Zibel72

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un gratuit qui se lit

N째72 du 19/03/14 au 16/04/14

La c

mu ultu nic re a ipa ux l Int e s erm mis itte e au nce : poi nt



Politique culturelle

Programme culture aux municipales....................................4 Entretien avec Jean-Pierre Saez ........................................5 Intermittents .................................................................6 Entretien avec Michel André, Biennale des écritures du réel ...........................................7 Jumelage Festival d’Avignon, Julie Nioche ..........................8 L’art et l’école en dialogue à la Friche ................................9

MuCEM ..........................................................................10 Villa Méditerranée ...................................................11 Événements

Fondation Van Gogh ....................................................... 12 Festival Latcho Divano .................................................... 13 Arts et Avatars à Toulon, Institut Culturel Italien ............... 14

Critiques

Théâtre .................................................................. 16 à 23 Danse ..................................................................... 24, 25 Jeune public ................................................................. 26 Cirque, rue .................................................................... 27 Musique ................................................................. 28 à 33

Au programme

Théâtre ................................................................. 34 à 42 Danse ....................................................................42 à 46 Jeune public ...........................................................47 à 50 Cirque 50, 51 Musique .................................................................52 à 54

Cinéma .................................................................. 56 à 61 Arts visuels

Vieille Charité ............................................................... 62 La Friche ...................................................................... 63 CAC Istres, Arteum ......................................................... 64 Le Moulin, Hôtel des arts ................................................ 65 Au programme .........................................................66 à 68

Livres ..................................................................... 70 à 73 Rencontres

Derf Backderf, Escales en librairie, ARL ............................. 74 Festival Un Max’ de Poésies, Musée de Quinson ................... 76 MuCEM ......................................................................... 78

Mensuel gratuit paraissant le deuxième mercredi du mois Édité à 32 000 exemplaires imprimés sur papier recyclé Édité par Zibeline SARL 76 avenue de la Panouse n°11 13009 Marseille Dépôt légal : janvier 2008 Rédactrice en chef Dominique Marçon journal.zibeline@gmail.com 06 23 00 65 42 Imprimé par Rotimpress 17181 Aiguaviva (Esp.) Photographe Agnès Mellon 095 095 61 70 photographe-agnesmellon. blogspot.com

Affinités électives Peut-on espérer voir des bourgeons d’avril ? 2013 est bien derrière nous, qui célébrait la culture sans savoir quelles fleurs en attendre… Aujourd’hui seule la Chambre de Commerce cherche à reprendre le flambeau, le Maire de Marseille veut remplacer l’année culturelle par une année du Sport, équivalente à ses yeux en termes de blason redoré… De fait, les Arts et la Culture ne sont un enjeu majeur pour aucun des candidats, même si l’école semble préoccuper chacun. Or que serait une éducation sans culture, sinon un dressage performatif, usinant à la chaîne des individus conformes à l’ordre social, sans sens critique ni désir de beauté ? Où sont donc les politiques qui voudraient encore un peu allumer le rêve ? La 5e puissance économique mondiale va-t-elle si mal qu’il ne s’agisse plus que faire des économies et courber la tête ? Quel pauvre mirage peut faire passer pour le Messie un Pape riche qui fut agent de joueurs de foot ? Comment peut-on croire à ces candidats FN qui affichent leur haine des associations «immigrationnistes» ? Du côté des autres, les lauréats possibles, la promesse faiblarde de garantir «un budget municipal constant» pour la culture semble le bout du monde. Quand l’État annonce sans rire une baisse de 18% du budget du ministère ? que les collectivités territoriales étranglées ne peuvent maintenir leur niveau d’intervention ? que le régime des intermittents est une fois de plus attaqué ? Entendez donc messieurs les politiques : les acteurs culturels qui font marcher l’économie vivent déjà, pour la plupart, dans la précarité sinon la pauvreté ; ils n’ont plus les moyens de créer, les maisons de théâtre proposent de moins en moins de spectacles, les cinémas ferment, les opéras déchantent, les médiathèques s’assombrissent, les musées ressassent leurs expositions, les festivals raccourcissent ; il est temps d’intervenir ! Avril fleurira-t-il ou reprendra-t-on, une fois de plus, la même route en changeant (ou pas) de chauffeur ? L’autobus brinquebale chaque jour un peu plus, et le pays est si riche… LA RÉDACTION

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4 P O L I T I Q U E C U L T U R E L L E

Dans un document de campagne, le projet culturel est facile à trouver : il suffit de prendre la plaquette par la fin pour tomber directement dessus. Associée en général à son jumeau dissemblable, le sport, la culture est peu souvent une priorité défendue par les candidats aux municipales. Rares sont ceux qui l’envisagent comme un outil d’émancipation et de développement de la cité

La culture à hauteur de candidats C

’est quoi, une politique culturelle ? À quoi ça sert ? Ces questions, les candidats engagés dans la campagne pour les élections municipales des 23 et 30 mars prochains y répondent. Parfois directement par des propositions concrètes. Et souvent -en creux- par l’absence de réflexion qui, au contraire, baigne certains programmes. Les prétendants régionaux à la gestion municipale se coulent peu ou prou dans trois familles. Ceux pour qui la culture, dépense exagérée, improductive, est vécue comme inutile, sinon dangereuse. Il convient de l’encadrer un maximum et de la financer un minimum... Ceux, les plus nombreux, qui l’envisagent essentiellement à travers le prisme de ses retombées économiques. Et les derniers qui y ajoutent la nécessaire dimension sociale de l’épanouissement public.

La culture à minima

Un projet culturel à l’échelle d’un territoire ? C’est bien beau, mais il faut d’abord que ça ne coûte pas trop cher. Dans l’échelle de pensée du candidat aux municipales, le degré zéro se situe là : la culture, non seulement c’est coûteux, mais en plus c’est élitiste, voire subversif. Cette ligne défendue dans les années 90 par le Front national aux affaires à Orange, Vitrolles, Marignane et Toulon n’a pas disparu du paysage politique régional. La preuve avec le candidat FN à la mairie de Toulon Jean-Yves Waquet qui promet, par exemple, une sérieuse reprise en main du Théâtre Liberté géré par les frères Berling : «Ça ne me plaît pas, la programmation est bien trop orientée. Tout ça est fait pour faire plaisir aux minorités, il y a des pièces en arabe sur-titrées en français ! Tous les dialectes y passent, sauf le provençal…» Sans surprise, cet ancien amiral à la retraite fait vibrer la corde du provençalisme raccord avec les notions sur lesquelles s’appuie l’extrême droite en matière

de culture : racines, identité, tradition. Dans la foulée, il annonce un «rééquilibrage des subventions». Tout comme Stéphane Ravier, en lice pour le FN à Marseille, qui affirme, sans rire, qu’il ne soutiendra plus «la nébuleuse associative immigrationniste». Cette première famille d’élus se reconnaît aussi par son rejet populiste du monde culturel. Stéphane Ravier écrit dans son programme, par exemple, que «la politique culturelle ne doit pas être destinée à plaire à quelques cultureux.» Ce mot-là, on le retrouve régulièrement, également, dans la bouche de la maire UMP d’Aix-en-Provence, Maryse Joissains.

La culture, oui, si ça rapporte

Dans cette famille-là, se rangent ceux qui, de droite comme de gauche, ont la culture du chiffre. Jean-Paul Fournier, maire UMP sortant de Nîmes, met ainsi en avant les 320 000 visiteurs annuels des monuments nîmois, ou les 692 500 spectateurs accueillis en 77 concerts dans les arènes depuis 2008. Dans la même ville, Jean-Marc Soulas, élu UDI de l’actuelle majorité municipale en charge des festivités, affiche ce souhait: «Chaque euro investi par la ville» doit «en rapporter dix à l’économie locale». Le contrat apparaît alors clair. La culture s’avère fréquentable lorsqu’elle est marchande, commerçante, rentable. Voilà qui entretient une confusion entre projet culturel et animation : concentrer les crédits sur un spectacle vivant ravalé au rang de festivité. À Avignon, Bernard Chaussegros, l’UMP investi pour succéder à Marie-Josée Roig rassemble d’ailleurs «culture, patrimoine et potentiel touristique» dans un même chapitre de son programme. L’équation qu’il propose est simple : nouveaux événements + nouveaux touristes = nouvelles retombées. Il certifie


vouloir financer, sans plus les développer (signe que le fond finalement importe peu), «de nouveaux événements annuels d’envergure». Face à lui, la socialiste Cécile Helle en profitera pour «encourager la requalification de lieux publics (places, parcs, passages sous les ponts) par le développement de performances artistiques et de formes d’itinérances». La culture comme levier de l’urbanisme. Oui, mais à condition de ne pas vider les quartiers concernés de leur substance sociale et en évitant le piège de la gentrification... À Aix, ville tête de gondole d’une culture valorisante pour sa cité -avec son festival d’art lyrique, le Pavillon noir, le Grand Théâtre de Provence ou son tout nouveau conservatoire-, la sortante UMP ne force pas la dose : 12 lignes sont consacrées à la culture dans un programme de 18 pages. Tout juste Maryse Joissains promet-elle la «continuité» de la politique engagée. Idem à Marseille où Jean-Claude Gaudin et Patrick Mennucci cherchent à capter ce qui reste de l’élan 2013. À droite, on annonce des crédits budgétaires sanctuarisés et l’on assure l’arrivée de nouveaux équipements (comme cette Maison du hip hop à la Friche) ou événements (Biennale des arts urbains et contemporains). Au PS, à crédit constants, Patrick Mennucci garantit le soutient à la création, en soulignant que «la culture relève d’une mission d’intérêt général et n’a ni à être rentable, ni à faire marcher le seul tourisme…» Si, d’un côté comme de l’autre, aucun chiffre concret ne vient éclairer ces propositions futures, chacun appelle de ses vœux la «transversalité», soit une (large) part de financement privé, à l’image du mécénat d’entreprise connu en 2013.

La culture, pour (s’)émanciper

Le financement privé culturel, Arles connaît bien. La ville bénéficie du plus important investissement de type en Europe avec la Fondation Luma. Le projet du Parc des Ateliers devrait offrir un sacré changement de dimension à la ville. D’ailleurs, le maire sortant Hervé Schiavetti (PC) communique allègrement sur les 100 millions que pèsent le patrimoine, la culture et le tourisme dans l’économie locale. Ce qui ne l’a pas empêché de développer une politique culturelle de proximité très volontaire. Avec ses quelque 10 000 abonnés (sur une ville de 52 000 habitants !) Arles bénéficie, par exemple, d’un taux de fréquentation record de sa médiathèque. Sur une ligne jumelle, le sortant à Martigues, Gaby Charroux, fait rimer pratique culturelle et service public. «Moteur de l’émancipation personnelle et collective» à ses yeux, le communiste sortant fait de la culture le pivot «de toutes les pratiques citoyennes» et est l’un des rares à revendiquer «l’épanouissement» culturel pour ses concitoyens. Dans son projet, culture et éducation voisinent souvent. Comme chez le socialiste aixois Edouard Baldo qui vise «le développement de classes d’éveil dans les quartiers», et le communiste André Castelli qui appelle de ses vœux «une grande politique publique de la lecture» à Avignon. À Marseille, enfin, le Front de gauche emmené par Jean-Marc Coppola est le seul à proposer le doublement du budget de la culture sur la prochaine mandature. Objectif affiché, dépasser les 200 euros de dotation culturelle par habitant. Le sortant Jean-Claude Gaudin assure qu’elle est aujourd’hui de 183 euros par personne. Chiffre que conteste le Forum d’Avignon. Dans son analyse de l’impact économique des dépenses culturelles sur le PIB de 47 villes dans le monde, le think tank culturel situe Marseille à 152 euros et Lyon à 248 euros. L’étude date de 2011, avant l’effort sensible lié à l’année capitale, certes. Mais se base sur un budget similaire à celui de 2012 (128 millions d’euros) qui devrait se rapprocher de celui de 2014. Très en-deçà, en tout cas, des villes européennes comparables. CORALIE BONNEFOY

«Ne pas perdre de vue ce que la culture apporte à la collectivité» Entretien avec Jean-Pierre Saez, président de l’Observatoire des politiques culturelles Zibeline : Les élus ont-ils trop facilement, selon vous, une vision marchande de la culture ? Jean-Pierre Saez : De la notion de culture marchande, il faudrait d’abord définir ses différentes acceptions. La culture marchande, pour les économistes, est l’espace occupé par les industries culturelles. Il fonctionne selon le principe de l’offre et de la demande et le client y est considéré comme un consommateur de bien culturel. Cela vaut pour les grands concerts privés, l’industrie musicale ou même le cinéma. Mais de plus en plus les édiles locaux se posent la question suivante : quelle culture faudrait-il développer pour élargir, dans le même temps, l’économie du territoire en général. La culture marchande est ici celle qui a un impact sur l’économie. On investit parce que ça rapporte, voire on investit si ça rapporte… Le danger, c’est alors la perte de contenu ? Oui, le risque est d’aller vers une conception économiste de la politique publique en faveur de la culture, sans se soucier du fond que l’on donne à cette politique. Ne conférer à la culture qu’un sens purement matériel dans l’espoir de développer un marché, un rayonnement, une attractivité relève d’une logique d’industrie. On voit de plus en plus de villes se préoccuper de l’image qu’elles livrent d’elle-même à travers des événements culturels. Ils deviennent des outils de communication. La question est de savoir si ces événements sont le résultat d’un travail de fond, avec les acteurs du territoire, dans le souci que cet événement favorise l’accession à la culture des habitants et l’implication des forces vives. Bref, est-ce-que tout cela est le fruit d’un processus, plutôt qu’un geste ponctuel destiné à favoriser une communication très orientée sur les effets économiques ? Les deux options sont-elles incompatibles ? Aujourd’hui les villes sont partagées entre plusieurs stratégies. On peut entendre dans le discours de certains élus cette domination d’une culture à forte valorisation de l’économie. Mais cela ne les empêche pas de soutenir une action qui dans le même temps participe de l’élargissement de l’accès des publics, à l’irrigation culturelle des quartiers, à la cohésion sociale. Il faut éviter tout simplisme : le simplisme du «tout économique», et le simplisme de ne se préoccuper à l’inverse que de grandes et belles idées sans se soucier de ce qu’il y a derrière, en emploi, en retombées… Lorsque l’on investit de l’argent public et que cela profite à l’emploi culturel, cela bénéficie, aussi, en cascade à toute l’économie du territoire. Chaque structure culturelle a autour d’elle un écosystème qu’elle fait vivre. Un des enjeux pour les élus c’est de concevoir la culture comme un écosystème et de bâtir une politique autour de cette notion-là. La culture peut-elle être l’oubliée des prochaines élections municipales ? Oui. Tous les budgets le montrent : ils sont au mieux en stagnation. On sent une situation de tension très forte qui se traduit par une hausse du chômage et de la précarisation dans le secteur culturel. Pourtant, selon les derniers chiffres de l’Inspection générale du ministère de la Culture, il y a aujourd’hui en France 680 000 emplois liés à la culture. Soit 3% de la population active ! Il faut mettre en valeur le poids socio-économique de la culture sans perdre de vue le sens qu’elle apporte à la collectivité. La culture c’est investir pour l’avenir ! C.By.

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Intermittence :

pour en finir avec les mensonges 6 P O L I T I Q U E C U L T U R E L L E

eu à peu l’idée que le régime des intermittents est un privilège s’est immiscée et installée. Les Pintermittents creuseraient le déficit de l’UNEDIC, ne

devraient pas être pris en charge par les cotisations sociales… Ce régime serait une compensation à la faiblesse des subventions culturelles, un moyen de faire peser sur les travailleurs cotisants ce qui ne relève pas de leur charge… bref un abus. Les artistes et techniciens soumis au régime de l’intermittence répondent aujourd’hui fermement, et intelligemment : à Avignon ils menacent de l’annulation des festivals, ce qui génèrerait une catastrophe économique. Leur but ? montrer que les artistes et techniciens du spectacle et de l’audiovisuel ne sont pas des parasites… mais des éléments essentiels de la vie (économique). Pour trois raisons :   La vie culturelle nous est nécessaire, et dans ces métiers-là l’intermittence est structurelle. Les contrats sont courts, dépendent des œuvres montées, des festivals et des saisons, des projets. Ces métiers ne relèvent pas de CDD «temporaires» : les carrières des intermittents se font au coup par coup par nature. Et si certains secteurs de l’audiovisuel (souvent public !) abusent du régime en employant des «permittents» pour des émissions régulières, il ne s’agit pas pour autant de supprimer le régime.   La solidarité interprofessionnelle est un principe de notre société ; de plus, le secteur culturel dans son ensemble (intermittents et salariés) est largement bénéficiaire en termes de cotisations sociales (en particulier au niveau de la retraite : les artistes y partent souvent très tard, et font partie

des catégories socioprofessionnelles à durée de vie fortement écourtée…). La culture rapporte, et les liens entre vie culturelle développée et territoire florissant ne sont plus à prouver ; s’attaquer au secteur de la culture est dangereux pour le développement économique, même Laurence Parisot en a conscience, qui aujourd’hui défend le régime des intermittents. Les diminutions de subvention de ces dernières années ont fait reculer le secteur de 3.7% du PIB à 3.2 % en trois ans. Une catastrophe économique, qui dénie le fait que le secteur pèse aujourd’hui encore sept fois plus lourd que l’automobile. Les «cultureux» ne sont pas des parasites, et ni leurs conditions de travail (qui les amènent à mourir jeunes) ni leurs revenus (inégalitaires mais globalement en dessous des autres secteurs d’activités) ne sont enviables.   Le trou évoqué d’un milliard est un bizarre traficotage de chiffres. Depuis quand comptabilise-t-on, pour montrer qu’un secteur est déficitaire, les seules cotisations de ses chômeurs ? Pourquoi omettre de ce calcul les cotisations des permanents de la culture, qui ne pourraient vivre sans eux ? Même si on se soumet à cette règle absurde, il est vrai que les 250 000 intermittents cotisent pour 200 000 millions et reçoivent 1.2 milliard d’indemnités. Coûtent-ils pour autant 1 milliard ? S’ils étaient alignés sur le régime général, ils cotiseraient moins (les intermittents sur-cotisent, presque du double, à chaque contrat) et seraient nettement plus nombreux à être indemnisés (seuls 100 000 intermittents sont indemnisés sur les 250 000 cotisants : nombre d’entre-eux atteignent les plafonds et ne perçoivent

Avignon sur le pied de guerre ! Alors que le président du Medef Pierre Gattaz propose la suppression du régime spécifique des intermittents, le 25 février, une trentaine d’intermittents et précaires avignonnais du «Collectif du 25» et de Sud Culture 84, noyau dur de la mobilisation de 2003, a investi les locaux de Pôle Emploi. Une occupation hautement symbolique dans la ville du «plus grand théâtre du monde» où son annulation, il y a 11 ans, a laissé des traces profondes… et causé un désastre économique conséquent. «On est sur le pied de guerre ! On sait que la mobilisation est capitale, plus il y aura d’actions en France, plus on pourra peser sur le rapport de force.» assure Guigou Chenevier, l’un des représentants du Collectif. Parmi leurs revendications issues du comité de suivi : le retour à une annexe unique, la prise en compte des pratiques artistiques dans les établissements d’enseignement pour le calcul des droits et un plafond du cumul salaires/indemnités. Un rendez-vous avec le directeur du In, Olivier Py, serait sollicité pour parer au pire… à moins que l’histoire ne doive se répéter ! La Maire UMP d’Avignon, Marie José Roig, a écrit le 12 mars au «patron des patrons» de ne pas provoquer une nouvelle annulation du Festival… DE.M.

rien, et d’autres cotisent sans parvenir au seuil indemnisable). Un alignement sur le régime général permettrait donc d’économiser, selon l’UNEDIC, «seulement» 320 millions par an. Et cela sans compter qu’il faudrait verser les minimas sociaux à nombre de ceux qui ne franchiraient pas les nouveaux seuils… L’alignement serait vraisemblablement, en ces années de baisse des budgets de la culture, une opération blanche. Et, si la croissance revient, un manque à gagner par le massacre sur le long terme de professions extrêmement qualifiées. L’attaque du régime des intermittents est donc idéologique. Dictée par la volonté de contrôler la pensée ? De rationnaliser le bouillonnement artistique ? Peut-être. En tous les cas la suppression de ce régime serait contre-productive. Parce qu’elle risquerait paradoxalement de coûter à l’UNEDIC, et serait une catastrophe pour l’avenir culturel et économique de notre pays. AGNÈS FRESCHEL

© DE.M


Le réel en partage

Les amateurs y ont donc pleinement leur place, jusque sur scène. C’est notamment le cas des jeunes Marseillais engagés dans la création de Karine Fourcy, Frontières. Ce projet a vu le jour à la Cité, qui fête aujourd’hui ses dix ans… La Cité est une fabrique. Un lieu de résidence pour les artistes et un lieu d’expériences pour les gens. Nous accompagnons les premiers dans leurs écritures du réel et les seconds dans leur éveil à l’art. C’est un espace de récits communs, d’où naissent des projets qui trouvent en la Biennale un espace d’expression tout désigné. C’est un peu son camp de base, son cœur battant. Vous réalisez cette Biennale avec de nombreux partenaires : des institutions culturelles, des établissements scolaires, des associations, de Marseille, Aix, Avignon ou encore Cavaillon. Quel est votre secret pour fédérer les forces vives d’un tel territoire ? Affirmer simplement la possibilité d’un nous. Je ne m’inscris pas comme propriétaire de la Biennale. J’en

suis l’initiateur, le développeur et rien ne me réjouit autant que de la partager avec d’autres. Le nous rend joyeux, il rend plus intelligent. Je rêve que cette biennale soit un jour celle de Marseille et de sa région, dans ce nous des ici et des ailleurs, des proches et des lointains. Un rassemblement des intelligences. De toutes les intelligences. Entretien réalisé par LAURENCE PEREZ

Biennale des écritures du réel, du 13 mars au 12 avril, à Marseille mais pas seulement programme détaillé sur www. maisondetheatre.com/biennaledes-ecritures-du-reel/

Langues apparentées La Biennale s’est ouverte sur une proposition éclairant avec beaucoup d’à-propos la notion d’écritures du réel. La Dernière Interview n’est pas la reconstitution théâtrale de l’entretien que Jean Genet donna à Nigel Williams de la BBC en 1985. C’est une belle partition offerte par Catherine Boskowitz à Dieudonné Niangouna, qui en livre une variation personnelle. S’il se glisse, tout en retenue, dans les mots de Genet, c’est pour mieux en sortir -de la façon éruptive qu’on lui connaît- et jeter des ponts vers ses propres interrogations d’homme de théâtre congolais. Tout commence par une longue attente. Williams attend Genet qui rechigne à venir devant la caméra. Le temps n’est alors pas celui de la représentation, mais celui du réel, qui pèse sur le public. La Dernière Interview le met dans une posture inhabituelle : tantôt témoin du tournage, tantôt spectateur de la pièce, voire partie prenante de la

performance. Genet aimait «casser l’ordre», La Dernière Interview casse les codes de la représentation par un savant jeu de ricochets entre les réalités. Et l’interview tourne à la confession. Celle d’un homme qui croit en «langagement», pour citer Jean-Pierre Verheggen, un autre poète vivant. L.P. La Dernière Interview a été jouée le 13 mars à la Friche la Belle de mai, Marseille z La dernière interview © Pere

Zibeline : Qu’entendez-vous par écritures du réel ? Michel André : Ce sont des écritures qui travaillent le réel, qui naissent d’expériences partagées. Des œuvres qui s’inventent dans la relation à l’autre et qui portent en elles les traces de cette rencontre. Ces écritures sont multiples. Elles peuvent tout aussi bien partir du témoignage, de l’autofiction que d’un travail d’enquête, mais elles se situent toutes dans un côtoiement fort de l’autre. C’est cette démarche qui les définit : aller à la rencontre du lointain de l’autre. Chaque semaine, la Biennale propose au spectateur d’explorer une nouvelle thématique : les femmes, la jeunesse, les paysans, les Roms… Comment déterminez-vous ces grands axes ? Nous ne choisissons pas ces thématiques, elles s’imposent à nous. Elles émergent du terrain sur lequel nous œuvrons au quotidien, dans l’espace que nous dirigeons avec Florence Lloret : la Cité. C’est en travaillant au côté des artistes et des gens que nous remarquons des éléments saillants, qui deviennent ensuite des lignes de force de la Biennale. Celle-ci est pensée comme une somme de propositions qui se répondent les unes aux autres, plaçant ainsi le spectateur au centre d’une circulation de formes et de pensées. Justement, au-delà des propositions artistiques, la Biennale ménage de nombreux espaces de réflexion… Jean-Christophe Bailly rappelle à juste titre que les lumières, c’est un pluriel. Il y a toutes sortes de lumières. C’est pour cela que sont invitées à la Biennale toutes sortes de personnes capables «d’éclairer» les questions soulevées par les propositions artistiques : des penseurs, des scientifiques, des historiens… Il se crée ainsi une plateforme collaborative. C’est particulièrement vrai cette année avec l’École éphémère du philosophe Bernard Stiegler ou encore la Nuit de la doléance contemporaine. Dans votre programmation se côtoient artistes internationaux, artistes de la région et amateurs. En quoi la présence des uns vous importe-t-elle autant que la présence des autres ? Il me semble très important que la création d’ici côtoie celle d’artistes en première ligne sur les questions d’écritures du réel, tels Dieudonné Niangouna en prise avec l’histoire du Congo ou Angélica Liddell, qui s’interroge sur son rapport à la Chine. La Biennale, c’est voir le monde avec les yeux des autres, mais aussi faire avec les autres.

7 © Agnès Mellon

5 semaines et plus de 60 rendez-vous relevant du spectacle, du cinéma, des arts visuels, de la littérature… Impossible en quelques lignes de dresser un panorama complet de cette programmation qui, malgré un équilibre financier précaire, ne transige en rien sur la qualité et le sens des propositions. Pour vous convaincre de découvrir cette Biennale, petite discussion avec Michel André, l’un de ses deux instigateurs.

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P O L I T I Q U E C U L T U R E L L E

Le ministre, l’école et le In, tout un art

À Avignon, la visite d’un ministre qu’avec la réforme du temps scolaire, 80% des enfants auront un accès gratuit à des de l’Éducation dans un collège activités culturelles. en Zone d’Éducation Prioritaire, La FabricA, c’est rare. Quand ce collège signe interface avec les quartiers de surcroît un jumelage inédit «Les élèves ont besoin de la culture pour mais le Festival a aussi besoin de avec le Festival d’Avignon, ça s’épanouir, ce contact avec la population. C’est là que nous préparons le futur Festival». Dès son arrivée à devient historique !

Le 13 février, le collège Anselme Mathieu, situé dans le quartier «populaire» de la Rocade, a pourtant bel et (très) bien vécu la scène. À l’occasion de la signature d’une convention de jumelage entre le Festival d’Avignon et le collège, le ministre de l’Éducation Vincent Peillon était présent, soutenant, par la même occasion, son projet d’éducation artistique. Disponible, à l’écoute, ravi de l’accueil réservé par l’équipe éducative engagée, et les collégiens qui ont fièrement joué une pièce en italien, il a félicité cette «élévation par l’art, fondamentale pour notre école».

La culture, vecteur de réussite

Le principal Florent Briard se bat au quotidien pour un projet pédagogique ambitieux et innovant : «La culture est un levier essentiel pour faire progresser les élèves. Le but c’est qu’ils écoutent, ressentent, fassent et aient envie d’apprendre». Désormais partenaire privilégié du In, dont l’impact restait jusqu’alors inaccessible aux élèves, le collège œuvre en parallèle de sa rénovation à une ouverture sur l’extérieur, «un lieu de vie pour rendre les élèves acteurs de leur éducation». En revenant sur «le destin social et scolaire des élèves trop souvent déterminé par leurs origines», Vincent Peillon rappelait l’ambition du nouveau réseau ZEP (dispositif REP+) : «Notre pays est celui des inégalités scolaires. En donnant davantage aux collèges des quartiers, nous avons souhaité une action forte de justice et d’égalité […]. On doit construire cette école de la justice, avec les artistes et le parcours d’éducation artistique au cœur des projets pédagogiques… Ça développe une envie de grandir, un sens de la coopération, l’estime et la confiance en soi.»1 Confirmant, au passage,

la direction du Festival, Olivier Py souhaitait réussir «la décentralisation des 3 km» et faire vivre à l’année le Festival, en développant un projet social à travers La FabricA. Un outil idéal qui occupe tous les esprits avec le projet de FabricA numérique2, en passe de devenir un levier économique qui pourrait bénéficier du label «French Tech» lancé par Fleur Pellerin (ministre déléguée auprès du ministre du Redressement productif). Ce jumelage pluriannuel permettra une relation directe entre les élèves et les équipes du Festival : invitations aux représentations et résidences, répétitions, visites techniques, rencontres, stages, Web TV réalisée par les élèves. Nathalie Garraud reprendra Othello au collège à la rentrée, Olivier Py un conte de Grimm créé cet été. Une école du spectateur pour ouvrir au monde… ou dans un premier temps, à la cité des Papes dans son ensemble. DELPHINE MICHELANGELI

Concernant l’égalité des chances et la réussite de tous les élèves, la restructuration des collèges du centreville d’Avignon, où ont été répartis, avec succès, les élèves de l’ancien collège de quartier ZEP Paul Giéra -La FabricA lui ayant succédé-, comporte malgré tout des conséquences alarmantes. Pour exemple, le collège Joseph Vernet, malgré un effectif stable depuis 4 ans et la perte des moyens «réseau réussite» attribués au moment de la transition en 2009, devrait (encore) voir l’une de ses classes fermer l’an prochain. Résultat, plus de 30 élèves par classe, dont un nombre croissant en grande difficulté… Une situation elle aussi prioritaire ? 1

L’association de préfiguration vient de voir le jour, présidée par le directeur exécutif du Festival Paul Rondin et encadrée par Pascal Keiser, directeur de Mons 2015 2

Vincent Peillon, collège Anselme Mathieu, 13 février 2014 © Delphine Michelangeli

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La danse mise à mue

La chorégraphe Julie Nioche conçoit la danse à partir de l’environnement, de la contrainte, du lâcher-prise, et crée régulièrement in situ. Elle était l’invitée du Festival d’Avignon, pour évoquer Matter qu’elle (re)créera, en salle, pour l’édition 2014. «Matter, c’est le sujet, la matière, la maternité» explique-t-elle. Une pièce bâtie au long cours avec trois autres danseuses-chorégraphes, dans leur pays respectifs (Norvège, Suède, Maroc), que Julie Nioche a invitées de 2006 à 2008 pour témoigner de leur «identité à travers le corps dansant» autour d’un processus chorégraphique singulier. Un travail sur la mise à nue (pas sur la nudité, rectifie la chorégraphe), métaphore de la mue qui s’opère tout au long de l’existence. Habillées de robes de papier, l’enjeu des danseuses est de dissoudre et faire disparaitre cette robe sous l’influence de l’eau. «Comme dans la vie, on a des rôles à porter dont on veut se débarrasser. L’espace de création est un espace de réactivité en direct et laisse apparaître d’autres rôles sociaux, imposés ou fantasmés.» Un dispositif plastique aléatoire, pour donner à voir la fragilité et la résistance, qui réagit comme «un système d’adaptation à la réalité dans lequel ces femmes se rencontrent et dévoilent une autre partie de leur identité». Sept ans plus tard, la même équipe se retrouve. «Recréer Matter, ça part d’un désir dans mon parcours de parler d’écologie humaine. Ça m’intéressait de retrouver ces femmes, de continuer le processus de création. On se débrouille toutes avec l’évolution de nos vies.» Diplômée d’ostéopathie, Julie Nioche n’y voit pas une compétence parallèle, «c’est une pratique qui cherche à redonner du mouvement là où il n’y en a plus, comme la danse. On réapprend à son corps à trouver sa façon de se défendre. Pour moi, l’art et la pratique de la danse, c’est aussi une façon de se défendre de la réalité». Une artiste soignante, qui investit les corps pour partager l’en-commun. DE.M.

La rencontre avec Julie Nioche a eu lieu le 17 février à La FabricA, Avignon Julie Nioche © Delphine Michelangeli


Conversation Le 19 février à la Friche la Belle de Mai, à l’occasion des représentations de La Trilogie de Franck par la compagnie l’Entreprise, une conversation publique était organisée sur le thème de «L’art et l’école en dialogue», pour commencer quelque chose et pérenniser des échanges entre l’école et l’art. C’est Nathalie Cabrera, responsable des actions de participation à Marseille Provence 2013 qui l’a animée. Elle est à l’origine de la création du spectacle La Table du fond en collège en 2006, expérience que nous a présentée son initiateur, François Cervantes. Retourné sur les bancs de l’école en 1996, il a crée dix ans plus tard La Table du fond pour mieux comprendre le processus de l’apprentissage, la salle de classe étant le lieu de la fiction et celui de la représentation. D’autres intervenants ont évoqué leurs expériences. Philippe Delaigue, auteur, metteur en scène, directeur du département «acteurs» de l’ENSATT a parlé de Cahier

La Table du fond © Christophe Raynaud de Lage

d’histoires, projet qu’il a initié à Alès (et qui a beaucoup tourné dans la région depuis, à Port-deBouc, Martigues, Briançon…) : des «commandes» passées à des artistes autour de thématiques précises pour des représentations et des échanges dans les lycées,

projet qu’il développe aussi au Maghreb et en Afrique de l’Ouest. Didier Abadie, directeur de l’ERAC, a évoqué l’intervention de ses étudiants-acteurs dans des lycées professionnels. On a pu assister aussi à des extraits de La table du fond, joués par des élèves acteurs,

ainsi qu’à un extrait du superbe Nous, Princesses de Clèves de Régis Sauder (voir Zib 27). À partir de ces expériences, la deuxième partie de l’après-midi a été consacrée à des échanges autour de la place à l’école pour l’art : comment (re)créer le lien avec le milieu enseignant ? Malgré le contexte peu favorable, que peut-on faire quand on sait que l’art est un moyen de comprendre le monde, et que le rapport à l’art est fondamental pour les jeunes, comme l’a rappelé la philosophe Joëlle Zask ? On peut se demander pourquoi les représentants de l’action culturelle de l’Éducation Nationale, invités, n’ont pas jugé bon de participer à cette conversation publique qui a permis de faire le point sur cette question essentielle. ANNIE GAVA

La rencontre «L’art et l’école en dialogue» a eu lieu le 19 février à la Friche


Le Monde à l’envers

10 M U C E M V I L L A M É D I T E R R A N É E

Le MuCEM poursuit sa programmation culturelle. L’exposition Le Monde à l’envers consacrée aux Carnavals et mascarades d’Europe et Méditerranée ouvre ses portes dès le 26 mars. Pratiques carnavalesques, parades urbaines, fêtes identitaires et rites masqués, qu’ont en commun ces manifestations qui apparaissent «comme une culture commune aux sociétés de l’espace euro-méditerranéen» ? Un voyage dans l’imaginaire pour découvrir ce que la fête nous apprend des sociétés contemporaines. Les enfants pourront participer, du 12 au 28 avril, au Temps Fort Carnaval de Printemps, avec des ateliers pour apprendre à créer des masques, ou le spectacle La Naissance du carnaval proposé par la Cie Auriculaire (21 avril).

Rire, dérision, transgression

Le Temps fort du mois de mars, du 28 au 30, a pour thème Rire, dérision et transgression. Artistes, penseurs et cinéastes (voir focus sur le cinéma de Cipri et Maresco p. 56) sont invités à illustrer le sujet en ouverture de l’exposition Le Monde à l’envers. L’art de la dérision, de l’outrance et du burlesque, qui mieux que la compagnie l’Entreprise pour en parler ? Dans Les masques si loin, si proches du théâtre, le 29 mars à 20h30, Philippe Caubère, François Cervantes, Catherine © Christophe Raynaud de Lage

Germain et Erhard Stiefel, à travers improvisations, lectures et projections partageront avec le public leur passion des masques. Rencontre, à 14h30, avec le dessinateur et écrivain Frédéric Pajak qui revisite à sa manière le sujet, et à 16h30 avec Fethi Benslama, qui éclairera la notion de carnaval à la lumière de la psychanalyse.

Place aux spectacles Partenaire de la 2e édition de la Biennale des écritures du réel (voir p. 7), le MuCEM accueille, le 4 avril, la Cie Traversée(s) Nomade(s) pour sa création D’une rive à l’autre, mise en scène par Karine Fourcy, dans laquelle une comédienne incarne la parole de quatre femmes égyptiennes filmées en 2012. Le 5 avril, la rencontre imaginée par Arlette Farge et Stéphanie Latte Abdallah, historiennes, autour des Féminismes d’ici et du Proche-Orient rassemblera des femmes prêtes à penser ensemble pour échanger sur les tendances, et les questions qu’ils soulèvent. Avec le cycle Entre...croisements, les musiques des mondes méditerranéens sont à l’honneur. Le 11 avril, le saxophoniste Toufic Farroukh présentera son 5e album, Cinéma Beyrouth, pour une évocation imagée de sa ville natale, entre musique jazz, arabe, classique et contemporaine.

Des Artistes dans la Cité

Deux nouvelles expositions temporaires sont consacrées à la création artistique contemporaine du Maroc. Du 14 mars au 2 juin, L’Art en Travail, sous le double commissariat de CulturesInterface et Nawal Slaoui, regroupe des artistes marocains fortement attachés à leur pays et qui posent, à travers les notions de pouvoir, d’éducation et de travail, la question de l’engagement de l’artiste dans la cité. Des préoccupations sensibles et quotidiennes d’artistes citoyens révélées par Mustapha Akrim, Hicham Benohoud, Simohammed Fettaka, Faouzi Laatiris, Youssef Ouchra, Younès Rahmoun et une seule femme, Batoul S’himi. La seconde partie du cycle, Passerelle artistique : étrange paradoxe prendra le relais le 20 juin. De.M.

