Zibel78

Page 1

un gratuit qui se lit

N째78 du 15/10/14 au 19/11/14



Politique culturelle Le MuCEM : entretien avec Jean-François Chougnet ...................... 4, 5, 6 Les nouvelles expositions .................................................7 La Gare Franche : entretien avec Catherine Verrier et Alexis Moati ...............8, 9 Karwan : entretien avec Anne Guiot .................................10 Arles : Fondation van Gogh .......................................12, 13 Théâtre Durance : entretien avec Élodie Presles .....................................14, 15 SACD : entretien avec Muriel Couton ..................................... 16, 17 La Cité Maison de théâtre : entretien avec Michel André, le Merlan, le Daki Ling .............................................. 18, 19

Les Saisons Avignon ..................................................................20, 21 Théâtre Vitez, le CREAC ..................................................22 Le Citron jaune, Lieux Publics .........................................24 SNCM, Festival de Musique de Toulon, le Méjan .................26 Le PIC, la Salle Musicatreize ...........................................27

Evénements Pop philosophie, Dansem, Le Riam ..............................28, 29 Sous le signe d’Averroès .................................................30 Les Rencontres à l’échelle, Databit.me .............................32 Mômaix, Grains de sel, En Ribambelle ..........................34, 35

Critiques Marsatac, festival des Musiques Interdites ....................36, 37 Actoral ........................................................................38

Au programme Musique ................................................................ 42 à 45 Théâtre ................................................................. 46 à 55 Danse ................................................................... 56 à 60 Jeune public ............................................................61, 62 Cirque/rue ....................................................................63 Cinéma .................................................................. 64 à 67

Livres Le communisme désarmé de Julian Mischi ....................68, 69 Rencontre avec Eric Dupin ..........................................70, 71 Les Rencontres de Manosque ......................................72, 73

Arts visuels.......................................................77 à 78

La presse va mal Le paysage de la presse change. Tandis que Le Monde convertit ses journalistes au numérique, Libération se sépare de près de la moitié de sa rédaction. La chute vertigineuse des ventes des éditions papier, la disparition des kiosques, la lente érosion des recettes publicitaires menacent les plus renommés de nos titres nationaux. Ici ce n’est pas mieux : La Marseillaise est en grand danger (voir souscription en fin de journal), et La Provence semble délaissée par son récent patron. Ce ne sont pas seulement des entreprises qui sont menacées. Ce sont des contre-pouvoirs indispensables qui appauvrissent considérablement leur contenu, et ne seront remplacés ni par la télé, ni par la presse numérique. Car pour l’heure les recettes publicitaires des sites de presse sont négligeables, et les abonnements ne permettent pas de les financer : c’est le travail des journalistes papier qui alimente les sites, qui ne peuvent vivre sans eux. Ainsi Médiapart est le seul pureplayer (entendez site de presse sans édition papier) qui parvient à se financer, parce qu’il est un média national d’information politique, et atteint ainsi le seuil critique de lecteurs potentiels, sans quadriller le terrain local, culturel, sociétal ou sportif. Désirons-nous cela, la disparition de toute presse de proximité, de toute presse spécialisée ? Les citoyens ont-ils conscience que personne n’enquêtera plus dans les conseils municipaux, les quartiers de leur ville ? Les artistes que personne ne critiquera plus leurs spectacles et leurs œuvres, que personne ne les annoncera au public ? Les politiques que personne ne suivra leurs campagnes, ne relaiera leurs idées ? Déjà l’information nationale a perdu sa pertinence et les journalistes interchangent leurs caricatures et leur idées préconçues, n’ayant plus les moyens d’enquêter ou d’interroger leurs pratiques, se soumettant souvent inconsciemment aux intérêts de leurs patrons... Que faire ? Nos modes de lecture évoluent, et la mutation numérique de la presse est en marche. Zibeline aussi change et publie aujourd’hui les critiques sur son site, les entretiens sur sa web radio. Mais il faudra que l’État et les collectivités territoriales, si elles veulent retrouver une presse indépendante et plurielle, l’accompagnent vraiment dans ses mutations, en réformant les aides à la presse. Et que les lecteurs acceptent de payer l’information qu’ils consomment actuellement comme un flux gratuit. AGNÈS FRESCHEL


4

Jean-François Chougnet Le MuCEM et la ville

Jean-François Chougnet © X-D.R

Zibeline : Vous avez été nommé Président du MuCEM. Cette volonté de rester à Marseille s’inscrit-elle dans la continuité de MP2013 ? Jean-François Chougnet : Dans la continuité géographique en tous les cas, mais c’est une logique de développement de musée qui est différente. Le rapport avec la ville n’a pas été facile, mais vous avez voulu rester ici. Mon travail en 2013 n’était pas évident, mais je n’ai pas gardé l’idée d’un enfer, plutôt un attachement sentimental. La réaction au quart de tour du public, y compris ses critiques, a été une véritable compensation aux difficultés et aux tensions éprouvées durant la préparation. Cela a porté l’équipe, cette attention, cette attente. C’est aussi un territoire politiquement difficile, avec la montée du Front national, des dysfonctionnements récurrents... Vous êtes prêt à les affronter à nouveau ? J’ai suivi avec intérêt les avancées de la Métropole... on ne pourra sans doute rien résoudre, au niveau des transports par exemple, sans un schéma régional. Il n’y pas d’autre solution que l’idée métropolitaine, pour penser les activités culturelles également. La dispersion des efforts est une marque de ce territoire, beaucoup d’initiatives ont du mal à vivre à cause de difficultés financières dues à cette dispersion. Le MuCEM là-dedans a une situation un peu bizarre, c’est le produit combiné d’Euroméditerranée et d’une décision ministérielle de délocalisation d’un musée parisien. Il faut aujourd’hui rendre cet équipement cohérent dans ce territoire. Il a été d’emblée adopté par le public, mais que fait-on de l’esplanade du J4 par exemple ? De la notion de Cité culturelle défendue par Thierry Fabre qui va bien au-delà de la logique muséale ? Quel type d’orientation donner à l’auditorium et comment l’insérer dans «la vie culturelle marseillaise» pour prendre une expression bien rétro ? Le public est arrivé très vite sur le site mais de nouvelles habitudes doivent être créées, sur les sujets plus difficiles... La politique volontariste paye déjà sur les conférences, moins sur les concerts ou le cinéma, ce qui correspond aux habitudes de la ville... Beaucoup de touristes passent, mais lorsque le MuCEM organise une soirée de chansons populaires méditerranéennes il ne se trouve personne pour chanter en Arabe... Comment


5

dirige dorénavant le MuCEM allez-vous remédier à cela, avez-vous l’intention de travailler sur ce qu’on appelle le «non-public» marseillais ? Ce travail a déjà commencé... mais ces choses là sont très complexes. Cet été l’exposition Volubilis, qui était trilingue, a attiré des Marocains, vivant ou non à Marseille, qui regardaient l’exposition différemment. Ce n’est peut-être pas par la conférence ou le spectacle, ni en faisant du hip hop, qu’on attire les publics des quartiers nord. Il ne faut pas baisser le niveau d’exigence... Et puis il y a du public bourgeois très inculte, et du public populaire qui a une grande attente et exigence : lors de la conférence sur les oubliés de la Libération de Marseille, sur les troupes coloniales, il y avait des classes de lycéens, et pas du centre ville, particulièrement attentives aux archives de l’époque. Il ne faut pas faire de séances pour le non public, mais mettre beaucoup d’énergie à construire une politique, et allouer des moyens.

Les collections et les expositions

Le fonds constitutif du MuCEM est celui des arts et traditions populaires, et il n’est pas vraiment en adéquation avec ses missions, et peu utilisé dans les prochaines expositions. C’est la vieille question du MuCEM. Précisons qu’il y a les collections du Musée des Arts et Traditions Populaires, qui puisent leurs racines dans l’ancien musée ethnologique du Trocadéro, mais aussi la collection Europe de l’ancien Musée de l’Homme, qui représente 35 000

objets de nos réserves sur 250 000 objets. On a un pourcentage d’objets présentés inférieur à un musée des Beaux-Arts. Ce pourcentage est souvent mal compris. Notre collection est une collection d’étude, on va chercher des objets du quotidien dans un but ethnographique, ce ne sont pas des chefs-d’œuvre mais ils valent parce qu’ils sont une série. On ne va pas montrer les 250 bouillottes, mais vous verrez dans la prochaine exposition Food une collection de sonnettes de tables issues des ATP. Un artiste a trouvé ça génial et s’en est emparé... L’autre point important à rappeler est qu’on achève juste l’arrivée, la catalographie et l’installation des réserves de ces 250 000 objets. On n’en a pas conscience parce qu’il est enterré mais le bâtiment des réserves de Corinne Vezzoni a exactement la même volumétrie que celui de Ricciotti sur le J4. Quatre semi-remorques sont arrivés toutes les semaines à La Friche pour transporter les collections... Un des enjeux du MuCEM est d’en faire comprendre l’intérêt. Verra-t-on les collections dans les prochaines expos ? Celle de Depardon qui vient rattraper celle prévue sur Odessa ne fait pas appel aux fonds. Mais Food est construite sur des appropriations des collections par cinq artistes. Pour l’exposition de l’année prochaine, Lieux saints partagés, qui va jusque dans le présent le plus brûlant, il y a eu un travail important de collecte dans les lieux de pèlerinage, qui vient compléter les collections. Par ailleurs Denis Chevallier travaille sur une collecte depuis des années sur les déchets,

sujet paradoxal pour un musée, mais la gestion des déchets est un des enjeux majeurs de notre temps. Le MuCEM travaille sur le temps long, l’exposition est prévue pour 2017... Quant à la réorientation de la collecte et des acquisitions vers la Méditerranée, elle a été opérée il y a 15 ans par Michel Collardel dès les premiers conseils scientifiques. Les collections sur ces sujets là ne sont plus négligeables, et sont beaucoup plus en phase avec les projets des expositions des prochaines années. Pourquoi à votre avis a-t-on à Marseille un musée des arts populaires ? On peut se questionner sur ce que cela dit de l’identité de la ville. Musée d’Etat, mais populaire, le beau restant à Paris. Pour ce qui est de vos goûts, qui vous portent on le sait plutôt vers l’art contemporain, sont-ils en accord avec la collecte des coiffes bretonnes ? Il y a l’orientation d’un musée, il y a l’esprit des lieux. Mes goûts ne me porteront pas à transformer le MuCEM en musée d’art contemporain sans le dire. Il ne faut pas, ce n’est pas du tout sa vocation. Et ce n’est pas inconciliable ! Il y a beaucoup plus de parenté chez les amateurs d’art contemporain avec les spécialistes d’archéologie par exemple, ou d’art asiatique, qu’avec les spécialistes de la peinture du XVIIIe. Pour des tas de raisons, le XXe siècle est aussi un requestionnement de l’objet (suite p.6)

Mensuel gratuit paraissant le deuxième mercredi du mois Édité à 32 000 exemplaires imprimés sur papier recyclé

Édité par Zibeline SARL 76 avenue de la Panouse n°11 13009 Marseille Dépôt légal : janvier 2008 Directrice de publication Rédactrice en chef Agnès Freschel agnes.freschel@gmail.com 06 09 08 30 34 Imprimé par Rotimpress 17181 Aiguaviva (Esp.)

RetrouveZ Zibeline et vos invitations sur notre site

www.journalzibeline.fr Rédactrice en chef adjointe Dominique Marçon journal.zibeline@gmail.com 06 23 00 65 42 Secrétaire de rédaction Delphine Michelangeli d.michelangeli@free.fr 06 65 79 81 10 Arts Visuels Claude Lorin claudelorin@wanadoo.fr 06 25 54 42 22 Livres Fred Robert fred.robert.zibeline@free.fr 06 82 84 88 94

Musique et disques Jacques Freschel jacques.freschel@gmail.com 06 20 42 40 57

Polyvolants Chris Bourgue chris.bourgue@wanadoo.fr 06 03 58 65 96

Thomas Dalicante thomasdalicante@gmail.com

Maryvonne Colombani mycolombani@yahoo.fr 06 62 10 15 75

Cinéma Annie Gava annie.gava@laposte.net 06 86 94 70 44 Élise Padovani elise.padovani@orange.fr

Gaëlle Cloarec ga.cloarec@gmail.com Marie-Jo Dhô dho.ramon@wanadoo.fr Marie Godfrin-Guidicelli m-g-g@wanadoo.fr 06 64 97 51 56

Alice Lay alicelay0@gmail.com 06 26 26 38 86 Jan Cyril Salemi jcsalemi@gmail.com Maquettiste Philippe Perotti philippe.zibeline@gmail.com 06 19 62 03 61 Directrice Commerciale Véronique Linais vlinais@yahoo.fr 06 63 70 64 18

La régie Jean-Michel Florant laregie@gmx.fr 06 22 17 07 56 Collaborateurs réguliers : Régis Vlachos, Dan Warzy, Frédéric Isoletta, Christine Montixi, Yves Bergé, Émilien Moreau, Christophe Floquet, Pierre-Alain Hoyet, Aude Fanlo, Anne-Claire Veluire, Maurice Padovani, Lucas Giraud, André Gilles


6 MuCEM, Marseille © ArchitectureFR

unique. Il y a plus de parenté entre Marcel Duchamp et la coiffe bretonne comme vous dites qu’entre Duchamp et Poussin. Il y a eu un certain discrédit des arts et traditions populaires, lié aussi à une crise du public à Paris, dû à l’écart de 30 ans entre le projet de Georges Henri Rivière et la réalisation du musée des ATP. Un discrédit idéologique aussi, dû aussi à la nature des objets collectés, essentiellement ceux de la France rurale, malgré une réorientation tardive vers la France industrielle. La division entre BeauxArts et arts populaires est très européenne et aujourd’hui elle s’estompe. L’exposition Folk Art à la Tate Britain cet été en est un exemple. L’art populaire c’est presque tendance, pour employer un terme galvaudé. Le complexe d’infériorité disparaît, sans doute en raison d’un mouvement de retour aux sources par rapport à la mondialisation. Et puis l’idée de traiter des faits de société peut être explosive, comme l’expo des Lieux saints partagés que l’on prépare, qui montre à quel point les trois monothéismes ont la même origine. C’est l’honneur du MuCEM de mettre un sujet aussi compliqué sur la table , mais la matérialisation de ces faits de société est difficile. Beaucoup plus que de concevoir un bel accrochage contemporain. La galerie de la Méditerranée aborde déjà ce sujet-là. Il y a dans cette exposition une problématisation de l’apparition de l’idée religieuse, mais elle n’est pas forcément très lisible... Les deux expositions permanentes sont celles qui sont le plus en lien avec les collections, et les expositions temporaires ont plus de succès public, ou en tous les cas sont mieux comprises. Les expositions temporaires vont-elles se réorienter vers des relectures partielles et explicatives de la galerie permanente ? Certainement. Cette galerie est très riche, il faut la faire évoluer, et l’articuler avec des expositions temporaires.

Le Temps des loisirs, l’autre exposition permanente, n’est pas visible pour l’heure, à cause de problèmes de conservation au Fort Saint Jean. Comment cela va-t-il évoluer ? Pour l’instant je ne sais pas. Le Fort Saint Jean au départ n’avait pas vocation à accueillir des œuvres. Dans ce monument historique on a mis en place des vitrines climatisées pour la conservation des objets. La mise au point était plus compliquée que prévu, l’ouverture du 7 juin n’a pas eu lieu, on a pris une mesure conservatoire... On aura fin octobre un rapport qui permettra d’envisager une série de scénarios. Faut-il poursuivre dans la voie de salles muséales dans le Fort ou réorienter ces salles vers d’autres missions ? On saura cela dans peu de temps.

Le fonctionnement

Il a été évoqué dans la presse un malaise du personnel, des échelles de salaire très différentes, une difficulté à travailler. Qu’en est-il ? Le personnel m’a remis... un questionnaire effectivement, qui n’est pas si alarmant. Il dénote des problèmes de communication interne mais on peut remédier à cela, une surcharge de travail et cela est plus inquiétant car notre effectif est bloqué. Un fort besoin de reconnaissance apparaît aussi. Le questionnaire a été rempli par plus de la moitié du personnel, anonymement. Donc il faut tenir compte de ce qu’il exprime, et mettre en place un plan d’action. Cette maison a des missions nombreuses, de conservation, de recherche, d’exposition, de spectacle vivant... et chacun a le sentiment qu’on fait un peu de tout sans avoir d’axe partagé. Il y a aussi la question du rapport avec ceux qui travaillent ici, avec les agents des concessionnaires et sous-traitants, la restauration, l’entretien, la sécurité, l’accueil, la librairie...

Il y en a autant que de salariés du MuCEM, et lorsqu’il y a des problèmes chez eux cela ressurgit chez nous aussi. Les gens que le public rencontre ne sont pas nos salariés, c’est une réalité. Est-ce parce que le nombre de salariés est bloqué à 125 que vous avez autant de sous-traitants ? Pas uniquement. L’idée dans la plupart des musées français est de ne pas courir après 14 000 métiers en même temps. C’est une question de pilotage. C’est classique sur les restaurants, les musées ne le pilotent pas, pas plus que la librairie en général. Oui mais la librairie ne pose pas de problème. La restauration, perçue comme trop chère et peu pratique, en pose un. Oui la librairie est de l’avis général une grande réussite... Pour ce qui est de la surchauffe du personnel, étant donné que la fréquentation du MuCEM dépasse toutes les prévisions, et persiste après son année d’ouverture, et que les recettes propres vont elles aussi largement au-delà du prévisionnel, ne serait-il pas plus raisonnable d’embaucher ? Il faudra analyser secteur par secteur. Le secteur de la production a beaucoup souffert du grand nombre d’événements produits, du rodage du bâtiment aussi. Il y a aussi une grande charge de travail sur l’auditorium, qu’on n’avait pas anticipé... Mais l’afflux du public n’est pas géré directement par le personnel du MuCEM. Faut-il un redéploiement d’un secteur sur l’autre ? L’organigramme a été fait à partir de projections, il faut le faire évoluer. Entretien réalisé par AGNÈS FRESCHEL


7

Expositions automne-hiver Le MuCEM programme deux nouvelles expositions d’envergure : Raymond Depardon, Un moment si doux et Food, Produire, manger, consommer La couleur comme fil conducteur

Conçue comme une promenade dans l’œuvre intime et en couleurs de Raymond Depardon, Un moment si doux déroule le temps, des années 40 à aujourd’hui. L’exposition présente 137 photographies, dont 40 ont été spécialement réalisées pour le MuCEM, et 23 ont été prises à Marseille. La scénographie, sobre et dépouillée, adapte le parcours à la salle du MuCEM, ouverte le plus largement possible sur la mer et sur la ville. Une première partie présente les œuvres des années déclic (de 1942 à 2000) et des reportages réalisés par Depardon au Chili (1971), à Beyrouth (1978) et à Glasgow (1980) ; la seconde partie permet de découvrir les photos plus récentes dans laquelle seront présentées plusieurs photos inédites de Marseille. Autour de l’exposition, le MuCEM organise, du 7 au 9 et les 15 et 16 novembre, un cycle cinéma et rencontres, autour des thématiques qui lui sont chères (la presse, la politique, la France rurale, les institutions) en sa présence ainsi qu’en compagnie de plusieurs invités : Claudine Nougaret, ingénieure du son et productrice qui est aussi son épouse et la collaboratrice incontournable de ses films ; Frédéric Bonnaud, journaliste et critique de cinéma, et Pap Ndiaye, historien et sociologue. La projection de Journal de France (2012) ouvre ce temps fort le 7 nov ; le 8, projection de Afriques : comment ça va avec la douleur ? (1996), suivie d’une rencontre, et de La Captive du désert (1990) ; le 9, la projection de San Clemente (1982) sera elle aussi suivie d’une rencontre, et de la projection de Urgences (1988). Le week-end suivant les films se succèderont : 1974, une partie de campagne (1974), Délits flagrants (1994), La vie moderne (2008), Ian Palach (1969)… Enfin, signalons deux publications autour de cet événement ; Méditerranée, de Raymond Depardon, aux éditions Xavier Barral en coédition avec le MuCEM (25 euros), et le catalogue de l’exposition qui a eu lieu au Grand Palais, à Paris, Raymond Depardon. Un moment si doux, aux éditions de la Réunion des musées nationaux (29 euros).

L’Alimentation en question

Initiée par ART for the world, une ONG associée au département d’information publique des Nations unies, Food résulte d’un projet itinérant mené dans 3 pays, la Suisse, le Brésil et la France. Au MuCEM, 37 artistes, venus des cinq continents, croisent leurs

La Canebière, Marseille, 2014 © Raymond Depardon - Magnum Photos

regards et leurs expériences sur la question fascinante de la nourriture dans notre société contemporaine, en intégrant à leurs œuvres des thématiques telles que les conséquences du changement climatique, l’inégalité dans l’accès à l’alimentation, les cuisines diverses, l’emploi de pesticides meurtriers, les différences religieuses… en faisant appel à la photo, au cinéma, à la vidéo, aux objets, etc. Cinq de ces installations émanent d’artistes qui ont réalisé des œuvres originales avec des objets choisis dans les collections du MuCEM : le Suisse John Armleder, l’Italien Stefano Boccalini, le Catalan Antoni Miralda (qui a réuni 124 objets, des sonnettes de table et des pichets décorés selon la tradition des tavernes populaires), le Grec Angelo Plessas et le Camerounais Barthélémy Toguo (qui utilise dans son projet Banjoun Station Agriculture des charrues, des herses, des charriots, etc.). À voir aussi, entre autres, la sculpture du Belge Marcel Broodthaers (Le Manuscrit) qui se compose d’objets, d’assemblages, d’accumulations de nourritures, etc ; celle du collectif Français Claire Fontaine qui aborde, avec Untitled (Redemptions), la question cruciale des déchets ; celle d’Antoni Miralda et Dorothée Selz, Miralda-Seltz traiteurs coloristes, créée avec des pains colorés de couleurs pop ; l’installation faite de

filets en plastique et haricots, du Brésilien Ernesto Neto, Variation on color seed space time love… À noter, autour de l’exposition, un cycle de cinéma du 29 novembre au 1er mars (Dévorez des yeux), et pour le public jeune une visitejeu pendant les vacances de la Toussaint (30 oct et 1re nov) et durant celles de Noël, ainsi qu’une nocturne le 5 déc. Do.M.

Raymond Depardon, Un moment si doux du 29 oct au 2 mars Food, Produire, manger, consommer du 29 oct au 23 fév MuCEM, Marseille 04 84 35 13 13 www.mucem.org


8

Franchir l’hagard Son nom sonne comme un poème. La Gare Franche est une halte, éprise de sincérité, ouverte aux quatre vents. Catherine Verrier, directrice du Cosmos Kolej et Alexis Moati, nouvel «artiste à l’ancre», nous rappellent son histoire, et son avenir. Et nous parlent du Merlan voisin...

Z

ibeline : La Gare Franche est à un tournant de son histoire. Pouvez-vous nous raconter comment s’est construit ce complexe atypique, à mi-chemin de la fabrique et du lieu de vie ? Catherine Verrier : C’est Wladislaw Znorko qui l’a conçue ainsi : une demeure transformée en lieu de vie communautaire, une usine en fabrique de spectacles, des jardins en terrains d’accueil du voisinage. Notre compagnie, le Cosmos Kolej, a acheté les lieux en 2001, et rapidement la ville a mis à disposition les terrains attenants, et les tutelles ont convergé pour financer le fonctionnement artistique de la compagnie et les actions avec le voisinage.

15 ans issus du 15e arrondissement, constituer ici une classe libre du conservatoire, avec un atelier hebdomadaire de trois heures, des semaines de stage avec les artistes qui passeront ici, et l’intégration à la création de Vol Plané (sa compagnie ndlr). Et le diable vint dans mon cœur, un texte de Charles Eric Petit, décrit cet âge où l’on prend conscience qu’on ne pourra pas être tout, et où on doit se permettre d’endosser d’autres peaux... Il sera joué à Gap, à Marseille, à Arles, à Chalon-sur-Saône.

Le 15e arrondissement de Marseille, en particulier ici entre les cités, n’est pas un voisinage facile. Comment l’avez-vous concilié avec une vie artistique ? Dès le départ Wlad a voulu ouvrir ce domaine privé sur les cités avoisinantes. Ici, on se protégeait plutôt du dehors, des cambriolages... Il a fait percer la porte vers le Plan d’Aou au-dessus, et en-dessous le chemin des écoliers vers le noyau villageois de Saint Antoine. Dans ces quartiers où les espaces sont cloisonnés, on a construit un lieu que les habitants traversent, où ils cheminent, rencontrent des artistes au travail ou au café, discutent, cuisinent, jardinent. C’est un trait d’union géographique, un lieu de pique-nique pour les enseignants du collège voisin...

Comment la vie de votre compagnie, vos productions, vont-elles s’inscrire dans le projet de la Gare Franche ? Allez-vous disposer de moyens nouveaux ? Catherine Verrier : Nous voulons consacrer 60 000 euros aux productions de l’artiste à l’ancre. Et garder un volet de coproductions pour les compagnies que nous choisirons ensemble. Wlad a disparu en mars 2013, mais il faut absolument que ce lieu continue ses résidences, ses productions, ses propositions publiques. Alexis Moati : Il se pose aujourd’hui la question de savoir comment on prolonge et on habite ces lieux créés par des artistes. Ce que la première génération a construit, il faut le faire fructifier, ne pas attendre que cela dépérisse, ce qui se passe dans trop de maisons de théâtre qui disparaissent après le départ de leur créateur. Il faut réussir ici à s’inscrire dans l’histoire du lieu et à l’infléchir, en invitant des compagnies intervenantes, en donnant une impulsion aux premières aventures. Les artistes de ma génération ont été plongés dans la difficulté de n’avoir rien, il faut donner plus de chances à ceux qui viennent.

Mais ces passants vont-ils au spectacle, aux formes artistiques que vous proposez ? Oui, la rencontre se fait. Lors des journées du patrimoine plus de 3000 personnes ont vu la compagnie 2b2b, des habitués, des visiteurs qu’on n’avait jamais vus... Tous les artistes qui passent ici proposent des «bons moments» qui se partagent. L’esprit de la Gare Franche influence-t-il les propositions artistiques ? Soumettre les propositions artistiques à ce que l’on supposerait du désir culturel des habitants n’est pas notre propos. On a construit un lieu où les artistes peuvent fabriquer, et où une cinquantaine de familles viennent cultiver leur jardin. On a parié que des rencontres se feraient, et enrichiraient à la fois le travail des artistes et les horizons des habitants. Cela fonctionne, imparfaitement car la société est dure, mais nous avons parié que cela continuerait après le départ de Znorko. D’où l’artiste à l’ancre. Alexis Moati, vous êtes là pour trois ans avec votre compagnie. Comment votre projet s’articule-t-il avec la réalité de la Gare franche ? Alexis Moati : En plusieurs volets. Le plus immédiat est la constitution du groupe des 15. Nous voulons former, sur trois années, 15 adolescents de

Où vous êtes toujours artiste associé ? Pour un an encore.

Qu’allez-vous inventer de nouveau, donc ? Créer mes spectacles en les ancrant dans le territoire, avec les gens, sera pour la compagnie une nouveauté, que notre nomadisme n’avait pas permis. Nous allons aussi proposer des Regards francs, ceux de sociologues, chercheurs, scientifiques, journalistes, qui viendront s’immerger ici quelques jours pour produire des écrits. Nous voulons aussi faire bénéficier la Gare franche du réseau de production que Vol Plané a construit autour de ses spectacles. Pour accueillir jusqu’au bout : loger et nourrir c’est bien, payer et faire tourner c’est mieux... À propos des quartiers nord de Marseille, que pensez-vous des pétitions qui circulent sur l’avenir et les problèmes de la scène nationale du Merlan ? Catherine Verrier : j’ai bien sûr signé la pétition du personnel, demandant que le label de


9

scène nationale soit préservé... Alexis Moati : ...et personnellement j’ai signé la pétition concernant les deux salariées licenciées et blâmées. Cette scène nationale ne peut être envisagée comme une autre, sa situation géographique, son environnement social, interdisent de la considérer comme un théâtre de diffusion banal. C’est un pôle régional, qui doit à ce titre soutenir les compagnies régionales. C’est aussi un théâtre qui doit envisager des actions participatives, une programmation susceptible d’intéresser les habitants. Le recrutement du directeur sera particulièrement difficile, il faut à mon sens quelqu’un qui connaît le territoire ; et qui sait mettre la scène nationale dans une complémentarité avec les autres lieux de Marseille. En fait il faudrait inventer un recrutement non traditionnel. Le Front national a conquis la mairie, quel projet on construit pour remédier à ça ? Il faut travailler avec les gens qui y sont... et pas seulement avec les centres sociaux où on croise toujours les mêmes. Et puis, faire confiance aux artistes : ce sont eux qui peuvent construire sur la durée. Entretien réalisé par AGNÈS FRESCHEL

Plouf Concept à la gare franche, Cie 2b2b © Wendy Mottard

À venir le 17 oct Contes d’Odessa (voir p46) 04 91 65 17 77 www.cosmoskolej.org


10

Ne pas perdre Karwan..

