Zibel80

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un gratuit qui se lit

N째80 du 17/12/14 au 21/01/15



Politique culturelle Bilan MP2013................................................................4, 5 Première Biennale de cirque............................................... 6 CD compilation régionale................................................... 7 Libération de la Provence, création de La Marseillaise..............................................8, 9 Fondation Vacances Bleues................................................ 10 MuCEM........................................................................... 11 Théâtre du Briançonnais, La Garance de Cavaillon.................................................... 12 Le Bois de l’Aune............................................................. 13

Événements Festival Parallèle, festival Flamenco............................................................. 14

Critiques Rencontres d’Averroès.................................................. 16, 17 Prix littéraire des lycéens, Libraires à Marseille.................................................... 18, 19 Cinéma........................................................................... 20 Danse......................................................................22 à 25 Théâtre, cirque, arts numérique..........................................................26 à 30 Musique...................................................................32 à 35

Au programme Musique...................................................................36 à 38 Théâtre, danse, jeune public, cirque, rue................................................................40 à 53 Cinéma........................................................................... 54 Arts visuels............................................................... 56, 58

Arts visuels......................................................... 60 à 62

Vers la pauvreté, ou la philosophie de l’éponge

Ils appellent cela austérité, combattent le déficit, épongent la dette, nous font «participer à l’effort collectif». Mais dans quel monde vivent-ils ? Nous, employés, chômeurs, fonctionnaires, retraités, jeunes aux portes scellées de l’emploi, immigrés aux portes blindées de la vie commune, nous, concrètement, depuis plusieurs années, vivons la pauvreté. Celle qui fait attendre les promos, baisser le chauffage alors qu’il fait froid, trembler quand nous ouvrons les factures, quand un appareil ménager tombe en panne, quand nos enfants font des études, quand nos parents deviennent dépendants. Savent-ils vraiment qu’en 25 ans les prix ont doublé (pain, viande, énergie, loyers...) alors que le salaire moyen n’a augmenté que de 10%, que le chômage a explosé, que les bourses stagnent ? Une autre politique est nécessaire. Maintenant. De Gauche. Qui relance l’économie, parce que l’austérité ne marche pas, que la consommation est en panne, la production, le travail. Parce que ce qui s’installe est indécent, qu’on ne peut admettre que 14% de la population vive en dessous du seuil de pauvreté dans la cinquième puissance économique mondiale. Quant au secteur culturel, il représente en France 7 fois la valeur ajoutée de l’automobile, 2,5% de l’emploi. Il est essentiel à l’économie française. Pourquoi le détruire, et plonger ses acteurs dans une pauvreté toujours plus grande ? Car si Fleur Pellerin se réjouit de la stabilité du budget de son ministère, elle redoute la baisse des collectivités locales et territoriales. Mais ce sont les dotations d’État qui ont diminué ! Veut-on qu’elles votent des budgets déficitaires ? Les maires et les collectivités considèrent la culture comme leur première variable d’ajustement. Veut-on qu’ils négligent les écoles, les routes, les équipements publics ? Qu’ils coupent les minimas sociaux, augmentent des impôts locaux déjà trop lourds pour une population qui s’appauvrit ? Un État responsable doit donner les moyens de mener la politique qu’il délègue. C’est à lui de veiller à ce que les dépenses culturelles ne baissent pas, s’il ne veut pas assécher davantage ce secteur vital. L’État doit permettre aux villes de ne pas tailler dans leurs budgets culturels, ou assumer lui-même un développement territorial harmonieux. Il doit cesser de concentrer plus de la moitié de ses dépenses culturelles dans la capitale, s’occuper un peu sérieusement de ses régions, de ses départements, de ses communes. Non pas en imposant des réformes territoriales, mais en leur donnant les moyens de vivre, et de créer. D’arrêter d’éponger, écoper, louvoyer, pour réparer enfin les brèches ouvertes... AGNÈS FRESCHEL


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Le bilan de 2013

en indices de satisfaction.. Q

uelle étrangeté ! La Capitale culturelle 2013 est évaluée par la Commission Européenne, qui en tire des enseignements pour les prochaines Capitales, mais mesure mal ce qui a changé dans le territoire ; et par l’agence Euréval missionnée par MP2013 (association présidée par le président de la Chambre de Commerce), qui se fonde essentiellement sur un questionnaire de satisfaction, appuyé d’une enquête du Comité Départemental du Tourisme. Qui mesure les retombées économiques sur son secteur. Pas d’enquête interne, donc, sur l’évolution du secteur culturel sur le territoire... Quid de l’évolution des budgets culturels en 2014 ? De l’avenir des manifestations lancées en 2013, des Ateliers de l’Euroméditerranée, des Quartiers Créatifs, des Temps forts de danse, de cirque, jeune public, des grands événements d’Arts de la rue ? On sait que les budgets culturels sont partout en baisse. Que le Département et la Région, alertés sur un déficit prévisionnel qui n’a pas eu lieu, ont remis la main à la poche pour 500 000 euros chacun. Et qu’ils répercutent actuellement cet investissement supplémentaire en baissant leurs subventions en 2014 et 2015. Que les villes en font autant... tandis que l’État n’a pas tenu son engagement initial de 14,7 millions d’euros pour la capitale, à 2 millions près ! Que reste-t-il, matériellement, de notre année 2013 ? Un reliquat, dit-on, dont on ne sait trop où il est et à quoi il va servir ; le MuCEM, que la capitale a accéléré mais qui est un musée d’État ; des équipements, nombreux, structurants, mais aux moyens de fonctionnement nettement insuffisants. Sur le carreau, de nombreuses compagnies, salles, galeries, asséchées par leurs investissements pour la Capitale, et par des budgets en baisse. Les moyens de production en berne un peu partout... Mais un appétit culturel qui a augmenté, une satisfaction générale du public, un accroissement de la fréquentation touristique... et une prise de conscience, de la part

des acteurs économiques, que les investissements culturels sont nécessaires et rapportent, tant en termes d’images que de dynamique économique.

Pourquoi un tel paradoxe ?