MuCEM, Marseille 04 84 35 13 13 www.mucem.org

Buste de silène ivre, bronze, Volubilis, Maroc, époque augustinéenne, Musée archéologique de Rébat, Maroc © Ministère de la culture du Royaume du Maroc. Photo MuCEMYves Inchierman

Carnaval des idées au MuCEM

Canons méditerranéens

La nouvelle exposition phare du MuCEM, Splendeurs de Volubilis, scelle les débuts d’une belle aventure avec la Fondation Nationale des musées du royaume du Maroc, créée en 2011 par Sa Majesté le roi Mohammed VI dans sa volonté de démocratiser la culture. Par ces accords, non seulement la circulation des œuvres, mais aussi la formation continue des personnels scientifiques sont mis en avant, de même que le dialogue entre les différentes cultures, s’inscrivant dans le cadre diplomatique. Le Louvre se réservant la partie proprement archéologique, on ne trouvera pas les éléments qui permettraient de reconstituer la vie quotidienne ou l’intense activité commerciale (principalement le marché de l’huile d’olive) de la cité antique de Volubilis (inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1997), mais essentiellement de «beaux objets» destinés à une élite. Un pan d’histoire est principalement évoqué, celui de la ville romaine au temps de Juba II (52 av. JC-23 ap. JC), roi berbère élevé à Rome qui régna sous la tutelle romaine à partir de sa capitale Césarée. Le buste de bronze de ce roi lettré nous accueille à l’entrée de l’exposition qui, dans sa première partie, évoque succinctement le contexte géographique et historique ainsi que les fouilles menées sur le site. Le propos est ici de montrer combien le goût et les choix esthétiques étaient façonnés par la culture grecque, la statuaire reprenant les canons du Ve s. av. JC. Les œuvres sont copiées, exportées dans tout l’empire romain, si bien que l’on peut retrouver les mêmes codes de représentation et les mêmes références mythologiques, de la discrète inclinaison des têtes -leur accordant une intériorité- aux ivresses des Bacchus, ou la classique scène de Thésée domptant le Minotaure. La technique «à cire perdue» de la fabrication des bronzes est expliquée par un film et des vitrines. On est séduit par la beauté des attitudes, la finesse des traits, le réalisme du vieux pêcheur, la grâce de Juba. Volubilis avec son nom de fleur n’est ici qu’enchantement. MARYVONNE COLOMBANI

Splendeurs de Volubilis jusqu’au 25 août MuCEM, Marseille 04 84 35 13 13 www.mucem.org


L’esprit des eaux Le critique de cinéma et réalisateur Alain Bergala a conçu pour la Villa Méditerranée un parcours d’exposition intitulé Sous la mer, un monde. Très complet, ce voyage sous les flots réussit le tour de force de conjuguer approche scientifique, arts et imaginaire. Un accrochage à hauteur d’enfant et de nombreux ateliers ponctuant la visite permettront aux plus jeunes de s’instruire de façon ludique, tandis que les adultes y trouveront amplement matière à réflexion. Sur les traces d’un mérou numérique (dont la voix est celle d’Alain Bergala luimême), et grâce aux multiples témoignages de chercheurs et usagers de l’univers maritime, on prend conscience de bien des choses : la géographie ne s’arrête pas au rivage, les reliefs alpins se poursuivent sous la surface de l’eau, et... tout finit à la mer ! La Méditerranée étant moins vaste que les océans, l’activité humaine y est plus perceptible... Si certains passages du parcours sont plutôt pointus, notamment en ce qui concerne la biodiversité et les conséquences du réchauffement climatique sur les fonds sous-marins, le propos demeure accessible et passionnant. Au fil des salles, on découvre ainsi un documentaire retraçant de manière spectaculaire la naissance d’une île, ou bien un entretien avec Henri Cosquer, évoquant la découverte de sa fameuse grotte lors d’une plongée dans les calanques marseillaises. Plus loin, entre autres merveilles, des représentations de sirènes à travers les âges, la délicatesse de lanternes magiques conçues au

XIXe siècle, et quelques exvotos, offrandes émouvantes de marins rescapés. On notera la présence du très secret street-artist Olo, avec deux de ses méduses géantes, en écho à celles de l’artiste contemporain Micha Laury. Mais le clou de l’exposition est sans aucun doute le montage réalisé par Alain Bergala à partir d’extraits de films «qui se passent à la lisière de l’eau» : La comtesse aux pieds nus, Respiro, Plein soleil, Le Mépris, etc. composent une partition étonnante et rythmée, hommage à la Méditerranée d’un amoureux du 7e art. GAËLLE CLOAREC

Sous la mer, un monde jusqu’au 31 août Villa Méditerranée, Marseille 04 95 09 44 00 www.villa-mediterranee.org

À venir Durant la 2e quinzaine de mars, une riche programmation vient compléter le parcours. Entre autres propositions, le 25 mars, c’est une sélection de films rares qui sera projetée lors d’une soirée intitulée Sirènes, pêcheur de perles, étoiles de mer. Le 28, Alexis Moati présentera une adaptation théâtrale du conte d’Andersen La petite sirène. Le lendemain sera consacré à l’image sous-marine, avec de nombreux documentaires, rencontres et reportages. Le programme complet est disponible sur le site de la Villa Méditerranée. Retrouvez l’interview d’Alain Bergala sur WebradioZibeline Copépodes, ptéropode et fragment © OOV-C. Sardet


à voir Inside view of the Fondation Vincent van Gogh Arles (Fluor Architecture)

12 É V É N E M E N T S

L’autre atelier du midi Au moment où débute l’exposition Van Gogh/ Artaud au musée d’Orsay, à Arles l’inauguration de la nouvelle Fondation Van Gogh Arles vient amplifier l’offre et le rayonnement culturels arlésiens. Ouverture le 7 avril.

Van Gogh serait descendu en Provence par admiration pour l’œuvre de Monticelli, s’arrêtant en chemin à Arles un jour de neige. On s’accorde pour considérer cette période de conversion lumineuse et chromatique comme le point culminant de sa carrière. Dans les années quatre-vingt la ville reconnaissante, sous l’impulsion de Yolande Clergue, imaginait la création d’une fondation. L’association œuvra pendant plus de vingt ans, constituant une collection en appelant principalement à la générosité d’artistes contemporains. Le premier sollicité fut Francis Bacon. Si la nouvelle institution arlésienne mécénée par la famille Hoffmann «reprend aujourd’hui le capital culturel et matériel» de son aînée, on ne sait encore comment elle sera valorisée dans l’ancienne banque de France rénovée. Pour autant le projet souhaite faire de cet établissement une référence régionale et internationale. Sont prévus des expositions temporaires d’œuvres de Van Gogh, grâce en particulier à une convention de cinq ans avec le musée Van Gogh d’Amsterdam, des résidences d’artistes et de chercheurs, des actions pédagogiques et de médiation... La célébrité du peintre est un atout d’évidence. L’exposition inaugurale en deux volets Van Gogh Live ! devrait en donner un aperçu conçue par la directrice artistique Bice Curiger et Sjaar Van Heugten, ancien responsable du musée néerlandais. Avec Couleurs du Nord, Couleurs du Sud on nous promet notamment Monet, Monticelli, Pissaro, Gauguin... en dialogue avec des artistes actuels Gary Hume, Elizabeth Peyton, Bethan Huws, Guillaume Bruère, Camille Henrot, Fritz Hauser et Thomas Hirschhorn qui ont conçu des pièces spécifiques. Les touristes répondront sûrement à l’appel. Mais quid des Arlésiens blasés par des projets qui leur paraissent étrangers ? Le titre inaugural ne devrait pas les y aider. CLAUDE LORIN Guillaume Bruère, Sans titre, Louvre, 29.06.11, Pastel à l’huile, crayon sur papier, 70 x 50 cm. Avec l’aimable autorisation de l’artiste

Van Gogh Live ! du 7 avril au 31 août Fondation Van Gogh Arles, Arles 04 90 93 08 www.fondation-vincentvangogh-arles.org

repères

Vincent Van Gogh (1853-1890) du 20 février 1888 au 8 mai 1889, il réalise en 15 mois près de 300 tableaux, dessins et aquarelles les Tournesols, La Chambre (4 versions), La maison jaune, Montmajour... 200 lettres, principalement à son frère Théo, témoignent de ses recherches et inquiétudes juin/décembre 1888, venue de Gauguin, Les Alyscamps, échec du projet de maison des artistes 1889 séjour en hôpital à Saint-Rémy-deProvence, Autoportrait à l’oreille bandée et départ pour Auvers-sur-Oise où il met fin à ses jours ; il y est enterré avec son frère Théo

La Fondation Van Gogh Arles

1983/2009 : création de l’Association pour la création de la Fondation Van Gogh par Yolande Clergue qui constitue au fil des ans une collection d’œuvres -plus de 200 à ce jour- sollicitées auprès d’artistes contemporains : Bacon, Erró, Hockney, Johns, Gibson, Arman, Ceccarelli, Rauschenberg, Appel, Muntaner, Christo, Surian, Viallat... et des musiciens (Dutilleux, Bosseur...), écrivains (Bonafoux, Sarraute...), dénommée à présent Collection Yolande Clergue 2010 : création de la fondation reconnue d’utilité publique la présidence de Luc Hoffmann 2012 : nomination de sa directrice artistique, Bice Curiger (revue Parkett, Kunsthaus de Zurich, commissaire de la Biennale de Venise 2011) 2014 : installation dans l’Hôtel Léautaud de Donines (XVe siècle), ancienne banque de France rachetée par la ville et prêtée pour 20 ans réhabilitation des espaces par l’agence Fluor , 3500m2 dont 1000m2 d’exposition, 11 millions d’euros commande de 2 œuvres pérennes : Bertrand Lavier (portail) et Raphael Hefti (verrière)

Financement/budget : support privé, non communiqué

à lire, chez deux éditeurs arlésiens à l’occasion de l’ouverture : Van Gogh Live ! Inauguration, histoire de la fondation, sa mission, le bâtiment, Analogues, 32 euros Van Gogh Live ! Couleurs du Nord, Couleurs du Sud, catalogue de l’exposition, Actes Sud, 30 euros et pour prolonger, chez ce même éditeur : Van Gogh à l’œuvre, à l’occasion de l’exposition du Van Gogh Museum, Amsterdam, 2013, 55 euros Van Gogh. Les lettres, intégrale de sa correspondance avec facsimilés, 2009, 400 euros C.L.


Cultures Tsiganes

La 7e édition de Latcho divano, Festival des Cultures Tsiganes qui se tiendra du 25 mars au 8 avril, propose rencontres, débats, conférence, lectures, concert, théâtre, stages et projections de films pour «mettre en lumière les cultures tsiganes dans toutes leurs richesses et leurs diversités et (…) pour porter le débat sur la voie publique, avec l’ambition de sensibiliser le public». Après le concert de l’accordéoniste roumain Roberto de BraŞov en formation trio, le 29 mars à la Cité de la Musique, place au cinéma : au cinéma les Variétés, le 1er avril à 20h30, soirée fiction avec Cigán de Martin Šulík : la vie d’un jeune garçon dans son petit village tzigane, soudain bouleversée par la mort de son père, et Lisières de Grégoire Colin en présence des acteurs Marcela et Miroslav ; le 3 avril, soirée documentaire avec Roma Boys qui traite du sujet tabou qu’est l’homosexualité dans la communauté rom à travers l’histoire personnelle de David Tišer, activiste tchèque rom et gay, en présence de la réalisatrice Rozálie Kohoutová ; et The Gypsy Vote de Jaroslav Vojtek : Vlado Sendrei, chanteur Rom slovaque et activiste, décide de se présenter aux élections municipales… À l’issue de la projection, rencontre-débat avec Yaka Maraval et Stéphane Hernandez, acteurs politiques de la communauté gitane de Montpellier. A noter aussi, à partir du 1er avril, toujours aux Variétés, l’exposition photographique Nos voyages en Tziganie de Claude et Marie-José Carret, qui résulte d’une démarche photographique entreprise auprès des populations roms de Slovaquie et de Hongrie ; la conférence de Claire Auzias, historienne spécialisée dans l’histoire des peuples roms, le 5 avril à la Maison de la Région, sur la question du féminisme dans les communautés roms ; ainsi que Romano dives, la 43e journée internationale des Roms, le 8 avril de 17h à 22h, au square Léon Blum : village associatif, théâtre de rue, et à 19h concert du Balkart Band qui réunit quatre musiciens de Bulgarie, de Macédoine, de Serbie et de France. ANNIE GAVA

Latcho Divano 09 52 72 89 28 http://www.latcho-divano.com Cigán de Martin Šulík © MK2


Toulon déjà dans l’autre monde… 14 É V É N E M E N T S

Longtemps assoupie, la ville entre de plain-pied dans le XXIe siècle des nouvelles technologies et des arts numériques. Pour preuve l’ouverture en septembre prochain de la plateforme Télomédia au cœur du pôle de création et de formation constitué par l’IUFR Ingémédia (Université du Sud Toulon/Var), et l’émergence dans le centre-ville de structures innovantes telles Métaxu et le GOM. C’est dans ce contexte dynamique que le théâtre Liberté a réussi le lancement de son premier festival Arts et Avatars, attirant 1500 personnes en 5 jours. Un public averti ou amateur, de tous âges, qui a découvert spectacles et performances, expérimenté les installations, participé aux ateliers pédagogiques et aux conférences. Un public curieux de comprendre, en compagnie de Norbert Hillaire, la genèse de l’art et des techniques numériques ou encore leur extension illimitée appliquée à toute activité humaine, mais qui fut un peu désarçonné par les méandres de la démonstration de Frédéric Lebas sur l’ubiquité, notre rapport au corps, notre capacité à imaginer, notre connexion permanente aux objets et aux réseaux. Responsable de la 4e scène au théâtre, Hélène Bensoussan a choisi de consacrer près de 80% du budget à la création, passant commande «à une jeune génération d’artistes en devenir et de haut niveau qui ont déjà un passif d’expositions et d’expérimentations». Notamment des artistes implantés sur le territoire tels Julien Carbone, Pauline Leonet et Yann Lasserre du collectif Métaxu, et Anne Claire Baconnais des VoiZ’Animées qui, dans Jenkins - expérience lyrique modifiée,

ressuscitèrent avec drôlerie le visage et la voix de la cantatrice Florence Foster Jenkins en juxtaposant ou décalant images vidéo, enregistrements, chant. Un spectacle performatif à l’esprit surréaliste qui devrait trouver preneur chez les programmateurs… Dans son installation monumentale Random, Tomek Jarolim transforma l’espace de la salle Fanny Ardant en caisse de résonance à géométrie variable par la diffusion séquentielle et aléatoire d’ondes sonores et lumineuses. Une expérience à vivre plus d’un quart d’heure pour en ressentir les effets déstabilisants, voire envoûtants. Avec Fruture, le «concert avec marionnettes augmentées» composé par le musicien électro Benoit Bottex et le marionnettiste Arnaud Ziemichod, le castelet traditionnel était remisé aux oubliettes au profit des câbles, capteurs, ordinateurs, miros, images vidéo live, musiques improvisées. Le tout dans une forme évolutive et jusqu’au bruitiste à la dimension de la salle Daniel Toscan du Plantier. Hors de l’espace scénique, deux installations firent sensation, l’une interactive avec le public (Alea jardin de Lucile Haute et Benoît Verjat, tous deux rattachés à l’EnsadLab à Paris), l’autre avec le réseau Tweeter (Cicada de Patrice Mugnier et Kuei Yu Ho d’ActiveCréationDesign). L’une et l’autre projetant le public dans «l’esthétique de l’artificiel»… MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

«Arts et Avatars, Regards sur les arts numériques» s’est déroulé du 11 au 15 février au Théâtre Liberté, Toulon Jenkins - expérience lyrique modifiée © Théâtre Liberté, 2014

Venise à Marseille

© Mimmo Fabrizzi

Jusqu’au 16 mai 2014, l’Institut Culturel Italien organise un cycle d’évènements majeurs autour du riche patrimoine culturel de la Sérénissime : conférences, expositions photos, concerts, films, cours de cuisine… Très belle initiative de la directrice Roberta Alberotanza de lier Marseille, pluriethnique, ouverte sur la Méditerranée, et Venise, sublime dans sa beauté étrange, son Carnaval étonnant, sa Biennale, sa Mostra, où l’art fait partie du quotidien, depuis des siècles. Au fil de la programmation, notons le film Venezia Salva (Venise Sauvée) de Serena Nono (2013) en sa présence, en vo sous-titrée en anglais, le 27 mars à 18h, d’après la tragédie de la philosophe française Simone Weil. Monteverdi est alors Maître de Chapelle à Saint Marc ; des enregistrements de Concerto Soave servent à la musique du film. Le même jour, juste après cette projection, à 19h30, le Festival Mars en Baroque (jusqu’au 29 mars) offrira un magnifique concert, L’Ultima staggione della Reppublica Serenissima. Avec l’exposition Venise et son carnaval (jusqu’au 16 mai), Mimmo Fabrizi prolongera le plaisir, grâce à ses photos panoramiques, dans les salles de l’Institut, où la couleur et la folie du Carnaval se heurtent à la solitude et au silence d’une Venise plus méconnue. L’audacieuse plasticienne Gigi Bon nous fascinera avec l’exposition Mirabilia (jusqu’au 16 mai), son bestiaire où le rhinocéros trône aux côtés du lion de Saint Marc, prêté par le Musée National des arts et traditions populaires de Rome, sortant pour la première fois de la ville éternelle ! Enfin, Saverio Simi de Burgis, critique et historien d’art, donnera une conférence sur l’Académie de Venise, le 10 avril à 18h. YVES BERGÉ

Venise à Marseille jusqu’au 16 mai Institut culturel italien, Marseille 04 91 48 51 94 www.iicmarsiglia.esteri.it



Les théâtres de la Criée et du Merlan se sont associés pour accueillir deux spectacles de Joël Pommerat, Les Marchands et Au monde

Vendre son âme ? 16 T H É Â T R E

Dans le noir jaillit la parole. Une femme vous parle d’une voix monocorde et amplifiée (très belle voix d’Agnès Berthon) sans jamais attendre de réponse. Une femme qui a une amie dont vous ne connaîtrez jamais le prénom. Elle dit que son amie pense que la vraie vie est dans la mort et que la vie présente n’est qu’apparence. Les scènes se succèdent sans aucun dialogue et ce sont les gestes erratiques et les déplacements chorégraphiés des personnages qui laissent percevoir par moments quelques-uns de leurs élans intimes. La narratrice qui travaille dans une usine de 20 000 employés, à la chaîne et rythme d’enfer, développe une maladie professionnelle qui l’en éloigne durant une longue période. Quant à l’amie (étonnante Saadia Bentayeb), elle n’a pas de travail, pas d’argent et quémande vainement l’aide de sa soeur. Dans son appartement vide lui apparaissent ses parents morts. Sur leur suggestions l’amie en viendra à donner la mort à son fils de neuf ans, pour qu’il soit plus heureux. Sacrifice qui rappelle celui d’Iphigénie et permettra la réouverture de l’usine... Dans l’espace vide et déshumanisé, souvent éclairé par le fond et sur lequel se détachent les silhouettes, trône une télévision de laquelle émergent parfois des êtres de l’au-delà. Les courtes séquences sont scandées par une bande-son souvent assourdissante, alternant avec des parties

© Elisabeth Carecchio

chantées complètement ringardes ! Le spectateur est happé (dérangé ?) par l’univers étrange et inquiétant mis en place par Joël Pommerat et son complice Eric Soyer aux lumières, qui interroge sur la place du travail dans les relations humaines. CHRIS BOURGUE

Les Marchands s’est joué à La Criée, Marseille, du 13 au 16 février

Noir comme le monde Certains étudiants le déclaraient au sortir de la représentation : «ça plombe». «Quand même, renchérissait une autre, ça claquait grave.» De fait, Au monde «claque grave» à tous les niveaux. La mise en scène de ce huis clos familial d’abord, au cordeau. Et la scénographie, millimétrée. Le spectacle a été créé en 2004. Joël Pommerat a décidé de le «réveiller» en 2013 à Paris, puis en février 2014 à Marseille. Histoire de faire mûrir encore une création théâtrale remarquable dont les images, les voix, les sons nous poursuivent, nous hantent pourrait-on dire, bien après la fin. Sur le plateau gris tendu de noir (un bunker, cette demeure bourgeoise ?, un tombeau déjà ?), que des rais verticaux d’une lumière blanche

© Elisabeth Carecchio

aveuglante éclairent par les côtés (à la façon de meurtrières), les scènes se suivent, que rythment des noirs peuplés d’un son qui prend aux tripes. Des scènes comme autant de flashes dans la nuit de cette famille qui se délite sans parvenir à sortir de ses ressassements, de ses rêves éveillés, de ses illusions aussi. Comme autant de coups de projecteur sur le monde, qui est ailleurs et dont elle est le microcosme. Visuellement le spectacle est superbe, un noir et blanc de plus en plus épuré. Comme toujours chez Pommerat, la bande son fait plus qu’exister, et les intermèdes de variétés chantés en playback par l’étrangère (support de tous les fantasmes) apportent un décalage onirique (et ironique ?), comme une respiration dans la touffeur tragique. Quant au texte, palimpseste assumé des Trois sœurs de Tchekhov, il abonde aussi en clins d’œil à la tragédie grecque ou classique et offre des moments de vrai comique. Une écriture théâtrale puissante, portée par d’excellents comédiens, particulièrement Marie Piemontese. FRED ROBERT

Au monde a été représenté à La Criée, Marseille, du 18 au 21 février

Passions et désillusions

Si Tchekhov fait du théâtre l’art des passions et de leur négation à travers La Mouette, Christian Benedetti en fait celui de la recherche sur le statut du théâtre d’hier et d’aujourd’hui. «Non, ce n’est pas ça» entend-on en permanence. Konstantin veut réinventer le théâtre mais est incompris par sa mère, actrice imbue d’elle-même et convaincue que les formes anciennes sont les seules qui comptent. Nina veut devenir actrice mais son père et sa belle-mère sont contre ses ambitions. Medviedenko aime Macha mais celle-ci aime Konstantin qui aime Nina éprise de Trigorine, amant de la mère de Konstantin, Irina Arkadina. Si Nina parvient à se libérer du joug de sa famille pour devenir une actrice, dans quelles conditions vivra-t-elle ? Konstantin, lui, écrit mais n’échappe pas à sa mère castratrice qui ne le laisse pas partir à Moscou pour vivre son art. Il voit en Nina une mouette qui parvient à voler de ses propres ailes mais celle-ci se sent triste et seule. Benedetti sort Tchekhov de la Russie tsariste finissante, et ses comédiens simplement habillés se promènent dans un décor blanc dépouillé. Tchekhov devient alors contemporain : les écrivains à leur table de chevet, les mots «décadents», «nouveau théâtre» font écho à toutes les querelles des Anciens et des Modernes, et les phrases sur les statuts des artistes font penser au régime des intermittents… ALICE LAY

La Mouette a été jouée du 14 au 16 mars à la Criée, Marseille

À venir Oncle Vania jusqu’au 20 mars Trois Sœurs jusqu’au 22 mars La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com © Srinath Samarasinghe - Marion Le Meut



Les armes et l’homme…

18 T H É Â T R E

Il les chante, Miloud Khetib, il les chante après Virgile, à sa façon de récitant futé, sans emphase ni déclamation, faisant fi de l’épique et feu de la proximité : il est là, nous y sommes aussi, dans un café à table unique et à sièges dépareillés, aux murs dont les papiers peints parlent d’un passé lointain et d’un orient tout proche. D’une rive à l’autre, de Troie au Latium, Enée va poursuivre son errance d’après-guerre sept ans sur la mer, poursuivi par la jalousie de Junon. Le Chant premier va lui faire toucher terre, à Carthage que la reine Didon est en train de faire sortir de terre justement ; le poète et son traducteur, Dominique Buisset, livrent avec concision la densité de ces moments où l’exil est mis entre parenthèses, où la rencontre émerveillée va faire place

à l’amour «héliporté». Tout est et restera dans le commencement, les onze autres chants feront le reste ; le comédien dit cette suspension avec délicatesse, narrateur qui parle avec les mains, homme à la voix chaleureuse dont la fragilité - réelle ? jouée ?- laisse entrevoir un récit en train de s’écrire en amont ; une très jeune fille l’accompagne, qui le suit tantôt des yeux, tantôt comme son ombre, le livre ouvert à la main ; la souffleuse, celle qui soutient la mémoire ou celle qui la fonde , la muse peut-être «celle qui rappelle les origines»… La simplicité du dispositif permet de lancer droit la parole, et la traduction de Dominique Buisset, qui garde dans la langue traces rythmiques et souvenirs sonores du vers latin, fait sonner bien rond en bouche le «il était une fois» du

Miloud Khetib © Pit Goedert

grand poème. Plaisir aristocratique que cette belle récitation offerte à toutes les oreilles !

La récitation du Chant I de l’Enéide a été présentée aux Bernardines, Marseille, du 11 au 22 février

MARIE JO DHO

Tranche de vie

Les créations de Franck Dimech sont toujours des moments d’étonnement, de malaise, mais aussi de fascination. On se souvient de L’échange en 2011 (voir Zib’ 37), des deux Woyzek en 2012 (Zib’ 49 et 52). Les écorchés proposent La dispute de Marivaux (1744), suivie d’une sorte de prologue qui nous fait glisser dans l’univers de Sarah Kane (1998) avec Manque. Le rapprochement a de quoi surprendre, mais le metteur en scène n’a peur de rien, surtout pas de nous déstabiliser. La représentation commence avec marquis et marquise emperruqués causant (en mandarin parfois surtitré) d’infidélité. L’histoire est connue : ils vont observer le comportement de jeunes gens, 2 filles et 2 garçons, élevés dans l’ignorance du monde et des autres. La jeune Églé arrive rampante, pour se redresser peu à peu, nouvelle Lucie, pour découvrir la nature et son reflet dans le ruisseau. La comédienne, Shu Mien Hu, est terriblement émouvante dans sa nudité originelle, et sa rencontre avec Azor, tout aussi démuni et nu qu’elle, est un moment d’intense émotion. Gestes hésitants, frémissements, naissance du désir, cris... Plus tard arrive l’ahurissante Adine (étonnante Wen Chun Lai), voix de crécelle et robe rose. Le drame se noue très vite avec l’arrivée de Mesrin qui déclanche rivalités et jalousie. La fin heureuse est gommée et le spectacle bascule insensiblement dans un monde dur et violent où les couples sont déchirés, les corps malmenés. L’amour, réduit à la sexualité, n’est plus qu’un souvenir et les personnages n’ont plus pour nom que des initiales. Un spectacle éprouvant et intense. CHRIS BOURGUE

Les écorchés (coproduction des Bernardines, du Théâtre national de Taipei (Taïwan) et du Théâtre Ajmer) s’est joué aux Bernardines, Marseille, du 11 au 15 mars

© Hsu Bing

Les matins et les nuits du monde

Edmonde Franchi poursuit sa déclinaison de spectacles autour du feuilleton télévisé Les fruits de la passion. Ici, elle met en scène une mère au foyer en train de faire son ménage dans son appartement d’immeuble marseillais. Tout est là, dans le tablier rose à flonflons, le linge à étendre avec ses épingles rose fuchsia, ses chaussons roses, ses fleurs au balcon, ses balais, ses rêves. Il y a les voisines, celle du dessus qui met de l’eau javellisée dans ses fleurs, celle du dessous, si discrète, les enfants qui ont grandi et ne se donnent plus la peine de monter, attendant de recevoir par la fenêtre les envois de goûter et de permission de sortie... Il y a aussi les photos, celle du chien, regretté, celle des enfants, «si beaux», celle du mari, qui n’a plus vraiment la côte, même s’il est sempiternellement cité en argument d’autorité dans les conversations avec les voisines. «Mon mari a dit»… Seule sur scène, Edmonde Franchi campe un personnage qui prend au fil du spectacle une profondeur sensible et nostalgique. Cendrillon reste dans les affres des lessives et du repassage, le conte de fée n’est plus. Elle le retrouve dans son feuilleton, nourri d’aventures amoureuses abracadabrantes, la lecture du catalogue des Trois Suisses dont elle rit (mais c’est comme une histoire), et surtout la contemplation d’une marine, croute certes, mais support de rêve. Enfin être tranquille ! Avec son humour, sa finesse, son humanité, cette magnifique actrice et auteur compose ici une très belle pièce sur la solitude et le délitement. MARYVONNE COLOMBANI

Fruits de la passion a été joué au Toursky, Marseille, le 14 mars, dans le cadre de Festi’Femmes

© X-D.R


Crimes en bande organisée C’est dans la tour Panorama de La Friche que s’est tenue la toute première audience menée par le commissaire Jourdana, un homme qui ne plaisante pas avec les rumeurs… surtout lorsqu’il s’agit de meurtre. Etaient convoqués les quatre principaux suspects, trois hommes et une femme (bonjour, la parité !) ; tous quatre soupçonnés d’ourdir de sombres projets. Rien moins que des meurtres à l’Opéra ; et pas qu’un, trois ! N’était-ce qu’une rumeur ? Le complot était-il déjà en cours de réalisation ? Le premier suspect, Roland Hayrabedian, qualifié par ses comparses de «maître chanteur», n’a pas hésité à avouer qu’il avait prémédité ce meurtre depuis fort longtemps. Après ses sept contes musicaux, il conçoit les trois cantates policières comme une nouvelle étape de création pour l’ensemble Musicatreize. Deuxième suspect interrogé, l’écrivain Sylvain Coher, chargé du livret des trois œuvres. Celui-ci n’a pas semblé avoir autrement souffert de ses deux mois de détention à la Villa des auteurs de La Marelle. Il a même déclaré son intérêt pour cette union plutôt inédite entre le genre populaire du polar et l’opéra, généralement jugé plus élitiste. Il a aussi évoqué les trois plantes toxiques qui seront vraisemblablement les armes des crimes -la Digitale, la Douce-Amère, la Dame d’Onze heures-, ainsi que son profond attrait pour la «lignée d’empoisonneuses» qui en seront les instigatrices. Parmi les suspects

interrogés, il y avait également le compositeur colombien Juan Pablo Carreño, responsable musical de la première cantate. «Ce n’est pas parce que je suis colombien que je suis coupable», s’est-il exclamé, tandis que la metteure en scène Sybille Wilson affirmait, elle, être «tombée dans un guet-apens». N’empêche, tous deux n’ont pu résister : grâce aux deux inspecteurs cités à la barre, ils ont donné conjointement une assez bonne idée de ce que cette sombre histoire allait donner. C’est sans filet, et a cappella, comme on dit dans le jargon du métier, que la mezzo-soprano Mareike Schellenberger et le baryton Patrice Balter ont mené leurs investigations, en plein air, ce qui n’a heureusement pas altéré les conclusions de l’enquête. Si la performance vocale des deux protagonistes du cartel Musicatreize s’est trouvée réduite à la portion congrue, elle laisse imaginer un très bel ensemble lorsque l’enquête aura suffisamment avancé. Une piste d’ailleurs creusée avec intérêt par Roland Hayrabedian, qui trouve à juste titre la formule très intéressante à tous points de vue. À l’issue de cette audience extraordinaire, rien n’était encore très clair. On sait néanmoins que le prologue sera emprunté à Pline l’Ancien et chanté en latin par un chœur. Tous les membres du gang espèrent aussi que la première cantate pourra voir le jour en 2015 à l’Opéra de Marseille. Quant à les entendre toutes ensemble… Qui sait ? Lors d’une nuit du «polar opératique» ? FRED ROBERT et FRED ISOLETTA

Le prélude à un meurtre à l’Opéra a été présenté le 16 février dans le cadre du week-end Made in Friche.

© Laetitbe


Invisibles odyssées

20 T H É Â T R E

On a suivi le projet, des premières lectures à La Friche à la présentation d’une étape de travail au Gymnase. On a apprécié la pièce à Port-de-Bouc au printemps 2013 (voir Zib’61). Quel bonheur de voir (enfin !) le Dynamo théâtre se poser quelques jours à Marseille (au moment de la journée de la femme, en plus !), accueilli au théâtre Joliette-Minoterie pour quelques représentations de Va jusqu’où tu pourras, trilogie consacrée aux femmes migrantes. Un projet ambitieux mis en scène par Joëlle Cattino (elle en parle très bien sur notre web radio), et porté par trois auteurs, la Turque Sedef Ecer, le Français Michel Bellier et le Belge Stanislas Cotton. Un long travail de collaboration qui a su préserver la langue et le tempo particuliers de chacun tout en offrant un ensemble d’une belle cohérence. Résultat : un spectacle percutant qui mêle, le plus souvent avec bonheur, les images vidéo, la musique live et les paroles (au micro ou a cappella, c’est selon). Deux heures environ d’un théâtre intense, plein d’éclats poétiques, qui interroge avec pertinence non seulement les migrations au féminin en ce début de siècle mais également le regard que les Européens, et particulièrement les artistes, portent sur ces femmes migrantes. Car des tribulations de Perce-neige et de ses compagnes d’infortune, la vidéaste (interprétée par Joëlle C. herself) fait de l’art ! Contrepoint ironique sans doute mais question plus sérieuse qu’il n’y paraît. La visibilité des femmes migrantes dans l’espace public, tel était d’ailleurs l’intitulé de la table ronde qui s’est tenue le 8 mars après-midi au théâtre. Sous la houlette de la politologue Marie Poinsot, sociologues, psychologues, urbanistes et

Va jusqu’où tu pourras © Michel Bellier

doctorantes, venus de France mais aussi de Turquie, de Belgique et de Roumanie, ont débattu de cette question longtemps méconnue mais devenue depuis une quinzaine d’années un axe fort de la recherche. De fait, selon Mirjana Morokvasic, si les migrations féminines ont toujours existé (jamais moins de 40% tout au long du XXe siècle en France et aux EU), elles sont longtemps restées dans l’ombre. Aujourd’hui, principalement grâce aux études féministes, «les femmes migrantes sont reconnues comme acteures de leur rôle économique». Paradoxalement, on assiste à une montée en puissance de stéréotypes visant à présenter ces femmes comme forcément assistées, forcément victimes. Selon la chercheuse, la visibilité des femmes migrantes demeure «partielle et partiale». Il faudrait ainsi sortir des deux clichés couramment étudiés, celui de la «domestique» et celui de la «prostituée». Beaucoup d’autres figures féminines restent à mettre en lumière pour une visibilité véritablement en accord avec la réalité du monde contemporain. L’art reste un bon moyen de déplacer stéréotypes et représentations ; c’est ce qu’a montré la

Citoyens du monde

La nouvelle pièce de Serge Barbuscia déroule, à partir des textes et chansons de Bertolt Brecht, la partition sensible de 15 ans d’errance dans la vie du poète dramaturge. Chants d’exil agit comme un rafraîchissement des mémoires, un

© Thierry Mondet

acte de résistance en forme de cabaret, sombre et sans fioriture, témoignage d’une histoire pas si lointaine, dont la phrase projetée sur le plateau résonne comme une solennelle mise en garde : «Là on où brûle les livres, on finira par brûler les hommes.» Victime de l’autodafé de 1933, antinazi déclaré, déchu de sa nationalité allemande, Brecht fuit en Europe, puis aux EtatsUnis d’où il fut également chassé, témoin actif de l’oppression et de l’obscurantisme. Quinze années d’exil forcé, d’expulsions, de doutes, de piétinements, de honte. Serge Barbuscia, Aïni Iften et la bandonéiste Yvonne Hahn se font passeurs de ses écrits, guides déracinés luttant pour la liberté, migrants clandestins clamant le Chant des Canons. Des citoyens du monde, comme l’apatride Brecht, dont les âmes errantes s’encanaillent pour raconter la fuite, dansent pour conjurer la terreur, chantent

deuxième table ronde, animée par Samia Chabani. Après avoir rappelé l’importance des acteurs artistiques et de la fiction pour rendre plus visible l’histoire de l’immigration, la déléguée générale d’AncrAges a donné la parole à trois femmes artistes dont le travail creuse les questions d’identité et de mémoire. Toute l’œuvre dramatique de Sedef Ecer (elle-même a émigré) tourne autour de la question de la migration. Frédérique Fuzibet, du Théâtre de la Mer, a évoqué son projet au long cours autour de Médée, figure antique de l’exilée, de l’étrangère, de la répudiée. Quant à Michèle Addala, de la Cie Mises en scène, elle a parlé avec passion du travail qu’elle mène depuis trente ans avec les habitants d’un quartier populaire d’Avignon, des ateliers de parole qu’elle y a mis en place. «Faire théâtre», dit-elle, pour aller «au cœur de la parole de ces gens, au cœur de leur vie». Et la rendre plus visible ? FRED ROBERT

Va jusqu’où tu pourras a été représenté au théâtre Joliette Minoterie, Marseille, du 7 au 12 mars

pour garder en leurs poings serrés un invincible espoir : «On est libre comme l’air après tout.» Et ne cessent de revenir à leur port d’attache, un radeau échoué d’où la puissance du bandonéon exulte sa mélancolie. Seules quelques ombres et lumières pour soutenir la parole, et cette vision fantomatique, inoubliable, de Chaplin dans Le Dictateur, jonglant avec son globe démesuré, rejoint en transparence par les comédiens, clowns égarés dans le cirque du monde. «C’est quand on connaît son passé, qu’on peut imaginer l’avenir», glisse dans un dernier clin d’œil le metteur en scène aux saluts. À méditer. DELPHINE MICHELANGELI

Chants d’exil s’est joué au Théâtre du Balcon à Avignon du 13 au 16 février


Sexe et animaux

© Xavier Lambours

«Ce soir nous allons parler de sexe !» annonce Isabella Rossellini. Et voilà que débute une conférence «obscène mais pas pornographique» sur le monde sexuel des animaux de la manière la plus sérieuse qui soit. Au fil du spectacle Bestiaire d’amour, dont elle coécrit le texte avec Jean-Claude Carrière, Rossellini nous montre des vidéos où elle prend successivement les formes d’un escargot, d’une mouche ou encore d’un canard se délectant toujours des plaisirs sexuels ou repoussant les mâles brusques. Mais qui a inventé le sexe ? Pourquoi certains sont dévorés après la copulation ? Isabella Rossellini fait aussi référence à l’homme avec humour : «le problème du mâle, c’est qu’il n’est jamais sûr d’être le père». Elle évoque également son passé avec son père, Roberto Rossellini, qui aurait aimé vivre une grossesse comme un hippocampe mâle ainsi que sa mère, Ingrid Bergman, qui a jonglé entre ses enfants et son métier de comédienne. Une conférence pleine d’humour pour un public enthousiaste. ALICE LAY

Bestiaire d’amour a été joué au Théâtre du Gymnase, Marseille, du 19 au 21 février

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La langue d’escampette

© Mario del Curto

Pour Jacques Bonnaffé, l’oral n’a rien d’ardu : c’est une part de son métier. Mais à le voir sur scène, on croirait à quelque chose d’inné. Comme s’il était né pour être passeur d’auteurs. Dans L’Oral et Hardi, le comédien donne chair aux vers de Jean-Pierre Verheggen, écrivain belge quelque peu rabelaisien qui, loin des académismes, réinvente la langue en la dévorant «jusqu’au trognon». Car la poésie est un sport de combat. Jacques Bonnaffé le sait aussi et ne s’économise pas. Comme d’autres jouent au ballon rond, il aborde son texte avec ressort et accélérations. Monte au centre, déborde l’adversaire et trouve la touche. Celle qui nous fait pleinement goûter cette écriture érudite et populaire, drôle et inquiète. La plume d’un alchimiste du verbe avec laquelle l’acteur entre littéralement en fusion. On se régale de ce déluge de bons mots qui fustigent, avec le même bonheur, le discours creux des politiques, le verbiage des

managers ou encore la pauvreté des rimes de certains slameurs. Pour finir par célébrer les mille et unes expressions régionalistes utilisées pour signifier «l’idiot du village». Parce qu’il le joue depuis maintenant plusieurs années, Jacques Bonnaffé a son spectacle parfaitement dans les jambes. Peut-être un peu trop, car de cette assurance naissent quelques excès de cabotinage. Dommage, car la poésie est aussi affaire de fragilités, d’aspérités, d’imperfections et de respirations. Mais sur l’ensemble de la truculente performance de l’acteur, avouons que c’est un moindre mal. À consigner du côté des risques du métier. Car lorsque Jacques Bonnaffé prend la langue d’escampette, on le suit volontiers à grandes enjambées. LAURENCE PEREZ

L’Oral et Hardi a été joué au Théâtre Joliette-Minoterie, Marseille, du 20 au 23 février

PT H O LÉ ÂI T RI E Q U E C U L T U R E L L E


22 T H É Â T R E

Cornegidouille, quel beau spectacle ! Les étudiants, menés de main de maître par Agnès Régolo, présentaient au Vitez en création universitaire la pièce d’Alfred Jarry, Ubu roi, avec une qualité professionnelle. Le jeu des jeunes acteurs est pertinent, de même que la distribution. Ainsi, se succèdent plusieurs couples de Père et de Mère Ubu, correspondant avec justesse aux étapes de la pièce. Un décor simple, aisément modulable, recrée la cour, la forêt, le front de la guerre, tous ces lieux où le couple infernal sévit, dans sa cruauté et sa folie. La «farce de potache» retrouve dans cette version tout son sel, sa fraîcheur, en même temps que son universelle portée. Les inventions verbales, les traits poussés jusqu’à l’absurde dénoncent sous le sceau de la dérision la volonté de pouvoir et l’absolutisme. Les jeunes interprètes jouent, chantent, courent, s’affrontent, trahissent, complotent… Les royaumes se font et se défont au gré des diverses volontés de puissance. L’appât du gain, la démesure, si chère aux grands tragiques antiques, aveuglent les personnages. La référence à Shakespeare

© Roxane Samperiz

Par la chandelle verte

est là, bien sûr, entre Ubu et Macbeth on a relevé bon nombre d’échos. Mais la tragédie a définitivement perdu sa noblesse et ses alexandrins, la clausule ubuesque «merdre !» s’est substituée aux «hélas»… Le rythme de l’ensemble emporte tout sans jamais faiblir. Les différentes scènes se succèdent avec

Dans les silences d’un road movie

Ghost road a été joué au Théâtre d’Arles les 13 et 14 mars

MARYVONNE COLOMBANI

Ubu roi a été joué du 20 au 22 février au Théâtre Vitez, Aix

Trilles du Kabuki © Kurt Van del Elst

Les plaines de l’Ouest américain, la Death Valley et ses villes fantômes, partout de l’espace, et le silence… Dans ces lieux inhospitaliers -qui se trouvent sur le tracé de la mythique Route 66, avant qu’une route parallèle plus rapide et plus rentable ne les transforme en fantômes-, vivent pourtant des personnes qui ont choisi la rupture, de celle, définitive, qui met un terme à un mode de vie lié au système capitaliste qui ne correspond plus à leur idéal, freine leurs rêves, leurs désirs, leur quête du bonheur, et sont venus s’installer là. C’est bien cela que Fabrice Murgia met en scène dans Ghost road, une idée du bonheur qui nous attend en plein cœur, l’idée que l’Homme cherche à faire corps avec un désir d’absolu qui aurait tout à voir avec un idéal de liberté… La parole de ces «échoués» de l’Empire américain, qui font fi d’un confort illusoire et privilégient un «chez eux» enfin (re)trouvé, est au cœur du propos de la pièce, relayée sur scène par l’immense comédienne Viviane De Muynck et son double lyrique, la soprano Jacqueline Van Quaille. Ce sont les représentantes de cette résistance naturelle, seules sur scène, au cœur des images tournées par le réalisateur de documentaire Benoît Dervaux (lors du voyage qui permit les entretiens avec ces habitants), de la musique de Dominique Pauwels et des superbes lumières de Giacinto Caponio. Du déclin de cette humanité naît une formidable énergie, portée en tout premier lieu par Viviane De Muynck, comédienne à la conviction aussi forte qu’émouvante quand elle souligne «La vie va à droite et moi je vais à gauche», et par la voix magnifique de la fragile Jacqueline Van Quaille. Magistral ! DOMINIQUE MARÇON

allant dans une superbe scénographie. Une belle réussite !

