Zibel75

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un gratuit qui se lit

N°75 du 17/06/14 au 16/07/14

En avant les Festivals ? Presse régionale, culture libérale, intermittents...



Politique culturelle Entretien avec Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon ................................................ 4, 5 Presse et médias régionaux ................................. 6, 7 Culture libérale, la Friche .................................... 8, 9 Trets, Prix littéraire ............................................ 10 Galerie du CG13 et Château d’Avignon .......................................... 11

MuCEM ............................................................ 12 à 14 Critiques Rue ..............................................................16, 17 Théâtre ........................................................ 18 à 21 Danse ...........................................................22, 23 Musique ....................................................... 24 à 27

Festivals Théâtre .......................................................28 à 33 Rue ................................................................. 34 Danse ......................................................... 36 à 39 Musique ...................................................... 40 à 55

Cinéma .....................................................56 à 59 Arts visuels Au programme ..............................................60 à 62 Les Arts éphémères, la Cité Radieuse ................................................. 64 Saint-Chamas .................................................... 65 Musée Estrine, Mac, Musée Cantini ..............................................66, 67 CAC Istres, collection Lambert .............................................68

Livres ............................................................ 70 à 77 Sciences ................................................... 78

Monsieur Rebsamen, ne signez pas ! Zibeline n’a jamais préparé son supplément festival avec autant de tristesse, et de colère. Aurons-nous un été sans spectacle ? Et, au-delà, des saisons privées de tout élan créatif à cause des attaques constantes contre ceux qui nous font rêver, penser, et vivre ? La diminution des subventions, la casse irraisonnée de la production artistique, l’abandon des intermittents sans lesquels le secteur culturel ne peut pas vivre, s’ajoutent aujourd’hui à des années de disette, de mépris envers ceux qui créent, d’inconséquence dans le non-traitement du statut des artistes plasticiens et des auteurs dramatiques, d’abandon de tous les circuits de fabrique du cinéma d’auteur. À cela viennent se mêler d’insupportables intrusions dans les programmations artistiques de la part des politiques : ainsi, à Aubagne, les œuvres sensibles de Marie Morel et les machines de Demin sont déclarées indésirables par la nouvelle municipalité, qui censure l’exposition d’Art singulier. L’appréciation du degré de «pornographie» et du bien fondé d’exposer une œuvre n’appartient pas aux politiques ; de même l’appréciation du mode de travail des artistes et techniciens n’appartient pas au Medef, et dépasse visiblement l’entendement de FO ou de la CFDT. Qui ne s’occupent que des travailleurs, jamais des chômeurs et des précaires. La coordination des intermittents travaille sur la réforme nécessaire de leur statut depuis 10 ans ; personne ne l’écoute, et le Gouvernement, aveugle, alors même que ce statut des intermittents pourrait constituer un modèle pour traiter socialement des nouvelles formes de travail, s’apprête à signer un texte qui va mettre fin à la vie artistique française. Le déficit de l’Unedic n’est pas dû aux intermittents, mais au chômage. Qui est conséquent de la casse systématique du travail par le néolibéralisme et la financiarisation de l’économie. Tuer le secteur culturel, qui représente 3.2% du PIB français et permet à la France d’être le premier pays touristique du monde, ne serait pas seulement injuste pour les artistes et catastrophique pour les publics. Ce serait aussi une énorme bêtise. AGNÈS FRESCHEL


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Le conflit des intermittents est révélateur de la soumission de l’État à la violence des riches : un rapport de la Cour des comptes a construit un déficit exorbitant, monté de toutes pièces afin d’attaquer la protection sociale de la précarité. Le commissaire à la Cour des comptes en charge de ce rapport sur les intermittents est Michel de Virville, dirigeant du Medef, mis en examen dans une escroquerie de plusieurs dizaines de millions d’euros… Dans La violence des riches Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon identifient cette violence et les conflits d’intérêt entre Hollande et les milieux d’affaire. Rencontre.

L’oligarchie des riches, des médias et des politiques

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ibeline : L’État français devient selon vous «une société de service pour les dominants». Comment se fait-il que l’opinion en soit inconsciente, et que persiste l’idée qu’on s’en prend aux riches ? Michel Pinçon : Le discours dominant est très fort, d’une intense duperie idéologique. Pour la réforme des retraites par exemple, la réalité a été étouffée. Les gens se sont dit : on vit plus longtemps, il est donc normal que l’on travaille plus. Alors que le coût de l’espérance de vie supplémentaire est largement compensé par les gains de productivité. Le calcul sur la retraite n’inclut pas la croissance

des richesses produites ! Cette croissance se fait toujours au profit du capital, jamais du travail, volontiers considéré comme un coût, une charge. Monique Pinçon-Charlot : En ce moment, après les échecs électoraux du Parti socialiste, tous les gens que j’ai interviewés depuis 15 jours disent la même chose : le mille-feuille administratif ça coûte trop cher, il faut simplifier. Alors que la réalité de la réforme territoriale, c’est la libéralisation des territoires : il s’agit d’inoculer la notion de compétitivité, qui est une notion issue de l’entreprise, à tous les échelons de la vie économique et sociale, y compris géographique. Mais les gens n’en ont pas conscience, ils ont intégré l’argument libéral. Jamais la barbarie financière et économique n’a été aussi forte, jamais aussi elle n’a été si bien mise à jour aussi ; comment se fait-il que les contre-vérités du discours dominant soient pourtant admises ? M.P.-C. : C’est quelque chose qui nous tétanise tous. Cette situation est le résultat de multiples processus qu’on décrit dans La violence des riches. La violence économique, d’abord : on casse les emplois, on casse le système productif français ; puis les 5 millions de chômeurs deviennent une arme de chantage pour le Medef. Et puis on trafique nos pensées, notre langage. Tous les patrons du CAC 40 sont propriétaires des médias, ils achètent même des maisons d’édition : Denis Kessler vient de s’offrir les Presses Universitaires de France ! Cette violence si forte devrait conduire à un soulèvement, à un rejet ! M.P.-C. : C’est une violence perverse qui avance sous le masque de la démocratie, de la liberté, des droits de l’homme. Ils sont parvenus à se servir de la défense de la liberté pour dominer ! Nous, intellectuels de mai 68, en sommes, bien malgré nous, responsables. Mai 68 a permis d’instaurer le néolibéralisme dans nos pays, en confondant liberté et liberté d’échange… Comment parviennent-ils à mystifier nos esprits ? Vous décrivez dans votre livre une rencontre avec Antoine Seillière, qui vous avait en quelque sorte cloué le bec !


qui a été mis en œuvre par Pinochet, Reagan puis Thatcher. C’est une révolution incroyable, que nous n’avons pas l’impression de vivre. Le changement s’est fait par la capacité de la classe des riches à intégrer le marxisme, c’est-à-dire à intégrer la lutte des classes pour la renverser en sa faveur. De sorte que les riches apparaissent comme des créateurs de richesses, des bienfaiteurs, et non pas comme des délinquants en col blanc. M.P. : Et de sorte que les ouvriers apparaissent comme des coûts et des charges. Avec ce processus, la classe ouvrière a été coupée de son histoire, le travail, précaire et parcellisé, n’est plus perçu comme source de fierté : «surtout mon fils ne sois pas ouvrier». Le massacre social n’est pas de la seule responsabilité anglo-saxonne. Dans votre livre vous montrez bien la participation active des dirigeants français à cette financiarisation néolibérale. Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon © R.Vlachos

M.P. : On a expérimenté le pouvoir symbolique de ces milieux dirigeants lors de nos entretiens. On était dans des situations où nous étions dominés, malgré nos études : les habitants des beaux quartiers ont une assurance personnelle fantastique, ils sont sûrs de la justesse de leur combat, qui est de s’enrichir, et de faire que ça dure : c’est légitime, puisqu’ils sont les meilleurs ! La reproduction de génération en génération de leur conscience d’appartenir à une élite, et d’avoir droit à plus que le commun, leur donne une force inouïe. M.P.-C. : C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il n’y a guère d’autres sociologues qui travaillent sur ce milieu : cette violence symbolique est difficile à vivre. Les riches en imposent par leur courtoisie, ils ont de «la classe», à savoir que leur seule apparence physique indique leur appartenance à l’aristocratie de l’argent. Et ils ne sont pas simplement riches parce qu’ils ont beaucoup d’argent. Ils sont riches aussi par leur capital culturel et leur capital social, c’est-à-dire leurs relations, leurs réseaux, qui se situent toujours au sommet de la société. M.P. : Oui, ce sont des gens qui cumulent toutes les formes de richesse. M.P.-C. : Les intellectuels négligent d’analyser les dominants ; ils s’intéressent aux dominés, et à leurs très nombreux problèmes. Pourtant il faut comprendre la cause de ces problèmes. Quant aux journalistes, nombreux sont ceux qui ont intérêt à adopter les codes et à se soumettre à cette classe bourgeoise qu’ils interrogent. M.P. : Il y a des financements pour aller voir la misère sociale, pas pour aller voir chez les bourgeois comment ça se passe. On vous a reproché votre proximité avec les riches que vous étudiiez… M.P.-C. : Oui, on revendique l’empathie avec les gens avec lesquels on travaille. Mais on ne s’est jamais cachés, on a toujours écrit dans L’Humanité et ceux que nous interrogions le savaient très bien. M.P. : Le capital de séduction des riches leur permet de tout présenter comme naturel. M.P.-C. : Oui, le système néolibéral est naturel, comme le soleil. Les déficits publics, le «trou» de la sécurité sociale, les inégalités, les paradis fiscaux et l’État sont admis comme allant de soi. Or ce sont des constructions sociales de la classe dominante. Parvenir à casser la machine idéologique qui est derrière est très difficile. Naturalisation des inégalités sociales et discours dominant ou idéologique : tout ceci n’est pas neuf… M.P. : Mais avant il y avait un patron dans l’usine et des ouvriers, ce qui rendait les rapports de classe visibles ; aujourd’hui ce sont des fonds de pension qui dépècent les usines. Alors les entreprises sont devenues des biens sur lesquelles on spécule. M.P.-C. : La financiarisation de l’économie, qui s’appuie sur une révolution technologique avec l’informatique qui a permis la mondialisation, repose sur un système théorique mis au point dès les années 40, par Friedman et Hayek. Ce système néolibéral

M.P.-C. : C’est plus qu’une participation ! Les politiques, y compris de la gauche socialiste, les journalistes, sont happés voire intégrés à l’oligarchie dominante ; c’est une oligarchie qui est politique, financière, économique et médiatique. Et c’est ce qui a changé dans cette révolution : les médias sont au cœur de l’oligarchie ; ce qui n’était pas encore le cas en 1986 quand on a commencé à travailler sur les riches. La vraie question est celle-là : ces dirigeants socialistes pouvaient-il faire une politique de gauche ? Avaient-ils le choix ? M.P.-C. : Oui Pourquoi ne l’ont-ils pas fait ? M.P.-C. : Les élites du Parti socialiste sortent de l’ENA, de polytechnique ou de HEC ; c’est-à-dire de machines qui sont faites pour réaliser la mayonnaise oligarchique entre les différents pôles de la classe dominante : la noblesse, la bourgeoisie et le pôle libertaire. Bourdieu l’a très bien décrit dans La noblesse d’État ; et Boltanski dans Le nouvel esprit du capitalisme. Ces grands bourgeois ont eu l’intelligence d’intégrer les critiques hédonistes de Mai 68, à un moment où le capital avait besoin de toujours plus de libre-échange. Ce qui s’est traduit par la liberté du capital, la suppression des frontières et à terme des nations ; ainsi les multinationales dictent leur loi. M.P. : Quand on lit La gauche bouge de François Hollande coécrit en 1983 avec de futurs oligarques de ses amis, on voit qu’il adhère pleinement au néolibéralisme. Tout choix alternatif au néolibéralisme est

aujourd’hui taxé de populisme. M.P.-C. : Ces choix ont toujours été violemment attaqués. Nous aussi nous vivons personnellement cette opération de décrédibilisation ; quand je suis invitée sur un plateau de télévision on me renvoie l’image de la sociologue engagée, militante, alors qu’en face de moi j’ai trois militants, mais à fond, du néolibéralisme ! Mais pour eux c’est naturel, ce n’est pas du militantisme. S’agit-il, comme le décrit Foucault lorsqu’il parle de la reproduction de la délinquance, d’une stratégie sans stratège ? M.P.-C. : Notre travail décortique la bourgeoisie en tant que classe sociale au sens marxiste du terme, une classe en soi, avec des positions dans la société relativement proches, et une classe pour soi, consciente d’elle-même. C’est-à-dire consciente de ses intérêts. Sa mobilisation est intense sur le front économique, mais aussi culturel et social. Terminons sur le score du Front national aux dernières élections européennes… M.P. : Le Front national tient un discours au plus près des aspirations du peuple mais dans un mensonge terrible… M.P.-C. : Une véritable imposture ! Le Front national est mis en place par la classe dominante pour éliminer la gauche radicale. Regardez le temps de parole entre le Front de Gauche et le Front national dans les médias : c’est un rapport de un à vingt ! Les statistiques du CSA sont accablantes. Comment en est-il arrivé là ? M.P.-C. : Le Front national est largement une création des socialistes, notamment depuis Mitterrand ; et la politique au service du Medef de François Hollande n’a rien arrangé. L’intérêt des socialistes consiste à faire monter le Front national pour ensuite le diaboliser dans une stratégie de front républicain. Leur ennemi n’est pas le Front national, qui compte beaucoup de bourgeois comme eux ; on en a même parmi nos interviewés. Leur ennemi c’est la gauche radicale. Situation désespérante alors ! M.P.-C. : Il y a des solutions, comme celle de rendre le vote obligatoire avec comptabilisation des votes blancs. De nombreux électeurs ne votent plus parce qu’ils ne se sentent pas représentés, qu’ils ne veulent plus voter PS ou UMP. Le vote obligatoire avec comptabilisation des votes blancs est une réformette facile à mettre en place. Pourquoi les socialistes ne le font pas ? Parce que c’est une mesure démocratique, mais qui détruirait leur système de domination politique aujourd’hui illégitime. Entretien réalisé par RÉGIS VLACHOS

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La presse et les médias régionaux sont tous en difficulté croissante, et en mutation. Un danger pour la démocratie de proximité ? Le redécoupage hâtif des régions françaises en 14 blocs territoriaux épargnera donc la région PACA. Mais l’indispensable contre-pouvoir de la presse pourra-t-il continuer de s’y exercer ? Les citoyens sont aujourd’hui peu susceptibles d’accéder à une information de qualité fabriquée en région. Faute de moyens, ou par choix managériaux, les journalistes de la PQR1 sont amenés à enquêter succinctement sur des zones de plus en plus vastes, à reproduire des clichés, ou à chercher l’info qui fait vendre. On l’a vu pendant la campagne électorale marseillaise : un candidat sorti du chapeau, mais médiatique, a attiré l’attention de tous les médias, y compris parisiens : Pape Diouf, ça faisait événement ! En quelques jours il a occulté les enjeux pourtant tragiques de la campagne, et empli toutes les colonnes, de La Provence à Libération… puis a disparu du paysage, laissant les électeurs dans le désarroi, mais ayant fait flamber les ventes. Ainsi la presse fabrique l’info, non par incurie des journalistes, mais parce qu’elle est aux abois ; soutenue par l’État dans sa diffusion et sa modernisation, mais non dans sa fabrication quotidienne, elle vend nettement moins, et voit ses recettes publicitaires décroître pour cause de crise. Son avenir, qu’on lui promettait mutant et numérique, s’évanouit comme un mirage : les sites de

presse ne sont pas rentables, la publicité et les abonnements ne suffisant pas à les financer. Aucun média numérique national, en dehors de Mediapart, ne parvient à l’équilibre, qu’il s’agisse de pure players ou de versions numériques de quotidiens papier. Quant aux sites de presse régionaux, qui s’adressent à des publics par nature plus restreints, l’investissement forcé dans le numérique -l’État a poussé les journaux à cette «mutation»- est un gouffre de plus, qui fait baisser les ventes, et n’apporte que de très faibles recettes. Dans ces conditions la presse régionale, garantie de démocratie si les journalistes ont les mains libres et les moyens d’enquêter, n’est plus qu’une caricature de contre-pouvoir. La baisse des moyens ne concerne pas que la presse papier, les antennes régionales de France 3 ou de Radio France ont vu également leur dotation diminuer. Elles aussi regroupent des zones géographiques trop vastes pour que la démocratie locale puisse y trouver des tribunes, des critiques informées, ou même des débats plateau de qualité : du coup les régionaux y passent pour des ploucs, ce qui entérine la centralisation hiérarchisée à la Française.

Notre quotidien régional…

Il est un quotidien régional, historique, de référence depuis la fusion du Provençal avec le Méridional, son ennemi intime. La Provence, aujourd’hui entièrement aux mains de Bernard Tapie2, subit un gigantesque nettoyage de journalistes, et redécoupage des zones : dans les éditions locales, les journalistes ne sont souvent que deux pour couvrir la moitié d’un département, c’est-à-dire écrire, chaque jour sauf le premier mai, au moins deux pages. Car quarante journalistes, soit près du quart des effectifs des rédacteurs, viennent de quitter le navire, faisant jouer la clause de cession. Des départs que le chef d’entreprise n’a pas l’intention de remplacer : il vient d’injecter 6 millions dans La Provence, et doit payer des indemnités équivalentes à celles de licenciements… Comment la rédaction de La Provence, déjà en forte diminution durant les années Hersant, va-t-elle pouvoir continuer de faire du journalisme, c’est-à-dire d’enquêter, d’interroger, d’analyser, de faire surgir, avec si peu de journalistes ? D’autant que d’autres veulent partir après cette première salve, et peuvent encore légalement, durant deux ans, faire jouer la clause de cession, qui ressemble à une clause de conscience3, mais est plus facile à faire valoir : tous les journalistes interrogés nous ont garanti que Bernard Tapie ne cherchait pas à infléchir la teneur de leurs articles, mais qu’il leur donnait des postes inadéquats, regroupant des missions impossibles à tenir, sabordant le travail en prenant des décisions contraires aux intérêts d’un quotidien papier, persuadé de fait que le numérique et la web télé sont l’avenir du journalisme. Le problème relève donc de choix culturels : on ne produit pas un journal comme un savon, même à Marseille, parce qu’il est un produit de l’esprit, et parce que le citoyen possède un droit inaliénable à l’information. Or, gérés comme des industries même

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Presse, région, démocratie,

s’ils dépendent du ministère de la Culture et de la Communication, les journaux ne parviennent plus à remplir la mission de service public qui justifie pourtant les aides d’État. La Provence est notre bien commun, et sa disparition aurait des conséquences plus dramatiques encore que la fermeture d’une entreprise, dont Tapie est familier. Ici il y aurait certes un coût pour les salariés, mais aussi pour les citoyens.

…et ses alternatives

Heureusement dans la région d’autres médias d’information politique et générale tentent de proposer des alternatives. Le site Marsactu, qui cherche et trouve souvent le scoop, mais dont le financement reste mystérieux4; Le Ravi, mensuel satirique impertinent, mais aux moyens trop réduits pour que ses enquêtes souvent révélatrices aient un véritable poids ; et La Marseillaise, journal historique lié au Parti Communiste mais ouvert à toutes les gauches de progrès et ne dépendant d’aucun groupe de presse, qui réussit grâce au militantisme de ses journalistes très mal payés à produire un quotidien souvent inégal, mais comportant parfois des pages exceptionnelles. Comme celles de Philippe Pujol par exemple, qui vient de remporter le prix Albert Londres, pour une série de reportages en forme de feuilleton parus en 20135 : indésirable dans les locaux de la police où les faits-diversiers vont généralement chercher leurs infos, le journaliste est reparti s’informer comme chacun devrait avoir le temps de le faire : à la source, dans les Quartiers Shit qui défrayaient tant, et si mal, les médias nationaux en mal d’idées toutes faites. Mais toutes les pages de toutes les éditions de La Marseillaise pourraient-elles avoir, chaque jour, cette qualité-là ? Le manque de moyens chronique ne le permet pas, et la survie jour après jour du petit quotidien régional, qui refuse des capitalisations qui remettraient en cause son indépendance, est un


culture miracle, fondé sur le dévouement des journalistes et le militantisme des abonnés. Il ne pourra perdurer que si la qualité rédactionnelle reste au rendez-vous régulièrement, et si le modèle d’une presse citoyenne retrouve de l’allant. Question de culture ! AGNÈS FRESCHEL

1 Presse quotidienne régionale 2 Depuis janvier 2014 le Groupe Bernard Tapie est devenu majoritaire, détenant 80% du capital de La Provence. Nice Matin reste détenu par le groupe Philippe Hersant, 3 La clause de conscience s’exerce lorsqu’un journaliste n’est pas en accord avec la ligne éditoriale de son journal. La clause de cession, lorsqu’un journal change de propriétaire. 4 Plus de 200 000 euros de déficit en 2012. Ce journal numérique ne dispose d’aucune recette identifiable 5 Voir notre entretien www.journalzibeline.fr/programme/lentretien-de-lasemaine-avec-philippe-pujol

Tribulations d’un média local

Ils ont eu un coup de chaud, les salariés de La Chaîne Marseillaise (LCM), télévision locale rattachée au groupe Médias du Sud depuis 2011. Leur employeur, basé dans l’Hérault, a vu soudainement l’un de ses partenaires institutionnels, le Conseil Régional Languedoc-Roussillon, se désengager financièrement à hauteur de 750 000 euros. Une somme qui jusque là était consacrée à l’achat d’espaces publicitaires ou de prestations, et qui correspondait à environ 15% du chiffre d’affaire de la structure. De quoi mettre en péril la survie des médias du groupe, qui compte, outre LCM, TV Sud-Montpellier, TV Sud Camargue-Cévennes et TV Sud Pyrénées Orientales. Christophe Musset, le directeur, a rapidement tenté de «faire évoluer la position du Président de Région, Christian Bourquin, en le rencontrant directement». Fin mai, cette démarche a porté ses fruits : l’élu a «montré son intérêt pour Médias du Sud, et sa volonté de trouver des solutions». Notamment à travers une campagne publicitaire pour la marque Sud de France, prévue de juin à août, qui rapportera au groupe 340 000 euros et devrait être renouvelable. Suffisamment pour assurer l’avenir de ses 80 salariés ? On l’espère. Christophe Musset est de toute façon dans une «démarche de désengagement progressif». Son objectif est d’atteindre les 5% seulement de participation de la Région au budget de sa structure, dès 2016, via une diversification des ressources et une augmentation de fonds propres. «Les prises de contact sont bien avancées. Nous aurons besoin de capitaux pour couvrir Perpignan dans de bonnes conditions, et poursuivre le développement digital». Dans un contexte houleux de redécoupage de la carte administrative des Régions, il se montre optimiste : «Cela nous est plutôt favorable. Nous avons toujours cru aux médias à l’échelle régionale». Chez un homme qui, pour avoir perdu le soutien de la collectivité, se disait prêt à mettre la clef sous la porte dix jours plus tôt, un tel détachement étonne. Mais l’optimisme est certainement une prédisposition utile, en ces temps hasardeux. GAËLLE CLOAREC


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L’an dernier à la même époque, Zibeline publiait un article qui s’échangea beaucoup sur le web1. On y faisait le constat d’une aberration nouvelle : alors que la capitale culturelle avait permis la construction d’équipements nécessaires, rien n’était prévu pour perpétuer l’élan créatif, en particulier les budgets pour faire fonctionner ces équipements. Ainsi festivals, saisons des théâtres, propositions des musées… se sont élaborés au cours de la saison 2013-2014 avec le moins d’artistes possible. Le minimum de comédiens, de danseurs et de musiciens sur les plateaux, des reprises de propositions antérieures, des one man show qui tournent, de la musique ou des images enregistrées, numérisées, des machines, des artifices. Quant aux musées, plus aucun ne programme de spectacle vivant, hormis le MuCEM, qui n’est pas voué aux grandes formes. La Villa Méditerranée a renoncé à toute programmation artistique, le FRAC vivote à peine et commande très peu, les nouveaux musées d’histoire ou de civilisation n’ont pas besoin d’artistes. Même au niveau des arts plastiques, les musées ont cette année exploité et ré-exploité leurs fonds et le patrimoine, sans commander d’œuvres… tout comme aucun théâtre n’a produit de spectacles nouveaux (produit au sens propre, c’est-à-dire financer majoritairement une production). Pourquoi ? Si les politiques et les entreprises qui nous gouvernent se sont rendu compte que la culture rapportait2, ils ont aussi compris qu’il suffisait pour rassembler les foules de quelques propositions spectaculaires bien menées. Les artistes, et leur subversion, et leurs tourments, ne sont que peu nécessaires à l’élaboration raisonnée de produits culturels qui vont faire marcher les commerces. Les productions, les créations coûtent cher, et ne sont pas nécessaires : nous consommons donc depuis quelques temps, uniquement, de la culture en conserve. Des rediffusions…

Saisons sans production

La saison 2014-2015 s’annonce pire encore. Si l’on fait le tour des théâtres, il n’y a AUCUNE production véritable de compagnies de la région : la Criée coproduit timidement un spectacle dans sa petite salle, la Minoterie coproduit, accueille et suit plusieurs artistes en résidence mais à la mesure de moyens qui ne sont pas ceux d’un centre dramatique ou d’une scène nationale. Celles-ci, justement, ont cessé de soutenir la création : plus d’artistes en résidence ni à Gap ni à Martigues ni à Cavaillon ! Ces trois pôles régionaux essentiels, qui jusque-là permettaient aux compagnies de créer des œuvres, affichent timidement quelques coproductions, peu nombreuses, et consacrent une partie de leurs moyens à l’achat de spectacles racoleurs. Car les programmateurs sont exhortés à remplir les salles, donc à préférer le consensus au risque. Ils justifient de dépenser l’argent public

La culture sans artistes, un idéal libéral (bis, et pire encore) Drôle de paysage en ce début d’été. Alors que les festivals s’annulent, les saisons s’annoncent, plus tristes que jamais avec Julien Doré ou Nana Mouskouri, ou des comiques télé y compris bas de gamme, en disant qu’ils font venir un public nouveau au théâtre. Mais à force de concessions à ce que l’on suppose du goût commun, on satisfait aux plus régressifs désirs de divertissement, au lieu de proposer aux esprits de s’élever au-delà de leurs appétences… ce que suppose le terme même de «culture». Mais les directeurs fraîchement nommés dans les théâtres de la région n’ont plus les moyens de résister aux pressions politiques locales… Quoi qu’il en soit, la responsabilité de cet état de fait n’est pas la leur : à Toulon les frères Berling vont même jusqu’à renoncer à leurs productions propres pour pouvoir coproduire, à hauteur conséquente, plusieurs compagnies. Le Gymnase/Jeu de Paume essaie de conserver des coproductions, plutôt jeune public, plutôt pas chères… Tous tentent, d’une manière ou d’une autre, de conserver des spectacles de qualité, innovants ou non, mais au moins stimulants pour l’esprit. Mais tous sont en recul ! Il faut dire que l’attentisme est de règle. La Friche aura sans doute les moyens d’aider à la production de propositions régionales, mais quand, combien, et à quelle hauteur ? Le Théâtre Liberté attendra-t-il encore longtemps de savoir si il aura un financement de l’État ? Combien de temps sera-t-il condamné, alors que sa programmation irréprochable (presque, on pardonnera Nana) rassemble un public enthousiaste autour de propositions souvent courageuses, à programmer en-deçà de ses ambitions ? La direction de la scène nationale du Merlan, dans un arrondissement gagné part le Front national, restera-t-elle longtemps

vacante ? Nathalie Marteau, sa directrice, s’en va en juin, son adjoint également, et personne n’est prévu pour prendre le relais, l’appel à recrutement n’a pas été lancé… la procédure étant longue, est-ce un signe pour ce théâtre si délicat, dans les quartiers les plus pauvres de la ville la plus pauvre de France, du désintérêt de l’État ? Plus loin, le théâtre Durance va changer de direction, Théâtres en Dracénie vivote, le Théâtre de Grasse semble renoncer à son ambition créative, le Gyptis est devenu un cinéma, les Bernardines vont bientôt changer de mains… Que vont devenir les artistes qui ne dirigent pas un lieu ? De quoi imagine-t-on qu’ils vivent ?

Pauvres intermittents

Car cette diminution des volets de production des théâtres se double encore d’une stagnation, ou d’une diminution, des subventions directes aux compagnies. La réforme du régime des intermittents, vécue comme un coup de couteau dans le dos de la part du gouvernement, serait pour les artistes un troisième choc, sans doute fatal. Cette fois-ci ce ne sont pas seulement les moyens de créer qu’on leur enlève, mais les moyens de vivre. On sait à quel point cette refonte du régime des intermittents est non seulement injuste3, mais absurde et contre-productive, d’une part parce que le déficit prétendu n’en est pas un (on ne comptabilise pas pour parler de l’équilibre d’un secteur économique ses seuls chômeurs, et le secteur culturel, si on prend en compte ses permanents, est bénéficiaire….), d’autre part parce que les quelques «abus» du régime des intermittents viennent du secteur de l’audiovisuel public et des boîtes de production,


Comment survivre ?

Aujourd’hui se pose une fois de plus le problème délicat des moyens de la lutte. Comme en 2003, mais cette fois face à un gouvernement socialiste, les intermittents vont bloquer les festivals, pour faire sentir leur poids économique, et cesser de passer pour des parasites. Mais comme en 2003 nombre de compagnies vont en mourir : annuler le Printemps des comédiens de Montpellier, ou le Festival d’Avignon, revient à tuer dans l’œuf nombre de spectacles que les artistes avaient besoin de créer, que le public et les programmateurs ne verront pas, alors même que les conditions de production sont devenues si difficiles. Ce n’est pas de gaîté de cœur que les artistes et techniciens s’apprêtent à le faire dans les festivals les plus fragiles, c’est-à-dire ceux où ils travaillent librement : lorsqu’ils bloquent l’opéra Bastille, ou se mettent en grève pour Plus Belle la vie, les pressions des directions ne se font pas attendre : une des caractéristiques des intermittents est qu’ils ont des contrats de travail précaire, et un «droit» de grève par conséquent très compromis. Ils n’ont souvent d’autre choix que de se sacrifier eux-mêmes sur l’autel de l’annulation de leurs propres spectacles. Il reste quelques jours pour espérer que le gouvernement renoncera à son alliance absurde avec le MEDEF, qui demandera toujours plus. François Rebsamen se renie et s’apprête à signer un accord qu’il dénonçait hier. Les rares maires socialistes de la région, à Montpellier et Avignon, risquent fort de ne jamais s’en remettre. Par ailleurs il est indigne de signer un accord injuste par «calcul politique». Expression qui ne devrait pas être un pléonasme, mais un oxymore : il n’est pas de république sans vertu, écrivait en son temps un certain Montesquieu. Notre gouvernement de gauche ferait bien de s’en souvenir. AGNÈS FRESCHEL

1 www.journalzibeline.fr/la-culture-sans-artiste-unideal-liberal 2 www.journalzibeline.fr/la-culture-question-de-pib 3 www.journalzibeline.fr/intermittence-pour-en-finiravec-les-mensonges

Lorsque l’été vient à Marseille, les rues se désertent et la nourriture culturelle devient rare… Le MuCEM (voir p 12 et 13) et La Friche ont décidé de pallier la carence, et de peupler nos journées, nos nuits, nos week-ends, entre deux escapades vers des festivals moins urbains… Ça commence en 48h chrono : l’an dernier la première édition, 2013 oblige, avait rassemblé de nombreux spectateurs promeneurs couche-tard et noctambules, des familles aussi, sur les transats, l’après midi. Cette année l’édition se concentre sur la danse, à voir, à pratiquer sous toutes ses formes en ateliers doux ou hard, en bal ludiques ou tangos… Toutes les forces chorégraphiques de la Friche se sont donné pour tâche de concocter un programme non stop, avec Marseille Objectif Danse comme initiateur (voir p 36), mais aussi Sextant et plus qui invite Arnaud Maguet et Philippe Robert, Radio Grenouille qui mixe pour danser et dormir, Massalia qui prévoit sieste et surprise-partie pour les petits et spectacle pour les grands (Mathieu Hocquemiller), Georges Appaix qui fête les trente ans de sa compagnie la Liseuse et fait danser Colline, le Cabaret Aléatoire qui fait venir DJ Cam et propose une Psyché extérieur Nuit (Pierre Guéry et Nathalie Démaretz), l’AMI qui sort de son MIMI pour faire du hip hop crochet… Mais de nombreux non Frichistes se joignent aussi à l’aventure ! Le Ballet National de Marseille qui va habiter sa très belle exposition (voir Zib 74), Mathilde Monfreux et ses surprenantes explorations organiques, Christine Corday pour le bal de clôture, le Festival de Marseille qui prête la Cie Kyle Abraham, Klap qui accueille en ses murs une proposition décentrée (Souleymane Ladju Koné et Maman Sani Moussa), une Banda Mundo Latino en concert cubain, L’Officina qui invite à danser aux côtés de la Cie MK, et Christophe Haleb, qui cherche Eurydice et Dalida ! Toutes ces propositions se succèdent, laissant à peine le temps de dormir, du 27 au 29 juin, gratuitement à l’exception de l’ouverture, proposée par Tino Sehgal. Deux jours de danse pendant lesquels Mauvais œil en profite pour proposer un salon du Fanzinat (voir p 70). Et la Friche ne prendra pas non plus de pause estivale : sur son magnifique toit terrasse, tous les vendredis et samedis de 19h à 23h elle dispensera ses DJ sets, et des films tout public le dimanche soir ; ses expos resteront également ouvertes du mardi au dimanche (nocturne le vendredi). Vous prenez vos vacances à Marseille ? A.F. Bal Moderne © X-D.R

qui emploient des «permittents» corvéables, sans contrats définitifs, pointant au chômage mais travaillant de fait de façon permanente. La réforme du MEDEF ne remet pas en cause ces abus, mais appauvrit encore les plus pauvres des artistes et des techniciens, en augmentant le délai de carence (sans paiement) entre chaque contrat, et en augmentant la surcotisation sociale (les intermittents se payent leur régime en cotisant beaucoup plus que les autres salariés au chômage, et à la retraite). La lutte des intermittents est donc juste, et c’est celle du désespoir. Peut-on demander à une profession de travailler plus pour atteindre les seuils du chômage indemnisé, et dans le même temps lui couper tous les moyens de production ? La concordance de ces attaques fait craindre une volonté concertée de mettre au pas la vie artistique, au risque de la tuer…

Danser au temps chaud

La Friche 04 95 04 95 95 www.lafriche.org

9 P O L I T I Q U E C U L T U R E L L E


Flou artistique

O L I T I Q U E

C U L T U R E L L E

Zibeline : Pour la première fois vous ne recevez pas cet été l’orchestre du Pays d’Aix. Est-ce un signe ? Maryse Cuiffardi : il ne s’agit que d’un contretemps ; avec les élections les dates se sont bousculées, et lorsque nous avons émis la demande, les délais étaient passés. Qu’il y ait encore un adjoint à la culture dans une petite ville est encourageant, souvent ce poste est oublié ! Être adjoint à la culture est toujours inconfortable, on s’inscrit souvent contre tous les autres. La culture ne leur semble jamais essentielle et pourtant c’est ce qui nous constitue. Mon rôle n’est pas un rôle de pouvoir mais d’influence. Quel est le budget de la culture à Trets ? Je ne peux pas vous donner une fourchette précise, seulement qu’il est dérisoire et en baisse comme tous les budgets. Quelles implications induit la perspective de

Le Château de Trets © Maryvonne Colombani

Au lendemain des élections, avec la perspective de la Métropole marseillaise, on peut se demander quel sort est réservé à la culture dans les petites villes. Zibeline s’est rendue dans 10 le pays d’Aix et a interviewé l’adjointe à la culture de P Trets, Maryse Cuiffardi

la métropole sur la vie culturelle de Trets ? Rien n’est fait, et ce n’est pas dit qu’elle se mette en place ! 109 maires sur 119 ont voté contre. Pour le moment on ne sait rien. La métropole c’est une nébuleuse, on ne peut parler que d’impressions, celle par exemple que l’on va perdre l’identité du village et qu’aucun avantage ne va en découler. Mais nous ne disposons d’aucune information.

