures sud américaines contemporaines, tomberont tout bonnement à la trappe cette année. D’autres, déjà programmés, sont suspendus à l’arrivée des subsides promis… Pourtant, toute l’équipe de Pascal Jourdana est sur la brèche, bien résolue à proposer cette année encore des événements littéraires originaux et des projets de grande qualité.

Un lieu, des résidences

La Marelle -faut-il le rappeler- est d’abord une «villa des auteurs». Les résidences d’écriture et de création se poursuivent donc au rythme d’un auteur par mois. La Marelle recevra ainsi en février Frédéric Pajak, un auteur dessinateur qui suit les traces de Walter Benjamin. Sa résidence marseillaise lui permettra de mettre ses pas dans ceux du philosophe et critique allemand qui a séjourné à Marseille en 1940. Il sera suivi en mars par l’auteur, comédien et metteur en scène congolais Julien Mabiala Bissila. Cette résidence a été conçue conjointement avec La Cité espace de récits communs pour la deuxième édition de la Biennale des Écritures du Réel ; elle proposera un nouvel épisode de Chemin faisant, autour du quartier de Saint-Mauront et de ses habitants. En ce moment, ce sont le romancier Sylvain Coher et le musicien colombien Juan Pablo Carreño qui sont accueillis à la Villa, dans le cadre d’un projet de «suite musicale policière» initié par Roland Hayrabédian, fondateur et directeur de Musicatreize. Cette résidence constitue la première étape de cette «énigme lyrique» en trois temps. Le romancier résident a construit les récits de trois crimes perpétrés à des époques différentes mais reliés entre eux. Cela parle, paraît-il, de vengeance familiale, de poisons,

de plantes maléfiques… Chacun des trois actes de cet opéra d’un genre nouveau sera traité musicalement par un compositeur différent. Carreño est chargé de la première cantate, La digitale ; le Grec Alexandros Markeas prendra en charge la seconde, La Douce-Amère ; et c’est au Français Philippe Schoeller qu’il reviendra de mettre en musique la troisième, La Dame d’Onze heures. Un projet ambitieux, qui s’étendra sur deux ans. La première des trois «cantates policières» devrait être donnée à l’Opéra de Marseille (qui est coproducteur) durant l’automne 2015.

Naissance d’une revue

Pour faire connaître ses auteurs résidents, La Marelle propose toujours des rencontres avec eux, à La Friche, dans les librairies et autres lieux culturels de la ville et de la région… On pourra désormais aller plus loin, les lire, lire des commentaires. A l’heure où nous écrivons, le premier numéro d’une revue est en préparation. La première chose que je peux vous dire, tel est son (joli) nom. En écho à l’incipit du roman de Gary-Ajar La vie devant soi. Cette revue littéraire, qui paraîtra tous les trois/ quatre mois, publiera, outre le programme complet des activités et rencontres proposées par la Marelle, des textes inédits des résidents (un texte de Julien Mabiala Bissila Après une longue apnée sera ainsi publié dans le numéro 1), ainsi que des chroniques et billets d’humeur. À suivre…

Au cœur de Cortázar

Si CoLibris est abandonné, temporairement du moins, La Marelle n’en a pas fini avec la littérature latino-américaine. L’association doit d’ailleurs son nom au titre d’un des plus fameux romans de Julio Cortázar. En 2014, on célèbre à la fois le centenaire de la naissance

et le quarantième anniversaire de la mort de l’écrivain argentin. À cette occasion, un important colloque lui sera consacré. En avant-première à ce colloque, pendant les rencontres cinématographiques du film sud américain (qui se tiendront du 28 mars au 5 avril), La Marelle rendra hommage à un Cortázar intime grâce à des lectures et des débats autour de ses œuvres, et tout particulièrement Les autonautes de la cosmoroute, que l’on peut considérer comme son testament à la fois amoureux et littéraire. Quelques projets phares donc, parmi les nombreuses manifestations et rencontres auxquelles participera, cette année encore, La Marelle. Une association et une équipe dont on salue l’enthousiasme, l’énergie et la volonté toujours renouvelés, malgré les restrictions budgétaires, malgré les aléas. Et à qui on souhaite pour 2014 de mener à bien toutes ces entreprises et de continuer longtemps à nous faire découvrir des talents nouveaux et des chemins littéraires peu arpentés. FRED ROBERT

À venir Le dimanche 16 février à 16h, dans le cadre de Made in Friche, venez assister au prélude d’un Meurtre à l’Opéra, salle Panorama. Une autre rencontre autour de ce projet musico-littéraire inédit est prévue à Musicatreize le 20 février à 19h en présence de Roland Hayrabédian et de Sylvain Coher. Rencontre avec Frédéric Pajak à la librairie du MuCEM le 28 février à 18h Renseignements et programme complet : 04 91 05 84 72 / www.villa-lamarelle.fr

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A.F.

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© Nicolas Marie

La reprise de Face au Mur dans le grand théâtre de la Friche a démontré une fois encore le talent d’Hubert Colas. La pièce de Martin Crimp, cruelle, drôle et complexe, est offerte face au public par un groupe d’acteurs dirigés au cordeau. Sans naturalisme toute la réalité du monde est là, portée par des acteurs qui n’incarnent jamais des personnages mais se présentent comme des instances de parole, et disent à travers une histoire discontinue les impasses sociales, la surdité générale, les enfermements, les culs-de-sac des relations familiales, les obstacles insurmontables qui enferment les personnages dans des bulles de violence prêtes à éclater comme ces ballons qui jonchent le sol, comme dans un rêve qui conforterait l’acuité du propos. Depuis la création au Gymnase, le spectacle a pris une patine, un rythme, une profondeur indéniables, pour atteindre une sorte de perfection.

Un espace pour Colas ? Hubert Colas, co-directeur de Montévidéo, directeur d’Actoral, auteur reconnu, metteur en scène de grand talent, aura-t-il enfin à Marseille la place qu’il mérite, et qui pourrait changer le visage théâtral marseillais ? À l’heure où son lieu est menacé de fermeture, rien n’est en vue… Zibeline : Que va devenir Montévidéo ? Hubert Colas : À l’heure actuelle je souhaite que le lieu puisse perdurer après 2016. Le studio musique fonctionne encore, Jean-Marc Montera (directeur du Grim et co-directeur de Montevideo) part à la Friche avec le GMEM… J’espère aussi pouvoir rouvrir le théâtre en haut, mais rien n’est moins sûr… Qu’en est-il des Bernardines ? Alain Fourneau et Mireille Guerre s’en vont, mais on parle aujourd’hui plutôt d’une salle jeune public, voire d’une salle de répétition pour le Gymnase ou la Criée… N’aviezvous pas un projet de reprise ? La Ville de Marseille et l’État voulaient jouxter les Bernardines et Montévidéo. Alain Fourneau le désirait aussi, dans un esprit de continuité avec le travail qu’ils ont mené en ce lieu depuis des années. Ce lieu appartient à la Ville, ce sont les collectivités qui doivent décider. Il était question de ce rapprochement il y a deux ans, mais pas à l’heure actuelle… Cela me semblait pourtant une excellente idée, qui suscitait mon enthousiasme et me faisait rêver d’un travail avec le quartier, avec un accueil dans la journée, un lieu pluridisciplinaire

parce que les écritures contemporaines ont besoin de ce mélange… Avec le Pôle Théâtre à la Friche et la nouvelle Minoterie, un autre paysage semble se dessiner… Si la Friche devient un lieu de partage avec une direction collégiale d’artistes, avec des moyens de production, sans doute. Quant à la Minoterie, la présence d’artistes dès l’année d’ouverture est encourageante… mais là encore il faut des moyens de production pour que le projet puisse perdurer au-delà. L’édition 2013 d’Actoral a été exceptionnelle. Pourrat-elle elle aussi perdurer avec la même ampleur ? Actoral a nettement progressé en 2012 et en 2013 : nous sommes passés de 65% de remplissage à 78%, alors que nous avons plus que doublé le nombre de sièges proposé. Approcher les 10 000 spectateurs sur des écritures contemporaines, ce n’est pas rien ! L’intérêt du public, et des tutelles, dépasse aujourd’hui largement les frontières. En 2014 nous ferons une édition spéciale à Montréal. Quant à perdurer… En 2012 et 2013 les moyens financiers ont changé ; les collectivités compenseront-elles les budgets mis en œuvre pour la Capitale culturelle ? Les 850 000 euros de cette année nous ont amenés à doubler l’offre, mais aussi de permettre que des spectacles d’envergure internationale comme celui de Rodrigo Garcia côtoient des artistes émergeants. Nous espérons retrouver en 2015 les moyens de 2013.

Pour 2014 cela ne semble pas possible. Ce serait une catastrophe si la vague de fond qui a porté 2013 devait retomber, la ville doit conserver la fierté de son éclectisme, rester à la hauteur de son image. Pensez vous que l’année capitale a durablement changé la donne marseillaise ? Cela a indéniablement réussi en termes de nouveaux lieux. En peu de temps, grâce à MP2013, on a rattrapé notre retard, et l’envie de culture est là. Mais parallèlement l’État baisse le budget de la culture pour la première fois, et ne mesure pas ce que cela représente, les bienfaits et la nécessité des investissements culturels, l’urgence de mieux prendre en charge la création et la diffusion. Les acteurs culturels, les syndicats, se plaignent des difficultés de dialogue avec les tutelles. Qu’en pensez-vous ? Je pense qu’il y a dix ans notre relation était meilleure. S’il y a une prise de conscience des enjeux économiques de la culture, le reste échappe à la réflexion. La création est une exigence, elle a besoin de macérer. Elle est comme l’éducation, elle a besoin de perspectives, d’une vision politique qui aille au-delà du court terme… Et quels sont vos projets d’artistes sur le court terme, justement ? Nous partons à Montréal jouer Face au Mur. Puis je vais mettre en scène pour actoral 2014 Nécessaire et urgent d’Annie Zadek, que nous avions donné en lecture en 2012. La tournée de Gratte ciel commence en juin 2015. Et je vais rentrer en écriture, pour un projet personnel, en 2016. J’ai beaucoup travaillé depuis 2007 dans la perspective de la Capitale culturelle, et personnellement j’ai besoin d’entamer un nouveau cycle. Entretien réalisé par AGNÈS FRESCHEL


Au-delà de Franck

La Trilogie de Franck est présentée à la Friche durant trois weekends. L’occasion de revoir La Table du Fond et Silence, créés en 2006 et 2009, et de découvrir Le Soir, dernier volet de la trilogie de l’écolier, de ses parents, de l’école et des livres (voir Zib 68 ). Nicole Choukroun et Stephan Pastor y sont magistraux, le texte de François Cervantes est riche d’émotions et très subtilement construit, les 3h40, avec deux entractes, passent comme lors d’un beau voyage en commun. Mais l’avenir de l’auteur metteur en scène, résident de la Friche, est-il pour autant assuré ? Zibeline : Au cœur de ce nouveau pôle théâtre, où en sont vos projets de permanence artistique ? François Cervantes : Le projet a été unanimement reconnu dans sa qualité… Mais cela n’a été suivi d’aucun effet. Les tutelles ne m’ont pas lâché, mais pas non plus protégé. Aujourd’hui notre «permanence» ici se réduit à jouer durant trois week-ends, soit 9 dates. Mais pourquoi ce désir de permanence artistique ? Parce que c’est ainsi que les choses se construisent : quand un groupe d’acteurs a l’habitude de travailler ensemble souvent, de créer et reprendre et diffuser les pièces, qu’ils ont ensemble 12 pièces en mémoire, qu’un rapport régulier s’instaure avec le public… Le modèle du Centre dramatique est aujourd’hui une vieille figure, il faudrait retrouver l’esprit de troupe, l’idée de répertoire. Le pôle théâtre ne peut-il permettre cela ? Il est né il y a deux ans mais il est toujours à l’étude et ne sait pas où il va… Si Massalia n’était pas là on en viendrait à jouer à la recette, ici, dans ce lieu conçu comme une coopérative ! Donc on travaille pour sauver notre peau, mais le projet de permanence est en coma provoqué. Il faudrait une volonté politique, c’est un projet politique, qui demande à s’interroger sur l’argent que les collectivités peuvent mettre dans la création, dans la production, pour que les artistes puissent changer le rapport au public dans la durée, installer les choses. Mais le nouveau lieu est très beau ! Oui, mais dans le même temps les salles sont perçues comme trop belles pour recevoir des expériences et des laboratoires. La dimension coopérative est saccagée par la pensée même qui a déclenché des travaux qui nous ont dotés d’un outil enfin opérant. L’artisanat du théâtre doit se garder des conditions de production industrielles… Entretien réalisé par AGNÈS FRESCHEL

La Trilogie de Franck est jouée jusqu’au 23 février (vend, sam et dim) à La Friche 04 95 04 95 75 www.theatremassalia.com

À noter Sur le Chemin de l’école, l’art et l’école en Dialogue, une rencontre sous forme de conversation publique. Avec Didier Abadie , Nathalie Cabrera, Philippe Delaigue, Michea Jacobi, Régis Sauders, Jean Luc Weinich, Joelle Zask, en partenariat avec Zibeline Le 19 fév de 14h à 18h Entrée libre 04 91 08 06 93 Le Soir © Christophe Raynaud de Lage


La Chartreuse sort de la confidentialité 12 P O L I T I Q U E C U L T U R E L L E

Depuis septembre 2013, Catherine Dan dirige le Centre national des écritures du spectacle La Chartreuse, à Villeneuve-lez-Avignon, qui accueille 200 artistes en recherche par an. Entretien autour de son projet et ses orientations pour 2014. Zibeline : Quelles sont les missions de La Chartreuse ? Catherine Dan : C’est un lieu de recherche qui donne du temps aux artistes pour créer un lieu de résidences d’auteurs qui leur permet d’écrire en s’immergeant totalement, en individuel à la table, ou directement au plateau. Différents studios permettent ces formes de travail, et le soir, à la table d’hôtes, des rencontres se créent parfois entre les équipes. C’est le seul lieu à offrir cette capacité de recherche sur la création en France. C’est aussi un laboratoire de réflexion, de formations. J’ai voulu qu’il s’ouvre plus encore au public et sorte de la confidentialité. Que mettez-vous en place ce premier semestre ? La recherche théâtrale ne doit pas être coupée du public. Avec Les Nuits secrètes, une journée portes ouvertes pour découvrir de manière ludique l’écriture contemporaine, dans laquelle les résidents montreront leur travail en cours, des sorties de résidences, des extraits de texte ou des répétitions, à un moment jamais ouvert au public, même pour les visiteurs du monument. Nous accueillons aussi des propositions de spectacles aboutis, pour que le public puisse découvrir le cycle complet du processus artistique. C’est une petite programmation, je ne peux pas montrer 40 projets car, par vocation, notre budget va aux résidences et au travail, non à l’achat de spectacles. Ces accueils sont donc -raisonnablement- payants. Il y aura, par exemple, Louis Sclavis le 16 fév, en partenariat avec le Grand Avignon, et Aucun homme n’est une île de Fabrice Melquiot le 22 fév (voir p. 50). Comment sélectionnez-vous les résidents ? Nous recevons énormément de

demandes, certains projets sont écartés parce que notre mission n’est tout simplement pas comprise : l’aide à l’écriture contemporaine. Notre premier critère est que les auteurs aient déjà reçu une bourse d’écriture ou une aide au projet pour les compagnies retenues par des jurys d’experts nationaux. Puis j’effectue un choix, comme tout directeur de lieu, avec une vision sur l’avenir, la mienne. C’est la prise de risque de chaque directeur. Vous ouvrez aux écritures jeune public ? Le ministère met en place un coup de projecteur sur les écritures jeune public, qui me permettra de faire des résidences centrées sur le public jeune en effet, surtout adolescent, un âge très important où l’enjeu est de leur faire rencontrer les artistes. Soit ils iront au théâtre toute leur vie… soit ils le rejetteront. C’est un moment crucial. Que devient la Chartreuse numérique, programme axé sur le patrimoine initié par François de Banes Gardonnes ? On poursuit son développement avec des outils de médiation pour nos différents publics, qui doivent pouvoir prendre le temps de la curiosité. Le numérique n’a plus cette image «pointue» et est devenu abordable. Aujourd’hui, les artistes de 30 ans sont nés avec le numérique, c’est leur quotidien, un outil de travail comme un autre. La création théâtrale suit l’évolution de la société. Propos recueillis par DELPHINE MICHELANGELI

Les Nuits Secrètes (inaugurées le 1er fév par la cie Ezéquiel Garcia-Romeu, Laëtitia Guédon, Alexis Armengol, Julie Ménard) auront lieu le 22 mars, 12 avril, 17 et 31 mai La Chartreuse, Villeneuvelez-Avignon 04 90 15 24 24 www.chartreuse.org Ca the rin e

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Naître ou ne pas être

Rendez-vous avec Fabrice Murgia à La FabricA (bruissante dans ses moindres recoins, en cette fin d’après-midi, d’une bouillonnante énergie créative), pour évoquer sa pièce Notre peur de n’être, créée pour le Festival In 2014 au gymnase Aubanel. Après avoir travaillé les thèmes générationnels de la dérive sectaire (Les Enfants de Jéhovah), les lieux en déréliction et le vieillissement (Ghost Road, voir p 41), l’exil (Life : Reset), le jeune auteur metteur en scène belge poursuit sa recherche autour des crises, aliénations et malaises de la société contemporaine, avec son collectif de performers, vidéastes, plasticiens de la Cie Artara. Les formes d’isolement et d’ermitage le passionnent -ses pièces répondant, en filigrane, à une quête autour de sa propre solitude influencée par un trouble de l’oreille interne. Autobiographique, documentaire, son «théâtre intuitif» s’écrit sur le plateau, où le texte n’est pas «l’élément central de la dramaturgie». Un théâtre «qui a du mal à théoriser (…). Mes spectacles, courts, dans la volonté du temps du réel, sont visuels, sensoriels, on plonge dans un univers mental. Je dresse des portraits d’êtres de plus en plus seuls et connectés. On vit dans une ère où la machine, l’Internet, ont inventé de nouvelles façons de communiquer. Une vraie révolution» Pessimiste ? «On dit que je dresse des constats sombres de mon époque, mais c’est aussi progressiste, pas juste une condamnation. Le monde qui nous entoure doit amener de la beauté, elle doit avoir une place entre politique et citoyen. Je n’envisage pas une société sans culture, formatée. Je crois en la capacité de la représentation des mythes» La peur de ne pas affronter la réalité et l’addiction au cyber espace hanteront sa nouvelle pièce. «En s’isolant sur Internet, certains jeunes gens décident de fuir à l’intérieur d’eux-mêmes, de suicider une partie d’eux en favorisant le contact avec la machine plutôt qu’avec les êtres humains. C’est actuel, mais depuis que l’homme est homme il essaye de tirer sur la foule» À partir des travaux de Michel Serres et l’histoire des Hikikomori japonais, en retrait du monde, ou de cet ami retranché chez lui depuis 10 ans, Murgia dresse le portrait de cette solitude pour «en tirer de la poésie». Ce voyageur sensible, «j’aime mêler mon exil à mon écriture», a parfois l’impression d’écrire la même pièce, même si la perception est toujours différente. En définitive, un nouveau prétexte pour questionner l’évasion, au monde et en soi. «Ce qui m’intéresse c’est le voyage de gens qui ne viennent pas forcément de mon monde, mais dans lequel je perçois ma détresse» Et le théâtre pour l’appréhender. DE.M.

Notre peur de n’être a été présentée lors de la rencontre publique du Festival d’Avignon le 30 janvier



V I L L A M É D I T E R R A N É E

Algérie et Maroc

nouvelles stars du MuCEM Un Temps fort Alger-Marseille

Le MuCEM organise Alger-Marseille «Allers et retours» du 19 au 23 février. Un cycle divisé en plusieurs parties, parmi lesquelles Leçons d’histoire partagée. Une façon originale de traiter en six leçons l’histoire des relations entre la France et l’Algérie à travers plusieurs conférences animées par des spécialistes : d’«Alger 1830» (le 19), au «projet colonial ?» (le 20) ou «Nouveaux regards, nouvelles approches... A propos de la guerre d’Algérie» (le 23). Cinq « moments» littéraires sont également programmés pour découvrir les multiples facettes de la ville d’Alger : parmi ces rencontres, «Jean Sénac, aujourd’hui» (le 20) en hommage au poète algérien, ainsi qu’au philosophe Jacques Derrida (le 21), «Le passé qui remonte» avec l’écrivaine Michèle Audin, les journalistes Akram Belkaïd et Kamel Daoud (le 22) et «Alger/Marseille correspondance(s)» avec les journalistes et écrivains Sarah Haider, Hakim Laâlam, Mina Lebdioui et Samir Toumi (le 23). Le MuCEM ouvre aussi ses portes à la scène artistique algéroise avec des belles images mises en musique et prises entre Marseille et Alger par Rodolphe Burger et Bruno Boudjelal (le 19), le concert du groupe emblématique Cheikh Sidi Bémol (le 21) et 1962, la première pièce de Mohamed Kacimi interprétée par la Cie Italique (le 23). Enfin, avec A vos bulles !, le forum se laisse envahir par l’univers de la BD pour la rencontre croisée entre une dessinatrice algérienne, Nawel Louerrad qui a croqué Marseille, et le marseillais Benoît Guillaumen qui a fait le projet inverse ! (le 19).

Des nouvelles expos !

Juba II était un prince numide. Elevé à la cour de Rome, il régnait sur la ville antique Volubilis, située au Maroc. Des fouilles archéologiques ont permis d’y découvrir le savoir-vivre de la classe aisée méditerranéenne de la période hellénistique

et impériale. D’un buste de Juba II (25 av. J.-C) à la statue d’un vieux pêcheur (1er siècle ap. J.-C) en passant par Marc Aurèle (170 ap. J.-C), 18 bronzes exceptionnels sont exposés au MuCEM du 12 mars au 25 août (Splendeurs de volubilis). L’occasion de découvrir ces petits trésors provenant du musée archéologique de Rabat. Du 14 mars au 8 septembre, Des artistes dans la cité s’installe également au MuCEM. D’Hicham Benohoud à Martine Derain, le musée offre une porte ouverte sur le Maroc. Les artistes, pour la plupart marocains, proposent leurs visions sur le monde du travail, la politique ou encore la religion à partir de leurs créations. Deux expositions complémentaires, historiques et contemporaines, pour aborder l’idée de civilisations dans leurs particularités et leurs universalismes, à travers leurs productions esthétiques.

Sans oublier le jeune public !

Le temps fort Alger/ Marseille se vit aussi en famille avec la programmation de spectacles Jeune Public comme les contes cruels de Djurdjura, des monstres aussi drôles qu’effrayants interprétés par le conteur Rachid Akbal (le 26 fév). Les ateliers Des pieds à la tête danses et rythmes d’Algérie (le 28 fév) et Danse-moi un cheval par Fasia Kati vont émoustiller leurs oreilles et les faire sautiller… Dans On vivrait tous ensemble (mais séparément), la Cie Arnica évoque des histoires vraies sur les nombreux liens entre France/ Algérie racontées par du théâtre d’objets et marionnettes. (1er mars). Un dernier moment conte et goûter clôture ce cycle, avec Raconte-moi l’Algérie par les conteurs Nora Aceval et Kamel Guennoun. (voir également pages 58 et 78-79) ANNE-LYSE RENAUT

MuCEM, Marseille 04 84 35 13 13 www.mucem.org

La nuit vient de tomber. Le calme règne dans le hall d’entrée du MuCEM. Comme des privilégiés, les visiteurs de la Nocturne Jeunes #2 peuvent pénétrer de 18h à 22h dans la galerie Méditerranéenne. Pas de cohue, l’ambiance est chaleureuse. Depuis l’entrée, dans la première salle dédiée à la naissance de l’agriculture, une voix «raisonne» : c’est celle de Pamela, une étudiante chilienne en master de lettres, expliquant aux visiteurs le fonctionnement d’un système d’irrigation datant de l’antiquité appelé le Sakieh. Si elle est présente ce soir c’est avant tout pour «dialoguer, aller au-delà de la lecture d’un livre et partager avec le public sa propre lecture des œuvres». Quelques mètres plus tard, Héloïse, en Licence 3 d’anthropologie, commente une hutte de la tribu nomade grecque des Saracatsans. Au détour d’une explication, elle confie apprécier l’ensemble du musée, «les œuvres sont accessibles, j’aime aussi les connexions faites entre le passé et le présent». Dans la seconde partie dédiée à Jérusalem, Anne, étudiante en histoire des religions, parle avec passion du Metrocubo d’infinito de l’artiste italien Michelangelo Pistoletto, un cube fait de miroirs et d’un fil dont le reflet semble s’étendre à infini. Un objet qui lui permet «d’aborder le thème de la spiritualité avec le public». Elles ont également personnalisé leurs commentaires : Pamela tenait un bâton de pluie pour rappeler le bruit de l’eau ; Héloise invitait les visiteurs à tracer sur une carte leur voyage passé, futur ou rêvé sur les bords de la Méditerranée. Ces étudiants de l’université d’Aix-Marseille avaient comme point en commun de faire partie de l’association étudiante Courant d’Art qui leur permet d’élaborer un projet professionnel à partir de l’organisation d’activités culturelles. La médiation culturelle fait partie de ces activités, une belle initiative qui aura encore lieu deux fois cette année ! ANNE LYSE RENAUT

La Nocturne jeunes #2 a eu lieu le 24 janvier au MuCEM, Marseille La Maison du Chant © Aïssa Mallouk et Dizzylez

M U C E M

Hicham Benohoud, SansTitre, La salle de classe © Hicham Benohoud courtesy Galerie VU

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Lumières étudiantes en nocturne


Balade sous les flots Protistes © OOV/CSardet

Tandis que se prépare le programme de printemps de la Villa Méditerranée, on peut d’ores et déjà envisager la visite d’un nouveau parcours temporaire scénarisé par Alain Bergala, Sous la mer, un monde. Enseignant à la FEMIS et grand spécialiste de Jean-Luc Godard, critique de cinéma mais aussi commissaire d’expositions, ce dernier a conçu un immense Jeu de l’Oie (ou plutôt du Mérou) en 63 cases, permettant de voir et comprendre ce qu’il y a sous la surface de l’eau. Une approche pertinente qui détaille le temps long géologique et l’évolution des espèces, tout en révélant les conséquences actuelles du réchauffement climatique et de la pollution sur les paysages sous-marins et la biodiversité. Le monde sous les flots étant inextricablement relié à celui qui règne sur terre, on apprendra à reconnaître les liens scientifiques, écologiques,

Observatoire Océanologique de Villefranche-sur-mer, CNRS, Institut Pythéas, Université d’Aix Marseille, Comex… Différents niveaux de lectures étant prévus pour enfants et adultes, chacun pourra repartir avec les idées plus claires sur les enjeux du monde maritime à travers trois thèmes principaux : l’approche scientifique du monde sous-marin, l’imaginaire et les mythes, l’art et la mer. GAËLLE CLOAREC

Sous la mer, un monde, parcours temporaire du 14 mars au 31 août Villa Méditerranée, Marseille 04 95 09 44 00 www.villa-mediterranee.org

économiques, mais aussi artistiques et imaginaires tissés par l’humanité entre les deux. Le tout en s’appuyant

sur le travail d’un comité scientifique issu de la recherche et des études océanologiques : IFREMER,


La Criée fait du théâtre 16 T H É Â T R E

insupportablement survolté, l’Eclairé est étrangement mal à l’aise, et dans l’ensemble les comédiens ont du mal à nuancer leurs tirades, hésitant entre incarnation et caricature. Si Brecht est très heureusement modernisé dans les couleurs des costumes, l’esthétique musicale et la scénographie, le jeu brechtien, complexe dans sa distanciation, dans son jeu entre individu et parole chorale, n’est pas repensé…

Sur les scènes du Centre Dramatique les propositions théâtrales se succèdent, emplissant les salles…

L’œil du loup

La beauté des laids

Pôle lent

Une conférence imagée sur le pôle ? Philippe Geslin invite à partager son expérience, lisant son journal d’anthropologue dans un décor esquissé comme une trace de son voyage. Le dispositif, simple, et la lecture, à peine mise en espace, laissent toute la place au texte, illustré d’images, et d’un immense glaçon qui fond comme la calotte. Hélas, malgré les considérations intéressantes sur le peuple inuit, son mode de vie, qui se désagrège,

La Bonne âme... © Pologarat-Odessa

Georges Lavaudant propose une version de Cyrano de Bergerac très judicieusement fidèle : le texte d’Edmond Rostand, regorgeant de tirades qui sonnent dans toutes les mémoires et de morceaux de bravoure inoubliables, est un monument intouchable du répertoire théâtral, un ovni hyper romantique, délicieusement lacrymal et enflé, sans complexe. Il ne peut être confié qu’à des acteurs d’exception, Patrick Pineau et Marie Kauffman sont superbes… mais il reste dans les mémoires de chacun l’interprétation exceptionnelle de Gérard Depardieu, Jacques Weber et Anne Brocher. Si bien qu’on se demande ce que cette mise en scène apporte de plus ; la beauté des laids, l’essence de l’amour, le panache des héros intransigeants, l’amour des mots vrais, des sentiments sincères, le fourmillement et les appétits du peuple, tout cela est si bien rendu dans le film de Rappeneau que la mise en scène de Lavaudant ne donne que l’envie de le revoir, et de le montrer, encore et encore, à nos enfants… Si le cinéma avait existé du temps de Rostand, nul doute qu’il aurait écrit un film !

son rapport douloureux à une modernité de la consommation qu’on lui impose, et les très beaux moments contemplatifs décrivant la beauté inépuisable des paysages glacés, des chiens, des animaux, le rythme du spectacle, qui n’en est pas un, s’alanguit. On regarde les pages qui tournent, comme le propos qui manque de construction dramatique. L’évocation est belle, cependant, et instructive !

L’impuissance des bonnes âmes

Dans le Se-Tchouan, trois-dieuxen-un voyage(nt). Il cherche une bonne âme et trouve Shen Té, la prostituée qui accepte de le loger pour la nuit. Pour la remercier, il lui donne de l’argent. Elle s’achète alors un débit de tabac. C’est alors que les ennuis commencent : misère sociale, morale, médiocrité humaine, colère, hypocrisie... Shen Té essaie de rester bonne mais l’égoïsme des autres la pousse à se dédoubler : Shui Ta, homme

d’affaires calculateur qui gardera son argent en sûreté et elle-même, toujours généreuse envers autrui. «Comment rester bon dans un monde où tout est aussi cher ?» demande Shen Té au dieu éclairé. Celui-ci demeure sans réponse. En effet, les dieux ne peuvent pas changer le monde. Mais est-ce une raison pour laisser des enfants fouiller les poubelles pour se nourrir ? Jean Bellorini transpose la pièce de Brecht, et son message, dans le monde d’aujourd’hui, où il est plus que jamais d’actualité : dans une société en proie à la misère économique il n’est pas de providence possible, et la générosité individuelle est impuissante. Les scènes sont entrecoupées d’intermèdes musicaux émouvants, qui détournent Mozart ou inventent un rock scandé étrange, et les acteurs savent chanter ! Ce qui ne les empêche pas de s’approprier les personnages en les rendant contemporains, dans ce monde cruel où personne ne peut rien contre le capitalisme. Mais Wang est

Monsieur est un fier éleveur de chèvres dont il vante les pelages variés. Mais il a pour voisin un loup vagabond et séducteur. Un jour, Monsieur ramène Blanchette, chèvre blanche dont il cache l’identité, la déguisant en vache. Cependant, celle-ci ne veut pas être enfermée à la ferme… José Pliya adapte La chèvre de monsieur Seguin, mais contrairement au conte de Daudet, où le loup est malsain, ici le chevrier est antipathique et peu amical. Il dépose des pièges autour de sa demeure et s’entoure d’armes à feu pour lutter contre le loup. Les deux comédiens font assaut de fausses politesses et remarques cinglantes : Monsieur est incapable de comprendre ce loup qui assume d’avoir toujours entraîné les chèvres dans ses filets. Car s’il les séduit, elles acceptent de venir à lui. Ainsi le loup révèlera à Blanchette, qui l’ignore, qu’elle n’est pas une vache. Ce qui poussera sa curiosité, et son désir de voir le monde, à son apogée. Lorsque la vérité éclate, elle s’enfuit sans que Monsieur ne s’y oppose… La scène de bataille entre Blanchette le loup conclut le conte en une danse, un peu maladroite, où le loup retrouve une tête animale, et la dévoration de Blanchette ressemble aussi à un baiser. Sans évacuer la tragédie : mensonge, éveil de la sexualité et danger de la liberté restent liés… AGNÈS FRESCHEL et ALICE LAY

Cyrano de Bergerac a été joué du 15 au 18 janvier Peau d’ours sur ciel d’avril a été créé le 18 janvier La bonne âme du Tse-chouan a été jouée du 29 janvier au 1er février Monsieur, Blanchette et le Loup a été joué du 6 au 7 février



18 T H É Â T R E

L’ERAC a placé la barre bien haut pour ses élèves : trois semaines de préparation pour roder un tour de chant en hommage aux champions de l’âge d’or hollywoodien, ce n’est pas suffisant. Mis en scène par Véronique Dietschy, le Cabaret Marilyn jetait en pâture, au public, apprentis crooners et touchantes jeunes filles en fleur, dont les yeux ne brillent pas encore d’un éclat assez désespéré pour interpréter la blonde ultime des années 50. Cependant, si l’on avait presque mal à les entendre massacrer The girl from Ipanema, New York New York ou Fly me to the moon, c’est peut-être dans leur courage à monter sur scène que se situe l’hommage réel à Marilyn, qui travaillait beaucoup et cherchait au-delà de sa plastique à devenir une actrice, une vraie. Le même soir, la Compagnie L’Individu proposait une sortie de résidence confrontant ses acteurs aux textes d’orateurs fameux. «La langue politique a-t-elle encore un pouvoir performatif ?» Tenter de répondre à cette question par un dispositif spécifique (la salle devenant un hémicycle de poche, divisant le public en représentants de la gauche, du centre et de la

Cabaret Mrilyn © X-D.R

Oser chanter faux

droite) était ingénieux. Mais il aurait peut-être fallu pousser l’expérience jusqu’au bout, en ne mettant au débat qu’un seul sujet. Car même si un discours de Robespierre, Jaurès, De Gaulle, Allende ou Rosa Luxembourg produit toujours son petit effet, l’implication des spectateurs mollit inéluctablement suite à l’enchaînement des thématiques, et l’on se retrouve malgré soi à huer très mollement... une envolée de Goebbels à la gloire de la propagande hitlérienne. GAËLLE CLOAREC

Pépite de lune On avait déjà applaudi Julien Cottereau, il y a deux ans au Toursky, pour son magique Imagine-toi. Il revient avec un nouveau spectacle encore à ses prémices, Lune Air, qui porte en lui toute la poésie, la délicatesse, l’humaine fantaisie de son auteur et interprète. Il y a une histoire d’amour, de perte, de quête, un parcours initiatique qui mène jusqu’à la lune de Méliès… Incroyable performance que celle de produire tous les bruitages, de savoir amener des spectateurs sur scène, les faire jouer, devenir complices, danseurs, machines, confidents… Le public est happé

Le Cabaret Marilyn et Les Orateurs ont eu lieu le 18 janvier à La Friche, Marseille

Julien Cottereau © X-D.R

dans cet univers onirique où l’invisible devient sensible : aux saluts (une formidable ovation), on applaudit le chien désigné d’un geste sur scène, et il n’y a rien ! Alors ne riez pas si un grand nombre de mains se levèrent pour attraper la poussière d’étoiles offerte en larges brassées par le poète ; lumineuse dans tous les imaginaires, cette poussière était aussi réelle que le souffle des baisers qui permettaient à ce petit prince stellaire de respirer sans scaphandre dans l’espace. La mise en scène pertinente de Fane Desrues inclut vidéo et numérique sans que ces supports n’alourdissent ou se substituent au travail de l’acteur. Quelques ajustements sont encore évoqués après le spectacle, Julien Cottereau en perfectionniste est son plus impitoyable critique. Cet artiste généreux a aussi rejoint l’association Clowns sans frontières en 2002, une vidéo projetée lors de l’installation des spectateurs présente ce beau projet qui apporte le rire où il a été banni. N’ayons pas peur des oxymores et suivons ce Pierrot moderne dans sa profonde légèreté. MARYVONNE COLOMBANI

Pesenti aux commandes

François Michel Pesenti poursuit son travail de dépouillement, voire d’apuration, de la représentation. À sec nous disait-il dans sa dernière création, jusqu’à l’os, avant de pratiquer la Purge. Sur scène des acteurs se succèdent avec des presque rien, des gestes, des poses qui pausent et reprennent, des textes aussi un peu, qui tournent en rond, ou décrivent, redondants, les gestes qu’ils font en vain. Rien n’est vraiment dit, sinon l’impossibilité de dire, et de faire autre chose que ce rien. Frédéric Poinceau tout du © Jean Barak long reste là, face public, immobile ou presque, montant parfois simplement les bras comme pour se dégourdir. Puis le metteur en scène entre dans le jeu et donne sèchement des indications d’entrée, d’arrêts, de vague action. Qui ne disent pas plus de choses. La musique intervient, parfois, belle, un faux épervier évoqué puis dénié, des incongruités souvent drôles. Ça se déroule comme ça jusqu’au bout et sans ennui, jusqu’à la scène finale, écrite par Suzanne Joubert, qui enfin introduit de la relation : F. M. Pesenti se jette sur F. Poinceau pour l’embrasser violemment, le saisir. Lui s’échappe, revient à son tour à l’assaut, et fait rendre gorge à son agresseur, qui avoue enfin, emprisonné dans un embrassement qui se fait tendre, l’amour, la promesse, le désir. Retrouver l’autre et le dialogue, au terme de la purge ? AGNÈS FRESCHEL

Lune Air a été joué le 17 janvier au Toursky, Marseille

Purge a été créé aux Bernardines, Marseille, du 14 au 25 janvier


ANNE-LYSE RENAUT

Jacques le fataliste et son maître a été joué du 28 janvier au 1er février au théâtre de Lenche, Marseille

© Delphine Michelangeli

Jacques et son maître n’ont aucune idée de l’endroit où ils vont. Sur la route du hasard, ils parlent simplement de leurs vies. En réalité, c’est un ordre du maître. Habitué aux codes de la haute société, ce dernier recherche, à travers les anecdotes amoureuses de son valet, une frivolité qu’il n’a jamais connue. À la fois drôle et cynique, Jacques est interrompu ponctuellement par une charmante et impétueuse aubergiste. À chacun son histoire : quand ce n’est le grand amour du maître ou le dépucelage de Jacques, l’aubergiste s’empresse de raconter l’histoire de madame de la Pommeraye. Avec beaucoup de dérision, Roland Peyron, Nathalie Nowicki et Bryce Quétel se mettent brillamment dans la peau du comédien-conteur tel que Diderot l’avait écrit. Un art pour lequel les acteurs doivent changer de personnalités, de postures ou de voix en quelques secondes. D’une scène à l’autre, des astuces sont trouvées pour différencier les personnages par des masques ou des marionnettes en bois qui surgissent d’un coffre pour enrichir et illustrer l’histoire de chacun. Pour augmenter l’effet de surprise, tout le décor du spectacle tient sur un chariot et se déploie au fil des scènes, pour évoquer la table d’une auberge ou une aire de repos : la mise en scène de Gilbert Barba laisse libre l’imagination du spectateur, guidée par les dialogues des protagonistes. Les mises en abyme de la narration, les histoires dans l’histoire qui font tout le sel du roman si libre de Diderot, sont orchestrées par un acteur qui devient metteur en scène, tandis qu’un autre se mue en spectateur : car tout est «écrit là-haut». La réflexion sur le fatalisme prend du recul, dissertant sur la difficulté de s’en tenir au texte, sur le semblant de réalité retranscrit au théâtre...