Certes, il s’agit seulement d’une étape de travail, une fin de résidence, mais déjà d’une belle maturité. Les deux acteurs de la pièce Quel kabuki naît ?, Gaël Baron et Laurent Ziserman de la Cie Dehors dedans invitent à un voyage vers le Japon. Maquillage, tenues, effets de paravent, cérémonie du thé, sons gutturaux, notes égrenées, renvoient à un univers que le cinéma nous a permis d’apprivoiser. Reconstitution sérieuse et fidèle… le spectateur intéressé, et qui cherche à se cultiver, ouvre une page d’encyclopédie qui risque d’être à la fois passionnante et instructive, avec dépaysement à la clé, de quoi nourrir des conversations de pseudo-spécialistes, qui bien sûr «adôrent» la culture nippone, les sushis et les romans d’Abé Kobô et les films d’Ozu. Que nenni ! L’ample tunique est encore bordée d’anneaux qui la dénoncent comme ancien rideau -cela reste dans le vocabulaire du théâtre n’est-ce pas, et justement comme cette pièce essentielle manque au 3bisf…-, les répliques ressemblent davantage à un ragoût issu d’un dialogue des Pieds Nickelés qu’au verbe de Mishima, les gestes s’accélèrent, rompant avec la dignité et le raffinement ostentatoire de la cérémonie du thé. On est entraîné dans une spirale jubilatoire et infernale tenant de l’esprit des Monty Python, ou d’un Buster Keaton. Complices, déroutants, inventifs, malicieux, les deux compères bouleversent l’ordre, dans une saine et vivifiante allégresse. Le mime ici traverse les cultures et les continents, «synchrétise» orient et occident dans l’amour du théâtre. M.C La présentation publique a eu lieu le 20 février au 3bisf, Aix © X-D.R


La ville de Gardanne permet tout au long de l’année aux classes de primaires et de maternelles la fréquentation de spectacles. Ce jour-là, la salle du Peuple recevait une représentation atypique et inclassable portée par l’enthousiasme du Théâtre du Kronope. S’inspirant du Carnaval des animaux de Saint-Saëns, le Carnaval des animaux du Kronope tient à la fois du mythe et de la fable, mêle chant, danse, textes, masques, travestissements. Joëlle Richetta, au livret (si l’on veut rester dans les références musicales), recrée les conditions du déluge destiné à punir les hommes qui ruinent la planète. Une vieille femme, magicienne ou sorcière, a construit une arche pour sauver, à l’instar de Noé, les animaux, et bannit bien évidemment les hommes qui souhaitent échapper à l’inexorable montée des eaux. Sa petite fille, une Anna Pavlova en herbe, danse sur l’air du cygne et tente d’apaiser le cœur de son inflexible grand-mère. Pour monter quand même dans l’arche, les hommes vont se déguiser en animaux. Lion, kangourou, âne, oiseaux, tortue… mais qui se laisserait prendre à cette parodie acrobatique et joyeuse ? Bien sûr, tout cela s’achève par une réconciliation générale, l’amour vainqueur permet au monde de poursuivre sa route et à chacun de trouver un salut. Les costumes et les décors parés de superbes jeux de lumières, accompagnent de leur magie une troupe en verve dans la belle mise en scène de Guy Simon. Homme-orchestre sur scène, Éric Craviatto crée, recompose, adapte Saint-Saëns avec une inventivité magistrale. Un régal ! M.C. Le Carnaval des animaux a été joué le 20 février au Cinéma 3 Casino, Gardanne

Les voies du poète Sur fond noir d’un côté, blanc de l’autre, deux hommes vont se découvrir, et chacun jouera sa partition, si particulière soit-elle. Car tous deux se mesurent à la langue singulière du poète Christophe Tarkos, faite d’incantation et de psalmodie, une poésie débarrassée de tout lyrisme que Roland Auzet, compositeur et metteur en scène, a transformée en un spectacle réjouissant qui fait la part belle à deux comédiens bouleversants. L’un parle, il est un intarissable virtuose des mots (Hervé Pierre, magistral), l’autre impose une silencieuse et fascinante présence (Pascal Duquenne), et peint sur le décor des spirales blanches et rouges, puis des explosions de formes colorées, qui sont autant de réponses sans paroles. Les répétitions de mots, de phrases, travaillent l’oreille et le cerveau comme une musique et laissent échapper parfois de fines variations, des dérivations de sens qui réveillent l’écoute ; cette «patmo» («substance de mots englués»), Hervé Pierre et Pascal Duquenne lui donnent rythme, existence, volume. De cette rencontre

© Emmanuelle Murbach

Du déluge à Saint-Saëns

naîtra le puissant sentiment d’être plus que jamais «vivant parmi les autres», une façon de se tenir face au monde qui redonne toute sa noblesse au mot fraternité. Do.M. Tu tiens sur tous les fronts a été joué le 14 février aux Salins, Martigues, le 18 février au Théâtre d’Arles, les 18 et 19 mars au Théâtre de Cavaillon

À venir les 21 et 22 mars Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr

23 PT H O LÉ ÂI T RI E Q U E C U L T U R E L L E


De si bons petits soldats

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Shake it out est sans nul doute la pièce la plus inspirée de Christian Ubl. Après douze semaines de travail en résidence -dont l’Étang des Aulnes, à Saint-Martin-de-Crau, et le Pavillon Noir-, le chorégraphe embarque cinq danseurs, un compositeur et un batteur dans une joyeuse farandole, iconoclaste et libertaire. Ils dansent et jouent à l’unisson comme s’ils étaient montés sur pile, ils jubilent d’insouciance à pas sautillants ou à reculons, ils défilent au pas militaire tantôt avec la précision d’un coucou suisse tantôt en ordre dispersé. Des échappées burlesques parfaitement dosées par Christian Ubl qui, né en Autriche et vivant en France, interroge les notions d’identité et d’appartenance nationale en écrivant avec la danse un jeu de quilles explosif, et lance

© Jean-Claude Carbonne

ses bons petits soldats dans une parade féroce : certains y perdront même la voix, la face, leur calme, d’autres se tordront la bouche ou grimaceront. Et tous (finiront) à poil ! Tout avait pourtant bien commencé.

La mécanique semblait parfaite, les corps en marche bien huilés, les pas cadencés, les costumes folkloriques parfaitement ajustés, le buste gonflé et la tête haute prête à chanter en mesure. En chœur ils

Guinguette éternelle

guinguette éternelle. Mention spéciale au maître de cérémonie Mathieu Penchinat, formé à l’art du clown et qui livre une prestation hilarante. Qu’il s’empare d’une simple histoire pour ombres chinoises et la transforme en épopée féroce, ou bien martèle un «poème bruitique» en guise de bouquet final, la salle résonne de rires conquis. À la fin du spectacle, le public demeure longtemps debout pour lui rendre hommage, ainsi qu’aux six autres interprètes. Le maître Decouflé les rejoint sur scène, dans un feu d’artifice d’applaudissements et de sourires. GAËLLE CLOAREC

Corps offerts

de la femme nue. Daniel Arasse, historien d’art, veut y voir une représentation de pin-up, et Gaëlle Bourges met tout naturellement en parallèle le regard du peintre sur son modèle, celui du spectateur sur la toile et enfin celui du client de salons privés qui paie pour se masturber. Ainsi les voix off de l’historien se mêlent à celles des travailleuses du sexe qui parlent de leurs expériences de salon et du regard qu’elles subissent comme de celui qu’elles portent sur les clients. Regards multiples sur des corps qui se déplacent dans un ensemble impeccable, utilisant parfois quelques accessoires comme une mule, une fleur ou un collier, mais aussi d’opulentes perruques longuement coiffées et arrangées autour du visage. La bande-son d’Olivier Toulemonde propose des bruits de tuyauterie ou d’usines, mais aussi l’andante con moto de La jeune fille et la mort de Schubert. Intéressant dans une période rétrograde et hypocrite où la nudité semble offusquer beaucoup de monde...

© Danielle Voirin

Philippe Decouflé dresse un Panorama de sa création, depuis ses débuts avec la Compagnie DCA à l’aube des années 80. Reprenant dans une grande cohérence artistique des pièces mythiques et d’autres moins vues, avec de jeunes danseurs, il rebat les cartes et tire ses meilleurs atouts : poésie visuelle, rythme enlevé, humour, le tout irradiant la joie de vivre. D’étranges microbes à tentacules envahissent le plateau, une nageuse semble s’électrifier sous l’eau par la grâce de la vidéo, des amoureux se cherchent dans un mouvement de pendule, un duo joue des propriétés magiques de l’élastique... Et que dire de la bande-son ! Choisissant des airs aussi décalés qu’intemporels, Philippe Decouflé «joue» de l’accordéon comme personne, faisant valser les couples bien assortis de ses danseurs dans une atmosphère de

Harmonie, nonchalance caractérisent la chorégraphie très particulière imaginée par Gaëlle Bourges qui se met en scène avec deux autres belles femmes nues et semblables, allongées sur une longue table recouverte de draps blancs, comme un reflet trois fois multiplié. Il s’agit de reproduire les postures des grands nus de la peinture de la Renaissance à Manet, et notamment de la Vénus d’Urbino du Titien. Le spectacle en appelle à la tradition de la représentation

Panorama s’est joué du 11 au 14 mars au Grand Théâtre de Provence, Aix

CHRIS BOURGUE

Ce spectacle s’est donné au Pavillon noir, Aix, le 11 mars

entonnent l’hymne national, euh non, l’hymne à la joie en version inédite… Quel affront ! À elle seule la séquence vaut son pesant de gloire. Les bons petits soldats ont perdu la boule, les mouvements sont accidentés, l’ordre est déréglé, le nu est désinhibé, l’imprévu succède au convenu. Ce n’est plus un défilé, c’est un bal où chacun n’en fait qu’à sa tête, intrépide, farceur. Le drapeau soudain malmené, froissé, mâchonné, deviendrait-il fou ? La horde est incontrôlable quand la danse bascule en cérémonie vaudou, déjantée. Après le corps patriotique, c’est le corps révolté. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Shake it out a été créée les 20 et 21 février au Pavillon Noir, Aix-en-Provence

Territoires de l’identité

Dans sa dernière création, la jeune chorégraphe Katharina Christl s’interroge sur notre identité et notre place dans une époque obsédée par l’image, et sur nos rapports avec les autres. Son spectacle commence par un texte dit par la danseuse Malgorzata Czajowska où il est question du corps ressenti de l’intérieur. Suit un très beau solo où ce corps ondule, se plie, longue chevelure au vent, sur des rythmes boisés de Steve Reich. C’est d’ailleurs sa musique qui accompagnera toute la danse. Puis vient un duo avec Angel Martinez Hernandez, et les quatre autres danseurs interviennent peu à peu, en duo ou ensemble, se partageant le territoire. Des moments de rencontres intenses dans une belle énergie, de l’humour aussi avec un clin d’oeil au ballet classique... Au fond, des vidéos de Jean-Christophe Aubert montrent alternativement les visages des danseurs en gros plans, visages qui se fondront à la fin pour n’en faire qu’un. Un pas vers la reconnaissance de l’autre... C.B.

Ce ballet s’est donné au grand studio du BNM, Marseille, les 14 et 15 mars


Du souffle dans la danse

Le Festival des Hivernales, 7000 spectateurs au compteur, a révélé une danse urbaine dans tous ses états d’expression Emmanuel Serafini ne s’y est pas trompé en consacrant sa 36e édition à la danse urbaine en général, au hip hop en particulier, réussissant à fédérer autour d’un mouvement parfois stéréotypé mais extrêmement vivant. De la suite dans les idées prendra le relais en 2015, idéal pour un festival de danse contemporaine qui souffle l’ouverture ! Avec Amalgame(s), la Cie Ex Nihilo a ouvert le bal des poètes en créant un lien sacré dans la monumentale Chapelle du Palais des Papes : une extraordinaire occupation de l’espace dans une danse envolée, très construite. Chacun porte sa croix, se lie pour mieux se détacher, se joue de l’éphémère lumière et des accidents de parcours pour inventer des images d’une humanité puissante. Plus proche du langage hip hop, Kader Attou décloisonne la danse avec The Roots. Douze interprètes à l’énergie folle nous coupent le souffle dans un onirique ballet de la mémoire collective. Avec le Bruit des autres, la Cie 2T3M affirme sa recherche sur la différence : trois acrobates et un groupe d’amateurs sortent de l’anonymat pour nous enivrer de leurs 1001 gestes vibratoires. Dans Promenade obligatoire, Anne Nguyen épate par son écriture radicale et remet en ligne le vivre-ensemble. Une course au temps, où huit impressionnants poppeurs se détachent de la marche mécanique dans une traversée de pulsations hypnotique. Rock it Daddy de Michaël Le Mer partait d’une originalité, croiser rock’n’roll et hip hop, mais à force de paroles simulées, d’air guitar et d’idées scéniques vagues, réduisait l’essence même du rock. Ou du hip hop. La part des anges de la Cie Onstap a désappointé, malgré une musique et des lumières porteuses. Ce Verset One fouille, aux forceps, l’incapacité à dire, à faire, et à tomber le masque. Une renaissance en solo de Hassan Razak, courageuse de fragilité mais renvoyant à une recherche et un trouble encore trop indomptés. Thô Anothaï et Ikko Suzuki ont offert des images signifiantes autour d’un choc des cultures dans Place to be, une pièce sur l’exil où butô et hip hop s’opposent à merveille, sans toutefois se trouver. Tendance expérimentale avec l’étonnant cygne dégingandé Emmanuel Eggermont, qui présentait aux Célestins Vorspiel, un triptyque déambulatoire au vocabulaire singulier, autour de l’origine de la création. Un objet un poil égotiste mais captivant, mêlant savamment chant lyrique et Catherine Ringer, Dolto et Albinoni, parodie et performance. Et chaque jour, la poésie à fleur de corps de Brahim Bouchelaghem, dans What did you say sur les poèmes calligraphiés de Carolyn Carlson (qui expose jusqu’au 5 avril à la Maison Jean Vilar) : un pharaon qui modernise le hip hop en traçant le souffle du temps. DELPHINE MICHELANGELI

Le Festival des Hivernales a eu lieu du 1er au 8 mars à Avignon et dans le Vaucluse Amalgame(s), Ex Nihilo © De.M


J E U N E P U B L I C

GAËLLE CLOAREC

Ce spectacle a eu lieu le 26 février au MuCEM, Marseille, dans le cadre du temps fort Alger / Marseille, allers et retours. Rachid Akbal © C.Van de Steen

Au pied levé

Pas de Légende de Ronan Keradalan à La Criée ! Le conteur Patrick Ewen ayant été retenu par une malencontreuse tempête dans sa région (et il en faut des troncs d’arbres en travers de la route, pour faire ainsi renoncer un breton !), c’est Laurent Daycard qui l’a remplacé à la dernière minute. Fondateur de La baleine qui dit «Vagues», conteur et musicien chevronné, il n’a eu aucun mal à prendre le relais avec bonne humeur, face à une salle pleine à craquer. Le public aura à peine eu le temps de sentir une pointe de déception, qu’il était déjà impliqué dans le choix des histoires à venir. De l’amour ! Un dragon ! Une «qui finit mal !»... À partir de ces requêtes, l’artiste a réussi une improvisation de toute beauté, rythmée par son usage judicieux

de différents instruments de musique. Une petite flûte toute bête, de celles qui ont brisé les oreilles de générations d’élèves et de maîtres d’école, donne dans ses mains le ton parfait pour un récit d’inspiration médiévale. Un accordéon, et voilà le suspens qui s’intensifie. Un coquillage dans lequel souffler ? C’est l’air du Maghreb qui prend son envol. Magie du conte et générosité du conteur, qui sur la fin ne manque pas de rappeler aux auditeurs qu’à présent ces histoires de la tradition orale leur appartiennent... et qu’il ne tient qu’à eux de les partager à leur tour. G.C.

Ce spectacle a eu lieu le 15 février à La Criée, Marseille

Le conte à l’envers Ils pourraient se retourner dans leur tombe, mais on imagine plutôt les frères Grimm -Jacob et Wilhem- soupirer d’aise à l’idée que leurs héros poursuivent une carrière réjouissante à travers les siècles. Métilde Weyergans et Samuel Hercule reprennent Hansel et Gretel dans une adaptation contemporaine, et c’est un régal. On pourrait évoquer l’ingénieux retournement narratif qui fait d’eux des parents âgés, prestidigitateurs à la retraite que leur indigne rejeton, éperdu d’amour pour une sorcière maléfique, perd dans la forêt. Mentionner l’ajout de personnages secondaires, une poule et un poisson croquignolets, et le remplacement des petits cailloux blancs par de poétiques lucioles... Mais ce qui fait le sel de ce spectacle réside tout autant dans la mise en scène astucieuse des auteurs. Basée sur un film muet réalisé par leurs soins, elle implique une performance en play-back impressionnante : voix, bruitages, chansons, tout s’effectue en direct avec l’aide de deux musiciens (Timothée Jolly et Florie Perroud). Visualisant l’écran placé derrière eux dans un rétroviseur, les membres de la compagnie La Cordonnerie foulent de vieilles bandes magnétiques pour imiter les tapis de feuilles, croquent

des biscottes au moment des maigres repas, imitent le bruit du verrou lorsque le piège se referme sur les pauvres Hansel et Gretel. On a même cru sentir un parfum de chamallows grillés lors du moment crucial où ils sont fatalement attirés par les sucreries ! G.C.

Le ciné-spectacle Hansel et Gretel a été joué les 11 et 12 mars au Théâtre de La Criée, Marseille © X-D.R

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Rachid Akbal sait manier la crudité, le verbe acéré et l’humour à deux niveaux de lecture, des ingrédients qui assurent son succès face à un public constitué aussi bien d’enfants que d’adultes. Originaire de Kabylie («la région la plus frondeuse d’Algérie»), il présentait pendant les vacances de février quelques Contes cruels du Djurdjura au MuCEM. Et cruels, ils l’étaient indéniablement, tout autant que drôles ! Marâtres indignes, pères éminemment lâches, vieilles «périmées», sultans dictatoriaux et peuple sans révolte en prennent pour leur grade dans ces récits transmis de mère en fils... Il faut imaginer la scène, un après-midi d’hiver au sous-sol du musée, dans la magnifique lumière rasante filtrée par la résille extérieure de Rudy Ricciotti. On voyait le conteur en perpétuel mouvement menacer les premiers rangs de sa babouche, gonfler sa tunique de tétons fictifs, soulever des tourbillons de poussière et des nuages de postillons, porté par une fougue ébouriffante. En voilà un que l’on prendrait plaisir à écouter pendant des heures, tant il met de lui-même dans ces contes épicés venus de l’autre côté de la Méditerranée. Méditerranée qui chatouille les flancs du MuCEM, les jours de grand vent, et qui rend infiniment agréable la perspective d’aller écouter des histoires venues d’ailleurs, au bord de l’eau.

Laurent Daycard © Gilles Juhel

Délicieuses cruautés


Déclinaisons de gestes

Durant une dizaine de jours la 16e édition du Festival Les Élancées a proposé une programmation de qualité sur les six villes du territoire de Ouest Provence

DOMINIQUE MARÇON

Le Festival Les Elancées s’est tenu sur le territoire de Ouest Provence du 11 au 23 février

27 © Adrien Bargin

Depuis 15 ans, ce festival des arts du geste propose des spectacles qui mettent en avant le corps, le mouvement, et croisent souvent les disciplines, permettant parfois de surprenantes découvertes ; c’est aussi l’occasion de belles rencontres avec des artistes qui offrent, au gré de leurs créations, une nouvelle lecture des arts circassiens. À la Colonne à Miramas, Etienne Saglio, manipulateur facétieux et très créatif, présentait Le Soir des monstres. Des lampes au polystyrène, des paniers aux tuyaux de PVC… les objets les plus anodins deviennent entre ses mains des monstres qui s’animent et se rebellent (les tuyaux/ serpents sont de véritables bestioles douées de sentiments), s’envolent aussi (des balles en ferraille se voient pousser des ailes et se mettent à virevolter au-dessus de sa tête), prouvant l’art, très abouti, de l’illusionniste… Changement radical de style, à Grans, avec le danseur et chorégraphe Abderzak Houmi et la dernière création de sa Cie X-Press, FTT (Forme Tout Terrain). Ce spectacle, particulièrement revigorant, fait la part belle à la danse hip hop à travers un historique dansé des différentes formes de ce mouvement, parfois galvaudé à tort. Emmenés par trois danseurs, dont deux jeunes femmes virtuoses, les tableaux courts brossent les techniques (break, smurf, popping, funk…), et parcourent des extraits de son répertoire. À Istres, sous chapiteau, la Cie Rasposo présentait Morsure, première création éblouissante de Marie Molliens, fille de Fanny Molliens créatrice de la cie, qui lui en a transmis la direction artistique. En s’affranchissant de certains codes du cirque, la fil-de-fériste et acrobate entraîne sa troupe dans un univers sombre et sensuel fait d’images, de danse, de musique, de chants, où l’exploit circassien (fil, voltiges, équilibres, portés…) illustre fort à propos la férocité des rapports humains et la fragilité des êtres. Si les morsures laissent des traces, ce spectacle aussi, durables et réjouissantes !

Et vienne la paix !

Morsure © Michel Corbière

En ce début de printemps précoce, la «Sirène» a présenté sa 100e édition (11 ans). Ce rituel urbain imaginé par Pierre Sauvageot, directeur de Lieux publics, est devenu une nécessité, et le rendez-vous est pris pour la millième le 1er mars 2113 ! Cette fois c’est le concepteur-chorégraphe-danseur Ali Salmi qui présente Pax Sit Marseille, une proposition qui évoque les turbulences de la guerre, la souffrance des corps, les violences des affrontements. Trois danseurs se déplacent avec une belle énergie sur un tapis de sol conçu par Didier Pozza, dont les graphismes noirs sur blanc évoquent les ruines imaginaires de l’Opéra si un jour il était détruit. Des voix s’élèvent, mélange de cris, de plaintes, de déclarations sur l’impossibilité de raconter les conflits quand on y est plongé. L’environnement sonore évoque les bombardements, les bruits d’hélico, les tirs. Peut-on exorciser la guerre ? On pense à ce qu’il se passe en ce moment en Syrie ou en Ukraine. Un moment très fort montre les deux danseuses (Maëlle Reymond et Laureline Richard) qui s’acharnent sur le corps d’Ali à terre et jouent avec lui comme avec un ballon, niant complètement son côté humain. Le spectacle finit sur une note plus heureuse de partage. On respire.

P C OI R L QI U T EI Q U R E U E C U L T U R E L L E

CHRIS BOURGUE

Ce spectacle s’est donné le 5 mars devant l’Opéra de Marseille Prochaine sirène le 2 avril : Akosh S. (saxophone ténor, bols tibétains, zither, gongs) et Jean-Philippe Dupont (mise en son) présenteront Micro sons / note pleine

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Pour le concert d’ouverture de Mars en baroque, le 7 mars à l’abbaye de Saint Victor, l’ensemble Concerto Soave, dirigé du clavecin par Jean-Marc Aymes, a fait découvrir au public marseillais un formidable oratorio de Giovanni Bononcini représenté pour la première fois en 1701. Avec un équilibre frisant la perfection, une austérité d’excluant pas l’émotion, c’est tout un monde sonore d’airs et ritournelles qu’on a goûté, de symphonies et ensembles vocaux, passant du récitatif narratif à la vocalise enluminée, sur une trame harmonique matinée de dissonances figurant le dilemme, un combat interne tiré des Évangiles. Car La Conversion de Marie-Madeleine scrute véritablement l’âme de l’héroïne biblique, pécheresse abandonnant sa vie de courtisane pour la repentance. Deux heures durant, la future et fidèle disciple du Christ (poignante María Cristina Kiehr) est tiraillée entre les Amours Divin (Violaine Le Chenadec) et Profane (Etienne Bazola), hésite, résiste avant de céder aux injonction de Marthe, sa sœur incarnée par une magnifique contralto au timbre profond (Alice Habelion), moment précis d’une pure beauté et climax émotionnel de l’ouvrage.

... et claviers spiritueux !

C’est ensuite dans l’intimité du Temple de la rue Grignan qu’a eu lieu, le 11 mars, le 2e concert du festival. Plus de voix, certes, mais les cordes d’Alessandro Ciccolini et Patrice Focardi (violons), Emanuele Marcante (alto), Gaetano Nasillo (violoncelle) n’ont pas manqué de chanter, mélodies sans paroles dialoguant, grâce à Bach, avec deux superbes clavecins. Le sang du Kantor doit un peu couler dans les doigts de Jean-Marc Aymes tant le ruisseau de notes qui sourd du Concerto BWV 1053 sur le clavier baroque donne le tournis. Puis c’est le paisible et fameux cantabile du BWV 1056 que répand Benjamin Allard en perles délicates dans l’enceinte sacrée. Dans le Double concerto BWV1061 enfin, on atteint un sommet d’effervescence stéréophonique. Les doubles croches pétillent comme du champagne... et le public, un peu grisé, en redemande ! JACQUES FRESCHEL

Le Festival Mars en baroque se poursuit à Marseille jusqu’au 29 mars (sauf St-Cannat le 20 mars) www.marsenbaroque.com

Travaux classiques Le concert de l’Orchestre Philharmonique de Marseille au Pharo, le 16 février, a fait le plein pour un programme on ne peut plus «classique», avec les trois compositeurs dits de la «Première Ecole de Vienne». De fait, Haydn, Mozart et Beethoven, dans une large mesure, ont fondé ce que l’on appelle en musique le style «classique», imaginé des modèles (tout en s’en démarquant parfois) à une époque où les Lumières se répandaient en Europe, en particulier dans les domaines de la symphonie et du concerto. C’est ce trio-là, et précisément ces genres musicaux, que Christoph Altstaedt a dirigé, d’un geste rond, minimal et original (outre une tenue «cool», veston sur tee-shirt, sans nœud pap), laissant jouer l’orchestre le plus

souvent après une impulsion dynamique. Si cette manière n’a pas vraiment convaincu dans la Symphonie n°88 de Haydn, au demeurant un peu «poussive», elle a trouvé sa juste mesure dans la 4e symphonie de Beethoven (sous-estimée dans le cycle des neuf symphonies), laissant place à l’énigme, la puissance, et fuyant toute lourdeur. Enfin, c’est sans tralala que Jean-Bernard Pommier a donné la réplique à l’excellente phalange marseillaise dans le fameux Concerto n°21 de Mozart : agile, un jeu pianistique très égal et clair, «à la papa», sans recours à une gestique corporelle superflue... tout dans le clavier, les doigts et l’écoute. Du beau travail ! JACQUES FRESCHEL

Ils sont quatre, ils sont jeunes, ils incarnent la nouvelle garde des quatuors à cordes tchèques et sont promis sans aucun doute à un bel avenir tant ils font déjà preuve de maturité et d’intelligence musicale. Le compositeur tchèque Pavel Haas peut être fier de voir son nom associé à cet ensemble revigorant qui embrasse une grande partie du répertoire en y apportant une petite touche de fraîcheur. Dans l’espace confiné du Théâtre du Jeu de Paume, le public put apprécier, dans les trois pièces données, combien ces quatre instrumentistes sont à la recherche d’un son, d’une pâte qui va venir coller aux exigences des œuvres. Tout en intériorité avec un éclairage discret sur chacune des lignes du discours dans l’op.76 n°5 du maître Haydn, en légère surbrillance dans le Quatuor n°10 op. 51 de Dvorak, l’ensemble s’est transformé en bloc minéral dans le somptueux Quatuor op.51 n°2 de Brahms innervant toute la salle d’une sonorité ample et généreuse. Un carré prometteur qui a bien des atouts dans sa poche... CHRISTOPHE FLOQUET

Le Quatuor Pavel Haas a joué le mardi 11 mars au Jeu de Paume, Aix Quatuor Pavel Haas © Marco Borggreve

M U S I Q U E

Errances spirituelles...

Mars en Baroque, Concertos clavecins, Temple Grignan © J.F

28

Un carré d’Haas!



Un classique d’aujourd’hui ?

30 M U S I Q U E

Aller découvrir une création n’est pas si fréquent à l’Opéra de Marseille. On se souvient de Marius et Fanny en 2007, de sa veine foncièrement populaire : une musique facile d’accès, maniant l’effet, épousant les mots de Pagnol. Sept ans plus tard, avec Colomba, l’ambition de Jean-Claude Petit est autre ! S’il vient du même bain que Cosma, de la chanson et de la musique de film, l’auteur de la B.O. de Manon des Sources désire manifestement laisser une trace historique avec son opéra composé d’après la nouvelle de Mérimée... et peut-être recouvrer une ambition de jeunesse nouée dans ses classes d’écriture au CNSM de Paris, mise en réserve du fait d’une vie d’artiste poussant vers des paillettes avantageuses ? À 70 ans, Jean-Claude Petit créerait-il son Grand-Œuvre ? L’avenir nous dira quel destin aura sa Colomba... Au demeurant, outre la belle mise en scène de Charles Roubaud, rehaussée de fascinantes projections vidéo (Julien Ribes), les tableaux imaginés par Emmanuelle Favre (bateau mouvant accostant aux rivages de l’Île de Beauté, intérieurs austères de maison de village...), les costumes Empire/Restauration de Katia Dufflot, outre les vers de Benito Pelegrín épousant la dimension tragique, méditerranéenne et mythique du récit, outre un plateau vocal formidable, emmené par Marie-Ange Todorovitch, puissante dans son rôle de pleureuse endeuillée, vocifératrice,

Colomba © Christian Dresse

vengeresse obstinée poussant, telle Electre, son frère à la vendetta et au meurtre... outre tout ce qui fait la réussite d’un spectacle d’opéra, son Orchestre et ses Chœurs (dir. Claire Gibault), visuellement, dramatiquement, la musique de Jean-Claude Petit mérite qu’on s’y penche, qu’on tende l’oreille ! L’essentiel se fonde sur une déclamation intelligible, syllabique, un récitatif accompagné de type arioso qui, s’il reste dans un système tonal perturbé, flirte avec l’atonalité. De cette facture, éminemment lyrique, fondée sur la ligne vocale (même si l’on n’y retient pas de mélodie à proprement parler -hormis peut-être le vocero récurrent, mélopée matinée d’une «couleur locale» imaginaire traversant l’ouvrage)- ponctuée d’accords pivotants, émaillée de contrechants et de

Le retour de l’homme aux doigts d’or Le Festival de Toulon, qui semble s’en être fait une spécialité ces dernières saisons, n’a pas résisté à l’envie de programmer une nouvelle fois, le 11 mars, Abdel Rahman El Bacha dans sa série de concerts «Grand Piano à Neptune». Une fois de plus, le pianiste franco-libanais a exalté son auditoire en donnant une prestation qui pourrait faire office de référence en la matière. Dans les Sonates n° 14 et 21 de Beethoven, sa parfaite maîtrise des dynamiques et son assise rythmique ont fait mouche. La musique imposante et virtuose du viennois semblait à l’évidence en avance sur son temps tant elle préfigurait les excès futurs du répertoire pianistique romantique, en offrant au piano transcendé par la technique une dimension «orchestrale» où le fond semblait déjà primer sur la forme. L’artiste semblait y être à son aise et sa lecture de ces monuments de la littérature musicale les grandissait encore un peu plus. En deuxième

Abdel Rahman El Bacha © Alix Laveau

partie, des œuvres de Maurice Ravel, certes moins prolifique mais tout aussi original, furent offertes à la dégustation. Dotées d’une saveur mélodique moins évidente, car plus libre, mais de couleurs harmoniques évoquant avec poésie des images presque «impressionnistes», des pièces telles Gaspard de la nuit et Jeux d’eau où la métrique vole en éclats dans une profusion de timbres grâce à l’alternance des nuances et des modes de jeu, furent interprétées avec une dextérité rare pour clore un concert d’exception où l’artiste a encore tutoyé les sommets. ÉMILIEN MOREAU

Ce concert a été donné le 11 mars au Palais Neptune, Toulon

motifs instrumentaux commentant furtivement le discours, ou de solos plus développés, enrobés de couleurs orchestrales soignées, d’arpèges enluminés de harpe et glockenspiel, de dynamiques en boucle... émerge parfois ce que traditionnellement on nomme un air. Car c’est en fait un classique qu’on entend, fuyant l’effet facile, tentant de s’ancrer dans une tradition d’opéra français, mixant un aspect «bouffe» avec la dimension tragique du drame qui se joue... auquel on sera sensible... ou pas ! Mais cela vaut le prix de l’entendre ! JACQUES FRESCHEL

Colomba a été donné du 8 au 16 mars à l’Opéra de Marseille

Grand air du filaire ! La Voix Humaine, pièce de Jean Cocteau créée en 1930, mise en musique par Francis Poulenc en 1958, pose un problème au metteur en scène contemporain. On y entend une femme seule, au téléphone, dans un dialogue tronqué. À travers les non-dits et un moyen de communication «défaillant», on comprend peu à peu qu’il est question d’une rupture et que Marthe aime encore son interlocuteur, qu’elle a, sans doute, déjà tenté de se suicider... Toute velléité de modernisation d’une situation somme toute intemporelle, se heurte à un texte daté, en un temps où l’on passait par une «demoiselle du téléphone», contraignant la mise en scène à fixer l’argument entre «Tout va très bien madame la Marquise» (Années 30) et «Le 22 à Asnières» (Années 60). De plus, on résiste difficilement à la tentation, au vu des propos lacunaires, de penser que Marthe est finalement seule, pendue au téléphone, et de lui faire quitter le combiné. C’est ce qui se passe, par moments, avec la mise en scène de Juliette Mailhé, au prix d’un «décor» réduit à un canapé peu esthétique. Caroline Casadesus, dont la performance scénique et vocale est à louer, dans une version intimiste avec piano (Jean-Claude Rigaud), semble rêver son dialogue à la suite d’un abus éthylique. Du coup, on sort un peu de ce qui gagne à rester une tragédie du quotidien conçue avec un rare talent dramaturgique. Dommage car on y perd en émotion et l’on reste un peu sur sa faim. J.F.

La Tragédie lyrique a été représentée au Toursky, Marseille, le 18 février



Les frémissements de la nuit

M U S I Q U E

© David Benchetrit

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Dans leur salle de la rue Grignan, comble, les chanteurs, 16 pour l’occasion, invitent à une rêverie nocturne a cappella. Waldesnacht de Brahms, de style choral, annonce la soirée : beaux élans romantiques que dirige Roland Hayrabedian avec son raffinement si particulier. Les Trois Chansons de Charles d’Orléans, mises en musique par Debussy, sont un chef-d’œuvre incontournable de la polyphonie a cappella : Yver, vous n’estes qu’un vilain très expressif, où passages fugués et mélodies solistes se juxtaposent pour bannir la rigueur de l’hiver. Trois Chansons de Ravel (textes et musiques !) dont les Trois beaux oiseaux du paradis, distillés avec grâce par les solistes. Le compositeur finlandais contemporain Einojuhani

YVES BERGÉ

Rautavaara nous électrise avec sa Suite de Lorca : la canción de jinete (chanson de cavalier) commence par un ostinato puissant des hommes Córdoba (Cordoue)

Jeunesse triomphante À la Saint-Valentin, les amoureux du violoncelle sont comblés. Dans le théâtre douillet du Jeu de Paume à Aix, le 14 février, c’est une jeunesse qui triomphe : on a fait la queue pour voir le phénomène ! Edgar Moreau porte

C’erà un vecchio di palude (C’était un vieux des marécages) est un délire vocal, burlesque, où les dialoguent fusent ; on chante, on croasse. Des Entrelacs de la nuit qui terminent dans l’euphorie. De la douceur brahmsienne à la sensualité so british de Britten (Eight sacred and profane Songs), à la berceuse berbère envoûtante d’Edith Canat de Chizy, aux jeux sur phonèmes de l’exalté romain, des nuits illuminées par quatre pupitres très habités et un chef-orfèvre.