Z

ibeline : Quelles sont ces difficultés qui mettent en péril la survie de votre structure ? Anne Guiot : Notre budget de fonctionnement est en baisse, le contexte général du financement de la culture allant de mal en pis, mais plus précisément les manifestations que nous portions régulièrement sont annulées ou non reconduites. Mais pourtant en 2013 vous avez porté des manifestations d’envergure... Oui, nous avons contribué à ce que l’espace public soit réinvesti, et avons aidé à révéler l’attente du public. Mais nous risquons de ne pas être en mesure de bénéficier du rebond que pressent Anne-Marie d’Estienne d’Orves (actuelle élue en charge de la Culture à Marseille, ndlr). La Biennale des arts urbains fait pourtant partie de ses projets. Oui, elle est annoncée pour 2016. Mais il faudrait accélérer la prise de décision si la Mairie veut que nous continuions à exister. On est actuellement dans un couloir de strangulation qui génère une crise, et cela parce que l’État ne croit plus à la Culture, et que la commande publique n’existe plus. Pourquoi Karwan est-il particulièrement impacté ? Nous sommes des bâtisseurs de projets culturels territoriaux rue et cirque. Pour mémoire nous avons organisé L’Année des 13 lunes avec Lieux Publics, les Escales de Cirque en 2002 sur le J4, le Grand répertoire des Machines, quatre éditions de la Folle Histoire des arts de la rue, Flammes et flots sur le Vieux Port en 2013, Salon Public, et chaque année la Saison régionale des arts de la rue, seule manifestation qui reste aujourd’hui vivante. Salon Public a été annulé dans des conditions très contestées... Oui. Ce qui m’a mise en colère, c’est que la nouvelle municipalité n’a pas voulu nous recevoir, ni mettre par écrit sa position. Le projet de 2014 était prêt, depuis 6 mois... Ils ont le droit de changer, mais pas ainsi. Salon public est remplacé par un festival de folklore... Aux mêmes dates effectivement. On ne peut pas dire formellement que cela «remplace», je ne veux pas entrer dans ce type de polémique... Pour ce qui est de la Folle Histoire, le Conseil général 13 ne sait pas ce qu’il va devenir dans la refonte de la réforme territoriale. Il n’est pas assuré de conserver une compétence culturelle, et a aussi moins d’argent. La Folle Histoire était une manifestation phare, mais coûteuse. Les arts de la rue peuvent être couteux, mais cela dépend comment on regarde. Entre Flammes et Flots a coûté 800 000 euros, mais a rassemblé plus de 450 000 spectateurs. C’est cher, oui, mais ce sont des arts gratuits, plébiscités, qui correspondent à une nouvelle conception artistique qui entre dans l’espace public en friction avec ce que les gens vivent. Ce que vous voyez là ce soir (voir critique dans journalzibeline.fr) a coûté 2000 euros, et rassemble

Anne Guiot © Augustin Le Gall

Karwan a organisé en 2013 bon nombre des manifestations qui ont fait le succès public de la Capitale culturelle, et dont chacun a souligné la grande qualité artistique. Pourtant Anne Guiot, directrice de l’association, nous alerte aujourd’hui sur sa possible dissolution...

400 personnes autour d’un texte et de comédiens. Cela correspond à une pratique du spectacle vivant qui change. Karwan est-il aidé par l’État ? Nous avons son soutien, mais ce soutien a baissé. Quelles sont vos relations avec Lieux Publics, Centre National des Arts de la rue, votre voisin à la Cité des Arts de la rue ? C’est une chance pour le territoire que des approches si différentes coexistent. Le Centre National est le lieu du laboratoire, de l’expérimental ou du très participatif. Lieux Publics porte des artistes qui ont des questionnements d’artistes. Nous, nous recherchons une relation entre le public et l’espace, et trouvons les artistes pour résoudre cette équation. Nous avons une expertise de cela. Ancienne oui, et dont on a mesuré l’efficacité. Que vous faudrait-il pour sortir d’affaire ? Que la suite de 2013 se précise, que les collectivités sortent de la stupeur et qu’elles recommencent à construire des politiques publiques de manifestations. Et la Cité des Arts de la Rue ? Elle a été inaugurée en 2013. C’est un magnifique équipement qu’il faut ouvrir au public. Nous sommes force de proposition pour cette ouverture, sous forme de diffusion, d’accueil pour la BIAC par exemple, pour la saison régionale, pour Tendance Clown... Nous organisons aussi des résidences de répétition, des stages, de la pratique amateur. Il faut que ce lieu vive. Pour nous, il est l’endroit où les propositions que nous faisons dans le centre ville peuvent se décliner autrement dans les quartiers populaires, leurs établissements scolaires mais aussi, et surtout, leurs rues. Entretien réalisé par AGNÈS FRESCHEL



12

Arles, ou la mutation Maja Hoffman, mécène richissime, transforme spectaculairement sa ville d’adoption

A

rles, la plus vaste commune de France, est aussi l’une des plus pauvres, et des plus singulières. Prise entre deux régions, gouvernée par une mairie communiste mais tentée par le FN qui de l’autre côté du Rhône fait des ravages, la ville se définit par ses hésitations. Entre eaux stagnantes et courantes, patrimoine antique et médiéval, entre traditions provençales et musiques du monde, corridas et flamands roses, la ville ne cesse d’affirmer ses singularités paradoxalement multiples, et son détachement de Marseille dont elle ne veut pas jouer la sous-préfète. Maja Hoffman, héritière des inestimables laboratoires pharmaceutiques Roche, aime ces contradictions depuis l’enfance, et veut grâce à sa fortune bien engagée vers l’art contemporain changer le visage mouvant de sa ville...

Culture washing ?

La mutation est en cours. Les subsides de la milliardaire ont boosté, pendant dix ans, les Rencontres Internationales de la Photographie, avant de provoquer semble-t-il la démission de leur président François Hébel. Car dans les anciens ateliers SNCF qui abritaient en partie les Rencontres, un projet pharaonique est en train de naître : d’ici à 2018, un imposant bâtiment de verre de 57 mètres de haut, dessiné par Frank Gehry, verra le jour. Un investissement de 150 millions d’euros pour cette Fondation Luma, qui devrait former des artistes au contact des plus grands, exposer, travailler à faire naître de nouveaux croisements entre musique, architecture et arts visuels contemporains. Bertrand Lavier, Paysage aixois, 2014. © C.Lorin-Zibeline

Le centre de la ville est lui aussi transformé : en rachetant l’hôtel particulier qui abritait la Banque de France, et en y logeant l’association Van Gogh, Maya Hoffman a offert un magnifique musée à la ville. Une chance inespérée, selon les élus, d’autant qu’elle contribue aussi à rénover les rues alentours, transformant la ville au patrimoine incomparable, mais sinistrée après les inondations et qui peinait à restaurer ses richesses. Une des seules ressources économiques de la ville d’Arles réside dans son activité touristique, essentiellement culturelle. Avec des manifestations dont profitent aussi les habitants, et qui s’appuient également sur les équipements muséaux du département (Musée Antique et Museon Arlaten), sur le Musée Réattu, le Festival les Suds, Actes Sud, le Collège International de Traduction Littéraire, la programmation musicale du Méjan, le Théâtre, et l’activité fourmillante d’une série de petits lieux, galeries, librairies... qui complètent les activités des Fondations Hoffman et sont loin de se plaindre du regain d’intérêt qu’elles provoquent. Une belle renaissance semble avoir lieu, entre subsides privés et investissement public tous deux bien pensés, dans leurs équilibres et leurs ambitions. Un modèle rare. Exportable ? Les mécènes éclairés ne courent pas les rues...

Expo à (la) Van Gogh

Le succès de l’exposition inaugurale, à la Fondation Van Gogh, ne masquait pas ses défauts, revers d’ailleurs excusables de son ambition. Énorme, entassant les œuvres et les esthétiques dans un espace


par l’Art cloisonné, cette première exposition ouvrait grand les appétit, mais ne laissait pas le temps de respirer et sentir les œuvres. La deuxième exposition se veut plus cohérente, et était annoncée comme entrant en résonance avec le tableau de Van Gogh, L’autoportrait à la pipe et au chapeau de paille. Et si l’argument est victime du feu de la paille évoquée, le plaisir de (non) peindre reste intact ! Yan Pei-Ming s’impose par ses très grands formats où s’épanouit l’acte pictural. Le sujet du tableau se confond avec le travail en larges empâtements, dont on peut prendre la mesure dans la vidéo proposée. Le cadrage déréalise le sujet, particulièrement avec des plans très rapprochés, évoque parfois une vision photographique, pour relever de la monumentalité de la peinture d’histoire. Les boat people représentés sont les aventuriers de nos traversées maritimes mortifères, mais évoquent aussi un Radeau de la méduse tragiquement actualisé. Ici la narration se concentre : un prie-Dieu mute en portrait. Elle se réduit au profit de la présence de la peinture, de son impact psycho-physique. Et le sujet surgit et s’y perd avec une énergie délectable, d’autant que le peintre pour une fois a réintroduit la couleur dans les habituels camaïeux de gris. Et que la salle où il expose ses grands formats s’offre comme une nef sacrée : à l’inverse de l’accrochage inaugural, les espaces respirent, les grands formats se répondent de mur à mur... À l’étage, un best of pour Bertrand Lavier. On retrouve une sélection de ses œuvres emblématiques tournant autour du pot de son concept de «touche Van Gogh» : il aussi l’auteur du portail d’entrée de la Fondation. L’argument de L’affaire tournesols n’est pas non plus des plus explicites. Tintin n’est pas là, pas plus que les tournesols de Vincent. Mais le conceptuel-peintre réussit une subtile confrontation entre le portrait au chapeau de paille peint et son reflet brouillé dans le miroir qui lui fait face. Dans la pièce exiguë le visiteur est pris en sandwich entre les différentes représentations dont la sienne reflétée, imparfaite. Le jeu sur le sens des images s’affirme dans (et en surface) des panneaux d’autoroute signalant un site remarquable. Paysage aixois, réalisé pour l’occasion, s’amuse du stéréotype véhiculé par la communication touristique. L’exposition soulève la difficulté de la référence et/ou de l’hommage en art. L’argument du portrait Van Gogh comme L’affaire tournesols posent la question éternelle : que peindre, et comment, aujourd’hui ? Les catalogues respectifs, aux éditions des Presses du réel, rendent hommage aux agaceries de Bertrand Lavier, qu’elles explicitent. Un peu moins à Yan Pei-Ming, parce que le lyrisme de ses grands formats admet moins bien la réduction, fut-ce dans un beau livre. Allez voir ! AGNÈS FRESCHEL et CLAUDE LORIN

Night of colours L’affaire tournesols jusqu’au 26 avril 2015 Fondation Van Gogh, Arles 04 90 93 08 08 www.fondation-vincentvangogh-arles.org


14

Un théâtre ouvert Rencontre avec Élodie Presles, nouvellement nommée à la tête du Théâtre Durance

Elodie Presles © Marc Carpentier

Z

ibeline : Qu’est-ce qui dans votre parcours vous a poussé à envisager une direction de théâtre, et d’un théâtre implanté sur un territoire large avec une population disséminée ? Élodie Presles : Vaste question ! Pour le dire clairement la direction d’un théâtre n’était pas le but que je m’étais fixé. J’ai commencé par une scène conventionnée en milieu montagnard, en Savoie, au Dôme théâtre d’Albertville où j’ai vraiment découvert la décentralisation, la programmation dans les vallées, le rayonnement d’un équipement structurant sur un territoire très marqué, très morcelé aussi, avec des difficultés réelles de mobilité des artistes, des équipes et du public ; puis Culture Commune où j’ai accompagné le magnifique projet de Chantal Lamarre, inscrit sur le territoire du Bassin Minier du Pas-de-Calais ; puis Lieux Publics où j’ai plus touché du doigt la création puisque je m’occupais particulièrement des projets de Pierre Sauvageot. Et enfin j’ai codirigé Art-Temps Réel à Marseille avec le compositeur Lionel Kasparian, on était en même temps sur un projet de création et de territoire. Se confronter à la direction d’un lieu, pouvoir exprimer son propre projet, nourri de toutes ces expériences et en s’imprégnant de toute l’histoire propre au théâtre Durance et qui n’est pas une petite histoire… je trouvais qu’il y avait là une belle synthèse, une belle conjonction. C’est un exercice difficile de prendre la succession de quelqu’un en particulier lorsqu’il s’agit du fondateur,

de l’initiateur du lieu, même si vous avez conquis d’emblée l’équipe du théâtre. Difficile non, complexe oui, car il faut d’une manière très rapide prendre en compte énormément d’éléments, qui relèvent de l’histoire d’un projet qui se traduit par une histoire sur un territoire, avec des habitants, un public, des élus, des institutions, une équipe… Je ne me sens cependant pas dépositaire d’une histoire, je me sens responsable de cette histoire, qu’on m’a transmise, et néanmoins cette histoire continue autrement. J’ai écrit un projet (Durance un théâtre ouvert) dans la continuité de ce qui s’est mis en place il y a plus de vingt ans mais en amenant mon parcours, mon expérience, mon regard. C’est un exercice qui est passionnant, qui est parfois vertigineux, il faut être opérationnelle assez vite, mais je le vois néanmoins comme quelque chose de très positif et porteur. Les projets du Théâtre Durance sont nombreux, travail sur le territoire, actions autour de la création, avec des artistes invités, des résidences, des projets transfrontaliers, les échappées etc. Allez-vous poursuivre dans ces multiples directions ? Je suis (plutôt nous, parce que c’est avec l’équipe et le conseil d’administration, et nos partenaires) dans la perspective de redéployer avec une montée en puissance du studio d’enregistrement, le seul studio public de la région, car nous avons là un outil extraordinaire. Il faut continuer sur les grands principes, mettre plus en évidence le lien


15

entre ce qu’il se passe dans le théâtre et ce que l’on fait sur le territoire, augmenter la porosité entre toutes les composantes, progressivement, en tenant compte des contraintes qui sont réelles à tous les niveaux. Il y a un certain nombre de choses qui vont s’écrire légèrement différemment. Cela ne veut pas dire qu’on les abandonne, ni que l’on crée d’autres choses, on les construit un petit peu différemment. Et les projets transfrontaliers ? On est dans la poursuite du dialogue, notamment de nos partenaires italiens, mais aussi dans l’ouverture à d’autres pays. On ne le fait pas seuls, le partenariat avec l’arc alpin est très intéressant, avec nos collègues de Briançon, de Gap, voire de Rhône-Alpes, et il y a d’autres partenaires comme le réseau TRIBU qui est un réseau de structures qui collabore sur le jeune public, et d’autres réseaux dans les mêmes domaines au niveau de l’Europe. On ouvre les frontières pas seulement physiques et transfrontalières, mais aussi toutes les frontières dans la construction d’une identité européenne, d’une culture européenne si tant est qu’elle puisse exister, en tout cas d’une citoyenneté européenne. Quand vous évoquez le budget, est-ce que le changement de direction n’a pas servi de prétexte à certaines institutions pour le réviser à la baisse ? Aujourd’hui non, il y a un vrai soutien dans tous les sens du terme de tous les partenaires financiers. Effectivement il faut continuer à se battre pour préserver le niveau de nos subventions, cela touche la France entière. C’est pourquoi le travail en réseau est important, c’est une construction intelligente qui permet de continuer à soutenir la création artistique, à structurer des filières, que ce soit dans le domaine de la pratique, de la formation, de la professionnalisation, de la visibilité, et en même temps à défendre la nécessité d’accompagner l’art et la culture au niveau national. Il faut vraiment défendre la création artistique et les lieux de diffusion parce que cela relève d’abord d’un service public. Une société qui n’investit plus dans l’art et la culture, comme dans la recherche, l’éducation ou la justice, est une société qui fait un grand pas en arrière. Dans les zones plus rurales comme les Alpes de Haute-Provence, l’art et la culture sont des axes d’aménagement du territoire fondamentaux. Ils sont partie prenante de la dimension économique, touristique, sociale et éducative. Robert Pasquier avait émis le souhait de voir le théâtre Durance devenir scène nationale… Le théâtre Durance est déjà une scène conventionnée et un pôle régional. Le label scène nationale, le théâtre Durance en a la légitimité, c’est une Rolls Royce. L’objectif reste -et Robert Pasquier l’a très bien fait- de donner une dimension incontournable au théâtre Durance, soit en scène nationale soit en autre labellisation, on ne sait pas du tout comment va s’organiser la structuration de la culture demain, avec la montée des régions. Entretien réalisé par MARYVONNE COLOMBANI


16

Où sont les femmes !?

Pour la troisième année, la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques publie une brochure intitulée Où sont les femmes ? destinée à mettre en évidence la sous-représentation féminine aux postes clés dans le monde de la culture. Muriel Couton, directrice de la promotion et des actions culturelles à la SACD, qui a travaillé sur cette brochure dès ses débuts, nous en précise les enjeux

Z

ibeline : Qu’est-ce qui a motivé la création de cette brochure ? Muriel Couton : L’idée a résulté de plusieurs événements. Dans le cadre de mon travail, j’ai beaucoup affaire aux chiffres, et à titre personnel la parité m’intéresse, notamment au sein de la culture. On m’a demandé une extraction par sexe de nos bases de données pour les auteurs de l’audiovisuel et du spectacle vivant, ce qui a donné un premier état des lieux très révélateur, sans parler de la répartition inégale aux postes clés dans ce secteur. Le 6 juin 2012, juste après l’élection de François Hollande, la sénatrice Marie-Christine Blondin a proposé à la SACD d’organiser une table ronde au Sénat sur la place des femmes dans la culture. Y ont notamment participé Muriel Mayette, Laurence Equilbey, Denise Chalem. Au sortir de la conférence, plusieurs participantes ont évoqué l’idée d’une brochure démontrant qu’elles sont certes présentes, mais pas suffisamment. Sophie Deschamps, présidente du conseil d’administration de la SACD, s’y est intéressée, tout comme Pascal Rogard, directeur général, et nous avons obtenu un petit budget pour éditer une première plaquette. Elle a été réalisée en trois semaines. Nous l’avons diffusée à 10 000 exemplaires, tout d’abord au Festival d’Avignon, puis en nous appuyant sur un réseau de sympathisants, dont le Mouvement H/F. Comment la méthodologie a-t-elle été conçue ? Nous avons «épluché» toutes les plaquettes des structures nationales annonçant leur saison à venir, en comptant le nombre de spectacles soit écrits, soit

mis en scène par une femme, ou bien comprenant une librettiste, chorégraphe ou compositrice. On s’est arrêté aux lieux les plus subventionnés. C’est un exercice assez fastidieux ! Nous l’avons fait avec les moyens du bord, à trois personnes, en dehors de nos heures de travail, avec une graphiste bénévole. La distribution de la brochure s’est également faite de manière bénévole, dans les festivals, lors des premières de spectacles. Nous l’avons envoyée à chaque député et chaque sénateur en lien avec le secteur de la culture pour les alerter. Il y a eu beaucoup de réactions, un bon écho dans la presse nationale et en région. Certains directeurs des structures que nous avions pointées ont mal réagi, d’autres au contraire étaient contents d’y figurer, en se disant qu’à partir de 30% de femmes, ce n’était déjà pas mal ! Les élus se sentent-ils concernés par la parité ? Najat Vallaud-Belkacem a tout de suite été très sensible à la question, puis Aurélie Filippetti s’y est intéressée en tant que ministre de la Culture et de la Communication. En 2013, nombre de directions devaient être renouvelées dans les structures nationales, et elle a veillé à ce que les short lists soient vraiment paritaires. On espère que Fleur Pellerin va poursuivre dans cette voie. Notre directeur général lui a demandé une citation pour la brochure 14/15 deux jours avant l’impression, ce qu’elle a fait. Il lui a remis la brochure en main propre ; à terme, c’est le ministère qui devrait la réaliser ! Cela représente un boulot énorme, qui devrait revenir à l’Observatoire de l’égalité hommes-femmes plutôt qu’à une


17

structure privée... Pour que cela soit vraiment pertinent, il faudrait suivre les chiffres sur dix ans, évaluer les marges de progression, de régression, ou de stabilité. À étudier les pourcentages sur la saison 20142015, on pourrait croire que les zones géographiques les plus pauvres sont celles qui emploient le plus de femmes ; y aurait-il un lien de cause à effet ? Les données changent d’une année sur l’autre. Nous avons remarqué certains phénomènes, mais pour l’instant nous n’en tirons pas de conclusion. Celui que vous évoquez pourrait être une piste. L’autre étant que si des femmes sont présentes à la direction des structures, elles auront plus recours à des artistes féminines... Ce qui n’est pas toujours vrai ! Cela peut être ambivalent, elles peuvent raisonner d’une autre manière. Cette année, vous avez intégré le secteur de l’audiovisuel dans la brochure ?

Oui, cela a été beaucoup plus compliqué à faire, nous avons utilisé différentes sources, les données du CSA, du CNC, de la guilde française des scénaristes... C’est la dernière année où nous éditerons cette brochure. L’objectif était d’occasionner une prise de conscience générale, de faire en sorte que le programmateur ou la programmatrice d’une manifestation culturelle pense aux femmes artistes au moment de prendre ses décisions. Nous continuerons certainement à travailler en ce sens, peut-être sous d’autres formes. Le 17 octobre par exemple, une table ronde Femmes et composition est organisée, au siège de la SACD à Paris. Propos recueillis par GAËLLE CLOAREC

1 NDLR : La proportion de femmes compositrices ne dépasse pas 1% dans les orchestres, théâtres et opéras pris en compte par la brochure Où sont les femmes ? 2014-2015. Le détail par lieu est disponible sur www.ousontlesfemmes.org

Quelques données extraites de la brochure Où sont les femmes ? saison 2014/2015 concernant la Région PACA : Théâtre National de Nice : 27% de metteuses en scène, auteures ou chorégraphes Théâtre National de Marseille - La Criée : 24% de metteuses en scène, auteures ou chorégraphes Festival d’Avignon : 18% de metteuses en scène, auteures ou chorégraphes Opéra de Marseille : 11% de metteuses en scène, chefs d’orchestres, chorégraphes ou solistes instrumentistes Festival d’Aix en Provence : 12% de femmes metteuses en scène, chefs d’orchestres, chorégraphes ou solistes instrumentistes


18

Raconter ensemble La Cité continue à penser et promouvoir les Écritures du réel. Michel André, son directeur, nous explique la singularité de son projet ibeline : Votre Maison de Théâtre comme vous l’appeliez autrefois se nomme désormais Espace de récits communs. Pourquoi ? Michel André : On voulait souligner que la fabrique prend ici des formes diverses, mais travaille sur une notion commune. On accompagne des artistes, des démarches d’écritures scénique, textuelle, cinématographique, qui s’élaborent autour de la relation au réel, et de comment on l’écrit, ensemble. L’artiste, quel qu’il soit, écrit avec tous ceux qui participent à l’expérience dans le cadre des ateliers de création, qu’ils soient enfants, jeunes, adultes... La Cité est une maison de travail, où des artistes proposent des gestes ouverts, qu’ils laissent questionnés par le regard des autres. Et cela concerne beaucoup de monde ? Il y avait une soixantaine de personnes à l’ouverture des ateliers, qui viennent ici pour chercher, travailler, réfléchir. Nous travaillons aussi à des récits d’expérience dans les quartiers difficiles de la ville, des petites formes de 20 minutes, qui intéressent Charles Eric Petit par exemple, pour sa propre création. On est aussi dans les établissements scolaires, dans des démarches différentes, mais qui amènent aussi des élèves a priori éloignés de l’écriture

La fabrique à histoires © Sigrun Sauerzapfe

Z

à s’y mettre et, en partant d’eux-mêmes, à aller vers l’histoire des autres. Ils ne sont pas dans la consommation du produit culturel. Exactement. Et les artistes aussi changent à ce contact. Xavier Marchand nous dit que son travail avec les Roms a modifié profondément son esthétique. Cela nous fait bouger, de travailler avec les gens. Moi je travaille sur un chœur de femmes, avec Laila Anis, sur la place de la mère.

Et tous ces travaux en cours seront-ils visibles pour les spectateurs ? Oui, ceux là et d’autres, lors de la Biennale des écritures du réel en 2016. La plupart des formes sont déjà au travail. Je me bats pour trouver des financements pour un focus en 2015, pour faire venir Ahmed Madani et ses Illuminations à Marseille... En parlant de financements, vous en êtes où ? La Ville a avancé, elle reconnaît la biennale et a envie de la soutenir. La Région et le Conseil

Le jardin des clowns Cie 1watt, Huitre © Thomas OBrien

Le Daki Ling est une de ces petites salles marseillaises dynamiques où l’on rencontre un public fidèle, parce que la programmation y est conviviale et les prix abordables ; et parce qu’on peut y boire un coup et discuter. La saison a commencé avec La familiale foraine de L’Estock Fish et un solo de Laura Herts (voir critiques sur notre site) et propose plusieurs soirées par semaine : des matchs d’impro d’équipes locales ou internationales le lundi ou le samedi, et de nombreux spectacles de clown : Chiche Capon le 20 octobre, 1Watt les 21 et 22 novembre, Zirkus Lara

les 28 et 29 novembre et la Cie Arpette les 12 et 13 décembre animeront le premier trimestre, ainsi que de nombreux stages courts destinés aux professionnels ou aux amateurs. En décembre le Daki Ling accueillera aussi les 20 ans de Clowns Sans Frontière France, antenne nationale de l’association mondiale qui envoie des artistes volontaires dans les lieux de conflit et les camps de réfugiés. Car le Daki Ling s’affirme comme un lieu associatif, militant et citoyen : le rire s’y veut souvent subversif ! Et si la Ville commence à reconnaître l’existence d l’association


19

général nous aident sur le pôle jeunesse. Mais globalement les aides au fonctionnement représentent un tiers seulement de notre budget, le reste relève de l’aide aux projets, avec des financements de Fondations : la Fondation de France et la Caisse des dépôts nous ont aidés pendant trois et deux ans, ces aides sont arrivées normalement à terme. Aujourd’hui il nous faudrait trouver d’autres mécènes, même si la Fondation Carasso finance désormais certaines actions. Puis nous travaillons en collaboration avec les Rencontres à l’échelle, nous tissons des liens avec le Klap, Massalia, la Gare Franche... Pour faire des économies d’échelle ? Non, ce n’est pas le but. Il faut s’épauler, réfléchir, inventer ensemble, parce que renouer le dialogue avec le monde social est vital. Ce qu’il faudra faire au Merlan ? Certainement ! Entretien réalisé par AGNÈS FRESCHEL

et du festival Tendance clown qu’elle organise en mai depuis 6 ans, le financement de l’association reste des plus précaires, fait d’emplois aidés et de bouts de chandelle. Et des recettes et adhésions ! A.F.

Les problèmes du Merlan Il était une fois une scène nationale entre des barres d’immeuble, sous un centre commercial, coupée de tout transport public efficient. Et des habitants voisins...

A

près le départ de Nathalie Marteau, directrice du Merlan, en juin dernier, les tutelles cherchent la perle rare. Qui saurait faire de cette scène un outil différent, inscrit dans le paysage culturel alentour, produisant les compagnies régionales qui sans financement meurent, et programmant les spectacles internationaux que les Marseillais ont le droit, comme les autres, de voir. Car on peut se demander si le Merlan a une saison en cours. Quelques dates, une création de François Cervantès, soit bien peu de places disponibles eu égard aux 2,1 millions de budget de l’établissement. Ajoutons à cela des problèmes avec le personnel, une mésentente avec le quartier populaire autour, et des problèmes de gestion ! L’appel à candidature a été lancé très tard, alors que plus personne ne dirige vraiment le navire, et que la saison est emblématique des échecs précédents. Car la scène nationale donne l’occasion de voir des formes intéressantes, parfois branchées et creuses, parfois bouleversantes et inattendues, mais qui n’intéressent à peu près que le public professionnel : comment pourrait-il en être autrement lorsque, au mieux, deux ou trois représentations d’un spectacle sont données dans une salle de 380 places, dans une ville

de 800 000 habitants ? Le NoShow donné dans le cadre d’Actoral en fit une fois de plus la preuve (voir critique sur le site) : plus de la moitié du public s’y définissait comme artiste, mais un passant filmé au hasard dehors disait n’avoir jamais franchi les murs d’une salle de spectacle...

Rester national...