L’historienne Hélène Vésian s’est souvent consacrée à l’écriture d’ouvrages documentaires sur la région, notamment Fos, les métamorphoses qui relate l’histoire du développement économique de ce territoire. Agnès Regolo a trouvé qu’il y avait là matière théâtrale, aussi Hélène Vésian a-t-elle remanié son texte pour le jeu. Très documenté, basé sur les témoignages d’habitants, d’ouvriers, de syndicalistes, mais aussi sur des textes officiels, il rend compte d’une réalité qui, tout en nous étant proche, nous était peu connue. On découvre avec effarement les conditions de vie de familles déracinées, installées plus que sommairement, qui ont tout quitté dans l’espoir d’une vie meilleure. Menée tambour battant par une enquêtrice et son acolyte, l’étude part des années 60 avec «un projet d’envergure» : la décision politique et économique d’implanter un grand port sur 70 km de côte. Sans céder à la tentation d’une démonstration dogmatique, les deux acteurs (Agnès Regolo et Kristof Lorion) occupent l’espace avec grande énergie, utilisent des cartons pour illustrer leur propos, projettent les visages dessinés des différents interwievés (le travailleur lorrain, la postière, l’institutrice...), dansent

sur des tubes dont un de Claude François. Mise en scène très rythmée et sobriété des moyens permettent de suivre cette histoire avec jubilation. Et de garder en mémoire les désillusions des chocs pétroliers de 73 et 79, les licenciements, les accidents à la Solmer, l’avenir incertain... C’est tout ce qui passionne Agnès Regolo : l’histoire de la Cité et du vivre ensemble. CHRIS BOURGUE

Enquête sur un grand chantier de la Cie Du jour au lendemain s’est joué au Théâtre Joliette-Minoterie, Marseille, du 24 au 26 janvier

© Eric Reignier

Drôles de disgressions !

Enquête à bout portant

Oh les beaux vers 2

© Jean-Pierre Picheny

Deuxième volet du diptyque racinien mis en scène par Xavier Marchand. Après Britannicus présenté en novembre à La Criée (voir Zib’69), voici Bérénice au théâtre Joliette-Minoterie. Après l’avènement d’un monstre, voici le temps des âmes fortes. Après Néron le barbare, voici Titus le sensible. Bérénice ou la tragédie de la séparation. À la mort de son père, Titus devient empereur. Désormais détenteur de tous les pouvoirs, «de [s]on cœur cependant [il] ne peu[t] disposer» ; par respect pour la loi romaine, il va devoir quitter celle qu’il aime, la reine Bérénice. Toute l’action est là : comment le lui dire ? le lui faire accepter ? On comprend que Xavier Marchand, qui a toujours privilégié un théâtre du langage, ait eu envie de se colleter avec le vers racinien, avec cette langue classique dont Bérénice offre de nombreuses pépites. Mais l’entreprise est périlleuse, surtout dans cette tragédie, qui oppose en un débat très nuancé les

raisons du cœur à la raison d’État. Un «Eh quoi» trop incisif, un «hélas» mal modulé, et c’est toute l’élégie qui s’enfuit. Le comble étant atteint quand certains vers mythiques suscitent le rire. Dommage. On reste au bord d’un spectacle dans lequel on avait envie de plonger. Il y a pourtant de beaux effets géométriques dans cette mise en scène tirée au cordeau, des décors sobres qui sculptent efficacement l’espace. Bonne idée aussi que d’avoir choisi la voix off pour les monologues. Mais pourquoi ceindre la tête de Titus d’une couronne de roi (alors que justement il doit répudier Bérénice parce qu’elle est reine) ? Pourquoi transformer Arsace en une sorte de bouffon ? De tels choix laissent perplexe. FRED ROBERT

Bérénice a été représentée au théâtre Joliette-Minoterie, Marseille, du 6 au 9 février

19 PT H O LÉ ÂI T RI E Q U E C U L T U R E L L E


Le champ des possibles 20 T H É Â T R E

Vitalité et perspectives ouvertes pour la 4e édition de Komm’n’Act, qui donne à penser que la jeune création ne va pas si mal... Une foule affairée s’est pressée aux quatre soirées organisées dans les lieux partenaires pour découvrir des propositions dont l’éclectisme s’est fondu dans un évident retour aux fondamentaux du corps et de la voix. Le médusant spectacle final Machine a ouvert la voie à une réflexion rétrospective sur la chair et la chaire : le plasticien Fouad Bouchoucha, en mêlant nomenclature technique, histoire de l’art et culturisme de haut niveau, déconcerte radicalement : que voit-on? a-t-on le droit de rire ? Interrogations traitées sans moins de façons par la belgo/américaine Eleanor Bauer qui, dans (Big girls do big things) et sa peau d’ours polaire, fabrique tout un monde, crie et murmure, se débarrasse de sa chrysalide barboteuse pour danser la mort du cygne et prouve que, n’en déplaise à Blaise, qui fait la bête peut faire l’ange ! Seuls sur scène aussi, Volmir Cordeiro et Pascale Bongiovanni ont offert un show inattendu, l’un virevoltant sur la piste tel un faune incarné, l’autre crachant cash sa performance d’ampoulagiste chevronnée. Connue de tous les plateaux, Pascale Bongiovanni transgresse les règles en quittant ses consoles lumières pour se flanquer sur le devant de la scène : sacré culot ! Et si tout n’est pas au top dans son Petit traité lumineux, on apprécie sa profession de foi généreuse, son verbe haut,

Big Girls do Big Things © Agnès mellon - KOMM’N’ACT

ses manières de chanter «le spectacle c’est ma passion» sur le ton du trouffion, ou de réciter la grammaire technique comme un chapitre de l’OuLiPo. Celle qui monte / démonte ses démons a de l’énergie à revendre, une bonne dose d’autodérision qui la fait tanguer entre le juron et la tendresse ; Volmir Cordeiro ne craint pas non plus la lumière qu’il laisse pleins feux dans son Ciel constellé d’une multitude de corps siens : magnétique, fantomatique, exhibitionniste, cynique, extatique… De cette présence charnelle hors norme, le jeune brésilien fait des étincelles, jambes à l’équerre classique et buste rabougri, visage transfiguré par le jeu de masques successifs, yeux d’animal fou ourlés de paillettes fixés sur les spectateurs, torero sans taureau qui fend l’arène à toute allure... Les plateaux ont été aussi occupés tambour battant par la compagnie de Maud Le Pladec, ou en flux et reflux fragiles et poétiques comme celle d’Argyro Chioti ; la première pratique

Bonheur formaté

Louise et Alexandre sont divorcés. Elle n’a pas d’enfant, lui en a. Chacun a une conception de la vie différente : Louise sait se contenter des choses simples alors qu’Alexandre est très conformiste. Ils se rencontrent un soir, se retrouvent le matin dans les draps froissés d’un lit, perplexes, sans savoir quoi faire. Peut-on en effet croire en l’amour quand on est quinquagénaire, mais surtout quand on a eu de mauvaises expériences ? Le Bonheur, d’Eric Assous, est ici mis en scène par Jean-Luc Moreau qui présente deux personnages totalement opposés et stéréotypés : la femme est sentimentale et veut profiter d’une vie simple alors que l’homme est égoïste et ne soucie

que de son confort personnel. Louise ne supporte pas «les types qui débarquent, consomment et repartent», mais supporte un homme qui se met en position de victime © Enguerand-cdds

une chorégraphie de masse-énergie au carré réglée au cordeau- qui ne va guère au delà de la mécanique époustouflante malgré le questionnement avoué : Democracy ; la seconde, Domino, plus énigmatique, joue de ses variations sur l’individu et le groupe en créant des images fortes, proches du monde de Lars Von Trier, soumises à la dislocation et à l’écroulement. Citons aussi le Woyzeck hybridé de Jean Pierre Baro au savoir-faire expressionniste émouvant. D’autres propositions drôles ou amères (Autopsie de Geoffrey Coppini / love result d’Arnaud Saury) déjà appréciées au sein d’Actoral ou des Informelles ont rencontré de nouveaux regards ou confirmer leur légitimité… à creuser ! MARIE-JO DHO et MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Parallèle 4 s’est déroulé du 29 janvier au 1er février au Merlan et au Klap, à la Friche et à la Minoterie

alors qu’il est tout le contraire : Alexandre dit qu’il divorce parce que sa femme l’a trompé, mais cache bien le fait qu’il a lui-même une jeune maîtresse…

Marie-Anne Chazel et Sam Karmann ont beau être talentueux et transmettre avec brio l’humour de la pièce, la mise en scène maladroite enchaîne les scènes, séparées par des extinctions des lumières pour projeter sur le décor les didascalies indiquant la progression de la pièce. Intention louable, mais redondante, les répliques des personnages suffisant à faire comprendre l’action ! Au final, les conversations sentimentales, bien que décalées et pleines d’humour, perdent leur saveur dans ce théâtre figé. ALICE LAY

Le Bonheur a été joué au Théâtre du Gymnase, à Marseille, du 14 au 18 janvier


L’amour est une épreuve

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© Corbery photo Brigitte Enguerand

Clément Hervieu-Léger, pensionnaire de la Comédie Française, met en scène avec génie L’Épreuve, pièce de théâtre en un acte de Marivaux, misant tout sur le jeu des acteurs et non sur le décor. Lucidor, merveilleusement bien joué par Loïc Corbery, est un homme riche et amoureux d’Angélique. Elle est pauvre mais belle, et a une certaine inclinaison pour Lucidor. Mais tout n’est pas aussi simple... Lucidor invente un stratagème pour s’assurer que la belle Angélique (Audrey Bonnet) ne l’aime pas seulement pour son argent. Ainsi, il envoie son valet de pied, Frontin (Daniel San Pedro), séduire Angélique et s’assurer de ses sentiments. Se mêle à l’histoire un jeune fermier amoureux d’Angélique mais qui l’est bien plus pour l’argent… Sur la scène, un arbre et une peinture somptueuse inspirée de Watteau plantent le décor et dessinent l’atmosphère. Les personnages rentrent, habillés de costumes d’époque magnifiques, et se donnent la réplique avec force voix. Les choix de mise en scène, l’éclairage, le décor, sont épurés, très subtils. Cela suffit pour plonger le spectateur dans ce monde de convenance et d’amour à demi-mot. Chaque comédien nous fait parfaitement entrer dans

l’univers de Marivaux et nous donne les clés du «marivaudage» : quiproquos, travestissements de sentiments, stratagème amoureux. Tous les ingrédients sont réunis, et font des merveilles. CLÉMENCE USSEGLIO-VIRETTA

Polymorphoses

du 3bisf et présentait une première étape de travail le 28 janvier. Une moitié seulement du décor était alors exploitée, celle où se jouent les exemples de théâtre illustrant le propos du «maître» auxquels la musique de Pascal Gobin ajoute un contre-point distancié. Trois extraits d’Hamlet étaient moulinés à cette sauce cocasse par Pit Goedert, François Monnié et Elisa Voisin tandis qu’Yves Fravega, metteur en scène, décryptait obscurément cette entreprise de démolition jubilatoire. Le To be or not to be, commenté par son interprète, vaut son pesant d’or ! Il est dommage que le livre original, publié aux éditions Sulliver en 1995, ne soit pas réédité, car cette première mise en bouche donne envie de retourner au texte ! M.C © Pit Goedert

Comment faire du théâtre avec succès a été joué le 28 janvier au 3bisf, Aix-en-Provence

© X-D.R

Recette pataphysicienne Prenez deux complices, des conversations à bâtons rompus, l’amour du jeu théâtral enveloppé dans un esprit potache et vous obtenez cet «anti-manuel» de technique théâtrale qu’est le petit ouvrage Comment faire du théâtre avec succès / Monsieur Pit interrogé par Pierre Béziers ingénieur civil. Il est défini par ses auteurs comme «manuel à l’usage des amateurs de théâtre, ouvrage essentiel de Monsieur Pit, paru au siècle dernier alliant imbécilité heureuse et approximation soignée». Il va sans dire que les conseils donnés rivalisent de loufoquerie. Ainsi il est préconisé aux acteurs entrant en scène de saluer le public et d’esquisser, pourquoi pas, quelques pas de danse… Cette comédie «fantasmatoscopique» (sic) a connu une résidence au théâtre

L’épreuve a été joué au Théâtre du Jeu de Paume, Aix, le 22 janvier

Le Dragon d’Or, oui, c’est bien le nom d’un restaurant asiatique, et aussi celui d’une drôle de fable très cruelle aux ficelles aussi embrouillées que les nouilles au fond de l’assiette de l’hôtesse de l’air, dans laquelle saute la dent pourrie du jeune clandestin chinois qui n’a pas les moyens d’aller chez le dentiste ! Cette pièce chorale pour 5 acteurs et 17 personnages de Roland Schimmelpfennig, auteur et metteur en scène allemand, déploie une théâtralité complexe, mine presque inépuisable dont Nanouk Broche et ses comédiens ont exploité au mieux les filons. Le plateau nu permet de grandes traversées, dont celle subaquatique et époustouflante de Maude Buinoud en cadavre de petit chinois à la poursuite de sa dent creuse et de son continent perdu. L’actrice, tout en souplesse filiforme et voix suraiguë, joue, comme les quatre autres d’ailleurs, à mi-chemin du cartoon et de la distanciation brechtienne, endossant plusieurs rôles délirants… Ils jouent, semblent s’amuser et c’est l’essence même de leur travail sur scène : habillages, déshabillages, passage sans palier d’un rôle à l’autre et pas des moindres : baiseur de Barbie, couple Ikea et même cigale et fourmi dans une version trash ultralibérale et sadomaso à faire rougir La Fontaine. Exercice de style parfois un peu difficile à suivre (il est où le sens et qui a la dent ?), rythme un brin surexcité tout le temps, mais travail collectif cohérent et du coup fort convaincant ! Et si on rit si fort, c’est pour mieux cacher le malaise qui court… qui court... MARIE JO DHO

Le Dragon d’or a été donné au théâtre Vitez, Aix, les 21 et 22 janvier

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Ou le début des emmerdes ? Les témoignages de vingtenaires, recueillis par Cécile Backès et Maxime le Gall (réécrits par François Bégaudeau, Arnaud Catherine, Aurélie Filippetti, Maylis de Kerangal, Joy Sorman), sonnent fort. Et juste. Entre documentaire, sketchs et analyse sociologique, ce théâtre du réel re-fictionne un portrait, touchant et réaliste, de la jeunesse actuelle. Dans un décor de cité-dortoir, le mal-logement est le premier thème éventré par les 6 acteurs/passeurs de parole : les combines pour obtenir avec multi cautionnaires un 35 m2 à 840 euros/mois (avec terrasse !), les colocations anxiogènes, ces diplômés précaires en CDD qui cochent la case étudiant pour amadouer les proprios. «CV, pâtes tous les soirs et pôle emploi : les piliers de la jeunesse d’aujourd’hui» clament-ils. Jeunes couples («le mariage, les enfants, on verra quand on sera en cdi… je rigole»), jeunes stagiaires récidivistes désabusés («mais ça fait une expérience»), jeunes gens qui se tatouent «en fonction des événements», s’inventent des vocations, cumulent études et petits boulots

© Thomas Faverjon

20 ans, le bel âge ?

et font soupirer les conseillers pôle emploi avec leur thèse d’histoire grecque ou leur Bac+7. Ados régressifs, adultes réfractaires, premières victimes de la crise et du chômage qui «hallucinent» quand on leur parle de retraite. Et la jeune apprentie mécanicienne, qui peine à se faire respecter dans un milieu macho et vise le salariat à 1200 euros mensuels. Un portrait, forcément réduit mais pas réducteur, d’une

jeunesse qui n’arrive pas à se projeter, ne croit plus à l’ascension sociale ni à la «valeur-travail», mais poursuit, souvent, coûte que coûte ses études. Une valeur-refuge ? DELPHINE MICHELANGELI

J’ai 20 ans qu’est-ce qui m’attend ? s’est joué au Théâtre de Cavaillon le 4 février

Le Fest’hiver en plein essor «On est un peu LA Scène nationale de la ville… sauf qu’on n’en a pas les moyens !» clament les 6 directeurs des Scènes d’Avignon, organisateurs sur leurs budgets du Fest’hiver. S’il est regrettable, voire étonnant, que ce festival ne soit pas mieux soutenu (reconnu ?) par les institutions -seule la ville participe à minima-, chaque année cette semaine de circulation entre les théâtres est un réel plaisir. Et prouve sa nécessité, dans une ville démultipliée en juillet, de voir se solidariser l’hiver ses lieux fixes. Malgré cette «précarité», 6 compagnies régionales bénéficient d’un bel éclairage : plus de 3000 spectateurs ont assisté aux 18 représentations (dont 6 scolaires). Des chiffres explicites ! Avec La quête de Jazzon, la cie Bakhus de Mickaël Six a fait swinguer le théâtre Golovine, lui donnant des airs de cave à St Germain !

Quatre danseurs hip hop et le frétillant quartet du jazzman Seb Chaumont ont associé leurs styles, pour une rafraîchissante leçon sur l’origine de la culture noire afro-américaine. Une partition dansée contaminée par la musique, des corps qui rivalisent d’énergie et se libèrent de l’esclavage ou des préjugés. La vie qui (re) prend ses droits. Au Balcon, première création de la Cie Alchimistoire. Elsa Stirnemann, captivée par le roman de Christiane Singer, Une passion entre ciel et chair, est la jeune Héloïse, amante charnelle, ingénue, corps à la Renoir, éperdue d’amour pour Abélard. Quand les métamorphoses, et les drames, de l’amour interdit se confondent avec la foi, difficile de formuler sa vérité intérieure… Une incarnation sincère, attentive, qui révèle la beauté des premiers

Mac Beth © Roxane Kasperski

émois, rapprochée au divin, malgré une mise en scène figée, sans surprise, égarée dans la réclusion monastique et l’expérience mystique d’une enterrée vivante au XIIe. Le Panama, aux Halles, par le musicien polymorphe et metteur en scène Stefano Fogher, et le bouillonnant comédien Kristof Lorion, danseur, crooner, bruiteur, a rassasié les spectateurs. Une plongée fantasque dans l’univers de Cendrars, et les aventures de ses sept oncles, remplie de trouvailles et d’énergie. De la musique au texte, du corps à la lumière, une heure et des poussières d’exil et de mal du pays partagés. Un voyage en poésie, où «les villes sont des ventres», où l’on peut sans complexe lâcher le fil de la narration boulimique pour revenir goûter, ensorcelé par la contrebasse percussive, aux palabres d’un vagabond insatiable. Avec Mac Beth, au Chêne Noir, un «collectif solidaire» était à l’œuvre, 12 comédiens au plateau, et pourtant on n’avait d’yeux que pour le couple mythique incarné par Arny Berry et la magnétique Laure Vallès. Une fabrication shakespearienne, tréteaux, ombres et lumières, capes et épées, sur la chute d’un homme rongé par le pouvoir et ses démons. L’approche scénique, et l’ambition, sont prometteuses : une construction de tableaux visuels puissants, avalés par certaines scènes cherchant encore leur rythme, afin qu’animalité et barbarie éclaboussent le théâtre. DE.M.

La 6e édition du Fest’hiver a eu lieu à Avignon du 27 janvier au 2 février


Ménélas, le mal aimé, le délaissé, l’abandonné, le cocufié… ce personnage de l’Iliade que chacun moque, qui a des velléités de bravoure, mais n’est ni le plus beau, ni le plus intelligent, ni le plus habile, ni le plus rapide, ni le plus puissant, bref, se définit négativement jusque dans son couple. Simon Abkarian, magistral dans le rôle du roi de Sparte, s’en empare, lui accorde une dimension humaine et désespérée. Il lui fait chanter et danser sa peine par le biais du Rébétiko, le vrai, pas celui des touristes, celui de la grande tradition des Bambakaris, des Tsitsanis. Grigoris Vasilas (chant, bouzouki, baklama) et Giannis Evangelou (chant, guitare) interprètent avec virtuosité les chants (dont les paroles traduites sont projetées en fond de scène) qui prolongent ou accompagnent le long et superbe poème de désespérance et d’amour de Ménélas qui, sans Hélène, s’exclame

© Natasha Koutroupma

Le blues de Ménélas

«exilé, j’erre en moi-même […] sans Hélène, le pain n’a plus le goût du pain». Son imagination malade la voit amoureuse d’un autre, dans les bras de l’autre, éprouve la lancinante amertume de la liberté de cette femme aimée pourtant, maudite aussi, avec l’insupportable regard des gens qui se détournent et rient de lui. La danse «dompte les mots» et mène encore à Hélène, danse du pathos, de la passion, contenue par des pas précis où le corps devient langage.

Le temps d’un passage Au début du XXe siècle, alors que l’inquiétude d’un premier conflit mondial occupe les esprits, trois filles et deux garçons, une vingtaine d’années chacun, forgent leur avenir, se questionnent sans cesse sur la direction à prendre. Doit-on partir pour apprendre à être quelqu’un, quitter ce que l’on connaît mais qui ne suffit plus, ou attendre simplement que la vie ©-Elizabeth Carecchio nous fasse grandir ? La création artistique est-elle indispensable à sa construction ? L’amour n’est-il que souffrance ? Gérard, Louisette, Anna, Mademoiselle Point et Dupré vont faire face à leurs peurs et leurs désirs, à la nécessité de se construire contre l’ordre établi, mais avec d’autres, sans cesser de prendre part, parfois sans le vouloir, à la vie qui s’ouvre devant eux. Cette pièce résulte d’un projet de transmission mis en place par Joël Pommerat, avec sa compagnie, unique dans le parcours de l’auteur-metteur en scène, qui a pour objectif l’accompagnement et la transmission d’une expérience artistique à un groupe de jeunes comédiens. C’est une autre écriture que la sienne qu’il met en scène, le texte de Catherine Anne, Une année sans été (publié chez Actes Sud-Papiers), dont la langue simple, épurée, poétique, laisse une grande place à l’imagination et à l’abstraction. Le décor d’une grande sobriété, et les magnifiques lumières en clair obscur d’Eric Soyer, portent le jeu des cinq -excellents- comédiens. DOMINIQUE MARÇON

Une année sans été a été joué au Théâtre d’Arles les 23 et 24 janvier

À venir le 16 mai Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 55 86 04 www.scenesetcines.fr

23 Le texte somptueux est un nouveau Cantique des cantiques, poème d’amour bouleversant, irradié de sensualité, de lyrisme et de trivialité, dans la lignée de l’Odyssée de Kazantzakis. MARYVONNE COLOMBANI

Ménélas Rébétiko Rapsodie a été joué le 21 janvier au théâtre des Salins, Martigues

Les délires d’un fou magnifique

Une représentation annulée, remplacée par l’installation d’un vide grenier qui doit se tenir le lendemain, une lecture barbante de Don Quichotte s’improvise alors… qui se transforme rapidement en jeu ! Jouer Don Quichotte ? Il suffit de se servir dans ce bric-à-brac, pour travestir rapidement un comédien (Boris Alestchenkoff est extraordinaire) avec des ustensiles de cuisine –et un tapis de salle de bain !- qui deviennent armure, planter un décor éphémère (il changera tout au long de la pièce) avec des paniers en osier qui se transforment en montures, une tente renversée en car© Anamorphose rosse, un bronze de statue grecque sur des jambes de mannequin en Dulcinée… Tout y est, y compris et surtout la formidable énergie dégagée par des comédiens parfaits qui traversent contrées et aventures en les titillant, changeant imperceptiblement de statuts, brouillant l’histoire de leurs commentaires pour la faire rebondir plus encore. L’aventure théâtrale est à la hauteur de la folie du monstre Don Quichotte. Que de trouvailles, d’inventions, quel fourmillement d’idées ingénieuses dans la mise en scène de Laurent Rogero ! C’est la créativité même de Cervantès qui circule sur le plateau, l’idée d’une écriture libre qu’il se réapproprie pour la magnifier, et faire de Don Quichotte un fou magnifique ! Une seule envie dès lors : vivre comme si nos folies créatrices pouvaient transformer le monde… et relire Cervantès, toutes affaires cessantes ! Do.M.

Don Quichotte a été joué par le Groupe Anamorphose au Sémaphore, Port-de-Bouc, le 7 février

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Le conte de la folle déraison

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C’est fougueux, c’est truculent, c’est grandiloquent. Bref, c’est une tragi-comédie comme William Shakespeare aimait les écrire et comme les acteurs aiment les jouer. D’ailleurs la Compagnie Pipo-Patrick Pineau s’en donne à cœur joie dans cette traduction du Conte d’hiver de Daniel Loayza, ô combien alerte, au point que l’on rit plus que l’on ne pleure et que la farce est si caricaturale qu’on la souhaiterait parfois plus légère. C’est la rançon de ce théâtre généreux insufflé par Patrick Pineau : la troupe est portée par une exaltation sans faille, grossissant le trait de la folie (Léonte, roi de Sicile), du sadisme (Paulina, magistralement interprétée par Aline Le Berre) ou de la dévotion (Camillo, seigneur de Sicile). Quand Shakespeare rit au nez des faibles âmes tourmentées par la jalousie, promptes à la trahison et à la tyrannie, à la calomnie et à la vengeance, Patrick Pineau force la caricature, grime outrancièrement les visages, les masque aussi, transforme la fête pastorale en bacchanale quitte à user de

© Didier Bussy

grosses ficelles ! Comme l’irruption d’un envoyé spécial de la chaîne King TV ou la diffusion des news de la BCC, artifices qui laissent un peu rêveur… Mais quand il projette des images vidéo comme des fenêtres ouvertes sur l’extérieur et transforme les échafaudages du décor en salle d’audience, quand ses acteurs font leur miel de la langue de Shakespeare, on jubile. Tant de turpitudes amoureuses et de niaiseries !

Faire corps On sent bien que l’on n’est pas seul ce vendredi de janvier à vouloir «entrer» dans l’univers des frères Thabet tant l’affluence est grande au Bois de l’Aune : public joyeux et divers, jeunes et vieux venus peut-être aussi d’autres horizons que celui du théâtre ou de la danse. Personne ne semblera déçu à la sortie car, oui, il aura été question d’amitié, de solid(ar) ité et d’appui infaillible, autrement dit d’affinités éclectiques autant qu’électives et de pieds sur terre. Hedi Thabet n’en pose qu’un, et la première émotion passée force est de constater que l’unijambe organise tout un monde basculé, rayonnant, dont l’exploration ne fait que commencer. Le membre coupé convoque d’autres présences et le superbe vers de René Char «Nous sommes pareils à ces crapauds qui… s’appellent et ne voient pas, ployant Nous sommes pareils... © Manon Valentin

à leur cri d’amour toute la fatalité de l’univers.» prête son énigme à la première proposition : un trio avec mariée / femme éternelle des suds, confronté au désir et à la mort, accompagné par le rébétiko tantôt poignant, tantôt léger des musiciens de Sofyann Ben Youssouf et… une béquille qui trouve miraculeusement sa place dans la narration, propulsant le danseur acrobate dans les airs ou circulant entre les interprètes comme un accessoire. Mathurin Bolze, présent dans cette première pièce, signe avec Ali (un nom de frère..), en deuxième partie de programme, une sorte de manifeste de «danse pour l’autre» dans son duo avec Hédi où tout est béquille (clic clac, clic clac) et où la béquille n’est plus rien : serrée, efficace et rigoureuse, une forme courte à trois jambes parfois par dessus-tête, qui recompose les êtres sans en faire pour autant des chimères ou des monstres. Troublant et tellement humain ! MARIE JO DHO

Nous sommes pareils… et Ali a été donné au Bois de L’Aune, Aix, du 16 au 18 janvier

Ce n’est donc pas sans arrière-pensée si la métaphore animale se glisse entre les vers : vachettes cornues, perchoir, perdrix, nid de traîtres, dame poularde, transformant la cour du roi en basse-cour… MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Le conte d’hiver a été joué du 15 au 19 janvier au CNCDC Châteauvallon, Ollioules

L’entomologie gourmande

Il ne mange pas les insectes, Jean Henri Fabre, ou incidemment les vers les plus charnus, à la broche. En revanche il les regarde et les savoure, et nous les rend délicieusement familiers, sympathiques, voisins. Dans une langue incroyablement riche et sonore, amoureuse du détail et de l’adjectif, regorgeant de périphrases et d’analogies, il © Theatre Liberté nous plonge avec lui au ras de la terre, et même dedans, à observer les larves, les scarabées, leurs pratiques de reproduction qu’il dit amoureuses, leur effort de stockage qu’il nomme travail, leur manière de se nourrir qu’il appelle appétit. Constamment anthropomorphe et poète, il ouvre les portes de l’infiniment petit et décrit des scènes de genre. Philippe Berling ne s’y est pas trompé, qui en fait du théâtre, grâce au génie d’acteur de Jacques Mazeran, qui goûte ce texte comme on taste le vin, le fait sonner et rouler d’un discret accent provençal, et puis mime l’insecte, l’étonnement de l’observateur, la joie infinie de la découverte, et la douce folie du scientifique, naturaliste du XIXe siècle qui découvrait l’expérimentation. Le spectacle tourne depuis 20 ans, avec sa drôle d’idée de faire revivre un entomologiste un peu oublié, de mettre en scène un journal, de se plonger dans l’esprit scientifique du naturalisme, qui fut si fécond pour la science, et la littérature. Contemporain de Pasteur qu’il guida dans ses observations, il inspira tout autant Darwin que Zola, et les chasseurs de truffes ! Sur scène le mélange de truculence, de précision et de naïveté généreuse fait… mouche ? AGNÈS FRESCHEL

Le pays des insectes a été joué au Théâtre Liberté, Toulon, du 29 janvier au 9 février


«Chouf» et résiste !

En amont du Festival Les Hivernales consacré à la danse urbaine (voir p. 46), le Centre de Développement Chorégraphique présentait deux pièces de jeunes compagnies. Dans Hachia, trois danseurs de la Cie montpelliéraine MIMH de Hamid El Kabouss jouaient la métaphore pour gagner leur place identitaire, à renfort de «chouf» et de performances comparées, adossés à une toile-matrice ou allongés sur un canapé. Si le jeu de «chaises musicales» qui s’ensuivit, plutôt irrésistible de fraîcheur, était truffé d’humour et d’ironie, les jambes s’affrontant dans un numéro surprenant… il trouvait aussi, hélas, rapidement ses limites. Une partition dansée incomplète dans son ensemble, jusqu’à l’accord final et au partage du gâteau, en l’occurrence des chips (!), dont les miettes répandues ne suffisaient pas à créer, encore, d’astucieux petits poucets. Mais compétitifs, c’est certain ! Associé aux danseurs hip hop de la Cie X-Law, le chorégraphe contemporain Ezio Schiavulli (prix du public aux HiverÔclites 2012) présentait quant à lui la pièce, beaucoup moins badine, Noblesse Oblige. Cinq danseurs en costard cravate tentaient de défier les apparences et prouver leur autorité pour conquérir, eux aussi, leur place. Un acte dansé qui, doigts levés, semble vouloir faire résistance au politiquement correct. Portée par l’énergie du jazz de Coltrane, cette troupe au jeu très viril, mais parfois inégal, sait déporter le hip hop dans d’autres contrées… Mais se laisse dépasser par un message peut-être trop radical ?