La première raison est la faiblesse de l’analyse : il existe des observatoires de la culture susceptibles de tirer un vrai bilan, chiffré, des impacts de la Capitale... sur le monde culturel. En termes d’évolution de l’offre, de la fréquentation des salles et des musées, de l’investissement culturel des habitants, de celui de la puissance publique, de celui des entreprises. Ainsi le questionnaire de satisfaction du monde culturel conçu par l’agence Euréval évalue l’accès des structures culturelles au financement de la Capitale, le changement dans les pratiques (coopération entre structures, partenariats avec des structures non culturelles), et la rencontre avec le public. Mais il ne se fonde que sur les 600 projets retenus, et donc pas sur les 2500 projets déposés, ce qui fausse forcément les réponses ; parmi ceux-là seules 31% des structures porteuses d’un projet cofinancé ont répondu, et 15% des projets labellisés. Peut-on mesurer la satisfaction à l’aune de cet échantillon ? N’aurait-il pas été nécessaire d’interroger les acteurs qui n’ont pas été retenus, les structures qui ont dû fermer ou ne pas mener à bien leurs projets, celles qui, en fin d’année 2013, ont été moins bien accompagnées pour cause de réduction du personnel de la Capitale dès septembre 2013 ? La deuxième raison est qu’on ne sait pas à qui profitent les retombées économiques, ni sur quoi se fonde la Chambre de Commerce pour les estimer à 500 millions. Lors de la conférence de presse présentant le bilan Euréval, on annonça que le chiffre d’affaires des entreprises du territoire avait augmenté de 430 millions en 2013. Elles ont donc, de

fait, fait une bonne opération, puisqu’elles n’ont investi que 15 millions (chiffre d’ailleurs record pour une Capitale culturelle).

La culture y gagne-t-elle ?

Mais le bénéfice de ces hausses revient peu, en dehors de la taxe de séjour (estimée sur Marseille à 2,5 millions supplémentaires en 2013) et d’un éventuel gain en impôt sur les sociétés (qui pour l’heure n’est pas estimé) aux collectivités qui ont investi près de 80 millions pour le fonctionnement de la Capitale, et bien plus en équipements publics. Alors l’argent public servira-t-il le développement économique des entreprises sans que celles-ci s’engagent davantage ? La Chambre de Commerce de Marseille-Provence appelle de ses voeux de nouveaux projets culturels, souhaite pérenniser le nouveau rapport établi en 2013 entre les entreprises et les artistes, s’appuyer sur les nouvelles habitudes de collaboration des collectivités du territoire... Mais quoi qu’il en soit, les retombées économiques de tels événements culturels n’alimenteront pas vraiment les payeurs publics, et pas du tout la culture. Car la troisième raison est l’incompréhension fondamentale de ce qu’est un enjeu culturel : si le


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Budget (en millions d’euros)

Prévu

Réalisé

Etat

14,7 M€

12,8 M€

Conseil général 13

12,3 M€

12,8 M€

Union européenne Région PACA

12,3 M€

Marseille Provence Métropole Ville de Marseille

22,1 M€

Toulon et TPM

7,4 M€

Ville et pays d’Aix

7,4 M€

Autres villes et collectivités

7,4 M€

Mécénat

14,7 M€

Ressources propres, billeterie

J1 (subvention et ressources propres) Total

98,0 M€

Mise à disposition nombre de visiteurs, le pourcentage d’habitants ayant fréquenté les événements, le nombre de personnes ayant participé à un projet, sont des chiffres intéressants, ils ne mesurent pas ce qui a changé dans la culture. Si la pensée a avancé, si l’art y est plus fort, si les regards ont été transformés, les esthétiques. Si les programmations des lieux culturels ont évolué, si des œuvres sont nées, si l’image que les citoyens se font d’eux-mêmes, de leur culture et du partage de celle des autres, y a gagné. Ce que l’augmentation des scores électoraux du Front

Mensuel gratuit paraissant le deuxième mercredi du mois Édité à 32 000 exemplaires imprimés sur papier recyclé Édité par Zibeline SARL 76 avenue de la Panouse n°11 13009 Marseille Dépôt légal : janvier 2008

Directrice de publication Rédactrice en chef Agnès Freschel agnes.freschel@gmail.com 06 09 08 30 34 Imprimé par Rotimpress 17181 Aiguaviva (Esp.)

12,8 M€ 7,7 M€

15,7 M€ 7,1 M€ 4,1 M€

14,9 M€ 4,6 M€ 2,5 M€

Autres (intérêts)

Le rapport de la Commission Européenne est consultable en anglais sur : http://ec.europa.eu/programmes/creativeeurope/actions/capitals-culture_en.htm Celui de l’agence Euréval, fondé sur les chiffres de la fréquentation touristique du Comité Départemental du Tourisme et sur ceux de l’association MP2013, est disponible ici : www.mp2013.fr/wp-content/uploads/2014/11/ MP2013-bilan-FR_web.pdf

2, 8 M€

0,3 M€

97,9 M€ 2,0 M€

National semble, par exemple, démentir … Ainsi, lorsque les professionnels du tourisme se réjouissent du changement d’image que la Capitale culturelle a permis d’opérer, on ne peut que frémir : les Bouches-du-Rhône deviennent attractives, et le premier facteur cité est le patrimoine culturel... alors que jusqu’en 2007 le département avait essentiellement une image industrielle. Peut-on se réjouir de ce changement d’image ? Croisiéristes et touristes pour remplacer nos industries, est-ce vraiment la culture que nous désirons ? Ce bilan sera-t-il tiré, ou continuerons-nous à transformer nos friches désaffectées, nos hangars portuaires, nos ateliers SNCF en bâtiments culturels, sans nous demander quelle est la culture que nous voulons ? AGNÈS FRESCHEL

Chiffres de fréquentation

 Touristes 11% de touristes en plus en 2013 dans les BdR 17% de touristes internationaux en plus 9% de nuits d’hôtel en plus 22% de croisiéristes de plus à Marseille-Provence 25% de taxes de séjour collectées en plus par la Ville de Marseille 36% de nouveaux visiteurs, soit deux fois plus qu’en 2011  Habitants 74% ont assisté à au moins un événement 67% à au moins un événement en salle parmi eux, 83% ont assisté à plus d’un événement 52% des habitants ont visité le MuCEM 66% déclarent qu’ils assisteront dorénavant plus volontiers à des événements culturels 236 000 élèves ont été impliqués dans des projets entre janvier et juin 2013

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Rédactrice en chef adjointe Dominique Marçon journal.zibeline@gmail.com 06 23 00 65 42 Secrétaire de rédaction Delphine Michelangeli d.michelangeli@free.fr 06 65 79 81 10

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Circulez, y’a tout à voir ! roupes internationales et création régionale, clowns, jongleurs ou acrobates, équilibristes ou magiciens, en salle, en extérieur, sous chapiteau : grands spectacles et belles compagnies sont au programme de la Biennale Internationale des Arts du Cirque ! Première du nom, cette manifestation fait suite à Cirque en Capitales, l’un des grands succès de MP2013. L’idée avait alors germé d’organiser un grand festival de cirque à Marseille et aux alentours. Du 22 janvier au 22 février le projet, porté par le CREAC-Archaos, deviendra réalité. Guy Carrara, co-directeur avec Raquel Rache de Adrade de ce Pôle National des Arts du Cirque, y voit une opportunité unique d’encourager la création. Car la Biennale diffusera 60 spectacles, pour 260 représentations sur toute la région PACA. Concernant quelque 300 artistes, l’événement vise aussi à soutenir leurs projets. Une partie du budget est ainsi consacrée à la coproduction de spectacles, dont une quinzaine seront présentés en première mondiale. «C’est une prise de risque, mais nous faisons confiance aux artistes, explique Guy Carrara. Nous avons accueilli au CREAC des compagnies en résidence et nous coproduisons 22 spectacles de la Biennale. Si on se contente de faire de la diffusion, la création va se tarir. C’est un aspect que l’on met en avant, pour inciter les structures, les festivals, à accompagner les projets. Le nouveau cirque est jeune. Si on ne l’aide pas à se développer, il restera un simple effet de mode.» Car la Biennale a pour ambition de devenir «le plus grand festival de cirque du monde» : 100 000 spectateurs sont attendus pendant ces quatre semaines et les rencontres professionnelles, du 5 au 9 février, veulent faire le plein. Des représentants de festivals internationaux seront réunis, avec cet objectif essentiel d’aller au-delà de la simple diffusion. Un partenariat avec le festival de cirque de Rio est également sur les rails. Une délégation de