Quels sont les axes de la vie culturelle dans une ville située en pays d’Aix ? Il y a un projet culturel global de la ville, avec un point fort, le château, élément essentiel du patrimoine trétsois. Nous souhaitons le rendre à tous, en faire un lieu de rencontres. D’abord, une seule grande exposition sur plusieurs mois, avec un artiste de la taille de Briata, puis une période serait proposée aux créateurs de Trets et des alentours, dans une grande exposition collective. Avec le FRAC, depuis deux ans, on a aussi instauré la «classe au château» : pendant une semaine les enfants d’une classe viennent étudier, entourés d’œuvres contemporaines qu’ils apprennent aussi à décrypter. Trois classes en bénéficient. Nous avons commencé à mettre en place des résidences d’artistes avec Levon Minassian. Le rêve serait de monter un festival de musiques du monde. Pour l’initiation à l’art vous avez souvent reçu les expositions d’Artesens qui apportent beaucoup aux enfants. L’inspecteur d’académie, M. Blache, n’y est pas favorable et le considère comme une perte de temps, et pense que les enfants n’en retirent pas grand-chose. C’est surprenant ! Et le festival de BD ou la journée des écrivains ? Bien sûr ils perdurent. Vous ne parlez pas des Nuits de Trets, de leur financement… Là, je pose mon joker. C’est du domaine des festivités et non de la culture, je n’y ai aucun regard. Entretien réalisé par MARYVONNE COLOMBANI

Des mots et des images... Réalisation du lycée Aristide Briand de Gap © Chris Bourgue

Pour la 10e édition de son Prix littéraire des lycéens et des apprentis, la Région PACA et L’ARL (Agence Régionale du Livre) ont initié une nouvelle formule, avec un vote des jeunes pour désigner les meilleures performances et travaux plastiques qu’ils ont réalisés tout au long de l’année, autour des livres de la sélection. Le travail du lycée Aristide Briand de Gap présentait des émotions mises sous cloche d’une grande originalité ; le lycée Jean Perrin de Marseille a réalisé une prestation théâtrale d’une belle énergie, en imaginant le procès du singe de Hartlepool (voir plus bas) dans une courte pièce en costumes portée par des acteurs en herbe excellents ; enfin, c’est le lycée Rouvière de Toulon qui a été primé pour une vidéo, avec des textes de slam inspirés des 6 BD en lice. Les auteurs-lauréats ont été désignés en présence de Christine Mirauchaux, conseillère régionale déléguée à la culture. Pour les romans, Marie Neuser est récompensée pour Un petit jouet mécanique (éd. L’Écailler, voir Zib’54) dont l’atmosphère troublante a marqué les lycéens. Pour la BD c’est le duo

d’un événement dont on ne sait s’il est réel ou imaginaire tant il a imprégné la vie des habitants d’un petit village sur la côte anglaise. On raconte que n’ayant jamais vu de français et les haïssant allègrement depuis les guerres napoléoniennes, les villageois ont condamné à la pendaison un pauvre singe, seul rescapé d’un naufrage ! Cela en dit long sur le degré de bêtise ignorante et le racisme latent de certains... W. Lupano raconte d’ailleurs qu’il a écrit son scénario en plein débat sur l’identité nationale, mais qu’il a voulu y mettre de l’humour. Quant à Jérémie c’est la première fois qu’il travaillait avec un scénariste et il a cherché un dessin «corrosif» qui colle à ce récit assez noir. Chaque auteur a reçu un chèque de 3000 euro et le groupe musical Kabbalah, toujours énergique, a clôturé la journée en fanfare ! CHRIS BOURGUE

Wilfrid Lupano (scénario) et le tout jeune Jérémie Moreau (dessin), pour le Singe de Hartlepool (éd. Delcourt). L’histoire s’inspire

Cette manifestation a eu lieu au Docks des Suds, Marseille, le 22 mai


Chronique de deux morts annoncées 11 P O L I T I Q U E

Domaine du Château d’Avignon © Claude Lorin

C’est officiel : le Conseil général des Bouchesdu-Rhône vient d’envoyer son «invitation au vernissage ultime à la Galerie d’art d’Aix-enProvence le jeudi 19 juin à partir de 18h30». Après 19 ans d’existence atypique -ni musée, ni centre d’art, ni galerie-, l’Hôtel de Castillon tirera définitivement le rideau à l’issue de son exposition estivale L’œuvre photographiée : les ateliers d’artiste de Picasso à Warhol. Une décision difficile à comprendre au regard du chiffre de fréquentation annuelle (100 000 visiteurs), de la diversité des commissariats conçus par Michel Bepoix qui reçut, entre autres, Pierre Soulages himself, et de l’exigence de la politique curatoriale de Véronique Traquandi qui fit appel aux meilleurs conseillers scientifiques, historiques et artistiques (Agnès de Gouvion Saint-Cyr, Éric Mezil, Gilles Mora…) à l’occasion de quatre expositions par an en moyenne. Sans compter le choix éditorial d’accompagner les expositions d’un catalogue. Il est également nécessaire de rappeler que depuis 2005, le Conseil général invitait tous les deux ans en résidence un artiste de renom dont le travail était en lien avec une spécificité territoriale : la notion de désert pour Raymond Depardon, les objets des religions et des superstitions pour Bernard Plossu ou les Bouches du Rhône pour Agnès Varda. Résidences suivies d’une exposition de trois mois à Aix-en-Provence et d’une tournée dans le département pendant deux ans. Cette liquidation annoncerait-elle d’autres mauvaises nouvelles, comme la fermeture en 2016 du Château d’Avignon qui a su allier depuis 2005 arts visuels contemporains et public familial ? Qui a su associer commandes aux artistes vivants, emprunts aux collections publiques et privées, conservation et valorisation d’un patrimoine exceptionnel né à l’aube du XXe siècle. En guise d’épilogue, Le domaine des murmures #1 (2014) et #2 (2015) proposera aux visiteurs une immersion visuelle, sonore et sensorielle en interaction avec la nature et les dépendances du château… «Ici la culture est partout !» scande le logo du Conseil général jusque sur son «invitation au

vernissage ultime». Vraiment ? La disparition programmée de ces deux fleurons dans le domaine des arts visuels laisse perplexe quand la situation des artistes plasticiens est plus que précaire : au mieux ils sont inscrits à la Maison des artistes, au pire au RSA ! Un seul Jeff Koons ne doit pas faire oublier les milliers d’anonymes. Elle soulève également de nombreuses questions : le Conseil général a-t-il encore les moyens d’entretenir «les joyaux de sa couronne» ? Les économies espérées seront-elles redéployées dans le spectacle vivant, le cinéma ou la lecture ? Permettront-elles d’éviter que les associations culturelles coulent à pic avec la baisse drastique de leurs subventions ? Il ne semble pas… Autant de questions sans réponse, nos tentatives nombreuses de joindre le cabinet de M. Guérini étant restées lettre morte ! MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

L’œuvre photographiée : les ateliers d’artiste de Picasso à Warhol du 20 juin au 20 septembre Galerie du Conseil général des Bouches-du-Rhône, Aix-en-Provence 04 13 31 50 70 www.culture-13.fr Le domaine des murmures #1 du 10 juillet au 10 octobre Week-end d’ouverture gratuit Domaine départemental du Château d’Avignon, Saintes-Maries-de-la-Mer 04 13 31 94 54 www.culture-13.fr

C U L T U R E L L E


Le 6 juin, le MuCEM a fêté son premier anniversaire, 12 et la fête était à la mesure M du succès incessant U C depuis l’ouverture ! E M

Un flot continu de visiteurs a envahi la galerie de la Méditerranée, le Temps des loisirs, et les nouvelles expositions temporaires… Certains de ces promeneurs qui passent sur le site mais ne franchissent pas les portes payantes des expos ont ce jour-là passé le cap, et découvert les lieux gratuitement, comme tous les premiers dimanches du mois. Pourtant, à 5 ou 8 euros pour toutes les expos, le passage est habituellement peu couteux ! Surtout si on le compare à celui de quatre heures de parking Vinci en-dessous… Le bilan après un an est exceptionnel : plus de 2,6 millions de visiteurs, dont un tiers ont fréquenté les expos, 30 000 personnes ont assisté à la programmation des 446 concerts, spectacles et projections, et 15 000 spectateurs pour les manifestations jeune public ! La fréquentation n’a pas baissé après l’année capitale, et continue d’augmenter chaque mois. Dans le détail on peut noter que 80% du public est français, et qu’un visiteur sur deux vient de PACA. On peut cependant regretter que le MuCEM n’intéresse pas davantage les étrangers du pourtour Méditerranéen (la plupart des 16% de touristes étrangers viennent d’Europe du Nord) et que les populations marseillaises d’origine étrangère ne soient pas plus nombreuses que dans les musées qui ne s’intéressent pas à leur histoire. Question d’habitude sans doute, et d’un travail de médiation nécessaire, loin du top down pratiqué dans les musées d’État.

La fête !

Mais pour cette soirée d’anniversaire le seul petit bémol provenait de l’ampleur du succès ! Tous n’ont pas pu entrer dans les expos à temps, les passerelles ont frôlé l’embouteillage, et d’interminables queues s’enroulaient devant les carrioles variées et multiples qui proposaient une restauration bon enfant et goûteuse, tandis que les tables de la cafétéria et du restaurant ne désemplissaient pas… Il faut dire qu’il faisait doux, et que le concert de Sylvie Paz, qui inaugurait le soir, était à la fois chaleureux et chaloupant. Il aurait pourtant été dommage de ne pas quitter la douceur de l’esplanade, partir d’abord écouter les propositions électroacoustiques d’EriKm, désorientants sons d’artifices sans images, puis descendre dans le hall écouter la performance d’Arnaud Saury, épluchant avec malice un sondage sur les pratiques et préférences sexuelles. Juste après, Jean Marc Montera faisait dialoguer les

I am a love result, Arnaud Saury © Luis Castilla

Un an, des concerts, et la civilisation

errements impulsifs de sa guitare bruitiste avec les mélodies sensuelles du violon de Fanny Paccoud, histoire de nous plonger dans le son juste avant de remonter sur l’esplanade enchanteresse, où les corps commençaient à bouger aux rythmes électro de Mekanik Kantatik, alternant avec les fioritures gymnopédantes de Nicolas Cante et son piano préparé… La nuit tombée, calme, sur la mer, les groupes se défaisaient dans une plénitude palpable.

Un an de pensée

Avant les oreilles et les corps, les esprits étaient convoqués à exercer leur sens critique, avec la fin du cycle Barbarie et civilisation, pensées du monde concocté tout au long de l’année par Thierry Fabre et Tzvetan Todorov (voir Zib précédents). Le 5 juin, Achille Mbembé était venu brillamment clore le tour du monde par une conférence pas si africaine, qui affirma notamment que la transformation de l’humain en marchandise, caractéristique de l’esclavage, était aujourd’hui à l’œuvre partout, mondialisation du capitalisme aidant : le capitalisme financier instaure une nouvelle barbarie se présentant sous les traits de la seule civilisation possible, et ressemblant étonnamment à la traite négrière : l’humain n’y a pas d’importance, son travail n’est pas nécessaire, seule sa soumission, et sa valeur d’échange. Le lendemain Tzvetan Todorov tenait la dernière conférence, venant résumer et clôturer le cycle : animateur de toutes les rencontres, il a défini la problématique, posé tout au long de l’année des questions pertinentes, relayé les pensées, éclairci les difficultés, affiné les affirmations. Son intervention en forme de clausule était très attendue, dans un auditorium débordant. Il parla, avec toute son humanité, de la véritable civilisation. Celle de Nelson Mandela, qui a su pratiquer la réconciliation, ne pas en vouloir à ses bourreaux, et reconstruire son pays en abandonnant la violence, devenue inutile, qu’il avait pratiquée avant ses longues

années d’emprisonnement. Si la générosité du point de vue fait chaud au cœur, certaines lacunes du constat étonnent. On sait que les inégalités sociales en Afrique du Sud n’ont presque pas diminué depuis la fin de l’Apartheid, et que la différence entre pauvres (noirs) et riches (blancs) y reste une des plus grandes du monde. Et que dire quand Todorov affirme que dans les situations de conflits aucun groupe n’a tout à fait tort ou tout à fait raison ? Quid des Juifs face aux Nazis ? Les conférences qu’il avait animées avaient pourtant su articuler l’antagonisme civilisation/barbarie avec celui de dominant/ dominé, ou victime/bourreau… Il n’en reste pas moins que ce tour du monde des barbaries fut un des temps les plus passionnants du MuCEM, affirmant haut et fort qu’un musée n’est pas qu’un lieu de conservation, mais de fabrique et de recherche. Il reste à espérer que le nouveau président, dont on attend la désignation par le ministère après le départ imminent de Bruno Suzzarelli, saura aussi bien que lui articuler conservation, expositions, recherche et cité culturelle. En ouvrant un peu plus la porte aux publics issus des civilisations méditerranéennes ? AGNÈS FRESCHEL


L’été est intense au MuCEM Pot de yaourt et mauvaise mayonnaise

Forabandit © Thomas Dorn

Devenu le lieu culturel incontournable à Marseille après un an d’existence, le MuCEM multiplie sa programmation durant la période estivale avec les Intensités de l’été : 11 soirées exceptionnelles au Fort Saint-Jean, à savourer en plein air, sous les étoiles. Le coup d’envoi de l’événement sera donné les 27 et 28 juin avec notamment La Nuit des Idées le 27 juin à partir de 18h30. Au programme, débats autour du thème L’autre parmi nous… Entre Atlantique et Méditerranée et concert du groupe Forabandit. Le 28 juin, les chansons et immigration en Méditerranée seront mises à l’honneur avec des conférences et tables rondes dès 18h. Du 2 au 12 juillet, les festivals de la région s’inviteront au MuCEM. Le lieu accueillera le FIDMarseille, Festival International de Cinéma durant la période du 2 au 7 juillet. Une soirée autour du Festival d’Avignon sera organisée le 4 juillet avec la retransmission en direct de la soirée d’ouverture. Un honneur auquel aura aussi droit le Festival International d’Art Lyrique d’Aix-en-Provence avec la diffusion de l’Opéra de Haendel, Ariodante, le 12 juillet. Les Intensités de l’été feront également la part belle au cinéma avec la programmation de French cancan de Jean Renoir le 10 juillet, Chat noir, chat blanc d’Emir Kusturica le 19 et Latcho Drom de Tony Gatlif le 26. La musique ne sera pas non plus en reste avec le concert commenté d’Oracion le 16 juillet ainsi qu’un double concert de Christophe Leloil et Dhafer Youssef & Nils Petter Molvaer le lendemain. Le 18, Kirika sera à son tour sur scène avant d’accueillir les Chansons Enjazzées de la Compagnie Lubat le 25. Les rencontres et débats tiendront aussi une place importante avec une soirée hommage à René Char le 11 juillet dès 19h, durant laquelle son œuvre et son parcours seront évoqués. Enfin, la manifestation se terminera les 29 et 30 août avec deux soirées sur le thème Chroniques de Mars II - Conscience hip-hop à Marseille et en Méditerranée. Pour cette deuxième édition, le MuCEM accueillera

DJ Rebel le 29 août, suivi d’une table ronde autour de l’histoire de la culture hip-hop, avant de finir avec les représentations du groupe marocain Shayfeen et de l’artiste marseillais MOH & CO. Le 30 août, le hip hop se déclinera à travers le clip vidéo et les multimédias autour d’une table ronde avant une performance à quatre mains de DJ Rebel et Dj Djel. Une dernière table ronde intitulée La culture hip hop, une question de valeurs… marquera la fin de ce week-end exceptionnel. ESTELLE BARLOT

Intensités de l’été du 27 juin au 31 août MuCEM, Marseille 04 84 35 13 13 www.mucem.org

Qui ne connaît pas la Fiat 500, communément surnommée en France «pot de yaourt» ? Elle est à l’automobile ce que le Vespa est au scooter : un mythe roulant qui a traversé les temps. On était donc en droit d’attendre beaucoup de la conférence sur la Fiat 500 organisée par le MuCEM, dans le cadre du cycle Le Temps des archives. Placée dès son introduction sous l’égide du philosophe Roland Barthes, qui comparait la Citroën DS à une «cathédrale des temps modernes», elle promettait d’explorer les mythologies propres à la plus célèbre des productions industrielles italiennes. Las, l’échange part dans tous les sens. Engagé entre l’historien Mathieu Flonneau et l’artiste Alain Bublex, il traverse à trop vive allure les champs du politique, de l’économie, de la sociologie et de la communication appelés par le destin hors norme de cette voiture, créée pour motoriser l’Italie à moindre coût et réincarnée en produit international de luxe. On frôle même la sortie de route avec les projets artistico-utopistes développés par Alain Bublex à partir de la Fiat… 126 ! Et lorsque la parole vient à la salle, Thierry Fabre, responsable du développement culturel du musée, a beau tenter de remettre la question du mythe en débat, rien n’y fait. Tous les ingrédients étaient pourtant à portée de main pour concocter une conférence riche et passionnante. Mais la mayonnaise ne prend malheureusement pas. Pire, elle tombe à plat.

13 M P U O CL EI M T I Q U E C U L T U R E L L E

LAURENCE PEREZ

Cette conférence sur la Fiat 500 s’est tenue le 26 mai au MuCEM à Marseille

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Autour de l’exposition Des artistes dans la cité, le MuCEM a programmé Paroles dans la cité, un Temps Fort autour de la création marocaine

Rev’illusion en lettres d’or

M U C E M

ALICE LAY

Hommage à Ahmed Bouanani, écrivain, cinéaste et dessinateur a eu lieu au MuCEM le 22 mai

Depuis son solo Aaleff, le chorégraphe marocain Taoufiq Izeddiou inscrit sa présence, sa perméabilité au monde, sur les plateaux d’Aix et de Marseille. On se réjouit de Rev’Illusion, une création qui gagne à chaque étape en maturité, puissance et densité. En résonance au Printemps arabe, Rev’Illusion fait entendre une colère sourde, des poings levés, des chuchotements. Dans une pénombre qui jamais ne s’illumine. Une fille et trois garçons s’épuisent dans des tours de scène accélérés, enfermés dans quatre espaces hermétiques, pris d’un tremblement de main irrépressible, pathologique. Il y a chez Taoufiq Izeddiou comme une urgence dans la danse qui saisit l’interprète et le spectateur, une mise en tension qui ne

À voix haute Groupe Maurice Vinçon © X.D.-R

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Un hommage à Ahmed Bouanani, écrivain, cinéaste et dessinateur, a mis l’accent sur un artiste majeur méconnu, récemment redécouvert grâce à la réédition de son récit L’Hôpital. L’œuvre générale reste encore à paraître, mais sa fille Touda Bouanani, également cinéaste, a veillé à la conserver, et à la partager avec le cinéaste Ali Essafi et l’écrivain Arno Bertina. Le court métrage 6 et 12 présente, sur diverses musiques de jazz, la ville de Casablanca de six heures à midi : des lieux clos tels des bars ou des bus, des immeubles aux fenêtres fermées, des gens marchant en masse dans la rue, images entrecoupées de plans simples comme une plage. Sans logique et sans prétention poétique, l’œuvre abstraite décrit le quotidien de la ville, avec un sens du montage et du rythme qui en fait toute la force. Mirage, seul long métrage de Ahmed Bouanani, raconte quant à lui une histoire : celle de Mohamed Ben Mohamed, vivant au Maroc en 1947 à la période du protectorat français. Alors que les autorités locales distribuent des sacs de farine dans une petite bourgade, Mohamed découvre des billets de banque dans le sien. Il part alors pour la ville, pensant y trouver une vie meilleure, mais passe de désillusions en désillusions. Sa rencontre avec l’excentrique Ali Ben Ali, artiste et poète isolé sur un château en ruines près de la mer, lui permet toutefois de sourire, et de comprendre que l’argent corrompt. Mais dans ce contexte politique, aucune issue heureuse ne semble possible : la ville est dominée par des préjugés religieux, et Mohamed Ben Mohamed passe pour un mécréant. Le film prend des allures de conte philosophique, distillant des énigmes pleines de sens… Aujourd’hui, l’œuvre multiple d’Ahmed Bouanani est encore en cours d’édition et devient sujet de recherche, mais peu de Marocains le connaissent. Une autre de ses œuvres, Mémoire 14 aurait également pu être un long métrage si elle n’avait pas subi la censure de l’époque. Et si l’homme est encore à découvrir, ce que l’on sait de lui aujourd’hui montre que le cinéaste apportait un regard neuf et talentueux !

© Thibault Gregoire

Découvrir Mirage

Au fort Saint-Jean, les assauts du vent qui balayait la place de la Commande, l’aire de Battage et la place d’Armes n’ont pas refroidi l’ardeur des comédiens amateurs français et marocains. En petits groupes, ils ont offert en partage des textes littéraires et poétiques, contemporains et traditionnels, dans leurs langues originelles ou traduites. Certaines mises en voix étaient scénarisées, comme la lecture chorale de Des chaussures sans talons de Latifa Baka dirigée par Anny Perrot ou les lectures polyphoniques et les chants dirigés

lâche jamais prise et secoue les corps tout autant que les esprits. Mais l’hystérie n’est pas le seul moteur du combat, la fuite non plus, et dans une sorte d’énergie du désespoir des instants de stupéfaction heureuse surgissent. Tapi dans l’obscurité, le chorégraphe veille en vigie avant de se lancer dans l’arène avec une Barbie tropicale qui ondule des hanches. Utopie de carte postale ! La béatitude n’a qu’un temps et explose en plein vol : sur le sol blanc scindé en deux par une ligne d’or, la diagonale est une ligne de fuite, une route initiatique, une trace éphémère, une ligne de démarcation, une passerelle, un trait d’union. Tout cela à la fois quand les danseurs, imprégnés de poussière d’or, laissent place au chant de Taoufiq Izeddiou, imploration d’une force incroyable née du cœur et des tripes. Quand son corps disparaît sous le long ruban d’or, scotché, ligoté, anéanti, entravé… MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Rev’Illusion a été donné au MuCEM le 23 mai

par Frédérique Fuzibet, dont un extrait Du jardinier de l’âme d’Abdellatif Laâbi porté jusqu’au cœur du public. Dans une version plus sobre, Maurice Vinçon proposa un florilège de textes de Tahar Ben Jelloun, Mohammed Berrada, Zahra El Basri, Badia Hadj Nasser et Abdallah Zrika, tous formidablement introduits par les comédiens-lecteurs. Une fois plongé dans la musique des mots qui évoquaient la chaleur du thé ou la couleur du henné, la générosité ou l’hospitalité, la variation des sentiments ou les actes de résistance, se laisser bercer par le chant de l’arabe, cette langue inconnue offerte aux embruns par la troupe marocaine Comédrama d’Oudja, devint comme une évidence… M.G.-G.

Paroles du Maroc au fort Saint-Jean s’est déroulé le 23 mai, co-organisé par le Comité départemental 13 de la Fédération nationale des compagnies de théâtre amateur et le MuCEM



En petite forme

R U E

Tel le phœnix...

L’Homme du Dehors, Cie de l’Ambre © Cie de l’Ambre

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Depuis une quinzaine d’années, Lieux Publics organise à Aubagne un festival de théâtre de rue, rebaptisé Chaud Dehors depuis l’année dernière, qui programme des artistes de la scène artistique régionale. Cette édition mettait en avant beaucoup de petites formes, mais en oubliant parfois que jouer dehors n’est pas la seule composante du théâtre dit de rue. Transformer la rue en scène implique de donner une valeur à l’espace public, d’en faire un véritable élément du spectacle. Cette dimension était hélas souvent absente… Parmi la dizaine de spectacles à l’affiche, Rivages, de la compagnie La Folie kilomètre, s’annonçait comme étant le plus original. Présenté comme une «préfiguration», il demande en effet quelques améliorations. Le principe est séduisant : les spectateurs, installés dans leur voiture, circulent dans la zone industrielle d’Aubagne, guidés par une fréquence sur l’autoradio. Quelques scènes, animées d’étranges créatures, surgissent au bord de la route. Mais le cadre insolite ne suffit pas. Les images et le scenario, trop peu élaborés, n’exploitent pas cette bonne idée qui mérite d’être creusée. Igor Hagard, de Pierre Sauvageot, est lui un voyage sonore. Il invite ses passagers, casque sur les oreilles, à écouter les mots de Cendrars, entremêlés de sons de trains, de gares, qui rejouent les notes du Sacre du Printemps de Stravinsky. Une expérience auditive intéressante, même si l’on peut regretter que le cadre naturel des voies ferrées ne soit pas plus utilisé. Le théâtre dans la rue trouve toute son expression quand l’environnement devient plus qu’un décor. Quand le chant des oiseaux semble réglé pour faire corps avec le spectacle. La Cie de l’Ambre, avec L’homme du dehors, deuxième volet du

Grand Ordinaire, a atteint ce registre. Le texte de Claudine Pellé projette les spectateurs dans un univers sombre, fait de viol, de prostitution, de meurtres. Une toute petite vieille, avec fichu et pantoufles usées, apparaît aux côtés d’un homme écorché, son fils, d’un trompettiste et d’un peintre, pour livrer ce récit troublant. La déambulation dans les ruelles du vieux quartier accompagne et amplifie l’atmosphère pesante, rare pour un spectacle de rue. Des éclats d’émotion que l’on aurait aimé retrouver plus souvent ! Espace essentiel à la création, le festival semble voué à un bel avenir, la nouvelle municipalité d’Aubagne semblant prête à lui maintenir son soutien. Rendez-vous donc en 2015 !

La dernière Sirène de la saison a permis d’apprécier le talent du jeune Tony Thich dans une démonstration de parkour (PK pour les initiés). Juché sur un échafaudage de métal noir, il se livre à des déplacements rapides et précis, saute dans le vide, tourneboule au sol et repart obstinément, défiant les obstacles. Un esprit fort dans un corps fort, selon ce mot de la langue du Zaïre, «yamakasi» qui veut dire «fort», et désigne cette pratique et ses adeptes. Yann Lheureux a chorégraphié la prestation qui appartient au triptyque Flag, mêlant performance acrobatique et mouvement plus intériorisé. L’exploit physique impressionne, certes, mais on est touché par ce qui s’y cache : amour de la vie, obstination pour renaître plus fort, paré d’ailes rouges. CHRIS BOURGUE Flagrant délire s’est donné sur le parvis de l’Opéra de Marseille le 4 juin à midi net Le triptyque sera présenté pour la 1re fois dans le cadre du Festival Montpellier Danse les 6, 7 et 8 juillet

© Vincent Lucas

JAN CYRIL SALEMI

Le festival Chaud Dehors s’est déroulé à Aubagne les 30, 31 mai et 1er juin

Sous le signe des intermittents Le festival C’est Sud emplit le centre d’Aix-en-Provence d’une belle effervescence : près de 40 manifestations gratuites, réparties sur quinze lieux. Le public des enfants est particulièrement choyé, que ce soit à la bibliothèque Méjanes, où le loup avec ses légendes occupe les lieux, s’expose, quelles mâchoires ! On rencontre aussi des livres originaux comme Les (vraies) histoires de l’art, avec son scénariste, Sylvain Coissard qui, en deux images, (Alexis Lemoine) donne des explications bien peu conformistes aux tableaux les plus célèbres. On rit, on rêve, on réfléchit avec les lectures intimes de la Cie Fragments avec Nous nous sommes tant aimés, la tendresse du songe dansé pour les tout petits Tu rêves ou quOi ? de la Cie Hélène Demaris, le conte du Laos à la scénographie délicieusement inventive, La Fille

La Terre, animation Emmanuelle Van Helst, Espanade Mozart © Maryvonne Colombani

du roi des éléphants par le Théâtre des ateliers (Lectures plus), les superbes marionnettes d’Aladin et la lampe merveilleuse par le Théâtre de la Main Verte, ou le conte initiatique, Djamil, le crocodile qui perdit ses dents, par Théâtre et chansons… Classe ado, ou pré-ado, le beau spectacle de la Cie Sennag’a, Ouasmok, évoque avec une sensibilité bourrue les

premières amours. Le Groupe Bernard Menaut réorchestre l’espace de la place de l’Hôtel de ville, le Guid enchante l’esplanade Mozart, l’éblouissante Cie Grenade transporte le haut du cours Mirabeau. On dessine, sur le mode coloré et vibratoire des aborigènes d’Australie, motifs floraux, silhouettes d’enfant… la terre se remodèle. On copie Lucien

Clergue dont les photographie s’exposent à la Méjanes et au musée des Tapisseries, statuaire des corps, travail de surimpression… on regarde des courts métrages, on écoute différentes formations musicales… quel vivier d’artistes ! quelle qualité ! et pourtant plane, insupportable, rappelée à chaque spectacle, la menace sur le statut des intermittents. Comment accepter de rayer pour des motifs économiques faux (le budget de l’État pour la culture ne représente même pas 1% !), le vivier de toutes ces compagnies qui savent avec justesse aiguiser notre regard sur le monde ? MARYVONNE COLOMBANI

C’est Sud a eu lieu les 6, 7, 8 juin à Aix-en-Provence


Rictus, Christophe Lafargue © Gaelle Cloarec

Sentiers débattus Tous dehors (enfin) ! Oui, tous dehors, malgré la pluie qui menaçait les premières heures de ce deuxième festival des arts de la rue, orchestré par la scène Nationale de la Passerelle à Gap. Une légère bruine n’a rien ôté au fabuleux spectacle de la Cie Carabosse, ses Installations de feu dans le parc de la Pépinière n’en prenant que plus de force, soulignées par le ballet des parapluies. Un spectacle flamboyant mais tamisé, qui réussit à poétiser ce lieu familier aux habitants, et rassembler des milliers d’yeux ébahis, doucement, créant subtilement des espaces comme neufs sans la fureur des artifices. Dans un autre genre Contre-nature, du collectif Tricyclique Dol, proposait une longue promenade dans la forêt de Charance discrètement transformée, où les arbres s’agitaient, les ruches se déplaçaient, les horloges de bois peuplaient les branches, tandis qu’au lointain parmi des crissements artificiels un éléphant barrissait… Une façon facétieuse de rendre le randonneur attentif ! Dans la vallée, le soleil de retour éclairait le pavé gapençais, où l’on pouvait suivre le «scripteur de sable» de Gijs Van Bon, une machine déposant lentement un filet de lettres dans son sillage, les enfants y plongeant le doigt, dans l’espoir que la citation pulvérulente ait goût de sucre... Autrement plus coriace, Sébastien Barrier le bonimenteur, capable de noyer son auditoire sous un flot de paroles, qualifiait son propre humour de «succession de câlins et de claques», et demandait à son public : «Alors, qui voté FN ici ? Il y en a forcément un sur trois parmi les votants !». Politique aussi, et bouleversant, le texte de Jehan Rictus, Soliloques du pauvre. Le poète prolétaire a écrit en 1897 des pages d’une force rare, livrées dans la rue par Christophe Lafargue, un comédien exceptionnel

traînant sa misère et son chariot de fer comme un SDF ordinaire, invectivant les puissants, les riches, dans une série de diatribes qui touchent au cœur, font vibrer les âmes, laissent le public pantois et pleurant comme rarement un spectacle de rue. Parce que cette misère qui a plus d’un siècle est aussi la nôtre, celle qui aujourd’hui à nouveau envahit les trottoirs de laissés pour compte dont on oublie trop vite l’humanité, et les souffrances. Deux spectacles de cirque confirmaient la tendance actuelle à inventer des agrès inédits, porteurs de formes nouvelles. C’était un plaisir de frémir en voyant Julot escalader son mât de 9 mètres, souple et pliant savamment sous son poids ; un vrai champion du hula hoop ne craint pas l’altitude, ni la flexibilité des appuis… Puis, dans les prés retrouvés du Domaine de Charance, trois petites formes de Yoann Bourgeois. Une simple fugue à balles blanches, le bruit d’un métronome, la perfection d’un geste cent fois revisité... Et le silence s’installe, prêt à accueillir La Balance de Lévité, structure à contrepoids sur laquelle s’arrime Marie Fonte, jeune femme en apesanteur, tandis que chante dans un castillan envoûtant la harpiste Laure Brisa. Yoann Bourgeois est un artiste généreux, capable de réunir une vingtaine de personnes après le spectacle, pour leur faire toucher du doigt la notion de suspension qui lui est chère… Un festival de rue d’une grande qualité, qui réunit les foules, et sait aussi nourrir leurs esprits. GAËLLE CLOAREC et AGNÈS FRESCHEL

Tous dehors (enfin) ! a eu lieu du 30 mai au 1er juin à Gap


Théâtre capital

18 T H É Â T R E

Ceux qui avaient vu Notre Terreur à La Criée s’y sont précipités, avec l’espoir que cette jeune troupe y tienne les promesses de leur forme si inventive, et de leur propos si actuel et si documenté… La promesse est tenue, et au-delà. Ce Capital ne ressemble à rien que nous voyons habituellement sur nos scènes. Par sa dimension d’abord : 20 comédiens, 10 mois de répétitions précédés d’autant de recherche et d’écriture. Par son dispositif aussi, bi-frontal parce que le public est convié à participer au débat autour de la table, non pour y prendre la parole, mais pour s’en imprégner comme des convives de pensée. Car les propos s’y échangent, s’y chevauchent, s’y reprennent et s’y interrompent, comme dans une conversation animée, dans un dialogue naturel fait pourtant de textes écrits, de citations empruntées aux personnages représentés (Blanqui, Raspail, Engels, Louis Blanc…), de propos comme improvisés en commun, l’alcool aidant, et la révolte. Du Capital proprement dit il n’est pas question, sinon qu’il est là sans cesse, dans ce moment historique, 1848, donc 20 ans avant la publication de l’essai économique fondateur de Marx. Les personnages parlent, dessinent, mangent, font des plans pour pénétrer l’assemblée élue mais bourgeoise, et explicitent peu à peu les rapports économiques, la plus-value faite sur le travail, la marchandisation des hommes, les marges, l’enrichissement de ceux qui possèdent les outils de production voire, anachronisme bienvenu, la financiarisation spéculative. Ces notions, ardues, s’énoncent comme de tirades romantiques, dans un amour du jeu qui les rend

© X-D.R

lisibles… Car ces comédiens sont fantastiques ! Le prologue, morceau de bravoure, réinvente la trinité, Freud, Brecht et Foucault habitant le même corps virtuose… et la fin, procès des révolutionnaires de juin, invente une forme de comédie d’invectives improvisées, à la fois potaches et tragiques, nous rappelant que tous ces révolutionnaires étaient jeunes, comme ces comédiens qui aiment encore le théâtre…

Siffler n’est pas jouer

AGNÈS FRESCHEL

priori pas majeure : la comédie décline une fois encore les stades assassins de la naissance de l’amour dans des cœurs libres, soumis davantage à leurs propres contradictions qu’à la volonté de pères plutôt débonnaires. L’originalité de la pièce vient de là : ces «enfants» à marier sont privés de mère, et manipulés par une suivante abusive et son amant intéressé. Christophe Rauck met en scène le texte sans le desservir, mais sans véritable souffle (fin de tournée ? de saison ?). Les comédiens, inégaux, semblent un peu livrés à leurs envies, et tombent dans la caricature de leur rôle sans parvenir au comique : la suivante est bégueule, son coquin coquin, les pères balourds… les trois jeunes gens s’en sortent mieux : la jeune sœur est mutine et délicieuse, l’amoureux tout à fait passionné, et la fille à marier (Cécile Garcia-Fogel) revêche, révoltée et… dépassée par son propre désir. C’est là tout l’intérêt de la pièce, et il est certain qu’il transparaît !

Ils nous avaient prévenus : on allait voir une sortie de résidence, c’està-dire un travail à peine commencé, d’écriture en cours, de mise en scène ébauchée. Jérémy Beschon et son collectif Manifeste rien se sont lancés dans un projet réellement théâtral, non plus une mise en espace de textes sociologiques ou historiques, mais une pièce, avec des personnages, des comédiens, une histoire, des dialogues. Sans renoncer du tout au théâtre documentaire et politique, Jérémy Beschon s’appuie sur des faits divers qu’il relie : La Marseillaise sifflée au Stade de France lors du match France-Algérie, et en 1881, à Marseille, la chasse à l’immigré qui fit trois morts italiens, parce que certains avaient sifflé un défilé militaire sur la rue de la République. Mettant en parallèle les propos nationalistes des journaux, introduisant le tout par une tirade d’une candidate à l’immigration coincée à Ceuta, l’histoire se concentre sur un couple de beaufs ordinairement racistes, «réinitialisés» par des plongées mémorielles… Le tout reste à retravailler, dans l’écriture et la mise en œuvre, mais le propos se tient !

A.F.

A.F.

Le Capital, Karl Marx, de Sylvain Creuzevault et sa troupe, a été joué du 21 au 24 mai à la Friche, Marseille, dans le cadre de la programmation de la Criée

Marivaux plan plan © Anne Nordmann

Aller voir, dans le cocon à l’italienne du Gymnase, un Marivaux qui tourne partout depuis 2013, a de quoi faire envie. Celui-ci est classique, mis en scène en costumes XVIIIe allégés et teintés d’une touche de jeans contemporains, avec des rideaux, des tapis et des meubles qui font théâtre sans faire décor, et des comédiens qui ont les âges des rôles : des pères vieux, des jeunes jeunes. Tout cela au service d’une œuvre de Marivaux, Les Serments Indiscrets, qui n’est a

Les Serments indiscrets ont été joués au Gymnase, Marseille, du 20 au 23 mai

La Marseillaise et caetera a été montré au Théâtre de Lenche, Marseille, le 23 mai



20 T H É Â T R E

«Madame, madame, c’est quoi, un forgeron ?» Sylvie Delom répond avec un sourire amusé à la fillette qui lui pose cette question de jeune citadine. La conteuse vient d’achever le deuxième épisode de son Dit des dames en péril, récits gigognes en temps de peste médiévale, à la manière du Décaméron de Boccace. En quelques accords de guimbarde, elle a attiré sur la terrasse de La Baleine qui dit «Vagues» adultes et enfants, fascinés par ces histoires de poissons géants, seigneurs normands et demoiselles, dragons, chevaliers et vœux de chasteté. Il en faut, du talent, pour captiver ainsi un public distrait par les bagarres prêtes à se déclencher entre les «zonards» alcoolisés du Cours Julien, les trottinettes qui filent, les scooters vrombissant et les joueurs de ballon. Dans ce contexte difficile, Sylvie Delom donne une prestation généreuse, pleine d’humour et de panache, rendant au début de soirée sur cette place publique une dimension de partage qui se fait trop rare. On apprend que c’est la DRAC PACA qui a financé sa résidence, lui permettant de transmettre un patrimoine précieux, en retraçant les aventures d’un moine

Sylvie Delom © Gaelle Cloarec

Ce que disent les femmes

du VIe siècle, Brendan... et l’on se dit que tant que de telles initiatives peuvent encore voir le jour, tant que les petites filles peuvent découvrir ce qu’est un forgeron, sur la place d’une grande ville à l’heure de l’apéro, tout n’est pas perdu. GAËLLE CLOAREC

Le Dit des dames en péril a été conté dans le cadre des Oralies, du 9 au 15 juin sur le Cours Julien, Marseille

Poétiques fontaines Instalation des étudiants de l’Esart TPM © Maryvonne Colombani

«L’écriture est plus souple que les autres Beauxarts, il n’est pas besoin d’un matériel énorme… je l’emporte avec moi.» Katy Remy sourit, mutine, à Yann Nicol qui anime un débat

littéraire avec trois poètes sur les huit invités lors des Eauditives de Brignoles organisées pour la 6e année consécutive par la ZIP de Barjols. Katy Remy, Franck Smith, Ritta Baddoura, viennent de publier leur dernier ouvrage aux éditions Plaine Page. Pendant deux jours, les rues, les places, les fontaines, le Centre d’Art du Pôle Culturel des Comtes de Provence voient performances, lectures, déambulations rimées par une météo tonnante, installations des étudiants (de l’Esart TPM) de Patrick Sirot, dont une machine à écrire musicale… Ritta Baddoura souligne à quel point il est différent de lire et de dire aux gens. Le rythme change : l’énergie vient du public. C’est ainsi que les mots l’emportent et qu’elle «surfe sur la trace du soleil». Pour Katy Remy, l’écrivant laisse des traces dont il n’est pas sûr. Quelle distance existe entre le ressenti de l’écrivain et la réception du texte ? Y. Nicol souligne le point commun des ouvrages dans leur questionnement du rapport au réel. F. Smith s’insurge : «Ce qui m’énerve c’est dire que la poésie dit l’indicible. On ne peut pas dire ce qui nous échappe. Je suis ma langue, mon monde est ma langue, si je veux augmenter mon monde je dois augmenter ma langue. Rien ne peut exister si ce n’est avec les mots que l’on dit.» La richesse de ces rencontres laisse une trace qui permet un regard renouvelé sur monde. La poésie ? Un bain de jouvence. MARYVONNE COLOMBANI

La 6 édition des Eauditives s’est tenue à Brignoles les 30 et 31 mai e

Coulée Verte

«J’ai vu ce matin une jolie rue dont j’ai oublié le nom / Neuve et propre du soleil elle était le clairon» chante Guillaume Apollinaire non sans fraîcheur ; il en est une à Marseille dont le nom claque et que l’on n’oublie pas : la rue de l’Arc, en plein quartier Noailles, a rompu avec la poubelle crevée et le rat affolé pour accueillir ficus, jasmin, plantes en pots, café associatif au numéro 5, réparateur de motos de collection, logement social pour dames de plus de 35 ans et artistes de tous âges ; en dehors de ces catégories, tout le monde est bienvenu aussi ! C’est justement dans le cadre d’une résidence / partenariat entre le théâtre des Bernardines et Habitat Alternatif Social (la maison Claire Lacombe du nom de l’actrice partie de Marseille rejoindre les Enragés à Paris en 1789) que le poète / auteur dramatique Lazare a présenté une partie de ses petits contes de cruauté et d’obscurité, suivis de quelques bonnes pages des injustement nommés Illisibles chez les Demoiselles du Cinq, le 6 juin. Que de monde, que de monde dans cette rue si joliment végétalisée ! Les personnages créés par Lazare -et l’auteur lui-même sorti tout droit de sa propre fiction- semblent y avoir trouvé naturellement place, tellement leurs paroles foisonnent, bourgeonnent et fleurissent ; écriture d’enfance au sens noble où se pressent Marie, Quelqu’un, Jérôme, Vladimir, vivants ou mor ts peu impor te, gentils, méchants, avec ou sans qualités mais tous exclamatifs, rapides, efficaces «ciel, mon mari à la triste figure !» ou «saute dans ton transformer / traverse la forêt / n’aie pas peur». Entre rêve et mensonge, jeu et extrême lucidité, une langue colorée d’oralité charrie un monde à toute vitesse, enfante et enjambe les césures dans une course contre l’émotion facile, qui ne touche pas moins profond. La lecture d’Anne Baudoux, entre autre actrice-complice des débuts de l’aventure, croise et distribue les voix avec une facilité confondante ; de quoi mettre l’eau à la bouche pour ce spectacle qui sera présenté à la Minoterie-Joliette cet automne !