On redoutait que le départ de Nathalie Marteau et de son adjoint ne devienne un prétexte pour supprimer le label de scène nationale, baissant du même coup les budgets alloués. Il n’en est rien, et l’appel à candidature pour le poste de directeur insiste avec pertinence sur les capacités d’adaptation à un environnement complexe et multipartenarial, ainsi que sur la sensibilité aux enjeux du développement du territoire et du développement des publics. Il aurait sans doute fallu ajouter, à la connaissance approfondie des réseaux nationaux et internationaux et de la création contemporaine, celle des réseaux locaux, et de la création régionale. Car la prochaine direction devra remettre d’aplomb une équipe divisée, rétablir l’équilibre financier, parler à des tutelles qui comprennent mal les enjeux particuliers de cette scène... et s’appuyer sur des artistes qui accepteront de s’ancrer dans cette réalité complexe. Un rapport nouveau pourrait en naître, entre artistes et classes populaires : elles ont droit, comme chacun, de se sentir chez elles dans cette maison nationale, et malgré le peu d’engagement des tutelles Marseille est aujourd’hui un laboratoire en matière de travail avec le public (voir ci-contre, p 8 et p 32). AGNÈS FRESCHEL

Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 www.merlan.org

Daki Ling, le jardin des muses Marseille 04 91 33 45 14 www.dakiling.com NoShow © David Ospina


20

Avignon, bonbons de Après l’enivrant mois de juillet, peu de répit pour les théâtres avignonnais ! Tour d’horizon de leurs gourmandes saisons Au Théâtre du Chêne Noir, 44 000 spectateurs au compteur du Off 14, encore (et souvent) des artistes éveillés par des penseurs : après Diderot et Rousseau (voir p55), Vilar (conférence d’Olivier Barrot le 27 nov), Sophocle (Antigona du 4 au 7 déc), puis Gary et Char. Mais encore le Kronope avec L’Oiseau bleu (18 déc), le Collectif 8 dans le cadre du Fest’Hiver (29 et 30 janv), deux pièces pendant Les Hivernales ; et des musiques à foison : Michel Hermon dans Léo Ferré Bobino 69, Magma, Viktor Lazlo avec Billie Holiday et Les nuits flamencas. La création 2015 de G. Gélas, Un cadeau hors du temps avec Jacques Frantz et Axelle Lafont, s’annonce comme un thriller tandis que Charles Berling fouillera l’humanité avec la lecture de Calek et la pièce Dreck, et Pierre Notte assurera loufoquerie et poésie dans Perdues dans Stockholm. Ce dernier sera l’auteur de la prochaine pièce, inédite, d’Alain Timar, au Théâtre des Halles. Pédagogies de l’échec, «une comédie féroce de la vanité de l’action et des rôles imposés» sera créée en avril, avant la reprise de la pièce hautement recommandée Ô vous frères humains de Cohen. Si la saison se termine avec des partenariats forts (Emergence(s), Conservatoire du Grand Avignon, Rencontre des ateliers de la Cie Mises en Scène), ils essaiment l’année : Rencontres de Volubilis (26 au 27 nov), la pièce gastronomique dansée Exquises aux Hivernales, deux pièces de Colette Garrigan avec La Garance, Le Mariage de Figaro par Agnès Régolo au Fest’hiver, ou Inouï Productions sur des nouvelles d’Erri de Luca dans Le contraire de Un (12 et 13 déc). Dans Archives incandescentes, Simone Molina reliera histoire intime et grande Histoire (14 nov), et le Collectif Bleu d’Armand nous entraînera joyeusement dans Chienne de vie. Les mots de Brecht, Mouawad, Camus, Beckett, Flaubert, fleuriront la saison du Théâtre du Balcon, avec en lien, toujours, la musique pour un mélange des genres cher à Serge Barbuscia. Après ses Chants d’exil le 17 oct et une reprise de La Conférence des Oiseaux (29 et 30 nov), Annick Gambotti et le pianiste Jean Louis Deconfin seront réunis dans Noces (21 nov), Solitude de l’abeille mêlera musique et réflexions (5 déc), les lectures Beaumarchais-SACD seront mises en voix et en musique dans Acte e(s)t parole (12 déc, 14 fév), puis La Filiation reliera Chopin et Scriabine.

La Cie du I © DE.M

Les Scènes historiques

Mais aussi Mémoires d’un fou avec William Mesguich, Gustave Parking en jeu et en Master class d’impro, Le Bruit des Hommes avec Fin de partie au Fest’hiver et Grégori Bacquet dans Un obus dans le cœur, fin mars, avant une fermeture temporaire pour améliorer l’accessibilité du théâtre. Au Chien qui Fume, fidélité reste le maître mot : Gérard Vantaggioli mettra en scène la comédie musicale L’âme des pianos (24 au 26 oct), Aïni Iften dans Médée de retour en Colchide (21 au 23 nov) et Bernard Sorbier dans Le dernier paysan, Clémentine Célarié rencontrera le pianiste Gilles de Buharaye (12 et 13 déc), et Marc Jolivet jouera La guerre de 1914 aura-t-elle lieu ?. La Compagnie du I nous régalera pour le Fest’hiver avec À quoi reconnaît-on un clown ?. Et des Escales voyageuses, Chants d’amour de Mireille, les Universités Populaires du Théâtre et Peter Pan pendant Festo Pitcho.

Les «nouveaux» des Scènes

Chaque année, l’association des Scènes d’Avignon s’étoffe. Elles avaient été rejointes par le Théâtre Golovine, qui change de directeur (Yourik Golovine

se consacrant totalement à son activité artistique) mais poursuit sa programmation hip hop (Tu es moi le 21 oct, la Cie du Subterfuge le 18 nov), ses ateliers impro-danse, ses Mercredis des Bambini, des sorties de résidence et des expositions de qualité. Puis par le Théâtre des Carmes qui laisse la place en résidence à 9 compagnies, et diffuse des propositions riches (La ronde de nuit par J.F. Matignon les 13 et 14 déc, les Corps de Passage, Jihad Darwiche, Ana Abril, Myriam Gourfink aux Hivernales). Cette année, c’est le CDC des Hivernales qui grossit le rang. Avant son festival d’hiver De la suite dans les idées (18 au 28 fév) enrichi de 3 journées dédiées au jeune public, les liens avec les acteurs culturels se resserrent, le plateau s’ouvre pour les Lundis au soleil mensuels et des sorties de résidence régulières.


21

saison Les lieux extra-muros seront-ils les prochains entrants ? L’Entrepôt ? Ou la Fabrik’Théâtre qui programme à l’année et est partenaire de nombreuses manifestations collectives.

Et les autres… incontournables

À la Manutention, entre Les Hauts-Plateaux, l’AJMI et l’Utopia, le Théâtre des Doms reste une référence, par son esprit et son accueil vivifiant, participant à la vie de la cité en s’inscrivant dans nombre de partenariats, accueillant des sorties d’artistes en résidence, belges mais aussi régionaux (Hom(m) le 27 nov), des concerts (Le jouet musical les 5 et 6 déc), des stages… L’Eveil Artistique des jeunes publics, toujours nomade à l’année mais non sans idée, accueillera les enfants dès octobre : Big Bang Blue au Parcours de l’Art (le 22 à la MPT Monclar) et le Bal des bébés (le 24 à La Barbière), puis les

30 nov et 3 déc aux Pénitents Blancs avec la Cie Débrid’arts, et en janvier avec l’exposition l’Art du geste d’Artesens. Quant au Festival d’Avignon, après la rencontre mensuelle avec Olivier Py qui évoquera sa création 2015 (le 20 oct), La FabricA accueillera également, en collaboration avec les Passagers du Zinc au profit de l’asso. Le Refuge, Miss Knife (26 oct) ; la SMAC y organisera un concert de Vincent Delerm le 6 nov. En attendant, le label national French Culture Tech pour lequel le Festival vient de candidater avec l’association de préfiguration, occupe les esprits. Si le projet est retenu, la création d’un quartier numérique culturel et européen autour du bassin Avignon-Arles verra le jour, La FabricA deviendrait un pôle de formation. Une nouvelle gourmandise pour Avignon… DELPHINE MICHELANGELI

Chêne Noir 04 90 86 74 87 www.chenenoir.fr Théâtre des Halles 04 32 76 24 51 www.theatredeshalles.com Le Balcon 04 90 85 00 80 www.theatredubalcon.org Le Chien qui Fume 04 90 85 25 87 www.chienquifume.com Théâtre Golovine 04 90 86 01 27 www.theatre-golovine.com Théâtre des Carmes 04 90 82 20 47 www.theatredescarmes.com CDC Les Hivernales 04 90 82 33 12 www.hivernales-avignon.com Théâtre des Doms 04 90 14 07 99 www.lesdoms.be Eveil artistique 04 90 85 59 55 www.eveilartistique.com Festival d’Avignon 04 90 27 66 50 www.festival-avignon.com


22

Oser l’art théâtral

l faut résister au remplacement actuel du théâtre par les spectacles, oser être en ce sens réactionnaire» affirme Danielle Bré, directrice du théâtre Vitez. C’est donc par un, non, (des) Les coups de théâtre (voir page 49) que s’ouvre la saison, puis, pour ce «poème inouï» et nécessaire, Un Dyptique, Lamento et ode (p49). Le théâtre Vitez n’oublie pas non plus qu’il est au cœur de la faculté de lettres, et propose aux étudiants des formations, ouvre ses portes aux créations universitaires. Il s’associe à la production de deux spectacles créés dans le cadre des ateliers de création des cursus théâtre de l’Université, Cent culottes et sans papiers (du 16 au 18 avril, Massalia), et Vos luttes partent en fumée sous les yeux embués d’étranges libellules (du 12 au 16 mai à la Friche). La Cie In pulverem reverteris de Danielle Bré présentera Cette fois (étude I) de Brecht, les Ateliers de création de l’Université plongeront dans l’univers de Pommerat avec Cendrillon. On se réjouit aussi de retrouver dans le cursus de formation, en artiste invitée Sonia Chiambretto (dont on a salué le beau travail au théâtre Durance), et une écriture en hypervitesse (5 fev). Les ATP concourent activement à la programmation avec un choix toujours riche et judicieux de pièces, comme Je suis, œuvre russe surtitrée en français. Des festivals rythment l’année, Momaix avec Nuages de la Cie Lalage de Marseille (6

Utopia tous des barbares © G. Parmentelas

«I

nov), Létée, par Et Compagnie (13 nov), Hansel et Gretel, la faim de l’histoire (sic) de la Cie TraverScène (9 déc), puis en janvier (du 9 au 14), le 12e festival du théâtre amateur du pays d’Aix, le 6e festival des bahuts, le 20e festival 3 jours et plus… et puis la belle lecture du Chant I de l’Énéide, la contribution à l’année du Vietnam (p49), et puis Vitrac, Flaubert, Duras, Dubuffet, une belle coopération avec le 3bisf et le Bois de l’Aune… le théâtre

Vitez dans son Retour à Aristote poursuit sa construction d’une «sensibilité collective» avec un sens aigu de la responsabilité de l’art et du théâtre en particulier. MARYVONNE COLOMBANI

Théâtre Vitez, Aix-en-Provence 04 13 55 35 76 www.theatre-vitez.com

Le CREAC en piste a Biennale Internationale des Arts du Cirque Provence-Alpes-Côte d’Azur, première du nom, n’aura lieu que dans trois mois. Mais il y déjà longtemps que le CREAC/Pôle Cirque Méditerranée, qui en est l’initiateur, est mobilisé pour son organisation. Du 22 janvier au 22 février, dans toute la région, plus de 250 représentations seront au programme. Une quarantaine de lieux associés, dont les quatre scènes nationales (Le Merlan à Marseille, Les Salins à Martigues, La Garance à Cavaillon et La Passerelle à Gap), une cinquantaine de compagnies concernées, les chiffres donnent une idée de l’ampleur de la manifestation qui se prépare. Créée dans la continuité de Cirque en capitale -le temps fort cirque lors de MP 2013-, la Biennale est le premier rendez-vous, et jusqu’à présent le seul, à bénéficier d’une suite à l’année culturelle. Depuis plusieurs mois, les compagnies accueillies en résidence au Centre de Recherche Européen des Arts du Cirque, à Marseille, travaillent à l’horizon 2015. La structure coproduit 22 spectacles de la Biennale, et des

Château Descartes, Galapiat cirque © Enrico Bartolucci

L

et de la Biennale, insiste sur cette dimension «internationale et de création». Outre la France, les artistes d’une vingtaine de pays seront représentés, du Canada au Brésil, en passant par la Chine ou le Maroc. Les dates de programmation en début d’année permettent à la Biennale de coïncider, et donc de s’associer, avec deux rendez-vous majeurs de la scène régionale : Janvier dans les étoiles, à la Seyne/Mer et Les Elancées, à Istres. À Marseille, où auront lieu quelque 150 représentations, un village de six chapiteaux, dressé sur l’esplanade du MuCEM, sera l’axe principal d’un événement qui s’annonce d’une envergure considérable. Avec l’intention affichée de faire de la ville, et de son territoire environnant, l’une des places fortes mondiales des arts du cirque. JAN CYRIL SALEMI

présentations de chantiers y sont régulièrement ouvertes au public. 15 affiches seront des premières mondiales. Guy Carrara, codirecteur, avec Raquel Rache de Andrade, du CREAC

Biennale international des arts du cirque du 22 janv au 22 fév divers lieux, PACA pole-cirque-mediterranee.com



24

Phare culturel

onstruit en 1992 à Port-Saint-Louis par la Compagnie Ilotopie, le Citron Jaune fut alors le premier des lieux de fabrique pour les arts de la rue en France. En 2005 il obtient le label de Centre National des Arts de la rue (CNAR) et devient le lieu permanent de la Cie, ainsi qu’un véritable laboratoire d’expérimentations pour les artistes dont il accompagne les créations -lors de résidences d’écriture, de création, de répétitions, de premières confrontations avec le public... Mais l’équipe, sous la direction de Françoise Léger, œuvre aussi sur ce territoire particulier pour faire émerger des manifestations qui permettent de faire se rencontrer les artistes et les œuvres avec les populations, «in situ» : les Envies Rhônements, festival itinérant qui croise, l’été, art et environnement dans les espaces naturels du delta du Rhône ; Carrément à l’Ouest, dont la 6e édition vient de s’achever, propose des spectacles, au cœur des quartiers, qui témoignent de la richesse et de la diversité des arts en espaces publics ; Les Mercredis du Port, qui animent les quais du bassin de Port-St-Louis en alliant spectacles et art de vivre en juillet, et qui s’annoncent aussi, nouveauté 2014, en hiver ! La 1re date annoncée est le 17 déc… Cette saison encore le Citron accueille des compagnies en résidence, une dizaine de projets parmi la soixantaine de dossiers reçus : deux d’entre elles donneront lieu à une représentation le 7 fév au Citron dans le cadre de la Biennale internationale des arts du cirque (voir p22), la Compagnie Raoul Lambert pour un concert de magie mentale avec Titre Définitif (Titre provisoire) et la Cie S’évapore avec Crash Again ; la Cie Kumulus fera une «sortie de chantier» pour jouer Naufrage après sa résidence en mars ; la cie anglaise Tilted Productions

Le Citron Jaune © Jean de Pena

C

présentera Belonging(s) en avant-première le 25 avril ; L’Insomnante fera aussi une «sortie de chantier» le 23 mai avec Hôtel à ciel ouvert ; Antoine Mahaut, de l’association Extension provisoire, créera in situ Assemblement(s) pour le festival Les Envies Rhônements en juillet ; et puis aussi la Cie Delices Dada, Satchie Noro et Sylvain Ohl, le collectif La Basse Cour, le Bazar Palace… Mais cette année, pour la première fois de son existence, le Citron ne fera pas de coproductions ; non que les financements aient baissés, mais ils n’ont pas augmenté pour autant ; sans parler de la convention pluriannuelle de 3 ans entre l’État et le SAN Ouest Provence qui prend fin

et dont personne ne sait si elle sera reconduite avec la création de la métropole Aix-Marseille Provence (AMP). Quant au festival Les Envies Rhônements, dont la 14e édition devrait se dérouler en juillet, son existence même se trouve menacée par l’assèchement de diverses sources de financement… Do.M.

Le Citron Jaune – Centre National des Arts de la rue Port-Saint-Louis-du-Rhône 04 42 48 40 04 www.lecitronjaune.com

État des Lieux (Publics) L

e grand événement de rentrée concocté par Lieux Publics a remporté le 28 septembre un franc succès. Dominoes, parcours sinueux de parallélépipèdes en béton cellulaire entre la gare St Charles et le Vieux Port, était un événement particulièrement réussi au dire de la compagnie Station House Opéra, qui présente ce type de projets depuis plusieurs années dans les plus grandes capitales. Pour Pierre Sauvageot, directeur du Centre national de création, «ce n’était pas forcément une proposition facile ! À Helsinki ou Copenhague, il y a une unité architecturale et sociologique, mais c’est une autre affaire à Marseille, où des mondes très différents cohabitent à quelques

mètres de distance...», ce qui a rendu l’adhésion du public d’autant plus précieuse. Parmi les rendez-vous réguliers proposés par Lieux Public figurent les Sirènes et midi net, qui accompagnent depuis neuf ans le déclenchement de l’alarme de protection civile tous les premiers mercredis du mois, et sont de plus en plus liées à des résidences de création. Le 5 novembre, c’est une compagnie parisienne, le Deuxième Groupe d’intervention, qui s’inspirera du mythe de Peter Pan dans une déambulation «à l’écoute des voix des enfants perdus». En décembre, ce sera le tour d’un collectif sorti de la FAI-AR, La Folie Kilomètre, qui était déjà intervenu lors du festival Chaud dehors à Aubagne.

Concernant la municipalité d’Aubagne, justement, et le renouvellement de son partenariat de Lieux Publics toujours en suspens, Pierre Sauvageot déclare : «c’est compliqué, mais on se bagarre». Il se réjouit d’autant plus du soutien que la Commission européenne apporte au projet In Situ Platform, qui devrait déboucher sur un rendez-vous annuel dans la région. «Nous essayons d’en discuter avec la Ville de Marseille pour voir si elle souhaite s’en emparer... ou pas». GAËLLE CLOAREC

Lieux Publics 04 91 03 81 28 www.lieuxpublics.com/fr



26

Adhésion mélomane Ophélie Gaillard © Caroline Doutre

epuis bientôt cent ans (en 2019 !) la Société de Musique de Chambre de Marseille (SNCM) perpétue une tradition : celle de faire connaître, rendre accessible et partager un répertoire qui constitue le cœur de l’écriture musicale classique depuis le XVIIIe siècle. Car c’est dans le domaine de la musique de chambre que les compositeurs, de Mozart à Beethoven ou Bartók, ont expérimenté, découvert de nouvelles voies : les trios ou quatuors étant souvent l’antichambre de pièces symphoniques de plus grande envergure ! C’est là que se joue la subtilité de leur art, que se fonde leur style. Cependant cette musique n’est pas seulement une affaire de spécialistes : une sonate de Schumann ou un quintette de Brahms sont abordables par tous. Et le profane, de saison en saison, s’initie peu à peu à une haute forme de la culture occidentale. Forte de son expérience (et de son carnet

d’adresse), l’équipe, fidèle à Bernard Camau, invite des talents qui, en 2014-2015, jouent une trentaine d’opus s’échelonnant sur sept concerts de novembre à avril. Particularité à la SMCM, on s’abonne pour l’ensemble de la saison en adhérant à l’association par une cotisation annuelle (tarifs dégressifs de 160 à 80 euros -gratuité pour les enfants et petits-enfants de sociétaires !). Et l’on peut alors entendre les Quatuors Ellipse, Voce et Prazak, le Trio Élégiaque, la violoncelliste Ophélie Gaillard, le clarinettiste Pierre Génisson, Javier Perianes au piano ou Kristof Barati au violon… Indispensable au mélomane marseillais !

Festival de Musique de Toulon et sa Région Office du tourisme 04 94 18 53 07 www.festivalmusiquetoulon.com

JACQUES FRESCHEL

SNCM, Marseille Espace Culture 04 96 11 04 60 www.musiquedechambremarseille.org

Ténèbres de Couperin), Le Concert Spirituel d’Hervé Niquet (Charpentier, Lully)... Ce sont aussi de grands solistes qui s’y produisent : Régis Pasquier au violon, la mezzo-soprano Isabelle Druet, les pianistes Vanessa Wagner, Cédric Tiberghien, François-Frédéric Guy... Les locations s’échelonnent de 22 à 7 euros et formules d’abonnement à partir de 3 concerts). J.F.

Chapelle du Méjan, Arles 04 90 49 56 78 www.lemejan.com

Concert Spirituel © Eric Manas

n dehors de la Semaine Sainte en Arles (30e édition en mars 2015) et Jazz in Arles (20e édition en mai 2015), la chapelle du Méjan accueille une huitaine de concerts dont une bonne partie affichés les dimanches à 11h du matin (une originalité arlésienne avec petit déjeuner en prime !). C’est la musique de chambre de haut-vol qu’on entend avec, en ouverture de saison, un Week-end Quatuors (les Girard, Diotima et Ardeo, du 21 et 23 nov), mais aussi de beaux ensembles comme l’Orchestre Régional Avignon Provence, Les Paladins de Jérôme Correas (Leçons de

Toulon (et alentour) on programme une dizaine de concerts qui, pour moitié ont lieu au Palais Neptune quand le reste se «délocalise» vers le Théâtre Liberté, l’Église Saint-Paul, le lycée Dumont D’Urville, voire la Maison des Services Publics ou Châteauvallon. On y attend une pléiade de pianistes français : Adam Laloum, Claire Désert et l’Orchestre de Cannes PACA, Bertrand Chamayou, François-Frédéric Guy en duo avec Tedi Papavrami (violon) mais pas que ! Le jeune Edgar Moreau prodige du violoncelle interprète des pages concertantes, la soprano Dorothée Leclair chante la Nativité avec l’ensemble baroque Le Parlement de Musique, Romain Leleu fait sonner sa trompette virtuose... Le duo Anaït Serekian (piano) et Arnaud Pairier (clarinette), le Quintette de Cuivres de l’Azur Symphonic Orchestra ou les Tambours de Tokyo complètent la belle affiche. J.F.

La chapelle arlésienne E

À

Romain Leleu © Eric Manas

D

Récitals classiques


Des mondes sonores à découvrir L

’Ensemble Télémaque et son directeur artistique Raoul Lay redoublent d’énergie, fin 2014, pour réaliser un rêve : faire vivre à l’Estaque (montée Antoine Castejon), quartier satellite de Marseille, un lieu de concert à la fois exigeant quant à la qualité de sa programmation et accessible à tous, public du quartier comme urbains marseillais friands d’originalités sonores. C’est que le PIC (Pole Instrumental Contemporain) possède de sacrés atouts ! Sa salle de concert, tapissée de bois, possède une acoustique exceptionnelle, permettant d’ouïr à la perfection des musiques se mouvant à la frontière du silence. Le lieu accueille des résidences

d’artistes, musiciens sud-américains en création à la Casa Velásquez à Madrid, les percussionnistes du Hop!trio (le 2 déc), de «grands solos» comme Jean-Paul Dessy au violoncelle ou le Léo4tet qui a gravé en ses murs mêmes un CD dédié à Thelonious Monk (le 4 nov). On prend aussi la direction de l’Alhambra Cinémarseille pour découvrir comment Raoul Lay met en musique (ciné-concert) le King Kong historique de 1933 (les 7 et 8 déc). J.F.

Le PIC, Marseille 04 91 39 29 13 www.ensemble-telemaque.com

Hop!trio © Isabelle Françaix

De la création au répertoire baroque L

a Salle Musicatreize accueille, rue Grignan, tout au long d’une saison riche en événements de tous horizons, outre la formation vocale maison dirigée par Roland Hayrabedian, ses partenaires traditionnels : le Gmem-Centre National de Création Musicale-Marseille et Sébastien Boin à la tête de l’ensemble CBarré, la musique baroque de Concerto Soave (dir. Jean-Marc Aymes - festival Mars en Baroque)... On y découvre des programmes autour du «Sacre» (Stravinski entre autres), des chants d’aujourd’hui, si précieux, signés par deux figures de la création moderne, Zad Moultaka (sortie CD «Où est la nuit» le 16 oct) et Alexandros

Markeas, des musiques mécaniques aux rythmes obstinés, les arabesques instrumentales de la dynastie Bach (Orchestre Régional Avignon Provence), Frescobaldi au clavecin, des contes vietnamiens mis en musique par Tôn-That Thiêt, des créations inouïes, le Quintette à vent de Marseille... voire des «Nonsense policiers» imaginés à l’Alcazar par des lycéens partenaires de Musicatreize... Une diversité à glaner pour des tarifs abordables (généralement de 10 euros à 6 euros, gratuité -12 ans). J.F.

Musicatreize, Marseille 04 91 00 91 31 www.musicatreize.org


28

Pop en stock L

a Semaine de la pop philosophie revient à Marseille, après la session bruxelloise de ce festival qui s’est tenue début octobre. Créée en 2009 par Jacques Serrano, sa volonté est de travailler «à partir d’objets issus de la pop culture et de la culture médiatique», et de défendre «l’idée selon laquelle ce sont désormais les capacités à produire des concepts qui constituent les fondamentaux de l’économie de demain». On savait que certains philosophes flirtent benoîtement avec le monde de l’entreprise depuis l’édition 2012, qui avait reçu le Projet Socrate, lequel «propose au monde du travail les ressources de la philosophie afin de lui permettre d’améliorer ses capacités prospectives, relationnelles et productives». On sera curieux de découvrir en quoi un modèle économique basé sur la culture de masse serait vraiment novateur ? Et surtout, pour quelle raison la philosophie, a priori réflexion profonde et critique, supposant un certain recul, aurait-elle à se soumettre à la logique du marché ? S’il n’est pas de réponse convaincante à ces questions, on pourra toujours chercher à se consoler avec une âme sœur lors de la soirée d’ouverture, le 20 octobre au MuCEM. Deux sociologues (Fred Pailler, Catherine Lejealle), et un philosophe (Marc Parmentier) interviendront sur la Philosophie des

Rencontres Pop philosophie 2013, Gilles Vervisch © X-D.R

sites de rencontres. Le 21, il sera possible de sublimer ses pulsions agressives lors d’une soirée consacrée aux séries télévisuelles. Ah, trucider par procuration avec les personnages de Dexter ou de Deadwood ! Notons la présence de Marianne Chaillan, qui nous avait régalés précédemment avec son exploration du monde de Harry Potter, et qui revient cette fois sur celui de Game of thrones. On peut se réjouir également cette année

de l’invitation faite aux sciences dures (plus on est de fous...), qui viendront rejoindre le cercle des forgerons de concepts lors d’une «journée pop mathématiques». Sous la direction de Gérard Berry, titulaire de la chaire Algorithmes, machines et langages au Collège de France, elle aura lieu à la BMVR Alcazar le 22 octobre, et réunira le mathématicien Bertrand Maury et le physicien Étienne Klein. Ce dernier traitera du rugby quantique, pour

La perfection au masculin ? es Rencontres Internationales des Arts Multimédias en sont à leur onzième édition. La volonté des deux directeurs, Philippe Stepczak qui s’occupe de la programmation musicale et Pedro Morais de celle des plasticiens, est de décloisonner, et créer des synergies entre les structures «alternatives» marseillaises (galeries indépendantes comme Art Cade, le Grim, Les Demoiselles du Cinq, l’U.percut, la librairie Histoire de l’œil). Mais surtout ils veulent accueillir, voire accompagner financièrement, les créations numériques et multimédias : d’un côté promouvoir des artistes jeunes, peu suivis, de l’autre faire venir des groupes internationaux. Dans le détail la programmation mérite certainement d’y faire un tour, mais deux partis pris étonnent : la programmation musicale, un DJset et un concert par soir, vient pour l’essentiel de la scène berlinoise (même si le soustitre de la manifestation s’affiche en anglais), choix justifié par ces mots : «La réputation de Berlin comme capitale de la musique est incontestable». Affirmation étonnante pour

Phoebe Kiddo, seule femme programmée en solo pour 15 propositions © Dan Wilton

L

une programmation qui se veut contestataire justement, et qui est élaborée par un ancien étudiant des Beaux-Arts, pas forcément le mieux placé pour établir des liens comme lors de la conférence de presse entre David Oppetit et… Schönberg (qui a certes vécu quelques temps à Berlin, mais a surtout créé l’Ecole de Vienne). On pourrait accepter ces approximations, même péremptoires, si un autre énorme problème n’apparaissait pas dès la lecture du programme : 23 artistes sont présents, tous jeunes et tous (sauf trois, en duos) des hommes. Alors que les écoles d’art et de musique sont peuplées de filles et femmes de talent, et qu’on ne peut absolument plus dire, lorsqu’on programme de la jeune création, qu’il n’y en a pas. Si Pedro Morais, lorsqu’on lui posa la question, admit l’incroyable déséquilibre et promit de s’interroger sur les représentations qui lui avaient fait procéder à ce choix, Philippe Stepczak répondit tranquillement : «ça ne me dérange pas, je ne choisis pas les artistes selon leur sexe». Et lorsqu’on lui rétorqua qu’il était


29

La Méditerranée reste capitale

démontrer «dans le réel l’impossibilité de l’impossible». Le lendemain, on ira audacieusement pressentir une post-pop philosophie et «douter de l’idole communication» avec Jacques Sojcher au cipM. Pour ne pas laisser les hommes monopoliser la parole comme c’est trop souvent le cas dans ce type de manifestations, il ne faudra pas rater la rencontre du 25 au Frac avec Sinziana Ravini, qui s’attachera à sortir la séduction de son ornière «phallo-logocentrique». Enfin, la clôture du festival visera à déceler la profondeur sous ses atours les plus futiles : la mode sera dans tous ses états, à la chapelle de la Vieille Charité puis dans un endroit tenu soigneusement secret. Suspens !