© Marc Coudrais

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Pudique extase…

DE.M

Hachia et Noblesse Oblige ont été présentées le 27 janvier au CDC Les Hivernales, à Avignon Cie Ezio Schiavulli © Benjamin Mélot

À leur création en 1984-85, Pudique acide et Extasis propulsèrent Mathilde Monnier et Jean-François Duroure au sommet de la galaxie chorégraphique française. 25 ans plus tard, les deux complices jouent leur va-tout en confiant à deux jeunes danseurs à la «personnalité fougueuse et intériorisée» la rude tâche de reprendre leur rôle tout en imposant leur marque. Et ça marche ! Sonia Darbois et Jonathan Pranlas font souffler sur ce «remontage inédit» un vent de fraîcheur et d’insolence qui fouette les sens. La danse des années 80 n’a pas pris une ride : mieux, elle renaît chez ces danseurs qui endossent autant la forme épurée, abstraite et tendue comme un arc de Pudique acide que celle plus théâtralisée et narrative d’Extasis. L’un et l’autre duo laissant le champ libre à leur gémellité complice, à l’irruption de brefs accents de

drôlerie, au mimétisme troublant. En contre-pied ou en osmose avec la musique de Kurt Weil et Bernard Hermann, la chorégraphie oscille entre exercices rigoureux, figures acrobatiques et pantomimes, et pousse les deux tourtereaux dans un manège ininterrompu. Le temps d’une valse d’approches et de feintes, de ruptures et de rythmes entravés, d’un défilé en kilt ou en jupon. Le temps de porter un masque désopilant pour cacher un sentiment tragique. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

D P O A N L SI ET I Q U E C U L T U R E L L E

Recréé en juin 2011 au Festival Montpellier danse, Pudique acide / Extasis a été joué le 22 juin 2013 au CNCDC Châteauvallon, Ollioules, et le 29 janvier au Comoedia à Aubagne dans le cadre de Danse temps I

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L’enthousiasme de la jeunesse

D A N S E

Fabrications © Bernard Prudhomme

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Le Ballet de Lorraine, sous la houlette de Petter Jacobsson, apportait toute l’énergie de sa jeunesse à l’interprétation de deux pièces désormais classiques, l’une de Merce Cunningham, Fabrications, l’autre de Twyla Tharp, In the Upper room. La première œuvre peut désorienter, par sa construction basée sur

des enchaînements aléatoires : ossature à la fois rigoureuse et intimement liée au hasard. Le mouvement n’a plus de sens que par et en lui-même, les danseurs évoluent sur la composition électronique de Dimas de Melo Pimenta, Short Waves 1985, et Silences créés par John Cage, avec une sagesse appliquée au départ, avant de s’emporter, de se glisser dans la mécanique du geste lui accordant enfin une certaine tension dramatique. Plus à l’aise dans la seconde chorégraphie, sans doute grâce à la rapidité des séquences jonglant entre classicisme et modernité, la jeune troupe s’enthousiasme, rend sensible le plaisir de la danse. On entre dans un univers proche de la comédie musicale, on joue avec les décalages, on se réinvente, dans le tournoiement de la musique de Philip Glass. Le plateau prend de la profondeur, les groupes de danseurs se scindent, donnant le contrepoint les uns des autres, pointes, ici, jazz là, acrobatie d’un côté, fluidité de l’autre. Tout n’est pas toujours en place ou en mesure, le bonheur est bien présent cependant et la puissance de l’œuvre elle-même porte l’ensemble, lui donnant des ailes. MARYVONNE COLOMBANI

Le Ballet de Lorraine s’est produit du 16 au 18 janvier au Pavillon Noir, Aix

Les pas des mots

Effervescence joyeuse au Pavillon Noir qui s’emplit de classes entières d’enfants du primaire et de 6e : le Système Castafiore de Marcia Barcellos et Karl Biscuit est pour eux ! Des actions de sensibilisation ont eu lieu dans les classes en amont, certains même suivent une initiation à la danse depuis le début de l’année. La salle entière suit, captivée, les évolutions drolatiques et expressives, cherche à comprendre les significations de chaque étape -lors du débat avec les artistes, les questions fuseront-, admire la variété et l’inventivité des costumes tout droit sortis de mangas. Une relation particulière s’établit entre les mots et les gestes. Un nouveau langage s’élabore sous nos yeux. Les «phrases gestuelles», sans mimer le sens des paroles, deviennent claires, instaurant par leur mécanique une distanciation ludique. Le décalage est le maître d’œuvre d’Aktualismus Oratorio mongol, dénonciation

de la guerre avec des échos d’Ubu. Les personnages prennent des allures de robots, et la machine semble presque plus fantaisiste qu’eux ! 4Log Volapük, Tragédie compile des extraits de Racine, Corneille (on aurait sans doute aimé avoir toutes les références). Il est question d’amour, de pouvoir, de trahison, dans une surenchère de traîtrises et de soubresauts de l’intrigue. Fin du fin, on nous donne des lunettes, vision 3D, pour apprécier pleinement le décor pseudo antique à plaisir. Le spectacle est monté comme une horloge, du moindre geste à l’impressionnante synchronisation entre les sons et les mouvements, enfantin ? du grand art ! M.C. Le Système Castafiore s’est produit du 21 au 24 janvier au Pavillon Noir, Aix

© Denis Plassard

Nos rites modernes

4 Log Volapük © Marc Domage

Quel talent d’écriture ! Le chorégraphe lyonnais Denis Plassard se mue en conférencier-anthropologue, et interprète doué, pour dérouler son inventaire passionné de «rituels dansés contemporains», qu’il recontextualise sociologiquement en les soumettant aux rites traditionnels, accompagné par six danseurs fabuleux. Alors qu’on s’attend à quelques folklores ou découvertes tribales et exotiques, le voilà qui dresse, façon Prévert, une collection pour le moins surprenante, prenant son ancrage dans nos petits rites modernes. Il y a la Vrpe (danse pour commerciaux en déplacement), la Tchek (combinaison improbable de saluts urbains), le cercle des adeptes de la fin du monde, la Psy-danse de couple (une danse de salon personnalisée pour thérapie de couple), la Tridanse qui classe le personnel d’entreprise selon sa hiérarchie, la calorifage, la groupi-choupi, le rituel de résistance et de perturbation du réel… Et le joyau de son collectage décalé et jubilatoire : la valse de plancher à 5 temps, allongée par terre ! Un blog a même été créé pour que le public propose, à son tour, un rite (rites. compagnie-propos.com), une forme participative qui dépasse le spectacle. Sous ses dehors comiques, et l’on rit franchement, la précision d’écriture, du corps et du dire, est époustouflante d’inventivité, la liberté et le plaisir des danseurs qui en émanent formidables. Et le sujet infini ! En programmant des spectacles de cette trempe, l’Auditorium Jean Moulin trouve son angle ! DELPHINE MICHELANGELI

Rites de la Cie Propos a été joué à l’Auditorium du Thor le 7 février


Des guêpes et des hommes

À Châteauvallon, les soirées dédoublées au Baou puis au théâtre couvert sont une mécanique bien huilée avec, ce soir-là, une petite pause salutaire entre deux propositions fortes. Les guêpes du panama mis en scène par Thierry Bedard entraîne l’impeccable Rebecca Finet dans une spirale déroutante qui tient à la fois du discours, de la conférence, du prêche et du cours magistral sur les pratiques et les comportements des insectes et des humains. Combat perdu d’avance pour les hommes qui, contrairement aux guêpes, connaissent les frontières et ignorent le concept suprême d’hospitalité développé par Kant… Monologue minimaliste suivi du carnavalesque Baron samedi d’Alain Buffard, disparu le 21 décembre 2013, élément perturbateur de la scène française depuis 1988 (premier solo Bleu nuit), volontiers offensif (solo Good Boy en 1998) et toujours radical comme dans cette pièce musicale bâtie autour de la figure du Baron Samedi, inquiétant maître de cérémonie vaudou portant le frac et le chapeau haut de forme. Alain Buffard a tracé sur une vaste page blanche aux coins retournés les trajectoires sinueuses d’un groupe d’hommes et de femmes, de noirs et de blancs, venus d’Afrique du sud, de Côte d’ivoire, d’Espagne, de France, du Rwanda, d’Amérique et des Antilles. Dans cette revue métissée rythmée par la musique de Kurt Weill et les paroles de Bertolt Brecht, les chanteurs-danseurs-comédiens s’affrontent par langues interposées, baisent par cooptation ou soumission, remuent l’arrière-train sans complexe, s’exhibent lascivement, chantent l’espoir d’une étincelle lumineuse salvatrice. Car il leur faut une sacré dose d’espoir pour survivre dans ces bas-fonds de New York, d’Abidjan ou de Berlin, dans cette basse cour humaine bruissant de désirs et de plaisirs. Comme Alain Platel, Alain Buffard excelle dans l’exercice délicat de transformer les malmenés de la vie en héros, de transcender leur rage, leur douleur et leurs obscénités en moments de grâce. Tel cet instant miraculeux où le prostitué aux yeux bandés et en fourreau lamé chante, susurre, avant d’être mis aux enchères… MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Les guêpes du Panama et Baron Samedi ont été présentés le 8 février au CNCDC Châteauvallon, Ollioules Baron samedi © Marc Domage


28 M U S I Q U E

Découverte en 2007, la mise en scène de Lucia di Lammermoor, signée Frédéric Bélier-Garcia, retrouve Marseille à l’hiver 2014. Le drame romantique inspiré de Walter Scott, narrant les amours contrariées de Lucia et Elgardo, s’y conclut comme il se doit : dans la folie et le sang ! La mise en scène sombre, les couleurs à l’œuvre, aux rouge, noir et blanc, les projections arborescentes à l’encre de Chine (décors Jacques Gabel et costumes Katia Duflot), les brumes écossaises ou la direction lisible des acteurs laissent la place à l’essentiel : au bel canto ! En 2007, la Ciofi triomphait dans le rôle-titre. Avec Burcu Uyar, le 5 février, on gagne en solidité vocale ce qu’on perd en fragilité et présence scénique : elle est de loin, tant elle a de coffre à revendre à ses partenaires, la plus applaudie. Hormis un ténor un peu en reste (Arnold Rutkowski), le plateau est à la hauteur de Donizetti, grâce à la ligne de chant somptueuse du baryton Gezim Myshketa, la basse Nicolas Testé ou le nouveau «lauréat» Stanislas de Barbeyrac (voir p29). La mezzo marseillaise Lucie Roche et le ténor léger Marc Larcher, deux talents issus du CNIPAL, complètent une belle affiche que l’Orchestre

© Christian Dresse

Place au bel canto !

et le Chœur de l’Opéra de Marseille, dirigés par Alain Guingal (heureusement remis d’un malaise cardiaque en représentation le 1er fév), soutiennent avec incise et puissance. JACQUES FRESCHEL

Lucia di lammermoor a été donné du 31 janvier au 6 février à l’Opéra de Marseille

Sans carrosse ni baguette Créé en 1817, La Cenerentola, basé sur le conte de Perrault, fut composé par Rossini d’après un livret qui choisit de faire fi de la magie pour laisser place à une vraisemblance probablement moins coûteuse. C’est avec ce même parti pris que les metteurs en scène Olivier Deloeuil et Jean-Philippe Clarac ont choisi, dans cette production donnée à © Frédéric Stéphan

l’Opéra de Toulon, de mettre l’accent sur le caractère des personnages plus que sur l’aspect merveilleux du conte. En s’appuyant sur un décor minimaliste, mais savamment éclairé, réduit à un cube protéiforme, comme un livre pop-up, qui épouserait la scénographie, se transformant au gré du lieu de l’action et en transposant celle-ci dans une temporalité plus contemporaine, la psychologie des personnages prenait une autre dimension grâce au jeu des travestissements. Porté par un orchestre à l’écriture virtuose, dirigé avec la légèreté qui s’impose par Edmon Colomer, le bel canto redoutable fut servi par un plateau remarquable : Angelina/Cendrillon troquant sa naïveté contre une bonté d’âme indéfectible était incarnée par José Maria Lo Monaco au très beau timbre de mezzo-colorature. Son alter-ego masculin David Alegret (Don Ramiro), bien que d’une puissance vocale limitée, campait un prince altier et joueur, mais d’une droiture exemplaire. L’ouvrage n’aurait certainement pas pu plaire autant si Rossini n’avait pris le soin de truffer sa musique des bouffonneries qu’il affectionnait tant, à l’image de certains personnages secondaires, dont David Menendez (Dandini) et Evgeny Stavinskiy (Don Magnifico) se sont emparés avec jubilation. Un beau spectacle longuement applaudi ! EMILIEN MOREAU

La Cenerentola a été donné du 24 au 28 janvier à l’Opéra de Toulon

Turqueri façon Ros Certains ouvrages lyriques devraient être inscrits dans la liste des antidépresseurs remboursés par la sécurité sociale ! Opéra composé en une vingtaine de jours par un gamin polisson de 21 ans, L’italienne à Alger, taxé à juste titre par Stendhal de «folie organisée», par son écriture fine, juste, ciselée, pétillante, à l’image de l’entre choc des onomatopées de la fin du premier acte, a un effet euphorisant ! Les airs, d’une virtuosité sans pareille, s’enchaînent et se déchaînent, exigeant des chanteurs une technique irréprochable. Et, comme très souvent à Avignon, on ne fut pas déçu par la distribution. Autour du couple fantasque d’Isabella, Silvia Tro Santafe, très belle mezzo-soprano à la voix pleine et chaleureuse, et de Mustafa, Donato Di Stefano, magistral, «pappataci» de premier choix, les autres artistes -Clémence Tilquin, Amaya Dominguez, ou bien encore Giulo Mastrototaro- apportèrent chacun leur pierre à l’édifice. Accordons une mention spéciale au jeune ténor, Julien Dran, brillant dans le rôle de Lindoro, au jeu de scène encore perfectible, et au splendide Armando Noguera, qui incarna avec justesse et brio le personnage de Taddeo. L’Orchestre Régional Avignon Provence, dirigé pour l’occasion par Roberto Rizzi-Brignoli,


Au cirque cathodique !

ies ssini ! parfois légèrement décalé par rapport aux chanteurs, sut malgré tout tirer son épingle du jeu et apporter à l’ouvrage de Rossini toute l’énergie nécessaire que demande ce petit bijou d’espièglerie.

En 2014, la cérémonie des «Victoires de la Musique Classique» s’est déroulée le 3 février à Aix au Grand Théâtre de Provence. Public trié et cravaté, caméras plantées au parterre, sur rail de travelling, tournoyant au-dessus des têtes, ou à l’épaule, figeant en gros plan les doigts d’un pianiste n’ayant qu’à bien se tenir, éclairages psychédéliques, profondeurs aux reliefs soignés pour écrans plats domestiques, poursuites aveuglantes... la caravane de France3 était de sortie ! À temps compté, huilé, mais débordant comme de coutume, le duo Laforgue/ Lodéon y est allé de ses anecdotes... Quasiment trois heures de direct avec un credo : surtout ne pas perdre un zappeur en route ! Au final, il paraît qu’il y avait 1 300 000 téléspectateurs figés devant des prestations qui se sont enchainées telles des numéros de cirque. Saint-Saëns aurait bien volontiers placés toutes ces «bêtes» de scène dans son Carnaval ! Plus excentrique que jamais Nemanja Radulovic y gagne un pompon... qu’il brandira bientôt sur la scène de l’Opéra de Marseille (le 23 mars). Malheureux Edgard Moreau (qu’on retrouve à la St Valentin au Jeu de Paume à Aix) sa folle Danse des elfes au violoncelle n’a pas suffi à vaincre Paganini et les Caprices du Franco-serbe ! C’est Stanislas de Barbeyrac, ténor en production dans Lucia à Marseille (voir p28) qui est la «Révélation lyrique» de l’année.

Stanislas de Barbeyrac © Yann Priou

Et c’est Richard Galliano qui remporte la palme de la composition avec Fables of tuba créée en mars 2013 par Thomas Leleu et l’Orchestre Philharmonique de Marseille. Comme quoi, si l’Opéra de Marseille était absent physiquement de la soirée (c’est l’Orchestre National de France qui a joué l’accompagnateur de luxe), il était présent dans les faits ! On salue l’obligeance «capitale» à avoir bien voulu inviter les Chœurs des Opéras de Toulon et Avignon, ou la Maîtrise des Bouches du Rhône à participer à la fête. ...Et le palmarès est consultable sur France3 ! JACQUES FRESCHEL

La cérémonie des «Victoires de la Musique Classique» s’est déroulée le 3 février à Aix au Grand Théâtre de Provence

CHRISTOPHE FLOQUET

Représentation du 2 février à l’Opéra Grand Avignon © Cédric Delestrade ACM-Studio

Tahrir et toile

2011, Printemps arabe avec la découverte de l’impact des réseaux sociaux. Ainsi, au Caire, la vidéo postée le 18 janvier par la jeune Asmaa Mahfouz, appelant au rassemblement sur la place Tahrir contre l’oppression du raïs Moubarak, a conduit à une immense manifestation. Eli Commins s’empare du sujet, cherche à communiquer avec cette jeune fille, écrit un livret de ce qui deviendra l’opéra slam 80 000 000 de vues, sur une partition d’Alexandros Markeas. Outre que cette œuvre s’attache à des évènements contemporains, qu’elle accorde à des héroïnes féminines un rôle clé : les femmes de la place Tahrir se libèrent du schéma dans lequel elles sont enfermées. La conception de l’ensemble est profondément originale car elle mêle musique savante et populaire, personnages réels et virtuels, avec l’adjonction d’un décor projeté sur le mur de fond de scène, composé in situ tout au long du spectacle. On voit les mains qui installent les bâtiments, les objets, les retirent. Les miniatures maniées prennent une dimension énorme, on entre avec délice dans une illusion dont les codes sont livrés. Les textes parlés, slamés, sont inégaux, l’appel au sens et à l’indignation mériteraient davantage de puissance. On

© Cecile Roucher-piano and co

retiendra la belle interprétation de la soprano Gaëlle Mechaly, la performance du baryton Paul Alexandre Dubois qui se glisse dans une multitude de rôles, le violoncelle virtuose de Cécile Beutler, l’agilité des percussions de Stanislas Delannoy, le piano fluide, aérien, précis de Nathalie Négro, la conviction des interprètes. MARYVONNE COOMBANI

80 000 000 de vues a été donné à Théâtres en Dracénie, Draguignan, le 4 février

29 M P U O LS I Q T U I Q E U E C U L T U R E L L E


Double cinq

30 M U S I Q U E

L’un des derniers concerts de la 10e Biennale Internationale de Quintette à Vent s’est déroulé, comme de coutume, à la Société de Musique de Chambre de Marseille. Le 21 janvier, ce n’est pas un quintette, mais deux que l’on a entendus à la Faculté de médecine de la Timone, pour un feu d’artifice d’anches (hautbois, clarinettes et bassons) et embouchures (flûtes, cors). La musique du programme, essentiellement française, couvre une période allant du romantisme tardif à des opus plus contemporains, sortant du répertoire ordinaire. Une chance qu’ont saisie les sociétaires ayant bravé les frimas de l’hiver pour découvrir de belles et nouvelles œuvres ! Certes, le Divertissement du Marseillais Jean Emile Auguste Bernard (1843-1902) n’a pas marqué l’histoire de la musique

Quintette Artecombo © Ji-Yun Lim

à sa création en 1890... C’est au demeurant un paysage ludique et pastoral, typique d’une esthétique hexagonale dans laquelle ne passent, souvent par pudeur, que peu de nuages. Les Six bagatelles

(1971-89) de Lucien Guérinel, interprétées par le Quintette à vent de Marseille, sont, quant à elles, des haïkus sonores modernes affirmant un héritage pointilliste et atonal Webernien, mais ensoleillé

de lyrisme pulsé. Tomoyuki Hisatome est une espèce de Steve Reich nippon. Avec son énoncé répétitif et claquements percussifs, son Clap Slap Tremble, joué et frappé par le Quintette Artecombo, s’est avéré une entorse souriante à l’affiche. Pour la seconde partie, les deux quintettes se sont rassemblés et ont livré Sept danses espiègles tirées du ballet Les malheurs de Sophie de Jean Françaix (19121997), avant l’orientaliste et sensuelle Suite persane d’André Caplet (1878-1925). De belles découvertes, interprétées avec brio et enthousiasme... qui ont donné tort aux absents ! JACQUES FRESCHEL

Concert donné le 21 janvier à la Faculté de médecine de la Timone, Marseille

«De la musique avant toute chose...» La salle de conférence est bien remplie, comme de coutume, pour les conférences musicales à l’Alcazar. Le public, fidèle, aime à la fois la qualité des intervenants, comme celle d’une programmation Sharman Plesner © X-D.R

intelligemment pensée, et des événements... gratuits ! Le 22 janvier c’est l’ensemble Baroque Graffiti qui était invité à présenter, en avant-gout de deux concerts à Aix et Marseille, un programme de Sonates de Bach. Au cœur d’illustrations visuelles, projetées sur écran, évoquant l’art baroque, ses ors rococo, la lutherie et la facture d’orgue, on a joui d’un beau travail réalisé sur quatre mouvements de la Sonate en sol BWV 1021, située à mi-chemin des styles «da camera» (plus dansant et mélodique) et «da chiesa» (davantage contrapunctique, en imitation). Lorsque le violon (Sharman Plesner) plane au-dessus d’une «basse continue» qui marche à pas feutrés (Anne-Garance Fabre dit Garrus au violoncelle et Jean-Paul Serra au clavecin), ou court, vivace et pulsé, à son côté, quand il échange sa voix vers le grave cello dans un serein largo, ou conclut dans un mouvement d’ensemble fugué... on se délecte. Du coup, on a envie d’entendre les autres Sonates au programme des concerts des lendemains... J.F.

Ce concert a été donné le 22 janvier à l’Alcazar, Marseille

La force de l’âge

Vingt saisons déjà que la musique de l’aube du XXe siècle à nos jours est servie avec soins par l’Ensemble Télémaque et son directeur musical Raoul Lay. Correspondant avec l’ouverture du PIC (Pôle Instrumental Contemporain), théâtre de nombreuses manifestations à venir, le premier concert de cette année anniversaire s’est tenu aux ABD dans un auditorium aux dimensions trop modestes pour l’occasion. L’ensemble instrumental à géométrie variable a offert à son fidèle public un cadeau qui pourrait s’appeler L’École de Marseille tant les compositeurs joués (et présents pour trois d’entre eux) lors de cette soirée représentent le fleuron de l’écriture phocéenne, sans que cette appellation ne soit réductrice par son carcan nominatif et esthétique. Pierre-Adrien Charpy ouvrait le bal avec une surprenante Récréation pour basson, accordéon et alto (commande de l’Ensemble) alternant dialogues «timbriques», phonèmes scandés et un très beau solo d’alto, suivi de l’émouvante Ode à Victor de Raoul Lay, aux silences lourds de sens et aux sonorités fines et colorées associant basson, cor, hautbois et accordéon. Anima de Régis Campo et Variasix de Georges Bœuf pour flûte, clarinette, violon, violoncelle, piano et percussions clôturaient les festivités en gratifiant l’auditoire d’une palette sonore pleine de nuances et subtilités, faisant honneur à la couleur, invitée d’honneur de la soirée. FRÉDÉRIC ISOLETTA

Le 1er concert des 20 ans de l’Ensemble Télémaque a été donné aux Archives Départementales Gaston Defferre, Marseille, le 30 janvier


Exaltation russe soli exposés, de la 5e symphonie de Mahler. Marche funèbre, puis réminiscences de fête, les thèmes traversent l’œuvre en toute liberté, dans une structure où chaque mouvement se développe longuement. L’Adagietto célèbre est déchirant, le mouvement final fougueux à l’extrême, sans aucune retenue, faisant sonner cet orchestre énorme, réinventé, exponentiel, aux cordes multipliées, aux cuivres et aux bois sans limites… et les timbales qui viennent encore couronner le tout ! Venez donc écouter les orchestres. Ce bonheur-là, ce répertoire, appartiennent à tous les âges, et tous les milieux. AGNÈS FRESCHEL

La symphonie Haffner de Mozart et la 5e de Mahler ont été jouées au Silo, Marseille, par l’orchestre de l’Opéra de Marseille le 12 janvier

Étoiles et toiles

Orchestre Philharmonique du Pays d’Aix © Agnès Mellon

L’orchestre du Pays d’Aix séduisait encore cette année par un programme qui établissait de surprenants rapprochements. La Guerre des Etoiles jouxtait la mort d’Isolde et s’emballait dans les rythmes cubains… aucune dissonance cependant, le chef d’orchestre, Jacques Chalmeau, établissait des rapprochements, jonglait avec la passion et l’humour de ses musiciens dans des représentations où la fougue et le talent se conjuguaient pour le plus grand bonheur de publics nombreux et variés –«certains voient un spectacle dans l’année et c’est celui-là» sourit J. Chalmeau. Ainsi on avait le plaisir d’entendre Prélude et mort d’Isolde, par un ensemble quasi wagnérien, enchâssant les leitmotive multiples de l’œuvre avec une délicate subtilité, «de la musique pure»… un

art des silences, des nuances que l’orchestre rendit sensible. À cette émotion, ce temps suspendu, succédaient les emportements de la partition (une autre quête !!!) de John Williams. On percevait alors combien la série des films de Lucas doit à la musique, elle raconte tout. Là encore, soulignait J. Chalmeau, il est question d’amour, de trahison, d’épopée, chaque personnage, chaque situation a son thème ; leur entrecroisement accorde une profondeur au propos. Les percussions (trois artistes pour le poste de six ! quelle virtuosité !) et les instruments à vent étaient particulièrement gâtés par ce programme, brillant des cuivres, superbe hautbois de Blandine Bacqué… l’enthousiasme de l’orchestre se communique au public, et l’on bisse pour l’Ouverture cubaine de Gershwin, rarement jouée... un cadeau de plus ! MARYVONNE COLOMBANI

Concert du 26 janvier à la salle Emilien Ventre, Rousset

À venir le 15 fév (dernier concert de la tournée d’hiver) Grand Théâtre de Provence, Aix 08 2013 2013 www.lestheatres.net

YVES BERGÉ

Les Trios Tchaïkovski et Rachmaninov ont été joués le 3 février à la Criée, Marseille Caroline Sageman © X-DR

On éprouve toujours la même gêne à observer le public des concerts symphoniques : pourquoi une si belle musique, si immédiatement touchante, renversante, émotionnelle, parlant à nos sens, qui est notre bien et notre culture commune, ne rassemble-t-elle aujourd’hui que des publics âgés et «bourgeois» semés de quelques jeunes, et fait-elle fuir toute la génération des 25/50 ans loin de ces joies qu’elle pourrait partager ? Il n’est guère de plus grande joie que d’écouter un orchestre symphonique jouer Mahler. D’autant que ce jour-là, le très bon orchestre de l’opéra de Marseille était dirigé de main de maître par Adrian Prabava. Qui fit sonner un peu trop romantique la symphonie Haffner de Mozart, pas la meilleure… mais sut rendre toutes les couleurs, jusqu’aux plus extrêmes, jusqu’aux plus enflées, jusqu’aux

Adrian Prabava © Marc Theis

Mahler, votre démesure

Associer le Trio Elégiaque n° 1 en sol mineur de Rachmaninov, composé à 19 ans, et le Trio en la mineur op. 50 de l’aîné admiré Tchaïkovski, est toujours pertinent. Une énergie identique parcourt le concert et les trois talentueux artistes sont habités d’un souffle inépuisable : Caroline Sageman, piano, David Galoustov, violon, Maja Bogdanovic, violoncelle. Le partenariat avec le label Lyrinx (l’enregistrement s’est fait en live) semble les transcender aussi. Suzanne et René Gambini, brillants artisans locaux de notre mémoire musicale, ont placé leurs micros, DSD surround, format permettant de retrouver la palette intense des mythiques 33 tours. Le Trio de Rachmaninov est une boucle lugubre, forme-sonate d’un seul mouvement, avec une respiration passionnée en son milieu, concluant, comme celui de Tchaïkovski, par une marche funèbre ! Le bruissement du violoncelle plane sur les accords puissants d’une Caroline Sageman survoltée. L’archet de Galoustov est vibrant. Une incroyable complicité règne : regards, départs où chacun se renvoie la ligne musicale, dans un balancement étrange. Dix ans plus tôt, en 1882, Tchaïkovski livre une œuvre superbe, ce Trio en la mineur «à la mémoire d’un grand artiste», son ami Nikolaï Rubinstein. Deux grands mouvements, dont le deuxième est un thème et variations. Onze variations d’une écriture romantique, mais poussée vers une étrange modernité : fugue cosmique, unisson violon-violoncelle hiératique et théâtral. Variations déchirantes ou exubérantes, chacun est soliste à tour de rôle. Une partie centrale enthousiaste précède la modulation tragique de la tonalité initiale pour poser une marche funèbre. Musique de chambre d’une intense lumière !

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Tchèques point !

Le GTP s’est transformé, le moment d’un concert, en annexe du conservatoire de Prague ou de Brno ! Si l’on fait abstraction de l’intrus, Haydn, figure obligée dès qu’un quatuor à cordes se déplace, Janàcek, compositeur admirable, trop rarement joué, était la vedette de la soirée. Ses deux œuvres, composées dans les dernières années de sa vie, le Quatuor à cordes n°1 «Sonate à Kreutzer» et le Quatuor n°2 «Lettres intimes», aux titres évocateurs, sont à l’image des pièces du compositeur tchèque, d’une sensibilité abrupte, sans sensiblerie, écorchée par des rythmiques saccadées qui s’opposent à des textures granuleuses gorgées de mélancolie. Car la force de l’écriture du maître de Moravie repose sur cette opposition, mélodie-harmonie, rythmiques sauvages-motifs tendres... À l’opposé d’un Haydn, expert dans la capacité à développer une idée, Janàcek construit son discours sur le refus du développement et sur la puissance de la négation d’éléments antagonistes. Ce langage complexe, d’une rare expressivité, le Quatuor Prazák, éminent ensemble de Prague, se l’est approprié et l’a fait goûter au public parsemé du GTP. Fort d’une technique et d’une osmose irréprochables, les quatre instrumentistes ont permis aux quelques amateurs éclairés de découvrir ou de redécouvrir deux pièces du genre d’une étonnante modernité.

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Accentus © Anton Solomoukha

Séquence émotion

Difficile de ne pas essuyer une larme quand deux œuvres telles que le Miserere en do mineur de Zelenka et la Messe de Requiem de Mozart sont données dans une même soirée. La pièce du compositeur de Bohême, tout en énergie et dynamisme, avec de belles couleurs harmoniques, l’écriture verticale jouxtant l’écriture contrapuntique, porté par le chœur Accentus au sommet de sa forme, augura bien de la suite. L’Insula Orchestra, fort d’un pupitre de cordes imposant, eut tendance à couvrir un peu les voix et la soprano soliste, Sunhae Kim, à la puissance un peu juste. Ce petit problème d’équilibre résolu, la chef Laurence Equilbey posa son empreinte sur le chef-d’œuvre du maître viennois, et tira de son ensemble la quintessence. Les solistes, brillants, notamment Christopher Purves, basse magnifique, et Werner Gura, ténor puissant, en parfaite harmonie avec les deux voix féminines, Sara Mingardo et Sunhae Kim, à l’unisson avec le reste de la formation, réussirent à embuer les yeux du public du GTP. Le tonnerre d’applaudissements qui suivit le silence de mort après les dernières notes du Lux Aeterna résume à lui seul cette interprétation : magnifique ! C.F.

Concert donné le 5 février au GTP, Aix

C.F.

Concert donné le 6 février au GTP, Aix

Quatuor Prazak © Guy Vivien

M U S I Q U E

La tradition allemande

C’est à l’aune de l’excellence des multiples formations symphoniques essaimées dans toute l’Allemagne que l’on mesure l’importance qu’accorde un pays à la culture musicale et artistique. Dans la constellation du Philarmonique de Berlin brillent des astres tels que l’Orchestre de Hambourg, ou bien encore l’Orchestre Symphonique de la Radio de Stuttgart (SWR) présent pour la première fois au GTP pour le plus grand plaisir du public aixois. Fort d’une superbe présence, d’une gestique très efficace et esthétique, le grand chef Stéphane Denève a manœuvré l’énorme machine d’outre Rhin, plus de 90 instrumentistes, avec maestria. Métamorphosée en ensemble de solistes dans La Pavane pour une infante défunte de Maurice Ravel, tout

Stuttgart SWR © Thomas-Mueller

en relief et suspendue au jeu de Nicholas Angelich dans le très peu joué Concerto n°4 en sol mineur de Rachmaninov, concrétion

d’éléments thématiques puisés dans la tradition russe historiés d’un langage harmonique au seuil parfois de l’atonalité, magistrale dans les Métaboles du regretté Henri Dutilleux, la Kolossale machine a éructé de plaisirs dans la sauvagerie et la somptueuse crudité de la deuxième suite de L’Oiseau de feu d’Igor Stravinsky ! Et dans l’espièglerie de l’Arlésienne de Bizet s’acheva une soirée où planait l’ombre du maestro Claudio Abbado, le grand chef italien disparu la veille auquel n’a pas manqué de rendre hommage Stéphane Denève. Emouvant. CHRISTOPHE FLOQUET

Ce concert a été donné au GTP, Aix, le 21 janvier


Possibles sommets

résultat ! Sa lecture de la «Titan» de Mahler est stellaire, retenue à souhait pour laisser exploser l’énorme masse orchestrale à point nommé. Le public balance au fil des thèmes d’inspiration populaire, à la marche du fameux Frère Jacques muté en mode mineur, tout en sensualité slave, sans lourdeur, au gré des tuilages géniaux qui architecturent la partition, vers un triomphe cuivré, juste après l’orage éclatant, supra-romantique. Et lorsqu’on boucle le cycle, qu’on se retrouve au point initial, l’émergence sonore, onirique, semble à nouveau possible…

Orchestre National de France - Radio France © Christophe Abramowitz

Le son est rêche, la voix rauque, espèce de cri.... Chant de l’Est. Du violoncelle surgit une plainte vibrante. Quel morceau de bravoure que le Concerto de Dvorak, héroïque, puissant ! Pourtant, en quelques sourires, la violoncelliste Anne Gastinel murmure ou déchire l’air de mille couleurs, sons pleins ou filés, laisse ses doigts glisser à folle allure sur la touche de l’instrument, comme si de rien n’était, habitée, tout à l’écoute... Brava ! Voilà une artiste en pleine maturité, possédant son art au sommet, expressif, technique... Rare ! Dans son dos, le 28 janvier au GTP, l’Orchestre National de France : rien que de moins ! C’est une véritable machine à émotions dirigée par un chef qui, sans faire de bruit, s’impose comme un maestro

d’exception. Tantôt il semble laisser jouer ses musiciens... Geste minimaliste : humble, il délègue aux artistes le soin de couper le son au bout d’un mouvement,

ménage un espace au souffle des solistes... Mais paradoxalement Daniele Gatti sait parfaitement où il veut aller, et reprend la main au besoin. Au final : quel

Le concert a été donné le 28 janvier au GTP, Aix

Sur le ring, reprise en quatre rounds

Du Bartas, du neuf en Oc Du Bartas suit son bonhomme de chemin. De trio à quintette, des villages du Minervois à une pleine page dans Libération en janvier dernier. Après la Mesón et le Dock des Suds pour Babel Med l’an dernier, le groupe languedocien est venu présenter son 4e album Tan que vira (Sirventés/l’Autre Distribution) sous la voûte de l’Eolienne, discrète et intimiste salle marseillaise à découvrir d’urgence. Polyphonies occitanes, percussions latino-méditerranéennes et touche orientale, Du Bartas rappelle une évidence culturelle historique : les peuples du pays d’Oc et ceux de la Méditerranée échangent et vivent, depuis la nuit des temps, dans une radieuse harmonie qu’aucun obscurantisme ne viendra perturber. À l’instar de leurs collègues marseillais de Lo Còr de la Plana, Laurent Cavalié (chant, bendhir, accordéon, caisse claire), Clément Chauvet (pandeiro, chant, grosse caisse, tambornet sétori d’ajustas), Titouan Billon (tamorra,

JACQUES FRESCHEL

triangle, balai malgache, chant), Jocelyn Papon (chant, grosse caisse, cuatro) et Abdel Bousbiba (chant, violon oriental, tar, oud) chantent les incohérences de la société actuelle mais aussi les plaisirs terriens. Ils ont choisi de le faire en occitan ou en arabe. Avec humour et optimisme festif, plutôt qu’en se lamentant sur leur sort ou qu’en se repliant sur une nostalgie régionaliste folklorique. Hommages aux anciennes ayant fui la dictature franquiste, au soldat de la Grande guerre qui rêvait de paix et de fraternité, pamphlet contre la concentration viticole et les dégâts de la grande distribution, hymnes au métissage, Du Bartas donne envie de danser sur la table autant que de la renverser. Une performance qui, bien qu’acoustique, regonfle les espoirs et les énergies pour s’attaquer à l’immense chantier de la reconquête d’une humanité. THOMAS DALICANTE

Du Bartas s’est produit le 1er février à L’éolienne, Marseille © Damien Tomasi

Ils ont osé : Wagner en avait tiré sa tétralogie, quatre drames lyriques en quatre journées inspirés par la mythologie germanique de Siegfried et le mythe des Nibelungen pour construire sa légende, librement remaniée, de L’Anneau du Nibelung. Encore plus fort que la réduction du Ring de G. Vick et J. Dove (1990) montée en 2011 par Peter Rundel et Antoine Gindt et concrétisé par Ring Saga (voir Zibeline 46) : La Compagnie Le Piano ambulant nous a plié en deux heures chrono son spectacle Sur le Ring, raisonnablement sous-titré Regards sur la tétralogie de Wagner. Hérésie par un ensemble de six instrumentistes (piano, flûte, hautbois et cor anglais, violon, violoncelle et guitare basse) déjantés, accompagnés de leurs metteurs en scène André Fornier et en son Antoine Colonna ? Certainement pas malgré la dose inévitable d’inconscience pour un tel projet. Plutôt de la passion, du réalisme et une connaissance certaine afin de nous faire partager une (re)lecture en diagonale de l’œuvre, où les parties lyriques sont remplacées par des interventions récitantes avec traitements sonores kitsch et communicatifs. Dès l’ouverture du prologue et son spectre harmonique de mi bémol miraculeusement assumé par les instrumentistes-récitants, les parties instrumentales emblématiques s’enchaînent pour illustrer avec bonheur et conviction cette course à l’or et au pouvoir où les digressions, tel cet écrit pamphlétaire de Tolstoï, semblent encore mieux justifier l’évocation des murmures de la forêt qui nous mène progressivement à la quête finale et rédemptrice de l’amour musicalement sonnée... Délicieusement KO. P-A HOYET

Soirées et Matinée musicale d’Arles le 2 février à la chapelle du Méjan

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Six mains pour deux claviers un duo en réponse, avec beaucoup d’humour, sur le thème de Besame mucho. Le duo devient alors une joute d’impros débridées. Puis Trotignon marque le clavier de son toucher sensuel... Notes glissées de la contrebasse, la batterie se fond dans le décor saturé d’ivresse. Rotation ludique des pianistes et six mains déambulent sur les touches offrant un foisonnement musical réjouissant. Un hommage très réussi. DAN WARZY

Ce concert a été donné à la Criée, Marseille, le 21 janvier

Les étapes

Un chien et un homme prennent place sur le plateau. Un chien ? Une belle bête même, oreille tombantes et truffe noire, qui vient renifler l’ambiance. Les accessoires sont sommaires, mais suffisent à installer le sujet –on va causer succès- qui va courir tout au long de la «concerférence» (entendez par là «conférence avec motifs musicaux») que propose le duo formé par le saxophoniste David Rueff, et le comédien et metteur en scène Eric Leconte, tous deux co-auteurs du texte. Le succès, en voilà un sujet de discussion ! Qui permet de remonter jusqu’aux temps immémoriaux des cavernes, quand nos ancêtres plutôt évolués, les «picassiettanthropes», avaient déjà tout compris du capitalisme et des rapports de force qui régissent le monde. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, et que ce duo illustre en sketches et en musique : qui domine qui, quand le succès est au rendez-vous bien sûr, comment en avoir, qu’apporte-t-il… Le duo s’oppose, digresse (quelques cabotinages en moins et le jeu s’en trouverait redynamisé), un peu bancal dans son équilibre, David Rueff étant plus à l’aise au maniement de son saxophone (merveille que l’on aurait aimé entendre beaucoup plus souvent et plus longtemps !) que dans le jeu qui l’oppose à Eric Leconte. Ce dernier en revanche endosse magnifiquement le double rôle du chien soumis à son maître et du conférencier hors pair qui cite fort à propos Eschyle au détour d’une phrase… de même que l’envolée canine finale que l’on adopte sans sourciller : «C’est pas parce qu’on a le museau dans le caniveau qu’il faut s’interdire de regarder les étoiles»… Do.M.

d’un

succès

Charlie et Plouto’s a été créé au Forum de Berre les 17 et 18 janvier Charlie et Plouto’s © Laurent Ferrigno

© Nicolas Hurtevent et Cedric Cartaut

M U S I Q U E

© danwarzy

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Talent fulgurant et carrière éphémère pour le pianiste Michel Petrucciani. Disparu en 1999, il a laissé des traces qui marquent les mémoires. Aldo Romano, un de ses anciens compagnons de route, invite le contrebassiste Thomas Bramerie et trois pianistes de génération différente pour honorer sa mémoire. Paul Lay, pianiste plein de promesses, débute ce concert devant deux pianos à queue imbriqués l’un dans l’autre et une salle comble. Danilo Rea prend le relais pour deux pièces, devenues standards du jazz. Baptiste Trotignon se pose devant le second piano et démarre

D’abat-jour en crinoline...

Jeanne Béziers emboîte vaillamment le pas à Molière et transforme le titre de la pièce en se moquant de la manie actuelle des anglicismes. Elle a utilisé d’ailleurs pour les chansons une traduction anglaise du XIXe siècle, et c’est succulent ! Nous sommes face à des précieuses modernes qui se plaignent du relâchement de leur peau et de leur poids, se livrent à des séries d’abdos, ne veulent pas s’encombrer des lourdeurs du mariage mais rêvent d’être courtisées. Cela se fait en musique, sur un escalier de bois, clin d’œil à celui du Music Hall. Jeanne Béziers et Nadine Béchade s’en donnent à cœur joie en Magdelon et Cathos, revendiquant leur liberté de vivre sans mari et se moquent allègrement de Georgibus qui veut absolument les caser. Les deux prétendants éconduits se vengent en poussant leurs valets dans la place. Les donzelles n’y voient que du feu. La séduction se passe en musique dont la composition et les arrangements sont dûs à Martin Béziers. Une musique qui va de la musique de chambre au rock, la musique du diable ! Il faut le voir arriver en Vicomte de Jodelet, chantant la tyrolienne ! Il partage le piano avec Gilles Favreau qui joue Mascarille avec panache. Car c’est à quatre que se joue cette pièce pour 9 personnages ! Et l’on admire au passage les astuces qui permettent de passer rapidement d’un personnage à l’autre, comme l’on est séduit par les trouvailles de Christian Burle, créateur des costumes, qui connaît l’art de transformer instantanément un abat-jour en crinoline... CHRIS BOURGUE

Precious ridiculous s’est joué au Gymnase, Marseille, le 29 janvier et sera dans le Off d’Avignon cet été


Didier Levallet 5tet © danwarzy

Confluences au féminin

Didier Levallet nous a présenté un projet en quintet dont la particularité est le choix de trois voix singulières, saxophone baryton, trompette et flûte, pour constituer la matière vitale de ses compositions. À cette originalité s’ajoute un détail assez rare : ce trio de voix est féminin. Un orfèvre des unissons n’aurait pas mieux assemblé ces différents timbres. Bien que rigoureuse, l’écriture musicale laisse ouvert un large champ de liberté aux interprètes. La flûte de Sylvaine Hélary apporte la dimension aérienne légère et furtive, Céline Bonacina, qui avoue avoir un faible pour le saxophone baryton, joue également de l’alto et ses improvisations ont témoigné d’un engagement physique certain. À la trompette, Airelle Besson marque sa présence forte dans une grande délicatesse. La section rythmique est assurée tout en finesse par François Laizeau à la batterie, avec la contrebasse de Didier Levallet. Un grand moment d’écoute. DAN WARZY

CD : Didier Levallet 5tet Voix Croisées Label Evidence/Frémeaux & Associés Ce concert a été donné au Théâtre de Fontblanche, Vitrolles,le 25 janvier

«J’aspire à l’instant précieux...»