MARIE JO DHO

Sortie de résidence de Lazare / lecture proposée le 6 juin par les Bernardines chez les Demoiselles du Cinq, Marseille


Par tous les sens Entremets Entremots © Emmanuel Valette

C’est la troisième version d’Entremets entremots, spectacle évolutif des Nono, fondé sur le partage, autour d’une table, de nourritures terrestres et littéraires. De grands chefs sont mis à contribution pour fournir les mets de bouche, savamment : il faut que les neuf plats déclinent leurs saveurs au gré des mots, et dans les temps, sans refroidir ou réchauffer, servis à point pour que l’ingestion se fasse, minutant l’attente… Le ballet des quatre serveurs comédiens complète leur performance : ils servent et desservent en rythme, remplissent les

verres, guettent les carafes vides, ne loupent pas un regard des 70 convives, tout en ponctuant le repas de leurs interventions shakespeariennes ou comiques, chantées ou mimées, toujours pince-sans-rire. À table quatre autres comédiens jouent d’autres textes, plus conséquents. Serge Noyelle incarne un convive paranoïaque persuadé d’être au centre des regards réprobateurs, déglutissant avec peine, blême, des bouchées forcément fatales ; Marion Coutris, labile, interpelle les convives, raconte l’histoire peu glorieuse de ses amis présents, comme une hôtesse trop empressée finissant par être cruelle ; Noël Vergès joue au désabusé dada, au terme d’une séquence de percussions vocales ; et Marc Siemiatycki dispense le plus beau des récits, ashkénaze, hilarant, sur la quête d’une carpe dans les rues de Paris… Car toutes les interventions parlent de nourriture, de sa fabrication à sa digestion, et des réminiscences intimes qu’elle provoque. Si bien que tous les sens sont ensemble éveillés, puis endormis peu à peu par la torpeur prandiale, en une partition polyphonique minutée. On peut regretter que le repas spectacle soit si onéreux (70 euros), ou se dire que si bien manger, et boire, les vaut bien. Car le premier soir chacune des nombreuses bouchées, concoctées par le Comptoir des épices, était un délice. Les performances culinaires suivantes gagent d’être d’aussi bon goût ! AGNÈS FRESCHEL À Venir Entremets entremots, jusqu’au 28 juin Théâtre Nono, Marseille 04 91 75 64 59 www.theatre.nono.com

Jango, clown

presque

sage

Pour certains, Jango Edwards restera à jamais cet invité incontrôlable de plateaux télévisés des années 90, où toute interview dégénérait en bataille générale de plume ou de bière. Pour d’autres, Django est d’abord un clown pervers et obsédé qui ne peut finir sa prestation sans se retrouver dans le plus simple appareil. À 65 ans, le provocateur s’est assagi mais en tient toujours une bonne couche. Surtout, il sait s’entourer sur scène de plus déjanté que lui. Pour la tournée des 40 ans de carrière, et son unique date en France, le fou a présenté sa reine, l’imposante Cristi Garbo. Pin-up catalane aux formes plus que généreuses, décomplexée à l’extrême, qui apporte le piment nécessaire au spectacle. Tantôt duo tantôt duel, le tandem fait des étincelles. Séductrice ou vipère, matrone ou SM, Cristi chante, se trémousse et conquiert la salle avec ses grimaces comme avec ses tenues déconcertantes. Jango, lui, est fidèle à son registre burlesque voire absurde, la plupart du temps sans parole. Un pot-pourri de ses meilleurs numéros orchestré à la manière d’une soirée cabaret. Des gestes grivois, des allusions pas franchement fines et pourtant l’humoriste hirsute n’est jamais outrancier. Baba anar, il y va même de ses messages prônant la paix, l’amour et le sourire permanent. Pour son final, il invite l’ensemble des spectateurs à monter sur scène et, comme pour ne pas décevoir ceux qui ne l’avaient vu qu’à la télé, Jango troquera sa tenue de clown contre celle d’Adam. THOMAS DALICANTE

Pas si folles

«Déraisonnables, démentes, détraquées, absurdes et drôles, les Sea Girls sont restées fidèles à elles-mêmes […] en pire» Du moins c’est ce qu’elles affichent ! Il est sûr qu’elles sont pleines d’humour et fidèles à la tradition du cabaret, et qu’elles explorent tous les styles du théâtre musical : fanfare, chansons, musiquettes… et même des mini-sketchs, partagés avec les musiciens ou avec le public tantôt intimidé, tantôt enthousiaste, invité à participer au spectacle. Malheureusement cela ne suffit pas à faire rebondir l’élan du départ, et le spectacle se transforme en divertissement gentillet où les tours de magie volontairement maladroits s’enchaînent ainsi que les plaisanteries devenues communes sur les femmes, qui

Jango Edwards s’est produit le 18 mai au théâtre Nono, à Marseille, en clôture du festival Tendance clown Jango et Cristi Garbo © X-D.R

se consolent sans les hommes, défectueux. La politique est abordée trop vaguement, puisqu’il faut voter pour des «cons», donc continuer à vivre. Le propos subversif de départ, qui était de fêter la fin de monde, laisse place à une franche et saine rigolade : il aurait été idiot de s’en priver car les Sea Girls nous amusent, à coups de clins d’œil au western, voire à Lucky Luke et ses Dalton, de régressions enfantines rappelant que leur carrière aurait commencé à la maternelle. Même si la folie reste une demi-mesure ! ALICE LAY

Les Sea Girls fêtent la fin du monde a été joué au Théâtre du Gymnase, Marseille, du 3 au 7 juin

21 PT H O LÉ ÂI T RI E Q U E C U L T U R E L L E


Voie lactée Continu-Alternatif, Georges Appaix © Agnès Mellon

22 D A N S E

Sortie d’usine De bon augure, cette soirée d’ouverture en bleu de travail et bon enfant, le discours du patron Jean Charles Gil indissociable désormais du Ballet d’Europe : l’usine d’électricité d’Allauch réaffectée en Transformateur, lieu de création et d’accueil de compagnies va garder désormais «la clé sur la porte», formule témoignant de la générosité du projet ; «aller de l’avant… favoriser les rencontres… aider chacun à trouver sa place», les mots sont simples et chaleureux, comme le sont les deux propositions -cadeaux de la soirée. Le chorégraphe Samir El Yamni d’abord, en duo avec Laura Boudou, fait tournoyer lentement les corps, silhouettes sombres dans une quasi-pénombre qui brassent et dessinent l’espace au-dessus du plateau lui très éclairé ; un son, un seul, se déploie le temps de cette Révolution des Corps et soutient la ligne d’écriture ; le travail «in progress» semble osciller encore entre élégance de bon aloi et

Médusant ?

Difficile à cerner, à appréhender et même à décrire, ce spectacle (peu à voir), cette performance (un moment réitéré à l’infini) ou plus simplement cette trouée (Percée ?) de l’espace scénique que présente Rémy Héritier laisse dans les yeux plus de points d’interrogation que d’étoiles ! La durée (brièveté des 50 minutes et peut-être la moitié du temps à essayer de trouver l’entrée) est très précisément scandée en trois moments inégaux : un jeu de lumières mobiles projetées en silence sur une scène matérialisée par trois côtés de rideaux / une chorégraphie sobre, taillée dans une épaisseur pressentie mais peu identifiable, sinon celle que produit la guitare saturée d’Yves Yvelin / un texte de et dit par Marcelline Delbecq qui fait naître à rebours des images ou donne des indices sur ce que l’on vient de voir. Fixer le regard (et les yeux du danseur pointent parfois sur le public comme pour le rappeler fermement à son devoir) semble être le moteur

caractère plus marqué. Pas d’hésitation en revanche pour «l’historique» Georges Appaix et ses trois jeunes invités qui «improdansent» vivement, investissent goulûment l’espace avec leurs objets à jouer (banc debout, chaise haute, table basse, barres parallèles et ballon rond), leurs histoires muettes à raconter, leur pot commun de références gestuelles et leurs recherches plus personnelles ; une vraie bande en «bricolade», en déséquilibre stimulant d’où émerge l’énergie de la puissante Mélanie Venino ; inutile de dire que le courant passe et que ce «un pour tous» réjouit tout le monde ; les sièges –instables, il faut le reconnaître- frétillent de plaisir. Voilà un beau Transfo de briques, de pierres et de fer qui se met en mouvement ! MARIE JO DHO

La soirée d’ouverture du Transformateur a eu lieu à Allauch le 5 juin

Nicolas Le Riche compose avec Itinérances un «projet de cœur» qui lui permet de partager avec le public et des danseurs qu’il aime un florilège de cinq chorégraphies. Ainsi, les spectateurs du GTP avaient le privilège d’applaudir son Odyssée, superbe pas de deux qu’il joue avec Clairemarie Osta. Fluidité, délicatesse de cette marche ondoyante basée sur le pas du Boléro de Béjart ; le temps de la danse est celui de la vie, le couple avance, uni, indéfectible, se sépare, se heurte, se retrouve, vague inlassable et puissante dans le clair-obscur des peintres flamands rythmé par la musique d’Arvo Pärt. Lui répond le solitaire Shift de Russell Maliphant. Le corps se découvre dans sa respiration première, avec un travail en épure où le personnage se multiplie dans la symétrie de ses ombres. Puissance, finesse, sérénité des gestes du Tai-Chi, sur des musiques de Shirley Thompson, comme une réflexion rêveuse sur l’essence même de la danse. Russell Maliphant interprète sa deuxième chorégraphie, Critical Mass, aux côtés de Nicolas Le Riche. Jeu athlétique, réglé au cordeau, tango ludique et aérien où les gestes s’orchestrent en une émulation souple. Deux étoiles pour l’Annonciation de Preljocaj, Clairemarie Osta et Isabelle Ciaravola, évoquant l’archange Gabriel et la Vierge Marie, précédent Le jeune homme et la mort de Roland Petit. Nicolas Le Riche retrouve sa partenaire d’Odyssée dans cette œuvre qui contraste avec le dépouillement des autres pièces. Quel que soit le style abordé, l’interprétation est brillante sans clinquant, pertinente et sensible. Un enchantement. MARYVONNE COLOMBANI

et la raison d’être de chaque geste. Rémy Héritier porte de grosses chaussures et une chemise à carreaux ; c’est une personne, un homme qui apparaît puis disparaît, fait face à une lumière de derrière le rideau, ouvre la bouche, fait tourner sa jambe, pirouette ou met le genou au menton ; cette séquence se répète comme le geste du guitariste qui branche et débranche sa guitare ; figures spiralées, rosaces ; tout un univers auquel on finit par «s’attacher», désert fertile, révélé par l’arrondi du mouvement, sa fermeté aussi et sa détermination ; la référence au héros mythologique Persée, vainqueur du regard pétrifiant de la Méduse invite aussi à la rêverie mais n’aide pas à penser en quoi tout cela consiste. M.J.D. Percée Persée a été présenté au petit plateau de la Friche, Marseille, les 12 et 13 juin dans la programmation de Marseille Objectif Danse

Itinérances a été dansé les 20 et 21 mai au GTP, Aix-en-Provence Nicolas Le Riche © X-D.R


Aux limites de la déraison Ivo Dimchev ne lâche rien. Et le public est son miroir. Le chorégraphe-acteur-chanteur-musicien bulgare se livre à une performance autiste, regard perdu dans le vague, inquiétant, et toujours borderline ! Difficile dans cette mise en abîme de «soi» de ne pas laisser le spectateur errer entre les jeux de rôles et de perruques, les parties chantées, les répétitions en boucle d’un texte anglais débité à la mitraillette, les gestes absurdes comme de caresser son chat en porcelaine ou de boutonner et déboutonner sans cesse sa chemise… D’où une interrogation légitime sur cet objet étrange, indéfinissable qui détourne continuellement voix, objets, corps et sons : qu’est-ce qui est en jeu ici ? Peut-on parler de performance bouffe comme de l’opéra bouffe et prêter à Ivo Dimchev un penchant prononcé pour le comique et la légèreté ? Sauf que les thèmes qui traversent Som Faves n’incitent pas à la plaisanterie, tels la figure de la mère, la mort, la nourriture, l’art et le sang dont il se soutire du bras l’équivalent d’une seringue avant de s’en asperger le visage. Ivo Dimchev avait pourtant prévenu l’assistance, lui lâchant face to face un «Relax» suspicieux et inefficace… On reconnaîtra cependant à l’artiste, installé à Bruxelles où il dirige son propre espace de performance, le Volksroom, un sens habile de la composition et du rythme, enchaînement à flux tendu épisodes planants, débordements hystériques, gaucheries ridicules mais drôles, ruptures intempestives. Mais être un bon artisan de la performance suffit-il à renouveler le genre ou, tout du moins, à apporter sa pierre à l’édifice ? MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Som Faves a été donné le 24 mai au CNCDC Châteauvallon, Ollioules Som Faves © Ivo Dimchev


Élégance burlesque

M U S I Q U E

© Claire Besse

24

La Cie Les Brigands butine dans le répertoire les partitions tombées dans l’oubli. Avec le joyeux dytique Croquefer et Tulipan, la compagnie s’attache à deux opéras bouffe d’Offenbach, dans une mise en scène aussi économe que déjantée de Jean-Philippe Salério. La partition d’Offenbach, enjouée, est emplie de pastiches, de clins d’œil, Meyerbeer, Donizetti, Halévy… Pour Croquefer, un miroir incliné conçu par Thibaut Fack permet un traitement de marionnette des personnages, qui peuvent jouer soit

étendus à même le sol, donnant l’illusion de la verticalité lorsque l’on regarde le reflet, soit debout, se dédoublant dans une esthétique qui souligne l’illusion. On se retrouve dans la parodie des Matamores avec le preux chevalier Croquefer qui se défend contre son ennemi juré Mousseà-Mort dont il retient la fille prisonnière, la délicieuse Fleur-de-Soufre qui séduit Ramasse-ta-Tête, neveu de son ravisseur… Trahisons, empoisonnements, quintette à boire désopilant… Les Monty Python ne renieraient pas le spectacle, pas plus que L’île de Tulipatan où les quiproquos, les situations cocasses s’enchevêtrent dans un rythme réglé aux petits oignons. Les noms des personnages sont aussi délirants, que ce soit le duc de Cacatois XXII ou le grand sénéchal Romboïdal. Le grand miroir est ici dressé face au public qui est ainsi intégré à la pièce. Le jeu des apparences et des dévoilements s’emballe dans une irrésistible escalade comique. Les chanteurs (excellents) sont aussi comédiens. La salle hilare en redemande. Légèreté, élégance et grotesque se conjuguent ici avec brio. MARYVONNE COLOMBANI

Croquefer et Tulipan ont été joué du 21 au 24 mai au Jeu de Paume, Aix-en-Provence

Revival ou fac-similé ? La Face cachée de la lune est la reprise fidèle, bruit à bruit, de l’album culte des Pink Floyd, simplement agrémenté de passages électroacoustiques entre les plages, et donné à voir dans ses effets : on visualise comment les musiciens se sont amusés à caler leur caisse enregistreuse, un papier déchiré, des sons concrets, une horloge, dans Money ou The Dark side of the moon, et on mesure combien ce rock-là était musicalement inventif, dans ses sons et sa liberté formelle. Pourtant l’idée de ce revival surprend. Pourquoi reprendre cette musique à la lettre, forcément moins bien parce que le chanteur n’a pas le grain de voix, parce que le bassiste rate quelques solos, parce que la batterie est agressive ? Cela donne à voir les effets, ce qui permet de mieux les entendre ; cela fait entendre aussi une musique plus contemporaine et abstraite qui fait liaison ;

surtout, cela interroge sur la légitimité de ce que l’on reproduit en concert : pourquoi rejoue-t-on Mozart, et pas Pink Floyd ? une série de réponses est possible ; la musique de Mozart contient en elle une possibilité d’interprétations infinies (et pas Pink Floyd) ; ou bien : The Dark Side of the moon est un album enregistré, donc fixé, et pas une partition qui nécessite une (autre) lecture ; ou bien : il existe une musique populaire faite de standards ou de chansons qui, contrairement à la musique écrite classique, se réinterprète en variant, et non à l’identique. Arguments tous discutables… Le Fac-similé, ovationné par le public partout où il passe, a pour le moins la qualité de poser des questions ! AGNÈS FRESCHEL

La Face cachée de la lune a été joué au Merlan, Marseille, les 22 et 23 mai

Bulgar Unplugged © J.F

Visages de la cornemuse

© Patrick Berger

La cornemuse est un instrument étonnant dont la genèse s’avère très ancienne, antique voire égyptienne, et à la répartition géographique vaste puisqu’on l’utilise dans de nombreuses cultures : européennes, maghrébines, caucasiennes, perses, indiennes... Si le principe est commun à toutes ces origines (adjonctions d’un réservoir d’air à un «hautbois», permettant un souffle continu, ou d’autres tuyaux pour réaliser une polyphonie en «bourdon»), l’instrument se présente sous des formes très diverses. Autrefois pastorale, conçue pour le plein air, la cornemuse possède un répertoire abondant dans les domaines des musiques de cour ou les fastes militaires. Aujourd’hui il lui arrive même de flirter avec l’électro ou le jazz ! Ce sont ses différents visages que l’on a pu découvrir à Marseille lors du festival que la Cité de la musique lui a consacré. On sent encore la «bête» dans l’instrument utilisé par le jeune groupe Bulgar Unplugged. L’outre dans laquelle on souffle, à pleine bouche, se gonfle telle une peau animalière qui semble encore respirer. Les doigts s’agitent sur les quelques trous percés dans une flûte de bois que l’on change selon les tonalités. Et ça vibre et trille sur un réservoir de notes, certes minimal, mais sans pour autant que cela provoque une quelconque frustration. Rehaussées de l’accordéon et d’une percussion à double face (tapan), ce sont des musiques de danses ou des mélopées contemplatives magyares qu’on a découvertes au concert d’ouverture. C’est ensuite en Irlande que nous a conduit Triskells. Accompagné d’une harpe et d’un tambour (bodhran), leur «piper» est un virtuose qui joue sur un instrument ultra-performant ! «Formule 1» de sa catégorie, il figure à lui seul un mini-orchestre alliant la basse (bourdon), une mélodie supérieure sous laquelle se glisse un surprenant accompagnement harmonique issu d’on ne sait quelle anche ! Au bout d’une semaine, la manifestation s’est achevée en «balèti» (bal traditionnel). On se souviendra avoir festoyé dans le luxueux hall de la Villa Magalone, aux rythmes des scottish, gigues, bourrées... et aux sonorités entêtantes des instruments conduits par Eric Montbel ! JACQUES FRESCHEL

Le festival de la cornemuse s’est tenu du 20 au 25 mai à la Cité de la Musique, Marseille


D’étroits désirs

Faut-il couvrir -et par conséquent en © X-D.R faire une certaine promotion- le nouveau groupe de Bertrand Cantat lorsque l’on s’affirme comme un journal ouvertement féministe ? La question s’est posée. La réponse n’a pas tardé. Comment justifier journalistiquement de faire l’impasse sur la résurrection musicale et artistique de celui qui a écrit l’une des plus belles pages de l’histoire du rock français de ces 25 dernières années ? Il y a d’ailleurs une atmosphère particulière, ce soir-là, dans la salle bondée du Moulin. Difficile de faire le tri entre les fans éclairés et la frange du public qui oscille entre la curiosité et le voyeurisme. À l’exception de quelques titres de l’album Horizon (Ma muse, Le creux de ta main, Ange de désolation, Droit dans le soleil, Sa majesté), coécrit avec Pascal Humbert, Détroit fait du Noir Désir. Des visages et des figures, À ton étoile, Lazy, Le vent l’emportera, Fin de siècle, Tostaky. Tout y passe ou presque. Du Noir Désir revisité avec sobriété, aux arrangements soignés. Un rock toujours aussi ténébreux et tourmenté, passant de la troublante ballade mélancolique à l’exultation électrique. Une voix identifiable entre mille, qui a gagné encore en profondeur. Au fil du concert, Cantat sourit, se détend, plaisante sur l’OM. Et si Détroit apparaît parfois comme un prétexte à donner une nouvelle vie à des morceaux d’anthologie, il s’en dégage une écriture pure et l’envie de ne pas transiger sur la sincérité. Peut-être la seule raison qui les conduit à jouer. On n’est pas à l’aise mais on applaudit des artistes qui, finalement, ne cherchent qu’à faire leur métier.

Climats des origines

Charlie Free nous a concocté une surprise et aussi une découverte en invitant la chanteuse et pianiste Macha Gharibian. Dès les premières notes du concert, le public est embarqué dans une aventure sonore inhabituelle. Le quartet, réuni par la pianiste, a produit un enregistrement en 2013, Mars, sous le label Bee Jazz. Atmosphères changeantes, truffées d’arrangements et de sons électroniques produits par une guitare véritablement méconnaissable, qui tournent comme un orage au-dessus de nos têtes. Le piano tisse des mélodies aux couleurs lancinantes, provenant d’Arménie ou du fond du cœur. Elles se colorent de tonalités plus ouvertes au jazz et au rock. Toutes les nuances de climats se chevauchent, de la douceur à la transe. Le groupe Bratsch résonne au lointain, on ne renie jamais ses origines ! La contrebasse de Théo Girard, fascinant, est là, en appui, en parfaite osmose avec l’excellent batteur Ariel Tessier qui démontre, encore une fois, que le son se découpe, se claque, hurle, dialogue enfin, de sa voix singulière, avec le quartet. Les quatre notes obstinées de Ritual Prayer annoncent un chant mystérieux, une incantation adressée aux cieux ; notre sang se glace, la guitare de David Potaux-Razel, vraiment très inventif, crache un son saturé venu des nébuleuses. Une recherche d’originalité qui refuse l’enfermement musical, voilà ce que le quartet de Macha Gharibian a voulu nous faire entendre. DAN WARZY

THOMAS DALICANTE

Detroit s’est produit le 21 mai au Moulin, à Marseille

Ce concert a été donné au Moulin à Jazz de Vitrolles le 24 mai

25 M P U O LS I Q T U I Q E U E C U L T U R E L L E


Opus

M U S I Q U E

Natalie Dessay © Simon Fowler

26

Pas encore très bien rodé le Rio Paris au départ de Marseille le 18 mai ! Non pas que les quatre hôtesses d’un soir, ayant guidés le public de l’Opéra au cœur de la musique brésilienne, aient manqué d’atouts et d’attraits, mais la première représentation de leur spectacle en tournée a parfois souffert d’un défaut d’huile dans les transitions... et ce malgré le verbe «cool» d’Agnès Jaoui et sa vertu à meubler les temps morts par quelque pirouette artificiellement naïve... à laquelle les autochtones ont bien voulu sourire. La comédienne, du reste douée d’une belle voix sombre d’alto, s’est volontiers complu dans l’incarnation tragique d’une diva de fado larmoyant sa «saudade», tandis qu’Helena Noguerra faisait swinguer ses racines portugaises. Cette dernière est une belle plante d’actrice... mais son timbre vocal n’est pas à la hauteur de sa plastique ! La Dessay quant à elle a occupé la scène et le registre aigu, monopolisant les regards et l’oreille. C’est pour le moins une «vraie» chanteuse : ça s’entend... et c’est juste ! Reste une superbe guitariste ! Liat Cohen a bâti un programme séduisant qu’elle a porté de ses six cordes, à fleur de doigts : ce furent Baden Powell ou Carlos Jobim faisant danser les mots de Vinicius de Moraes, la mélancolie sensuelle d’une vocalise (Bachianas Brasilieras n°5) de Villa Lobos, les standards Manha de carnaval ou

Desafinado et de superbes arrangements à trois voix (Rafi Kadishson) de mélodies connues sous nos latitudes grâce à Moustaki (Les eaux de mars) ou Nougaro (Bidonville), qu’on a goûtés au rythme bien balancé du charmant quatuor féminin. JACQUES FRESCHEL

Le concert Rio Paris a été donné le 16 mai à l’Opéra de Marseille

Diptyque tragique... ...dans l’idyllique cadre de la Sicile et de l’Italie du sud, lieux propices au déchaînement des passions où les sentiments sont poussés à leur paroxysme. L’amour, la jalousie, la mort cohabitent dans ces deux «tranches de vie» dépeintes par Mascagni et Leoncavallo : Turridu tombera sous les coups de couteaux du mari bafoué dans Cavaleria Rusticana, la belle Nedda subira le même sort, poignardée par Pagliacci. Dans le sang est lavé l’honneur de l’être trahi, humilié. La violence est abrupte, directe, ramassée dans un temps bref chez le premier, elle est autre chez Leoncavallo, progressive, sourde, terriblement efficace. Ces deux œuvres sont servies par un plateau de chanteurs admirables, d’une grande homogénéité, tant par les rôles féminins, Santuzza en tête, Nino Surguladze, exceptionnelle en femme blessée, épaulée par la superbe Svetlana Lifar, Mamma Lucia, tout en contraste avec la légèreté de Lola, et Virginie Verrez, à la voix un peu tendre, que par les deux protagonistes masculins,

avec une double casquette, Turridu et Canio pour Jean-Pierre Furlan, ténor habité par le(s) rôle(s), complètement investi dans ces tragédies, et le très bon baryton corréen, Seng Hyoun Ko, Alfio, le mari vengeur, et l’ignoble Tonio dans Pagliacci. Conquis par la mise en scène de Jean-Claude Auvray dans Pagliacci, moins convaincus pour Cavaleria ; enchantés par la voix de Silvio, Armando Noguera toujours aussi talentueux, entouré de Léonardo Cortellazzi, Jean-François Baron et Patrice Laulan très bons dans leurs rôles respectifs ; un peu déçus par le manque de puissance dans les aigus de Nedda, Brigitta kele, avec par contre des médiums très chaleureux... ce diptyque fut de très belle facture et enthousiasma le public de l’Opéra d’Avignon. À la direction de ces maîtres véristes, Luciano Acocella : l’Italie jusqu’à la pointe de la baguette... CHRISTOPHE FLOQUET

Cavaleria Rusticana et Pagliacci ont été donné le 18 mai à l’Opéra d’Avignon

d’aujourd’hui...

«classiques» demain ?

On a retrouvé, le 3 juin dans la salle de concert de la rue Grignan à Marseille, l’ensemble vocal Musicatreize dans sa formation la plus traditionnelle, celle qui avait inspiré son nom au groupe fondé par Roland Hayrabedian en 1987 : soit douze chanteurs et leur chef (12 + 1) faisant de la «musique à treize». Ce sont deux compositeurs d’aujourd’hui, Alexandros Markeas et Zad Moultaka, parmi les plus doués de leur génération (nés respectivement en 1965 et 1967), qui ont été chantés dans un programme d’opus pour le coup «contemporains» puisque écrits entre 2007 et 2013. Issus du bassin méditerranéen, tous deux structurent leur langage à partir d’une dialectique artistique moderne, tout en puisant à la source de leur bain culturel grec et libanais. Si Alexandros Markeas revisite la forme d’une berceuse chantée par une mère grecque, où la figure mythologique de Bacchus, c’est pour évoquer l’endormissement des masses à la suite de la lourde crise économique qu’a subie son pays (Wall Street Lullaby), ou questionner notre «société du divertissement» dans ce qu’elle a de tragique (Dionysos, le vin, le sang). Quand Zad Moultaka empile ses feuillets chorals en Cadavres exquis musicaux, c’est pour envisager ce qui dans le «jeu» surréaliste met en «je» la mémoire et l’obsédante volonté humaine de donner du sens au pur hasard, et quand il dessine un clair-obscur sonore à partir de tableaux de Raoul Ubac et Nicolas de Staël, le musicien convoque aussi la langue et la philosophie classique arabes. Serait-ce pour proposer à l’auditeur un «point de vue» non conventionnel sur la disparition du sujet ? C’est en tous cas avec une grande maîtrise expressive et technique que les chanteurs, accompagnés parfois d’un dispositif électroacoustique mis en œuvre par le GMEM- CNCM Marseille, ont livré des opus qui constitueront à n’en pas douter un patrimoine pour demain ! J.F. © J.F

Destination Brésil !


Pauline Viardot (1821-1910) est, avec sa sœur aînée la Malibran (morte à 30 ans d’un accident d’équitation), l’une des grandes artistes lyriques du XIXe siècle. De la génération de Clara Schumann, comme elle compositrice (et pianiste), issue d’une famille de musiciens (fille du ténor espagnol Manuel Garcia), elle incarne avec elle (et aussi Fanny Mendelssohn, Cécile Chaminade, Louise Farrenc ou plus tard Alma Mahler) une grande figure féminine du monde musical d’alors, «pré carré» réservé aux hommes. Douée d’une voix hors normes, alliant les tessitures d’alto et de soprano, Pauline Viardot a triomphé dans l’Europe entière, en particulier dans les rôles de Rossini. Dans Viardot, la liberté, spectacle conçu en 2013 au Festival d’Aix par l’Académie Européenne de Musique, et repris pour Aix-enjuin en 2014 au Jeu de Paume,

© Patrick Berger

«Viardot, la liberté»

on découvre la cantatrice dans les années 1840, au moment où elle fut contrainte de faire carrière à l’étranger du fait d’idées républicaines peu compatibles avec la Monarchie de juillet. C’est au regard de sa correspondance avec sa compère George Sand, mais

aussi «Chip Chop» (Chopin) et son ami-amoureux Ivan Tourgueniev, qu’on suit ses succès à Vienne, Berlin, Londres, Saint-Pétersbourg, dans une mise en scène subtile et gentiment burlesque (Côme de Belliscize). Les trois jeunes femmes sont

belles à voir et pleines de talents. Catherine Trottmann possède un magnifique timbre de mezzo et chante, à côté d’airs célèbres et périlleux de Rossini (Rosine, Desdémone, Stabat mater), Bellini («Casta Diva»), Haendel («Lascia ch’io pianga») des mélodies peu connues de Viardot et des extraits de son opéra Cendrillon (composé bien plus tard en 1904). La comédienne Violaine Schwartz lit, tout en jouant les situations proposées avec habileté et mesure, des lettres pleines d’humour et de tendresse, tandis qu’Edwige Herchenroder leur rend la pareille au piano. Une heure d’un spectacle fin et enrichissant ! JACQUES FRESCHEL

Viardot, la liberté a été donné le 7 juin au Jeu de Paume, Aix, dans le cadre du Festival d’Aix-en-juin

«Quand vais-je y voir clair ?»

Une échelle de choix !

La Flûte enchantée est un «Singspiel» qui, sur le ton de la fable, fait alterner des dialogues parlés et chantés accompagnés d’instruments. Pour faire court, on en fait un «opéra», ce qu’il est... au plus haut point ! «Opéra des opéras» sûrement, car il laisse ouvert, plus qu’aucun autre, le champ des lectures possibles ! Il est probable que, lors de la création dans un théâtre populaire viennois en 1791, le chef-d’œuvre de Mozart ne fut pas joué dans un mutisme respectueux du monument qu’on en fait aujourd’hui. Aussi n’a-t-on pas été surpris d’entendre une partie du public marseillais (beaucoup d’enfants, mais pas que...), le 13 juin à la Maison de la Région, réagir, haranguer les artistes, voire les houspiller, rire et battre des mains sans retenue au gré de l’«enquête» aux vertus «pédagos» initiée par la metteuse en scène Sybille Wilson. On ne sait si on y a vu plus «clair» après cette expérience didactique dans les méandres d’un opus où il est tant question de Lumière, mais gageons que certains spectateurs de la petite salle de la Canebière auront envie de se rendre à la

Sans ténor du barreau, ou chanteurs de classe mondiale, de jeunes artistes de l’académie ont embrasé le Jeu de Paume. Le joli théâtre aixois, très feutré, d’ordinaire très tranquille, s’est fait envahir par une troupe de chanteurs enthousiastes et fantasques, déclinant vocalises infernales et autres airs dantesques en se barbouillant de crème chantilly, dégoulinant sous des gerbes de champagne et des nuages de plumes d’édredons éventrés ! Le facétieux Rossini se serait délecté de cette mise en scène délirante de Côme de Bellescize, où un serviteur en salopette croise un monsieur très bien en tenue de super héros franchouillard tout droit sorti du générique de Papy fait de la résistance ! Et quel plaisir de voir ces artistes se faire plaisir, et donner sans demi-mesure de la joie à un public enthousiaste. Giulia, Anna Maria Sarra et Germano, Mark Diamond, sans vouloir faire offense aux autres chanteurs tous très investis dans leur rôle et au talent certain, ont marqué de leur empreinte cette farce savoureuse. L’amant, Nikhil Navkal, futur grand ténor rossinien, et Philippe Estèphe, le mari promis, au jeu de scène excellent, ainsi que le duo formé de l’électrique Lucilla, Ilektra Platiopoulou, et du placide Dormont, Patrick Kabongo Mubenga, ont complété cette distribution de haute volée dirigée de main de maître par Francesco Pasqualetti. Le piano de Benjamin Laurent, alerte et gracile, porta ces chanteurs au sommet de l’Echelle de soie.

projection publique de la production aixoise prévue au Théâtre Sylvain le 9 juillet ! Au demeurant, grâce aux atouts des deux jeunes chanteurs Sophie Junker (soprano) et Guillaume Paire (baryton), passant allègrement (et vocalement !) de Pamina et Papageno aux autres protagonistes, au jeu solaire du pianiste Vincent Leterme (malgré un clavier médiocre), on a pu voir s’éclairer ci et là certains pans du mystère. Et on s’est amusé lorsque le public, placé dans une situation de «metteur en scène» a désiré voir (événement unique dans l’histoire de l’opéra !) Pamina tuer le sage Sarastro ! Enfin, si l’on considère que La Flûte enchantée est fondamentalement un opéra populaire et initiatique, l’entreprise conduite à Marseille a fait mouche, d’une façon inattendue certes... mais instructive ! J.F. Quand vais-je y voir clair ? a été joué du 9 au 13 juin à Aix, Marseille et Gardanne pour Aix-en-Juin

CHRISTOPHE FLOQUET

La Scala di Seta a été donnée au Jeu de Paume, Aix, le 13 juin dans le cadre du festival Aix-en-Juin

27 M P U O LS I Q T U I Q E U E C U L T U R E L L E


Les spectres planent sur le IN 28 F E S T I V A L S T H É Â T R E

Cela fait des mois qu’à Avignon la coordination des intermittents s’organise et multiplie les interventions pour alerter sur le caractère inacceptable de la réforme de leur régime d’indemnisation, et les risques de voir resurgir le spectre du Festival 2003. Aujourd’hui la machine s’emballe (lire p. 8). Le 10 juin, conscients de la menace qui pèse sur l’édition 2014, la maire d’Avignon Cécile Helle (et vice-présidente de la culture en région paca) et Olivier Py (qui s’est officiellement engagé dans la défense des intermittents et a réclamé auprès du Premier ministre un moratoire sur l’accord du 22 mars et une réouverture des négociations) rencontraient les syndicats. Le soir-même, en Assemblée générale, les techniciens, artistes, régisseurs du In annonçaient se réserver le droit de se mettre en grève dès le 4 juillet, si le protocole d’accord de l’assurance chômage du 22 mars était agréé par le ministre du Travail François Rebsamen, en publiant un communiqué explicite : «Une réforme oui mais une réforme juste !». Les leçons de l’annulation du In en 2003 ne sauraient-elles être tirées ? Rappelons que les retombées économiques du festival sont estimées à 25 millions d’euros pour la ville…

Vitrioli © Marilena Stafylidou

Agora des contestations ?

Olivier Py, pour son premier Festival, a beaucoup insisté sur le rôle social et «l’expérience politique et collective» de celui-ci. Nous y sommes pleinement ! Et si en ce mois de juillet Avignon devient l’agora des revendications et des mouvements contestataires, il reste à espérer que le public -« qui fait la réussite du festival» selon Vilar- soit solidaire et au rendez-vous pour saisir non seulement l’interprétation du monde que proposent les artistes sur scène, mais aussi, urgemment, celui qu’ils vivent au quotidien, loin des projecteurs. Que cette «communauté d’esprit qui se réunit pour apprendre à être politique, pour comprendre par l’œuvre des artistes et des poètes comment être au monde» selon Olivier Py, soutienne ses artistes, quoi qu’il arrive. Les Ateliers de la pensée, ouverts de 11h à 19h sur le site Louis Pasteur de l’Université, prévus pour accueillir des rencontres et «tous les débats qui ont agité la France dans l’année», deviendront en ce sens l’épicentre du Festival de théâtre.

Les poètes au cœur de la cité

Car si le Festival est un lieu d’engagement et d’ouverture au monde, plongeant la ville dans un état d’«ébullition intellectuelle», il s’agit, aussi, d’un festival de théâtre indisciplinaire. Et la programmation de cette 68e édition mérite une attention particulière, avec 36 spectacles qui ouvrent un dialogue Nord-Sud en invitant des poètes venus de Grèce, de France, des mondes persans ou arabes. Olivier Py, qui présentera trois pièces dont la création Orlando ou l’impatience, a organisé une édition tournée vers la jeunesse, avec des tarifs réduits «pour endiguer les principes d’exclusion», et un lieu dédié au jeune public, les Pénitents Blancs, qui accueillera Falstafe de Novarina monté par Lazare Herson-Macarel.