D

ix-septième édition pour Dansem, le festival de danse en Méditerranée organisé par l’Officina. Et dix sept éditions de questionnements, et d’affirmation qu’autour de notre bassin des formes s’inventent, qui ont à nous dire des choses capitales à travers l’exposition des corps. Après MP2013 qui a exploré ces questions sous toutes ses formes, Dansem reste fidèle à son esprit fureteur, et a concocté une édition qui opère un mélange équilibré entre les chorégraphes qui résident ici, comme Georges Appaix, Montaine Chevalier ou Jean-Jacques Sanchez, ceux qu’on aime à voir passer par ici comme Olivier Dubois, Catherine Diverrès ou Rachid Ouramdane, les chorégraphes italiens promus par le Ballet Preljocaj comme Alessandro Sciarroni ou Andrea Costanzo Martini, et ses propres découvertes ou fidélités comme

GAËLLE CLOAREC

insupportable de travailler à la seule émergence du sexe fort, parce nos filles artistes ont droit à l’égalité des chances, et qu’il reçoit des subsides publics, il botta en touche, y compris lorsqu’on lui demanda si les filles avaient moins de talent que les gars. Dont acte. Vous avez le droit mesdames, et messieurs qui aimez l’égalité, de choisir de ne pas y aller (non non, pas de boycott, les artistes n’y sont pour rien). AGNÈS FRESCHEL

RIAM, Rencontres Internationales des Arts Multimédia Festival for unlimited art & music du 15 au 27 oct 09 52 52 12 79 www.riam.info/

Mes mains sont plus âgées que moi, Danya Hammoud © Victor Tonelli

Semaine de la pop philosophie du 20 au 25 oct divers lieux, Marseille 04 91 90 08 55 www.semainedelapopphilosophie.fr

Radhouane El Meddeb, Michele Di Stefano, Danya Hammoud ou Francesca Foscarini. Cette année Dansem commence au Pavillon Noir aixois, fait son tour traditionnel au Théâtre d’Arles, s’installe à la Friche et au Lenche, rend visite au Merlan et à la Minoterie. Car Cristiano Carpanini sait depuis longtemps mettre les lieux et les volontés en synergie, et pour lui la Méditerranée n’est pas un credo passager, mais le lieu d’un conflit entre corps muselé et corps mouvant, vivant. Comme une affirmation de la lutte. AGNÈS FRESCHEL

Dansem du 6 nov au 16 déc 04 91 55 68 06 www.dansem.org


30

Navigation en MéditerranéeS

Retour à Ithaque © Laurent Cantet

Y

a-t-il d’autres Méditerranées ? Ce qui nous paraît unique et inimitable ne peut-il pas servir à comprendre d’autres espaces en Asie et en Amérique ? Ces questions seront au cœur des 21e Rencontres d’Averroès co-produites par France Culture et organisée par Espaceculture Marseille. Des Rencontres sans Thierry Fabre qui a mis fin à sa mission. Précédant et accompagnant le moment fort des trois tables rondes des 28 et 29 novembre au Parc Chanot, à côté des créations théâtrales, des concerts et des conférences, le programme artistique Sous le signe d’Averroès fera la part belle à l’image et au cinéma. On commencera le 7 novembre par 14 visions de Taïwan avec l’exposition Schizophrenia Taïwan 2.0 inaugurée à la Tour Panorama de la Friche La Belle de Mai, en partenariat avec Instants Vidéos et par le Triptyque vidéographique de Nicolas Clauss dans la vitrine d’Espaceculture où s’étalera en travelling, grandeur et décadence d’Alexandrie. Le 10 novembre à Apt, le Festival des cinémas d’Afrique présentera à 17h30 Adios Carmen de Mohamed Amin Benamraoui, une histoire d’amitié et

de cinéma sur fond de tension hispano-marocaine. Le 13 novembre à Martigues, Le Renoir recevra, à 19h, Sophie Bertran de Bellanda qui parlera du chenal de Caronte «comme fil conducteur de l’histoire réelle ou imaginaire de Martigues, entre Orient et Occident». À cette occasion sera projeté Bosphore, un des six courts métrages tournés à Istanbul par Maurice Pialat, suivi à 21h, en avant-première, du Retour à Ithaque de Laurent Cantet, qui, comme son titre ne le laisse pas deviner, nous transporte à La Havane. Du 19 au 25 novembre, Sous le signe d’Averroès se glissera dans un des cycles thématiques du Gyptis consacré aux pirates des trois mers avec, entre autres, Les pirates de Black Moor de J. F Laguionie, Captain Phillipps de Paul Greengrass, Les marins de la mer de Chine de Jackie Chan et un film-répertoire de 1965, Cyclone à la Jamaïque d’Alexander Mackendrick. Le 20 novembre, les Philippines seront à Carry-leRouet (Espace Fernandel) avec Lola, le très beau film de Brillante Mendoza, dont on pourra voir également le lendemain à l’Eden de La Ciotat un drame sur l’adoption : John John.

Le 28 novembre c’est avec les Rencontres à l’échelle (voir p 32) qu’Averroès se fera théâtral, en proposant la création de The Last Supper d’Ahmed el Attar à La Friche. Le 25 novembre, une soirée Cuba cinéma/littérature sera organisée à Arles (Chapelle du Méjean et Actes Sud) : rencontre avec Sara Roumette, auteur de Cuba, histoire, société, culture, projection de Melaza de Carlos Lechuga. Le 27 novembre, la réflexion sur Cuba se poursuivra aux Variétés à Marseille avec une sélection du fonds des actualités cinématographiques du pays. À Port-de-Bouc, Alain Foix réfléchira le 25 novembre sur la relation fantasmée entre la Méditerranée et les Caraïbes. Aix et Avignon sont en cours de programmation à l’heure où nous écrivons. Autant de vidéos, documentaires, fictions pour comprendre, confronter, rapprocher toutes les Méditerranées. Partir très loin et revenir ici, l’esprit ouvert, après cette navigation de hauts fonds. ÉLISE PADOVANI

Sous le signe d’Averroès du 7 au 30 nov 04 96 11 04 61 rencontresaverroes.net



32

Création sans frontières Le temps

réel… en numérique A

Violence lointaine © Mostafa Abdel Aty

L

es 9e Rencontres à l’échelle, temps fort annuel des Bancs Publics, se dérouleront dans six lieux marseillais, du 8 au 29 novembre. Les artistes des rives méditerranéennes sont une nouvelle fois invités à expérimenter des formes en croisant leurs pratiques, à abolir les frontières en déjouant les clichés des rapports Nord/Sud. Après Bruno Boudjelal en 2013 (dont l’installation Le petit pays, le grand pays, sera visible sur la façade du Bar du Peuple), Pascal Grimaud signe l’identité visuelle du festival avec des photographies sur la communauté comorienne. Deux pièces sur le ring à voir aux Bancs Publics : dans Reprise, la danseuse Yasmine Youcef confronte son art et la mémoire de sa famille algérienne à celui de la boxe ; Etienne Minoungou, sur le texte de Dieudonné Niangouna M’appel Mohamed Ali, relie les combats du boxeur et de l’homme de théâtre africain. Le 3e point mettra faceà-face Lénaïg Le Touze et Sadek Lamri pour une performance à la croisée des arts. Au Théâtre Joliette-Minoterie, l’Allemande Nicole Oder adapte le roman ArabQueen pour donner visages et voix à une génération tiraillée entre deux cultures, et à La Friche, Violence lointaine met en jeu des artistes natifs

de pays où la violence est quotidienne : le Congolais DeLaVallet Bidiefono et l’Égyptien Omar Ghayatt interrogeront le thème frontalement. Huit élèves de l’ERAC donneront vie au texte de Youssef Rakha, chroniqueur de la révolution égyptienne, Ainsi parlait Che Newwarah. Autre création liée aux écritures arabes contemporaines avec La vie est belle : Julie Kretzschmar s’entoure d’une distribution franco-arabe pour un dialogue poétique sur l’Algérie, l’Égypte et la Syrie. Et dans The last supper, Ahmed El Attar, chef de file du théâtre égyptien indépendant, dressera le portrait d’une bourgeoisie en plein délitement. Il faudra suivre également le puzzle autobiographique T-Trilogy de l’Iranien Gurshad Shaheman, dont la 1re performance débutera à Montevidéo, et les lectures de Pedro Kadivar, récemment récompensé par le prix SACD, à La Cité. DE.M.

rles vit un automne numérique grâce aux Rencontres de la création, de l’innovation et de l’économie, rassemblées du 11 au 26 octobre sous le label Octobre Numérique et soutenues par la Ville et la Région. Se familiariser avec la problématique des nouvelles technologies dont le thème pour cette 5e édition est Le temps réel, tel est également l’enjeu de l’association T’es In T’es Bat, qui organise en terre arlésienne son festival d’arts numériques, Databit.me#4, du 18 au 26 octobre. Inscrite dans une démarche réflexive et politique quant à l’usage des nouvelles technologies, l’association qui fêtera ses 10 ans en 2015, regroupe lors de son temps fort un ensemble international d’essayistes, bidouilleurs, artistes et autres geeks qui travaillent sur la recherche liée au monde des technologies. Ils dévoileront le résultat de cette semaine de résidence en clôture du festival, lors de la soirée Hippie Shake le 24 octobre et le 25 avec la soirée Acid House Party. Toute la semaine, lors d’ateliers ouverts à tous qui permettront d’échanger les savoirs et les pratiques, T’es In T’es Bat propose à la Bourse du travail, un laboratoire éphémère, inventif et ludique, de recherches et de créations : Isabelle Arvers animera machinima/game art pour utiliser les jeux vidéo de manière critique et artistique, Axel Debeul apprendra à fabriquer un robot qui dessine selon les sons, la Company On abordera l’utilisation du live coding... L’occasion également de découvrir le travail de l’image avec le wifi, un réseau social alternatif sur les ondes créé par un collectif berlinois, ou de participer à un concours de remplissage de carte SD. Une semaine de performances, de balades numériques, de concerts et d’expérimentations en tous genres durant laquelle la participation du public est largement sollicitée. Il sera d’ailleurs possible, en partenariat avec le Museon Arlaten, de débattre sur un plateau radio créatif du «musée de vos rêves» (les 19, 22 et du 24 au 25 octobre), pour nourrir les recherches d’un Muséo Mix à découvrir du 7 au 10 novembre au Musée départemental Arles antique. DE.M.

Les Rencontres à l’échelle du 8 au 29 nov Divers lieux, Marseille 04 91 64 60 00 www.lesrencontresalechelle.com

Databit.me#4 du 18 au 26 oct Arles 09 53 78 52 36 www.databit.me



34

Du plus petit au plus grand Aucun homme n’est une île © Emmanuelle Murbach

P

our la huitième année consécutive, la ville d’Aix-en-Provence s’ouvre en grand à la création jeune public. Pendant plus de deux mois, du 15 octobre au 20 décembre, le festival Mômaix investira une douzaine de lieux culturels. Au programme, des spectacles de théâtre, musique, cirque ou danse, accessibles aux enfants jusqu’à 12 ans. Coordonné par la Direction de la Culture de la ville d’Aix, en partenariat avec les lieux de diffusion culturelle aixois, le festival fait partie des manifestations reconnues par le dispositif La Belle Saison avec l’enfance et la jeunesse. Ce label, créé cette année par le ministère de la Culture et de la Communication, accompagne les initiatives culturelles adressées au jeune public, et met en valeur la diversité des créations tournées vers la jeunesse. Le champ libre est laissé aux lieux d’accueil dans le choix des spectacles, la seule véritable condition pour chacun étant de travailler en lien avec des

structures de proximité : des maisons de quartiers et de nombreux centres sociaux sont ainsi associés à la programmation, avec pour but de créer des échanges avec les espaces culturels. Plus qu’un simple festival, Mômaix sert ainsi de passerelle entre les différents acteurs sociaux et culturels de la ville. Des prix accessibles aux familles sont également pratiqués, et un concours, offrant des places par tirage au sort, est ouvert à tous. Cette année, 25 spectacles, étalés sur 36 dates, pour 56 représentations, constituent l’ensemble du programme. En octobre, le Théâtre des Ateliers, la salle du Bois de l’Aune et le Théâtre du Jeu de Paume seront les premiers à accueillir le festival, avec, entre autres propositions, Cuchulain et Ferdiad : les frères ennemis (Cie Lecture Plus, aux Ateliers), Points de suspension (Cie Cirquons Flex, au Bois de l’Aune), Aladin (Matej Forman, au Jeu de Paume), En Direct de l’Olympe et L’Odyssée (Claire Massabo,

Cie L’Auguste théâtre, au Bois de l’Aune). À partir de novembre, les autres lieux entreront en piste. Les danseurs de la Cie La Liseuse proposeront Univers Light Oblique au Pavillon Noir et les circassiens des 7 doigts de la main présenteront Traces au Grand Théâtre de Provence ; au Jeu de paume Roland Auzet met en scène Aucun homme n’est une île de Fabrice Melquiot ; au Théâtre de Poche-La Maréschale, se jouera Poussetoi (Atelier du Vent Contraire), réservé aux tout-petits dès un an ; le 3bisf accueillera Les Aventures de Pinocchio (L’Autre Compagnie), tandis qu’au conservatoire Darius Milhaud aura lieu une curieuse rencontre entre Le Carnaval des Animaux de Saint-Saëns et le Jurassic Trip de Guillaune Conesson. En décembre, une version d’Hänsel et Gretel, signée La TraversScène, sera à voir au Théâtre Vitez ; Les 7 doigts de la main reviendront avec Patinoire, au Jeu de Paume, et les acrobates d’Eos Compagnie planeront au-dessus de la Cité du livre dans La Maison des courants d’air ; le Ballet Preljocaj présentera sa Blanche-Neige au GTP, la Cie Grenade dansera Welcome, au Pavillon Noir… JAN CYRIL SALEMI

Mômaix du 15 oct au 20 déc 04 42 91 99 19 Divers lieux, Aix-en-Provence www.aixenprovence.fr

Aubagne remet son Grain(s) de Sel L

a 4e édition de Grains de Sel, Festival du livre et de la parole d’enfant, se tiendra à Aubagne du 13 au 16 novembre. Les littératures de l’imaginaire sera le thème principal de la manifestation qui conservera sa spécificité, à la fois rendez-vous littéraire et espace d’expression multiple. Sur l’Esplanade Grimaud, un chapiteau

abritera le salon Shéhérazade, qui réunira une cinquantaine d’éditeurs, auteurs et illustrateurs de la littérature jeunesse. Dans l’Espace des Libertés, les questions de citoyenneté seront à l’honneur. Autour d’un pôle scientifique, les enfants seront conviés à des expériences, et Delphine Grinberg, auteure des Terriens Malins, les

incitera, comme dans son ouvrage, à jouer les «éco-aventuriers». Le Théâtre Comoedia accueillera plusieurs spectacles, dont l’adaptation remarquée de 20 000 lieues sous les mers (Cie Imaginaire Théâtre). Enfin, le 14, à l’issue des rencontres professionnelles, Alice Brière-Haquet et Dorothée de Monfreid se lanceront dans un

défi d’écriture-dessinée en interaction avec le public. JAN CYRIL SALEMI

Grains de Sel, Festival du livre et de la parole d’enfant du 13 au 16 nov Centre-ville, Aubagne aubagne.fr/grainsdesel


35

Regarder ensemble Noun © Eric Sneed

M

ain dans la main, La Criée et le Massalia lancent une farandole de spectacles joliment intitulée En ribambelle ! L’idée de consacrer ensemble un festival au jeune public «de 1 à 105 ans» est apparue comme une évidence aux directrices des deux structures, Macha Makeïeff et Emilie Robert. Toutes deux espèrent qu’il s’agit d’un événement amené à se pérenniser, avec peut-être, lorsque La Criée aura réintégré ses locaux transformés, embellis et désamiantés, une prochaine étape sous ses vastes plafonds. Ou bien encore un hors les murs, pourquoi pas à la Gare Franche. Bref, ce projet naît sous le signe de l’espoir, et on lui souhaite un succès tel, lors de sa première édition, qu’il puisse mettre en application les vœux de ses bonnes fées : susciter de la créativité, repérer de jeunes artistes prometteurs, ou des artistes confirmés n’ayant jamais travaillé pour le jeune public, donner aux enfants le goût du théâtre, le désir d’y emmener leur famille, «car c’est dans l’enfance que l’on devient spectateur». Pour cela, les programmatrices ont fait le choix de l’exigence, de la qualité, de la bonne humeur... et de conserver les tarifs pratiqués

par le Massalia, très abordables, afin «que ce soit la fête aussi de ce point de vue-là». Le festival s’ouvrira avec Impermanences, œuvre post-apocalyptique d’Élise Vigneron, propre à stimuler l’imaginaire des plus de dix ans. Les plus petits pourront ensuite frémir de plaisir avec les Moooooooonstres de la Cie Label Brut, de ceux qui se cachent sous les lits, et dont le metteur en scène Laurent Fraunié promet qu’ils «permettent d’affronter les peurs sans les dissimuler, et de se rassurer sans se mentir». Fin octobre, on revisitera façon polar le Pinocchio de Carlo Collodi, sur les pas de la Cie Caliband Théâtre. Début novembre, attention, grosse pointure ! Olivier Py répondra à l’invitation des deux théâtres, en voisin, avec son adaptation de l’un des contes de Grimm, La Jeune Fille, le Diable et le Moulin. Pour les tout-petits à partir de 1 an cette fois, s’ensuivra la légende de Noun, adaptée de la mythologie égyptienne par Athénor les productions (on guettera à cette occasion l’interprétation de la danseuse Kazumi Fuchigami). Les enfants à partir de 7 ans connaîtront l’immémorial plaisir de rêver à Blanche Neige, lors d’un spectacle muet conçu et scénographié par Nicolas Liautard. Pour finir, attention les oreilles ! The Wackids est un véritable groupe de rock, armé de jouets pour instruments ; ses membres sont prêts à enflammer une salle en délire, sur les airs les plus connus des parents, qui les reprennent en chœur, et au grand plaisir des enfants, qui les découvrent. Notons qu’En ribambelle ! ouvrira La Belle Saison avec l’enfance et la jeunesse en Région PACA, laquelle s’inaugurera sous l’égide de la DRAC le 25 octobre. Un dispositif émanant du ministère de la Culture et de la Communication qui, s’il n’apporte pas de moyens supplémentaires aux structures participantes, a du moins le mérite de projeter un regard favorable sur le spectacle jeune public pendant 18 mois. GAËLLE CLOAREC

En ribambelle ! du 25 oct au 9 nov La Friche, Marseille Impermanence du 25 au 27 oct (également à Toulon du 3 au 5 déc) Moooooooooonstres du 28 au 30 oct (également le 3 déc au Thor, le 10 déc à Fos, et le 13 déc à Nîmes) Pinocchio Collodi du 29 au 31 oct La Jeune Fille, le Diable et le Moulin du 4 au 7 nov

Noun du 5 au 8 nov Blanche Neige du 6 au 8 nov The Wackids du 8 au 9 nov (également à Gardanne le 21 nov, Simiane le 29 nov et Venelles le 2 déc) La Criée 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com Théâtre Massalia 04 95 04 95 75 www.theatremassalia.com http://commissions.bellesaison.fr/


36

Marsatac mate la crise A

Quoi de neuf vendredi et samedi ? Un nouvel espace comparable au Tascheles berlinois au fond d’une travée superbement embellie. Se devine alors un décor sombre et mystérieux derrière des brumes que Caspar Friedrich n’aurait pas renié... Tambour Battant, Claptone et Kenny Larkin étaient d’ailleurs chez eux face à un auditoire en transe. Au Cabaret, Coely a également mis tout le monde d’accord. Quelle pêche et quel rythme chez notre voisine belge ! Et pendant que Gesaffelstein attirait son monde à la Cartonnerie, le jeune normand Fakear s’est fait un nom que les chanceux qui étaient là ne sont pas prêts d’oublier. Mais que dire de Gaslamp Killer, électron libre cérémonieux, Skip The Use © Slam Photography

près une soirée d’ouverture anachronique où les 2 Many Dj’s ont fait vaciller les colonnes du Palais de la Bourse le 19 septembre, la trilogie nocturne à la Friche était très attendue par les noctambules marseillais. Si l’écrin brut des anciennes usines de tabac est aux antipodes de l’esthétique ornementée Second Empire de la CCI, il reste un formidable terrain de jeux pour les designers scénographes Visual System et WSK, architectes d’un parcours électrique digne de l’underground berlinois. La soirée du jeudi était la plus confidentielle, mais attendue de pied ferme avec la présence des Young Gods. Malgré le poids des ans, le trio suisse n’a eu aucun mal à captiver les fidèles et imposer sa rythmique indus teintée de cold punk dans le béton froid du Cabaret Aléatoire. Marsatac reste sans doute un des rares plateaux où il est possible d’écouter à la fois les nouveaux fleurons et les routiers de l’avant-garde des musiques «actuelles»...

Un opus phare, une création et un Clap de fin sur le festival des Musiques Interdites à la Friche !

C

’est sur le Grand Plateau que s’est achevé, le 13 septembre, le 9e festival Musiques Interdites entamé en juillet 2014 et reporté en raison des manifestations des intermittents du spectacle. L’Ensemble Télémaque, dirigé par Raoul Lay, était l’invité de cette manifestation qui, « D’où nul n’est revenu » © Philippe Adrien

depuis une dizaine de saisons, met en valeur des musiques, artistes censurés, exilés, déportés, oubliés, exterminés... aux heures les plus noires de notre récente (in)humanité. Au programme, un compositeur et une œuvre phare du début du XXe siècle, jugés dégénérés par les Nazis dès 1933 : Arnold Schoenberg et son Pierrot lunaire. Cent ans après sa création, l’opus saisit encore l’oreille par son modernisme ancré dans une tradition romantique. Les poèmes d’Albert Giraud traduits en allemand sont chantés/parlés avec un goût sûr, sans vulgarité ni lyrisme ostensible par la soprano Brigitte Peyré, rompue à cet ouvrage qu’elle interprète régulièrement avec les mêmes musiciens. Ensemble, ils jouent cela comme d’autres fredonneraient une comptine, respirant de concert : cela semble si facile ! Résonne ensuite, dans le vaste espace scénique, une partition puissante signée Philippe Hersant, posée sur les mots douloureux de Charlotte Delbo, survivante et témoin des camps de la mort. La musique de D’où nul n’est revenu, ses réminiscences schubertiennes, la stature


mi hippy hipster, mi gourou décérébré ? Derrière son autel, ou plutôt ses platines, l’énergumène à la pilosité paroxystique a laissé le public bouche bée. Pas bien loin de ces folies, Skip The Use et les Casseurs Flowters ont déroulé leurs sets dans une ambiance folle à la Cartonnerie. Salle remplie et public surexcité dès que les premières notes se firent entendre : pas besoin de préliminaire chez Oreslan ! Dans une ambiance électrique avec un épais nuage de fumée, les Skip The Use et son chanteur survolté distillèrent les tubes Ghost ou encore Birds are born to fly. Le temps d’une courte pause, après avoir entonné les chansons et dansé jusqu’à la fin du concert, le public accueillait les Casseurs Flowters (Orelsan et Gringe) qui enchaînaient et déversaient leurs flots, teintés de flemme et de rage de vaincre. Jusqu’au bout de ces nuits, Marsatac a réveillé Marseille, et tenu en éveil cette cité parfois endormie. Vivement la prochaine édition ! FRÉDÉRIC ISOLETTA et LUCAS GIRAUD

Marsatac était à la Friche, Marseille, du 25 au 27 septembre

ciné-concert vocale de Nicolas Cavallier, formidable baryton-basse à la déclamation imposante, donnent à cette création mondiale un souffle, une profondeur qui font idéalement sens dans le contexte de ce festival convoquant la mémoire d’hier... pour mieux appréhender demain ? En seconde partie de soirée fut projeté un film surprenant, réalisé en 1924 par Hans Karl Breslauer, Une ville sans juifs d’après le roman éponyme et satirique d’Hugo Bettauer assassiné par un nazi en 1925. L’œuvre (une comédie !) extrapole sur les conséquences de l’antisémitisme autrichien durant la crise économique et l’expulsion des juifs de la cité... Ce muet, prémonitoire, explorant le thème ancestral du bouc émissaire est agrémenté d’un mixage électro diffusé en direct par Pierre Avia, subtil quant au montage, mais parfois trop présent en matière de puissance, comme dans l’extrême vibration des fréquences graves... Cela noie par moments la carrure de l’image à l’écran. Reste une belle découverte justifiant à nouveau l’existence d’un festival militant et fondamentalement humaniste ! JACQUES FRESCHEL

Le 9e Festival Musiques Interdites s’est clôturé le 13 septembre à La Friche, Marseille


38

L’art et les états de vie

Super premium soft © Christian Kleiner

Kindertotenlieder © Mathilde Darel

Le 14e Festival Actoral s’est terminé le 11 octobre, après avoir essaimé ses propositions durant plus de quinze jours Kindertotenlieder

Actoral 14 / soirée d’ouverture. La Minoterie a fait le plein et après une menue lecture-performance du bout des lèvres (les aventures de Marine Le Pen avec les commerçants de centreville font à peine à peine grincer des dents) de Nathalie Quintane, marraine aigre-douce de cette nouvelle édition, le public attend du «lourd» et en l’occurrence la reprise des Kindertotenlieder, non de Mahler mais de Gisèle Vienne. «Rien à comprendre, tout à sentir» disait Barthes et on est venus pour ça ! Mais non, c’est quasiment l’inverse qui se produit et du coup petit flop : forts des expériences antérieures on avait malaxé les boules Quies généreusement distribuées à l’entrée, en ruminant quelque stratégie de spectateur futé (comment tendre l’oreille à l’anglais non surtitré du texte de Dennis Cooper et se la boucher à toute fin d’endiguer le déferlement attendu) pour se retrouver de fait à priser le minimalisme planant, hypnotique et lancinant du fidèle duo KTL (O’Malley et Rehberg)… et à saisir très nettement que cette âme en peine qui erre sur la scène (un fantôme ?) affirme dans une langue fort peu mallarméenne «je m’ennuie ; tu t’ennuies ; le

sexe est ennuyeux ; être torturé est ennuyeux ; être tué est ennuyeux». Et l’œil dans tout ça ? Gentiment charmé par un plateau couvert de neige ; des rochers affleurent et la petite classe morte de poupées teen-agers qui accompagne quasiment tous les spectacles de la metteure en scène est bien plantée-là, côtoyée par des comédiens tourmentés et mouvants (aucune ambiguïté dans les signaux) venus accomplir une cérémonie funèbre-concert de rock devant un cercueil ouvert ; il y a eu un meurtre et il y a des amis et l’ami est meurtrier et inversement ; la lenteur maîtrisée sauve un peu de beauté éparse et les figures chamaniques poilues des Perchten (voir la tradition autrichienne) avec leurs cornes et leurs grelots chassent un court moment le gothique un peu conventionnel des âmes damnées. Dans ces limbes peu d’étrangeté et l’effroi trop balisé laisse froid ; la catharsis redoutée reflue faute de trouver un interstice par où se glisserait un fantasme fort ; on sort un peu déçus de n’avoir même pas été une marionnette entre les mains de Gisèle Vienne ! ! !

Super premium…

Il est franchement plaisant de constater que le nom de la compagnie du piquant metteur en scène / chorégraphe Toshiki Okada («Chelfitsch») fournit un accès à la perception et à la compréhension de son travail ; altération phonétique nippone de l’anglais «selfish» (égoïste), le terme ainsi prononcé renvoie à une infantilisation mimétique à l’œuvre dans certains aspects de la société japonaise contemporaine que montre du doigt chacune de ses «pièces», et aussi bien illustre facilement le rapport qu’entretient sa

danse avec les gestes du quotidien ; entre ancrage et décalage. Réaliste et extravagante tranche de vie d’un Kombini, supérette urbaine ouverte 24h / 24h, Super premium soft double vanilla rich surprend, amuse, enthousiasme puis lasse un peu sur la durée. Courbettes des employés en tenue rayée, gestes et paroles répétitifs et codés, éclats d’argot japonais, articulations et désarticulations constituent la base du langage de ce théâtre dansé singulier qui frôle parfois, dans son discours, l’absurde d’un Ionesco qui aurait connu la crise économique ; le geste serre de près la parole, sautillant, tremblé et induit par la petite mécanique (désincarnée par le jeu électrique) du Clavier bien tempéré de Bach qui intervient en point d’ironie. Petit monde des temps modernes où se côtoient solitude, frustrations, cruautés en cascade et aspiration à de petits bonheurs; les personnages entrent, sortent, s’accrochent tout en mots et mouvements, déstabilisés par un changement de produit, la crème glacée dont le titre détaille les fascinants attraits. C’est bien… et finalement voilà avec une certaine aisance le stock de la satire renouvelé ! MARIE JO DHO

Kindertotenlieder a été donné au théâtre Joliette-Minoterie le 24 et le 25 septembre, Super premium soft…. a été présenté le 26 et 27 septembre, en coréalisation avec le théâtre du Gymnase, au BNM Retrouvez nos autres critiques d’Actoral sur notre site





42

Vivaldi & Haydn

Jazz à Aix

AIX. Du 16 au 23 oct. Jeu de Paume et GTP 08 2013 2013 www.lestheatres.net

L’Orchestre Philharmonique de Marseille dirigé par Rolf Beck joue la Symphonie «La surprise» de Haydn, le Concerto pour deux trompettes (Anthony Abel & Eric Laparra de Salgues) et le Gloria (Léonie Renaud, soprano & Lucie Roche, alto) de Vivaldi. MARSEILLE. Le 24 oct à 20h30. Église Saint-Michel Entrée libre sans réservation http://opera.marseille.fr

Karen Vourc’h

Youn Sun Nah © Sung Yull Nah

Dominique Bluzet et son équipe se sont mis au swing «balladeur» de quelque «Autumn leaves» pour un Temps fort Jazz en octobre. Il y en a pour tous les goûts : du trio star du jazz français ETE (Emler, Tchamitchian, Echampard, 16 oct) au piano d’Eric Legnini (Victoire du Jazz 2011) en quartet (17 oct) à la nouvelle et émouvante diva coréenne Youn Sun Nah (23 oct). Une affiche pimentée d’un programme spécialement conçu pour les petits, autour de Walt Disney et ses standards (18 oct) ou d’un volet «pédago» concocté par maître Antoine Hervé : une Leçon (avec Big Band !) sur Duke Ellington (22 oct). Et le percussionniste indien Zakir Hussain fera le pont, en compagnie de ses musiciens, vers un orient dont s’inspire volontiers la nouvelle génération des jazzmen (21 oct).