Une intro au piano, dans une expansion tout en retenue, le son vire au blues, se teinte de percussions, grossit avec la batterie. La contrebasse entame un motif sur cinq notes et la musique se développe jusqu’à glisser vers une autre inspiration... les Caraïbes ? Jacky Terrasson se déchaîne sur le clavier avec un motif crispé et redondant, dans une effervescence frisant la tétanie. Nouveau glissement libérateur... C’est si bon ! Il passe au Fender Rhodes dans un jeu et un son ahurissant. «Oh my love, for the first time in my life....», et voici que la délicieuse voix de Cécile McLorin nous envoûte. Une robe rouge et un drapé noir sur ses épaules. «Yesterday, golden days...», une multitude de couleurs et de modulations vocales nous envahissent. Déjà la fin du concert, un rappel, la chanteuse revient, une œuvre d’Erik Satie et Henry Pacony, «J’ai compris ta détresse, cher amoureux. Et je cède à tes vœux...» D.W.

Le concert Gouache a été donné au GTP, Aix, le 22 janvier


A U P R O G R A M M E T H É Â T R E

des billets comme s’il en pleuvait… Mais cette richesse inattendue et inexpliquée va faire exploser la vie de Laurence et Bruno, elle s’accrochant à la morale et à ses valeurs, lui jubilant devant cette manne… Bernard Murat met en scène la pièce de Sébastien Thiéry, une fable loufoque et caustique qui révèle d’humaines contradictions. les 13 et 14 fév Le Toursky, Marseille 0 820 300 033 www.toursky.org

À partir de La Dispute de Marivaux et Manque de Sarah Kane, Franck Dimech «fabrique» Les Écorchés, un spectacle joué en chinois avec huit comédiens, quatre femmes et quatre hommes. «La Dispute de Marivaux sera d’abord jouée dans sa quasi-intégralité, la scène finale -un happy-end- en moins. Manque de Sarah Kane fera l’objet d’une trituration pendant les premiers jours des répétitions à la table. À partir du texte, nous élaborerons une partition d’environ vingt-cinq minutes dont nous ferons l’épilogue du spectacle.» du 11 au 15 mars Les Bernardines, Marseille 04 91 24 30 40 www.theatre-bernardines.org

La Mouette du 14 au 16 mars Oncle Vania du 16 au 20 mars Trois sœurs les 16, 21 et 22 mars Intégrale le 16 mars (14h, 16h30 et 18h30) La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

L’Après-midi… La Mouette © Marion Le Meut © Murat

Festi’Femmes L’humour et l’humeur sont au rendez-vous de

ce festival annuel dédié aux femmes, avec deux spectacles, lors de deux soirées, précédés d’un plateau découverte qui fera la part belle à des débutantes sûrement prometteuses… Le 14 mars, Edmonde Franchi reprend Les Fruits de la passion, bouleversante et hilarante évocation de la solitude d’une femme simple, à laquelle Edmond Franchi insuffle sa tendre sensibilité. Le lendemain, Laetitia Planté est une star dans Liza Minelli Emois, où, accompagnée du pianiste de jazz Eric Méridiano, elle questionne la banalité du quotidien. les 14 et 15 mars Le Toursky, Marseille 0 820 300 033 www.toursky.org

© Claude Bré

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est de monter toutes les pièces dans l’ordre de l’écriture. Ainsi La Mouette, Oncle Vania et Trois sœurs sont données séparément (du 14 au 22 mars) et en intégralité (le 16 mars) à La Criée. La première «fait de l’Art le terrain de prédilection des passions, des illusions et des conflits entre les personnages». La seconde parle d’un siècle brisé, d’un monde en train de disparaître. Dans la troisième, on retrouve trois sœurs dont les certitudes sont devenues des suppositions, et qui n’ont plus que l’espoir qu’un jour, peutêtre «on saura pourquoi l’on vit, pourquoi l’on souffre». «Quelle forme pour quel théâtre aujourd’hui ?» Pour Benedetti, mettre en scène Tchekhov aujourd’hui, c’est prendre en charge le questionnement que pose son univers. L’auteur a fait du théâtre le terrain des désillusions des personnages. Les tragédies sont les mêmes dans leurs tons mais il s’agit de tenter de changer la façon de regarder, ce que faisait Tchekhov en écrivant. Il ne prenait pas partie, mais posait les situations sur scène ; ce mélange est un fondement de son théâtre. «Il faut des formes nouvelles. Des formes nouvelles, voilà ce qu’il faut, et s’il n’y en a pas, alors tant qu’à faire, plutôt rien» affirme Treplev à Sorine dans La Mouette. Phrase qui pourrait démontrer que le théâtre peut changer même lorsque l’on met en scène des pièces déjà très connues.

La Main de l’aveugle, Hervé Guibert, 1983 © Christine Guibert

Tchekhov Comme s’il en pleuvait Les Écorchés Le «projet Tchekhov» de Christian Benedetti Qui n’a pas rêvé de trouver sur son canapé

Monsieur Andesmas attend, jusqu’à la nuit tombée… Michel Arc, l’architecte en charge de la construction d’une terrasse devant la maison qu’il vient d’offrit à sa fille Valérie. Au fil de cette attente viendront le rejoindre un chien orangé, une petite fille sans mémoire et une femme, alternativement femme et fille de Michel Arc… Danielle Bré, Cie In Pulverem Reverteris, adapte et met en scène le texte de Marguerite Duras. L’Après-midi de Monsieur Andesmas du 18 au 22 mars Le Lenche, Marseille 05 91 91 52 22 www.theatredelenche.info


Emersion Une femme, prostituée, se dévoile dans sept

lettres adressées à un homme. Dans une langue heurtée, la syntaxe désordonnée laisse apparaître, de façon lucide, les failles et les angoisses de celle dont la condition est de n’être rien («… alors nous les hôtesses, on est rien, on est que de la viande…»). Audrey Joussain porte haut cette voix, portée par la musique électro, jouée en direct, de Johann Loiseau, dans une mise en scène de Romain Jarry et Loïc Varanguien de Villepin, Cie des Limbes. le 15 mars Le Lenche, Marseille 05 91 91 52 22 www.theatredelenche.info © Benoît Schmeltz

Fin de partie «Fini, c’est fini, ça va finir, ça va peut-être finir.»

Hamm est aveugle, dans un fauteuil roulant. S’il ne peut pas voir venir la fin, il la sent. Clov, lui, ne s’assied pas ; jamais encore il n’a désobéi aux ordres du tyran dont il est peut-être le fils. Auprès d’eux, accroupis dans des poubelles, Nagg et Nell, parents de Hamm, deux vieux agonisent interminablement. Pour la Cie Le bruit des Hommes, qui se consacre depuis sa création aux écritures contemporaines, «l’œuvre de Beckett est une matrice, une référence…» du 27 fév au 8 mars Le Lenche, Marseille 04 91 91 52 22 www.theatredelenche.info/

Frontieres © Sigrun Sauerzapfe

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Biennale des écritures du réel

© Jean-Claude Bougois

La deuxième édition de La Biennale des écritures du réel, initiée par La Cité – Espace de récits communs, s’annonce vraiment remarquable, rallongée de quelques jours, et sur un territoire plus important : durant un mois (du 13 mars au 12 avril), théâtre, littérature, cinéma, peinture, récits d’expérience et conférences vont créer «un cheminement sensible et critique pour les publics autour de démarches, formes et pensées d’aujourd’hui», comme le soulignent Michel André et Florence Lloret, les directeurs artistiques du lieu. Dès l’ouverture, le 13 mars, le ton est donné, avec La dernière interview de Jean Genet, performance théâtrale avec Dieudonné Niangouna dans l’incarnation de l’auteur… S’ensuivront des propositions très diverses, toujours à la croisée des publics, des lieux et des disciplines : Wonder Women, comme son titre l’indique, fera la part belle aux femmes, avec, entre autres, du théâtre, du cinéma, une installation sonore de Frédérique Pollet, une lecture, Fille de, sur un texte de Leila Anis dit par elle-même, une rencontre

Made in Friche #9 C’est reparti pour les week-ends Made in Friche, qui commenceront cette année dès le vendredi, avec une programmation enrichie. Démarrage en fanfare pour cette 9e édition, puisqu’elle inaugurera l’exposition consacrée au flamboyant architecte du MuCEM, Rudy Ricciotti (voir p67). Dans la foulée, on pourra au choix assister au Prélude d’un meurtre à l’Opéra (énigme lyrique, rencontre littéraire et musicale), accompagner un sociologue dans une balade au sein de la Friche proposée par la Compagnie des Rêves Urbains, ou bien tenter l’expérience de l’Oniroscope (venir

avec la poétesse Ryoko Sekiguchi (un 2e temps fort, en avril, invitera des voyageuses et des combattantes) ; plus tard c’est la jeunesse qui investira les lieux, avec du théâtre, une création de Karine Fourcy, Frontières, un texte de Luc Tartar mis en scène par Marie Normand, L’adolescent, possible ré-enchanteur du monde ? ; puis un temps fort proposera une immersion parmi les paysans avec du théâtre documentaire (Nourrir l’humanité de Charles Culot et Valérie Gimenez), le spectacle de Catherine Zambon sur le monde agricole (Les Agricoles)… Mais aussi une école éphémère imaginée avec le philosophe Bernard Stiegler, des expositions, les propositions du Laboratoire artistique et social Le Social Lab… Nous reviendrons dans le prochain numéro sur cette programmation hors norme ! du 13 au 12 avril Divers lieux à Marseille et en région 04 91 53 95 61 www.maisondetheatre.com

avec un rêve, et un objet librement associé à ce rêve). Les plus coquins ne manqueront pas l’atelier Do it Yourself de fabrication de sex toys, animé par les artistes du collectif pointpointpoint.org, tandis que les plus endurants pourront assister au concert de clôture assuré par le groupe Méandres (jazz, rock, hip-hop) le dimanche à l’heure du thé. Le tout est gratuit ! du 14 au 16 fév La Friche, Marseille 04 95 04 95 95 www.lafriche.org

A U P R O G R A M M E T H É Â T R E


Nous autres Bestiaire d’amour Cartoun Sardines Théâtre continue d’inter-

L’oral et Hardi

roger notre imaginaire des utopies. À partir du roman d’anticipation classé «dystopie» (l’expression d’une utopie qui a mal tourné) d’Eugène Zamiatine, Nous autres, l’un des plus anciens du genre, la compagnie s’attache au personnage D-503 qui tentera d’enrayer la machine d’un système totalitaire et le fonctionnement d’une ville transparente auquel le destin d’une humanité est lié. du 18 au 22 mars Théâtre Joliette-Minoterie, Marseille 04 91 90 07 94 www.theatrejoliette.fr

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© Mario del Curto

A U P R O G R A M M E

du 20 au 23 fév Théâtre Joliette-Minoterie, Marseille 04 91 90 07 94 www.theatrejoliette.fr

Va jusqu’où tu pourras © Michel Bellier

T H É Â T R E

© Xavier Lambours

Le brillant comédien Jacques Bonnaffé s’empare de quelques grands textes de Jean-Pierre Verheggen dans ce spectacle créé en 2006 : odes homériques, harangues et autres transes linguistiques forment un jubilatoire discours-fleuve pour secouer jusqu’à s’étourdir une langue savante et vivante ! Une performance truculente, entre lapsus et jeux de mots sonores, au pays du «poète phénomène», où la musique de Louis Sclavis (issue de l’album La moitié du monde) a aussi son mot à dire…

© X-D.R

Ponts suspendus Soutenue par le Merlan, la nouvelle création de

Gustavo Giacosa avec sa compagnie aixoise SIC.12, se situe à la frontière des genres : une interrogation dansée autour de la symbolique et de la force poétique du pont. L’acteur-danseur, cofondateur et interprète de la Cie Pippo Delbono, voit dans le pont «un artifice du désir, un élément démoniaque, qui souligne la rupture des niveaux de consciences et qui en même temps vise une réparation». Le corps devient une «figure pont» dessinant dans l’espace l’essence des relations humaines et tentant de se faire pont vers l’Autre. La vie tranquille de Duras et L’année des treize Lunes de Fassbinder figurent parmi les références d’inspiration. du 13 au 15 mars Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 www.merlan.org © Sic.12

Voici une Odyssée au féminin, une épopée méditerranéenne d’aujourd’hui proposée par le Dynamo Théâtre. En mettant en scène une trilogie écrite par Sedef Ecer, Michel Bellier et Stanislas Cotton, Joëlle Cattino met en lumière une immigration dont on parle peu : celles des femmes. Le récit touchant d’une errance, de la Turquie à Ostende, de Marseille à Bruxelles, qui interroge les droits des femmes, en articulant textes, jeu, images et musique, et fait entendre leurs voix. du 7 au 11 mars Théâtre Joliette-Minoterie, Marseille 04 91 90 07 94 www.theatrejoliette.fr

Une conférence spectacle qui réunit Isabella Rossellini au plateau, Jean-Claude Carrière à l’écriture et Muriel Mayette à la mise en scène, d’après la série Green Porno dans laquelle l’actrice se déguise en insecte pour illustrer leur vie sexuelle. L’icône italo-américaine, fille de deux géants du cinéma, fait partager, dans un monologue construit sur des vraies informations scientifiques mais présentées avec drôlerie, sa passion pour le règne animal. Questions existentielles pour une fantaisie animalière et poétique, plus instructive qu’elle en a l’air… du 19 au 21 fév Le Gymnase, Marseille 08 2013 2013 www.lestheatres.net le 22 fév Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com

Sorties de crise Compagnie permanente du Parvis des Arts, la troupe Sketch Up fête ses 30 ans d’existence en tentant de répondre avec impertinence aux questions existentielles de deux jumeaux. De jeunes comédiens s’associent à cette nouvelle pièce écrite par Olivier Arnéra en collaboration avec de jeunes Français et Européens, mise en scène par Brahim Tekfa, et nous interpellent au cœur de notre actualité et de nos crises, compagnes obligées de notre quotidien. du 7 au 15 mars Parvis des Arts, Marseille 04 91 64 06 37 www.parvisdesarts.com

Rêvons Ecologiste convaincu, Marc Jolivet est également

un rêveur confirmé. Pour lui, les rêves peuvent même changer le cours de l’histoire. Ecrit en collaboration avec Christophe Barbier, qui sera présent sur scène, il propose un spectacle utopiste, dans lequel il épouse Cléopâtre, déjoue l’assassinat de Kennedy, apprend à Einstein que tout est relatif ou écrit la suite de Madame Bovary… le 21 fév Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr


Ma Marseillaise Ubu Roi George Kaplan Après le triomphe au Festival d’Avignon de Le Publiée et jouée en 1986, la pièce d’Alfred

du 20 au 22 fév Théâtre Vitez, Aix 04 42 59 94 37 http://theatre-vitez.com

Mésaventures et… Jean-Patrick Manchette (né en 1948 à

© Sylvie Biscioni

3 lits pour 8 La pièce d’Alan Aychbourn, adaptée par

Marseille) écrivit en un temps record, dans la foulée de mai 68, un scénario où l’on voit de jeunes danseurs brisés par la dureté du monde, à la demande du peintre et cinéaste Robert Lapoujade. Ce dernier n’apprécie pas l’esquisse qu’en fait Manchette, remplaçant les danseurs par des comédiens. Mirabelle Rousseau reprend ce texte pour une création universitaire avec des étudiants du secteur théâtre d’Aix-Marseille Université. En un mouvement inverse, la metteure en scène se propose de faire du théâtre avec un scénario de cinéma. Mésaventures et décomposition de la cie de la danse de la mort du 11 au 15 mars Théâtre Vitez, Aix 04 42 59 94 37 http://theatre-vitez.com

Fratrie

le 15 mars Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr © Serge Carrie

Quatre jeunes acteurs (très doués !) incarnent quatre frères, sous la direction de Renaud-Marie Leblanc, dans un texte bouleversant d’Antoine Cyr. L’adolescence, la mort du père, la différence, le rejet, sont mis en lecture avec une belle simplicité, qui laisse sourdre l’émotion, sous la neige... les 18 et 19 mars Théâtre Vitez, Aix 04 42 59 94 37 www.theatre-vitez.com le 21 mars La Fabrik’théâtre, Avignon 04 90 86 47 81 www.fabriktheatre.fr

39 Nous ne sommes pas dans la Mort aux trousses, mais la référence est là, bien hitchcockienne. Le nom de ce personnage qui en fait n’existe pas permet au dramaturge et metteur en scène Frédéric Sonntag d’entrelacer fiction et réalité pour démonter avec la complicité de cinq acteurs «les fonctionnements paranoïaques de nos sociétés ultramédiatisées». Une création emplie d’humour et de verve soutenue par les ATP et le théâtre des Ateliers. les 17 et 18 mars ATP d’Aix / théâtre des Ateliers, Aix 04 42 38 10 45 www.theatre-des-ateliers.com

Quel Kabuki naît ? (work in regress) Du jeu sonore de la première partie du titre, © A. Donadio

Victor Lanoux, nous fait glisser dans l’intimité de trois chambres en même temps. Au départ, une pendaison de crémaillère, évènement par principe festif, tourne rapidement au vaudeville, à une comédie légère teinté d’amertume. Trois lits, quatre couples, des cris, des explications, des rires, moult rebondissements… Un théâtre vif et désopilant dans une mise en scène bien huilée de Jean-Luc Moreau.

© Bertrand Faure

le 8 mars Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr

Jarry reste d’une étonnante modernité. Cette farce de potaches est reprise en création universitaire avec les étudiants du secteur théâtre d’Aix-Marseille Université, dans une mise en scène d’Agnès Régolo. Surréaliste, absurde, avec un parfum shakespearien, Ubu Roi, dans sa vérité burlesque a enrichi notre vocabulaire. Une belle occasion de fourbir ses premières armes de comédien !

au côté provocateur du «work in regress», le ton est donné : humour, esprit d’escalier, haute fantaisie sont ici convoqués pour deux acteurs en quête d’expériences théâtrales, jusqu’à l’absurde. Pourquoi Kabuki donc ? Les deux comparses de la compagnie Dehors dedans se présentent comme deux vedettes, grandes vedettes bien sûr, du Kabuki japonais. Tout est remis en cause, le vocabulaire et les codes théâtraux, dans une pièce aux rebondissements multiples et jubilatoires. le 20 février 3bisf, Aix 04 42 16 17 75 www.3bisf.com © Jean-Pierre Estournet

jour où Nina Simone a cessé de chanter, Darina Al Joundi réitère, en 2012 au même festival, le succès avec Ma Marseillaise. Cette marseillaise, Noun (interprétée par son auteure), jeune femme originaire du Liban, la chante dans sa traversée de Paris pour un dernier rendez-vous avant la naturalisation. Prétexte à une belle galerie de portrait de femmes qui l’ont aidée, lui donnant le courage de se battre, et pour obtenir des papiers, il en faut ! Un texte fort mis en scène par Marie-Hélène Pinon sur un arrangement musical de Jacques Lemêtre.

A U P R O G R A M M E T H É Â T R E


A U P R O G R A M M E

Henri, bougon, solitaire qui va chercher à utiliser la jeune fille pour détruire le couple de son fils. Ce pourrait être lourd, nauséeux de clichés, il n’en est rien, chacun s’accorde à reconnaître la perle rare dans cette pièce de Ivan Calbérac, mise en scène avec talent par José Paul. On rit, on savoure. Les comédiens, Roger Dumas, Claudia Dimier, Sébastien Castro, Lysiane Meis s’emparent du texte avec virtuosité. L’étudiante et Monsieur Henri le 21 fév Espace NoVa, Velaux 04 42 87 75 00 www.espacenova-velaux.com le 15 mars Opéra Grand Avignon 04 90 82 81 40 operagrandavignon.fr

© Céline Marin

© Bernard Richebé

le 11 mars Salle Émilien Ventre, Rousset 04 42 29 82 53 www.rousset-fr.com

Dans la taverne à vins de Luther, le poète Hoffmann raconte ses trois amours malheureuses, pour Olympia, si belle, mais c’est un automate, Antonia, la cantatrice malade, qui meurt d’avoir chanté, Giulietta enfin, la courtisane vénitienne qui fuit. La compagnie Auteuil Zéro 4 Virgule 7 reprend ces Trois Contes d’Hoffmann, mis en musique par Offenbach -son chant du cygne- avec une adaptation du livret et une mise en scène de Grégory Cauvin, dans une transcription pour piano et violon de Nicolas Kruger. Il faut savoir chanter, jouer et la comédie et les instruments, les jeunes artistes de la troupe s’en donnent à cœur joie ! les 11 et 12 mars Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com

Bien au-dessus du...

© Stefano Borghi

T H É Â T R E

Le livre de Martin Crimp, traduit par Philippe Djian, raconte l’histoire d’une triangulation amoureuse avec finesse. Le quotidien se pare des couleurs du doute, jamais les choses ne sont dites, tout est à deviner, ressentir. La trame est simple: un médecin fuyant la ville part avec sa famille s’installer à la campagne, un jour il ramène à la maison une jeune femme inconnue qu’il dit avoir trouvée évanouie. La pièce, construite comme un intrigue policière, est servie par les acteurs de la Cie de L’Acacia dans une mise en scène de Jean-Camille Sormain.

L’étudiante et... Hoffmann 3 contes Une jeune colocataire arrive chez monsieur

Le songe… Le Bourgeois... Philippe Car a rapporté du Japon un spectacle

qui s’inspire du Bunraku, le célèbre théâtre de marionnettes. Un spectacle pour pantins, robots, acteurs et manipulateurs, voilà qui peut intriguer. Une mise en scène qui pourrait sans doute être bien à la mesure du prétentieux monsieur Jourdain qui tente de s’acheter du bonheur. au point d’être manipulé par son entourage. Le Théâtre de l’Horizon/ Théâtre du Possible rend leur voix à de grands poètes, leur point commun, l’engagement, la lutte. Cinq comédiens évoquent ainsi Aragon, Césaire, Char, Desnos, Eluard, Ferré, Hikmet, Hugo, Laâbi, Neruda, Prévert, Senghor (…) dans une création théâtrale lumineuse. Les thèmes, les mots se trouvent d’étroites correspondances, la force d’indignation reste identique, quel que soit le lieu ou le siècle. La poésie, «arme chargée de futur» disait Quevedo, est portée ici avec force et talent, dans une mise en scène de Violaine Arsac. Bien au-desus du silence le 14 fév Salle des fêtes, Venelles 04 42 54 93 10 www.culture-venelles.fr

Le bourgeois gentilhomme le 11 mars Espace NoVa, Velaux 04 42 87 75 00 www.espacenova-velaux.com © Elian Bachini

© Lucie Thevenet

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La Campagne

Lorsque Charles Eric Petit met en scène Shakespeare, il est animé par l’esprit de troupe… et les chassés croisés amoureux de la nuit d’été se transforment, grâce à un prologue et un épilogue, en réflexion sur le jeu et le nous… Une belle adaptation, fidèle au texte, aux enjeux contemporains. Le songe d’une nuit d’été le 18 mars Théâtre Armand, Salon-de-Provence 04 90 56 00 82 www.salondeprovence.fr le 28 mars Théâtre de la Licorne, Cannes 04 97 06 44 90 www.madeincannes.com


scène Roland Auzet s’empare de la poésie orale, débarrassée de tout lyrisme, de Christophe Tarkos. Sur scène deux comédiens se font face, deux mondes qui vont s’entrechoquer et faire exister une éblouissante rencontre pétrie d’humanité : Hervé Pierre, sociétaire de la Comédie Française, allie virtuosité de la parole et épaisseur humaine, et Pascal Duquenne (primé pour son rôle dans Le Huitième jour), qui interroge par sa présence silencieuse et souriante ce besoin de dire tant pour exister en peignant sur les panneaux du décor de longues spirales blanches ou rouges, comme pour tenter de redéfinir ce qu’est être un homme, un homme vivant. Tu tiens sur tous les fronts le 14 fév Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

© Brigitte Enguerrand

Tu tiens sur tous... Cyrano de Bergerac 66 Gallery Le compositeur, percussionniste et metteur en Le 7 octobre 1955, à la Six Gallery de San

En transposant la pièce d’Edmond Rostand dans un asile d’aliénés de nos jours, Dominique Pitoiset impose un Cyrano universel, héros d’un monde marginal, campé avec brio par un Philippe Torreton chauve, en marcel et jogging pas très nets. À l’heure du multimédia, la langue de Rostand ne perd rien de sa truculence et de sa férocité. du 19 au 22 mars Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

le 18 fév Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com

les 18 et 19 mars Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com le 16 mai Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com

Lost in the supermarket

les 16 et 17 avril Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

les 18 et 19 mars Théâtre de Cavaillon 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com

Ghost road En 2010, Fabrice Murgia a voyagé le long

les 21 et 22 mars Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr

de la mythique Route 66 qui relie Chicago à Los Angeles, aujourd’hui délaissée ; il y a rencontré des individus isolés vivant là, au milieu du désert, dans un endroit qu’ils appellent «maison». L’immense comédienne Vivianne De Muynck, et la chanteuse lyrique Jacqueline Van Quaille incarnent ces «mémoires», évoluant entre rêve et réalité, entre témoignages filmés et interventions chantées, au cœur de l’installation sonore de Dominique Pauwels et des images du vidéaste Benoit Dervaux. Dans l’ambiance brumeuse et crépusculaire d’une mémoire qui se perd, le jeune metteur en scène Fabrice Murgia donne corps à ces magnifiques oubliés. les 13 et 14 mars Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com © Kurt Van der Elst © Emmanuelle Murbach

Petites sirènes «[…] Le monde de l’enfance nous rejette, celui des

adultes semble compromis, plein d’arrangements, il n’y a qu’une issue : l’absolu.» Alexis Moati s’est librement inspiré du conte d’Andersen pour mettre en scène ces trois sirènes qui ne sont qu’une, métaphore «de l’adolescence, du passage de l’enfance à un âge où l’identité est une question cruelle, un vide qu’il faut remplir». le 25 mars Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

Francisco, Allen Ginsberg déclamait pour la première fois Howl, poème culte dénonçant l’Amérique matérialiste qui va sceller la naissance de la Beat Generation. La metteure en scène Bérangère Jannelle ressuscite l’époque psychédélique des sixties, avec une performance imaginée pour le comédien américain Douglas Rand : une installation plastique qui replonge le spectateur au cœur des racines d’une contreculture qui laisse vivante, et vibrante, l’utopie d’un monde de liberté.

© Christophe Raynaud de Lage

Un soir de Noël, neuf femmes, caissières dans un supermarché, temple de la consommation par excellence, tentent le tout pour le tout pour échapper au stress, à la misère, aux conflits et aux humiliations. Ce soir-là, elles préparent l’ultime répétition de ce qui sera le casse du siècle… Le texte de Philippe Malone, dans la mise en scène de Philippe Vacher, devient une comédie musicale et sociale qui mêle rock et danse hip hop ! le 21 fév Le Sémaphore, Port-de-Bouc 04 42 06 39 09 www.theatre-semaphore-portdebouc.com

Les Femmes et une nuit

«N’étant ni sultane, ni princesse, comment une femme d’aujourd’hui prend-elle la parole au sein de sa famille, dans sa cité, face à l’étranger et dans sa foi ? Est-ce que Shéhérazade […] est un modèle pour les femmes orientale aujourd’hui ?» Pour répondre à ces questions au travers de ce spectacle, Faïza Kaddour a recueilli les témoignages de femmes rencontrées en Algérie, au Maroc, en Tunisie, en Palestine et au Liban, que Jean-François Toulouse met en scène. le 14 mars Le Sémaphore, Port-de-Bouc 04 42 06 39 09 www.theatre-semaphore-portdebouc.com

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Living

Miss Knife… Dracula-Le Pacte Avant de connaître sa programmation pour le

Miss Knife chante Olivier Py les 13 et 14 fév Chêne Noir, Avignon 04 90 86 74 87 www.chenenoir.fr

A U

T H É Â T R E

La danse du diable... © B. Enguerrand

Pour interroger les rêves et utopies du théâtre d’aujourd’hui, Stanislas Nordey met en scène 16 jeunes acteurs issus de l’école du Théâtre National de Bretagne, en confrontant la parole et la pensée des deux fondateurs de l’aventure théâtrale brûlante et révolutionnaire du Living Theatre, Julian Beck et Judith Malina, avec les travaux de Pirandello et d’Artaud. Un spectacle que le metteur en scène souhaite «vigoureux, éclairé, avec une vitalité désespérée pour reprendre une célèbre formule de Pier Paolo Pasolini». Engagé à n’en pas douter. les 13 et 14 fév En partenariat avec les ATP d’Aix Théâtre de Cavaillon 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com

Italie-Brésil 3à2 Succès incontestable, la pièce d’Alexandra

Tobelaim, d’après le texte de Davide Enia, est un moment jubilatoire de théâtre récit. Ici, le plateau -en l’occurrence les salles Nomade(s) du territoire de Cavaillon- devient le terrain de jeu privilégié du passionnant Solal Bouloudnine, accompagné par le guitariste Jean-Marc Montera, qui nous fait vivre de l’intérieur, minute par minute, le match mythique Italie-Brésil de 1982 en quart de finale de la Coupe du monde. Quand foot et théâtre font des petits miracles ! du 17 au 22 fév Théâtre de Cavaillon 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com le 14 mars Théâtre de la Licorne, Cannes 04 97 06 44 90 www.madeincannes.com le 11 avril Théâtre de Pertuis 04 90 79 73 53 www.theatredepertuis.com

Après avoir été improvisées devant Jean-Pierre Tailhade et Clémence Massart il y a 30 ans, les deux pièces écrites, mises en scènes et jouées par Philippe Caubère occupent le plateau du Chêne Noir. La danse du diable nous entraîne dans l’enfance et les rêves de théâtre d’un certain Ferdinand Faure, personnage autobiographique déguisé ; Avignon 68 revient sur les évènements survenus lors de cette édition historique du Festival d’Avignon. Deux pièces également «historiques», intéressantes dans leur mise en perspective actuelle. La danse du diable du 21au 23 fév et le 1er mars Avignon 68 les 28 fév et 2 mars Chêne Noir, Avignon 04 90 86 74 87 www.chenenoir.fr

© Michele Laurent

P R O G R A M M E

En 1462, Vlad l’Empaleur, fou de douleur après avoir perdu sa bien-aimée, signe un pacte avec le diable et devient l’immortel Dracula, se jurant de venger sa mort. Il découvre, quatre siècles plus tard, une ressemblance saisissante dans le portrait de Mina… Une exploration de la dualité de l’âme humaine signée Jeanne Béziers, librement inspirée par le roman de Bram Stoker, et mise en scène par David Teysserre pour le Théâtre du Cabestan. le 15 mars Le Chien qui Fume, Avignon 04 90 85 25 87 www.chienquifume.com

Chants d’exil Nouvelle création pour le directeur du théâtre

du Balcon avec Chants d’exil… ou le souffle d’un artiste en fuite : Bertolt Brecht. Accompagné par Yvonne Hahn au bandonéon, Serge Barbuscia joue, aux côtés de la chanteuse-comédienne Aïni Iften, une épopée retraçant à travers ses poèmes et chansons, 15 ans d’errance d’un artiste ayant vécu l’exil forcé, époque durant laquelle il écrivit ses pièces les plus célèbres, dévoilant également la face intime de l’homme. du 13 au 16 fév Le Balcon, Avignon 04 90 85 00 80 www.theatredubalcon.org du 18 au 22 fév Le Lenche, Marseille 05 91 91 52 22 www.theatredelenche.info

Iolanda Inspiré de L’ordre naturel des choses d’Antonio

Lobos Antunes, Thierry Alcaraz met en scène un conte en forme de ciné-scène en noir et blanc. Iolanda (Sarah Hamour) est une fille illégitime, enfermée et rejetée par son beau-père, puis achetée par Georges, de 30 ans son aîné. Alternant entre jeu au plateau et projection d’un film tourné avec Dominique Pinon et Eric Noon, comme un éclairage de la véritable histoire de cette mystérieuse Iolanda, plongée dans l’univers du flamenco, les dessins de la jeune artiste Lucile Notin Bourdeau, créés pour l’occasion, apporteront de leur côté une lumière poétique. du 20 au 22 fév Le Chien qui Fume, Avignon 04 90 85 25 87 www.chienquifume.com

© Eric Lemaire

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© X-D.R

Festival d’Avignon 2014 en tant que directeur, allons (re)découvrir Olivier Py dans toute sa palette d’artiste. Auteur, comédien, chanteur, c’est à une fête du théâtre qu’il nous convie, à travers l’incroyable personnage de chanteuse de cabaret transformiste, créé en 1962 pour le Festival. Un moment de music-hall insoumis dans lequel, perchée sur talons aiguilles et affublée de plumes noires, Miss Knife exalte tous les espoirs déçus, les rêves piétinés et les jouissances troubles. Flamboyant et culotté !


Tout mon amour Je vais lui en mettre… Les nuits singulières #3 Rodolphe Dana et le collectif Les Possé- La compagnie marseillaise No Tunes Interdés reviennent avec un texte de Laurent Mauvignier, écrit en étroite complicité avec les comédiens, autour d’un drame familial à la puissance universelle. Lorsque le retour dans la maison de famille de l’enfant aimée, Elisa, disparue 10 ans plus tôt, réveille les fantômes et les nœuds familiaux non résolus. Une stupéfiante histoire d’amour, pour une intrigue psychologique radicale, portée par cinq comédiens magnifiques.

national passe de la rue à la scène pour une création déambulatoire qui promet d’être rock’and’roll -voire punk avec un tel titre !-, exclusivement féminine. Trois femmes formant un trio tragi-comique racontent leur quotidien ; seules, mais battantes, elles ne baissent jamais les bras. Une création sur mesure de Fabrice Watelet où texte et musiques mêlés créent un univers absurde et tendre pour interroger la place de la femme dans son rapport aux hommes et à l’amour. Je vais lui en mettre du Johnny Rotten le 11 mars Théâtre du Briançonnais, Briançon 04 92 25 52 42 www.theatre-du-brianconnais.eu

le 21 fév Théâtre Durance, Château-Arnoux 04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr

Roi Lear 4/87

le 13 mars Palais des Congrès, Saint-Raphaël 04 94 19 84 11 www.saint-raphael-congres.fr

© Bellamy

le 11 mars Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com

4 bancs, 4 comédiens (pour 20 personnages), 87 minutes : un concentré de Shakespeare dans un dispositif quadrifrontal, avec la trajectoire du Roi Lear en ligne de mire, un homme né roi qui décide de partager son royaume entre ses trois filles et mourra misérable et fou. Une plongée dans le chaos impeccablement organisée par Antoine Caubet, qui bouleverse les codes du théâtre en associant le public à l’enquête. Spectacle proposé à Briançon dans le cadre des Traversées. du 18 au 21 mars Théâtre du Briançonnais, Briançon 04 92 25 52 42 www.theatre-du-brianconnais.eu

© Jean-LouisFernandez

Macbeth De toutes les tragédies de Shakespeare, Macbeth

est une des plus cruelles : dans une Ecosse en guerre contre la Norvège, un couple assoiffé de pouvoir est prêt à tout pour parvenir à ses fins. Anne-Laure Liégeois a trouvé dans cette pièce matière à réflexion et a décidé de se centrer sur Lord et Lady Macbeth, monstre à deux têtes. Lady Macbeth, double féminin de Macbeth, l’incite à assassiner le roi Duncan et faire disparaître les prétendants à la couronne. Puis les conséquences arrivent : Macbeth est envahi par les cauchemars et Lady Macbeth devient folle. Anne-Laure Liégeois «jubile» de «faire du théâtre» jouant subtilement avec les textes en faisant ressortir leurs nuances pour adopter une modernité de ton teintée d’ironie. le 18 mars Théâtre La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.eu

le 10 avril L’Alpilium, Saint-Rémy-de-Provence 04 90 92 70 37 www.mairie-saintremydeprovence.fr

Commentvous racontez...

