Zibel74

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un gratuit qui se lit

N°74 du 21/05/14 au 17/06/14

Aux commandes municipales Entretiens avec

Cécile Helle, maire d’Avignon, et Anne Marie

d’Estienne d’Orves, adjointe à la culture

de Marseille



Politique culturelle Entretien avec Cécile Helle et Catherine Bugeon ............... 4, 5 Entretien avec Anne-Marie d’Estienne d’Orves ................... 6, 7 Entretien avec Maurice Xiberras .......................................... 8

Événements Le Festival de Marseille, le Printemps des chercheurs .............................................. 10 Tous dehors, Chaud dehors ................................................ 11

MuCEM, Villa Méditerranée ..................................12 à 15 Critiques Théâtre ....................................................................16 à 21 Danse ....................................................................... 22, 23 Cirque/Rue................................................................24 à 27 Jeune public .............................................................. 28, 29 Musique ...................................................................30 à 34

Au programme Théâtre .....................................................................36, 37 Danse .......................................................................38, 39 Jeune public ................................................................... 40 Cirque/rue ...................................................................... 41 Musique .................................................................. 42 à 45

Cinéma ................................................................. 46 à 49 Arts visuels Au programme ...........................................................50 à 52 Le Printemps des musées de Marseille ................................. 52 La Friche, Regards de Provence .......................................... 53 Vidéochroniques, le Pavillon Vendôme ................................ 54 Le Sm’art, Centre aixois des Archives Départementales .......... 55

Livres ........................................................... 56 à 59 Rencontres Les Eauditives, la Cité du livre, les Oralies ........................... 60 Fête de la librairie indépendante, Prix littéraire PACA ............ 62

Le sens de l’art

Le Parti Nationaliste Hindou a remporté une victoire historique. Le plus grand scrutin du monde, qui a appelé aux urnes 815 millions d’électeurs, installe à la tête du gouvernement indien Narendra Modi, qui stigmatise violemment les Musulmans et les Chrétiens. Qu’importe, les marchés sont euphoriques, le parti de Modi sait favoriser les riches, et dresser les uns contre les autres les plus pauvres des Indiens. C’est par les urnes que les nationalismes les plus glaçants remportent partout de larges victoires. En réinventant des frontières religieuses et ethniques là où les syncrétismes avaient construit des nations plurielles, en dissimulant soigneusement la violence des riches, en poussant les États à défendre l’intérêt des marchés plutôt que ceux des peuples, la machine capitaliste broie la conscience et l’intérêt communs. Ici, demain, dans cette Europe qu’on dit impuissante, les députés nationalistes vont gagner plus de sièges encore. Car plus personne ne croit à une alternative, l’austérité s’est installée comme une fatalité, tandis que les fortunes mondiales atteignent des sommets inexplorés, et qu’en France les dividendes versés aux actionnaires par les seules entreprises du CAC 40 en 2013 atteignent, chiffre record, 43 milliards d’euros. Mais la prétendue crise, toujours, s’abat sur les pauvres, culpabilisés de ne plus offrir d’avenir à leurs enfants, et votant contre leurs voisins, puisqu’on leur fait croire que les patrons et les gouvernants les protègent. Les médias libres et le monde culturel, assommés, dépendants aujourd’hui plus que jamais du bon vouloir des États, acceptent aussi de courber l’échine. Si l’art peut avoir aujourd’hui un sens, il est temps qu’il lutte contre la montée des fascismes, en dénonçant ses causes. AGNÈS FRESCHEL

Mensuel gratuit paraissant le deuxième mercredi du mois Édité à 32 000 exemplaires imprimés sur papier recyclé

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Édité par Zibeline SARL 76 avenue de la Panouse n°11 13009 Marseille Dépôt légal : janvier 2008

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Pour les Avignonnais 4 P O L I T I Q U E C U L T U R E L L E

Zibeline : Avignon a une histoire, un patrimoine, un Festival, des enjeux culturels forts. Comment comptez-vous gérer cet état de fait ? Cécile Helle : Avignon est connue dans le monde entier par son Festival, le Palais des Papes, le Pont ! Pour une ville de 90 000 habitants, elle est culturellement bien équipée. Mais avec Catherine Bugeon on s’est rendu compte que, paradoxalement, peu d’Avignonnais profitent de cet accès exceptionnel à la culture, qu’ils pensent destiné aux touristes. Or la culture, c’est avant tout un enjeu pour les habitants. Il y a un défi à relever qui n’est pas simple, on sent que l’accès du public n’est pas qu’une question de prix d’entrée. Bien sûr on travaille à la mise en place d’un pass culture pour les moins de 26 ans, à l’éveil artistique et culturel dès le plus jeune âge. On souhaite profiter de la réforme des rythmes scolaires pour travailler sur l’enfance. Mais on n’oublie pas les Avignonnais d’âge plus mûr qui ne poussent pas les portes des musées, des concerts, des théâtres… Le cheminement vers l’offre culturelle est plus long pour les habitants des quartiers, et relève de la mise en place de politiques culturelles participatives. Il faut faire comprendre que non seulement la culture ne leur est pas interdite, mais qu’en plus ils ont la possibilité de participer à son élaboration. Ce travail-là m’intéresse. Par exemple, l’association Culture du Cœur met à disposition des places mais toutes ne sont pas utilisées ! Vous envisagez donc une politique participative de pratique ? Cécile Helle : Il faut faire découvrir l’acte de création, en mettant des artistes en résidence dans les quartiers, pour que les publics voient comment une œuvre s’achemine depuis l’écriture au spectacle final. Ça questionne aussi la place de la création artistique dans notre cité. À Avignon, il y a eu l’époque Vilar, puis le foisonnement culturel des années 70, et de nombreux théâtres se sont installés. Mais dans 5 à 10 ans, il y aura un passage de relais avec les nouvelles générations : ce passage, on doit le réussir ! Et ce foisonnement ne concerne pas que le spectacle vivant, il y aussi l’art contemporain, l’art urbain, il faut rééquilibrer. À la prison Sainte-Anne où des travaux de sécurisation ont été faits pour accueillir l’exposition (La disparition des Lucioles, voir p 50, ndlr), j’ai demandé à Catherine Bugeon d’étudier la création d’une friche artistique et culturelle. Et les artistes on les a ! C’est un quartier du centre ville marqué culturellement avec l’Utopia, l’Ajmi, la Manutention. On pourrait par exemple installer des artistes plasticiens au rdc, consacrer une partie du bâtiment aux lieux d’expositions et le reste à des logements intergénérationnels. Ça c’est le premier défi de régénération de la culture sur Avignon. Le second défi, c’est celui des territoires. Sur Avignon, tout est

Cécile Helle, élue maire d’Avignon, aime à parler culture. Vice-présidente du Conseil régional en charge de la culture durant ces dernières années, elle connaît le sujet comme peu de maires. Ainsi elle a tenu à nous recevoir elle-même, en compagnie de son adjointe à la culture Catherine Bugeon

Catherine Bugeon et Cécile Helle © Delphine Michelangeli

concentré dans les remparts. L’intra muros c’est 13 000 habitants, 77 000 personnes habitent à l’extérieur. Il y a des acteurs qui portent depuis plusieurs années la culture dans les quartiers périphériques d’Avignon, mais il faut impulser une dynamique. On a aussi un réseau existant de bibliothèques, les rares équipements culturels répartis sur tout le territoire. J’ai envie de partir de la lecture publique, ça peut être intéressant de commencer avec les mots, les textes… Catherine Bugeon : Il y a actuellement un mouvement d’usagers, les Amis de la Médiathèque Ceccano, qui se mobilise pour avoir un accès plus large et notamment un accès wifi à la médiathèque. Nous sommes pour le moment en recrutement actif d’un directeur. Je dois rencontrer ce collectif prochainement. Cécile Helle : Aujourd’hui le réseau de bibliothèques est à côté de centres sociaux, dans le quartier Est, à Montfavet, à Saint Chamand. Et puis il y a sur la Rocade la médiathèque Jean Louis Barrault, qui n’a fait l’objet d’aucune rénovation depuis sa création et qui est le seul équipement existant. J’aimerais l’intégrer dans un projet de restructuration urbaine,

pour la création d’un lieu mixte de pratique culturelle et de ressource sociale. Ce sont les rares projets où l’on peut avoir aujourd’hui des crédits de l’État et de l’Europe. Il faut casser les barrières sociales, et les hiérarchies culturelles, avec le slam par exemple. Il n’y a pas de culture «plus plus» ou «moins moins». En dehors de la lecture, y’a t’il des axes à développer sur la création partagée ? Cécile Helle : il y a déjà beaucoup d’ateliers de pratiques artistiques, comme ceux de Michèle Addala (cie Mises en Scène) qui ne pose pas sa présence dans les quartiers de la même manière qu’Olivier Py, par exemple. C’est un acteur culturel qui travaille depuis plus de 25 ans dans les quartiers, et peu aidée par la ville. 25 ans de travail si peu reconnu ! Il n’y a pas ici d’accompagnement spécifique à l’émergence. À la Région, on a fait en sorte qu’elle puisse être reconnue, avec un dispositif spécifiquement orienté, dont les résultats apparaissent déjà dans le paysage culturel. Catherine Bugeon : On veut défendre et construire une Avignon créative, c’est-à-dire prendre le risque de la création, qui compte davantage à nos yeux que le résultat. Avec cette friche par exemple, en donnant aux artistes un lieu pour créer. Dans vos délégations, les fêtes et animations sont séparées de la culture… Cécile Helle : On a identifié quelqu’un sur l’animation en effet, ça a toujours existé ainsi ici. Mais ça n’est pas dommage de les séparer d’une vie culturelle de quartier ? L’art en espace public, et en particulier les arts de la rue, sont peu présents à Avignon… Cécile Helle : Créer des évènements culturels gratuits, c’est le moyen de créer des publics nouveaux. L’inauguration de la FabricA par le Groupe F a été une réussite. Pour une fois, les gens du centre s’étaient déplacés jusqu’au quartier. C’était rassurant de voir que ça peut marcher, que les gens se rapprochent et se respectent. Quant aux Arts de la rue et du cirque… L’école du cirque de Champfleury a été tuée dans l’œuf ! Il a été considéré que dans ces quartiers, il ne pouvait pas y avoir de culture. Dans les années 80/90, à chaque Festival le Royal de Luxe venait, on les a laissés partir… J’aurais été maire à cette époque, j’aurais tout fait pour les garder. J’aimerais remettre de l’art public dans la rue, y compris travailler avec des artistes comme Ernest Pignon Ernest pour réinterroger cette ville. Vos délégations séparent aussi culture et patrimoine. N’est-ce pas un frein ? Catherine Bugeon : Non, au contraire, c’est une richesse ces deux délégations séparées ! Avignon, avec son classement Unesco, a un énorme patrimoine bâti à gérer. Mais avec Sébastien Giorgis on construit des projets communs, on travaille très bien ensemble…


Cécile Helle : On veut travailler aussi sur la qualité urbaine des espaces publics. À Avignon, les remparts sont une véritable coupure, doublée par la voie ferrée. J’ai demandé à Sébastien Giorgis de travailler sur les passages ferroviaires pour en faire des lieux de transition. Je propose qu’on y mette des créations artistiques pour susciter des réactions. C’est une société privée qui gère le patrimoine historique… Cécile Helle : Oui, Avignon Tourisme a une délégation de service public pour le Palais des Papes et le Pont jusqu’en septembre 2015. Il faudra que l’on retravaille cela, en fixant un cahier des charges la question de la DSP sera reposée. Les autres musées sont municipaux. Il y a aussi un patrimoine, méconnu, qui n’est pas médiéval ! Des pépites du XIX et XXe siècle, y compris dans la première ceinture de la ville avec des demeures art déco très intéressantes. Ou la Rotonde des Cheminots, l’une des trois rotondes de France, qui a été un lieu de résistance. Peu le savent à Avignon. Vous avez pour projet de valoriser ce patrimoine ? Cécile Helle : Oui, il faut proposer des parcours insolites dans la ville, la découverte d’Avignon Ville Nature avec l’Île de la Barthelasse… Les Avignonnais connaissent-ils leur patrimoine ? Cécile Helle : Non très peu. Envisagez-vous des actions pour que ce patrimoine ne soit pas uniquement vu comme un attrait touristique ? Cécile Helle : C’est essentiel, le patrimoine appartient aux habitants. Par exemple, le jardin de l’Abbaye Saint Ruf ou la Cité Louis Gros, la première cité ouvrière construite avant guerre. Aujourd’hui c’est une cité où il y a des problèmes, mais si on explique aux gens son histoire, cela peut changer leur rapport à leur habitat. J’ai envie que les touristes aussi découvrent ça, après le Palais des Papes et le Pont, pour qu’ils n’aient pas l’impression d’avoir épuisé la ville après leur première visite. Qu’en est-il du financement pour le fonctionnement de La FabricA ? Cécile Helle : Il y a eu une augmentation de l’aide au fonctionnement apportée par les collectivités. La FabricA c’est déjà 10 millions d’investissement, ça n’est pas rien pour un territoire. Pour avoir assisté aux discussions lors de sa création, chaque partenaire avait bien souligné ne pas s’engager sur le fonctionnement, c’est au Festival de créer ses propres ressources. C’est un équipement municipal mais je ne peux pas donner à Olivier Py tout mon budget culture, il y a aussi la Collection Lambert, les jeunes créateurs… L’opéra-théâtre est-il en gestion directe ? Cécile Helle : Sa gestion appartient maintenant au Grand Avignon. Comme l’Orchestre, en partie (à moitié Grand Avignon). La ville est donc non décisionnaire sur la programmation de l’opéra et de l’orchestre ? Cécile Helle : Effectivement, étant donné le résultat des élections du grand Avignon, nous ne sommes pas en prise directe avec les choix pour cet équipement… Que pensez-vous de la continuelle expansion du Off ? Y’a-t-il des moyens de la rationaliser ? De juguler certaines choses scandaleuses dans l’accueil des compagnies et des spectateurs, les loueurs de garage etc…. Cécile Helle : La ville peut impulser une démarche de réflexion avec une charte. Depuis l’arrivée de Festival & Compagnies, des choses intéressantes ont été créées, comme le village du Off, un lieu de débats et de réflexion… Le Off est géré par une association indépendante, la ville n’est pas un financeur direct, mais nous pouvons faciliter certaines orientations de Greg Germain, son président, qui veut que le Off ait une présence à l’année, avec des résidences d’artistes. Mais il faudra aussi essayer d’éviter les déviances mercantiles que l’on peut observer dans certains lieux, effectivement. Entretien réalisé par AGNÈS FRESCHEL et DELPHINE MICHELANGELI


Bâtir une politique culturelle cohérente 6

C U L T U R E L L E

Anne-Marie d’Estienne d’Orves est dorénavant en charge de la culture à la ville de Marseille. Elle retrace pour nous son parcours, et ses ambitions pour la Ville. Anne-Marie d’Estienne d’Orves © X-D.R

P O L I T I Q U E

Zibeline : On connaît votre action culturelle sur Marseille depuis longtemps. Présidente de l’École des beaux-arts, initiatrice du Festival des arts éphémères, amie depuis longtemps du Festival Jazz des Cinq Continents, vous avez été durant le dernier mandat de Monsieur Gaudin déléguée à la culture de Monsieur Teissier… Anne-Marie d’Estienne d’Orves : Effectivement. Présente dans le milieu culturel depuis 20 ans, j’ai été élue durant la dernière mandature à la mairie du 5e secteur, et aujourd’hui j’ai en charge la délégation culture à la Mairie centrale. Elle comprend l’action culturelle, le spectacle vivant, les bibliothèques, les musées et l’enseignement artistique. Elle est donc nettement plus large que celle de votre prédécesseur Monsieur Hermann, mais ne comprend pas le cinéma, ni l’Opéra, l’Odéon et l’art contemporain, qui sont confiés à Madame Féraud. Pourquoi cette scission, et comment allez-vous la gérer ? Madame Féraud est en effet en charge des projets d’art contemporain, sur lesquels nous travaillons ensemble, et de l’Opéra, qui est une maison complexe dotée d’un gros budget. Il est question de rationaliser ses rapports avec L’Odéon, l’autre théâtre municipal. Mais il faudra lui poser la question quant à ses projets ! Pour le cinéma, c’est Madame Séréna Zouaghi qui s’en occupe. Marseille est une grande ville de tournages, mais je reste en charge avec elle des festivals. Cette large délégation va me permettre de mener une politique culturelle ambitieuse et cohérente, qui ne sera plus morcelée. Et vous connaissez le terrain et les acteurs culturels… On peut le dire, oui ! pour la plupart personnellement, depuis 20 ans. Je connais leurs problèmes et leur dévouement, leur capacité créative. Est-ce que l’année culturelle a permis d’identifier certains atouts et certaines lacunes ? 2013 a été un succès et un merveilleux laboratoire. Les Marseillais se sont emparés des expositions et des spectacles, et on a pu identifier ce qui marchait, et ce qui fonctionnait moins bien. Aujourd’hui il faut continuer à investir. Pour le déplacement du Musée d’Art Contemporain vers la Vieille Charité, afin qu’il s’intègre au parcours muséal naturel du touriste et du promeneur. Pour le Fort d’Entrecasteaux, qu’il faut transformer en lieu culturel voué à de grands événements publics. Cela fonctionne à Marseille, depuis la Massalia jusqu’à Flammes et flots, les Marseillais aiment à se retrouver autour de grands événements festifs et culturels. Il faut prévoir une biennale des Arts urbains, qui permettra d’ailleurs à tous les acteurs marseillais de travailler. Nous prévoyons son lancement pour fin 2015. À propos d’acteurs marseillais et de Flammes et flots, la structure qui a porté cet événement, Karwan est en grande difficulté financière,

comme beaucoup de structures associatives marseillaises, qui ont vu leurs subventions diminuer alors même qu’elles ont participé avec ferveur au succès de 2013… Je suis déléguée aux associations culturelles, c’est une de mes grandes responsabilités, je les recevrai toutes, avec attention, et veillerai à ne pas laisser en difficulté les talents de la région. Mais les diminutions de subventions aux associations ne sont généralement pas du fait de la Ville, mais des autres collectivités. La Ville n’est pas en situation financière de compenser les désengagements. Nous restons sur les mêmes financements en 2014 qu’en 2013, nous reconduisons un budget exceptionnel. Pourtant une diminution globale de 30 millions est votée en 2014 pour le budget de la culture par rapport à 2013.

Oui, mais il s’agit de l’équipement : en 2013, et en 2012 aussi, les subventions d’équipement ont été exceptionnelles pour assurer la rénovation des musées, de la Friche, et tous les grands équipements qui ont vu le jour. En 2014 le budget consacré à l’équipement reste conséquent, plus important qu’avant les grands travaux de la capitale. Nous voulons continuer à investir, pour Entrecasteaux, les bibliothèques, la Vieille Charité… Mais qu’en est-il du budget de fonctionnement ? Les acteurs culturels se plaignent de n’avoir pas les moyens de faire fonctionner leurs nouveaux équipements… Le budget de fonctionnement 2014 est identique à celui de 2013 ! L’effort se poursuit, le budget dont je dispose est supérieur à celui de 2012… Je suis là depuis un mois, si il y a eu des dysfonctionnements ou des restrictions inappropriées je ne demande qu’à y remédier, nous avons encore quelques marges de manœuvre… À propos des bibliothèques, vous parliez d’investissements ? Oui, l’Alcazar est un outil magnifique est très fréquenté depuis son ouverture. Malgré les problèmes d’horaires d’ouverture ? Oui, il y a 7000 à 8000 visiteurs par jour… Bien sûr qu’une ouverture le samedi, des nocturnes une ou plusieurs fois par semaine, une ouverture plus matinale aussi, seraient souhaitables. On l’a fait dans les musées, on doit pouvoir y travailler, en concertation avec les personnels, à l’Alcazar. Mais le véritable problème des bibliothèques marseillaises est qu’il n’y a pas assez d’annexes sur le territoire marseillais. Il faut rénover celles qui existent, et créer la médiathèque de Saint Antoine prévue depuis longtemps, ainsi qu’un grand pôle bibliothèque médiathèque, voué également aux arts vivants et aux expositions, à l’usine Rivoire et Carret. Dans la vallée de l’Huveaune, quartier en pleine mutation, il n’y a aucun équipement culturel. Il faut y remédier. Vous vous préoccupez donc de la répartition des équipements culturels dans la ville ? Bien sûr. Il faudra travailler avec tous les maires de secteurs, tous les adjoints à la culture quelle que soit leur couleur politique, pour identifier les besoins des arrondissements et y répondre. Mais les quartiers les plus déshérités en matière d’équipements culturels à Marseille, ce sont paradoxalement les quartiers Sud, c’est-à-dire les plus aisés… 2013 a également vu changer le paysage théâtral marseillais, avec l’ouverture de certains lieux, la fermeture d’autres… Comment comptez-vous redistribuer la donne dans les lieux qui appartiennent à la ville, ou que vous financez ? Il faut travailler ensemble, voir où l’on peut gagner, au cas par cas… Par exemple que va-t-il en être du pôle théâtre de la Friche, du nouveau théâtre de la Joliette, des Bernardines ?


Le théâtre de la Joliette est un équipement magnifique à la programmation intelligente, qu’il faut affiner. Quant à la Friche vous savez combien cela est compliqué, il s’agit d’une histoire longue, les couches de projets s’y sont superposées, il est temps d’y mettre de l’ordre et de la cohésion. Les Bernardines resteront un lieu de création. Il était question d’en faire un lieu jeune public, ou une salle de répétition pour le Gymnase ? Non, certainement pas une salle de répétition ! Cela restera un théâtre ! Mais qui dépendra du Gymnase ? Qui restera en tous les cas un lieu de programmation, et de recherche autour des écritures contemporaines… Au niveau de la pratique artistique, Marseille manque de lieux et de structure. Il y a les Ateliers d’Art publics de l’École des beaux-arts, que 700 amateurs fréquentent, mais ce n’est évidemment pas assez. Je suis en charge de l’éducation artistique, et Marseille comporte de grandes écoles et un conservatoire, mais il faut veiller à élargir les pratiques des enfants, et des adultes. Les Ateliers de l’Euroméditerranée étaient un bon dispositif de 2013, qui portait l’art dans les entreprises, changeait le regard des salariés, mais aussi des artistes qui étaient plongés dans la réalité professionnelle. Il faut reprendre ce dispositif. Avec aussi des actions comme celles qu’il y a eu au J1, et que nous mettons en place dans les musées, où à côté. Comme par exemple lors de la

magnifique expo sur le Corbusier : il y avait des ateliers de dessin, la culture faisait naître du lien social, et l’on pouvait s’entendre, écouter, échanger. Les Marseillais y venaient, et les touristes aussi. Il faut profiter de cet élan nouveau qui est aussi un formidable outil de développement économique. Justement, pour vous, la culture et l’art, ce sont avant tout des facteurs de cohésion sociale et d’accomplissement individuel, ou des outils pour le développement économique et touristique ? Les deux ! ensemble ! ces deux aspects ne s’opposent pas. Sans développement économique le lien social se délite, et la culture n’y peut rien… Mais si vous devez faire un choix, par exemple, entre un équipement qui attirera des touristes, et un autre qui structurera la vie culturelle d’un quartier ? S’ils sont nécessaires il faut faire les deux. Nous trouverons les moyens. 2013 nous a appris à travailler avec des partenaires privés, et a appris aux entreprises locales qu’investir dans la culture était rentable. Pourtant le milieu culturel est dans une précarité que les acteurs jugent sans précédent, tous les artistes se plaignent de ne plus trouver de producteurs, ni même de coproducteurs, dans la région. Et de voir leurs subventions, au mieux, stagner… Ce n’est pas la Ville qui est responsable de cette baisse des moyens de production. Les structures en 2014 conserveront les moyens de production qu’elles avaient de la part de la

Ville. Jean-Claude Gaudin veut faire cet effort pour la culture, il s’y est maintes fois engagé, et a conscience du bénéfice économique. Il sait aussi que c’est une nécessité. Entretien réalisé par AGNÈS FRESCHEL

Effet maire !

Vous organisez depuis quatre années le festival des arts éphémères dans le jardin et le bâtiment de la mairie du 9/10. L’édition de 2014 sera-t-elle à la hauteur de celle de 2013 ? Sans aucun doute. L’événement est jeune mais en quatre ans il a atteint une maturité étonnante ! Cette année il y a 24 artistes qui exposent (voir p 50 ndlr), et nous avons reconduit les partenariats avec l’école des beaux-arts et le Mac bien sûr, avec le Ballet National de Marseille, mais aussi, et c’est nouveau, avec l’école d’architecture, et avec le Théâtre du Centaure qui s’installe dans le jardin des Hauts de Mazargues. Il y aura donc des spectacles, les œuvres des artistes et des étudiants des deux écoles supérieures, celle des ateliers d’Art Public de la ville… La manifestation est-elle emblématique de ce que vous voulez mettre en œuvre, c’est-à-dire partager, au plus haut niveau, les pratiques ? Oui, dans l’espace public si possible, en défendant l’art contemporain et la création régionale. A.F.


Un opéra au cœur de la cité 8

C U L T U R E L L E

À la tête de l’Opéra de Marseille depuis 2008, Maurice Xiberras poursuit son action, après les dernières élections, grâce à la confiance renouvelée de la municipalité Maurice Xiberras © X-D.R

P O L I T I Q U E

Zibeline : Présentez-nous un peu de ce beau théâtre cher aux Marseillais. Maurice Xiberras : C’est l’un des plus anciens Opéras de France car la présence lyrique à Marseille remonte à Lully. Créé au cœur de la cité, brûlé et reconstruit dans les années vingt dans un style Art déco unique au monde, notre théâtre municipal a toujours été un lieu de rencontre des Marseillais : il est authentiquement populaire. Aujourd’hui encore cela se traduit par une politique des prix : quand on pense que pour 11 euros on pourra écouter Juan Diego Florez alors que, pour sa tournée mondiale, les prix sont bien plus élevés ! On a eu chaud lors des dernières élections car certains élus remettaient en question l’existence même du théâtre prétendant qu’on pouvait aller à Lyon ou Paris pour entendre des opéras ! On peut dire que l’Opéra de Marseille est sauvé, au moins jusqu’à la fin de la mandature de M. Gaudin ! Reste une inconnue : que va faire la Métropole ? De fait la programmation est bouclée jusqu’en 2018, mais les travaux de rénovation envisagés sont remis à plus tard : la période n’incite pas à la dépense. On assure la maintenance et la sécurité, mais ce serait bien que les travaux soient achevés en 2024 pour le centenaire de la réouverture de l’Opéra. Quel budget pour l’Opéra ? La subvention est de 12,7 millions d’euros qui couvrent les salaires fixes de près de 300 personnes dont 88 musiciens permanents, 30 choristes et les artistes supplémentaires, les frais de productions, décors, costumes, les cachets... 4,2 millions sont consacrés à l’artistique. On n’a pas à rougir quand on voit ce que l’on propose, en regard des budgets de Montpellier (jusqu’à 30 M), Nice (24 M) ou Lyon (35 M) ! Promesse nous a été faite de travailler à budget constant ! Quelles sont les satisfactions que vous retenez de votre action à Marseille ? De voir qu’avec «peu de moyen» on rencontre des succès comme celui du Cid (avec Roberto Alagna) : c’est la première fois qu’une production d’un opéra de province est reprise à l’Opéra de Paris ! La Victoire de la Musique de Richard Galliano à propos d’une composition

écrite pour nous l’an dernier... On retrouve une renommée internationale : pour preuve, les grands chanteurs reviennent comme Roberto Alagna, Béatrice Uria-Monzon, Patrizia Ciofi... et France Musique ou Radio Classique enregistrent régulièrement nos concerts, nos productions... Il manque encore une vraie salle de répétition pour l’orchestre qui permettrait de dégager le plateau pour d’autres manifestations, des ballets... Et la présence de Lawrence Foster a fait faire un bond à l’orchestre ! Tout le monde reconnaît aujourd’hui sa qualité ! On est heureux d’avoir pu faire venir ce chef exceptionnel à Marseille. Il faut savoir que pendant vingt ans l’Orchestre philharmonique est resté sans directeur artistique ! On se demande comment il n’a pas explosé en plein vol ! Désormais il joue à qualité constante, comme on a pu le constater au Silo pour le Boléro de Ravel ou la 9e Symphonie de Beethoven. Et les grands chefs veulent revenir à Marseille ! De nombreux jeunes renouvellent les pupitres, ils apportent du sang neuf. On a tellement dit de bêtises sur nos musiciens ! Aujourd’hui ils ont beaucoup appris... en matière de discipline aussi. On vous confie également la direction du Théâtre de l’Odéon ? Oui ! On retrouve la situation historique d’avant 2001 : celle d’une fusion de moyens entre l’Odéon et l’Opéra. Jean-Jacques Chazalet a effectué des miracles dans ce théâtre qui a pour mission de défendre l’opéra comique, l’opérette et le «boulevard» : c’est le dernier lieu en France à programmer des saisons de ce répertoire dit «léger» et qui possède un vrai public. Faisant valoir ses droits à la retraite, il me transmettra progressivement son «bébé» la saison prochaine. Je me fixe pour mission de faire venir des jeunes à l’Odéon avec plusieurs idées comme celles de créer des opéras pour enfants, de faire participer la Maîtrise des Bouches-du-Rhône, de lancer un atelier lyrique de jeunes chanteurs qui tournerait avec des spectacles dans le département, les établissements scolaires, et du coup d’initier un travail d’insertion professionnelle. Propos recueillis par JACQUES FRESCHEL

Tournée estivale

C’est une première ! Lawrence Foster dirigera l’Orchestre Philharmonique de Marseille en juillet à deux reprises au Festival Bad-Kissingen (Allemagne), cinq ou six fois en Chine dont un concert exceptionnel sans doute retransmis en direct de la place Tian’anmen et, pour finir, aux Chorégies d’Orange (4 août).