La soprano chante en création mondiale Poèmes de Guerre d’un jeune compositeur de 25 ans Hugo Gonzales-Pioli, ainsi que les Chants d’Auvergne de Canteloube. L’Orchestre Symphonique de l’Opéra de Toulon l’accompagne et joue L’Arlésienne (Suites 1 & 2) de Bizet (dir. Giuliano Carella). TOULON. Le 24 oct à 20h30. Opéra 04 94 92 70 78 www.operadetoulon.fr

Cité de la Musique

La 23e édition automnale se poursuit avec Waed Bouhassoun & Cristina Maria (Chant d’Orient & Fado) à Marseille (Toursky, le 18 oct à 20h30), la diva du fado se produit en solo à Lourmarin (Temple, le 19 oct à 17h), ce sont enfin les Voix de Cordoue à Venise de l’Ensemble Parnassie du Marais qui chantent à St-Etienne les Orgues (25 oct à 17h). ECUME. 04 91 91 41 41 www.ecume.org

Dans le cadre du 50e anniversaire des relations diplomatiques entre la France et la Chine, une production contemporaine basée sur une légende traditionnelle chinoise avec la troupe de comédiens, musiciens et chanteurs de la Compagnie Nationale de Chine d’Opéra de Pékin. À découvrir !

avant l’Octuor de l’Opéra de Marseille (21 nov, entrée libre sur réservation, La Magalone) et les traditionnels concerts de Tambor y canto (du 21 au 23 nov).

MARSEILLE. Le 24 oct à 20h et le 25 oct à 14h30. Opéra 04 91 55 11 10 http://opera.marseille.fr

MARSEILLE. Du 17 oct au 23 nov. Cité de la Musique 04 91 39 28 28 www.citemusique-marseille.com

Orchestre National de France

C’est Christoph Eschenbach qui dirige la phalange nationale dans la 5e symphonie de Tchaïkovski, et pas besoin de chercher bien loin une soliste pour jouer son Concerto pour violon : Sarah Nemtanu (super violon solo de luxe de l’O.N.F.) s’en charge avec brio ! AIX. Le 22 oct à 20h30. GTP 08 2013 2013 www.lestheatres.net © X-D.R

Chants sacrés en Méditerranée

La légende du serpent blanc Flamenclasico © X-D.R

La «Cité» marseillaise propose tout au long l’année une programmation riche, un marathon musical flirtant avec les musiques du monde, le jazz, la poésie, les musiques classique ou contemporaine. Y a qu’à voir (sur un mois !) : Flag, une expérience ciné-vidéo-electro-slam-musicale (17 oct), Flamencoclassico, mêlant flamenco et musique classique (24 oct), Abraham’s café Estonie, un jazz interplanétaire (30 oct), Mezdj Identités Méditerranéennes autour de traditions profanes et festives (31 oct), une création musicale d’une Chinoise en Provence Sissy Zhou (7 nov), la soprano Monique Borrelli et des musiciens de l’Orchestre Philharmonique de Marseille (7 nov, entrée libre sur réservation, La Magalone), une conférence musicale autour des Balkans par l’écrivain Velibor Colic (10 nov), Le Rébétiko avec la chanteuse grecque Maria Simoglou (14 nov, Festival De Vives Voix), Jazz’n Cité scène ouverte (17 nov), un dialogue poétique entre Michael Lonsdale et le clarinettiste Claude Crousier (18 nov),



44

Sang Viennois

De Toulon à Hyères, La Valette, Ollioules ou La Garde, tel un antique cinéma ambulant, le Festival International des Musiques d’Écran (Fimé, 10e édition) tente de faire revivre, tout en le revisitant, un temps où la toile était muette, mais néanmoins musicale. Les artistes qui accompagnent aujourd’hui, en direct, les films d’hier ou d’avant-hier (Sam Taylor, Hitchcock, William Wellman, Edward S. Curtis) ou plus récents (Lynch), des courts métrages (Tom et Jerry), sont issus d’univers très différents : de l’électro, DJ, du jazz ou de la tradition classique. Du coup chaque ciné-concert possède son épice, sa saveur particulière. Ainsi, en ouverture du festival Les Aventures du prince Ahmed (1926, Lotte Reiniger) est accompagné par les jazzmen du Khalil Chahine Quartet... alors que pour la clôture on retrouve Les Lumières de la Ville

Quatuors à cordes en Pays de Fayence

Quatuor Danel © Ant Clausen

Les aficionados de la musique de chambre cheminent dans neuf communes du Pays de Fayence, jusqu’à Saint-Raphaël pour entendre le «Florilège» proposé par Daniel Bizien autour des Quatuors Modigliani, Danel, Girard, Hugo Wolf, Zemlinsky, Maggini, Borodine, Parisii. Un événement incontournable qui en est à sa 26e édition ! PAYS DE FAYENCE. Du 25 oct au 1er nov 04 94 76 02 03 www.quatuors-enpaysdefayence.com

Fables de La Fontaine

(1931) et la partition de Chaplin jouée par l’Orchestre de l’Opéra de Toulon... Ressortez vos mouchoirs ! TOULON (agglomération). Du 7 au 15 nov 07 81 26 26 11 www.fimefestival.fr

Requiem de Cherubini

Quatuor Ellipse

En deux ans ils ont raflé une poignée de prix prestigieux et se sont fait une belle place dans le monde effervescent des quatuors à cordes français. Ces quatre membres de l’Orchestre National de France jouent Lekeu, Stravinski et Beethoven (15e Quatuor). MARSEILLE. Le 4 nov à 20h. Auditorium Faculté de Médecine Espace Culture 04 96 11 04 60 www.musiquedechambremarseille.org

Ensemble vocal d’Arles © X-D.R

MARSEILLE. Les 25 et 26 oct à 14h30. Théâtre de l’Odéon 04 96 12 52 70 www.marseille.fr Rencontre le 18 oct à 17h. Alcazar

City lights © Roy Export S.A.S

Fimé#10

Une opérette testamentaire et pot-pourri de Johann Strauss ou résonnent, avec frivolité et légèreté, les trois temps d’une valse éternelle... et ses plus beaux airs (mise en scène Jack Gervais et dir. musicale Bruno Conti) !

Moins joué que celles de Mozart, Verdi ou Fauré, la partition de Cherubini vaut le détour. C’est l’Ensemble vocal d’Arles dirigé par Pascal Stutzmann-Prouvost qui chante sa Messe des morts, accompagné par les belles orgues du Festival de Saint-Victor (Jean-Michel Robbe).

Julia Lezhneva

Une magnifique jeune soprano russe dans les opus de Corelli, Haendel et Vivaldi en compagnie de l’Ensemble Il Pomo d’Oro (dir. Riccardo Minasi).

MARSEILLE. Le 6 nov à 20h. Abbaye de Saint-Victor 04 91 05 84 48 www.chez.com/saintvictor

AIX. Le 5 nov à 20h30. GTP 08 2013 2013 www.lestheatres.net

Gavriel Lipkind

Le violoncelliste interprète le Concerto n°1 de Prokofiev en compagnie de l’ORAP qui, sous la baguette de Samuel Jean, à côté de la Symphonie «Italienne» de Mendelssohn, fait découvrir un opus de Pierre Thilloy : L’hiver n°2.

Chantées (Lucile Pessey), accompagnées au piano (Amandine Habib) et narrées (Franck Gétreau). LA CIOTAT. Le 29 oct à 21h. Théâtre du Golfe 04 42 08 19 04 www.passion-arts-laciotat.com

AVIGNON. Le 7 nov à 20h30. Opéra 04 90 14 26 40 http://operagrandavignon.fr

Still Point

MARSEILLE. Le 31 oct à 20h30. Salle Musicatreize 07 63 01 45 92 www.desequilibre.fr

14-18, des musiciens dans la tourmente Julia Lezhneva © Decca

La rencontre de l’ensemble Des Équilibres en formation classique (quatuor à cordes, dir. Agnès Pyka) et de Ray Lema, musicien de jazz mêlé de world music aux racines africaines, pianiste et compositeur.

Du piano à quatre mains (Pascale Duponchel et Patrick Fouque) dans des opus de Debussy, Ravel, Schmitt et Hahn. LA CIOTAT. Le 7 nov à 21h. Théâtre du Golfe 04 42 08 19 04 www.passion-arts-laciotat.com


45

Célébration d’Orphée

Un opéra inspiré du récit biblique signé Rossini (version concertante) qui ravira les amateurs de bel canto, d’autant que Mariella Devia, l’une des rares spécialiste du genre, tient le haut de l’affiche en compagnie d’Annick Massis ou Jean-François Lapointe.

Des Mélodies du compositeur provençal chantées par le baryton Mikhael Piccone avec Marie-France Arakélian au piano, et sa Sonate pour violon (Da-Min Kim). Présentation par le musicologue Lionel Pons.

MARSEILLE. Les 8, 11, 14 nov à 20h et le 16 nov à 14h30. Opéra En contrepoint, Jean-Marc Aymes dirige l’opéra baroque Mosè de Paolo Colonna à l’église St-Michel, le 13 nov à 20h30 04 91 55 11 10 http://opera.marseille.fr

MARSEILLE. Le 15 nov à 17h. Alcazar entrée libre dans la limite des places disponibles 04 91 55 90 00 www.bmvr.marseille.fr

Passionnément

Une jolie opérette d’un maître du genre, fin et élégant : André Messager. Jean-Jacques Chazalet signe la mise en scène et l’orchestre maison est dirigé par Jean-Pierre Burtin.

Benjamin Grosvenor

Fort de son disque intitulé Dances paru dernièrement chez Decca, le pianiste joue un programme pour partie animé du même esprit avec une Gavotte de Rameau, des Mazurkas de Chopin, une Chaconne de Bach... mais aussi le fameux Prélude, Choral et Fugue de Franck ou des pages des Goyescas de Granados.

MARSEILLE. Les 15 et 16 nov à 14h30. Théâtre de l’Odéon 04 96 12 52 70 www.marseille.fr

AVIGNON. Le 12 nov à 20h30. Opéra 04 90 14 26 40 http://operagrandavignon.fr

La Nouvelle Véronique

Une création inspirée (ré-écriture modernisée du livret) de l’opérette de Messager, sur la musique originale de Véronique par les jeunes chanteurs de la Troupe Lyrique Méditerranéenne.

Nathalie Dessay

Elle chante encore des airs baroques l’ex-diva d’opéra qu’on a davantage entendu ces derniers temps dans des récitals «cross over». Pour notre plaisir, la soprano retrouve sa compère Emmanuelle Haïm et le Concert d’Astrée pour un programme Haendel (Giulio Cesare) qu’elle connaît sur le bout des cordes vocales.

MARSEILLE. Le 16 nov à 16h. Théâtre du Lacydon 06 60 36 99 09 www.troupe-lyrique.com

OPPAJUNIOR

AIX. Le 12 nov à 20h30. GTP 08 2013 2013 www.lestheatres.net

L’Orchestre Philharmonique du Pays d’Aix Junior (dir. Jacques Chalmeau) joue la musique du film Star Wars de John Williams et la Symphonie du Nouveau Monde de Dvorak. Une belle expérience pour des jeunes de 10 à 20 ans !

Anna Bolena

MARIGNANE. Le 16 nov à 17h. Théâtre Molière Entrée libre sur réservation 04 42 31 12 32

Le destin tragique de la deuxième épouse d’Henry VIII, victime et martyre faussement accusée d’adultère, chanté en italien et revisité à la sauce romantique sur la musique de Donizetti ! C’est Ermonela Jaho qui incarne le rôle titre quand sa rivale Giovanna Seymour est jouée par Kate Aldrich.

Adrien La Marca

La dernière Victoire de la Musique 2014 en récital, en compagnie du pianiste Ismaël Margain dans Mendelssohn (Sonate pour alto) et des transcriptions d’opus de Schumann à Piazzolla.

TOULON. Les 14, 18 nov à 20h et le 16 nov à 14h30. Opéra 04 94 92 70 78 www.operadetoulon.fr

AIX. Le 17 nov à 20h30. Jeu de Paume 08 2013 2013 www.lestheatres.net

Jérôme Granjon © Frédéric Desmesure

Le pianiste joue les 24 Préludes & Fugues du Premier livre du Clavier bien tempéré de Bach. CARRY. Le 18 nov à 20h30. Espace Fernandel 04 42 44 64 01 www.moments-musicaux-de-carry.fr

Ensemble Instrumental 2012 © Les Festes d’Orphée

Concert Darius Milhaud

Moïse et Pharaon

L’Ensemble soliste des Festes d’Orphée dans une évocation du mythe antique et ses évocations musicales. AIX. Le 18 nov à 18h30. Espace Forbin (présentation illustrée par Guy Laurent) Le 20 nov à 20h30. Musée des Tapisseries (concert) 04 42 99 37 11 www.orphee.org


46

Idiot !... Du puissant roman L’Idiot de Dostoïevski et

de l’histoire tragique du Prince Mychkine, le fougueux et talentueux Vincent Macaigne tire la matière, six ans après une première version manifeste, d’une nouvelle adaptation énergique et rageuse, pour partager avec les spectateurs les idioties d’un homme lumineux dans un monde de noirceur. Dans une Russie en proie aux bouleversements d’une fin de siècle, entre l’espoir d’un monde meilleur et le conservatisme d’une aristocratie qui ne cherche pas à comprendre, la parole de «l’Idiot» résonne étrangement, emportée par l’engagement des acteurs et l’énergie du metteur en scène qui fait du théâtre le lieu de l’urgence et d’une fête remuante et libre. Idiot ! Parce que nous aurions dû nous aimer du 17 au 19 oct (à La Friche) La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

Double assassinat dans la rue Morgue du 19 au 22 nov (à La Friche) La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com du 29 au 30 janv

Chêne Noir, Avignon 04 90 86 74 87 www.chenenoir.fr

Je voudrais crever Les Pupitres de Didascalies and Co ont pour

accompagnement vers la mort par Marc-Antoine Cyr, qui sera mis en espace par Renaud Marie Leblanc. Un second Pupitre aura lieu en avril.

vocation de faire découvrir au public du Théâtre de Lenche des textes d’auteurs de théâtre contemporain, sous forme de lectures-spectacles. Le premier épisode de cette saison devait présenter Un batman dans ta tête de David Léon, mais c’est finalement Je voudrais crever, récit d’un

les 31 oct et 1er nov Le Lenche, Marseille 04 91 91 52 22 www.theatredelenche.info

Histoire universelle de Marseille Le Collectif Manifeste rien revient sur la scène du Lenche, avec l’une de ses très populaires adaptations théâtrales d’oeuvres de sciences humaines. En remontant sur plusieurs siècles dans le passé tumultueux de la cité phocéenne, Virginie Aimone manie l’humour comme une arme de résistance politique au formatage. La représentation sera suivie d’un débat avec Charles Jacquier, auteur de multiples ouvrages de critique sociale.

© X-D.R

le 17 nov Le Lenche, Marseille 04 91 91 52 22 www.theatredelenche.info

© X-D.R

le 16 oct (au MuCEM, Auditorium G. Tillion) le 17 oct (à la Gare Franche) La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

Auguste Dupin et son comparse narrateur imaginé en 1841 par Edgar Allan Poe, précurseur d’un genre littéraire nouveau : le roman policier. Gaële Boghossian et Paulo Correia dressent la piste d’un meurtre aussi atroce qu’étrange, d’une bestiale sauvagerie, commis dans un appartement fermé de l’intérieur. Un terrain de jeu pour deux acteurs immergés dans l’envoûtante création vidéo, qui portent haut l’univers d’Edgar Poe, traduit par Charles Baudelaire.

Music-Hall C’est l’histoire d’une fille de cabaret et de ses

boys, sur le fil tragico-comique tracé par Jean-Luc Lagarce. La Cie L’Egrégore travaille l’insuccès, le dérisoire, comme une matière narrative à la richesse insoupçonnée. Les vendredis et samedis, le spectacle sera précédé d’une première partie à la Friche du Panier : Les inséparables jouent aux Frères ennemis, par la Cie Les Rubens, hommage rendu à un duo d’humoristes en vogue dans les années 50/60. du 4 au 22 nov Le Lenche, Marseille 04 91 91 52 22 www.theatredelenche.info

© Stéphane Torres

son est grande ouverte sur les autres lieux de Marseille et commence au MuCEM et à la Gare Franche, avec une fiction à deux voix. Dans son recueil Les Contes d’Odessa, Isaac Babel dresse un portrait touchant mais sans complaisance de ce qui fut la plus grande communauté juive de Russie. Philippe Fenwick imagine une étrange correspondance sur l’impossible retour à Odessa, «la Marseille slave» de l’écrivain russe. Présentée par Macha Makeïeff, en compagnie de Philippe Fenwick, Sergueï Vladimirov et des musiciens Philippe Borecek et Philippe Arestan, cette double lecture fera entendre le français, le russe, l’ukrainien et le yiddish.

© Adrian Althaus

Contes d’Odessa Double assassinat… La Criée est fermée pour travaux mais sa sai- Avant Sherlock Holmes et Watson, il y eut Charles


47

© Marc Domage

Clôture de l’amour

De part et d’autre du plateau, un homme, une femme. La guerre est déclarée. Les mots aiguisés sont projetés, comme des instruments de torture potentiels. Pascal Rambert, auteur et metteur en scène de Clôture de l’amour, nous propose une vision personnelle de la violence de la séparation amoureuse. du 6 au 8 nov Théâtre Joliette-Minoterie, Marseille 04 91 90 07 94 www.theatrejoliette.fr

La dernière chambre François-Michel Pesenti propose une séance avec les acteurs de Purge sur le célèbre

Piano et Strings de Morton Feldman. «De tout ce qui a été tu, il reste quelque chose quelque part. Quelque chose qui va se dissoudre ou exsuder… Quelque chose qui va remplir peu à peu la cavité de silence qui cèle son existence...» Une performance qui remplira l’espace à chaque seconde. Entrée libre sur réservation. le 18 oct Les Bernardines, Marseille 04 91 24 30 40 www.theatre-bernardines.org

Tanto amore Simonne Moesen chante les airs des

héroïnes de Puccini sous la direction d’Alain Fourneau après des années de séparation. Tanto amore réunit tous ces drames qui finissent par la mort d’une femme au nom de l’amour : de Madame Butterfly à Tosca en passant par Turandot, Simonne Moesen exprime leurs paroles comme pour guérir une blessure ancestrale, mettre l’âme romantique à nue et révéler les sentiments sincères au grand jour dans un arrangement au piano par Kaat de Windt. du 13 au 18 nov Les Bernardines, Marseille 04 91 24 30 40 www.theatre-bernardines.org

© Hilde De Windt


48

les 7 et 8 nov Le Toursky, Marseille 0 820 300 033 www.toursky.org

Une journée particulière

Christian Mazzuchini reprend à Marseille un monologue de Christophe Tarkos qu’il avait créé durant le Festival d’Avignon en 2012. Il y est tendre, drôle, très drôle, s’emparant de la langue ardue, de la pâte-mot poétique, avec une familiarité savoureuse. Jamais aride, et truculent, n’abandonnant pas son accent, faisant entendre la métaphysique en lui donnant un corps habité, il est vraiment étonnant ! le 15 nov Théâtre Nono, Marseille 04 91 75 64 59 www.theatre-nono.com

© Maryline Le Minoux

Fidèle au théâtre Toursky qui accueille avec bonheur tous ses spectacles, Edmonde Franchi nous offre sa nouvelle création Sérénade en mer. Le titre n’est pas sans rappeler un précédent succès Les fruits de la passion… Notre personnage ne rêve plus devant un feuilleton télévisé. C’est la troublante Gilda (nom de cinéma oblige !), accompagnée de son pianiste (Diego Bordonaro), qui sur le Music Lover Boat (oui cela s’invente aussi !) fait une rencontre qui va bouleverser sa vie… Humour, tendresse, tout se conjugue à merveille, porté par l’inépuisable fougue de la comédienne.

La tentation d’exister

Mais n’te promène donc pas toute nue De l’art de manier l’exhibitionnisme en politique... En résonance des plus cocasses avec l’actualité, cette oeuvre de Georges Feydeau voit un homme empêtré sur la voie du pouvoir par l’inconduite de son épouse. Comment donner de soi une image irréprochable quand sa moitié a décidé de -presque- tout dévoiler ? Ce spectacle à la mise en scène aussi précise que piquante est présenté dans le cadre de la Semaine Bleue, journées nationales des retraités et des personnes âgées.

© Karine Letelliet

le 16 oct Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr

© Théâtre de l’Insant volé

© Max Minniti

Sérénade en mer

Les coups de théâtre Entrée, au second degré, dans le thème de tragédie grecque à la comédie musicale de

le 14 nov Le Toursky, Marseille 0 820 300 033 www.toursky.org le 16 janv Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr

Broadway. En entrée libre.

le 16 oct Théâtre Antoine Vitez, Aix-en-Provence 04 42 59 94 37 www.theatre-vitez.com

Cyrano de Bergerac La Cie marseillaise Le Souffle s’empare du texte emblématique d’Edmond Rostand avec pour objectif d’en valoriser «l’amertume mélodramatique» tout autant que la puissance comique. Quatre comédiens se relaient sur scène pour interpréter les divers personnages : il en faut bien deux pour celui, plus grand que nature, de Cyrano ! Un spectacle qui s’inscrit avec pertinence dans la tradition du théâtre de tréteaux, volontairement proche de son public. À partir de 12 ans. le 11 nov Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr

© Cie Le Souffle

On a tous en tête les images du film d’Ettore Scola avec Sophia Loren et Marcello Mastroianni. Reprendre ce chef-d’œuvre au théâtre semble une gageure. Corinne Touzet dans le rôle d’Antonietta et Jérôme Anger dans celui de Gabriele relèvent le défi, soutenus par la mise en scène sobre de Christophe Lindon. Le duo improbable de la mère de famille débordée et de l’intellectuel menacé de déportation en raison de son homosexualité est rendu avec une juste sensibilité. La rencontre de ces deux solitudes, deux mondes opposés, abolit les lignes des préjugés, de la bêtise humaine. Le spectacle a ravi le Off d’Avignon 2013.

saison pour le Théâtre Vitez avec ce spectacle présenté en français (avec des extraits en russe) par la Cie LINGUA-T, de l’Université fédérale de l’Oural, programmé en partenariat avec Datcha Kalina. Un vaudeville écrit par Marcel Mithois, qui raconte la folle aventure du théâtre, de la

le 5 déc Maison du peuple, Gardanne 04 42 65 77 00 www.ville-gardanne.fr


49

La société des loisirsMarc et Marie pourraient être un modèle de

© Celine Nieszawer

couple parfait : une maison, une piscine, un bébé, des postes importants et stressants et même un piano ! Un soir, ils invitent leur meilleur ami Antoine, pour lui annoncer qu’ils ne se verront plus depuis qu’il a repris une vie de fêtard et de célibataire. Mais la soirée ne se déroulera pas comme prévu… Une vraie satire du bonheur distillée d’humour cinglant, dans laquelle on retrouve, entre autres, Pierre Cassignard et Christiana Reali.

Les Insatiables

Bella Berlo, Tsingerbaï et Sprol ont un peu plus de 40 ans. La première a une pharmacie, le deuxième des économies et le troisième un héritage dont il veut se débarrasser, à savoir dix-mille préservatifs, des «caoutchoucs d’Australie» plutôt encombrants... Chacun souffre d’un manque cruel d’amour sans arriver à se le dire. Ces personnages attachants, enracinés dans la misère quotidienne, sont décrits par Hanokh Levin, figure majeure du théâtre

du 5 au 8 nov Jeu de Paume, Aix-en-Provence 08 2013 2013 www.lestheatres.net

contemporain israélien, dans Marchands de Caoutchouc. Dans une mise en scène de Gloria Paris, ses mots retranscrits à travers le miroir touchant du monde du cabaret, font ressortir son regard acide et son humour cinglant. du 13 au 15 nov Jeu de Paume, Aix-en-Provence 08 2013 2013 www.lestheatres.net

Un Diptyque

© Michèle Souheban

Deux formes courtes esquissées par le Collectif En Devenir, et dirigées par Malte Schwind dans le cadre d’un master pro de dramaturgies et d’écritures scéniques. Un Lamento, à partir de Gombrowicz, Dostoïevski, Pessoa… auxquels se mêle la musique de Stravinsky ou Rachmaninov pour tenter un théâtre expressionniste. Puis, Une Ode, comme une réponse possible aux cris de douleur et de peine. le 23 oct Théâtre Antoine Vitez, Aix-en-Provence 04 42 59 94 37 www.theatre-vitez.com

Souffle d’outre ciel Une lecture spectacle mise en scène par Marcelle Basso, d’après le roman Kim Vân Kiêu du mandarin de la cour impériale Nguyen Du, considéré comme un chef-d’œuvre de la littérature vietnamienne. Présentée dans le cadre de l’Année du Vietnam en France par la Cie aixoise Trafic d’Art II, la pièce raconte

l’histoire d’une jeune fille qui se voit prédire une existence douloureuse en expiation de fautes commises dans une vie antérieure… le 19 nov Théâtre Antoine Vitez, Aix-en-Provence 04 42 59 94 37 www.theatre-vitez.com


50

Elles s’appelaient Phèdre Princesse vieille reine Deux spectacles, Princesse vieille reine et

les 13 et 14 nov Théâtre des Ateliers, Aix-en-Provence 04 42 38 10 45 www.theatre-des-ateliers.com

La botte secrète de Dom Juan Comme elle est secrète, il n’y a qu’un moyen de savoir, se rendre au spectacle ! La botte secrète de Dom Juan nous entraîne dans un roman de cape et d’épée digne de Fanfan la Tulipe. Reste Dom Juan bien sûr, mais dans un rythme déjanté, irrespectueux des conventions théâtrales, des conventions tout court, dans un langage actuel qui se rit de l’alexandrin. Ne vous

y trompez pas, la frivolité de la forme n’exclut pas une certaine profondeur. La pièce de Grégory Bron est menée de main de maître par l’AFAG Théâtre (ce qui signifie : Au fond à gauche). le 17 oct Espace NoVa, Velaux 04 42 87 75 00 www.espacenova-velaux.com

© X-D.R

Deux dates, l’une pour une répétition publique (le 30 oct), l’autre pour la création, histoire de vivre un premier trajet… Le Détachement International du Muerto Coco en résidence au 3bisF fait partager sa magie, la vraie, la magique, avec un piano jazz, électro-synthétique (Roman Gigoi), du conte en slam, de la fantaisie, des paillettes, le bonheur des mots, des gestes, avec la fée Raphaëlle Bouvier. «Peut-être il y aura un poney»… on ne sait pas, l’essentiel restant invisible pour les yeux, mais sans aucun doute, il y aura de la poésie !

La compagnie La Naïve reprend la pièce de Sophocle, la transpose dans une arène, terre rouge bien sûr, celle de la tragédie du terrible cinq heures du soir de Federico Garcia Lorca. Ajoutez l’esprit du cinéaste Pedro Almodovar, le goût du Non, de la transgression, le devin Tirésias en stand-up, un DJ, un chœur, la petite Antigone avec un a explosif, Antigona. Une version décapante dans la traduction, adaptation et mise en scène de Jean-Charles Raymond. le 7 nov Espace NoVa, Velaux 04 42 87 75 00 www.espacenova-velaux.com

© X-D.R

Antigona

Et si vous y croyez assez

le 12 nov (création) 3bisF, Aix-en-Provence 04 42 16 17 75 www.3bisf.com

les 17 et 18 oct Bois de l’Aune, Aix-en-Provence 04 42 93 85 40 www.agglo-paysdaix.fr

© X-D.R

© Guy Labadens

Il ne s’agit pas ici de jouer Racine, mais de la raconter, en alternant récits et scènes extraites de la pièce du dramaturge du XVIIe. La prose et les alexandrins se mêlent, questionnant notre relation à cette œuvre, au théâtre, jouant avec le quatrième mur. Deux actrices, Sophie Bancon et Catherine Mouriec, se partagent tous les rôles dans une mise en scène de Jean-Marie Broucaret. Huit personnages seront ainsi guidés par la passion amoureuse, le désir. Thèmes inusables et sans cesse renouvelés de l’antiquité à notre XXIe siècle que le Théâtre des Chimères reprend avec brio.