Après une résidence de création au théâtre Liberté, Yasmina Reza présente une comédie grinçante autour de la condition de l’écrivain. Zabou Breitman incarne Nathalie Oppenheim, venue présenter son dernier roman en province. Un après-midi littéraire qui bascule dans un climat trouble lorsque la romancière doit répondre à quelques questions embarrassantes d’une journaliste déterminée. Un jeu de massacre réjouissant où toutes les nuances de la bassesse humaine sont servies par une distribution impeccable. Comment vous racontez la partie du 11 au 13 mars Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr

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Le Mépris, il faut toujours commencer © X-D.R

le 19 fév La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.eu

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Soirée en honneur des sixties avec la compagnie Artefact qui propose aux spectateurs une plongée au cœur de la Nouvelle Vague. Adoptez le style rétro et chic glamour des années 60, faites-vous tirer le portrait en noir et blanc, donnez vos impressions filmées sur Le(s) Mépris proposés tout au long de la soirée (dès 18h). Au choix, le spectacle de Nicolas Liautard (à 21h), le café philo et littéraire mené par le metteur en scène et le docteur en philosophie Dominique Paquet, et la projection du film culte de Jean-Luc Godard. le 15 fév Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com

Les Revenants Première création en français de Thomas

Ostermeier, metteur en scène allemand parmi les plus marquants de sa génération, qui travaille depuis plusieurs années sur les pièces de l’écrivain norvégien Henrik Ibsen. Cette pièce de 1881, adaptée par Olivier Cadiot, plonge dans les secrets de la famille Alving dont les consciences sont rongées par le passé : morts ou vivants, tous les personnages semblent être «des revenants». Refoulement, culpabilité, lutte contre les fantômes du passé, des thèmes chers à Freud qu’Ostermeier, lucide et provocateur, dissèque au scalpel, en maître d’un théâtre de l’intime. les 7 et 8 mars Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com les 13 et 14 mars Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com

P R O G R A M M E T H É Â T R E


P R O G R A M M E D A N S E

les 12 et 14 fév Klap Maison pour la Danse, Marseille 04 96 11 11 20 www.kelemenis.fr

© Christian Rausch

Shake it out

Bourges évolue sous la forme de petits catalogues. Sur scène, trois danseuses se transforment en tableaux vivants inspirés des nus féminins de la peinture occidentale du XVIe au XIXe siècles. La chorégraphe décortique soigneusement la mécanique et l’esthétique du désir à travers le corps mais aussi la parole. Les gestes lents, parfois érotiques, sont enveloppés par la voix off de l’historien de l’art Daniel Arasse cédant la place aux récits plus crus de travailleuses du sexe, prononcés par des femmes. les 11 et 12 mars Pavillon Noir, Aix-en-Provence 04 42 93 48 14 www.preljocaj.org

© Christian Berthelot

A U

La 3e édition du festival interdisciplinaire Reevox continue avec Chœur Tac-Til de Natacha Muslera et Charles Bascou. Onze chanteurs en partie non-voyants manipulent un ingénieux dispositif de commande digitale. En perdant ses repères visuels, le public, plongé dans l’obscurité, fait l’expérience d’une écoute sensible atypique. S’inspirant des photos de la portugaise Helena Almeida, la chorégraphe Marinette Dozeville met en scène Voar. Cinq prises d’envols, cinq luttes, interprétés par cinq danseurs évoluant sur une création musicale d’Yves Macé. Mêlant l’image et la musique, Into landscapes de Nicolas Clauss et Sylvain Kassap s’intéresse à la notion de «paysages mentaux» déclinés de manière onirique et contemplative sur trois écrans. Murcof & Vanessa Wagner explorent, quant à eux, de nouvelles textures musicales révélant toute la magie d’une combinaison mystérieuse entre une pianiste et un musicien électronique.

La belle indifférence Panorama Le spectacle La belle indifférence de Gaëlle

© Danielle Voirin

Six Years Later... Considéré comme l’une des figures montantes de la scène israélienne, le chorégraphe Roy Assaf propose avec Six Years later, un duo d’une extrême sensibilité basée sur le sentiment amoureux. Avec le danseur Hadar Yunger-Harel, ils interprètent l’évolution d’une relation de six ans oscillant de la fusion aux gestes tendres, de la perte aux retrouvailles sur les mélodies d’Haendel, Beethoven ou encore des battements de cœurs. Dans The Hill, le chorégraphe dénonce «l’inexorable fuite en avant des hommes», à travers la fougue, la violence mais aussi le besoin indéniable de l’autre. Six years later et the Hill les 14 et 15 mars Pavillon Noir, Aix-en-Provence 04 42 93 48 14 www.preljocaj.org

Philippe Découflé revisite en un spectacle plus de trente ans de créations avec sa compagnie DCA : de ses pièces de jeunesse Vague Café (1983) aux plus emblématiques comme Codex (1986) et Shazam (1998). Le chorégraphe est connu pour ses spectacles complets où le travail plastique de la scénographie a autant d’importance que la danse. Avec Panorama, il revient sur son parcours pour y piocher des petites séquences qu’il retravaille avec humour et fantaisie : les filles dansent les mouvements des garçons, les petits rôles deviennent grands... du 11 au 14 mars Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence 08 2013 2013 www.lestheatres.net les 25 et 26 mars La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.eu

Micro

© Gadi Dagon © Pierre Grosbois

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Choeur Tac Til © X-D.R

Reevox

Après I’m from Austria, like Wolfi !, le chorégraphe autrichien Christian Ubl continue son travail de recherche sur la notion d’identité. Dans Shake it out, il s’intéresse à l’Europe entière. Véritable symbole patriotique, les drapeaux s’envolent, se froissent, s’entremêlent entre les corps des cinq danseurs évoluant sur un plateau nu. Au rythme des mélodies d’un batteur et d’un musicien électronique, ils donnent vie au tiraillement d’un être humain partagé entre la tradition et la modernité, l’identité nationale et l’uniformisation des peuples. les 20 et 21 fév Pavillon Noir, Aix-en-Provence 04 42 93 48 14 www.preljocaj.org

Chorégraphier un concert de rock, une idée qui a créé l’événement au Festival d’Avignon en 2010, grâce à la mise en scène ludique et romantique de Pierre Rigal. Sur scène, cinq danseurs et musiciens mêlent la poésie des corps à l’énergie convulsive du rock. S’appuyant sur la contrainte du mouvement et l’espace, le chorégraphe connecte subtilement une gestuelle charnelle à la froideur de l’instrument. Une épopée lyrique où le son devient la source du mouvement, un voyage musical qui s’écoute et se voit. le 19 fév Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr


natives’… La jeune fille et la mort Altered Drumming live S’inspirant de Mathilde Monnier, Alain

© Frédéric Iovino

Dernière création de Thomas Lebrun, La jeune fille et la mort s’inspire du mythe de Coré, la fille de Déméter, déesse de l’agriculture, enlevée par Hadès, le dieu des Enfers. Le chorégraphe évoque la notion de chute, de beauté et de jeunesse tout en posant la suspicieuse question du romantisme. À partir des deux pièces de Schubert, le quatuor n°14 et le lied du même nom, la jeune fille, interprétée par Anne-Sophie Lancelin, traverse le temps et les saisons, frôle puis affronte la mort accompagnée des six autres danseurs de la Cie illico et du Quatuor Voce.

Buffard ou encore Boris Charmatz, les deux chorégraphes François Chaignaud et Cecilia Bengolea ont su s’en différencier par leur univers pétillant, coloré et totalement déjanté. Ils puisent dans la puissance expressive de la danse une énergie créative qu’ils associent à leur expérience des Night Club ainsi qu’au Twerk, une danse charnelle d’origine africaine. Un cocktail explosif animé par les DJ’s Elijah & Skilliam, présents sur scène. Altered natives’ Say Yes to Another Excess. Twerk le 14 fév Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com

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© Herman Sorgeloos

le 11 mars Théâtre de Cavaillon 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com

Dans cette œuvre maîtresse du répertoire d’Anne Teresa de Keersmaeker, les danseurs de la Cie Rosas s’élancent dans des duos, corps à corps ou spirales au rythme des percussions produites par l’Ensemble Ictus. Composée en 1998, la musique répétitive de Steve Reich est un élément essentiel de la pièce. Comme si la danse et le son ne faisaient qu’un, la chorégraphe ayant trouvé avec une finesse sans égale des «équivalences chorégraphiques aux lignes mélodiques, effets de dissonances ou d’harmonie, syncopes et contrepoints».

le 12 mars Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

© Ryan Schude

L.A. Dance Project

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le 25 fév Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

Soirée performance Alors qu’il s’apprête à prendre la direction du Ballet de l’Opéra de Paris, Benjamin Millepied présente un nouveau projet. Revenu de Los Angeles, il a monté un collectif de créateurs prêt à bousculer les codes de la danse classique : du compositeur Nico Muhly au conseiller d’art Mathieu Humery, en passant par le producteur audiovisuel Dimitri Chamblas ou encore les plasticiens Christopher Wool et Mark Bradford. Le chorégraphe propose ainsi une danse hors-les-murs… le 18 mars Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr le 10 mai Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com le 16 mai Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com

Spekies Installée et soutenue par le théâtre de Nîmes, la

Cie La Zampa propose une pièce chorégraphique autour de la disparition. Sur le texte de Caryl Férey, Spekies -qui signifie apparence ou vision-, une silhouette ultrasensible est à l’écoute de la moindre vibration orchestrée par le guitariste Marc Sens. Sur scène, cinquante couvertures de survie et des dictaphones entourent ce solo sous tension. Perpétuellement menacé, le corps frissonne, résiste, subit puis tente de survivre... le 13 fév Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

© Erik Damiano

Soirée Remp’arts, Croisements © X-D.R

© Emile Zeizig

Rassemblant associations étudiantes, acteurs culturels, chercheurs et habitants, le projet Remp’arts initié par les étudiants de l’Université d’Avignon a pour but de faire découvrir différentes disciplines, artistiques ou scientifiques. À cette occasion, la Cie Croisements fait connaître toutes les pratiques innovantes qu’elle propose : de la musique au théâtre, en passant par la percussion corporelle. Une soirée rythmique et participative ! le 13 fév Théâtre Golovine, Avignon 04 90 86 01 27 www.theatre-golovine.com

P R O G R A M M E D A N S E


Dorothy

P R O G R A M M E

Brahim Bouchelaghem © Frederic Iovino

D A N S E

Depuis 30 ans, la danse s’est largement emparé du mouvement hip hop, pour ouvrir des esthétiques contemporaines, sortant des clichés cette expression libre issue des quartiers. La 36e édition du Festival des Hivernales (du 1er au 8 mars), menée par Emmanuel Serafini -qui a réussi à redresser un CDC en grave déficit et doublé en 4 ans le nombre de billets vendus-, prend le pari de réunir les générations autour de chorégraphes et interprètes phares ou en devenir, souvent virtuoses et précurseurs de ce courant. Pour s’immerger en amont de cette semaine

de danse : le performer Koen De Preter et la danseuse de 88 ans Alphea Pouget présenteront Journey (19 fév), et Mourad Merzouki dans Récital à 40 réunira quatre générations (20 fév à l’Opéra). Dès le 1er mars, Brahim Bouchelaghem présentera What did you say ?, un solo inspiré de poèmes et calligraphies de Carolyn Carlson à la Maison Jean Vilar (qui consacre à la chorégraphe une exposition). La danse dans l’espace public sera solidement représentée par la Cie Ex Nihilo, dans Amalgame(s) au Palais des Papes, Emmanuel Eggermont à l’Église des Célestins dans Vorspiel, et le projet IPSE d’Arthur Eskenazi. Parmi les 33 représentations, 7 créations et des 1res françaises dont une version longue d’Alien du Vagabond Crew (une référence mondiale dans le domaine de la «battle»), Rock it Daddy de Michaël Le Mer, Hassan Razak de la Cie Onstap dans La Part des Anges : Verset One, Malgven Gerves et Davis Brandstätter avec une pièce autour du Krump, et la Cie 2T3M dans Le Bruit des Autres avec des danseurs amateurs ou la reprise de Prêt-à-Penser. Le jeune public appréciera Dorothy d’Anthony Egéa (également présent avec sa Cie Rêvolution dans Rage), La Morale du Ventre d’Image Aiguë, ou À l’ombre de Coré. Des incontournables : Black Blanc Beur dans Chroniques du périmètre, Accrorap dans The Roots, Anne Nguyen dans Promenade obligatoire (à la FabricA) ou dans La preuve par l’autre avec Bouba Landrille Tchouda. Et des surprises : Pierre Bolo mis en scène par David Bobee dans Les courants d’air, le Groupe Tsek, la Cie Dyptik, la pièce politique Z.H. de Bintou Dembélé. 21 stages sont affichés ainsi que des Hiverôclites en entrée libre, à découvrir dans la brochure en 3 cahiers pratiques. DE.M.

Festival Les Hivernales du 1er au 8 mars 04 90 82 95 59 www.hivernales-avignon.com

© Jessica Ramdul-LIVing zOOm

Anthony Egéa revisite le Magicien d’Oz de L. Frank Baum. Avec la Cie Rêvolution, il crée un conte chorégraphique qui révèle la féérie mais aussi la fragilité de cette histoire fantastique. Au fil de son parcours initiatique imaginaire, la jeune Dorothy s’élance dans un solo qui lui fait vivre autant de surprises que d’épreuves. La danseuse Emilie Sudre interprète une version délibérément moderne laissant place au langage du hip hop et aux nouvelles technologies. Dès 6 ans. le 21 fév Théâtre Durance, Château-Arnoux 04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr le 5 mars Festival Les Hivernales Théâtre Girasole, Avignon 04 90 82 95 59 www.hivernales-avignon.com

Autarcie

© Philippe Gramard

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Emmanuel Eggermont © L’Anthracite

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La danse hip hop, de l’urbain au contemporain

Lauréate du Prix Nouveau Talent Chorégraphie SACD 2013, Anne Nguyen explore avec cette 6e création la gestuelle hip hop. Sur un plateau nu, quatre danseuses de la Cie par Terre se transforment en guerrières. Quatre personnalités distinctes s’unissent, se confrontent en utilisant diverses techniques, comme le break (danse acrobatique au sol) ou le popping (contractions et isolations musculaires). Sur le modèle des rituels d’une tribu, elles vibrent au rythme des percussions : agitées, effrénées, vaillantes mais aussi éblouissantes par leur technicité ! le 14 mars Théâtre du Briançonnais, Briançon 04 92 25 52 42 www.theatre-du-brianconnais.eu


Explorer toutes les formes de la danse en un festival ! Une belle initiative lancée par Théâtres en Dracénie avec le Festival Les vents du Levant. Subtil mélange d’influences orientales et occidentales, Ce que le jour doit à la nuit ouvre les festivités avec la Cie Hervé Koubi et ses douze danseurs algériens et burkinabés (le 14 mars). «Comment fonctionne l’industrie culturelle aujourd’hui ?», la Cie Humus tente de trouver une réponse originale avec Là, Callas basé sur la vie de la célèbre cantatrice grecque Maria Callas (le 18 mars). Véritable ode à la femme, le poème «Al Atlal» se transforme en un superbe solo dansé dans Sous leurs pieds, le paradis chorégraphié par Thomas Lebrun et Radhouane El Meddeb (20 mars). Figure majeure de la scène contemporaine espagnole, Roger Bernat a l’idée de faire revivre au public, via un dispositif interactif, toute la magie de l’adaptation historique du Sacre du Printemps de Pina Bausch en 1975 (le 22 mars). Inspirée par

l’œuvre de Federico Garcia Lorca, Antonio Gades met en scène un ballet en 6 tableaux associant la danse classique au flamenco dans la tragédie familiale Noces de sang (le 25 mars). Après Vertical Road, Akram Khan célèbre le centenaire du Sacre du Printemps qu’il revisite avec force et élégance dans une pièce pour onze danseurs, iTMOI (29 mars). Mêlant la danse et la vidéo, avec Constelaciones, la Cie Aracaladanza redonne vie aux formes colorées du peintre Joan Miro pour le plaisir des petits comme des grands enfants (le 2 avril). A.-L.R

Festival Les vents du Levant du 14 mars au 2 avril Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatreendracenie.com

Ce que j’appelle oubli Constelaciones «Que recouvre un fait divers ?» Cette pièce créée pour six danseurs et un comédien s’inspire d’un drame, celui du meurtre d’un jeune homme de 25 ans par quatre vigiles dans un supermarché lyonnais en 2009. En lisant le texte de Laurent Mauvignier, le chorégraphe Angelin Preljocaj est à la fois terrifié et touché par la violence sociale qu’il révèle. Des émotions qui le poussent à développer sa réflexion en portant ce fait d’actualité sur scène. Entre théâtre et danse, la force de la tragédie raisonne dans les tableaux simples et sensibles dressés avec brutalité par les danseurs. le 18 fév Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberté.fr

Sous leurs pieds le paradis © Agathe Poupeney PhotoScene.fr.

Festival Les vents du Levant

son père au Nigéria que le danseur Qudus Onineku a l’idée de mettre en scène Qaddish, créé en 2013 au Festival d’Avignon, en référence au Kaddish, la prière pour les morts dans la tradition juive. Il s’entoure du danseur malaisien Keong, du comédien Emil Abossolo Mbo, de la soprano Valentina Coladonato et du musicien Charles Amblard, pour évoquer toutes les émotions liées au rapport entre père et fils mais aussi à la mort, la transmission du savoir et les regrets de fin de vie... le 14 mars Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com le 18 mars Pavillon Noir, Aix-en-Provence 04 42 93 48 14 www.preljocaj.org © YK Projects

© Jean-Claude Carbonne

le 20 fév Théâtre Le Forum, Fréjus 04 94 95 55 55 www.aggloscenes.com

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Qaddish C’est en retournant dans le village natal de

© Eduardo Garcia Gonzalez

Redonner vie aux peintures colorées et géométriques de Joan Miro : une prouesse réalisée par la Cie espagnole Aracaladanza grâce à une chorégraphie créative liant la danse et la vidéo. À travers une série de tableaux élégants, les formes et la palette de couleurs vives, caractéristiques de l’œuvre du peintre, servent de base pour ce voyage au cœur de l’univers fantaisiste et onirique du chorégraphe Enrique Cabrera. Il ajoute sa touche personnelle en éveillant tous les sens de l’enfant grâce à des musiques variées : du piano au violon en passant par les cymbales et tambours. Une explosion de couleurs des plus surprenantes ! Dès 4 ans.

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P R O G R A M M E D A N S E


A U P R O G R A M M E JT H E U É N Â ET R PE U B L I C

GAËLLE CLOAREC

Contes cruels du Djurdjura le 26 fév Trilogie «Écris-moi un mouton» le 1er mars Raconte-moi l’Algérie le 2 mars MuCEM, Marseille 04 84 35 13 13 www.mucem.org

Gare aux embruns, la houle bretonne atteindra le Vieux-Port à la mi-février, emportant dans ses rouleaux tumultueux le violoneux Ronan Kéradalan de Plouneour Ménez. La Criée, en partenariat avec La Baleine qui dit «vagues», accueille un conteur et musicien fameux dans toute l’Armorique : Patrick Ewen peuple ses histoires d’un bestiaire fabuleux, puisant dans la riche tradition orale de sa région natale. Dès 6 ans.

Teatro delle Briciole s’associent pour un spectacle sans paroles, tout public à partir de 3 ans. Nichés dans un cocon de voiles, les spectateurs s’imprègnent des «petits sentiments» éprouvés par une marionnette émergeant d’un fragile décor. Pas si petits que cela, d’ailleurs ! Car ils touchent avec délicatesse à l’universel : joie, colère, peur et désir... du 4 au 8 mars Théâtre Massalia, Marseille 04 95 04 95 75 www.theatremassalia.com le 18 avril Pôle Jeune Public, Le Revest-les-Eaux 04 94 98 12 10 www.polejeunepublic.fr

La légende de Ronan Kéradalan le 15 fév La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

Hansel et Gretel Le conte des frères Grimm resitué dans un

© C.Van de Steen

contexte contemporain de crise financière et économique : une création toute récente (décembre 2013) sous forme de ciné-spectacle par la compagnie La Cordonnerie. Dans la version qu’en donnent Samuel Hercule et Métilde Weyergans, les «bouches inutiles» Hansel et Gretel ne sont plus des enfants mais des magiciens à la retraite, et la sorcière de la forêt dévore... les personnes âgées. Dès 6 ans. les 11 et 12 mars La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com le 20 mai Théâtre de Cavaillon 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com

© Melissa Stein

Les Saisons de Rosemarie La tête de Rosemarie, jeune fille de 10 ans,

est remplie de questions diverses. Elle ne parle pas beaucoup mais elle s’imagine un compagnon imaginaire et dyslexique, qui fait office de confident. Elle lui avoue ses plus grandes peurs, ses confusions, son rapport aux adultes, au corps et au langage. Lucile Jourdan qui dirige la Cie Les Passeurs, fait découvrir un tout nouveau monde aux enfants, dès 7 ans. le 5 mars Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr

© X-D.R

Absurdus À l’occasion d’un partenariat avec le théâtre

Massalia, Klap Maison pour la Danse reçoit la compagnie Étantdonné dans un spectacle hybride. Trois danseurs (Fanny Bonneau, Jérôme Ferron, Frédérike Unger) accompagnés de marionnettes évoluent sur une piste de cirque, jouant des ombres et détournant les objets sur la musique légère et très ludique de Mathieu Boogaerts. Tout public à partir de 6 ans. les 21 et 22 fév Klap, Marseille www.kelemenis.fr Réservations au Massalia : 04 95 04 95 75

© Alain Fillit

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février s’annoncent prometteuses pour le jeune public au MuCEM. Le programme prévoit dans le cadre du temps fort Alger/Marseille deux ateliers de danse ludiques et conviviaux, ainsi que des spectacles à voir avec ou sans les parents. À commencer par les Contes cruels du Djurdjura par la compagnie Le temps de vivre, le 26 fév. L’auteur, comédien, et artiste complet Rachid Akbal, y évoquera avec humour les monstres de Kabylie, tandis que la semaine suivante ce seront les conteurs Nora Aceval et Kamel Guennoun qui proposeront un goûter oriental autour de Raconte-moi l’Algérie (en partenariat avec La Baleine qui dit «vagues»). On ne manquera pas non plus le 1er mars le spectacle de marionnettes et d’objets On vivrait tous ensemble (mais séparément). Une Trilogie «Écris moi un mouton» de la compagnie Arnica, qui évoquera les multiples liens tissés entre la France et l’Algérie, à travers une série d’histoires vraies.

© Picasa

Le conte est bon sentimenti La légende de Ronan… Piccoli Tout comme celles de Noël, les vacances de Le Tof Théâtre de Belgique et les italiens du


© Philippe Hanula

Le Carnaval des animaux Silenciô… L’ogre déchu… En alliant slam, rap et danse, Dr de Kabal présente toutes les menaces du monde qui nous font mûrir trop rapidement. À l’aide de deux personnages, il évoque la maltraitance sur les enfants : Silenciô, un garçon qui ne fait que parler afin de combler le vide et Ecorché, un boulimique qui mange tout ce qui lui tombe sous les yeux. Dr de Kabal et Farid Ounchiouene mettent en scène un conte contemporain pour les enfants, à partir de 10 ans. Silenciô, l’enfant sans nom le 19 mars Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

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© Agnese Scotti

Librement adapté de récits comme l’Arche de Noé ou l’œuvre musicale de Camille Saint-Saëns, la Cie Le Kronope fait rentrer le spectateur dans un monde irréel où les animaux parlent et où les cinq comédiens s’animalisent de plus en plus. Les tambours, les sonorités et les rythmes sont mis à contribution et viennent remplacer la parole avec imagination et ingéniosité. Ce spectacle de danse, de théâtre masqué, d’acrobaties et de musique, dirigé par Guy Simon, est destiné aux enfants dès 8 ans.

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C’est l’histoire d’un père très pauvre et désespéré qui emmène ses enfants dans la forêt pour les abandonner. Sur scène, le père représente l’ogre et l’ogresse, et l’acteur le Petit Poucet. Librement adapté de l’œuvre de Charles Perrault, le Teatro Delle Briciole innove et invite de jeunes enfants du public à improviser sur scène et jouer le rôle des trois enfants. De 4 à 6 ans.

le 20 fév à 10h et 14h30 Maison du peuple, Gardanne 04 42 65 77 00 www.ville-gardanne.fr

Je sais plein de choses © X-D.R

L’ogre déchu ou le savoir du plus petit le 12 mars Forum des Jeunes, Berre-l’Étang 04 42 10 23 60 www.forumdeberre.com

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© Garance

La Part du Colibri La pièce est adaptée d’une fable traditionnelle

Qu’est-ce que grandir ? Elisabeth Algisi et Juliette Moreau se sont posé la question, et ont décidé d’y répondre sous la forme d’un grand imagier du quotidien, emplie d’images et de sonorités. La Cie Atipik propose une véritable rêverie poétique, autour de l’oeuvre d’Ann et Paul Rand, qui amuse les enfants et leur apprend à grandir. Dès 2 ans. du 12 au 15 mars Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

du 14 au 16 avril Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com

© M. Bonfils

J E U N E P U B L I C

américaine : un petit oiseau a pris une goutte d’eau dans son bec pour éteindre sa «part» des flammes d’un incendie. Alexandra Tobelaim met ici en scène son premier spectacle jeune public. Flore Grimaud et Carlos Martins campent deux enfants avides de vie, et de plats de viande, dans un monde futur déserté par les animaux. La scénographie et la musique d’Olivier Thomas accompagnent et approfondissent cette prise de conscience écologique. le 5 mars Le Sémaphore, Port-de-Bouc 04 42 06 39 09 www.theatre-semaphore-portdebouc.com

P R O G R A M M E

© X-D.R

Attendant un train, Ernesto, Paloma et César démontrent le pouvoir de l’imagination. Ils jouent avec humour à voyager entre la réalité et la fiction, et vivent chaque moment comme une aventure grandiose. Tout jaillit : la peur, la folie, le rire, l’amour, la passion, les larmes... Ce spectacle de la Cie Aerea Teatro, sous la direction de Camilo Casanovas, a remporté le premier prix du meilleur spectacle de salle à l’Encuentro Entrepayasaos de Zaragoza. Dès 9 ans. les 13 et 14 mars L’Alpilium, Saint-Rémy-de-Provence 04 90 92 70 37 www.mairie-saintremydeprovence.fr


© Christophe Loiseau

fourberies de Scapin Face de Cuillère Festival Greli Grelo Les Adaptée de la célèbre pièce de théâtre de

La Fabrik’Théâtre propose une conférence jouée par Le Kronope autour du thème du masque et de la Commedia Dell’Arte. Une seule personne sur scène, et pourtant, de multiples personnages. Cette comédienne peut-elle jouer du Molière et ensuite La Fontaine ? Peut-elle danser, chanter, jouer et improviser ? Joëlle Richetta interprète et improvise sous vos yeux.

du 7 au 15 mars Pays d’Apt Vélo Théâtre, Apt 04 90 04 85 25 www.velotheatre.com

Le petit cabaret des masques le 13 fév La Fabrik’Théâtre, Avignon 04 90 86 47 81 www.fabriktheatre.fr

Entre deux pluies © X-D.R

JT H E U É N Â ET R PE U B L I C

© X-D.R

Aucun homme n’est... Deux personnages : l’un virtuel, l’autre en chair

et en os se donnent la réplique, sous la direction de Roland Auzet, d’après une idée de Fabrice Melquiot. Le spectacle questionne le théâtre et sa relation avec la technologie. Mais aussi les limites entre réel et virtuel ? Et l’homme est-il réellement libre. Julien Remolard dans le rôle d’Oscar, quatorze ans, se retrouve face à un personnage virtuel, Jacques, et noue une relation d’amitié et bientôt de rivalité… pour une fille. Ce spectacle de la Cie Ak Entrepôt dirigé par Laurance Henry symbolise la rencontre d’une danseuse, Séverine Gouret, avec 300 kg de galets noirs qui remplissent la scène. Les pierres l’attendent. Elle rentre sur scène, observe, hésite, attend à son tour. Soudainement, elle rentre dans cet espace constitué de galets, mais où peut-elle se poser ? Elle devra chercher et inventer sa place parmi ces pierres. Un solo à voir dès 2 ans. le 14 mars Théâtre de Cavaillon 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com

Aucun homme n’est une île le 22 fév La Chartreuse, Villeneuve-lez-Avignon 04 90 15 24 24 www.chartreuse.org

Face de Cuillère est une jeune fille peu ordinaire. Malgré les événements qui se succèdent, elle affiche une joie de vivre nette et inaltérable. Mais très vite, elle découvre le mystère qui entoure sa naissance, sa différence et son don inouï pour les nombres et les dates. Naviguant entre son lit et celui de l’hôpital, elle apprend qu’elle va bientôt mourir. Benjamin Terranova met en scène cette leçon de vie, écrite par Lee Hall et traduite par Fabrice Melquiot, avec Peggy Mahieu et Xavier Heredia. le 20 fév Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com

Pochée

© X-D.R

P R O G R A M M E

Le p’tit cabaret... © Philippe Hanula

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les 13 et 14 mars Opéra-Théâtre du Grand Avignon à la Salle polyvalente de Montfavet 04 90 82 81 40 www.operagrandavignon.fr

© Emmanuelle Murbach

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Depuis sept ans, le Vélo Théâtre propose Greli Grelo, festival de spectacles jeune public. Du 7 au 15 mars, une dizaine de spectacles se succèdent ainsi dans tout le pays d’Apt : Il mondo senza il tutto, de la Cie Skappa & Associés, chez vous, dans votre propre salon, du 24 au 28 fév, avant une restitution grandeur nature au Vélo ; le petit chaperon rouge sera à l’honneur avec Et il me mangea, de la Cie Vélo Théâtre, présenté à Apt dans son lieu récemment rénové, du 9 au 15 mars ; la Cie israélienne Bubat Theatre propose deux pièces, Zebra et L’histoire de Doumi et Douma (le 9 mars à la Salle de Saint-Saturnin-les-Apt, le 11 au Vélo). À voir aussi Mamie Rôtie, de la Cie 7 au soir (du 11 au 13 mars), Gribouillie par Lili Désastres (du 10 au 15 mars), C’est dans la poche de la compagnie Jardins Insolites (le 10 mars), et Qui est Monsieur Lorem Ipsum ? par la Cie 36 du mois (du 9 au 11 mars)…

Molière, Antoine Herbez propose une réécriture très méditerranéenne, en musique, en danse et en sensualité, joué par la Compagnie Ah !. Mais sous le soleil du Sud, la violence est présente, tous peuvent sortir un couteau pour assassiner quelqu’un. C’est ainsi qu’intervient Scapin, prêt à tout pour arriver à ses fins. Ce spectacle est un hymne à la vie.

Une petite tortue, du nom de Pochée, décide un jour de partir plus tôt de chez elle pour vivre comme une grande. Lors de son voyage solitaire, elle rencontre son alter ego, Pouce, avec qui elle noue une relation amicale. Pochée devient grand-mère, reste l’écriture pour se souvenir de l’ami disparu… La Cie associée Artefact et Florence Seyvos proposent une lecture marionnettiste d’un récit touchant et intimiste de Claude Ponti. Dès 7 ans, en entrée libre. le 12 mars à 10h et 15h Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com


L’enfant de la haute... Tête Haute S’inspirant de la nouvelle éponyme de Jules Un refuge plongé au cœur de la forêt trouve Supervielle, Aurélie Morin livre l’histoire d’une jeune fille isolée sur une île. Unique habitante de cet îlot, elle s’évertue à subvenir à ses besoins et à survivre. Quelqu’un viendra-t-il à son secours ? Ce spectacle de marionnettes, d’ombres et de figures, offre un récit poétique aux confins du monde.

preneur : une jeune fille abandonnée. Elle décide de s’instruire en lisant tous les mots du dictionnaire. Or, tout n’est pas rose, elle ne peut pas rester cacher là. La réalité la rattrape bien vite, et de nouvelles épreuves s’annoncent. Joël Jouanneau, Cyril Teste et le collectif MxM associent image et texte pour raconter cette histoire des plus tendres et inquiétantes. Dès 6 ans.

L’enfant de la haute mer le 19 fév Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com © Arnaud Delicata

les 18 et 21 mars Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com le 27 mars Pôle Jeune Public, Le Revest-les-Eaux 04 94 98 12 10 www.polejeunepublic.fr

Sœur…

Fayollat et la Cie Clandestine, revient sur scène pour présenter Carta Memoria. Ces petites bribes d’histoires sur des morceaux de papier interrogent les valeurs mondiales comme le libre-arbitre, le totalitarisme, ou encore le conformisme et la fameuse question du hasard. Dès 8 ans.

© P. Leïva

Carta Memoria Le théâtre de papier d’Ester Bichucher, Denis

Dans une maison vide qui renferme un immense secret, se retrouvent cinq sœurs, âgées de 9 à 70 ans. L’histoire parle de transgression et transmission. Elles chantent, elles dansent, elles se posent des questions… Mais qu’attendent-elles, à la fin ? Sylviane Fortuny met en scène cette fable, écrite par Philippe Dorin, et apporte une fin stupéfiante. Dès 9 ans.

les 11 et 12 fév Théâtre du Briançonnais, Briançon 04 92 25 52 42 www.theatre-du-brianconnais.eu les 18 et 19 fév Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com © Cie Clandestine

Sœur, je ne sais pas quoi frère le 14 fév Théâtre de La Licorne, Cannes 04 97 06 44 90 www.madeincannes.com le 19 fév Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com


Un autre nom pour ça Traversées Six pieds sur terre Théâtre d’images, d’ombres et de marionnette, Avec 300 briques en bois et plus de 800 coquilles, Elise Vigneron dévoile au fil de son spectacle un univers sensible et mystérieux dont elle seule a le secret. Sur la scène, sept portes, sept installations variables et modulables, construisent le parcours intime qu’elle orchestre. À partir d’extraits de Seuils de Patrick Kermann, qu’elle projette, écrit, ou superpose, la comédienne et marionnettiste partage avec le public des petits instants fragiles et hypnotiques, presque hors du temps. le 15 fév Espace des Arts, Le Pradet 04 94 01 77 34 www.le-pradet.fr

P R O G R A M M E CT H I R É Q Â U T E R E

© Ida Jakobs

A U

© Théâtre de l’entrouvert

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Trapèze, magie, théâtre et musique... dans un décor en perpétuel mouvement, Mladen Materic s’interroge sur la notion du souvenir. Avec la Cie Tattoo, composée de circassiens et de comédiens, il met en scène une multitude d’instants de vie, des petits moments poétiques et oniriques apparaissent puis disparaissent. L’amour, la réussite, la disparition ou le désastre, le spectateur est emmené dans une farandole d’émotions et de mises en situations, rythmées par une bande-son construite sur les différentes interprétations de la chanson I put a spell on you. les 13 et 14 fév Bois de l’Aune, Aix-en-Provence 04 42 93 85 40 www.agglo-paysdaix.fr

mélangent grâce à l’imagination de la troupe australienne Circa. Ludiques, drôles et créatifs, les sept acrobates emportent le public dans l’univers décalé de Yaron Lifschitz. Construits en petites séquences musicales autonomes, chaque numéro offre une nouvelle perception des différentes techniques circassiennes. Portés acrobatiques, corde, trapèze, acrobatie au sol, équilibres ou encore le hula hoop, pour un cirque contemporain alliant humour, prouesse technique et création. le 15 fév Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com

le 14 fév Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com

© Darcy Grant

Comme une pulsion de vie, l’homme possède en lui une capacité à rebondir malgré le handicap, l’absence ou la disparition. Pour prouver que le processus de création ne s’arrête pas au décès de son maître-penseur, les acrobates Mathias Pilet et Alexandre Fournier ont décidé de continuer un spectacle de portés acrobatiques imaginé par Fabrice Champion, trapéziste voltigeur des Arts Sauts disparu en 2011. Avec la complicité du chorégraphe Radhouane El Meddeb, ils mêlent subtilement l’univers délicat du cirque et sensible de la danse.

le 14 mars Pôle Jeune Public, Le Revest-les-Eaux 04 94 98 12 10 www.polejeunepublic.fr les 17 et 18 mars Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com

Réalité non ordinaire «La réalité n’est qu’une vue de l’esprit.» Vidéaste

Wunderkammer Cirque, danse, burlesque, tous les genres se © Christophe Raynaud De Lage

Nos limites

les six artistes de la Cie Lapsus inventent leur propre terrain de jeu. Dans un décor qui évoque la démesure, l’effervescence et la profusion, c’est avant tout l’homogénéité et la simplicité qui dominent. Au bord de la chute, les liens qui unissent chacun des circassiens deviennent plus forts. De l’acrobatie au monocycle, en passant par la jonglerie, chaque spécialité trouve sa place dans ce désordre ludique et joyeux, fait de tours bancales, de ponts fragiles et de monuments tordus !

et ex champion d’échecs, Scorpène s’interroge sur les thèmes de la réalité et de l’apparence dans un étonnant spectacle de magie mentale. Associant l’alchimie, la physique quantique et Les chants de Maldoror de Lautréamont, le magicien s’amuse du visible et de l’invisible dans une mise en scène à la fois obscure et chaleureuse. Des expériences interactives bien ficelées, prêtes à remettre en doute vos certitudes sur le libre arbitre ou votre perception de la réalité. le 15 fév La Croisée des Arts, Saint-Maximin 04 94 86 18 90 www.st-maximin.fr

Cinématique

© Raoul Lemercier

Adrien Mondot est jongleur et chorégraphe. Fasciné par l’image, il mêle danse, cirque et numérique. Aux côtés de la danseuse Satchie Noro, il invite le public à découvrir un monde situé entre réel et virtuel. Sur scène, les deux personnages évoluent comme deux naufragés traversant des terres inconnues. Dans un univers synthétique presque magique, tout semble possible : marcher sur les nuages, sur une terre qui s’ouvre sur leurs pas, ou encore faire voler des lettres dans les airs. Ensemble, ils vont vivre une épopée numérique et poétique des plus fascinantes. le 15 mars La Croisée des Arts, Saint-Maximin 04 94 86 18 90 www.st-maximin.fr


Colomba

Création mondiale d’un opéra à Marseille sur une musique de Jean-Claude Petit et un livret de Benito Pelegrín, d’après Mérimée... Événement !

Plateau impérial

Colomba © Bibliothèque nationale de France

La nouvelle Colomba a été écrite par Mérimée à l’issue d’un voyage en Corse, et fut achevée en 1840 à l’Hôtel Beauvau de Marseille. C’est l’histoire d’une vengeance : Colomba della Rebbia veut venger son colonel de père ayant servi l’Empereur, assassiné (dit-on) par le maire local Barrichini. L’héroïne exhorte son frère, lieutenant revenu au pays après Waterloo, à accomplir le châtiment... C’est sur ce fond de vendetta familiale que Benito Pelegrín s’appuie pour s’emparer du texte (comme de l’intrigue amoureuse «secondaire») et réaliser un livret, rehaussé des discordes politiques encore très vivaces un quart de siècle après la chute de Napoléon, aiguisé aux traditions populaires méditerranéennes, mâtiné de rituels tragiques, antiques comme le vócero (chant funèbre exécuté par une pleureuse)... Colomba vire au mythe, à l’instar d’Elektra, femme forte et meneuse de clan, guerrière et déchirante. C’est Jean-Claude Petit, musicien prolixe et touche-à-tout, passé par l’écriture savante classique et le jazz, auteur de chansons célèbres,

Alexandrie Alexandra, Il a neigé sur Yesterday, des génériques de Champs Elysées ou des Victoires de la Musique, de la B.O de Manon des Sources, Cyrano de Bergerac, Le hussard sur le toit, Podium...

génériques et musiques pour la télévision, le théâtre et le cinéma, qui met en musique l’ouvrage lyrique. Après Sans famille créé en 2007, c’est un second accès pour lui à l’opéra. On attend donc avec impatience cette nouvelle partition (commande de la Ville de Marseille) de l’auteur de Pour un flirt avec toi, Ma préférence,

Festival Présences Féminines Les compositrices à l’honneur dans le Var

En trois années d’existence, le Festival Présences Féminines (une exception toulonnaise en France !) a fait (re)découvrir une quarantaine de créatrices, souvent placées au gynécée de l’Histoire de la musique. Pour la 4e édition, Hildegarde von Bingen, Emilie Mayer, Grazyna Bacewicz, Jana Obrovska, Charlotte Dematte... rejoignent Marie Jaëll, Mel Bonis, Phyllis Tate, Clara Schumann, Rebecca Clarke, Annette Kruisbrink, Germaine Tailleferre, Ethel Smyth, Raquel Camarinha © X-D.R

Clarissa Assad, Barbara Strozzi... ça fait du monde... et du beau ! Musiques de chambre, symphonique, création jeune public, conférences, expo et concours avec attribution d’un «prix du public», constituent une douzaine de rendez-vous à Toulon, La Valette, Le Pradet, La Garde... pour «une autre lecture de l’histoire de la musique». La soprano Raquel Camarinha chante les magiciennes d’Haendel, l’Ensemble Obsidienne les créatrices au Moyen-âge, avec aussi Elsa Grether (violon) & Jonas Vitaud (piano), Romain Descharmes (piano) et l’Orchestre de l’Opéra de Toulon pour des programmes très rares... et un hommage particulier à une compositrice originale à connaître : Mel Bonis ! J.F.