Crash again, Cie S’Evapore © Jacky Valero

T

la ville brésilienne sera reçue officiellement pour sceller ce jumelage. Des partenariats ambitieux, qui ne feront pas oublier la défection de La Seyne-sur-Mer : le Théâtre Europe, labellisé «Pôle National du Cirque» avec Archaos a annoncé son retrait du dispositif à l’automne. «Nous avons subi des baisses de subventions qui ne nous permettent plus d’assurer toutes nos missions, relève Marie-Hélène Jimenez Perez, la directrice. Conserver le label, maintenir une programmation à l’année et un festival en hiver n’était pas tenable financièrement.» Janvier dans les Etoiles est repoussé en avril, en version allégée, et désolidarisé de la Biennale. Archaos part seul, sans que ce retrait ait

eu de conséquences sur l’organisation, selon Guy Carrara. «Les deux structures sont indépendantes, il n’y a pas eu de dégâts» précise-t-il. Le pari est donc tenu. À Marseille, un village de six chapiteaux sera dressé sur l’esplanade du MuCEM. Dans la région, les quatre scènes nationales sont associées à l’événement. Le festival Les Elancées, présent sur six communes d’Ouest Provence, est également partenaire. En tout, une quarantaine de lieux accueilleront la Biennale pour un mois total de cirque, qui s’annonce bouillonnant ! JAN CYRIL SALEMI

Les premiers temps forts Le top départ de la Biennale sera donné le 22 janvier, mais le 23, Archaos présentera Soirée d’ouverture, spectacle unique, créé pour marquer l’inauguration du festival. Les artistes transformeront le VieuxPort de Marseille en piste géante et un funambule jouera les ponts transbordeurs en reliant les deux rives du port. Parmi la programmation du village chapiteau au MuCEM, Bianco, de la compagnie galloise Nofit State, où les trapézistes survolent les spectateurs debout, qui déambulent. À Marseille toujours, au Dock des Suds, O destino das flores, des acrobates brésiliens de Circondriacos, la création de No Bank par les voltigeurs équestres du Centaure, ou la magie nouvelle dans Les Limbes d’Etienne Saglio au Merlan.

Un temps fort magie aura lieu au Théâtre d’Arles, avec Yann Frisch, le Circo Aereo et Raoul Lambert. Premières mondiales à Aix, avec La pli i donn de la troupe réunionnaise Cirquons Flex au Bois de l’Aune et Crash again des Franco-Guinéens de S’Evapore au Théâtre d’Aix. Pendant Les Elancées, les Espagnols de Karl Stets étrenneront Disparate, création de cirque musical, à l’Olivier à Istres et les Inextrêmistes joueront de l’équilibre sur pelle mécanique et bouteilles de gaz, à La Colonne à Miramas. Alice in China, à Draguignan, Dolls à Martigues, Plan B à Cavaillon, le Cirque Le Roux à Gap, etc. Le programme complet est à consulter sur www.biennale-cirque.com.


Nos talents sur CD ! L

es projets musicaux soutenus par la Région PACA dans le cadre du dispositif Conseil Artistique à la Création (CAC), voient pour la 5e année un morceau issu de chaque répertoire gravé sur galette, pour les 56 artistes (sur 64) qui disposaient d’enregistrements récents. Un double CD édité par l’Arcade à 5000 exemplaires, diffusé gratuitement dans les réseaux professionnels (salons et marchés nationaux, lieux de diffusion de la région), qui représente un bel outil de promotion avec un soutien élargi des musiques actuelles aux musiques traditionnelles et du monde. Une part de la vie musicale et artistique régionale que valorise la Région, consciente de l’importance de structurer les réseaux en favorisant le dialogue interculturel en Méditerranée et l’ouverture entre toutes ces esthétiques. Et du beau monde, il y en a à foison ! À l’image du Duo Agnel, qui relie musiques médiévales européennes, traditions arabes et afghanes, et d’Ottilie [B], en tournée dans toute la région depuis la sortie de son 2e album Histoires d’O Deux, qui ont inauguré le 24 novembre au Gyptis la compilation 2014. Sur le CD 1 (Musiques act.), des incontournables : Nevche, Massilia Sound System, Armelle Ita, le duo Isaya, Temenik Electrik, Mekanik Kantatik, Andromakers, Sugarcraft, The Magnets et le batteur Ahmad Compaoré. À découvrir, entre autres, si ce n’est déjà fait : Namaste ! et la rappeuse kenyane Tina Mweni, le multi-instrumentiste Benjamin Fincher, Dj Djel, l’électro dub d’Ashkabad, les Désirs chroniques de Subito Presto, Loan, le quatuor Saiko Nata qui mixe musique classique et africaine, 3 Chevaux de front… Côté Musiques du monde (CD 2), on retrouve parmi les 17 titres (contre 39 dans le 1er CD !), D’Aqui Dub, le flamenco de Luis de la Carrasca, Camino ou Juan Carmona. Mais aussi Delta Sonic, le répertoire occitan croisé au chant turc Forabandit, Manu Théron qui dirige Madalena, un chœur de voix du pays d’Oc… La région a du talent, la preuve par deux (CD) ! DE.M.