Triomphe du temps, unissent la délicate interprétation de Marie Vialle et les mots de Pascal Quignard. Il y a les robes des contes, couleur du temps, du ciel ou du soleil, il y a celles des princesses qui deviennent de vieilles reines, belles et tristes. Les poèmes se tressent, enlacent les récits où se dessinent entre autres les figures d’Emmen, la fille de Charlemagne, Emily Brontë, George Sand, la fille du gouverneur d’Ise au Japon en 888… Poésie subtile où les entrechats du verbe tissent l’étoffe des rêves.

du 4 au 7 déc Chêne Noir, Avignon 04 90 86 74 87 www.chenenoir.fr

Rêvons ! Après avoir décortiqué l’actualité politique natio-

nale et internationale, Marc Jolivet se met à rêver… C’est là que l’utopie devient réjouissante ! Convaincre Hitler de renoncer à l’antisémitisme, causer tablettes numériques avec Gutenberg, Steve Jobs et Moïse, faire souscrire à Néron une assurance contre l’incendie, écrire la suite de Madame Bovary avec Flaubert… autant de situations furieusement rafraîchissantes que Marc Jolivet joue avec son soi-disant ami et complice Christophe Barbier… le 18 oct Maison du peuple, Gardanne 04 42 65 77 00 www.ville-gardanne.fr

© X-D.R



52

Les Triplettes…

Quand je pense… Comment arriver à se réconcilier avec soi-même

en scène par Joëlle Cattino sur un texte de Michel Bellier, éclaire un angle particulier de la Grand Guerre : les prémices d’une émancipation féminine qui se structure par le biais des luttes des ouvrières -du droit de vote à l’égalité des salaires- qui manipulaient la poudre de TNT dans les usines de fabrication d’obus. Les Filles aux mains jaunes le 17 oct Le Sémaphore, Port-de-Bouc 04 42 06 39 09 www.theatre-semaphore-portdebouc.com

Le Kung-Fu Dans ce solo qu’il a écrit et met en scène,

Dieudonné Niangouna revisite son histoire passionnée avec le cinéma, et notamment les films de kung-fu, mais aussi la façon dont il est devenu un homme de théâtre alors que son père le prédestinait à devenir cinéaste. Le spectacle sera couplé à un court-métrage tourné en amont avec des amateurs martégaux qui joueront des scènes qui ont marqué sa vie. les 6 et 7 nov Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.les-salins.net

© X-D.R

Les Triplettes de Belleville dans «Go Ouest» le 17 oct Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.les-salins.net

Les Filles… La nouvelle création du Dynamo Théâtre, mise

Italie Brésil 3 à 2 Le texte de Davide Enia raconte comment une

famille palermitaine vit, devant la télé, l’extraordinaire victoire de l’équipe d’Italie sur celle du Brésil. Il s’agit de foot, bien sûr, mais surtout d’enthousiasme, de saveur de langue, de rythme et d’émotion. Solal Bouloudine, formidable, raconte, joue l’enfant et l’oncle, les femmes, incarne d’un geste, plante le décor d’un pas, et fait entrer dans la passion du foot les plus récalcitrants. Car Alexandra Tobelaim, qui l’a mis en scène, avoue ne rien comprendre à ce sport, mais avoir enfin saisi l’enthousiasme qu’il suscite en goûtant ce texte...

© Wolfgang Korwin

le 24 oct Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com le 28 oct Théâtre du Rocher, La Garde 04 94 08 99 34 www.ville-lagarde.fr le 14 nov Forum des Jeunes, Berre-l’Étang 04 42 10 23 60 www.forumdeberre.com le 15 nov Théâtre Durance, ChâteauArnoux/Saint-Auban 04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr

© Olivier Thomas

© X-D.R

Les personnages du film d’animation prennent vie ! Sylvain Chomet, son créateur et réalisateur, a écrit et met en scène la suite des aventures des Triplettes pour le théâtre. On retrouve toute la petite bande aux États-Unis, derrière Champion qui pédale comme un dératé, jusqu’à rencontrer Elvis !

Quand je pense qu’on va vieillir ensemble le 13 nov Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.les-salins.net

© Ph. Lebruman

et continuer à vivre et affronter le monde tout en prenant soin de soi ? Le collectif Les Chiens de Navarre nous propose de décrypter les recettes qui n’épargneront ni les lâchetés ni l’individualisme qui régissent les rapports humains, avec dérision et tendresse !


53

© Jean-Louis Fernandez

Traduire la guerre À Arles, les 31 Assises de la traduction lites

téraire vont réunir, cette année encore, des passionnés de littératures étrangères : traducteurs, auteurs et lecteurs vont se réunir durant 3 jours pour réfléchir sur le thème «Traduire la guerre», et plus particulièrement sur la guerre et les langues. Autour des textes de Sun Tzu, Homère, Freud, Tolstoï, William March, Victor Chklovski, Antonio Lobo Antunes, Joshua Cohen… se retrouveront, entre autres, Florence Hartmann, Jean Levi, Pierre Judet de la Combe, Marc de Launay, Jean Hatzfeld, Nathalie Bontemps,

Oblomov

le 17 oct Le Théâtre, Fos 04 42 11 01 99 www.scenesetcines.fr

Pour leurs 10 ans, les membres du Collectif Les Possédés se retrouvent autour de leur auteur fétiche, Tchekhov, et invitent l’actrice Emmanuelle Devos à les rejoindre. Personnages emblématiques d’une intelligentsia russe à la dérive, les invités quotidiens d’Anna Petrovna, jeune veuve accablée de dettes sont coincés entre mal de vivre et désirs dévorants, ce qui laisse toute sa place au jeu explosif des interprètes.

Les Pieds tanqués

© X-D.R

© Thierry Pasquet

Platonov

C’est ce qu’il appelle son «nom de naissance», conteur, parce que c’est ce qu’il est depuis toujours. Yannick Jaulin porte en lui des histoires qui éclairent son état et lui permettent d’«être dans le réel, dans l’actualité du monde». Ce conteur d’aujourd’hui s’interroge, et nous interroge, sur sa fonction, en partageant ses récits entre rire et émotion.

Quatre joueurs de pétanque -un Pied Noir, un Français d’origine algérienne, un Provençal de souche et un Parisien- se retrouvent, s’opposent, livrent leur vérité, chacun avec une déchirure secrète et un lien avec la guerre d’Algérie. La Cie Artscénicum les unit au-delà de la simple partie de boule, pour évoquer, avec respect, les blessures de l’exil, de la culpabilité, des rancœurs, et des pardons. les 14 et 15 nov Halle des boulistes Rassuen, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr le 6 nov Salle Emilien ventre, Rousset 04 42 29 82 53 www.rousset-fr.com le 28 nov L’Alpilium, Saint-Rémy 04 90 92 70 37 www.mairie-saintremydeprovence.fr

du 14 au 17 oct Théâtre Bernadette Lafont, Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

Sasa Sirovec, Véronique Trinh-Muller… pour des tables rondes (Traduire Jean Hatzfeld, La Guerre au plus près…), conférence (Dire l’inavouable, transmettre l’indicible), ateliers, lecture (Compagnie K de William March par Julien Duval) et carte blanche (Les jeunes face à la guerre).

L’Apprentie sage-femme

du 7 au 9 nov Association pour la promotion de la traduction littéraire, Arles 04 90 52 05 50 www.atlas-citl.org

La troupe de la Comédie-Française revient à Nîmes avec un chef-d’œuvre de la littérature russe. Dans ce roman satirique de la noblesse russe du XIXe siècle, Ivan Alexandrovitch Gontcharov dresse le portrait du antihéros par excellence, symbole de résistance face à l’agitation d’un siècle inféodé à une croissance forcenée. © BM Palazon

du 18 au 20 nov Théâtre Bernadette Lafont, Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

© Bruno Steffen

Conteur ? Conteur !

Dans une Angleterre médiévale et campagnarde, une petite fille sans nom et sans protection apprend à trouver sa place dans le monde. Sous la férule d’une sage-femme revêche, elle gagnera un nom, Alice, et un métier. Félix Prader met en scène ce conte initiatique, avec Nathalie Bécue dans le rôle-titre. le 7 nov Espace Robert Hossein, Grans 04 90 55 71 53 www.scenesetcines.fr


54

On ne paie pas… Les mains de Camille Sur un texte du prix Nobel de littérature Dario La Cie Les Anges au Plafond revisite le thème

On ne paie pas, on ne paie pas ! le 14 nov (en partenariat avec les ATP d’Avignon) La Garance, Scène nationale de Cavaillon 04 90 78 64 64 www.lagarance.com

de la censure contemporaine à travers la figure tragique de Camille Claudel. Mis en scène par Brice Berthoud, un quatuor féminin, dont la marionnettiste Camille Trouvé qui incarne la sculptrice au destin dramatique, fait surgir d’un bloc de papier des ombres mystérieuses pour raconter l’histoire d’une femme abandonnée. De son atelier à l’asile d’aliénés, le public est au cœur de son génie et de sa solitude. Les mains de Camille ou le temps de l’oubli du 19 au 21 nov La Garance, Scène nationale de Cavaillon 04 90 78 64 64 www.lagarance.com

© Vincent Muteau

Fo, Joan Mompart entraîne une troupe d’acteurs dynamique et cocasse, dans une succession d’intrigues autour du thème brûlant de la désobéissance civile. Un vent de révolte emmené par des femmes qui refusent de payer dans les supermarchés. Fable politique, comédie militante, écrite dans les années 70, la pièce est d’une surprenante actualité… et affiche au générique un certain Samuel Churin, comédien brillant, également porte-parole de la coordination des intermittents et précaires. Quand le rire reste la meilleure arme pour résister et remettre en question le fonctionnement de notre société.

Bug

le 13 nov Théâtre des Doms, Avignon 04 90 14 07 99 www.lesdoms.be

© Giulia Palermo

Sortie de résidence de la pièce en création conçue par la marionnettiste Giulia Palermo qui, accompagnée d’un musicien bruiteur, questionne l’enfermement à l’aide d’une marionnette «hyporéaliste» à travers l’histoire d’une vieille femme plongée dans la solitude. Entrée libre sur réservation.

Soirée Mix/ture

théâtralisée (plus de 300 représentations au compteur) menée par Thierry Otin et Olivier Barrère, plonge dans le quotidien des soldats français de la Première Guerre mondiale. En entretenant la mémoire, la compagnie souhaite aussi «lutter contre l’oubli et provoquer la réflexion». Une rencontre-débat est prévue à l’issue du spectacle (dès 11 ans). le 12 nov Auditorium Jean Moulin, Le Thor 04 90 33 96 80 www.artsvivants84.fr

captation audiovisuelle Imagic Multimédia qui s’est récemment fait voler son matériel photo et vidéo. le 24 oct La Fabrik’Théâtre, Avignon 04 90 86 47 81 www.fabriktheatre.fr

Train Fantôme Ambiance fête foraine déjantée et chasse aux

vampires avec cette «comédie flippante» dans le plus pur esprit des Monty Python, signée Eric Métayer et Gérald Sibleyras. Le public suit les délires de l’équipe d’acteur des 39 marches et monte dans ce Train Fantôme réglé au millimètre qui fait escale du rire à l’horreur. Et embarque sans relâche dans la bonne humeur ! les 16 et 17 oct Chêne Noir, Avignon 04 90 86 74 87 www.chenenoir.fr les 14 et 15 nov Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com

© Photo Lot

© Carole Parodi

Dans les tranchées Créée en 2002 par la Cie Art.27, cette lecture

Un one man show de Manuel Pratt, un court métrage de la réalisatrice Jeanne Tachan, des concerts de 5 avenues, Jeff Caboche et PenseBête, le tout sous la houlette de Stéphane Roux en maître et cérémonie : l’affiche est belle et, en plus, elle est solidaire. Les fonds récoltés par les entrées lors de cette soirée unique seront reversés intégralement à l’association de


55

Le neveu de Rameau Une leçon de philosophie étincelante signée Le dépays de Diderot issue d’un manuscrit retrouvé par hasard Chris Marker Présentée dans le cadre du 20 Parcours de

Ancien élève du Conservatoire d’Avignon, le comédien et metteur en scène comorien Ahmed Soumette s’engouffre dans l’univers de Christophe Tarkos et «travaille sur la matière même de la langue, moins attaché au contenu ou au message d’un texte qu’à sa puissance prosodique et à l’énergie de sa prolifération». Embarquement dans un va-et-vient entre l’imaginaire du poète marseillais et la réalité, porté par un homme sans nom et sans identité qui nous entraîne dans le tourbillon des mots-maux et de leur folie dynamique. © Comoriano

Le Trip Rousseau

les 7 et 8 nov Théâtre des Halles, Avignon 04 32 76 24 51 www.theatredeshalles.com

Dirigés par le metteur en scène Dominique Ziegler, qui signe également le texte, trois comédiens épatants interprètent 40 personnages pour décliner avec les mots d’aujourd’hui les thématiques principales de la pensée de Jean-Jacques Rousseau. Après Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?, Ziegler continuer de jongler entre philosophie, biographie et divertissement et embarque les spectateurs dans un voyage au rythme effréné au cœur de la pensée complexe de Rousseau. © S. Pecorini

les 14 et 15 nov Chêne Noir, Avignon 04 90 86 74 87 www.chenenoir.fr

le 24 oct Théâtre des Halles, Avignon 04 32 76 24 51 www.theatredeshalles.com

© X-D.R

© Chantal Palazon

Tentation d’exister

les 8 et 9 nov Chêne Noir, Avignon 04 90 86 74 87 www.chenenoir.fr le 16 oct Palais des Congrès, Saint-Raphaël 04 94 19 84 11 www.saint-raphael-congres.fr

e

l’Art, cette lecture / performance de l’œuvre de Chris Marker, disparu l’été dernier, sera donnée par Etienne Sandrin et Catherine Belkhodia, égérie du cinéaste novateur. Un dialogue entre les arts avec cette version scénique à deux voix de son livre de photos et textes consacrés au Japon, accompagnée par un «slide show» des photos du livre et par la musique de Rainier Lericolais, interprétée au piano par David Sanson.

Soirée d’ouverture La dernière pièce de Serge Barbuscia, Chants

d’exil, ouvrira la saison du théâtre du Balcon en partenariat avec la LICRA. Un cabaret parlé-chanté à partir des textes et chansons de Bertolt Brecht qui déroule 15 ans d’errance dans la vie du poète dramaturge. Une leçon d’humanisme qui appelle au combat et à la liberté. La soirée se poursuivra avec de nombreuses surprises et se terminera par un verre de l’amitié. le 17 oct Le Balcon, Avignon 04 90 85 00 80 www.theatredubalcon.org

© André Guerrand

chez un bouquiniste, plus d’un siècle après sa mort. Mis en scène par Jean-Pierre Rameau, l’impressionnant Nicolas Vaude et Gabriel Le Doze s’engagent avec passion dans cette joute verbale qui relate un dialogue entre le philosophe et le neveu du compositeur et «éclate comme une bombe au milieu de la littérature française», selon Goethe.


56

Sic(k)

Ma vie rêvée L’acteur et humoriste le plus attachant des

le 16 oct Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr

© Jean-Marc Helies

scènes françaises revient au Théâtre Liberté pour raconter sa vie… rêvée. Une nouvelle pièce, autobiographique certes, comme nombre de spectacles de Michel Boujenah, qui fait aussi la part belle à l’imaginaire, au rire et aux larmes. Un être qui part à la recherche de l’enfant qu’il a été, de ses origines juives tunisiennes et qui raconte l’existence «qu’il n’a pas eue».

le 23 oct La Chartreuse, Villeneuve-lez-Avignon 04 90 15 24 24 www.chartreuse.org

Gainsbourg, poète majeur

Jane Birkin, Michel Piccoli et Hervé Pierre sont réunis pour une lecture autour des mots de Serge Gainsbourg, à travers soixante textes choisis dans l’intégralité de son œuvre. Doubles sens, audaces stylistiques chargées d’exotisme et d’érotisme, de provocation et d’ironie, tout le talent d’un génie qui a fait de la chanson un art majeur porté par un trio tout aussi brillant. le 16 nov Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr

La récitation du chant I de l’Enéide de Virgile du 13 au 15 nov Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr

les 26 et 27 nov (avec les ATP d’Aix) Théâtre Antoine Vitez, Aix-en-Provence 04 42 59 94 37 www.theatre-vitez.com

Fratrie Quatre frères adolescents, livrés à eux-mêmes,

sont enfermés dans la maison familiale quelques jours entre la vie et la mort du père. La fratrie se dessine et s’affronte, les liens mystérieux et complexes se nouent pour expérimenter l’âge adulte. Entre une scénographie épurée et un travail vidéo subtil, Renaud Marie Leblanc et les quatre jeunes comédiens de la Cie Didascalies and Co subliment la poésie de l’auteur québécois Marc-Antoine Cyr. Fratrie [il me ressemble comme l’hiver] le 17 oct Théâtre Durance, ChâteauArnoux/Saint-Auban 04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr du 18 au 22 nov Théâtre Joliette-Minoterie, Marseille 04 91 90 07 94 www.theatrejoliette.fr

© Didascalies and Co

© Mélanie Loisel

Après une petite forme jouée au festival Off d’Avignon cet été, Théâtre à cru approfondit sa pièce Sic(k) en résidence à la Chartreuse et présente en avant-première une version élargie, destinée aux grands plateaux. Si la porte d’entrée de la pièce est la consommation d’alcool, elle dessine en creux une géographie poétique des substances addictives, à partir d’entretiens réalisés par Alexis Armengol. Conjuguant réalité et fiction, la partition théâtrale interroge désirs et isolement pour éclairer nos recherches existentielles.

L’Énéide, récit épique de Virgile a traversé la nuit des temps pour nous parler de la naissance des empires et des destins humains. Porter des voix devenues silencieuses depuis plus de 2000 ans est un vrai défi de théâtre. Miloud Khétib s’empare de ce grand poème universel, le chant I parmi les douze qui composent l’épopée. Il renoue avec ce qui fonde le théâtre grâce à la mise en scène sobre de Marie Vayssière. Au-delà des péripéties mythiques d’Énée qui part fonder Rome après avoir perdu Troie et des éternelles discordes entre hommes ambitieux et dieux colériques, le remarquable acteur évoque la quête perturbée du héros sur la route de l’exil, sa victoire sur la fatalité, honorant son désir de paix après des conflits meurtriers.

© Carta

La récitation du chant I…

le 27 mars Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com


57

Birdy Une année sans été Macbeth expérience L’histoire d’un homme abîmé par la guerre qui Un simple tréteau de théâtre de foire et un écran

les 18 et 19 nov Théâtre de Grasse (à l’espace culturel de Val de Siagne) 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com

Entre romantisme, sentimentalisme et cruauté, l’auteure Catherine Anne a trouvé le parfait équilibre pour parler de la jeunesse. Joël Pommerat s’empare de cette parole et met en scène cinq jeunes gens, au début du XXe siècle, confrontés aux grandes questions existentielles qui touchent le passage à l’âge adulte : l’amour, la mort, l’avenir, la création…

© X-D.R

du 13 au 15 nov Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com

© Roxane Petitier

les 7 et 8 nov Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com du 16 au 22 janv La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

de fortune sert de décor au Collectif Mains d’œuvre pour adapter Macbeth. Après King Lear fragments, il poursuit sa folle expérience théâtrale en puisant dans l’œuvre de Shakespeare. Une tragédie dans laquelle les quatre comédiens bateleurs proposent une version personnelle de la pièce, contaminés eux aussi par l’ambition et l’immoralité des personnages.

© Elisabeth Carecchio

se rêve oiseau du fond de sa cellule en hôpital psychiatrique, que son ami Al va tenter de faire revenir à la vie et au monde des hommes. Adapté au cinéma par Alan Parker, le roman de William Wharton est porté pour la première fois à la scène par Emmanuel Meirieu, qui avait signé une magistrale adaptation du roman de Russell Banks, De beaux lendemains. Un huis clos où les souvenirs et les sentiments humains s’égrènent pour sortir du silence et de la folie.


58

commencé en beauté le 1er octobre, avec un premier dévoilement, parcellaire, de ce qui sera la création 2015 du chorégraphe : sa Barbe bleue, interprété pour l’heure par deux magnifiques jeunes danseurs, renouait avec une danse charnelle, virtuose, narrative, pour mieux pénétrer les enjeux du conte... Le 20 novembre, la sortie de laboratoire mettra au jour un monstre devenu femme (Claire Indaburu), et ses sept époux qui accostent la porte interdite, sur une partition musicale signée Christian Zanési et Philippe Hersant. Le chorégraphe extrait du célèbre conte l’hypothèse d’un caractère des genres et renverse son principe initial pour ouvrir à un trouble de l’identité. Ces Questions de danse, qui se poursuivent jusqu’au 21 octobre avec deux surprises au moins par soirée, nous ont permis de voir, aussi, un sublime et drolatique Tutu de Philippe Lafeuille, qui explore, pastiche, parodie toutes les danses, de la classique à la contemporaine en passant par le tango la voltige et les plus kitsch des

danses de salon, par six hommes volontiers transgenres et toujours épatants de technique, et d’humour. Questions de danse jusqu’au 21 oct La Barbe Bleue le 20 nov Klap Maison pour la Danse, Marseille 04 96 11 11 20 www.kelemenis.fr

Un peu de tendresse… Le chorégraphe metteur en scène québecois Dave

St-Pierre reprend l’un des premiers volets issus de sa trilogie sur les utopies contemporaines. Un spectacle présenté au Festival d’Avignon 2009, décomplexé, débridé, tendre ou violent, qui explore notre manque d’amour et s’abandonne à la beauté des liens humains. Décoiffant (et déconseillé aux moins de 16 ans). Un peu de tendresse bordel de merde les 14 et 15 nov Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence 08 2013 2013 www.lestheatres.net

© Dave Saint Pierre

© Christian Glaus

Utilisant toujours l’empreinte du mouvement «Gaga» d’Ohad Naharin, maître de la Batsheva Dance Company, Andrea Costanzo Martini explore le duo pour expérimenter la sensualité et la virtuosité. Il tire sa création vers des territoires inattendus, en rajoutant aux contacts physiques et à la danse parfois improvisée, une gymnastique intellectuelle à partir du décompte des parties du corps, des actions, du temps.

© Agnès Mellon

Questions de danse Le festival inventif de Michel Kelemenis a

Gente che conta

les 6 et 7 nov Pavillon Noir, Aix-en-Provence 04 42 93 48 14 www.preljocaj.org

Univers light oblique Man Un alphabet dansé signé Georges Appaix, qui Fana Tshabalala, nouvelle étoile de la danse

le 28 oct Pavillon Noir, Aix-en-Provence 04 42 93 48 14 www.preljocaj.org

entraîne sa troupe dans une ronde joyeuse et enchantée, plongée dans un bain d’écritures. Des vocalises corporelles à la poésie du mouvement, des combinaisons fluides et des déplacements obliques s’égrènent sur le plateau pour composer des arabesques à la précision japonaise et un ballet multicolore dont le plaisir est contagieux. du 18 au 20 nov Pavillon Noir, Aix-en-Provence 04 42 93 48 14 www.preljocaj.org»

© Marie Accomiato

sud-africaine, présente au Pavillon Noir sa dernière création. Un solo qui explore les contours de l’identité masculine, dans lequel le danseur chorégraphe donne libre cours à ses émotions et laisse «l’homme fort et musclé se laisser dépasser par l’homme sensible». Entrée libre.


59

Souls

Dans sa dernière pièce, Olivier Dubois explore la capacité de chacun à porter son destin, et par là même celui du monde. Après deux résidences à Dakar et au Caire, le chorégraphe convie six danseurs, venus de six pays d’Afrique, à un voyage animiste où les corps dialoguent avec le cosmos sur une musique de François Cafenne qui mêle le sabar sénégalais à des sons industriels. © Antoine Tempé

Hemaïzia / Egéa

Robot ! De l’homme ou de la machine, qui apprivoise le

mieux l’autre ? C’est cette relation complexe que Blanca Li aborde dans sa dernière création qui fait dialoguer des corps et des machines, où des robots plus ou moins humanoïdes deviennent les partenaires de danse des huit interprètes de la compagnie. le 15 nov La Colonne, Miramas 04 90 50 66 21 www.scenesetcines.fr le 28 nov La Croisée des arts, Saint-Maximin 04 94 86 18 90 www.st-maximin.fr

le 12 nov Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com

© Pierre Planchenault

Les Silences obligés / Rage le 22 oct Théâtre Bernadette Lafont, Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

© A. Jerocki

Dans le cadre du festival nîmois Tout simplement hip hop, le théâtre accueille deux créations qui mettent en avant une danse novatrice et engagée. Nabil Hemaïzia et Nacim Battou, du collectif 2 Temps 3 Mouvements, ouvrent la soirée avec Les Silences obligés, référence à des silences intimes, les non-dits de nos histoires, de nos vies. À noter que le spectacle est accessible aux spectateurs aveugles ou malvoyants. Dans la 2e partie, Anthony Egéa fait danser avec Rage une jeune génération de danseurs venus d’Afrique qui fusionnent danse traditionnelle et contemporaine.

Plage Romantique Contact

La dernière création de Philippe Decouflé nous fait passer du côté des coulisses pour suivre des artistes en pleine répétition d’un spectacle renversant, de la première idée au soir de la première. Une mise en abyme qui prend la forme d’une comédie musicale à suspens, forcément extravagante, dans laquelle la vidéo est aussi très présente. © Elene Usdin

du 5 au 7 nov Théâtre Bernadette Lafont, Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

Créée dans le cadre du festival Montpellier Danse 2014, la pièce d’Emanuel Gat mêle partitions vocales, musicales, textuelles et chorégraphiques pour interroger encore et toujours les modalités de la représentation. Les dix interprètes entament un dialogue avec le son, alternant les courses, les cris, les arrêts sur image avec les mouvements de groupe. le 18 oct L’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr le 18 déc Grimaldi Forum, Monte Carlo +377 97 70 65 20 www.balletsdemontecarlo.com


60

Mouvinsitu La création de Boris Gibé croise la danse,

le cirque et le 7e art. Il transpose, avec son compagnon de jeu Florent Hamon, l’écriture filmique sur un plateau de théâtre. Ici pas de vidéo, ni de caméras, mais 1001 astuces pour retranscrire la notion de montage à travers le corps, la lumière et le son. Un spectacle qui se construit en direct et met en scène deux individus perdus dans les méandres de la vie. le 7 nov La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.eu

© les choses de rien

Bounce !

Big Bang Blue

ans, découvrent lors de deux représentations (10h30 et 14h30) que chaque élément participe à un équilibre global

Inspirée de l’œuvre de Mondrian et des mobiles de Calder, la pièce de Tintam’Art Théâtre présentée dans le cadre du Parcours de l’Art 2014 (jusqu’au 25 octobre dans la ville d’Avignon), interroge la notion d’équilibre et de rapport au monde. En suivant le parcours de Bleu dans un espace visuel et sonore, les enfants, de 3 à 10

Imprévus 1 Premier rendez-vous Imprévus de la saison avec

l’Académie Princesse Grace et la Compagnie des Ballets de Monte-Carlo qui partagent en vis-à-vis et au plus près des spectateurs leur spectacle. Une expérience chorégraphique à vivre dans l’intimité de l’Atelier des Ballets de Monte-Carlo, pour entendre le souffle du danseur et apprécier chaque nuance du mouvement. du 21 au 25 oct Ballets de Monte Carlo +377 98 06 28 55 www.balletsdemontecarlo.com

Dans le cadre du festival P’tits Cannes à You, le théâtre de la Licorne accueille la compagnie Divergences pour une création chorégraphique jeune public. Corps, gestes, souffles et grognements des deux interprètes portent sur un plateau dépouillé l’adaptation expressionniste et cartoonesque du conte du Petit chaperon rouge. le 17 oct Théâtre de la Licorne, Cannes 04 97 06 44 90 www.madeincannes.comt

© Erik Damiano

le 4 nov La Garance, Scène nationale de Cavaillon 04 90 78 64 64 www.lagarance.com

Le petit chaperon rouge

Aladin Le spectacle avait été créé durant la saison dernière, dans une version tronquée... mais totalement magique ! Une féérie pour les yeux, des marionnettes géantes de Matej Forman qui enchanteraient les plus récalcitrants, et la voix railleuse d’Agnès Sourdillon en récitante, parfaite... Mais on abandonnait Aladin aux portes du palais, avant sa reconquête ! Gageons que le génie saura cette fois le conduire au terme de sa quête, à travers les tempêtes de sables, les magiciens et les voleurs, et la cruauté du Sultan. du 29 au 31 oct Jeu de Paume, Aix-en-Provence 08 2013 2013 www.lestheatres.net le 12 déc Espace NoVa, Velaux 04 42 87 75 00 www.espacenova-velaux.com

© Irena Vodakova

© Atelier de Paris

La Cie Arcosm, dirigée par le danseur Thomas Guerry et le musicien Camille Rocailleux et associée à La Garance cette année, a relativement peu joué dans le sud… et tourne pourtant à l’international avec des succès indéniables qui mêlent danse et musique. Une découverte donc pour le public de la région que cette pièce visuelle et pluridisciplinaire, 6e au répertoire de la compagnie, qui détourne positivement la notion d’échec. À voir en famille !

le 22 oct Eveil Artistique, Avignon (à la MPT Monclar) 04 90 85 59 55 www.eveilartistique.com


61

Mijaurées

Aucun homme n’est une île

La Cie Anima Théâtre a réuni sept auteurs contemporains, pour créer un ensemble d’autant de textes, inspirés de contes traditionnels. De ce travail d’écriture naît Mijaurées, qui revisite les personnages féminins de ces histoires. Le passage de l’enfance à l’âge adulte est au cœur de ce spectacle, mêlant théâtre d’objets, marionnettes, danse et chant. Alexandra Mélis en est l’interprète, mise en scène par Claire Latarget.

© Cécile Manzo

Madame K

© X-D.R

La vie de Madame K est un vrai cauchemar. Dans une angoisse permanente, elle a peur de ses voisins, des chiens, des hommes, des

Molin Molette Dans leur labo de clowns scientifiques, Molin et

enfants, des accidents, du froid... D’ailleurs, son véritable nom est Madame Kapeurdetou. Qui l’aidera à trouver une issue ? Autour du thème de l’omniprésence de la peur dans nos sociétés, la Cie Demain il fera jour crée ce spectacle tragi-comique. Sur un plateau tournant comme un manège, Vincent Clergironnet met en scène et joue son propre texte, aux côtés de Dominique Posca. le 5 nov Théâtre de Fos 04 42 11 01 99 www.scenesetcines.fr

le 5 nov Théâtre La Colonne, Miramas 04 90 50 66 21 www.scenesetcines.fr le 8 nov Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr

Molette sont éleveurs de ressorts et fabricants de silence. Les deux chercheurs se livrent à de loufoques expériences pour parvenir à maîtriser leurs sujets d’études. Pierre Meunier (Cie La Belle Meunière) signe le texte et la mise en scène de ce spectacle, interprété par Gaël Guillet et Emma Morin. Accessible aux apprentis scientifiques dès 6 ans.