L’opus a la chance d’être servi par une formidable distribution avec Marie-Ange Todorovitch (Colomba), Pauline Courtin (Lydia), Lucie Roche (Miss Victoria), Cécile Galois (Servante), Jean-Philippe Lafont (Colonel Nevil), Francis Dudziak (le Préfet), Jean-Noël Briend (Orso), Cyril Rovery (Giocanto Castriconi), Bruno Comparetti (Orlanduccio Barricini), Mikhael Piccone (Vincentello Barricini), Jacques Lemaire (Barricini Père). La mise en scène est conçue par Jacques Roubaud et son équipe habituelle, garantie de somptuosité vidéo-visuelle, quand la direction musicale de l’Orchestre et Chœur de l’Opéra est assurée par la chef Claire Gibault. À ne pas manquer ! JACQUES FRESCHEL

MARSEILLE. Les 8, 11, 13 mars à 20h et le 16 mars à 14h30. Opéra Conférence le 1er mars au Foyer de l’opéra 04 91 55 11 19 http://opera.marseille.fr L’Opéra en scène à l’Alcazar le 7 mars (entrée libre)

«Cabinet de Curiosités» 12e édition du Festival Mars en Baroque

C’est depuis longtemps déjà, un rendez-vous attendu des Marseillais... mais pas que ! On suit en 2014 un «itinéraire baroque» à travers la ville, jalonné de musique, cinéma, arts visuels, théâtre, conférences et... gastronomie : avec l’oratorio La Conversion de Marie-Madeleine de Bononcini par Concerto Soave, des Vêpres inédites du Padre Martini par le jeune ensemble italien AbChordis. L’ensemble La Rêveuse joue de la musique anglaise et, en compagnie de l’inénarrable Benjamin Lazar, chante Cyrano... le vrai... de Bergerac ! Que de «Plaisirs» célestes & terrestres avec l’ensemble Les Passions, ou avec l’intemporel Bach au clavecin et La Petite Bande dans des Cantates & Concerti. On rend hommage à Rameau pour le 150e anniversaire de sa mort et l’on goûte aussi à Vie de Château à Borély, en mêlant de la musique française du XVIIIe siècle à des créations contemporaines. On s’assoit pour d’exceptionnelles conférences (Martine Vasselin, Denis Morrier, Gilles Cantagrel), une rétrospective Greenaway (cinéma) et l’art culinaire «baroque» décliné par des chefs marseillais. C’est une journée entière à La Friche qui conclut la manifestation dont le climax est la découverte d’un opéra fort ancien, oublié de l’histoire : La Dafne de Marco da Gagliano ! J.F.

TOULON & ALENTOURS. Du 16 au 29 mars 06 86 23 46 71 Programme complet sur www.lesbijouxindiscrets.org

MARSEILLE. Du 7 au 29 mars (sauf St-Cannat le 20 mars) Lieux et programme sur www.marsenbaroque.com Concerto Soave 04 91 90 93 75 Espace Culture 04 96 11 04 61

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Journée Fortissimo

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M U S I Q U E

La soprano Caroline Casadesus joue avec succès, depuis un an, la déchirante tragédie en un acte créée en 1959 par Denise Duval. Elle donne, au théâtre dirigé par Richard Martin, sa version de chambre avec piano (Jean-Claude Rigaud) dans une mise en scène de Juliette Mailhé. Un drame de la solitude et du quotidien, poignant, qui tient au fil (il y en avait !) d’un téléphone ! Comme cela se fait souvent, l’opus est couplé avec La Dame de Monte Carlo du même tandem Poulenc/Cocteau.... et des Gnossiennes de Satie. MARSEILLE. Le 18 fév à 21h. Théâtre Toursky 0 820 300 033 www.toursky.org

Pierre et le Loup... et le jazz !

Prokofiev a créé Pierre et le Loup pour familiariser les внуки (enfants) avec les instruments de l’orchestre symphonique. The Amazing Keystone Big Band reprend le procédé à son compte, avec humour, à travers l’histoire du jazz et ses standards, et fait découvrir aux kids le grand orchestre de jazz et ses bœufs. AIX. Le 19 fév à 19h. GTP 08 2013 2013 www.lestheatres.net

À l’initiative de l’Ensemble Télémaque et au nouvel espace situé à l’Estaque, dédié à la création d’aujourd’hui (Pôle Instrumental Contemporain PIC), s’articule une journée d’information professionnelle sur «les droits des artistes interprètes, la SPEDIDAM et les aides de la division culturelle». Le Directeur chargé de la Culture & de la Communication François Lubrano animera la rencontre. Débats et cocktail seront suivis d’une représentation de Corpus fictif, spectacle-phare servant l’idée de l’accessibilité au plus grand nombre à l’art contemporain. Loin des a priori, la Sequenza III de Berio, du cri au râle, du souffle au rire, ou les Récitations d’Aperghis et ses jeux de mots, accumulations délirantes à la Perec, portés par le jeu énigmatique de musiciens/personnages, mis en scène par Olivier Pauls, séduisent tous publics. C’est en particulier la présence hardie, la maîtrise technique et les atouts de la comédienne/ chanteuse Brigitte Peyré qui marquent une formidable performance... grâce aussi aux instrumentistes qui donnent des percussions (Christian Bini et Gisèle David) dans RRR de Kagel, au souffle cuivré de Gérard Ocello (trompette) se mêlant aux inflexions de la soprano dans des duos de Max Lifchitz... À découvrir !

The Amazing Keystone Big-Band © Bruno Belleudy

Le Quatuor Pavel Haas

Ils font partie du fleuron des jeunes quatuors à cordes tchèques... et la concurrence est rude en Bohême tant les musiciens y sont talentueux ! Leur programme navigue du Quatuor n°10 op. 51 de Dvorak à l’Opus 76 n°5 de Haydn et son poignant Largo, avant le 2e Quatuor op.51 de Brahms. AIX. Le 11 mars à 20h30. Jeu de Paume 08 2013 2013 www.lestheatres.net

MARSEILLE. Le 4 mars à partir de 15h30 et Corpus fictif à 19h30. PIC (36, montée Antoine Castejon 13016) 04 91 39 29 13 www.ensemble-telemaque.com

L’école russe

Situations

Boris Berezovsky, Warner Classics © X-D.R

C’est une star (voire un tsar) de l’école de piano russe dotée de «moyens techniques impressionnants» et d’un sens inné des répertoires slaves et, depuis longtemps, français. Boris Berezovsky joue Debussy, Ravel et Rachmaninov en compagnie de Dmitri Makhtin et Vadim Repin (violons), Alexandre Kniazev (violoncelle)... rien que ça ! MARSEILLE. Le 11 mars à 20h. La Criée 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com En partenariat avec le Festival International de Piano de La Roque d’Anthéron

À sa sortie de Résidence (du 12 au 18 mars) au nouveau Pôle Instrumental Contemporain (P.I.C.) du quartier de l’Estaque, l’ensemble Subspecies donne son dernier opus en concert : Situations de David Merlo, 50 minutes durant, «interroge les rapports de complémentarité entre une formation électrique et une formation acoustique». Sont «réunis un quatuor de musiciens classiques -en l’occurrence un ensemble non conventionnel avec violoncelle, alto, saxophone et clarinette- et un quatuor électrique...» quand «musique écrite et improvisées se rencontrent». MARSEILLE. Le 18 mars à 19h30. PIC 04 91 39 29 13 www.ensemble-telemaque.com David Merlo © Ulrike Monso

P R O G R A M M E

Corpus Fictif © Agnes Mellon

Caroline Casadesus © Philippe Levy-Stab

La Voix Humaine

Quatuor Pavel Haas © Marco Borggreve

La chambre Philharmonique

Emmanuel Krivine et son ensemble La Chambre Philharmonique, jouent sur instruments d’époque, en compagnie d’Andreas Staier et son pianoforte, les Concertos n°1 et n°9 «Jeune homme» de Mozart. On entend également la 1ère Symphonie du même Mozart et la 4e Symphonie dite La Passione de son contemporain classique Joseph Haydn. J.F. MARTIGUES. Le 22 fév à 20h. Les Salins 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr


Schubertiade Tai Murray © Julia Wesely

Trois concerts : Alain Planes (piano) et Tai Murray (violon) jouent la Sonate pour piano n°19 en ré majeur été le Grand duo en la majeur (à 11h) ; s’agrège ensuite le violoncelliste Henri Demarquette pour deux opus très appréciés : la Sonate pour arpeggione et piano en la mineur et le Trio n ° 2 en mi bémol majeur (à 15h). Les frères et sœur du Quatuor Girard poursuivent avec Quartettsatz, mouvement de Quatuor n°12 et le Quintette à cordes en ut majeur, op.163 avec Henri Demarquette (à 17h30). ARLES. Le 16 fév. Chapelle du Méjan 04 90 49 56 78 www.lemejan.com

... & le violoncelle de guerre

Didier Sandre (comédien) et Emmanuelle Bertrand (violoncelle) évoquent l’histoire de Maurice Maréchal et son instrument de fortune, dénommée «Le Poilu» fabriqué durant la Grande Guerre, au gré de musiques de Britten, Bach... des carnets de guerre du violoncelliste et sa correspondance. ARLES. Le 13 mars à 20h30. Chapelle du Méjan 04 90 49 56 78 www.lemejan.com

D’Offenbach à Hugo Dominique Trottein dirige l’Ensemble Orchestral l’Autre Scène pour deux opérettes d’Offenbach mises en scène par Caroline Mutel : Monsieur Choufleuri restera chez lui et Pomme d’Api. Fantaisie garantie ! Le dernier jour d’un condamné (d’après Victor Hugo) est un drame composé en 2007 par David Alagna. C’est son frère Roberto qui chante cet opéra d’aujourd’hui, en compagnie d’Adina Aaron dans une mise en scène de Nadine Duffaut (dir. Balazs Kocsar).

Roberto Alagna © X-D.R

VEDÈNE. M. Choufleuri & Pomme d’Api. Les 21, 22 fév à 20h30 et 25 fév à 14h30. L’Autre Scène AVIGNON. Le dernier jour d’un condamné. Les 9 mars à 14h30 et 12 mars à 20h30.Opéra 04 90 82 81 40 http://operagrandavignon.fr

Ariane à Naxos

L’Ariane de Strauss tranche avec Elektra et Salomé. Son style est moins expressionniste, alternant burlesque léger et gravité tragique. C’est Mireille Laroche qui met en scène l’opus et revisite l’antique. Les trois rôles féminins et principaux sont chantés par Jennifer Check (Ariane), Julia Novikova (Zerbinette), Christina Carvin (le compositeur), dirigées par Rani Calderon. J.F. TOULON. Les 14, 18 mars à 20h et 16 mars à 14h30. Opéra 04 94 92 70 78 www.operadetoulon.fr


Babel med music

A U P R O G R A M M E M U S I Q U E

hip hop arabe Fareeq El Atrash, les rappeurs porte-étendards de la Révolution Libyenne G.A.B, le quatuor breton Jacky Molard, le fado de Lula Pena. Les artistes féminines sont, cette année, bien représentées et devraient drainer les foules : l’ensemble de musique azérie (Azerbaïdjan) Fargana Qasimova, le quartette Gargar et ses voix envoûtantes du Kenya, la réunionnaise Maya Kamaty, la nouvelle étoile du Ladino Mor Karbasi, l’ambassadrice du CapVert Neuza, la star irano-israélienne Rita, la virtuose de la cithare gu zhen Sissy Zhou.

Rita © Yariv Fein & Guy Kushi

de la créolité Chris Combette ou encore le bassiste reggae et pilier des Gladiators Clinton Fearon ou le maestro libanais Rabih

Abou-Khalil. La liste est longue, mais il faudra découvrir le duo franco-palestinien Sabîl & Quatuor Bela, le phénomène libanais du

Martin Harley solo Impasse Invaders Le bluesman Martin Harley, guitariste, auteur, compositeur, qualifié de magnétique et virtuose, #11 et #12 reçoit en Grande Bretagne et aux USA un accueil dithyrambique. Une voix chaude, éraillée, des textes remarquablement bien écrits, un jeu guitaristique très maîtrisé : une valeur sûre, voire un nouveau prodige du folk blues anglais ! Il est en tournée française, et en solo, ce qui est plutôt rare. À voir au Forum de Berre (le 21 fév) et au théâtre du Rocher à la Garde (le 22 fév, avec Cosimo Blues en première partie, en partenariat avec l’association Tandem). le 21 fév Forum des Jeunes, Berre-l’Étang 04 42 10 23 60 www.forumdeberre.com le 22 fév Théâtre du Rocher, La Garde 04 94 08 99 34 www.ville-lagarde.fr Martin Harley © X-D.R

la scène aixoise de Théâtre et Chansons. Embarquement les 8 à 20h30 et 9 à 18h30, dans l’univers poétique de Philippe Forcioli, un raconteur d’histoires envers et contre toutes les modes, qui déroule les fils de ses rimes riches, accompagné par Valérie Lehoux. Le 22 mars, Jofroi donnera un récital en solo, entre coups de gueules, chansons profondes et thèmes essentiels. Mais toujours avec poésie. Il présentera, le 23 (à 11h et 16h), Le Rêve d’Antonin, un spectacle complet mêlant le loufoque au sérieux, le gavroche à la tendresse… et la chanson toujours. Théâtre et Chansons, Aix-en-Provence 04 42 27 37 39 www.theatre-et-chansons.com

Harsh © Estelle Regent

Après une année capitale ponctuée chaque mois par l’accueil de concerts innovants à Montévidéo, le GRIM poursuit les soirées Impasse Invaders. Au programme de ce mois de mars, le groupe psychédélique de la côte ouest américaine Wooden Shjips pour son unique date française à Marseille (le 1er). Le duo français Johnny Hawaii prendra le relais avec ses ambiances célestes. Le 14 mars, le guitariste argentin Alan Courtis et le batteur trompettiste anglais Aaron Moore proposeront leur projet expérimental, détournant les instruments traditionnels et la construction d’un drone ponctué de nombreux accidents. Puis, ce sera le duo Harsh, entre larsen, crissements du guitariste Herbé Boghossian et déflagrations véloces du batteur François Rossi. Chaque soirée se termine avec une Session Fantôme DJ set, une sélection de la contre-culture musicale des années 60 à nos jours. les 1er et 14 mars Montévidéo, Marseille 04 91 04 69 59 www.grim-marseille.com

Babel med music Dock des Suds, Marseille du 20 au 22 mars 04 91 99 00 00 www.dock-des-suds.com

Théâtre et Chansons En mars, trois concerts sont programmés sur

Philippe Forcioli © X-D.R

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«L’amplificateur économique et culturel des musiques du monde» reprend du service au Dock des Suds pour la 10e édition, du 20 au 22 mars. Un forum qui mêle étroitement salon professionnel, laboratoire des réflexions et festival ouvert au grand public, avec une sélection artistique exigeante et indépendante. Soit 3 jours, 3 nuits, 30 concerts, 200 artistes, 2500 pros, 164 stands, 6 prix et 15000 spectateurs attendus. Au programme des tables rondes : les lieux de création de musique traditionnelle et du monde en France et en Europe (le 20), le poids économique de la culture (le 21), les réseaux régionaux (le 22) (programme complet sur dock-des-suds.com). Côté concerts : le slameur massaliote au cœur des Comores Ahamada Smis, le griot électrique malien Bassekou Kouyate, le chantre


Barbara Carlotti © Francois Fleury

Festival Avec le Temps Du 18 au 22 mars, la chanson française est à l’honneur de la 16e édition du Festival Avec le Temps à Marseille. Têtes d’affiche, nouveaux talents et artistes en émergence, se relaient sur six scènes marseillaises, entraînant le public à des concerts et des découvertes musicales de haute volée, mais également des projections et des rencontres. À l’Espace Julien, partenaire principal du festival : en ouverture le 18 mars, BATpointG assurera la première partie du grand Jacques Higelin (le cinéma les Variétés accueillera le documentaire Higelin en Chemin de Romain Goupil le 14 mars à 18h, et la BMVR l’Alcazar, le 17 mars à 19h, une rencontre entre Jacques Higelin et le musicologue François Billard). Avec l’Amour, l’Argent, le Vent, l’auteure-compositrice à la voix de velours sur qui il faut désormais compter, Barbara Carlotti, partagera sa pop lyrique et électro symphonique et ses textes d’une profonde beauté qu’elle ramène de voyages au Japon, au Brésil et en Inde (le 19 mars, Aline en 1ère partie). Le 20, place au rappeur à l’imagination fertile Kacem Wapalek, suivi par le groupe hip hop le plus iconoclaste de sa génération, La Rumeur. Viendront ensuite Thomas Fersen et Autour de Lucie (le 21), les Têtes raides et Pense-Bête clôtureront le festival le 22. Le concert d’Etienne Daho, prévu initialement le 25 mars au Dôme est annulé… reporté à l’automne. Côté découvertes : Oda (le 18 à l’Eolienne), Armelle Ita (le 19 au théâtre du Lenche), Mariannick Saint Ceran Trio qui reprend le testament artistique de Nina Simone (le 20 au Cri du Port), Chinaski et Captive (le 21 au Lounge) et le 22 à la Machine à Coudre : Blah-Blah. Festival Avec le Temps, Divers lieux, Marseille du 18 au 22 mars www.festival-avecletemps.com Réservations dans chaque lieu ou points de vente habituels


Alger/Marseille : allers-retours

58 A U Bab El-Oued city de Merzak Allouache © Trigon-film

P R O G R A M M E

Dans le cadre des Leçons d’histoire partagée, le MuCEM propose une Carte Blanche à Ahmed Bedjaoui : à 20h30 le 20 février, Bab El-Oued city de Merzak Allouache ; le 22, Les folles années du twist de Mahmoud Zemmouri et le 23, La Preuve en présence de son réalisateur, Amor Hakkar. Et le 24 février à 15h, les plus jeunes pourront déguster un délicieux ciné-goûter avec Garagou d’Abdenour Zahzah.

C I N É M A

Algérie, entre…

Regards croisés France-Algérie

La Petite Venise

Regards croisés France-Algérie propose, le 2 mars à 15h, Dans le silence je sens rouler la terre un documentaire de Mohamed Lakhdar Tati, une enquête sur une histoire oubliée, celle des camps d’internement ouverts en Algérie par l’administration française, à la fin de la guerre civile espagnole. La projection sera suivie de Les oiseaux d’Arabie-Fragments d’une correspondance de David Yon, un essai autour de la relation épistolaire née en 1941 entre la philosophe Simone Weil et Antonio Atarès, anarchiste espagnol interné aux portes du Sahara. À partir de 17h30, projection de courts métrages documentaires réalisés dans le cadre des Ateliers documentaires de Bejaia. MuCEM, Marseille 04 84 35 13 13 www.mucem.org

La Petite Venise d’Andrea Segre © Haut et Court

L’Institut culturel italien programme, le 6 mars, La Petite Venise (2011), premier long métrage de fiction du réalisateur italien Andrea Segre. L’histoire d’une douce amitié entre deux êtres que tout oppose : Shun Li, une immigrante illégale chinoise et Bepi, pêcheur sur une île de la lagune vénitienne et poète à ses heures perdues. Institut Culturel Italien, Marseille 04 91 48 51 94 www.iicmarsiglia.esteri.it

MuCEM, Marseille 04 84 35 13 13 www.mucem.org

Festival Tomatrope

Avant-premières, courts métrages, ciné-gouter et ateliers, le festival organisé pour la quatrième fois par l’association Premier regard propose des projections Jeune Public, adaptées à chaque tranche d’âge. Au programme, une trentaine de films en compétition pour lesquels les jeunes festivaliers pourront voter : Le petit blond avec un mouton blanc (2013) d’Héloi Henriod, Le roi des oiseaux (2013) de Coline Benacchio, Premier automne d’Aude Danset et Carlos de Carvalho...

Dans le silence je sens rouler la terre de Mohamed Lakhdar Tati © Stella Productions

Les débuts du cinéma afro-américain

Cinéma Les Variétés, Marseille 08 92 68 05 97 www.cinemetroart.com

Le cycle de cinéma Algérie, entre le passé et le contemporain présente le 1er mars à 18h Denis Martinez, un homme en libertés, en présence du réalisateur Claude Hirsch et de Denis Martinez qui n’a jamais cessé son engagement pour les libertés en Algérie. À 20h, Mascarades de Lyes Salem, précédé de La Présence de l’absent d’Abderrahmane Krimat. MuCEM, Marseille 04 84 35 13 13 www.mucem.org

L’Histoire engloutie...

La Villa Méditerranée projette, le 18 février, le film documentaire de Valérie Simonet et René Heuzey intitulé L’Histoire engloutie sous la mer. La réalisatrice et le chef opérateur sous-marin ont filmé ce patrimoine vieux de plus 26 siècles : des épaves et d’autres trésors cachés à jamais dans les profondeurs de Marseille. L’Histoire engloutie sous la mer Villa Méditerranée, Marseille 04 95 09 42 52 www.villa-méditerranée.org

Association Premier Regard, Marseille 06 22 74 32 27 www.premier-regard.org Le Petit Blond avec un mouton blanc d’Eloi Henriod © Metronomic

Le consulat des États-Unis et le FIDMarseille organisent, le 17 février, une soirée spéciale au cinéma Les Variétés. Le professeur d’Études filmiques à Columbian University, Richard Pena, revient pour cette occasion sur l’histoire du cinéma indépendant noir aux Etats-Unis, à travers des extraits de films rares : The Blood of Jesus (1941) de Spencer Williams, Body and Soul (1926) et Underworld (1937) d’Oscar Micheaux.


Isabella Rosselini

Actrice, mannequin ou encore réalisatrice, Isabella Rosselini est l’invitée du Théâtre du Gymnase à Marseille pour trois représentations de son spectacle Bestiaire d’Amour (18 au 21 fév). À cette occasion, l’Institut de l’Image s’associe avec les théâtres du Gymnase et du Jeu de Paume, et propose du 6 au 25 février, une rétrospective des films de l’actrice : Blue Velvet (1987), Nos funérailles (1996), Two lovers (2009)... Les participants au cycle Isabella Rosselini pourront également bénéficier de tarifs réduits aux théâtres. Institut de l’Image, Aix-en-Provence 04 42 26 81 82 www.institut-image.org

Ouvrez grands yeux et oreilles ! Comme chaque année, le Festival International du Film d’Aubagne propose du 17 au 22 mars une compétition de courts métrages, 72 venus de 21 pays, répartis en 10 programmes, 43 fictions, 16 films d’animation, 9 films expérimentaux et 4 documentaires ; 65 d’entre eux ayant une musique originale. Le festival se voulant «une plateforme internationale d’échanges sur la relation musique à l’image», réalisateurs, compositeurs et créateurs sonores sont invités à rencontrer le public. La nuit du court métrage, le 21 mars à 22h, fêtera les 15 ans du Festival, présentant les grands prix décernés ces 15 dernières années. La veille, un concert en première mondiale, concocté par Kimiko Ono, Jean-Michel Bernard et Charles Papasoff, Jazz for dogs, un album de jazz cinématographique traité comme une bande originale de film. Le FIFA c’est aussi une compétition de longs métrages, tous avec une musique originale,

9 films de fiction et un documentaire de l’Estonienne Heilika Pikkov, Flowers from the mount of olives qui retrace la vie de la nonne Ksenya (85 ans), originaire d’Estonie qui, tout au long de sa vie, a parcouru un long chemin. Venus du froid aussi, Of Horses and Men de l’Islandais Benedikt Erlingsson et Above Dark Waters de l’acteur finlandais Peter Franzén. L’Arbitro de Paolo Zucca, traite de la plus grande passion des Italiens : le football. Dans Puppy Love, Delphine Lehericey suit pas à pas l’apprentissage amoureux d’une jeune fille qui grandit. Dans Hide your smiling faces de Daniel Patrick Carbone, deux frères adolescents, dans l’Amérique rurale, s’interrogent sur le mystère de la nature et sur leur propre mortalité. C’est le délicieux film du réalisateur indien Ritesh Batra, The Lunchbox (Dabba), qui fera l’ouverture et en clôture, le 22 mars, les 8 jeunes compositeurs retenus pour la Master Class de composition musicale pour l’image présenteront leur création : un ciné-concert dirigé par leur maître de musique Jean-Michel Bernard. ANNIE GAVA

Festival International du Film d’Aubagne du 17 au 22 mars 04 42 18 92 10 www.cineaubagne.fr

L’étranger en moi

À l’occasion de la journée Internationale des Femmes, l’Eden-Théâtre organise le 9 mars la projection de L’étranger en moi (2010) de la réalisatrice allemande Emily Atef. L’histoire de Rebecca et Julian, en couple et heureux, qui attendent leur premier enfant. Tout bascule lorsque Rebecca commence une dépression postnatale... L’Eden-Théâtre, La Ciotat 04 42 83 89 05 www.edentheatre.org L’Etranger en moi d’Emily Atef © Jour2fête

Depuis 1997, Les Films du Delta ont à cœur de promouvoir un cinéma exigeant et créatif, ouvert et accessible à tous : «Montrer comment les cinéastes appréhendent les mutations permanentes de nos civilisations, les mettent en scène à leur façon d’artistes et poètes.» Le Festival Nouv.o.monde propose des films de réalisateurs qui ont un regard engagé et créatif sur le monde. Pour cette édition, qui se tiendra du 13 au 16 mars à la salle Emilien Ventre de Rousset, 12 longs métrages dont 7 avant-premières et 10 courts. En ouverture, le 13 à 20h30, en avant-première, Layla en présence de sa réalisatrice, Pia Marais. Un film qui révèle toute la tension et les clivages raciaux de la société sud africaine post-apartheid. Autres avant-premières, Night Moves de Kelly Reichardt, Grand Prix au Festival du Cinéma Américain de Deauville le 14 à 20h45. Le samedi après-midi, Du court au long permettra de voir à 14h la très jolie fable familiale au cœur du dernier zoo de Palestine et du conflit israélo-palestinien, Giraffada de Rani Massalha ainsi que son court, Elvis de Nazareth, à 17h, un voyage de l’enfance à l’âge adulte avec Swim little fish swim en présence de Lola Bessis et Ruben Amar dont sera projeté aussi le court Checkpoint.

A U P R O G R A M M E C I N É M A

Regards de cinéastes à Rousset

Blue Velvet de David Lynch © MGM

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Giraffada de Rani Massalha © Mact productions

À partir de 21h, La Jeunesse suit son Court, des films mettant en scène les jeunesses d’ici et d’ailleurs, suivie d’une rencontre animée par Richard Sidi, Délégué Général à la Maison du Film Court. Le 16 mars à 11h, le premier long métrage de la Mexicaine Claudia Sainte-Luce, Les drôles de poissons-chats et à 13h 30, une conquête de l’Ouest burlesque… au Kurdistan, My sweet Pepperland de Hiner Saleem. Nouv.o.monde, ce sont aussi des expositions, des concerts, des lectures… Et si vous n’allez pas à Rousset, vous pouvez voir La désintégration de Philippe Faucon le 10 mars à 18h à Sciences Po Aix, et le savoureux The Lunchbox de Ritesh Batra, le 11 à 20h30 au Cinéma Le Casino de Trets. ANNIE GAVA

Nouv.o.monde du 13 au 16 mars Salle Emilien Ventre, Rousset 04 42 53 36 39 www.filmsdelta.com/nouvomonde.html


Il faut croire aux dimanches !

uel Carole Beth

C I N É M A

© cole Garcia anche de Ni Un beau dim

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Un beau dimanche, le titre du septième long métrage de Nicole Garcia, annonce le récit d’une aventure. Oui, «un beau dimanche» un garçon rencontre une fille. Lui, Baptiste (Pierre Rochefort) est instituteur-remplaçant, séduisant, jeune et... seul, revendiquant ce statut d’intérimaire et cette solitude. Elle, Sandra (Louise Bourgoin), saisonnière dans la restauration depuis toujours, semble lasse de ce nomadisme qui lui ôte la garde de son fils, Mathias, laissé à un père qui ne sait qu’en faire. «C’est bien l’intérim, dit-elle à Baptiste, on rencontre toujours des gens nouveaux. Dommage qu’on ne garde pas les anciens.» Tous deux, totalement en place, déterminés dans leurs gestes professionnels, paraissent pourtant décalés, flottants, hésitants. La réalisatrice dévoile peu à peu l’énigme des ces deux «sans-famille», leur passé, l’origine de ce mal-être et il est conseillé pour apprécier le film de ne pas en lire le synopsis complet. La caméra, légère, les accompagne au plus près dans un week-end vagabond, étrange et lumineux, où Baptiste ramène à sa mère le fils oublié par le père à la sortie de l’école, et où Sandra

Nicole Garcia, Louise Bourgoin et Pierre Rochefort au Renoir le 14 janvier 2014 © Annie Gava

ramène Baptiste à la sienne incarnée par une magistrale Dominique Sanda. On retrouve les thèmes chers à Nicole Garcia : la filiation, le «fils préféré», le secret familial, l’enfance comme blessure qui ne guérit jamais, l’espace qu’on se donne ou qu’on nous donne pour exister, l’héritage des siens qu’on refuse ou s’approprie. Le scénario co-écrit comme toujours avec Jacques Fieschi laisse entrevoir ici un arrière-plan politique qui double l’histoire

des personnages : mépris des classes dirigeantes pour le professeur des écoles ou la restauratrice qui exerce de leur point de vue «des métiers d’infirmes», expulsion brutale de ceux qui ne trouvent pas leur place ou leur compte dans la société. Mais le film reste avant tout romanesque, intime et optimiste : il faut croire aux dimanches ! ELISE PADOVANI

Un beau dimanche a été présenté le 14 janvier, en avant-première, au cinéma le Mazarin à Aix en présence de Nicole Garcia, Louise Bourgoin et Pierre Rochefort. Il sort en salles le 5 février www.lescinemasaixois.com

Are you lonesome tonight ? Très gros plan. Une femme souligne d’un trait brun le contour de ses yeux clairs, rougit ses lèvres pâles. Détails des vaisseaux de l’œil, des imperfections de la peau, de l’affaissement d’un visage sans botox : c’est le début du film. La femme a la cinquantaine, se prénomme Claire : c’est Gabrielle Lazure, lumineuse et douce, qui l’incarne. Sa mère se meurt. Un deuil plus ancien, dévastateur, a tout emporté. Claire est absente, arrêtée, «flottante» dans la lignée de la Wanda de Barbara Loden ou de certaines figures durassiennes. Elle travaille dans une station-service avec Martine, une jeune collègue, interprétée par Lolita Chammah. Aurélia Barbet va faire «passer l’hiver» à ces deux femmes par une nuit de Saint-Sylvestre, où tout bascule pour l’une et pour l’autre, où la vie, sur un enregistrement live d’Elvis Presley, se remet inexorablement en mouvement.

Passer l’hiver d’Aurélia Barbet

L’une suit un inconnu pour aller voir la mer et y reste quelques jours. L’autre part à sa recherche, enquête, quête, se glisse peu à peu dans la peau de l’autre et au bout du compte, se trouve elle-même en la retrouvant. Deux parcours parallèles, convergents puis sécants, soulignés par le montage. Deux parcours vers une renaissance. De l’eau de mort à l’eau de vie associée au

bain-baptême final. La réalisatrice, pour son premier long métrage, a adapté librement un récit très court d’Olivier Adam, Nouvel an, tiré du recueil Passer l’hiver qui donne son titre au film. Elle y a reconnu un univers proche du sien. Le scénario co-écrit avec Christophe Cousin travaille, avec finesse, les creux du texte d’Adam, étoffe les personnages au bord de la rupture sur leurs lignes de

faille. Être au monde, avec, sans, parmi, à la place de, être soi, être autre. Le thème se décline sans bavardage, par le geste, la posture, dans la variation des éclairages, des couleurs : blancheur crue de la station-service, vert de la chambre d’hôpital, roux miellé de l’appartement de Martine, rouge des tentures de l’hôtel des Bains, de la Lada de Claire, déclinaison des bleus : bleus-bruns des nocturnes, bleu-électrique de la boîte de nuit, bleu ombré de la piscine, bleu-grisé de la plage bretonne. Aurélia Barbet signe ici un film prometteur qui ne manque ni de charme, ni de subtilité. E.P.