Don Giovanni. Letzte Party © Armin Smailovic

L’émergence sera également un fer de lance : 25 artistes ne sont jamais venus à Avignon et près de la moitié a moins de 35 ans : le plasticien Alexandre Singh dans The Humans, Antônio Araujo pour une déambulation autour du thème de la crise économique dans le bien-nommé Hôtel des Monnaies, Emma Dante avec Les sœurs Macaluso, Marie-José Malis, les chorégraphes Arkadi Zaides, Thomas Lebrun ou Julie Nioche. Et puis aussi Antu Romero Nunes, Josse de Pauw & Kris Defoort, Ivo Van Hove, Marco Layera, le néo-zélandais Lemi Ponifaso, la roumaine Gianina Carbunariu, le belge Fabrice Murgia, le grec Dimitris Karantzas. Présenté déjà à Marseille (voir Zib’ 73) et à certains collégiens

d’Avignon, Othello, variation pour trois acteurs de Garraud et Saccomano sera itinérant. 2014 comme possible (un titre prémonitoire ?) de Didier Ruiz sera créé avec des adolescents de la ville. On retrouvera Claude Régy, Alain Platel, Michel Raskine, Robyn Orlin, Thomas Ostermeier dans Le Mariage de Maria Braun de Fassbinder, Denis Guénoun, quatre œuvres de Lydie Dattas dont La Chaste vie de Jean Genet lue à la Cour par Guillaume Gallienne, et les Têtes Raides avec Jeanne Moreau dans Corps de mots. Et pour réveiller les fantômes du Festival et offrir des moments de théâtre inoubliables, Mai, juin, juillet de Schiaretti, Mahabharata par Satoshi Miyagi, Le Prince de Hombourg revu par Giorgio Barberio Corsetti, et l’intégrale d’Henry VI de Shakespeare monté par Thomas Jolly en 18h. Et toujours les Sujets à vifs, le Cycle des Musiques Sacrées, les Territoires Cinématographiques, les Fictions de France Culture… Une édition qu’il serait vraiment douloureux de voir partir en fumée ! DELPHINE MICHELANGELI

Festival d’Avignon du 4 au 27 juillet 04 90 14 14 14 www.festival-avignon.com


Les enfants ont leur festival L’homme qui plantait des arbres © Brigitte Pougeoise

À la Maison du théâtre pour enfants, tous les mois de juillet, l’Éveil Artistique des Jeunes Publics met les bouchées doubles pour offrir aux familles en général, et aux enfants en particulier, le cadre idéal à la découverte du spectacle vivant. La 32e édition du Festival Théâtr’enfants ne déroge pas à la règle en proposant 17 jours de théâtre, de danse et de conte, des espaces de détente, des ateliers de pratique artistique et des apéros-sirops à la sortie des spectacles, dans un espace privilégié à 200 mètres des Remparts. Non seulement un emplacement en périphérie d’Avignon exemplaire, lieux que le président du Off Greg Germain appelle par ailleurs de ces vœux à s’élargir, mais également le plus grand évènement jeune public, et de qualité, du Off. 14 rendez-vous sont au menu de 9h45 à 16h30. Cela débute à l’attention de tout-petits avec un voyage musical et tactile dans Métamorpf’os, suivi de Flûtt, du théâtre dansé doucement émancipateur de la Cie marseillaise Piccola Velocita joué deux fois par jour (voir Zib’74). Pour les plus grands, le Théâtre du Phare et Olivier Letellier (Molière du spectacle jeune public en 2010

Marche ou rêve, les marionnettes de la Cie Arketal dans l’Homme qui plantait des arbres adapté de l’œuvre remarquable de Jean Giono, le thème du vagabondage abordé par la Cie Agora Theater dans Bagatelle. Également des pièces aux titres évocateurs : Non ! de Praline Gay Para sur la notion d’opposition, Le Journal de Grosse Patate sur la différence, Timide et la peur du regard de l’autre ; et de la créativité et des émotions à revendre dans Rêves de sable créé par l’illustrateur Borja González. Côté musique, de belles productions avec Jeu à 3 mains du Teatro All’improvviso (qui expose également la Forêt bleue), inspiré de la pièce pour piano Pour les enfants de Bartok, ou Les petits doigts qui touchent avec Gérard Baraton à l’accordéon. Lamine Diagne, conteur multi-instrumentiste de la Cie de l’Enelle rassemblera toutes les disciplines dans sa création Tout petit homme. DE.M.

avec la pièce Oh Boy !, voir Zib 73) abordent la force du lien fraternel dans Vénavi ou pourquoi ma sœur ne va pas bien. Il y aura aussi du conte circassien et initiatique avec

L’âge de raison Organisé par Arts Vivants en Vaucluse, la manifestation avignonnaise d’avant-festival fête, déjà, sa 7e édition. Une belle maturité donc pour le festival Vaucluse en Scène qui continue de mettre à l’honneur les artistes du département dans le charmant cadre de la Cour Saint Charles. Ces rendez-vous gratuits se peaufinent et offrent aujourd’hui une diversité et une qualité indéniables. L’Orchestre régional Avignon Provence, dirigé par Samuel Jean, donnera le coup d’envoi avec une soirée Mozart pour une nuit d’été. Au programme, l’Ouverture de Don Giovanni et la Symphonie Haffner, entrecoupées par le concerto n°20 pour piano et orchestre, interprété par le jeune pianiste Rémi Geniet. La compagnie itinérante Éclats de Scène pose son théâtre avec une création jeune public sur la tragédie des enfants soldats (à partir de 12 ans) : Le Bruit des eaux qui craquent de Suzanne Lebeau. Olympides © Erick Priano

Deux percussionnistes-bruitistes, Guigou Chenevier et Loïc Guénin, s’emparent du film expressionniste muet Le Cabinet du Dr Caligari, pour un ciné-concert aussi délicieusement extravagant que cette histoire de somnambule du cinéaste allemand Robert Wiene. Onirisme encore avec Les Fantaisies oenolyriques de Waf Waf Production, où l’évocation du vin est prétexte à savourer un répertoire déroulé de Verdi à Offenbach. Retour au théâtre avec la comédie citoyenne Les Olympides (chapitre 3) de la Cie Art.27 (que l’on retrouvera pendant le Off au théâtre des Halles sur un texte de Catherine Monin, voir p. 30), qui questionne la problématique de l’eau avec pertinence et humour. Moukam Fonkam ouvrira Une Fenêtre entre danse contemporaine et parole, créant des liens entre culture, politique et réalité du quotidien. Dans Bleu Horizon, pour clore le festival, les lettres de poilus seront mises à l’honneur, et en lecture théâtralisée, par la compagnie La Naïve. Les rendez-vous ont lieu à 20h30 ou 21h45, il est prudent de réserver. DE.M.

Vaucluse en Scène du 27 juin au 3 juillet Cour Saint Charles, Avignon 06 07 50 94 84 www.artsvivants84.fr

Festival Théâtr’enfants et tout public du 8 au 26 juillet (relâches les 13 et 20) Avignon 04 90 85 59 55 www.festivaltheatrenfants.com

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Plein le OFF ! 30 F E S T I V A L S T H É Â T R E

Chaque année c’est pareil : malgré une hausse constante des spectacles et les réponses, toujours évasives, sur la charte déontologique censée réguler l’expansion des locations de salles parfois honteuses, chacun finira par se plonger à corps perdu dans ce «festival de tous les superlatifs», espérant découvrir ses pièces de petit bonheur indélébile. Et il y en a, fort heureusement, qui lui feront oublier la difficulté de choisir parmi les 1307 spectacles (1258 en 2013), dispensés dans 132 lieux. À une exception près ce mois de juillet… les intermittents du spectacle -ceux-là même qui créent et font vivre Avignon une bonne partie de l’année, qui engagent des frais considérables pour se produire durant trois semaines, sans jamais avoir l’assurance qu’une tournée suivra- pourraient faire mentir les chiffres en choisissant, indépendamment, de ne pas jouer pour défendre leurs droits, et ceux de tous les précaires, chômeurs, intérimaires... Un choix radical, voire paradoxal, mais individuel et respectable. Rappelons que le Off est un festival autofinancé, avec des lieux et des compagnies qui adhèrent à l’association Avignon Festival et Cies (un prestataire de service), pour être répertoriés dans le catalogue, et «repérés» par le public. En 2014, sur 1083 compagnies, l’État apporte 400 000 euros d’aides, d’après Greg Germain, président d’AF&C, estimant les flux financiers dégagés par le off de 103 millions d’euros. Compagnies qui sont de plus en plus nombreuses à faire appel au financement participatif, soutenues cette année par le Off dans une vaste opération de communication. Une centaine d’entre elles avait choisi en 2003, suite à l’annulation du In, de suivre la lutte des intermittents. 11 ans plus tard, le climat social s’est empiré, la perte pour les artistes, et les lieux d’accueil, pourra être fatale. AF&C, le 12 juin, se disait solidaire du mouvement protestataire grandissant, en rappelant très vite que le «Off est le premier et le seul marché du théâtre dans notre pays». Mais si les intermittents n’ont plus les moyens d’être créateurs, comment pourront-ils l’alimenter ? Et les programmateurs s’y servir ? Et le public s’en nourrir ?

Les lieux permanents

Les théâtres permanents, une fois la saison close, accueillent une programmation pertinente. C’est le cas pour les Scènes d’Avignon, qui affichent chacune la hauteur de leurs ambitions. Au Chêne Noir, 12 spectacles dont les titres à eux-seuls sont un poème : la création maison de Gérard Gélas, Le Tartuffe Nouveau, avec une reprise de rôle détonante de Jean-Marc Catella, La Chute de Camus, L’homme qui rit de Hugo, La Fuite de Gao Xingjian, Promenade de santé (de mais sans Nicolas Bedos), Trahisons de Harold Pinter (par et avec Daniel Mesguich), et Denis Lavant dans un montage issu de la correspondance de Céline. Aux Halles, trois pièces d’Alain Timar : Le Roi se meurt de Ionesco

la performance rétro-futuriste promise par Le System Failure. La Condition des Soies, Les Hauts Plateaux, La Manufacture, le Girasole, le théâtre de l’Oulle, la liste ne peut être exhaustive, offrent des programmes sérieux également, et pas uniquement mercantiles. À la croisée du In et du Off, la Maison Jean Vilar accueille un passionnant programme d’expositions, rencontres et spectacles, notamment avec la pièce Code-barres de l’ancien directeur du In Bernard Faivre d’Arcier, qui décrypte les rites et mœurs du rendez-vous estival.

Hors les murs

Le photographe Guy Delahaye exposera ses clichés dans le hall du théâtre du Balcon pendant le Off © Guy Delahaye

créé à Shanghai, Le temps suspendu de Thuram créé en Guadeloupe, et le très recommandable Ô vous frères humains de Cohen (voir zib’73). La Cie Art27 y crée À Titre provisoire, une pièce fantasque et initiatique sur l’existence, écrite par Catherine Monin et mise en scène par Thierry Otin. Chez Golovine, beaucoup de mouvements, à commencer par la reprise de la création maison de Yourik Golovine Shadowrama, et les cies Difé Kako, Gilschamber, Bakhus. Au Chien qui Fume, reprise également avec Moi, Dian Fossey par Gérard Vantaggioli, mais aussi Dracula le Pacte de Jeanne Béziers, Clémentine Célarié dans la Danse Immobile et deux chorégraphies de Marie-Claude Pietragalla. Au Petit Chien, Tom Novembre et Béatrice Agenin, Ivan Romeuf dans Karl Marx, le retour. Aux Carmes, du Benedetto avec L’acteur loup adapté par Michel Bruzat, du Prévert dans les Enfants du Paradis par la Cie Philippe Person et du Modiano dans Ronde de nuit par Jean-François Matignon. Au Balcon, Serge Barbuscia reprend les textes et chansons de Bertolt Brecht dans Chants d’Exil (voir zib’72), on y croisera aussi Régis Vlachos et Christophe Alévêque dans la création Little Boy ou la pièce burlesque d’Alain Riou et Stéphane Boulan Les Joyeux de la Couronne… Au théâtre des Doms, 9 spectacles nourrissants venus de Belgique, dont Blackbird de David Harrower, les Argonautes ou des spectacles de marionnettes, volantes avec la Cie Alula, vieillissantes dans Silence. À noter,

«Sortir des murs» du centre ville engorgé vers l’extra muros délaissé, une volonté affichée d’AF&C, c’est depuis longtemps déjà possible en allant à L’Entrepôt, à la Fabrik’théâtre (Le Kronope y présente Les Misérables et le Groupe Manifeste Les Bonnes), ou à la MPT Champfleury avec un concert de bonne humeur, Le Voyage Animé de Pim et Yellow. Et sous chapiteaux, sur l’Ile Piot, une dizaine de compagnies circassiennes sont regroupées et soutenues par leur région : Midi Pyrénées fait son cirque à Avignon. «Faire Avignon peut faire toute la différence», rappelait Greg Germain. Faites la différence ! DELPHINE MICHELANGELI

Festival Off, Avignon du 5 au 27 juillet www.avignonleoff.com


Du côté de Villeneuve Le Festival Villeneuve en Scène, qui fête sa 11e édition dédiée aux théâtres en itinérance, continue de faire face, de l’autre côté du Rhône, «à la profusion du In et du Off» dans un esprit «plus marginal, frémissant et libre». Pendant 21 jours, 19 compagnies distilleront leurs 21 spectacles sous chapiteaux et dans les prés de Villeneuve-lès-Avignon. Et au-delà, puisque deux spectacles jeune public sont accueillis en tournée dans les communes du Grand Avignon et du Gard Rhodanien (sensibilisation à la lecture avec Tu m’en liras tant ! du big band cosmopolite Life Is Not A Picnic, également présent dans Welt, et Blanche-Neige par la Cie suisse T-âtre d’Isabelle Bonillo). Frédéric Poty, directeur artistique de la manifestation désormais gérée en régie interne par la ville, a recentré sa programmation «sur la famille et le partage» ; il ne boude pas son plaisir : «Il y a peu d’exemples de manifestations comme celle-ci portée par une commune de 12 000 habitants et qui a atteint notre notoriété.»

Le Théâtre Exobus délivrera, pour les enfants dès 3 ans, sa poésie -et ses marionnettes- dans J’ai planté mon lit dans le pré. Antigone sera servie en musique sous la houlette de René Pareja, et la Cie Doré jouera Entre ciel et terre, avec un clown aux idées loufoques, baigné aussi de mythologie grecque. Pirandello sera visité par la Cie Provisoire dans Ce soir on improvise, le Collectif Kloche donnera une conférence sur le bonheur, tandis qu’une sieste musicale le Chant des sirènes sera proposée par la Cie Mécanique vivante et que les clowns des Nouveaux Nez présenteront avec le Duo Bonito des Chansons à risques. L’Art mobile présentera une variation sur la grande guerre dans Mutin ! d’après Luc Tartar, et les 26 000 couverts donneront leur version délirante d’un cabaret dans L’Idéal Club. Les tout-petits apprécieront Le Carrousel des moutons, «burlesque, muet et plein de sacrés tours de cirque», et les plus grands Kanikuly, spectacle de clowns russes coproduit par le festival, ou encore Une petite flamme dans la nuit de

Droit de réponse de Sud Culture 84 Le cynisme du tiroir-caisse Nous, Avignonnais, assistons depuis plus de vingt ans au naufrage du Festival Off, gangréné, année après année, par les logiques financières, la mise en concurrence de tous contre tous. Nous sommes tout de même stupéfaits de lire le Communiqué de Presse du 12 Juin 2014 d’AF&C (Avignon, Festival & Compagnies) en réponse aux possibles perturbations qu’entraînerait en juillet prochain, l’agrément par François Rebsamen, ministre du Travail, de la Convention Unedic (Assurance-Chômage). En effet, passé un soutien de façade minimal à la lutte des intermittents, ce Communiqué exprime uniquement la grande inquiétude des Thénardiers du Off par rapport à leur tiroir-caisse. Les mots parlent d’eux-mêmes : «Avignon est le premier et le seul marché du théâtre dans notre pays», «les programmateurs nous interrogent (…) face à l’impossibilité devant laquelle ils se trouveraient pour remplir leurs missions d’achat de spectacles»...

Contrairement à plus de 100 députés du PS, à 150 réalisateurs du cinéma français, à la quasi totalité des professionnels du secteur culturel, le Off ne demande pas à Rebsamen de ne pas signer son agrément à la Convention Unedic ! En revanche, AF&C pense bon de rappeler qu’en 2003, 87,4% des Compagnies présentes à Avignon continuèrent à jouer malgré la grève... Une telle précision est d’un cynisme déroutant. Pas le moindre sentiment humain, pas le moindre intérêt pour la forte précarisation que subiront artistes et techniciens si l’agrément de cette convention est donné par le ministre du Travail. Tout cela est sans importance. L’important est de prospérer sur le dos des précaires, des centaines de compagnies et d’artistes prêts à hypothéquer leurs biens personnels pour venir jouer à Avignon... comme l’ultime recours face à leur situation économique de plus en plus difficile. […]. Avignon le 13 Juin 2014 Sud Culture 84

La Bonne âme du Se-Tchouan © Jean-Luc Van Den Broucke

François David, qui raconte la vie dans les camps de concentration, conçu comme un jeu de l’oie. Il faudra aussi compter sur des classiques revisités : L’échange de Claudel par la Cie Divine Comédie, deux pièces inspirées de Voyage au bout de la nuit de Céline par ABCD productions, Soie de Barrico par Triptyik théâtre, ou encore La bonne âme du Se-Tchouan par Les Baladins du Miroir. DE.M Festival Villeneuve en Scène du 3 au 23 juillet Villeneuve-lès-Avignon 04 32 75 15 95 www.villeneuve-en-scene.com

Culture et patrimoine Lieu de créations et de résidences, la Chartreuse programme chaque année des Rencontres d’été, dont le partenariat avec le Festival d’Avignon se voit cette année renforcé par sa nouvelle directrice Catherine dan, concrétisé par l’accueil de quatre spectacles : Othello, Archive, An Old Monk et 2014 comme possible (voir p 28). Parmi les grands moments qui rythmeront les Rencontres, celui qui réunira durant 3 jours Laure Adler et ses invités autour de l’œuvre de Marguerite Duras : avec les écrivains Edouard Louis, Christophe Honoré et Christine Angot pour des lectures-rencontres, et la mise en scène de la pièce Le Square par Didier Bezace (du 10 au 12 juillet). À noter aussi, La Mousson d’été en Chartreuse qui se tient en prémisse à la 20e édition de la manifestation, dirigée par Michel Didym, prévue fin août en région Lorraine : pendant 3 jours (du 17 au 19 juillet) publics et professionnels lisent, écoutent, réfléchissent, débattent autour du théâtre. Les Rencontres de la Chartreuse sont aussi l’occasion de découvrir ses «dessous cachés» lors

de Visites déguidées (du 5 au 13 juillet), moments privilégiés où poésie et théâtre permettent de révéler d’autres facettes du monument avec le comédien Bertrand Bossard, et par le biais de la spectaculaire table tactile (tout juste inaugurée), un dispositif qui permet une vision élargie du monument et une découverte instructive et ludique de son passé. Enfin, il sera beaucoup question de la jeunesse lors de cette 41e édition, notamment avec le lancement de La Belle saison, initiée par la ministre de la Culture Aurélie Filippetti, une série de rendez-vous et de manifestations prévus de l’été 2014 à la fin 2015 pour découvrir toutes les richesses de la création contemporaine pour l’enfance et la jeunesse (à ce titre, la création théâtrale de Didier Ruiz, 2014 comme possible, aura été répétée alternativement à la FabricA et à la Chartreuse avec des adolescents avignonnais). Do.M. Rencontres d’été de la Chartreuse du 5 au 27 juillet 04 90 15 24 25 www.chartreuse.org

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Dans le Vaucluse, il n’y a pas que le Festival d’Avignon… il y a aussi, depuis 1965, le Festival des Nuits de l’Enclave. La manifestation accueille deux rendez-vous importants : l’exposition Résonnances de Bruno Durieux et François Bruetschy (du 4 juillet au 17 août) et le festival de théâtre (du 8 au 31 juillet), avec l’accueil de jeunes compagnies, de conservatoires et de centres dramatiques dans les communes de l’Enclave des Papes, mais également des spectacles de rue, des rencontres, des débats, des cabarets, des répétitions publiques… Fondé sur un projet de territoire développé à l’année et des valeurs d’éducation populaires, le festival met, cette année, l’accent sur la comédie. Gilbert Barba, directeur artistique du festival depuis deux ans, met en scène Petit boulot pour vieux clown de Matéi Visniec, Christian Schiaretti présente avec les Tréteaux de France La Leçon de Ionesco, Patrick Pelloquet reprend Georges Feydeau, et Roland Peyron et Jean-François Piccardi s’accordent sur les Exercices de style de Raymond Queneau : 28 pièces et un thème musical joué de 28 manières à l’accordéon. Traductrice et metteure en scène, Myriam Tanant monte, avec les élèves comédiens du conservatoire du Grand Avignon, les Amoureux de Carlo Goldoni, un drame joyeux pour 10 personnages. Il y aura aussi le succulent Avare de Molière d’Alexis Moati et la Cie Vol Plané, Trois ruptures de et avec Rémi De Vos, un diptyque reliant Marivaux et Musset par un ancien élève de l’Ensatt, Antoine Amblard, et La curiosité des anges de François Cervantes, une pièce pour deux clowns créée il y a 15 ans qui n’a pas pris une ride.

La Curiosité des Anges, François Cervantes © X-D.R

L’Enclave fait son festival

Des lectures auront lieu également en compagnie de Michel Azama (auteur en résidence qui présentera un atelier autour de Beckett), Matéi Visniec, Philippe Altier, Jean-Louis Debard et Serge Pauthe (qui rendra par ailleurs un Hommage à Patrice Chéreau), et la remise du Prix Godot qui sensibilise les élèves du Vaucluse à l’écriture théâtrale contemporaine.

Festival des Nuits de l’Enclave du 8 au 31 juillet Valréas, Grillon, Richerenches, Visan 04 90 28 12 51 www.nuits-enclave.com

DE.M.

Théâtre à ciel ouvert Depuis 23 ans, les Soirées d’été en Luberon offrent un théâtre d’auteurs à ciel ouvert dans quatre des communes rurales de ce vaste territoire. «Entre équilibre et vertige», thème de cette édition, les spectacles se tiendront, sous les étoiles, à Gargas, Goult, Roussillon et Apt. Michel Richard, responsable artistique du festival, n’a de cesse, avec son équipe de passionnés, de créer des liens entre les habitants et les artistes, en défendant un théâtre qui mêle comédiens professionnels et amateurs. Parmi les propositions, deux esquisses théâtrales : Le Père, de l’auteur Guy Régis junior (lauréat du Prix Beaumarchais SACD – ETC Caraïbes et Gens de la Caraïbe), avec Jean-Erns Marie-Louise dans le

rôle-titre, pièce dans laquelle une famille haïtienne apprend l’annonce de la mort du père, parti faire fortune aux États-Unis (le 3 juillet au moulin de Goult) ; Hamster Blues, de Pascale Maestu, habitante d’Apt et dont c’est la troisième invitation par le festival, traite du suicide (le 8 juillet sur la place du marché d’Apt). Autre spectacle, en ouverture, la mise en scène de Ruy-Blas d’après Victor Hugo, projet conduit par Michel Richard avec le Conservatoire à Rayonnement Intercommunal du Pays d’Apt et Pont Julien, l’école primaire de Gargas, l’école de cirque Ska-Barré et l’atelier de création des Soirées d’été en Luberon, enchantera les Gargassiens (le 1er juillet sur le parking du stade). Enfin, le 5 juillet, Michel Richard,

accompagnée de la contrebassiste Agnès Doherty, jouera ses Traversées, un récit autobiographique qui est aussi un voyage à travers l’Europe, les Caraïbes et l’Afrique (à Roussillon place C. Mathieu). Do.M.

23e Soirées d’été en Luberon les 1er, 3, 5 et 8 juillet Gargas, Goult, Roussillon, Apt 04 90 04 52 15 www.soireesdeteenluberon.fr


C’est déjà la 25e édition du Festival Théâtre Côté Cour, premier des grands temps forts qui rythmeront l’été salonnais. Cette année c’est l’éclectisme qui semble être à l’honneur, avec une programmation qui permettra «à chacun de trouver un spectacle à son goût» comme le souhaite sa présidente Marie Lemarchand. De fait, le répertoire ouvre largement l’éventail des choix, proposant comédies classiques, contemporaines, romantiques, et comédie musicale. Ce sont quatre spectacles qui trouveront, dans l’écrin raffiné des Cours du Château de l’Emperi, un écho particulier… Avec Les Femmes savantes, Jean-Philippe Daguerre met en scène l’avant-dernière pièce de théâtre de Molière, comédie classique d’une grande modernité qui témoigne de la place de la femme dans le couple, de ses aspirations à la culture, à l’émancipation et à la liberté. Une

Les Femmes savantes © Isabelle Henry

Le théâtre fait la cour

«civilisation des mœurs» que la Cie Le Grenier de Babouchka porte avec jubilation. Changement de ton, et de style, avec Dau et Catella qui interprètent Sacco et Vanzetti, deux immigrés italiens accusés d’un crime qu’ils n’ont pas commis. Mêlant gravité et burlesque, la mise en scène de François Bourcier nous fait

Love Letters

revivre, avec justesse et sobriété, un des grands moments de révolte de l’histoire américaine. Que nous ne quittons pas d’ailleurs, avec un Brodway enchanté qui nous plonge dans l’âge d’or de la comédie musicale sur les rythmes de Mary Poppins, West Side Story, Singing in the rain, My Fair lady… Un spectacle dans

Roses

lequel Isabelle Georges fait des claquettes, joue la comédie et chante, accompagnée par quatre talentueux musiciens ! Enfin, c’est sur le texte magnifique de Stefan Zweig que prendra fin le Festival. Lettre d’une inconnue est mis en scène par Christophe Lindon, avec Sarah Biasini et Frédéric Andrau dans les rôles-titres, qui dresse le portrait d’une femme plongée dans un amour obsessionnel pour un romancier de renom. Le metteur en scène prend le parti de resserrer l’action autour de ces deux personnages, et de montrer la lente et tragique descente aux enfers que vit cette femme. Do.M.

Festival Théâtre Côté Cour les 5, 7, 9 et 11 juillet Château de l’Emperi, Salon-deProvence 04 90 56 00 82 www.theatre-cote-cour.fr

Opening Night

© Jérome Blin

© Rodolphe Martin

© X-D.R

Après Jacques Weber en 2013, le théâtre Silvain accueille, pour l’unique représentation hors de Paris, la pièce Love Letters avec Francis Huster et Christiana Réali dans les rôles titres. Tout au long de leur vie Melissa et Andy se sont aimés de loin, par correspondance, sans jamais pouvoir être ensemble. Le destin, la vie, les rencontres les ont rapprochés puis éloignés. Jamais ils n’ont cessé de s’écrire. Cet échange épistolaire imaginé par Albert Gurney conte l’amitié taquine de l’enfance, les passions de l’adolescence, la complexité des sentiments mêlée aux espoirs et désillusions de l’âge adulte. Benoît Lavigne met en scène cette histoire drôle, tendre et bouleversante. le 2 juillet Théâtre Silvain, Marseille 04 91 14 54 10 www.capsur2013.fr

Pour Nathalie Béasse, il ne s’agit pas de trouver le héros de Shakespeare, mais de s’en amuser, questionner ce qui l’entoure. Richard III incarne le pouvoir tyrannique dans toute sa cruauté. La table sera le champ de bataille de cette histoire. Entrer dans l’intimité, l’histoire macabre de cette famille, c’est démontrer la dramaturgie à travers une narration utilisant parfois le langage du corps. Des silences, des espaces vides aideront à ouvrir les portes d’un autre Richard III en s’emparant du répertoire dramatique classique pour le rendre plus vivant que jamais. Atelier Autour de la table avec Shakespeare le 27 juin de 10h à 12h Répétition publique le 3 juillet à 15h 3bisf, Aix-en-Provence 04 42 16 17 75 www.3bisf.com

Dans la tradition du vaudeville américain, Opening Night raconte l’histoire de deux showmen : le routier vieillissant, Mark Tompkins, et son jeune protégé, Mathieu Grenier. Bien qu’abordant les thèmes de la vie, l’amour ou la mort, Opening Night évoque aussi le déclin dû à l’âge et le besoin de la transmission pour continuer le show. Dans une scénographie permettant de voir la scène et l’envers du décor, les deux personnages s’amusent, dans une succession de numéros, à se disputer gentiment le premier rôle en menant de bout en bout le show musical et théâtral. le 20 juin Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com

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Le Peuple de l’herbe Aux petits oignons, Cie Kitschnette © Vincentc@ctus Vanhecke

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La mer qu’on voit danser Lancés par le Citron Jaune, le Centre National des Arts de la Rue, en partenariat avec la Ville de Port-Saint-Louisdu-Rhône en 2009, Les Mercredis du Port sont devenus l’événement incontournable de l’été de la Camargue orientale. Chaque mercredi durant quatre semaines, trois ou quatre spectacles -cirque, théâtre, musique- se succèderont à partir de 19h, variés pour le plaisir et les goûts différents des spectateurs. La Cie de l’Arpette, avec Mazarine, son hôtesse d’accueil ou maîtresse de cérémonie selon son humeur, animera les soirées ; puis les Sœurs Goudron joueront aux Dames de France, précédées par l’école de cirque Pitreries et de la fanfare Lady Gaga et les sax toys ce même jour d’ouverture (le 9 juillet). Le mercredi 16, la Cie Kitschnette préparera sa recherche du grand amour Aux Petits oignons, avec un public complice, comme c’est souvent le cas lors de cette manifestation, après l’épatant numéro de cirque mené par Julot et son Hula Hoopla (voir p 17),

et avant les sons électro acoustique du groupe Noroc. Le 23, on entendra Le siffleur, un concert littéralement sifflé, on assistera aux incroyables acrobaties poétiques de la Cie D’irque & Fien dans Le carrousel des moutons, ainsi qu’au rock festif et métissé des Barbeaux. Le mercredi de clôture (le 30) présentera La route, spectacle de rue tout terrain, et la Cie Mauvais Coton sa dernière création, un numéro de cirque écrit avec le mât Culbuto. Le point final sera donné par la Cie Lucamoros, qui métissera le cirque et les arts plastiques vivants pour faire briller Quatre soleils dans la dernière nuit camarguaise. Sans oublier les moments privilégiés autour d’un verre ou d’une assiette de produits de la mer, sur une des longues tables dressées sur le port ! ALICE LAY

Les Mercredis du Port les 9, 16, 23 et 30 juillet Port Saint-Louis-du-Rhône www.lecitronjaune.com

Les années passent mais la formule ne change pas. Car pour la 11e édition du Festival Caressez le potager, Jean-Louis Favier, son directeur, propose toujours une programmation diversifiée et de qualité, à déguster «le cul dans l’herbe et la tête dans les étoiles». Dans le Parc de la Mirabelle se succèderont spectacles, ateliers, cinéma, installations d’arts plastiques, concerts... le tout dans un esprit éco-citoyen de respect de l’environnement. Si le potager bio élevé en pot par des centaines de familles de la vallée de l’Huveaune perdure, vient s’ajouter au cahier des charges la production d’énergie renouvelable à l’aide d’éoliennes, panneaux solaires et même vélo-dynamo, mise au service de créations de spectacles conçus spécialement. C’est notamment le cas de Icy-plage de la Cie Kartoffeln, qui détourne là les rituels, les postures et les règles de bienséance qui ont lieu sur la plage ; avec la conférence-performance de la Cie «Hélas!...», Nature Morte, qui explique les dérives de l’écologie moderne à grands renforts de projections illustrées ; avec Dieux Gloûtons enfin, soap opéra de la Cie Les Faiseurs de pluie où il est question de la planète, des énergies renouvelables et du vaudou... Au programme également : Bon Débarras, le conte burlesque de la Cie Champs Libres qui aborde le thème de l’obsolescence programmée ; les contes tziganes des Diseuses de Bellaventür par la Cie Après la pluie... et de la musique avec le blues des Black Brothers, les mélodies celtes, afro-latines ou orientales du Trio Phoebuzz. Et puis l’installation permanente de la plasticienne Lise Couzinier, la Ville Fantôme, une conférence sur l’agriculture paysanne, et de quoi se restaurer sur place avec des plats maison... et bio ! Do.M.

Caressez le potager du 9 au 11 juillet Parc de la Mirabelle, Marseille 06 83 85 44 03 www.caressezlepotager.net

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Résister à Marseille !

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Le Festival de Marseille devrait commencer, on l’espère !, et lancer la saison estivale dans la région, si le mouvement des intermittents parvient à se faire entendre avant le 19 juin. Le programme est beau, engagé, international, faisant venir à Marseille des formes nouvelles et des résistants de pays en lutte. Les spectacles, plus que jamais agrémentés d’ateliers et de projections, commencent au Silo, avec la venue de la compagnie exceptionnelle de Noa Wertheim les 19 et 20 juin. Depuis quelques années déjà la danse Israélienne parait dotée d’une force explosive, musculeuse, précise. Arme de résistance ou de propagande d’un état à la politique plus que discutable ? Le Vertigo de la chorégraphe compile des créations qui expriment tout sauf le repli ! Une autre résistance sera portée par le duo d’Eric Languet Attention Fragile. Wilson Payet, en fauteuil roulant, y évolue avec Marriyya Evrard, balayant par sa maîtrise du mouvement les a priori sur le handicap. Leur succèdera Robyn Orlin, dont la présence est plus habituelle, mais toujours aussi tapageuse et décalée. La chorégraphe sud africaine traque la beauté des papillons survivant à la chute (les 23 et 24 juin à 19 et 21h, la Minoterie). Un Israélien réside à Istres… Emanuel Gat fera danser la formation Coline, tandis qu’un groupe de jeunes gens de Bogota, le Collectif Carretel, viendra danser une autre urgence (Klap, le 25 juin). Au Silo les 25 et 26 juin c’est Saburo Teshigawara, héritier du Butô, accompagné de 5 danseurs, qui cherchera la puissance du souffle dans

Vertigo Dance Company, Vertigo © Gadi Dagon

la solitude dématérialisée des technologies de pointe. Nettement plus low tech, mais tout aussi virtuoses, les marionnettes géantes ou à mains, projections, acteurs et illusions de William Kentridge, qui revisite Ubu à l’aune de l’Apartheid et de la commission Vérité et Réconciliation de Mandela. Un spectacle qui a fait événement à sa création, repris ici à la Minoterie du 28 au 30 juin. La collaboration entre KVS et les danseurs palestiniens a 8 ans. Fruit d’une contamination de longue haleine Badke, reprenant et détournant le Dabke, danse populaire Libanaise, pour en faire un hymne de groupe à la vie (le 30 juin et 1er juillet, studio du BNM). KVS que l’on retrouvera pour le monologue Raymond (Goethals) de Thomas Gunzig, porté par Josse de

Pauw (les 2 et 3 juillet à la Minoterie). Et puis il y aura la sublime danse afro-américaine de Kyle Abraham (les 3 et 4 juillet au BNM), le Nederland dans theater 2 au Silo le 4 juillet, la reprise de la création de Nathalie Negro les 5 et 6 juillet à la Minoterie, une création de Richard Siegal par le BNM (le 8 juillet au Silo), une pièce iconoclaste de Tino Fernandez au Théâtre du Lacydon du 9 au 11 juillet, avant la clôture flamenca de Rocio Molina le 12 juillet au Silo. Une véritable fête de la danse en créations ! AGNÈS FRESCHEL

Festival de Marseille du 19 juin au 12 juillet 04 91 99 02 50 www.festivaldemarseille.com

Let’s dance ! Hep garçon © Guida Bastos

Marseille Objectif DansE fait feu de tout bois en ce début d’été en installant ses propositions à la Friche… Le Festival de Marseille lui offre une carte blanche, avec, notamment, une soirée dédiée à l’artiste sud-africain William Kentridge : certains de ses films seront projetés à L’Alhambra le 22 juin à 21h, dont Ubu Tells the truth (1996-97), dans lequel on retrouve certaines images de son spectacle Ubu and the truth commission accueilli au Théâtre Joliette-Minoterie (du 28 au 30 juin, voir ci-dessus), mais aussi Shadow Procession (1999) et 10 Drawings for projection (1989-2011). MOD est aussi l’initiateur de la 3e édition des 48h chrono qui se déroulent à la Friche ou

dans les rues alentours (voir p 9) : Tino Sehgal inaugure la manifestation avec Sans titre, une pièce créée il y a 13 ans qui expose théâtralement la danse

scénique du XXe siècle, un solo qu’interprète Frank Willens (les 27 et 28 juin) ; La Cie Geneviève Sorin prend la suite et propose Les Singulières, qui regroupe

Hep ! Garçon !, une chorégraphie de Geneviève Sorin qui situe l’action dans l’espace public, là où l’intimité avec l’autre s’invente dans l’instant, et Empreinte, sur une chorégraphie de Marjorie d’Amora, un court solo qui questionne le statut de la femme, l’enfermement, la dualité (les 28 et 29 juin)… Enfin, le 28 juin, c’est au Bal Tango Argentin que nous convie MOD, avec la plasticienne et comédienne argentine Silvia Ceriani, reine du Nuevo Tango. Sans oublier les nombreux ateliers auxquels vous êtes conviés, danse orientale, tango, taï-chi… Do.M.

Marseille Objectif DansE 04 95 04 96 42 www.marseille-objectif-danse.org


L’été aux Hivernales De la Belgique à l’Espagne en passant par les régions françaises (ou ce qu’il en reste !), le CDC Les Hivernales nous promet un bel été dansant. Du 10 au 20 juillet, sept spectacles seront accueillis au théâtre de la rue Guillaume Puy ; puis, du 22 au 27, Pom Bessot et Philippe Lefait donneront une lecture (à 11h) de leur bouleversant livre sur leur fille : Et tu danses, Lou… Mais avant cela, rentrons dans le bal avec deux artistes de la région Paca : Siwa de Michel Kelemenis ouvrira la journée avec une pièce poétique, au sous-titre évocateur, La persistance rétinienne d’un Eden fantasmé. Créée pour Marseille-Provence 2013 par le directeur de Klap, cette pièce sur la minéralité, délivrée par quatre danseurs, est accompagnée par une partition musicale d’Yves Chauris à partir du quatuor à cordes de Debussy. Christian Ubl poursuivra avec Zoll, entremêlant deux pièces qui interrogent le folklore autrichien, sa nationalité, et l’identité européenne. Us-Band, un quatuor sur l’intimité masculine inspiré du film de Cassavetes, et créé il y a 10 ans par Samuel Mathieu, sera repris avec les mêmes interprètes. Le jeune public sera invité, avec Dorothy d’Anthony Egéa, à plonger dans le Magicien d’Oz avec la danseuse hip hop Vanessa Petit. La Cie KulbiK, un jeune collectif catalan de danse urbaine prometteur, éprouvera dans

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Christian Ubl, Zoll © Fabienne Gras

Cube la fusion hip hop, électro, blues, jazz, funk et reggae. Brahim Bouchelaghem, un artiste issu du hip hop, virtuose et sensible, qui nous a impressionnés aux Hivernales de mars avec un solo inspiré par les calligraphies de Carolyn Carlson, présentera Sillons. Il sera entouré de cinq danseurs et l’on peut s’attendre à une dose d’énergie contaminante. Pour finir, en partenariat avec le théâtre des Doms, un spectacle performatif venu de Belgique : Mas-Sacre de Maria Clara Villa Lobos, qui s’attaque aux dérives de la société

de consommation, en revisitant le Sacre du Printemps. Les chorégraphes seront présents aux rencontres RESO@DANSE à la Maison Jean Vilar (les 14, 19 et 20 juillet). DELPHINE MICHELANGELI

L’été particulièrement danse au CDC du 10 au 27 juillet (relâche le 15) CDC les Hivernales, Avignon 04 90 82 33 12 www.hivernales-avignon.com

Vaison et le monde Beyond © Andy Phillipson

L’introduction à la 19e édition du Festival Vaison Danses a des allures de discours spartiate : «et si ?» «anaphorisent» Philippe Noël et Gérard Reynaud, respectivement Directeur et Président du Festival. Les mots s’inclinent devant l’universalité du geste, dansé, circassien, passant de la création à la reprise de mouvements traditionnels revisités avec passion. C’est ainsi que l’on pourra baigner dans l’atmosphère de la Milonga avec la création de Sidi Larbi Cherkaoui, m¡longa (les 11 et 12 juillet). Le chorégraphe se démarque des clichés, joue sur les imprévus, des combinaisons nouvelles, le «dialogue hypnotique des corps», unissant sur scène dix danseurs de tango de Buenos aires, deux danseurs contemporains et une formation de cinq musiciens. L’association Tango-Paty se joint à la fête avec film, conférence, apéro-tango… Ne m’oublie pas (Forget me not) de Philippe Genty et Marie Underwood, que l’on a déjà eu le bonheur d’applaudir au Toursky (Zib’ 60), nous happe dans son univers poétique et onirique (le 15 juillet). L’être humain dessine une relation poétique

Homme, machine, électronique… une nouvelle appréhension de l’humanité ! (le 18 juillet). Le cirque contemporain d’Australie Circa invite dans Beyond (le 22 juillet) à franchir la frontière entre la logique et le rêve. Le spectacle à la fois virtuose et poétique sait mettre à notre portée une belle galerie de paysages émotionnels. L’art du tango se glisse dans la pulsion du travail équestre, le monde de Bartabas rejoint celui d’Andrés Marín pour Golgota, dans une composition imprégnée de la mystique des œuvres du polyphoniste espagnol de la Renaissance, Tomas Luis de Victoria. Le festival s’échappe au Nymphée (Romo de Anuang’a), offre des expositions, des stages de danse (Cie Murcia). Une qualité irréprochable dans un cadre exceptionnel ! MARYVONNE COLOMBANI

et cocasse avec le robot Nao (le robot humanoïde le plus utilisé dans le monde de la recherche) dans la chorégraphie signée Blanca Li, qui élabore dans Robot ! trois propositions qui explorent trois formes de rapport au monde.