Edgar Moreau © Caroline Doutre

encore le sourire de l’adolescence, mais dès qu’il pousse l’archet sur son cello tricentenaire, on oublie ses vingt ans... Il a le lyrisme d’un chanteur belcantiste, brillant de vocalises et roucoulades, avec du coffre, des sons filés inouïs, vibrants : c’est du grand violoncelle romantique qu’on entend, au son plein et généreux ! Diabolique et funambule dans une variation de Paganini, Monti (Czardas) ou Popper (Danse des elfes), bouleversant de mélancolie frisant le tragique dans les Elégies (Fauré, Massenet), il possède du souffle à revendre, chez Schubert (Ave Maria), Dvorak (Waldesruhe) ou Saint-Saëns, lorsque le piano-lumière de Pierre-Yves Hodique lui donne l’amoureuse réplique de Dalila («Mon cœur s’ouvre à ta voix»). Dans un programme délibérément populaire de pièces de genre et transcriptions, de celles qu’on joue généralement en bis, courtes, virtuoses ou expressives, il aura peut-être manqué un plat de résistance ; car à goûter des confiseries, certes façonnées avec maestria, on frise parfois l’excès de sucre. JACQUES FRESCHEL

Le récital donné par Edgar Moreau a été donné le 14 février au Jeu de Paume, Aix

sur lequel fusionnent les contrepoints. Le beau timbre de Patrice Balter, basse, récitant-chanteur, annonce les Six Nonsense de Goffredo Petrassi, dont le dernier :

Entrelacs de la nuit a été donné le 15 février dans la Salle Musicatreize, Marseille

L’ombre double

Vanessa Wagner © Jean-Baptiste Millot

La pianiste Vanessa Wagner était associée à «l’électroniste» Murcof pour un dialogue étonnant et sensible, au Klap, le 14 février, dans le cadre de la 3e édition du festival Reevox. Le GMEM, créateur de ce festival, n’est jamais avare d’expériences sonores et d’associations scéniques. Le Reevox, véritable laboratoire à idées, a été le théâtre d’un très beau moment musical, singulier et créatif. Deux mondes, deux cultures, l’une écrite et résonnant sous les doigts de la pianiste Vanessa Wagner, l’autre diffusée, samplée, enveloppant les timbres du clavier grâce à l’écoute attentive de Murcof. Une balade composée de pièces qui sonnent comme une invitation au voyage : pagodes de Debussy, In a landscape de Cage, Gnossienne de Satie, Musica Ricercata de Ligeti, sans oublier les opus minimalistes de Glass et Adams. Un toucher merveilleux dans un clavier de velours, des sons qui s’évaporent du piano pour se laisser moduler par la technologie veloutée de Murcof. Une très belle réussite. FRÉDÉRIC ISOLETTA

Le concert a été donné le 14 février au Klap, Marseille, dans le cadre du festival Reevox


The Amazing Keystone Big Band © Dan Warzy

Pierre et le Loup

Enfants et parents ont fait une rencontre inhabituelle autour de l’histoire de Pierre et le Loup de Sergueï Prokofiev avec un orchestre de jazz, The Amazing Keystone Big Band. Le Festival de Jazz de Vienne avait commandé ce projet en 2012 ; Bastien Ballaz, Jon Bouteillier, Frédéric Nardin et David Enhco en ont réalisé les arrangements jazz et coordonné cette version respectueuse de l’original. L’oiseau est ici représenté par la flûte et la trompette, le canard par le saxo soprano, Pierre par le piano, la contrebasse et la guitare, le loup enfin par la section des trombones et le tuba. Les thèmes de chacun des protagonistes sont clairement identifiables, tandis que les conversations sont traitées sous forme d’improvisations dont les couleurs proposent une traversée dans l’histoire du jazz. Le jeune public marche à fond, s’inquiète à l’apparition du loup dans une atmosphère teintée de rouge, applaudit à l’heureux dénouement. Pour mémoire, une excellente version jazz-rock avait déjà été réalisée sur 33 tours en 1975, Label RSO, avec Manfred Mann, Chris Spedding, Stéphane Grapelli, Brian Eno et Pierre Clementi en récitant. La seconde partie de la soirée a montré une autre illustration du talent d’arrangeur des musiciens du big band avec les thèmes de West Side Story. Le message limpide éduque l’oreille des bambins aux sonorités jazz et a fait mouche ! DAN WARZY

CD : Pierre et le Loup et le jazz Label Le Chant du Monde – Harmonia Mundi 2013 Ce concert a été donné au GTP, Aix, le 19 février

Esprit Nouvelle Vague Tel un surfeur, Christian Brazier scrute l’étendue liquide et guette la vague, le moment propice. Trois années ont passé depuis Circumnavigation, son dernier CD. Ses dernières compositions, inspirées par le cinéma, notamment la période de la Nouvelle Vague, avaient été esquissées en mars 2013 au Cri du Port. Le Quartet Nouvelle Vague, allusion au mouvement cinématographique des années 60, est formé du batteur australien Dylan Kent, devenu provençal par le cœur, du trompettiste Christophe Leloil, et de la pianiste Perrine Mansuy. Christian Brazier et sa contrebasse nous guident vers un univers, fruit d’une longue complicité et de rencontres des musiciens qu’il a choisis. Sa musique est-elle une réflexion sur son travail passé, un peu comme une mise en abyme, ou une synthèse ? Elle laisse en tout cas la part belle à de longues plages d’expression pour chacun des solistes. La contrebasse s’affirme particulièrement et devient volubile dans une grande créativité. Se ressourcer, renouveler son discours improvisé, voilà aussi une gageure que chaque musicien doit relever tel un défi pour soi, mais aussi pour les partenaires qu’il faut stimuler. Ces instants sont d’ores et déjà capturés aux studios La Buissonne à Pernes-les-Fontaines. Souhaitons donc tout le succès possible à cette production musicale. D.W. Ce concert a été donné au Rouge Belle de Mai, Marseille, le 21 février


© Nicolas Descoteaux

Le crayon de Dieu… Andromaque 10-43 Le théâtre des paroles La seconde conférence imagée de Philippe Jean-Marc Fillet, Cie Opus Time, a conçu,

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Le crayon de Dieu n’a pas de gomme le 29 mars La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

Le dramaturge Lionel Chiuch et le metteur en scène Kristian Frédric, Cie Lézards Qui Bougent, convoquent Andromaque «pour lui faire goûter les fruits amères de notre époque». Sans ne rien faire perdre de sa pertinence à la tragédie, ils la projettent dans le fracas d’un monde désacralisé, via les écrans, les réseaux et les Smartphones. Avec l’extraordinaire Denis Lavant dans le rôle de Pyrrhus.

A U P R O G R A M M E T H É Â T R E

les 21 et 22 mars Le Toursky, Marseille 0 820 300 033 www.toursky.org

Afropéennes En adaptant deux ouvrages de Léonora Mialo, © Philippe Geslin

Shakespeare La Cie anglaise Propeller, emmenée par son

directeur artistique Edward Hall, est particulièrement reconnue pour associer une approche très rigoureuse des textes de Shakespeare à une fantaisie jubilatoire. Uniquement composée de comédiens masculins, comme à l’époque du dramaturge anglais où les femmes étaient interdites sur les scènes de théâtre, la Cie joue deux de ses classiques : Le Songe d’une nuit d’été, pièce mythique où amour et illusion se confondent le temps d’une nuit ensorcelante, et La Comédie des erreurs, dans laquelle deux jumeaux séparés à leur naissance se retrouvent vingt-cinq ans plus tard, sans le savoir, dans la même ville… Le Songe d’une nuit d’été du 9 au 13 avril La Comédie des erreurs du 10 au 12 avril La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

Femme in a City et Blues pour Elise, Eva Doumbia met en scène un groupe de femmes, des afropéennes, qui posent la question de la place des femmes noires en France. Les comédiennes parlent, chantent, dansent, questionnent les ambiguïtés identitaires qui les ont forgées, «à rebours des discours», les pieds bien ancrés dans la réalité. du 3 au 7 avril Les Bernardines, Marseille 04 91 24 30 40 www.theatre-bernardines.org

© Laurent Marro

Matins de quiétude Dans le cadre de l’opération «D’une rive à © Nobby Clark

l’autre», qui permet au Théâtre de Lenche et à la Cie l’Egrégore de mener des projets avec l’Algérie, Ivan Romeuf crée Matins de quiétude, sur un texte de M’hamed Benguettaf : un portrait tragi-comique de son pays vu à travers le quotidien d’un peuple qui tente de préserver sa jeunesse… Cette pièce sera répétée à Alger et créée à Marseille. À voir lors du 1er festival Voyages en solitaire(s) (temps fort autour du monologue contemporain). du 1er au 5 avril Le Lenche, Marseille 05 91 91 52 22 www.theatredelenche.info

et interprète, son monologue à partir d’un montage de La Lettre aux acteurs et Pour Louis de Funès de Valère Novarina. «Se plonger dans l’écriture de Novarina c’est ouvrir l’intérieur de la parole, chercher au plus profond du dedans, se creuser, se fouiller» explique Jean-Marc Fillet qui porte sur scène la recherche de l’acteur de son «état de corps», du moment présent, «dans sa voix, dans son mouvement». À voir lors du 1er festival Voyages en solitaire(s) (temps fort autour du monologue contemporain). du 4 avril au 3 mai Le Lenche, Marseille 05 91 91 52 22 www.theatredelenche.info

La Nuit de Domino Quelques temps après la mort de son compa-

gnon, Domino passe la plupart de ses soirées à l’extérieur. C’est un soir, à son retour, que cette implacable réalité va envahir l’espace, et qu’il va vivre sa rage et sa démesure en parlant, chantant et dansant. Stéphan Pastor a écrit, mis en scène et interprète ce voyage de colère, de sensualité, de douceur, de rage et de pensées, pour «partager ce deuil éclairé par l’écriture dramatique et témoigner de [sa] présence d’être humain-acteur […]» avec le public. À voir lors du 1er festival Voyages en solitaire(s) (temps fort autour du monologue contemporain). du 8 au 12 avril Le Lenche, Marseille 05 91 91 52 22 www.theatredelenche.info © Denis Caviglia

Geslin, ethnologue attentif «aux récits, aux petits textes dits, toujours en miroir avec la mythologie des peuples du nord», se portera sur les Soussou, une communauté de riziculteurs établie dans les mangroves de Guinée, à deux pas de la Sierra Léone. En ethnologue, le public observe les images projetées, attentif aux textes dits…


© Et Compagnie

Létée

Voyage au bout de la nuit Des souris et des... Seul sur scène, avec pour seul décor un ciel changeant et un banc, Jean-François Balmer est Bardamu, donne chair au héros célinien de Voyage au bout de la nuit, mis en scène par Françoise Petit dans une adaptation de Nicolas Massadau en quatre étapes, des stations dans le voyage intérieur du héros : avec lui seront évoquées la guerre de 1914-18, l’Afrique colonisée, l’Amérique libérale, et Rancy, banlieue misérable de Paris… du 8 au 12 avril Le Gymnase, Marseille 08 2013 2013 www.lestheatres.net

du 3 au 5 avril Théâtre Joliette-Minoterie, Marseille 04 91 90 07 94 www.theatrejoliette.fr

Open Space

A U

© J. Evariste

Létée est une petite fille, qui cherche à disparaître à l’intérieur d’une famille, juste pour voir d’où elle vient, et où elle va. À son retour on ne la reconnaît pas, mais elle a pourtant en elle tous les souvenirs de cette famille, elle apporte des anecdotes à partager, des questions et des réponses comme autant d’énigmes… Maud Hufnagel, Et Compagnie, met en scène et joue cette part d’enfance persistante que chacun porte en soi, sur un texte de Stéphane Jaubertie.

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© Dunnara Meas

Mademoiselle Else Jean-Claude Nieto met en scène la nouvelle

de l’écrivain autrichien Arthur Schnitzler, Mademoiselle Else, avec Floriane Jourdain dans le rôle-titre. Le long monologue intérieur relate les émois naissants de Mademoiselle Else, jusqu’au drame provoqué par la lettre de sa mère qui la supplie de solliciter, pour son père acculé à la faillite, une aide auprès du riche marchand de tableaux Dorsday, qui accepte à condition de la voir nue… Trahie, humiliée, elle affirmera son ultime volonté de liberté par le suicide.

Dans l’Amérique rurale des années 30, deux amis, George et Lennie parcourent les grands espaces californiens à la recherche de travail dans les ranchs. Jean-Philippe Evariste et Philippe Ivancic mettent en scène le roman mythique de John Steinbeck adapté par Marcel Duhamel, avec dix comédiens sur scène. Entre humanité, différence, violence, discrimination et solitude, le rêve américain des laissés-pour-compte fait place à l’âpre réalité. Des souris et des hommes le 29 mars Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr

L’Écran de fumée…

© Christian Dresse 2013

le 21 mars Théâtre Fontblanche, Vitrolles 04 42 02 46 50 www.vitrolles13.fr

© D. Pincet

© Dan Aucante

L’Open space, espace de travail et de rentabilité que n’entrave aucune cloison, est ici un concentré d’humanité, lieu privilégié d’observation où la routine du quotidien se transforme en univers fantastique. Pour sa première mise en scène, Mathilda May propose un spectacle sans texte, où tout est exprimé par le mouvement, des actions quotidiennes mille fois répétées qui deviennent une base rythmique, sonore, musicale et chorégraphique. du 27 au 29 mars Le Gymnase, Marseille 08 2013 2013 www.lestheatres.net

Pour ses 30 ans d’existence (l’année dernière), le Théâtre du Maquis a décidé d’ériger le mensonge en vérité dans un spectacle déjanté, délirant, qui tient du cabaret, avec ses numéros, son bateleur, ses chansons… le tout avec un amour des mots qui réjouit d’autant plus qu’il permet de porter un regard critique et humoristique sur nos travers intimes et sociaux ! Entre vérité et mensonge la frontière est souvent poreuse nous prévient cette troupe décidemment très jeune. L’Écran de fumée, le cabaret du mensonge heureux le 5 avril Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr

P R O G R A M M E T H É Â T R E


Occupe-toi d’Amélie Solaris La géographie des bords En regard avec la projection du 27 janvier du

A U P R O G R A M M E T H É Â T R E

Amélie Pochet, femme de chambre, est une cocotte rebaptisée Amélie d’Avranches. La Comtesse de Prémilly, sa maîtresse, est aussi celle de Marcel Courbois, ami d’Etienne de Milledieu qui entretient Amélie. Marcel reçoit la visite de son parrain belge venu lui remettre son héritage, mais uniquement s’il se marie. Etienne qui doute de la fidélité d’Amélie lui demande d’être la fausse mariée de Marcel. Mais le parrain s’impose, ainsi qu’un Prince Russe entiché d’Amélie. Incidents, contretemps, catastrophes, quiproquos, révélations et mensonges, impossible de «s’occuper d’Amélie», qui vit sa vie dans la joie et le rire. Pierre Laville reprend Feydeau, entremêlant vaudeville et comédie de mœurs, lenteurs et frénésies, pour restituer la satire sociale. du 1er au 5 avril Le Jeu de Paume, Aix-en-Provence 08 2013 2013 www.lestheatres.net

le 9 avril Théâtre Vitez, Aix-en-Provence 04 42 59 94 37 http://theatre-vitez.com

Shadoks forever On se souvient des «drôles d’oiseaux» de Jacques

Rouxel, anthropomorphes, bêtes et méchants, et des Gibis, coiffés de chapeaux melon, qui les aident malgré leurs perpétuelles mauvaises intentions… Franck Dimech et le Théâtre de Ajmer reprennent ces personnages au vocabulaire réduit et monosyllabique qu’ils considèrent comme des espèces de résistants à la pensée ultra-libérale. L’univers sonore inséparable de cet univers décalé repose sur la musique composée par eRikm et interprétée par le duo formé par ce dernier et Catherine Jauniaux. Le spectacle s’inscrit dans la performance, la dérision incisive. le 16 avril Théâtre Vitez, Aix-en-Provence 04 42 59 94 37 http://theatre-vitez.com

La fausse suivante © Didier Grappe

le 25 avril Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr

Utopia... Dans l’antiquité grecque, le barbare était celui La deuxième partie du titre de la pièce de Marivaux est Le fourbe puni. Pour une fois en effet, les jeux de l’amour ne s’achèvent pas par la vision heureuse d’êtres enfin conciliés. Les déguisements, les faux-semblants sont au rendez-vous ; ici ils ne viennent pas au secours des amours des personnages, mais permettent le dévoilement des travers, des calculs. La femme ici prend son destin en main. Les enjeux de la séduction de l’argent, du pouvoir, se mêlent dans une mise en scène onirique et inventive de Nadia Vonderheyden. Le spectacle soutenu par les ATP se jouera dans l’écrin du Jeu de Paume. le 10 avril ATP/ Jeu de Paume, Aix-en-Provence 08 2013 2013 www.lestheatres.net

qui ne parlait pas le grec. Par extension, le barbare est celui qui ne parle pas notre langue. Marie Lelardoux, et la Cie Emile Saar, s’est intéressée au cours de plusieurs résidences d’artiste (Gare Franche, 3bisf) à la langue. Dans un dispositif scénique original, mêlant aux tables mêmes le public et cinq comédiennes, on est amené à entendre des enregistrements d’entretiens à propos de la langue, menés avec des personnes dont le Français n’est pas la langue maternelle. Se brosse ainsi le double portrait de la langue et de celui qui la porte. Cette création, spectacle polyphonique émouvant, pousse à nous interroger sur les véhicules de nos pensées. Utopia (tous des barbares) les 21 et 22 mars 3bisf, Aix-en-Provence 04 42 16 17 75 www.3bisf.com

© X-D.R

© Bernard Richebé

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film Solaris d’Andreï Tarkovski, la Compagnie du Théâtre du Point Aveugle s’attache au texte de Stanislas Lem, dans une lecture de François-Michel Pesenti. Le roman russe de science-fiction nous entraîne dans les profondeurs de l’inconscient, mettant en doute notre perception du monde, de la réalité, de nous-mêmes. On entre dans l’univers opaque des limites, cher au metteur en scène F.-M. Pesenti. Le récit devient métaphysique, fascinante expérience…

Pourquoi toujours parler des centres, qu’ils soient d’intérêt ou autres ? Le collectif Délices Dada pallie enfin à l’injustice et vient nous parler des bords, établissant une géographie délaissant les milieux pour s’intéresser exclusivement aux bords, aux points de fuite. Exploration débordante de prouesses verbales, d’esprit d’escalier, celui qui mène aux confins obscurs où le surréalisme replonge dans ses racines dada. Un régal d’humour et de poésie, dans lequel les quatre comédiens, Jeff Thiebaut, Richard Brun, Marion Piqué et Françoise Sourd, s’en donnent à cœur joie pour cette première présentation de travail. Esprits terre à terre s’abstenir ! du 16 au 18 avril 3bisf, Aix-en-Provence 04 42 16 17 75 www.3bisf.com

Les Pieds tanqués Ah ! «Une partie de pétanque, ça fait plaisir !

Tu la tires et tu la manques comme à loisir…» Ce sport national devient lieu de théâtre, de rencontre, de confrontation, de réconciliation aussi. Il y Pagnol dans l’air, sans aucun doute, mais aussi la mémoire des joueurs, et celle-ci est douloureuse, toujours à vif, dans ces plaies mal fermées de conflits terribles et fratricides. Les quatre amateurs de pétanque d’Artscénicum Théâtre nous entraînent dans une discussion où le souvenir de l’Algérie les désaccorde, mais où le terrain du jeu les unit malgré tout. Une belle approche grave et drôle, à la fois du sujet de l’identité et du vivre ensemble. les 21 et 22 mars Bois de l’Aune, Aix-en-Provence 04 42 93 85 40 www.agglo-paysdaix.fr le 23 avril Forum des Jeunes, Berre-l’Étang 04 42 10 23 60 www.forumdeberre.com le 20 mai Théâtre du Rocher, La Garde 04 94 08 99 34 www.ville-lagarde.fr


DesAmours Le porteur d’histoire L’art du rire Un titre que l’on entend en deux mots et qui La Cie Los Figaros se glisse dans le texte Bergson analysait les mécanismes du rire. Seul soudé, dit le tout et son contraire, un texte vif et incisif de Dorothy Parker, grande figure littéraire des USA de l’entre-deux-guerres, voilà déjà les axes forts d’un spectacle parfaitement rodé sous la houlette de Cassandre Vittu de Kerraoul. Deux chaises, du swing de ces années-là, et un monde à la Fitzgerald s’ouvre, passant au crible les travers d’une société bourgeoise conformiste et vaine au cours de huit scènes inspirées de huit nouvelles de la romancière. Histoires de couples principalement, leurs incompréhensions, leurs résolutions non tenues… hommes alcooliques, femmes frivoles… les personnages sont interprétés avec une belle maestria par trois jeunes et dynamiques comédiens. Un ton juste, un régal de théâtre, acide et maîtrisé à souhait. le 27 mars Salle Emilien Ventre, Rousset 04 42 29 82 53 www.rousset-fr.com

foisonnant d’Alexis Michalik avec un enthousiasme jubilatoire. L’argument simple et triste au départ -Martin Martin (le nom redoublé ne présuppose guère d’originalité, et pourtant !) enterre son père par une soirée pluvieuse dans les Ardennes- se transforme en une véritable saga épique. Le carnet trouvé par le jeune homme l’entraîne dans une quête digne des romans d’Alexandre Dumas, le faisant voyager à travers les époques et les lieux, pour retrouver un trésor, bien sûr colossal, caché par une société secrète. L’imagination et la fantaisie mènent la danse et l’on se laisse guider avec délices ! le 26 mars Salle des Fêtes, Venelles 04 42 54 93 10 www.venelles.fr/culture

en scène, Jos Houben anime une conférence qui tient de l’anthropologie et de la philosophie, disséquant avec délices les causes et les effets, accumulant les exemples. Il sait avec un sens aigu du burlesque passer au crible les gestes de la vie quotidienne, en extraire l’essence comique, des premiers pas du bébé à la marche de l’adulte et de ses chutes. Quel que soit le pays dans lequel le spectacle voyage, quelle que soit la langue dans laquelle le texte est formulé, le rire naît, universel. le 11 avril Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

Scènes de la vie...

le 27 mars Théâtre du Rocher, La Garde 04 94 08 99 34 www.ville-lagarde.fr

le 30 mars Palais des Congrès, Saint-Raphaël 04 94 19 84 11 www.saint-raphael-congres.fr

© X-D.R

Jean Zay Élaborée à partir de Souvenirs et Solitude de

Jean Zay ainsi que de sa correspondance, la pièce est écrite à quatre mains par le journaliste Jean-Manuel Bertrand et le metteur en scène Raymond Vinciguerra. Elle retrace en une série de flash-back le parcours politique de l’ancien ministre de l’Éducation Nationale du Front Populaire, alors qu’il est incarcéré à Riom par le régime de Vichy. L’humanisme vrai de cet esprit brillant, dont la destinée a longtemps été oubliée, est bouleversant. Entre la fiction et le documentaire, une création portée par la Cie Tetra Art. le 3 avril Salle Emilien Ventre, Rousset 04 42 29 82 53 www.rousset-fr.com

le 4 avril Théâtre du Briançonnais, Briançon 04 92 25 52 42 www.theatre-du-brianconnais.eu

Le Banquet… L’œuvre de Platon est adaptée au théâtre par

© Celia Vinciguerra

Christine Letailleur, dans la traduction de Luc Brisson. On retrouve les protagonistes du symposium (fête où l’on boit et où l’on discourt), le dramaturge comique Aristophane, le bel Agathon, Phèdre, Pausanias, la subtile Diotime, l’amoureux et éméché Alcibiade, Socrate enfin que jamais personne n’a vu ivre. Le jeu ici est de faire l’éloge de l’amour, chacun improvise dans sa sensibilité, et son domaine, Socrate fait parler Diotime, l’amour n’est ni beau ni riche, fils de Pauvreté et d’Expédient, mais il est amoureux de la beauté. Enfin, le plus bel éloge de Socrate est donné par Alcibiade qui le compare à ces vases en forme de silènes qui contiennent les parfums les plus précieux. Une belle occasion de renouer avec un très grand texte. Le Banquet ou l’éloge de l’amour le 9 avril Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

© Dylan Piaser

le 29 mars Salle des Terres Blanches, Bouc-bel-Air 04 42 60 68 78 www.boucbelair.com

Ils sont mariés depuis treize ans, Johan, professeur de psychologie appliquée, et Marianne, avocate, spécialisée dans les divorces. En six épisodes, la vie de leur couple est observée, disséquée. Le couple idéal, équilibré, des premières années se délite. Les signes imperceptibles du détachement sont éclairés dans un raccourci saisissant de vingt années de mariage, jusqu’à l’aveu de la nouvelle passion du mari pour Paula. L’œuvre, Scènes de la vie conjugale, écrite par Ingmar Bergman en 1974 pour la télévision avant d’être l’objet d’un film, est interprétée au théâtre par le collectif flamand, tg STAN. Les deux acteurs, Ruth Vega Fernandez et Franck Vercruyssen lui apportent leur belle sensibilité. Scènes de la vie conjugale les 15 et 16 avril Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com

Les grands moyens À la recherche de l’homme parfait, Laura a quitté

Léo car il n’était pas celui qu’elle espérait. Léo lui fait alors rencontrer le pire de tous, en espérant voir Laura revenir auprès de lui en rencontrant cet homme terrible. Un chassé-croisé sur les questions de l’amour et ses possibilités de Stéphane Belaïsch et Thomas Perrier, mis en scène par Arthur Jugnot et David Roussel. le 24 mars Théâtre Armand, Salon-de-Provence 04 90 56 00 82 www.salondeprovence.fr

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© Simon Wyffels

Le jour où ma mère… Lucrèce Borgia Voyage au bout... Jean-Louis Benoît met en scène la pièce

le 15 avril Théâtre de Fos 04 42 11 01 99 www.scenesetcines.fr

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En travaux Tout oppose André et Svetlana, lui Français de

A U

le 8 avril La Colonne, Miramas 04 90 50 66 21 www.scenesetcines.fr

Le jour où ma mère a rencontré John Wayne les 4 et 5 avril Forum des Jeunes, Berre-l’Étang 04 42 10 23 60 www.forumdeberre.com

Britannicus «En un jour Britannicus, première tragédie romaine

de Racine, dessine la transformation d’un esprit adolescent en cet être fou et sanguinaire, Néron, que l’histoire retiendra.» Xavier Marchand, Cie Lanicolacheur, met en scène la tragédie de Racine (voir Zib 69 et 71) en privilégiant un théâtre du verbe qui assume le classicisme de cette langue magnifique, et en créant des décalages subtils avec la musique et les costumes qui donnent à voir et à entendre différemment l’œuvre. le 21 mars (Bérénice est joué le 22 mars) Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr le 28 mars Le Sémaphore, Port-de-Bouc 04 42 06 39 09 www.theatre-semaphore-portdebouc.com le 5 avril à 17h (Bérénice est joué le même jour à 21h) Théâtre Durance, Château-Arnoux 04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr

Artistes associés au Théâtre de Nîmes, le collectif Les Possédés y propose sa toute dernière création, que Rodolphe Dana (qui a adapté l’œuvre de Céline avec Katja Hunsiger) portera seul sur scène. Plonger avec Ferdinand Bardamu, «figure tragi-comique dans ce début du XXe siècle», et parcourir, avec lui, les horreurs de la guerre de 14, voguer vers les colonies, faire escale à New York, et revenir en France, dans les faubourgs parisiens… et faire apparaître cette «langue explosive, jubilatoire, pour dire le pire comme le beau, si le beau existe»… Voyage au bout de la nuit du 1er au 4 avril Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

Histoire d’amour Adaptée du roman de Régis Jauffret, cette pièce

Le jeu de l’amour... Monsieur Orgon et son meilleur ami ont convenu de marier leurs enfants Silvia et Dorante. Mais tous deux veulent rencontrer leurs promis respectifs en prenant les traits de leurs valets Lisette et Arlequin. Marivaux met ainsi en scène la cruauté de l’amour, et des rapports de classe. Car dans ce jeu de hasard, les couples réassortis jouent la comédie jusqu’à se perdre. Xavier Lemaire transpose l’action dans une époque indéterminée. C’est l’image des riches de tous les jours, ayant le loisir de s’inventer un jeu pour l’amour. Celui du travestissement, auquel ils se prêtent cruellement. Le jeu de l’amour et du hasard le 28 mars Espace Gérard Philipe, Port-Saint-Louis 04 42 48 52 31 www.scenesetcines.fr

créée par la compagnie chilienne Teatrocinema entretient, à partir de la torture mentale exercée sur les consciences, la confusion entre scène et image. Une Histoire d’amour particulière puisqu’elle traite de la violence physique et psychologique après le viol d’une femme qu’un homme poursuivra jusqu’à l’usure, et finira par épouser, rassemblant gestuelle dramatique et trouvailles graphiques dans une esthétique distanciée. Une invitation à la réflexion, avec d’un côté la BD en noir et blanc animée, et de l’autre le jeu théâtral tridimensionnel. Spectacle en espagnol, surtitré en français. le 21 mars Théâtre de Cavaillon 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com © Montserrat Q.A

T H É Â T R E

Après Cité Babel et Un jour j’irai à Vancouver, Rachid Bouali offre le troisième volet de cette saga sociale en racontant ses souvenirs d’enfance : son départ de la maison familiale, le jour où il a découvert l’Algérie, la première machine à laver de sa mère… Sa mère, justement, qui tous les matins lui racontait ses rêves, «savant mélange entre sa Kabylie natale et sa condition de femme de ménage, le tout servi par les acteurs américains du feuilleton qu’elle avait vu la veille à la télé». Avec humour, poésie et émotion, son histoire révèle autant l’intime que l’universel.

© Tristan Jeanne-Valès

P R O G R A M M E

souche installé dans sa vie professionnelle et familiale, elle Biélorusse qui semble avoir pas mal voyagé et parle peu de son passé. Deux réalités, deux visions du monde vont s’affronter sur un chantier du bâtiment où ils se retrouvent seuls pour la première fois, faisant face aux aléas de la construction. Pauline Sales met en scène son propre texte qui raconte une rencontre dynamitant les poncifs sur les étrangers, et sur les relations hommes-femmes…

© Jean-Louis Fernandez

en prose de Victor Hugo, pièce qui allie «le grotesque et le sublime, la monstruosité et l’humanité. Violemment contrastée, Lucrèce exhibe une «difformité morale» hors du commun, en même temps qu’un instinct maternel la rend belle à nos yeux. Son échec même la rendra magnifique» souligne le metteur en scène. Avec Nathalie Richard dans le rôle-titre.


écritures du réel #2 (voir p. 7), Les Agricoles est une pièce mise en scène par Catherine Zambon, née de son immersion dans le monde paysan. Trois mois pour écrire, vivre, partager le quotidien d’agriculteurs et d’éleveurs. En Lozère et dans le Lubéron exactement. «Le texte parle de ce qui nous nourrit, de la terre, de l’animal, de notre lien au vivant. Et à la mort.» Trois comédiens relateront cette fructueuse récolte.

© Jogood

Les Agricoles Dau et Catella… Programmée dans le cadre de la Biennale des

du 26 au 29 mars Théâtre de Cavaillon en tournée Nomade(s) 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com

Prison Possession En partenariat avec la scène nationale de

Cavaillon, le théâtre des Halles accueille, à Avignon, la nouvelle création de François Cervantes. En 2012, l’auteur a entretenu une correspondance avec les détenus de la prison du Pontet dans laquelle il intervenait, il a découvert la solitude, l’amputation du monde à laquelle oblige la privation de liberté. Au final, ni amitié, ni fraternité, mais une relation épistolaire «magique», qui l’a conduit à écrire un texte où les pensées du détenu nous parviennent. «Une communauté invisible à laquelle on se sent appartenir.»

© Lisa Sartorio

du 10 au 12 avril Théâtre des Halles, Avignon 04 32 76 24 51 www.theatredeshalles.com

l’énergique troupe du Kronope, Guy Simon, son metteur en scène, souhaite «dresser le portrait d’une époque, d’un milieu social, humain et cruel tout en défendant un théâtre populaire». Six comédiens, acrobates, danseurs, jouent une cinquantaine de rôles, entre réalisme et imaginaire, masques et jonglage, dans les mystérieuses ruelles sombres de Paris… du 27 au 30 mars Chêne Noir, Avignon 04 90 86 74 87 www.chenenoir.fr

Ces deux-là, Jacques Dau et Jean-Marc Catella, font la paire. Après Sacco et Vanzetti d’Alain Guyard créé au Chêne Noir, ils reviennent avec leur univers propre teinté d’absurde, entraînant le public dans une joute verbale et un non-sens jubilatoires autour de leurs personnalités. L’un est amnésique et tente de dire son texte jusqu’au bout, le second, monomaniaque, veut se libérer de la convention théâtrale et refuse de terminer le spectacle… Lorsque la communication devient impossible, l’humour dénoue les situations les plus inextricables ?

© Philippe Hanula

Dau et Catella et non pas le contraire les 3 et 4 avril Chêne Noir, Avignon 04 90 86 74 87 www.chenenoir.fr

Ô vous frères humains «Et je suis parti, éternelle minorité, le dos sou-

dain courbé et avec une habitude de sourire sur la lèvre, je suis parti, à jamais banni de la famille humaine […]» (Albert Cohen). Pour cette nouvelle création, Alain Timár a choisi trois acteurs cosmopolites, trois «étrangers d’ici», pour témoigner du souvenir qui hanta toute la vie d’Albert Cohen, enfant juif qui découvrit à 10 ans le rejet et la haine. Sans volonté morale ni militantisme, se joue pour le metteur en scène et la dramaturge Danielle Paume l’«urgence à dénicher un morceau de bonheur dans une constante jubilation de jeu». Un message universel, nécessaire par son actualité, autour de la tolérance et de la vie, plutôt que la haine destructrice et «l’illusoire amour du prochain». du 27 au 30 mars Théâtre des Halles, Avignon 04 32 76 24 51 www.theatredeshalles.com

A U P R O G R A M M E T H É Â T R E

© Christophe Raynaud de Lage

De mieux en mieux... Un peu d’humour, et de choix, au théâtre du

Balcon avec Gustave Parking dans un best-of qui mêle trouvailles visuelles et textes drôles et percutants. Personnage de bateleur moderne, philosophe sur les bords et délirant par son originalité, l’humoriste offre un spectacle générationnel vivifiant. De mieux en mieux pareil les 18 et 19 mars Le Balcon, Avignon 04 90 85 00 80 www.theatredubalcon.org © X-D.R

Les Misérables En adaptant la pièce de Victor Hugo pour

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T H É Â T R E

Quillardet, la comédienne Raphaèle Bouchard s’identifie à ses idoles pour raconter 60 ans de l’histoire musicale sulfureuse du rock. Un hommage à la vitalité revigorante d’une contre-culture affirmée par des artistes visionnaires et désireux de (re)trouver leur liberté dans une société conservatrice. Objets, anecdotes, chansons, retracent ce voyage dans les mémoires collectives. Un spectacle documentaire et subjectif, forcément Like A Rolling Stones… L’histoire du rock par Raphaèle Bouchard du 10 au 12 avril La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.eu

© Eric Reignier

P R O G R A M M E

L’histoire du rock… Bérénice Dirigée par le metteur en scène Thomas

Toi c’est la joie, sur le fil de Molly Bloom le 12 avril Théâtre des Carmes, Avignon 04 90 82 20 47 www.theatredescarmes.com

Voyage au bout de... Un vieil ermite asocial, Louis-Ferdinand Céline

(Nicolas Guépin), invite le public chez lui et dans ses souvenirs. De son enfance, à la guerre 14-18, jusqu’aux traumatismes et son pavillon de banlieue parisienne dans les années 50, il se raconte. La Cie Après le Déluge rend hommage au romancier français, témoin des événements majeurs du siècle dernier.

© Stéphane Bein

© Charlotte Houot

du CNES La Chartreuse, Catherine Dan, Les Nuits secrètes offrent des moments festifs de découverte des travaux des résidents. Afin de suivre le cycle complet du processus artistique, de la lecture à la création, le public est invité à assister aux répétitions publiques et à une programmation de spectacles. Le 22 mars, d’Autres mondes à découvrir avec la Cie Gigacircus, Sabine Tamisier ou encore Bernadette A... Le 12 avril, Mourir, dormir ; dormir, rêver peut être avec la Cie de marionnettes Coatimundi et la Cie Art.27 qui travaille à la réalisation de la pièce de Catherine Monin, À Titre Provisoire, mise en scène par Thierry Otin. les 22 mars et 12 avril La Chartreuse, Villeneuve-lez-Avignon 04 90 15 24 24 www.chartreuse.org

le 22 mars Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr le 5 avril Théâtre Durance, Château-Arnoux 04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr

L’augmentation Obtenir une augmentation ? Le chemin est

Voyage au bout de Céline le 4 avril La Fabrik’Théâtre, Avignon 04 90 86 47 81 www.fabriktheatre.fr

Les Nuits secrètes 2 et 3 Nouveaux rendez-vous initiés par la directrice

Xavier Marchand poursuit son diptyque autour de Jean Racine, interrogeant le thème du pouvoir et de son influence sur l’âme des hommes qui l’exercent. Après Britannicus, cette seconde tragédie de Racine, Bérénice, jouée en miroir avec les mêmes acteurs de la compagnie Lanicolacheur, analyse l’évolution de Titus après avoir sacrifié son amour pour protéger son trône. À partir de 12 ans.

souvent long et tumultueux… surtout pour ces deux employés, petits maillons d’une entreprise et de l’écrasante bureaucratie qui en découle. Le texte de Georges Perec devient un véritable instrument pour le tandem de comédiens, mis en scène par Anne-Laure Liégeois, qui s’exerce dans un marathon tragi-comique à mettre le maximum de chances de son côté pour obtenir «quelques sous supplémentaires». Ou pas. Cynique, jubilatoire et hilarant ! du 14 au 18 avril La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.eu

Journal de ma nouvelle...

© Bernard Michel Palazon

A U

Cirque, théâtre, musique et danse composent ce spectacle de la compagnie du Fil, autour du monologue de Molly Bloom d’après Ulysse de James Joyce. Une interprète (Marie-Anne Kergoët) et un contrebassiste (Vincent Bauza) s’engagent sur un fil, métaphore de la vie, pour réconcilier et célébrer l’amour. Une parole féminine qui rassemble colères, tendresses, confidences et désirs.

© X-D.R

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© Blandine Armand

Toi c’est la joie…

Zabou Breitman met en scène Isabelle Fruchart qui interprète un récit autobiographique : à 37 ans, la comédienne, habituée à être enfermée dans «sa bulle de poète», retrouve l’ouïe, nouvellement appareillée. Également musicienne, la jeune femme livre le journal sensible de sa renaissance, à la redécouverte des sons et de leurs sensations, et notamment la musique de Brian Eno, l’entraînant dans une expérience sensible extraordinaire. Journal de ma nouvelle oreille les 4 et 5 avril Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr


Immortels Germinal Sept comédiens incarnent le texte de Nasser © Alain Rico

le 4 avril Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr © MagalieCrouzet

La pièce d’Antoine Defoort et Halory Goerger a créé la sensation au Festival d’Avignon 2013. À partir de (presque) rien, sur un plateau (presque) nu, quatre individus font émerger, avec les moyens du bord, une bonne dose d’inventivité et de loufoquerie, un nouveau «système». Des lois de la physique aux fondements de l’interaction sociale, du langage à l’art de jouer de la guitare, ils conçoivent d’autres possibles… tout à fait décalés mais extrêmement jouissifs.

l’auteur américain Russel Banks. Au départ, un terrible fait divers : sur une route gelée du nord des Etats-Unis, l’accident d’un car scolaire fait quatorze victimes ; il y a deux survivantes. Quatre personnes liées au drame (la conductrice et une adolescente rescapées, un père en deuil et un avocat de la défense) vont témoigner à tour de rôle. La scénographie épurée, le lac gelé où a eu lieu le drame, un micro, une chaise, magnifie la parole d’où jaillit une cérémonie expiatoire. le 11 avril Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com © Pascal Chantier

Djemaï, également metteur en scène du spectacle, créé en janvier au théâtre Vidy-Lausanne. Après Invisibles, une pièce dans laquelle l’auteur exposait la réalité des vieux immigrés algériens, Immortels repose sur le monde fragile des jeunes d’aujourd’hui. Joachim entame le deuil de son frère et s’engage dans un questionnement existentiel en intégrant son groupe d’amis… Une quête initiatique, vulnérable comme l’adolescence, traversée par les ombres du passé.

De beaux lendemains Emmanuel Meirieu adapte le roman de

La maison de Bernarda Alba le 8 avril Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr le 10 avril La Croisée des Arts, Saint-Maximin 04 94 86 18 90 www.st-maximin.fr

© B. Enguerand

Lorca est un drame rural sur l’oppression et le désir de liberté. Entre réalisme et onirisme, Carole Lorang (mise en scène) et Mani Muller (adaptation) composent un huis clos aux riches résonances musicales. Cinq sœurs, dans un village andalou des années 30, et une Espagne entrant dans le Franquisme, sont enfermées par leur mère et s’opposent à l’autoritarisme de la tradition.