Ecouter l’entretien avec la réalisatrice Aurélia Barbet sur la Web Radio Zibeline : www. journalzibeline.fr/programme/ lentretien-de-la-semaine-avecaurelia-barbet


Fictions de villes

Le 24 janvier, en pré-ouverture à la 4e édition du festival Parallèle, la Villa Méditerranée accueillait Flavie Pinatel et Alexander Schellow pour la projection de leur court métrage respectif : Ramallah et Tirana. Ces deux films produits par Films de Force Majeure, proposent la rencontre intime avec ces deux villes peu attractives, mal connues, marquées par les violences de l’Histoire. C’est lors d’un voyage en Israël avec la réalisatrice Valérie Jouve dont elle était l’assistante que Flavie Pinatel a découvert avec stupeur la capitale palestinienne. Une capitale qui, loin du dolorisme et de la sinistrose que pourrait générer sa situation politique et économique, déborde d’énergie, de joie de vivre. Elle s’y installe trois mois pour comprendre le choc qu’a produit la ville sur elle, le prolonger, le traduire cinématographiquement, le partager. On passe des fêtes nocturnes au camp de réfugiés d’Al Amari, surpeuplé, misérable. Du bureau de la mairesse Janette Khoury aux rues populaires et aux masques du carnaval. Des moutons bêlent sur les collines pelées, indifférents à l’urbanisation sauvage et aux buildings financés par la

diaspora, dont la hauteur défie le voisin israélien. Pour saisir Ramallah, Flavie Pinatel choisit d’être saisie : juxtaposition libre des scènes, immersion sensible. Plus conceptuel, le travail d’Alexander Schellow part aussi d’un choc premier, d’une rencontre de hasard. Invité à Tirana pour une biennale, l’artiste allemand se renseigne avant de s’y rendre, surfe sur la toile. Il y trouve des blagues sur une ville qui n’existerait pas, la trace d’une guerre qui n’a existé que dans une fiction hollywoodienne. Tirana d’Alexander Schellow © Films de Force Majeure Sur place, il voit des bunkers détruits, ferraillages oxydés à nu, vestiges de la paranoïa du dictateur Enver Hoxha anticipant une guerre qui n’aura Majeure lah de Flavie Pinatel © Films de Force pas lieu, et Ramal de sacs plastiques déchiquetés des constructions bien réelles qui ne corres- sur des terrains vagues ? Par les pondent pas à la fiction adminis- discours d’un architecte et d’un trative tentant de les répertorier. chef de projet dans le contexte Comment appréhender la réalité du processus démocratique de Tirana ? Par les cartes ? Par les tendant à rapprocher l’Albanie vues aériennes ? Par les détails de l’Europe ? Par la voix off en

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décalage avec l’image ? Par les dessins pointillistes du réalisateur qui s’animent pour reconstituer le souvenir ? À la croisée des points de vue, la Tirana de Schellow et la Ramallah de Pinatel nous échappent encore. ELISE PADOVANI

Films de Force Majeure, Marseille 04 91 84 99 12 www.films-de-force-majeure.com Villa Méditerranée, Marseille 04 95 09 42 52 www.villa-mediterranee.org

Clermont à La Criée Le 24 janvier, soirée d’ouverture de La Criée Tout Court, présentée par Sébastien Duclocher, un des programmateurs du Festival International de Clermont-Ferrand. Une sélection de courts métrages cultes, divers par leur style, leur ton ou leur origine géographique. Pour commencer, la soixantaine de spectateurs a suivi avec jubilation un commando musical qui s’attaque à chaque pièce d’un appartement, dans le film suédois Music for One Apartment and Six Drummers d’Ola Simonsson et Johannes Stjärne Nilsson ; puis le trajet d’une tomate jusqu’à l’Île aux fleurs (Ilha das Flores), dans le documentaire brésilien sur la mondialisation réalisé par Jorge Furtado en 1989. Le parcours du combattant, terrible, dans un Rwanda de désolation avec le photographe de guerre Jens Assur, dans Le dernier chien du Rwanda (Den sista hunden i Rwanda) fait froid dans le dos. Détour plus léger par la Finlande où on voit d’étranges chasseurs de Père Noël dont le travail consiste à capturer puis dresser ces «bêtes sauvages», pour les exporter

Rare Exports Inc de Jalmari Helander © Woodpecker Film Oy

Vivre avec même si c’est dur de Magali Le Huche, Pauline

Pinson © Marion Puech

dans le monde entier dans Rare Exports Inc de Jalmari Helander ; et en Australie, ce sont trois personnes en plein voyage transcendantal dans We Have Decided Not To Die de Daniel Askill. Le film d’animation, très drôle, La Révolution des crabes d’Artus de Pins, nous raconte la tragédie qui frappe depuis 120 millions d’années, les Pachygrapsus Marmoratus, appelés communément «chancres mous» ou plus souvent «crabes dépressifs». Et dans

Vivre avec même si c’est dur, Magali Le Huche, Pauline Pinson et Marion Puech nous font des portraits absurdes d’animaux, affublés de handicaps ou de défauts extravagants, qui doivent essayer de vivre avec leurs différences : des animaux qui pourraient être nous. Si vous avez raté ces courts métrages, essayez de les voir : certains sont en ligne ! ANNIE GAVA

La Criée Tout Court a eu lieu du 24 au 26 janvier au théâtre de La Criée, Marseille

P C OI N L ÉI M T AI Q U E C U L T U R E L L E


Non-sens et limites

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Luc Georget commentant la Vue de Marseille prise des Aygalades d’Emile Loubon © C.Lorin/Zibeline

Réouverture Réouvert une première fois pour accueillir le Grand Atelier du Midi l’an passé, dans le cadre de MP13, le Musée des Beaux-Arts retrouve ses cimaises désormais offertes à ses collections permanentes. Et au public. Sa fermeture avait paru bien longue, imposée par la réhabilitation d’ensemble du site du Palais Longchamp édifié sous le Second Empire par Henry Espérandieu (Notre Dame de La Garde, La Major) pour célébrer l’arrivée de l’eau à Marseille. Le Musée des Beaux-Arts constitue un des quinze établissements créés en province en 1801 sous le Consulat par décret impérial. La collection, abritée dans un premier temps au couvent des Bernardines, comprenait en 1805, 117 tableaux provenant des saisies révolutionnaires, enrichie au fur et à mesure des envois de l’État, dons, legs, achats pour constituer aujourd’hui un fonds de 8 000 pièces dont 1 800 peintures, 400 sculptures et un important cabinet des dessins et arts graphiques. Cette réouverture propose une sélection de deux cents œuvres, principalement des peintures courant du XVIe au XIXe siècles, représentant les écoles françaises, italiennes, flamandes présentées dans «des espaces remis aux normes d’une muséographie moderne dans le respect du monument tel que l’avait voulu son architecte», note son conservateur Luc Georget. Les travaux conduits par l’architecte Jean-François Bodin ont permis de faire disparaître notamment les restructurations hasardeuses des années soixante-dix qui avaient occulté la grande verrière. Celle-ci retrouve toute sa luminosité zénithale d’origine pour favoriser une présentation plus homogène et naturelle des Rubens, Vigée-Lebrun, David, Jordaens, Tiepolo, Courbet, Vouet,

Le Guerchin, Greuze, Rodin... Les points marquants de cette collection sont représentés par l’école provençale des XVIIe et XVIIIe siècles ; un ensemble des œuvres peintes et sculptées du concepteur de la Vieille Charité, Pierre Puget dont La Sainte Famille au palmier acquise récemment pour 380 000 euros ; l’école française du XIXe siècle (Courbet, Millet, Corot, Daumier) avec en particulier pour la Provence Loubon, Guigou ou Ziem... L’ensemble des deux galeries se présente agréablement au visiteur mais avec quelques points de retenue : un déficit d’informations (panneaux, guide/livret ?), des marques d’ombre sur certaines oeuvres dues à l’éclairage artificiel, ou la pertinence de l’accrochage vertical d’un décor plafonnant, le Ravissement de Sainte Madeleine par Philippe de Champaigne. Une collection ne saurait par ailleurs rester statique et sont attendus les projets de programmation d’évènements et expositions temporaires à venir. Aurat-on par exemple l’occasion de revoir la monumentale La mort de Caïus Gracchus de François Topino-Lebrun (1797-98), mise en perspective avec l’Hommage à Topino-Lebrun peint par Gérard Fromanger en 1975-77, et le Allende Topino Lebrun de Erró ? Marseille saura-t-elle poursuivre une politique ambitieuse ? Elle avait su innover avec le Préau des Accoules destiné au jeune public, qui inspira ensuite l’Atelier des enfants du Centre Georges Pompidou. Marseille a retrouvé son musée. Il s’agit maintenant de le faire vivre et de le situer dans l’offre culturelle du grand sud, face aux autres établissements de Nice à Montpellier et au-delà. CLAUDE LORIN

Musée des Beaux-Arts Palais Longchamp, Marseille 04 91 14 59 18 www.marseille.fr

Les frontières ne sont plus ce que nous nous en représentons. À la compagnie, artistes et chercheurs du projet antiaAtlas des frontières le démontrent dans leurs travaux croisés et pointent l’absurdité des dispositifs de surveillance contemporains. On a pu croire qu’avec la chute du mur de Berlin, les frontières et les systèmes de surveillance pouvaient disparaître en d’autres lieux. Bien au contraire, avancent les participants au programme de réflexion transdisciplinaire sur la question des frontières, emmené par l’IMéRA dès 2011 et concrétisé depuis par différents événements, jusqu’à cette exposition de clôture à la compagnie. Celle-ci, conçue par Isabelle Arvers et Paul-Emmanuel Odin, représente une partie du projet global qu’il faut prolonger à travers le site dédié antiatlas.net et l’ouvrage de synthèse à paraître courant 2014. On privilégie ici la multiplicité des points de vue avec un espace information multimédias et les œuvres, certaines créées pour l’occasion. Drone eat drone, American scream de Ken Rinaldo, s’appuie sur une base d’aspirateur automatique à déclenchements aléatoires contenus dans un cercle de parpaings. Dans son installation vidéo 3D, Field Work@Alsace, Masaki Fujihata interroge les habitants des deux côtés de la frontière franco-allemande ; en écho, Samira de Nicola Maï, met en scène immigration et identité sexuelle. Avec Crossing Industry, Tristan Fraipont et Martin Greffe (atelier Hypermédia de l’école d’Art d’Aix) réimaginent les possibilités de passer jamais un mur sur le mode du jeu vidéo. Un atelier Machinima ainsi que plusieurs rendez-vous complètent la programmation. C.L.

antiAtlas des frontières jusqu’au 1 mars la compagnie, lieu de création, Marseille 04 91 90 04 26 www.la-compagnie.org www.antiatlas.net Drone eat drone, American scream de Ken Rinaldo et photographie de Stephanos Mangriotis, série Europa Inch’Allah © C.Lorin/Zibeline


Fric frac à tous les étages !

L’artiste suisse Éric Hattan est un farceur, un prestidigitateur ou la combinaison des deux. Il est dans tous les cas un habitué de l’inhabituel et du Frac Paca, plébiscité par Pascal Neveux avant même que le bâtiment de Kengo Kuma ne se dresse à la Joliette. Il est là comme le fantôme de l’opéra, laissant de ses errances traces, objets, interventions, éléments insolites qui mettent en éveil notre regard sur l’architecture et le quartier. Interface entre intérieur et extérieur, espace domestique et espace d’exposition, qui démarre dès La cage d’escalier au contenu inattendu : «Des chaussures toutes portées, tient-il à préciser, comme un petit signe pour dire je suis chez moi chez quelqu’un d’autre.» Une fois passé le vestiaire éphémère et l’installation vidéo de télésurveillance (captation de la rue de son atelier parisien), chacun écrira sa propre histoire chez cet hôte de passage… Rien de spectaculaire, tout est dans l’infime. Les murs blancs sont

propices aux trompe-l’œil et aux faux en tous genres : judas voyeur et sa porte condamnée, inversion des portes et du monte-charge, colonnes tronquées mais «vraies sculptures», néons en surnombre, monstrueux lampadaire à tête renversée qui fait entrer la lumière. «C’est un objet qui m’est cher depuis l’enfance car mon père était électricien», confie Éric Hattan comme si sa présence allait de soi ! Ainsi va Habiter l’inhabituel, sorte de «journal d’un usager de l’espace»1, avec son lot de vraies/fausses trappes, de gouttes d’eau tombées du ciel dans des seaux en plastique, de cartels déplacés. Un ensemble d’interventions perturbatrices provoquées par sa découverte d’éléments obligatoires mais trompeurs : la succession de flèches d’issues de secours ne nous font-elles pas tourner en rond ? L’artiste profite de la moindre anicroche pour chambouler le parcours jusqu’à l’étage supérieur en proposant plusieurs configurations. Selon les choix

63 Exposition Eric Hattan au Frac, 2014. Au premier plan Main courante, au second plan (Sans) tambour (ni trompette) © MGG-Zibeline

opérés, la déambulation incite à passer devant une installation (des étais soutiennent, non pas le plafond, mais un matelas) ou directement vers un hangar à outils en tôle transformé en salle vidéo. En guise d’épilogue, une ribambelle de rideaux de douche plastifiés dissimule une installation aléatoire qui «joue avec les baies vitrées, la cour extérieure et les habitants tout près» : Beyroots, acquise par le Frac en 2011, constituée de 23 chaises lestées par un bloc de béton de Beyrouth «pour lui donner ses racines, un certain poids». Fusse-t-il symbolique.

Car derrière son esprit fantaisiste et provocateur, Éric Hattan s’interroge sur notre familiarité au monde. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Extrait du feuillet mobile «Prière d’insérer», Espèces d’espaces, Georges Perec, 1974 1

Habiter l’inhabituel jusqu’au 4 mai Nocturnes les 14 février, 14 mars et 11 avril jusqu’à 21 h Frac, Marseille 2e 04 91 91 30 47 www.fracpaca.org

Après l’orage, l’éclaircie ? L’embellie serait-elle annonciatrice d’es- ring, construite sans vis ni clous selon les pérance, de renouveau, de légèreté ? Oui normes antisismiques de l’habitat japonais ? si l’on en croit Martine Robin, directrice Peut-être en transformant un lieu de lutte de la Galerie du château de Servières et et de violence en nid protecteur, grâce à des commissaire de l’exposition qui suggère «de couleurs douces et à huit tatamis symboles de l’espace idéal japonais… Mais rien n’est larguer les amarres pour aller vers le meilleur». Et déplore : «On parle toujours d’embellie économique ou financière mais jamais d’embellie artistique, une dimension esthétique jamais employée dans le milieu de l’art.» D’où son envie de donner cette réflexion en partage à Camille Lorin, Claire Dantzer, Koki Watanabe et John Deneuve. Gare à l’accalmie qui suit la tempête, elle peut être de courte durée, voire encore à venir… Koki Watanabe et Camille Lorin puisent dans les tragédies contemporaines pour espérer entrevoir un avenir radieux. Round O de Koki Watanabe résonne Good map, Big map, 2014, dessin découpé, feuilles A4 découpées © Koki Watanabe doublement à notre mémoire : 2001, les tours newyorkaises s’effondrent ; simple et le Japon est une blessure à ciel 2011, la catastrophe de Fukushima succède ouvert : la cartographie murale Good map, au typhon n°8 au nord du Japon. Comment Big map juxtapose un puzzle de feuilles survivre aux caprices de la nature et aux découpées, percé d’une prise électrique dangers nucléaires, s’interroge l’artiste aussi dangereuse que Fukushima ! À eux dans cette œuvre aux dimensions d’un seuls les titres de la suite photographique de

Camille Lorin, Les migrants et Les naufragés, tiennent lieu de discours et de dénonciation d’une vie meilleure illusoire à travers la théâtralisation de la scène (comédiens embarqués dans un pointu à Boduc), le travail au cordeau des flous, des couleurs, du détail. Contrairement à eux, s’échapper vers des jours heureux est possible avec Claire Dantzer et John Deneuve. L’une «sculpte» des prismes de verre remplis d’eau irradiant de lumière et d’éclats chatoyants, tel un arcen-ciel prometteur ; l’autre prend la poudre d’escampette à bord d’un vaisseau Timbortonien. Une luge combinée à une carcasse de vélo, surmontée d’une selle en cuir et son klaxon prêt à donner le top départ ! Pas de ticket ni de réservation, embarquer dans sa Fantasy est un leurre de plus… M.G.-G.

L’embellie jusqu’au 8 mars Galerie du château de Servières, Marseille 4e 04 91 85 42 78 www.chateaudeservieres.org

A U P R O G R A M M E A R T S V I S U E L S


L’art contemporain

au cœur de la Renaissance

L’installation de Dominique Angel dans le lobby de l’Hôtel Renaissance, Aix © X-D.R

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Le groupe Marriott a choisi l’art contemporain comme ambassadeur de son nouvel établissement de luxe sis dans le triangle d’or aixois. Là où l’on craignait une anecdote décorative est en réalité l’aboutissement d’un parti pris artistique : celui d’Isabelle Viatte (agence marseillaise Via Crea) mandatée par Christian Carassou-Maillan, président de l’Hôtel Renaissance et du Fonds de dotation privé créé pour l’occasion. Soit 200 000 euros pour acquérir ou passer commande d’une quarantaine d’œuvres à 15 artistes du grand sud. Dans ce bâtiment conçu par les architectes marseillais Claude Sabin Nadjari et Rémy Saada, et décoré par Julie Fuillet (agence From Here To There Studio), Isabelle Viatte a imaginé un parcours éclectique mais cohérent. Sas d’entrée, salles de réunion, espaces de restauration confiés au chef Jean-Marc Banzo, salle des Pas Perdus et même spa, là où cela fait sens, l’art est à l’œuvre. Et plus particulièrement «le dessin contemporain source d’inspirations multiformes». Dessins originaux de Karine Rougier et série de lithographies pour signaliser les 133 chambres et suites, sculpture de

Dominique Angel, peinture murale de Julie Dawid dans le Lobby bar L’Avant scène… Sculpture d’Emmanuelle Lainé (soutenue par Le Cartel), en guise d’introduction à la brasserie dont les murs sont ponctués de pièces graphiques d’Antonin Heck, portraits d’objets de Jérémie Delhome dans le business corner et autres créations originales de Luc Dubost, Vincent Olinet, des graffers Sueno, Kid Kreol & Boogie repérés au Marbour Events 2013. Loin d’être immuable, «le parcours s’annonce en mouvement» car la collection est appelée à se développer et à circuler dans la chaine hôtelière, voire au-delà, et à donner lieu à des rendez-vous réguliers (diners avec les artistes, visites privées, expositions de dessins en collaboration avec le Frac, présentation d’extraits chorégraphiques par le Ballet Preljocaj). D’autres encore participent à l’aventure : le Cirva, partenaire de l’acquisition de la pièce de Dominique Angel, et l’École d’art d’Aix, certains élèves ayant travaillé de concert avec Piotr Klemensiewicz et Giuseppe Caccavale qui signe une «fresque» monumentale inspirée par Cézanne et Rilke. Cet ancrage régional permet à l’art d’être plus qu’une cerise sur le gâteau car, si l’enjeu est économique, il est évidemment artistique. M.G.-G.

Renaissance Hôtel, Aix-en-Provence www.marriott.com

Mémoire du Panier : 1943-2013 Il y a 70 ans la rive nord du quartier du Panier a été rasée, ses habitants expulsés une valise à la main, comme des malfaiteurs. Ordre de l’armée allemande pour purifier le quartier, avec l’aide active de la police française... Entre le 22 et le 24 janvier, 25 000 habitants sont déplacés dans les villages proches comme Allauch et Roquevaire, hommes et femmes séparés ; beaucoup y sont restés, d’autres, juifs ou résistants, républicains espagnols ou apatrides, ont été déportés. Le projet Quartiers libres et la Coordination Patrimoines et Créations, en association avec la mairie de 2e secteur, a engagé le projet Tabula rasa, un atelier d’Euroméditerranée avec Susanne Fabrizio © Cristina Lucas

l’écrivain Dominique Cier et la plasticienne espagnole Cristina Lucas. Le projet a consisté à recueillir les témoignages des habitants du quartier, à réveiller les mémoires des témoins encore vivants et de leurs descendants. Pour l’écrivain, il a fallu aider à la restitution des souvenirs, à leur formulation. Pour la plasticienne, capter la parole au plus près et sans artifice, la restituer en un dispositif fixe de quatre écrans vidéo. Quatre générations s’adressent à nous, droit dans les yeux, en plan américain. Que reste-t-il de cette histoire pour la dernière, l’adolescente ? Pourquoi sait-elle si peu de choses ? La volonté d’oublier de la part des anciens ? Cristian Camizuli © Cristina Lucas

Le travail du temps et le détachement de la jeunesse ? A-t-on fait table rase pour la seconde fois ? CHRIS BOURGUE

Marseille 1943 jusqu’au 17 février Forum du MuCEM, Marseille www.mucem.org

À noter Lecture collective des textes de Dominique Cier le 16 février

Christelle © Cristina Lucas

Evelyne Charro © Cristina Lucas


Djamel Tatah, autoportrait à la stèle, 1990, huile et cire sur toile et bois, 200x700 cm (3 panneaux), collection Musées de Montbéliard © Thierry Crombet-Djamel Tatah, Adagp Paris 2013

Humains en paysage Sous l’impulsion d’Olivier Kaeppelin, son directeur Représenté tête renversée, visage caché, dos au depuis 2011, la Fondation Maeght renoue (enfin !) mur, yeux mi-clos, l’homme se détache de l’espace avec ses grandes expositions consacrées aux rationalisé jusqu’à l’abstraction, corps-paysage artistes vivants. Aujourd’hui Djamel Tatah, figure annonciateur d’un autre futur : «Nous allons tous de proue de la représentation de la figure humaine revenir à la nature» murmure Djamel Tatah. en peinture dont l’œuvre est aussi silencieuse que radicale Alger, Lyon, Marseille… À l’aube de son cinquantenaire qu’elle fêtera sur la Depuis ses premiers tableaux de 1992, ses autoporcolline de Saint-Paul-de-Vence et hors les murs, traits, jusqu’à ses travaux récents qui créent le lien la Fondation Marguerite et Aimé Maeght fait la entre les deux rives de la Méditerranée, son œuvre part belle à un artiste qui entretient des relations tout entière est empreinte de son passé personnel, fortes avec sa propre histoire, partagée entre la familial et de ses années de formation. D’abord à France où il est né et l’Algérie de ses parents, et Lyon dans les années 80 où il fréquente le musée l’histoire de l’art qu’il des Beaux-arts, digère à sa manière. les théâtres et les En revendiquant une salles de concerts nouvelle pensée de la -en compagnie de figure humaine immerRachid Taha-, puis gée dans des fonds à Saint-Étienne où monochromes aux il suit l’École des profondeurs abyssales, beaux-arts et à placée exactement à Marseille où il hauteur d’homme, participe à l’avensans ligne d’horizon. ture de La ComCar «c’est ce rapport pagnie, jusqu’aux miroir» qu’entretient le environs de Paris spectateur avec la toile où il réside depuis Maeght, vue du Jardin de sculptures © Roland Michaud, Archives Fondation Maeghtqui intéresse le peintre, Fondation 1997. Sans oublier Successió Miró, Calder Foundation New York, Adagp Paris 2013 comme s’il devenait ses allers et «acteur du tableau dont il serait partie prenante». retours en Algérie qui laissent des traces, comme Quand il fait face à des visages qui ne lui sont pas dans cette série de vingt et une figures réalisées étrangers mais auxquels il ne peut s’identifier entre 2003 et 2005 exposée intégralement dans totalement (comme dans les portraits de Giacometti Ici, Ailleurs à la Tour Panorama en janvier 2013 ! ou de Bacon) ; face à des silhouettes solitaires ou dupliquées à l’infini ou amoncelées jusqu’à l’informe … et Saint-Paul-de-Vence (clin d’œil au Radeau de la méduse de Géricault) ; La monographie de Djamel Tatah clôt le cycle sur face à des corps ancrés lourdement dans le sol la question de l’identité humaine dans son rapport ou flottant dans les nimbes, souvent hors cadre, à la personne et à l’animal. Commencera dès aux activités primaires : dormir, rêver, s’asseoir, avril un programme d’expositions patrimoniales, penser, marcher. Quand il est saisi d’effroi par architecturales et historiques consacrées aux les visages blafards, comme ceux du Gréco… La années 1964-2014 qui furent riches et fécondes ! volonté de Djamel Tatah de «représenter l’humain Naissance de la fondation, balbutiements, premières sans faire de portrait tout en représentant l’homme acquisitions, projets avortés, amitiés artistiques d’aujourd’hui», comme «d’affirmer la présence de l’être et humaines, travaux de commande, œuvres au monde sans condition sociale et sans identification inédites réalisées par les artistes «comme des culturelle», place la question de la condition et de chemins de traverse», jamais montrées… Bref, une l’identité humaine au cœur de sa réflexion. Et de manière pour la Fondation Maeght de construire ses recherches plastiques, qui le conduisent à son avenir sur un passé glorieux. «fréquenter» tout autant les enluminures persanes, MARIE GODFRIN-GUIDICELLI les miniatures et la photographie du XXe siècle.

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À voir Djamel Tatah - monographie jusqu’au 16 mars Fondation Maeght, Saint-Paul de-Vence 04 93 32 81 63 www.fondation-maeght.com À lire Djamel Tatah Textes d’Éric de Chassey, Mustapha Orif & Mofammed Djehiche, Olivier Kaeppelin, Ashok Adicéam, Caroline Archat Coédition Fondation Maeght et Musée public national d’art moderne et contemporain d’Alger, 26 euros À venir Site, nature, lumière : Josep Lluis Sert et la connaissance de la Fondation Maeght du 5 avril au 9 juin 1964-2014 : cinquante ans de chefs-d’œuvre à la Fondation Maeght du 28 juin au 11 novembre Tableaux pour un art sous toutes ses formes : musique, danse, arts visuels et écriture du 29 novembre à mars 2015 En résonance avec le 50e anniversaire, expositions au Musée Picasso-Antibes, Mamac-Nice, Musée national Chagall-Nice, Musée national Fernand Léger-Biot, Musée Magnelli-Vallauris Golfe Juan et Domaine de Kerguéhennec dans le Morbihan

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14e SIAC

Comme tous les salons, le 14e SIAC ressemble à un kaléidoscope de couleurs et de matières, de styles et de techniques, d’inspirations et de sensations à travers la présentation des œuvres de 150 artistes ! C’est aussi le lieu de toutes les rencontres entre le monde de l’art et les amateurs qui découvrent des pièces uniques, voire inédites. M.G.-G. du 14 au 17 mars Parc Chanot, Marseille www.siac-marseille.com

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© Callegari

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Jean-Pierre Nadau

Il faut beaucoup de temps pour regarder en profondeur les dessins à l’encre de chine de Jean-Pierre Nadau, aux entrelacs labyrinthique de lignes, d’aplats, de signes et de formes. C’est ce qui nous plaît, justement, déchiffrer son écriture singulière, ses rébus aléatoires, ses plans symétriques, ses constructions fantastiques ; se perdre dans les lacis aux mailles serrées et aux titres surréalistes : Excitation dans l’empire nécrophore… De grands formats seront exposés simultanément au Dernier cri à l’occasion de la parution de l’ouvrage Tire-bouchon (200 exemplaires). M.G.-G. du 14 février au 18 mars Galerie Polysémie, Marseille 2e 04 91 19 80 52 www.polysemie.com et du 14 février au 14 mars Le dernier ci, Marseille 3e 04 95 04 96 49 www.lederniercri.org

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© Jean-Pierre Nadau, encre de chine sur papier

Régis Perray

Attention, chantier en cours ! Carreaux posés au sol, cartons d’emballage, rouleaux de papiers peints… Régis Perray est de retour à la galerie Gouvernec Ogor avec deux collections entremêlées : Papiers peints poncés (PPP) et Les Ponsées, les deux relevant de sa réflexion sur l’habitat et son apparat intérieur. Quand l’artiste altère les matériaux du quotidien par son geste répétitif, le ponçage devient caresse. M.G.-G. Les Ponsées du 14 février au 5 avril Galerie Gourvennec Ogor, Marseille 2 e 04 81 45 23 80 www.galeriego.com

Vue de l’exposition Replay, galerie Porte-Avion, 2013 © X-D.R Les Ponsées © Régis Perray

Replay, séquence 1

Et si la réalité devenait un leurre et le quotidien une fiction ? Et si les déchets organiques et minéraux accédaient au statut d’œuvre à l’instar de la vacuité ? Autant de questionnements intrinsèques aux œuvres de Georges Autard, Béatrice Cussol, Antonio Gagliardi, Brian Mura, Serge III Oldenbourg, Jean Luc Parant et Lionel Sabatté qui «détournent, d’une manière ou d’une autre, les codes établis, qu’ils soient sociétaux ou artistiques». M.G.-G. jusqu’au 15 mars Galerie Porte-Avion, Marseille 4e 04 91 33 52 00 www.galerieporteavion.org


Partager les murs

Habitués des galeries marseillaises (Servières, Fondation Vacances bleues…), de la foire Art-O-Rama ou du circuit Voyons voir art contemporain, quatre jeunes artistes se partagent les murs de l’artothèque en vue d’un dialogue inédit : Jérémie Delhome (peintures et dessins «difficiles à voir» et «difficiles à définir»), Caroline Le Méhauté (œuvres issues de sa résidence au Block T à Dublin, dont Négociation 66, Extended fields fait de tourbe ramassée sur le mont Ben Bulben…), Pascal Navarro et Pascal Vochelet. M.G.-G.

© Jérémie Delhome

Image cube sonore de Caroline Le Méhauté avec Marc Crosmini © X-D.R

jusqu’au 20 février Artothèque Antonin Artaud, Marseille 13e 04 91 06 38 05 www.artothequeantoninartaud.fr

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Visages, Picasso, Magritte, Warhol... du 21 février au 22 juin Centre de la Vieille Charité, Marseille 04 91 14 58 80 www.marseille.fr

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Après Le Grand Atelier du Midi, ce sera l’événement des musées de Marseille en coproduction avec la Réunion des Musées Nationaux. 80 artistes et 150 œuvres, peintures, sculptures, photographies représentant les courants artistiques majeurs du début du XXe siècle à aujourd’hui sur le thème du visage. Bacon, Segal, Mc Carty, Schlemmer, Basquiat, Barbier, Desgrandschamps, Belin... Et une sélection au musée d’Archéologie méditerranéenne et au MAAOA. C.L.

Gilles Barbier, Emmental Head, 2003 © coll.priv. Courtesy Galerie G.-P.&N. Vallois, Paris/Photo Serge Veignant/Adagp, Paris 2014

Rudi Ricciotti

Première exposition monographique consacrée à Rudi Ricciotti, produite par la Cité de l’architecture & du patrimoine et présentée par la Maison de l’Architecture et de la Ville PACA. Le parcours met en évidence les recherches techniques originales sur le béton avec la présentation à l’échelle 1 des éléments de construction, moules de production, conçus notamment pour le MuCEM, présentation d’une trentaine de projets, film/ portrait L’Orchidoclaste de Lætitia Masson et jeu de piste/découverte en famille en week-end. C.L.

Rudi Ricciotti, Ecole Internationale, ITER, Manosque (2007-2010) © Lisa Ricciotti

Ricciotti Architecte du 15 février au 18 mai Friche de la Belle de Mai, Marseille 04 96 12 24 13 www/lafriche.org www.ma-lereseau.org/paca/ Fernand Léger, Contrastes, 1959, lithographie © Adagp, Paris, 2014

Bibliophile

Bien qu’elle se soit toujours retranchée derrière son œuvre à laquelle elle n’a pas voulu relier son nom, Anne Gruner Schlumberger a été une visionnaire de l’art. Quelques-uns des livres d’artistes collectionnés par cette amie des peintres et des sculpteurs invités dans son domaine, Les Treilles, sont montrés pour la première fois. Ernst, Picasso, Léger, Tanning... côtoient Eluard, Cendrars, Tardieu ou Lucien de Samosate... A.L. Trésors cachés d’une bibliothèque du 7 mars au 1 juin Galerie d’Art du Conseil général des Bouches-du-Rhône, Aix-en-Provence 04 13 31 50 70 www.cg13.fr

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Amazonies

«Beaucoup plus que partout ailleurs au monde, au Brésil le paradis est un leurre, une image poétique, un sale cliché usagé.» Les écrits de Cendrars (et Michaux) dans ses bagages et tout juste diplômé de l’ENSP d’Arles, Edwin Fauthoux-Kresser est allé photographier l’Amazonie. Il interroge avec lucidité la validité des images, leur capacité à véhiculer du mythe plus tenace que la réalité elle-même, pour faire quelle photo ? C.L. Recueil amazonien du 12 février au 8 mars Galerie Espace pour l’art, Arles 04 90 97 23 95 www.espacepourlart.com

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Féminisme(s)

Sous le commissariat de Clémentine Feuillet (galerie Joseph Antonin), 19 artistes internationaux explorent la diversité des féminismes selon sept approches : imaginaire, intimité, fictions, queer/gender, mémoire(s), autobiographie, enfance... avec entre autres Veru Iche, Olga Iwogo, Abbas Kiarostami, Mélanie Fontaine, Veronika Marquez, Katharine Cooper, Lynn SK, Bernard Plossu, Marie Goussé... photos, vidéo, installations, performances, concert de Lola Lafon et rencontre-dédicace chez Actes Sud ainsi qu’Emilie Jouvet pour son dernier livre ; programmation complète sur le blog dédié. Vernissage samedi 1 mars à 18h30. C.L. du 1er au 29 mars Chapelle Sainte Anne, Arles http://feminismesarles2014.blogspot.com

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Marie Goussé, La robe de pêcheuse, 2008 © Marie Goussé

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© Edwin Fauthoux-Kresser

Gérard Alary & Ernst Günter Herrmann

D’un côté la peinture théâtralement crépusculaire de Gérard Alary exprimant la vie et la mort des anonymes, de l’autre les sculptures aériennes de Ernst Günter Herrmann ; d’un côté la densité fiévreuse de la matière, peinture à l’huile et acrylique, de l’autre le mariage paradoxal de la monumentalité et du minimalisme. Une manière de faire se côtoyer le noir et l’invisible… M.G.-G.

© Ernst Günter Herrmann

Echirolles, 150 x 150 cm © Alary

Le Noir et l’invisible du 4 avril au 4 mai Galerie 22, Coustellet 04 90 71 85 06 www.galerie22contemporain.com

Sentiments d’art

En 2014, le CAC d’Istres prend La Vague des sentiments : workshops tous publics de Thibault Franc et Harald Fernagu, embrasements sous le soufre rose feu préparé par Dominique Castell du 8 mars au 31 mai, vidéo et wallpainting de Heidi Sill jusqu’en juillet, Clara Scherrer, Pascal Navarro, Fanny Durand en invitée, et une installation unique et éphémère de Sylvie de Paris jusqu’en janvier 2015... C.L. Centre d’art intercommunal d’art contemporain, Istres 04 42 55 17 10 www.ouestprovence.fr

© Dominique Castell



Cour des miracles

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En Colombie, au centre de Bogota, El Cartucho «est un coupe-gorge où pourrissent des voleurs, des mendiants, des toxicomanes, dans un magma de puanteur et d’immeubles en ruine». Le plus important d’Amérique du Sud. Ultra violent aussi. Dès son introduction au livre de Stanislas Guigui, Michel Philippot nous en avertit. Au lieu de rendre compte du contexte sordide -brièvement évoqué par deux clichés en noir et blanc-, le photographe qui a vécu plusieurs années dans cette cour des miracles, a préféré le parti de l’empathie du portrait. 90 hommes, femmes, des enfants aussi, se sont laissés photographier selon un dispositif identique, individuellement, à distance respectueuse, dos à un mur de briques blanchies et défraîchies. Chacun pause, portrait en pied comme pour conserver la dignité qui lui reste, malgré l’indigence, sans dramaturgie

ni pathos. On ne sait rien d’eux, si ce n’est qu’en ce qu’ils sont devant nous, si ce ne sont le cireur de chaussures et, en fin d’ouvrage, la reprise en vignettes des portraits soulignés de leur pseudonyme. François Cheval remarque pourtant : «... Ils ne diffèrent en rien. Effet de mimétisme de la misère, ils sont interchangeables.» «Ils n’ont rien, alors ils donnent ce qu’ils ont, leur image.» Dans ce casting d’infortunes, la photographie semble chercher obstinément de quelles étoffes sont faits ces hommes et ces femmes. L’unique duo, un couple, s’embrasse. Dans les tréfonds de nos sociétés, même les misérables tentent encore de s’aimer. Ce travail a reçu plusieurs récompenses, à PhotoEspaňa en 2006 et par l’UNICEF en 2008. CLAUDE LORIN

Atras del Muro Stanislas Guigui Images Plurielles Editions, 38 euros

Marseille en chantiers

Avec le gigantesque chantier Euroméditerranée, Marseille a entrepris la plus grande opération de rénovation urbaine depuis le projet de la Défense à Paris dans les années 70. Jérôme Cabanel a suivi l’évolution de ces grands travaux, pendant plus de dix ans, des quais de la Joliette à la Belle-de-Mai. Le photographe marseillais a tourné son objectif vers les forces de travail, ouvriers anonymes, pour un hommage à de «...vraies gens […] Ils sont tous musclés, ce sont des mâles», s’enflamme Rudi Ricciotti dans un texte peu orthodoxe et parfois cru, contrastant avec la préface plus mesurée de Robert Guédiguian, collaborateur par ailleurs du photographe. Tour CMA CGM en arrière-plan, émergence du MuCEM, tunnel Saint-Charles, Bibliothèque Municipale à Vocation Régionale... les 92 clichés en noir et blanc composent un rapprochement

de commandes institutionnelles d’entreprise avec un regard plus personnel, documentaire et artistique. Le grain des images, par les jeux de contraste et graphiques, fait écho à la rugosité du labeur mis en valeur pleine page. Dans la tradition photo humaniste et sociale (Marc Riboud, Robert Doisneau...), l’individu fait corps avec son environnement de travail, au point ici d’en parfois presque disparaître. Une dernière section est plus informative, avec la reprise des portraits en vignettes commentées, les plans des sites, un lexique des termes du bâtiment employés. BFUP, radier ou technique de la taupe seront plus familiers au lecteur pour porter un regard renouvelé sur le monde des bâtisseurs. C.L.

Les bâtisseurs Jérôme Cabanel Textes Robert Guédidian, Rudi Ricciotti Éditions Intervalles, 34 euros

Chasseuse d’astres

Nous rendons compte régulièrement dans nos colonnes de la passionnante collection Phares des éditions Seven Doc. Doublement méritante. En mettant à portée de bourse (coffret DVD + livret pour un peu plus de deux paquets de cigarettes) la nébuleuse surréaliste, représentée par des artistes en partie peu connus, et en accordant une présence toute particulière aux femmes : Jacqueline Lamba, Leonora Carrington, Alice Rahon, bientôt Dorothea Tanning et Claude Cahun. Moins connue que Frida Khalo, Remedios Varo (1908-1963), compte parmi les artistes mexicaines majeures dans l’art du XXe siècle, à l’instar de son amie Leonora Carrington. L’approche du réalisateur Tufic Makhlouf Akl rend compte en grande simplicité de l’œuvre grandement autobiographique de cette artiste d’origine espagnole qui, comme bien d’autres, trouva refuge au Mexique poussée par les tragédies du siècle dernier. Confirmant la qualité informative

et iconographique de la collection, l’auteur met en avant les œuvres imbriquées dans la biographie complexe de l’artiste, scrute par le truchement d’animations un univers nourri de Jérôme Bosch, Goya ou Giotto, où s’interpénètrent symbolisme, alchimie, ésotérisme, astrologie, science moderne, la figure humaine bien souvent comme autant d’autoportraits. L’œuvre de Remedios Varo est éclairée par nombre de témoignages de ses proches et d’analyses d’historiens, critiques, philosophes, du psychanalyste Ricardo Diaz Conty (dans un des deux bonus) et a su influencer divers créateurs, telle l’écrivaine cubaine Zoé Valdès. Remedios Varo ne conçut qu’une seule sculpture, Homo Rodans (1959), en os de volaille et arêtes de poisson, qui n’a rien à envier aux assemblages de ses coreligionnaires surréalistes. Le sous-titrage en français ou en anglais rend cependant moins aisée la lecture du DVD réalisé en espagnol. CLAUDE LORIN

Remedios Varo, mystère et révélation Tufic Makhlouf Akl coffret DVD + livret Seven Doc éditions, 23 euros


La nature en ville Dernier né de la collection «la ville en train de se faire» aux Éditions Parenthèses, Jardins en ville villes en jardin est une somme, une petite bible qui répondra à toutes vos questions relatives aux dimensions politiques, écologiques, sociales et économiques du jardinage en milieu urbain. Ouvrage collectif sous la direction de Jean-Jacques Terrin, il brosse le portrait diversifié d’une évolution irrésistible à l’échelle mondiale : sous l’effet de la crise, des enjeux environnementaux et des mouvements de population, la ville renoue avec ce qui pousse. Des guerilleros verts new yorkais

aux architectes paysagistes, des municipalités petites ou grandes aux simples citoyens de la vieille Europe, en passant par les habitants des slums à Manille ou Lagos, de plus en plus voient dans le développement de l’agriculture urbaine des avantages incommensurables : indépendance alimentaire, relocalisation des productions, assainissement des zones insalubres, amélioration de la qualité de l’air, réduction des phénomènes type îlots de chaleur, création de «corridors biologiques»... voire baisse de la criminalité selon certaines études. Détaillant les multiples

initiatives nées en Europe, ce livre vous donnera irrésistiblement envie de mettre les doigts dans la terre. GAËLLE CLOAREC Jardins en ville villes en jardin Sous la direction de Jean-Jacques Terrin Parenthèses, 22 euros

Catherine Melin, un point c’est tout Vidéochroniques présentait en 2010 un état de la recherche de Catherine Melin (Zib’37), une exposition comme un Point d’appui selon Cédric Loire, co-auteur avec Jean-Christophe Bailly des textes de la monographie éditée par Analogues à Arles. Si l’on y retrouve quelques vues de l’exposition à Marseille, l’ouvrage est augmenté d’autres points d’appui à l’étranger : au Centre national d’art contemporain d’Ekaterinbourg en Russie en 2010, où elle re-présentait sa série photographique Montagnes russes, et à la Thousand Plateaus Art Gallery à Chengdu en Chine, en 2013, où elle exposait ses derniers travaux Périphériques et tangentes. Le livre rend parfaitement compte de son terrain d’expérimentation («les interstices des paysages urbains et les mouvements des corps dans la ville») et de l’amplitude technique

de ses recherches, car il balaye une multitude d’œuvres et de situations : images tirées de ses captations vidéo ou de ses films, photographies de repérages et d’esquisses, dessins sur papier et dessins muraux, installations et structures tridimensionnelles. En étant plus attentif encore, on remarque le changement de grammage des pages consacrées aux photos prises dans l’espace public russe et chinois… Autre subtilité éditoriale efficace, les codes couleur choisis pour Une aération du monde de J.-C Bailly et Une traversée de C. Loire, en jaune pour la version française et en vert pour la version anglaise. Le premier entend «l’espace visité par Catherine Melin» comme une partition musicale et sonore ; le second examine à la loupe son corpus ancré dans une réflexion autour du bâti, du jeu, du

Paru en 1920, le roman de Jean Bernier, La Percée, est réédité cette année aux éditions Agone. Certes, on pourrait souligner la date anniversaire, mais il faut saluer la reprise d’un ouvrage qui reçut le prix «Clarté» en 1920 mais eut peu de lecteurs. Soit, lorsqu’à la première page on tombe sur un «ciel, où roulaient des nuées aux hanches de sirènes», on craint le pire ! On aurait tort de s’arrêter à cette première impression, l’ouvrage qui s’appuie sur le vécu de son auteur, rend compte avec une belle justesse de la première guerre mondiale, analyse avec intelligence les différentes facettes, entre l’horreur des tranchées et la perception du front lorsque l’on est à l’arrière, confrontant ces deux mondes lors de la

permission du protagoniste, Jean Favigny, «fils de bourgeois», «pétri par l’enseignement officiel qui baille en racontant Colbert (…) mais rutile au récit des guerres ancestrales». «Cette grande foire aux vanités» laisse voir son vrai visage, la boue, le froid, la mort, les blessés… mais aussi (est-ce pour cela que ce roman a eu si peu de presse), le manque de préparation, l’incurie de l’intendance française, pas de fils de fer, pas de fusées, pas de mitrailleuses, alors que tous ces matériels abondent du côté allemand… au fil du roman, le style prend de l’assurance. Bouleversante dernière nuit avant l’assaut, chapitre IV, Le sacrifice, et auparavant, après le long extrait du journal du jeune homme, véritable nuit du

Mourir pour rien

Manifeste pacifiste Écrivain et journaliste hongrois, Andreas Latzko (1876-1943), blessé au cours de la 1ère guerre mondiale, publie en 1917, sans le signer le recueil de nouvelles Hommes en guerre. Immédiatement salué par les mouvements pacifistes, Romain Rolland en rédige la préface et le présente sous le titre L’homme de douleur, plaçant son auteur «au premier rang des témoins qui ont laissé le récit véridique de la Passion de l’Homme, en l’an de disgrâce 1914» : «celui qui écrivit ce livre sort à peine de l’enfer ; il halète ; ses visions le poursuivent, il porte incrustée en lui la griffe de la douleur.» Paradoxe : cette œuvre si forte est méconnue, elle fut même interdite en Hongrie. Le texte

ne connut de nouvelle publication en France qu’en 2000. La nouvelle édition chez Agone est augmentée d’une présentation d’Héléna Autexier, d’un témoignage de Romain Rolland, d’un avant-propos d’Henri Barbusse, d’une postface de Marcel Martinet et d’une lettre de Latzko adressée à Henry Poulaille, Où sont ceux qui n’oublient pas ? Les six nouvelles du volume s’orchestrent entre Le départ et Le retour, encadrant Le vainqueur, triomphe du général profiteur d’une guerre qui lui apporte la gloire sans danger ! Les horreurs du front, l’atroce ironie de la mort, le tableau de l’arrière, tout est peint par une plume juste, acérée, animée de la force

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travail, de la «traversée» du monde.