Lawrence Foster © Marc Ginot



Quelques lumières

dans l’enfer politique

Comme chaque année depuis 19 éditions, le Festival de Marseille vient ouvrir la saison estivale…

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…en nous abreuvant de création contemporaine venue du monde entier. Danse, mais aussi théâtre et musique, feront briller nos premières nuits d’été. Avec cette année un peu moins de représentations qu’en 2013, qui fut une édition exceptionnelle, mais de très belles surprises à ne pas manquer… autour d’une thématique qui n’a pas présidé à la programmation mais s’est dégagée peu à peu, comme une évidence : «la résistance des lucioles». En effet, pour l’essentiel, le 19e Festival de Marseille accueille des artistes résistants dans des pays en crise : William Kentridge reprend Ubu and the truth commission, spectacle grandiose de marionnettes à main, qui met en scène la pièce de Jarry en revisitant la liquidation de l’Apartheid, reposant l’universelle question du pardon, de l’oubli, et du cynisme des dictatures. Autour de ce spectacle phare le collectif Carretel venu de Bogota, Kyle Abraham qui confirme la force revendicatrice de la

Kyle Abraham-Abraham.In.Motion, Pavement © Steven Schreiber

danse noire américaine, les Ballets C de la B qui s’associent avec le collectif palestinien Qattan Foundation, Robyn Orlin qui traque la beauté Sud-Africaine, Saburo Teshigawara et ses lents miroirs intérieurs… Il y aura aussi le splendide flamenco de Rocio Molina, l’iconoclaste crucifixion de Tino Fernandez, la puissance de la danse Israélienne incarnée par la Vertigo Dance Company. Et parce que le Festival de Marseille sait conjuguer créations mondiales et compagnies de la Région, la formation Coline qui danse Emanuel Gat, Nathalie Negro qui reprend ses 80 millions de vues, et le Ballet National de Marseille, pour deux créations de Richard Siegal et Yasuyuki Endo. Sans oublier la programmation cinéma

concoctée par Marseille Objectif Danse autour de Robyn Orlin, celle proposée par l’Alhambra autour de William Kentridge, trois films à l’Alcazar, la compagnie Eric Languet qui fait danser le handicap, des conférences, des répétitions publiques, des ateliers de pratique… Cela commence le 19 juin, mais il est temps de réserver ! De nombreux dispositifs permettent à tous d’accéder à prix abordables à ces représentations exceptionnelles ! AGNÈS FRESCHEL

Festival de Marseille du 19 juin au 12 juillet 04 91 99 02 50 www.festivaldemarseille.com

Les bourgeons de la science L’ouverture du Printemps des chercheurs, manifestation destinée à promouvoir la recherche scientifique auprès du grand public, aura lieu le 22 mai à la bibliothèque de l’Alcazar. Au programme de la table ronde inaugurale, plusieurs approches du visage : on découvrira comment la génétique détermine son apparence avec Francesca Rochais (INSERM), quelles compétences étonnantes le cerveau déploie pour le reconnaître en une fraction de seconde (Christine Deruelle, CNRS), à quoi ressemblait celui de nos ancêtres (Julien Corny, AMU), tandis que Muriel Garsson, commissaire de l’exposition Visages... au commencement du Musée d’Archéologie de Marseille évoquera les notions de beauté et laideur dans l’Antiquité. Pour cette 8e édition du Printemps, seront mis en avant les travaux qui font l’objet d’une création d’entreprise, et une sélection de découvertes récentes intervenues en Région PACA. Notamment la conception d’un vitrage

Planètes extrasolaires © NASA-ESO-L. Calacada

photovoltaïque de grande dimension destiné au bâtiment, et la mise au point d’un système de tri incitatif basé sur la récompense des usagers. L’idée sous-jacente étant de démontrer que la recherche fondamentale peut déboucher sur des projets concrets et utiles à la société. Rendez-vous est pris le 23 mai pour le traditionnel Souk des sciences, sur le cours Belsunce. Ouvert à tous, axé sur la thématique «Mille facettes» à l’occasion de l’Année

Internationale de la Cristallographie, il réunira une douzaine de stands proposés par des laboratoires de recherche en biologie, chimie, sciences humaines, physique ou neurosciences. On y apprendra à jouer avec l’infiniment petit, voyager dans l’invisible, mettre la matière en lumière, faire face aux illusions ou comprendre la différence des genres... L’objectif étant de stimuler la curiosité intellectuelle et pratique des participants, et pourquoi

pas d’éveiller des vocations en expliquant ce qui fait le quotidien des chercheurs. Des visites sont prévues pour les scolaires sur le Souk, et par ailleurs collégiens et lycéens ont un programme spécifique : du 19 au 23 mai, plusieurs laboratoires interviendront en classe pour leur présenter leurs métiers et leurs découvertes. Clôture de la manifestation le 24 mai sur un «speed-dating scientifique» à la BMVR : ce procédé ayant fait ses preuves consiste à rencontrer un spécialiste en un temps très court (7 minutes), pendant lequel il doit répondre à la question «que cherchez-vous ?». On pourrait y ajouter le pertinent : «et pourquoi ?» GAËLLE CLOAREC

Le printemps des chercheurs du 19 au 24 mai Marseille 04 91 82 81 45 / 06 19 36 88 85 www.printempsdeschercheurs.fr


haut-alpin, ou bien un caneton en plastique, fugueur de salle de bain, égaré dans une mare ? Le suspens est à son comble. Retour sur le bitume avec Sébastien Barrier, alias Ronan Tablantec, un bonimenteur de légende dans sa dernière création, Savoir enfin qui nous buvons. Avec également Skryf, le «scripteur de sable» qui, juché sur un engin à roues, laisse des mots dans

La ville, lieu d’expérimentations Pour la 2e édition de Chaud dehors, Lieux publics, centre national de création, et la ville d’Aubagne proposent une programmation éclectique pluridisciplinaire entièrement dédiée aux artistes de la scène artistique régionale. Durant 3 jours (du 30 mai au 1er juin), la ville se transforme en scène ouverte, l’occasion de (re)découvrir autrement l’espace public ! Beaucoup de créations sont au rendez-vous de la manifestation, à commencer par celle de la Cie KaRNaVIrES, Tumulte, qui mêle chorégraphies, marionnettes, feux et pyrotechnies pour raconter la tradition mexicaine du «castillos de fuego» ; la 1re a lieu le 30 mai à 22h (départ Cours Foch). Autres premières : la R(ev)ue de presse de Monik LéZart, qui passe l’actualité à la moulinette de l’absurde, entre cadavre exquis et cinéma muet (le 31 mai à 16h et 19h place Joseph Rau, le 1er juin à 16h et 20h place de l’Huveaune) ; les

son sillage, prêts à être effacés sitôt lus, emportés par le vent. On empruntera également le Passage désemboîté de la compagnie Les Apostrophés : cinq jongleurs emmenés par Martin Schwietzke déambuleront Place aux herbes, pour une appropriation fantasque de l’espace public. Le parvis du Conseil Général des Hautes-Alpes accueillera quant à lui un acrobate hissé sur un mat de 9 mètres de

La Folie Kilomètre - création Rivages © La Folie Kilomètre

Chic, le festival des arts de rue organisé par le Théâtre de la Passerelle à Gap est de retour pour une deuxième édition ! Tous dehors (enfin !) promet d’aussi belles découvertes que l’an passé, et plus encore puisque la formule a fait ses preuves et que la manifestation a pris de l’ampleur. Point d’orgue avec la compagnie Carabosse -qui mettait le Vieux-Port de Marseille «entre flammes et flots» au printemps dernier- pour illuminer le parc de la Pépinière les 30 et 31 mai, du coucher de soleil à minuit. Atmosphère onirique assurée, entre rivières de braises et arbres flamboyants... Autre proposition bucolique ces deux mêmes jours, une balade préparée par le collectif Tricyclique Dol, dans le cadre des Curieux de nature, créations artistiques en extérieur. On pistera les anomalies qu’ils auront semées sur le Domaine de Charance, «à l’affût de l’irréalité, cherchant à démêler le naturel de l’artificiel» : un buisson qui s’anime soudain, le barrissement d’un éléphant

Rictus © Sileks

Allez, tout le monde dehors !

Carnets de bal du Collectif Cocotte Minute, folle soirée qui mêle installations vivantes, la projection du film Le Bal d’Ettore Scola et un bal (les 31 mai et 1er juin à 21h30 à l’école Satis) ; le 2e épisode du Grand Ordinaire de la Cie de l’ambre, L’Homme du dehors, qui fait suite à l’histoire de La Vieille : cet homme est son fils, il se raconte après des années de prison, interroge cet état fébrile de l’être à ces moments où tout bascule jusqu’à l’innommable (le 31 mai à 17h et le 1er juin à 16h et 19h, départ place de l’Église). Il ne faudra pas non plus manquer la 1re étape de Rivages (la création est prévue pour 2015) de La Folie Kilomètre : ces artistes issus du spectacle vivant et des arts plastiques invitent à regarder le paysage en travelling dans une voiture dont les fenêtres deviennent le cadrage du spectacle… (le 31 mai et le 1er juin à 21h30 et 23h, départ place Charles De

haut, Julot, tandis que la place Jules Ferry servira de point de ralliement à Rictus de l’inénarrable Christophe «Garniouze» Lafargue. Suivre ce dernier, tirant une armoire métallique au hasard des rues, livrant sa décapante version des Soliloques du Pauvre de Jehan Rictus (recueil d’inspiration anarchiste paru en 1897), est une expérience inoubliable. Enfin, on avouera un petit frisson à l’idée de retrouver Yoann Bourgeois, qui avait offert l’an dernier un sommet d’émotion à ceux qui étaient allés le voir au Col de Gleize, avec son spectacle Cavale. Il nous revient là dans deux petites pièces toujours à l’intersection de la danse et du cirque : Fugue/Balles, et La Balance de Lévité, qui se joueront les 31 mai et 1er juin au Domaine de Charance. GAËLLE CLOAREC Tous dehors (enfin !) du 30 mai au 1er juin La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.eu

Gaulle), ni l’immersion dans la gare d’Aubagne transformée en plateforme pour voyage immobile dans le temps par Pierre Sauvageot (Igor hagard, le 31 mai et le 1er juin à 17h, 18h et 19h). Ne passez pas non plus à côté de la Cie 1 Watt et de leur formidable parcours burlesque et philosophique Be Claude (le 31 mai à 16h et le 1er juin à 17h, départ Cours Foch), ou de la déambulation du trio tragi-comique de No Tunes International, Je vais lui en mettre du Johnny Rotten (le 31 mai à 20h et le 1er juin à 18h, départ allée des Verriers). Enfin, spécialement pour l’occasion, une cinquantaine de musiciens de plusieurs conservatoires de la région s’associent pour créer un grand ensemble de trombones, autour d’un répertoire allant du baroque aux musiques actuelles, au jazz… (le 31 mai à 18h30, Cours Foch). Do.M.

Chaud Dehors du 30 mai au 1er juin Aubagne Lieux publics 04 91 03 81 28 www.lieuxpublics.com www.aubagne.fr

11 PÉ O V LÉ I N ET I M Q E U N ET S C U L T U R E L L E


Mare nostrum : penser et panser

12 M U C E M V I L L A M É D I T E R R A N É E

Printemps marocain au MuCEM Traverser les frontières, faire «monde commun», un objectif que le MuCEM a pris comme devise. Le musée traverse la Méditerranée pour nous faire connaître le Maroc dans toutes ses mutations.

Paroles, intellectuels et artistes dans la cité

Dans le cycle d’exposition Paroles dans la cité, du 22 au 31 mai, un temps fort est consacré à la littérature marocaine méconnue car rarement traduite. Un manque qu’Omar Berrada, écrivain et traducteur, se propose de combler par des rencontres et projections. 25 comédiens prendront à bras le corps des textes littéraires, poétiques, traditionnels et contemporains, en français et en arabe (le 23). En soirée, le corps dansera la volonté de briser les codes sociaux avec Rev’illusion de Taoufiq Izeddiou. Lubna Azabal et Faouzi Bensaïdi liront un choix de nouvelles, art emblématique de la littérature marocaine (les 24 et 25). Le cycle Des intellectuels dans la cité, placé sous le signe de la réflexion des mutations sociétales depuis le 20 février 2011, laissera la parole aux journalistes, écrivains, philosophes ou anthropologues qui font la vie intellectuelle marocaine (le 24 mai). La conférence de Kenza Sefrioui évoquera la revue Souffles, interdite en 1973, qui a marqué le Maghreb par ses questionnements sur l’actualité. Trois intellectuels débattront de l’ouvrage Le métier d’intellectuel, animé par les questions sociales et politiques du pays. Rencontre avec Ali Essafi, réalisateur de documentaire, et avec le philosophe Ali Benmakhlouf pour une réflexion sur le langage. Le 25 mai, réflexion prolongée sur la place des femmes, vue par des femmes, et sur L’Orestie d’Eschyle, passerelle entre la Grèce antique, le Maroc contemporain et les origines de la démocratie. En clôture, soirée musicale avec Aziz Sahmaoui et University of Gnawa qui font résonner musiques traditionnelles et rythmes jazzy (le 30).

Œuvres contemporaines et classiques poseront la question de la place des Artistes dans la cité, entre retrait et engagement, avec l’association La source du lion, Hassan Darsi et Florence Renault-Darsi (le 31). Le 1er juin, le MuCEM déclinera le Moussem : un après-midi de fête aux parfums de menthe et aux saveurs sucrées.

Rencontres et débats

Emmanuel Laurentin animera l’émission La fabrique de l’histoire sur France Culture. Dans le Temps des archives, il décortiquera avec Alain Bublex (artiste) et Mathieu Flonneau (historien), le destin de la Fiat 500 (le 26 mai). Tzvetan Todorov poursuit ses conférences civilisation et barbarie en invitant Achille Mbembe, historien et politologue, pour penser une histoire globale de notre monde (le 5 juin) ; et bouclera le cycle en mettant en évidence Les ennemis intimes de la démocratie, son dernier ouvrage (le 6). Le 6 juin, le MuCEM soufflera sa première bougie. Une soirée éclectique en libre accès du J4 au Fort Saint-Jean, rythmée par La Ultima, puis trois pièces acoustiques de eRIKM dont L’aire de la Moure et Canopée aux accidents inspirées par Marseille et sa région. Dans I’m a Love result, Arnaud Saury invitera à se perdre dans les méandres du lien amoureux à travers des textes de patients d’un hôpital psychiatrique. Guitare et violon accompagneront Jean-Marc Montéra et Fanny Paccoud pour 13 Impro inspirées par treize peintures d’artistes marseillais. Pour finir, un inclassable du genre : Nicolas Cante et son Mekanik Kantatik. Des expositions et spectacles à ciel ouvert qui annoncent déjà Les intensités de l’été avec toujours des rencontres, des débats, de la musique et des projections. HÉLÈNE DOS SANTOS

MuCEM, Marseille 04 84 35 13 13 www.mucem.org

Du 21 mai au 17 juin, la Villa Méditerranée plonge dans les profondeurs des océans et dans notre conscience. Une programmation associée au parcours Sous la mer, un monde d’Alain Bergala, un hymne à la découverte des richesses sous-marines.

Ressources

Pour prolonger les interrogations, le cycle Ressources invite, du 21 au 27 mai, à un tête-à-tête avec le grand bleu. Le 22 mai, lors de la Journée internationale de la biodiversité, l’accent sera mis sur la protection des espaces insulaires. Une conférence qui réunit le conservatoire du littoral et l’initiative petites îles de la Méditerranée (PIM), programme pour la promotion et l’assistance à la gestion des petites îles de la Méditerranée. En soirée, musique avec Bernard Abeille et sa contrebasse dont le chant évoque celui des baleines, immergé dans les beautés sous-marines de Christian Pétron. Du 21 au 23 mai, théâtre pour petits et grands avec Una tazza di mare in tempesta de Roberto Abiatti qui manipule les objets ordinaires et nous plonge dans l’univers de Moby Dick. Le 24 mai, table ronde avec Nausicaa, le centre national de la mer, qui pose les principaux enjeux d’une gestion durable et concertée des ressources méditerranéennes.

Trésors et menaces

Une large place est consacrée aux trésors de la biodiversité, aux dangers qui la menacent et aux solutions à trouver. Dans Circonférence du poulpe, Pierre Alferi improvise autour de l’animal mythique qui autorise les créations et les projections les plus fantastiques, (le 12 juin). Le 14 juin, Fabrice Bernard, délégué Europe et International du conservatoire du littoral, présentera le programme de protection des espèces menacées dans Petites îles de Méditerranée, des trésors de biodiversité. Un état des lieux du milieu sous-marin face au réchauffement climatique et à la pollution, pour un développement nécessairement durable et responsable, en partenariat avec le festival mondial de l’image sous-marine. H.D.S

Villa Méditerranée, Marseille 04 95 09 42 52 www.villa-mediterranee.org



Rencontrer l’autre M T U H CÉ Â E T M R E V I L L A M É D I T E R R A N É E

Le cycle Le temps des archives, élaboré en partenariat avec l’INA, repose sur la confrontation de paroles d’historiens et de témoins avec des images d’archives télévisuelles. Ainsi Marie Claude Souaid et Jihane Sfeir se sont confrontées au traitement médiatique français de la guerre du Liban, de ses prémisses, de la montée des phalanges chrétiennes, de l’occupation Israélienne, puis des massacres et de leurs traces. Émouvante, bouleversante même, cette rencontre a aussi permis de mieux comprendre les alliances objectives entre Chrétiens Libanais et Juifs d’Israël, le retournement de la Syrie contre les Palestiniens… mais aussi de constater comment l’information se fabrique, subjectivement, parce que les Chrétiens parlent Français et pas les Musulmans… La prochaine rencontre, qui conclura le cycle, sera plus ludique, s’attachant aux archives de la Fiat 500, le 25 mai à 19h. Le cycle Civilisation et Barbarie repose sur un concept à l’œuvre, qui permet de faire le tour du monde en traversant les sciences humaines, à mi-chemin de l’histoire, de la politique, de la philosophie. Le concept de barbarie, et son revers de civilisation, est en effet commun à toutes les… civilisations, même s’il ne recouvre pas tout à fait les mêmes notions. Brillamment introduite par Tzvetan Todorov, la rencontre avec Anne Cheng s’attachait, le 17 avril, à la vision chinoise de l’altérité, que l’Européen ne peut comprendre sans abandonner l’idée que la Chine est, justement, sa propre altérité. Anne Cheng a fait entrer son auditoire dans la pensée chinoise, et précisé la notion de barbarie de ce pays qui s’est si longtemps pensé monde, et seule civilisation. Et montré comment Confucius a un héritage contradictoire, garant de valeurs traditionnelles oppressantes, ou au contraire d’une Raison qui permet la liberté. Sanjay Subrahmanyam nous fit voyager vers l’Inde avec le même sens des nuances, et en centrant son propos sur l’opposition historique entre Hindous et Musulmans. Tout en expliquant que, dans la société de castes, l’étranger était aussi l’Intouchable, le hors-caste en

Massimo Carlotto sut élargir la notion de Polar Marseillais, montrant comment Izzo a fait naître un courant dans toutes les villes qui ressemblent à cette cité. Ce polar, né en 1995 autour de la trilogie de Fabio Montale, construit des histoires policières qui sont «des excuses pour décrire la réalité sociale». Car selon lui «les caractéristiques criminelles des villes méditerranéennes sont similaires : la relation entre le milieu criminel, la police et la justice y est particulière, tout comme le lien entre la politique, la finance et le milieu entrepreneurial». Cédric Fabre ajouta au tableau cet amour-haine si particulier pour le territoire, et Carrese de conclure en disant que cette période du polar était achevée, qu’il fallait que d’autres générations (et des femmes !!) viennent un peu renouveler ces formes romanesques. D’ailleurs son dernier roman n’est pas du tout un polar ! Celui de Massimo Carlotto, parfois complaisant dans la description de la violence, s’appuie aussi sur des clichés médiatiques, malgré la juste analyse des changements des jeunes mafieux, beaucoup plus cultivés, et intégrés, que leurs pères… AGNÈS FRESCHEL

www.mucem.org Vous pouvez retrouver des entretiens avec Sanjay Subrahmanyam, Anne Cheng, Cédric Fabre… sur notre webradio www.journalzibeline.fr

Changement de propriétaire

Jouet chat, 1ère moitié XXème © MuCEM - Yves Inchierman

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général : l’addition des minorités construit en Inde un visage du Barbare extrêmement présent, toujours péjoratif, et multiforme. Pour autant il s’attacha, sans nier les violences, à les relativiser, et à parler aussi des syncrétismes… Exposé que Todorov compléta de quelques remarques pour généraliser son propos : «Ainsi la violence ne serait pas un incident lorsque deux groupes se rencontrent, mais la règle…» et posa une question qui vaut pour tous les modèles d’intégration : «L’absence de volonté de conversion d’un peuple, colonisé ou immigrant, relève-t-elle de la tolérance, ou du mépris ?» Car vouloir intégrer l’autre c’est déjà le considérer, mais non pour ce qu’il est… Ce cycle passionnant se poursuivra le 5 juin avec la conférence d’Achille Mbembe sur la post-colonie en Afrique, et se conclura, lors de l’anniversaire du MuCEM le 6 juin, par la conférence générale de Todorov sur La Peur des Barbares. Un autre cycle, littéraire, s’est achevé le 12 mai : Au comptoir de l’ailleurs était consacré au Polar Marseillais, et Méditerranéen, avec Cédric Fabre qui publie une anthologie Marseille Noir (voir p 58), Philippe Carrese (Le Virtuose Ostinato, Ed. de l’Aube), et Massimo Carlotto, auteur du Souffle court (Métailié). La rencontre fut passionnante, parce que Carrese sait raconter des anecdotes, parce que Cédric Fabre a un regard clair sur Marseille et sa littérature, parce que

Au MuCEM les débats ont trouvé leur rythme de croisière, leur public et leurs formes

L’architecte Patrick Bouchain raconte en un tableau l’histoire de l’ourson Michka, en s’emparant de 50 objets des réserves qu’il met en scène devant un fond déclinant la narration sur de beaux gris, et des cartels qui se déploient comme un livre… Parfait pour réhabiliter les objets d’enfance, et la lecture ! Retrouvez l’entretien avec Patrick Bouchain sur notre webradio Jusqu’en avril 2015 Centre de Conservation et de Ressources (La Friche) 04 84 35 13 13 www.mucem.org


Questions d’énergie Nejib Osman - nouveau président de MEDENER © Gaelle Cloarec

MEDENER, l’Association Méditerranéenne des Agences Nationales de Maîtrise de l’Énergie, a été créée en 1997. Elle rassemble 12 organisations des deux rives de la Méditerranée : l’ADEME en France, et des structures équivalentes au Portugal, Maroc, Liban, ainsi qu’en Espagne, Grèce, Italie, Tunisie, Algérie, Syrie, Jordanie. L’Autorité Palestinienne est également représentée, et la Turquie et l’Égypte devraient prochainement intégrer le réseau. Le 24 avril, elle réunissait ses partenaires à la Villa Méditerranée, pour sa 2e conférence internationale. La 1re avait eu lieu à Tunis en septembre 2013, et portait sur les enjeux et perspectives de la transition énergétique ; celle-ci se voulait plus spécifiquement axée sur la «concertation entre acteurs, pour une meilleure synergie de projets». Il est à noter que cette réunion a également permis le passage de flambeau entre l’ADEME, qui assurait la présidence de MEDENER sur la période 2012-2014, et l’ANME tunisienne, qui la remplace pour les deux prochaines années sur délibération du Conseil d’Administration. Lors de son discours d’introduction, le président de la Région PACA Michel Vauzelle expliquait que dans notre pays

la compétence climat-énergie devrait être transférée aux Régions, dans le cadre de la future loi de décentralisation, et qu’en juillet 2014 naîtra une nouvelle structure destinée à accompagner les efforts des secteurs public et privé en matière de transition énergétique. Son but étant «d’assurer aux projets un développement massif, en évitant une démarche trop technocratique». Bruno Lechevin, président de l’ADEME, précisait que la population méditerranéenne dans son ensemble connaîtra, selon les prévisions, une hausse de 45% d’ici à 2030. Pour faire face à l’augmentation de consommation énergétique qui en découlera, «un changement de paradigme est nécessaire». Les solutions préconisées par son successeur à la tête de MEDENER, le tunisien Nejib Osman, consistent à réduire la demande au nord de la Méditerranée, et son taux de croissance au sud. D’où le rôle crucial des agences de maîtrise de l’énergie, qui doivent impliquer tous les acteurs : institutions publiques, financières, société civile (en intéressant les couches sociales défavorisées), opérateurs énergétiques et consommateurs. Pour Gauri Singh, directrice du soutien aux pays et partenariats de l’IRENA, il faut principalement augmenter le «knowledge level» (niveau de savoir) de la population, de façon à ce que chaque région puisse adapter les bonnes pratiques énergétiques à son contexte. De bien beaux projets, pour JeanClaude Tourret, directeur de l’AVITEM, qui estime cependant que l’on est encore loin d’être à la hauteur du problème : «on peut produire beaucoup d’énergie renouvelable et la gaspiller». Certes, nombreux sont les pays qui n’ont pas encore de réglementation thermique... or pour penser en terme d’efficacité, «il faut commencer par le début». GAËLLE CLOAREC

La 2e conférence internationale de MEDENER a eu lieu le 24 avril à la Villa Méditerranée, Marseille


16 T H É Â T R E

Eva Doumbia a le chic pour transformer la cérémonie théâtrale. La Criée, réduite à sa petite salle et à un bout de son hall pour cause de travaux, a su grâce à elle garder sa chaleur, et la teinter de l’odeur des Caraïbes, et de l’Afrique. Sur scène, un marathon, quatre pièces en trois actes et cinq heures, en comptant les deux entractes où l’on mange des plats très épicés qui enflamment la bouche. Les quatre pièces emmènent vers des horizons et des périodes très divers, mais peuplés, chacun, de magnifiques femmes noires. Chaque partie repose sur une mise en scène différente, mais toutes sont traversées de chants, polyphoniques, ancestraux ou contemporains, soutenus par des instruments traditionnels ou électriques. Cette unité souligne la cohérence du propos, sur ces femmes noires de partout et toujours. La mise en œuvre des parties est inégale, parce que les textes le sont : l’autobiographie de Maryse Condé qui ouvre le spectacle est un rapport d’expérience passionnant, par sa franchise, son intimité, et sa portée historique ; mais Ségou, sa première œuvre, est plus confuse : cette Afrique d’avant la Traite et l’Islam se garde d’être mythique, et permet une

belle mise en image, en chair et en chants, mais la théâtralisation des extraits n’est pas évidente à suivre… La Couleur de l’Aube de Yanick Lahens fait en revanche entendre une langue poétique qui plonge le spectateur au cœur des douleurs d’Haïti. De son quotidien de misère et de peur, de violence, de mort. Les deux monologues intérieurs des deux sœurs du disparu se croisent, s’illustrent, construisant inexorablement la tragédie, portée jusqu’au bout par de formidables comédiennes. La dernière partie clôt la Traversée au présent, en France, dans une Grande Chambre où un couple, lui venu d’Afrique de l’Ouest, elle fille d’Antillais, est hanté par les fantômes de la traite négrière. Ceux qui sont passés là, par le Havre, reclus, esclaves. Le texte de Fabienne Kanor révèle une série de plaies ouvertes, de cris inentendus, un passif conjugué au présent d’une mémoire niée. Et même si la jeune comédienne semble encore trop frêle pour porter cette parole, même si la mise en scène des fantômes, parfois grandguignolesque, gagnerait à plus de subtilité, la représentation frappe par son actualité, et par

© Agnès Mellon

Donnons un corps aux disparues

tous les silences qu’elle fait crier. Une fois encore, Eva Doumbia a su traquer et représenter la longue histoire des Noirs d’Europe, qu’il faudra bien continuer d’écrire… AGNÈS FRESCHEL

Noir drapeau © Frédéric Stephan

Adamantine, la fidélité du rendez-vous annuel de la Nuit de l’Anarchie du Toursky : la foule se retrouve, feuillette les derniers numéros de la Revue des Archers, découvre le n° 47 de la revue de Luc Vidal, Chiendents, consacrée à Richard Martin ou les visages de la solitude. On y découvre un autre talent de l’artiste, ses portraits. Sûreté du trait, jusque dans les esquisses, sens de la couleur. Il y a quelque chose de Cocteau dans l’Homme en bleu, une fausse naïveté avec des traits qui brouillonnent et accordent une énigmatique profondeur aux personnages. Cette édition a le bonheur d’entendre Richard Martin sur les textes de Léo Ferré. Classique direz-vous, certes, mais combien n’ont pas été bouleversés par l’interprétation du comédien ! C’est un bonheur renouvelé que de le voir sur scène, tout de noir vêtu -couleur du thème-, dans La Méthode de Ferré, accompagné par le

La Traversée aux Disparus a été joué à la Criée, Marseille, du 5 au 7 mai

très beau contre-chant de Leda Atomica qui enchâsse dans cette composition des échos mozartiens, des élans à la Klaus Nomi, le parfum du Nino Rota de Fellini. La voix de Richard Martin se glisse dans le torrent des mots, les empoigne, leur rend leur puissance, leur passion, nous happe dans ce fleuve large qui charrie les pépites d’or pur d’une intense poésie. Les Artistes, les Anarchistes, Allende, Thank you Satan, Ils ont voté… rythme dense, vivant, qui redessine le monde, l’engueule, le hue, l’aime. Si l’on exclut la vision très réactionnaire de la femme, la poésie de Ferré, magnifiquement servie, conserve sa portée avant-gardiste. MARYVONNE COLOMBANI

La Nuit de l’Anarchie a eu lieu le 16 mai au Toursky, Marseille


Le talent n’a pas d’âge ! Moins d’un an après la Biennale Mediterranea 16 à Ancône1, Clara Chabalier, Sandra Français et Isaya ont offert un retour éclatant de professionnalisme et de maturité. Toutes repoussent les limites de leur champ artistique en revitalisant leurs propositions : Clara Chabalier explore les sombres contrées narratives du texte de Sarah Kane, Blasted [Anéantis], aussi aiguisé qu’une lame de couteau ; Sandra Français conjugue jusqu’à l’extrême son écriture chorégraphique avec les neurosciences ; Isaya tente une nouvelle aventure musicale en renouvelant son répertoire. Bref, chacune redessine son chemin sans jamais rester confinée dans ce qui fait -déjà- sa notoriété ! Isaya a invité le contrebassiste Emmanuel Reymond de Poum Tchack à rejoindre leur duo, scellé comme peuvent l’être deux jumelles, et prend avec lui un virage mélodique plus électro et moins exclusivement country-folk… qui donne un trio percutant ! Toujours casqués, Sandra Français et le danseur Félix Heaulme évoluent désormais sur la musique et les compositions MAO de Mathieu Maurice. Une rencontre décisive pour leur projet expérimental Alpha qui ne cesse d’évoluer et de gagner en profondeur : à chaque étape, la compagnie surprend par son déterminisme et sa volonté d’explorer l’art cognitif dans les territoires de la danse, de la vidéo et de la musique. Le tout en simultané. Quant à Clara Chabalier, elle avait déjà stupéfait le public d’Ancône par sa présence, sa force et sa maîtrise des arts de la scène ; cette fois encore, mais sans être sous les sunlights, elle s’entoure de trois talentueux acteurs (Jessica Dalle, Samir El Karoui, Éric Houzelot) pour faire entendre le texte de Sarah Kane au plus juste, glissant sa «patte» entre les silences, les répétitions, par de subtils décalages entre le temps du texte et le temps du corps. Le montage sonore de Julien Fezans jouant une carte maîtresse dans ce dispositif de lecture mise en espace ficelé de main de maître. Chapeau ! M.G.-G.