Tête haute

Cyril Teste à la mise en scène et Joël Jouanneau à l’écriture, présentent le fruit de leur nouvelle collaboration. Tête haute conte l’histoire d’une petite fille de roi, abandonnée par ses parents, déçus de ne pas avoir eu de fils. Avec un dictionnaire pour seul compagnon, elle erre dans la forêt, à la recherche du sens des mots contenus dans son grand livre. Le principe du pop-up, adapté sur la scène, et l’utilisation de la vidéo pour décor, donnent à cette quête initiatique des reliefs poétiques et oniriques. © Caroline Bigret

le 6 nov Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com

© Emmanuelle Murbach

le 29 oct Le Sémaphore, Port-de-Bouc 04 42 06 39 09 www.theatre-semaphore-portdebouc.com

Jacques et Oscar. Deux ados, deux amis, qui jouent, s’amusent, se disputent. Rien de plus banal, en somme. Sauf que l’un d’eux est une créature virtuelle, qui ne vit que dans un ordinateur. Sur un texte de Fabrice Melquiot, Roland Auzet met en scène un nouveau genre : le cyber théâtre. Au milieu d’effets visuels époustouflants, Julien Romelard crée une relation déroutante avec cet avatar sur écran. À partir de 8 ans. le 19 nov Jeu de Paume, Aix-en-Provence 08 2013 2013 www.lestheatres.net

Le sable dans les yeux Pour le troisième volet des Paroles d’ados, le

Théâtre du Briançonnais donne carte blanche à la compagnie Les Passeurs. La troupe de Lucile Jourdan, associée au théâtre depuis 2013, porte sur scène le texte de Bénedicte Couka, Le sable dans les yeux. Ce conte moderne tisse le lien entre trois histoires : celle de Margot, 10 ans, et de sa maman infirme et muette, celle d’une louve et de son petit, en quête d’une proie, et celle de Tom, à la recherche de son fils, perdu dans la forêt. Le sable dans les yeux / Paroles d’ados 3 les 19 et 21 nov Théâtre du Briançonnais, Briançon 04 92 25 52 42 www.theatre-du-brianconnais.eu


62

Les grands dictateurs Thé Perché

Une cérémonie du thé qui ne se déroule pas comme prévu… Dans l’espace convivial et intime de la yourte de la Cie Prise de Pied, les acrobaties poétiques et les situations burlesques s’enchaînent, entre portés et équilibres. Mais tout est bien qui se finit bien, avec une dégustation

du breuvage en fin de spectacle ! les 22 et 23 oct Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.les-salins.net

Six pieds sur terre Six amis, cinq hommes et une femme, se

L’intrépide soldat de plomb

Il était une fois un soldat de plomb auquel il manquait une jambe. La compagnie allemande Stefan Wey relate les péripéties du petit héros imaginé par Andersen. Dans un décor figuré par une grande toile de parachute, l’auteur du conte apparaît. La scène se couvre d’ombres et l’écrivain nous mène à la rencontre de son personnage. Stefan Wey à l’interprétation et la danseuse Nancy Donat donnent corps à ce récit, mis en scène par Tobias J. Lehman. du 18 au 21 oct Pôle Jeune Public, Le Revest-les-Eaux 04 94 98 12 10 www.polejeunepublic.fr

© Spictacle

Finding the silence Accueillie la saison dernière avec Knee Deep,

la Cie australienne Casus revient avec sa dernière création. Là, la prouesse physique de ces corps en perpétuelle recherche d’équilibre revêt une dimension plus intérieure, la quête d’une paix absolue. Les quatre acrobates virtuoses mettent en jeu leurs limites en allant chercher une absence totale de bruit. le 4 nov L’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr

© X-D.R

le 13 nov Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr le 18 nov La Croisée des Arts, Saint-Maximin 04 94 86 18 90 www.st-maximin.fr

le 19 nov Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.les-salins.net

Le Bal des bébés Un bal destiné aux tout-petits où chacun danse

à sa manière pour s’éveiller à la musique et au rythme : lenteur, rapidité, silence… accompagnent les petits pas, hésitants ou plus sûrs d’eux, accroupis ou à genoux, pour former une ronde entraînante. Deux musiciens et un danseur de l’Ensemble FA7 accompagnent les enfants à partir de 9 mois et leurs parents. le 24 oct Eveil Artistique, Avignon (au complexe culturel La Barbière) 04 90 85 59 55 www.eveilartistique.com

© Alexandro Clemenza

© Sara Zanella

«Moi, je ne me trompe jamais !» La phrase, étalée sur un écriteau, annonce la couleur. Bruno Stori et la compagnie italienne Teatro delle Briciole font le pari de parler de politique aux plus jeunes. Mais aussi de les faire rire avec la dictature. Assisté à la mise en scène par Letizia Quintavalla, le comédien incarne un tyran dans toute sa démesure. Avec son écriteau et un grand ballon-monde pour accessoires, ce Dictateur, grotesque et angoissant, assume sa filiation directe avec le film de Chaplin. (Re) commandé dès 9 ans.

retrouvent dans les débris d’une catastrophe où tout s’est effondré et est donc à reconstruire. Les débris de ce monde se transforment en agrès, briques et coquilles d’œufs font bon ménage pour monter des tours (bancales), des ponts (fragiles) et des monuments (tordus). En quête d’apesanteur, les six paires de pieds foulent cette terre dans un désordre époustouflant et joyeux.


63

Les Rois vagabonds…

O Temps d’O

© Les Rois Vagabonds

Marathon Fragile

Les Rois vagabonds – concerto pour deux clowns le 7 nov Théâtre du Briançonnais 04 92 25 52 42 www.theatre-du-bianconnais.eu le 21 nov Théâtre Durance, Château-Arnoux/Saint-Auban 04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr le 16 oct Théâtre du Golfe, La Ciotat 04 42 08 92 87 www.laciotat.com

© Pidz

Julia Moa Caprez et Igor Sellem sont clowns et jouent Vivaldi, Strauss, Bach… Entre équilibre et acrobaties, les deux compères racontent leurs histoires instruments en main, aidés de deux caisses qui deviennent tour à tour podium, navire au long cours, prison d’une Belle au Bois dormant, chrysalide…

Dans un kiosque à musique rempli d’eau, deux musiciens viennent donner un concert. L’un ne veut pas se mouiller et jouera perché, l’autre usera de cette nouvelle ressource sonore. Jusqu’à ce que l’inondation se fasse plus menaçante… De cette situation inattendue, Mathieu Levasseur et William Valet, de la Cie Barolosolo, tirent une partition fragile et poétique, où l’incongru le dispute à la fantaisie. le 30 oct L’Alpilium, Saint-Rémy-de-Provence 04 90 92 70 37 www.mairie-saintremydeprovence.fr le 1er nov Auditorium Jean Moulin, Le Thor 04 90 33 96 80 www.artsvivants84.fr

Fugue / Trampoline

du 3 au 18 nov Terrain Allio, La Valette 04 94 23 62 06 www.lavalette83.fr

© Blandine Soulage

Gilles & Bérénice © Sébastien Armengol

Depuis deux ans, Gilles Cailleau et sa Cie Attention Fragile sont en résidence à La Valette, et c’est là qu’ils fêteront les 15 ans de la compagnie, sous chapiteaux, sur le terrain Allio. Joliment intitulé Un peu d’été avant l’hiver, ce temps fort fera se succéder, en alternance, les spectacles Thomas parle d’amour, Tout l’univers en plus petit, Gilles & Bérénice, Tania’s Paradise, et leur dernière création Encore des mots. Cerise sur le gâteau, il sera possible d’assister aux 5 spectacles à la suite, entrecoupés de pauses culinaires, le 8 et le 16 novembre…

Imagine toi

Avec sa drôle de dégaine, pantalons trop courts et petit chapeau, Julien Cottereau fait figure de pierrot lunaire. Ce mime bruiteur, qui ne s’exprime qu’à l’aide de borborygmes et de sifflements, fait naître sur scène un monde de monstres ou de princesses avec grâce et simplicité. le 25 oct La Croisée des arts, Saint-Maximin 04 94 86 18 90 www.st-maximin.fr

Entre contrôle et chute, l’acrobate, acteur, jongleur, danseur, Yoann Bourgeois crée une petite danse spectaculaire pour un homme et un trampoline, sur la Suite n°3 des Suites pour violoncelle de Bach. Toujours en quête du point de suspension, il renvoie, par l’instabilité du corps, à un mode de vie précaire ainsi qu’au statut fragile de l’art.

© X-D.R

les 7 et 8 nov (6 représentations par jour) La Chartreuse, Villeneuve-lez-Avignon 04 90 15 24 24 www.chartreuse.org


64

MuCEM, Marseille 04 84 35 13 13 www.mucem.org

Cycle Raymond Depardon

Du 7 au 15 novembre, parallèlement à l’exposition photographique Un moment si doux consacrée à Raymond Depardon (voir p.7), le MuCEM invite à parcourir son œuvre cinématographique, où sont explorées les grandes thématiques qui la composent. Seront projetés les courts et longs métrages de l’artiste du réel, parmi lesquels trois rencontres pour prolonger la réflexion en sa présence (Journal de France le 7 nov, Afriques : comment ça va la douleur le 8 nov, San Clemente le 9 nov). MuCEM, Marseille 04 84 35 13 13 www.mucem.org Afriques comment ça va avec la douleur de Raymond Depardon © Palmeraie et désert

Mommy de Xavier Dolan

En partenariat avec le collectif Mémoire en marche, projection du film de Bourlem Guerdjou, Vivre au paradis (1999), avec Roschdy Zem et Fadila Belkebla, qui retrace le parcours d’un immigré algérien en France, pendant la guerre d’indépendance, pour offrir aux siens un appartement digne et confortable (le 17 oct à 20h). Le 21 oct, dès 18h30, Je t’écris de Marseille, un projet soutenu par la Fondation de France, le CG 13, le CUCS Littoral Nord et la Ville de Marseille, où s’enchaîneront la projection du documentaire Tout ce que j’ai encore à te dire, relatant le quotidien d’adolescents dans le nord de la baie de Marseille, des lectures, du slam et un concert de Post Coïtum. Puis, du 5 au 11 nov, Mommy du jeune

prodige canadien Xavier Dolan, Prix du Jury Cannes 2014. Cinéma Alhambra, Marseille 04 91 03 84 66 www.alhambracine.com

Le FIMÉ à Hyères

Le 8 novembre, dans le cadre de la 10e édition du Festival International des Musiques d’Écran (FIMÉ), le Théâtre Denis accueillera le premier film, culte, de David Lynch : Eraserhead, realisé en 1977. La mise en image d’un «cauchemar onirique» : un homme abandonné par son amie qui lui laisse la charge d’un enfant prematuré s’enfonce dans un univers fantasmatique pour fuire la cruelle réalité. Il sera accompagné par le groupe Cercueil (voir p. 44). Théâtre Denis, Hyères Filmharmonia 07 81 26 26 11 www.fimefestival.fr

Eraserhead de David Lynch

Du 16 au 19 octobre, le MuCEM évoque l’histoire d’Odessa à travers conférences, spectacle et films. Le 17 octobre à 21h, un ciné-concert, Arsenal (1929) d’Alexandre Dovjenko, accompagné au piano par Michel Mytrowytch, film épique, à la gloire de la révolution. On pourra voir aussi La Croix de pierre de Léonide Ossyka ; Les longs adieux (1971) de Kira Mouratova, film censuré jusqu’en 1987, Rez de chaussée (1989) en présence d’Igor Minaiev, une transposition de Carmen dans la société soviétique de la fin des années 1980 et le tout récent Maïdan de Sergueï Loznitsa, une immersion dans le soulèvement populaire de l’hiver 2014 sur la place centrale de Kiev.

L’Alhambra Cinémarseille

Cinéma à La Valette

Le 12 novembre à 20h30 au Théâtre Marelios, dans le cadre du FIMÉ, aura lieu un ciné-concert, Wings (Les Ailes) de William Wellman, premier film récompensé à la première cérémonie des Oscar en 1927, une des plus gigantesques productions du cinéma muet : des milliers de figurants, cent soixante avions, des dizaines de caméras, vingt-trois caméramans, neuf mois de tournage… Quand les États-Unis s’engagent dans la Première Guerre mondiale, Jack et David rejoignent l’Air Force pour combattre en France… Le film sera accompagné en direct par le Quatuor Prima Vista (voir p. 44). Théâtre Marelios, La Valette-du-Var 04 94 23 62 06 www.fimefestival.fr

Wings de William Wellman © Hollywood Classics

Maïdan de Sergueï Loznitsa © Atoms &Void

Histoires d’Odessa



66

Afrique 84 Timbuktu d’Abderrahmane Sissako © Le Pacte

D

u 8 au 14 novembre, ce sera la 12e fois que le cinéma africain se donne rendez-vous en pays d’Apt avec un nouveau pays invité, le Mozambique, qui propose un thriller féministe de Sol de Carvalho, Impunidades Criminosas. Présenter la production cinématographique récente du continent africain, et permettre la rencontre entres les cinéastes et leur public, tels sont les objectifs de ce festival qui montrera à son fidèle public 33 films dont 12 documentaires. L’Algérie a la part belle cette année avec 7 films, dont les derniers opus de Tariq Teguia, Revolution Zendj, et de Merzak Allouache qui filme de nouveau Alger La Blanche dans Les Terrasses. Lyes Salem présente, lui, son

deuxième long métrage, L’Oranais, une fresque historique à caractère politique et Lamine Ammar-Khodja, Chroniques équivoques, autour des célébrations du cinquantenaire de l’indépendance de l’Algérie. L’écrivain marocain Abdellah Taïa propose une adaptation libre de son roman autobiographique, L’Armée du salut, l’histoire d’Abdellah, adolescent d’un quartier populaire de Casablanca, puis jeune étudiant à Genève. De Mohamed Amin Benamraoui, on verra Adios Carmen, son premier film, en amazigh. Quant à la Tunisienne Raja Amari, elle suit la trace de trois jeunes dans une société de plus en plus étouffante et inégalitaire, qui vont devenir petit à petit les petites mains de la révolution, dans Printemps tunisien. L’Afrique subsaharienne est bien présente aussi

avec 12 films venant de 7 pays. C’est le film du Mauritanien Abderrahmane Sissako qui fera l’ouverture, le 7 nov à 18h, avec Timbuktu, qui montre une petite ville malienne tombée aux mains des djihadistes et, pour la clôture, le 14, c’est la franco-sénégalaise Diana Gaye qui nous fera voyager de Dakar à Turin, et New York, dans Les Étoiles (lire critique sur www. journalzibeline.fr). Africapt, c’est aussi des rencontres, des débats qu’animera Olivier Barlet de la revue Africultures : le 9, autour de l’approche du documentaire avec deux réalisateurs aux méthodes différentes, le Congolais Dieudo Hamadi, dont on aura vu Examen d’état, et Lamine Amar-Khodja. Le 11, Charlie Van Damme, coréalisateur du Monologue de la muette de Khady Sylla, décédée en 2013, à qui le festival rend hommage, donnera une leçon de cinéma sur le métier de directeur de la photo. Les spectateurs d’Apt et d’ailleurs auront ainsi l’occasion de voir les œuvres de cinéastes, tous différents, qui donnent leur vision du monde et leur font partager leurs préoccupations. ANNIE GAVA

Africapt Festival des cinémas d’Afrique Pays d’Apt du 8 au 14 novembre 07 82 64 84 99 www.africapt-festival.fr

Festival arc-en-ciel

C

’est ZEFESTIVAL, en toute simplicité ! Sous l’égide de l’association Polychromes, association culturelle LGBT située à Nice, la 7e édition du festival du film lesbien gay bi trans, se déplace en PACA, de Nice à Marseille en passant par Toulon. Sa version marseillaise se retrouve, du 16 au 19 octobre, au cinéma Les Variétés, comme précédemment. Attentive à la représentativité de toute la communauté LGBT, soucieuse des questions de transsexualité et d’identité de genre, la programmation de l’équipe de ZEFESTIVAL se veut faite de films de qualité, souvent sélectionnés dans les grands festivals internationaux, Berlin, Venise, Cannes… en tout cas, des inédits, grand public, qui ont comme ambition de porter un regard de respect, d’ouverture et de tolérance. Cette année, les films sont groupés en sections : dans «société et politique», L’Armée du salut du franco-marocain Abdellah Taïa, adapté de son roman autobiographique, l’occasion de découvrir ce film jamais sorti à Marseille !

Azul y no tan rosa de Miguel Ferrari © Plenilunio Film & Arts

Autres sections : «happy life» dont Ich Fühl Mich Disco, histoire à la fois humoristique et absurde, parfois onirique, toujours tendre de l’Allemand Axel Ranish, «documentaire» dont Violette Leduc, la chasse à l’amour d’Esther Hoffenberg, «courts métrages» avec une soirée de sept courts internationaux, sans oublier une matinée entrée libre pour 10 grands moments de solitude, dix courts à l’initiative de Bulle Production. La soirée d’ouverture sera très marseillaise avec la présentation en avant-première du film

de Valérie Mitteaux, Le baiser de Marseille (entretien à écouter sur la Web Radio Zibeline), dont le point de départ est le fameux cliché, en 2012, des deux étudiantes s’embrassant devant les manifestants anti-mariage pour tous. Produit par Films de Force Majeure, basés à Marseille, ce film est pour la réalisatrice un moyen de «comprendre le rapport de la ville avec ses minorités sexuelles». Des films, mais aussi des rencontres, une expo de photos et des «petits papiers» recueillis auprès de collégiens par SOS Homophobie. C’est aux Variétés et c’est ZEFESTIVAL ! ANDRÉ GILLES

ZEFESTIVAL du 16 au 19 octobre Cinéma Les Variétés, Marseille 0892 68 05 97 www.cinemetroart.com Polychromes 06 99 60 66 69 www.polychromes.fr


67

Semaine espagnole à l’horizon

U

n jeune homme brun, hautain, moustache et barbe frisées, une fraise très XVIe siècle en dentelles de pellicules autour du cou, posée sur une veste en jeans, vous regarde intensément : la treizième édition du festival de cinéma espagnol de Marseille, CineHorizontes, est annoncée. Elle se déroulera au cinéma Le Prado et dans les salles partenaires, du 7 au 15 novembre, avec ses rendez-vous habituels. Compétition officielle de six longs métrages, compétition pour le meilleur documentaire parmi cinq inédits, mise en lice de courts soumis à un jury étudiant, séances scolaires et rencontres littéraires avec la poétesse Isabel Pérez. Nouveautés de l’année, une section premiers films : «Opera prima» et une résidence d’écriture scénaristique à la Cité radieuse, organisée conjointement à Marseille et à Malaga. Le 14 novembre, une journée sera consacrée à la crise vue à travers fiction et documentaire. Une quinzaine de films offriront un panorama du cinéma espagnol actuel et l’exposition photographique à la Maison de la Région reviendra sur 30 ans de cinéma andalou. On attend des invités prestigieux dont la grande actrice madrilène Marisa Paredes à laquelle hommage sera rendu, le 9 novembre. On (re)verra avec plaisir trois films dans lesquels elle révèle tout son talent : Profundo carmesì de Arturo Ripstein (1996), Salvajes de Carlos Molinero (2001) et l’incontournable Todo sobre mi madre de Pedro Almodóvar (1999). Pour la cérémonie d’ouverture, le 7 novembre, le jeune réalisateur sévillan Paco León à l’humour plutôt noir, présentera en personne, après son Carmina o revienta de 2012, le deuxième opus inspiré et interprété par sa mère : Carmine y amén. C’est le film de David Trueba, Vivir es fácil con los ojos cerrados (Il est facile de vivre les yeux fermés) couronné par six récompenses aux Goyas 2014, qui clora le festival, le 15. Ces yeux, nous devrons les garder grands ouverts durant toute la semaine mais ce ne sera pas difficile ! ELISE PADOVANI

Festival CineHorizontes du 7 au 15 novembre Divers lieux, Marseille www.cinehorizontes.com

Vivir es fácil con los ojos cerrados © Universal Pictures International Spain

RetrouveZ toutes nos critiques cinéma sur notre site

Journalzibeline.fr


68

Alors, toujours communiste ? Sociologue au département des sciences sociales de l’INRA, membre du comité éditorial d’Agone, Julian Mischi avait publié Servir la classe ouvrière. Sociabilités militantes au PCF en 2010, dans lequel il expliquait comment, avec la montée du FN, les ouvriers se trouvaient à nouveau au cœur de certains enjeux électoraux. Il revient dans son nouvel ouvrage sur l’histoire de la fracture entre le PCF et les classes populaires, datant des années 70...

I

l ne faut pas se fier au titre mais plutôt au sous-titre : Julian Mischi, formé à l’EHESS et chercheur à l’INRA, a produit une véritable analyse scientifique qui interroge les rapports du PCF à sa base militante. Scientifique parce qu’il s’agit d’aller au delà des apparences, de briser les préjugés et les raccourcis faciles. D’abord, de ce qui se dit aujourd’hui sur le PCF : ce n’est pas la soi-disant fin de la condition ouvrière qui explique le déclin du PCF ; ni la chute du mur de Berlin. L’auteur analyse les débats en interne, les lignes politiques contradictoires, les lettres de démission de militants, de dirigeants de fédérations. Comment s’est construit un tel repli bureaucratique, et un tel décrochage dans les années 70 avec la jeunesse révolutionnaire ? Son ouvrage le montre pas à pas, comme il montre que la classe ouvrière, si elle a changé, n’a pas disparu. Mais l’enjeu reste de comprendre pourquoi s’est creusé un tel écart entre le PCF et les classes populaires. Car le PCF, dès sa création lors de la scission de la SFIO au Congrès de Tours en décembre 1920, a été l’outil d’accession de la classe ouvrière au pouvoir politique. Et là était son essence et sa spécificité ; sa dignité pourrait-on rajouter. Les conditions de sa naissance ont été sa ligne politique pendant près de 50 ans : rupture avec la social-démocratie et prolétarisation des rangs militants. Ce fut un formidable outil d’émancipation assurant la promotion d’une élite politique d’origine ouvrière. L’auteur insiste sur ce point, avec de nombreuses enquêtes à l’appui : au PCF les militants mais aussi les représentants, élus, cadres du parti était d’origine populaire. Et la raréfaction d’ouvriers au sein du personnel politique du PCF sera le début de son déclin, la rupture avec ce qui a longtemps fait son essence. Cette essence reposait aussi sur le processus de culture de classe. Le Parti l’incarnait et la transmettait, elle permettait l’unification, l’identification du Parti de la condition ouvrière à certaines figures emblématiques. La lutte des classes était claire entre «eux» et «nous». Le Parti c’était la fierté d’appartenir au monde ouvrier, d’éprouver

la solidarité de classe, d’acquérir la conscience politique des rapports de force, de participer à la formidable école d’éducation populaire et politique…

Les causes externes d’un éclatement

Le «désarmement» du PCF ne s’ancre donc pas dans la disparition de la classe ouvrière. Mais il repose en partie sur des changements objectifs de la société. Il y a eu ces trente dernières années un éclatement de la classe ouvrière, une recomposition dans le monde du travail qui a causé la démobilisation politique. L’impact des mutations économiques sur l’engagement politique est indéniable : «Les recompositions internes au monde du travail sont défavorables à l’action contestataire ; c’est l’éclatement de la condition ouvrière en une multitude de professions détachées de l’ancienne identité de classe associée à l’industrie.» Et à l’autre bout la conscience de classe des dominants est forte, ils restent mobilisés : comme nous le rappelaient les Pinçon-Charlot dans le Zibeline 75 du mois de juin, les riches ont bien compris et intégré la lutte des classes, pour défendre leur caste. Car comme le rappelle Julian Mischi le problème n’est pas quantitatif : il y a 25% d’ouvriers en 2010, un homme actif sur trois est ouvrier. D’autres facteurs expliquent le délitement de la conscience politique de classe chez les ouvriers : l’accès à la propriété, qui a mis en avant la sphère du privé au détriment de la solidarité de classe ; la formation scolaire, qui a brisé la chaine de transmission du savoir : auparavant l’entrée dans le monde ouvrier se faisait à l’usine, sur le lieu de travail. Les anciens transmettaient le savoir et la mémoire, dont celle des luttes. Puis ce fut l’école avec les formations professionnelles, qui combinent un double écueil : elles coupent la transmission directe par celui qui appartient à la même classe ; et font vivre l’entrée dans le monde ouvrier comme la conséquence d’un échec scolaire...


Succession de crises politiques

Mais sans que cela soit la seule crise décrite dans cet ouvrage (stalinisme, rupture syndicale, dictature du prolétariat, etc.), la participation au gouvernement socialiste en 1981 va représenter le véritable tournant. Un double langage le précédait : le soutien officiel, et effectif par endroits, à François Mitterrand, n’empêchait pas que le Parti agisse pour qu’il ne soit pas élu. Mais la participation au gouvernement amènera ce double langage à se transformer en actes duplices : par exemple l’auteur analyse l’obligatoire soutien du PCF au gouvernement qui adaptera la politique sidérurgique aux directives européennes. Ce fut un grand écart pour le Parti vis-à-vis des licenciements induits et de la colère de militants venant saccager le siège du Parti à Longwy. Quelque chose d’étrange s’était produit le 6 mai 1981, qui signalait déjà le décalage : un contraste entre l’atmosphère morose des sièges fédéraux du PCF ou de la place du Colonel Fabien et la joie du peuple de gauche. Le déphasage avec les cadres du parti enfermés et l’effervescence du peuple dans la rue signait la première incompréhension. Il n’y eut pas de rétractation quantitative des militants dans les années 80, mais une véritable réorganisation des formes d’engagement : la valorisation d’un communisme municipal, qui posait les enjeux électoraux et locaux au premier plan, et perdait de vue la lutte des classes, changea notablement l’organisation du PCF. Celui-ci se dissout dans ses territoires, et perd dans le même temps l’ancrage professionnel qui était son essence.

Renaissance ?

Mais dès 2009 une renaissance semble poindre avec le Front de Gauche, des ralliements fruits des scissions de la GU d’avec la LCR et de la GA d’avec le NPA, les suites du succès sur le TCE en 2005, du CPE en 2006. De plus en plus de jeunes adhèrent au PCF, exigeant une radicalisation léniniste et voulant combattre les vieux «soc’dem» du Parti ! Luian Mischi souligne aussi que le PCF n’est pas le seul responsable de son déclin : «En promouvant des lectures raciales et spatiales des rapports sociaux, certains intellectuels ont participé à l’éviction des enjeux de classe et de domination politique des débats publics. Tout comme certains journalistes ont travaillé à disqualifier le militantisme ouvrier, celui du PCF notamment, au profit d’un mode d’engagement (humanitaire, participatif, professionnalisé, etc.) aligné sur les préoccupations propres aux classes moyennes et supérieures.» En bref, comme le montrait Badiou dans L’hypothèse communiste (Lignes, 2009), le communisme est le seul projet d’émancipation humaine, de plus construit par des siècles de philosophie et permettant de comprendre l’histoire du capitalisme. Quelques soient les formes aujourd’hui dépassées qu’il a pu prendre, il est toujours à construire... RÉGIS VLACHOS

Le communisme désarmé Le PCF et les classes populaires depuis les années 1970 Julian Mischi Agone, 20 euros


70

Le souffle

Éric Dupin est journaliste politique, écrivant pour Le Monde diplomatique et Slate.fr. Il vient de publier aux éditions La Découverte un essai intitulé Les Défricheurs, Voyage dans la France qui innove vraiment, et répond à nos questions sur ces personnes qui expérimentent une autre voie que le consumérisme

Eric Dupin © X-D.R

Z

ibeline : Vous avez rencontré quelques 150 personnes à travers la France. Pourquoi nombre de ces défricheurs vivent-ils plutôt dans le sud et l’ouest du pays ? Éric Dupin : Mon idée était d’apprécier l’ampleur du phénomène, et pour cela il fallait rencontrer beaucoup de monde. Sur le site www. colibris-lemouvement.org qui répertorie bon nombre d’initiatives alternatives, on constate en visualisant la carte qu’il y en a sur tout le territoire français, mais moins par endroits. L’une des explications à ce phénomène est qu’il est sans doutes plus agréable de s’installer dans un secteur au climat ensoleillé, notamment dans le cas d’implantations agricoles. On peut compter aussi sur l’effet boule de neige des expériences innovantes. Le Diois, dans la Drôme, est extrêmement riche à cet égard. Enfin, les disparités tiennent aux cultures régionales : la Bretagne, par exemple, est une terre de tradition associative et de solidarité. Il semble que la méfiance à l’égard de la politique soit fréquente chez ces défricheurs, pourtant, vous citez bien des cas où l’aide des élus, de tous bords, a permis à un projet de naître et se développer.