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Lancement du catalogue et rencontre avec Catherine Melin le 26 février à 19h, librairie Histoire de l’œil, Marseille 6e Catherine Melin, Point d’appui Textes JeanChristophe Bailly et Cédric Loire Analogues, 28 euros

jardin des oliviers. Le mot de la fin ? Un cri où toute conscience humaine se dissout, c’est ce qu’il faut sacrifier pour la guerre ! MARYVONNE COLOMBANI

La Percée, Roman d’un fantassin 1914-1915 Jean Bernier Agone, 18 euros

de l’indignation, de la douleur. Comme l’un de ses personnages, Laztko «écrit inlassablement» dénonçant «les pourvoyeurs d’hécatombes», ceux qui «planifient le massacre de leurs propres enfants». À méditer ! M.C. Hommes en guerre Andréas Laztko Agone,16 euros

P L OI V L RI ET SI Q U E C U L T U R E L L E


Un territoire, des fictions

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Durant toute l’année 2013, Marseille et la Provence ont accueilli quatorze auteurs en résidence, afin de «mettre en littérature» le territoire. Quatorze auteurs qui se sont prêtés au jeu du feuilleton. Le principe était simple : écrire, à partir du lieu de leur résidence, une histoire en quatre (exceptionnellement cinq) épisodes. Chacun des épisodes de ces Mystères de la capitale était publié le vendredi dans La Marseillaise. À l’issue de chaque résidence, des rencontres publiques étaient organisées (dont Zibeline s’est régulièrement fait l’écho). En ce début d’année 2014, passée l’année Capitale, Le Roman-feuilleton, témoin de cette expérience originale, vient de paraître. Cet ouvrage élégamment mis en page, ponctué par les photographies insolites de Renaud Marco,

rassemble les douze fictions imaginées par les résidents. Diversité des lieux : de Marseille à Cassis, d’Aubagne à Salon, d’Aix à Silvacane, en passant par Istres ou Arles… Diversité des formes aussi : chroniques, échanges électroniques, nouvelles, BD… Diversité surtout des regards et des styles. On peut choisir de partager la ferveur footeuse de l’incroyable duo imaginé par Maylis de Kerangal (en résidence au centre d’entraînement de l’OM), de se laisser couler dans les eaux glacées du canal de Craponne (et dans la nostalgie) avec Claudine Galéa, de vivre une nuit en cinémascope dans le La Ciotat halluciné de Serge Joncour, de remonter le temps en compagnie des sanguinaires mercenaires médiévaux de Christian Garcin ou de La petite

brune aux cheveux blonds d’Axl Cendres… Qu’on le lise d’un trait ou à petites goulées, n’importe. Ce Roman-feuilleton réinvente avec bonheur un territoire connu. Mieux, il le réenchante. FRED ROBERT

Le Roman-feuilleton Les Mystères de la capitale, Marseille et le territoire Le bec en l’air, 12 euros

Un coup de pied à la lune «C’est cette phrase-là à la une d’un quotidien français, commentant Nadia Comaneci aux J.O. de Moscou, qui m’a décidée à écrire ce roman : La petite fille s’est muée en femme, verdict : la magie est tombée. Ce roman est, peut-être, un hommage à celle-là, qui, d’un coup de pied à la lune, a ravagé le chemin rétréci qu’on réserve aux petites filles, ces petites filles de l’été 1976 qui, grâce à elle, ont rêvé de s’élancer dans le vide, les abdos serrés et la peau nue.» Le quatrième roman de l’écrivaine et musicienne Lola Lafon fait toujours une large place à la question des femmes, en suivant cette fois-ci le rude itinéraire d’une jeune fille célèbre, la «petite fée communiste» qui révolutionna la gymnastique dans les années 1980. Les dates, lieux et événements du parcours mythique de Nadia C. sont respectés, de son premier exploit à Montréal en 1976, lorsqu’elle «détraque» l’ordinateur-chronomètre (personne n’avait encore jamais obtenu 10 dans cette discipline),

à sa fuite à l’Ouest en 1989 juste avant la chute de Ceausescu. Ce roman est pourtant loin de se résumer à la reconstitution historique de la vie de la gymnaste roumaine prodige. L’auteur a en effet pris le parti de «remplir les silences de l’histoire et ceux de l’héroïne et de garder la trace des multiples hypothèses et versions d’un monde évanoui» comme elle le précise dans l’avant-propos. Cela donne une fiction qu’on ne lâche pas, fondée sur un dialogue imaginé entre la narratrice et l’héroïne. Deux voix principales, et d’autres encore, dans une polyphonie qui retrace avec finesse les enjeux de l’ère déjà lointaine du bloc Est/Ouest et met à mal bon nombre de clichés. Une façon intelligente de revoir l’histoire du XXe siècle, une critique à peine voilée (et salutaire) de l’anticommunisme primaire ; une vraie réflexion sur le corps des filles et sur le regard qu’on lui porte. F.R.

Si Giono était un continent... ?

La revue annuelle Giono N°7 vient de sortir. Elle relate l’état des recherches sur l’oeuvre et consacre sa plus grande partie aux traductions américaines des romans de Giono et de la traduction qu’il a faite de Moby Dick d’Herman Melville, parue à la NRF en 1941. Agnès Castiglione constate des similitudes quasiment gemellaires entre les deux romanciers, surtout dans Pour saluer Melville, qui devient une autobiographie déguisée de l’un comme de l’autre, une histoire d’amour dissimulant les chemins souterrains de la création. Isabelle Génin étudie précisément certains passages du texte original avec leurs traductions soulignant que Giono a rendu à la perfection la musique de Melville. En septembre dernier pour les Rencontres de Manosque, on avait assisté à la lecture des échanges épistolaires de Jean «le Bleu» et d’Henri Miller, de 1945 à 1951, dans l’accueillant jardin

La petite communiste qui ne souriait jamais Lola Lafon Actes Sud, 21 euros

du Paraïs. On les retrouve là : Miller, ardent admirateur, ne tarit pas d’éloges et regrette le manque d’enthousiasme des Américains pour les premières oeuvres traduites aux USA. Mais les deux hommes ne se rencontrèrent jamais et leur correspondance cessa. La revue donne aussi la liste des auteurs américains présents dans la bibliothèque de Giono. Faulkner en occupe la première place, mais on trouve aussi Chester Himes... La revue propose aussi les textes d’artistes à qui on a demandé de jouer au portrait chinois à propos de Giono. Ils sont exposés jusqu’à fin mai au Centre Giono de Manosque en compagnie d’oeuvres plastiques. Ils éclairent d’une façon originale les différentes facettes de la personnalité du romancier. CHRIS BOURGUE

Revue Giono N°7 Association des Amis de Giono www. rencontresgiono.fr


Bidulbucques et trucmuches Il suffit de faire un tour sur son site internet pour s’en convaincre : Benoît Jacques est un artiste éclectique… et très talentueux ! Peintre, sculpteur, dessinateur, ce Belge installé en France depuis 1991 est également auteur et éditeur. Pour rester libre, il fait tout lui-même, gère toutes les étapes de la fabrication à la diffusion de ses livres. Ses albums atypiques, pleins d’humour et d’une grande qualité graphique, plaisent autant aux enfants -auxquels ils sont souvent destinés au départ-, qu’aux adultes. Ce devrait être le cas une fois encore avec La vallée enchantée, sorte de conte écolo-philosophique paru à l’automne dernier. Cela commence ainsi : «Depuis toujours, tout allait vraiment bien dans la Vallée enchantée. Il y faisait toujours vraiment beau, même les jours de pluie. Quand il gelait, ça tombait bien parce que justement on avait un poil trop chaud.» Dans cette vallée merveilleuse, «le paradis, mais en

mieux», tout le monde vit dans l’harmonie. Jusqu’au jour fatal où l’horrible prince Amil Damil décide de s’y installer. Heureusement Escamillo, un tout petit trucmuche, a une idée pour se débarrasser de l’indésirable… Le texte est truffé d’inventions amusantes -bidulbucques, poutoupoutous, buissons chargés de grappes de chips au paprika…-, de tournures drôlement décalées. En regard de chaque page de texte, une illustration en couleurs pleine page, aussi joliment déjantée que les mots qui lui font face. Bref, un album à découvrir absolument, à lire et à offrir à tous, grands et petits.

La Vallée enchantée Benoît Jacques éditions Benoît Jacques books, 12,50 euros

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FRED ROBERT

L’auteur sera invité pour des Escales en librairies le 13 fév à Salon-de-Provence (Le grenier d’abondance, 04 90 58 36 40) et le 14 fév à Marseille (Le lièvre de Mars, 04 91 81 12 95) www.librairie-paca.com

Un rideau de lettres à l’avant des ruines C’est un court récit. Une grosse centaine de pages, pas plus. Mais il est de ceux qui laissent des traces profondes, qu’on reprend, qu’on relit, dont l’épaisseur entre les mots se fait à chaque fois plus dense. Rien de plus simple apparemment que l’intrigue de La nuit tombée : Gouri est venu de Kiev à moto. Il veut se rendre de nuit à Pripiat, où il vivait avant l’accident de la centrale de Tchernobyl. Juste pour «voir un peu» ; et aussi parce qu’il s’est fixé une mission. Le roman d’Antoine Choplin relate donc son arrivée aux confins de la zone, ses retrouvailles et sa soirée avec des amis d’autrefois, son incursion nocturne dans la zone interdite jusqu’à son ancien appartement (d’où le titre), puis son retour et son départ. Ce résumé n’a pourtant qu’un rapport très lointain avec le texte, étrange et captivant. Une narration au présent, tissée de phrases courtes, de dialogues laconiques, dans

Trois journées

Les zones d’ombre de toutes les biographies, surtout celles des hommes illustres, sont des territoires rêvés pour faire pousser la fiction et Alain Jaubert, journaliste, documentariste spécialisé en histoire de l’Art ne ménage pas son savoir-faire, plutôt brillant et efficace, pour éclairer de mille et une couleurs trois dates en un seul lieu : Marseille, dans la vie de deux géants de la littérature. C’est donc un roman et Au bord de la mer violette jamais sans doute Arthur n’a-t-il rencontré Konrad (sic) qui est encore un prénom... Et pourtant, on a envie de croire à ce jeudi 24 juin 1875 où le paletot rougeâtre du déjà Rimbaud s’assied à la table du jeune polonais déraciné rêvant de mers lointaines. Appliquée, un peu raide, l’écriture peine dans ce premier tiers à se détacher d’un pointillisme légèrement folklorique et d’un pittoresque convenu pour camper le VieuxPort triomphant : il n’y manque pas un terme de marine, ni une expression populaire et nos

les interstices desquels se glisse une évocation magistrale de la catastrophe, avec ses scènes terribles d’évacuation et ses couleurs étonnantes, le noir de la pluie, le rougeoiement des arbres dans la nuit, le bleu de l’incendie. D’un réalisme onirique. D’une émouvante humanité. Car ce pèlerinage à Pripiat est une belle histoire d’amour paternel, d’amitié. Il est aussi une méditation sur le pouvoir de l’écriture. Depuis la catastrophe, Gouri a écrit un poème par jour. Durant son bref séjour, il recueille la parole des autres. Des mots pour garder la trace de ce qui n’est plus… ou pour s’en défaire, enfin ? F.R.

La nuit tombée Antoine Choplin La fosse aux ours (aujourd’hui disponible en collection de poche)

Ce roman a été sélectionné pour le Prix Littéraire des Lycéens et Apprentis de la Région PACA 2014 L’auteur était invité le 29 janvier à la librairie L’Attrape-Mots (Marseille) ; chronique à lire p. 76

deux «héros» restent des figurants plausibles, sans plus, dans ce décor qui charrie l’aventure. Heureusement, Rimbaud revient y mourir le mardi 10 novembre 1891 et c’est très bien enfin ! L’agonie est vue de l’intérieur : rêves, cauchemars, hallucinations, puisés dans la correspondance Et surtout dans Une Saison en Enfer. Le poète devient personnage et le document, roman d’un être d’exception rongé par le désir de construire sa Jérusalem terrestre «en genèse permanente». Et l’homme au loden et à la longue écharpe qui grelotte devant les quais le 1er février 1921, un mardi aussi, c’est bien sûr Joseph Conrad «se trouver à nouveau sur le Vieux Port est peut-être un signe, une injonction. Voilà ce serait le moment de faire le bilan.» Posture romanesque un peu facile sans doute mais avec une virtuosité certaine, l’auteur croise éléments biographiques et fragments d’écriture qui captent bien l’homme et son oeuvre. Plaisant, émouvant et en proximité

intelligente avec les tâtonnements et les cahots de deux destins exceptionnels ! MARIE-JO DHO

Au bord de la mer violette Alain Jaubert Gallimard, 18,90 euros

Alain Jaubert viendra parler de son livre à l’auditorium de la BMVR Alcazar, à Marseille, le vendredi 14 février à 17h30. Cette rencontre est proposée par le département Langues et Littératures de la BMVR

P L OI V L RI ET SI Q U E C U L T U R E L L E


Deux mots et trois carnets…

74 L I V R E S

... font quatre saisons de poèmes et datées s’il vous plaît ; si simplement un recueil que le mot s’en trouve ranimé dans sa belle fonction de ramasseur du temps qui passe, tout autant que de trieur d’expériences sensibles. Apt, Rustrel, Zagreb et Barcelone, «là où est la lumière...» partout dans un présent, de l’automne 2009 à la fin d’été 2010 : une année de calendrier, une éternité pour qui sait capter la permanence dans le passage, le mystère au coeur de l’évidence. Jean de Breyne ouvre l’oeil et regarde «un jaune un rose un blanc», «le pré vert» et aussi «l’inquiétude enveloppant la terre» sans jamais se hausser du col ni élever la voix ; son «horizontalité» il la questionne à travers une attention et un souci renouvelés pour les vivants, la neige qui tombera/tombera pas ou la décision à prendre «libre pas libre ?». Dans Pour M.K/De l’objectivité, poème d’hiver donc et peut-être art poétique en pente douce qui ouvre des pistes pour l’ensemble du livre, deux vers

contradictoires en surface : «Dans la verticalité j’entame par le haut... Dans la verticalité j’entame possiblement par le bas...» mais dont le dialogue conditionne toute la construction d’une attente du «moment voulu» ou du «moment venu». Justesse du haïku, retrait fertile à la Jaccottet, lignes radicales de certains paysages de Nicolas de Staël, et une grande pudeur à se tenir au milieu de cet héritage conscient/inconscient sans cesser d’espérer ce que l’on tait, «ce qui manque et fait défaut/c’est le soulèvement» ou plus subtilement ce que l’on «évite de prononcer/le nom commun de l’attendu». «Fraîcheur» et «silence» sont posés sobrement en 4e de couverture pour prendre congé avec élégance. MARIE-JO DHO

Quatre saisons Jean de Breyne Propos2éditions, 13 euros

Jean de Breyne dirige parallèlement à ses activités d’écriture les éditions de l’Ollave

Le psychanalyste Hervé Castanet vient de publier Homoanalysants, une série d’études de cas. Dans un contexte demeuré brûlant suite à l’adoption de la loi sur le mariage pour tous, il entend préciser la position de la psychanalyse sur l’homosexualité.

Zibeline : Qu’est-ce qui est à l’origine de cette publication ? C’est Jacques-Alain Miller qui en a trouvé le titre. Nous avons vu surgir à l’occasion du débat parlementaire des arguments que nous n’attendions pas, qui consistaient à faire appel à la psychanalyse elle-même pour expliquer qu’il fallait être contre le mariage pour tous. J’ai voulu rectifier les choses, en tant que clinicien avant tout, même si en tant que citoyen j’étais favorable à la loi. Que dit la psychanalyse de l’homosexualité ? Il n’y a pas de normativité chez Freud, qui est beaucoup plus subtil que la caricature qui en a souvent été faite, et chez Lacan non plus. À une époque, certains -parfois même des psys- ont dit beaucoup de bêtises, en associant homosexualité et perversion. Nous refusons cette assimilation, c’est de l’obscénité, et c’est faux cliniquement. Les patients homosexuels que je reçois ne vont ni mieux ni plus mal que d’autres, qui sont hétérosexuels. Votre livre est une série d’études de cas, pourquoi ? Tout d’abord, aucun n’est venu pour se débarrasser de son homosexualité, en cela ce sont bien des

Hervé Castanet © X-D.R

Le désir et la norme

sur les inventions des patients, mais expliquer quand même comment nous les rapportions à la théorie. Et puis il a une dimension politique, il devait donc être accessible, car aujourd’hui il y a un autre enjeu, c’est la question de l’adoption. Cliniquement, les enfants d’homosexuels ne vont pas plus mal que dans les familles hétérosexuelles. Ils ne vont pas mieux pour autant. Nous n’observons aucune différence. PROPOS RECUEILLIS PAR GAËLLE CLOAREC

homosexuels du XXIe siècle. Ils sont venus poser une question sur leur désir, comme tout analysant, mais si leur choix d’objet sexuel n’est pas sans conséquences, elles ne sont pas morales, sociales, ou ségrégatives. J’ai voulu rendre hommage au travail de mes patients, qui inventent leur propre vie hors des normes. Il faut balayer ces mises en conformité qui aliènent le désir. Pourquoi n’avoir retenu que des cas d’homosexualité masculine ? C’est un choix. Parce que l’homosexualité féminine peut être traitée, évidemment, avec doigté, avec justesse, mais cela aurait nécessité la rédaction d’un autre livre. Qui a déjà été écrit d’ailleurs sous la forme d’un ouvrage collectif paru avant le mien. De la même manière, je n’ai pas inclus de sujet psychotique. Vous avez rendu cet ouvrage plus accessible que bien d’autres, pour quelle raison ? Dans cette collection, nous avons voulu sortir du vocabulaire jargonnant, sans faire l’économie des concepts (cela je ne sais pas le faire). Nous ne voulions pas mettre nos doigts graisseux

Retrouvez l’entretien complet avec Hervé Castanet sur la WebradioZibeline, en écoute et podcast sur notre site : www.journalzibeline.fr/ zibeline-web-radio/

À lire Homoanalysants-Des homosexuels en analyse Hervé Castanet Navarin/Le Champ freudien, 18,50 euros Elles ont choisi-Les homosexualités féminines Ouvrage collectif sous la direction de Stella Harrison Éditions Michèle, 19 euros



De petites histoires humaines

76 R E N C O N T R E S

À L’Attrape Mots, une belle rencontre à la nuit tombée, pour paraphraser le titre du dernier roman de l’auteur invité (lire la chronique p. 73). La nuit tombée est paru à la rentrée littéraire 2012 mais Antoine Choplin était dans notre région ces temps derniers car il fait partie de la sélection du Prix Littéraire des lycéens et apprentis de la région PACA. À ce titre, il était présent au premier forum en décembre à Draguignan (voir Zib’69) et en tournée dans plusieurs établissements scolaires et lieux culturels ce mois-ci. C’est d’ailleurs sur ce sujet qu’Agnès Gateff lui a d’abord demandé de s’exprimer. Quel regard des jeunes qui, le plus souvent, ignorent la réalité de Tchernobyl portent-ils sur une telle histoire ? Choplin a souligné que la récente catastrophe de Fukushima avait hélas redonné une actualité à l’accident survenu en 1986 en Ukraine, mais aussi que ses lecteurs lycéens s’intéressent surtout aux personnages, à l’histoire humaine que conte ce récit. C’est également l’essentiel à ses yeux ; La nuit tombée est une fiction littéraire pas un tract militant. Invité ensuite à évoquer son parcours littéraire,

Antoine Choplin, librairie l’Attrape Mots © X-D.R

débuté en 2000, et en particulier la place que semble tenir l’art dans ses romans, il reconnaît que pour lui l’art est «porteur d’humanité face au désastre», comme une «lueur minuscule» pour les humains ordinaires, tout sauf héroïques, qu’il imagine. D’où lui viennent ses sujets ? Il l’ignore, parle d’un temps très long avant la première phrase, de silhouettes qui se mettent à grandir et dont il va «pouvoir épier l’humanité». Ainsi Gouri, le personnage principal de La nuit

tombée, ancien liquidateur devenu écrivain public, est-il apparu progressivement dans le fil de l’écriture. Sa quête, en revanche, est inspirée d’un des témoignages recueillis par Svetlana Alexievitch dans La supplication. Pourquoi des textes courts ? «J’écris avec cette notion du creux, du non dit» répond-il. Désireux de garder un vrai regard extérieur, «beaucoup de choses [lui] échappent», les visages par exemple. De même, en chaque trajectoire, il y a toujours une «part d’énigme irréductible» que l’écrivain tient à ménager, lui qui se considère «juste comme un passeur». On attend avec impatience la sortie (imminente) de son nouvel opus, Les Gouffres, quatre textes courts dans lesquels on retrouvera «des personnages en quête de progression dans un univers hostile»… Histoires tragiques, histoires humaines, éditées une fois encore par l’excellente maison La fosse aux ours. FRED ROBERT

Antoine Choplin était invité à la librairie L’Attrape Mots le 29 janvier à Marseille

L’édition régionale Pour leur 5e édition, les Rencontres de l’édition indépendante (organisées par l’ARL Paca en partenariat avec la BdP des Bouches-du-Rhône) se renouvellent pour offrir une formule plus ramassée, sur une journée, plus souple, qui permet aux éditeurs de la région de prendre part aux conférences et débats sur la question de l’édition en région. Cette année, les Rencontres mettent en lumière quatre éditeurs -Le Mot et le reste, Wildproject, Decrescenzo et les éditions Sulliver- à travers une thématique : «Une rentrée littéraire en région est-elle possible ?» L’occasion de faire l’état de l’actualité éditoriale (avec Olivier Pennaneac’h, chargé de l’économie du livre à l’ARL Paca), d’assister à des lectures (La révolution de Paris, sentier métropolitain de Paul-Hervé Lavessière aux éd. Wildproject, Sept méandres pour une île de Yi In-Seong aux éd. Decrescenzo…) et de discuter de la place consacrée à l’édition régionale dans les médias locaux. Une table ronde posera notamment la question des forces et des faiblesses de l’édition régionale, et des besoins des journalistes afin d’améliorer la visibilité de celle-ci, avec Agnès Freschel et Fred Robert (Zibeline), Thibaut Gaudry (France Bleu Provence), Pascal Jourdana (journaliste et animateur littéraire) et Patrick Coulomb (Marseille l’Hebdo). le 18 février Bibliothèque départementale des Bouchesdu-Rhône, Marseille 04 42 91 65 20 www.livre-paca.org

Souvenir du Prix

Gilles Rochier, scénariste et dessinateur de bande dessinée, se dessine, avec ses souvenirs, pour Zibeline et le Prix littéraire des lycéens et apprentis PACA. Il faisait partie de la sélection 2012-2013 pour TMLP (éditions 6 Pieds sous terre), et fut lauréat dans la catégorie BD.


Un lectorat exigeant

Le deuxième Forum des lycéens dès l’âge de 8 ans à Angoulême, et des apprentis de la Région Jérémie Moreau, qui publie pour PACA s’est déroulé à la Cité du la première fois. Le fonctionnement Livre d’Aix-en-Provence. Pour le du duo écriture/dessin a intéressé les roman, étaient présents Olivier Truc adolescents. et Julia Deck. Les élèves ont été Ils ont aussi voulu savoir ce que intéressés par le monde nocturne pensaient les auteurs de leur sélection. et mystérieux de la Laponie aux Tous se sont accordés à dire que cela coutumes si éloignées des nôtres. leur permet de rencontrer un lectorat Olivier Truc rappelle qu’il est venu auquel ils ne sont pas habitués, un à l’écriture par le journalisme (voir public jeune et non acquis. Le livre Zib’68 ). Correspondant du journal devient un vrai sujet de réflexion et Le Monde dans les pays nordiques, d’échanges. il vit en Suède depuis 20 ans. Ainsi, CHRIS BOURGUE il s’est introduit dans le milieu de la police spécialisée dans les conflits Le dernier lapon entre éleveurs de rennes. Il s’est aussi Olivier Truc intéressé aux chamanes dont quelques éd. Métailié, 22 euros rescapés vivent cachés et permettent à la tradition de se perpétuer. Il paraît Viviane Élisabeth Fauville que les jeunes artistes s’en inspirent Julia Deck et en détournent les symboles pour éd. de Minuit, 13,50 euros les introduire dans leurs créations... Julia Deck a été interpellée sur la (de gauche à droite) J.M. Pontier, O. Truc, la traductrice B. Weyhe, J. Deck, J. Moreau & W. Lupano © Chris Bourgue Peste blanche folie de son héroïne. Elle dit s’être Jean-Marc Pontier beaucoup renseignée sur les pathologies et qu’elle de sa pratique d’enseignant de Lettres qui lui fait éd. Les enfants rouges, 16 euros voulait un personnage compliqué, effrayant par revendiquer «une belle écriture». L’allemande Birgit Weyhe explique son choix de faire circuler certains aspects, mais attachant «malgré tout» ! La ronde Les trois BD présentées ce jour relèvent de le récit grâce à un objet, une médaille, offerte, Birgit Weyhe perdue, volée ; pour elle c’est comme une danse sensibilité et d’esthétique très différentes, avec éd. Cambourakis, 24 euros où l’on change de partenaire et qui permet le une préoccupation constante, celle de révéler les voyage, l’aventure. Enfin la BD historique qui erreurs tragiques de l’intolérance, du racisme. Le singe de Hartlepool Peste blanche de Jean-Marc Pontier offre un a obtenu deux prix en 2013 est le résultat de Lupano & Moreau roman graphique avec de longs passages narratifs la collaboration du scénariste aguerri Wilfrid éd. Delcourt Lupano et d’un tout jeune dessinateur remarqué et des références littéraires, inspirés sans doute

Bouquet final La Cité Espace de récits communs était pleine en ce samedi de janvier. On a dû refuser du monde pour cette première soirée de l’année, qui clôturait la résidence de Joëlle Sambi et célébrait accessoirement les dix ans de Peuple et Culture Marseille tout juste passés. La première partie de cette Oraliture 4 était consacrée à la restitution d’ateliers menés durant la résidence de l’écrivaine belge née à Kinshasa. Rien de vraiment original dans Faire venir le jour, Hors piste ou dans le court métrage intitulé Ces histoires qui nous regardent. Histoires de lieux, questions d’identité, histoires individuelles confrontées à l’Histoire… Tout de même, de jolis instants d’émotion, à l’écoute des voix des participants à ces ateliers qui lisent leur texte, avec maladresse parfois, mais de façon tellement sincère. Même émotion pendant certaines lectures live du «cahier de doléances» que Joëlle Sambi a fait rédiger à un groupe et qu’elle a appelé De nos agacements quotidiens,

tout particulièrement durant celle d’un jeune homme qui proclame : «La poésie, tu l’aimes ou tu la quittes.» En deuxième partie, place aux pros. Des lectures et des performances, on retiendra surtout celle de Pierre Guéry, un des cofondateurs de Peuple et Culture Marseille. Le poète performeur, accompagné du bassiste William Kopecky avec lequel il formait un duo subtil et insolite, a en effet donné toute la mesure de son talent dans une lecture explosive de son Alien-Nation. Une «mécanique de parole pour la scène», comme il le définit. Un texte rude, caustique, cynique parfois, qu’il susurre ou profère, le modulant, l’amplifiant à l’envi, le chantant… Lunaire et engagé, Pierre Guéry retrouve là son énergie pourfendeuse des idées toutes faites et des mots passe-partout. «Arrête ta geinte et donne ta grogne» s’enjoint-il (nous enjoint-il), comme un appel à une révolte salutaire contre ce «world» faussement solidaire qu’il vomit,

Soirée Oraliture, 11 janvier 2014 © Peuple et Culture Marseille

bonnet péruvien sur la tête et boîte à musique en main. FRED ROBERT

Oraliture 4 était organisé par Peuple et Culture Marseille en partenariat avec La Cité. La soirée s’est déroulée le 11 janvier

De Pierre Guéry, on peut lire le texte d’Alien-nation, paru aux éditions Maëlstrom ou en écouter la version live à Barjols (CD édité par plAine page)

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En quelques jours le MuCEM a vu se succéder des rencontres exceptionnelles. Patrick Chamoiseau et Tzvetan Todorov, puis Erri de Luca, et trois jours autour de la Syrie. Et le public était là !

Les belles renc E

st-ce l’aménagement de la salle accueillant aujourd’hui plus convivialement sous ses plafonds trop bas les visiteurs aimant l’élévation intellectuelle ? Au sous-sol toujours, alors que les portes du musée sont closes, après une promenade sur la jetée déserte et non desservie, glaciale en cet hiver pluvieux, le visiteur plonge comme dans les entrailles. Mais l’attente s’y fait désormais autour d’un verre et devant des livres, ambiance propice au dialogue, même si l’éclairage reste sinistre. Qu’importe, la chaleur est là dans l’auditorium Germaine Tillion, et le public commence à le savoir… et à venir y trouver des clefs pour penser le monde.

Civilisation et barbarie

Chaque mois un intellectuel va disserter puis discuter autour de ce questionnement, classique, de l’histoire des idées, et que Tzvetan Todorov a introduit avec sa lumineuse simplicité. Le couple civilisation/barbarie est devenu problématique depuis la fin de la période coloniale : le barbare n’est plus seulement l’autre de l’occidental, mais on ne sait pas trop ce qui a remplacé cette opposition : il n’y a pas de peuple supérieur ou inférieur mais des peuples «différents». Pourtant, selon Todorov la supériorité occidentale a été remplacée par une «cocacolonisation» où la puissance occidentale intervient au nom de la démocratie pour s’imposer militairement et économiquement. L’unité reste donc oppressive, et la pluralité est perçue comme traversée de différences insurmontables. Le cycle mensuel va donc s’attacher, nous promet-il, à «penser l’unité du genre humain et la pluralité des sociétés humaines». Et c’est Patrick Chamoiseau qui commence ! En écrivain, en penseur constamment poète, il a livré au public une conférence éblouissante, et répondu aux questions avec la même langue enfiévrée et lumineuse, sur un ton contrastant par son calme avec la passion du propos, répondant aux questions parfois redondantes du public, en reprécisant obstinément ses concepts, et sans un soupçon d’impatience. Visages de Syrie © Ammar Abd Rabbo

Le couple civilisation/barbarie repose selon lui sur un leurre : penser qu’il y a une «terre promise de l’excellence humaine», opposée à une barbarie animale, c’est oublier l’histoire de la démesure humaine, ses narrations fondatrices où l’humain pourchasse ses monstres qui sont aussi intérieurs. C’est aussi nier l’altérité : l’autre était toléré ou exterminé, il est aujourd’hui «intégré», c’est-à-dire coupé de lui-même : celui qui nous relie à l’originelle terreur reste «impensable». C’est oublier également la complexité du monde : Saint John Perse, poète colonial antillais, «vieux conquistador», «poète de l’universel occidental», laisse surgir dans Vents la complexité du monde créole, la richesse d’une «civilisation», qu’il nomme ainsi presque sans y songer… Comment résoudre cette tension entre l’unicité du genre humain et la complexité des sociétés humaines ? Pas par la mosaïque des civilisations selon Chamoiseau, qui satisfait à la mondialisation de la barbarie capitaliste, mais par la «mondialité» défendue par Glissant, c’està-dire une poétique de la relation, une somme des «individualités épanouies», chacune faite d’un rhizome d’influences diverses et personnelles, sur le modèle créole : arrachés à l’Afrique, sans racines, soumis à des migrations successives de tous les continents, les Caraïbes ont dû construire cette mondialité. Aujourd’hui Internet et la facilité des voyages reproduisent dans le monde le choc brutal de la Caraïbe. La réponse est la créolité !

Erri de Luca

Dans le cadre des Comptoirs de l’ailleurs mensuels, le MuCEM accueillait le grand écrivain napolitain. Qui affirme qu’il «fait l’écrivain», qu’il reçoit ses histoires de la vie passée comme il entendrait des voix qu’il transcrit. Erri de Luca ressent profondément le monde, et nous le livre, attachant dans chacune de ses digressions, d’une modestie jamais feinte et d’une insoumission jamais éteinte, portant hier la révolution et le combat politique, aujourd’hui une


contres Erri De Luca © Catherine Hélié, Gallimard

profonde révolte et militance pour les migrants parqués dans des «camps de concentration» italiens, pour les prisonniers politiques, activistes révolutionnaires qui ont croupi si longtemps dans les geôles. Il raconte sa chambre d’enfance chargée de livres comme un refuge contre le bruit de Naples, son passé d’ouvrier maçon, son premier livre publié à 40 ans et offert à son père, les voix des femmes de Naples, la liberté trouvée l’été à Ischia, le corps brûlé par le soleil et la corne sous les pieds nus, l’immensité de l’histoire qu’il a traversée en recueillant parmi les voix du peuple les échos de la guerre, des migrations, des oppressions, des partages. «J’emploie toujours le moi, sans manipulation, parce que je transcris les voix des autres que j’entends de l’intérieur de leurs pensées. Comment peut-on écrire il a pensé ceci ? Comment un narrateur pourrait-il savoir ce que quelqu’un pense ? Il faut entendre pour écrire.» Il parle aussi de son rapport à la langue napolitaine, si concentrée, qui pour dire «je vais» écrit simplement «I». «Une demie page de napolitain c’est une page d’italien.» De Toscan plutôt, car l’Italien n’est qu’«un dialecte qui a gagné», et toutes les langues italiennes irriguent le fleuve commun. Il raconte aussi comment la comédie peut gagner sous les bombes, comment seul «le comique rend la tragédie praticable». «Mes livres ne sont pas des romans de formation, mais des histoires de résistance à la déformation.» Il aime dans la montagne suivre la trace du sentier commun, et embrasser «l’arbre qui se détache, solitaire, en haut des forêts». Erri de Luca sait dire toute la singularité de chaque voix du monde…

Patrimoine de Syrie

Les trois jours consacrés à la Syrie s’attachaient à dire comment la vie résiste… en commençant par une réflexion sur le patrimoine. Il faut rappeler que le monde est né là, l’écriture, que le patrimoine architectural Syrien est d’une richesse et d’une variété infinies, et que la guerre détruit les hommes mais aussi ce qui les constitue. Comment les Syriens, qui sont rassemblés par des millénaires d’histoire et des cultures imbriquées, vont-ils pouvoir reprendre leur vie en main après les massacres, si tout est détruit ? Ammar Abd Rabbo montre l’étendue du désastre, à Damas, à Alep, des monuments tombés et criblés de balles, brûlés, pillés, Cheikhmous Ali énumère l’incommensurable étendue du désastre, Fawaz Baker la perte irréparable des traditions musicales orales transmises de maître à élèves, et Sophie Cluzan montre avec émotion comment le patrimoine immatériel, les savoir-faire, le tissage, l’artisanat dans ce pays qui a inventé le verre et l’alphabet, comment tout cela qui fait l’identité d’un peuple est aujourd’hui profondément menacé. Et comment sont liées la disparition des hommes et l’extermination des mémoires. AGNÈS FRESCHEL

Écoutez aussi l’entretien avec Tzvetan Todorov et Patrick Chamoiseau sur WebradioZibeline Ces rencontres ont eu lieu au MuCEM, Marseille www.mucem.org



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