CD compilation régionale Musiques actuelles / Musiques du monde 2014 En écoute libre sur www.regionpaca.fr et www.arcade-paca.com


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Entrer en Résistance L

a Maison de la Région PACA accueille sur la Canebière une double exposition en accès libre, consacrée au 70e anniversaire de la Libération de la Provence et de la création du journal La Marseillaise. Prévue initialement jusqu’à fin novembre, elle est prolongée jusqu’au 31 décembre car Philippe Arcamone, le programmateur de la Maison de la Région, a voulu permettre au plus grand nombre d’accéder à ce travail de grande qualité. Conçue par le groupe Marat, qui fait vivre la mémoire des étrangers ayant contribué à l’histoire de France, elle articule de manière complémentaire la vaste fresque de la Libération et l’échelon local. En s’appuyant sur les archives de La Marseillaise, née dans la clandestinité en décembre 1943, sur des photographies d’époque et le témoignage des survivants, la scénographe Caroline Fellowes donne sens et relief à la conjonction pendant la Seconde Guerre Mondiale des forces libres, des armées alliées et de la Résistance intérieure, au niveau de Marseille et la Provence. Grégoire Georges-Picot, historien du groupe Marat, insiste sur «le danger constant qu’encouraient à cette époque les opposants au fascisme, leur extraordinaire courage, et leur fabuleux esprit de solidarité». Qu’il décrive une spectaculaire évasion de prisonniers politiques boulevard Chave, ou bien la grève de 800 mineurs sur les bassins miniers de St Savournin, Meyreuil et Gréasque en février 44, on y est, on tremble avec eux, on participe à l’action collective. Lorsqu’il évoque le rôle primordial des femmes infiltrées, en précisant «c’était une époque où on leur offrait des revolvers comme cadeau d’anniversaire», on frémit de fierté. La Main d’œuvre immigrée était l’un des groupes les plus impressionnants, rassemblant toutes sortes de gens, transcendant les clivages sociaux, idéologiques ou religieux dans un combat d’abord politique, qui s’est mué en lutte effective contre les nazis. Lucie Aubrac disait d’eux : «Ce sont nos maîtres en résistance armée».

Naissance de La Marseillaise

La Gestapo a activement traqué les fondateurs d’un journal clandestin bien déterminé à contrer la propagande allemande par une information libre. Selon Grégoire Georges-Picot, «journalistes et imprimeurs ont été poursuivis, arrêtés, torturés et assassinés de manière terrible. Quand on voit les imprimés, on se dit «tant de sueur et de sang pour ça ?» Mais les nazis n’étaient pas dupes, «le plomb de l’imprimeur est plus dangereux que le plomb d’un fusil»». Il évoque Pierre Brandon, celui qui rassembla toutes les énergies, son bras droit Louis Vallauri, et la femme de ce dernier, qui permit probablement à toute la rédaction d’échapper à la souricière tendue à Aix par les Allemands, sur les lieux de la 1re

Vichka Welykanowicz et Jean Vérine. Marseille, 21 août 1944. Photo Julia Pirotte. Archives Groupe Marat

imprimerie du journal. Ou encore Jean de Bernardy, typographe, tombé au maquis de St Antonin en juin 44. Au mur, des casques permettent d’entendre le témoignage émouvant d’André et Rosette Remacle sur les débuts de La Marseillaise, et sa couverture de la Libération. La fin de la guerre ? «On est déjà dans la prise de pouvoir, et c’est peut-être moins la Résistance. C’est aussi prendre le pouvoir sur des organes de presse, sur des voix qui peuvent porter.» La suite, on la connaît, mais il est salutaire, au moment où la presse dans son ensemble et La Marseillaise en particulier connaissent des difficultés, de s’en remémorer l’esprit fondateur. L’avenir est toujours incertain, mais ce journal est né dans la lutte, il a été distribué sous le manteau pendant neuf mois, pour paraître au grand jour après guerre. Et cette exposition le prouve, il a paru avec panache, chaque

jour, pendant toutes les décennies qui ont suivi. GAËLLE CLOAREC

Retrouvez l’interview de Grégoire Georges-Picot sur la WebradioZibeline 70e anniversaire de la Libération de la Provence et de la création du journal La Marseillaise jusqu’au 31 déc Maison de la Région PACA, Marseille 04 91 57 57 50 www.regionpaca.fr


Amère inauguration P

ar un hasard, malheureux, le vernissage de l’exposition consacrée à La Marseillaise a eu lieu au moment où ses difficultés financières éclataient au grand jour, et devant la justice : en cessation de paiement de fait, le quotidien historique et indépendant de tout groupe financier a obtenu d’être placé en redressement judiciaire. C’est à dire qu’il doit trouver des solutions pour éponger ses déficits (environ 2 millions cumulés) et retrouver l’équilibre, ou cesser de paraître et céder ses actifs (bien plus importants que son déficit). Une option que Michel Vauzelle, venu inaugurer l’exposition, se refuse à envisager. Soulignant l’histoire exceptionnelle du quotidien, il se déclarait fondamentalement attaché à la pluralité de la presse, soulignait que celle-ci est garantie par la loi et qu’à ce titre la puissance publique doit aider à la garantir. «Quelle que soit sa couleur politique : ainsi la Région a décidé d’aider Nice Matin et ses salariés, alors qu’ils sont peu pressants à rendre compte de notre action dans les Alpes-Maritimes ! La Marseillaise aussi ne manque pas de nous égratigner, mais ce journal ne peut pas disparaître !». Le PDG Jean-Louis Bousquet, très ému, refusa lui aussi de considérer cette alternative : «On assiste depuis quelques jours à un élan de solidarité que nous n’espérions pas si important. Nous devons sortir de cette mauvaise passe, La Marseillaise en a connu d’autres, c’est un journal militant qui peut compter sur ses salariés.» Mais il sait aussi qu’une mutation doit avoir lieu, pour que La Marseillaise «améliore son site et qu’il soit en synergie avec ses éditions papiers». Comment faire pourtant, pour pallier «la lente érosion du lectorat malgré des abonnements en hausse» (la disparition des kiosques n’y est pas pour rien...) et «la baisse des recettes publicitaires à laquelle toute la presse est confrontée», mais que le quotidien proche du Front de Gauche a vu multiplier par la disparition de mairies communistes qui furent ses soutiens ? Il y a de la place pour une presse alternative à celle des grands groupes nationaux ou régionaux diffusant une information prémâchée par l’AFP et se repaissant de pseudo scandales politiciens. Oublieuse des vraies luttes, des véritables enjeux de proximité, qui valent autant que ceux de Paris. Mais il faut pour qu’elle existe, perdure, retrouve des couleurs et de l’allant, qu’elle ne coure pas tous les jours après les moyens matériels de sa survie : les journalistes doivent être assez nombreux pour avoir le temps d’enquêter, d’aller sur le terrain, de soigner leurs papiers, d’inventer des formes. La Marseillaise vivra si elle cesse de seulement survivre... c’est tout le paradoxe des redressements judiciaires ! AGNÈS FRESCHEL

Pour soutenir la Marseillaise : http:// pourquevivelamarseillaise.blogspot.fr


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Le dernier des vacanciers La Fondation Vacances Bleues cesse de mécéner l’art contemporain, mais Jérémie Setton nous offre une de ses plus belles créations. Dont acte. Le dernier ? Jérémie Setton, Tracing faces, 2014, installation, dessin sur papier collé sur panneau, vidéoprojecteur, néons © J. Setton

C

ela aura été probablement un des projets les plus porteurs de mécénat culturel à Marseille. Après près de vingt cinq années d’activités, le volet de soutien à l’art contemporain de Vacances Bleues via sa fondation sera «mis en sommeil». On se demande qui saura réveiller le label endormi... Pourtant, avec la création en 2011, au siège de l’entreprise, d’un espace d’exposition puis de résidences en 2012, d’aucuns caressaient l’idée d’une trajectoire pérennisée pour le travail remarquable entrepris depuis huit ans par sa responsable, Françoise Aubert : programmant avec une grande pertinence, proposant des expositions monographiques en synergie avec les galeries et manifestations marseillaises, travaillant avec les employés et pour le public, la direction artistique était sans faille. Mais parmi les mécènes, vers lesquels la puissance publique renvoie les acteurs culturels pour pallier son désengagement, certains aident l’art comme on aime

une danseuse : parce qu’elle nous plaît, jusqu’à ce qu’elle nous déplaise, ou qu’une autre passe. Que faire ? Profiter pour l’heure de la dernière création, d’une subtile intelligence, de l’ultime artiste en résidence.