© Mani Muller

«Should I stay or should I go ?» Sur l’air des Clash, Alceste, punk et en kilt, laisse éclater sa rage dès son entrée en scène : écœuré par ses semblables, il ne sait s’il doit faire la révolution ou rompre avec le monde. Jean-François Sivadier propose sa version du Misanthrope avec un Alceste, incarné par Nicolas Bouchaud, qui n’a rien perdu de sa colère contre la société humaine. Ni classique ni contemporain, ce Misanthrope joue avec les codes de la théâtralité et emprunte autant aux temps anciens qu’à aujourd’hui. L’atrabilaire révolté contre les usages du temps aurait-il quelque chose de neuf à nous dire ? les 17 et 18 mars La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com du 3 au 6 avril Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com

A U P R O G R A M M E

les 24 et 25 mars Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com les 27 et 28 mars Pavillon Noir, Aix-en-Provence 04 42 93 48 14 www.preljocaj.org

Le Misanthrope La maison de Bernarda... La dernière œuvre du poète Federico Garcia

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L’annonce faite à Marie Ancrée dans un «opéra de paroles», la pièce

de Paul Claudel mise en scène par Yves Beaunesne, est un dialogue entre acteurs et musique (composée par Camille Rocailleux). Poème inspiré par l’enfance de l’auteur, L’annonce faite à Marie est un drame domestique dans un Moyen Âge de convention, autour de la rivalité de deux sœurs. Le directeur du CDN de Poitou-Charentes s’appuie sur la version de 1911 où l’héroïne, Violaine, devient plus humaine en devenant plus sainte. le 15 avril Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com

Pierre Richard III Il est à jamais, dans l’inconscient collectif, le

«grand blond avec une chaussure noire». Éternel maladroit, imperturbable tête en l’air, Pierre Richard livre, dans un seul-en-scène touchant et sincère, sa vie d’artiste et ses regrets d’homme. Entre pure fantaisie et vérité avouée, le tendre pitre rejoue en funambule aguerri ses propres aventures au gré des caprices de la mémoire. le 23 mars Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com

T H É Â T R E


Le malade imaginaire Antigone L’ultime comédie de Molière mise en scène par

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© M. Vanappelghem

P R O G R A M M E

le 28 mars La Croisée des Arts, Saint-Maximin 04 94 86 18 90 www.st-maximin.fr le 5 avril Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com

T H É Â T R E

© Cosimo Mirco Magliocca coll. Comédie Française

La pièce en un acte de Jean Anouilh, œuvre majeure du répertoire moderne, est portée par les comédiens de la Comédie-Française. Le metteur en scène Marc Paquien offre une Antigone contemporaine, laissant le jeu des acteurs s’exprimer librement, et rend à travers cette pièce créée sous l’Occupation, un hommage à «toutes les femmes insoumises, guerrières pacifiques d’ici et d’ailleurs». Le personnage mythique de la jeune fille rebelle s’opposant à son oncle, le Roi Créon, est un véritable hymne à la résistance. le 2 avril Théâtre Le Forum, Fréjus 04 94 95 55 55 www.aggloscenes.com les 8 et 9 avril Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

Une leçon d’histoire... De l’an mil à Jeanne d’Arc, Maxime d’Aboville

s’inspire des grands auteurs, de Chateaubriand à Michelet, pour une leçon d’histoire théâtralisée. En instituteur à l’ancienne, le comédien revisite la France et met en scène la plus vivante des disciplines.

D A N S E

les 25 et 26 mars Le Toursky, Marseille 0 820 300 033 www.toursky.org

Moving Target

© Pipitone

Jean Liermier avec l’ancien pensionnaire de la Comédie-Française Gilles Privat, dans le rôle testamentaire d’Argan. L’éternel hypocondriaque, tyrannique et manipulateur, se laisse aveugler par des bonimenteurs et veut marier sa fille à un médecin pour en avoir toujours un sous la main. Une critique de la médecine où la mort rode sans partage (l’auteur, évanoui à la quatrième représentation, ne se réveillera pas) qui questionne à merveille la violence des rapports humains.

De l’enfer au paradis

La divine comédie de Dante inspire à Emiliano Pellisari une chorégraphie inclassable pour six danseurs (quatre filles, deux garçons). Enfer, Purgatoire et Paradis se retrouvent en quatorze tableaux où les fééries du baroque et les technologies nouvelles se conjuguent en un spectacle onirique et poétique d’une inventivité et d’une beauté à couper le souffle. Comment les artistes, libérés de toute pesanteur évoluent avec aisance dans les airs ? C’est un secret. On laissera son mystère à Mélusine, et l’on se glissera avec émerveillement dans cet univers hors du temps.

Une leçon d’Histoire de France le 4 avril Théâtre Le Forum, Fréjus 04 94 95 55 55 www.aggloscenes.com © X-D.R

Pour le printemps du BNM, Frédéric Flamand reprend la chorégraphie de Moving Target dans l’écrin de l’Opéra de Marseille. S’inspirant librement des carnets non-censurés de Nijinski, il s’interroge sur le dédoublement, la schizophrénie. En collaboration avec les architectes new-yorkais Diller+Scofidio, la scénographie se dédouble grâce à un immense miroir incliné à 45 degrés au-dessus de la scène. Dans cette nouvelle appréhension du mythe de la caverne, on se perd entre réalité et illusion, dans une perspective qui ne répond plus au traditionnel point de fuite. Le spectacle est éblouissant d’inventivité, de prouesses techniques, d’énergie. les 28 et 29 mars BNM, Marseille 04 91 32 73 27 www.ballet-de-marseille.com

Coupé décalé Au départ, il y a l’Akoupé du groupe ethnique La conversation L’ambitieux stratège Bonaparte et son deuxième consul Camacacérès, Maxime d’Aboville et Alain Pochet, offrent dans la première œuvre théâtrale de l’académicien Jean d’Ormesson, mise en scène par Jean-Laurent Silvi, un entretien imaginaire au sommet. Lorsque le rêve du futur empereur est sur le point de devenir réalité, et que l’ambition se change en histoire, un soir de l’hiver 1803-1804 aux Tuileries… le 4 avril Palais des Congrès, Saint-Raphaël 04 94 19 84 11 www.saint-raphael-congres.fr

Attié, une forme de danse traditionnelle de Côte d’Ivoire, puis les milieux ivoiriens parisiens des années 2000, une jeunesse désargentée qui se donne une illusion de réussite dans les clubs branchés (la Jet Set). Cette danse urbaine devient un phénomène esthétique et populaire que James Carlès interprète dans son spectacle en deux actes, I am not a sub-culture…, solo que lui a composé Robyn Orlin, et On va gâter le coin, où James Carlès propose sa vision du coupé-décalé avec plusieurs danseurs spécialistes de cet art entre rumba congolaise, hip hop, caraïbes et chansons populaires françaises. du 26 au 28 mars Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 www.merlan.org


Flagrant délit

Danse Temps 2 Trois chorégraphies pour cette belle rencontre

entre la ville d’Aubagne et les courants de la danse contemporaine qu’est la manifestation Danse Temps 2. Olivier Dubois interroge ce qu’est un interprète en le déconstruisant pour le reconstruire dans Pour tout l’or du monde qu’il a voulu «comme une chronique d’un martyr, un précis de guerre». Le spectacle sera donné au théâtre Comoedia, comme Au plus près du monde de François Veyrunes avec la Compagnie 47-49, qui tente d’aborder l’humanité pas le biais de la fraternité, échappant aux stéréotypes censés définir les genres. C’est en «hors les murs» au centre-ville que Ziya Azazi nous entraîne dans l’univers mystique de la danse soufie avec Dervish in Progress. À la fois antique et moderne cette danse met en scène la progression de l’âme, l’artiste «s’oublie et devient miroir».

© Philip Bernard

Le théâtre du Merlan soutient Yann Lheureux dans sa démarche de création, Flag, qui interroge les liens entre identité et territoire. On aura le privilège d’en découvrir le premier volet, consacré au hip hop, avec un virtuose, le danseur sud-coréen Lee Woo Jae. La poésie devient la seule possibilité de libération d’un être captif. Les deux volets à venir exploreront les possibilités esthétiques du BMX et du Yamakasi. En première partie de spectacle, seront présentés les lauréats des sélections 2012 et 2013 organisées par le Merlan et l’association Heart Color, dans leur processus d’accompagnement des jeunes danseurs hip hop de la région. les 4 et 5 avril Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 www.merlan.org

Tabac rouge Le dernier spectacle de James Thierrée, le

petit fils de Chaplin, est baptisé «chorédrame». Huit danseurs, une contorsionniste et un acteur évoluent dans un monde étrange à la fois écrasé et décuplé par un immense miroir fragmenté. Dans un incroyable bal hors du temps, où le rêve et le cauchemar tissent une trame étrange, un vieil homme assis tyrannise ceux qui l’entourent. Ballets aériens, émotion transcrite dans les corps, tout est là pour nous emporter dans un monde onirique où les genres se fondent. Exceptionnel ! du 9 au 12 avril Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence 08 2013 2013 www.lestheatres.net

Pour tout l’or du monde le 8 avril Dervish in Progress le 11 avril Au plus près du monde le 15 avril Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr

Pour tout l’or du monde © Jacky Ley

Heimat & While going… Deux solos, deux parcours dans ce spectacle.

Jérôme Brabant qui rend hommage à son pays, la Réunion, qu’il représente affublé de cônes de papier blanc. Heimat oscille entre la nostalgie et le futurisme, rituel intime et universel où la danse traditionnelle des esclaves, le maloya incarne les racines du chorégraphe. Se refusant à tout message, toute histoire, tout sens, Hiroaki Umeda offre un spectacle ponctué de silences, de fulgurances lumineuses où la danse apparaît comme une expérience vécue et partagée. Avec While going to a condition, le chorégraphe nous invite à cette esthétique de l’instant et de la métamorphose, la chrysalide immobile s’anime et laisse place à la fluidité virtuose du danseur. Ce double spectacle fait partie de Temps fort Nouvelle scène contemporaine. Heimat & While going to a condition le 20 mars Pavillon Noir, Aix-en-Provence 04 42 93 48 14 www.preljocaj.org


A U P R O G R A M M E D A N S E

Le chorégraphe Radhouane El Meddeb, artiste associé au Centquatre à Paris, rend hommage aux femmes et aux mères. Seul en scène, il mobilise toutes ses ressources de féminité au son du long poème Al Atlal (Les ruines), une œuvre de l’égyptien Ibrahim Nagi considérée comme l’une des plus belles de la littérature arabe. Sur une version chantée par Oum Kalthoum en 1966, Radhouane El Meddeb l’interprète entre transe et sensualité, hanté par le désir et le désespoir amoureux. Sous leurs pieds, le Paradis le 22 mars Pavillon Noir, Aix-en-Provence 04 42 93 48 14 www.preljocaj.org

C’est l’oeil que tu… Christian Rizzo travaille dans ce solo sur les

«infra-mouvements», ces gestes du quotidien auxquels on prête rarement attention, en laissant la place au doute et à la fragilité. Il a donné pour titre à sa pièce un proverbe turc empreint de sagesse paradoxale, signifiant qu’à trop vouloir sécuriser sa vie, on s’expose aux malheurs mêmes que l’on voudrait éviter. Christian Rizzo a obtenu le prix «Chorégraphie» de la SACD en 2013.

Pourquoi la hyène… ITMOI Acronyme pour In the mind of Igor, ce titre © Laurent Pappens

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© Agathe Poupeney

Sous leurs pieds...

Hyènes, mais aussi zèbres, boas, éléphants... tout le bestiaire de l’Afrique est convié dans ce spectacle bouillonnant, orchestré par l’ex-footballeur professionnel Seydou Boro. Une fable de la savane, incarnée par des danseurs aux masques d’animaux burkinabés, tandis qu’une conteuse dévoile l’histoire du roi lion Gayindé. Le tournoi de danse, organisé en l’honneur de son fils nouveau-né, sert de prétexte à une réflexion sur l’autorité, la cupidité et la prétention. À partir de 6 ans.

les 1 et 2 avril Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

Pourquoi la hyène a les pattes inférieures plus courtes que celles de devant et le singe les fesses pelées ? du 3 au 5 mars Pavillon Noir, Aix-en-Provence 04 42 93 48 14 www.preljocaj.org le 14 mai Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

© Louis Fernandez

Atem Atem signifie «le souffle» en langue allemande,

et pour cette pièce présentée au Festival d’Avignon en 2012, Josef Nadj a travaillé sur la sensation d’étouffement. Le chorégraphe et sa danseuse Anne-Sophie Lancelin sont enfermés dans un espace restreint, éclairés à la bougie et inspirés des gravures d’Albrecht Dürer. Ils semblent soumis à des hallucinations : la musique lancinante assurée par Alain Mahé ou Pascal Seixas éveille bien des fantômes, sur ce plateau hanté.

Le Sacre du printemps...

© Marc Domage

Das Chrom & Du © Va Wölfl

C’est l’oeil que tu protèges qui sera perforé le 25 mars Pavillon Noir, Aix-en-Provence 04 42 93 48 14 www.preljocaj.org

Venu des arts visuels, Va Wölfl n’est pas pour rien un disciple du peintre subversif Oskar Kokoshka : dans chacun de ses spectacles, il utilise la forme pour dynamiter le fond. Celui-ci ne fait pas exception, qui écrase au sens propre le mot écrit... des centaines de livres répandus sur scène forment un tapis de culture éparpillée, morcelée, vidée de son sens. Ne comptez pas sur lui pour vous mâcher le travail de réflexion, c’est un homme qui n’aime rien tant que les questions sans réponses. Le sacre du printemps & Du du 9 au 11 avril Pavillon Noir, Aix-en-Provence 04 42 93 48 14 www.preljocaj.org

mystérieux est un sésame pour pénétrer l’esprit de Stravinsky. Plusieurs compositeurs contemporains ont réécrit la partition musicale du Sacre du Printemps pour Akram Khan, tandis que lui-même se délestait de l’héritage chorégraphique de Vaslav Nijinski. Ses douze interprètes célébrent le sacrifice d’une jeune femme qui danse jusqu’à la mort, comme on plonge dans les tréfonds de l’âme humaine.

du 11 au 13 avril Théâtre La Colonne, Miramas 04 90 50 66 21 www.scenesetcines.fr du 16 au 19 avril Pavillon Noir, Aix-en-Provence 04 42 93 48 14 www.preljocaj.org

4D Quatre duos composés par Sidi Larbi Cherkaoui

dans des contextes très divers, qu’il rassemble pour renforcer leur significativité. Faun explore l’animalité tapie au cœur d’un couple, Pure suit un désir de pureté qui va jusqu’à la disparition, tandis qu’au contraire Sin cherche les traces du péché originel. Enfin, Matter interroge la place de l’amour dans l’univers matérialiste de notre société de consommation. De la profondeur en quatre dimensions... le 12 avril Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr le 15 avril Théâtre Le Forum, Fréjus 04 94 95 55 55 www.aggloscenes.com


Bal Folk/Trad

Bon app’ ! Rien ne vaut les plaisirs de bouche. À Château-

vallon, on passe à table avec Nabil Ouelhadj et sa compagnie Racines Carrées, qui proposent une variation culinaire composée de quelques grammes de beat box, une rasade de danse, le tout épicé d’une bonne dose d’énergie. Oui, il est possible de cuisiner en rythme, et le public -jeunes et moins jeunes- est invité à participer à cette «chorégraphie vocale» endiablée en guise de démonstration.

© X-D.R

Tragédie

La tragédie, c’est de naître humain et que cela ne suffise pas. Pour le devenir vraiment, il va falloir déployer au fil des années une énergie folle, revêtir de multiples oripeaux, sociaux et psychologiques. Olivier Dubois a proposé à ses danseurs de se déshabiller au sens propre et au figuré : sur scène, neuf femmes et neuf hommes tentent de retrouver leur nudité originelle, sous l’écorce, sous les muscles ou les bourrelets. Une œuvre unanimement plébiscitée lors de sa création au Festival d’Avignon 2012. le 11 avril Théâtre de Cavaillon 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com

le 30 mars Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com © X-D.R

© François Stemmer

Tous les premiers mardis du mois, le hall de l’Auditorium Jean Moulin accueille une proposition conviviale lors des soirées Escal’à’Thor. Celle-ci sera particulièrement festive puisque les membres du groupe SousLePont vous invitent à entrer dans la danse. Au son du marimba, de l’accordéon et du trombone, même les plus timides se lanceront dans la salle de bal, en s’appuyant sur les conseils du pédagogue Guilhem Herinx pour découvrir la scottish et la mazurka.

A U P R O G R A M M E

le 1er avril Auditorium Jean Moulin, Le Thor 04 90 33 96 80 www.artsvivants84.fr

Au plus près du monde

Noche de arte flamenco L’association andalouse Alhambra conclura

Et si l’on vient te dire... À l’origine, un spectacle de théâtre inspira

son 13e Festival Andalou à l’Auditorium Jean Moulin avec Luis de la Carrasca, entouré d’une pléïade d’invités prestigieux. On citera en particulier Fouad Didi à la voix, au violon et à l’oud, la danseuse Ana Pérez, José Luis Dominguez à la guitare, et Djeli Moussa Condé à la kora. Un plateau de choix pour célébrer toute la nuit l’esprit du flamenco, entre tradition et renouveau.

Le bal, un film d’Ettore Scola sorti en 1983. S’appuyant sur cette oeuvre sans dialogues, qui retrace l’histoire des danses de salon en France sur quatre décennies, les compagnies Loreleï et Kaïros Théâtre revisitent l’ambiance fiévreuse des salles de bal d’antan. Marlous et midinettes, jeux de séduction et timides restant sur le carreau... c’est l’éternelle attraction des corps humains qui fait tourner la tête.

Luis de la Carrasca © BM Palazon 2011

© Laurence Fragnol

le 29 mars Auditorium Jean Moulin, Le Thor 04 90 33 96 80 www.artsvivants84.fr

Trois danseurs -Jérémy Kouyoumdjian, Sylvère Lamotte, Leïla Pasquier- s’emparent les uns des autres dans ce spectacle, dégageant une harmonie qui ne semble justement... pas de ce monde. François Veyrunes a puisé son inspiration auprès du poète Antoine Choplin, qui n’hésite pas à parler de «consanguinité artistique» avec le chorégraphe pour décrire leur travail en commun. Le poème Debout sur la terre sert de trame à cette danse du rapprochement. le 11 avril Théâtre du Briançonnais, Briançon 04 92 25 52 42 www.theatre-du-brianconnais.eu

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Et si l’on vient te dire que tout cela est faux, n’en crois rien le 8 avril Espace des Arts, Le Pradet 04 94 01 77 34 www.le-pradet.fr le 17 avril Théâtre Le Forum, Fréjus 04 94 95 55 55 www.aggloscenes.com © Cie lorelei kairos

D A N S E


A U P R O G R A M M E D A N S E J E U N E

les percussions corporelles, une discipline venue des États-Unis : le Step. Où l’on découvre avec surprise que des pieds à la tête, un être humain est fait de rythmes, les basses restant près du sol, les envolées dans les aigus survenant à partir des épaules... Cette spécificité n’empêche pas les deux Avignonnais de flirter avec d’autres arts, à la croisée de la danse, du théâtre et de la musique. Parce qu’on va pas lâcher les 25 et 26 mars Palais des Congrès, Saint-Raphaël 04 94 19 84 11 www.saint-raphael-congres.fr le 30 mars Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com

Répondant à une commande de la Ville de Cannes pour le Festival Made in Cannes, la Zakat Dance Company s’attaque aux médias dans cette création. Médias qui se déclinent sur toutes sortes de supports, télévision, smartphones, tablettes... au point que l’on voit des écrans partout, et partout le même type d’informations standardisées. Julie Magneville signe une chorégraphie protestataire destinée à s’extraire de cette uniformisation.

le 29 mars Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com

le 21 mars Théâtre de la Licorne, Cannes 04 97 06 44 90 www.madeincannes.com

Carmina Burana Ah, célébrer le printemps au son de la célèbre

cantate composée par Carl Orff d’après une série de poèmes médiévaux ! Le chorégraphe argentin Mauricio Wainrot renoue avec l’esprit initial des Carmina Burana, conçus comme une œuvre dramatique incluant danse et décors. Il utilise la puissance considérable de ces airs pour déployer celle du Ballet National de Bordeaux, sous la direction du danseur étoile Charles Jude.

Aktualismus Le Système Castafiore a bientôt vingt-cinq

ans, et ne s’est toujours pas assagi ! Marcia Barcellos et Karl Biscuit cherchent toujours à refaire le monde en s’amusant, et pour cela piochent dans les recettes qui ont fait leurs preuves. Ils reprennent plusieurs inénarrables pièces des années 1990, Aktualismus, Oratorio Mongol et 4Log Volapük, avec l’humour et le sens profond de la fantaisie qui les caractérisent.

les 12 et 13 avril Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com

Aktualismus/Oratorio Mongol/4Log Volapük le 4 avril Théâtre de la Licorne, Cannes 04 97 06 44 90 www.madeincannes.com

© Sigrid Colomyes

P U B L I C

Relier le tango traditionnel argentin, né au début du XXe siècle, avec le tango nuevo tel qu’il se pratique ces dernières années, c’est l’objectif de la Compañia R.E.A. Danza. Onze danseurs élargissent le champ du mouvement dans cette danse empreinte de paradoxes, glissant l’improvisation sous les figures les plus rigoureuses, la passion sous l’extrême dignité. Le tango n’a pas fini de briser les frontières.

Parce qu’on va pas... Médias Mourad Bouhlali et Hassan Razak pratiquent

© Zakat Dance Company

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© Martine Goetschalckx

Broken tango

© X-D.R

Ce que le jour doit... Concerto/no.thing Pour cette adaptation du roman de Yasmina Le Festival Made in Cannes, c’est aussi l’occasion Khadra, Hervé Koubi a choisi de frotter à la danse contemporaine des interprètes dénués de tout formatage, sinon celui de la rue, où ils pratiquaient le hip hop et la capoeira. «Douze danseurs, onze algériens et un burkinabé... Quand on les voit tourner sur la tête, c’est une ascension vers le sacré», et c’est aussi un cri d’amour pour la culture orientale, son sens du partage et de la fraternité. Ce que le jour doit à la nuit les 27 et 28 mars Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com

pour les nouvelles générations de se confronter aux artistes chevronnés. Les danseurs du Cannes Jeune Ballet rejoignent la compagnie helvétique Linga pour interpréter deux œuvres de son répertoire. Sur un air de clavecin composé par J.S. Bach, Concerto réunit quatre personnes pour une réunion «de fin de millénaire» autour d’une table, tandis que no.thing interroge le mystère du geste à l’ère des performances physiques. le 11 avril Théâtre de la Licorne, Cannes 04 97 06 44 90 www.madeincannes.com


Tristan et Iseult Jérémy Fisher En partenariat avec La Baleine qui dit «Vagues», le théâtre de la Criée accueille une version revisitée de Tristan et Iseult. Laurent Daycard, directeur artistique de La Baleine, nous conte cette histoire d’amour universelle en s’accompagnant au dulcimer (instrument moyenâgeux de la famille des cithares). Ponctué de chants en occitan, en hommage aux troubadours qui ont transmis cette légende celte, et mis en espace par Hervé Bontemps, le spectacle est conseillé à partir de 12 ans. le 22 mars La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

Balade à dos de... Benjamin a 4 ans. C’est un enfant sensible, introverti, parfois grognon et qui dit souvent «non». Sa maman connaît le petit secret pour amadouer son garçon. Elle aime chanter, et Benjamin adore l’écouter. Pour apaiser chaque mauvais moment, elle entonne une nouvelle comptine. Dans Balade à dos de comptines, Gisèle Abadia interprète ses propres créations, accompagnée au piano par Sébastien Jacquot. Le spectacle, conseillé pour les enfants de 2 à 6 ans, est présenté sur le temps scolaire à la Maison du Peuple. Balade à dos de comptines les 27 et 28 mars Maison du peuple, Gardanne 04 42 65 77 00 www.ville-gardanne.fr

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le 3 avril Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr

Mon échappée belle Durant trois semaines, spectateurs de tous âges sont invités à se déplacer dans le Pays d’Aix, pour un chassé-croisé où se côtoient toute la richesse et la qualité de la création jeune public actuelle. Réunies dans la 2e édition du festival Mon échappée belle, compagnies régionales, nationales et internationales rivalisent d’imagination pour émerveiller petits et grands. À Venelles, ne manquez pas l’exposition interactive Touches et notes de lumières d’Artesens, du 2 au 13 avril, ou le conte drôle et sarcastique de la Cie Peanuts, le Chameau qui voulait être mangé (le 4). L’Institut Français des Instruments à Vents donnera un concert théâtralisé, La Revue de cuisine, des gourmandises littéraires et musicales à écouter dès 7 ans (11 avril) ; Mino-Mushi devrait également ravir les jeunes oreilles (le 18). À Simiane, du théâtre-cirque avec Cabaret couleur (le 5), le spectacle moliérisé en 2010, Oh Boy ! (le 11, également à Lambesc le 5), le talentueux conteur Luigi Rignanese dans un récit d’amour et de courage à savourer en famille, et gratuitement, dès 4 ans (le 8 avril, puis à Bouc-Bel-Air et Venelles le 9). Pour les plus petits, Dans la lune, il y a… par la Cie marseillaise Tatem, une histoire racontée et dansée sur le monde de la nuit (13 avril). À Lambesc, les belges de la Cie ChaliWaté dans une ode à la soif de vivre avec Îlo (le 6 avril, le 11 à Bouc-Bel-Air), le conte Le Bruit des couleurs (11 et 12 avril, gratuit), et The Wackids en concert pour un Rock’n’roll tour décoiffant (le 13). Bouc-Bel-Air accueillera, du 16 au 20 avril, l’exposition Ludik’arte, pour découvrir l’univers de la peinture de façon insolite, dès 5 ans. Le Petit soldat de Plomb, le 22 avril, adapté du conte d’Andersen, ravira

O boy © Thibaut Briere

par sa fantaisie, dans un laboratoire culinaire et savoureux spécialement étudié (en entrée limitée). du 1er au 22 avril Divers lieux, Pays d’Aix Réservations dans chaque lieu Bouc-Bel-Air 04 42 60 68 78 www.boucbelair.com Simiane 04 42 22 62 34 www.simiane-collongue.fr Lambesc 04 42 17 00 62 www.lambesc.fr Venelles 04 42 54 93 10 www.culture.venelles.fr

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Jérémy n’est pas un enfant comme les autres. Né avec les pieds et les mains palmés, il ne tarde pas à être considéré comme une attraction commerciale. Peu à peu, il se transformera en poisson, et seul l’amour intact de ses parents le préservera des experts en pêche miraculeuse. Mêlant jeu d’acteur et marionnettes, la compagnie Haut les crânes signe une adaptation pleine de tendresse et d’humour du texte de Mohamed Rouahbi.


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les 31 mars et 1er avril Crèches de la ville, Gardanne 04 42 65 77 00 www.ville-gardanne.fr

Mais... je suis ! La compagnie de danse contemporaine 2b2b

réalise une adaptation chorégraphique d’un conte pour enfants. Mais je suis un ours ! de Frank Tashlin devient Mais... je suis !, porté par deux interprètes, Magali Jacquot et Valérie Costa. Jusqu’où peut-on douter de soi-même ? Et d’ailleurs, qui est soi-même ? Celui qui est ou celui qu’on lui dit d’être ? Mais que fait cet ours dans cette usine ? Le spectacle est conseillé à partir de 7 ans. le 4 avril Maison du Peuple, Gardanne 04 42 65 77 00 www.ville-gardanne.fr

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Les princesses aussi…

Quand le manque d’eau devient question de vie ou de mort... En plein désert, un homme un peu mystérieux vient au secours d’une plante assoiffée. Comment trouver les quelques gouttes d’eau qui pourraient la sauver ? À partir de cette rencontre, la compagnie belge Chaliwaté propose un théâtre gestuel mêlé d’acrobaties. Sandrine Heyraud et Sicaire Durieux, les auteurs et metteurs en scène, alternent sur scène avec Natalia Weinger et Loïc Faure et proposent un spectacle onirique, qui enchantera les petits comme les grands. le 6 avril Salle Sévigné, Lambesc 04 42 17 00 62 www.lambesc.fr le 9 avril Théâtre Marelios, La Valette-du-Var 04 94 23 62 06 www.lavalette83.fr le 11 avril Les Terres Blanches, Bouc-Bel-Air 04 42 22 41 65 www.boucbelair.com le 16 avril Forum des Jeunes, Berre-l’Étang 04 42 10 23 60 www.forumdeberre.com le 18 avril à 18h30 Théâtre du Golfe, La Ciotat 04 42 08 92 87 www.laciotat.com

Dans son monde de plastique-bulle, Sa Majesté à la voix d’or domine son petit royaume. Ses deux servantes l’écoutent, la regardent, l’admirent. Mais un jour, la reine étouffe dans sa robe de fée. Quand elle s’en libère enfin, c’est pour disparaître dans la forêt. Les servantes, restées seules, accèdent alors à tout ce qui leur était interdit. Était-ce vraiment si intéressant ? Alliant danse et chant lyrique, la création de la Cie Osteorock revisite avec ironie le mythe des contes de fées. Dès 4 ans. Les princesses aussi ont des faims de loup le 16 avril Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com © Jef Rabillon

La Compagnie de L’Échelle propose à Gardanne un spectacle destiné aux tout petits. Paraplus, présenté dans les crèches de la ville, s’adresse aux enfants de 6 mois à 3 ans. Dans cette création collective, Bettina Vielhaber, déambule en scène avec pour seuls partenaires... des parapluies. Avec ce simple objet, la comédienne invite les enfants à un petit tour de poésie sur le grand manège de la vie.

Quand Azad était enfant, il fut sauvé de la guerre par un homme. Devenu adulte, il débarque d’Arménie pour retrouver son protecteur. Il ne connaît que son nom, Monsieur Agop, et un lieu, Marseille. Dans cette ville, il rencontre des jumeaux farfelus et une étonnante femme de ménage, qui l’accompagnent dans sa quête. Création de la compagnie La Naïve, Monsieur Agop, tout public à partir de 9 ans, est inspiré d’une histoire vraie. le 28 mars Théâtre La Colonne, Miramas 04 90 50 66 21 www.scenesetcines.fr le 15 avril Théâtre Henri Martinet, Les Pennes-Mirabeau 04 42 09 37 80 www.pennes-mireabeau.org

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JT H E U É N Â ET R PE U B L I C

tion de la compagnie azHar. Ce spectacle, coup de cœur SACD et arte.tv au Festival Off d’Avignon en 2010 et 2012, mêle le dessin animé et toutes les formes d’expression scénique. Images numériques, marionnettes à taille humaine, théâtre, musique et poésie se succèdent pour conter l’histoire de Zéphir, le cantonnier, et Olga, la diva. Au milieu de leur tournée internationale (Hollande, Corée du Sud...), Magic dust et Jean-Marie Ginoux, son auteur interprète, feront une escale en Provence, à ne pas manquer. le 28 mars Espace NoVa, Velaux 04 42 87 75 00 www.espacenova-velaux.com

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Magic dust Monsieur Agop L’Espace NoVa accueille Magic dust, une créa-

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Paraplus


À vue de nez Elisa ne voit presque rien. 2 à un œil, 3 à l’autre...

Alors elle compense avec son imaginaire, interprète ce qu’elle voit et s’invente tout ce qu’elle ne peut pas voir. De sa naissance jusqu’à ses 13 ans, elle nous plonge dans son monde, fait de trouble, de flou, d’obscur ou de disproportion. La caméra sur l’épaule de la comédienne traduit en images les perceptions d’Elisa. Nathalie Bensard, de la Cie La Rousse, a écrit et mis en scène ce spectacle, à voir dès 8 ans. le 8 avril Théâtre Durance, Château-Arnoux 04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr

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Festo Pitcho

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Carnet de voyage... Il n’y a plus de potion magique ! La fée Ery a perdu

la tête, elle ne se souvient plus de la recette. Depuis, tout marche de travers dans la forêt. Grâce à l’aide des enfants, la fée retrouvera peut-être la mémoire. Et la nature reprendra son équilibre et son harmonie. Entre danse, chant, musique, photos, vidéo, la compagnie Les Éponymes transforme son jeune public en héros d’une véritable aventure. Et lui confie le pouvoir de prendre soin de la nature. Carnet de voyage en forêt enchantée le 26 mars Théâtre Golovine, Avignon 04 90 86 01 27 www.theatre-golovine.com

mains près du cœur, on incline la tête et on se dit «Namaskar». Philippe Saumont, de la Cie Théâtre des Tarabates, a écrit et interprète ce spectacle destiné à tous les publics dès 18 mois. Au milieu de sculptures de métal, les mains du comédien deviennent les personnages de ce conte poétique sans parole. La musique et le chant de Fannystatic accompagne ce voyage en dix doigts, marionnettes et ombres. le 9 avril Théâtre du Briançonnais, Briançon 04 92 25 52 42 www.theatre-du-brianconnais.eu

réfléchir dans Souriez par la Cie Equivog (Le Balcon). Le collectif Ça conte pour l’ouïe donnera le concert de contes Je rêve ! (AJMI, dès 5 ans), Éclats de Scènes présentera Motmot, une histoire sur la transmission et Le bruit des os qui craquent d’après Suzanne Lebeau. Fable sur la différence avec La Princesse Rouspette par la Cie Un peu de poésie (Chien qui Fume), théâtre musical avec Ma Compagnie dans Poucet, le temps des mensonges (l’Autre Scène), Aladin et la lampe merveilleuse (Fabrik’théâtre), et conte théâtralisé par la Cie André Morel dans Scriptura. Pour les plus grands, le théâtre de Cavaillon accueillera le très percutant My God ! des Onstap. Il faudra compter sur les belges du Théâtre du Tilleul dans Le courrier des enfants, suivi d’une rencontre d’impressions publique (au théâtre des Doms, qui reçoit également Snacks, une réflexion sur la société de consommation). Parmi les découvertes : les Fées du temps (Golovine), Tierra Efimera (du théâtre de terre et d’ombres par le collectif Terron), L’homme d’habitude par les Blérots de R.A.V.E.L. (au Thor), Les Boîtes à Secrets (Les Halles), le concert multimédia Carton Park, et des projections vidéos de deux spectacles d’Olivier Py à la Maison Jean Vilar, (rencontre avec l’auteur autour de la spécificité de l’écriture et de la mise en scène jeune public le 12 avril). © X-D.R.

Namaskar Pour se saluer, en Inde ou au Népal, on joint ses

La 8e édition du festival Jeune Public Festo Pitcho aura lieu du 12 au 21 avril, dans 9 communes du Vaucluse (Avignon, Carpentras, Cavaillon, Châteauneuf-de-Gadagne, Le Thor, Mazan, Morière-lès-Avignon, Monteux, Vedène) et à Saint-Rémy-deProvence dans les Bouches-du-Rhône. Coordonné par l’association avignonnaise Eveil Artistique, organisatrice l’été de l’incontournable Festival Théâtr’enfants, ce temps fort de spectacles vivants qui regroupe un collectif de différentes structures et lieux d’accueil, débutera par la traditionnelle parade d’ouverture déguisée, sur le thème «contes et légendes fantastiques». En clôture, le lundi de Pâques, notons le pique-nique greffé au carnaval provençal Lou Carry dans les bois de Mazan. 23 spectacles combleront petits (dès 6 mois, avec Légère comme une plume à l’Isle 80) et grands. De nombreuses compagnies de la région sont programmées : Piccola Velocita avec Flûtt, Cie Tout Cour avec La Nuit, poésies pour les tout petits d’après Charles Baudelaire, les marionnettes de la Cie Croqueti dans 1, 2, 3… couleurs, du clown qui fait rêver et

Festo Pitcho du 12 au 21 avril Réservations dans chaque lieux de spectacles Eveil Artistique, Avignon 04 90 85 59 55 www.festopitcho.com

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C I R Q U E

les 1er et 2 avril Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com le 8 avril Pôle Jeune Public, Le Revest-les-Eaux 04 94 98 12 10 www.polejeunepublic.fr le 11 avril Palais des Congrès, Saint-Raphaël 04 94 19 84 11 www.saint-raphael-congres.fr

Le temps d’un week-end, le théâtre d’Arles programme trois spectacles autour du cirque, de l’équilibre, de l’acrobatie aérienne et de la danse. Dans Extrêmités, du Cirque Inextremiste, Yann Ecauvre et ses acolytes défient les lois de l’apesanteur et de la physique sur des bouteilles de gaz… Dans Hêtre, Fanny Soriano délaisse un temps sa corde lisse pour un corps à corps hypnotique avec une branche d’arbre suspendu entre ciel et terre, sur une partition musicale envoûtante créée par Fernando Maguna au bandonéon. Enfin, pour clôturer ce temps fort, Bonaventure Gacon endosse la défroque d’un Auguste mi-clown mi-ogre dans Par le Boudu. Ce clochard céleste, bourru, tordu est aussi drôle que désespéré… Extrêmités les 28 et 29 mars Hêtre les 29 et 30 mars Par le Boudu le 30 mars et le 1er avril à L’Alpilium de Saint-Rémy-deProvence Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com

le 1er avril Espace des Arts, Le Pradet 04 94 01 77 34 www.le-pradet.fr

Antigone De nos jours La compagnie belge Sac à Dos remodèle le Le collectif Ivan Mosjoukine dynamite les mythe antique d’Antigone. À partir d’un bloc de glaise, Susan Yeates et Patrick Huysman façonnent sous nos yeux les décors et les protagonistes de la tragédie. L’adaptation s’inspire de multiples versions, de Sophocle à Anouilh, Brecht ou Cocteau. Les personnages d’argile, manipulés par une fourchette ou un tire-bouchon, prennent vie et racontent un Indignez-vous, vieux de 2500 ans. Tout public, dès 9 ans. le 19 mars Théâtre Le Forum, Fréjus 04 94 95 55 55 www.aggloscenes.com

codes du cirque traditionnel pour en réinventer la grammaire en 80 «notes» qui sont autant de tableaux décalés, surprenants, qui réinventent la corde souple, le jonglage, l’équilibre… Des numéros connus de tous, mais qui n’avaient jamais été vus comme ça !

Le quart d’heure de trop

De nos jours [notes on the circus] du 27 au 30 mars La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

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À l’envers Scorpène connaît bien Le Merlan, qui avait

coproduit et accueilli son premier spectacle Réalité Non Ordinaire. Le mentaliste et magicien propose aujourd’hui «de questionner notre perception du réel à travers le langage des oiseaux, […] une fonction reliée à l’inconscient]». Cette fonction du langage, utilisée par les alchimistes depuis 7000 ans, il l’utilise pour troubler notre esprit et faire exploser nos repères… et révéler nos sens, À l’envers ! du 9 au 11 avril Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 www.merlan.org

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JT H E U É N Â ET R PE U B L I C

Joseph Barbayer, le vieil agriculteur du Villard, vient de mourir. Dans la commune, l’effervescence s’empare des habitants, et surtout du conseil municipal. Car les dernières volontés du défunt sont formelles : il lègue toute sa fortune au village, à la condition... d’y instaurer le communisme. L’utopie cesse d’être un rêve quand elle devient réalité. Ce conte théâtral, où la mort donne la vie, est une création de la Cie Le Pas de l’Oiseau, à partir de 12 ans.

regard de Latifa. Ils s’attirent, ils s’aimantent, ils s’embrassent. Ce baiser ardent les emporte et embrase tous ceux qui y assistent. Leur coup de foudre fige le temps. Les copains, les profs, le directeur, chacun exprime son émotion, sa jalousie, sa nostalgie, son trouble, devant cette passion brûlante. Création de la compagnie québecoise Théâtre Bluff, S’embrasent est un spectacle pour tous, à partir de 14 ans.