La Biennale des jeunes créateurs d’Europe et de Méditerranée s’est déroulée du 6 juin au 7 juillet 2013 en Italie, la sélection française étant représentée par Espaceculture_Marseille (Zib’64) 1

Le retour de Biennale Mediterranea 16 a eu lieu du 19 mars au 3 mai à Marseille Isaya © EspacecultureMarseille


Amateurs en lumière © X-D.R

18 T H É Â T R E

Une âme en sécession

«La grande confusion avait commencé avant ma naissance, elle alla empirant.» Véronique Widock adapte le Voyage à travers la folie, journal de Mary Barnes, infirmière dont la schizophrénie fut traitée par l’avant-garde de l’antipsychiatrie anglaise dans les années 60. En un monologue incandescent, elle restitue l’essence de son existence, depuis l’enfance jusqu’à sa célébration en tant qu’artiste peintre, à travers tous les excès de la maladie. D’un souffle haché, elle dévoile l’atmosphère d’une famille qui n’est «qu’une seule vague de colère», et les méthodes des praticiens Ronald Laing et Joseph Berke qui l’ont reçue et accompagnée à Kingsley Hall, leur unité expérimentale. La représentation du 24 avril débouchait sur une rencontre avec la comédienne, les psychanalystes Roland Gori et Hélène Coulouvrat, et une psychiatre de l’hôpital Valvert, Frédérique Lagier. Occasion pour le public de comprendre

à quel point la médecine actuelle recourt de plus en plus à la médicalisation, là où certaines initiatives d’une époque moins bureaucratique donnaient au patient «la possibilité de se morceler et se réunifier sans camisole chimique». Sans vouloir opposer psychanalyse et psychiatrie, médicaments et psychothérapie -il avoue sur ces questions une position «Ponce Pilatique», à savoir qu’il s’en lave les mains-, Roland Gori soulignait pour conclure que le problème est celui d’institutions qui empêchent le lien, éloignant ainsi de la sphère du soin ce qui est le plus humain en chacun, et permet d’affronter «l’extrême vulnérabilité d’être au monde». GAËLLE CLOAREC

Peter, Ronnie, Joe... and Mary, joué du 22 au 26 avril, faisait partie du temps fort autour du monologue contemporain Voyages en solitaire(s) au Théâtre de Lenche, Marseille

Après un démarrage festif (voir Zib’73), le 16e Festival de Théâtre amateur a continué avec un point fort. Rémi de Vos a lu des extraits de Licenciements, pièce qu’il est en train d’écrire sur les problèmes des droits du travail, puis évoqué avec naturel et humour les petits métiers qui ont précédé son obtention de la Bourse Beaumarchais pour Débrayage en 1993. Il précise sa façon de travailler, souvent sur commande, avec des cahiers des charges précis. En fait il écrit très vite, tout «sort d’un coup». Intrépide, il accepte des ateliers d’écriture et des résidences à l’étranger, même quand il ne parle pas la langue du pays : il est parti au Paraguay sans savoir un mot d’espagnol. Son écriture incisive séduit dans les pays qui se cherchent encore, qui ont des vécus politiques difficiles. Alpenstock fait partie des pièces qui sont beaucoup jouées à l’étranger. Jeune trio intrépide talentueux, le Théâtre l’emporte-pièce en a proposé une version à la fois poétique et caustique. Le thème classique du trio amoureux est ici revisité sur fond de machisme et d’ostracisme. La jeune ménagère Grete astique son intérieur avec frénésie pour assurer la propreté nécessaire à la quiétude de son époux qui aime l’ordre et la rigueur. Mais son achat d’un détergent au marché cosmopolite déclenche une série de bouleversements : visites répétées d’un «balkano-carpatho-transylvanien» qui lui redonne des émois sexuels, meurtres et résurrections. L’enthousiasme frénétique de De Vos, qui met en pièces et en vrac image du couple, racisme et conservatisme, est servi par les trois interprètes qui ont déjà gagné beaucoup de prix avec cette réalisation. CHRIS BOURGUE

«Ceux qu’effraient une conférence sérieuse, scientifique, n’ont qu’à ne pas écouter et sortir.» Contraint par sa femme à donner une conférence sur les méfaits du tabac dans un cercle de province, Nioukhine, tyrannisé par son épouse depuis trente-trois ans, s’éloigne vite de son sujet et profite de ce bref instant de liberté pour partager sa triste existence et confier ses espoirs déçus. La Cie Les Rubens met en scène Les méfaits du tabac comme une confession coupable. Le texte d’Anton Tchekhov transparaît comme une fable sur un homme qui a perdu tous ses espoirs à cause d’une femme castratrice, mais qui a malgré tout un peu de bonheur grâce à ses filles pleines de vie. Cette petite pièce en un acte rassemble brièvement mais subtilement les thèmes de l’auteur russe : la vie ratée, le savoir inutile, les illusions perdues… Sous le quotidien banal transparaissent les maux d’une société et la souffrance du personnage, retenue derrière des rires nerveux. Sans doute pour éviter qu’il ne pleure ? Entre comédie et

drame, le metteur en scène Stéphane Torres situe le cadre dans un petit espace éclairé de sorte à ce que le quatrième mur ne soit pas réellement existant, et le comédien Jean-François Regazzi livre une performance brillante. ALICE LAY

Les Méfaits du tabac a été joué à l’annexe du Lenche, Marseille, du 11 avril au 10 mai

© X-D.R

Le tabac révèle

Alpenstock s’est joué à la Criée, Marseille, le 19 avril

À venir : au MuCEM le 23 mai Paroles du Maroc, lecture d’auteurs marocains mises en espace par F. Fuzibet, A. Perrot et M. Vinçon ; au Théâtre l’R de la mer le 24 mai Le berceau d’Hadjria Amara avec la Cie Comédrama d’Oujda ; au Parvis des Arts le 30 mai Kroum, l’ectoplasme d’Hanokh Levin par la Troupe du songe d’Aubagne ; à la Friche le 30 mai Bar du Zénith de Michel Volpes par le Théâtre du Corail de Marseille ; au Théâtre du Lacydon D’un retournement l’autre de Frédéric Lordon par la Cie de la Grimace d’Aix ; au Théâtre Off-4e mur le 6 juin Les Anciens d’Olivier Coyette par le Topel Théâtre de Rennes ; au Lenche le 6 juin Le dernier vol de Cyrano de Michel Morette par le Théâtre du Donjon de Cholet, le 7 juin Comme en 14 de Dany Laurent par la Cie du Théâtre Pouffe de Sauveterre. Festival de Théâtre amateur FNCTA/CD13 04 91 61 15 37 www.cd13.fnctasudest.fr


Moustaches et poésie

forte capacité d’autodérision. On apprécie particulièrement leur hommage posthume à Georges Brassens, membre d’honneur du club, grand précurseur du slam devant l’éternel, c’est bien connu, et surtout artiste doté d’une moustache ad hoc. Attention à ne pas confondre ce spectacle avec leur proposition jeune public, qui porte presque le même nom : Le Petiloquent Moustache Poésie Club. Car la version pour adultes parle de sexe en termes très crus... et en parle beaucoup. GAËLLE CLOAREC

© Julie Chaize

Pour faire partie du Grandiloquent Moustache Poésie Club, il faut juste une moustache. Ses trois membres craignent les imberbes comme la peste, persuadés que cette engeance va leur prendre leur travail, leurs allocations, occupée qu’elle est à sucer le sang de la patrie (ils l’ont lu dans Tintin au pays des imberbes). Le prérequis poétique de ce club très sélectif est moins rédhibitoire... Comme Julien Pauriol alias Ed Wood, Astien Bosche et Mathurin Meslay le soulignent, leur prière à la muse de l’éloquence Calliope se résume à peu de choses : «Pardonne-nous nos assonances comme nous pardonnons à ceux qui nous ont soûlés», tandis que leur devise clame un objectif pendable : «donnons des fils difformes à la langue de Molière» ! Ils sont jeunes, pleins

de bonne volonté, capables d’une virtuosité verbale peu commune,

et heureusement sauvés de la complaisance potache par une

Les arpenteurs dada Loufoque, magnifiquement déraisonnable avec une fougue syllogistique effrénée, la promenade proposée par les géographes du Collectif Délices Dada entraîne dans son sillage déambulatoire un petit groupe, intrigué, amusé, captivé. Où ? Sur les pelouses, dans les rues de l’hôpital Montperrin. Cela commence par une sorte de tea time sans thé : quatre personnages assis en cercle se passent des mots, associations étranges, jouent avec une balle imaginaire. Puis chacun s’égaye. On les suit à tour de rôle. L’un ne se nourrit plus que d’air, suffisamment chargé en éléments nutritifs. Trop riche aux USA, l’air vous donne des indigestions, celui de la Somalie anémie, celui du Vietnam est parfaitement équilibré… L’autre à l’impeccable accent nordique cherche les correspondances entre le corps et les flux terrestres, passant du coq à l’âne avec une virtuosité qui pousse

Le Grandiloquent Moustache Poésie Club était en représentation du 15 au 17 avril au Théâtre du Gymnase, Marseille

Meu Zo Bu Ga

certains spectateurs à intervenir, livrant eux aussi leurs conceptions. Rien ne décontenance, les mots pris au vol se fondent dans le spectacle. On suit l’adorable anglaise qui mesure avec son instrument d’arpenteur des routes aléatoires, on s’intéresse aux élucubrations de l’original au manteau d’espion qui détermine la position des bords par des repères insolites. À quatre voix, l’étape de travail présentée au 3bisf, prélude le spectacle final qui rassemblera huit acteurs. On goûte au bonheur des mots, à une appréhension renouvelée du monde qui prend dans la Géographie des bords des dimensions insoupçonnées et délicieuses. MARYVONNE COLOMBANI

La Géographie des bords a été donnée du 16 au 18 avril au 3bisf, Aix-en-Provence © X-D.R

Quand on a applaudi et apprécié les précédentes productions de Franck Dimech, on est surpris par son dernier spectacle au titre pourtant alléchant et jubilatoire, Shadoks forever. Il est assurément difficile de rendre sur scène la stylisation des personnages, leur perversité décalée, l’humour inclassable qui les place dans des situations toujours plus délirantes les unes que les autres. Le format des courtes scènes commentées par la voix off de Claude Piéplu permettait à Jean Rouxel de peaufiner l’art de la chute et d’exercer sa verve, déclinant les diverses versions de l’absurde avec délectation. Certes, impossible de reprendre les 202 épisodes, mais en garder le rythme (deux à trois minutes par épisode) eut été plus judicieux sans doute. Rester sur une scène de démolition ou de chanson ou de mouvements répétitifs plus longtemps insiste probablement sur l’absurde, mais la démonstration en est alors bien lourde. Le caractère déjanté, frénétique, soutenu par le remarquable travail acoustique d’ERickm qui mêle musique concrète, acoustique, électronique, et les interventions de Catherine Jauniaux, (au jazzoflûte entre autres instruments) aurait gagné à être plus ramassé. Rappeler aussi pour ceux dont ce n’est pas la génération la rivalité des Shadoks et des Gibis, pourquoi ils «pompaient» tant et tant, entrer davantage dans une narration, aurait servi plus justement cet hymne fervent de la bêtise... On gardera les œufs métalliques, le grand moment du GA-BU-ZO-MEU, la folie dionysiaque de la troupe. Meu Zo Bu Ga ! M.C

Shadoks forever a été donné le 16 avril au théâtre Vitez, Aix-en-Provence et le 25 avril au Comoedia à Aubagne

19 PT H O LÉ ÂI T RI E Q U E C U L T U R E L L E


20 T H É Â T R E

La Cie l’Unijambiste rend l’imagination fertile ! En adaptant Le Songe d’une nuit d’été, le collectif a fait montre d’inventivité pour rendre vivant l’univers féerique et magique de l’œuvre de Shakespeare. Dans une forêt athénienne cubique (lesquels cubes transformeront les lieux tout au long du récit), tandis que la querelle entre Titania et Oberon, reine et roi des Elfes, arrête le cours des saisons et de l’amour, deux couples d’amoureux contrariés croiseront une troupe d’artisans en pleine répétition d’une tragédie pour les noces de leur roi, et un lutin domestique farceur… Intéressé par la confrontation entre «texte classique» et «esthétique contemporaine», David Gauchard n’a pas simplement cherché à innover par le biais d’une utilisation stérile de procédés high-tech, mais bien à servir au mieux l’auteur et le sens du texte. Ici l’on convoque l’ouïe et la vue, y compris au moyen de lunettes pourvues de filtres à diffraction gracieusement distribuées au public, pour révéler la rêverie et la féerie : des triturations graphiques aux sons les plus incongrus, de la vidéo aux lasers… sans oublier la bande-son conçue sur mesure par, excusez du peu !, Robert le Magnifique, Laetitia Shériff et Thomas Poli ! Les sept (excellents) comédiens jouent de et avec ces multiples «partenaires» une pièce décidément surprenante ! Do.M. Le Songe d’une nuit d’été a été joué le 18 avril au Sémaphore, Port-de-Bouc

© Philippe Laurençon

Quand la magie opère…

Cendrillon recomposée

© Cici Olsson

On a beau savoir que Joël Pommerat possède un talent exceptionnel ; que ses spectacles jeune public, en particulier, sont des bijoux d’intelligence et de vision ; on a beau s’être extasié devant Au Monde ou Les Marchands, Pinocchio ou le Chaperon Rouge ; et on a beau ne pas aimer toujours

ses chansons ringardes face public… bref, même si l’on connaît sa manière maniériste, ses noirs entre les scènes et ses voix amplifiées toujours sur le murmure, il reste… que son Cendrillon est un prodige. Un de ces spectacles qui vous rappelle pourquoi vous allez au théâtre. Qui bouleverse votre vision de l’enfance, parle de votre intimité, du rapport à toutes les mères, qui vous apprend à gérer la tristesse et la mort, à revenir sur vos erreurs, vos lapsus auditifs, à savoir que l’on entend mal ce que les grands vous disent, que trouver l’amour n’est pas le but des toutes jeunes filles, que les harpies ont peur de vieillir, que les bonnes fées sortent des armoires pour vous dire ce que votre inconscient a déjà deviné, et qu’on finit le plus souvent par entendre le choc des oiseaux qui s’écrasent sur le parois de verre. Comme toujours, chez Pommerat, l’espace ressemble à un paysage mental, les scènes à des bouts de rêve, les corps à des fantômes incongrus. Comme toujours les acteurs, belges cette fois, sont parfaits. Et, comme souvent, l’écriture est précieuse, la langue belle et juste et décalée, le propos clair, la progression dramatique sans temps mort ni coup de théâtre, faisant simplement évoluer l’univers en distillant juste ce qu’il faut de surprises adéquates. Cendrillon renaît, petite fille d’aujourd’hui, dans cette surprenante famille recomposée qui est celle du conte, et la nôtre pourtant. AGNÈS FRESCHEL

Entre le jazz et les mots Émotion, dernière fois… la lecture jazzée de Sonia Chiambretto et Raphaël Imbert clôt le beau compagnonnage entre l’artiste et le Théâtre Durance. Le spectacle, composé comme un concert de jazz, se situe à la frontière des genres où, dans une complicité fusionnelle, les discours se croisent, s’interrogent, se déchirent, se fondent. L’histoire collective du territoire renaît, Château-Arnoux/Saint-Auban, la Durance, l’usine Arkema, le paternalisme, la pollution… La voix de Sonia, enfantine, comme celle de l’enfant à qui elle prête ses mots, évoque les baignades, «jamais en aval toujours en amont», le gaz moutarde, la hiérarchie -à vélo on compare les jardins, constat : un patron vaut vingt-cinq ouvriers… Fausse innocence qui décrit, dénonce sans le dire, ironise avec candeur, «la Durance a pour chef EDF», se souvient, vibrations chaudes de l’été, rupture du barrage… le texte suit une esthétique musicale, composé de phrases mélodiques qui se répètent, enrichies des parfums qui précèdent. La simplicité apparente prend l’épaisseur moirée de certains velours, les mots deviennent ponctuation, à l’instar des notes, les respirations, les rythmes tournoient, le musicien parle, le saxophone prend le relais sans même que l’on s’en aperçoive tout de suite, jusqu’au duo final, échevelé. En bis, un extrait d’un texte en cours d’écriture sur l’Algérie, «nous sommes dans un langage à base de béton»… la voix de l’instrument creuse les univers qui s’ouvrent. Une poésie de la conscience du monde. MARYVONNE COLOMBANI

Cendrillon a été joué au Jeu de Paume, Aix, du 15 au 17 mai

À haute voix #3 a été donné le 6 mai au Théâtre Durance, Château-Arnoux


Que jeunesse se place ! Le festival Emergence(s) a une nouvelle fois tenu son rôle de défricheur et offert de beaux succès, notamment en ouverture avec Chienne de vie aux Halles, et Des couteaux dans les poules à l’Entrepôt. La Cie avignonnaise Rhizome y a présenté une adaptation organique de la pièce de l’écossais David Harrower, et a réussi son baptême du feu avec une intrigue intelligemment piochée dans le répertoire contemporain, dans la digne lignée de Jean François-Matignon chez qui les comédiens ont joué. Au plateau, dans une scénographie léchée et vivante (magnifiquement éclairée par Michèle Milivojévic), trois personnages coincés dans leur village et leur archaïsme, soumis aux préjugés et à l’inculture : le laboureur, la femme du laboureur et le meunier, campés par Alexis Schweitzer, Valérie Paüs et Florian Simon. Un trio hanté par la terre et la misère, qui n’a rien de pagnolesque, même si la farine et l’adultère coulent à flot, le crime se substituant au pardon. Attirée par le savoir du meunier, la jeune femme s’ouvrira au langage, passant d’un patois minimaliste et rugueux avec son paysan de mari à une sensualité libératrice insufflée par la plume de son amant manipulateur. Une métamorphose par les mots, de la terre à la pensée, où la soif de connaissance et le monde de l’écriture proposent une autre relation à la vie. Thomas Rousselot à la mise en scène signe-là un travail soigneux et prometteur.

21 Des couteaux dans les poules © Delphine Michelangeli4

À l’Espace Folard, dans Intermittence, le choix de l’a2compagnie d’offrir à travers un mélange des genres une «vision burlesque et moderne des joies et déboires rencontrés par les artistes», a remporté les rires mais a parfois péché par excès. Les deux danseuses (Amélie Silva et Audrey Anselmi, irréprochables) passent du cabaret au classique, du jazz au contemporain, du tango au baloche, enchaînant tous les rythmes. Mais en voulant les démonter, elles ont fini par réunir tous les préjugés autour des intermittents, révélés en (faux) micro-trottoir : les tournées qui font voir du pays, les propositions décalées du conseiller pôle-emploi, les auditions insolites, les poncifs sur les privilèges… Oubliant dans leur acte créatif que, parfois, danser c’est aussi suspendre le mouvement pour laisser respirer le public. Quant à l’exposition Vies silencieuses, qui rassemblait des travaux d’artistes autour de

la nature morte, elle a trouvé une majestueuse résonnance en l’Église des Célestins. On retiendra les cercueils-cadres capitonnés de fleurs où reposent mésanges et souris d’Aurelia Zahedi, les plâtres de Romain Andrieux associant vanité et infini, les tableaux-vidéos de Tristan Alexandre qui laissent parler la mer, les objets trouvés de Nitsa Meletopoulos et les séries photo d’Eric Marque qui conjugue hors cadre des restes d’humanité. Avec un regret : l’absence d’explications et de cartels in situ (un plan guide le visiteur de nef en nef, forçant à garder les repères) qui n’aidait pas à l’éclairage de certaines œuvres… DELPHINE MICHELANGELI

La 4e édition du festival Emergence(s) a eu lieu du 8 au 18 mai à Avignon, Villeneuve-lez-Avignon et Morières

À l’heure où le deuil se double de colère en Turquie, où la catastrophe minière de Soma attise la contestation civile, le festival Scènes Grand Écran «Istanbul» irrigue Toulon. Mais l’esprit de fête qui prévaut au concert culinaire d’ouverture avec l’auteure Sedef Ecer se voile d’un masque douloureux : dans un même élan, artistes, photographes, écrivains, réalisateurs, essayistes, musiciens invités par le Théâtre liberté et le Centre national du Théâtre partagent la douleur des familles des victimes. À l’Opéra, le pianiste Olivier Lechardeur dédie le concert Hommage au compositeur Ahmed Adnan Saygun «aux personnes qui n’ont pas été secourues» ; au Théâtre Liberté, l’acteur et metteur en scène Genco Erkal évoque «un massacre». Subitement, les mots de Nazim Hikmet, dont il porte la voix si haut ce soir-là, redoublent d’intensité : au dernier crépuscule de son dernier matin, le poète écrit à sa bien aimée que

Tous à Istanbul ! Carte blanche à Sedef Ecer © X-D.R

Toulon entre Bosphore et mer Noire

«la femme d’un prisonnier ne doit pas avoir de noire pensée»… Fin connaisseur de sa langue, l’acteur à la présence charismatique interprète avec la chanteuse Tülay Günal un spectacle de théâtre musical entre ombre et clarté, tous deux traversés par une gamme infinie de sentiments. Ceux qui habitèrent Nazim Hikmet durant sa captivité : la lassitude, l’espoir, la révolte, la résignation, l’exaltation… C’est cet hymne à la vie, coûte que coûte, que les artistes ont partagé durant ce

festival conçu comme un mélange de genres, de fusion et d’énergie typiquement istanbouliote. Sur le plateau ou par Skype, les invités de la carte blanche à Sedef Ecer, «Tous à Istanbul !», dressent un portrait de la cité à l’opposé des cartes postales. Leur amour de leur ville n’a d’égal que leur colère contre «sa transformation en capitale financière», les projets urbains pharaoniques et sa gentrification. La politologue Nora Senia rappelle «qu’Istanbul concentre

tous les désirs», Timour Muhidine évoque l’importance de la littérature underground, partageant l’opinion de la comédienne et activiste Seray Yilmaz : «Nous n’avons que la culture et l’art pour nous protéger de tout cela.» Le festival aura joué son rôle de caisse de résonance en faisant entendre le bouillonnement créatif qui agite la ville. Grâce à la programmation cinématographique («Istanbul se vit aussi comme un plateau de tournage»), musicale (de Gülay Hacer Toruk et Baba Zula au DJ set de Ipek et Vidbeat), littéraire (résidence de Izzedin Calislar) et visuelle (photos contemporaines et patrimoniales), Istanbul aura été plus que jamais «cette ville chaotiquement créative ou créativement chaotique». MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Le festival Scènes Grand Écran «Istanbul» s’est déroulé du 13 au 17 mai à Toulon

PT H O LÉ ÂI T RI E Q U E C U L T U R E L L E


22 D A N S E

La transmission est une préoccupation de Josette Baïz, et pas seulement dans son action à destination des enfants et adolescents avec lesquels elle travaille depuis plus de vingt ans. Le mot d’ordre s’applique aussi à sa compagnie. Pour sa nouvelle création, elle a demandé à quelques chorégraphes de lui offrir une pièce de leur répertoire pour la transmettre à ses onze jeunes danseurs. Sur la forme, le pari est réussi ; sur le fond, l’unité finit par faire défaut. Se glisser dans le vocabulaire d’un autre n’est jamais aisé. Cela demande à la fois assurance et remise en question. Pour la plupart formés sur les bancs de son école, les danseurs de Josette Baïz y parviennent assez bien. On retrouve le pétillant du geste de Dominique Hervieu, on sourit aux facéties imaginées par Bianca Li, on succombe à la puissance de précision et d’évocation de Get… Done, solo de Katharina Christl devenu duo pour l’occasion. On est plus dubitatif quand ils se glissent dans les pas de la pionnière de la danse contemporaine africaine, Germaine Acogny, ou quand ils se retrouvent enfermés dans les

© Agnès Mellon

Question de sens

vaines agitations de la suite du programme. Telle La Fontaine dont Le Corbeau et le Renard ouvre les festivités, Josette Baïz a choisi la diversité pour devise. Mais trop de diversité tue l’unité et on comprend mal ce qui motive la mise en regard de ces pièces, si ce n’est la volonté de démontrer la virtuosité des interprètes. Sans réel fil conducteur, l’énergie de Welcome tourne

Molto agitato

Comme de beaux diables ils sautent, roulent et boulent, glissent, s’éclipsent, s’exclament ou déclament sans retenue mais en liberté étroitement surveillée sous la direction (on aimerait le mot au pluriel) du surprenant Giorgio Barberio-Corsetti ; ils sont jeunes, encore un peu élèves et dans le mot promotion (ERAC 2014) il y a bien sûr mouvement… Le metteur en scène en © Pierre Leblanc use peut-être trop généreusement ou plutôt trop systématiquement, comme emporté par une mécanique bien huilée aux effets vite répétitifs . La machine (machinerie et machination) est d’ailleurs au cœur de cette étrange pièce -la première- de Heinrich Von Kleist, marquée par la spirale infernale du soupçon et de la haine au sein de la famille Schroffenstein qui se déchire allégrement au gré des fantasmes tapis au détour de la parole la plus innocente ; deux énormes praticables en plan (très) incliné, joints, disjoints, éloignés, rapprochés, occupent tout le plateau et déterminent un jeu périlleux, instable, sans doute épuisant pour les acteurs… un peu fatiguant pour les spectateurs ; espace symbolique fort qui distribue brutalement le sens comme le font les costumes pour les à priori gentils (du bleu, des pantoufles et une robe de chambre) ou les très méchants (rouge, noir et cuir) ; malice, distance et humour grinçant s’imposent peu à peu de manière très maîtrisée pour accompagner le délire tragique et le transformer en mélodrame ricanant ; le metteur en scène italien, familier des métamorphoses et des ambiguïtés de la scène, se sert des élans encore verts de certains de ses acteurs et les conduit imprudemment mais sûrement vers un dénouement radical ! M.J.D La famille Schroffenstein a été joué par l’ensemble 21 de l’Ecole Régionale d’acteurs de Cannes à la Friche, Marseille, du 7 au 10 mai, et sera donné au Festival d’Avignon du 16 au 19 juillet Giorgio Barberio-Corsetti montera le Prince de Hombourg de Kleist dans la Cour d’Honneur du 4 au 13 juillet

à vide. Rappelant l’importance du propos, ce supplément de sens qui distingue un spectacle d’une démonstration, aussi réussie soit-elle. LAURENCE PEREZ

Welcome de la Compagnie Grenade a été présentée du 5 au 7 mai au Klap, Marseille

La pesée des âmes

Sur le plateau nu la poudre blanche garde une trace mouvante et éphémère des passages, glissades, reptations, pieds, mains, corps de ces humains sans condition fixe que sont les danseurs de Sankai Juku, désormais carte de visite absolue et incontestée (?) du butô, danse des «ténèbres» post-Hiroshima créée dans les années 60. Les particules de magnésie volent parfois, retiennent la lumière et nimbent des gestes qui semblent parfois y puiser leur lenteur ; de petits sachets resteront, la durée du spectacle, discrètement posés sur des balances suspendues à hauteur d’homme, aux fléaux parfaitement immobiles qui disent peut-être la mesure de la gravité dans ce monde de pesanteur calculée. La troupe de Ushio Amagatsu danse entre deux miroirs (Utsushi), sorte de rétrospective raffinée de moments-clés des précédents spectacles où se déploient tous les éclats possibles de symétrie chorégraphique ; sans la moindre frustration pour le regard, sans le moindre ennui face à la répétition du procédé, les séquences s’enchaînent, liées par le minimalisme puissant et la beauté plastique ; plante, animal, minéral et coquillage tout à la fois, l’homme qui danse en six interprètes, visage gangrené de lave ou vidé de toute expression, évolue sous la mer ou au cœur du magma entre spasmes de méduse et sérénité d’algue, au milieu de sons épars, lourds ou infiniment légers qui deviennent pluie ou musique à nager ; la limpidité des images conduit à l’évanouissement du sens et pulvérise toute tentative d’interprétation : fascination, légère hypnose… Secouons-nous et souhaitons à ces moments de grâce de ne pas se figer en chorégraphie de répertoire ! MARIE JO DHO

Utsushi –Entre deux miroirs a été donné au Théâtre Joliette-Minoterie, Marseille, les 9 et le 10 mai


Le bal des sourires «Je vous propose quatre danses conçues de façon à ce qu’il soit impossible de ne pas y arriver» annonce Denis Plassard, maître de cérémonie du Bal chorégraphié qui s’est tenu à l’Auditorium Jean Moulin le 6 mai. Devant une soixantaine de convives, de tous âges et d’expériences confondus, prêts à en découdre avec ses instructions encourageantes, le chorégraphe de la compagnie Propos partage pour l’occasion quelques pas des danses farfelues divulguées dans sa pièce Rites (voir Zib’71). Ludiques et abordables, les exercices proposés dans le hall de l’Auditorium -où ces rendez-vous des Escal’à’Thor sont devenus au fil de la saison une vraie bouffée d’oxygène et de singularité-, créent des rencontres éphémères en croisant les partenaires, chacun

jeunes et adultes s’amusent du plaisir partagé ensemble, sans autre enjeu que la décontraction et le lâcher-prise. À l’écoute de l’autre, et du guide qui se fait aussi discret que pédagogue : «Vous avez le droit de changer le rythme, faire des contretemps, vous balader, emmener l’autre où vous voulez, il faut qu’il y ait des étincelles entre vous tellement vous êtes connectés, jouez.» Jouer ! le maître mot de la soirée, pour apprécier de sentir son corps dansant qui forge à chacun un sourire méconnaissable. Libérateur ! DELPHINE MICHELANGELI

Le Bal chorégraphié a été donné à l’Auditorium du Thor le 6 mai

© De.M

appréciant la découverte de l’autre selon le pas de danse proposé. Le temps d’un chassé-croisé et d’un

pas de deux, au fur et à mesure des rythmes proposés par deux musiciens appliqués (et patients),

Comme une envie d’en découdre Né à La Termitière à Ouagadougou, Objet principal du voyage est un objet de désirs. Invitation faite au chorégraphe Herman Diephuis d’encadrer des stages au centre de développement chorégraphique créé par Seydou Boro et Salia Sanou ; envie de confronter son univers à celui de quatre jeunes danseurs africains «en étant à l’écoute de l’histoire et de la réalité de chacun d’eux». Ainsi a pris forme cette danse chargée d’images, cajoleuse, piquée d’humour et de férocité. Structurée en quatre temps -premier quatuor, quatre soli consécutifs, retrouvailles en quatuor-, Objet principal du voyage démarre en un long enchevêtrement au ralenti : nouer/dénouer, appuyer/tirer, enrouler/dérouler. Mais aussi s’interposer ! Jusque-là pacifiste et silencieux, le groupe soudain s’agite, s’interpelle, activant la parole et le mouvement après l’enlacement auquel succèdent le heurt et l’invective. Visages

23 D P O A N L SI ET I Q U E C U L T U R E L L E

expressifs, tordus, mains virevoltantes et doigts pointés dans l’espace, postures lascives ou drolatiques, notre regard se focalise sur d’infimes détails à la saveur particulière. Les danseurs ont tout leur temps, prennent leur pose, respirent, avant la bascule foudroyante, bras tendus vers le sol ou implorant le ciel. Déhanchements saccadés en ricochet, vibrations chaotiques, déflagration du groupe… comme si des forces invisibles les aimantaient, les électrifiaient, les corps tout entiers convulsifs. En leur composant une gamme chorégraphique inventive et féconde, Herman Diephuis a réussi son pari, lui qui désirait «une danse qui déborde et traverse l’idée même de frontière». MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Objet principal du voyage a été donné le 16 mai au CNCDC Châteauvallon à Ollioules © Marc Coudrais


24 C I R Q U E R U E

Birdwatching, Benjamin Vandewalle © Agnès Mellon

L’Agence Touriste © Agnès Mellon

Transports communs Durant quatre jours, Lieux publics, centre national des arts de la rue, a proposé avec le festival Travellings de redécouvrir le cœur de Marseille en l’arpentant aux côtés d’artistes marcheurs européens Une pratique nouvelle, qui croise arts vivants et sensibilité plastique, regards décalés sur l’urbanisme, la société et l’histoire, mais comporte l’inconvénient de mettre en œuvre des projets artistiques parfois lourds pour des publics très restreints. Inconvénient que Lieux publics a su contourner en partie, en proposant 10 parcours et en prévoyant plusieurs présentations par jour pour chacun d’entre eux. Ainsi près de 2000 arpenteurs ont pu suivre les divers artistes dans des itinéraires très différents. En commençant par le couloir reliant le tram à la station Noailles habité d’une installation sonore, Pourquoi vivez vous ici et non pas ailleurs dans le monde ?, diffusant les paroles d’habitants du quartier recueillies par Kunstlabor. Sous le kiosque de la Canebière, L’Agence Touriste expose dans ses Bureaux de plein air la mémoire de ses balades urbaines, dessins, poèmes, photos et cartes postales imbriqués dans des installations de planches bricolées. En bas, on boit un verre, on s’inscrit aux propositions, on croise quelques victimes aveuglées conduites par des guides qui leur susurrent des histoires. D’autres, casques sur les oreilles et Smartphone en main, vivent seuls les fictions de Like me. Alors on s’embarque, renonçant non sans réticence à sa liberté de promeneur… Si ce n’est le surgissement du réel qui rattrape tout spectacle joué dans l’espace public, la balade musicale d’HOPPart, serait plaisante mais plate. Casque sur les oreilles, les spectateurs-marcheurs sont invités à mettre leurs

pas dans ceux de cinq acteurs-chanteurs pour une déambulation en chansons. Peu travaillé, le parcours s’avère pauvre en surprises, tout comme le répertoire composé de tubes pop transposés pour quintet a capella. L’ennui guette, même si quelques collusions non préméditées avec la vie qui continue alentour égaillent la proposition. Ce surgissement du réel, les Suisses d’Asphaltpiloten n’en ont pas peur. Armé d’un rouleau d’adhésif noir, l’un d’entre eux commence par offrir de nouvelles perspectives à un espace, avant que le reste de la troupe -deux danseuses et un musicien- l’investisse de mouvements et de sons. Agissant comme une focale, leur intervention concentre notre regard sur de petits riens, transformés soudain en contrepoids, en micro-actes de résistance à l’indifférence du flux urbain. Mais le spectacle le plus pertinent de cet événement a sans conteste été celui de Benjamin Vandewalle. Issu de P.A.R.T.S., l’école d’Anne Teresa de Keersmaeker, ce jeune Belge sait façonner sa chorégraphie à même la ville et ses habitants. Le spectateur embarque dans une plateforme mobile, conçue tel un petit théâtre avec, en place de la scène, une fenêtre sans tain s’ouvrant sur la rue. Lorsque le cortège s’ébranle, le travelling est là. On suit avec jubilation les quatre danseurs qui investissent le paysage tels des one-minute sculptures d’Erwin Wurm, puis évoluent entre les passants, jouant de leur complicité pour dessiner une cartographie juste et sensible du quartier de Belsunce. Les adultes, les enfants, les commerçants arabes, tous jouent le jeu jusqu’à danser, jusqu’à offrir une gorgée de thé à la menthe. Ici le geste artistique se partage vraiment, entre spectateurs captifs, artistes danseurs et habitants du lieu public. Réalité et fiction s’imbriquent dans une fascinante écriture du réel, jusqu’à un déroutant jeu de miroir où le camion tourne, tourne, où tout est renversé… Une vraie réussite, tout comme le réseau IN SITU à l’origine de ce Travellings, fruit d’une Europe qui innove et qui marche.