Jérémie Setton fuit hic

Dans un dispositif élémentaire -une salle et deux néons blancs, un vidéoprojecteur et un panneau/ écran-, Jérémie Setton joue sur le stratagème de deux images ajustées au millimètre. L’une, issue d’une photo de famille ancienne anonyme, se projette en noir et blanc sur son double réalisé au fusain (virtuose !) comme en négatif de la première. Si bien que la superposition des deux en annule la représentation/figuration par un monochrome gris foncé. Seule la présence du visiteur en permet la révélation. Celle-ci apparaît, fugace, d’une part, quand il en vient, par l’intercession de son corps, à modifier subtilement l’intensité lumineuse des néons ; et d’autre part, quand il intercepte le faisceau vidéo et se mue en un double écran, qui reçoit, qui occulte : la projection se réalise alors sur son dos, lui demeurant inaccessible ; mais dans le même temps, sur le panneau/écran se projette, non pas une ombre de son corps (une non-image obscure), mais la partie correspondante de l’image au fusain. Sans mystique aucune, le peintre -c’est ainsi qu’il se qualifie lui-même- réactive le mythe de la création

des images et de leur incarnation, invention qui nécessite foncièrement la présence du corps, celle où nous sommes présents à la fois comme révélateur et martyr (au sens initial de témoin) d’un événement irréductible et impossible à appréhender dans sa complétude. Comme une résonance à ce dernier chapitre de l’aventure Vacances Bleues, Jérémie Setton nous livre hic et nunc une œuvre au titre éloquent dont le sens était déjà porté par la photographie d’origine datant de 1934 : un portrait de groupe souriant mais dont une version trois ans plus tard effaçait un des protagonistes. C’est cette dernière qui est projetée. Bien au-delà du jeu sur nos perceptions, Jérémie Setton nous propose de faire l’expérience de la validité (et de notre responsabilité) du sens que nous attribuons à ce que nous voyons. À noter que les visites -hautement recommandables en étant accompagné de l’artiste- sont sur rendez-vous. Et que, comme pour compenser, l’exposition est prolongée jusqu’au 23 janvier. CLAUDE LORIN

Oh le beau jour encore que ça aura été jusqu’au 23 janvier Fondation Vacances Bleues, Marseille 04 91 00 96 83 www.fondation-vacancesbleues.com


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C’est Noël au MuCEM ! oint de répit pour le MuCEM en cette fin d’année. Les expositions temporaires, et d’envergure, se poursuivent jusque début 2015 : Un moment si doux de Raymond Depardon se déploie jusqu’au 2 mars, en deux volets et 137 photographies (voir Zib’79) ; History Zero de Stefanos Tsivopoulos questionne la crise grecque jusqu’au 21 avril (voir p 60) ; l’installation consacrée aux questions alimentaires Food, produire, manger, consommer, continue de nourrir les esprits jusqu’au 23 fév (voir Zib’79), avec des visites «à la carte» pour les 6-12 ans. Les vacances de Noël seront l’occasion pour la jeunesse de découvrir une semaine de surprises poétiques et gourmandes liées à l’exposition (du 26 déc au 2 janv) : Food & Family permettra de se retrouver au pied du MuCEM comme au pied du sapin, avec la projection des films Peau d’âne de Jacques Demy et Pierre et le loup de Suzie Templeton, et des spectacles tels Sugar Show inspiré de Hansel et Gretel ou Légum’sec visible dès 3 mois, ainsi que des ateliers de cuisine peu ordinaires dans le Petit laboratoire culinaire.

Sugar Show © 7ème Acte

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Le jeune public pourra aussi découvrir l’art de la marionnette avec Le secret de Polichinelle (22 déc). Dans le cadre du cycle Entre… croisements, la scène musicale méditerranéenne et européenne continue d’être mise à l’honneur avec le projet Nishtiman qui réunit des artistes iraniens, irakiens, turcs et européens autour des musiques du Kurdistan (19 déc). Côté cinéma, alors que du 9 au 11 janv, le 33e Festival International du Film Ethnographique Jean Rouch sera accueilli en entrée

libre et en présence des réalisateurs, le cycle associé à l’exposition Food, Dévorez des yeux !, se poursuit jusqu’au 1er mars. L’occasion de (re)voir L’aile ou la cuisse, La saveur de la pastèque, La cuisine au beurre, The Lunchbox, ou à l’Alhambra La Grande Bouffe. Puis d’assister à une carte blanche donnée au critique Patrick Leboutte (16 au 18 janv) avec des films sur la condition humaine et l’existence animale (Terre sans pain de Buñuel, Le film s’appelle voilà de J.-L. Le Tacon, La Gaveuse d’oies d’Alain Cavalier...). Enfin, pour débuter 2015 (21 janv au 6 fév), une série de rencontres rassemblera de grands utopistes contemporains (Edgar Morin sous réserve, Patrick Bouchain, Pierre Rabhi…) autour du temps fort : Le bonheur, quel bonheur ? DE.M.

MuCEM, Marseille 04 84 35 13 13 www.mucem.org


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Aux marges, en haut, Les loups la démocratie des Alpes