Vaison Danses du 11 au 27 juillet Vaison-la-Romaine 04 90 28 74 74 www.vaison-danses.com

F E S T I V A L S D A N S E


D A N S E

le 24 juin KLAP, Marseille 04 96 11 11 20 www.kelemenis.fr

Ou pas Découvertes dansées Le Pavillon Noir développe un programme d’invitation aux artistes africains. Juste après leurs premières à Aix-en-Provence (voir Zib’ 74), deux danseurs-chorégraphes se présentent à Klap. Avec Lego de l’égo, Souleymane Ladji Koné, venu du Burkina Faso, pose une réflexion sur la nature humaine et traite du mécanisme destructeur et insidieux des forces de l’ego. Dans une recherche sur la métamorphose, Maman Sani Moussa, venu du Niger, entreprend un voyage autour de la pensée, la conscience et l’inconscience. Il interroge avec Troubles la limite de ce que l’individu peut contrôler. Entrée gratuite sur réservation. Lego de l’égo / Troubles le 27 juin KLAP, Marseille 04 96 11 11 20 www.kelemenis.fr

le 8 juillet Le Silo, Marseille 04 91 199 30 80 www.silo-marseille.fr

Tamago © N. Vandenbussche

© Ex Nihilo

P R O G R A M M E

le 24 juin KLAP, Marseille 04 96 11 11 20 www.kelemenis.fr

Marseille, le Ballet National investit la salle du Silo. Dans ce programme inédit, les danseurs du BNM font dialoguer la danse ciselée de l’Américain Richard Siegal (ex-soliste de William Forsythe) avec celle du chorégraphe et interprète japonais Yasuyuki Endo et les tambours (taiko) de son complice le musicien Leonard Eto.

Mouvinsitu L’image en mouvement pour le mouvement

du corps, le dispositif cinématographique à la recherche d’un horizon poétique, l’effeuillage du modèle fictionnel pour interroger l’identité, tels sont les enjeux que proposent Boris Gibé et Florent Hamon avec leur projet Mouvinsitu. En effet, durant leur résidence au 3bisf, les deux artistes présenteront une étape de travail dans laquelle ils s’emploieront à brouiller les frontières du réel au moyen de la technique et du geste chorégraphié pour les confronter à l’univers des songes et ainsi s’ouvrir avec le spectateur à des espaces inconnus. Présentation d’une étape de travail le 21 juin à 19h Atelier de pratique autour du projet les 11 et 18 juin de 10h à 12h 3bisf, Aix-en-Provence 04 42 16 17 75 www.3bisf.com

Lego de l’égo © X-D.R

Qu’il flotte sans danseur pour le porter ou qu’il entrave ou aide le mouvement, le costume a souvent été un élément constitutif de la pratique de Christian Rizzo. À l’occasion du Printemps du Ballet National de Marseille, le chorégraphe et sa complice Caty Olive, pour qui la lumière est écriture scénographique, imaginent une installation vivante à partir des 3500 pièces qui, dès Roland Petit, ont habillé les étoiles de la Compagnie. Dans l’installation Ou Pas, les danseurs sont conviés à un abandon réflexif porté par la rencontre énigmatique entre des costumes chargés d’Histoire et leur propre présence contemporaine. jusqu’au 29 juin La Friche, Marseille 04 95 04 95 95 www.lafriche.org

© X-D.R

A U

Dans ce spectacle, le chorégraphe Michel Kelemenis revient sur sa découverte de l’oasis de Siwa en 1993 et décide aujourd’hui de retranscrire son émotion sur scène. Le quatuor Tana, sur la musique de Claude Debussy, et la création musicale «en miroir» Paysage emprunté de Yves Chauris, accompagnent ici une danse d’hommes sur le chemin d’une méditation sur l’éternité, devant un horizon à la puissance originelle. C’est de la danse que viennent les fulgurances, les éloquences et les tensions.

Siegal et Eto et Endo Le 8 juillet, dans le cadre du Festival de

© Marc Domage

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et met Le Nom du lieu sous la pression des spectateurs. La performance dansée remet en jeu les souvenirs de voyages du collectif Ex Nihilo entre 2009 et 2012, autour du projet Apparemment ce qui ne se voit pas : Séoul, Le Caire, Copenhague, Casablanca, Durban, Tunis… Aux murs, aux porches, dans les interstices d’une rue ou d’un quartier se superposent les images projetées, les corps des danseurs et les sons joués en direct. Hors du quotidien, ce nouveau décor crée des brèches et des liens entre la ville d’ici et celles de là-bas, autour du dénominateur commun qu’est la présence des danseurs.

© Agnes Mellon

Le Nom du lieu Siwa Entre chien et loup, Ex Nihilo investit la rue


fantastique et érotique des Mille et Une Nuits dans une danse flamboyante et empreinte du mystère et de la fascination que produit encore l’Orient dans l’inconscient collectif. Au centre, la figure de Shéhérazade qui, par le verbe, la culture et l’intelligence, se dresse comme un rempart à la barbarie, et nous questionne sur la place de la femme dans nos sociétés Avec l’aide d’Azzedine Alaïa pour les costumes, le chorégraphe va au plus près du mystère d’un Orient rêvé où les corps se feraient signes, comme une calligraphie des affects et des humeurs. les 4 et 5 juillet Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com/

© Shin Yamagata4

Hiroaki Umeda Les nuits Angelin Preljocaj déploie la dimension

Golgota © Nabil Boutros

L’artiste japonais présente un diptyque sensoriel où le corps et l’image interrogent le rôle de la perception visuelle. Imprégné de la culture numérique de son pays, il fait réapparaître, dans les deux solis qu’il interprète, l’humain sous la masse des innovations technologiques. Mêlant à la danse l’image et le son, Hiroaki Umeda convie le spectateur à voir autrement le monde qui nous entoure. While going to condition / Adapting for distorsion le 4 juillet Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com/

Doubaley (Le Miroir)

Le chorégraphe Salia Sanou s’associe à la violoniste Takumi Fukushima dans une création qui renvoie au sens existentiel de l’artiste. À travers la métaphore du miroir, il invite le spectateur à participer à une fable de l’antagonisme associée au réel et à l’imaginaire -le figé et le mobile, l’impalpable et le concret-, bercée au rythme du corps, des images et du son pour que de leurs interactions se projettent un travail visuel renvoyant au visible et à l’invisible.

du 15 au 19 juillet Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com/

© X-D.R

Châteauvallon accueille en ses murs la dernière création de Bartabas, Golgota, pour laquelle il partage la scène avec Andrés Marin, l’un des plus talentueux danseurs du flamenco contemporain. Accompagné de quatre chevaux et d’un âne, sur des œuvres liturgiques de Tomas Luis de Victoria, ils offrent l’expérience d’un théâtre équestre en quête d’une musique sonore silencieuse.

le 4 juillet Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com/


40 F E S T I V A L S M U S I Q U E

C’est la 15e édition du Festival Jazz des cinq continents, et pour fêter cet anniversaire, l’équipe de Bernard Souroque, son directeur artistique, a concocté un programme exceptionnel. Qui commencera sur l’esplanade du J4 le 17 juillet, avec un concert gratuit en deux parties : le trompettiste Christophe LeLoil, puis Dhafer Youssef, oudiste tunisien. Le lendemain, le festival retourne sur son fief historique, les pelouses du Palais Longchamp, pour accueillir Cécile McLorin Salvant, chanteuse talentueuse, et le pianiste de légende Ahmad Jamal. Les 19 et 20 juillet, on pourra écouter successivement l’Electro Deluxe Big Band, Trombone Shorty (relève du jazz à la Nouvelle Orléans), Sergio Mendes venu tout droit du Brésil, et George Clinton, l’un des «pères fondateurs de la musique funk», pour une affiche des plus colorées. Une petite pause de 24h, et le festival repartira de plus belle avec ceux que l’on ne présente plus : Herbie Hancock (piano) et Wayne Shorter (saxophone) ouvriront la soirée du 22 juillet, avant de laisser la scène à Roberto Fonseca et Fatoumata Diawara. Ensuite, se succéderont, le 23, un autre trompettiste, Christian Scott, le Gregory Porter Group (qui a remporté l’an passé le Grammy Award du meilleur album de jazz vocal avec Liquid Spirit), puis le 24 Jacky Terrasson en quartet, et Al di Meola dans une rencontre avec deux artistes cubains : Gonzalo Rubalcaba et Orlando «Valle» Maraca. Le 25, carte blanche est donnée à Ibrahim Maalouf, réunissant en une soirée ébouriffante Vincent Ségal, Asa, Michel Portal, Thomas Dutronc, et autres prestigieux invités. Enfin, puisqu’il faut bien finir un jour, ce sera en beauté le 26 juillet, au son du blues de Lucky Peterson, et de la guitare de Jeff Beck. Pour les noctambules invétérés, pas d’inquiétude : il sera possible après presque chaque concert de prolonger sa soirée au Radisson Blu Hôtel sur le Vieux-Port, lors d’un Jazz Club réunissant musiciens marseillais et certains des artistes au programme. Les tempéraments ludiques se réjouiront de pouvoir associer jazz et jeu de boules avec des billets couplés pour Le Mondial La Marseillaise à Pétanque et le FJ5C. Autour du festival, on ne manquera pas non plus les rencontres et expositions prévues tant au MuCEM qu’à l’Alcazar, dans le parc de Maison Blanche et de nombreux autres lieux. Renseignements et programmation complète figurent sur le site de la manifestation. GAËLLE CLOAREC

Ibrahim Maalouf © X-D.R

Festival Jazz des cinq continents du 17 au 26 juillet Marseille 04 95 09 32 57 www.fj5c.com

Médéric Collignon © Alexandre Lacombe

Jazz attitude

Trois jours de Jazz à Vitrolles Sur le domaine verdoyant de Fontblanche, au milieu des platanes tricentenaires, chaque année depuis 1998 l’association Charlie Jazz organise son festival éco-responsable et solidaire, rassemblant des figures emblématiques et la jeune création contemporaine. Trois jours pour se plonger dans le meilleur du jazz avec une déambulation de la fanfare La Complet’ Mandingue pour démarrer de bon pied (le 4 juillet à 19h), un orchestre de balafons à l’énergie communicative. Sur la joliment nommée Scène des Platanes, le jeune trompettiste Antoine Berjeaut prendra le relais pour un quintet réuni autour de son lumineux projet WasteLand, suivi par Médéric Collignon, zébulon trompettiste aux onomatopées uniques, accompagné par un philharmonique de poche (11 musiciens) pour revisiter le répertoire de King Crimson. Le lendemain, l’altiste Théo Ceccaldi démarrera la soirée (à 18h) pour un trio à cordes au sommet, entrecoupé d’une déambulation de Radio Kaizman, puis de la création du groupe 3 Chevaux de Front (David Rueff, Nadine Esteve et Guillaume Saurel) et la chanteuse Emilie Lesbros en invitée. À 21h45, le «maître enchanteur de l’oud» Anouar Brahem clôturera la journée en quartet : un grand moment de musique universelle. Dernière journée, et pas des moindres, le 6 juillet avec Boson Septet, un jeune groupe émergent à découvrir à 18h sur la Scène du Moulin. Le brass band marseillais Big Butt Foundation offrira la dernière déambulation du festival, puis le trio luxembourgeois Reis Demuth Wiltgen et Joshua Redman Quartet se relaieront pour compléter de leurs talents une programmation passionnante. DE.M.

Charlie Jazz Festival du 4 au 6 juillet Domaine de Fontblanche, Vitrolles 04 42 79 63 60 www.charliejazzfestival.com


Jazz en tête Reis Demuth Wiltgen, le collectif ARFI dans Lettres à des amis lointains, Théo Ceccaldi Trio, Pulcinella, Hildegard Lernt Fliegen, un concert visuel autour de la cornemuse Quelques morceaux en formes de poires par Désirs Chroniques Quartet, la musique généreuse et sensuelle de Rhizottome, Pascal Schumacher & Jef Neve, le projet Kind of Pink de Philippe Laloy. Des spectacles musicaux originaux également, avec un photo-concert inspiré par Guy le Querrec Regards de Breizh par l’Ensemble Nautilis, ou le projet de Pierre-Jean Peters à partir de Camus : l’Etranger-Réminiscences. Des propositions persuasives qui ne nous laisseront pas étrangers ! DE.M.

Festival Têtes de Jazz du 6 au 16 juillet AJMI, Avignon 04 90 86 08 61 www.jazzaljajmi.com

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Rhizottome © Mathieu Vladimir Alliard

2e édition du Festival Têtes de Jazz organisé par l’AJMI, avec de nombreux partenaires et coproducteurs (Théâtre des Doms, Association Mitoa, cinémas Utopia, AJC-AFIJMA, Jazz Migration, Nemomusic…). Au cœur du foisonnant rendez-vous théâtral avignonnais, ce «village» de jazz et musiques improvisées unique en son genre, installé dans le quartier de la Manutention -décidément très productif-, offre une vitrine incontournable de la fine fleur du jazz européen. Alors que jeunes pousses et grands noms se relaieront, il sera aussi possible d’assister à des projections de documentaires, des tables rondes et des rencontres professionnelles, ou d’admirer l’exposition Riverside (collection de JeanPaul Ricard). Au programme, parmi 43 concerts d’exception : le contrebassiste Renaud Garcia-Fons en solo, Dominique Pifarély, les belges du LABtrio (gagnants du Tremplin Jazz d’Avignon 2011), le trio rafraichissant De Beren Gieren, ou avant-gardiste

Une nuit d’étoiles pour Ray Charles Hommage Ray Charles, Parfum de Jazz © Jazz Rhônes-Alpes.com

Une seule date, précieuse comme un long soir d’été, en amont de la 7e édition du Festival Jazz à Saint Rémy, de septembre (du 18 au 21). Dans la nuit étoilée de Saint Rémy de Provence, ce 18 juillet, Tribute to Ray Charles déroulera un hommage au père de la soul music et à ses musiciens, les Realets. Cette balade festive au cœur des succès universels du pianiste à la voix inoubliable, Georgia on my mind, I got a woman ou bien sûr What’d I say, sera offerte par une réunion d’artistes confirmés : le pianiste Philippe Khoury, les solistes Claude Brisset et Frédérique Brun, le saxophoniste Laurent Alex, Michel Chionchini à la batterie et les choristes du groupe Vocal in Vienne. Et pour ceux qui

n’assisteront pas au concert dans la Salle de l’Alpilium, une retransmission sur écran extérieur est prévue pour ne rien perdre de la musique du Genius et swinguer sous les étoiles. DE.M.

Jazz sous les étoiles Tribute to Ray Charles le 18 juillet Salle de l’Alpilium, Saint Rémy de Provence 06 83 47 50 65 www.jazzasaintremy.free.fr

M U S I Q U E


F E S T I V A L S M U S I Q U E

Afrique en Fête

«Le monde s’arrange. Venez souffler.» Optimiste, ou adepte du second degré, le graphiste du Festival Mimi a doté ses affiches d’un visage vert ressemblant furieusement à Vladimir Poutine, affublé, grâce à un traitement électronique, de couettes oranges du plus bel effet. C’est donc par un éclat de rire que l’on aborde cette édition 2014, la 29e. Ouverture le 2 juillet avec un concert à l’U-PERCUT : entre l’electro tirant sur le punk de Sugarcraft, et les curiosités sonores de Postcoïtum, cela ne devrait pas être triste. Le lendemain, au Grand Plateau de La Friche, un représentant fameux de la musique diwane algérienne, Camel Zekri, sera accompagné du batteur Ahmad Compaoré. En deuxième partie de soirée, l’américaine Josephine Foster présentera son folk atypique. À partir de là, on prendra le large pour se retrouver trois soirs durant au Frioul, en compagnie de la DJette Pépé, qui assurera au coucher du soleil la montée en douceur de cette ambiance exotique. Le 4 juillet, c’est un duo venu d’Égypte et du Liban, Maryam Saleh & Zeid Hamdan, qui est invité. Puis le groupe Dakha Brakha prouvera que l’Ukraine n’est pas seulement le terrain de jeu des grands de ce monde. Le 5, lassé de tant de bonne humeur, on pourra se laisser gagner par la délicieuse mélancolie de la musique traditionnelle de Bosnie Herzégovine (Sevdah mon amour), avant de songer carrément au Suicide (formation d’Alan Vega et Martin Rev). Pas question pourtant de se laisser abattre, ce serait un coup à rater le bouquet final le 6 juillet, avec AIE (batterie/harpe électrique), puis le duo Richard Pinhas et Etienne Jaumet. Amateurs de «longues plages musicales cosmiques» bienvenus. Attention ! Ceux pour qui les préliminaires sont essentiels pourront préparer le festival en assistant aux rencontres-débats avec certains des artistes invités, organisées à l’Alcazar et à la Bibliothèque du Merlan les 1er et 2 juillet. Quant aux amoureux du site du Frioul, ils ne rateront pas les balades naturalistes prévues par l’association Calanques buissonnières lors des deux dernières soirées, vers 19h. Durant le week-end, l’île accueillera également les rencontres annuelles des abonnés de Médiapart. L’occasion de débattre de la sauvegarde des biens communs avec la rédaction du pure player et ses invités, dont le psychanalyste Roland Gori.

Concerts, rencontres, ciné, village associatif, la programmation de l’Africa Fête Marseille s’annonce riche et prometteuse. Cette dixième édition marseillaise posera ses valises autour du cours Julien. Du 26 au 28 juin, les propositions éclectiques animeront le quartier. Ce rendez-vous devenu incontournable fera la part belle à la musique, avec trois soirées de concerts et d’afters au Café et à l’Espace Julien. En ouverture, rencontre entre l’Occitanie et la Casamance au programme : Adama Sambou, du groupe sénégalais Kéloumake, et Arnaud Fromont, chanteur de la formation marseillaise D’Aqui Dub, collaborent depuis 2012. La fusion de ces deux influences musicales, nommée Ebaloum di Capià, sera présentée au Café Julien, accompagnée des textes en provençal de l’écrivain Laurent Pécout. La soirée se poursuivra avec le Trio Teriba. Ces trois sœurs, qui forment le premier groupe féminin du Bénin, écument les scènes d’Afrique et d’Europe depuis 2002. Elles feront découvrir au public leur dernier opus, Akpé, où les chants a capella, en yoruba ou en français, s’accompagnent de percussions douces (gongs, clochettes, calebasses...). Le 27 juin, ce sont d’abord Les Tambours de Brazza qui se produiront à l’Espace Julien. En vingt ans d’existence, les percussionnistes congolais ont fait découvrir au monde l’énergie et les rythmes des ethnies de leur pays, désormais agrémentés de sons de basses ou de guitare. Leur prestation sera suivie de Debademba, fruit de la rencontre entre le guitariste burkinabé Abdoulaye Traoré et le griot malien Mohamed Diaby. Leur premier album commun explore des univers variés, du blues à l’afro-funk. La journée du 28 juin sera d’abord consacrée au village associatif, dressé sur le cours Julien. Artistes et militants proposeront des ateliers, des expos ou des rencontres, tandis que l’Equitable Café accueillera des projections-débats de courts métrages. La soirée s’ouvrira avec le concert à l’Espace Julien de Mamar Kassey, groupe emblématique du renouveau de la culture nigérienne. Le festival se conclura avec le quintet du guinéen Moh ! Kouyaté, aux rythmes mandingues mêlés d’influence jazz, blues et rock. Enfin, chaque soir à l’issue des concerts, un collectif de DJ marseillais animera les afters au Café Julien.

GAËLLE CLOAREC

Festival Mimi du 2 au 6 juillet Divers lieux, Marseille 04 95 04 95 50 www.amicentre.biz

Africa Fête Marseille du 26 au 28 juin Cours Julien, Marseille 04 95 04 96 36 www.africafete.com Mariam Saleh & Zeid Hamdan © Ali Saadi

À noter : le Festival Mimi fait partie des six manifestations participant au dispositif carte Flux, donnant accès chacune à un spectacle, pour 45 euros

JAN CYRIL SALEMI

Les Tambours de Brazza © X-D.R

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C’est Mimi


Abstraxion © X-D.R

Sous le soleil de Vitrolles Le 17 juillet, escale au parc Saint-Exupéry, avec au programme, fanfares, batucadas, théâtre de rue, animations et un grand banquet pour finir. Le 18 juillet, première soirée payante à Fontblanche, avec notamment, l’urban griot marseillais Toko Blaze, le son électro-cumbia des Péruviens de Dengue Dengue Dengue ou la voix envoûtante et métissée d’Ayo. Le 19 juillet, place d’abord aux apéros du Papet J. Une platine, un micro, et le chanteur du Massilia Sound System avec ses invités envoient une tournée de sons et de soleil. La soirée se poursuivra avec, entre autres, la french touch à la marseillaise de Superfunk, ou l’une des légendes jamaïcaines du reggae, Ken Boothe. Et si jamais cela ne suffisait pas, le 20 juillet, les platines de Comparses et Sons feront groover les pelouses de Fontblanche pour un after, gratuit, prometteur. Oui, vous aurez envie de venir à Vitrolles, cet été... JAN CYRIL SALEMI

Vitrolles Sun Festival du 16 au 20 juillet Domaine de Fontblanche, Vitrolles www.vitrolles-sunfestival.com Ntjam Rosie © Lenny Oosterwijk

En cette rude période pour les fêtes populaires (Belle Fête de Mai annulée au dernier moment, Fête du Panier arrêtée), le Vitrolles Sun Festival sera l’une des rares exceptions de l’été. À se demander si la Fête du Panier ne s’est pas déplacée à Vitrolles cette année. Certes, la manifestation vitrollaise n’est pas 100% gratuite (mais abordable, 20 euros le pass pour les deux soirées payantes des 18 et 19) et ce n’est pas non plus une véritable fête de quartier. Mais c’est un festival populaire, sans aucun doute. Et le programme de cette édition a tout pour donner «envie de venir à Vitrolles», comme le revendique l’association Massilia Cosmopolitaine. Créée à Marseille il y a une quinzaine d’années, elle s’installe à Vitrolles en 2004 et y crée la Fête de la Paix. Devenue Cosmopolizen Festival en 2011, la fête est de nouveau renommée cette année et retrouve le domaine de Fontblanche pour l’essentiel de sa programmation. Dans cet écrin de verdure la démarche éco-citoyenne, indissociable du festival, accompagnera les concerts et l’ensemble des animations. Du 16 au 20 juillet, les valeurs sûres et les découvertes musicales animeront l’immense parc vitrollais. En ouverture, la journée du 16 juillet sera dédiée aux plus jeunes. Le matin, ateliers, jeux ou spectacles seront proposés aux 2-6 ans, et l’après-midi, les plus de 7 ans pourront s’initier au graff ou aux percussions brésiliennes. Le soir, scène ouverte pour découvrir de jeunes talents, avant le concert des Marseillais de Drunksouls.


Suds à Arles :

un tour du monde des poings levés

Découvertes et têtes d’affiche, concerts frénétiques ou spectacles intimistes, stages 44 et projections, le festival fait toujours événement F E S T I V A L S

M U S I Q U E

Les Suds Arles du 14 au 20 juillet 04 90 96 06 27 www.suds-arles.com

par les épatantes Mahotella Queens que le festival a déjà présentées en 2001. À ne pas manquer également cette année : Calexico, Susheela Raman, Winston Mcanuff & Fixi, David Krakauer, Magic Malik et nos coups de cœur de la Région : Dupain et Ahamada Smis (récent prix de l’Académie Charles Cros).

DakhaBrakha © Maxime Shumilin

THOMAS DALICANTE

Nuits Métis,

populaire et solidaire Trois jours de fête en musique et d’arts pluridisciplinaires, accessibles à tous. C’est ce que propose pour la 21e édition Nuits Métis, sur les berges du plan d’eau de Saint Suspi à Miramas. Avec comme feuille de route une appropriation de la diversité culturelle et la connaissance des cultures d’ailleurs. Car au-delà d’offrir un plateau d’artistes non formatés régionaux et internationaux, la marque de fabrique de l’association est de mener tout au long de l’année un travail d’éducation populaire et de lien social en direction des publics du territoire, notamment jeunes, ainsi que des actions de coopération internationale. En haut de l’affiche, les Toulousains de Zebda, relancés en 2011 après huit ans de pause, repartent en tournée pour dévoiler quelques titres d’un nouvel album attendu au mois d’août. Sur scène, la bande à Magyd, Mouss et Hakim a le don de transmettre son envie de lutter pour une société plus juste assumant son identité plurielle. Autre David Walters © C. Boyer

Poétique et politique. Ce sont les deux qualificatifs employés par la directrice des Suds à Arles, Marie-José Justamond, pour définir l’ambition de cette 19e édition. Avec comme mots d’ordre deux concepts chers à Edgar Morin : résistance et reliance. La première face à «l’uniformisation des musiques, des cultures, de la pensée» ainsi qu’à «la substitution du pouvoir politique par le pouvoir financier». La seconde parce que la semaine arlésienne veut «ouvrir une fenêtre qui parle au monde et du monde avec le désir de partager avec tous d’autres manières d’être présents au monde, sans peurs.» Le festival de musique du monde ne va pas convoquer pour autant des meetings dans l’enceinte du théâtre antique mais les artistes accueillis reflèteront inévitablement l’actualité et les problématiques des pays dont ils sont originaires. C’est particulièrement vrai pour Dakhabrakha, cet «ethno-chaos band» de Kiev, en Ukraine. Un quartet lumineux aux voix puissantes, accompagnées par des instruments indien, arabe, africain, russe et même australien, qui crée une véritable performance entre chants sacrés et néo-folk. Loin de la guerre civile, le Syrien Omar Souleyman (chroniqué lors de son concert d’ouverture de la Villa Méditerranée à Marseille) est passé du statut d’ambianceur de mariage à celui d’icône du son alternatif arabisant. Renouvelant le traditionnel dakbé en l’électrifiant, il a créé une techno-syrienne qui a franchi les frontières jusqu’à intriguer l’exploratrice de sons Bjork qui a convié le crooner à remixer son titre Crystalline. La voix de la Palestine s’exprimera à travers Tamer Abu Ghazaleh, figure talentueuse de la nouvelle scène arabe, pour la première fois en France. Oudiste multi-instrumentiste, ce songwriter s’inspire aussi bien des grands poètes arabes que des aspirations de son peuple, souvent avec humour. On entendra aussi des artistes de Tunisie (Nadia Khaless Trio), d’Iran et de Turquie (Kayhan Kalhor, Erdal Erzincan, Cigdem Aslan) ou encore de Cuba (Chucho Valdès). Six mois après la disparition de Nelson Mandela, il était difficile de ne pas inviter à la fête la lutte contre l’Apartheid en Afrique du Sud. Et quel musicien plus emblématique que Johnny Clegg pour cela ? Il sera précédé en première partie

groupe phare de la programmation, les numéros 1 du reggae «made in France» : Dub Inc. Le collectif stéphanois connait un écho planétaire grâce à une rythmique massive et à la force de frappe d’un duo de MC’s aguerris au flow dance-hall caribéen. Pour certains, Dub Inc serait tout simplement comme la meilleure formation de reggae en français de la décennie. Alchimiste de la musique afro, électro, pop et hip hop, David Walters présentera Run, son nouveau projet musical et de projection vidéo, prolongement des explorations effectuées ces deux dernières années aux quatre coins de la planète. Un voyage qui nous mènera de cérémonies Vaudou de Brooklyn, au Bailé Funk de Rio en passant par les rythmes du Gwoka dans les Caraibes et la K-Pop de Séoul. Créée pour Marseille-Provence 2013, la session Watt de Wilaya 49 reprendra corps à Miramas. Une rencontre cosmopolite entre les Marseillais du Watcha Clan, le rappeur algérien Banis de T.O.X et un de ses plus éminents homologues américains Raashan Ahmad. À noter également Wayaz, Lëk Sen, Macadam Bazar, Violons Barbares, Naïas et Zyf. T.D. Festival Nuits Métis du 19 au 21 juin Plan d’eau de Saint Suspi, Miramas www.nuits-metis.wix.com/nuits-metis



Festival d’Aix-en-Provence 46 F E S T I V A L S M U S I Q U E

La prestigieuse manifestation, dirigée par Bernard Foccroulle, se tient depuis tant de lustres dans la cité provençale qu’on a même cessé de les compter ! Peu à peu, celui qui avait pris la suite de Stéphane Lissner, en 2007, dans le périlleux rôle d’ordonnancier de l’un des grands rendez-vous mondiaux de la musique classique, et de l’art lyrique en particulier, a imposé sa pâte, son style, tout en suivant des sillons tracés. Peut-être moins «tapageur» que son prédécesseur, musicien lui-même, Bernard Foccroulle est davantage tourné vers le monde baroque. Il revendique un ancrage plus solide dans la région, ses structures, ses talents, ses publics et acteurs de demain, s’appuie sur le travail en constant développement de l’Académie Européenne de Musique, formidable vivier de jeunes artistes... Le préambule, «Aix en juin» (voir page 27) est une réussite et s’articule de mieux en mieux avec la programmation de juillet. C’est une installation sonore, moderne et surprenante de Benjamin Dupé Fantôme (…), un «concert-spectacle en immersion», qui sert de charnière, durant dix jours, aux deux volets du Festival (voir Zib’52).

Mozart toujours à l’honneur

On respecte la tradition aixoise en honorant Mozart, et en particulier son opéra chef-d’œuvre : La Flûte enchantée (1791). Cette fable rare, possède de nombreux axes de lecture : de la féerie enfantine, à la philosophie des Lumières, de la sagesse, du pouvoir et des relations homme-femme, de la condition humaine, du couple et du triomphe possible de l’Amour, de la pulsion et du désir, de la raison et des épreuves... C’est un monument auquel s’attaque Simon McBurney avec une mise en scène retrouvant «la magie des féeries théâtrales à travers son utilisation toujours poétique de la technologie et sa lecture approfondie d’un livret qui touche à l’universalité par son hétérogénéité même». Au Grand-Théâtre de Provence, Pablo Heras-Casado dirige les instruments anciens du Freiburger Barockorchester, un beau plateau de chanteurs comprenant le ténor Stanislas de Barbeyrac (Tamino) ainsi que la soprano Mari Eriksmoen (Pamina), «ancienne» artiste de l’Académie Européenne de Musique.

Haendel et Rossini

Deux autres opéras «classiques» sont annoncés au Théâtre de l’Archevêché, ou plus exactement l’un «baroque» avec Ariodante (1735) et l’autre quasi «romantique» : Il Turco in Italia (1814). Le maestro Andrea Marcon est entouré de quelques divas rompues aux œuvres du XVIIIe siècle (Sarah Connolly, Patricia Petibon, Sandrine Piau...) qui chantent un livret chevaleresque, lunaire et amoureux, tiré de l’Arioste (Orlando furioso). Une perfection musicale mise en scène par Richard Jones !

La Flûte enchantée, De Nederlandse Opera © Clarchen & Matthias Baus

On fait aussi appel à Marc Minkowski et aux Musiciens du Louvre Grenoble pour assurer la verve orientaliste de Rossini. Christopher Alden met en scène son opéra-bouffe empreint de folies et de vocalises en guirlandes lancées par la soprano Olga Peretyatko.

Schubert et Bach

Le baryton Matthias Goerne chante le cycle Die Winterreise (Le voyage d’hiver), triomphe intime et profond du romantisme germanique sur des poèmes de Heine. Au nouveau Conservatoire Darius Milhaud, William Kentridge imagine une scénographie autour des célèbres vingt-quatre Lieder. Ce sont aussi Katie Mitchell (mise en scène) et Raphaël Pichon (direction musicale) qui imaginent, au Théâtre du Jeu de Paume, en partenariat avec l’Académie Européenne de Musique, un spectacle autour de la théâtralité des Cantates de Bach : Trauernacht.

Des concerts...

Autour des productions lyriques s’articulent une vingtaine de concerts dont le premier est donné en hommage à Patrice Chéreau par l’Orchestre de Paris et la grande mezzo-soprano Waltraud Meier dirigés par Paavo Järvi (5 juillet). On entend ensuite des formations et musiciens de haut-vol, la «cheville» symphonique du festival 2014 le Freiburger Barockorchester, Jean-Guihen Queyras au violoncelle, Alexandre Tharaud au piano... L’ensemble Modern interprète des opus de Manfred Trojahn créés sur des poèmes de René Char et chantés par la soprano Sabine Devieilhe (13 juillet). Une grande soirée présente, pour l’année Rameau, sa tragédie lyrique Les Boréades (créée à Aix en 1982) en version de

concert, avec Julie Fuchs et les Musiciens du Louvre Grenoble dirigés par Marc Minkowski (18 juillet). Le festival s’achève avec un beau programme de l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée dirigé par Alain Altinoglu (24 juillet). JACQUES FRESCHEL

Festival d’Aix du 2 au 24 juillet Aix-en-Provence Aix en juin (voir Zib’74) 0820 922 923 www.festival-aix.com


Chorégies d’Orange Aller à Orange, c’est aimer la pierre du théâtre romain qui grimpe en degrés et s’assombrit dans la lumière rougeoyante du coucher du soleil, à l’heure chaude où les voix prennent miraculeusement des résonances insoupçonnées, transpercent l’air de plus en plus clairement au fur et à mesure que l’obscurité se fait... Aller à Orange, c’est vibrer aux premières harmonies de l’ouverture d’un opéra, lancé à baguette tournoyante du maestro, c’est avoir peur que l’orchestre ne mange le coffre fragile des solistes tant il sonne en exergue, au centre de l’édifice, et fait naturellement écran entre la scène démesurée, au pied de l’abrupt mur de fond, et les impressionnants gradins garnis de milliers d’âmes qui lui font face... Aller à Orange, c’est jubiler lorsque, justement, l’exceptionnel se produit, que le chanteur parvient à franchir l’obstacle, se fraye un chemin dans la masse symphonique en direction de chacun. C’est aimer l’émotion partagée, cette communion à l’art qui nous transporte auprès d’une troupe d’esclaves chantant sa libération ou dans la folle intimité d’un Maure dévoré par la jalousie... Aller à Orange, c’est avoir les yeux qui brillent devant les scènes de foules et ses ballets, les oreilles qui vibrent au volume d’un grand chœur, le souffle qui halète à la faveur du son aérien d’une soprano... Aller à Orange en 2014, c’est doublement célébrer Verdi ! Son célèbre «va pensiero» composé à

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© Philippe Gromelle Orange

l’heure du Risorgimento, est mis en scène par Jean-Paul Scarpita avec l’Orchestre National de Montpellier dirigé par Pinchas Steinberg, les voix de Martina Serafin, Karine Deshayes ou Georges Gagnidze (Nabucco, les 9 et 12 juillet). Et son chef-d’œuvre tiré de Shakespeare affiche un plateau de stars : Inva Mula, Roberto Alagna, Seng-Hyoun Ko... dirigés par Myung Whun Chung à la tête de l’Orchestre de Radio-France dans une mise en scène de Nadine Duffaut (Otello, les 2 et 5 août). C’est aussi prendre en pleine face l’«O fortuna» néo-païen initial, obsédant, de la cantate scénique Carmina Burana de Carl Orff dirigée par Michel Plasson, avec

l’Orchestre National de Bordeaux, le Chœur de l’Orféon Pamplonés et la Maîtrise des Bouches du Rhône (le 17 juillet). Deux concerts lyriques encadrent enfin les Chorégies cet été : celui des Révélations classiques de l’Adami (le 9 juillet à 18h, Cour Saint-Louis) et du duo Patrizia Ciofi & Daniela Barcellona dans un programme annonçant du pur bel canto (le 4 août). JACQUES FRESCHEL

Les Chorégies d’Orange du 9 juillet au 5 août 04 90 34 24 24 www.choregies.fr

Musiques Interdites Interdits... les juifs dans le film muet La ville sans juifs, tourné en 1924 par Hans Karl Breslauer à partir du roman éponyme d’Hugo Bettauer, écrivain juif autrichien assassiné par un militant nazi ! Sa satire de l’antisémitisme et de ses conséquences possibles dérangeait... On découvre ce long métrage d’anticipation politique projeté sur le toit-terrasse de la Friche de la Belle de mai, son style expressionniste rehaussé d’un accompagnement musical électro mixé par Pierre Avia (2 juillet). Interné... au Camp des Milles le musicien juif Jan Meyerowitz ! Il fut sauvé par le réseau Varian Fry et vécu dans la clandestinité des réseaux résistants... On a découvert, lors du Festival 2013, son bel opéra The Barrier. Michel Pastore réunit, autour de cette re-création, des interviews à propos de sa présence dans le midi de la France. En regard, Claudia Sorokina (soprano) et Frédéric Leroy (baryton) chantent des

extraits de son opéra et un cycle inédit de mélodies accompagnées au piano par Vladik Polionov (5 juillet, La Friche). «Dégénéré»... Arnold Schoenberg ! Cumulant avant-gardisme et judéité, le compositeur a fui l’Allemagne nazie en 1933... Son chef-d’œuvre, le Pierrot lunaire (1912), demeure un geste lyrique fondamental pour la lecture de l’art moderne. La soprano Brigitte Peyré et l’Ensemble Télémaque donnent vie aux poèmes symbolistes d’Albert Giraud. Raoul Lay crée également un opus de Philippe Hersant Qui rapportera ces paroles ?, composé d’après la pièce de Charlotte Delbos, «une tragédie qui se passe dans un camp de concentration». Des lycéens récitants, formés en partenariat avec l’ERAC, le plasticien Philippe Adrien, le peintre performeur Dominique Pichou et la formidable basse Nicolas Cavallier participent à l’événement (6 juillet, La Friche). Exilé... Erich Wolfgang Korngold. Son

ultime opéra Die Kathrin, dont la création avait été annulée à Vienne par les nazis en 1938 (et l’an dernier au festival), est joué dans une adaptation condensée, mise en espace et actualisée... Une partie de l’action se passe à Marseille dans les années 30 et traite d’une histoire d’amour franco-allemande. Le plateau de chanteurs qui exhume l’œuvre est secondé par l’Orchestre symphonique de la Garde Républicaine dirigé par Sébastien Billard (8 juillet, Cour de la Préfecture des B.d.R). J.F.