Changer d’angle Depuis son ouverture, le MuCEM désirait permettre aux visiteurs de découvrir la civilisation méditerranéenne et son Histoire à travers des expositions aux contenus artistiques et historiques variés. Mais jamais le lieu n’avait proposé de visites sous un angle de vue si différent de celui du visiteur. Ainsi, une véritable soirée «de désorientation» a été proposée au public par l’Agence Touriste. Organisé par les étudiants d’Aix-Marseille Université et l’association étudiante Courant d’art, le parcours nocturne Se perdre au MuCEM est une expérience dans laquelle le visiteur est engagé à être égaré par une voix virtuelle. Le musée se (re)découvre de manière sensorielle et non pas visuelle. Tantôt angoissé par l’idée de se perdre, tantôt animé par un certain plaisir à voir le musée non plus comme un lieu culturel mais plutôt comme un paysage à découvrir, on finit par oublier sa boussole mentale et suivre les ordres de la voix à la lettre. À la fois effrayant et plaisant, ce parcours a permis d’observer le MuCEM de manière inédite et de découvrir des facettes qu’il n’aurait pas été possible de voir dans un autre contexte. Certes, il est déstabilisant de se sentir obligé de fermer les yeux ou encore de regarder sur les côtés lorsque la voix vous l’ordonne : le visiteur qui observe le musée de son propre angle de vue regarde le visiteur égaré comme un fou faisant des mouvements étranges… Mais il est si plaisant de profiter pleinement du musée tout en décalant ou en occultant le regard ! ALICE LAY

AGNÈS FRESCHEL et LAURENCE PEREZ

Travellings a eu lieu du 7 au 11 mai à Marseille

Le parcours Se perdre au MuCEM a eu lieu au MuCEM, Marseille, le 25 avril


Hyènes en cavale Tendance Clown, le rendez-vous annuel concocté par le Daki Ling, a fait le plein lors de cette 9e édition. Ainsi, c’est devant une salle comble (celle du restaurant Les Grandes tables de La Friche) et face à un public très réactif que la Compagnie marseillaise Kitschnette a présenté sa toute nouvelle création. Un spectacle qui déménage, soutenu par une réjouissante bande-son que l’on doit à Cécile Jarsaillon. Road Tripes ou la virée tragico-burlesque de Jacky et Rosy, devenues «le gang des hyènes» et «ennemies publiques numéro unes». Mise en scène par Vera Schütz, interprétée par un tandem de choc, Judith Sevrin et Laure Dessertine, cette histoire «pleine de sexe, de violence et de femmes nues» se situe clairement dans la lignée des Pétroleuses, de Viva Maria et autres Thelma et Louise. Un élan de libération donc, qui égratigne au passage tous les machos de la création, les banques et la société marchande. Beaucoup d’autodérision aussi. Et bien que le rythme n’ait pas encore été tout à fait trouvé lors de cette première, on a vraiment apprécié un final percutant,

où le duo met le feu sur la scène comme dans la salle. Mais pourquoi faut-il toujours faire mourir les femmes qui osent résister ? Le contrepoint est venu de Pierre Pilatte avec son Be Claude, à la recherche de sa part féminine, dont il «sait très bien qu’elle est davantage un état d’esprit qu’un morceau de chair qui se balade dans la rue». En cardigan fuschia, il chausse des talons, se prend les pieds dans le décor urbain, pose des questions métaphysiques, et tangue devant un public médusé. Être soi, c’est être elle, ou ne pas être ? Autre forte personnalité présente lors d’un festival qui n’en manquait pas, celle d’Alain Gautré venu donner une conférence drolatique tout autant qu’érudite sur l’histoire du clown à travers les âges. Le premier d’entre eux a-t-il été celui qui chuta, ou celui qui, voyant la tribune rire à la chute, se dit «tiens, là il y a un truc à exploiter ?» FRED ROBERT et GAËLLE CLOAREC

Tendance Clown a eu lieu du 1er au 18 mai à Marseille Be Claude © Gaëlle Cloarec

Des larmes… de rire !

Pour son 10e anniversaire, le Daki Ling, salle de spectacle dédiée à la création clownesque et burlesque, invite ses fidèles et joyeux drilles du CICM (Collectif International de Clowns of Marseille) à fêter l’événement. La salle est déjà surchauffée au lever de rideau. Le public attend SES clowns ! Toujours sur le principe de cinq jours de résidence et deux dates de spectacles, on les retrouve avec émotion et l’envie de jouer avec eux. Prudence (Laurence Landra) ouvre le bal et nous entraîne dans ses sautes d’humeur clownesque, ses délires autoritaires de star et ses maladresses magiciennes. Quant à Alfredo (Bruno Krief) le «Marseillais», il nous balade à travers son corps-instrument dans les méandres de son rêve américain. Avec malice, il s’improvise coach sportif d’un Vulcano (François Pillon), plein d’une poésie drôle et touchante, prêt à toute performance pour enrayer sa solitude. Mais c’est surtout le duo génial de Jean-Christian (Jean-Christian Guibert) et d’Olive (Olivier Le Dauphin) qui, d’une rencontre musicale tout en sous-entendus, au plaisir désuet d’une rengaine de Gérard Lenormand, Le gentil dauphin triste, fait monter le spectacle en puissance jusqu’au délire d’une joute disco/funk d’une séduction démesurée. Du rire à tomber par terre. Un rire vertigineux qui trouve son apothéose dans un des thèmes phares de la soirée : la magie. L’intensité est à son comble, le rythme des blagues ne laisse aucun répit… jusqu’au final qui submerge la salle baignée de larmes de rire. Un moment rare ! CLARISSE GUICHARD

Ce spectacle du CICM a eu lieu les 18 et 19 avril au Daki Ling, Marseille

© X-D.R

25 P C OI R L QI U T EI Q U R E U E C U L T U R E L L E


Cordes et âme

26 C I R Q U E R U E

C’est l’une des belles aventures de Marseille Provence 2013, coproduite par le Grand Théâtre de Provence : Azimut d’Aurélien Bory avec Le groupe acrobatique de Tanger, dix ans après leur premier spectacle contemporain d’acrobatie marocaine Taoub. Un tandem à succès, et pour cause, la pièce est un alliage précieux de cirque et de théâtre, une fusion des corps avec la lumière. Accompagnée par deux chanteurs musiciens, la troupe se fond dans le paysage sonore et visuel, s’extrait de l’ombre ou s’y engloutit, évoquant par des postures symboliques le chemin qu’emprunta le sage soufi Sidi Ahled Ou Moussa au XVIe siècle qui, selon la légende, «parvient au ciel, mais regardant alors la terre et ses hommes» préféra revenir… Bien plus qu’un spectacle de cirque qui enchaînerait les numéros comme des perles, Azimut compose un tableau mystique où les corps sont un instrument au service de la spiritualité. Ils s’élèvent, se tendent, se superposent, se fondent, se suspendent, s’envolent… jusqu’aux cieux. Les voltigeurs défient l’apesanteur, les spectateurs défient le temps, le balancement prolongé, le chassé-croisé lumineux qui cache puis dévoile les silhouettes

© Agnès Mellon

dans un ballet incessant. Et lent, intensément lent. Mais ne faut-il pas une patience d’ange pour scruter la voûte céleste à la recherche d’étoiles inconnues ? Mouvements ascensionnels, glissements calculés, ondulations à même la paroi… les chants et la musique remplacent le texte, le corps remplace le verbe dans une

Attention, ça va péter ! surprise, comme les lancers de godasses dans la salle, le spectacle s’étire en longueur et les numéros tournent vite en rond. Car tout repose sur l’absurdité des situations, la profusion des mimiques, des râles et autres grimaces suppléant la parole. Et la complicité du public que la troupe sollicite en permanence pur qu’il ressente le même effroi, la même colère ou la même mesquinerie… jusqu’à la maîtresse invitée à danser et à jouer l’équilibriste sur la planche. Finalement, Extrêmités fonctionne à l’identique du numéro de trapéziste ou du lion en cage face au dompteur : tombera, tombera pas ? Attaquera, attaquera pas ? Explosera, explosera pas ? M.G.-G. Extrêmités a été joué le 6 mai au PôleJeunePublic au Revest

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Azimut a été joué le 17 avril au Théâtre Liberté, Toulon

Critique de la magie pure © Nathaniel Baruch

Sans blague, les trois olibrius du Cirque Inextrémiste sont totalement givrés. Après un préliminaire mélodramaticorigolo, histoire de détendre l’atmosphère, les voici prêts à toutes les expériences les plus détonantes ! Et pour cause, juchés en équilibre sur des planches de bois, ils jouent à qui tangue et tombe au risque de mourir sous l’explosion des bombonnes de gaz qui leur servent de contrepoids… Le fil narratif est ténu mais il séduit le jeune public qui alterne rires francs, étonnement et applaudissements. D’une situation dramatique détournée -l’un des trois acrobates débarque en fauteuil roulant avec un urinoir en plastique sur les genoux et mime un accident-, Extrêmités enchaîne des saynètes où les plus rusés ne sont pas forcément ceux qu’on croit. Malgré les effets de

calligraphie spatiale qui laisse le public entre terre et ciel.

© Clément Martin

Thierry Collet, concepteur du projet Qui-vive par la Cie le Phalène, s’insurge contre l’émerveillement passif qui endort les foules, les préparant en quelque sorte à devenir les proies faciles de tous les totalitarismes, celui du consumérisme, celui du politique… Son spectacle, dans une mise en scène dépouillée et humoristique d’Éric Didry, conjugue avec virtuosité magie et esprit critique. Le premier tour utilise des objets courants, gobelets de plastique, papier alu roulé en boule… les gobelets se soulèvent, les balles argentées apparaissent et disparaissent, dans l’esthétique de la surprise propre au genre. Thierry Collet et ses deux compères, Carmelo Cacciato et Kurt Demey, reprend le numéro en dévoilant tous les «trucs», recommence avec des gobelets transparents, puis, laissant les objets de côté, reproduit les gestes précédemment effectués, chorégraphie tout en souplesse où chaque mouvement signifie pour le spectateur averti que l’on est devenu. «Est-ce que l’on peut faire confiance à nos sens ?» À la question abrupte, certains répondent par l’affirmative, d’autres plus prudents, se souvenant de Descartes, restent réservés. Film, expériences sonores, on se perd avec jubilation. Les mots se devinent, des voix se substituent à celles des interviewés, les journaux se déchirent, les pans de mystère aussi. On assiste à une mise en abîme de la manipulation, jusqu’à laisser croire que l’on décide du hasard. «La magie est un dialogue avec le mystère.» En livrer les codes ne la galvaude pas. C’est vraiment magique ! MARYVONNE COLOMBANI

Qui-vive a été joué le 13 mai à La Croisée des Arts, Saint-Maximin, et les 20 et 21 mai à la Passerelle, Gap


Quand tourne la mort joyeuse La venue à Martigues, pour 19 représentations, du cirque Zingaro, avec une jauge totale de plus de 20 000 places, est un événement pour la ville de Martigues. Porté par la Scène nationale des Salins, le projet est un pari économique osé : réussir à remplir la Halle durant trois semaines est une nécessité ! Cela semble bien parti… Les premières représentations ont fait salles combles, et heureuses, le bouche-à-oreille fonctionne. Car le spectacle est beau ! Renouant avec le cirque, du moins dans sa dimension de piste circulaire et de numéros successifs, Bartabas réussit sa plongée dans la fête des morts mexicaine, accrochant sans peine l’esprit grinçant et unique de ce macabre coloré. Les squelettes dansent, les chevaux défilent, magnifiques, tournant autour du public médusé, accomplissant au centre de la piste des numéros de dressage subtils, de voltige impressionnant, le tout dans une fête visuelle constante : couleurs, lumière, scénographie, tout est fait pour accrocher les corps et les yeux, surprendre et ravir. Enfants et adultes s’étonnent ensemble de cette équestre danse macabre, emmenée par des convois funèbres inattendus, et des artistes prodigieux : cavaliers impeccables, chinchineros mirobolants, percussionnistes exaltés, breaker impressionnant, clown virtuose. Et 28 chevaux, quelques dindons, des oies… Si l’on regrette que les numéros tournent parfois en rond sans progression, et que l’invention visuelle se borne à monter des tableaux mouvants aux principes semblables, on ne peut qu’applaudir aux exploits, et se réjouir de la qualité d’un spectacle populaire qui a su se garder de toute prétention. Ce qui ne fut pas toujours le cas de Bartabas et son «théâtre équestre» ! AGNÈS FRESCHEL

Calacas est joué depuis le 16 avril Jusqu’au 4 juin Halle de Martigues 04 42 49 02 00 www.les-salins.net Calacas © Agathe Poupeney


Le bout du monde 28 J E U N E P U B L I C

Assister à la création d’un spectacle jeune public lors d’une représentation scolaire avec des collégiens dissipés, et les voir s’apaiser dès la première minute, boire les paroles d’un artiste le spectacle durant, puis applaudir à tout rompre, cela n’a pas de prix. C’est ce qui s’est passé le 17 avril au théâtre Massalia, pour la première du dernier-né de la compagnie Skappa, Il mondo senza il tutto. Adapté d’un ouvrage cherchant éditeur en France (si intéressé, écrivez à la troupe, qui transmettra), ce récit haletant voit un indien emporté par une tempête loin des côtes de son Amérique natale. Sauf que le continent ne porte pas encore ce nom, n’ayant pas encore été officiellement découvert. Le héros est fait prisonnier par des pirates européens, puis laissé pour compte dans un village d’Italie, où il marque à tout jamais un jeune garçon, avant de repartir jusqu’en Espagne... en quête de Christophe Colomb, pour qu’il le ramène chez lui. On n’en dira pas plus sur cette narration élaborée, portée par le captivant Fabrizio Cenci, mais l’on voudrait citer tout ce qui rend ce spectacle si remarquable : la scénographie de Paolo Cardona, les décors transformés en direct par un usage des plus ingénieux de l’image animée, la subtilité des costumes, et les délicieuses romances italiennes ! Jusqu’au coup de théâtre final, les spectateurs restent fascinés par cette fresque d’un monde senza il tutto. Soit «sans le tout», une expression que l’on prend plaisir à traduire par «auquel il manque encore un bout». Un monde comme on n’en fait plus, sauf dans les histoires, où le mystère a toujours sa place. GAËLLE CLOAREC

Il mondo senza il tutto était joué du 17 au 19 avril au Théâtre Massalia, Marseille

Détail de la maquette de l’Universal Circus Pir’ouette, Georges Berger, Paris, France, 1924-1971 2

Roulades et mascarades Passer ses vacances au musée ? Voilà bien une idée de parents... Et pourtant. Le programme proposé à Pâques par le MuCEM a su convaincre les plus réticents et réussir la jonction entre les générations. L’atelier masques, en lien avec l’exposition Le Monde à l’envers consacrée à l’univers du carnaval, plaçait le mélange des générations au cœur de l’activité. Quinze enfants et une douzaine de parents se retrouvent d’abord pour un petit tour rapide à l’expo. Emilie, l’animatrice, s’attarde sur un masque vénitien à double face qui servira de modèle. Cette tête de jeune homme, qui, une fois basculée, se transforme en vieillard, sera l’inspiration de l’atelier. Les petits et les grands se mettent à l’œuvre : dans une assiette en carton coloré, chacun fabrique son masque à double expression. Il faut un peu motiver les adultes, «la principale difficulté», précise Emilie, mais au bout d’une heure, le résultat est là. Face au miroir, tout le monde peut jouer à alterner entre le monstre aux dents pointues ou le clown jovial. Quelques jours plus tard, l’atelier de cirque

est, lui, réservé aux enfants. Dix-huit garçons et filles se sont installés sur des tapis de sol. David, l’animateur, responsabilise très vite son groupe, indispensable quand on est seul avec autant d’apprentis acrobates. Après un échauffement en douceur, place aux travaux pratiques. Les petits imitent la marche de la grenouille ou de l’éléphant, puis enchaînent quelques roulades et cabrioles. Ils découvrent les accessoires de jonglage, assiettes chinoises, cerceaux, balles, foulards, avant d’aborder la partie périlleuse : le pédalgo, une paire de pédales fixée sur quatre roues, et surtout l’immense boule d’équilibre. Après une heure et demie d’initiation, la petite troupe en sait assez pour une première production en public. Les parents font leur retour. Avec enthousiasme, et un brin d’indulgence, ils applaudissent les prouesses des minots, qui concluent la prestation en saluant (presque) comme des pros. JAN CYRIL SALEMI

Les ateliers se sont déroulés au MuCEM, Marseille, du 19 avril au 4 mai

© Christophe Loiseau

La cuisine des contes Le festival Mon échappée belle, qui du 1er au 22 avril a animé de seize spectacles et plus de vingt représentations les villes de Bouc Bel Air, Lambesc, Simiane, Venelles, s’achevait sur un conte et une remise des prix, tablette de lecture, livres… Chaque ville participant à l’opération a vu un vainqueur (par tirage au sort de ceux qui ont vu au moins trois représentations) et cinq primés, avec livres de bibliothèque. Belle manière de prolonger le plaisir de ces journées ! Hommage superbe aux contes, véritable nourriture de nos imaginaires, le spectacle de la Compagnie belge Arts et Couleurs, Le Petit Soldat de plomb, nous embarque dans une cuisine dont la cuisinière, Suzanne, avec une belle énergie, dépèce, décortique, désosse les mots, les mythes, proposant dans sa carte la Petite Sirène ou d’autres savoureuses préparations… Le plat du jour, Le Petit

Soldat de Plomb… Drame ! Avec son comparse, elle se résout quand même à concocter la recette. Les amours du petit Soldat de plomb et la charmante danseuse, elle aussi unijambiste, se racontent, les objets familiers construisent le décor, quatre bouteilles de plastique surmontées d’un entonnoir et voici les tours du château… la table de cuisine se creuse, devient égout, se gonfle en vagues immenses, les rats attaquent, le feu s’embrase, les relations entre nos deux cuisiniers aussi… Finesse, humour, délicatesse des sentiments, de l’émotion, forte, sans larmoiement facile, friandise raffinée pour clôturer une manifestation à laquelle on souhaite longue vie !

MARYVONNE COLOMBANI

Le petit soldat de plomb a été joué le 22 avril salle des Terres Blanches, Bouc Bel Air


Des flûtes et du rock Juste avant les vacances de Pâques, le festival jeune public Festo Pitcho s’est déroulé dans 9 communes du Vaucluse. À Avignon, le spectacle Flûtt de la Cie Piccola Velocità a transformé le Château de la Barbière, investi par l’association Eveil Artistique, en doux cocon protecteur. À l’intérieur d’une structure accueillante, les très jeunes enfants, vaillants petits scolaires ou (encore) collés aux bras parentaux, ont découvert comment regarder vers l’extérieur avec sérénité et curiosité, et plus symboliquement à couper le cordon ombilical en toute sécurité. Une danseuse, raccrochée aux sons de sa mère -un ensemble de flûtes, traversière, alto, piccolo, accompagne son émancipation-, sort de son nid trop étroit et se laisse porter par le souffle du vent. Un spectacle qui ressemble à la caresse d’une plume et la délicatesse d’un haïku, où quelques feuilles de papiers découpées, trois ou quatre bulles de savon, deux cerfs-volants, encouragent une éclosion au monde tout en douceur. Pour apprendre la séparation, un pas après l’autre, et oser quitter le bout de son nid.

À l’Auditorium du Thor, L’homme d’habitude a également balancé du souffle et une phénoménale dose d’énergie. Mais ici pas de morale ni message particuliers qui feraient à tout prix sens, juste -et c’est déjà beaucoup- le plaisir d’admirer le ballet euphorisant d’une tribu composée de danseurs (la compagnie Vilcanota-Bruno Pradet) et de musiciens (les Blérots de R.A.V.E.L.), ou l’inverse tant l’interaction des uns dans le jeu des autres est sans frontière. Un concert de danse déconcertant, où la force du groupe recomposé en met plein les mirettes en fabriquant des ronds de fumée sautillants et des monstres percussifs très visuels. Un manège jubilatoire qui suspend le temps, à la vitesse du rock. DELPHINE MICHELANGELI

Festo Pitcho a eu lieu du 12 au 21 avril dans le Vaucluse. Ces deux pièces seront reprises pendant le festival Off d’Avignon 2014 (Flûtt au Festival théâtr’enfants et L’homme d’habitude au théâtre des Lucioles)

Fütt © Delphine Michelangeli


Musiques et créations d’aujourd’h Festival Les Musiques - Orchestre Régional de Cannes PACA dir. Vincent Renaud © J.F

30 M U S I Q U E

À travers la Ville, le Festival Les Musiques du Gmem a laissé de belles traces musicales, sonores, chorégraphiques... Une dizaine de jours d’expériences et de créations à vivre… et revivre ! En préambule au Festival, l’équipe du Gmem se réunissait à l’Alcazar le 3 mai pour annoncer la couleur de ses «Musiques» en 2014. Christian Sebille, directeur du Centre National de Création Musicale à Marseille, présentait les pistes à emprunter à travers ses multiples propositions : de la musique spectrale aux paysages sonores, de l’électronique à la danse, de l’orchestre à l’intime solo, du vaste plein-air à la salle de concert, des liens avec la littérature... C’est du reste à ce propos qu’on retrouvait Bernard Cavanna, personnalité attachante et originale dans l’univers parfois confiné de la création musicale contemporaine. Il faut le voir dans un documentaire qui lui est consacré, tentant vainement, sur un marché populaire, de brader pour 1 euro un enregistrement de ses œuvres, son trophée des «Victoires de la Musique» à la main

conquis depuis peu : du pur burlesque ! De fait, il fut question de sa mise en musique d’un texte polémique de Céline dont le compositeur se dit tout à la fois «admiratif de l’écrivain», mais «écœuré par l’ordure» ! C’est la sur-violence à l’encontre de Sartre qui intéresse Cavanna dans L’agité du bocal, c’est aussi la force avec laquelle le soliste de son Concerto pour violon tente de s’extirper de l’environnement hostile de l’orchestre qui rend son œuvre originale, comme la façon de considérer le violon à l’instar d’un instrument polyphonique. Autant de clés qui ont été utiles à ceux qui ont retrouvé la formidable violoniste Noëmie Schindler lors de la soirée d’ouverture du 7 mai à la Friche la Belle de mai. On avait senti sa flamme artistique à la bibliothèque municipale dans quelques pièces pour violon seul. On a brûlé aux tremolos de son archet virtuose, sur le grand plateau de La Friche, face à l’Orchestre Régional Avignon Provence et son bouillonnant chef Jean Deroyer. La soirée avait débuté sur le toit-terrasse de l’ancienne manufacture des tabacs. On s’était assis en foule autour du podium des musiciens : le soleil amorçait son déclin au dessus de la «côte bleue» et l’Orchestre Régional de Cannes PACA (dir. Vincent Renaud) distillait les séduisantes obstinations mélodiques du Concerto grosso de Philip Glass : un musicien américain dit «minimaliste» qui a pour mérite de réconcilier l’art contemporain et le grand public. C’est cette même phalange orchestrale que l’on retrouvait plus tard dans un répertoire plus rude. Hugues Dufour partait à L’Origine du Monde (d’après Courbet) et toute la sensualité résonnante d’une caisse pianistique (Alain Neveux) diffractée aux pupitres instrumentaux. Chez Tristan Murail dans Le Lac, ce sont les propriétés acoustiques de sons naturels puisés autour d’un lac américain, «utilisés pour leur pure valeur musicale et sonore», qui servaient une composition s’étirant doucement, sans «tape à l’oreille» ! Deux belles formations musicales de Provence au service des musiques d’aujourd’hui... et demain ! JACQUES FRESCHEL

Spectral

La scène du Petit Plateau de la Friche s’est parée de mille et une couleurs le temps d’un concert intitulé Impression, soleil couchant. Avec à la baguette Raoul Lay et aux manettes Christian Sebille, l’Ensemble Télémaque a habillé d’une parure polychrome l’espace fréquentiel si cher au courant de musique spectrale. Sous les yeux de Jean-Claude Risset en personne, venu savourer en voisin son opus Passages pour flûte(s) et sons de synthèse, les Treize couleurs du soleil couchant de Tristan Murail invitèrent l’auditoire à l’analogie entre les phénomènes visuels naturels et auditifs. Variations de lumière inhérentes aux couchers du soleil devant lesquels le compositeur a commencé à «penser» sa pièce, cette œuvre phare de l’esthétique spectrale, qui s’écoute aussi «avec les yeux» a diffusé ses faisceaux versicolores pour le plaisir des auditeurs. FRÉDÉRIC ISOLETTA

Le temps retrouvé L’expérience est captivante pour le spectateur qui

et que traverse le Tourbillon des Temps de Gérard Grisey, devenu celui d’Anne Teresa De Keersmaeker par la grâce d’une transsubstantiation rare sur scène ; car voici des corps et voici de la musique et sans mysticisme aucun l’aboutissement d’une quête commune lorsque les premiers applaudissements se risquent à désigner le silence et l’ombre revenus. Comment un sextuor pour piano et cinq instruments devient-il lancers de bras, jetés de pieds, cous ployés ? Experte en fusion, la chorégraphe reste à mille lieues de toute confusion : l’analogie entre les gestes et les sons témoigne d’une danse sortie de l’analphabétisme, qui sait écrire et lire, transforme les rythmes de la partition en dynamiques pour les corps, les hauteurs en placements dans l’espace, les timbres en caractères du geste, les volumes en amplitude. Le tout avec une précision, et un lyrisme, qui contamine jusqu’à l’Ensemble Ictus, loin de l’interprétation sèche et lente associée souvent à cette musique spectrale. Car la rencontre est organique : le pianiste s’éclipse et en un clin d’œil son double, danseur, plaque l’accord sur le clavier ; en un sidérant mouvement elliptique, le piano se mêle aux danseurs, continue sa pluie d’accords déployés. Au sol des cercles tracent la spirale fondamentale sans cesse cassée puis reprise dans ce processus collectif de mise au clair de la durée pure ; comme dans un accélérateur de particules fantasque ou une centrifugeuse turbulente, chaque danseur s’appartient, marche, saute, respire tout simplement, égrène le temps en interaction avec le groupe et les sons, tous tournés dans la même direction ; euphorie sans flottement, épure sans sécheresse aux sources de la musique et de la danse : tout y est décision… MARIE JO DHO et AGNÈS FRESCHEL

Vortex temporum a été donné au Silo, Marseille, les 16 et 17 mai


hui... et demain ! On n’achève pas les jumeaux

Mathilde Monnier a conçu en 2012 un spectacle pour dix danseurs, sur des pièces radiophoniques de Luc Ferrari, en référence aux marathons de la danse immortalisés par On achève bien les chevaux. Créée à Montpellier danse, la pièce a été saluée pour la subtilité de son travail d’abstraction, fondé sur le concept physique du Paradoxe des jumeaux, qui relativise le temps à partir de l’expérience asymétrique du mouvement et de la vitesse d’un couple identique. Qu’en est-il dans la version donnée le 9 mai au Silo pour les Musiques ? Des 5 couples il n’en reste que 4, et la chorégraphe danse. Or elle n’a plus la fermeté des appuis ni la souplesse pour suivre ses interprètes, se remet la mèche en place comme une débutante, parasite sans cesse la gestuelle subtile qu’elle a pourtant inventée. Donc : des couples évoluent, accolés, comme siamois, dans des costumes colorés et savamment moulants, et une scéno d’Annie Tolleter par moments magique ; sur une musique, faite de matériaux bruts identifiables, de sons concrets ou de synthèse ; mais rien n’a de sens, aucun rapport ne s’opère entre les images, les sons, la danse ; les deux références au Paradoxe et au Marathon sont illisibles sauf dans la feuille de salle. Pourquoi d’ailleurs Twin Paradox, pour une pièce tournée en France, d’une chorégraphe et d’un compositeur français, à partir d’une loi physique énoncée par Langevin ? AGNÈS FRESCHEL

Safety first © Alain Julien

Bruit et ferrailleur

Opéra Noise. Eryck Abecassis assume et signe une musique contemporaine essentiellement bruyante, avec guitare électrique, batterie et laptop modulaire employé pour ses glissements vertigineux et ses effets percussifs. Les moments instrumentaux de son opéra prennent au corps, déploient des volumes sonores constamment puissants mais on y entend pourtant des univers très divers. Son traitement des voix est moins personnel : lyrique, ou parlée chantée, bruitée mais sans drôlerie, la théâtralité adoptée par le compositeur dans sa mise en voix et en scène renchérit sur le texte d’Olivia Rosenthal, dont la force émotionnelle méritait une neutralité plutôt qu’une outrance. Comme à son habitude l’auteure tisse son texte de matériaux a priori disparates : démantèlement des chalutiers et tankers en Inde, coût écologique et humain de ce titanesque rapport des corps à l’acier, métamorphoses légendaires de Daphné ou Callisto qui ainsi échappent au viol, transformation inhumaine de la matière, lentes énumérations des objets désossés, des déchets persistants. Le fer, la fureur et le bruit avec dessous, la peine humaine. A.F.

Safety first a été joué le 16 mai à la Friche, Marseille


Haendel

Un plateau luxueux

M U S I Q U E

© F. Desmesure

Lumière noire

Adapter Shakespeare à l’opéra lorsqu’on est compositeur à l’époque romantique n’est pas une tâche aisée, et pourtant Giuseppe Verdi n’a jamais eu à souffrir de critiques concernant son adaptation de Macbeth qui releva avec clarté le défi, créant ainsi un précédent à deux autres futurs chefs-d’œuvre. L’ouvrage lyrique de l’Italien laisse volontiers de côté les errances verbales du théâtre élisabéthain original à cause de la traduction, au profit d’un resserrement de l’intrigue sur la psychologie des personnages et d’une réflexion âpre sur les affres du pouvoir, le tout supplanté par

vocalise

les passions © Christian Dresse

Florian Laconi (Mylio) possède un timbre de ténor somptueux, équilibré passant aisément la rampe... c’est remarquable ! Et Nicolas Courjal (Le Roi) a toute l’ampleur d’une basse noble et chantante ! Le Chœur de l’Opéra, très sollicité, rend à l’opus toutes ses dimensions cérémonielles, ses chants de victoire et de mariage, guerriers ou tragiques. Le tout est servi par une mise en scène subtile, intelligente (Jean-Louis Pichon) évoquant la rocaille et les brumes des Cornouailles. L’Orchestre de l’Opéra, enfin, séduit par la puissance épique qu’il développe dès l’ample et belle Ouverture symphonique qui donne d’emblée le sourire à son chef Lawrence Foster.

Sandrine Piau © Antoine Le Grand

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«Bientôt on ne pourra peut-être plus monter ce type d’ouvrage» s’ inquiète le directeur de l’Opéra de Marseille Maurice Xiberras (voir l’entretien p8). De fait, Le Roi d’Ys d’Édouard Lalo est de la veine du Grand opéra de la fin du XIXe siècle qui exige, non seulement des chanteurs rompus à la langue française, mais des voix taillées à la mesure d’un orchestre qui puise dans la profusion wagnérienne (deux atouts de plus en plus rares à réunir aujourd’hui !). Au demeurant, les Marseillais sont gâtés ! La production à l’affiche au mois de mai propose un ouvrage qui fut autrefois l’un des grands succès des scènes lyriques (on le donnait en représentations, rien qu’à Marseille entre 1925 et 1950, au moins tous les deux ans !). Non contents de redécouvrir une musique originale, puissante, des airs héroïques, une histoire poignante bâtie sur la passion amoureuse et la jalousie, une légende bretonne relatant l’engloutissement de la ville d’Ys au Ve siècle chrétien (magnifique final où l’eau tombe du ciel en pluie sur la scène même !), on a été frappés par l’exceptionnelle qualité de la distribution vocale. Inva Mula (Rozenn) est à la hauteur de son statut de diva. Elle possède en 2014 un soprano large, mais a heureusement conservé les sons filés, aériens et belcantistes de ses débuts. Béatrice Uria-Monzon (Margared), joue sa sœur et rivale : elle est une tragédienne à la voix sombre et aux aigus tranchants. On connaît mal Philippe Rouillon (Karnac) : pourtant dans le rôle de l’ennemi félon, son baryton cuivré est d’une solidité rare. Que

une orchestration au service du mystère inhérent au sujet initial inspiré de récits historiques de l’Écosse au Moyen-âge. C’est grâce à ce postulat que le metteur en scène Jean-Louis Martinoty a imaginé un spectacle haut en noirceur qui faisait la part belle aux chanteurs dans un décor particulièrement bien pensé de Bernard Arnould, avec jeux de miroirs, vidéos, costumes et lumières ad hoc. Dans cette production de l’Opéra de Toulon, le plateau vocal était largement à la hauteur des exigences de la partition en termes de qualités techniques et expressives, à commencer par les deux rôles principaux incarnés avec autorité par Giovanni Meoni et Ingrid Brimberg, aux voix puissantes, face à un orchestre imposant. Ils incarnaient avec une ferveur quasi mystique un héros sombre et fragile aux côtés d’une épouse inquiétante à la schizophrénie latente. Cette belle incarnation de l’enfer du pouvoir était servie par une prestation diaboliquement efficace dans son ensemble : un régal.