culturelle

riançon. La plus haute ville d’Europe possède un petit théâtre, longtemps associé à la scène nationale de Gap, aujourd’hui indépendante. Et qui sait accueillir. Pour preuve, dans cette ville de 11 000 habitants, tout au bout d’une route souvent enneigée et toujours escarpée, le théâtre affichait 14 000 spectateurs la saison dernière. Un peu comme si, à Marseille, les salles réunies rassemblaient plus d’un million de spectateurs ! L’implication particulière de la population saute aux yeux dès que l’on entre dans la salle : deux séances hors scolaires sont prévues pour les spectacles jeune public, et les familles sont là. Avec des enfants de tous les âges, des tout-petits, de grands ados. Qui restent à la rencontre après le spectacle, et posent de vraies questions, non pour s’entendre parler, mais pour avoir des réponses... La vie culturelle des Alpes serait-elle plus authentique ? La programmation en tous les cas étonne par l’audace de certains choix qui, au cœur de propositions musicales de qualité, tente quelques aventures théâtrales, comme les Illuminations d’Ahmed Madani, et des journées de Paroles d’Ados qui font confiance à l’écriture et à la pratique des jeunes. Ainsi on a l’impression, lorsqu’on va au Théâtre Durance (Château-Arnoux), à la scène nationale de Gap, au Théâtre de Briançon, à Cavaillon aussi, petite ville au grand théâtre, que le travail de démocratisation culturelle a porté ses fruits, mieux sans doute que dans les grandes villes. Que des réseaux se sont tissés, avec les établissements scolaires, les associations, les comités d’entreprise. Que la présence des artistes est à portée de vue et de dialogue, parce que l’impression d’éloignement est douloureuse, et que toute proposition, toute rencontre, est vécue comme un cadeau. À Cavaillon le travail a été fait aussi, d’aller vers les gens pour qu’ils deviennent spectateurs : dans la salle ils sont de tous les âges, se retrouvent, discutent. Là aussi le directeur prend la parole, introduit le spectacle, explique ses choix, souhaite une bonne soirée. Comme à Gap, à Château-Arnoux, une relation de confiance se noue. Et dans ce coin de Vaucluse qui vote massivement Front national, la scène nationale propose Faut pas payer de Dario Fo. Retraduite, intitulée On ne paye pas on ne paye pas !, la pièce qui date de 1974 est d’une actualité politique sidérante, d’autant que Dario Fo l’a actualisée en 2007 et que la mise en scène de Joan Mompart n’y va pas par quatre chemins : c’est un appel clair à la désobéissance des pauvres, des ouvriers, face à l’augmentation des prix, à la montée du chômage, à l’exploitation. On y propose d’autres outils de lutte que la grève, que la légalité cadrée, avec l’idée qu’il faut arrêter de payer lorsque les revenus ne permettent plus de subvenir aux besoins vitaux. La mise en scène est simple, d’un naturalisme sans recherche autre que l’efficacité comique. Car le texte, ses quiproquos, ses accumulations, son parler populaire et direct, est extrêmement drôle : le public de Cavaillon applaudit à chaque scène (fi des conventions !), chante l’internationale, rit, rit, veut continuer et les comédiens viennent « remercier Cavaillon», étonnés d’un tel accueil... Un théâtre de proximité, avec la même exigence artistique que dans les métropoles, est non seulement possible, mais apparemment plus évident à construire. Pour peu que les communes et les collectivités continuent à y mettre les moyens de production nécessaires à l’égalité culturelle des territoires ! AGNÈS FRESCHEL

© Isabelle Fournier-Cie Les Passeurs

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e pari de Lucile Jourdan, metteur en scène associée au Théâtre du Briançonnais, n’était pas évident : le texte de Bénédicte Couka qu’elle porte à la scène a de quoi effrayer, lorsqu’on veut s’adresser au jeune public. Parce qu’il parle des loups qui mangent les enfants dans un pays où il arrive d’en croiser ; parce qu’il parle de mort surtout, de deuil, de chagrin, très directement. Il est question d’un père qui a perdu son enfant, d’une louve qui meurt de faim, d’une femme qui n’a plus de larmes pour pleurer, de sa petite fille qui ne parvient plus à se construire dans son chagrin. Lucile Jourdan a choisi de mettre à distance ces douleurs en tirant le conte vers un irréalisme du jeu et des costumes, des lumières. Les masques sublimes, les transparences du décor, fabriquent de très belles images, effrayantes pourtant, mais rendues supportables. Car ici pas de méchant, pas d’innocent : si les loups mangent c’est pour ne pas mourir. L’incapacité du père à sortir de la colère, et de la mère à s’occuper de sa fille qui cache son chagrin dans un arbre creux, sont autant d’obstacles à franchir, à dépasser, pour pouvoir vivre, et laver le sable accumulé dans les yeux devenus secs. La fable est forte, belle, un peu hystérique parfois dans un jeu qui gagnera à trouver des nuances, aussi subtiles que les lumières bleues de l’antre des loups... A.F.

Le Sable dans les yeux a été créé du 19 au 21 novembre au théâtre de Briançon


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La salle au cœur du Bois

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Aix aussi a son quartier «sensible», doté d’une salle de théâtre à la programmation remarquable. Patrick Ranchain nous explique sa politique

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ibeline : Patrick Ranchain, vous êtes directeur du théâtre du Bois de l’Aune… Patrick Ranchain : Non, non, pas du théâtre, mais de la salle du Bois de l’Aune, je tiens à cette dénomination. Le théâtre, cet espace qui fonctionnait comme une agora, est aujourd’hui un lieu de passage. L’aventure à mener dans cette salle n’est pas conventionnelle. Aix a l’image d’une ville riche, d’un haut niveau culturel. Au Jas de Bouffan, la délinquance est réelle et très juvénile. On se confronte aux jets de pierre, au vandalisme, mais on essaie aussi de faire rentrer cette frange de la population dans la salle. Car le théâtre apprend à être dans l’attention à l’autre… Votre salle remplit donc une fonction sociale forte… Il ne faut pas se faire d’illusions, il faut d’abord s’occuper de donner un emploi à ces jeunes, les actions culturelles que l’on peut mener ne vont pas régler les problèmes ! Mais cela peut constituer un point d’ancrage, le début d’une réconciliation avec soi et les autres. On met des tables, on rend le lieu hospitalier, ouvert. J’aime citer le poète Miguel Torga, «l’universel c’est le local moins les murs». Il faut faire venir le monde au quartier et le quartier au monde. Il ne s’agit pas de faire des ateliers d’écriture, ni du social… On part de l’art et on décline. Un projet participatif m’intéresse quand on part de l’art. On ne peut pas partir d’un projet social pour aller à l’art, l’inverse au contraire est vrai. Concrètement ? Juste deux exemples : en 2011, Archie Shepp a répondu à l’invitation pour un