9e festival Musiques Interdites du 2 au 8 juillet Marseille www.musiques-interdites.eu Réservations www.lafriche.org (04 95 04 95 95) www.espaceculture.net (04 96 11 04 61) www.fnac.com

F E S T I V A L S M U S I Q U E


34e Festival de La Roque d’Anthéron

F E S T I V A L S M U S I Q U E

hauts-gradins, ou sur la dizaine de scènes alternatives, du temple historique de Lourmarin au Grand-Théâtre de Provence, des magnifiques Terrasses minérales de Gordes aux berges de l’Étang des Aulnes ou sur le Parvis de l’église de Lambesc, procurent à tous d’inoubliables émotions. C’est une expérience à vivre et revivre que le rituel des concerts, celui du voyage sur les routes d’accès, du plein air et ses nuits d’été, à l’heure où, entre chien et loup, les cigales interrompent leur chant pour laisser place au marteaux feutrés, à leur maître ! Il faut connaître l’électricité des fins de récital, ses bis en série livrés par des musiciens généreux atteignant leur point d’épuisement... des retours nocturnes et des phares en guirlande, à la queue-leu-leu, la tête pleine de notes enrobées de rêves à venir!

Ivresse pianistique

L’amateur, même novice, s’y rend au hasard : il n’est jamais déçu ! Mais les yeux du

Duo Jatekok © Christophe Gremiot

festivalier assidu s’éclairent à la lecture des noms scintillant aux programmes : des géants russes Berezovsky, Lugansky, Sokolov, Pletnev... ou Nelson Freire et Nicholas Angelich dans les Concertos de Liszt, Marc-André Hamelin, Anne Queffélec, Claire-Marie le Guay, Jean-François Heisser, Vanessa Wagner, Claire Désert dans les concertos de Martinu et Schoenberg... et Abdel Rahman El Bacha

avec sa «Nuit» de Préludes, Chamayou chantant Schubert, Laloum bécotant Mozart, Pennetier tissant son Chopin, Jude déroulant ses Nocturnes... À s’enivrer ! JACQUES FRESCHEL

Festival International de piano du 18 juillet au 17 août La Roque d’Anthéron 04 42 50 51 15 www.festival-piano.com

Festival de Chaillol «Préférant une logique de pollinisation à la concentration de sa programmation sur un seul site», le Festival de Chaillol «propose une itinérance qui invite à la découverte du patrimoine naturel haut-alpin, de ses petites églises, à la rencontre d’un pays et de ses habitants». Voilà bientôt vingt ans que l’équipe réunie autour de son directeur artistique Michaël Dian, a semé de précieuses graines dans la vallée du Champsaur et les reliefs du pays gapençais ! Ces passionnés, militant pour un développement culturel du territoire, ont établi un rapport intime avec ce dernier, y puisant même une source d’inspiration dans le domaine de la création musicale. C’est ainsi qu’en 2013 une partition de Georges Boeuf a été composée sur le récit de Jean Giono L’homme qui plantait des arbres. C’est une œuvre emblématique d’une programmation qui toute l’année, en dehors du même du festival de l’été, concilie l’exigence artistique et la valorisation du pays des montagnes ! À Chaillol, à l’image du berger Elzéard, on sème avec obstination, devoir et patience, chaque saison... Aujourd’hui les pousses ont grandi... et on augure une belle forêt pour demain ! Dans le même esprit, la création 2014,

Remy Yulzari & Nadav Lev © Arthur Moeller

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Lorsque la chaleur monte, au cœur de l’été, du coté de La Roque d’Anthéron et ses scènes satellites, les claviers ne sont guère tempérés. On y joue sur tous les tons : du jazz échevelé sous les platanes et du clavecin baroque à l’abbaye, du piano virtuose à enflammer les gradins aux dialogues subtils de la musique de chambre... On y dessine, en noir et blanc, sur les touches dentelées de machines de concerts qui happeraient d’une seule bouchée, telles des bêtes impitoyables, le moindre apprenti-musicien, de grandes pages de la vie festivalière de l’été provençal. Le Festival International de piano de La Roque d’Anthéron est l’un des plus grands du monde : ne s’y présentent que des pointures singulières, exceptionnelles, renversantes... Les artistes qui se succèdent à l’affiche des quelques 70 concerts, un mois durant, prennent place sous la grande conque acoustique du Parc du Château de Florans, poumon de la manifestation avec ses

Le grand tomple, est un opéra de poche radiophonique qu’Ivan Solano écrit sur un livret de Catherine Peillon s’inspirant du récit de l’émigration des Haut-Alpins en Amérique. Alors cet été, prenons de la hauteur en investissant les églises et châteaux du Buëch Dévoluy, de l’Avance et du Valgaudemar ou de la vallée de Tallard-Barcillonnette, pour butiner dans la floraison de propositions ! 24 concerts courent des dernières créations (commandes du festival) de Georges Bœuf et Alexandre Markeas (Ensemble CBarré) au jazz solitaire (Franck Tortiller, vibraphone)

ou en band (Nicolas Dary Septet), voire métissé (Jasmim), du beat-box (Ange B) mêlé de chant occitan (Manu Théron) au galoubet-tambourin (Belouga Quartet), du quatuor à cordes (Quatuor Bela) au piano (Simon Zaoui), du duo contrebasse & guitare (Rémy Yulzari & Nadav Lev) au clavecin baroque (Jean-Marc Aymes)... J.F.

18e Festival de Chaillol du 17 juillet au 12 août 04 92 50 13 90 www.festivaldechaillol.com


Festival Estival de Toulon et sa Région

49 Pleiades © Agathe Poupeney

Elle a du chien l’affiche du Festival Estival de Toulon et sa Région en 2014, concoctée par l’équipe d’Alain Guérin, administrateur délégué à la programmation artistique ayant succédé à Daniel Bizien. Cinq grands rendez-vous musicaux de juillet sont donnés dans les lieux habituels de la manifestation : la Tour Royale à Toulon et la Collégiale Saint-Pierre à Six-Fours. En préambule, on entend les Percussions de Strasbourg dans un spectacle chorégraphique conçu sur la musique Pléiades de Iannis Xenakis à Châteauvallon (24 juin), ainsi qu’Odyssée Ensemble & cie, spectacle familial de théâtre musical au Théâtre de Verdure du Faron (28 juin). C’est ensuite Pierre Hantaï, formidable claveciniste, qui joue la «Génération 1685», soit trois compositeurs baroques nés cette année-là : Haendel, Bach et Scarlatti (2 juillet, Collégiale). Le pianiste Georges Pludermacher interprète la Sonate n°7 de Beethoven, Kreisleriana de Schumann, la Suite bergamasque de Debussy et Gaspard de la nuit de Ravel («Le piano jusqu’à l’irréel», 3 juillet, Tour Royale). L’un des plus grands trios avec piano actuels, le Trio Wanderer, joue le Trio n°43 en ut majeur de Haydn, le Trio n°1 en ré mineur de Schumann et le Trio en la mineur de Ravel («La preuve parfaite par

trois», 7 juillet, Tour Royale). «Opéra pour la paix-Fête de Rameau» célèbre le 250e anniversaire de la disparition du musicien français baroque. Jérôme Correas dirige Les Paladins, la soprano Isabelle Poulenard et le ténor Marcel Beekman dans des extraits de Zoroastre, Les Indes Galantes, Pygmalion... (10 juillet, Collégiale). Ce sont enfin les prestigieuses «Seize cordes de Bohème» du Quatuor Prazak qui vibrent

sur la butte de Six-Fours, pour interpréter La chasse de Mozart, les Quatuors op.61 de Dvorak et n°1 «de ma vie» de Smetana (11 juillet, Collégiale). JACQUES FRESCHEL

Festival Estival de Toulon et sa Région du 24 juin au 11 juillet 04 94 18 53 07 www.festivalmusiquetoulon.com

«Une septième édition toujours sous le signe de l’authenticité, de la rencontre inattendue entre la campagne et la musique classique» déclare Jérémie Honnoré. C’est de Musique à la Ferme dont il est question, un festival original de musique de chambre situé à Lançon-Provence et dont le pianiste assure la direction artistique. Atypique, il est vrai ce festival, par le lieu-même des concerts situé dans une grange, une chèvrerie, certes aménagée pour la circonstance, mais dont la rusticité d’origine se marie volontiers avec les programmes proposés ! Six concerts en 2014 réunissent 22 interprètes de hautvol, à la réputation établie ou en devenir, dans des formations qui s’articulent du duo au quintette. Les clarinettiste Florent Héau, Florent Charpentier, le Quatuor Voce, les pianistes Marion Liotard, Hervé Billaud, Guillaume Coppola, Emmanuel Christien, les violonistes Samika Honda, Guillaume Fontanarosa, le Trio Atanassov, l’alto de Sylvain Durantel ou Emmanuel Gross, les violoncellistes Julien Lazignac, Sarah Sultan et Alexandre Lacour, Stéphane Coutable au basson et Armel Descotte au hautbois y jouent des œuvres classiques de Mozart, Schubert,

Brahms, Franck, Smetana, Dvorak, Fauré, Chausson, Ravel, Poulenc… Mais cet été la création est à l’honneur : le compositeur Lionel Ginoux, bien connu dans notre région, dont on a entendu la récente création à l’Opéra de Marseille de son Concerto pour violon interprété avec fougue par Nemanja Radulovic, est invité en résidence aux portes du Vaucluse. En formidable clin d’œil, il créé spécialement pour le festival, une commande oportune : La chèvre de Monsieur Seguin, un conte musical pour récitant (François Castang) et piano (par le maître des lieux Jérémie Honnoré) d’après le célèbre texte d’Alphonse Daudet. L’opus est présenté lors de deux concerts «en famille» à la médiathèque du Roulage. Autre commande du festival au compositeur avignonnais : une pièce pour alto et piano intitulée Isonata... À découvrir ! J.F.

Festival Musique à la Ferme du 16 au 26 juillet Lançon-Provence www.musiquealaferme.com 04 90 42 74 76 (Chèvrerie) 04 90 42 98 30 (Roulage)

Quatuor Voce © Sophie Pawlak

Musique à la Ferme

F E S T I V A L S M U S I Q U E


Cello Fan

F E S T I V A L S M U S I Q U E

Coudon Quatuor Bela © X-D.R

Romberg laisse place à l’exécution d’œuvres de Krystof Maratka (1972-) (joué par François Slaque) ou Mathieu Névéol (1981-). Bartók, Tchaïkovski, Boccherini, Mozart, Beethoven sont à la fête. Pique-nique convivial, master class et un parfum d’Afrique pour finir… Le violoncelle ? International assurément ! MARYVONNE COLOMBANI

Festival Cello Fan du 27 juin au 2 juillet Callian 04 94 47 75 77 www.callian.fr

Festival de guitare de Lambesc 43° 39’ 6.24’’ N 5° 14’ 22.59 E. Rares sont les lieux de spectacle indiqués de cette manière, vous en conviendrez. Cela donne déjà un parfum de dépaysement, d’aventure… on est à deux doigts de prendre une boussole ! Rassurez-vous, personne ne se perd vraiment dans la quête du Château Pontet Bagatelle (D.15 route de Pélissanne) qui ouvre son parc au Festival international de guitare de Lambesc, concocté avec discernement et amour tout au long de l’année par l’Association Aguira. Des guitaristes venus d’Amérique latine (et oui, il n’y en a pas que pour la coupe du monde !), d’Espagne, d’Italie, de France présenteront des œuvres savantes ou populaires, de l’époque baroque à nos jours ainsi que leurs propres compositions. On aura le privilège d’entendre Jérémy Jouve, le duo Themis, Giovani Grano (Italie), Ruben Parejo (Espagne), Jorge Cardoso (Argentine), Sylvie Dagnac, l’orchestre d’enfants Guitarles Académie, Luz Maria Bobadilla (Paraguay). Particularité de cette édition : l’Octet Vocal Aguira interprètera dans la transcription de J. Cardoso pour huit voix, deux guitares et percussion, le Canto

General de Pablo Neruda mis en musique par Mikis Théodorakis. Cette formation réduite permettra de rendre hommage au poète et à une œuvre qui est l’un des symboles de l’Amérique Latine. Parallèlement une exposition ainsi qu’une tombola avec une guitare en jeu ajoutent à l’atmosphère bon-enfant de cette manifestation originale et d’une remarquable qualité. Jérémy Jouve © X-D.R

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Le violoncelle est roi au village médiéval de Callian situé dans le pays de Fayence. Pour la 14e édition du festival Cello Fan, une trentaine de musiciens se donnent rendez-vous. Aux violoncelles, violons, altos, piano, accordéons, mêlent leurs voix ainsi que la soprano Helen Kearns, premier prix et prix du public au concours international de chant Klassic-Mania. Éclectique, le programme parcourt les univers de la musique classique, baroque et contemporaine. On entendra ainsi le Concerto pour deux violoncelles de Paul Tortelier qui aurait eu cent ans cette année, des pièces de Pablo Casals. Marcel Bardon et Dominique de Williencourt rendront hommage à Jean-Louis Florentz (1947-2004) avec entre autres le Second chant de Nyandarua pour douze violoncelles. L’acrobatique Sonate pour violoncelle seul, opus 8 de Kodaly sera interprétée par le virtuose Ormezowski ; l’instrument devient cymbalum, tambour, harpe, cornemuse... Curiosité, la Sonate Arpeggione (instrument entre la guitare et le violon) de Schubert. Compositeurs classiques, baroques, contemporains sont abordés avec un égal bonheur par ces passionnés de classe internationale. La musique de salon autour de Bernhard

Les Nuits du

M.C.

14e Festival international de guitare de Lambesc du 29 juin au 5 juillet Château Pontet Bagatelle, Lambesc 04 42 92 44 51 www.festivalguitare-lambesc.com

Deux soirées de concerts pour la dixième édition des Nuits du Coudon, organisées par la ville de La Valette. Le Domaine du Coudon offre un écrin de choix à ce festival classique. Le Chœur Régional PACA, créé en 1989 par Michel Piquemal, et dont la qualité n’a rien à envier aux professionnels, s’attache à faire découvrir des œuvres peu connues tout autant qu’à servir les grands classiques du répertoire. Ainsi sera interprété Indianas du compositeur argentin Carlos Guastavino (1912-2000), au romantisme luxuriant qui s’inspire de la musique populaire, puis, dans cet ambitieux programme pour chœur et piano, la Messe en ré d’Anton Dvorak. Le lendemain, une formation plus réduite certes, mais d’un immense talent, le groupe Les Voix animées nous entraînent dans l’Europe de la Renaissance pour un superbe spectacle FOLIA ou éloge de la folie. Érasme n’est pas loin ! Josquin, Lassus, mais aussi une création de Dimitri Tchesnokov, jeune artiste contemporain qui a déjà vu certaines de ses compositions interprétées par cet ensemble. Il est d’ailleurs réjouissant de voir que le répertoire ne se cantonne pas à une époque précise, mais s’ouvre aux richesses actuelles avec la même passion et la même verve que pour les plus anciennes. Les six voix a capella sous la direction précise et sensible de Luc Coadou savent transcrire les divers registres des œuvres interprétées, de la poésie rêveuse à la distanciation ironique. Il est rare d’avoir la possibilité d’assister à des concerts d’une telle tenue pour un prix aussi modique (5 euros). Raison de plus pour se hâter aux pieds du Coudon ! M.C.

Les Nuits du Coudon les 6 et 7 juillet Domaine du Coudon, La Valette-du-Var 04 94 23 62 06 culture@lavalette83.fr

© Choeur régional


Flavia Coelho © Roch Armando

On s’échappe ? «Escapade (n.f.) : action d’échapper un certain temps aux obligations de la vie quotidienne». Que voici une définition affriolante, pour attirer le festivalier en mal de détente ! Dès le début de l’été, le Théâtre Durance lui assurera un moment d’évasion dans deux communes des Alpes de Haute-Provence. Cela commencera Place de la République à Peyruis, avec Le rêve d’Erika le 3 juillet : du cirque chorégraphié, magnifié par la voix d’une chanteuse lyrique, Pauline Larivière. Le lendemain, c’est à la ferme de Font-Robert (Château-Arnoux) que l’on pourra onduler au son de la rumba congolaise de Black Bazar, après avoir rêvé un peu sur les textes de James Fontaine, mis en musique par le groupe Juste Avant Que Les Mots Sonnent. Enfin le 5 juillet, l’exotisme le plus brûlant sera au rendez-vous dans cette même ferme, avec deux destinations de choix : l’île de la Réunion, et le Brésil. Du chanteur Tiloun, on dit qu’il est le Léo Ferré de l’océan indien, le roi du maloya, un grand défenseur de l’identité créole. Quant à Flavia Coelho, révélation dans la catégorie musique des Femmes en or 2013, elle est réputée pour sa présence scénique et son exubérance, forgée par des années de cabaret. Les parenthèses enchantées sont censées être brèves, mais trois jours, cela n’est déjà pas si mal, surtout lorsque le plaisir ne vous coûte pas trop cher... et ces escapades-là sont entièrement gratuites. GAËLLE CLOAREC

Les Escapades du 3 au 5 juillet Peyruis, Château-Arnoux/Saint-Auban 04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr


Fête de la musique

Mus’iterranée

MARSEILLE. Le 21 juin. Alcazar Entrée libre dans la limite des places disponibles www.bmvr-marseille.fr

P R O G R A M M E M U S I Q U E

Les six chanteurs reprennent à Toulon (après l’Abbaye du Thoronet) le troisième volet de leur cycle «Entre pierre et mer». On entend, a cappella, de la «Musique sacrée à Rome» de deux compositeurs qui se sont croisés dans la cité papale à la Renaissance, un programme de musique traitant de la Nativité : la Messe O magnum mysterium de Palestrina et des Motets de Lassus (22 juin à 17h30, Temple de Toulon). Et en clôture du cycle de concerts, on retourne à l’abbaye cistercienne. «Entre le lion et le lys» décline de la Musique sacrée des Pays-Bas de Josquin, Ockeghem, Obrecht, Lassus et une création de Dimitri Tchesnokov (6 juillet à 18h45, Abbaye du Thoronet).

Au début juillet, le festival qu’organise Guy Laurent avec son ensemble de musiques patrimoniales est consacré à André Campra l’Aixois. Dans la chapelle fraîche de la rue La Cépède, Les Festes d’Orphée déclinent quatre concert et deux conférences (gratuites les 3 et 5 juillet à 18h), afin d’embrasser l’art du compositeur baroque aixois le plus célèbre aujourd’hui, que la postérité privilégie parmi la pléiade de musiciens qui ont œuvré à Saint-Sauveur. C’est Campra et le théâtre, l’église et la chambre que l’on revisite avec la première audition en recréation des Muses rassemblées par l’Amour Idille mise en musique par M.Campra (6 et 7 juillet), sa musique religieuse (9 juillet) ou ses Cantates (11 juillet). AIX. Du 3 au 11 juillet. Chapelle du Sacré-Cœur 18e Festival de Musiques Patrimoniales Aix en baroque 04 42 99 37 11 www.orphee.org

Un voyage à travers des musiques du monde afin, selon les mots de Leopold Sedar Senghor, de «vivre le particularisme jusqu’au bout pour y trouver l’aurore de l’universel» ! On file au large de l’Arménie (Levon Minassian-Doudouk) et du Portugal (Carina Salvado-Fado), puis vers l’Espagne (Trio Fernandez -Flamenco), la Perse en passant par le Maghreb et le Moyen-Orient (Trio Yamm-Chant, oud, zarb). AIX. Les 25 et 26 juin. Cloître des Oblats 06 09 31 81 39 www.laboiteamus.com

TOULON, LE THORONET 06 51 63 51 65 www.lesvoixanimees.com

Dernier week-end de Chaillol

Les Festes d’Orphée © X-D.R

Festival de Robion

Orchestre Philharmonique du Pays d’Aix

Sa tournée d’été affiche 10 concerts gratuits dans les communes du Pays d’Aix. Les musiciens interprètent sous la direction de Jacques Chalmeau Il était une fois l’Amérique avec la Suite Symphonique Star Wars de John Williams (à Bouc-Bel-Air le 24 juin et Mimet le 26 juin), puis Mozart for ever : sa Petite musique de nuit, sa Symphonie concertante pour violon (Roland Muller) et alto (Jean-Baptiste Brunier) et sa 25e symphonie en sol mineur (au Tholonet le 29 juin, Peyrolles le 4 juillet, Vauvenargues le 5, Coudoux le 6, Peynier le 9, Vitrolles le 10, Jouques le 11, Saint Estève Janson le 12 juillet). PAYS D’AIX. Concerts à 21h www.lestheatres.net www.orchestre-philharmonique-aix.com

L’association du Festival de Robion organise, en 2014, la 18e édition du Festival de Musique du Monde. Le Festival est issu d’une dynamique associative villageoise qui s’est développée autour d’un beau Théâtre de la Verdure. Il invite à un «voyage endiablé, de Buenos Aires à Beyrouth, en passant par Kinshasa, Berlin, Toulouse et Rio, un détour par la Jamaïque et le Cap Vert, pour finir au pied de l’Atlas avec Titi Robin». ROBION. Du 10 au 19 juillet (Vaucluse) 04 90 05 84 31 www.festivalderobion.com Armelle Ita © Clement Puig

A U

Les Voix animées

Chantal Santon Jeffrey © C.H. Jeffery

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Aix en baroque

Levon Minassian © X-D.R

La musique de film envahit l’Alcazar ! Un jeune orchestre d’harmonie de près de quarante musiciens, l’Ensemble musical du Sud, fait résonner cuivres et bois entre les rayons de livres et les coursives étagées. Tout commence à 15h30 par une prestation place René Sarvil (arrière de la BMVR), se poursuit Cours Belsunce à 16h, avant le concert dans la Salle de conférence à 17h.

Jacques Chalmeau © Agnès Mellon

Un projet atypique, autour de la soprano Chantal Santon Jeffrey, «work in progress» faisant référence au Recital for Cathy de Luciano Berio et aux errances d’Ariane abandonnée sur l’île de Naxos ! Elle est accompagnée par Bruno Helstroffer (guitares, théorbe) pour quatre concerts à Ancelle, Montmaur, Montgardin et La Chapelle en Valgaudemar (05). Récital A du 26 au 29 juin 06 82 81 87 42 www.festivaldechaillol.com



Musique en vacances Tout un programme organisé par l’A.M.E.I. (Association Méditerranéenne d’Échanges Internationaux) à La Ciotat ! On entend des opus classiques comme le Stabat mater de Pergolèse ou Les quatre saisons de Vivaldi, une relecture originale de Carmen «in swing», de la musique ancienne ou des gospels, un opéra «de poche» de Hasse, un autre «de chambre» d’après la correspondance de Clara et Robert Schumann, des duos classiques et divers ou des reprises des Beatles, du piano et des «petits chanteurs»... Soit une vingtaine de concerts dont un bon nombre gratuits (sur réservation).

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LA CIOTAT. Du 11 au 27 juillet 19e festival Musique en vacances www.tourisme-laciotat.com/festivals/festival-musique-en-vacances

Les Violons de France © X-D.R

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MARSEILLE. Le 27 juin. La Maison Hantée Léda Atomica Musique 04 96 12 09 80 http://ledatomica.mus.free.fr

Pour la fête de la musique, la Caisse d’Épargne PACA, avec le soutien du magazine étudiant Magma, lance un concours aux talents du territoire : Pulse with Music. Vous êtes un musicien ou un groupe (amateur) de la région PACA, Corse, Martinique, Réunion ou Guadeloupe ? Vous jouez du rock, du jazz, de l’électro ou du baroque, et vous produirez sur scène le jour de la fête de la musique ? Tentez votre chance (inscriptions jusqu’au 20 juin) et récoltez, à l’issue du concours, des chèques de 2000 euros (premier prix) ou 1000 euros pour le second. Et pour les votants (du 21 juin au 31 juillet), un tirage au sort permettra aussi de remporter des lots. Pulse with Music www.facebook.com/planete.caisse.epargne

Pour fêter l’arrivée de l’été en musique, Montévidéo, le GRIM et Diphtong Cie ont tout prévu. Et c’est autour de l’invité d’honneur joyeusement dadaïste, l’Allemand Félix Kubin, considéré comme la figure majeure de la musique électronique déviante, qui oscille dans des registres allant de la pop futuriste à la musique de chambre, en passant par du théâtre et des pièces radiophoniques, que la soirée s’organisera. Avant son concert décoiffant (à 22h), des déhanchements musicaux pour échauffer les oreilles seront l’occasion, dès 19h, de se dégourdir les jambes avec un Dj set composé par les musiciens de Montévidéo, du GRIM, d’Actoral et Diphong Cie. À 23h30, Marseille Manhattan prendra le relais pour un Dj set Vecteur Vitesse d’envergure, où tous les styles seront mixés pour finir la soirée dans une fête musicale décapante : new-wave, disco, hip hop, rockabilly, chachacha, twist et électric funk… La capacité d’accueil étant limitée, il est vivement conseillé d’arriver dans les premiers…

Le 4 juillet, la Mesón se déplace hors les murs, au Parc Maison Blanche, pour la poursuite de la 4e édition du Flamenco Extramural ! Spectacles flamenco, tablao, bals sévillans seront au rendez-vous (gratuit). Así Fue, Así Será vous plongera dans l’histoire d’une rencontre à l’image du flamenco, ardente, festive et sensuelle, Antonio El Titi fera résonner sa guitare entre le duende fiévreux du flamenco, musique latine et improvisations jazz et Elodie Tenant une hisoitre contée par des mots, des musiques et des danses. Toujours dans le cadre de Musiques au jardin, le 3 juillet, Kabbalah, Lil’Butt et le Dj set de Suprem Clem et Big Buddha, auront réchauffer la scène de leurs rythmes yiddish, soul ou hip hop. MARSEILLE. Les 3 et 4 juillet. Parc de la Maison Blanche 04 91 50 11 61 www.lameson.com

MARSEILLE. Le 21 juin. Montévidéo 04 91 37 97 35 www.montevideo-marseille.com www.grim-marseille.com www.diphtong.com

Felix Kubin © Sönke Held

Trip-hop à la sauce marseillaise ? Post-rock climatique ? Fruit de la collaboration entre Phil Spectrum et Clis Gaul pour rapporter l’histoire du bandit de grands chemins Jerry Trigger, ce récit en chanson sera en concert à la Maison Hantée le 27 juin. Une électro sombre et sensuelle qui devrait séduire les amateurs du Velvet, de Nick Cave ou de cold wave.

Pulse with Music !

Flamenco Extramural Fête de la musique à Montévidéo

Así Fue, Así Será © Alexandra Rivet

M U S I Q U E

Yes baby !

Phil Spectrum et Clis Gaul © X-D.R

P R O G R A M M E



Regards sur le Cinéma Israélien

Je t’ai dans la peau

Le cinéma César à Marseille accueille du 18 au 24 Juin, les 15e Regards sur le Cinéma Israélien. Le 19 juin à 20h30, Le procès de Viviane Amsallem de Ronit et Shlomi Elkabetz, en présence du parrain du festival Pascal Elbé, présenté par Xavier Nataf. Dernier volet de la trilogie dont seront aussi programmés Prendre femme (2005) et Les sept jours (2008). Le 24 juin à 20h30, The Green Prince, troisième volet d’une trilogie documentaire sur l’espionnage de Nadav Schirman, primé au dernier festival de Sundance.

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Cinéma César, Marseille 09 75 83 53 19 www.cinemetroart.com www.judaicine.fr

Polygone Étoilé, Marseille 04 91 91 58 23 www.polygone-etoile.com

L’ex de ma vie

Le 19 juin à 20h30, au cinéma Le Prado à Marseille, projection en avant-première du dernier film de Dorothée Sebbagh, L’ex de ma vie, en présence de la réalisatrice et de la comédienne Géraldine Nakache. Ariane (Géraldine Nakache) une jeune violoniste, accepte la demande en mariage enflammée de Christen (Pascal Demolon), un irrésistible chef d’orchestre. Seul hic : la jeune femme n’est pas vraiment disponible puisqu’elle est encore mariée à un instituteur italien (Kim Rossi Stuart) qu’elle n’a pas vu depuis deux ans… Cinéma le Prado, Marseille 04 91 37 66 83 www.cinema-leprado.fr

Perdus entre deux rives Perdus entre deux rives de Rachid Oujdi © Comic Strip production

Le 27 juin à 20h, au cinéma Les Variétés, projection en avant-première de Perdus entre deux rives, Les Chibanis oubliés, un documentaire de Rachid Oujdi, en présence de l’équipe du film. Venus d’Algérie, entre 1951 et 1971, seuls, pour travailler en France, ils prévoyaient, un jour, de repartir au Pays. Les années se sont écoulées, ils sont maintenant retraités. Et sont toujours là… Cinéma Les Variétés, Marseille 04 96 11 61 61 www.cinemetroart.com

Le 28 juin à 20h30 au Polygone Étoilé, sortie du numéro 3 de la collection de livre/ DVD Cinéma Hors capital(e) : Je t’ai dans la peau de Jean-Pierre Thorn. Rencontre avec Jean-Pierre Thorn et Achille Chiappe, réalisateur d’un film consacré au tournage marseillais. Film flamme prolonge son travail de révélation du cinéma à Marseille. Textes inédits et films en mastérisation originale. Je t’ai dans la peau, inspiré par un fait divers -le suicide d’une syndicaliste de 52 ans- a été tourné à Marseille. «Le livre consacré à Je t’ai dans la peau veut établir à la fois, l’histoire inouïe de la réalisation du film et celle de sa résurrection où enfin il rencontre un public.»

Méditerranéennes…

Le 29 juin à 18h, le CMCA propose à la Villa Méditerranée le documentaire Méditerranéennes, mille et un combats réalisé par Serge Moati, en collaboration avec Clément Lebateux et coécrit avec Hind Meddeb. Un voyage en Méditerranée, du côté des femmes, à la rencontre des «Méditerranéennes». Dans les révolutions en Tunisie comme en Égypte, des femmes ont été en première ligne pour manifester leur soif de démocratie et de liberté tout comme d’autres femmes en Espagne, en Israël mais aussi en Italie ou au Maroc ! Artistes, juristes, journalistes ou femmes citoyennes et militantes, elles disent non à la dictature et à l’injustice sociale, au harcèlement sexuel et à l’instrumentalisation de leur corps. Non aux lois qui les emprisonnent. CMCA-Centre Méditerranéen de la Communication Audiovisuelle, Marseille 04 91 42 03 02 http://primed.tv/le-cmca

Classiques de l’été

Comme chaque été, l’Institut de l’image à Aix propose de revisiter les classiques avec, cette année, un focus sur l’œuvre de Samuel Fuller en cinq films, dont Dressé pour tuer d’après Chien Blanc de Romain Gary, Le Port de la drogue, La Maison de bambou, Shock Corridor et The Naked Kiss. Christophe Honoré, invité par les Écritures croisées aura une Carte Blanche et présentera les 25 et 27 juin Dans Paris, Les Bien-aimés ainsi que Prénom Carmen de Jean-Luc Godard. En hommage à Patrice Chéreau, récemment disparu, l’Institut de l’Image propose début juillet trois films et deux mises en scène d’opéras : Elektra le 7 juillet à 18h, présenté par Waltraud Meier et Vincent Huguet et De la maison des morts, en collaboration avec le Festival d’Aix. Le 12 juillet à 20h, Dominique Blanc et Charles Berling présenteront Ceux qui m’aiment prendront le train. Institut de l’Image, Aix-en-Provence 04 42 26 81 82 www.institut-image.org

Images Contre Nature

Lame de fond de Perrine Michel © En rouge dans la marge

Du 2 au 5 juillet, au théâtre des Chartreux, aura lieu Images Contre Nature, festival international de vidéo expérimentale #14. En ouverture, le 2 juillet, Les Rêveurs d’Emmanuel Vigier et Séverine Mathieu, suivi de Lame de fond de Perrine Michel, primé à Clermont-Ferrand et à Créteil. En clôture, le 5 juillet, focus sur Franssou Prenant, actrice avec Albertine, le souvenir parfumé de Marie-Rose (1972) de Jacques Kebadian et réalisatrice avec I’m too sexy for my body, for my bo-o-o-dy (2012). Association P’Silo Théâtre des Chartreux, Marseille 04 91 50 18 90 www.p-silo.org

La Bella Gente

Le 29 juin à 18h30 à l’Eden-Théâtre de La Ciotat, Art et Essai Lumière propose La Bella Gente (Les Gens bien) d’Ivano de Matteo. Alfredo, architecte et Suzanna, psychologue, cinquantenaires à l’allure juvénile et au regard intelligent, vivent à Rome mais passent leur week-end et leur été dans leur maison de campagne. Après avoir vu une jeune prostituée humiliée et frappée par un homme au bord de la route, Suzanna décide de sauver cette jeune fille… Après la projection, débat animé par Maurizio Longano de l’association DANTE. Art et Essai Lumière, La Ciotat 04 42 83 20 57 www.artetessailumiere.fr

Cinéma Renoir

En juin, le cinéma Renoir, à Martigues, accueille deux soirées. Le 19 à 18h, en partenariat avec la FSU, RESF et la LDH, La Cour de Babel : pendant un an, Julie Bertuccelli a filmé les échanges, les conflits et les joies d’un groupe de collégiens de toutes nationalités, âgés de 11 à 15 ans, réunis dans une même classe d’accueil pour apprendre le français. Puis, le 26 juin à 18h, soirée «musique et cinéma» : un récital de Robin Bertoncini (trompette) et Emmanuel-Laurent Culcasi (piano), suivi de la projection de Thirty two short films about Glenn Gould de François Girard. Empruntant la structure des Variations Goldberg de Bach, le réalisateur tente de cerner en 32 fragments le pianiste virtuose Glenn Gould. Cinéma Renoir, Martigues cinemajeanrenoir.blogspot.com


Sous le signe de Marguerite La Vie matérielle, La douleur, Les Yeux verts, cela vous parle ? Oui, Marguerite, dit-elle. Eh bien, vous avez deviné : si le FID 2013 a été pasolinien, l’édition 2014 sera durassienne ! C’est en effet sous le signe de l’écrivaine-cinéaste que se déroulera, du 1er au 7 juillet, la 25e édition de ce festival «exigeant, qui propose le meilleur pour tous» comme l’a rappelé son Délégué général, Jean-Pierre Rehm.

Écrans parallèles

Quatre des écrans hors compétition présenteront des films inédits ou rares et permettront de revoir 14 films de Marguerite Duras, de Détruire, dit-elle (1969) à Son Nom de Venise dans Calcutta désert en passant par Les Enfants (1985) ou Le Navire Night. La Java de la source (composée par Jean-Christophe Marti) est un écran dédié au son : on y verra, outre India Song, dix films qui feront voyager d’Inde au Japon, de Turquie en Espagne et on pourra, au théâtre Silvain entendre Pink Floyd, live at Pompéii d’Adrian Maben. Les Yeux Verts, titre d’un numéro spécial des Cahiers du cinéma, est l’écran des Sentiers, en partenariat avec Fotokino, une sélection de 6 courts destinée aux plus jeunes. Deux autres écrans parallèles : El Futuro,

consacré au cinéma espagnol contemporain, propose des films qui pensent politiquement tout en renouvelant les formes cinématographiques, comme El Futuro de Luis Lopez Carrasco ou Stella cadente de Lluís Minarro, en partenariat avec CineHorizontes. Et The Exile, un hommage à Oscar Micheaux, pionnier du cinéma afro-américain.