© Caroline Laberge

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Week-end cirque S’embrasent Dans la cour du lycée, Jonathan croise le

© Martin Clement

L’héritage

Deux femmes, clowns, dans une salle d’attente de Pôle emploi, s’acharnent tant bien que mal à bricoler curriculum vitae, lettre de motivation, bref, à préparer un entretien pour mettre en valeur leurs compétences. Coline Galeazzi et Olivia Musitelli se mettent en scène dans un duo qui questionne les faiblesses, les doutes, les angoisses de tout un chacun face à la vie. les 28 et 29 mars Théâtre des Carmes 04 90 82 20 47 www.theatredescarmes.com


Mouvance & la Cie des Autres créent un opéra cartoon sans paroles pour mieux apprendre à s’écouter. Deux personnages, échoués dans ce qui pourrait être une île déserte, vont se découvrir, se confronter et s’amuser de leurs différences. Un univers onirique et musical qui révèle l’universalité du rire ! le 26 mars La Fabrik’Théâtre, Avignon 04 90 86 47 81 www.fabriktheatre.fr

© Mats Bäcker

Nez d’ici, nez d’ailleurs Knitting peace Sur le thème de la différence, la Cie de la

Carnages À partir du répertoire des clowns du XX siècle, e

François Cervantes, qui travaille la figure du clown depuis 20 ans avec la compagnie L’Entreprise, réunit sept acteurs qui se transforment lentement, dans une fête collective, en ces personnages marginaux reflétant désirs intimes et absolus jusqu’à la démesure. «Devenir un clown, c’est devenir poème» dit l’auteur-metteur en scène : une invitation au partage, intense et joyeuse. le 4 avril Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com le 3 mai Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com

Pour interroger la paix, les cinq artistes créatifs et déjantés du Circus Cirkör, la plus grande compagnie de cirque contemporain suédoise, sur corde, à monocycle ou au trapèze, tricotent avec les mains ou les pieds, naviguent entre des écheveaux de laine et coton, pour apporter leur réponse très personnelle. Un émerveillement tricoté sur mesure !

Piccole modifiche C’est à une aventure fantastico-poétique que

nous convie Boris Vecchio, un voyage intérieur où il a pour compagnon de route l’acrobate Davide Riminucci, son alter ego aérien capable de se balancer, de se suspendre à mi-air pour prendre de la hauteur… sans oublier Giorgio, l’homme pantin, silencieux et observateur… le 21 mars Théâtre Durance, Château-Arnoux 04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr

C I R Q U E

Fall fell fallen Jérôme Hoffmann et Sébastien Le Guen,

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musicien et fildefériste, font tanguer sons, corps et objets pour un dialogue en commun sur le fil de l’équilibre. «Une partition du risque et de la chute», entre concert et performance, pour un cirque électro tout en poésie à la croisée du funambulisme et de la performance plastique. Un espace épuré pour un résultat magique ! Dans le cadre des Traversées, dès 7 ans. du 15 au 18 avril Théâtre du Briançonnais, Briançon 04 92 25 52 42 www.theatre-du-brianconnais.eu

Circus incognitus Après avoir fait ses «classes» auprès du Cirque

Eloize, le Cirque du Soleil et le Pickle Family Circus, Jamie Adkins poursuit sa route de clown (acrobate, jongleur, équilibriste) en solo dans un spectacle sensible et virtuose. Un poète du quotidien à la Buster Keaton qui a l’art de faire rire avec des petits riens dans une performance pourtant exceptionnelle. du 28 au 30 mars Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com le 5 avril Théâtre de Fos 04 42 11 01 99 www.scenesetcines.fr

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les 11 et 12 avril Théâtre Durance, Château-Arnoux 04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr les 15 et 16 avril La Croisée des Arts, Saint-Maximin 04 94 86 18 90 www.st-maximin.fr les 19 et 20 avril Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com

© Christophe Raynaud de Lage WikiSpectacle

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Magie d’ombres… Artiste complet et atypique, le magicien Philippe

Beau, mondialement reconnu, est spécialiste des ombres chinoises et de l’ombromanie. Il offre dans ce spectacle un virtuose ballet de mains chorégraphié, créant successivement personnages et animaux, battant cartes, cordes et autres manipulations saisissantes dans une succession de saynètes poétiques. À partir de 8 ans. Magie d’ombres… et autres tours le 5 avril La Croisée des Arts, Saint-Maximin 04 94 86 18 90 www.st-maximin.fr


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Shani Diluka

La pianiste d’origine sri-lankaise (née à Monaco) présente un programme original d’opus d’Adams, Barber, Cage, Glass, Jarrett, Bernstein, Ginastera, Gershwin... pour le deuxième La Roque Hors Saison 2014. Avec ce récital, Shani Diluka a remporté un beau succès lors de La Folle Journée de Nantes 2014 consacrée à la musique américaine. C’est aussi le programme d’un disque Road 66 qui nous emmène sur les routes d’Amérique, à l’image de Jack Kerouac sur la mythique Route 66. Elle associe un extrait d’On the Road à chacune des pièces pour piano, minimalistes/répétitives, hypnotiques, jazz, classiques ou modernes, surprenantes, comme une méditation de Hyung-ki Joo créée après le 11 septembre 2001 (CD Mirare MIR 239 - www.mirare.fr).

Gautier Capuçon & Frank Braley Gautier Capuçon © Gregory Batardon

Nora Gubisch © Brian Benson

Nora Gubisch

MARSEILLE. Le 1er avril à 20h. La Criée 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

Ce duo-là se connait bien ! Pour sa première venue sur l’étang de Berre, il propose aux Martégaux des classiques pour violoncelle et piano : la Sonate n°2 de Beethoven, l’Arpeggione de Schubert, les Sonates de Debussy, Britten. Un gros programme que ne manqueront pas les amateurs !

La mezzo-soprano chante le cycle de mélodies Les Nuits d’été de Berlioz, en compagnie de l’Orchestre Régional Avignon Provence (dir. Pascal Rophe) qui joue également l’Ouverture de La belle Mélusine et la 5e symphonie «Réformation» de Mendelssohn. AVIGNON. Le 21 mars à 20h30. Opéra 04 90 82 81 40 www.operagrandavignon.fr MIRAMAS. Le 22 mars à 20h30. Théâtre La Colonne 04 90 50 05 26 www.scenesetcines.fr

MARTIGUES. Le 10 avril à 20h30. Les Salins 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

Shani Diluka © X-D.R

«Freude !»

Nemanja Radulovic

Jeune star du violon au tempérament de feu, honoré d’une toute récente Victoire de la Musique (voir Zib’71), Nemanja Radulovic est attendu Place Reyer. Il joue le Concerto de Khatchatourian avec l’Orchestre Philharmonique de Marseille (dir. Eun Sun Kim). De surcroît, à côté du célèbre poème symphonique de Paul Dukas L’Apprenti Sorcier, le Franco-serbe interprète, en création mondiale, le nouveau Concerto pour violon de Lionel Ginoux. MARSEILLE. Le 23 mars à 16h. Opéra 04 91 55 11 10 http://opera.marseille.fr Nemanja Radulovic © C. Doutre

La 9e Symphonie de Beethoven est, de par les valeurs universelles de lumières fraternelles et d’espérances humanistes qu’elle véhicule, composée à la fin de sa vie par un musicien complètement sourd, isolé, mais accédant à la paix intérieure, un pilier de l’histoire musicale. L’opus dépasse le cadre artistique puisque qu’il a été revendiqué tous azimuts (pas toujours, paradoxalement, par les régimes les plus vertueux) comme récemment, puisque l’Ode à la Joie de Schiller et sa célèbre mélodie ont été adoptées comme Hymne européen. C’est l’Orchestre et le Chœur de l’Opéra de Marseille, augmentés des voix de l’Opéra de Monte-Carlo et un somptueux quatuor de solistes, dirigés par Lawrence Foster, qu’on entend du côté de la Joliette. MARSEILLE. Le 4 avril à 20h. Silo 04 91 55 11 10 http://opera.marseille.fr

Mardi Liberté

Le Duo Intermezzo est né de la rencontre de musiciens nourris aux influences diverses, classique, jazz... Marielle Gars (piano) et Sébastien Authemayou (bandonéon) proposent un univers qui court des hauteurs spirituelles de Jean-Sébastien Bach aux bas-fonds de Buenos aires vers le tango de Piazzolla. À l’heure du déjeuner, dans le hall du théâtre varois ! TOULON. Le 8 avril à 12h15. Théâtre Liberté 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr

Renaud Capuçon

Omniprésent dans la région au printemps méditerranéen, le violoniste français se joint à l’Orchestre de Bâle pour des concertos de Bach (BWV en mi majeur) et du suisse Franck Martin : Polyptyque (1973) pour violon et deux orchestres à cordes, reprenant les scènes de la Passion du Christ. C’est l’ultime opus de Richard Strauss, Métamorphoses (1945), long adagio où chaque instrument est tour à tour soliste, que l’on entend dans un programme original. TOULON. Le 11 avril à 20h30. Palais Neptune Festival de Musique de Toulon et sa Région 04 94 18 53 07 www.festivalmusiquetoulon.com

Tancrède

C’est une tragédie en musique d’André Campra narrant l’histoire d’un amour impossible entre Tancrède (Benoît Arnould), guerrier franc, et la belle et captive sarrasine Clorinde (Isabelle Druet). Le tout est servi à la sauce baroque avec force magie et enchantement, forêt ou l’on se perd, jalousies croisées, folies et meurtre... au rythme de ballets (Françoise Denieau), chœurs, symphonies et airs en français... Le Centre de Musique Baroque de Versailles remet à l’honneur le déroulement des toiles peintes à l’ancienne pour un bel effet visuel (Claire Niquet). La mise en scène est signée Vincent Tavernier ; l’Orchestre Les Temps présents et Les Chantres du C.M.B.V. sont dirigés par Olivier Schneebeli. J.F. AVIGNON. Le 11 avril à 20h et le 13 avril à 14h30. Opéra 04 90 82 81 40 www.operagrandavignon.fr


L’Orchestre Philharmonique de Marseille, son chef Lawrence Foster, et Misha Dichter au piano consacrent un programme à Ravel (Pavane pour une Infante défunte, Alborado del Gracioso et son fameux Boléro), ainsi qu’à Leonard Bernstein avec sa Symphonie n°2 : The Age of Anxiety, musique «à programme» créée en 1949 (révisée en 1965) pour piano et orchestre.

Piano & Semaine sainte Festival de Musique Sacrée Cyprien Katsaris © Carole Bellaiche

Ravel et Bernstein

MARSEILLE. Le 12 avril à 20h. Silo 04 91 55 11 10 http://opera.marseille.fr

Pour la 23e édition de la manifestation pascale organisée par Guy Laurent, on suit un Concertlecture autour du motet Lobet den Herrn de Bach (le 8 avril à 19h. Temple rue de la Masse, entrée libre), une Conférence-illustrée sur Les grands motets de jeunesse de Campra (le 10 avril à 18h30. Cité du Livre, entrée libre) et un concert Une semaine-Sainte avec M. A. Charpentier, par les Festes d’Orphée (le 16 avril à 20h30. Chapelle des Oblats). AIX. Festes d’Orphée (festival jusqu’au 21 avril) 04 42 99 37 11 www.orphee.org

Jardin de Amores

Artistes invités au PIC, nouveau Pôle Instrumental de musique Contemporaine (mais pas que...) situé à l’Estaque, le contre-ténor Alain Aubin et le pianiste Nicolas Mazmanian présentent des Mélodies classiques et populaires d’Argentine.

Électroacoustique & percussions

MARSEILLE. Le 15 avril à 19h30. PIC (l’Estaque) 04 91 39 29 13 www.ensemble-telemaque.com © Max Minniti

Après la Journée piano (le 23 mars) au Méjan : Guillaume Bellom & Ismaël Margain (à 11h), Cyprien Katzaris (à 15h), s’ouvre la 29e Semaine Sainte en Arles. Amore contraffatto chante Six repons de l’office des Ténèbres du Samedi saint pour six voix de Gesualdo (le 5 avril à 20h30), l’Ensemble Desmarest livre des Petits Motets de Campra (le 6 avril à 11h), René Jacobs dirige l’Akademie fur alte Musik Berlin dans le Stabat Mater de Pergolèse (le 12 avril à 20h30), Hélène Schmidt au violon joue la Sonate du Rosaire de Biber (le 15 avril à 20h30).

Mars en baroque... suite et fin

ARLES. Chapelle du Méjan 04 90 49 56 78 www.lemejan.com

Festival Mai-diterranée

Lo Còr de la Plana © X-D.R

Dans le riche «itinéraire baroque», on pointe de l’oreille quelques étapes : des «Pièces de clavecin» de Rameau (le 21 mars à 20h. Salle Musicatreize), Charpentier et Telemann par l’ensemble Les Passions (le 25 mars à 20h. ABD Gaston Defferre, entrée libre sur réservation), de la musique de chambre italienne (le 27 mars à 19h30. Institut Culturel Italien, entrée libre), une Conférence de Gilles Cantagrel sur Bach (le 28 mars à 17h. Alcazar, entrée libre), La Petite Bande dans des Concertis & Cantates (le 28 mars à 20h30. Saint-Victor), avant la découverte de l’opéra La Dafne de Marco da Gagliano (le 29 mars à 20h. La Friche). MARSEILLE. www.marsenbaroque.com Concerto Soave 04 91 90 93 75 Espace Culture 04 96 11 04 61 © ME Brouet

Dans la foulée du concert de Didier Lockwood (& friends) pour ses 40 ans de carrière (le 23 mars), s’ouvre le 24e festival Mai-diterranée pour deux mois au Toursky. Le chant y occupe une bonne place avec «Au fil des voix» : Paco Ibanez chante les poètes latino-américains (le 4 avril), Lo Còr de la Plana livre ses polyphonies occitanes rehaussées de percussions (le 5 avril). MARSEILLE. Concerts à 21h. Théâtre Toursky 0 820 300 033 www.toursky.org

Au 53 rue Grignan, le Gmem-CNCM Marseille s’essaye autour du thème du déplacement. D’un lieu à l’autre est une pièce électroacoustique créée par Franck Barriac et le Lycée de Provence (le 11 avril à 19h, entrée libre). Le trio de percussionnistes Ars Ludi met en vibrations peaux, bois, métaux, au gré d’opus de compositeurs transalpins, pour la plupart peu connus en France (hormis Scelsi) : Ceccarelli, Castaldi, Battistelli, Pagliei, Filidei... (le 15 avril à 20h). MARSEILLE. Salle Musicatreize 04 91 00 91 31 www.musicatreize.org

La belle saison L’actualité musicale s’anime sur la scène

musicale aixoise. C’est Café Zimmermann qui présente une transition historique entre les styles baroque et classique, de Bach à Haydn (le 21 mars à 20h30 et le 22 mars à 11h pour jeune public. GTP). L’Orchestre National de Toulouse et son chef Tugan Sokhiev, la pianiste Khatia Buniatishvili jouent le Concerto de Grieg (le 24 mars à 20h30. GTP). Le prodige du piano Rafal Blechacz donne un récital de Sonates de Mozart et Beethoven, et pièces de Chopin (le 25 mars à 20h30. GTP). Insula Orchestra et sa chef Laurence Equilbey livrent un programme autour de la «Tempête» avec Haydn Le Soir, Beethoven Pastorale un Concerto pour piano de John Field (1782-1837) L’incendie par l’orage (le 29 mars à 20h30. GTP). L’Orchestre Français des Jeunes (dir. Dennis Russell Davies) joue un beau programme : Mendelssohn (Les Hébrides), Chausson (Poème de l’amour et de la mer), Sibelius (Symphonie n°1) (le 4 avril à 20h30. GTP). Louis Langrée dirige la Camerata Salzburg dans Haydn (Symphonie Londres) et Beethoven (8e symphonie) (le 5 avril à 20h30. GTP). Le Quatuor Debussy interprète Haydn pour un spectacle jeune public (dès 8 ans) d’après Perrault Riquet à la Houppe (le 8 avril à 19h. Jeu de Paume). JACQUES FRESCHEL

AIX. Grand Théâtre de Provence et Jeu de Paume 08 2013 2013 www.lestheatres.net

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Ensemble Shanbehzadeh © X-D.R

Festival de Pâques

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Christiane Karg © Gisela Schenker

Ce sont deux semaines de feu d’artifice, avec 22 concerts, sept prestigieux orchestres et des têtes d’affiches dont il est impossible de citer tous les noms ! Le Festival de Pâques est une luxueuse aventure commencée l’an dernier. Renaud Capuçon et Dominique Bluzet (directions artistique et exécutive) réitèrent au printemps 2014 avec le même souci d’excellence dans la programmation. Ce sont les jeunes maestros Daniel Harding, Yannick Nézet-Séguin, Ludovic Morlot et Gustavo Dudamel à côté des aînés Myung-Whun Chung ou Emmanuel Krivine… les grands solistes Frank Peter Zimmermann, Martha Argerich, Yo-Yo Ma, Mickhail Pletnev... Bruno Mantovani est la figure créatrice contemporaine en regard d’un «fil rouge» d’opus de Richard Strauss. À l’affiche le Trio Zimmermann dans Mozart (le 14 avril à 18h. Jeu de Paume), l’Orchestre Symphonique de la Radio Suédoise pour Strauss et Mahler (le 14 avril à 20h30. GTP), des Quintettes de Mozart (le 15 avril à 18h. Jeu de Paume), le Singverein de Vienne pour la Passion selon Saint-Jean (le 15 avril à 20h30. GTP), la soprano Christiane Karg dans des Lieder (le 16 avril à 18h. Jeu de Paume), L’Orchestre Philharmonique de Rotterdam pour Tchaïkovski Pathétique (le 16 avril à 20h30. GTP)... et la suite au prochain n° ! J.F. AIX. Grand Théâtre de Provence et Jeu de Paume 08 2013 2013 www.lestheatres.net www.festivalpaques.com

Avec le temps…

La chanson française à l’honneur de la 16e édition du Festival Avec le Temps. Depuis le 18 mars, têtes d’affiche et nouveaux talents se relaient sur six scènes marseillaises. À l’Espace Julien : Barbara Carlotti (le 19), Kacem Wapalek et La Rumeur (le 20), Autour de Lucie et Thomas Fersen (le 21, rencontre avec Thomas Fersen à la BMVR Alcazar à 16h), Les Têtes raides et Pense-Bête (le 22). Au théâtre du Lenche : Armelle Ita (le 19) ; au Cri du Port : Mariannick Saint Ceran Trio pour un hommage à Nina Simone (le 20) ; au Lounge : Chinaski et Captive (le 21) et à la Machine à Coudre : Blah-Blah (le 22). Festival Avec le Temps jusqu’au 22 mars Divers lieux, Marseille www.festival-avecletemps.com

Babel med music Trois jours et trois nuits dédiés aux musiques du monde au Dock des Suds. Du 20 au 22 mars, 30 concerts, 200 artistes et 164 stands professionnels, auxquels se rajoutent des tables rondes de réflexion. À ne pas manquer (entre autres) : le slameur Ahamada Smis, Clinton Fearon, Rabih Abou-Khalil, Fareeq El Atrash, les rappeurs

de la Révolution lybienne G.A.B., la star irano-israélienne Rita ou la virtuose de la cithare gu zhen Sissy Zhou. Babel med music du 20 au 22 mars Dock des Suds, Marseille 04 91 99 00 00 www.dock-des-suds.com

Dans le cadre de son 2e temps fort Musique et mystique, le théâtre de Nîmes reçoit l’Ensemble Shanbehzadeh, qui explore avec excellence les voies de l’expression extatique à travers le rituel du Zâr, de la transe, pour une découverte de la musique singulière du sud iranien. Exilé en France, le leader du groupe Saïed Shanbehzadeh, remarquable danseur, fait corps avec son instrument, l’envoûtant neyanbânn (cornemuse en peau d’agneau), accompagné par son jeune fils Naghib et Habib Meftah-Busheri aux percussions. le 11 avril Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

àNOUsGARO

David Linx (voix) et André Ceccarelli (batterie), anciens compagnons de route de Claude Nougaro, rendent hommage au poète disparu, accompagnés par Diego Imbert (contrebasse) et Pierre-Alain Goualch (piano). Un deuxième opus pour un nouveau répertoire, avec cinq inédits et quelques adaptations en anglais pour «un son plus urbain, un jazz d’aujourd’hui, sans nostalgie aucune qui met en lumière le poète exceptionnel que fut et sera toujours Claude Nougaro». Philippe Léogé assurera la première partie. En partenariat avec l’AJMI. le 23 mars Auditorium Jean Moulin, Le Thor 04 90 33 96 80 www.artsvivants84.fr

Marcio Faraco duo Sensible, simple, épurée, élégante et raffinée, ainsi se qualifie la musique brésilienne qui se crée aussi en dehors de ses frontières, avec le musicien compositeur Marcio Faraco. Dans O Tempo, il offre un voyage mémoriel intime, à partir de thèmes autobiographiques, évoquant la nostalgie de la musique portugaise alliée aux sons de l’Afrique et de Cuba. Le guitariste sera ici accompagné par Hervé Morisot, pour un voyage de la samba à la bossa, en passant par les nuances jazz. le 11 avril Forum des Jeunes, Berre-l’Étang 04 42 10 23 60 www.forumdeberre.com

Marcio Faraco © Robson Galdino



Les Clowns de Fellini © Nef Diffusion

Folles Parades

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C I N É M A

Dans le cadre de Folles Parades, le cycle présenté en mars-avril en écho à l’exposition Le Monde à l’Envers, Carnavals et mascarades d’Europe et de Méditerranée, le MuCEM propose une série de films consacrés à la fête. Au programme, le 22 mars, cinq films dont Jour de Fête de Tati et Pâques en Sicile de Vittorio de Sera. Le 23 mars : Le Cirque de Chaplin et Les Clowns de Fellini. Le 5 avril, deux classiques, à (re)voir, Le Bal d’Ettore Scola et On achève bien les chevaux de Sydney Pollack. Le lendemain sera consacré au documentaire, avec cinq films mettant en scène des rituels de transe dont Les Maîtres fous de Jean Rouch. MuCEM, Marseille 04 84 35 13 13 www.mucem.org

Cipri et Maresco

Autour de l’exposition Le Monde à l’Envers, consacrée aux Carnavals et mascarades d’Europe et de Méditerranée, le MuCEM propose un focus sur le cinéma de Daniele Cipri et Franco Maresco, deux cinéastes siciliens qui, depuis 30 ans, portent un regard satirique, cynique et transgressif sur l’Italie. Quatre de leurs films sont programmés, en présence du cinéaste Franco Maresco. Le 28 mars à 21h, ce sera Toto qui vécut deux fois ; le 30 mars à partir de 11h, une sélection d’extraits de Cinico TV, suivie de L’Oncle de Brooklyn puis de Enzo domani a Palermo. MuCEM, Marseille 04 84 35 13 13 www.mucem.org

Invités à l’Alhambra

Le 28 mars, au cinéma les Variétés, dans le cadre de la Biennale des Écritures du Réel proposée par Image de ville et La Cité (voir p. 7), après la conférence Habiter entre ANRU et smart cities, projection à 21h30 de I Wish I Knew, histoires de Shangai de Jia Zhang Ke : Shanghai a connu d’immenses bouleversements depuis 1930. Dix-huit personnes se remémorent leurs vies dans cette cité en perpétuelle évolution. Et le 31 mars à 20h30, à la Maison de la Région, en hommage à Ceija Stojka dont sont exposées les toiles, projection de Portrait d’une rrom en présence de la réalisatrice, Karin Berger et de Willibald Stojka, fils de Ceija.

Le 31 mars à 20h, dans le cadre de la Biennale des Écritures du Réel, organisée par La Cité, avec le soutien de l’Institut Culturel Italien, projection de La Pecora nera, en présence du réalisateur Ascanio Celestini : Nicola, né dans les années 60 vit dans un asile tenu par des religieuses… Le 2 avril à 20h, en avant première, Wang Bing présentera Les Trois sœurs du Yunnan, un documentaire sur trois petites filles qui vivent seules et passent leurs journées à travailler dans les champs. Et le 5 avril, c’est Michel Gondry qui sera là pour Is The Man Who Is Tall Happy, une discussion avec le philosophe américain Noam Chomsky. Réservation conseillée. Cinéma Alhambra, Marseille 04 91 03 84 66 www.alhambracine.com

La Cité-Espace de récits communs, Marseille 04 91 53 95 61 www.maisondetheatre.com

Ingmar Bergman

VidéoFID Mille soleils de Mati Diop © Aurora films

P R O G R A M M E

Écritures du réel

Le 25 mars à 20h, le FIDMarseille propose la projection du Grand Prix de la Compétition Internationale du FID 2013, Mille soleils de Mati Diop, voyage que la réalisatrice entreprend sur les traces d’un film culte, Touki Bouki, réalisé en 1972 à Dakar par son oncle, Djibril Diop Mambety. Mille soleils sera précédé du court métrage Big in Vietnam, projeté au FID 2012. Mati Diop assistera à la soirée. Réservation recommandée. FIDMarseille 04 95 04 44 90 www.fidmarseille.org

Courts à l’Alhambra

L’Oncle de Brooklyn © Ed Distribution

Le 21 mars à 19h, à l’Alhambra CinéMarseille, Shellac fait son cinéma : 5 courts métrages, produits par Shellac ; l’hilarant Je sens le beat qui monte en moi de Yann Le Quellec ainsi que Le Quepa sur la vilni. Après un concert de Post Coïtum, duo basse-batterie, compositeurs de la musique des films, projection de 3 courts d’Emilie Aussel, L’Ignorance invisible, Do You believe in rapture et Petite blonde. Le 29 mars à 20h30, Chroniques méditerranéennes, des courts soutenus par la Région PACA : Brûleurs de Farid Bentoumi, Le Jeune fauve de Jérémie Dubois, Un Ogre de Gérard Ollivier. Maud Alpi présentera Nice et Jean-Bernard Marlin, La Fugue, nominé aux César. Cinéma Alhambra, Marseille 04 91 03 84 66 www.alhambracine.com

Jusqu’au 25 mars, à l’occasion de la réédition en copies neuves numériques de 7 films du cinéaste suédois, l’Institut de l’Image propose une plongée dans l’œuvre d’Ingmar Bergman. 12 films seront projetés, retraçant quelque 50 ans de sa carrière. De La Nuit des forains (1953) à Scènes de la vie conjugale (1973), de Persona (1966) à Sarabande (2004), c’est une véritable traversée de l’univers du cinéaste qui est au programme. Institut de l’Image, Aix-en-Provence 04 42 26 81 82 www.institut-image.org

Gaspiller, Recycler

Du 3 au 6 avril à Aix-en-Provence, puis à partir du 7 avril dans plusieurs communes du Pays d’Aix, aura lieu la 9e édition des Journées du Film sur l’environnement, organisée par Image de ville, autour du thème Gaspiller, Recycler. Au programme : projections, concerts, expositions, ateliers et débats avec de nombreux invités, urbaniste, sociologue, artistes. Parmi les films, Polluting Paradise de Fatih Akin, Waste Land de Lucy Walker ou Baikonur de Veit Helmer. En ouverture, le 3 avril à 20h30, à la Cité du Livre, un ciné-concert, La Zone de Georges Lacombe. Et durant toute la manifestation, Les Arbres à vent et Les fontaines documentaires, plus de quarante films en diffusion libre. Image de ville, Aix-en-Provence 04 42 63 45 09 www.imagedeville.org

Femmesenmouvement

Le 20 mars à 20h, dans le cadre de Femmes en mouvement, le cinéma Actes Sud et la Médiathèque présentent Wadjda, premier film réalisé par une femme, Haifaa Al Mansour, en Arabie Saoudite. Et le 25 mars à 14h et 20h, La compagnie de l’ambre-De ses battements d’elles présente Keep smiling, premier long métrage de la Géorgienne Rusudan Chkonia, Antigone d’or à Cinemed et Grand Prix du Jury aux Rencontres Cinématographiques de Cannes. Projection en présence de la réalisatrice (sous réserves). Cinéma Actes Sud, Arles http://kiosque.arles.fr


Réalité des rêves

Cinéphiles à la barre !

Art et essai Lumière propose du 21 au 23 mars, à L’Eden de la Ciotat, Cinéphiles à la barre !, trois jours de documentaires et de rencontres avec des cinéastes et des hommes et femmes de la mer. Cape Horn passage to California de Warwick M. Tompkins sur le passage du Cap Horn en 1936, en présence de Warwick «Commodore» Tompkins Jr ; Femmes du large de Michel Ismael Khelifa et Samuel Lajus en présence de Cécile Poujol, un des 7 portraits du film et de Françoise Moitessier ; Moi, Jean Lacombe marin et cinéaste en présence de la réalisatrice Fabienne Issartel. Art et Essai Lumière, La Ciotat 06 64 85 96 40 www.edentheatre.org/programmation/art-et-essai-lumiere

Festival des globe-trotters

L’antenne d’Avignon de l’ABM-Aventure du Bout du Monde propose, du 21 au 23 mars, la 17e édition du Festival des globe-trotters. En trois jours, répartie sur trois lieux avignonnais, la salle Benoît XII, les théâtres du Chien qui Fume et de la Luna, la manifestation est une invitation au voyage hors du commun. À pied, en vélo, en camion ou en voilier, les récits de ces aventuriers nous mènent vers leur ailleurs, proche ou lointain. En plus des projections et des rencontres avec les auteurs et acteurs des films, le festival accueille également des ateliers (écriture, carnets de voyage), des conférences et des expositions photos. Infos détaillées sur le site de l’ABM, Avignon http://abmavignon.free.fr

Sous la Présidence d’Honneur de Jacques Malaterre, et avec pour Marraine la comédienne Arly Jover, au Théâtre Le Chien qui Fume et au Théâtre de la Porte Saint-Michel, du 4 au 6 avril, se tient la 3e édition du Festival International du Film de Court Métrage d’Avignon, proposé par l’Agence Clin d’œil. Invitée d’honneur, l’Espagne avec la venue de producteurs, réalisateurs et comédiens qui pourront échanger avec le public. Une cinquantaine de films en compétition, 7 films proposés par le G.R.E.C, des polars présentés par la SNCF, une soirée festive espagnole et le palmarès le 6 avril. Le Chien qui Fume, Avignon 04 90 85 25 87 www.chienquifume.com http://fenetresurcourts.com

MARS ATTAC

Du 26 mars au 1er avril, ATTAC-Nîmes organise, au cinéma Sémaphore, une semaine de cinéma, de rencontres, pour mieux comprendre la situation actuelle et échanger sur les pistes d’actions possibles. Des documentaires comme La Dette de Nicolas Ubelmann et Sophie Mitrani ; Cultures en transition de Nils Aguilar, My land de Nabil Ayouch, Les petits gars de la campagne d’Arnaud Brugier, No gazaran de Doris Buttignol et Carole Menduni permettront de débattre avec ceux qui sont particulièrement concernés par le sujet. Et le 28 mars, soirée «Solidarité Roms» avec le film de Sophie Averty, Cause commune et un concert de Zaragraph. Cinéma le Sémaphore, Nîmes 04 66 67 83 11 www.cinema-semaphore.fr

L’Aurore boréale de Keren Ben Rafael © Palikao Films

Fenêtre sur court

Les 16e Rencontres du cinéma Sud-Américain seront les premières sans Hernan Harispe, décédé en octobre 2013. Elles s’installent du 28 mars au 5 avril au théâtre Gyptis reconverti en «pôle audiovisuel». Seule la journée de clôture se déroulera à la Friche de la Belle de mai, dans la salle de la Cartonnerie. Au menu : remise du Colibri d’or, projection du documentaire hors compétition de Rodriguo H. Vila, sur la grande chanteuse argentine Mercedes Sosa, danse contemporaine avec Silvina Cortès, milongas, chaceras, zambas du Cuarteto Tafi, cumbia péruvienne des Cumbia All Stars et tango éternel... Pour découvrir la réalité et les rêves latino-américains, le festival marseillais, qui s’exportera jusqu’à fin avril dans 12 villes de PACA, a programmé 25 films, la plupart inédits en France. En lice, 10 longs, 11 courts de tous genres. Comédie amère sur les faux-semblants avec le film d’ouverture, le 28 mars à 19h, La película d’Ana du Cubain Daniel Díaz Torres, où une actrice sans le sou se prétend prostituée pour devenir sujet d’un documentaire. Drame historique vénézuélien sur l’esclavage avec Azú de Luis Alberto Lamata. Documentaire chilien sur le premier grand mouvement revendicatif après la chute de Pinochet avec El vals de los inútiles d’Edison Cajas. Road movie uruguayen de trois hommes en évolution dans le Rincón de Darwin de Diego Fernández Pujol. Fable fantastique sur l’illusion du bonheur avec La Corporación de Fabián Forte. Drame de la noirceur des sentiments avec O lobo atras da porta de Fernando Coimbra. Cinéma engagé proposant un regard lucide mais bienveillant sur un monde à changer, on retrouvera les thèmes de l’immigration (El gran rio de Rubén Plataneo), de la délinquance (De menor de Caru alves de Souza), de l’auto-justice (Matar a un hombre d’Alejandro Fernández Almendras) et de la misère sociale (No robarás de Viviana Cordero). À ne pas rater, le documentaire hors compétition de Betse de Paula, sur le grand photographe brésilien Salgado et le court métrage La Cumbre du mexicain Jorge Fons Perez, proposé par le FID pour sa carte blanche. Dans une programmation très masculine, l’invitée d’honneur est une femme : l’équatorienne Tania Hermida qui donnera une leçon de cinéma le 2 avril à 18h30 et dont on pourra voir à 20h30 En el nombre de la hija, initiation d’une fillette affrontant les valeurs réactionnaires de ses grands-parents, et Qué tan lejos, imaginant la rencontre d’Esperanza et de Tristeza entre les Andes et la mer. En filigrane, la figure de Julio Cortázar que La Marelle célèbre par ailleurs pour le centenaire de sa naissance. Les rencontres 2014 veulent rêver le réel et croire à la réalité des rêves. ELISE PADOVANI

Rencontres du cinéma Sud-Américain/Rêves du réel du 28 mars au 5 avril Théâtre Gyptis, Marseille 04 91 48 78 51 Programmation complète sur www.aspas-marseille.org Qué tan lejos de Tania Hermida © Medula Films

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Un beau voyage en cinéma

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Avec le printemps vont refleurir les Rencontres Cinématographiques de Salon. La 24e édition se déroulera du 1er au 8 avril, accueillant cinéastes et un public fidèle et impatient de découvrir des films venus des quatre coins du monde. Cette année un hommage est rendu à François Dupeyron dont les rencontres ont toujours soutenu le travail, le cinéaste présentera trois de ses films : Inguelezi, La Chambre des officiers autour duquel Dominique Chansel animera un débat, et son dernier film, Mon âme par toi guérie. Une Carte Blanche est donnée à AFLAM avec deux films : Combien tu m’aimes de Fatma Zohra Zamoum, qui sera présente, ainsi que Die Welt de Karim Alexander Pitstra. Les regards seront tournés vers l’Est avec de superbes films venus de Géorgie : Eka et Natia de Nana Ekytimishlivi et Keep smiling de Rusudan Chkonia. La cinéaste turque Pelin Esmer présentera son deuxième long métrage, La Tour de guet. De Serbie, on pourra

(re)voir Il était une fois en Yougoslavie : Cinema Komunisto, un documentaire de Mila Turajlic en présence de la productrice, Iva Plemic Divjak, et Qui chante là-bas ? de Slobodan Sijan. De Russie, Les Tsiganes montent au ciel d’Emile Lotianou. Du Kazakhstan, clin d’œil à la ville de Salon, Baïkonur de Veit Helmer, balade onirique dans le monde de l’espace. De Hongrie, Just the wind de Benedek Fliegauf et d’Ukraine, La Maison à la tourelle d’Eva Neymann. C’est aussi, comme chaque année, à un voyage autour du monde que nous convie l’équipe de Michèle Fraysse, avec des œuvres venues d’Allemagne (Guerrière de David Wnendt), d’Islande (Survivre de Baltasar Kurmàkur), de Grèce (Météora de Spiros Stathoulopoulos), d’Inde (The Lunchbox de Ritesh Batra) et bien d’autres… «Le festival de cinéma ce n’est pas fait que pour les grands !...» : Le secret de Térabithia de Gabor Csupo, Jean de la Lune de Stéphan

Bonnes rencontres

Initiées à la faveur de l’année capitale par AFLAM, les Rencontres Internationales des Cinémas Arabes, pour leur 2e édition, se dérouleront à Marseille du 8 au 13 avril. Avec moins d’argent mais autant d’ambition, elles proposent plus de 40 films pour la plupart inédits, des échanges avec leurs réalisateurs invités, des tables rondes et le 11 avril, au MuCEM, le concert du saxophoniste et compositeur libanais Toufic Farroukh : Cinema Beyrouth. Organisées en cinq sections, les Rencontres se produiront dans trois lieux : la Villa Méditerranée, le MuCEM et la Maison de la Région. La Villa Méditerranée ouvrira la manifestation,

le 8 avril à 20h, avec un film tout public : Girafada (contraction de girafe et d’intifada) de Rani Massalha, ou comment une girafe israélienne pourrait sauver sa congénère palestinienne. Elle accueillera la section «à la une» qui rassemble des films événements, en prise avec l’Histoire récente des pays arabes. Entre autres, Rags and tatters d’Ahmad Abdalla, plongée au cœur de la révolution égyptienne et des quartiers pauvres du Caire, dans le sillage d’un évadé en cavale. Une échelle pour Damas de Mohammad Malas, tourné dans la capitale syrienne pendant le conflit. Invité d’honneur, le Tchadien MahametSaleh Haroun présentera une rétrospective

El Premio de Paula Markovitch © Zelig Films Distribution

Schesch, Ernest et Célestine de Benjamin Renner… réjouiront les plus jeunes. Et c’est le 8 avril à 19h15 que se terminera ce périple cinématographique au Cinéma Les Arcades, avec la projection des films primés. ANNIE GAVA

de son œuvre : Abouna (2002), Daratt (2007), Un Homme qui crie (2010), Grigris (2013). À ne pas rater : Révolution zendj, le dernier opus du cinéaste «aux semelles de vent», explorateur de l’Algérie contemporaine et inventeur de formes et le franco-algérien, Tariq Teguia. Les Apaches de T. De Peretti, projeté dans le cadre de la section «Le cousin de», nous conduira sur la rive nord de la Méditerranée, en Corse du sud. Le MuCEM clora la semaine, le 13 avril, avec le haletant Omar d’Hany Abu-Assad, non sans s’être ouvert au préalable aux «jeunes talents» moins connus. On découvrira dans Omar d’Hany Abu-Assad © Pretty Pictures


E la nave va

Rencontres Cinématographiques de Salon du 1er au 8 avril 04 90 17 44 97 www.rencontres-cinesalon.org

cette section, de nombreux courts réalisés avec les moyens du bord : Condom Lead, où les réalisateurs palestiniens jumeaux Arab et Tarazan Nasser parlent avec malice de la ténacité à faire l’amour malgré les bombardements, Chantier A, documentaire dans lequel Karim Loualiche, Tarek Sami et Lucie Dèche partent à la rencontre des Algériens et La femme à la caméra de la Marocaine Karima Zoubir qui filme une femme qui filme. Mais aussi Eye and mermaid de la Saoudienne Shahad Ameen et tant d’autres ! La section «un cinéaste un parcours» sera consacrée au deuxième invité d’honneur de cette édition : Faouzi Bensaidi. Le réalisateur marocain présentera toute sa filmographie dont WWW. What A Wonderful World qui «recycle» sans complexe Tati, Murnau, Fellini et Jarmush ! La Maison de la Région où, comme au MuCEM, des séances de matinée et de début d’après-midi seront dédiées aux scolaires et aux centres sociaux, hébergera quant à elle, la cinquième section «un critique, deux regards» qui promet des rapprochements surprenants entre films arabes et non-arabes. Les Rencontres des cinémas arabes se veulent ouvertes, jeunes, dynamiques, interactives, itinérantes. Puissent-elles s’inscrire durablement dans le paysage culturel marseillais avec ce degré d’exigence ! ELISE PADOVANI

Rencontres internationales des cinémas arabes Programmation détaillée à partir du 27 mars www.lesrencontresdaflam.fr

Du 4 au 16 avril, Scènes et Cinés présentent la 6e édition de Panorama, consacrée au cinéma italien : 32 longs métrages (4 en avant-premières), dont pourra profiter le public de Fos, Grans, Istres, Miramas, Port-Saint-Louis… et d’ailleurs. Au Comoedia, à Miramas, en ouverture le 4 avril, après la présentation de l’édition par Dominique Chansel, Ton absence de Daniele Luchetti : Guido aimerait faire partie de l’avant-garde contemporaine mais sa femme, Serena, qui l’aime passionnément, a du mal à accepter son art, et surtout son intérêt pour ses modèles. Le 8 avril à 18h et 21h, deux films de Paolo Sorrentino, This must be the place et La Grande Bellezza, présentés par Fabien Baumann, critique à Positif. Le 5 avril à 20h30, Paolo Modugno, fondateur d’Anteprima, une association consacrée à la promotion du cinéma et de la culture italienne, présentera Ali a les yeux bleus de Claudio Giovannesi, Prix Spécial du Jury au festival de Rome, au cinéma Coluche à Istres, où sera projeté le 7 avril à 18h15, Reality de Mateo Garrone, Grand Prix du Jury à Cannes en 2012. L’Espace Gérard Philipe à Port-Saint-Louis propose, le 6 avril, un «spécial Toni Servillo» avec à 11h30, Une Vie tranquille et, à 14h30, Viva la liberta. À l’Odyssée de Fos-sur-Mer, deux films

de Fellini, La Cité des femmes le 10 avril à 19h15, Et vogue le navire le 12 à 21h ; à 18h30, Il Giovedi de Dino Risi (films présentés par Jean-Christophe Ferrari de Positif). À l’Espace Robert Hossein, à Grans, le 9 avril ce seront deux films de Bellocchio : La Belle endormie à 18h15 et Vincere à 21h. C’est à Grans que se terminera en beauté ce Panorama, le 13 avril à 18h30 avec Le Guépard de Visconti. Dans plusieurs des salles sont proposés aussi, en avant-premières, L’Arbitro de Paolo Zucca et The Best Offer de Giuseppe Tornatore. Buon viaggio ! ANNIE GAVA

www.scenesetcines.fr Ton absence de Daniele Luchetti © Bellissima Films Emanuela Scarpa


Rencontres au plateau

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On a souvent découvert aux Rencontres cinématographiques de Manosque, sélectionnés par Pascal Privet, de grands cinéastes inconnus, venus de lointaines contrées. Cette 27e édition a mis à l’honneur un réalisateur français, Jacques Baratier, tout aussi inconnu du grand public, mort en 2009, sauvé de la deuxième mort réservée aux artistes : celle de leur œuvre, par sa fille Diane Baratier, chef opératrice d’Eric Rohmer, qui a entrepris de récupérer, de faire restaurer, numériser, diffuser les films de son père.

d’éléments autobiographiques pose avec lucidité les enjeux économiques, esthétiques et politiques de cette brutale mutation.