Les défricheurs sont plus que méfiants à l’égard de la politique, ils ont même tendance à la rejeter ! Ils font plutôt les choses en fonction de leur propre échelle de valeur, de ce qui leur semble juste, qu’il s’agisse d’agriculture paysanne, de promouvoir les circuits courts, de vivre en habitat partagé, de travailler dans une coopérative ou dans le secteur de l’éducation populaire... Leur seul lien avec la sphère politique, ce sont les élus locaux, et il est vrai qu’énormément de projets n’auraient pas pu voir le jour sans leur soutien. Élus et défricheurs ont un point commun : l’attachement au territoire, souvent rural, enclavé, vieillissant. Les personnes que vous avez rencontrées sont très disparates, mais à la lecture de votre livre, on sent chez vous une nette admiration pour leur courage. Il ne faut pas être une mauviette pour être un défricheur ? C’est le moins que l’on puisse dire ! Je ne suis pas de leur monde, je ne vis pas de façon alternative, mais je suis allé à leur rencontre avec, à la fois, de l’empathie et un esprit critique. C’est très difficile de changer ses comportements, et j’ai voulu ne pas taire les difficultés qu’ils rencontrent. Les écolos de terrain sont très loin de la caricature véhiculée par les grands médias, du bobo qui roule en 4x4... Ils ont souvent des conditions de vie précaires. Mais ils ont plutôt un bon niveau intellectuel, car même si l’on n’est pas issu d’un milieu favorisé, le fait de réfléchir à son mode de vie permet d’approfondir les choses. C’est une forme d’éducation personnelle. Les jardins partagés, par exemple, peuvent être de véritables lieux de mixité sociale. Et quelles sont les critiques que vous leur adresseriez ? Il y a le risque du localisme, d’être un peu dans son îlot, en relation seulement avec son environnement immédiat. Or nous appartenons à un méta-système, le capitaliste financier et mondialisé. La vie d’une majorité de gens dépend de ces logiques. Je ne crois pas que l’on puisse changer la société seulement en multipliant les expériences locales ; l’exemplarité ne suffira pas, même si elle peut être contagieuse. Le système de domination ne va pas s’écrouler de lui-même, et l’idéologie publicitaire selon laquelle le bonheur passe par la consommation reste très puissante. Par ailleurs, beaucoup de ces défricheurs ne sont pas en rupture avec l’individualisme, qui s’inscrit parfaitement dans une logique libérale. La plupart sont conscients de cette ambivalence, et ils essaient de pratiquer le collectif. Même si la décision collective n’est jamais simple. Il faut l’accepter, ne pas être naïf. Dans les années 70,


du

changement

la gauche ne prenait pas assez en compte l’individu. Si nous voulons une gauche réellement moderne -pas au sens où l’entend Manuel Valls-, il convient de mieux articuler l’épanouissement individuel et la solidarité collective. Un mot revient souvent dans la bouche de ceux que vous avez interrogés : beauté. Est-ce que c’est important ? Ce qui me vient à l’esprit au terme de cette enquête est plutôt le mot sérénité. Cela m’a d’autant plus impressionné que je suis, comme beaucoup de gens, un peu angoissé. C’est dans la nature humaine, mais ces défricheurs ont des valeurs «qui n’ont pas de prix» : la beauté des paysages, la qualité des liens humains. Il est vrai que j’ai rencontré des gens qui me sont apparus bien plus heureux que ceux que je peux voir à Paris où j’habite, des journalistes sous contrainte ou

des intellectuels aux egos démesurés. La sobriété des défricheurs prend parfois des aspects un peu étranges, presque religieux : je pense par exemple à l’agriculture biodynamique, inspirée par l’anthroposophie, qui prend en considération les rythmes lunaires et planétaires. Mais il faut avouer que cela fonctionne bien, sur le plan concret. On est parfois frappés par la disproportion de la réaction des autorités, quand quelques «allumés» décident de s’implanter dans un territoire, en particulier les rares personnes qui font le choix de vivre en habitat léger. On n’a pourtant pas l’impression que le fait d’occuper une yourte soit une bien grande menace pour la société ? À ce sujet, la législation bouge, avec la loi Duflot qui fait partiellement entrer l’habitat léger dans les règles d’urbanisme. Mais ces personnes ne sont

71

clairement «pas dans les clous». Nous sommes dans une société où l’on fait l’apologie continuelle de la diversité et de la rébellion, mais qui est en réalité très conformiste, et fait parfois preuve d’une redoutable étroitesse d’esprit administrative. Propos recueillis par GAËLLE CLOAREC

À lire Les Défricheurs, Voyage dans la France qui innove vraiment Éric Dupin Éditions La Découverte, 19,50 euros Site du livre : http://ericdupin.blogs.com/ld


72

Lire est un plaisir L’édition 2014 des Correspondances de Manosque fut d’une richesse particulière...

... d

ont nous ne pouvons rendre compte en ces quelques pages ! Vous retrouverez donc les critiques de chacun des livres dont nous vous parlons ici sur notre site. Mais le festival littéraire donne aussi l’occasion fragile de rencontrer des écritures oralisées, dans des lectures plus ou moins mises en scène, ou des rencontres qui parfois ravissent. Antoine Volodine vient livrer des extraits de son Terminus radieux post apocalyptique, ovni inclassable, anticipation d’un futur soviétique schizophrène dont il parle comme s’il était réel. Glaçant, et drôle ! Pascal Quignard, toujours, nous emmène dans l’émotion de la pensée, vers la mort, irréductible et qu’il fait sentir pourtant par touches d’intelligence fragmentée (Mourir de penser). Patrick Boucheron, brillant, donne une leçon d’histoire, démontrant la puissance de ses récits, l’actualité d’une fresque de Sienne qui dépeint le repli d’une société qui se croit agressée par les envahisseurs,

la nouveauté de l’histoire connectée qui dit sans la réduire la complexité du monde (Conjurer la peur). Et puis on entend aussi Olivia Rosenthal qui dénombre ses terreurs (Mécanismes de survie en milieu hostile) ; Nii Ayikwei Parkes et sa traductrice Sika Fakambi qui transcrivent brillamment les rythmes des langues vernaculaires africaines, en anglais et français ; Nathalie Kuperman qui raconte les affres du sentiment maternel ; Marie Hélène Lafon qui nous parle dans sa langue si «littéraire» de Joseph, ouvrier agricole inadapté ; Minh Tran Huy qui nous parle de sa relation à son père, exilé vietnamien, Voyageur malgré lui qu’elle relie à d’autres nomades involontaires. On passe, on s’attendrit, et on rejoint les stars...

que saluer. Car l’entendre parler de son dernier opus Le Royaume est presque aussi envoûtant que le lire : sa façon d’évoquer la naissance du christianisme, et celle de son livre, est plus que séduisante. Au départ il avait, confie-t-il, l’idée d’une série située à Corinthe au début de notre ère. C’est ce qui l’a conduit à lire les Lettres de Paul et les Actes des Apôtres, qu’il a trouvés «tellement passionnants» qu’il a décidé d’en faire un livre. Un livre autour du «couple romanesque» que forment Paul et Luc ; un couple à la Holmes et Watson. Avec un Paul, «paradigme de toutes les conversions» et un Luc en retrait, témoin des débuts de cette croyance bizarre. Répondant à un chrétien agressif, il redit que Le Royaume n’a rien d’un livre de foi. C’est un «livre de bonne foi». C’est sur cet énoncé à la Montaigne qu’il concluait déjà son ouvrage. Son credo, visiblement. Dimanche 11h. Presqu’autant de monde que la veille pour rencontrer Eric Reinhardt. Lui aussi a puisé dans la réalité la matière de L’amour et les forêts. Son héroïne, Bénédicte Ombredanne, est une «reconstruction fictionnelle», composée à partir de la lectrice originelle qui lui a confié sa vie pour qu’il la magnifie, de toutes les autres femmes qu’il a rencontrées et de lui-même. Cendrillon le mettait en scène, lui, et quatre «possibles de lui». Bénédicte Ombredanne apparaît comme «un ultime avatar de ma personne. Je me suis dépeins en femme entravée». Plus que de harcèlement conjugal, c’est de servitude volontaire que parle ce roman sensible. Et de l’absolue nécessité d’être libre.

Carrère et Reinhardt

La place de l’Hôtel de Ville bondée. Pensez, deux écrivains célèbres, deux romans largement médiatisés. Deux écrivains dont le «je» se glisse volontiers dans d’autres vies que la leur, et dont les romans jonglent avec subtilité entre document et fiction, composant des univers romanesques très particuliers. Samedi 18h. Plus une place assise depuis longtemps. On se serre autour des platanes, on cale un coin de fesse sur un bout de trottoir… Tout le monde veut voir et écouter Emmanuel Carrère. Cela en vaut la peine ; à condition d’apprécier la décontraction brillante du personnage, qui indispose parfois, mais qu’on ne peut

Déformeurs de réel

Kaleidoscript © FXE

Dans les mots de cette «rentrée littéraire», le réel prend de la place, transposé, transfiguré, détourné. Les écrivains observent le monde à travers des filtres puissants et restituent leurs visions. Serge Joncour raconte les aventures de Serge, écrivain en résidence dans une petite ville qui va se transformer


73

suprême Maya Michalon, Taiye Selasi et l’interprète Valentine Leys © Dan Warzy

en enquêteur. Quelle est vraiment la «bonne place» de l’écrivain ? Christian Garcin revendique un regard de «demiurge» à la vision plus vaste que celle que l’on a dans la vie. Pour cela il propose des récits faits d’emboîtements mêlant la fiction, avec le personnage de Vincent qui disparaît subitement en quittant femme et enfants, et le réel, par la restitution du carnet d’un soldat napoléonien sur le front russe en 1812 ou l’évocation des paysages de Patagonie. D’un entretien à l’autre on remarque des parentés subtiles. Ainsi deux romancières ont-elle dialogué autour de la nécessité pour leurs personnages de sauver leur peau. Lorsque Joy Sorman adopte le point de vue d’un ours mi-homme mi-bête, elle nous fait ressentir au plus près la cruauté des humains. Tout comme l’héroïne de Julia Deck essaie d’abandonner son passé en changeant d’identité et s’improvise romancière pour tenter une vie nouvelle. Patrick Deville va plus loin dans son rapport/détour au réel : il se revendique écrivain de «romans d’aventures sans fiction». Il déclare que le personnage principal de son dernier roman est le Mexique, considéré dans les années 20-30 comme un îlot de démocratie par une Europe en proie aux fascismes. On y retrouve Trotski en exil, hébergé par Frida Kahlo, Malcolm Lowry et Antonin Artaud, dont il a croisé les ombres durant ses séjours. Quant au premier roman de Taiye Selasi, si le vécu de l’auteure en a nourri l’écriture, c’est la construction symphonique en trois grands mouvements qui lui importe : elle rappelle ses études de musique, s’attache au bouillonnement des mots et des images, au mélange des temps qu’elle affectionne car comme dans la vraie vie le présent est toujours chargé de futur et de passé. Et dans l’écriture, toujours, les mots déforment le réel.

Spectacles et planches

Littérature et écriture sont aussi en spectacles, sous les formes les plus diverses. Légère trop légère, la lecture musicale du roman Rien ne s’oppose à la nuit de Delphine de Vigan dont la platitude a fait jeu égal avec l’adolescence perdue chantée par La

grande Sophie. Ou comme la prestation de Raphael, ridicule de naïveté poétique, ne sachant ce qu’il venait faire là, et manquant singulièrement d’univers... Sympa et mutine, comme le concert littéraire de Noémie Lovski et Gaëtan Roussel, jouant au couple en s’amusant des mots de désamour. Patrimonial avec l’acteur Didier Bezace, lecteur attentif des Lettres à Alexandrine : avec finesse et délectation, épicera le perfide Zola amoureux… de sa maîtresse. Tandis que Dominique Reymond porte la correspondance de Duras avec un talent qui n’occulte pas les énormes clichés : l’écrivaine colportait brillamment des bêtises sur la place immémoriale des femmes, en un temps où le féminisme les avaient affranchies du foyer... Nettement plus pertinent, Robert Doisneau se révèle un parfait commentateur de ses photographies, qui épinglent la vacuité de Palm Springs, la masse des troupeaux transhumants, la beauté des rues, que François Morel fait entendre discrètement... Plus incarné et tumultuant Jacques Bonnaffé donne la réplique à Dominique Blanc, parfaite, dans des correspondances inédites publiés par Shaun Usher et d’inégal intérêt, de Virginia Woolf à Jack l’Eventreur en passant par d’anonymes hurluberlus, et la Reine d’Angleterre... Intense, la projection-rencontre avec le peintre, illustrateur et auteur Marcelino Truong qui a capté l’attention de l’audience durant plus de deux heures ! Il faut dire que son album graphique Une si jolie petite guerre, Saigon 1961-1963 conjugue histoire des relations entre la France et le Vietnam et histoire familiale, entrecroisant faits de guerre, amour filial, événements internationaux, dessous des cartes… L’auteur y ressuscite avec talent et pudeur une partie de sa vie, fruit d’un laborieux travail de collectes d’archives et de témoignages, d’allers et retours dans le pays paternel et de longues heures passées à la table de dessin. Tout est écrit dans cet «accouplement d’un livre et d’un album», tout est raconté par l’auteur dans un dialogue à bâtons rompus avec le public et tout est finement montré dans le film-portrait 1000 jours à Saigon réalisé par Marie-Christine Courtès, produit par la maison rennaise Vivement lundi ! Cerise sur le gâteau, à la Fondation Carzou, l’exposition de planches originales met à nu son processus créatif : montages, découpages, calques, photographies, bribes de scénario. Marcelino Truong, qui s’avoue capable de rester dix jours sans parler à quiconque dans la quiétude de son atelier parisien, s’est généreusement prêté aux séances de dédicaces. Le temps d’une conversation, chacun repartira avec un texte et un dessin originaux. De quoi se plonger avidement dans les années 60 à Saigon… AGNÈS FRESCHEL, FRED ROBERT, CHRIS BOURGUE, MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Les Correspondances de Manosque ont eu lieu du 24 au 28 septembre Retrouvez nos critiques de livres sur notre site


74

Passé, fiction e dernier chapitre de la vague des sentiments, programme initié dès l’année dernière par Catherine Soria, se tourne à présent vers le passé. Nostalgic Fiction entame sa saison 2014-2015 avec une injonction programmatique lourde de sens.

Cabinet de curiosités

Memento Mori «interroge la notion de mémoire et de comment se souvenir». Trois artistes, Clara Scherrer, Fanny Durand invitée par Harald Fernagu, opèrent chacun une relecture singulière du passé et de ses traces mémorielles. Disons-le d’emblée, dans ce contexte, on se demande s’il était pertinent d’avoir remisé au placard les Kabuto (origamis minutieux inspirés par l’art de la guerre nippon) de Fanny Durand, sensés faire écho à la marée de navires de guerre factices d’Harald Fernagu. Celui-ci déploie un capharnaüm d’objets, anthropologie décalée et réinventée, tantôt design style Memphis/Sottsass, parfois kitsch, évoquant reliquaire, statuaire nègre, fétiches, objets rituels. Chaque élément se présente sur le mode de l’artefact, d’objets chimériques comme cette série de crânes hétéroclites, néo ethniques (référence aux objets sacrés boli du Mali), mais emprunts d’une force indicible, absente du bling-bling pour hyper milliardaire façon Damien Hirst. L’artiste, grand affabulateur, se plaît, en lisière du factice, à jouer du simulacre, procédé par

Grandir, Être, Vieillir, vue partielle, CAC Istres, 2014 © C. Lorin/Zibeline

L

lequel s’incarne cette «vérité qui cache le fait qu’il n’y en a aucune» selon la remarque de Jean Baudrillard. Même les piédestaux en placoplatre aux couleurs acidulées s’affichent comme bricolés. Les fétiches (à clous ?) noirs semblent en caoutchouc. Un autre monde est possible façon ethnographie de pacotille.

Un air de vérité

Procédant d’un autre univers, en contraste avec le précédant, Clara Scherrer a conçu

spécialement pour l’événement un ensemble d’installations scénographiées, mais bien tangibles. Grandir, Être et Vieillir, reconstituent, comme à l’identique, l’image qu’on pourrait se faire d’une chambre de jeune fille et d’un salon de grand-mère. La première, dans un design actuel, semble encore habitée (lit défait, jeux éparses, lumières, on entend des voix) alors que pour le second, au dernier étage, le temps paraît arrêté. Chaque objet -de récupération, choisi chez Emmaüs- se

Clergue sort Picasso de sa réserve Pour la première fois, et peutêtre la seule, une partie de la collection personnelle de Lucien Clergue est offerte au regard du grand public, témoin unique de ses échanges avec Pablo Picasso

P

endant que l’exposition Les Clergue d’Arles reste visible jusqu’au 4 janvier, tel son écho naturel, De Clergue à Picasso constitue un dernier volet enrichissant de l’histoire vivante du musée développée auprès de l’art et des artistes de son époque. Depuis sa première rencontre en 1953 avec Pablo Picasso, Lucien Clergue n’a cessé d’entretenir une amitié admirative fructueuse comme en témoignent

ici les nombreuses annotations et dédicaces de la main du maître. On remarquera notamment un choix de linogravures, de lithographies et de dessins, mais aussi les épreuves et documents liés à l’activité éditoriale dont le Picasso toreros (texte de Jaime Sabartes, éditions G. Brazila et A. Sauret, 1961). Plusieurs clichés de L. Clergue complètent l’ensemble dont l’image de Jacqueline en 1978, entourée de ses portraits peints par son compagnon décédé quelques temps avant. Cette sélection aurait dû constituer le prolongement naturel à la donation faite par Picasso en 1971 au musée Réattu. Mais les nécessités de préservation ont eu raison du plaisir esthétique, au grand regret de Pascale Picard. Pour la conservatrice, d’autres œuvres nécessitent des mesures conservatoires, comme l’urgente restauration du tableau de François-Xavier Fabre Pablo Picasso, Poésie der photographie, 1959, dessin, éditions DuMont Schauberg 1961, collection Clergue © Succession Picasso 2014


75

présente soigneusement, à sa place, tel qu’on imagine qu’il a dû ou devrait être, si ce ne sont un fauteuil et une commode (sus)pendus par une corde ! Clara Scherrer en appelle aux mythologies de l’enfance sachant que l’aube de la vieillesse attend chacun. Le visiteur retrouve ici de son propre vécu ou se confronte à l’image qu’il peut se faire des étapes de la vie. Dans l’hôtel particulier du XVIIIe, devenu pour un temps un petit palais des merveilles ou de chimères, la nostalgie interroge aussi nos représentations du futur. CLAUDE LORIN

Memento mori jusqu’au 20 déc Centre d’art contemporain intercommunal, Istres 04 42 55 17 10 www.ouestprovence.fr

(1766-1837), La Prédication de Saint-Jean Baptiste. Une campagne de mécénat participatif, Tous mécènes, est adressée aux particuliers comme aux entreprises, jusqu’à la fin de cette année pour recueillir les 30 000 euros nécessaires (contact : Anne-Sophie Doucet, as.doucet@villearles.fr/04 90 47 77). C.L.

De Clergue à Picasso jusqu’au 4 janv Musée Réattu, Arles 04 90 49 37 58 www.museereattu.arles.fr

Tétouan à la croisée des chemins P

our ceux qui auraient raté les précédents épisodes de Trankat1, la résidence d’artistes co-fondée par l’artiste Younès Rahmoun et la curatrice Bérénice Saliou, l’espace d’art Le Moulin propose une session de rattrapage. Son exposition Trankat épisode #2 réunit cinq artistes ayant séjourné à Tétouan, la plus andalouse des cités du Royaume du Maroc avec sa médina inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO et ses trois écoles d’art2. Leurs œuvres créées in situ, accompagnées du journal Trace, composent une partie de l’iceberg constitué de résidences, de tables-rondes (la dernière, «Émergences artistiques et mobilité en Méditerranée», s’est déroulée le 16 septembre à la Villa Méditerranée), de workshops avec les étudiants marocains (d’où l’importance du choix de Tétouan !) et d’expositions itinérantes (Trankat #1 continue sa tournée au Maroc). Orchestré depuis 2013 par Sextant et Plus et l’association marocaine Feddan, le programme de résidences favorise la circulation des œuvres et des artistes entre les deux rives de la Méditerranée. Et ce n’est pas un vain mot au vu des pièces créées dans la ferveur partagée à Dar Ben Jelloun, la demeure traditionnelle qui leur a servi de camp de base. Là, immergés dans la médina au plus près des habitants, des étudiants et des artisans avec lesquels ils devaient «développer des liens» -l’un des défis de Trankat-, chacun témoigne. Le tunisien ismaël trouve dans l’appareil jetable et le tirage argentique le moyen de faire une série d’images aussi abstraites que disparates «en résonance avec le côté rugueux de la ville». Une suite de visions de Tétouan qui attirent l’œil par le jeu de composition intrinsèque de deux photos qui se percutent, se confondent ou s’opposent. L’algérien Mourad Krinah exploite et détourne le motif géométrique et la couleur du zellige andalou au profit d’une sérigraphie monumentale, contrecollée sur le mur

Extrait de la série photographique 35.57° - 5.35° - untitled © ismael © MGG/Zibeline

à la manière des mosaïques. Subjugué par le jeu chromatique, la répétition infinie du motif, l’œil ne perçoit pas les images à caractère politique qui agitent l’arrière-plan… sauf à s’approcher de très près ! Installé à Tanger et Paris, Simohammed Fettaka fait surgir la lumière de l’obscurité dans une installation en espace clos sobrement intitulée Dolomate, «obscurité» en calligraphie arabe. Mais une calligraphie qui a perdu de sa rondeur originelle pour devenir stylisée, géométrique, aux contours à angles vifs… En écho au «court motif musical» du bandolais Olivier Millagou diffusé dans les salles, la vidéo de Saïd Afifi est «une sorte de fiction fantasmagorique» de Tétouan où il réside, transformant son architecture labyrinthique en tissu urbain ultra-moderniste. Un

montage et des fondus enchaînés qui optimisent l’illusion… comme si Le Corbusier avait réinventé la médina ! MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

1 Ont participé à Trankat #1 : Kader Attia, Fouad Bouchoucha, Jordi Colomer, Simohammed Fettaka, Mohssin Harraki, Moussa Sarr, Youssef El Yedidi. Un livre-DVD réunit le film de Gilles Coudert et une publication, co-production Après éditions et Institut Français du Maroc 2 Institut national des beaux-arts, École d’architecture, École des arts et métiers

Trankat épisode #2 jusqu’au 25 oct Espace d’art Le Moulin, La Valette du Var 04 94 23 36 49


76 Cahier de doléances © Léa Habourdin

La photographie Maison Blanche #4

Expositions photo en cascade grâce au festival La Photographie Maison Blanche qui fait le lien entre la création actuelle, notamment en décernant son Prix à un jeune artiste (Léa Habourdin en 2014 pour sa série Les chiens de fusil), et l’histoire de la photographie à travers expos, visites pédagogiques, ateliers et mise en lumière de talents internationaux. Cette année l’américain Stephen Shore sera sous les projecteurs. M.G.-G. Prix Maison Blanche 2014 du 16 oc au 8 nov Maison Blanche, Marseille 9e Stephen Shore du 6 nov au 4 déc Espaceculture, Marseille 1er Marine Lanier, Le Capitaine de vaisseau du 7 nov au 13 déc La Traverse, Marseille 2e Lauréats 2014 du 8 janv au 7 fév Galerie Mad, Marseille 5e www.laphotographie-maisonblanche.org

Instants Vidéo

Art, poétique et engagement convergent cette année pour une libre circulation des corps et des désirs (journée de débats le 10 nov). Toujours à visée internationale, le copieux programme fait la part belle notamment à quatorze artistes taïwanais. Attention : les rencontres internationales se déroulent seulement du 7 au 11 nov. C.L.

Go to Africa, Yen-Ying Huang © SideBySide Studio e.V.

Jean-Pierre Porcher

Réalisées en France et en Suisse, les photographies de Jean-Pierre Porcher réinventent de manière poétique l’œuvre architecturale de Le Corbusier, entre équilibre et déséquilibre, fluidité et densité. La Cité Radieuse y est à l’honneur avec deux grands formats. C.L. Arcadie jusqu’au 21 nov Espaces Atypiques, Cité Radieuse, Marseille 04 91 32 51 66 www.espaces-atypiques.com

Auguste Chabaud

L’École Provençale est l’une des spécificités de la galerie Alexis Pentcheff qui organise une exposition-vente rétrospective de l’un de ses plus talentueux représentants : Auguste Chabaud, avec un choix de peintures inspirées par la Provence (Souvenirs d’un séjour sur la Côte d’Azur, Le picador…) mais pas seulement (Les tirailleurs), et de dessins réalisés lors de ses séjours à Paris (Scènes parisiennes, Canal saint Martin…). Catalogue disponible en ligne. M.G.-G. L’instinct de vie du 17 oct au 15 nov Galerie Alexis Pentcheff, Marseille 6e 06 82 72 95 79 www.galeriepentcheff.fr

Les tirailleurs, 1907 © Auguste Chabaud

Fragment de silence, inspiré par l’œuvre de Le Corbusier © J.P. Porcher

27e Instants Vidéo du 7 au 30 nov Friche de la belle de Mai, Marseille 04 95 04 96 24 www.instantsvideo.com


77

Nouveaux regards

De l’École supérieure d’art au musée… Depuis 2010 de jeunes étudiants diplômés exposent leurs œuvres à l’Atelier Cézanne, mais pour la première fois le Pavillon de Vendôme leur offre ses salons et le 3bisF ses espaces de résidence. Tour à tour, Maxime Chevallier, Lucille Tournut, Arina Essipowitsch, Huna Ruel, Claire Camous et Maureen Quink dévoileront les travaux qui leur ont valu d’être sélectionnés et se confronteront à l’appréciation du public. M.G.-G. jusqu’au 14 déc Atelier Cézanne, Aix-en-Provence 04 42 21 06 53 www.atelier-cezanne.com Pavillon de Vendôme, Aix-en-Provence 04 42 91 88 75

© Arina Essipowitsch

Pascal Grimaud

Depuis Marseille où il vit, Pascal Grimaud ne cesse de prendre la route pour l’océan Indien. Destination de prédilection Madagascar, dont il tire le portrait photographique en 2004 avec Le bateau ivre, histoires en terre malgache suivi d’un travail sur la prison d’Antanimora. Entre deux haltes à Cuba, Haïti, en Roumanie, au Vénézuela et en Afrique de l’ouest, le voici dévoilant son dernier carnet de route malgache, loin des «scènes à la Géo»… M.G.-G. Mada 67, journal (2009-2013) jusqu’au 15 nov Galerie Vincent Bercker, Aix-en-Provence 04 42 21 46 84 Mada 67, journal ( 2009 - 2013 ) © Pascal Grimaud

Structures invisibles

Espace, structure, mouvement, lumière, matière et implication du spectateur... neuf artistes ont conçus des dispositifs spécifiques dans un projet d’échanges avec des scientifiques coproduit avec le musée Klovicevi Dvori de Zagreb. C.L. du 24 oct au 4 janv Fondation Vasarely, Aix-en-Provence 04 42 20 01 09 www.fondationvasarely.org Pierre Gallais, Architexture (Phil... en... tropie), 2014 © X-D.R

Les 7 jours de la création du monde selon…

Librarts rend hommage à Frédéric Luquet en exposant ses grandes peintures paysages au cœur d’une exposition collective sur le thème des 7 jours de la création du monde. Thème d’inspiration permanent au vu des peintures, sculptures, textiles, photos et autres installations créées par quelque trente artistes régionaux. M.G.-G. jusqu’au au 7 déc Château, La Tour d’Aigues 04 90 07 50 33 www.chateaulatourdaigues.com Aurore © Frederic Luquet


78

Olivier Amsellem

La «trilogie photographique des îles d’Or» démarrée en 1990 avec Bernard Plossu s’achève avec Olivier Amsellem auquel la Villa Noailles a déjà passé commande en 2005 pour Variations modernes et, en 2009, pour Architecture de la disparition. Ici encore son regard précis et sensible s’attache à révéler le site sans le déflorer, à capter le souffle de liberté que les Levantins savent préserver. M.G.-G.

île du Levant, île du Titan © Olivier Amsellem, 2013-2014

Ile du Levant, île du Titan du 19 oct au 11 janv Villa Noailles, Hyères 04 98 08 01 98 www.villanoailles-hyeres.com

Cédric Delsaux

Explorant les états d’étrangeté entre réel et fiction, Cédric Delsaux est parti sur les traces de l’affaire du faux médecin Jean-Claude Romand (L’Adversaire, roman d’Emmanuel Carrère, adapté au cinéma par Nicole Garcia). Zone(s) de repli est complétée de quatre autres séries, Dark Lens, 1784, Echelle 1 et Underground Society. Catalogue aux Editions Xavier Barral. C.L. Zone(s) de repli du 25 oct au 7 fév Centre d’art Campredon, L’Isle-la-Sorgue 04 90 38 17 41 
www.islesurlasorgue.fr/campredon

Cédric Delsaux, Zone de repli, La petite chaumière, RN5, Col de la Faucille © Cédric Delsaux

Suédois en Lubéron

La Provence a toujours été un territoire propice à l’accueil des artistes. Ceux-ci sont suédois et c’est dans le Lubéron qu’ils ont choisi de vivre et d’exercer leurs talents : Bertil Hansson, Evert Lindfors, Barbara B.Lindfors, Harry Moberg, Lotti Ringström et Arne Tengblad. C.L. jusqu’au 15 nov Galerie 22, Coustellet 04 90 71 85 06 www.galerie22contemporain.com © Bertil Hansson

Calibre 33

Autour de Gilbert Pédinielli, son initiateur, Encore plus d’infini présente une sélection d’œuvres historiques et récentes d’artistes ayant agi au sein du collectif expérimental niçois Calibre 33 (1978-1988) : D. Angel, J.M. Bossini, D. Farioli, R. Hébréard, C. Martin, S. Menuet, A. Saliceti… C.L. jusqu’au 31 déc CIAC, Carros 04 93 29 37 97 www.ciac-carros.fr

Gilbert Pedinielli, série Piques et philippiques, 1984 © G. Pedinielli




Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.