Films en compétition

Tsai Ming Liang dont Voyage en occident sera présenté en partenariat avec la région PACA, préside le Jury de la compétition internationale : 15 films, en première internationale ou mondiale, venant de 12 pays dont la Syrie ou la Croatie. Deux films belges : Before we go de Jorge León et I comme Iran où Sanaz Azari, la réalisatrice, apprend à lire et écrire le persan, sa langue maternelle. En ouverture, le 1er juillet au Silo, Das Grosse Museum de l’Autrichien Johannes Holzhausen trace le portrait du Kunsthistorisches Museum Wien. Valérie Massadian présidera le Jury de la compétition française, dix films dont un portrait du cinéaste chilien Patrizio Guzman par Boris Nicot ou Tourisme international, voyage en Corée du Nord, de Marie Voignier, une «habituée du FID». Ou encore Ce qu’il reste

de la folie de Joris Lachaise, une plongée dans l’hôpital psychiatrique de Thiaroye, une banlieue de Dakar, où la cinéaste et poète Khady Sylla avait été internée. Le plus difficile sera d’arriver à gérer sa frustration car avec 134 films projetés de 28 pays parmi les 2300 films reçus, le choix ne sera pas aisé. Il faudra se déplacer du MuCEM ou de la Villa Méditerranée au cinéma les Variétés, à l’Alcazar, à la Maison de la région. On aura peut-être aussi envie d’entendre les 10 candidats du FIDLAB présenter leurs projets ou voir les réalisations des 11 étudiants d’écoles de cinéma et d’art qui participent au FID campus avec la monteuse Dominique Auvray et les cinéastes Valérie Jouve et Ghassan Salhab qui donnera une Masterclass, comme Tsai Ming Liang. Bref, il y en a pour tous les goûts et on pourra tous se retrouver pour la séance de clôture qui aura lieu le 7 juillet sur l’esplanade du Fort Saint-Jean. ANNIE GAVA

FID Festival International de Cinéma 04 95 04 44 90 www.fidmarseille.org


La Nuit cannoise 58 C I N É M A

Alors que se déroulait la cérémonie de clôture du 67e Festival de Cannes, 300 enseignants et étudiants vivaient leur marathon des 27 heures de cinéma dans la salle du Miramar, ayant pris la suite des spectateurs de la Semaine de la Critique. Pour cette 32e édition de Cinécole, fruit d’une collaboration entre l’Académie de Nice, Cannes Cinéma et la ville de Cannes, quatre des sélections avaient proposé leurs choix de films à une commission d’enseignants de l’académie de Nice qui ont retenu 11 longs métrages et deux courts. Une programmation inégale et un peu décevante : seuls deux films de la compétition internationale dont le dernier film de Ken Loach, Jimmy’s hall, qui raconte l’histoire (vraie) de Jimmy Gralton, un communiste irlandais, exilé pendant dix ans en Amérique après la guerre civile, qui revient en 1932 dans son village irlandais, pour s’occuper de la ferme maternelle. Les jeunes lui demandent de rouvrir le Jimmy’s Hall, un lieu où l’on joue du jazz, où l’on danse, où l’on discute. Un lieu «subversif» qui renaît, provoquant la colère de l’évêque et des propriétaires terriens. La lutte sera rude... «Ensemble nous luttons pour mieux comprendre nos vies !» Quand Jimmy Gralton harangue la foule, il est clair qu’il est le porte-parole du cinéaste et de tous les opprimés. Un film généreux, aux décors, costumes et casting soignés, sans originalité formelle, certes, mais qui fait du bien en ces jours sombres. Deuxième film, plein de grâce, Still the water de la Japonaise Naomi Kawase, qui parle de la vie, de la mort et de l’amour. «Pourquoi faut-il que les gens naissent et puis, ensuite, qu’ils meurent ? Je ne comprends pas» demande une des protagonistes du film, la jeune et belle Kyoko (Jun Yoshinaga) dont la mère (bouleversante Miyuki Matsuda) va mourir, sereine, face au banian, entourée de sa famille qui interprète la «danse d’août», manière d’accompagner, sur l’île d’Amami, les partants vers la mort. La séquence est bouleversante. La caméra semble caresser les visages, mettant le spectateur au plus près de leurs émotions. Coup de cœur de Cinécole, tout comme le premier long métrage du jeune cinéaste américain Damien Chazelle, Whiplash, sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs, qui suit le difficile parcours d’Andrew (Miles Teller) qui rêve de devenir l’un des meilleurs batteurs de sa génération. Humiliations cruelles, tortures psychologiques sont les méthodes «pédagogiques» de son maître, Terence Fletcher (J.K. Simmons), qui s’appuie sur la légende selon laquelle Charlie Parker serait devenu Bird après une humiliation publique et qui répète sadiquement «Ce n’est pas mon rythme !». La confrontation sera terrible entre Andrew et Terence. Whiplash a d’abord été un court métrage ; peut-être quelques séquences sont-elles de trop mais le film est brillamment écrit et monté, comme une partition musicale, les gros plans nous mettant au cœur du jazz et de la souffrance, et le dernier solo de batterie est sublime. Autre film très réussi, sélection aussi de la Quinzaine, At li layla, premier long métrage de l’Israélien Asaf Korman, l’histoire de Chelly (Liron Ben-Shlush),

Whiplash de Damien Chazelle © Ad Vitam

Still the water de Naomi Kawase © Haut et Court

surveillante dans un lycée, qui s’occupe de sa sœur Gabby (formidable Dana Ivgy), handicapée mentale, s’interdisant toute vie personnelle. Leur relation d’étroite dépendance, leur quotidien ritualisé vont être perturbés par l’arrivée de Zohar, un professeur de gymnastique qui travaille avec Chelly. La force du film vient de la mise en espace de ce drame qui se déroule essentiellement dans leur petit appartement et c’est dans ce huis clos étouffant que l’on prend conscience du lien fusionnel, plein d’amour et de haine qui unit les deux sœurs. La scène du bain où Chelly plonge à plusieurs reprises la tête de Gabby et la maintient quelques secondes sous l’eau en est un exemple évident. Un film sur l’enfermement familial plein d’émotion… On pourrait citer aussi un autre film israélien, original, de la Semaine de la critique, Boreg de Shira Geffen qui met en scène de chaque côté du mur une artiste israélienne et une ouvrière palestinienne ainsi que Le Challat de Tunis de

Kaouther Ben Hania, soutenu par l’Acid, qui évoque un fait divers devenu une légende urbaine ; un film qui fait s’interroger le spectateur sur la frontière entre fiction et documentaire. Et si «les films avancent comme des trains, tu comprends, comme des trains dans la nuit», les «Cinécoliens» n’ont pas quitté le train et c’est pleins d’images et d’émotions qu’ils sont rentrés chez eux après ce long voyage en cinéma. ANNIE GAVA

La 32e édition de Cinécole a eu lieu les 24 et 25 mai à Cannes


Salle comble et comblée ce 27 mai à l’Alhambra qui pour la 10e fois proposait la reprise de treize des films de la Quinzaine des réalisateurs, trois jours après le palmarès cannois, en présence d’Edouard Waintrop, délégué général de la sélection et de Céline Sciamma venue présenter Bande de filles, son troisième opus, qui met brillamment en scène quatre actrices non professionnelles, épatantes de justesse. Marieme (Karidjia Touré) a seize ans, vit en région parisienne entre un frère brutal et macho, deux petites soeurs, une mère fatiguée par les ménages. Elle devient Vic en rejoignant une bande de trois loubardes blacks qui se rêvent «ladies», ne craignent personne, se battent comme des mecs, volent un peu, parlent, rient beaucoup et trop fort, s’inventent femmes, loin du regard des garçons, soudées par leur refus de se couler dans le moule offert par l’école et leur famille. D’une certaine façon, le film joue aussi sur un refus, celui de verser dans un cinéma de banlieue. Pas de rap, pas de caméra à l’épaule tressautante, pas de flics, pas de discours sociologique sur les problèmes des zones sensibles, de la

Bande de filles de Céline Sciamma © Pyramide Films

Quatre à la Treizaine

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tension mais pas de haine. La réalisatrice suit l’éducation sentimentale d’une jeune fille qui aurait pu, en un autre temps, être héroïne de Jane Austen. Elle la détache, dès le début, du groupe de footballeuses qui se délite peu à peu du stade à la cité, la serre dans le cadre, saisit les corps dans des travellings millimétrés ou dans des plans séquences élaborés comme celui, déjà fameux, de la danse des filles à l’hôtel sur Diamonds de Rihanna. Marieme naît à l’image dans le rythme d’une partition électro-pop-soul, dans les vibrations des

Dernier combat C’est en présence de la réalisatrice Mika Gianotti accompagnée d’Augustin Giovannoni philosophe et de Colette Giacomi, présidente de la section Marseille-Centre de la Ligue des Droits de l’Homme, que le cinéma César a proposé le 5 juin une séance débat modérée par J-.F. Nesplaz, autour du documentaire Liberté chérie. La vieillesse devrait être une récompense pas la punition qu’elle devient lorsque la personne «chosifiée» perd autonomie, jugement, libre arbitre. Le film ne montre pas cette détresse qui reste hors champ, mais dont l’idée redoutable est au premier plan La question se pose en amont à chacun des huit protagonistes d’un cercle restreint, jeunes et vieux mêlés, et dont la réalisatrice fait partie : «Quand est-ce que

cela deviendra insupportable pour moi ?» Quand je ne pourrais plus dire non, suggère l’un. Quand on décidera à ma place, répond l’autre. Quand je n’aurai plus de plaisir, dit celle-là. La cinéaste, quant à elle, aimerait «mourir comme un chien» puisqu’on abrège les souffrances d’un animal mais pas celles des êtres humains. Le documentaire autobiographique et subjectif prend la forme d’un collage : photos (évocation d’une insouciante jeunesse qui «s’imagine k’ça va, k’ça va durer toujours...»), extraits de films, tableaux, dessins de Piem (si vieux et si drôle !) interviews, conversations autour d’une table, dans un salon, ou chez un vétérinaire, lectures, rappel des grandes lois du siècle dernier en faveur de la dignité humaine (abolition de la peine

rouges et des bleus, déjà présentes dans Tomboy. On sent l’énergie positive du non qui fonde sa liberté tout comme la force et la vulnérabilité de sa jeunesse. La fin reste ouverte. Marieme quitte le cadre pour un combat bien incertain. ELISE PADOVANI

Le film sort en salles le 22 octobre Écoutez aussi l’interview de Celine Sciamma sur la Webradio Zibeline

de mort, légalisation de l’avortement), et plaidoiries en faveur d’une législation sur le droit de mourir. Car, là comme ailleurs, il y a inégalité. Les plus fortunés ou les plus avertis ont des réseaux, partent en Suisse comme on allait autrefois en Belgique interrompre une grossesse non désirée. Le ton reste léger mais l’horrible marionnette qui se glisse d’une séquence à l’autre, semble ricaner devant cette liberté qu’on chérit sans savoir si on nous la laissera jusqu’au bout.

P C OI N L ÉI M T AI Q U E C U L T U R E L L E

E.P.

Le documentaire Liberté chérie de Mika Gianotti a été projeté au cinéma César à Marseille le 5 juin

s ue niq ro ch s no , es nc no an les es ut to e sit e tr no sur Z ve Retrou et tous nos articles Et venez écouter des entretiens, des débats, et des chroniques sur notre webradio

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Caroline Le Méhauté

La galerie de la Fondation Vacances Bleues où elle a résidé trois mois a été une véritable source d’inspiration pour Caroline Le Méhauté qui n’a pas hésité à «se faire peur». Et nous avec ! Dès le seuil Suspensio agit comme un punching-ball par sa monumentalité fragile, son équilibre précaire, sa structure invisible, sa chaleur organique. L’intrigue est telle qu’on n’imagine même pas se glisser dessous pour voir ses entrailles… En contrepoint, l’artiste a punaisé un bel ensemble de dessins laissant poindre des objets flottants et des zones colorées. M.G.-G. Suspensio jusqu’au 4 juillet Fondation Vacances Bleues, Marseille 6e 04 91 00 96 83 www.fondation-vacancesbleues.com

A U P R O G R A M M E

Caroline Le Mehauté, Fondation Vacances Bleues, Négociation 70 Suspensio © Cloé Defossez

Marc Étienne/Marc Étienne

Une exposition à double entrée, et à double titre, qui déploie sculptures, vidéos et dessins. Une exposition en miroir conçue comme «un projet d’écriture d’opéra schizophrénique» où cohabitent un plasticien et un fan de musique (le même ou l’autre ?), des créations personnelles et des productions de fabricateurs d’objets. Sans oublier les objets de sa -ou de leur- fascination. Vous avez dit schizophrénique ? M.G.-G. Marc Étienne/Marc Étienne jusqu’au 12 juillet Galerie du Château de Servières, Marseille 4e 04 91 85 42 78 www.chateaudeservieres.org

Cézanne et la modernité

A R T S

Le musée Granet accueillera la collection de l’homme d’affaires américain Henry Pearlman (18951974) composée principalement d’œuvres d’artistes européens dont 24 Cézanne et impressionnistes, post-impressionnistes, réalistes et modernes de la première heure. 50 peintures, aquarelles et sculptures entre-autres de Courbet, Degas, Gauguin, Lipchitz, Manet, Modigliani, Kokoschka, Renoir, Soutine, Van-Gogh... C.L.

V I S U E L S

Exposition Marc Étienne, galerie Château de Servières, 2014 © X-D.R

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Chefs-d’œuvre de la collection Pearlman du 12 juillet au 5 octobre Musée Granet, Aix-en-Provence 04 42 52 88 32 www.museegranet-aixenprovence.fr Oskar Kokoschka , Henry Pearlman, 1948 (huile sur toile, 101,6 x 76,2 cm) Fondation Henry et Rose Pearlman – Prêts de longue durée au Princeton University Art Museum

© Adrian Schiess, FRAC Marseille, 2014

Adrian Schiess

L’artiste suisse allemand a vécu 20 ans à Mouans-Sartoux avant de s’installer dans le Jura suisse… rien d’étonnant s’il a laissé des traces à Six-Fours, dans le Var, où il a notamment réalisé 22 vitraux pour la Collégiale SaintPierre-aux-Liens ! Mais pour la première fois, il signe une «exposition d’auteur» au FRAC et le résultat est bluffant, l’artiste ayant réussi le mariage parfait entre ses peintures et l’espace : des œuvres comme des traces éphémères, des notes chromatiques, les cailloux du Petit Poucet… M.G.-G. Peinture jusqu’au 31 août FRAC, Marseille 2e 04 91 91 30 47 www.fracpaca.org


Jannis Kounellis, Untitled, 1988, verre, plomb, alcool, 569 x 407 cm © Hôtel de Gallifet, 2014

Materia prima

L’Arte Povera et le Minimal Art ont participé exemplairement à l’avènement de l’art contemporain. Sept œuvres représentatives de ces deux esthétiques, parfois confondues, appartenant au très discret collectionneur aixois Francis Solet sont accueillies dans les salons XVIIIe de l’Hôtel de Gallifet, dont celles de Carl André et Bruce Nauman présentées au public pour la première fois aux côtés de Jannis Kounellis et Mario Merz. C.L. L’énergie des matériaux : Arte Povera et Minimal Art du 1 juillet au 31 août Hôtel de Gallifet, Aix-en-Provence 09 53 84 37 61 www.hoteldegallifet.com

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Le domaine des murmures #1

P R O G R A M M E

Douze plasticiens et créateurs sonores, tous «poètes», s’emparent du parc et des dépendances du Château d’Avignon pour créer, en interaction avec le domaine, des parcours inédits. Leurs œuvres donnent à voir ou à entendre, éveillent les sens, mettent le promeneur-auditeur en alerte, créent l’illusion, invitent au voyage… Un programme exclusif de concerts et de performances sera proposé le week-end d’ouverture : que la fête commence ! M.G.-G. Le domaine des murmures #1 du 19 juillet au 19 octobre Château d’Avignon, Saintes-Maries-de-la-Mer 04 13 31 94 54 www.chateaudavignon.fr Le placard de sa mère, , détail © Jean-Christophe Lett

© ADAGP Cassière - Autoportrait au Schizophone, Pierre-Laurent Cassière, 2006

Jean-Jacques Surian

L’univers onirique et fantasmagorique de Jean-Jacques Surian trouve sa juste place dans la maison de l’artiste Edgar Mélik. Là, entre les murs voutés, l’atelier et la chapelle, ses personnages grotesques et aimables, ses scènes inspirées, ses histoires échevelées, ses figures iconiques (Cézanne, Dante, Van Gogh, aujourd’hui Alice et Shéhérazade) se teintent de plus de mystère encore. D’une saisissante densité. M.G.-G. En Alice et Shéhérazade jusqu’au 29 septembre Musée Edgar Mélik, Cabriès 04 42 22 42 81 www.musee-melik.fr

© Kimiko Yosida, 2014, a-part Japon

a-part en guerre

Cent ans après la der des der, la 5e édition du festival a-part part en guerre contre la guerre, avec un ensemble d’œuvres contemporaines installées dans la place forte des Baux-deProvence en écho aux gravures de Goya, Les désastres de la guerre, présentées en parallèle à l’Hôtel de Manville. Sur d’autres champs des Alpilles, il faudra partir à la levée des drapeaux réalisés spécialement par les artistes invités des précédentes éditions. C.L. 5e festival a-part du 4 juillet au 31 août Les Baux-de-Provence et Alpilles www.festival-apart.org

A R T S V I S U E L S


L’été, la nuit

Les dispositifs de Delphine Gigoux-Martin incitent à s’interroger sur l’écart nature/culture avec ce qui ressort du réel comme de l’imaginaire. Son installation conçue spécifiquement pour le Cairn combine d’immenses wall drawings au fusain suggérant des forêts avec des renards taxidermisés, projections d’images mouvantes d’animaux marins, photos documentaires retravaillées à la pointe sèche. Un livre d’artiste est édité à 200 ex. numérotés et signés. C.L. Lorsque l’été lorsque la nuit jusqu’au 21 septembre Musée Gassendi/Cairn centre d’art, Digne 04 92 31 45 29 www.musee-gassendi.org

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© Delphine Gigoux-Martin, CAIRN Centre d’art, Digne-les-Bains, 2014 Une sculpture monumentale de Nicolas Sanhes, Fondation Pierre et Poppy Salinger, 2014 © Nicolas Sanhes Studio

A U P R O G R A M M E

Nicolas Sanhes

... Quatre grands principes stylistiques : le vide comme force / la ligne comme tension / le temps comme pulsation / l’espace comme respiration qui s’articulent autour de 2 principes : le principe d’analogie et le principe de résonance... c’est ainsi que Nicolas Sanhes décrit les fondements de ses sculptures monumentales. La fondation Pierre et Poppy Salinger lui ont offert une carte blanche totale pour fêter ses dix ans d’activité. C.L. Sculptures monumentales jusqu’au 15 octobre Fondation Pierre et Poppy Salinger, Le Thor 04 90 02 14 33 www.pierresalinger.org

A R T S

Carole Solvay & Alexandre Hollan

L’écomusée l’Olivier donne carte blanche à deux artistes pour s’emparer de cet arbre mythique, sa puissance, sa symbolique… Le résultat ? L’installation Rêve d’Olivier de Carole Solvay qui marie plumes et branches pour donner un nouveau souffle à un olivier mort ; les dessins Oliviers hors du temps sur le papier sans cesse retravaillés par Alexandre Hollan qui capte nœuds et tensions de l’arbre, jusqu’à saturation. La confrontation de leurs minutieux regards vaut que l’on s’attarde à l’ombre de l’olivier. M.G.-G.

V I S U E L S Installation de Carole Solvay, Olivier mort et pennes de plumes, Écomusée l’Olivier 2014 © X-D.R

Rêve d’olivier Carole Solvay Oliviers hors du temps Alexandre Hollan jusqu’au 4 novembre Écomusée l’Olivier, Volx 04 92 72 66 91 www.ecomusee-olivier.com Marbre gravé, série réalisée pour la vente Leclere, 2014 © Luc Dubost

Hannibal

Explorer les limites de l’œuvre d’art ? En poussant, par exemple, un éléphant aménagé grandeur nature, de 200 kg par les sentiers de Larche (Alpes de Haute-Provence) à Cuneo (Italie) avec l’aide éventuelle rencontrée lors de ce périple/performance. Artiste-marcheur, Luc Dubost aura besoin de tous les soutiens avant et après son départ le 15 août. Une série de pièces uniques gravées dans le marbre sera mise en vente chez Damien Leclere le 17 juin. C.L. Not for highway use/le syndrome Hannibal http://lucdubost.wix.com/not-highway-hannibal www.leclere-mdv.com



Soupirs d’Alice

64 A U P R O G R A M M E A R T S V I S U E L S

Le Festival des arts éphémères a connu une 6e édition moins éclatante que celle de l’an passé (voir Zib’64), laquelle était particulièrement réussie. C’est peut-être la thématique, pourtant joliment intitulée «L’heure des rêveurs» et inspirée de l’œuvre de Lewis Carroll, qui n’a pas déclenché l’émulation espérée par les deux commissaires d’exposition, Erika Negrel et Lydie Marchi. Malgré une impression d’ensemble plutôt inégale, on retiendra le travail de Wilfrid Almendra, qui déposait sur les pelouses de Maison Blanche une aile de deltaplane faite de tuiles, opposant avec délicatesse le poids du matériau et l’esprit de l’envol. Pénétrer dans L’édifice persistant de Sandra Lorenzi déclenchait une profonde réflexion sur le passage du temps, le vieillissement contre lequel il n’est nul refuge. Sur un îlot de l’étang, l’œuvre de Benjamin Marianne intitulée Malay in Wonder Island emmenait en douceur le visiteur vers des sentiers imaginaires, dans l’ombre d’une grotte jonchée de coquilles. Œufs de dinosaures, éclosion de nymphes ? Peut-être pas d’évocation directe du parcours d’Alice au pays des merveilles, mais une poésie certaine, et un sens assuré de l’imprégnation du public. On est resté beaucoup plus froid devant certains projets reliés très -trop ?- littéralement

Malay in Wonder Island, Benjamin Marianne © Gaëlle Cloarec

à l’univers carrollien. Ainsi en était-il des Lapunks de Denis Brun, hybridation criarde «d’un corps de nounours et d’une tête de lièvre», lapins que l’on n’aurait pas l’impulsion de suivre... D’autres installations laissaient étrangement perplexe, comme Le Passage de Manu Li Wanzxu : on saisissait bien l’idée d’un chemin ou d’un marchepied vers les nuages, mais la dégradation rapide du matériau (un torchis d’argile et de paille) dans ces

conditions d’exposition à l’air libre finissait par desservir l’œuvre au lieu de la souligner. GAËLLE CLOAREC

Le Festival des arts éphémères a eu lieu du 22 mai au 7 juin dans le parc et les salons de Maison Blanche à Marseille

Codétenue avec Claude Lévêque ! Monter au 5e étage de la Cité Radieuse Le Corbusier pour partager un moment d’intimité avec Claude Lévêque et la propriétaire du lieu, Audrey Koulinsky, directrice de la galerie parisienne Coullaud & Koulinsky, est une expérience qui ne se refuse pas. D’abord parce que l’invitation est inédite, ensuite parce s’immerger dans la Cellule516 revisitée par l’artiste réserve de beaux dialogues avec l’espace et l’horizon, enfin parce que l’hôte-galeriste prend le temps de converser sur l’art et l’architecture contemporains. Sur la vie quotidienne aussi, mesurant objectivement la qualité de l’appartement et ses limites. Cette expérience, Claude Lévêque l’a vécue à trois reprises pour sa carte blanche exceptionnelle : libre à lui de déplacer le mobilier, de vider les étagères, de dormir à son aise, de déjeuner face à la mer… bref, d’interroger les possibilités de la Cellule516 pour qu’elle reste vivable tout en étant l’objet de son imaginaire créatif ! Dans ce logis «monument historique», restauré mais préservé dans son jus, meublé à l’identique

Claude Lévêque, Sans titre, 1991-2014, Ligne de couverts inox suspendus par le manche à hauteur des yeux, Parcours in situ être plus fou que celui dans face, Cellule 516, Cité Radieuse Le Corbusier, Marseille © ADAGP Claude Lévêque. Courtesy the artist and kamel mennour, Paris

ou presque, l’artiste a eu à cœur «de comprendre ses fonctions et le quotidien des habitants» avant de décider «d’installer des pièces existantes ou jamais montrées», ou encore «de ressusciter d’anciennes œuvres sous de nouvelles formes ou dispositifs». Réfléchissant sur l’ambivalence de l’architecture utopique du Corbusier qui est, selon lui, «un lieu d’aliénation car la vie y est autonomique voire autarcique», son intervention repose sur un jeu d’objets : «Un choix de pièces à vivre, c’est une

collection d’objets, de situations qui se prêtent au lieu, à l’espace, à l’histoire de la cellule.» D’où cette combinaison originale d’œuvres au vocabulaire qui a fait sa réputation (comme cette inscription en néon «être plus fou que celui d’en face» tirée d’un article de Libération, lumineux clin d’œil à l’immeuble du Fada), d’installation autobiographique («il n’y a rien de plus beau qu’une tente à l’intérieur» à propos de la tente plantée dans le parquet de la chambre à coucher parentale)

et de pièces inspirées directement de sa relation particulière au paysage : «On est ici en suspens, l’apaisement fait qu’on n’a plus envie de sortir.» De là à confectionner une suspension de cuillères et de fourchettes qui tintent au vent… Aussi, à peine la porte refermée, on regrette déjà de ne pas rester plus longtemps entre terre et ciel ! Heureusement, Audrey Koulinsky a invité en résidence l’auteure Chantal Thomas qui, par la fiction ou le récit, racontera sa propre conscience du lieu dans un texte à paraître l’an prochain. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

À voir Être plus fou que celui d’en face jusqu’au 30 août sur rendez-vous, accès gratuit, durée 45 minutes Cellule516, Le Corbusier, Marseille 8e www.cellule516.com

À lire Absalon Cellule516, zone d’art habitée Éd. Dilecta, collection Les actes de la cellule516, 20 euros


Brooklin/Marseille/Saint-Chamas Dans l’ancienne poudrerie royale de Saint-Chamas, Look&Listen, un nouvel espace d’exposition allume la mèche de l’art contemporain Brooklin/Marseille/Saint-Chamas... un axe pour l’art contemporain auquel on ne s’attendait pas tant l’année 2013 avait monopolisé les esprits vers la capitale de la culture. Si Marseille est reconnue pour la vitalité de son réseau associatif en faveur de l’art contemporain (l’exposition actuelle s’est ouverte avec le Printemps de l’Art Contemporain), ce dernier trouve aussi ses supporters hors métropole provençale. L’artiste Yifat Gat vit et travaille depuis plusieurs années dans ce village à l’écart des grands événements. Les activités se multipliant et son atelier devenant trop exigu, ainsi que la rencontre avec Rob de Oude à New York, ont été à l’origine de Look&Listen sur Saint-Chamas et de ce premier échange entre artistes, suivi d’une présentation new-yorkaise en retour. Sur environ cent mètres carrés -mais le bâtiment offre bien plus-, cet espace consacré à l’art réunit un atelier d’artiste, une galerie et salle d’exposition, un espace pédagogique

d’un lieu historique et patrimonial comme d’un environnement naturel préservé. L’opportunité d’une nouvelle équipe municipale attentive aux différentes formes de la culture en est un autre. On attend donc avec grand intérêt la programmation à venir. L’exposition d’inauguration présente les œuvres de Andrew Zarou, Carleen De gauche à droite, Didier Petit, Yifat Gat, Michel Barjol, Claire Coli-Collin © C. Lorin/Zibeline Zimbalatti, Claire Colin-Collin, Clinton pour les publics avec des ateliers réguliers le samedi. Pour Yifat Gat, en charge de la King, Didier Petit, Jérémie Delhome, Meg direction artistique : «Il s’agit de mettre en avant Lipke et Michel Barjol. le processus artistique et moins le résultat. CLAUDE LORIN Mais nous avons l’intention aussi de réaliser Brooklyn/Marseille des projets spécifiques où différentes formes depuis le 24 mai d’expression pourront se rassembler.» Un Look&Listen accueil pour des résidences d’artistes est Ancienne Poudrerie, Saint-Chamas d’ores et déjà prévu. Dans cette perspective, 06 19 01 53 97 le site de l’ancienne poudrerie royale est www.looklisten.com un atout unique dans le village, bénéficiant


Soleil pour tous À Saint-Rémy-de-Provence le musée Estrine récemment rénové et agrandi fait sa réouverture avec une exposition monographique consacrée à Eduardo Arroyo

66 A U P R O G R A M M E A R T S

Dans le jardin suspendu, Instant IX, acier peint de Stéphane Guiran © C. Lorin_Zibeline

V I S U E L S

Situé à la marge entre des villes de culture plus renommées, Saint-Rémy-de-Provence n’en poursuit pas moins le renforcement de ses équipements et offres culturels à destination de ses habitants et visiteurs. Ainsi, dernièrement, avec la réouverture attendue du musée Estrine. Le projet mûrissait depuis longtemps dans les cartons de l’association Présence Van Gogh en charge de ce bel hôtel du XVIIIe abritant une collection réputée. L’installation au siècle dernier du peintre cubiste Albert Gleizes et d’autres créateurs en région saint-rémoise est à l’origine d’un ensemble s’enrichissant progressivement de nombreuses signatures: Prassinos, Leroy, Marchand, Rebeyrolle, Zadkine, Alessandri, Bioulès, Pincemin, Lapie... La mise aux normes muséographiques et d’accueil conformes à son label Musée de France (partagé avec le musée des Alpilles), comme son agrandissement, étaient donc devenus nécessaires. La difficulté principale -enchâssement dans un centre urbain complexe exigu- se ressent quelque peu à l’intérieur, ou dans le jardin suspendu, mais a permis cependant le doublement des espaces d’exposition qui gagnent en fluidité. L’architecte, Corrado De Guili Morghen1 a suivi une ligne tout en retenue

Eduardo Arroyo, Madrid-Paris-Madrid, 1985, huile sur toile, 250x200cm. Collection particulière © Eduardo Arroyo

compréhensible pour le bâti existant même si on aurait apprécié une signature plus affirmée de l’extension et du jardin contrastant avec l’immeuble ancien, avec plafonds à la française et gypseries décoratives. Le dispositif du Centre d’interprétation Van Gogh a été complètement réactualisé pour offrir une interface plus attractive et interactive. Celui-ci vient renforcer la fonction pédagogique avec des ateliers agrandis dont les actions constituent un axe majeur du musée, affirmait encore le président Philippe Latourelle lors de l’inauguration. La nouvelle programmation a vu le jour avec une nuit espagnole (titre emprunté à une œuvre de Francis Picabia), sélection d’œuvres du peintre iconoclaste Eduardo Arroyo. Pour la commissaire Elisa Farran son œuvre narrative et polémique s’inscrit parmi les artistes explorant les questions de la figuration déjà présents dans la collection permanente. L’événement se dédouble sur la même période avec un Mano a mano Arroyo/Matieu à la Chapelle Saint Laurent-Le Capitole d’Arles. Suivront Les Chemins du silence de Jean Martin-Roch en septembre. CLAUDE LORIN

Eduardo Arroyo, La nuit espagnole jusqu’au 7 septembre Musée Estrine, Saint-Rémy-de-Provence 04 90 92 34 72 www.musee-estrine.fr Agence Fabrica traceorum, Marseille/Budget ville St-Rémy : 1 548 811 euros HT, Conseil général des Bouches du Rhône :1 078 569 euros, Conseil régional PACA : 179 761euros et mécénats Crédit Agricole, Lyon’s Club, Fondation Vacances Bleues, Monsieur Pierre Bergé

1

20 ans, un

départ ?

Si les résultats de l’étude de faisabilité du déménagement du Musée d’art contemporain de Marseille en lieu et place du Centre de la Vieille Charité, attendus pour la fin de l’année, entérinent les vœux de Jean-Claude Gaudin, la ville y perdra-t-elle un musée ? À moins de travaux importants et délogements conséquents des habitants actuels, au vu de la monumentalité de certaines œuvres des collections et des exhibitions du [mac], et de l’absence de réserves de la Vieille charité, le regroupement du musée d’art contemporain avec les arts océaniens et ce qui reste du musée d’archéologie semble peu réaliste, surtout si l’on veut continuer à programmer à la Vieille Charité de grandes expositions temporaires comme Visages… Mais il est question également de rouvrir le J1 pour y loger l’art contemporain ? Sur l’emplacement actuel du [mac] il est prévu d’installer une bibliothèque nouvelle génération. Pourquoi ce déménagement ? Son éloignement du centre ville amputerait la fréquentation du musée… raison qui oublie que, lorsqu’il était correctement doté par la Ville, le [mac] s’était fait une réputation et un public ! Pour l’heure, il regarde justement dans le rétroviseur son beau passé, et puise dans ses collections et celles du FRAC pour fêter dignement ses 20 ans. Le maitre de cérémonie Thierry Ollat, qui a succédé en 2006 à Nathalie Ergino


Paul Delvaux,

cet illustre oublié…

à sa direction, a souhaité un anniversaire festif et performatif en confiant les clefs du vernissage à André Fortino, Katarina Christl, John Deneuve & Doudouboy. Du point de vue muséal, l’exposition est avant tout historique (structuration chronologique autour des trois périodes fondatrices) et pédagogique (l’accrochage guide le regard du spectateur et favorise le dialogue entre les œuvres et les courants d’art). Elle est bien sûr un hommage à ses pairs fondateurs Bernard Blistène et Philippe Vergne qui ont signé et entraîné dans leur sillage quelques-unes des plus prestigieuses expositions de Marseille. C’est donc en choisissant de mettre l’accent sur la collection qui a fait vivre le musée au niveau national et international que son actuel directeur rend compréhensibles les choix de ses prédécesseurs : «Ce panorama permet de rendre compte de tout le travail de transmission, d’études, de recherches, d’expériences et de diffusion accompli par le musée». Aujourd’hui, la partie visible de l’iceberg est une circulation foisonnante d’images, de couleurs, d’idées et de formes. Un héritage à retrouver, en espérant qu’il redevienne facteur d’avenir. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI et AGNÈS FRESCHEL

Le [mac] a 20 ans jusqu’au 28 septembre [mac] musée d’art contemporain, Marseille 04 91 25 01 07 www.marseille.fr

Vue de l’exposition Le MAC a 20 ans © MGG/Zibeline

nouveau

À la marge des Surréalistes, le peintre belge Paul Delvaux (18897-1994) a disparu depuis longtemps des écrans radars. À tel point qu’une seule œuvre figure dans les collections d’un musée français : L’Acropole, au Musée national d’art moderne de Paris ! À tel point encore que, cette dernière décennie en France, seul Le Bellevue à Biarritz a éclairé la genèse de son œuvre, tandis que le musée Cantini embrasse toutes les périodes pour en souligner les méandres, les obsessions, les particularismes. Une œuvre surréaliste à tendance classique dans le sillage d’Ingres et de Poussin dont il était un profond admirateur. On peut hypothéquer que cette amnésie a pris sa source dans le schisme entre les Surréalistes et l’artiste, ce dernier s’étant toujours tenu à l’écart de leurs activités par volonté de garder son indépendance de pensée. D’où, peut-être, sa présence en demi-teinte dans nombre d’expositions sur le mouvement. À moins que ce ne soit la fantasmagorie développée autour de la figure féminine qui l’ait rendu hermétique, infréquentable, incompris ? Car, à observer minutieusement ce que Laura Neve nomme «L’énigme féminine» dans le catalogue de l’exposition, une analyse freudienne de sa peinture serait bienvenue… Des années 20 à sa mort, la femme a été l’un de ses leitmotiv avec les paysages, les gares, le squelette, l’antiquité, le couple, thèmes à priori dissociés et périodiques que Paul Delvaux a réussi parfois à assembler.

Comme dans Les Courtisanes qui met en perspective des femmes caryatides, un paysage désertique, une architecture gréco-romaine… La femme donc, à la manière expressionniste dans les années 30 sous l’influence de James Ensor, la femme squelette, la femme mystérieuse, tentatrice (La Vénus endormie ! au cœur d’une fête foraine), la femme convoitée (Tam, inaccessible dans sa jeunesse pour cause d’interdiction de mariage par sa mère, avant d’être sa seconde épouse et modèle), la femme énigmatique, courtisane, martelant de ses chairs nues jusque son inconscient (deux femmes, l’une endormie, l’autre en lévitation barrent l’espace du Rêve). Femmes diaphanes et archétypales dans Le Dialogue qui marie froideur chromatique et décor surthéâtralisé. Comme si, en passant de la représentation à la désincarnation, il les délestait de leur humanité : «objets» parmi les objets de son panthéon. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

À voir jusqu’au 21 septembre Musée Cantini, Marseille 6e 04 91 54 77 75

À lire Paul Delvaux, le rêveur éveillé Textes Georges Banu, Olivier Cousinou, Laura névé, Régine Rémon, Baldine Saint Girons, Gaëtane Warzée Édition Snoeck, 30 euros

Le Rêve, 1935, Huile sur panneau, 151 x 176 cm, Collection privée en dépôt au Musée d’Ixelles, Bruxelles © Fondation Paul Delvaux, St Idesbald, Belgique, ADAGP, Paris 2014 © Vincent Everarts, Bruxelles

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Dissection des apparences La Vague des Sentiments progresse au CAC d’Istres avec l’artiste berlinoise Heidi Sill. Son œuvre s’en prend aux signes, codes et idéaux du féminin sans concession

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L’apprentissage traditionnel de la sculpture ou du dessin nécessite la connaissance de la morphologie interne du corps afin d’en mieux représenter l’enveloppe externe. Dans ses dessins de grand format qui évoquent des planches anatomiques, Heidi Sill retourne cette enveloppe des apparences et dans même mouvement symbolique, par un geste précis réitéré, étrille la conception usuelle idéelle du beau. Ses portraits de visages de pseudos écorchés en sont fascinants : déjà du fait qu’ils sont aveugles, ensuite par ce que leur face se découvre en leur intérieur de chair complexe de plis en replis, de nodosités et circonvolutions qui contaminent jusqu’à la chevelure, provoquent des protubérances, des imperfections. De l’imperfection presque pure. Notons que ces portraits sont tous de

nature féminine, in-identifiables (autoportrait ou une autre ?). De même dans ses photos grand format froissées et maculées de rouge. Encore une fois l’intégrité du corps est affectée, au niveau du visage ou plus bas où se déclarent les menstrues. Heidi Sill s’en prend encore à l’identité féminine réduite jusqu’à sa disparition dans deux installations successives. Des rideaux/voiles/ traînes opalescents semblent surveillés par un miroir à pilosité sombre ; dans We refuse your desire, un mannequin sexy perruqué sur corbeille et longue traîne bleu-nuit partage une absence avec la série de collages Cut : tous ont perdu la face. Dans une autre vidéo, l’artiste s’en prend jusqu’au du bout des ongles aux signes et rites sociaux du féminin jusqu’à l’absurde. Au sein de l’exposition depuis le 10 juin, une autre artiste, Clara Scherrer, a posé un jalon de son exposition à venir avec une installation/vidéo Loups, Hiboux, Cailloux, Voyous, «vision symbolique de la forêt comme lieu d’abandon et de projections des terreurs enfantines». Femme et enfant sont-ils si proches?

Heidi Sill, We refuse your desir, installation au CAC Istres, 2014 © C. Lorin/Zibeline

La tentation du défaut jusqu’au 26 juillet Centre d’art contemporain intercommunal, Istres 04 42 55 17 10 www.ouestprovence.fr

CLAUDE LORIN

Lambert au cachot À la prison Sainte-Anne, au pied du Palais des Papes, La disparition des Lucioles s’éprouve entre fascination et contrainte

Les travaux d’agrandissement de la collection Lambert en Avignon, rue Violette, ont aussi ceci de bien : déplacer des œuvres de la galerie ou du musée dans des lieux chargés d’histoire et de mémoire nous amène à ré-appréhender les rapports entre l’œuvre d’art et le lieu, le rôle de l’art et de ses acteurs dans le corps social. L’exposition fleuve conçue par Eric Mézil -plus de 200 oeuvres- qui emprunte son titre au texte de Pasolini déplorant la disparition progressive de la culture populaire et non moins savante, laisse un sentiment étrange.

Promenade de santé

La rencontre (généralement pré-supposée positive) avec des œuvres d’art ne peut être ici anodine. Signalé par de grandes thématiques, le cheminement s’impose peu à peu en parcours quasi christique. En sauts de puce, d’une cellule à l’autre, décrépie et conservée en l’état, le visiteur/ voyeur (des œuvres visibles par les œilletons) pourrait se fondre avec un de ces internés disparus ou une espèce de maton de l’art. L’overdose (prévoir deux bonnes heures voire plus et de l’eau) guette, proche du syndrome de Florence. Libre et captif aussi de cette profusion qui mène à zapper les œuvres. Comment demander

Mircéa Cantor, Another message (VISA), 2000. CNAP, Coll. Lambert © C.Lorin/Zibeline 2014

de rester six heures pour la seule vidéo de Mounir Fatmi ? Les Electric Chair de Warhol dans ce contexte idéal perdent curieusement de leur force, tandis que Monument Odessa de Boltanski amplifie le sens. D’autres pièces introduisent de la poésie vivante et étrange chez Massimo Bartolini, Miroslav Balka, d’autres rappellent les questions fondamentales d’identité avec Roni Horn ou du temps pour Hans-Peter Feldmann, Henrik Hakansson... De cette expérience particulière émerge un sentiment confus entre l’art et la vie, affirmant et démentant le postulat de Robert Filliou «l’art c’est ce

qui rend la vie plus intéressante que l’art». Dans un registre similaire, en septembre, l’artiste chinois dissident assigné en résidence dans son propre pays, Ai Weiwei investira la prison désaffectée d’Alcatraz. Aller en prison se fait parfois librement, pour les plus chanceux. C.L.