Le temps et la trace

Le temps qui passe, la mémoire, sont aussi au cœur du dernier film de Dominique Cabrera, Grandir, qui commence comme un simple film de famille et devient une traversée que le spectateur peut partager, les réunions de famille, les naissances, les fêtes de Noël, y retrouvant ses propres souvenirs. Traversée de la Méditerranée aussi, quand Dominique et sa sœur Nathalie partent Jacques et Diane En marge de la Nouvelle Vague, il tourna une à Oran, consulter les registres de naissance trentaine de films dont les castings laissent rêveurs, qui pourraient concerner leur mère. Et, elle, la repérant Daniel Duval parmi les spectateurs d’un cinéaste, caméra au poing, filme les visages, théâtre parisien, Claudia Cardinale à la sortie souvent au plus près, les objets quotidiens qui d’un lycée tunisien, s’entourant de tous les artistes l’entourent, la nuit, quand l’insomnie la saisit -un symptôme famiqui comptèrent dans lial semble-t-il. ces années-là, «Le temps a fait le fréquentant les film» dit-elle. Le grandes figures temps qui prend de Saint-Germaine n co re p l u s des-Prés comme d’ampleur quand Gabriel Pommese glissent, entre rand, Boris Vian, les fils, les films Juliette Greco, qu’il super 8 que son mettra en scène père faisait quand dans Désordre, ils étaient enfants documentaire inaou les photos chevé repris tout du passé… Un au long de sa vie. film intime et Au menu manosuniversel qui a quin, trois films du créé du lien, qui père : son premier fixe la mémoire, long-métrage Goha inscrit la trace et en 1958, adaptation qui permet aussi par Georges Shé- Goha de Jacques Baratier © Association Jacques Baratier au spectateur de hadé d’un roman d’Adès et Josipovici, où il travaille avec le peintre se retrouver. Koskas. Première production de la jeune Répu- C’est sur les traces aussi que se construit, en blique tunisienne, tournée en français et en arabe. montage parallèle, le dernier film de Dyana Omar Shérif y incarne un génial idiot amoureux Gaye, en suivant les parcours de trois jeunes de la femme d’un sage. Restauré par le CNC, ce Sénégalais, à Turin, Dakar et New-York. Des poème plastique qui «a l’odeur des fées» selon Étoiles nous raconte trois histoires qui se tissent Audiberti, rend perceptibles les vibrations des le temps d’une saison, montrant un monde couleurs, le chatoiement des blancs autant que plein d’humanité, où l’on peut se rencontrer, la tendresse du réalisateur pour les «petites» où l’on se parle, où l’on s’aide. Les chemins gens. Il a émerveillé le public des Rencontres, tout d’exil de ces personnages sont certes semés comme le court métrage Eves futures de 1964. d’embûches, mais tous trois vont aller au bout de La ville bidon de 1974, d’une beauté sauvage à leur voyage. Dans une période où les frontières l’instar de ses interprètes -Bernadette Lafont, se ferment, Des Étoiles est un bel hymne à la Vénus de la décharge au miroir, courant dans libre circulation, à la rencontre et à la solidarité, un cimetière de voitures, menant la danse des qui réchauffe le cœur. cités et Daniel Duval «roi de la boue, Prince du fer»-, est une réponse aux promoteurs des villes «Que restera-t-il des films du XXIe siècle frappés nouvelles de la banlieue parisienne qui ont fait d’obsolescence ?» se demandait Diane Baratier. Ceux que nous a proposés Manosque cette année interdire sa première version. Deux films de la fille, dont Portrait de mon père qui valent en tout cas la peine d’être sauvés. capte le cinéaste peu avant sa mort, répondant ANNIE GAVA et ELISE PADOVANI aux questions de Diane placée derrière et devant Les Rencontres Cinéma de Manosque se sont déroulées la caméra, ne pouvant s’empêcher de la diriger, du 4 au 9 février au Théâtre Jean Le Bleu et au cinéma de remettre en question ses choix de cadrages Le Lido et L’avenir de la mémoire. Un documentaire 04 92 70 35 05 «modeste sur un sujet très ample» : le passage www.oeilzele.net de l’argentique au numérique. L’enquête nourrie

Ô temps... Deux couples amis, deux maisons voisines dans la campagne normande, près d’Étretat, où ils passent leurs week-ends depuis presque trente ans… Ce week-end-là a commencé comme tous les autres : Christine (Karin Viard), assez excitée, raconte une histoire de place sur un parking à ses amis Sylvette (Noémie Lvovsky) et Ulrich (Ulrich Tukur), ainsi qu’à son mari, Jean (Jacques Gamblin) qui ne l’écoute guère. Mais, dans la maison -qui s’appelle la Bourrasque- c’est un véritable tsunami qui s’abat sur Christine : Jean part vivre ailleurs. Une voix off, un peu mélancolique, qui rappelle celle de Madame Jouve dans La Femme d’à côté de Truffaut, nous suggère peut-être le véritable sens du film : le temps qui passe, fait de petits riens, la fragilité de l’existence, la sensation que rien ne sera plus jamais comme avant, qu’on l’accepte ou qu’on le refuse. Week-ends, le dernier film d’Anne Villacèque, parle aussi de nos peurs, peur du désamour, de la vie qui avance inexorablement, même si les maisons semblent éternelles. C’est pour cela que le conflit se joue dans l’occupation de ce petit bout de territoire, rempli de souvenirs et images du bonheur. Anne Villacèque ne montre rien de ce qui se passe dans la semaine, en ville. Le spectateur l’imagine, le reconstruit grâce à de petits détails, aux visages qui changent, comme le temps normand au fil de la journée, filmés avec délicatesse par Pierre Milon. Le concerto pour piano de Bach rythme ce film doux amer qui parlera sans doute à tous ceux qui se posent, ou se sont posé, ces questions sur le sens de la vie. ANNIE GAVA

Week-ends d’Anne Villacèque a été présenté en avant-première le 20 février au cinéma Le Mazarin à Aix-en-Provence, il est sorti en salles le 26 février www.lescinemasaixois.com Lire également sur www.journalzibeline.fr l’entretien avec Anne Villacèque et Noémie Lvovsky


L’arpenteur de la mémoire Si on ne s’intéresse pas à l’Art Brut, terme inventé par le peintre Jean Dubuffet pour désigner les productions de personnes qui n’ont pas de culture artistique particulière, on a peu de chance de connaître André Robillard. Le cinéaste Henri-François Imbert, invité d’honneur du Festival du 1er film documentaire, La Première fois, l’a rencontré dans les années 90, est devenu son ami et l’a filmé durant vingt ans. Il en a fait le sujet de son premier film en 1993, qu’il a présenté à la soirée d’ouverture, le 11 février. André Robillard, à coup de fusils ! nous montre l’artiste qui fabrique de faux fusils à partir d’objets de récupération, chronomètres, roues, réchauds électriques... On le voit découper, clouer, visser, coller et naissent des fusils, anglais, russes… Il martèle des informations sur sa vie, il nous raconte comment un de ses fusils est parvenu à Jean Dubuffet et comment en 1964, il a été exposé au musée de l’Art Brut à Lausanne, puis en 1992 à Neuilly sur Marne, puis à Cologne. «Jamais je n’aurais pu deviner que

André Robillard, en chemin © Libre cours

j’étais un artiste, j’en étais loin, c’est drôle il suffit d’un machin qui est parti, ça a changé ma vie.» On le voit aussi jouer de l’harmonica, de l’accordéon. Il répète «en boucle» les mêmes phrases mais ce n’est qu’au deuxième film, André Robillard, en chemin, que le spectateur aura la confirmation qu’il vit en hôpital psychiatrique.

En 2013, Henri-François Imbert qui n’a cessé de le filmer, décide de faire un nouvel opus où il intègre les images de 2004 et 2007, s’attachant surtout à la vie d’André dans un lieu où il était possible de vivre pour des êtres en souffrance. C’est ainsi que nous apprenons qu’André, qui a démarré sa vie dans une maison

qui porte un nom prédestiné, La Mal-tournée, près d’Orléans, a vécu avec son père quand ses parents ont divorcé et que son comportement violent l’a conduit en hôpital psychiatrique où il vit toujours. Nous découvrons son lieu, ses peluches, ses posters (Zidane), ses vieux vinyles (Horner et Verchuren), ses dix pigeons et son coq, ses dessins. Il s’énerve quand il détraque la télécommande et que François ne peut la réparer et continue à filmer. Henri-François Imbert, le cinéaste de la trace, l’arpenteur de la mémoire, que ce soit dans Sur la plage de Belfast, Doulaye, une saison des pluies, No pasarán, album souvenir ou Le Temps des amoureuses, fixe ici, dans ce film fragile, la trace de la vie de cet artiste de l’Art Brut. ANNIE GAVA

André Robillard, à coup de fusils ! et André Robillard, en chemin ont été projetés à l’École d’Art d’Aix-enProvence dans le cadre du Festival La Première fois, organisé par Les Films du Gabian www.festival-lapremierefois.org

Nuit de polar La salle du cinéma Les Lumières de Vitrolles était comble le 16 février pour la clôture de Polar En Lumières. Après l’évocation des moments forts de cette 5e édition, très dense, en particulier avec la présence de Jean-Pierre Mocky et de Richard Bohringer, c’est le Trio Borsalino qui a régalé le public. Norbert De Jesus Pires au violon, Michelle Lalor à l’alto et Laurence Aragon à la contrebasse ont, durant une heure, joué des musiques de film, faisant retrouver aux spectateurs, ravis, les metteurs en scène et les compositeurs de films célèbres dont Psychose, Pulp Fiction, Borsalino, Le Parrain, Le troisième homme… Prestation de qualité, «plénitude de l’instant et magie du cinéma» comme l’a rappelé Mathieu Labrouche, directeur des Lumières. C’est ensuite le «chéri de ces dames», l’acteur argentin Ricardo Darin que l’on a retrouvé, à Buenos Aires, après Musica en espera en 2009, dans le deuxième film de Hernan Goldfrid, Hipótesis, adapté du roman de Diego Paszkowski. Il y incarne un professeur de droit, auteur d’un traité sur la justice, qui enquête, après ses cours, sur le crime sauvage d’une étudiante, commis sur le parking de la faculté. Convaincu qu’un de ses étudiants, fils d’un vieil ami, est le tueur

Hipótesis de Hernan Goldfrid © Eurozoom

psychopathe, il recueille, inlassablement, indice après indice, tout ce qui pourrait prouver sa culpabilité. Et on assiste alors à un jeu du chat et de la souris dont on ne sait qui sortira vainqueur. L’acteur porte le film, donnant à son personnage pris dans son obsession et son idée fixe l’ambiguïté qui fait qu’on ne s’ennuie pas une seconde dans ce thriller efficace dont la scène du spectacle de danse et de «châtiment», tout en couleurs bleutées, est étonnante.

Comme l’a fort joliment dit Henri-Michel Porte, délégué à la culture, «C’est beau Vitrolles, une nuit de polar !». ANNIE GAVA

Polar En Lumières s’est tenu du 8 au 16 février Cinéma Les Lumières, Vitrolles 04 42 77 90 77 www.cinemaleslumieres.fr

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À visage découvert

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Dans la lignée des expositions patrimoniales, le Centre de la Vieille Charité présente Visages/ Picasso, Magritte, Warhol autour d’un thème éternel mais sans cesse revisité : le portrait. L’occasion, rare, de croiser dans un même ensemble Schlemmer, Picasso, Saura, Severini, Baselitz côte-à-côte avec Basquiat, Mapplethorpe ou Gilles Barbier… Plus que le portrait, trop réducteur selon Christine Poullain, directrice des musées de Marseille et commissaire de l’exposition, c’est le visage dans toute son acceptation plurielle qui a déterminé ses choix artistiques : l’effacement du visage, le fantasme, la force du désir, la traversée du miroir, l’inconscient… Et ses choix scénographiques avec des séquences thématiques plutôt que chronologiques : les visages de la société (scènes de rues, de café, de bureaux chères à Georges Grosz en 1925 comme à Laetitia Molenaar qui détourne Hopper en 2012) ; les visages de l’intime (dans l’atelier d’Anton Räderscheidt en 1928 ou dans la chambre de Nan Golding dans les années 1983/87) ; les visages de l’esprit (scènes théâtrales prisées de l’école surréaliste influencée par la psychanalyse par exemple, figures défigurées de Bacon, anamorphoses…). L’objectif étant de montrer, à travers 150 œuvres de 90 artistes, l’évolution des codes picturaux du XXe siècle à nos jours, l’expression du sujet par rapport à lui-même et à l’altérité, la fascination du visage, les mutations de sa représentation et de son évocation jusqu’à épouser l’introspection du journal intime. Le découpage de l’exposition est savant mais il est introduit de manière étrange par un sas où sont confinés la sculpture de George Segal, Movie house (entrée de cinéma ou la caissière) créée en 1966/67 avec des peintures du Mouvement de la nouvelle objectivité des années 1920/25, à quelques «centimètres» de Dubuffet, Hélion, Arroyo et Giacometti ! Une présence berlinoise très forte que rien, a priori, ne justifie… Le grand écart est osé, voire malhabile, et l’accrochage réserve d’autres cohabitations incertaines, notamment entre les figures en pied sur fond bleu de Djamel Tatah et Marc Desgrandchamps qui «s’annulent» l’une et l’autre. Ou, a contrario, un éloignement surprenant entre les photographies de Mapplethorpe et de Nan Goldin dont le cousinage serait pertinent. Quand il ne met pas à l’abri des regards de façon radicale, derrière un paravent, un ensemble de photographies de Raoul Hausmann et la photo couleur de Valérie Jouve acquise par le Frac ((Sans titre) les personnages avec le petit François), tous deux insoupçonnables sauf à être équipé d’un sourcier… Loin des regards encore, en fin de course, un petit espace aux allures d’alcôve est habité par trois pièces érotiques : des statuettes égyptiennes en terre émaillée, la peinture aux

couleurs exacerbées de Glenn Brown The Great Masturbator et la sculpture de Paul MacCarthy Spaghetti Man au sexe extraverti ! Une précaution hors d’âge à l’heure où les jeunes spectateurs surfent sur la toile… Si tous les médiums sont richement représentés -avec un choix audacieux de sculptures dans la Chapelle- l’absence de la vidéo est difficilement justifiable quand on sait sa force conceptuelle et formelle sur ce même thème du visage humain, social et spirituel. Revoir Bill Viola par exemple ou William Kentridge n’aurait pas été superflu. Quelques réserves donc empêchent de jouir à cent pour cent des chefs-d’œuvre (Picasso, Bonnard, Man Ray, Chirico, Bellmer…), des pièces maitresses (série de photographies iconiques de Vik Muniz et de Warhol, plâtres et bronzes de Victor Brauner des années 1942/45…) et des belles découvertes (œuvre graphique de Robert Longo, Men in the Cities) qui sont le miroir de notre propre visage au fil du temps. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

À voir Visages / Picasso, Magritte, Warhol jusqu’au 22 juin Centre de la Vieille Charité, Marseille 2e www.marseille.fr

En prolongement Visages… au commencement jusqu’au 22 juin Musée d’archéologie méditerranéenne, Marseille 2e www.marseille.fr

À lire Visages / Picasso, Magritte, Warhol Textes Christine Poulain, Sylvie Courtine-Denamy, Alexis Chiari, Guillaume Theulière Coédition Musées de Marseille et Réunion des musées nationaux, 35 euros Jean-Michel Basquiat, King of Zulus, 1984-85, acrylique sur toile, pastel gras et photocopies sur papiers collés, 208X173 cm, Marseille, MAC musée d’art contemporain © The Estate of Jean-Michel Basquiat, Adagp, Paris, 2014 © Vincent Ecochard

L’art et les de Rudy R La Friche La Belle de Mai accueille, jusqu’au 18 mai, la première monographie consacrée à l’architecte Rudy Ricciotti Dans une brève introduction, André Jollivet, président de la maison de l’Architecture, remerciait chaleureusement Rudy Ricciotti d’avoir donné à Marseille une œuvre unique, de celles qui font dire à chacun, intellectuel ou ouvrier, homme ou femme ou autre, adolescent ou retraité : «C’est beau.» Rudy Ricciotti, colosse rugissant et bienveillant, se définit comme un architecte en rupture avec le mouvement moderne et son dernier avatar, le minimalisme, qu’il accuse de tuer l’architecture, ou le rêve d’architecture. Il tempête contre cet art qui perd ses mots, qui perd son langage, qui n’exprime plus rien. Lui se dit réactionnaire, régionaliste, maniériste, petit-bourgeois. Un petit-bourgeois fils de maçon que rien ne rend désormais plus heureux que la multitude des hommes sur ses chantiers, et qui, dans une boutade provocatrice, rêve bruyamment d’une stratégie de l’erreur conceptuelle, génératrice d’efforts supplémentaires pour ces hommes qui calculent, projettent, transportent, construisent ensemble. Un maniériste qui exige le droit à la forme, le droit au motif, le droit


Musée Cocteau, Menton © Eric Dulière

manières Ricciotti à la narration contre la dictature du silence en architecture. Un régionaliste qui raconte qu’il a trouvé la trame de la résille du MuCEM en interprétant simplement ce qu’il avait sous les yeux : le jeu de la lumière sur les rochers, sur la mer. Un réactionnaire qui refuse la dictature du peu, l’obligation honteuse de faire simple pour réduire les coûts de production. Dans une agréable et relative pénombre, les murs sont couverts d’images. Les images des projets, photos d’architecture précises, informatives, souvent désincarnées, presque dans la norme, et d’autres qui disent les inspirations, l’origine des réflexions et des concepts. Des gouaches des bâtiments construits, aux couleurs saturées, sont regroupées sur une de ces parois, peut-être les seules «œuvres» de cette exposition que l’architecte dit être composée de «documents», car ici, ce qui compte, c’est le «travail». Et les documents sont aussi ceux du chantier, ceux des étapes successives de la construction : des matrices en bois des éléments constructifs, à l’échelle réelle des ouvrages exécutés, des moules en résine et métal, des maquettes en terre cuite, des tronçons de passerelle, des fragments de faux-plafonds, racontent l’aventure patiente et laborieuse de l’architecture, qui va de l’esprit à la matière. Détails d’architecture et simples «documents» de travail, les objets exposés au centre du dispositif ont cependant une puissance formelle sculpturale prodigieuse, comme l’irrépressible résultat de ce furieux désir de narration qui anime leur auteur. Il aura commencé sa présentation en transportant son auditoire devant le travail de paysans malgaches construisant un abri aussi simple que sublime, assemblant et nouant des végétaux coupés et taillés sur place. Une architecture de l’urgence, sans calcul, locale, irréductible, indispensable, comme la sienne. MAURICE PADOVANI

Ricciotti Architecte jusqu’au 18 mai Friche La Belle de Mai, Marseille 04 96 12 24 13 www.lafriche.org www.ma-lereseau.org


Lignes de soufre rose Dominique Castell inaugure avec Rose Allumette la première Vague des sentiments, suite d’expositions sur les états affectifs et sensibles constituant la saison 2014 du CAC d’Istres

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Dès l’entrée le visiteur est accueilli par les vertigineuses bannières graphiques de Sylvie De Paris qui signaleront la thématique de l’année. Dans l’envolée des quatre étages celles-ci agissent comme une chambre d’écho et une invite aux œuvres de Dominique Castell.

Rose tango

Terres, jus de plante, café, urine, charbon... des matières communes manipulées par les artistes. Sans compter le soufre rose des allumettes. Dominique Castell en a fait son médium d’élection depuis qu’elle eut rédigé avec un allume-feu une lettre d’amour. Par décoction, elle en tire des nuances entre thyrien et fuchsia très particulières travaillées en lavis. Son travail se nourrit d’une triple expérience du dessin (qui absorbe le clivage dessin/couleur), de sa vie sentimentale, et du tango, particulièrement présent ici avec des installations, vidéos, dessins de petits et grands formats. De la danse argentine, pas de clichés «caliente» mais une concentration sur l’intime. Comment le mouvement dansé

La géante, crayon et décoction de têtes d’allumettes sur 2 rouleaux de papier, 130x240cm chacun, 2013 © C. Lorin/Zibeline

-du bout des pieds comme des doigts- nourrit l’acte du dessin et probablement l’inverse : échauffement/concentration/intériorisation, gestes graphiques/trajets/pas de danse dont le ocho, figure du huit et générique de l’infini par lesquels, multipliés, la danseuse se perd volontiers et s’échappe dans l’ajout d’adornos, ornements personnels, à l’instar des traces se multipliant jusqu’à quasi saturation sur le support papier. La progression voulue ascensionnelle et sentimentale de l’exposition n’est pas si évidente, de L’attente jusqu’à l’Embrasement final. La raison en est que ces propositions ne relèvent pas de la pyrotechnie. Elles se présentent avec

puissance retenue, l’intensité de la matièremême en demi-teinte, comme le rose qui vient aux joues avant la pourpre. On pourrait être plus baroque mais l’artiste/danseuse semble avoir choisi la fusion plutôt que l’effusion. Elle s’en explique dans son entretien avec Philippe Piguet, que prolonge le texte de Charles Floren convoquant Watteau, dans la première parution du «Journal des expositions». Celui-ci accompagnera désormais chaque exposition sous des éclairages particuliers au lieu du traditionnel catalogue. Autre nouveauté tentée par la commissaire, Catherine Soria : l’introduction d’une œuvre de l’artiste prochain au sein de l’exposition actuelle et en relation avec elle. Une vidéo de Heidi Sill remplacera une de D. Castell à propos d’ongles rouges, un rituel féminin vu entre séduction et violence, quand D. Castell avait réussi à évacuer la connotation genrée liée à la couleur rose. CLAUDE LORIN

Dominique Castell, Rose Allumette jusqu’au 3 mai Centre d’art contemporain intercommunal, Istres 04 42 55 17 10 www.ouestprovence.fr

À voir Le 11 avril à 19h, performance chorégraphiée de la compagnie Pulsion

Au bout du conte Arteum à Châteauneuf-le-Rouge ouvre le livre de contes avec la formule magique Il était une fois… détournée par un philosophique Il y avait une fois…1. Au fil des pages, sept artistes se réapproprient l’espace du récit pour explorer «les aspects d’une mythologie contemporaine» et réinventer le monde de l’enfance à la lumière de leur vécu, de leurs fantasmes. Leur corpus imagine plusieurs chapitres : le merveilleux, l’onirique, le trouble, le maléfique aussi ; et chacun s’autorise à suivre son propre chemin de traverse dans la forêt touffue de la Belle au bois dormant. Katia Bourdarel n’hésite pas à interdire l’accès au château d’un revers de titre : L’Inaccessible, sculpture en bois aux tourelles effilées et projection vidéo d’oiseaux en vol superposée à la bande sonore du film d’Hitchcock. Si sa forteresse est inhospitalière, la Cabane III de Nicolas Pincemin est tout aussi inquiétante, inhabitée, murée dans un silence neigeux car l’histoire n’est pas forcément celle que l’on croit. Cabane refuge

Oeuvres de Laurent Perbos (premier plan) et Nicolas Pincemin (second plan), exposition Il y avait une fois, Mac Arteum, 2014 © Gérard Berne

ou cabane recluse, l’artiste se tient à l’orée de la forêt qui lui «permet d’errer au gré d’histoires qui ne cessent de s’achever et qui demande toujours qu’on y retourne». Et les apparences sont parfois trompeuses. Il y a ceux comme Lionel Sabatté qui invente un bestiaire fabuleux et ordinaire à la fois, né du croisement des rebuts et de la poésie, que seul un «démiurge» pouvait procréer ! Son Amant de la rosée (Drosophile) est le fruit d’un scrupuleux travail de récupération

d’ongles et de peaux mortes… Et ceux comme Laurent Perbos qui fait couler des larmes d’encre bleue à trois oiseaux statufiés ou transcende La chute des éléments en poussière de lumières multicolores, le sol soudain miroir de la voûte céleste. Il y a Keiko Hagiwara qui ré-enchante le monde avec deux pièces à la troublante délicatesse : Mothers, évocation des liens maternels par l’entremêlement de fils de laine rouges à la hauteur du cœur et des entrailles, et La Lanterne

magique qui projette aux murs les ombres tournoyantes de nos rêves éveillés. Il y a ceux qui reviennent sur les lieux du crime en habit spectral, tel Gaëtan Trovato dans sa vidéo Égal 255 réalisée in situ, fantôme expressionniste et conteur de tous les contes. D’autres encore, comme Alice passe de l’autre côté du miroir, traversent les paysages du conte en glissant dans les plis du sommeil et du songe. Ou de la mort. Celle qui rôde, diffuse, et plane au-dessus des lavis sur papier d’Anne-Charlotte Depincé, Dormeurs et gisants, visages embrumés d’auréoles grises et noires, peut-être encore ici ou déjà ailleurs… MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Les Métamorphoses ou L’âne d’or d’Apulée (livre V)

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Il y avait une fois jusqu’au 19 avril Arteum, Châteauneuf-le-Rouge 04 42 58 61 53 www.mac-arteum.com


La «magie» du lieu ! Sept ans après son ouverture, Le Moulin réunit deux fois sept artistes qui ont habité le lieu : quel signe lire dans ce «chiffre magique» ? Sans doute l’annonce d’une nouvelle ère aussi féconde que la première, inaugurée par le peintre plasticien Alun Williams présent dans l’exposition L’Esprit du lieu [2], qui a laissé son empreinte à La Valette en érigeant une sculpture en hommage à Joseph Gaultier qu’il considère comme «une véritable star, une personnalité pleine de couleur et de vie». Confidences recueillies par Éric Mangion1 dans un entretien paru dans le premier numéro du journal du centre d’art, Trace, et qui reprend la plume dans le nouveau tirage L’Esprit du lieu [1] et [2]. La boucle est bouclée ! D’autant que la lecture de Trace et la visite des expositions (lire Zib’69) permettent de contextualiser la réhabilitation de l’ancienne galerie municipale en espace d’art contemporain, son ancrage dans le territoire, et de réaffirmer sa politique de soutien aux artistes vivant à proximité. Quitte à favoriser «une programmation faite dans la lenteur, avec le recul et l’analyse». Dès la première salle, les choix artistiques s’affirment volontairement éclectiques : se télescopent deux acryliques de Solange Triger, irradiantes de lumière, qui jouent sur l’effacement et la trace (Méditerranée, 2010) ; un ensemble de carafes à huile d’olive de Matali Crasset avec, dans un entredeux design/sculpture, Arbre/croissance et

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Vue de l’exposition L’esprit du lieu 2. À gauche, peintures de Solange Triger, à droite Arbre-récolte et Arbre-croissance de Matali Crasset, à l’arrière-plan peinture de Alun Williams © MGG-Zibeline

Arbre/récolte ; des huiles et acryliques d’Alun Williams au vocabulaire plastique surréaliste. La réflexion sur un art contemporain pluriel se poursuit en compagnie de Blue Night Jetty et Herbularius et toponymes de Pascal Simonet, directement inspirées de la ville et de son passé maraîcher, dans une cohabitation réussie avec un autre univers formel élaboré par Solange Triger (variations en noir et blanc de captures d’écran) et Alun Williams (collages et acryliques sur papier). La dernière halte privilégie l’interaction entre objets et installation de trois artistes qui revisitent les matériaux ou les accessoires méditerranéens pour en offrir une lecture distanciée : sièges en canne de Provence

d’Antoine Boudin, suspension en liège de Sébastien Cordéolani, bannières en serviettes de plage d’Olivier Millagou. Aussi surprenant soit-il, une fois le parcours bouclé, l’esprit cohérent du lieu saute aux yeux. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Éric Mangion est aujourd’hui directeur de la Villa Arson à Nice

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L’Esprit du lieu [2] jusqu’au 26 avril Espace d’art Le Moulin, La Valette-du-Var 04 94 23 36 49 www.lavalette83.fr

L’architecture en dialogue avec la Méditerranée À l’Hôtel des arts de Toulon, «la question de la référence au patrimoine architectural méditerranéen» se poursuit avec l’exposition Domus mare nostrum dont le commissariat est assuré par Jean-Lucien Bonillo, architecte dplg et professeur HDR à l’École nationale supérieure d’Architecture de Marseille. Après la publication de L’architecture du XXe siècle dans le Var et l’exposition Oser l’architecture, Jean-Lucien Bonillo ouvre des pistes de réflexion sur l’urbanité et la Méditerranée au-delà de la région -Grèce, Espagne, Italie, Baléares, Corse- en interrogeant les modernités successives du XXe siècle. Le dialogue est-il possible entre l’architecture moderne et contemporaine et la Méditerranée ? Sans donner de réponses qui verrouilleraient le débat, l’exposition présente un choix d’architectures exemplaires (entre autres la Fondation Maeght

de Josep Lluis Sert à Vence, les maisons-ateliers du peintre Hans Hartung, la villa Baizeau à Carthage de Le Corbusier et Pierre Jeanneret) et développe un axe paradigmatique autour de la notion de modernité et d’héritage. «La Méditerranée, c’est aussi ce qui à avoir avec des temps reculés, le primitivisme, le mythe des origines» commente Jean-Lucien Bonillo qui cite la villa Malaparte d’Adalberto Libera et Curzio Malaparte à Capri, véritable icône depuis Le Mépris de Godard. Film dont sont projetés quelques extraits en arrière-plan de la maquette… Et de rappeler, à propos du Corbusier, sa culture classique et conceptuelle de la Méditerranée : «Quand on est moderne et qu’on se pose la question de l’héritage, on fait des œuvres en lien avec le beau éternel.» De maquettes en dessins, d’études en peintures, de sculptures en

diaporamas cachés dans des cabanes, l’exposition privilégie un dispositif pédagogique plutôt qu’un discours sur le geste artistique. Démonstration faite avec le découpage en trois séquences historiques (l’entre deux guerres, les Trente glorieuses, la fin du XXe siècle) qui offrent un premier niveau de compréhension, et un deuxième niveau de lecture plus transversale des différents courants (purisme, archaïsme, réalisme, métaphysique). «On ne parle pas de patrimoine, on parle d’idées, de postures, de concepts», ce qui exclut toute référence au néo-style régional… M.G.-G.

Exposition Domus Mare Nostrum © Nicolas Lacroix CG Var

L’architecture du XXe siècle dans le Var, éd. Imbernon, avec le soutien du CG83 et de la Drac Paca L’exposition Oser l’architecture : expérimentations modernes et contemporaines dans le Var a été présentée à l’Hôtel des arts du 15 septembre au 18 novembre 2012 Domus mare nostrum Habiter le mythe méditerranéen jusqu’au 11 mai Hôtel des arts, Toulon 04 83 95 18 40 www.hdatoulon.fr

P R O G R A M M E A R T S V I S U E L S


La Porte du Non-Retour

Une installation photographique à traverser muni(e) d’un audioguide. Devant nos yeux, les clichés que le Québécois Philippe Ducros a réalisés en Afrique, auprès de populations déplacées pour cause de guerre et de misère. Entre nos oreilles, le récit de sa propre migration, plus intime, de sa transformation au contact de l’horreur mais aussi de la beauté côtoyées dans les camps. Entre images et théâtre, un saisissant voyage au cœur des exodes d’hier et d’aujourd’hui. L.P. jusqu’au 6 avril Friche la Belle de Mai, Tour panorama, Marseille dans le cadre de la Biennale des écritures du réel 04 91 53 95 61 www.maisondetheatre.com/biennale-des-ecritures-du-reel/expositions

A U P R O G R A M M E

Charles Fréger

© Charles Fréger, Short School Haka, 2009

La porte du non retour © Philippe Ducros

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On se souvient de sa série Outremer présentée au musée d’Art de Toulon et à la Villa Noailles à Hyères, qui dressait à travers le vêtement le portrait d’officiers de marine (Zib’67). Dans Fabula on renoue avec son penchant pour les costumes, son attachement pour les personnages qui les portent, et son inclinaison pour la mise en scène théâtrale. Chaque sujet raconte une histoire, chaque posture offre une image du monde. M.G.-G.

Fabula jusqu’au 20 avril Studio Fotokino, Marseille 1er 09 81 65 26 44 www.fotokino.org

A R T S V I S U E L S

Gilles Desplanques

Après avoir oblitéré les espaces de la galerie Art-Cade transformée en vaste chantier, Gilles Desplanques intervient à Diagonales 61 dans le cadre d’Azurance, une agence privée qui veille à la sécurité de la population en cas d’état d’urgence. Cette fois, la galerie est réquisitionnée comme local à titre expérimental et son slogan est «notre vigilance est votre survie» ! Entre fiction et réalité… l’artiste se saisit des faits de société pour en souligner les plus obscurs errements. M.G.-G. Azurance jusqu’au 12 avril Diagonales 61, Marseille 1er 09 52 52 12 79 www.techne-marseille.com Azurance, Gilles Desplanque © Technè-2014 Sans titre © Tadeusz Paczula

Tadeusz Paczula

D’abord régisseur lumière pour le théâtre, puis photographe sur les plateaux de cinéma et collaborateur de presse, le photographe Tadeusz Pazcula -auréolé des Prix Agfa, Ilford, fondation EDF et galerie Robert Doisneau- accroche à La Non Maison une série qui ne dit pas son nom ni son sujet car «une image est une image. Elle doit tenir sans titre ni légende…». M.G.-G. (Sans titre) jusqu’au 30 juin La Non Maison, Aix-en-Provence 07 61 67 32 86 www.galerielanonmaison.com


Georges Briata

Fidèle à sa palette colorée, à son style géométrique aux larges cernes noirs et à ses sujets de prédilection (les paysages provençaux, les bords de mer, les scènes de bar et de jazz, la corrida à cheval), Georges Briata présente 27 toiles grand format dont la maquette de son projet de vitrail pour la gare Saint-Charles imaginé à l’occasion de MP13… Une exposition comme une «mini» rétrospective qui sied aux deux salles du Château des remparts. M.G.-G. jusqu’au 21 mars et du 1er avril au 3 mai Château des remparts, Trets 04 42 61 23 78 www.ville-de-trets.fr

Dessins

Après une période de purgatoire, l’art du dessin a retrouvé ces dernières années le chemin des cimaises. Pour autant bien des artistes ont su perpétuer cette grande tradition tout en renouvelant ses formes pour créer des univers singuliers, tels Georges Bru et Jean-Marie Cartereau qui présentera sa série Des racines et des ombres dont plusieurs inédits. À voir aussi à la galerie Polysémie à Marseille, à partir du 22 mars. C.L.

Les portes d’Entrages © Stéphane Thidet

Geoges Bru & Jean-Marie Cartereau, dessins jusqu’au 5 avril Le Jardin des Arts, Septèmes-les-Vallons 04 91 96 31 83

Les Crieurs

Jean-Marie Cartereau, série Les racines des ombres, pigments et crayons sur papier Arches, 2011 © photo de l’artiste

© Georges Briata, Vitrail St Charles (maquette), 250 x 80 cm, 2010

En juillet 2013, dans le site naturel du cirque d’Entrages près de Digne, Stéphane Thidet réalisait une performance avec une chorale de six chanteurs munis de micros et d’une caméra frontale Go Pro. Au Cairn, Les Crieurs prend la forme d’une installation multimédia où s’expérimente le cri et sa mise en écho utilisé par les montagnards pour se repérer et communiquer face à une nature vertigineuse. C.L.

Françoise Buadas

Si le travail de Françoise Buadas emprunte à différents univers artistiques, croisant les arts plastiques, le son ou encore le cinéma, la vidéo et le montage numérique, c’est le dessin qui concentre son attention bien plus souvent. Des dessins exécutés au crayon ou à l’encre comme pour ses toutes dernières créations réalisées en ce début d’année 2014. Vernissage le 19 mars à 19h. C.L. Voyage sensible du 20 mars au 30 avril Galerie Jean-François Meyer, Marseille 04 91 33 95 01

© Sans titre, Françoise Buadas, 2014

Les Crieurs jusqu’au 27 avril Cairn Centre d’Art, Digne-les-bains 04 92 31 45 29 www.musee-gassendi.org

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Chemins de femmes

Durant deux mois, bien au-delà de la symbolique Journée de la femme et de l’année 2014, Planète Emergences invite chacune et chacun à emprunter un Chemin de femmes, ensemble de rendez-vous participatifs et créatifs, visuels avec le photographe Bernard Pesce et sonores pour des lectures/créations diffusées sur les ondes de radio Galère, Grenouille et France Inter. C.L. Chemins de femmes jusqu’au 26 avril Loges de la Bastide Saint-Joseph, Marseille 04 91 03 85 42 www.planetemergences.org

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Petitponismes

Le Collectif E3 s’empare des mythologies infantiles/lisantes de la série Mon petit poney (la Camargue, c’est aussi les chevaux). Vernissage parfumé à la fraise et invitation à une marche collective masquée (masques à disposition + smartphone perso) le 28 mars ; performances les 11, 12, 13 avril, week-end Arles Contemporain ; corrida ponesque lors de la Féria ; conférence de Rémi Sabouraud autour du concept de pensée latérale d’Edward de Bono et ateliers, entre autres réjouissances, façon bronies et kawaïtitude.