Jazzlab’ avec le rappeur Rocé, des slameurs du Jas de Bouffan, des musiciens de conservatoire. Cette action a fait sens avec le quartier. De même, le compagnonnage avec Taoufiq Izeddiou, depuis MP2013, et son travail avec des femmes du quartier : en 2015 sera présentée sa création avec elles. J’insiste aussi sur le fait qu’il n’y a pas de différence de présentation entre spectacle professionnel ou amateur. Quand les gens sont sur le plateau, c’est toujours pour un enjeu artistique. Le Bois de l’Aune accueille des résidences, promeut la création, en relation avec d’autres lieux d’Aix, théâtre Vitez, 3bisf… et les Théâtres ? Je n’aime pas le terme de mutualisation. Nous travaillons avec, animés tous par la conviction qu’il n’est pas nécessaire de passer par Molière pour découvrir le théâtre, et tous épris d’exigence. Nous sommes en lien direct avec le 3bisf qui promeut des objets fragiles en devenir, qui se retrouvent ensuite au Bois de l’Aune. J’ai une grande amitié pour Danielle Bré, directrice du Vitez. Notre association fédère à tous les niveaux, écritures contemporaines, mises en scène… Pour la relation avec les Théâtres, on a des projets en gestation avec Dominique Bluzet dont le travail est admirable. Quand la programmation est ambitieuse et convoque l’international, elle apporte au local, le hissant au même niveau. Qu’en est-il des relations avec les structures officielles, CPA, Mairie… et des restrictions budgétaires qui touchent la culture ? Nous sommes en régie directe avec la CPA. Le politique ici s’est toujours situé dans l’accompagnement. Mais avec les restrictions budgétaires drastiques, on veut nous faire travailler autrement, avec du personnel détaché. Or des professionnels de la culture sont indispensables à certains postes, on ne s’improvise pas régisseur ou directeur de la communication d’un équipement culturel, même en régie directe ! L’équipe est là à chaque représentation... Des projets ? L’an prochain trois projets participatifs. Un projet aussi avec les Restau du cœur…Donner envie d’aller au théâtre. Et convaincre la Métropole que nous ne sommes pas une salle des fêtes : c’est notre dénomination officielle ! La qualité de votre travail en est un éblouissant démenti ! Entretien réalisé par MARYVONNE COLOMBANI

Bois de l’Aune, Aix-en-Provence 04 42 93 85 40 www.agglo-paysdaix.fr


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Jeune création contemporaine evenu annuel, le festival Parallèle -temps fort de la jeune création artistique internationale à Marseille en région PACA-, organisé par KOMM’N’ACT plateforme pour la jeune création internationale, réaffirme son désir d’ouverture et de collaborations, en créant un espace de partage et de rencontre entre le public, les artistes et leurs œuvres du 14 au 17 janvier. Venus de Pologne, Tunisie, Belgique, Colombie, Australie, Suisse, et France bien sûr… les jeunes artistes feront se côtoyer le théâtre, la danse, des performances ; et cette année aussi pour la première fois, les arts visuels. Deux expositions font d’ailleurs l’objet d’une pré-ouverture le 10 janv à La Friche : +216 Regard sur la jeune création contemporaine en Tunisie met en lumière le travail de 9 jeunes plasticiens issus de la scène tunisienne (jusqu’au 29 avril) ; Christophe Meierhans propose quant à lui une installation vidéo, You take the words right out of my mouth, qui interroge l’identité culturelle propre à l’Occident. Ce même jour, Arnaud Saury (Mathieu Ma Fille Foundation), présentera Mémoires du Grand Nord. La Friche accueillera aussi une déambulation proposée par Manon Avram (Collectif KO.com), des Intérieurs nuit / extérieurs jour au bras d’un danseur atteint de cécité qui modifieront à n’en pas douter nos repères ; la lecture d’un texte de Sarah Vanhee, Lecture for Every One, portée par la poétesse québécoise Mylène Lauzon ; et de la danse avec Now now now de Luke George et Maneries de Luis Garay. Au Merlan, de la poésie avec Here I am de Maud Vanhauwaert ; de la danse avec le Paysage de la disparition de Thibaud Le Maguer ; et, pour la soirée de clôture, le regard particulier que posent Martin Schick & Laura Kalauz sur la

Martin Schick & Laura Kalauz © Jorneberg

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société de consommation, le Sacre du printemps transposé en duo par David Wampach, et la Chorale de la 2b company, laquelle donnera par ailleurs une réjouissante Conférence de choses au CNRR. Aux Bernardines, Marie Lelardoux fera entendre les voix polyphoniques de son Utopia, tous des barbares. Enfin, le festival est cette année l’instigateur d’une diffusion du Magnificat de Marta Górnicka, tournée qui fait étape au Merlan, aux Salins, et au Bois de

l’Aune, avec le 3bisf et le Théâtre Vitez (voir aussi p 45). Do.M.

5e festival Parallèle du 14 au 17 janv Marseille, Aix, Martigues www.festivalparallele.com

Le flamenco, entre l’hier et l’aujourd’hui L

e Festival flamenco nîmois a 25 ans, une édition entièrement dédiée à Paco de Lucia, plus grand guitariste de l’histoire du flamenco disparu le 25 février 2014. Hommage lui sera notamment rendu avec Cositas mias, le spectacle du danseur Joaquin Grilo, qui fut son ancien compagnon de route dans les années 90, deux conférences, une exposition de photos, la projection du film de son fils Curro Sánchez Varela, Paco de Lucia, la Búsqueda, et une conférence alliant images et son qui fera dialoguer le guitariste Niño Josele, un de ses héritiers artistiques, et José Maria Velázquez Gaztelu, gardien de la mémoire

audiovisuelle du flamenco. L’émotion sera aussi au rendez-vous avec l’immense chanteuse Mayte Martin qui rend hommage à ses maîtres et ancêtres qui lui ont transmis la flamme et la connaissance, le révolutionnaire avant l’heure que fut le chanteur El Lebrijano, ou encore le chant tout en nuances, puissance et profondeur d’El Pele, héritier gitan de la longue dynastie des maestros du cante. Mais le festival offre aussi une grande ouverture sur un flamenco plus actuel, un festival «désormais acteur et compagnon de route du flamenco contemporain» selon les mots de François Noël, directeur du Théâtre Bernadette Lafont. À

l’image notamment des dernières créations des danseurs Israel Galván, FLA.CO.MEN, et Rocio Molina, Bosque Ardora, coproduites par le festival et symboles des révolutions artistiques en cours ; de celle de Belén Maya dont Los Invitados est un hymne à l’amour du cante. À l’image aussi des grandes voix en devenir de Segundo Falcón et Miguel Ortega, ou des sons des très créatifs guitaristes Manolo Franco, Rafael Rodriguez ou Juan Requena. Mais aussi du spectacle que met en scène l’iconoclaste Patrice Thibaud, artiste associé du Théâtre cette saison, avec le danseur atypique Fran Espinosa : Franito sera à n’en pas douter l’une

des pépites du festival… Sans oublier l’hommage inédit aux grandes familles gitanes de Provence qui irriguent le flamenco de notre région proche rendu par les dynasties gitanes de Martigues, Marseille ou Port-de-Bouc, un rendez-vous que Pepe Linares, ambassadeur du flamenco nîmois, espérait depuis longtemps ! Do.M.

25e festival Flamenco du 11 au 25 janv Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10t www.theatredenimes.com



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Après l’édition exceptionnelle de la capitale culturelle, les Rencontres d’Averroès entament un changement de rythme. Moins centré sur le climax des Tables rondes ?