Haendel est baroque dans son exaltation, son inventivité mélodique diabolique, ses mouvements lents étirés, ses fugues magistrales, funambule du clair-obscur. Jean-Marc Aymes, direction musicale et orgue, conçoit un programme pertinent à travers les héroïnes lyriques du compositeur : les Princesses Asteria, Bérénice ; la magicienne Alcina ; la Reine Cléopâtre. Sandrine Piau, soprano, est remarquable dans les airs plaintifs, langoureux, lents (Asteria : Cor di padre) où sa science du chant, sa maîtrise du souffle, son legato velouté, permettent l’étirement, les affects, les portandi, les relâchés, caractéristiques de la musique baroque. Cependant, elle semble plus crispée devant les terrifiantes vocalises des parties rapides (Presto) où les difficultés techniques sont monstrueuses. Mais sa présence, sa technique, son énergie domptent une écriture si complexe : Bérénice, Scoglio d’immota fronte, Cléopâtre, Da tempeste. Les parties fuguées succèdent aux parties lentes, références aux Ouvertures à la française. Belles envolées dans le magnifique Concerto Grosso opus 6 N°5 où le Presto est un jeu d’échanges sans fin entre le tutti et le concertino. Jean-Marc Aymes distille des gestes sûrs, sans emphase, et imprime une énergie «soave». Amour, pouvoir, et la musique sublime de Haendel, entre séduction et puissance, servie par un ensemble de très belle tenue, jonglant merveilleusement sur ces affects contrastés.

EMILIEN MOREAU

YVES BERGÉ

JACQUES FRESCHEL

Le Roi d’Ys a été donné à l’Opéra de Marseille les 10, 13, 15 et 18 mai

Macbeth a été donné à l’Opéra de Toulon les 25, 27 et 29 avril

Concert donné le 13 mai à l’Auditorium du Palais du Pharo, Marseille


Ceux qui pensaient encore que la mandoline est un instrument du passé, désuet et poussiéreux, sont ressortis de l’Alcazar, le 12 avril, avec une toute autre opinion. Musicien généreux, entraînant derrière lui une ribambelle de bambins maniant trémolos et plectres, Vincent Beer-Demander a offert une belle leçon au public de la salle de conférence de la bibliothèque municipale, concluant ainsi, d’une brillante manière, la 2e édition du festival Marseille Ville Mandoline. En compagnie de Frédéric Isoletta au piano, le professeur du Conservatoire de Marseille n’a pas été avare en pièces musicales, commentaires passionnés, digressions bonhommes sur la technique instrumentale et l’évolution de la mandoline à travers l’histoire, depuis son envol chez Vivaldi ou Hummel. Après une période de gloire au début du XXe siècle (on comptait en France près de trois millions de pratiquants), en dépit d’une traversée du désert à l’ère moderne, l’instrument retrouve aujourd’hui force et vigueur, en particulier grâce à de jeunes compositeurs imaginant de nouvelles possibilités pour ses cordes doublées, sa caisse en goutte d’eau résonnante... C’est le cas du lumineux Massilia Concerto composé récemment par Vincent Beer-Demander : il illustre, de façon séduisante dans son mouvement lent, au fil de résonances

© J.F

Nouvelle jeunesse

pleines de calme poétique, le lever du soleil au Cap Sormiou... C’est aussi en mixant les genres et les styles que la mandoline retrouve une belle jeunesse, comme lorsqu’en compagnie du chanteur Féloche et d’une poignée d’élèves du CNRR, on a conclu de la manière la plus festive qui soit, inventive et fantaisiste, cet après-midi-là : en chansons ! JACQUES FRESCHEL

Concert-conférence donné en clôture du Festival Marseille Ville Mandoline le 12 avril à l’Alcazar, Marseille

Brahms, l’humaniste Le 19e Festival de Musique Sacrée de Marseille ouvrait sur une œuvre majeure : Le Requiem Allemand de Brahms, dirigé par Michel Piquemal avec le Chœur Régional PACA. Marion Grange, soprano, Jacques-Greg Belobo, baryton-basse, assuraient les parties solistes, accompagnés de deux pianistes, Philippe Reymond, Renaud Moutier, et non de l’orchestre symphonique habituel. L’engagement brillant des deux musiciens très habités, au jeu «symphonique», nous faisait oublier, peu à peu, cette absence. Michel

Michel Piquemal © X-D.R

Piquemal est rompu à toutes les écritures polyphoniques : départs parfaits, attaques dynamiques, gestes précis ; la palette de son est immense, du bruissement d’un pianissimo à la puissance d’un fortissimo ; travail sur la prosodie soigné : accents et prononciation, magique si bémol mineur, puissant crescendo, remarquablement distillé. Les interventions de Jacques-Greg Belobo sont prenantes, intenses, avec un très beau timbre. La soprano, superbe, entonne une ligne aérienne, legato, sol majeur lumineux, soutenue par des chœurs toujours très présents. L’introït, Bienheureux ceux qui souffrent car ils seront consolés (Selig sind, die da Leid tragen, denn sie sollen getröstet werden. Matthieu,V,4), révèle plus une Messe pour la paix de l’âme que la Messe des morts du Requiem traditionnel : Seigneur, donnez-leur le repos éternel (Requiem, aeternam, dona eis). Symbole de cette Allemagne du Nord, «Ein deutsches Requiem» est ancré dans la ferveur de l’humble prière luthérienne. YVES BERGÉ

Le Requiem allemand a été donné le 7 mai dans le cadre du Festival de Musique Sacrée à l’Eglise Saint-Michel, Marseille

Une paire royale ! Elle, divine dans sa robe de soirée d’un rouge éclatant qui tranchait avec sa blondeur, lui, impeccable dans son costume noir, fêtent cette année leur noce d’argent de collaboration musicale, et ça s’entend ! Que ce soit dans Mozart, Brahms ou encore Dvorak, ces deux interprètes somptueux respirent à l’unisson, parlent la même langue, se comprennent sans se regarder. Elle, l’égérie de Karajan, Anne-Sophie Mutter, lui le pianiste complice, Lambert Orkis, ont délivré une partition parfaite ne réussissant à se défaire du public du GTP enthousiaste qu’après un troisième bis ! Entre les pages admirables de l’émouvante Sonate K304 de Mozart susurrées délicatement et les déflagrations de la Kreutzer-Sonate du tumultueux Beethoven, la virtuose, fidèle a son habitude, rendit hommage à la musique «contemporaine» en intégrant à son programme deux créations françaises. Quelle audace que de débuter le concert par La Follia de Penderecki pour violon solo (2013), pièce d’obédience tonale, dans une esthétique usant de chromatismes et d’harmonies résurgences d’un monde lointain, à l’image des œuvres du compositeur polonais depuis une trentaine d’années. La deuxième sonate pour violon et piano d’André Prévin qui clôtura la première partie, plus simple d’accès, flirtant avec le langage des musiciens du groupe des 6, pleine de facéties, de quelques hardiesses harmoniques, très exigeante au niveau technique, alternant passages tout en profondeur et vitalité rythmique, fut jouée avec une telle précision et enthousiasme que le public, peu habitué à ce type de répertoire, semblat goûter aux délicieuses âpretés de cette «nouvelle» musique. Un concert à l’image de la belle Anne-Sophie : rayonnant ! CHRISTOPHE FLOQUET

Le récital a été donné le 16 mai au GTP, Aix-en-Provence Anne Sophie Mutter © Anja Frers

33 M P U O LS I Q T U I Q E U E C U L T U R E L L E


«Jardin des amours»

34 M U S I Q U E

On quitte le front de mer pour serpenter, à pied, entre des maisonnettes, une ruelle grimpant en douceur vers la nouvelle salle de musique installée dans le quartier de l’Estaque : c’est le P.I.C., ce Pôle Instrumental Contemporain où s’est implanté il y a quelques mois l’Ensemble Télémaque dirigé par Raoul Lay. On sait combien la compagnie musicale marseillaise, depuis plus de vingt ans, met son talent et son énergie au service de l’art contemporain, maelstrom souvent jugé difficile d’accès, à le rendre familier au plus grand nombre grâce, en particulier, aux croisements interdisciplinaires (théâtre, danse, cirque...) et une volonté délibérément pédago... mais pas démago ! De fait, on se frotte volontiers au P.I.C., le 15 avril, car il ne reste plus un gradin de libre dans la salle coquettement tapissée de bois à l’acoustique, c’est à noter, excellente. Deux artistes, fidèles associés de Télémaque, occupent l’espace scénique. Au creux du piano, Alain Aubin chante des mélodies argentines. Ce contre-ténor marseillais au tempérament généreux met en lumière un répertoire du XXe siècle, certes enluminé d’une écriture savante, mais qui, du fait de son essence romantique assumée, ne s’est jamais dépouillé de son socle populaire. Chez Carlos Guastavino, Alberto

Alain Aubin et Nicolas Mazmanian - PIC © J.F

Ginastera, Ariel Ramirez ou Astor Piazolla, les contours harmoniques, les mélodies sensuelles sont dessinés et jaugés à la mesure du grand public. Avec beaucoup d’expression, sans tomber dans le larmoiement, Alain Aubin chante le vague à l’âme, les tourments du cœur, l’adieu et la jalousie, l’espoir de retour, la nostalgie de la jeunesse ou la solitude : tout un «Jardin des amours» brillamment cultivé ! Au clavier, son complice Nicolas Mazmanian chaloupe au rythme des syncopes, se moule en liberté dans le balancement des danses, des pulsations obstinées, carillonne avec

Transes extraterrestres Près de vingt années se sont écoulées depuis la disparition du pianiste Herman Poole Blount, alias Sun Ra. Thomas de Pourquery, saxophoniste alto du Mégaoctet de Andy Euler mais aussi du groupe DPZ, voulant revisiter l’œuvre du génial pianiste, a produit un CD explosif, Supersonic. Il s’entoure pour cela de musiciens amis qu’il côtoie Thomas de Pourquery © dan warzy depuis longtemps. Tous ont un parcours créatif atypique, pas forcément dans le jazz. La discographie de Sun Ra est impressionnante : près de 189 albums et son projet sonore expérimental est, encore aujourd’hui, à la fois méconnu et paradoxalement très actuel. C’est un peu tout cela qu’a, semble-t-il, recherché Thomas de Pourquery, et le résultat est des plus alléchants. À la batterie, Edward Perraud sculpte les sons, à l’affût du moindre prétexte déclencheur de son immense énergie créatrice ; à la trompette, Fabrice Martinez réinvente à l’infini les possibilités de l’instrument. Arnaud Roulin apporte la dimension de l’étrange avec ses claviers trafiqués, tandis que Fred Galiay, à la guitare basse, offre un groove qui accroche et scotche les auditeurs. Enfin on retiendra le long motif obstiné au saxophone baryton de Laurent Bardainne, dont on pouvait craindre qu’il ne tombe en catalepsie ! On chante aussi avec Thomas de Pourquery, car ce saxo généreux, charmeur de serpent, a plusieurs cordes à son arc. Il a enflammé son public avec ce concert qui termine la saison jazz du Gymnase en apothéose. DAN WARZY CD Thomas de Pourquery : «Play Sun Ra» Quark-L’Autre Distribution Ce concert a été joué le 6 mai au Gymnase, Marseille

opulence ou s’efface simplement... Un univers qu’on retrouve sur un disque fraîchement gravé, consacré à Guastavino et aux poètes que le compositeur et pianiste virtuose a délicieusement mis en musique : Rafael Alberti, Jose Iglesias de la Casa ou Luis Cernuda... JACQUES FRESCHEL

CD Jardin de Amores MMAA004/1 Jardins des amours a été donné le 15 avril au PIC, Marseille

Contestations musicales

Le cycle cinématographique Folles parades autour de l’exposition Le monde à l’envers au MuCEM a programmé la projection du film mythique Woodstock de Michael Wadleigh. Tourné durant le festival du même nom, cette œuvre retraçant une partie des concerts est également un témoignage du mouvement contestataire de la fin des années 60. Les conséquences de Woodstock sont longtemps restées sensibles : désastre financier (déclaré gratuit le lendemain de son ouverture) endettant les organisateurs, esprit «peace and love» contestable au vu des nombreuses querelles entre partisans de cette forme de révolte et opposants à ce festival «indécent» : le public se dévoile presque nu, se drogue et se traîne dans la boue. La fracture générationnelle est sensible également, entre les parents, imposant des codes austères et arbitraires, et les jeunes gens : une jeune fille tentant de se rendre au Festival affirme que ses rapports avec sa mère sont tendus, celle-ci étant convaincue qu’à cause de son comportement, elle ira en Enfer. Mais le film pointe également les dérives dangereuses, aujourd’hui oubliées, de ce festival mythique : la drogue était abondante, l’essence et les transports manquaient, et l’aide médicale aurait été insuffisante sans l’intervention des militaires. Malgré tout, la chanson contre la guerre du Vietnam de Country Joe, où l’hymne national américain transformé en attaque aérienne par Jimi Hendrix sont restés dans les mémoires. Tout comme le festival dont on a longtemps fait des tentatives «bis» jusqu’à la fin des années 90 avant qu’on se contente de pâles Revival. Entre chansons, propos des organisateurs dépassés et du public exalté, promenades dans les coulisses et tranches de vie chaotiques, le film témoigne comme malgré lui d’«un moment qui a révolutionné la musique et les mœurs». ALICE LAY

Woodstock a été projeté au MuCEM, Marseille, le 20 avril



A U

T H É Â T R E

© Edith Amsellem

P R O G R A M M E

Les Liaisons dangereuses sur terrain multisports les 24, 27 et 28 mai Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 www.merlan.org

© X-D.R

Déraisonnables, démentes, détraquées, absurdes et drôles, les Sea Girls sont restées fidèles à elles-mêmes pour leur nouveau spectacle… en pire. Quand elles chantent, la soirée devient explosive ! Les textes sont de Jean-Max Rivière, Sophie Forte, Fred Pallem ou encore Marie Desgranges. Les Sea Girls chantent, s’adonnent à des tours de magie, se prennent pour des cow-boys, des geishas ou même des lapins pendant que Patrick Haudecoeur met en scène leurs délires en les accompagnant d’un guitariste et un percussionniste. Carole Gérard, quant à elle, complète le spectacle de costumes excentriques pour le quatuor de déjantées qui ose tout.

Un événement étrange frappe les habitants d’une petite ville… Suite à une perte de connaissance de quelques minutes, leur réalité va s’en trouver décalée, leur quotidien va dérailler… Après avoir passé 3 jours en séminaire avec Frédéric Sonntag, auteur associé à leur promotion, les élèves comédiens de La Compagnie d’entraînement montent sa pièce, sous la direction artistique et pédagogique d’Alain Simon. Soudaine intimité des crépuscules du 5 au 7 et du 11 au 14 juin Théâtre des Ateliers, Aix-en-Provence 04 42 38 10 45 www.theatre-des-ateliers.com

du 3 au 7 juin Le Gymnase, Marseille 08 2013 2013 www.lestheatres.net le 10 juin Théâtre de Fos 04 42 11 01 99 www.scenesetcines.fr

Invisibles

Le Misanthrope La Marseillaise… Le collectif Manifeste Rien s’attaque à la Le Cartoun Sardines Théâtre s’empare de la comédie de mœurs via... la science fiction ! Une approche inédite de l’histoire de l’immigration en France, à travers de multiples personnages interprétés par trois acteurs : Virginie Aimone, Olivier Boudrand, et Jocelyne Vignon. L’hymne national sert de prétexte à une exploration corsée des poncifs véhiculés par les mass médias pour manipuler l’opinion publique. La Marseillaise et cætera Sortie de résidence le 24 mai Le Lenche, Marseille 05 91 91 52 22 www.theatredelenche.info

le 27 mai Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr © X-D.R

Reste(s) Laureline Le Bris-Cep (en 3 année de l’École e

régionale d’acteurs de Cannes) met en scène trois filles et deux garçons, des comédiens entre 22 et 28 ans, qui questionnent leur rapport à la guerre. Ils portent ces voix que les images enfouissent sous les décombres et qui pourraient être les nôtres si un jour des balles venaient percer notre bulle de sûreté. le 6 juin La Friche, Marseille 04 95 04 95 75 www.lafriche.org

pièce de Molière avec l’humour et la gourmandise qu’on lui connaît. Dominique Sicilia, Patrick Ponce et Bruno Bonomo jouent et croisent à eux trois les neuf personnages, le décor flotte en l’air, les objets sont détournés… et Molière projeté dans une époque qui pourrait bien être la nôtre !

© Philippe Delacroix

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ses règles et ses stratégies ? Les spectateurs sont conviés à l’ultime match de la carrière libertine de Merteuil et Valmont. Cette fois, leurs cibles sont les crédules Cécile de Volanges, Danceny et madame de Tourvel. Starifiés par un présentateur cynique et indécent, les deux roués vont offrir au public ce qu’il y a de plus attrayant : leur intimité. Mais loin d’une œuvre érotique, le spectateur assiste à la satire acide d’une époque hypocrite jouant sur les faux-semblants et les sentiments feints. La compagnie En rang d’oignons donne à l’œuvre de Laclos une ampleur nouvelle.

Soudaine intimité…

© Lot

Les Sea Girls Les Liaisons… Et si l’amour n’était qu’un sport de combat, avec

Qui sont-ils ? Des travailleurs algériens de la première génération. La France est devenue leur pays, ils y ont apporté leurs rêves mais surtout leur travail et sont devenus des fantômes. Ces Chibanis sont honnêtes, et pourtant personne ne les voit. Ils ne rêvent plus, ont une unique fonction : travailler. Aujourd’hui, leur pouvoir d’achat étant nul, ils sont devenus invisibles. Inspirés par des écrits de travailleurs, ce spectacle mis en scène par Nasser Djemaï est empreint de tendresse, d’humour et d’une grande humanité tout en entrant dans le vif d’un sujet de société abordé pour la première fois sur une scène de théâtre. le 23 mai Théâtre La Colonne, Miramas 04 90 50 66 21 www.scenesetcines.fr


© Philippe Fretault

En attendant Gudule Late Night Sortie de résidence de la Kirsh Compagnie pour le moins appétissante. La metteure en scène Virginie Strub, après 10 ans de recherches sur l’oralité et les différentes formes des langages, en particulier celles de la représentation, présente son nouveau projet scénique. Un spectacle «silencieux», ni mimé ni dansé, qui utilise un langage corporel et facial original et un impressionnant travail technique de l’acteur. Entrée libre sur réservation.

© Vassilis Makris

Prosper et George

Après Don Quixote au théâtre Liberté (voir ci-dessus), deuxième occasion de découvrir le travail de la Cie grecque Blitz Theatre Group, engagée dans une recherche théâtrale interrogeant le monde. Dans une salle de bal à l’abandon, après la «catastrophe», six hommes et femmes tentent de se prouver qu’ils sont encore en vie. Ils dansent une valse sans fin, sur les débris d’une Europe dévastée, pour que le mouvement ne s’arrête jamais. Et partagent une obsession : se souvenir de leur passé et raconter l’histoire de leur pays. Métaphore de la crise grecque, Late Night dresse aussi un rempart contre la disparition grâce à l’obstination de la danse.

le 27 mai Théâtre des Doms, Avignon 04 90 14 07 99 www.lesdoms.be

© Kirsh Compagnie

Nuit secrète 5 Nuit secrète au Centre national des écritures

le 24 mai Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com

e

le 23 mai Espace Robert Hossein, Grans 04 90 55 71 53 www.scenesetcines.fr

Le Hibou La Cie Éclats de Scène, dans le cadre des

le 21 mai Théâtre des Doms, Avignon 04 90 14 07 99 www.lesdoms.be www.eclatsdescenes.com

le 31 mai La Chartreuse, Villeneuve-lez-Avignon 04 90 15 24 24 www.chartreuse.org

Don Quixote La troupe émergente d’agitateurs grecs Blitz

Theatre Group s’empare du chevalier de Cervantès pour évoquer la situation de la Grèce d’aujourd’hui. Le collectif, incisif et engagé, offre dans ce road movie une adaptation très libre de Don Quichotte. Ils projettent le héros dans un monde reflétant le marasme social actuel et en font le nouveau porte-parole d’une génération indignée, symbole d’une résistance nécessaire. le 23 mai Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr

© Yiorgos Makkas

Conviviales (programmation itinérante de spectacle vivant en milieu rural), organise, du 20 au 24 mai, une rencontre autour de l’écriture jeune public : Quand le spectacle jeune public dit aux enfants ce que personne ne leur dit. À Avignon, l’auteure et metteure en scène belge Céline Delbecq sera présente au théâtre des Doms pour une lecture de sa pièce récompensée : Le Hibou. Une remarquable histoire à l’écriture tranchante et puissante, qui interroge finement la question de la culpabilité au cœur d’un tabou familial, l’inceste. Entrée libre sur réservation.

Le Schpountz

© X-D.R

En 1833, Prosper Mérimée et George Sand vivent une folle passion de quelques jours. Au-delà de l’échange entre deux amoureux, c’est un passionnant duel d’écrivains qui comparent leurs plumes que met en scène Thierry Lavat, avec deux comédiens (Miren Pradier et Christophe de Mareuil) très convaincants.

du spectacle La Chartreuse. Basée sur le principe de la découverte du travail des auteurs et artistes en résidence, cette nouvelle ouverture mensuelle au public a pour thème Jardins d’auteur, dans le cadre des journées nationales Rendez-vous aux jardins. Avec Marie-Claire Marcotte, Nasser Djemaï, Natacha Diet, Hélène Soulié et David Léon qui adaptent le roman Insomnie de Jon Fosse, Sandrine Roche, Bertrand Bossard.

La compagnie belge Marius achève son cycle consacré à Marcel Pagnol. Après la trilogie Marius/Fanny/César, puis Manon et Jean de Florette, Le Schpountz combine à merveille farce, émotion et éloge du comédien. 57 tableaux et 34 personnages (joués par cinq comédiens brillants) pour voir se régler les désaccords entre un jeune artiste à la grosse tête et un petit commerçant travailleur. Portée par Kris Van Trier et Waas Gramser, la troupe redonne toute leur saveur aux mots de l’auteur provençal… avec l’accent belge. du 10 au 14 juin Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com

37 A U P R O G R A M M E T H É Â T R E


compagnie marseillaise Dodescaden présente en avant-première sa pièce Rues intérieures. Les danseurs, Laurence Maillot et Jeremy Demesmaker, s’engagent dans une danse de l’état, radicale, où les corps désarmés par l’exclusion et la précarité, sont «contraints de trouver un équilibre dans une renégociation et une mendicité permanente de territoire». Un propos politique et urbain d’une réelle pertinence.

© Sebastien Normand

A U

D A N S E

En résidence aux Bancs Publics, Samir El Yamni présente sa création en cours. Journal des corps-Révolution des corps est le second volet d’un diptyque entamé dans son solo Carnets de route, commandés par le CDC des Hivernales à Avignon, sur la mutation et la révolution du corps. «Un corps soulevé, spiralé, résistant à une temporalité» qui parle de soi et des autres, dans lequel se mêlent des espaces, des sensations et des énergies communes.

prodiges de l’École de danse internationale Irène Tassembédo au Burkina Faso. En résidence au Pavillon Noir, le fondateur du collectif hip hop Jump Dance/Massa Crew présente son solo qui traite du «mécanisme destructeur des forces de l’Ego». Une réflexion sur la nature humaine qui le mène à s’interroger en ces termes : «cette volonté rebelle de bien jouer pourrait-elle m’amener à tout perdre ?». Rencontre avec le danseur à l’issue de la représentation, en entrée libre.

le 27 mai Les Bancs Publics, Marseille 04 91 64 60 00 www.lesbancspublics.com

Flagrant délire… Deux solos chorégraphiés par Yann Lheureux

Itinérances

en résidence au Pavillon Noir, chorégraphie et interprète Troubles, conduisant pour ce solo un laboratoire de recherche sur la métamorphose. Il y questionne la limite entre conscience et inconscience, et ce qui peut être contrôlé. Une rencontre aura lieu à l’issue de la représentation, en entrée libre.

Lego de l’ego Souleymane Ladji Koné est l’un des jeunes

© X-D.R

P R O G R A M M E

Troubles Le danseur nigérien Maman Sani Moussa,

le 3 juin Pavillon Noir, Aix-en-Provence 04 42 93 48 14 www.preljocaj.org

autour des pratiques urbaines et des cultures populaires, pour des interprètes passant des pratiques sportives en espace public à la danse. Dans Flagrant délire, Tony Thich utilise «l’art du déplacement» en alliant exploit physique et fragilité du mouvement dansé, franchissant tous les obstacles qui se présentent à lui. Pour Flat/Grand délit, le chorégraphe fait incarner au champion de BMX Vincent Marin, à travers la discipline du Flat, la figure de celui qui déjoue et détourne les règles et les usages.

le 17 juin Pavillon Noir, Aix-en-Provence 04 42 93 48 14 www.preljocaj.org

Ouverture du Transformateur Après des travaux d’aménagement, le studio de

la compagnie Ballet d’Europe Jean-Charles Gil devient Le Transformateur, un lieu de création, de diffusion et de résidence pluriel et mosaïque ouvert à tous, alimenté par une source d’énergie créatrice : la danse. Des actions culturelles avec des partenariats locaux et étrangers seront développées tout au long de l’année. Premier événement, cette soirée d’ouverture propose un Work in progress de la compagnie El Yamni (Journal des corps-Révolution des corps) et une impro danse de Georges Appaix et ses invités : Continu/Alternatif.

Flagrant délire et Flat/Grand délit les 4 et 5 juin Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 www.merlan.org © Philip Bernard

Trois étoiles du Ballet de l’Opéra de Paris associées aux plus grands chorégraphes d’hier et d’aujourd’hui pour le projet de Nicolas Le Riche, qui sonne ses 20 ans de carrière et son départ de l’Opéra. Invités par le danseur étoile, Eleonora Abbagnato et Clairemarie Osta dansent sur l’une de ses chorégraphies, Odyssée, et sur les œuvres d’Angelin Preljocaj (Annonciation) et Roland Petit (Le jeune homme et la mort). Russel Maliphant est également au répertoire, et sur scène, dans Critical Mass et le solo Shift. les 20 et 21 mai Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence 08 2013 2013 www.lestheatres.net

le 5 juin Ballet d’Europe Le Transformateur, Allauch 04 96 13 01 12 www.balletdeurope.org Georges Appaix © X-D.R

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le 22 mai Klap Maison pour la Danse, Marseille 04 96 11 11 20 www.kelemenis.fr

© Emilie Saubestre

Rues intérieures Journal des corps Après une année de recherche et d’écriture, la


De Flamencas © JC Nievas

Super Showman Bliss Après sa résidence de création aux Doms, Milan Emmanuel propose de faire découvrir son nouveau spectacle, un solo de hip hop qui parle de paternité et de besoin d’exister. Comme Superman son cousin, Super Showman, doté lui aussi de supers pouvoirs, fera tout pour être au centre de la planète…

© Pierre Planchenault

les 6 et 10 juin Théâtre des Doms, Avignon 04 90 14 07 99 www.lesdoms.be

Avec sa première création solo, Marco Flores rend hommage aux femmes qui sont l’incarnation sensible et vivante du flamenco. Qu’elles aient été, ou soient, danseuses, chanteuses, guitaristes, elles sont toutes incarnées dans la danse enflammée du jeune danseur. À ses côtés, huit femmes complices rythment ce ballet, au cante, au baile, à la guitare et aux palmas.

Anthony Égéa, avec sa Cie Rêvolution, termine sa résidence de création au théâtre avec une répétition publique de Bliss. Un spectacle qui fait appel à la mémoire collective et qui se propose d’explorer les danses de club comme le voguing, la house dance, le jazz rock, le hip hop new style…

le 24 mai Théâtre de Fos 04 42 11 01 99 www.scenesetcines.fr

le 23 mai Théâtre Durance, Château-Arnoux/Saint-Auban 04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr

© X-D.R

eXchange Stéphen Delattre, directeur artistique et

La Edad de oro © Felix Vazquez

chorégraphe au sein de la Delattre Dance Company et ancien élève de l’ESDC Rosella Hightower, propose une soirée composée de six créations chorégraphiques différentes qui réunissent la danse classique et contemporaine. Un travail très personnel qui s’affranchit de l’espace et du temps pour entrer en contact immédiat avec les spectateurs. le 13 juin Théâtre de la Licorne, Cannes 04 97 06 44 90 www.madeincannes.com ©Tom Ray

Le danseur et chorégraphe Israel Galván offre avec ce solo une danse ciselée, épurée, emplie de rigueur et d’intériorité, loin des clichés du flamenco. Avec David Lagos au chant, et Alfredo Lagos à la guitare, il ramène le flamenco à l’essentiel, entre tradition et modernité. le 12 juin Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr


Image tirée du film Au hasard Balthazar de R. Bresson © X-D.R

L’éveil du printemps Festival Contes et jardins

P R O G R A M M E JT H E U É N Â ET R PE U B L I C

du 21 au 24 mai La Friche, Marseille 04 95 04 95 75 www.lafriche.org

© Ville de La Valette-du-Var

Le Jardin des nuits En Provence Verte, Le Chantier est un centre de

Vache sans herbe Mange ta main Quand les protagonistes des contes de Perrault ont besoin d’une psychanalyse, ils viennent consulter Suzanne Zonzon. Mais dans son cabinet, Mme Zonzon, autoproclamée «raccommodeuse de couples déchirés», perd parfois le contrôle de la situation. Tous les personnages, elle y compris, plongent alors dans une farce étrange, où se mêlent les écrans de télé et les marionnettes. Sur un texte de Jean-Claude Grumberg, cette création de la compagnie Punchisnotdead, mise en scène par Cyril Bourgois, s’adresse à tous les publics dès 8 ans.

création des nouvelles musiques traditionnelles et musiques du monde. Basé à Correns, le collectif anime des ateliers dans plusieurs écoles varoises. C’est dans le prolongement d’interventions menées à Entrecasteaux, Brignoles et Saint-Maximin qu’est né Le Jardin des nuits, afin de mettre en avant la création contemporaine et d’y impliquer les enfants. Le compositeur Eric Montbel, ainsi que trois autres musiciens, jouent cette pièce pour vielle à roue, harmonium, cornemuse et voix d’enfants, qui plonge les spectateurs dans le répertoire ancien réactualisé.

du 21 au 24 mai Théâtre Massalia, Marseille 04 95 04 95 75 www.theatremassalia.com © Cyril Bourgois

le 3 juin La Croisée des Arts, Saint-Maximin 04 94 86 18 90 www.st-maximin.fr

La compagnie Senna’ga aborde dans Vache sans herbe les thème délicats de la mort et du deuil. Mais le texte de Sandrine Tamisier, également interprète aux côtés de Julien Asselin et Agnès Petreau, ne s’enferme pas dans la gravité. Juliette, le personnage principal, parvient à transformer sa douleur en souffle créateur et artistique. La mise en scène d’Agnès Régolo ponctue ce spectacle de poésie, de malice et de folie. À partir de 10 ans. le 23 mai Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr

© Laurent Sondag.

A U

Au début du XXe siècle, dès les premières représentations de L’Éveil du printemps, la pièce est censurée. Dans l’Allemagne impériale et puritaine, le texte de Frank Wedekind, qui évoque en détails la sexualité des adolescents et leur rapport au corps, fait scandale. Sur une proposition de l’Université d’Aix-en-Provence, Frédéric Poinceau, de la compagnie Les Travailleurs de la Nuit, signe une version sensible de cette œuvre sulfureuse. Porté par de très jeunes comédiens, élèves du secteur théâtre de la faculté d’Aix, le spectacle est conseillé à partir de 10-12 ans.