La disparition des lucioles jusqu’au 25 novembre Ancienne prison Sainte-Anne, Avignon 04 90 16 56 20 www.collectionlambert.fr



L’éco déconne

A U P R O G R A M M E L I T T É R A T U R E

Salon Vendetta à la Friche

Les 28 et 29 juin, Vendetta, salon de la micro-édition et du multiple, est de retour pour une seconde édition. Cette année encore, l’événement installé au sein de la Friche de la Belle de Mai, dans le cadre de 48 heures Chrono (voir p.9), va mettre en avant des productions issues de la culture DIY, du fanzinat et de l’édition indépendante : artistes et éditeurs présenteront livres et éditions limitées souvent réalisées à la main et diffusées par leurs propres moyens. Au programme, deux projections du documentaire Undergronde de Francis Vadillo, suivi d’une discussion avec le réalisateur, le samedi de 15 à 17h et le dimanche de 17 à 19h au Transistor. Le public pourra également assister au 10’CHRONO, des performances, concerts solo et lectures toutes les heures pendant dix minutes de 13h à 18h ; participer à l’APERO COMIX avec la fabrication d’un fanzine collectif en sérigraphie ; ou admirer l’atelier du photographe Alphonse Alt. Plusieurs expositions

d’œuvres d’artistes seront aussi organisées : Igor Hofbauer de 13h à 19h avec un vernissage le samedi à 18h, Nadia Valentine de 11h à 19h, Yokogaga, Viktor Dvunkel ainsi qu’un vernissage de planches de bande-dessinée de Craoman le vendredi à 18h, suivi des concerts de Don Vito et Daïkiri. Les concerts seront d’ailleurs nombreux tout au long du festival à l’occasion du VENDETATATATATA !!! à l’Embobineuse. À voir, les performances de Black Metal For My Funeral, Le Singe Blanc, Warsawwasraw, Frite, Badaboum, Kaumwald, Plein Soleil, ZU ! et DJ Reck Tom. Entrée gratuite. ESTELLE BARLOT

Salon Vendetta les 28 et 29 juin Friche la Belle de Mai, Marseille http://mauvaisoeil2013.free.fr/vendetta.html

Christophe Honoré © Raphaël Neal

Littérature et cinéma

Les Écritures Croisées, en collaboration avec l’Institut de l’Image et l’Agence Régionale de livre, mettent à l’honneur, du 25 au 27 juin, Christophe Honoré, écrivain, réalisateur, scénariste, dramaturge, et metteur en scène. Une carte blanche qui lui permet d’avoir à ses côtés l’auteure Marie Desplechin, la comédienne

Ludivine Sagnier, Bernard Foccroulle, directeur du Festival International d’art lyrique d’Aix, ainsi que les journalistes Laurent Rigoulet et Gérard Meudal. Le programme mêle aux projections de quelquesuns de ses films (La Belle personne, Les biens-aimés, 17 fois Cécile Cassard, Dans Paris, Prénom carmen), des rencontres-débats qui permettent d’approcher les différents champs créatifs de l’artiste : le 25 juin à 18h, il sera question de la place de l’acteur dans son cinéma, le 26 juin de 14h à 16h30 il rencontrera les bibliothécaires, libraires et enseignants pour parler de la littérature jeunesse, puis à 18h débutera un temps de lectures ; le 27 juin à 19h, enfin, cinéma et opéra seront au cœur de la rencontre avec Bernard Foccroulle. Do.M.

À la rencontre de Christophe Honoré du 25 au 27 juin Cité du Livre, Aix-en-Provence 04 42 26 16 85 www.citedulivre-aix.com

© Igor Hofbauer

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Non, la pensée économique n’est pas à sens unique ! Pour leur deuxième édition, Les Rencontres Déconnomiques sont à nouveau prêtes à contrer le très sélect Cercle des Économistes sur son propre terrain estival, la bourgeoise Aix-en-Provence. La municipalité leur ayant refusé l’espace du Parc Jourdan, qui les avait accueillis en 2012, les invités se déploieront dans divers lieux du centre ville. Avec humour et impertinence, ils envisagent même de demander «l’asile politique» lors du cocktail de clôture des Rencontres Économiques, au Pavillon de Vendôme. Parmi eux figurent des auteurs à la pensée combative, qui trouveront peut-être là une occasion de confronter en direct leurs théories à celles de leurs confrères archi-libéraux. On s’intéressera par exemple à ce que pourra dire Jean-Pierre Berlan, spécialisé dans la «nécro-technologie» (à opposer aux bio-technologies) lors de son exposé, ou bien Hervé Kempf, intervenant sur l’avenir matériel de l’Occident, Renaud Lambert sur le Grand marché transatlantique, et Bertrand Rothé, qui se demandera pourquoi le PS a trahi la classe ouvrière. Clou des festivités, la cocasse remise des prix réservés aux économistes les plus orthodoxes, «pour leur immense travail d’enfumage dans l’espace médiatique». Notre pronostic ? Bien que la concurrence soit rude, Pascal Lamy, avec «son idée de mini jobs rémunérés en dessous du SMIC» pourrait parfaitement l’emporter. Un seul regret, mais de taille : l’absence quasi-totale de femmes au programme. Hétérodoxes ou pas, les économistes restent entre mâles. GAËLLE CLOAREC

Les Rencontres Déconnomiques du 4 au 6 juillet Aix-en-Provence 06 42 37 78 55 www.deconnomistes.org


Eh oui. S’il n’était pas mort en août 1997, William Seward Burroughs aurait cent ans cette année. Le laboratoire d’écritures et de médias Alphabetville (créé en 1999 et implanté depuis 2006 à La Friche) a tenu à fêter le centenaire de cet artiste américain hors-normes, proche de la Beat Generation, auteur d’une imposante et éclectique production (romans, essais, lettres, poèmes, enregistrements sonores, films...), infatigable pourfendeur des systèmes de contrôle de toutes sortes. Un hommage en deux temps et le moins didactique possible, histoire de ne pas offenser l’esprit frondeur et marginal de l’inventeur du cut-up. Le premier volet du diptyque s’intitule Parages de W.S Burroughs. Quelques jours en juin pour s’approcher par la bande d’une œuvre étonnante, souvent dérangeante et prémonitoire, qui a inspiré et inspire encore de nombreux artistes, musiciens et réalisateurs. En témoigne l’installation qu’on peut voir jusqu’au 21 juin dans la librairie La salle des machines (Friche Belle de Mai). Réalisée par Franck Ancel, She loves control offre un écho visuel à la chanson de Joy Division créée pour le centenaire. La première rencontre littéraire s’est déroulée à la

librairie L’Odeur du temps en compagnie de F.J. Ossang, «créateur tous azimuts» et grand admirateur de WSB depuis l’adolescence. Tout de sombre vêtu, la brosse grise mais drue, le dandy punk a chaussé ses lunettes noires pour lire quelques pages du «livre très libre» qu’il a consacré à William Burroughs, un texte dense, truffé de citations. Auxquelles il a eu la bonne idée d’ajouter trois passages de son anthologie personnelle (figurant à la fin de l’ouvrage). Trois extraits qui ont permis de mesurer l’humour corrosif de WSB et son insoumission viscérale. D’autres rencontres, littéraires, cinématographiques, radiophoniques et musicales, auront lieu jusqu’au 11 juin. Quant au second volet, prévu pour novembre, Colette Tron l’a voulu plus politique : tables rondes et conférences s’y dérouleront autour de La révolution selon W.S Burroughs. À suivre donc…

Tanger William S. Burro ughs, self portr ait,

W.S.B aurait 100 ans

À lire W. Burroughs vs Formule-Mort éditions Jean-Michel Place, 11 euros

FRED ROBERT

Parages de W.S Burroughs a eu lieu du 3 au 11 juin, F.J. Ossang était invité à la librairie l’Odeur du temps le 3 juin www.alphabetville.org

Le mythe américain à multiples facettes Marseille Objectif Danse, le cipM et le Black Mountain College, c’est une histoire à plusieurs épisodes. En juin 2012, un premier colloque réunissait Patrick Bouchain, Martin Richet, Rachel Stella, Christian Tartaing, Frédéric Valabrègue, Joëlle Zask, Eszter Salamon. Et Jean-Pierre Cometti, philosophe, traducteur, éditeur, co-auteur avec Éric Giraud du livre collectif Black Moutain College. Art, démocratie, utopie publié aux éditions PUR-Réseau des universités Ouest Atlantique. Ouvrage qui a fait l’objet d’une présentation au cipM suivie d’une performance de Joëlle Léandre, improvisatrice et compositrice qui a joué avec l’Ensemble Intercontemporain de Pierre Boulez et travaillé avec Merce Cunningham et John Cage… deux artistes qui ont fréquenté le Black Mountain College. Moment intense qui vit la contrebassiste entrer dans la performance par le son, le texte, la musique avec fougue et envie. Pour ce deuxième chapitre, MOD et le cipM ont convié les auteurs à éclairer l’histoire de cette «université» fondée en 1933 par John Andrew Rice et Theodore Dreier. Deux interventions complémentaires, la première sur la dimension politique du BMC, la seconde sur sa genèse et son exemplarité. Jean-Pierre Cometti présenta le contenu original de ce premier livre écrit en français qui ne prétend pas à l’exhaustivité mais croise des points de vue : abondamment illustré de photographies d’époque -de 1933 à la fermeture du BMC en 1957-, il retrace les différentes périodes de construction et d’évolution du projet «de créer un collège pour former des démocrates à travers des enseignements diversifiés, dans une période difficile mais pleine de vitalité que fut l’après-récession aux ÉtatsUnis». Il offre également une plongée in vivo dans le quotidien grâce à la publication d’extraits de la correspondance du poète et auteur Charles Olson qui fut «la figure majeure de la dernière partie de l’histoire du Black Mountain college (1948-1957)». Après avoir rappelé le contexte américain favorable à l’émergence de cet enseignement qui plaçait l’art au cœur des pratiques éducatives, Jean-Pierre Cometti évoqua ses conséquences sur l’art aux USA : «Quelque chose s’est implanté dans la pratique artistique, dans la conjugaison des arts sans division, dans l’art de la performance».

Performance de Joëlle Léandre, cipM_MOD 2014 © Jean-Marc de Samie

En contrepoint, Éric Giraud retraça les périodes fondatrices, nomma les figures tutélaires, souligna sa dimension communautaire et rappela que ce n’était pas une école qui formait à devenir artiste mais «un puits sans fond de spécialités, de domaines, d’expertises, de pratiques, d’actions et de réflexions». Le lendemain, MOD et le cipM écrivaient un troisième chapitre en invitant à la table quatre spécialistes de l’art américain, du Black Mountain College et de l’histoire de la danse : Judith Delfiner, Mary Holden, Anne Lucas et Christine Rodès. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Le colloque Black Mountain College s’est déroulé les 30 et 31 mai au cipM, à Marseille

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La fin d’un monde

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Joseph Boyden nous a toujours fait voyager sur les traces de son peuple, le peuple premier du Canada… Jusque-là c’était au XXe siècle, avec des Indiens d’aujourd’hui. Dans le grand cercle du monde entraîne plus loin. Dans le temps. Au XVIIe siècle précisément. Au moment où un monde bascule. Où tout va changer pour les populations natives de ces contrées de la Petite France que le «Peuple du Fer» est en train de coloniser et que les «Corbeaux» (c’est ainsi que les Indiens appellent les Jésuites encombrés de leurs soutanes noires) tentent de christianiser. Un moment-clé où l’orenda, la magie indienne -c’est d’ailleurs le titre original du roman- est jugée impure. Et de ce fait condamnée à disparaître, vaincue par une autre magie, celle du Grand Génie des Bois Charbons (l’autre surnom donné aux missionnaires chrétiens). Le récit est très documenté : on en apprend beaucoup

Dernière partie Le dernier roman de Christine Brunet, Poker menteur, clôt une série commencée avec Nid de vipères. Ce sixième thriller permet de retrouver des héros récurrents. Les noms changent afin de protéger l’identité de truands et de policiers. Axelle de Montfermy (auparavant Aloys Seignier) se voit propulsée dans une nouvelle affaire aux ramifications multiples où chacun avance dissimulé. Les capacités de l’héroïne sont proches d’une sorte d’iron-woman, sans doute grâce au Dragon bleu (explications dans le troisième tome de la série). Mais ce n’est pas ce qui importe. Si vous cherchez de l’aventure, vous serez servi. L’intrigue est menée tambour battant, les faits s’imbriquent avec une rigueur de métronome, jusqu’à la géographie des lieux dans lesquels les personnages évoluent. Marseille, ville que l’auteure connaît bien, sert de cadre à

sur la civilisation huronne, son mode de vie, les partis de traite et les partis de chasse, sur le festin des morts, les séances de guérison, le pouvoir des rêves et aussi sur la façon dont les tribus «caressent» (c’est-à-dire torturent) leurs prisonniers. Pourtant, loin d’être un banal roman historique, ou pire un récit exotique, le dernier ouvrage de Joseph Boyden emporte. Par son lyrisme, par sa puissance poétique et narrative. Trois voix s’y font entendre : celle d’Oiseau, chef de guerre huron ; celle de Chutes-de-Neige, la captive iroquoise qu’il a adoptée ; celle enfin de Christophe Corbeau, le Jésuite. Chacune d’elles trouve son ton particulier dans cette fresque puissante, qui donne vie à de nombreux personnages touchants, comme le guerrier Renard ou la «sorcière» Petite-Oie. Un superbe voyage dans le temps, dans les mots. FRED ROBERT

cette histoire de trafic de drogue international où les plus hautes sphères sont impliquées. Ne soyez pas effarouchés par l’épaisseur du bouquin, environ cinq cents pages ; il se lit comme un petit pain au chocolat. Suspens, coups de théâtre, retournements, tous les ingrédients sont là, dans un style qui ne cherche pas de fioritures. Les verbes abondent, les adjectifs sont rares, le mouvement est privilégié, laissant percevoir sous tel ou tel geste la psychologie des personnages. Les dialogues sont remarquablement construits, avec leurs silences, leurs non-dit, leurs ellipses ; les mots se posent comme autant d’amorces, de pièges, de feintes, dans cette partie de cartes cruelle où chaque erreur peut tuer. Du polar qui devrait inspirer les cinéastes ! MARYVONNE COLOMBANI

Dans le grand cercle du monde Joseph Boyden traduit de l’anglais (Canada) par Michel Lederer Albin Michel, 23,90 euros

Joseph Boyden était invité le 13 juin à Marseille et le 14 à Aix-en-Provence, dans le cadre des Escales en Librairies organisées par Libraires à Marseille www.librairie-paca.com

Poker menteur Christine Brunet Éditions Gascogne, 20 euros

La longue nuit des Harkis Ahmed Kalouaz est un écrivain prolifique, auteur de nombreux récits courts, pour ados ou adultes, publiés essentiellement au Rouergue. La plupart se situent dans notre région, la plupart parlent des enfants de l’immigration algérienne, dont la trilogie qui romance sa propre vie et s’attache au personnage de son père, puis de sa mère. Les solitudes se ressemblent raconte une histoire plus douloureuse encore, celle des enfants de Harkis. Mise à distance : la narratrice est une femme, Fatima, amoureuse d’un homme qu’on ne verra pas, passant une nuit solitaire dans une chambre d’hôtel à rassembler et rêver ses souvenirs en parcelles. Sa mémoire est précise, mais son esprit vagabonde, et le récit avec lui, ressassant l’ignominie du camp de Saint Maurice, le sort des incasables, son enfance sous les miradors français, dans la peur, le silence et l’absence d’amour, puis son adolescence rebelle, son enfermement, les ménages, seul travail qu’on lui a laissé faire… D’autres bribes surgissent, son

fils, son amant, et puis son père encore perdu parmi les Chibanis, et ce qu’elle imagine de l’Algérie, de la faute des Harkis, de l’abandon de l’armée française, de la violence des représailles en 1962. Le récit tourne, revient, s’attarde en de courtes phrases sans pathos, fluides, nettes, qui sonnent souvent comme un murmure avant le sommeil. Une nuit de solitude, pour dire toute une vie aux marges de la vie, sans tendresse et sans épanchement, sans crise non plus. Le court roman fait sentir combien, aujourd’hui encore, les descendants des supplétifs de l’armée française ont vécu l’horreur, en Algérie puis en France, traités là-bas comme des traîtres que souvent ils n’étaient pas, enrôlés de force ou de peur, et ici comme des moins qu’humains, à la fois arabes et renégats. Une page d’histoire dont la France peut rougir, et qui n’est sans doute pas étrangère aux scores FN dans le Gard. AGNÈS FRESCHEL

Les solitudes se ressemblent Ahmed Kalouaz Le Rouergue, coll. La Brune, 13 euros


Les trois vies d’Azlan

Par ici, on connaît bien Velibor Colic. En 2012, les lycéens et apprentis de la région lui ont décerné le Prix Littéraire PACA pour son Jésus et Tito, une plongée douce-amère dans la Yougoslavie de sa jeunesse. Il était dernièrement au Salon de Cassis. Et le voici qui démarre actuellement la première partie d’une résidence proposée par Peuple et Culture Marseille pour la troisième édition de D’une langue à l’autre. Une résidence d’écriture autour de son ouvrage en cours Manuel d’exil. L’exil, il connaît bien : fuyant la guerre dans les Balkans, il s’est réfugié en France en 1992. C’est d’ailleurs d’exil et d’errance qu’il est question dans son dernier roman Ederlezi. Ederlezi, la fête du printemps, la Saint-Georges, célébrée le 6 mai, la plus grande fête tzigane. Velibor Colic le rappelait lors de la soirée d’ouverture de sa résidence : «Aujourd’hui, dans le monde, on adore le nomadisme mais on déteste les nomades.» Son roman rend donc hommage à ce peuple «sans Dieu, sans terre et sans cimetière», éternel bouc émissaire que les nazis et les oustachis ont exterminé dans leurs camps, que la guerre des années 1990 a continué de massacrer, que l’espace Schengen refoule aujourd’hui inexorablement. Un hommage envoûtant comme les mélopées tziganes qui résonnent dans ses pages, enivrant comme les bières et les rakis qui les abreuvent généreusement, passionnant comme les légendes qui les peuplent, attachant comme cet Azlan dont on suit les trois vies. Azlan Baïramovitch est un chanteur du village de Strehaïa, le village aux trois noms (comme les trois peuples qui y vivaient en harmonie) aujourd’hui rayé de la carte. Ce que conte Ederlezi, c’est donc l’histoire fabuleuse de ses trois existences terrestres, entre voyages et exils, du début du XXe siècle à 2009. Toutes trois tragiquement finies… mais ponctuées de fêtes mémorables, d’amour et de musique jusqu’à plus soif. Une «comédie pessimiste» comme l’indique le sous-titre ; un hymne au peuple tzigane, à son sens de la dérision et à son énergie inaliénables surtout. Saine et revigorante lecture en ces temps de régressions fangeuses. FRED ROBERT

Ederlezi Velibor Colic Gallimard, 18 euros

L’auteur est en résidence d’écriture avec Peuple et Culture Marseille (jusqu’au 5 juillet). La deuxième partie de la résidence aura lieu de fin septembre à fin novembre. De nombreuses rencontres, des lectures et des ateliers sont prévus. Renseignements sur www.peuple-culture-marseille.org ou en téléphonant au 04 91 24 89 71


Dans les plis du kimono

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«Je vous sais gré de bien vouloir prêter l’oreille à mon histoire...» De cette exquise civilité du narrateur, de cette bonne volonté à coopérer avec son interlocuteur, le récit va faire un usage subtil et ce n’est pas la moindre des qualités de ce roman serré, à la saveur aigre-douce. Il n’est pourtant pas fréquentable ce… -on ne connaîtra pas son nom- qui se qualifie d’«imbécile de mon espèce» ou même de «bête immonde» sans plus se troubler ni redresser sa route zigzagante. Entre deux femmes, dont la discrètement sublime Ohan, l’homme flotte, tangue dangereusement et découvre sur le tard les affres délicieux de la paternité ; le mélodrame n’est jamais loin mais à la japonaise : façon marionnettes du Bunraku dont les ficelles seraient tirées par une main capricieuse, sans rien d’implacable ni de tragique au fond. L’auteur de cette amorale confession semble elle-même taillée dans de l’étoffe de chef-d’œuvre : modern girl (môga) des années

À tâtons

Commençons par la fin qui de toutes façons est bouclée dès les premières pages de ce roman noir cousu de fil blanc : « Au début, tu auras peut-être peur de marcher seule dehors. Mais avec quelqu’un à tes côtés pour t’épauler tout ira bien, j’en suis certain» et puis «La jeune femme ferma les yeux et hocha lentement la tête en signe d’approbation.» Elle est aveugle ; il n’est pas le criminel que l’on croit ; un homme -très méchant, bien fait pour lui- a été poussé sous les roues du train et le suspect numéro un (il s’appelle Akihiro mais cela n’a peut-être aucune importance) s’est introduit chez Michiru (même remarque), jeune fille non voyante et orpheline qui plus est, solitaire et recluse donc ; ça c’est le début. Reste à écrire les 250 pages de ce récit qualifié

20, créatrice de kimonos, Uno Chiyo a lancé le premier magazine de mode occidentale, écrit quelques romans et beaucoup vécu ; la main très sûre trace des motifs toujours nécessaires, pas un brin décoratifs, car il est bien évident que pouvoir imaginer le héros affrontant la nouvelle de la mort de son fils, deux petits flans de riz à la main, décuple l’émotion du lecteur comme aiguisent ses sens le bruit des socques sur le tatami ou l’odeur des tissus mouillés par la pluie d’automne ; rendons hommage à un texte rare qui ose faire de la confusion des sentiments une élégante et forte ode à la vie ! MARIE JO DHO

Ohan Uno Chiyo Traduit du japonais par Dominique Palmé et Kyôko Satô Philippe Picquier, 12 euros

peut-être légèrement de «thriller psychologique» : co mment la sensible Michiru percevra-t-elle la présence de l’intrus ? Que voit le gentil Akihiro de la vie quotidienne de sa compagne malgré-elle ? Exercice de style limpide à la limite de l’ennui qui consiste à opposer méthodiquement perception de l’un contre sensation de l’autre et à développer minutieusement les sentiments y afférant ; pas très excitant, peu de suspens, point de frisson mais des mignardises, des situations convenues proches de la bande dessinée ou du manga fade. Ce Rendez-vous dans le noir fait se rencontrer sans surprise deux personnages sans relief. Un peu raté non ?

Rendez-vous dans le noir Otsuichi Picquier Poche 8,50 euros

M-.J.D.

Une agence engagée Deux jours avant le 11 septembre 2001, s’inauguraient les bureaux parisiens de l’agence VII fondée la même année à New York. «VII représente des photographes souhaitant s’impliquer dans le processus politique par la voie du plaidoyer» déclare un de ses fondateurs, Gary Knight, dans le dernier album 100 photos pour la liberté de la presse de Reporters Sans Frontières. Les images produites pour VII sont régulièrement publiées dans les grands titres de presse internationale. Leurs auteurs couvrent un large spectre de faits sociétaux jusqu’à s’ouvrir à des genres parfois plus singuliers : inventaire distancié d’objets laissés par des boat people à Lampedusa par Davide Monteleone, sécheresse fatale au Kenya constatée par Stefano De Luigi, femmes policières iraniennes suivies par Alexandra Boulat ; Christopher Morris fixe un Président Hollande hiératique dans les lambris dorés de l’Élysée, Tomas Van Houtryve choisit le contrepoint poétique avec ce bouquet de fleurs jaunes de cette Coréenne dans le métro

à Pyongyang. Le travail reconnu de la vingtaine de photographes qui composent l’agence leur a permis d’obtenir de nombreuses distinctions, mais aussi des résultats tangibles lorsque le géant informatique Intel renonce à utiliser les «minéraux de la guerre» suite au reportage de Marcus Bleasdle dans les mines congolaises. Portolio à prolonger avec les contributions de Philippe Labro, Gary Knight, Seymour M. Hersh, Majid Saeedi et du co-fondateur de Wiki-Leaks, Julian Assange claquemuré dans l’ambassade de l’Équateur à Londres. Une version numérique enrichie est disponible sur Apple Store. En plus de ses albums, RSF édite chaque année un classement et une carte de la liberté de la presse dans le monde qui va du blanc (bonne : Namibie, Costa Rica, Estonie...) en passant par le jaune, l’orange et le rouge, jusqu’au noir (très grave)... Quelle couleur pour la France en 2014 ? CLAUDE LORIN

100 photos de l’agence VII pour la liberté de la presse Reporters Sans Frontières, 9,90 euros


Fragmentation numérique Homme de radio (il anime l’émission Soft Power sur France Culture depuis huit ans) et écrivain (son livre Mainstream est un best seller international), Frédéric Martel vient de publier chez Stock un ouvrage sur les internets. Pourquoi ce pluriel ? Parce que sa thèse principale définit le réseau plutôt sous l’angle territorial que sous celui de la mondialisation si souvent mise en avant. «C’est la fragmentation qui définit internet, ses contenus dépendent de la géographie, la langue, la culture.» Selon lui, contrairement à ce que l’on croit souvent, les contenus globaux sont minoritaires, même si la domination américaine sur le web n’est pas à dénier. Les internautes s’intéresseraient avant tout à ce qui les concerne directement, leur cercle d’amis, leur environnement quotidien. En 2020, on prévoit que 5 milliards d’êtres humains seront connectés, soit le double du nombre actuel ; la part de l’anglais dans les échanges

en ligne baissera statistiquement, au profit des nombreuses langues de pays émergents, qui s’équipent de mobiles de manière exponentielle... On lira avec grand intérêt cette enquête de terrain dans une cinquantaine de pays, à la découverte des usages d’internet un peu partout dans le monde, du Moyen-Orient à la Chine, de l’Europe à la Silicon Valley, en passant par le Brésil et l’Afrique. GAËLLE CLOAREC

Frédéric Martel était présent le 22 mai à La Bo(a)te pour présenter son livre, à l’invitation de Zinc. Retrouvez son interview sur notre Webradio Zibeline

75 P L OI V L RI ET SI Q U E

Smart – Enquête sur les internets Frédéric Martel Stock, 22 euros

Une femme cinéaste À son père qui demandait à sa fille de 5 ans ce qu’elle voulait faire plus tard, elle répondit : «Papa, c’est moi qui décide.» Jane Campion vient de présider le 67e Festival de Cannes, et décider de sa vie, c’est bien ce qu’elle a fait ! Le critique de cinéma Michel Ciment vient de lui consacrer un livre, dense, superbement illustré, construit chronologiquement, à partir d’une trentaine d’entretiens avec la cinéaste néo-zélandaise, première femme à avoir remporté la palme d’Or à Cannes en 1993 avec La Leçon de piano. Michel Ciment montre comment cette cinéaste à l’indépendance farouche, qui s’est toujours revendiquée comme femme, a su surprendre la critique, jouer avec la notion de genre cinématographique et surtout dépeindre avec finesse aussi bien la sexualité féminine que la complexité des rapports humains. «Portrait de femme, 4e opus de J.C., pourrait aussi bien être le titre de tous ses films (…), évoque la toute puissance du désir.». Car les femmes sont au centre de sa vie et de son œuvre, ses héroïnes, passionnées, désirantes, vulnérables parfois. Michel Ciment

n’a raté aucun rendez-vous avec la cinéaste : il retrace son enfance, ses premiers courts, prémices d’une œuvre, ses premiers longs, Two friends (1986) et Sweetie (1989), jusqu’à la série télé Top of the lake (2013). Neuf conversations entre la cinéaste et le critique qui analyse le film et le cheminement créatif de l’artiste en y incluant extraits de carnets, de story-board et des photos de plateau. Et pour terminer ce livre passionnant, quatre écrits de la réalisatrice dont John Keats et moi (2009), où elle évoque sa rencontre, en 2003, avec le poète à partir de la biographie d’Andrew Motion qui a donné naissance à Bright Star (2009), inspiré de l‘histoire d’amour de Keats et Fanny Brawne. «J’espère que je continuerai à apprécier ce chemin que Keats a ouvert à mes sens, mon âme et mon imagination, comme un portrait vers le cœur humain.» On n’en doute pas et c’est avec plaisir qu’on savoure Jane Campion par Jane Campion qui nous plonge dans l’univers de cette femme cinéaste et donne envie de (re) voir tous ses films.

Jane Campion par Jane Campion Michel Ciment Cahiers du Cinéma, 45 euros

ANNIE GAVA

Elles en 14/18 La Bretzel CompaGny en résidence au Théâtre de Lenche donnait le 27 mai deux représentations de son nouveau spectacle : Bien à vous ou Lettres de femmes pendant la guerre de 14-18. Une fresque émouvante de quatre années d’horreurs civiles. Trois femmes sur décor minimaliste de banc, gramophone et tableau noir effeuillent l’éphéméride des angoisses, espoirs, désespérances d’autres femmes. Témoins, actrices ou victimes,

C U L T U R E L L E

parfois supportrices des nationalismes exploiteurs, des sœurs, mères, épouses, amies ou simplement marraines de guerre partagent la misère quotidienne des « poilus » et les privations, par la chaleur de leurs lettres. Les textes choisis avec soin dans les archives départementales des BdR forment le véritable décor émotif du spectacle aéré d’opportunes respirations humoristiques. Les textes s’accumulent au sol formant tapis aux

souvenirs exhumés par un spectacle à mettre sans réserve entre toutes les oreilles et toutes les consciences. YVES BERCHADSKY

Les représentations ont eu lieu le 27 mai au Théâtre de Lenche, Marseille


Un millefeuille d’images

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Après Photomed à Sanary et Images singulières à Perpignan, Arnaud Bizalion s’apprête à poser ses valises de livres à la Bourse du travail, au côté du Bec en l’air, pendant les Rencontres d’Arles1. C’est donc tambour battant qu’il promeut sa maison d’édition née en avril 2013, et en toute liberté car il est seul maître à bord : «Ce gain de mobilité favorise la rencontre et la découverte. Quand on est libre des contraintes diverses, on est plus perméable… on gagne en création.» Une liberté fraichement acquise puisque de 1990 à 2012, il participa à l’aventure de la célèbre maison d’édition marseillaise Images en manœuvre, aujourd’hui dissoute. Maîtrisant toutes les ficelles du métier d’éditeur d’art, d’architecture, de danse, de guides de voyages, il a jeté son dévolu sur la photographie contemporaine par «volonté de concentrer le faisceau et par connaissance de sa cible, le risque étant de ne pas remplir ses objectifs si on se disperse». Le résultat est tangible : le catalogue compte déjà onze titres et une collection de poche qui donne la parole aux jeunes photographes (Notes). Des auteurs vivants avec lesquels il noue des relations et dont il apprécie le travail plastique («ceux qui m’intéressent ont une pensée directrice forte, une envie de tripatouiller quelque chose»), tout en revendiquant l’essence de son rôle («il faut que l’auteur ait les capacités d’aller jusqu’au bout d’un projet éditorial. Je le conseille et l’accompagne mais je ne dois pas me substituer à lui»). Ainsi ont pris forme Waterfront avec André Mérian, New York avec Vincent Jendly, Arles avec Michel Bourguet, des auteurs découverts récemment ou côtoyés de longue date. Comme Bernard Plossu qui publiera en octobre prochain Mer, la canadienne Camille McOuat et son délicieux It was so beautiful I died tiré de séries conceptuelles repérées aux Comptoirs arlésiens de la photographie, galerie dont il partage «le regard, la pensée, la direction

France de Stéphane Couturier, Pluie noire de Lucie Jean. Si possible en écho à une actualité brûlante ! Ça tombe bien, Stéphane Couturier exposera à l’Hôtel des arts à Toulon, Lucie Jean aux Comptoirs arlésiens de la photographie et Didier Ben Loulou, auteur de Marseille, est l’hôte de la Non-Maison à Aix jusqu’au 31 juillet. Didier Ben Loulou qui fait entendre les battements de la cité phocéenne dans ses photos carrées, encadrées d’un discret liseré blanc, aérées au fil de doubles pages grises : personnages pris sur le vif, routes défoncées, tissus chatoyants, tatouages des murs et des peaux… MARIE GODFRIN-GUIDICELLI 1

du 7 au 13 juillet

Marseille Photographies et texte Didier Ben Loulou traduction anglaise Gila Walker Arnaud Bizalion éditeur, 30 euros Dans la collection Notes Marseille Didier Ben Loulou, 20 euros It was so beautiful I died Camille McOuat, 20 euros Le Train jaune Marc Corigliano, 15 euros

artistique cohérente et le choix de défendre une photographie de femmes». C’est cet état particulier de disponibilité à l’artiste et à l’œuvre qui lui permet d’accoucher simultanément de Les années Beauduc de Cécil Mathieu, Alger, climat de

Arles Textes Jean-Marie Rouquette et Jean-Marc Bernard photographies Michel Bourguet, 15 euros

L’imagier de Laurent Dessupoiu

À en croire le catalogue publié par la Villa Tamaris centre d’art en corollaire de l’exposition La sensation d’un voyage inachevé de Laurent Dessupoiu, ses œuvres parleraient d’elles-mêmes. Car seul le texte Deux ou trois choses que je sais, ou que je devine, à propos de Laurent Dessupoiu de Robert Bonaccorsi introduit l’ouvrage de 112 pages. Exception faite aussi des indispensables biographie et bibliographie. Une «discrétion» qui nous autorise à le feuilleter indifféremment par la fin ou le début, à divaguer entre les dessins, sculptures et acryliques, tout en décryptant attentivement les titres si précieux pour l’artiste : Gladiateur des temps modernes (série de portraits parfois cyclopéens, bouches grillagées, grimaçantes, pleines d’effroi) ; Sur les traces de la liberté (série cosmopolite composée, entre autres, d’un portrait et graff sur porte en bois, d’un assemblage de 16 acryliques sur

toile démultipliant le même motif ) ; J’ai décidé d’être heureux, L’adversité me fouette ou encore Imagine qu’il n’y ait ni pays ni religion qui sont autant le sujet de la toile que le titre, répété à l’infini, superposé, noyé dans le fatras de couleurs. C’est alors, et alors seulement, que l’on décide d’apprendre «deux ou trois choses» que Robert Bonaccorsi sait de Laurent Dessupoiu. À savoir qu’il «vit, travaille, crée à Istres dans un vaste atelier à sa (dé)mesure», qu’il a «le goût de la confrontation des corps et des idées» et, plus obscurément, qu’il s’agit d’une «œuvre polysémique qui accorde aux linéaments les propriétés des objets décrits par leur virtualité1». M.G.-G.

L’exposition s’est déroulée du 22 mars au 18 mai à la Villa Tamaris centre d’art, La Seyne-sur-Mer

1 Alfred Jarry, Gestes et opinions du Docteur Fanstroll


Lire et

relier

La 6e édition du Festival du Livre de la Canebière s’est avérée «compliquée», si l’on en croit Cécile Silvestri, responsable de la programmation. «Cette année, on n’a pas d’argent, on fait tout, les bénévoles sont épuisés.» À peine réussissait-on à l’attraper, filant entre deux stands, qu’elle était déjà repartie, appelée par d’autres tâches urgentes... Un manque de moyen se traduisant par une impression générale de flottement, avec peu de ventes sur les étals des éditeurs, et une participation du public quelque peu décousue. On retiendra cependant de beaux moments ! Notamment l’initiative de Mathilde Chèvre, créatrice de la maison d’édition bilingue Le port a jauni, venue lire dans l’Espace Jeunesse quelques-uns de ses ouvrages en français/arabe (et provoquant chez ses auditeurs un coup de cœur pour La roue de Tarek, très joliment illustré par ses propres dessins). Ou bien la rencontre avec les bénévoles de l’Office Central des Bibliothèques, une association fondée dans les années 20, qui anime à Marseille plus de 30 bibliothèques de quartier, et 20 antennes en milieu hospitalier. De quoi remettre un peu de baume au cœur des amoureux du livre, toujours défendu et apprécié par de fervents adeptes. GAËLLE CLOAREC

Le Festival du livre de la Canebière a eu lieu du 6 au 8 juin à Marseille Mathilde Chevre © Gaëlle Cloarec © Anthony Pastor, Prix littéraire Paca 2011-2012

Le Prix littéraire a 10 ans ! Zibeline, en partenariat avec l’Agence régionale du Livre PACA, fête les 10 ans d’aventures littéraires et graphiques du Prix littéraire des lycéens et apprentis de la région PACA. Anthony Pastor, lauréat 2011-2012, livre son témoignage inédit. Retrouvez des extraits de ces témoignages sur le site et le blog dédié : blog.prixpaca.com

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S C I E N C E S

lors de ces tête-à-tête avec des chercheurs d’une durée de sept minutes montre en main. L’occasion par exemple de faire la connaissance de Leila Qasemian, micro-biologiste iranienne enseignant à l’Université de FrancheComté, qui a appris le français pour pouvoir suivre ses études ici, et déclare avec un grand sourire avoir «choisi la France pour sa richesse culturelle».

Conception artistique de la planète CoRoT-7b et son étoile © ESO

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L’édition 2014 du Printemps des chercheurs s’est déroulée dans une atmosphère bon enfant, propice à la curiosité. Toute la journée du 23 mai, aux abords et dans le hall de la bibliothèque de l’Alcazar, le Souk des sciences déployait une dizaine de stands, invitant le passant à s’approcher de pigments colorés, ailes de papillons, ou étals de livres. Derrière chacun, un ou plusieurs scientifiques, prêts à répondre à toutes les questions. Qu’est-ce que la microscopie à force atomique, par exemple ? Une discipline beaucoup plus facile à saisir lorsqu’on peut s’appuyer sur une maquette ludique, à manipuler soi-même. Côté sciences humaines, ça discute ferme sur les études de genre, la caractérisation des rôles féminins et masculins. Une jeune sociologue se réjouit de la rencontre avec les passants : «Dans ce quartier, il y a beaucoup de musulmans. On sent tout de même que la religion est un frein, mais cela fait plaisir de découvrir des gens ouverts, de discuter, même si l’on n’est pas d’accord.» Le soir, une formule bien rythmée permet de découvrir dans l’auditorium une succession de thématiques, articulant recherche fondamentale et développement de projets concrets. En une vingtaine de minutes, un intervenant présente son travail puis répond aux questions du public, avant de passer le relais à un autre. Sandrine Sarrazin, du Centre d’Immunologie de Marseille Luminy -un établissement majeur en Europe- dévoile une découverte récente qui permettra à terme de renforcer les défenses de patients atteints de leucémie face aux infections. Marc Ricci, un entrepreneur, explique le parcours qui l’a amené à concevoir un vitrage photovoltaïque semi-transparent, permettant d’autonomiser énergétiquement les bâtiments du tertiaire. Imaginez la tour CMA-CGM, qui culmine tel un sémaphore sur le Port Autonome de Marseille, équipée de ce matériau ! Et les économies d’énergie qui en découleraient ! Magali Deleuil (LAM, CNRS-AMU), diminuée par une extinction de voix carabinée, n’en captive pas moins son auditoire lorsqu’elle décrit les avancées de la science en matière de détection des exoplanètes. «Certaines

Lycéens lors d’un satge au laboratoire de Tous Chercheurs © François Guênet, Inserm 2010

Rencontrer la science

présentent des caractéristiques très étranges, qui n’existent pas dans le système solaire.» On lui souhaite, comme elle en a formulé le vœu, de faire partie de l’équipe qui fera la preuve de l’existence d’une vie ailleurs que sur Terre... Le lendemain, le speed-dating scientifique a remporté un très grand succès. On se pressait

GAËLLE CLOAREC

Le Printemps des chercheurs 2014 a eu lieu du 19 au 24 mai à Marseille

Mensuel gratuit paraissant le deuxième mercredi du mois Édité à 32 000 exemplaires imprimés sur papier recyclé

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