A U P R O G R A M M E

C.L. Maila © Bernard Pesce

Mon petit poney du 28 mars au 28 avril Collectif E3, Arles 06 65 25 34 15

A R T S V I S U E L S

Projet petit poney Van Gogh 2 © Collectif E3

Retour de Biennale Mediterranea 16 En juin 2013 à Ancône, la 16e Biennale des Jeunes Créateurs d’Europe et de la Méditerranée accueillait 250 artistes dont 20 français représentant Marseille, l’agglomération Toulon Provence Méditerranée et le Pays d’Aix, sélectionnés en arts visuels et en arts de la scène. Les voici de retour à Marseille pour une photographie grandeur nature de leurs recherches actuelles. En prolongement de leur résidence à la Manufacture 284 C, partenaire de l’Espaceculture_Marseille, Sandra Français et Arthur Sirignano présenteront leurs derniers travaux : dans la nouvelle version de Alpha, Sandra Français passe de la performance pure à une forme «à la frontière entre la recherche et le défini» ; dans son installation Le Garçon, Arthur Sirignano expose «une réflexion sur la misanthropie, mais avec une intention sentimentale, une réflexion formelle sur les stéréotypes de la sensibilité et de la personnalité». Kathialyn

de ses textes tandis que Clara Chabalier proposera deux œuvres sonores en résonance avec son spectacle Autoportrait d’après Édouard levé, et lèvera le voile sur sa prochaine création Blasted [anéantis] de Sarah Kane. Enfin, puisant dans l’édition italienne, l’Espaceculture_Marseille révèlera l’installation Voice of Invisibles, œuvre complexe et engagée du libanais Charbel Samuel Aoun, comme une fenêtre ouverte sur l’autre rive. M.G.-G.

Installation Voice of Invisibles, Charbel Samuel Aoun à découvrir à l’Espace culture Marseille © X-D.R

Borissoff, Aurélien David, Émilie Lamastre, Elvia Teotski, Léna Durr, Martin Lewden, Julie Balsaux, Jane Antoniotti et Irène Tardif dévoileront à la galerie Château de Servières des pièces inédites ou des travaux en cours. Sans narration préétablie et tous

médiums confondus, l’exposition écrira un nouveau chapitre de ce récit au long cours que sont la BJCEM et son épisode marseillais. Au Théâtre Joliette-Minoterie, Mathilde Todrani affichera et mettra en voix quelques-uns

Expositions du 19 mars au 3 mai Espaceculture_Marseille, Marseille 1er du 21 mars au 3 mai Galerie Château de Servières, Marseille 4e Arts de la scène le 26 avril à 19h Théâtre Joliette-Minoterie, Marseille 2e www.bjcem.net www.espaceculture.net



Beaux visages

70 L I V R E S

La venue de JR à Marseille s’est faite dans le cadre du programme Quartiers créatifs, coproduit par La Friche et MP2013. Pour un artiste qui a pour habitude de mener ses projets tambour battant, le temps long et la dimension participative prononcée de cette œuvre ont constitué une première. Unframed retrace de manière toute simple le travail à la Belle de Mai de ce globe-trotter, en le situant dans la lignée de ses «commandos collages» sur les murs de Gaza, de Phnom Penh ou de Washington. On suit pas à pas le processus de collecte des images, extraites de la collection des Archives municipales de Marseille, d’albums de particuliers, d’un club de boulistes ou de vieilles photographies de classe. Chaque cliché s’accompagne d’un texte explicatif, sur sa provenance et la raison pour laquelle il a été retenu. Place ensuite aux mêmes images mises en situation par JR dans l’espace

urbain, imprimées sur du papier d’affichage en très grande dimension, et collées sur les murs de la ville. Un joueur de boule renversé semble escalader un immeuble, de fiers marins exhibent leur moustache, des passagers clandestins s’accrochent à un bus, tandis que d’émouvants amoureux sourient ingénument au passant qui les regarde... L’ouvrage se conclut sur le visage d’Annick Perrot-Bishop, qui orne dorénavant l’ancien «mur de Zidane» sur la Corniche. Cette belle jeune femme photographiée par une amie en 1966 accueillera désormais les visiteurs arrivant par bateau dans la baie de Marseille. GAËLLE CLOAREC

Unframed JR Éditions alternatives, 15 euros

Last Exit to America to Jérôme Brézillon Email du 21 mai 2011 : «Hi guys ! J’ai pris le train de Los Angeles pour venir ici. Le train est définitivement un lieu de parole, voire d’interview.» Ce sera l’ultime voyage de Jérôme Brézillon disparu le 2 mars 2012 à l’âge de 47 ans, dont on découvre quelques clichés dans l’album posthume On Board publié par Textuel. Format à l’italienne, couverture sobre noire, papier rouge écarlate en guise d’ouverture et de fermeture de ce que l’on pourrait considérer comme un récit de voyage. Éclats et traces de vie d’un photoreporter aussi à l’aise sur un plateau de tournage (Serge Gainsbourg, vie héroïque de Joann Sfar) ou une salle de concert (Bruce Springsteen) qu’auprès des tribus amérindiennes. D’ailleurs c’est peut-être à les côtoyer qu’il acquit cette «patience de sioux» dont il faisait preuve pour traquer «l’image juste»… Dans sa préface, Laurent Rigoulet évoque à mi-mots sa maladie et leurs

longues discussions, le plus souvent habitées par l’Amérique qu’il sillonna de nombreuses fois à la rencontre des paysages et des hommes. La plupart des «personnages en rupture», comme les héros de ses lectures. Dans son dernier trip On Board, Jérôme Brézillon avait trouvé sa «juste place dans le paysage» au point de s’y fondre jusqu’à l’absorption totale. Ses images fugitives balisent sa chevauchée en chemin de fer avec seulement quelques mails pour annotation et une playlist de ses compagnons préférés (Bob Dylan, Dolly Parton, Johnny Cash ou Neil Young). Rien ne sert de trop parler ni de trop expliquer, semble nous dire le photographe attaché aux brumes, aux parkings, aux autoroutes, aux habitants sans visage, le tout dans un flou maîtrisé. Il suffit de regarder et de devenir spectateur. Ce qu’il a toujours été.

On Board Photographies Jérôme Brézillon, préface Laurent Rigoulet Textuel, 45 euros Ouvrage paru le 5 mars

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

À la vitesse du fleuve de fer

Si l’on n’est pas sûr que Blaise Cendrars ait réellement pris le Transsibérien, nul doute pour Éric Faye et Xavier Voiral qui croisent texte et photos dans Une si lente absence. Cendrars, comme Jules Verne, Homère et Tchekhov projettent leur ombre sur cette odyssée ferroviaire vécue séparément, chacun ayant fait l’expérience du «temps caoutchouteux», de l’immensité «de cet espace sous-peuplé» entre Moscou et Irkoutsk, puis Pékin. Là où l’auteur Éric Faye vit l’arrivée en gare de Pékin comme une expérience brutale, le lecteur ressent un vrai soulagement tant il est mal aisé de se laisser bercer par cette lenteur de corbillard pour tomber dans une torpeur euphorisante ! Une si lente absence est un petit précis de géographie, de géologie, d’histoire et de souvenirs qui colle au temps élastique nécessaire à la chevauchée des kilomètres parcourus. Mais

à cheminer à travers la foultitude de détails, de noms de villes, de bourgs, de fleuves et de montagnes, on languit d’arriver à bon port : trop de tronçons, de ponts et de rives, trop d’horaires et de barrages, de steppes austères, de lacs anciens et de blocs de glace. Une lassitude amplifiée par les images de lieux et de paysages désertiques, immenses et froids. Même les tables de restaurant aux nappes bien mises sont vides ! Barrant les pages à l’horizontal, à la hauteur des fenêtres des wagons et des yeux des voyageurs, les photos de Xaviel Voiral sont de longs travellings habités de ciel brumeux, de murs d’enceintes, de façades austères, de villes industrieuses… Blaise Cendrars nous avait fait rêver, Éric Faye et Xavier Voirol nous font bourlinguer sur terre. M.G.-G.

Une si lente absence, Moscou-Pékin Texte Éric Faye, photographies Xavier Voirol Le Bec en l’air, collection Collatéral, 14,90 euros


Sortir du purgatoire Chaque «Histoire» produit ses grands noms, événements et objets d’admiration. Pour diverses raisons, sur le haut du podium de l’histoire de l’art trônent les grands maîtres et leurs chefsd’œuvre dans une quasi éternité. Mais d’aucuns savent que la création artistique est aussi l’œuvre des seconds pinceaux. Deux ouvrages ravivent utilement la mémoire de l’art, des exclus.

Réhabilitations

Félix Ziem aussi

Les Peintres Oubliés, du Quattrocento à l’ère moderne Guillaume Robin Editions Ovadia, 25 euros

Avec son dernier essai intitulé Les Peintres Oubliés, l’historien de l’art Guillaume Robin (co-fondateur de la revue Combine, voir dans Zib’41 Le Lettrisme, le bouleversement des arts) pose clairement son projet de réactiver notre intérêt pour neuf artistes négligés et pour une histoire de l’art favorable à une réécriture permanente. En se tournant vers l’œuvre et les vies de Cosmè Tura, Gérard Dou, Thomas Girtin, Georges Michel, Monticelli (admiré par Van Gogh), Forain, Arthur Dove (pionnier de l’abstraction aux États-Unis, remarqué par Marcel Duchamp) et Gabriel Pomerand, il interroge le phénomène de la fabrication de la reconnaissance et de ses corollaires que sont le succès, la mise à l’écart -l’oubli voire l’omission- ou la réhabilitation, comme la conception du génie artistique, de hiérarchie majeur/mineur. Un livre au format bouquin bien illustré, accessible à chacun avec des études approfondies et documentées (manques de base comme les repères chrono-biographiques) révélant aussi par la marge d’autres oubliés, méconnus et... des inconnus, tel Achille Emperaire (lire la chronique d’Alain Paire sur le site du journal).

Félix Ziem, le génie et l’adresse Lucienne Del’Furia Arnaud Bizalion Editeur/ Musée Ziem, 13 euros

Félix Ziem serait-il un autre oublié de l’histoire de l’art ? C’est sans compter sur l’opiniâtreté de la conservatrice du musée éponyme à Martigues qui signe avec la complicité du nouvel éditeur marseillais Arnaud Bizalion un ouvrage dévolu aux collections du musée. Lucienne Del’ Furia restitue en quelques textes concis la biographie, les postures esthétiques du peintre, l’historique du musée conçu de son vivant (dès 1860 il installe un atelier à Martigues) et une bibliographie sélective. Des développements supplémentaires auraient été bienvenus en regard de l’importante iconographie centrée uniquement sur les collections du musée. Près de 140 reproductions de peintures, aquarelles, lavis, dessins, dont plusieurs inédits, rendent compte du foisonnement de ses recherches. Inspiré «de Rembrandt à Claude Lorrain», académique, classique, orientaliste..., le génie de Félix Ziem s’émancipe de façon singulière pour évoquer avant l’heure les postures de l’impressionnisme ou de l’expressionnisme, frôlant l’abstraction, concentré sur la couleur et la lumière pour en retenir les effets et l’éphémère (Venise, le jardin français la nuit ou le Vol des mouettes). Une plus grande visibilité s’offre à l’œuvre de Ziem invitant à la rencontre concrète de ses œuvres dans la Venise martégale. Une présentation, captée par Nicolas Balique à la librairie L’Alinéa à Martigues en février dernier, est visible sur le net. CLAUDE LORIN

Pas de vaccin contre les souvenirs... Lilly Berre, vieille dame de quatre-vingt-neuf ans, se met à écrire ses souvenirs le jour même de l’enterrement de son petit-fils Bill. Sa vie lui revient par fortes vagues... Son enfance irlandaise à Wicklow, puis à Dublin où son père était chef de la police «sous l’ancien régime». Son frère Willy, tué à la guerre de 14, sa fuite forcée pour les États-Unis en compagnie de son fiancé, Tadg, qui sera abattu dans un musée de Chicago par un militant de l’IRA... Les souvenirs et les moments présents se mélangent sans ordre précis, laissant jaillir les images. Elle revit la mort de Tadg, sa rencontre avec Cassie, une domestique noire qui la fait embaucher chez ses patrons à Cleveland. Puis son mariage avec Joe qui se volatilise mystérieusement, la naissance de son fils, son emploi définitif dans les années 50 auprès de Mme Wolohan, cuisinant pour

elle «comme (elle) aurait cuisiné pour Dieu» ! Lilly est une âme simple, ses évocations parfois naïves, souvent délicates, s’accompagnent d’un bon sens paysan et d’un appétit farouche de vivre. Elle traverse les épreuves avec courage et obstination. On admire le talent de Sébastian Barry ; sa langue pleine de saveurs étonnantes, de métaphores goûteuses se moule à ravir dans le personnage, tout en offrant un panorama précis sur le siècle avec l’évocation des deux guerres mondiales puis de celles du Vietnam et du Koweit. CHRIS BOURGUE

Du côté de Canaan Sébastian Barry Joëlle Losfeld, 19,50 euros

71 P L OI V L RI ET SI Q U E C U L T U R E L L E


À cœur battant

72 L I V R E S

C’est l’histoire d’un cœur. Celui de Simon Limbres, 19 ans, passionné de surf, toujours en quête de la vague mythique. Ce cœur, on le voit battre dès le prologue, en une longue phrase qui pulse sur deux pages, donnant d’emblée son rythme (et son élan) au roman tout entier. Un roman bouleversant, celui d’une transplantation cardiaque en vingt-quatre heures chrono. Maylis de Kerangal nous a habitués à ce genre de plongée dans des domaines techniques a priori peu romanesques. À lire Naissance d’un pont, on se demandait combien de revues spécialisées elle avait dû ingurgiter pour maîtriser à ce point la question du béton, des poutrelles et des divers métiers du bâtiment. Avec Réparer les vivants (un beau titre, tiré d’un dialogue tchekhovien), elle s’immerge dans le milieu de la médecine, plus précisément celui de la chirurgie cardiaque et du don d’organes. Et la façon dont

elle transforme en matière romanesque cette course médicale contre la montre, avec son lot de données techniques et scientifiques, est tout bonnement remarquable. Car au long de cette brève odyssée d’un cœur, du donneur Simon à la receveuse Claire (la cinquantaine, mère de famille, traductrice), c’est tout un monde qui surgit, peuplé de personnages vivants, aux univers particuliers et toujours justes, même lorsqu’ils ne sont qu’esquissés. Ainsi, Juliette la petite amie de Simon, Révol le médecin urgentiste, Cordélia Owl, l’infirmière nouvellement arrivée dans le service de réanimation ou Thomas Rémige, l’infirmier coordinateur des prélèvements… L’histoire devient alors non plus seulement celle d’une mort, mais celle de tous ces vivants qui restent, parmi lesquels le cœur de Simon continuera de palpiter. FRED ROBERT

Réparer les vivants Maylis de Kerangal Éditions Verticales, 18,90 euros

L’Égypte les appelait On se souvient de la très belle exposition que la BDP a consacrée au travail subtil et bouleversant du photographe Denis Dailleux. C’était à l’automne 2012. Les murs étaient pleins des images à la fois lumineuses et si profondément tragiques qu’il avait rapportées du Caire. Témoignage intime de la dignité et des blessures du peuple égyptien au lendemain d’une révolution écrasée dans le sang. De cette exposition, du projet mené par le photographe avec son ami l’écrivain Mahmoud Farag, un livre est né, Égypte les martyrs de la révolution. La préface d’Abdellah Taïa le proclame : «Un changement profond a été initié. Et ceux qui se sont sacrifiés pour que cela se produise, en Tunisie, en Égypte, en Syrie et ailleurs, ne sont pas morts pour rien.» C’est à ces jeunes sacrifiés égyptiens que l’ouvrage rend hommage, à ceux qui sont descendus dans la rue,

sur les places, le 28 janvier 2011. Et qui ont été froidement abattus par la police, les militaires et les snipers. Tournant le dos à toute espèce de sensationnalisme, Denis Dailleux a choisi de témoigner de l’après-révolution. Mahmoud Farag et lui ont rendu visite aux familles des jeunes martyrs ; Mahmoud les interrogeait, Denis faisait les photos. Ainsi le livre se déploie selon un principe unique : un texte littéraire issu des conversations avec les familles, puis un triptyque photographique. Un document pudique et fort, que la mort prématurée de Mahmoud Farag rend encore plus touchant. À lire, à contempler pour ne pas oublier ces jeunes gens, ces jeunes filles, qui ont osé défier le pouvoir en place au risque de leur vie, et qui ont changé l’Égypte à tout jamais. F.R.

Toute ressemblance avec… À quelques semaines des municipales, le dernier ouvrage de Gilles Ascaride, un des princes affirmés de l’overlittérature, ne se lit pas sans une certaine jubilation. La conquête de Marsègue, le titre lorgne ouvertement vers Zola, cité en épigraphe : «La ville crut qu’elle venait de faire un rêve héroïque.» De fait, c’est de cela qu’il est question, d’un rêve héroïque, celui de Testard. Une sorte d’ermite qui s’acharne depuis des années à écrire un roman, un «polar marséguais», dans une «grande métropole du sud» en bordure de Méditerranée, dotée d’une avenue du Chanvre, d’un Port-Vieil, d’un fort Saint Nicomède, d’un stade abandonné aux tribus de Mange-Ballon, Mélehouaï et autres Aime-Tes-Pets etc… etc… On l’aura compris, cette Marsègue qu’il s’agit de conquérir ressemble fort à une cité méridionale bien connue. Y règnent la saleté, la misère et la corruption. Alors la vision de Testard, qui constitue

le gros du récit, c’est celle d’une révolution, d’un méga pastis concocté par le peuple pour en finir, à coups d’aïoli toxique et de citrons pourris. Une vision forcément délirante puisqu’elle conduit à la fuite de tous les édiles et à la victoire des plus faibles. Fable épico-politique, utopie déjantée et un brin mégalomaniaque, le récit de Gilles Ascaride offre l’occasion de croiser des personnages hauts en couleurs, le maire à vie, les politiciens véreux, les Ratepenades et même certains de ses confrères en overlittérature comme Frédo le Fada. Celle surtout de goûter à son sens du «parler marséguais» et de s’en régaler sans modération. F.R.

La Conquête de Marsègue Gilles Ascaride Éditions du Fioupélan, 14 euros

Égypte les martyrs de la révolution Photographies de Denis Dailleux, textes d’Abdellah Taïa et Mahmoud Farag Le bec en l’air (avec Amnesty International), 28 euros


Bienvenue au club… Dans les années 40, l’Égypte avait un roi ; grand amateur de femmes, de boissons fortes et de voitures, Farouk fréquentait assidûment, avec la bénédiction des anglais, le très huppé Automobile Club du Caire dont Alaa El Aswany tient une chronique savoureuse et palpitante dans son dernier roman, renouant non sans panache avec la comédie humaine et l’unité de lieu qui ont fait le succès de l’Immeuble Yacoubian. Ce tout petit monde est agité de passions mais concentre surtout, sous le vernis du luxe et de la discrétion, les tensions sociales d’un monde qui court à la catastrophe : dominants, dominés, maîtres et serviteurs, mouchards, infiltrés, nationalistes du Wafd (parti indépendantiste) ou communistes épris de justice, tous se croisent dans cet endroit de prestige, vitrine de l’aristocratie cosmopolite mais interdit de fait aux Égyptiens sinon aux fourneaux, à la plonge ou aux balais ! La narration alternée à la première et troisième personne fait vivre en une multitude de scènes

Rouge orient

Trois sections, trois époques, un avant-propos et un épilogue… des narrateurs en pagaille et ce terme peut être pris au pied de la lettre car c’est un choix qui ne met pas en péril la cohérence pourtant fragile des récits… des @ et des & comme balises de survie pour lecteur égaré… des inserts, des citations, des collages : articles de journaux, rapports, essais, fragments biographiques comme des éclats de fiction, des satellites ou des étoiles mortes qui tournent autour d’une figure insaisissable, fluctuant au gré des points de vue ou des miroirs tendus ! Étonnant et formidable roman chinois, assez chinois pour déconcerter le lecteur -le jeu du plus fin justement- mais trop passionnant dans ses moindres détails pour le lasser. Qui est ce Ge Ren dont on veut la peau, l’amitié ou la considération, dont on cite à l’envi les poèmes ou les simples paroles du quotidien, qui met le rouge aux joues

27 Mai 1943

La collection Lucernaire aux éditions L’Harmattan fait connaître au public les œuvres théâtrales des auteurs contemporains qui travaillent avec ce lieu de spectacle. On a ainsi le plaisir de retrouver la pièce que l’on avait applaudie l’été dernier au Festival Off d’Avignon, Partisans de Régis Vlachos. Le texte remarquablement écrit accorde à chaque protagoniste une voix propre, et une réelle épaisseur psychologique, malgré les dogmatismes qu’ils représentent : Robert, le militant communiste, Marcel, issu d’une famille catholique et conformiste, Yvonne, qui accompagne le représentant de la SFIO. Elle est la plus clairvoyante des trois, décryptant les réels enjeux, soulignant l’«oubli» criant des femmes, droit de lutte, mais pas de vote ! Le Conseil National de la Résistance en ce 27 mai 1937 se réunit davantage pour obtenir une légitimité aux yeux des USA et de l’Angleterre

pittoresques, réalistes et foisonnantes de vie un nombre incroyable de personnages que parfois le seul plaisir de raconter convoque ainsi au premier plan. Le narrateur piste, traque, suit à la trace avec autant de précision (la traduction de Gilles Gauthier tire parfois les caractères du côté de chez La Bruyère) les figures antithétiques du grand méchant majordome et du pur Abdelaziz que celles des petites gens dont les portraits, les paroles et les actions émaillent la fiction. Alaa El Aswany respecte et aime le peuple sans guillemets, il donne à lire et à voir les conditions de l’émancipation, les élans vers la liberté, collective ou individuelle, les échecs ou les fourvoiements en renouvelant sa confiance en l’homme. Le lecteur peut lui savoir gré de cet engagement universel porté par une histoire égyptienne toujours en train de se construire à plusieurs voix dans et hors la fiction ! MARIE-JO DHÔ

et essore les coeurs ? Le seul membre encore en vie de sa famille, une jeune femme, croise les pièces du puzzle et fait dialoguer trois compagnons de route -médecin de la guerre sino-japonaise de 1943, détenu d’un camp de redressement en 1970 et juriste des années 2000- «je vous prie de croire qu’entre le moment où l’histoire se raconte et celui où elle est racontée, l’identité du narrateur a elle aussi subi des altérations.» L’auteur, Li Er, en grand timonier impavide manie avec brio excroissances narratives, accents et accidents divers ; à mi-chemin entre le western et le roman picaresque, un brin rabelaisien sans la démesure (on y apprend au passage que Mao et ses troupes souffraient de constipation chronique pendant la Grande Marche...), voilà un livre excitant qui prouve que la dialectique peut encore casser des briques ! MARIE-JO DHÔ

-seul moyen d’en obtenir l’appui- plus que pour établir une stratégie commune ou un projet politique d’après-guerre. Ce projet instaurera «la politique sociale la plus ambitieuse conduite sans révolution dans un pays pourtant ruiné par la guerre» explique la voix off qui conclut la pièce. Régis Vlachos réussit le tour de force d’exposer la complexité de la résistance, de ses différents mouvements. Il nous pousse également à nous remettre en jeu : «Qu’aurais-je fait ?» s’interroge Christophe Alévêque dans sa préface. Un texte lucide et fort d’une bouleversante actualité qui rappelle à tous ce que l’on voudrait nous faire oublier. MARYVONNE COLOMBANI

Partisans Régis Vlachos L’Harmattan, 10 euros

73 P L OI V L RI ET SI Q U E

Automobile Club d’Égypte Alaa El Aswany Actes Sud, 23,80 euros

Le jeu du plus fin Li Er Philippe Picquier, 14,99 euros

Li Er est l’un des écrivains chinois invités dans le cadre du 34e Salon du Livre de Paris

C U L T U R E L L E


Jeunesse d’un tueur

74 L I V R E S

Deuxième Escale du mois autour de l’illustration et de la BD. Après une soirée très réussie au Lièvre de mars en compagnie de Benoît Jacques, qui a longuement dédicacé sa Vallée enchantée (lire la chronique dans Zib’71), nous voici à La réserve à bulles pour y rencontrer Derf Backderf. Le dessinateur américain, journaliste de formation, bien connu aux E.U. pour son strip The City, publié pendant vingt-deux ans dans plus de cinquante hebdomadaires américains, revient tout juste d’Angoulême, où le prix Révélation 2014 vient de lui être décerné pour Mon ami Dahmer. Ce roman graphique d’une grande force, tant sur le plan du sujet que du rendu plastique, offre une plongée glaçante dans l’Amérique profonde des années 1970. Celui qui s’appelait encore à l’époque John Backderf a en effet côtoyé sur les bancs d’un lycée tranquille de l’Ohio Jeffrey Dahmer, surnommé plus tard «le cannibale du Milwaukee», auteur de dix-sept meurtres atroces, arrêté en 1991, assassiné dans sa cellule en 1994. Le roman graphique évoque la naissance du monstre. Cinq actes précédés d’un prologue pour relater la tragique descente aux enfers de celui qui n’était au départ qu’un «étrange garçon». L’histoire contée par Backderf s’arrête après le premier homicide, en 1978. Dès l’arrestation de Dahmer et la révélation de ses crimes, le dessinateur a voulu rendre compte à sa manière de ce destin. «En 1991, l’histoire était dans tous les médias, mais personne ne racontait celle que moi je connaissais.» Entrepris dès les années 90 sous la forme de plusieurs histoires courtes, le projet n’a cessé d’être repris, retravaillé jusqu’à devenir un épais roman graphique de plus de deux cents pages, enrichi d’une préface de Stéphane Bourgoin, d’une introduction de l’auteur

et d’une postface qui réunit les nombreuses sources utilisées. Avec la volonté affichée de réaliser un véritable travail d’investigation. Afin de mieux comprendre comment un adolescent décalé, marginal peut progressivement sombrer dans la folie meurtrière. Et surtout de saisir pourquoi personne à l’époque n’a rien vu. FRED ROBERT

Mon ami Dahmer Derf Backderf Éditions çà et là, 20 euros Derf Backderf était invité le 18 février à La réserve à Bulles dans le cadre des Escales en librairies organisées par l’association Libraires à Marseille

Le lancement du numéro 3 de La Revue Dessinée : parcours graphique, rencontres, dédicaces, tables rondes avec 4 des fondateurs de la revue et plusieurs auteurs qui y collaborent, a eu lieu le15 mars Renseignements : librairie@reserveabulles.com et au 09 73 62 11 47

Escales !

Après Harlan Coben, présent sur la région le 5 mars (voir chronique sur www.journalzibeline.fr), l’association Libraires à Marseille poursuit ses Escales en librairies avec deux autres auteurs. Lorette Nobécourt sera présente le 8 avril à 18h30 à la librairie Voyage au bout de la nuit à Saint-Rémy-de-Provence, et le 9 avril à 18h à la librairie de l’Arbre à Marseille pour ses deux derniers ouvrages parus chez Grasset, Patagonie intérieure, journal d’un voyage solitaire, d’une retraite au bout du monde, au service de l’écriture, et La clôture des merveilles, un roman d’apprentissage. Owen Matthews sera quant à lui présent le 17 avril à 18h30 à la librairie Imbernon, à Marseille, et le 18 avril à 18h30 à la librairie Forum Harmonia Mundi à Aix pour son deuxième roman, Moscou Babylone, paru aux éditions des Escales, où l’on suit un jeune voyageur dans la jungle moscovite postsoviétique… Do.M.

Libraires à Marseille 04 96 12 43 42 www.librairie-paca.com

© Virginie Ollagnier

Le Prix littéraire a 10 ans !

«J’aime cette photographie faite à Marseille dans un très bel hôtel avec vue sur la mer. La lumière méditerranéenne inspirait la chambre de bleus, de dorés, d’éternité. La nuit tombée, son remarquable hommage à David Lynch m’a tout de suite enchantée. Certainement qu’au rez-de-chaussée chantait Dorothy Vallens, mais les chambres voisines abritaient des auteurs devenus amis. Car c’est cela ce Prix au trop long intitulé, des lieux délicatement choisis par les organisatrices, des rencontres entre auteurs, des moments de partage avec des mômes. De ma promotion 2008, je conserve des amis, et parmi tous mes souvenirs de lycée un jeune matou de Cannes n’hésitant pas à me demander, l’oeil blue velvet, de signer son ventre. J’ai oublié mon livre m’dame.» VIRGINIE OLLAGNIER

Prix littéraire 2007-2008 Toutes ces vies qu’on abandonne Éditions Liana Levi, 2006



Collectionneurs de mots

R E N C O N T R E S

un charmant catalogue rassemble ces œuvres en relief ou en deux dimensions. Parfait pour conserver le moral même les jours de pluie en se remémorant la performance de Miquéu Montanaro, son galoubet souple et ses conserves percussives. Autre point fort des festivités, le collectif bicéphale Los Muchos, composé de Benjamin Charles et Carole Lataste. Entre autres qualifications, le premier est spécialiste en mises en son, la seconde, en «poétologie comparée»… ces deux performeurs, plasticiens des mots, ont permis à des enfants, au cours de leur résidence du 25 février au 1er mars, de participer à leur «collectage» de mots en vue d’un petit spectacle ludique donné le soir de l’inauguration de l’exposition. Avec eux, les mots se collectent, se happent, se captent, auprès des personnes les plus diverses. Cela donne une matière hétéroclite brute que ces artistes atypiques ne reprennent pas au sens littéraire : aucun terme

Los muchos en dédicace à deux balles © Maryvonne Colombani

n’est changé, mais les phrases, les bribes, les exclamations sont agencées, juxtaposées, recomposées en un montage qui leur accorde un sens autre ou une mise en relief étonnante. L’écriture elle-même devient scénographique dans un esprit cabaret. Le fait d’extraire la parole quotidienne la transmute en œuvre. En ce sens, est reconnue la valeur de chacun, de l’autre. Le geste artistique consiste ici à rendre

Une steppe inédite Le Musée de Quinson nous offre la rencontre d’une exposition exceptionnelle, Premiers Nomades de Haute-Asie, conçue par la Mission archéologique conjointe Monaco-Mongolie du Musée d’Anthropologie préhistorique de Monaco, placée sous de haut patronage de S.A.S. le Prince de Monaco et sous l’égide de l’UNESCO. Présentée pour la première fois en 2013 au siège de l’UNESCO à Paris, elle a été complétée et adaptée par le Musée de Quinson pour cette version 2014, dans sa scénographie et ses supports (films projetés, panneaux rétroéclairés, inclusion de cartes, de frise chronologique). Un ajout inédit rend cette manifestation encore plus incontournable, celui des énigmatiques vestiges de la civilisation Okuniev (2500 à 1300 ans av. J-.C. !) : immenses stèles gravées, figures de pierre comportant parfois trois, voire cinq yeux. La mission archéologique s’est rendue au musée à ciel ouvert de Poltakovo en République de Khakassie pour effectuer des moulages (par René David), qui permettent la circulation des œuvres, l’étude par les archéologues, la possibilité aussi de tenter des reconstitutions de couleur, d’après les pigments retrouvés. Cette statuaire peut évoquer l’île de Pâques, l’art Polynésien ou les masques du théâtre traditionnel chinois. Le jeu des interprétations est ouvert ! Aucun ouvrage en français à ce propos, seules quelques publications en russe en rendent compte et désormais grâce à cette exposition, enfin, un catalogue qui permet un point sur les recherches et les découvertes effectuées dans ces steppes si méconnues. La mission archéologique Monaco-Mongolie mène des campagnes de fouille dans la vallée

Pierre à cerfs et gravures sur roches © Jerome Magail, directeur de la mission archéologie

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Les éditions Plaine Page et la ZIP de Barjols ne cessent de nous surprendre par leur inventivité, leur capacité à enchanter le réel. Sans cesse le regard transforme la réalité, ou plutôt lui accorde une lecture qui l’apprivoise. La sixième édition d’un Max’ de Poésie de Saint-Maximin se doublait cette année d’un anniversaire : les vingt ans de Plaine Page. «20 ans de poésies durables», précisait le titre… annonciateur d’une exposition loufoque et délicieuse, Naviguons de conserve. Pour 70 artistes qui se sont pris au jeu, il s’agissait de produire une œuvre à partir de boîte(s) de conserve, pas celles des sardines, la forme était imposée : celle des grosses boîtes rondes que vous retrouvez dans tous les placards de cuisine. Quelle virtuosité parfois, quelle ingéniosité souvent, quel humour toujours n’ont pas présidé à cette fête ! Boîte vocale, boîte prison, boîte monde, boîte à rouages, boîte piscine, boîte entrepôt… impossible de tout citer ! D’ailleurs,

du Haut-Tamir depuis 2006 à Tsatsyn Ereg, site majeur de l’âge du bronze en Mongolie. Les peuples nomades qui parcouraient ces terres ont construit des nécropoles immenses, structurées, cercles, quadrilatères, enclos… et dressaient des pierres sculptées que l’on a baptisées pierres à cerfs, en raison des représentations étranges de cerfs au galop, dans une ascension verticale.

spectaculaire la parole brute. Les dédicaces deviennent elles aussi performance «à deux balles ! Pile un dessin, face une chanson !». L’existence est de la poésie vécue ! MARYVONNE COLOMBANI

Un Max’ de Poésie a eu lieu le 28 février à La Croisée des arts de Saint-Maximin

Ces animaux sont dotés d’un bec, le caractère d’oiseau leur autorise sans doute cet envol ? Comme le cerf ne se dompte pas, et qu’il tient du végétal autant que de l’animal, par ses bois qu’il perd et qui repoussent chaque année, il semble être un intermédiaire privilégié avec les divinités. On suppose ces peuples animistes, rappelle, lors de la première conférence donnée aux débuts de l’exposition, Jérôme Magail, directeur du Musée d’anthropologie de Monaco et commissaire de l’exposition avec Sophie Marchegay, directrice du Musée de Quinson. On découvre une cosmologie passionnante. Si l’écriture n’est pas pratiquée, les représentations d’animaux, d’armes, de soleils, de lunes, forment un discours à décrypter. Que dire de la richesse, du raffinement, de la finesse des objets retrouvés dans la tombe d’Arjan, VIIe av. J-.C. ! À noter que la femme possède comme son compagnon des armes ! Une société égalitaire ? L’exposition avance dans le temps, se prolonge jusqu’à nos jours, montrant la complexité, la force d’une culture souvent déniée à ceux qui portent leur maison aux boucles de leur ceinture. L’archéologie leur rend leur histoire et nous propose d’autres voies de société. M.C.

Premiers Nomades de Haute-Asie jusqu’au 30 novembre Musée de Préhistoire des Gorges du Verdon, Quinson 04 92 74 09 59 www.museeprehistoire.com



Fébrilité sensible

R E N C O N T R E S

Identité retrouvée L’auditorium du MuCEM était bien rempli le 19 février pour la performance musicale et visuelle Burger et Boudjelal, une création coproduite par la Compagnie Rodolphe Burger, le MuCEM, l’Agence VU et la Maison de la musique de Nanterre, dans le cadre d’Alger Marseille. Allers/Retours. Durant trois quarts d’heure, Rodolphe Burger à la guitare et Hakim Hamadouche à la mandole accompagnent les images, montage de photographies, films vidéos et super8 qui racontent l’histoire de Bruno Boudjelal, français d’origine algérienne qui traverse la Méditerranée en mai 1993, se rendant à Alger pour la première fois. Hublot, gens qui dorment sur le bateau, longs couloirs, silhouettes esquissées, fragments du réel qu’il nous donne à voir, images décadrées, en couleurs ou en noir et blanc, ponctuées par le rectangle bleuté d’une fenêtre/hublot sont autant de pièces d’un puzzle qui tente de reconstituer son histoire éclatée. De longs

© Bruno Boudjelal - Agence VU’

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travellings, qui parfois se superposent, se croisent, s’accélèrent, nous montrent sa vision d’Alger ou de la cité phocéenne, images souvent floues comme si le réel était trop dur à voir. Le spectateur est parfois en questionnement : est-on à Alger ou à Marseille, ville dans laquelle Bruno Boudjelal «a senti l’identité retrouvée, quelque chose de plus apaisé où se poser» ? Si les images filmées font sentir le passage du temps -les images en super 8 de sa fille Nedjma sont émouvantes-, on peut préférer voir les photographies de Boudjelal dans une exposition (celle organisée à La Friche dans le cadre des Rencontres à l’Echelle en octobre 2013 posait un cadre narratif bien plus éclairant), pour avoir le temps d’en apprécier le flou, la transparence et les couleurs. ANNIE GAVA

La performance musicale Burger et Boudjelal a eu lieu le 19 février au MuCEM à Marseille

Un jour de 1989, peu après les émeutes d’octobre 1988, dans le quartier de Bab El-Oued, Boualem, travaillant de nuit dans une boulangerie, arrache un haut-parleur diffusant l’appel à la prière de l’imam car cela l’empêche de dormir. Les intégristes islamistes se saisissent de ce prétexte pour répandre la terreur. L’histoire du film Bab El-Oued City (tourné en 1993), c’est avant tout celle d’un pays à deux doigts de tomber dans la terreur, où s’affrontent religieux, laïques et simples citoyens. Le contexte, chaotique, où le personnage principal est sans cesse menacé par les intégristes (tout comme Ouardya, jugée indigne à cause de ses mœurs «trop libres») reflète aussi les conditions de tournage que Merzak Allouache et son équipe ont subies : menacés par des groupes extrémistes, ils ne pouvaient jamais filmer deux jours au même endroit, et ont dû tout boucler en sept semaines. Résultat, on sent une fébrilité au niveau du jeu des acteurs et certaines scènes pourtant très écrites échappent à la maîtrise. L’intrigue reste simple mais le récit, parfois lassant, permet d’entrer de plain-pied dans la dure réalité quotidienne d’une Algérie violente. Si l’engagement politique de Bab El-Oued City n’est pas clair, le film pose un regard d’une belle humanité sur une jeunesse algérienne prisonnière d’une violence qu’elle ne comprend pas. ALICE LAY Bab El-Oued City a été projeté le 20 février au MuCEM dans le cadre du cycle sur l’Algérie

Les artistes marocains ont la parole Sept artistes marocains entrent au MuCEM et nous parlent de leurs vies, d’éducation, de travail et de pouvoir. Des regards de l’intérieur offerts à l’extérieur, et non plus des regards d’européens sur l’ailleurs ! Un renversement rendu possible par Nawal Slaoui qui dirige à Casablanca la structure de production, d’accompagnement et de soutien aux artistes marocains CulturesInterface. Avec Jean-Roch Bouiller, chargé de l’art contemporain au MuCEM, elle propose Des artistes dans la cité qui constitue un double focus sur des artistes attachés au pays où ils vivent, et dont l’implication dans la société est actée. Toutes leurs œuvres sont engagées, d’une manière ou d’une autre : métaphorique, réaliste, poétique, allégorique… Pour cette première vague, les scénographes Olivier Bedu et Juliette Morel soulignent la cohérence des choix

curatoriaux à travers un parcours propice aux transparences et aux découvertes. Dans chaque îlot, un artiste, dont l’univers parfois déborde et crée des liens avec les proches. Entre œuvres monumentales : sculpture murale inédite de Faouzi Laatiris, Au commencement il y avait la parole inscrit en lettres miroitantes sur un fond bleu Klein ; la vidéoprojection sur deux écrans de Iqraa

(Lis !) de Simohammed Fettaka qui offre une double vision du paysage marocain, l’un bucolique, l’autre urbain, et la prégnance du travail, celui de la bête ou de l’homme ; la construction d’une Ghorfa par Younès Rahmoun, réplique en tissu de l’espace intime dans lequel il vécut durant sept ans dans la maison familiale, produite pour l’exposition. Pièces plus «intimes» : autoportrait

vidéo de Youssef Ouchra en forme de performance et son corollaire en résine, ou l’ensemble de photos et vidéos de Hicham Benohoud dénonçant la soumission des élèves face aux directives des adultes. Et d’autres gestes, comme celui plus radical encore de Batoul S’Himi qui nous alerte en mettant le Monde sous pression dans 10 autocuiseurs sculptés. À leur sifflement, le monde sera prêt d’exploser… MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

#1 L’art en travail jusqu’au 2 juin #2 Passerelle artistique : étrange paradoxe du 20 juin au 8 septembre MuCEM, Fort St-Jean, Marseille 2e 04 84 35 13 13 www.mucem.org Simohammed Fettaka, Iqraa, 2013, Maroc, 27 min 02, Vidéo HD, 169, couleur, stéréo, sans dialogue, 2013 © Courtesy de l’artiste et CulturesInterface




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