Les spectacles auront lieu entre 10h et 20h30, dans différents espaces du parc. L’entrée est gratuite mais les réservations indispensables. du 22 au 25 mai Parc des Troènes, La Valette-du-Var 04 94 23 62 06 www.lavalette83.fr

© X-D.R

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Christèle Pimenta, Sabine Richard et Jacques Bourgarel seront les autres conteurs invités du Festival.

La 12e édition du Festival Contes et Jardins de La Valette a lieu entre le 22 et le 25 mai. La manifestation aura lieu au Parc des Troènes et poursuivra, au-delà de la programmation riche et variée, une démarche éco-citoyenne. En plus du tri et du recyclage, le Sittomat, partenaire du festival, proposera pendant ces quatre jours, des ateliers, des jeux, des vidéos, afin d’apprendre à chacun comment limiter son empreinte écologique. Les huit conteurs présents seront évidemment concernés par ces enjeux, et plusieurs spectacles auront un lien avec cette thématique. Joëlle Anglade et ses Contes du ventre de la terre, par exemple, ou encore Jean-Claude Botton, avec Aweti, évoqueront à leur façon le fragile équilibre qui unit notre planète. Il y en aura aussi pour tous les goûts, et surtout tous les âges. Lila Khaled, et ses Petites gourmandises d’histoires qui s’adressent aux enfants dès six mois, tandis que des séances réservées aux séniors sont également au programme. Colette Migné laissera les moins de huit ans à l’écart au moment de raconter Ça crac crac dans le jardin, «une histoire lubrique pour les enfants» ! La Québecoise Arleen Thibault, ou encore


La Disparition Le Begat Theater poursuit ses expériences

Patinoire Patrick Léonard, l’un des fondateurs de la compagnie de cirque québécoise Les 7 doigts de la main, offre un solo entre cirque et théâtre, danse et musique. Cet ancien champion de patinage artistique sur roulettes, artiste touche à tout virtuose, évolue dans un décor de brocante, manipulant une profusion d’objets hétéroclites, entre équilibrisme et acrobatie. Des trouvailles et surprises poétiques qui procurent rires et enthousiasme du public.

immersives en milieu urbain, conduisant comédiens et spectateurs dans des rencontres intimes originales et passionnantes. Après Les Demeurées et Histoires Cachées accueillies par le théâtre de Cavaillon, nouveau rendez-vous secret avec La Disparition, sur les traces de deux personnes mystérieusement liées. Une balade sonore à l’intérieur d’une ville virtuelle et au cœur de la désorientation, dans laquelle le spectateur décèle par lui-même le sens inattendu ce cette drôle d’aventure. Lieu de rendez-vous dans la ville dévoilé lors de la réservation.

le 14 juin La Croisée des Arts, Saint-Maximin 04 94 86 18 90 www.st-maximin.fr les 27 et 28 juin Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com

le 14 juin Théâtre de Cavaillon 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com

C’est sud Pour la 13 année, C’est Sud enchantera les e

rues d’Aix, avec une programmation aussi riche que pluridisciplinaire. Cirque, danse, expositions, théâtre, cinéma, etc. En tout, plus de 40 propositions artistiques peupleront pendant 3 jours les lieux les plus emblématiques de la cité, de l’Hôtel de Ville au conservatoire Darius Milhaud, en passant par le Cours Mirabeau et le Forum Culturel qui sera le lieu de toutes

les expressions artistiques le 7 juin. De quoi satisfaire tous les goûts, et mobiliser tous les publics : bon nombre d’ateliers participatifs sont prévus. du 6 au 8 juin Divers lieux, Aix-en-Provence 04 42 91 99 19 www.aixenprovence.fr

© Roland Lorente

© Bénédicte Blanc


Aix en juin

42 A U P R O G R A M M E M U S I Q U E

Après l’effervescence de 2013, le Festival d’Aix «travaille à approfondir et pérenniser les lignes de force de cette manifestation, à renforcer son ancrage sur son territoire et amplifier son rayonnement international». De fait, les dizaines de propositions du mois de juin s’articulent autour de trois axes : d’une part l’Académie européenne de musique, qui depuis 1998 est un vivier de développement professionnel pour de jeunes artistes, d’autre part des structures et talents du territoire, enfin des projets Passerelles menés dans le cadre scolaire et associatif, tout au long de l’année dans la région. Près de 250 jeunes artistes viennent du monde entier participer à l’Académie, ses formations : ils participent aux productions du festival, à des master-classes publiques et donnent des récitals à Aix et ses environs, en particulier autour des opéras de Rossini et Mozart à l’honneur cet été. Les Lauréats HSBC, sélectionnés par la direction artistique du Festival pour leur talent d’exception (la soprano Julie Fuchs ou le Quatuor Tana sont de ceux-là) sont de la partie pour des récitals de haut-vol. On ne manque pas les productions de l’Académie, comme le spectacle sur la diva Pauline Viardot : Viardot, la liberté (7 juin à 20h au Jeu de Paume), l’opéra La Scala di seta, bijou du jeune Rossini représenté au Jeu de Paume (13 juin à 20h) ou sa Petite messe solennelle (bien plus tardive) chantée le lendemain à l’abbaye de Silvacane (14 juin à 19h). Le chœur amateur multiculturel Ibn Zaydoun, né au festival en 2008, spécialisé dans le répertoire classique oriental, donne de la voix dans la fable La Colombe, le renard et le héron (le 31 mai à 16h et 20h au Jeu de Paume) et en concert à Marseille (le 20 juin à 20h30, Cité de la Musique). Le saxophoniste Raphaël Imbert et la chorégraphe Geneviève Sorin organisent des ateliers publics d’improvisation (Marseille-la Savine le 7 juin à 18h et Aix-Jas de Bouffan le 15 juin à 11h, entrée libre). Enquête sur la Flûte enchantée est un «spectacle participatif» qui permet de

Julie Fuchs © Caroline Doutre

mieux comprendre «les forces obscures à l’œuvre dans cet opéra» (le 10 juin à 10h30 à Fuveau, le 11 juin à 19h à Aix-Cité du Livre, le 13 juin à 16h45 à Gardanne et à 20h30 à Marseille). On entend le Quintette à vent Initium (les 12 juin à 20h à Aix-Cité du Livre, 16 juin à 19h à Pertuis, 17 juin à 19h à Beaurecueil), le Quatuor Béla (le 17 juin à 20h au Jeu de Paume), Lo cor de la plana et ses répertoires traditionnels occitans et méditerranéens (le 15 juin à 16h à Silvacane), les English voices dans des chants sacrés et profanes (le 15 juin à 19h à Silvacane).

Orchestre à l’école, The Golden Vanity, Fantôme (...) et Parade(s)

Les jeunes musiciens du Conservatoire Darius Milhaud, des Orchestres «à l’école» & «au collège» revisitent la thématique du voyage (le 14 juin à 16h, Conservatoire D. Milhaud). Anne Périssé dit Préchacq dirige un spectacle musical d’après l’opéra de Britten The Golden Vanity avec des écoliers de Gardanne et une classe à horaires aménagés du collège Longchamp à Marseille. La mise en scène est signée Sybille Wilson, avec au piano Frédéric Isoletta (les 20 juin à 19h et 21 juin à 11h au Camp des Milles). Fantôme (…), étonnante composition «immersive» et électroacoustique de Benjamin Dupé, commande du Gmem-Marseille donnée au Merlan en 2012, est reprise au Bois de l’Aune pour une vingtaine de représentations entre le 25 juin et le 5 juillet. C’est enfin la traditionnelle Parade(s) qui marque l’apothéose populaire d’Aix en juin. C’est Marc Minkowski qui est à la baguette sur le Cours Mirabeau avec les solistes d’Il Turco in Italia et l’orchestre Les Musiciens du Louvre dans un programme consacré à Rameau et Rossini (le 29 juin à 20h45, gratuit sur réservation). JACQUES FRESCHEL

Festival d’Aix en juin 08 20 922 923 www.festival-aix.com Viardot, la liberté © Patrick Berger ArtcomArt

Roland Hayrabedian © Guy Vivien

Le Festival d’Aix (qui se déroulera du 2 au 24 juillet) affiche un mois de «prélude» en juin : des dizaines de manifestations, opéra, concerts, master-classes et une Parade à ne pas manquer !

Dionysos, le vin, le sang

À tout seigneur (et propriétaire !) tout honneur, c’est l’ensemble vocal Musicatreize dirigé par Roland Hayrabedian que l’on entend dans un programme d’opus signés par deux compositeurs issus du bassin méditerranéen : le Libanais Zad Moultaka et le Grec Alexandros Markeas. Un programme que pourront découvrir ceux qui n’avaient pas pu assister aux «Matin Sonnant» de l’Opéra de Marseille il y a plus d’un an. Les chants, rehaussés parfois d’un dispositif électroacoustique, résonneront donc dans l’acoustique boisée de la salle de concert : autour d’une berceuse, de jeux vocaux, d’incantations ou d’un rituel évoquant la figure de Dionysos. Chez Moultaka, «Ikhtifa évoque deux tableaux (Ubac et De Staël) sur des poèmes d’Al-Maari. Le chœur alterne silences et mots fractionnés dans une boucle sonore, sur un dispositif électroacoustique puissant. Dans Cadavres exquis, clin d’œil aux joutes surréalistes, le son l’emporte sur le sens, en une texture harmonique insolite où chaque mouvement est le souvenir tuilé du précédent. Travail extrême sur la résonance des sons sur laquelle se posent des mots épars… Markeas nous ramène, avec Wall Street Lullaby, aux financiers agressifs qui nous bercent d’illusions, puis à la mère grecque qui endort son enfant pour mieux le protéger. Dionysos, le vin, le sang propose en une variété de tableaux tout l’univers de la littérature bachique, vin gai ou tragique, mélodies traditionnelles, des terrifiantes bacchantes aux airs à boire... des voix traitées numériquement.» (Yves Bergé, mars 2013) Le concert prévu le 3 juin à 20h sera précédé d’un Avant goût du samedi : le musicologue Lionel Pons parcourra pour nous le programme en donnant de précieuses clés pour l’écoute. Il traitera plus généralement des musiciens de la Méditerranée (le 31 mai à 11h). J.F MARSEILLE. Salle Musicatreize 53 rue Grignan 04 91 00 91 31 www.musicatreize.org


Contemporain... mais pas que !

Le directeur artistique de l’ensemble baroque Concerto Soave, Jean-Marc Aymes investit la salle Musicatreize avec des Suites pour le clavessin dans le goût français écrites par Jean-Sébastien Bach (le 24 mai à 18h) ou un concert avec harpe (Mara Galassi) Dans le Paris de 1760 (le 7 juin à 18h). Avant ces concerts (à 17h), les amateurs de thé goûteront aux arômes sélectionnés par Le Palais des Thés, ou découvriront le tableau Le thé à l’anglaise dans le salon des Quatre-Glaces au palais du temple (1764) de Michel Barthélémy Olivier (le 7 juin à 16h, conférence de Marie Paule Vial). Topos Tempo enfin est un projet initié par le Gmem-CNCMMarseille (voir article sur le festival Les Musiques p. 30). Les compositeurs Pom Bouvier (électroacoustique) et Lionel Ginoux (musique instrumentale pour orchestre) imaginent un espace de rencontre entre des artistes, un public et des musiciens amateurs éloignés de la création musicale contemporaine. Des musiciens de l’ANEF (association qui oeuvre à la prévention, la protection, l’éducation, la réadaptation, l’insertion sociale et professionnelle de personnes se trouvant en danger moral, physique, ou victimes d’exclusion) et de l’Orchestre Moderne et Contemporain associé à l’ensemble C Barré seront dirigés par Sébatien Bouin (le 12 juin à 19h, entrée libre). MARSEILLE. Salle Musicatreize 04 91 00 91 31 www.musicatreize.org

Croquefer & L’Île de Tulipatan

La Compagnie Les Brigands, depuis plus de dix ans, ressuscite avec succès des ouvrages souvent oubliés de compositeurs d’opérettes et d’opéras bouffes du Second empire, d’Offenbach (Les Brigands, Barbe Bleue, Geneviève de Brabant, Docteur Ox... ou leur récente adaptation de La Grande Duchesse de Gerolstein), de Delibes (La Cour du Roi Pétaud), aux Années folles de Christiné (Phi-Phi), Yvain (Ta bouche), Marcel Lattès (Arsène Lupin banquier) ou Simons (Toi c’est moi), en passant par Claude Terrasse autour de 1900 (La botte secrète, Au temps des croisades, Chonchette)... Autant d’ouvrages qui passeraient pour désuets si on ne les redécouvrait pas à la lumière inventive de mises en scène fantaisistes et poétiques, drôles, et des talents artistiques de la troupe. Ce sont deux ouvrages en un acte d’Offenbach qu’on redécouvre grâce aux Brigands : Croquefer ou le dernier des paladins (1857) et L’Île de Tulipatan (1868). Les livrets de l’époque sont loufoques à souhait, décalés, quasiment inénarrables et la musique du «Mozart des Champs-Élysées», si délicieuse soit-elle, masque cependant une certaine mélancolie ! On est sûr de passer (c’est pour tout public !) un moment de gaieté, où le sourire se mêle à la franche hilarité, en compagnie des chanteurs/acteurs (voire danseurs !) et de l’orchestre qui les accompagne (dir. Christophe Grapperon). AIX. Du 21 au 24 mai à 20h30. Jeu de Paume 08 2013 2013 www.lestheatres.net © Claire Besse


Cité de la musique

Foliephonies invite le compositeur Denis Dufour (le 26 mai, conférence à 18h15 et concert à 20h30. Auditorium), Berlin, Symphonie d’une Grande Ville magnifique film muet de 1927 en ciné-concert (le 27 mai à 19h. Auditorium). Année Rameau, un récital de la claveciniste Christine Lecoin (le 13 juin à 20h30. La Magalone). MARSEILLE. Cité de la Musique 04 91 39 28 28 www.citemusique-marseille.com

La Fille du tambour major Festes d’Orphée MARSEILLE. Les 31 mai et 1er juin à 14h30. Odéon 04 96 12 52 70 http://odeon.marseille.fr L’Opérette retrouve l’Alcazar, le 24 mai à 17h, entrée libre

AIX 04 42 99 37 11 www.orphee.org © Dresse

La Traviata

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En Avignon...

Le baryton Nicolas Rivenq et Jean-Claude Malgloire (direction) interprètent les «Musiciens de Marie-Antoinette» : Guétry, Haydn, Piccini, Gluck (le 23 mai) avant le concert de clôture de l’Orchestre Régional Avignon Provence (dir. Fayçal Karoui) et la violoniste Cordelia Palm dans Vieuxtemps, Saint-Saëns et Beethoven (7e Symphonie, le 6 juin).

A U P R O G R A M M E

AVIGNON. Concerts à 20h30. Opéra Grand Avignon 04 90 82 81 40 www.operagrandavignon.fr

Don Giovanni Denis Dufour © X-D.R

«Oratorio populaire pour voix et ensemble», un voyage imaginaire dans la musique du XXe siècle autour de la chanson (song, cancion...) avec la soprano Brigitte Peyré, l’ensemble Télémaque, et des choristes des classes CHAM (horaires aménagés) des collèges Longchamp et Thiers.

Cela sent le «guichet fermé» ! On joue tous les jours place Reyer, avec deux distributions qui alternent, le chef-d’œuvre de Verdi dans une nouvelle production de l’Opéra de Marseille, «féminine», puisque la mise en scène est signée Renée Auphan, les décors Christine Marest et les costumes Katia Duflot. MARSEILLE. Du 17 au 22 juin 04 91 55 11 10 www.opéra.marseille.fr L’Opéra en scène à l’Alcazar, le 11 juin à 17h, Entrée libre

MARSEILLE. Le 27 mai à 14h30 et 19h30 et 28 mai à 14h30. PIC (l’Estaque) 04 91 39 29 13 www.ensemble-telemaque.com

Festival de Musique sacrée

Il se poursuit avec la Messa di Gloria de Puccini par l’Orchestre Philharmonique et les Chœurs de l’Opéra de Marseille dirigés par Fabrizio Carminati (23 mai), des Cantates de Bach ou Porpora doublées de Symphonies de Haydn conduites par Kenneth Montgomery avec la soprano Helen Kerns (28 mai), La Maîtrise des Bouches du Rhône (dir. Samuel Coquard) dans Bach (Das Antlitz Christi) et un formidable jeune sopraniste Théo Imart (1er juin). En clôture, c’est Le Messie de Haendel et son célèbre Alléluia, qu’on découvre avec The King’s Consort (5 juin). MARSEILLE. 19e Festival de Musique Sacrée. Église Saint-Michel Concerts à 20h30 sauf dimanche 1er juin à 17h 04 91 55 11 10 http://opera.marseille.fr

© L. Belhatem

Folk Songs

Kenneth Montgomery © Marco Borggreve

M U S I Q U E

Le Madrigal de Nîmes se produit dans le Stabat mater de Karl Jenkins (né en 1944) et des opus de compositeurs anglais contemporains (Taverner, Mealor, Whitacre-le 25 mai à 15h. Église du St-Esprit). On retrouve ensuite l’ensemble aixois Les Festes d’Orphée dans des «Méditations baroques» de Charpentier, Campra, Monteverdi (le 10 juin à 20h30. Chapelle de La Baume).

Une belle opérette d’Offenbach (ultime chefd’œuvre, cocardier, d’après 1870) pour la clôture de saison au théâtre du haut de la Canebière dans une mise en scène de Jack Gervais.

Reprise de la production marseillaise, mise en scène par Frédéric Bélier-Garcia, de l’opéra de Mozart, dirigé dans le Var par Giuliano Carella. TOULON. Jusqu’au 27 mai. 04 94 92 70 78 www.operadetoulon.fr

Clôture arlésienne

Dernier concert de la saison au Méjan : Juliette Hurel (flûte), Nicolas Dautricourt (violon), Miguel da Silva (alto) et Marie-Josèphe Jude (piano) interprètent Beethoven, Mozart, Poulenc et Chopin. ARLES. Le 8 juin à 11h. Méjan 04 90 49 56 78 www.mejan.com JACQUES FRESCHEL


Andromakers © Laetizia Bazzoni Christine Massy Waf !

Dès le mois de mai, l’incontournable fête musicale s’installe à nouveau, pour 5 dates (du 16 mai au 6 juillet), sur des sites emblématiques de Marseille : La Canebière, le bistrot WAAW, le cinéma l’Alhambra et l’Estaque. Organisé par le BIP, le festival de musiques actuelles, gratuit

et itinérant, offre un coup de projecteur à la scène régionale tout en réinventant l’esprit des guinguettes. Au programme, le 20 mai : bal décalé et guinguette pop au WAAW (6e), le 14 juin : Les Princesses de Tournai en rond (bal pour enfants par la Cie La Rumeur), un bal face à la mer proposé par L’orchestre et pour finir un DJ set de Del’Amott à l’Espace Mistral de l’Estaque (16e), sans oublier l’incontournable sardinade et des visites guidées à la découverte des lieux de tournages des films de Robert Guédiguian (inscriptions cinéma l’Alhambra 04 91 46 02 83). Quant au Kiosque à Musique des Réformés (1er), il accueillera : The Magnets, Andromakers et Eve Dahan le 1er juin, et des ateliers d’initiation DJ jeune public, Alpes, Martin Mey et Nassim DJ le 6 juillet. Les Rendez-Vous du Kiosque Divers lieux, Marseille les 20 mai, 1er et 14 juin, 6 juillet Programme complet sur www. rendezvousdukiosque.fr

Festival Sons dessus de Sault

Voilà un savoureux festival, où il fait bon vivre la culture dans son ensemble, organisé par le dynamique Phare à Lucioles, membre du réseau Futurs composés et qui ne cesse de poursuivre son développement. Deux jours durant, rencontres et spectacles se déploient dans le village de Sault, transformé en laboratoire de la création artistique contemporaine. Au programme de cette 7e édition, des rendez-vous gratuits : musique populaire avec Cheval des 3, interventions des classes Chamac du collège de Sault avec Elise Vigneron et Robin Decourcy, improvisations des Impromptus, Grande Déjambulation festive et concert final d’Imperial Quartet. Et pour rester dans le plaisir de la découverte, sans verser dans

Dupain © Rémy Comment

Sons du Lub’

Le week-end de l’Ascension, c’est la 10e édition du festival de musiques actuelles, assorti de la plus importante bourse aux instruments en région PACA, à Beaumont-de-Pertuis. Ces Sons du Lub’ 2014, organisés par l’association Arc En Sol, offrent une trentaine de concerts d’artistes confirmés et émergents, des spectacles de rue (Ornicarinks, Batucalub…), une sieste elektro (par Seconde Nature), un Mini Lub’ pour les enfants et ados (théâtre et marionnettes avec

la surconsommation, une monnaie unique : le jeton sauterelle (2 euros) donnant accès au bar, à la cantine (bio), aux concerts et spectacles payants. Parmi eux : le Jukebox déjanté d’Ivan & Helène, le Petit Cirque de la Cie l’Oisiveraie, des concerts solo (Daniel Malavergne, David Merlo, Patrick Ingueneau, Emilie Lesbros), un essai loufoque sur la religion par la Cie A, le ciné-concert Les raisins de la déraison, le spectacle de marionnettes D’un souffle tu chavires, et un grand bal de l’orchestre Ducoin. les 24 et 25 mai Divers lieux, Sault 05 90 64 12 26 www.pharealucioles.org/festival-sons-dessus-desault/

Elise Vigneron, démonstration de circuit bending avec Jankenpopp…) le 31 mai. Ouverture le 28 mai, au Château de Clapier (Mirabeau), avec JM2 et le trio vocal Joulik en concert. Le 30 mai, retour sous le grand chapiteau dans le village du Sud Luberon avec Woody Bud, D’Aqui Dub, Papaza, Les Robertes, le performance aérienne de Loly Circus et le parrain de l’édition : Juan Rozoff. Le 31 mai, sur quatre scènes du village vauclusien, de 10h à 1h, un défilé d’artistes : A.JAM, Don Biliez, le quintet Dupain, Boucan Clan, Adele & Zalem et leur didgeridoo, Syls, Broken Rotuls, Gaïo, Isaya. Du classique aussi avec le Duo Diaphonia, de la musique tzigane avec les Violons tziganes, et du flamenco avec Quentin Nedelcu. Sons du Lub’ les 28, 30 et 31 mai Mirabeau et Beaumont-de-Pertuis 06 95 13 97 73 www.arcensolasso.fr

Philippe Petrucciani quartet

Philippe Petrucciani © X-D.R

Les Rendez-Vous du Kiosque

Accueilli en partenariat avec le conservatoire de musique de Port-de-Bouc, le quatuor composé de Nathalie Blanc (chant), Philippe Petrucciani (guitare), Dominique Di Piazza (basse) et Manhu Roche (batterie) offre un spectacle où chaque note est une perle sonore. Des mélodies swing jouées avec ferveur, entre standards jazz, bossa-nova et compositions. le 23 mai Le Sémaphore, Port-de-Bouc 04 42 06 39 09 www.theatre-semaphore-portdebouc.com


Maroc au MuCEM

Blancanieves

Au Fil d’Ariane de Robert Guédiguian © Diaphana

Des Murs et des Hommes de Dalila Ennadre © Djinn

46 A U P R O G R A M M E

MuCEM, Marseille 04 84 35 13 13 www.mucem.org

Le 7 Juin à 20h30, au cinéma Renoir à Martigues, en avant-première, Au Fil d’Ariane, avec Ariane Ascaride, Gérard Meylan, Jean-Pierre Darroussin, Jacques Boudet, en présence de Robert Guédiguian et de l’équipe du film. Ariane est plus seule que jamais dans sa jolie maison. C’est le jour de son anniversaire ; les bougies sont allumées sur le gâteau. Mais les invités se sont excusés... Ils ne viendront pas. Alors elle prend sa jolie voiture et s’enfuit.

Blancanieves de Pablo Berger © Rezo Films

Le 1er juin à 18h30 à l’Eden-Théâtre de La Ciotat, Art et Essai Lumière propose Blancanieves, l’histoire de Carmen, adoptée et surnommée Blancanieves par une troupe ambulante de nains toreros, dans les années 20. Ce film en noir et blanc de Pablo Berger a remporté de nombreux prix dont sept Goyas. Jérôme Vidal, producteur du film (Noodles Production) sera là pour présenter le film. Art et Essai Lumière, La Ciotat 04 42 83 20 57 www.artetessailumiere.fr

Cinéma Renoir, Martigues cinemajeanrenoir.blogspot.com

Mondes en images

Autour du gaz de schiste Holy Field Holy War de Lech Kowalski © Revolt Cinema

C I N É M A

Dans le cadre de Temps fort Maroc, Paroles dans la Cité, le MuCEM propose plusieurs projections. Le 22 mai à partir de 18h30, un hommage à Ahmed Bouanani, écrivain, cinéaste et dessinateur : projection de 6 et 12 suivi de Mirage, son unique long métrage, et table ronde avec Touda Bouanani, artiste et fille d’Ahmed Bouanani, le cinéaste Ali Essafi et l’écrivain Arno Bertina. Le 24 mai à 19h30, deux documentaires en présence d’Ali Essafi : Wanted (2011) et Ouarzazate Movie (2001). Le 25 à 20h, Des Murs et des Hommes de Dalila Ennadre en présence de la monteuse Véronique Lagoarde-Ségot.

Au Fil d’Ariane

Liberté chérie

Le 5 juin à 18h, au cinéma César à Marseille, projection du documentaire Liberté chérie en présence de la réalisatrice Mika Gianotti : un essai cinématographique qui entraîne le spectateur dans sa liberté de penser. À travers les questionnements de quelques individualités, le film s’interroge sur la fin de vie et sur les limites acceptées d’une vieillesse dégradée... Cinéma César, Marseille 09 75 83 53 19 www.cinemetroart.com

Du 23 au 25 mai, au cinéma Le Cigalon à Cucuron, Basilic Diffusion et Gens de Terrain invitent le Comité du Film ethnographique et Le Festival International Jean Rouch pour les 1res rencontres documentaires : 12 films et des rencontres avec des réalisateurs. En ouverture à 19h30, un hommage à Jean Rouch avec Les Maitres fous, et Moi, un noir. Et tout le week-end, à partir de 10h, des films venus d’Inde, d’Islande, de Turquie, du Liban, de Mongolie, des U.S.A., du Vietnam et du Mali. Programme détaillé sur www.cinemalecigalon.fr Cinéma le Cigalon, Cucuron 09 72 34 62 04

Liberté chérie de Mika Gianotti © Les Films d’Un Jour

La Danza de la Realidad

Le 5 juin à 20h30, au cinéma Renoir à Martigues, Holy Field Holy War en présence de Lech Kowalski. Partout dans le monde, les petits agriculteurs sont menacés. En Pologne, un pays où plus de 60% de la surface est occupée par l’agriculture, de nouveaux acteurs sont en compétition pour s’accaparer les terres. Le film dénonce l’usage de l’agriculture intensive ainsi qu’une forme d’invasion industrielle connue sous le nom de «fracturation hydraulique ». Cinéma Renoir, Martigues Cinemajeanrenoir.blogspot.com

Le 27 mai à 18h30, Le Goût de lire et le cinéma Cinémovida d’Apt proposent La Danza de la Realidad d’Alejandro Jodorowsky, adapté de son autobiographie, en présence du cinéaste, de Marc De Smedt, éditeur et d’Alex et Nelly Lhermillier, traducteurs. «M’étant séparé de mon moi illusoire, j’ai cherché désespérément un sentier et un sens pour la vie.» Cette phrase définit parfaitement le projet biographique d’Alejandro Jodorowsky : restituer l’incroyable aventure et quête que fut sa vie. Le Goût de Lire en Pays d’Apt http://legoutdelire.over-blog.com Cinémovida, Apt www.cinemovida.com/apt/


Adolescence L’adolescence est un univers cher à Helier Cisterne. Le DVD contient son premier long métrage, Vandal, récompensé par le Prix Delluc du Premier Film. Il suit le parcours d’un jeune adolescent, Chérif (superbement interprété par Zinedine Benchenine, révélation aux César 2014), rebelle et solitaire envoyé à Strasbourg, chez son oncle, par une mère dépassée. Là, il va retrouver son père perdu de vue depuis le divorce de ses parents et découvrir le monde des graffeurs où l’introduit son cousin. C’est là aussi qu’il va apprendre l’existence de Vandal, un «génie» du graff, sorte de fantôme qui grimpe partout sans filet. Le film au rythme dense, sans temps mort, nous emmène dans cet univers, à bout de souffle, en empathie avec Chérif, un adolescent un peu perdu. On a envie de l’aider à retrouver son équilibre et à sortir de sa carapace mais il n’a pas besoin de nous, il va trouver son chemin… En plus de Vandal,

on peut découvrir les courts métrages de ce jeune cinéaste : Sous la lame de l’épée, déjà dans le monde des graffs avec l’histoire de Tom, effacé et secret le jour, qui tague dans le métro parisien la nuit ; son premier film, réalisé en 2006, Les deux vies du serpent et Les Paradis perdus, l’histoire d’une jeune lycéenne, en mai 68, que ses parents décident d’emmener à la campagne pour fuir les troubles parisiens. En prime, une interview d’Helier Cisterne qui parle de l’adolescence et de cinéma.

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ANNIE GAVA

A U

Le DVD est sorti le 6 mai DVD Vandal Helier Cisterne Prix Delluc du Premier Film Blaq Out, 20 euros

P R O G R A M M E

Cannes à Marseille

C I N É M A Bande de filles de Céline Sciamma © Pyramide Films

Vous n’allez pas au Festival de Cannes, vous préférez Marseille, vous aimez voyager en cinéma, eh bien, il vous suffit de faire un petit tour du côté de l’Estaque pour voir 13 des films de la 46e Quinzaine des réalisateurs, section parallèle du Festival cannois, créée par la Société des réalisateurs de films (SRF) après mai 68. Et cela fait dix ans que l’Alhambra, en partenariat avec la région PACA, nous offre cette opportunité, découvrir, immédiatement après le festival, les films de cette sélection, indépendante, libre et non compétitive. En ouverture, le 27 mai à 20h30, Edouard Waintrop, délégué général depuis 2011, présentera le nouveau film de Céline Sciamma, Bande de filles, en sa présence : les mésaventures de quatre adolescentes qui tentent de vivre leur jeunesse. En clôture, le 3 juin à 20h30, Les Combattants avec Adèle Haenel, César 2014 de la meilleure actrice dans un second rôle et Kevin Azaïs, en présence du réalisateur Thomas Cailley. Autres films français, le deuxième long métrage de Jean-Charles Hue, «à la fois polar, road movie et étude d’un milieu social» et P’tit Quinquin de Bruno Dumont, série réalisée pour Arte. Deux films britanniques : Pride, comédie de Matthew Warchus, qui retrace l’éphémère alliance des mouvements de mineurs en grève contre la politique de Margaret Thatcher et du soutien qu’ils ont reçu de groupes de militants homosexuels ; et Queen and Country de John Boorman, où le jeune garçon de Hope And Glory est devenu militaire, sur fond de fin de guerre en Corée. Frederick

Wiseman présentera son nouveau film, National Gallery, tourné évidemment dans le musée de Londres. D’outre-Atlantique, Whiplash de Damien Chazelle, qui suit le parcours d’un adolescent qui rêve d’être l’un des meilleurs batteurs de jazz de sa génération ; Tu dors Nicol, du Québéquois Stéphane Lafleur et Refugiado de l’Argentin Diego Lerman. On pourra voir aussi Gett-Le procès de Vivianne Amsalem, le nouveau film des Israéliens Ronit et Shlomi Elkabetz, qui décrit la bataille judiciaire d’une femme pour obtenir le droit de divorcer, ainsi que Le Conte de la Princesse Kaguya, le film du maître de l’animation japonaise, Isao Takahata, auteur du Tombeau des lucioles.

Enfin, pour les plus de 16 ans et pour fêter le 40e anniversaire de la première projection de Massacre à la tronçonneuse, est proposé le film de Tobe Hooper dans une version restaurée. Alors, du 27 mai au 3 juin : rendez-vous à l’Alhambra ! ANNIE GAVA

Cinéma l’Alhambra, Marseille 04 91 03 84 66 www.alhambracine.com


Le MuCEM rêve de mondes m

Russe Commune

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Au joli temps des cerises, en partenariat avec la cinémathèque de Toulouse qui entretient depuis près de 50 ans des rapports privilégiés avec la Gosfilmofond de Moscou, s’est ouvert ce 3 mai au MuCEM, le cycle «un monde meilleur, le meilleur des mondes» imaginé par Jeanne Biscioni-Baumberger. Au programme, un bijou du cinéma soviétique de 1929 : La Nouvelle Babylone de Grigori Kozintsev et Leonid Trauberg, accompagné au piano par Hakim Bentchouala-Golovitch qui, après Chostakovitch auteur de la musique symphonique originelle, a composé une nouvelle partition pour ce classique du 7e art. Le film, un des derniers produits par le collectif d’artistes La Fabrique de l’Acteur Excentrique (FEKS) fondée en 21 par les réalisateurs dans la mouvance des avant-gardes européennes et dissoute en 31, condense les deux mois de la Commune de Paris. De la capitulation française (mars 71) à la semaine sanglante de mai. Une heure trente et huit tableaux alliant impressionnisme et expressionnisme, grotesque et sublime, chorégraphie et peinture,

théâtre et cinéma, littérature et opérette, café-concert et danse macabre, convoquant tour à tour Offenbach, Degas, Renoir, Manet, Vallès, Toulouse-Lautrec, Daumier, l’Assiette au beurre et Au Bonheur des dames, pour faire entrer l’épisode historique si peu représenté au cinéma dans la légende. Une légende qui se construit par un montage virtuose, un art consommé du portrait et des images-chocs incongrues comme un piano et un mannequin en robe blanche sur une barricade. Une légende sculptée surtout par la lumière. Cette lumière qui fait hurler les premiers plans tandis qu’elle floute les arrières, exalte les dentelles de la même façon que la mousse savonneuse des baquets, magnifie l’éclaboussement libérateur d’une lavandière battant son linge mouillé au dessus de sa tête, transforme la pluie en une trame continue sur laquelle s’inscrit la répression, métamorphose les pavés de Paris en un fond abstrait ou en un fleuve d’ombres charriant irréversiblement les individus vers le drame tandis que le couple impossible du soldat versaillais

La Nouvelle Babylone de Grigori Kozintsev et Leonid Trauberg © Collections La Cinémathèque de Toulouse

et de la petite vendeuse insurgée oppose un temps dérisoire leur verticalité immobile. Film de propagande révolutionnaire -le cinéma n’était-il pas pour Lénine, de tous les arts, le plus important- La Nouvelle Babylone, hymne au peuple héroïque devient par sa force formelle, un hymne au cinéma.

Dégénérés sages ? Autour de l’exposition Le monde à l’envers, le MuCEM a présenté le cycle cinématographique Folles parades. Au cœur de ce cycle, À corps perdus, composé de trois films différents autour de l’exaltation des corps : Flaming Creatures de Jack Smith présente les tableaux vivants d’une orgie homosexuelle, et fit scandale à sa sortie ; Manhà de Santo Antonio de Joào Pedro Rodrigues, ou la vision de Lisbonne au petit matin avec des corps chorégraphiés minimalement après une nuit de beuverie ; et Trash Humpers de Harmony Korine qui montre des fous masqués maltraitant tout ce qui passe et tuant même sans raison leurs voisins après avoir récité de la poésie boiteuse. Outre la présentation de corps en exaltation, les films s’attachent tous aux conséquences de leurs actes. Dans le premier film, malgré un court passage où l’orgie sexuelle est violente,

Flaming Creatures de Jack Smith © Courtesy of Jack Smith Archive and Gladstone Gallery, New York and Brussels

elle ne procure finalement que du plaisir, jusqu’à un passage comique sur l’utilisation excessive de rouge à lèvres via un commentaire décalé sur l’utilisation habituelle de ce cosmétique : les actes sexuels provocateurs

à l’extrême continuent pendant que les protagonistes sourient à cœur joie ! Le deuxième long métrage présente le matin de Saint Antoine, et les corps qui déambulent dans la rue à l’aube. La nuit de beuverie

Curiosités espagnoles

Le 10 mai, en partenariat avec Horizontes del Sur, c’est de la Guerre d’Espagne dont il fut question avec la projection de deux des huit fictions produites par la CNT, puissant syndicat anarchiste. Deux films pour le moins surprenants : Barrios bajos de Pedro Puche et Nosotros somos así de Valentin Gonzalès. On

de la veille n’est guère montrée mais clairement suggérée par le comportement anormal des jeunes gens qui se déplacent tels des spectres sans vie, tombant lourdement à terre, égarés dans la ville. Pourtant, certaines personnes qui empêchent les voitures de circuler (involontairement ? délibérément ?), certains gestes de rage ou de solidarité suggèrent que l’ivresse de la veille est sous-tendue d’un état de révolte, et d’impuissance. La dernière œuvre, Trash Humpers, la plus violente, n’hésite pas à aller jusqu’à la folie pure. En commençant par l’attrait pour la crasse : les protagonistes mettent des poubelles entre leurs jambes, mangent des pancakes au liquide-vaisselle. Privé de toute innocence, un enfant maltraite un poupon, feignant de le tuer, le faisant remarquer aux autres. Sadiques et masochistes, maltraitant les autres


peine à percevoir un message politique dans le premier, un mélo au scénario improbable, où se retrouvent les archétypes de l’ouvrier rustre au grand cœur, de la jeune fille honnête convoitée par d’abominables maquereaux sur fond de crise économique, si ce n’est en arrière-plan, l’ode à la camaraderie contre un monde marchand impitoyable. Le second, plus didactique, plus surprenant et, avec le recul, plus drôle aussi, se donne comme une leçon en vers, chantée et dansée par des enfants sur le modèle des comédies américaines, ballet synchronisé et claquettes compris. Et on écarquille les yeux devant le tribunal révolutionnaire mené tambour battant par les bambins, entre les figures tutélaires de Betty Boop et de Popeye, absolvant le petit sang-bleu innocent des crimes de son père franquiste ! Deux curiosités de cinéphiles et d’historiens tirées de l’oubli par la cinémathèque de Madrid et le travail d’Armado Marcellan, fils d’un membre de la CNT. Deux films de 1937 plus intéressants pour ce qui était derrière la caméra que devant. ELISE PADOVANI

Le cycle «un monde meilleur, le meilleur des mondes» se poursuit jusqu’au 22 juin au MuCEM, Marseille

ou s’auto-maltraitant, tous les personnages ont des comportements très osés, mais tout est filmé sur un ton comique et banal, mis en scène comme un train-train quotidien, entrecoupé de disputes et de discussions sérieuses sur la remise en cause des codes de la société, et le refus de la famille, du travail, de la propriété bourgeoise. Une scène touchante montre une femme volant un enfant à ses voisins, que ceux-ci semblent avoir mis de côté, lui chantant une petite berceuse, forme d’amour et de sollicitude renaissant au milieu du chaos. Car ici la folie est assumée, elle se présente comme une certaine forme de sagesse qui se révolte contre une société qui refuse de laisser le corps s’exprimer. Ces trois films, s’ils mettent mal à l’aise, questionnent réellement la liberté du corps, et de sa jouissance, dans le monde d’aujourd’hui. ALICE LAY

Flaming Creatures et Manhà de Santo Antonio ont été projetés le 19 avril ; Trash Humpers le 20 avril, au MuCEM à Marseille

De guerre lasse d’Olivier Panchot © SND

meilleurs

Western urbain et tragédie Quand Alex (superbe Jalil Lespert), hanté par ses démons, revient à Marseille après avoir déserté de la légion où il s’est engagé quatre ans auparavant, la guerre des clans, caïds corses et pieds-noirs, ne tarde pas à se rallumer, impliquant à nouveau sa famille dont son père Armand, retiré des «affaires», qui vit dans une superbe maison avec Raîssa. Avec Alex, le passé ressurgit : l’Algérie, son amour Katia (Sabrina Ouazani), son ami-frère Rachid, (Mhamed Arezki) et les ennemis, Titoune (Jean-Marie Winling) et Marchiani (Olivier Rabourdin). Règlements de comptes, vengeances meurtrières, passages à tabac, courses poursuites, tous les ingrédients du film de genre sont là. «J’avais envie de me confronter au genre, faire un film d’action, au sens propre, à savoir un film où les personnages se définissent par leurs actes», explique le réalisateur Olivier Panchot. Et le héros fracassé, de retour de la guerre, dur, violent, fragile, écorché vif, rappelle certains personnages de polar américain. «J’ai tout de suite adhéré au personnage. C’est une vraie figure de héros, tragique parce qu’il est dans l’aveuglement. On est dans la mythologie du cinéma : c’est le rôle de garçon qu’on rêve de jouer ; le cow-boy mais aussi un garçon naïf, brisé, qui n’a pas les mots, une machine qui s’est enrayée…», a commenté Jalil Lespert. Le casting est fort réussi. Tcheky Karyo incarne un père coincé entre ce qu’il cache de sa vie et sa famille pied-noir qui n’a pas accepté qu’il vive avec une Arabe (Hiam Abbass, formidable en mère tragique). La scène où elle va rechercher Armand qui s’est mis à l’eau, tout habillé dans la piscine, est bouleversante. Ce film, tourné comme un western urbain, n’est pas qu’un polar ; c’est

aussi une tragédie avec secrets de famille, thématique importante pour le réalisateur : son film précédent, un documentaire a pour titre justement Secrets de famille. «J’avais envie de travailler la question du secret de famille. J’ai une famille d’origine pied-noir et la question du secret est au centre. J’avais envie d’explorer dans une fiction la manière dont un secret de famille pouvait s’insinuer dans les esprits, fragiliser, voire fausser les rapports familiaux et comme on est dans un film de genre, les mettre en danger, y compris physiquement. Je voulais raconter l’histoire d’une famille pied-noir recomposée, dans le Sud de la France. Ça m’a semblé évident de le tourner à Marseille.» Marseille qui est étonnamment filmée, par le talentueux Thomas Hardmeier. Marseille avec une lumière blafarde, crépusculaire, tel un port du Nord. Et sans dévoiler la fin de ce film au titre poétique, De guerre lasse, les hommes ici n’ont pas seulement les armes mais le diable qui marche avec eux ! ANNIE GAVA

De Guerre lasse, soutenu par la région PACA, a été présenté en avant-première au cinéma le Prado à Marseille le 24 avril, en présence du réalisateur Olivier Panchot et du comédien Jalil Lespert. Il est sorti en salles le 7 mai.

Cinéma le Prado, Marseille 04 91 37 66 83 www.cinema-leprado.fr

49 P C OI N L ÉI M T AI Q U E C U L T U R E L L E


Arts éphémères #6

Tous inspirés par Lewis Caroll : W. Almendra, D. Aroussi, E. Bentz, D. Brun, C. Campbell, U. Cerina, J. Deneuve, N. Desplats, E. Dessarps, A. Guruceaga, P. Klemensiewicz, S. Lorenzi, B. Marianne, E. Moirenc, L. Moreau, P. Navarro, G. Oleksiuk, E. Régent, L. Sauvage, E. Sartori, W. Vachal, G. Zefferi... et M. Grazioli, M. Le Dantec, M. Li Wanxu de l’ ESADMM, les Ateliers Publics, l’Ecole d’Architecture. Vernissage le 22 mai à 18h30 avec performances du BNM, du Théâtre du Centaure et de la Cité de la musique. C.L. 6e Festival des Arts Éphémères du 22 mai au 7 juin Parc et salons de Maison Blanche, Marseille 9e et 10e www.marseille9-10.fr

50 A U P R O G R A M M E

Phil Stein, City government, 2/14, 91x127cm © P. Stein Sandra Lorenzi, L’Edifice Persistant, 2011, bois et acier © Sandra Lorenzi

Phil Stein

De New York et Philadelphie où il vit, Phil Stein a fait ses sujets de prédilection. Le photographe mène depuis 2004 un double jeu complexe de déconstruction/reconstruction de l’espace urbain. Au départ plutôt empirique et faisant appel à des techniques artisanales, son process de travail fait intervenir géométrie savante et technologies actuelles pour structurer des perspectives en relief vertigineuses. C.L. Stein jusqu’au 14 juin Galerie du Pharos, Marseille 04 91 33 22 23

A R T S

Cléa Coudsi et Éric Herbin

V I S U E L S

Comment relier Dunkerque à Marseille, deux villes «de mythes et d’épopées» ? Via une bande sonore manipulée et détournée au travers de machines par Cléa Coudsi et Eric Herbin qui ont recueilli de nombreux témoignages d’habitants ! De ce documentaire sonore sont nées trois installations spécifiques (Les Tournants, Tonographie rétroéclairée, Black Sound) que les deux artistes, invités par Seconde nature, exposeront aux côtés d’œuvres plus anciennes. M.G.-G. Surface et bruissements, stims & scors jusqu’au 20 juillet Seconde nature, Aix-en-Provence 04 42 64 61 02 www.secondenature.org Blacksound © Clea Coudsi et Éric Herbin

Maîtres graveurs

Le musée Ziem révèle pour la première fois une sélection de son fonds de 162 gravures signées Rembrandt, Le Lorrain, Turner mais aussi Decamps, Raffet, Batty... Rassemblées par Félix Ziem, elles n’avaient jamais été montrées depuis la donation faite en 1933, par la petite-fille du peintre. Conférence de Pascale Cugy, auteur du catalogue de l’exposition (Arnaud Bizalion éditeur), le 12 juin à 18h. C.L. Rembrandt, Le Lorrain, Turner.. gravures de la collection Ziem jusqu’au 21 septembre Musée Ziem, Martigues 04 42 41 39 60 www.ville-martigues.fr

William Turner, Teignmouth, Devonshire, lithographie sur papier, 20,8 x 28 cm, musée Ziem, Martigues © Gérard Dufrene


La disparition des lucioles

C’est sous le signe des lucioles chères au cinéaste italien Pier Paolo Pasolini que la Collection Lambert a conçu La disparition des lucioles, exposition en forme d’expérience sensible dans un lieu chargé d’histoire : la prison Sainte-Anne. Lieu patrimonial emblématique de la ville dans lequel résonnent de manière particulière des œuvres en lien avec les thèmes de l’enfermement, de la solitude, du temps suspendu et de l’amour. M.G.-G. La disparition des lucioles jusqu’au 25 novembre Prison Sainte-Anne, Avignon 04 90 16 56 20 www.collectionlambert.fr Markus Schinwald, Ivy, 2008. Huile sur toile, 38x27cm, collection Enea Righi, Italie. Installation dans une cellule de la prison Sainte-Anne © Markus Schinwald, ADAGP, 2014, photo François Halard

Stefan Szczesny

© Stefan Szczesny, Calypso, 2013, acrylique sur papier_photo, 180 x 250cm

Voilà une double occasion de parcourir les métamorphoses du travail de recherche de Stefan Szczesny des années 80 à aujourd’hui : dans l’immensité solennelle du Palais des Papes à Avignon et, parallèlement, au centre d’art la Malmaison à Cannes qui concentrera ses œuvres inspirées par «l’art premier». Protagoniste des Nouveaux fauves, cet artiste né à Munich en 1951 a choisi en 2001 la lumière de la Méditerranée, plus particulièrement celle de son atelier à Saint-Tropez, pour développer son langage pictural. M.G.-G.

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Métamorphoses méditerranéennes du 7 juin au 26 octobre Palais des Papes, Avignon 04 32 74 36 50 www.avignon-tourisme.com Centre d’art La Malmaison, Cannes 04 97 06 44 90 www.cannes.com

A R T S

© Simona Ghizzoni /Courtesy Galleria Forma, Milano

Photomed 2014

De Sanary à l’Ile de Bendor et Toulon, le festival Photomed déambule sur les traces d’Ulysse, plaçant sa 4e édition sous le signe de la photographie italienne : expos, lectures de portfolios, workshops, animations… Une édition test pour ses fondateurs qui voguent seuls à la barre de la direction artistique suite au départ de Jean-Luc Monterosso, désormais simple membre du comité éditorial. Bref, l’avenir dira si Sanary peut, comme Photomed en rêve tout bas, rivaliser un jour avec Arles… M.G.-G. Photomed, Sur les traces d’Ulysse du 22 mai au 15 juin Sanary, Bendor, Toulon 04 94 74 01 04 www.sanarysurmer.com

Impressions

L’Artothèque de Miramas possède un fonds exceptionnel de 1900 œuvres, uniques ou multiples, à emprunter. La sélection conçue par Béatrice Béha privilégie les œuvres mettant en jeu les différentes techniques d’impression, de la gravure sur bois aux dernières technologies numériques. Avec Alkbazz, V. Krolikowski, D. Jankovic, J. Armleder et G. Doehler pour les éditions Eric Linard. Rencontres avec les artistes, imprimeurs, ateliers publics avec le BATmobile du Garage L, conférences. Vernissage le 23 mai à 18h30. Suite avec R. Lemeunier et Y. Loiseur en juillet. C.L. Images imprimées d’hier, d’aujourd’hui et de demain jusqu’au 28 juin Artothèque Intercommunale, Miramas 04 90 58 53 53 www.mediathequeouestprovence.fr

Gravures sur linoleum de Quentin Mabuse et Alkbazz © RMM-Garage L

V I S U E L S


AEHHIMMPS (gF), 2008, poupée porcelaine, encre de chine, aquarelle © Tom Früchtl

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Heidi Sill

Au CAC d’Istres, la seconde Vague des Sentiments emporte le visiteur dans les circonvolutions graphiques d’Heidi Sill. À travers des réseaux complexes, l’artiste interroge nos conceptions idéales du beau et ses formes de représentation. Revenir à l’imperfection du corps est une réflexion sur la réalité de ce qui fait notre humanité. L’imperfection peut ainsi mener à la fascination. C.L. La tentation du défaut jusqu’au 26 juillet Centre d’art contemporain intercommunal, Istres 04 42 55 17 10 www.ouestprovence.fr

Publications d’artistes

Livres, revues, multiples et vidéos d’artistes, expositions et événements insolites seront à l’honneur de cette troisième édition emmenée par la Fabrique Sensible et Francine Zubeil. Artistes et éditeurs exposent leurs collections : Christine Crozat, Pierre Thomé, Dominique de Beir, Friville éditions, Martine Derain/éditions commune, avec la participation du centre de documentation du Frac PACA. C.L. les 7, 8, 9 juin Les Baux-de-Provence 04 90 54 34 39 www.lesbauxdeprovence.com www.publicationsdartistes.org Dominique De Beir, Point-type, 2013, installation (détail) bobines papier huilé et perforé, hauteur 30 cm, longueur variable © Nicole Pfeiffer

Crucifixion, 1954, Huile sur panneau, 200 x 270 cm, Collection privée en dépôt au Musée d’Ixelles, Bruxelles © Fondation Paul Delvaux, St Idesbald, Belgique, ADAGP, Paris 2014 © Vincent Everarts, Bruxelles

Le printemps des musées de Marseille De l’installation monumentalement délicate de Chiharu Shiota sous le dôme ovale de la Chapelle de la Vieille Charité au regard rétrospectif du [MAC] sur ses 20 printemps (avant déménagement ?), de la figure surréaliste du belge Paul Delvaux au musée Cantini (avant disparition ?) à l’iconographie hippique au Château Borély -désormais musée des arts décoratifs, de la faïence et de la mode-, les musées de Marseille surfent sur la vague de la capitale culturelle pour notre plus grand plaisir. Aucun n’échappe à cette montée de sève printanière, tous tiennent compte de leurs spécificités et de leurs missions : la palette entre beaux-arts, art contemporain, mode, arts décoratifs, histoire, sciences et patrimoine devrait donc satisfaire les attentes du public qui rongeait son frein faute de carburant. Bref, une fois les travaux, les transformations et les réouvertures opérés, il était temps d’habiter les lieux avec des propositions fortes, différentes, alléchantes. Comme cet hommage du musée Cantini à Paul Delvaux, dans la lignée de ses monographies dédiées aux maîtres du Surréalisme : Masson, Hérold, Dominguez, Matta… Grâce à la collaboration entre le Ballet national de Marseille et la direction des musées, l’installation State of being (il gattopardo) de Chiharu Shiota trouvera sa juste place dans la chapelle de Puget, comme avant elle les sculptures en verre de Javier Perez en 2001 ! Toute son œuvre porte sur la mémoire, l’oubli, le rêve, le sommeil, et sa charge symbolique est à la hauteur de sa charge émotive. D’un ton plus léger, La mode aux course-un siècle d’élégance 1850-1950 mixera mode, peinture, gravure, photographie et cinéma pour évoquer le temps où l’hippodrome Borély était bien plus qu’un champ de courses : un passage obligé pour toutes les élégantes marseillaises… À quelques pas de là, le [MAC] festoie en rembobinant le fil de son histoire jusqu’à retrouver l’esprit

qui prévalut à sa création, dans une double référence aux Nouveaux réalistes et à la Performance. Époques et œuvres dialogueront dans ses travées spacieuses, démontrant si nécessaire la richesse de ses collections et la pertinence de ses choix. Enfin, le Préau des Accoules, pionnier dans l’art d’éduquer les jeunes esprits à l’art, organise l’exposition À vos souhaits ! autour des porte-bonheur et des objets qui protègent du mauvais sort. Un titre en forme d’augure prometteur… MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Ça démarre… Le MAC a 20 ans ! du 28 mai au 26 septembre Musée d’art contemporain de Marseille [MAC] Paul Delvaux, le rêveur éveillé du 5 juin au 28 septembre Musée Cantini La mode aux courses-un siècle d’élégance 18501950 du 6 juin au 21 septembre Château Borély-musée des arts décoratifs, de la faïence et de la mode À vos souhait ! du 16 juillet au 14 septembre / 28 octobre au 31 mai 2015 Préau des Accoules State of being (il gattopardo) Installation de Chiharu Shiota du 18 juillet au 19 octobre Centre de la Vielle Charité … et toujours Visages, Picasso, Magritte, Warhol… jusqu’au 22 juin Centre de la Vieille Charité Chefs-d’œuvre du musée des Beaux-arts Eté 2014 Musée des Beaux-arts Des océans et des hommes jusqu’au 4 janvier Muséum d’histoire naturelle www.musees.marseille.fr


Pop up pi dou ! Il souffle un vent printanier sur l’exposition Pop-up des 20 ans d’Astérides à la Friche la Belle de Mai. Sur 19 artistes choisis parmi 75 ex résidents, il y a des graines de talents, des jeunes pousses et quelques fleurs anciennes. Tout tient dans la composition du bouquet autour des fondateurs d’Astérides : la superstar Gilles Barbier qui déterre deux séries photos, Planqué dans l’atelier et Planqué dans le paysage, en référence au site dans les années 1994/96 ; Claire Maugeais qui dévoile Serpillère n°3, canevas d’une ville réalisé en encre de chine ; Jean-Christophe Nourrisson dont on découvre trois Prototype N°10 qui interrogent la notion d’espace public partagé ; Sandrine Raquin qui a cessé de Faire et refaire ses diagrammes et cartographies et ne nous raconte plus ses «petites histoires bien réglées»… Puis les autres artistes entrent en jeu, certaines pièces aimantant notre regard plus que d’autres. C’est la loi du genre. Les graphites sur papier de Jimmie Durham, résident en 1997, auquel le [Mac] de Marseille consacra une rétrospective en 2003. Trois dessins au crayon de Pierre Malphettes développés autour de la forêt, son nouveau thème de recherche, et des liens entre l’état (le bois) et le motif : la bûche et le pixel, l’arbre vivant et la frise, la plante morte et la vague. Quatre séries de petits formats liés à la pratique quotidienne du dessin de Bruno Peinado, jamais exposés. La scénographie d’Élodie Moirenc conçue comme une cinquième cimaise à partir d’un jeu de découpes et d’apparitions de formes, de dégradés de couleurs et de motifs. Et La Friteuse d’Émilie Perotto et Sarah Tritz ou l’aboutissement d’un projet qu’elles appelaient

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Elodie Moirenc, Les branches qui craquent (plateau lointain), 2014, bois, papiers peints 721 x 335 x 280 cm, production Astérides © JC Lett

de leurs vœux depuis huit ans ! Sculpture non modulable mais démontable qui décline leurs vocabulaires plastiques respectifs, acier pour l’une, carton ondulé et pâte à modeler pour l’autre. Une pièce hétérogène, mais née d’une démarche solidaire. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

À Lire Vingt ans après… Textes de Jean-Pierre Ostende, Lucille Uhlrich, Cédric Schönwald, Sylvie Coëllier, Marie-Louise Botella, Mathilde Guyon Éd. Astérides, 20 euros

Pop-up jusqu’au 6 juillet 3e étage de la Tour-Panorama, Marseille 3e 04 95 04 95 71 www.lafriche.org www.asterides.org

de partage, et de jalousies… C’est toute cette vie, unique, fertile, libre, hautement créative, que l’on aurait aimé voir ressuscitée à travers les toiles, les dessins, les sculptures et les objets laissés à la postérité par ces maîtres absolus. Mais le mirage était trop beau. On doit se contenter d’œuvres «mineures» de Braque, Camoin, Derain, Gris, Picasso, Van Dongen, Survage et Vlaminck noyés sous une avalanche de pièces d’illustres inconnus rarement cités par les historiens : Démétrios Galanis, Henry Bouvet, Gen Paul, Pierre Girieud, Marcel Leprin… Et pour cause. M.G.-G.

Autour du Bateau-Lavoir Des artistes à Montmartre liés à la Méditerranée jusqu’au 24 août Musée Regards de Provence, Marseille 2e 04 96 17 40 40 www.museeregardsdeprovence.com © Pierre Girieud, Les tournesols, 1908, huile sur toile 81 x 65 cm, Collection fondation regards de Provence, Marseille

A R T S V I S U E L S

Le flop du Bateau-Lavoir L’idée de donner un coup de projecteur sur une des plus belles pages écrites à Montmartre entre 1892 et 1930 promettait des retrouvailles au sommet. Picasso, Braque, Dufy, Juan Gris, Matisse, Van Dongen, Vlaminck, Apollinaire : tous ont fréquenté le Bateau-Lavoir, certains pour travailler, d’autres pour mourir. Max Jacob lui-même qui baptisa l’îlot insalubre sans imaginer qu’il féconderait une fourmilière à génies. Las, la déception est à la hauteur de nos attentes ! L’exposition du Musée Regards de Provence crée l’abondance numérique mais pas qualitative, et, à quelques rares exceptions, peu d’œuvres parviennent à nous tirer une larme. Il y a bien quelques photographies pour planter le décor, témoigner de la vie de bohême de ces jeunes «artistes révolutionnaires» qui partageaient la misère et l’eau, les pinceaux et les femmes. Dans une grande promiscuité, beaucoup d’entraide,

P R O G R A M M E


Faire et errer

A U P R O G R A M M E A R T S V I S U E L S

Quelques-unes de ses oeuvres ont été présentées récemment dans la manifestation Barock au musée Borély, au MuCEM ou encore à La Criée. La sélection actuelle d’une quinzaine de pièces (bien plus si on compte les éléments accumulés) conçue avec Edouard Monnet ne constitue pas vraiment une rétrospective, bien que couvrant une trentaine d’années de 1986 à 2014, mais ça y ressemble un peu. Cet inventaire parcellaire, puisé comme il en est habituel dans le fonds d’atelier, semble faire le point entre les recherches questionnant le fait sculptural des années quatrevingt jusqu’à un travail récent plus monumental. D’ailleurs dans un extrait d’un texte à paraître (Le chant d’un bonze insomniaque

dans une pièce faiblement éclairée), Dominique Angel se rapproche des plâtres de Rodin pour s’interroger sur l’essence même de la sculpture et la question de sa mise en vue -dont l’installation-, un des questionnements qui nourrit entre autres son travail avec l’unicité de l’oeuvre. Une des séquences les plus réussies est certainement la mise en confrontation de quatre pièces en tôle ondulée (Sans titre, 1986) avec l’empilement baroquisant, un poil design, réalisé au CIRVA (Pièce supplémentaire, 2011-2013) en verre et plâtre. Avec l’échafaudage de planches bâti pour l’occasion dans la fosse, l’artiste prend -et c’est récent nous dit-il- une orientation nettement architecturale tout en suggérant toujours une certaine précarité. Les trois volées de marches allant en se rétrécissant mènent au niveau du regard vers une interrogation lumineuse en néon (celle qui taraude tout créateur ?): «Que faire nom de dieu ?», accompagnée d’une esquisse de réponse: «errer». Sous couvert d’une apparence de bilan temporaire, Dominique Angel se (re) jouerait-il ici avec plus de sérieux, comme si l’énergumène des performances, des vidéos ou de l’écrivain critique et ironique se devait d’être plus sage dans sa ville. Peut-être parce qu’il ne s’y (re)produit pas si souvent. CLAUDE LORIN

jusqu’au 12 juillet Vidéochroniques, Marseille 09 60 44 25 58 www.videochroniques.org

Effroi de folie Au cœur d’Aix-en-Provence, le Pavillon de Vendôme offre un adorable écrin de folie XVIIe aux œuvres contemporaines. Sophie Menuet y instille une dose d’inquiétude Depuis plusieurs années le conservateur du Pavillon de Vendôme, Christel Roy développe une programmation judicieuse en invitant des artistes pour des projets spécifiques. Il y eut Isa Barbier, plus récemment Haïcha Hamu dans la suite de Tisser des Liens et pour l’heure Sophie Menuet a su y glisser ses mythologies personnelles teintées parfois d’effroi.

Intégration

L’intégration au lieu est des plus réussies dans des dispositifs signifiants qui se combinent avec des éléments choisis dans les collections du musée (peintures, miroirs, mobilier). Le visiteur est

incité à faire dialoguer chaque œuvre dans une intimité architecturale à forte charge décorative un peu surannée, mais qui partage la visibilité du travail artisanal de la main. Coutures, fronces, broderies ont un écho dans les motifs décoratifs des tapisseries, marqueterie, gypseries ou fers forgés...

Apparences

Les aimables peintures du Duc de Vendôme et de la Belle du Canet, dans leurs cadres ouvragés ovales et dorés, intègrent sur deux murs pourpres les autoportraits photographiques de la série Semblance qui génère le titre de l’exposition. Mais dans leurs cadres contemporains rectangulaires et stricts, ces derniers se présentent à contrario comme des masques très étranges. Les Maille-velours comme les Dentelles de verre simulent à la peinture des broderies et dentelles. Dans un des petits salons, l’artiste s’est offert une variante de galerie des glaces qui

tente le reflet de fantasmagories anthropomorphiques.

Corps

Avec cette sensation permanente d’inquiétude émanant des œuvres. Le satin soyeux par fronces cousues de fil visible comme des sutures se mue en nodosités, boursouflures, figurations défigurantes de visages ou épaules en peau de grand brûlé (Corps piqués, Cuirasse-satin) dont la facture rappelle clairement la technique du bouti provençal. Tantôt s’ajoutent des ampoules de verre/ventouses reliées à des fragments hybrides (Corset-bouti, Glisse-main...). Pour l’exposition, Sophie Menuet a créé deux pièces plutôt contraires. Le trouble se double dans la danse d’Assemblance, duo de lutins de satin blanc. Dans l’obscur Lit-Glouton, le corps se fige en une sorte d’alien à l’état de momie. Ces effigies participeraient-elles d’un fonctionnement magique ou prophylactique ? Comme pour se protéger d’une part

Assemblance, 2014, soie blanche, ouate, fil, métal © C.Lorin/Zibeline

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Pièce supplémentaire, 2011-2013, verre, plâtre. coll. CIRVA © C. Lorin/Zibeline

On a peu souvent l’occasion de voir le travail de Dominique Angel à Marseille où il vit et travaille pourtant. L’opportunité nous est donnée chez Vidéochroniques

biographique dans la mise à distance de l’effroyable. C.L.

Sophie Menuet, Semblances jusqu’au 2 juin Pavillon de Vendôme, Aix-en-Provence 04 42 91 88 75


Figurez-vous librement un Salon... Pour sa 9e édition, le Sm’art, Salon d’Art Contemporain d’Aix-en-Provence, a confirmé sa deuxième place après celui de la Bastille. Sous les 12 000 m2 ombragés du Parc Jourdan, la fréquentation a dépassé les 21 000 visiteurs. Pour 210 artistes représentés dont 30% d’étrangers et 13 galeries, 1 847 ventes ont été réalisées, collectionneurs et public confondus, pour des prix variant entre 100 et 30 000 euros). Réussite commerciale donc, dans une période peu favorable. Sachant par ailleurs que la location d’un stand de 9 m2 atteint 1 395 euros et 2 682 euros pour 18 m2, autant dire que tous les artistes n’ont pas les moyens de s’offrir cette vitrine ! Parallèlement, on ne peut que constater la qualité très inégale des œuvres, dont certaines franchement décevantes... Cependant des artistes originaux, témoignant de sensibilités particulières, ont retenu l’attention. Le photographe VincentBeaume, présenté par l’association GUDGI, montrait son (L’)Insomnante sur un lit posé dans des lieux insolites ; Kamal Inouri revisitait le thème de l’eau avec de beaux effets de matière. On retrouvait avec plaisir Myriam Paoli et son fil de fer, Sourski et ses personnages de terre ou de bronze,

55 A U Un moment de la performance du 2 mai avec Zalez, Psyckoze, M.Chat © C. Lorin/Zibeline

la coréenne-suédoise Lee Woo-Bock qui transfigure les vieux papiers. Et Yo Bastoni avec ses créations laquées... En vedette cette année, la Figuration Libre et du Street Art avec des artistes présentés par la Galerie Les Tournesols de Saint-Étienne et Vichy qui les défend depuis 25 ans. Yann Berthéas, fils du fondateur, explique que les graffitis sont rentrés dans les galeries depuis peu et signale le retard de la France par rapport aux États-Unis. Il insiste sur le fait que toutes les œuvres exposées au Sm’art et dans leurs galeries ont été acquises auprès des créateurs : «C’est ce qui fait la

différence entre un marchand et un galeriste.» M. CHAT (surnom qu’il doit à son gros chat jaune) précise que c’est un grand confort pour les artistes qui n’ont à s’occuper que de créer, puis il souligne avec humour : «Qu’aurait été Van Gogh sans son frère ?». Il a participé à une performance en direct, face au public, presque comme dans la rue, avec Zalez et Psyckoze. CHRIS BOURGUE

Le Sm’art s’est déroulé du 1er au 5 mai à Aix-en-Provence

La mauvaise réputation générale, placardée en fin d’après-midi du 1er août 14, appels du maire d’Aix-en-Provence contre la spéculation marchande (cartes de rationnement, prix qui flambent, 180% d’augmentation pour le riz !), invoquant les «Aixois, descendants des fiers Gaulois…», rapports des instituteurs, demandés par le ministre de l’instruction publique, photos (même en 3D, prises avec le Stéréo-Spido !), journaux, courrier, «plus important que la soupe» selon Barbusse, objets fabriqués par les soldats, crucifix construits avec des douilles, carnets de campagne tenus par les soldats, encre violette, feuilles de chêne ajourées à l’aiguille, étonnante «gourdeluth»… l’exposition est d’une belle richesse, due en grande partie aux dons de familles, et permet de reconstituer non seulement le déroulé, mais l’atmosphère de l’époque. Jalonnant l’ensemble, des esquisses de la BD éponyme, La faute au midi, qui nous font entrer dans les coulisses de la création. Incontournable !

© A. Dan

On le sait, le Sud (particulièrement le Sud-Est et la Corse) a mauvaise presse, les clichés les plus négatifs s’accumulent sur les habitants de régions dont tout le monde rêve pourtant. On n’est pas à une incohérence près ! En cette année de centenaire des débuts de la Première Guerre mondiale, l’exposition du Centre aixois des Archives Départementales des Bouches-du-Rhône propose, en partenariat avec Les Rencontres du 9e art et la Bibliothèque départementale une exposition qui réhabilite le 15e corps d’armée et les soldats, Auguste Odde (Six-Fours) et Joseph Tomasini (Monacia, Corse) exécutés pour mutilation volontaire sur ordre de la cour martiale. Un examen médical trop rapide du médecin-major Cathoire, un Lillois, sa prévention contre les gens du midi, forcément lâches et paresseux, décidèrent de la fin de ces malheureux. L’historien Jean-Yves Le Naour en tire un scénario mis en images par le dessinateur A. Dan. Août 1914, l’officier Foch, bouillant d’impatience d’en découdre, engage, sans tenir compte des ordres de ses supérieurs, un assaut sanglant, laissant 10 000 morts sur le terrain. C’est la défaite. La cause ? le caractère des méridionaux qui composent le 15e bien sûr et voué à l’opprobre général. Il faudra attendre des

années pour une réhabilitation. L’exposition aixoise reprend ces faits, les insère dans leur contexte, jusque dans l’architecture des panneaux dont l’inclinaison évoque les tranchées. Terrible affiche de la mobilisation

MARYVONNE COLOMBANI

du 24 mars au 5 juillet Centre aixois des Archives Départementales, Aix-en-Provence www.archives13.fr

P R O G R A M M E A R T S V I S U E L S


Nomades de corps et d’esprit

56 L I V R E S

André Velter et Ernest Pignon-Ernest étaient venus à Marseille évoquer la mémoire de leur ami commun, le poète palestinien Mahmoud Darwich. C’était le 23 juin 2013 à la Villa Méditerranée à l’occasion d’une rencontre-lecture-concert proposée par les Écritures croisées (Zib’65). Ils réapparaissent une nouvelle fois, leurs vies entremêlées, à la faveur de trois parutions : Jusqu’au bout de la route et Tant de soleils dans le sang, deux livres-récitals d’André Velter créés dans la résonance du violoncelle de Gaspar Claus et de la guitare flamenca de Pedro Soler (sept poèmes-tracts de Pignon-Ernest s’y glissent délicieusement ainsi qu’un dessin original en frontispice), et une imposante monographie consacrée aux créations du peintre arpenteur Ernest Pignon-Ernest, introduite par le poète arpenteur André Velter. Spécialistes tous deux d’enjambées cosmopolites, d’aventures vécues allegro, le monde est leur royaume. Leur art chante l’exil volontaire, l’errance choisie. En Haute-Asie comme à Kairouan, la poésie est talisman et le poète nomade, sans famille aucune ; prose, poèmes, dédicaces et index (annotés et commentés avec érudition et tendresse) sont une invitation à s’interroger sur «le rythme des heures et des jours», à écouter les pierres qui parlent, à «planter un arbre en prenant soin qu’il puisse pousser ses branches dans le vide». Chevalier sans armée, André Velter est éminemment perméable aux soubresauts du monde qu’il porte sur ses épaules : sa poésie, ni abstraite ni conceptuelle, est ancrée dans le réel de la distance parcourue, des hommes rencontrés, des lieux traversés. Il n’a besoin ni de carte ni de boussole, seulement des bivouacs à perte de vue et d’heureux compagnonnages, réels ou imaginaires : Hölderlin, Nietzsche, Galvan, Lorca, Luis Miguel Dominguin, Euripide… L’architecture de ses deux recueils est identique,

émaillée de confidences : «Deux fois j’ai tenu la mort à bout de bras, deux fois j’y ai laissé mon cœur.» À Santiago, Naples ou Ramallah, les «images» d’Ernest Pignon-Ernest avancent en terrain découvert depuis les années 1961-62 : il est question d’histoire passée et présente, de rébellion, de combats, de souffrances, de guerres, de spiritualité, d’ironie, de sentiments. Sa palette, «ce sont les lieux mêmes» où se joue le théâtre de L’homme éclaté, comme au Havre en 1974… Dans ce Parcours sur le qui-vive évoqué par André Velter en autant de haltes fondatrices, les éléments biographiques racontés par l’artiste lui-même sont un contrepoint inédit, au ton original. Riche de ces trois ouvrages, le lecteur va et vient d’une image l’autre, d’un texte l’autre, de poèmes en dessins, guidé par deux libres penseurs qui ont arpenté le monde pour lui. Et les remercie. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Ernest Pignon-Ernest Texte d’André Velter, Parcours sur le qui-vive Gallimard, 50 euros Jusqu’au bout de la route André Velter Un livre-récital avec Gaspar Claus Gallimard, coll. «Blanche», 15,50 euros Tant de soleils dans le sang André Velter Un livre-récital avec Pedro Soler et sept poèmestracts avec Ernest Pignon-Ernest Gallimard, coll. «Blanche», 14,90 euros

Mascarade pixellisée Dans les années 60, le Carnaval a bien failli se réduire à une fête enfantine ! L’exposition Le monde à l’envers au MuCEM (voir Zib’73) montre bien que les différents travaux universitaires, le travail ethnologique sur les traditions populaires et les divers renouvellements des mascarades générales ont réussi à remettre le Carnaval à jour, pour tous. Mais faut-il parler du Carnaval ou plutôt des Carnavals? Certains Carnavals sont attachés au calendrier du Carême, d’autres, satiriques, défilent en tournant en dérision des personnalités politiques, ou le pape, d’autres sont intiment liés à divers folklores. Les masques, notamment, mettent en scène divers personnages des cultures mondiales : certains appelant les saisons, d’autres, simplement, la terreur ou la joie. Si la plupart sont accueillis avec liesse, d’autres, comme le Roi Nègre, font l’objet de polémiques à cause de leur caractère raciste. Le catalogue de l’exposition devrait être un complément riche en détails qui en dirait davantage sur le propos de l’exposition, en approfondissant la recherche historique et sociétale, et en fixant

les merveilleux costumes dans les mémoires. Malheureusement, la qualité des photographies n’est pas au rendez-vous : reproduites avec une pixellisation inacceptable dans ce type d’ouvrage, elles sont de plus accompagnées d’explications sur les légendes carnavalesques, et leurs conséquences dans le présent, parfois confuses. Malgré tout, le catalogue constitue un complément de l’exposition, s’attache par exemple aux origines Dyonisiaques du Carnaval. La lecture en reste agréable, la beauté des costumes aidant... mais ne remplace en rien la visite ! ALICE LAY

À lire Le Monde à l’Envers Carnavals et Mascarades d’Europe et de Méditerranée Sous la direction de Marie-Pascale Mallé, Frédéric Mougenot, Françoise Dallemagne, Massimo Quendolo et Léo Sato Flammarion, 39,90 euros

À voir Exposition Le Monde à l’Envers jusqu’au 25 août www.mucem.org


En images

L’exposition Splendeurs de Volubilis, Bronzes antiques du Maroc et de Méditerranée, que l’on a encore le loisir de visiter au MuCEM, se double d’un catalogue qui a la grâce d’en conserver la mémoire par une superbe documentation photographique (belle mise en lumière, focalisation sur des détails significatifs). Là se retrouvent les objets qui se sépareront bientôt pour réintégrer les musées dont ils s’étaient échappés le temps de courtes retrouvailles. Les commentaires que l’on aurait souhaité lire dans l’espace muséal viennent opportunément apporter l’indispensable complément de leur contextualisation. On pourrait juste leur reprocher une tendance plus descriptive qu’explicative. Les articles de fond qui précèdent la galerie de photographies d’une exceptionnelle qualité, vulgarisent avec justesse les points délicats, resituent dans le contexte de l’évolution de l’empire romain l’histoire du

Guerre et paix

Bertrand Russell ne s’est pas contenté d’être un grand philosophe, il a également été l’un des seuls intellectuels occidentaux à s’opposer radicalement à la Première Guerre mondiale. Dès août 1914, lorsque l’Angleterre défie l’Allemagne, ce membre de l’aristocratie déplore un conflit «qui causera une misère sans nom», et provoquera un effet rebond s’il se conclut par la mise à terre de l’ennemi. Trop âgé pour être mobilisé, Bertrand Russell s’engage résolument auprès des objecteurs de conscience, aux côtés de la féministe Catherine Marshall, et finira lui-même emprisonné lors des derniers mois de la guerre. De plus en plus sensible aux thèses socialistes, convaincu que les élites décident seules du carnage, il prône la résistance passive, l’abolition du capital et du salariat. Déçu par la sphère intellectuelle, il fustige «la déchéance de la science», qui se voue à un travail de mort en concevant des armes

royaume de Maurétanie. Les cartes, la généalogie des grandes familles assortie des dates (une frise générale aurait été bienvenue pour vraiment situer l’ensemble), l’émouvante reproduction de quelques pages du journal de fouilles réalisé de 1932 à 1943 à Volubilis (écriture fine et régulière), constituent une trame essentielle qui permet aussi au lecteur de se repérer. Manque sans doute une planche présentant les grands styles auxquels sans cesse on se réfère, comme s’il s’agissait d’acquis, donnant les proportions du Doryphore de Polyclète, de l’Apoxyomène de Lysippe. Comme l’exposition dont il rend compte, son catalogue fait partie des beaux objets.

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MARYVONNE COLOMBANI

P L OI V L RI ET SI Q U E

Splendeurs de Volubilis, Bronzes antique du Maroc et de Méditerranée Actes Sud/MuCEM, 35 euros

toujours plus efficaces. Inlassablement, il écrit, tentant même de convaincre Wilson, le président américain, de ne pas participer au conflit. À lire ce recueil de textes politiques, on prend la mesure de ce à quoi il s’oppose, les déferlantes de nationalisme qui «occultent le simple fait que les ennemis sont des hommes, comme nous, ni meilleurs ni pires». Presque émouvant dans un tel contexte, son talent satirique éclate de manière étonnante. Notamment dans un article paru en octobre 1917, où il s’adresse à un évêque va-t-en-guerre pour le renvoyer à ses précieux idéaux d’amour chrétien.

C U L T U R E L L E

GAËLLE CLOAREC

Le pacifisme et la révolution Bertrand Russell Agone, 25 euros

«Poémons» à pleins poumons ! Le 12e Printemps des poètes a été placé cette année sous le signe des Arts. Cela a donné une heureuse idée à Alain Serres, directeur de la maison d’édition Rue du monde : il a inventé un livre-affiche aux feuilles détachables pour soutenir cette belle opération qui a bien failli ne pas être renouvelée cette année, restriction de budget oblige... Un album de 27 courts poèmes à la typographie variée et colorée qui s’accorde aux mots et les brandit fièrement. Chaque page est travaillée minutieusement, variant à l’infini formes, couleurs, occupation de l’espace, incitant le lecteur à se mettre à l’ouvrage. Chacune peut être affiché à la maison ou à l’école, à la médiathèque ou sous le préau. On retrouve des auteurs connus, Jacques Roubaud, Obaldia, Abdellatif Laâbi, Linda Maria Baros, Vénus Khoury-Ghata... Tous ont décidé d’offrir leur poème et de reverser l’intégralité de leurs droits

d’auteur à l’association. Une généreuse façon de soutenir la poésie et de donner aux enfants l’amour des mots et de leur pouvoir créatif. Chez le même éditeur, un petit livre d’art met en valeur la couleur rouge dans les œuvres de treize peintres pour voyager dans les images, et l’histoire de Pablo, d’un python, d’un poisson rouge et de quelques chatons mis en scène avec brio par la marseillaise Raphaële Frier. CHRIS BOURGUE

Affiche ton poème collectif d’auteurs typographisme d’Alain Serres, format 28x35 cm Rue du monde, 20,20 euros Le petit musée du rouge Alain Serres Rue du monde, 16 euros

Python, chatons et compagnie Raphaële Frier (texte) & Solenn Larnicol (dessin) Rue du monde, 10,80 euros www.rue-des-livres.com


Dans la jungle moscovite

58 L I V R E S

«Voici le récit de mon voyage dans un pays aberrant, une zone de distorsion morale où ne surnage plus que l’apparence d’une civilisation engloutie et vidée de son sens. En arrivant ici, je me suis cru dans une fête foraine […]. En réalité, j’ai sombré dans une spirale infernale.» On pourrait penser que celui qui s’exprime ainsi voue une haine farouche à la Russie, et à Moscou tout particulièrement. Or bien au contraire, Roman Lambert aime passionnément la capitale russe, «jamais lasse, toujours en mouvement sous sa couche de peinture, de crasse et d’enseignes publicitaires au néon». En dépit des turpitudes, de la corruption… et du froid hivernal presque insupportable. La preuve, arrivé à Moscou en décembre 1995, en pleine période Eltsine, le jeune Anglais chic et épris d’aventure n’a pas mis longtemps à s’élancer dans les eaux dangereuses de la Russie post soviétique. Car, après des années d’études à Oxford et d’existence plan-plan, comment résister à l’attrait sulfureux des nuits moscovites, du luxe

Black Marseille La jeune maison d’édition parisienne Asphalte aime arpenter le bitume et les marges, urbaines et contemporaines, à la croisée des genres et des continents. Depuis quatre ans, sa collection Asphalte Noir propose des anthologies de nouvelles noires consacrées à des villes (douze déjà), sortes de «guides urbains alternatifs». Commencée à Paris, la collection a voyagé de Londres à Mexico, de L.A. à Delhi… Dernière escale en date, Marseille. C’est à Cédric Fabre qu’est revenue la responsabilité de composer cette anthologie marseillaise, qu’il a voulue variée, à l’image des quartiers de la ville où s’ancrent les quatorze nouvelles du recueil, qui emmènent du Vieux-Port à La Plaine, d’Endoume à La Cayolle, de L’Estaque au Frioul… Le romancier et journaliste marseillais a réuni autour de lui des auteurs venus de tous les horizons littéraires, et pas seulement du «polar», des écrivains d’ici

Inconsolables

Eduardo a survécu à l’accident qui a tué sa femme et sa fille. Il a purgé une peine de prison pour le meurtre du chauffard qui les lui a enlevées. En réinsertion il vivote à coup de cachets et de grandes rasades d’alcools forts. Même son talent de peintre semble l’avoir déserté. Jusqu’au jour où sa galeriste le met en contact avec une violoniste célèbre qui lui demande de réaliser le portrait de l’assassin de son fils… Après La tristesse du samouraï, qui l’a fait connaître du public français et a été couronné du prix Le Point du polar européen en 2012, le deuxième roman traduit en français de Victor Del Arbol confirme le talent d’écrivain de ce policier catalan. Sa noirceur aussi. Eduardo, Olga sa galeriste, Gloria sa commanditaire, Arthur l’homme dont il va peindre le portrait, et tous les autres personnages que ce foisonnant thriller met en scène (et ils sont nombreux), tous portent, au propre et/ou au figuré, les stigmates des deuils

et de la violence ? C’est ce que relate, sur un tempo mordant, Moscou Babylone, le deuxième roman d’Owen Matthews. Une plongée sans concession au cœur d’une capitale qui broie les existences. Où, pour survivre, il faut se forger une carapace en acier trempé ou bien rester à la surface et s’enrichir sans se poser de questions. Owen Matthews, Russe par sa mère (comme son Roman), connaît bien son sujet ; il a longtemps travaillé comme journaliste à Moscou et y réside encore à mi-temps. À travers cette fiction nerveuse, peuplée de personnages attachants et rebutants, il porte un regard aigu sur le pays et ses habitants. Et livre quelques clés pour comprendre (un peu) la Russie contemporaine.

Owen Matthews était en escale dans des librairies du département des Bouchesdu-Rhône les 17 et 18 avril

FRED ROBERT

Moscou Babylone Owen Matthews traduit de l’anglais par Karine Reignier-Guerre Les Escales, 22,50 euros

qui n’avaient jamais écrit sur la ville (Garcin), d’autres qui y sont nés mais l’ont quittée (Frégni, Lighieri…), d’autres encore qui viennent de s’y installer (Beaune), d’autres enfin qui y restent envers et contre tout (Carrese, Neuser, Petersen, Sif, la plupart en fait…), afin d’offrir non pas une anthologie de spécialistes mais des regards croisés sur cette «ville-monde» si difficile à cerner. Comme Cédric Fabre l’explique dans sa très intéressante préface «comment (d)écrire-dire, donner à voir, approcher cette ville autrement que par la fiction ? La réalité y paraît tellement incroyable». C’est donc par le biais de fictions brèves, parfois fulgurantes, que le lecteur de Marseille Noir embarquera pour une visite très inédite, souvent glauque mais plutôt jubilatoire, de la ville. F.R.

qu’ils n’ont jamais vraiment réussi à faire. Des deuils qui parfois les rapprochent sans jamais parvenir à les unir. Dans cet univers où «la véritable mort n’était pas l’oubli mais le souvenir perpétuel», dans cette maison des chagrins aux dimensions du monde, nul bonheur n’est possible, nulle rédemption envisageable. Quant à la vengeance, elle est le plus souvent mal dirigée ; absurde donc, comme le reste… Il y a bien peu d’éclaircies dans ces ténèbres. On lit pourtant cet épais roman avec grand plaisir. Car ces êtres pris dans la toile d’une intrigue subtilement complexe -un puzzle diabolique dont toutes les pièces finissent par s’emboîter-, même les salauds, gardent une part d’humanité inaliénable. Et émouvante.

À lire également Les enfants de Staline, une saga mi familiale mi historique (disponible en 10/18)

Marseille Noir présenté par Cédric Fabre Éditions Asphalte, 21 euros

Cédric Fabre et neuf des auteurs étaient présents à la librairie du MuCEM le 2 mai pour le lancement de l’ouvrage

La maison des chagrins Victor Del Arbol Actes Sud (actes noirs), 23,50 euros

F. R.

Victor Del Arbol était présent lors des Escapades littéraires consacrées à l’Espagne les 17 et 18 mai à Draguignan


Une heure trente cinq de bonheur Jolie surprise que ce (petit) roman -le premier de son auteur, JeanPaul Didierlaurent, plutôt tourné jusqu’ici vers l’écriture de nouvellesnettement printanier, au teint frais et à l’allure accorte : Le liseur du 6h27 souffle à pleine bouche ses mots réconfortants et le lecteur sourit de la première à la dernière page. En voilà un de livre qui échappera pour sûr au pilon des invendus, bête noire du triste Guylain Vignolles (Vilain Guignol hé hé) commis au broyage des laissés pour compte des libraires ! Scènes mélancoliques, tendance sépia mais vite colorisées par la franchise sinon la finesse des motifs (la cruelle Zerstor 500 aux dents d’acier contre la petite clé USB trouvée dans le RER), la saveur des portraits-tradition (Yvon le gardien versificateur tient en respect les trente tonnes à coups d’alexandrins, Giuseppe le mutilé collectionne les Potagers et Jardins de Jean-Eudes Frayssinet pour la pâte à papier mouillée de son sang et de sa chair) et les échappées belles de série B qui nous conduisent à la maison de retraite des sœurs Delacôte ou dans les toilettes publiques d’une dame-pipi fort chouette. Très AOC

Panorama

On avait déjà lu de lui, publié par la même maison d’édition, L’atinoir, Le Saint-Office de la mémoire, roman fleuve qui nous emportait dans le flux puissant de ses pages. Ici, l’ouvrage de Mempo Giardinelli, Des vies exemplaires & autres histoires, est remarquable par sa brièveté, sa concision. Dix-huit nouvelles sculptent au scalpel le portrait de l’Argentine d’aujourd’hui. On y règle les comptes avec le passé, la dictature, les anciens tortionnaires, que ce soit le joueur de bandonéon de Kilómetro11 ou le solitaire de Noël à Jardin Iguazu. La mort rôde, voulue, lorsque la vie prend un tour par trop difficile (Gare de Coghlan), crainte (Le Type), fruit d’une longue souffrance (Nature morte à la haine), bouleversante manifestation d’amour (Là-bas, on danse et ici, on pleure). Clin d’œil au polar avec le médecin réquisitionné par les bandits dans la promenade d’Andrès Lopez, goût de l’anecdote, avec le portrait du chien mélomane Fernando, amour du foot, érotisme rêvé dans le bus entre deux êtres qui se tiendront seulement la main… Une galerie de

dans son genre avec ses méchants aux consonances dures et ses gentils enfin réunis par l’amour des belles lettres, ce roman bien élevé, un brin coquet dans sa langue (Paris, 20e… siècle) évite de justesse les facilités et les effets trop calculés grâce un humour désarmant plus que décapant. Entre Amélie Poulain et l’Elégance du Hérisson, un éloge en acte de la générosité et de l’intelligence des «simples» passés au miroir magique de l’écriture. MARIE JO DHO

Le Liseur du 6h27 Jean-Paul Didierlaurent Au Diable Vauvert, 16 euros

personnages émerge du quotidien où chacun prend une dimension d’archétype ; le singulier, dans la familiarité d’un monde qui nous est proche, entre dans la lignée des grands types romanesques. Le style sobre, préférant le verbe à l’adjectif, sait ainsi à la fois donner de la force au propos et préserve le caractère énigmatique des faits simplement exposés. MARYVONNE COLOMBANI

Des vies exemplaires & autres histoires Mempo Giardinelli L’atinoir, 13 euros


Eauditives,

6e édition

Coralie Barthélemy, Eauditives 2013, Brignoles © Séverine Marcel

R E N C O N T R E S

MARYVONNE COLOMBANI

le 30 mai à 18h, le 31 mai de 9h à 19h30 et plus le 2 juin à 10 h restitution des ateliers scolaires www.plainepage.com www.facebook.com/les.eauditives

Marie Desplechin © X-D.R

Entre caméra et clavier

La Cité du livre d’Aix-en-Provence donne carte blanche à Christophe Honoré pour célébrer la rencontre de la littérature et du cinéma. Le romancier et cinéaste, connu notamment pour son adaptation contemporaine de La Princesse de Clèves (La belle personne, 2008), sera accompagné par Ludivine Sagnier et Marie Desplechin. Bernard Foccroulle, directeur du Festival international d’art lyrique, sera également à ses côtés, ainsi que les journalistes Laurent Rigoulet et Gérard Meudal. Au programme, la projection de plusieurs films de Christophe Honoré (La Belle personne, Les biens-aimés, 17 fois Cécile Cassard, Dans Paris) des lectures, et des rencontres ouvertes à tous. On ne manquera pas l’entretien du 25 juin portant sur la place de l’acteur dans son travail, ni celui du 27, intitulé Cinéma et opéra. Cette dernière rencontre sera suivie d’un film réalisé en 1983 par Jean-Luc Godard, Prénom Carmen. GAËLLE CLOAREC

À la rencontre de Christophe Honoré du 25 au 27 juin Cité du Livre, Aix-en-Provence 04 42 26 16 85 www.citedulivre-aix.com

Grand oral Après les divers rendez-vous culturels musclés par MP2013, suivis d’un hiver tristounet, on attendait que le Cours Julien retrouve un peu d’animation aux beaux jours. On se disait que Les Oralies organisées par La Baleine qui dit «vagues» depuis six ans seraient bientôt de retour, et que l’on pourrait à nouveau écouter des contes sous les tilleuls en sirotant un thé à la menthe. L’édition 2014, après avoir failli être annulée, aura tout de même lieu, ouf ! Mais elle se fera en deux temps, au printemps et à l’automne, sur le thème «Femmes à voix hautes». La première session sera consacrée à Sylvie Delom, sortant de résidence d’écriture, laquelle renouera avec la vieille tradition des conteurs de café

la veillée, qui tour à tour racontent une histoire. Il est à noter par ailleurs que La Baleine qui dit «vagues» participera à la Nuit des Musées le 17 mai, au MuCEM et au Musée des Arts Africains, Océaniens, Amérindiens (MAAOA) de la Vieille Charité. Ainsi qu’à une «nocturne» le 31 mai, sur l’exceptionnelle réserve de biodiversité qu’est le Parc Urbain des Papillons, dans le 14e arrondissement.

Les jardins extraordinaires, Sylvie Delom © X-D.R

60

Les eaux du Carami doivent être dotées des vertus de celles de la fontaine de Vaucluse. On ne sait si Pétrarque y aurait chanté Laure avec les mêmes mots, mais pour la sixième édition, la ZIP (Zone d’Intérêt Poétique) de Barjols et les éditions Plaine Page continuent d’explorer le champ des voix/voies de la création par les places et les fontaines du centre-ville de Brignoles. Curieux et spectateurs avertis se délectent des bijoux d’invention que proposent les artistes. Cette année, huit auteurs invités, parmi lesquels sept sont édités par les éditions Plaine Page. Grands voyageurs, ils livrent leurs réflexions, leur approche vécue de l’immensité du monde. Ritta Baddoura, Hervé Brunaux, Raoul Hébréard, Karin Huet, Yves Perret, Katy Remy, Franck Smith, Lucien Suel, seront présentés par Micheline Simon et Yann Nicol. Pour la première année, un partenariat se noue avec l’École Supérieure d’Art de Toulon Provence Méditerranée. Cinquante-huit étudiants, sous l’égide de leur professeur, poète et performeur Patrick Sirot, vont nourrir le centre de Brignoles, passant par le Centre d’art du Pôle Culturel des Comtes de Provence, les places et les fontaines, de leur travail performatif et plastique. Au mérite de publier un genre peu vendeur, les éditions Plaine Page permettent celui d’accorder à cet art si subtil de prendre sa place dans la cité, reprenant la formule de Lagardère (pas le magnat de l’édition) : «Si tu ne vas pas à la poésie, elle ira à toi !».

pour donner chaque soir en terrasse un épisode du Dit des dames en péril. À la façon du Decameron de Boccace,

G.C.

son récit situé dans une Florence médiévale, en pleine épidémie de peste, rassemble plusieurs femmes à

Les Oralies du 9 au 15 juin Cours Julien, Marseille 04 91 47 94 22 http://labaleinequiditvagues.org



Le jour des livres et des roses

62 R E N C O N T R E S

On dit que Saint Georges sauvant une demoiselle en détresse des griffes d’un dragon reçut d’elle un livre en remerciement. Et que du sang de ce dragon, jaillit un rosier. Une jolie légende, qui serait à l’origine des célébrations de la Sant Jordi tous les 23 avril, fête catalane au cours de laquelle on s’offre livres et roses. Cette date est également proclamée par l’UNESCO, depuis 1995, Jour du livre et du droit d’auteur. C’est de ce contexte qu’est née, à l’initiative de la librairie parisienne des Abbesses, la Fête de la librairie indépendante. Portée par l’association Verbes pour la 16e fois, cette manifestation rassemblait ce printemps 480 libraires en France et en Belgique. À Marseille, Maupetit, Des livres et vous, Imbernon, À l’encre bleue, L’Attrape-mots et la librairie du MuCEM participaient, offrant (dans la limite des stocks disponibles) une fleur et un ouvrage à leurs lecteurs. Tiré à 23 000 exemplaires, le cadeau de cette année est un abécédaire intitulé Un livre peut en cacher un autre. Illustré par des lettrines de Christian Lacroix, on y trouve 23 textes inédits rédigés par

© Ingrid Eulenfan

des auteurs contemporains sur un champion de la littérature mondiale, avec lequel ils ont une initiale en commun... C’est ainsi que Maylis de Kerangal écrit sur Jack Kerouac, et Cécile Wasjbrot sur Virginia Woolf. Dans son introduction, Marie-Rose Guarniéri rappelle l’objectif de cette manifestation : faire «ressentir intimement la façon dont

les libraires se maintiennent debout». Fragilisés par la concurrence déloyale de mastodontes comme Amazon, il faut sans cesse rappeler l’importance cruciale de leur rôle dans le secteur du livre, leur manière unique de promouvoir écrivains et éditeurs, et de défendre les oeuvres. «Il est très fréquent aujourd’hui, lorsqu’on parle de ce métier, d’évoquer seulement sa

Souvenir du Prix

Pour fêter les 10 ans d’aventures littéraires et graphiques du Prix littéraire des lycéens et apprentis de la région PACA, réalisé par l’Agence régionale du Livre PACA, le dessinateur Vincent Bailly (lauréat 2009/2010 avec la bande dessinée Coupures irlandaises, scénario de Kris) livre son témoignage inédit pour Zibeline. Retrouvez des extraits de ces témoignages sur le site et le blog dédié : blog.prixpaca.com

© Vincent Bailly

problématique économique... Nous vous proposons, nous, de vous raconter d’abord sa pratique, sa culture, sa philosophie même.» De manière révélatrice, si l’on sonde les librairies les plus fragiles, on s’aperçoit que certaines s’abstiennent de participer à cette journée, tout simplement parce qu’elles n’ont pas de quoi acheter les 200 roses que les plus puissantes peuvent offrir à leurs clients... C’est la raison pour laquelle il ne faut pas attendre cette seule occasion pour en pousser la porte, et tout au long de l’année maintenir le lien privilégié qui unit lecteurs et libraires. Le risque étant de se réveiller un jour dans un monde de cauchemar, où l’on ne pourra se procurer un livre qu’au supermarché du coin, ou bien en ligne, sans aucun interlocuteur humain à qui s’adresser pour un conseil éclairé ou un partage de plaisir intelligent. GAËLLE CLOAREC

La Fête de la librairie indépendante a eu lieu le 26 avril




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