D’autres mers intérieures

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hierry Fabre a passé la main à Emmanuel Laurentin, mais l’Espaceculture reste producteur et organisateur de l’ensemble de la manifestation, coproduite désormais par France Culture. Le volet artistique de la programmation, en particulier cinématographique (voir ci-contre) semble s’accroître encore. Quant aux débats proprement dits, ils furent nettement moins controversés que certaines années ! Une spectatrice le remarquait à sa manière : «Merci Monsieur Laurentin de ne plus inviter de criminel dans vos débats». Le mot est fort, mais effectivement le but ne semble plus de faire naître de (saines ?) polémiques, mais de décaler (et d’apaiser ?) le regard. Car avec l’arrivée du MuCEM dans le paysage, le danger d’overdose méditerranéenne nous guette. Parlons donc d’autres Méditerranées ? La conférence inaugurale de Jean-Christophe Victor, qui devait situer le problème, fut déconcertante. Le dessous de ses cartes ne révélait rien, et il répondit par un tour de passe-passe à la question : prenant comme exemples trois mers intérieures pour les comparer à la Méditerranée, il passa sous silence la Caraïbe, pourtant la plus convaincante, s’attacha quelques instants seulement à la Mer de Chine méridionale, prit comme exemple pour la comparer à la Méditerranée la Méditerranée (c’est fou ce que ça ressemble...) puis l’Arctique. Qui en termes de circulation maritime, d’histoire longue, de démographie et de problèmes climatiques a peu à voir... En conclure que le concept de Méditerranée n’est pas exportable est franchement abusif, comme si l’on prenait un pingouin pour prouver que les oiseaux ne volent pas. Fort heureusement les Tables rondes, concentrées en une journée, furent d’une autre teneur : la Mer de Chine apparut dans toute sa complexité, ancienne, peuplée, circulante et conflictuelle comme la Méditerranée, mais différente aussi,

par son rapport au religieux, et à la colonisation... et la difficulté que nous avons à en comprendre les enjeux. Autour de la mer Caraïbe les intervenants furent passionnants, Daniel Maximin brillant, sur l’esclavage, le métissage, la créolité qui est la définition d’un peuple déplacé qui ne cherche plus de racines, ou en cherche partout. On regrettera seulement qu’à propos d’Haïti, évoqué comme la référence de la libération et de l’indépendance pour tous les Caribéens, les intervenants n’aient pas parlé du racisme latent dans les îles «européennes» : dans les DOM les immigrés haïtiens sont méprisés, et les relations avec les Békés ou les Z’oreilles ne sont pas simples... La troisième table ronde s’interrogeait sur la démarche comparatiste, et partit un peu dans tous les sens, du meilleur au moins bon. Patrick Boucheron comme toujours fascinant sur tout sujet, Khalil Joreige passionnant (voir critique de son film sur l’aventure spatiale libanais sur www.journalzibeline.fr), Theodora Oikonomides enfin politique et factuelle, mais Mostafa Hassani Idrissi revenait sans cesse à son Histoire de la Méditerranée, manuel aux intentions plus que louables mais parfois contestable aussi (voir critique sur www. journalzibeline.fr)... Emmanuel Laurentin anima toutes les rencontres avec brio, présentant, reformulant, posant quelques questions recadrant les propos... Tous les débats seront retransmis sur France culture dans sa Fabrique de l’histoire à partir du 22 déc, et visible sur la webtélé Mativi-Marseille sous peu. AGNÈS FRESCHEL

www.mativi-marseille.fr

Caraïbes au féminin L

e cinéma Utopia d’Avignon, puis la librairie Harmonia Mundi d’Aix ont eu le privilège d’accueillir une lecture musicale, Petite île et autres histoires des filles de mer, sur une proposition d’Eva Doumbia. La metteure en scène, passionnée de mots, livre ici des extraits d’œuvres de femmes issues des Caraïbes (avec une escapade polynésienne de Sia Fiegiel). Sa lecture se conjugue à celle de la comédienne Maïmouna Coulibaly pour nous permettre de rencontrer, et que de belles découvertes ou remémorations !, Toni Morrison, Yanick Lahens, Maryse Condé, Fabienne Kanor, Jamaica Kincaid, dont la lecture de Petite île, réjouissante d’ironie féroce détachée, n’est pas sans rappeler les meilleures pages d’un

Voltaire ou d’un Montesquieu. Mais toujours, souligne Eva Doumbia, il y a une certaine douceur, une poésie qui rendent accessibles les propos les plus durs. Elle montre combien l’esclavage marque encore les relations humaines, jusqu’au sein de la cellule familiale. La littérature ici garde son sens noble, d’approche pertinente et d’analyse fine du monde… MARYVONNE COLOMBANI

La lecture s’est déroulée le 23 novembre à Avignon et le 24 novembre à Aix en partenariat avec les Rencontres à l’échelle


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Escale Cuba

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est à Cuba, en Méditerranée Caraïbe, que les Rencontres ont fait escale le 27 novembre. La soirée organisée au cinéma Les Variétés a proposé en un premier temps la découverte de 3 noticieros parmi les 1490, produites de 1960 à 1990 par l’ICAIC (Institut Cubain de l’Art et de l’Industrie Cinématographique). Michel Raynal, directeur-adjoint des collections de l’INA, a présenté l’histoire de ces petits films en noir et blanc, souvent proches du documentaire, tournés en 35 mm, inscrits désormais au Registre de la mémoire du Monde de l’Unesco. Leur naissance juste après la Révolution sous l’impulsion d’Alfredo Guevara et de Santiago Alvarez, leur ambition de rendre compte de l’actualité cubaine et internationale du point de vue révolutionnaire, leur grandeur et décadence, le «syndrome du vinaigre» qui faillit les détruire, leur sauvetage et leur numérisation grâce à la synergie des talents de l’ICAIC et de l’INA. Formidable fonds pour les historiens, ces films répondant à la propagande américaine, véhiculent en contrepoint celle du gouvernement de Castro : la patrie ou la mort ! Les sujets exaltent la fraternité entre les peuples socialistes, l’édification d’une économie autonome, le rôle de l’éducation de masse. Pourtant, ils ne peuvent se réduire à cette fonction. Les réalisateurs, dont beaucoup sont devenus des grands du cinéma cubain, saisissent la vie avec un humour tendre, et les bandes-sons surprenantes parfois, s’éloignent de l’académisme qui corsète le genre. La musique, comme interface entre les mondes, est au cœur des Méditerranées et du mélo d’animation de Fernando Trueba et de Javier Mariscal, Chico & Rita (2011) projeté en 2e partie. Petit bijou de sensualité et d’intelligence, au graphisme proche de celui de Ted Benoît, ligne noire et à-plats colorés. On y entend le jazz

Chico & Rita © Fernando Trueba Producciones Cinematográficas S.A., Estudio Mariscal S.A., Magic Light Pictures (Chico & Rita) IOM Limited

de Dizzy Gillespie et de Charlie Parker, celui de Bebo Valdés auteur de la BO. De La Havane de Battista, casino-bordel des USA, à celle de Castro qui proscrit la musique «impérialiste», en passant par l’Amérique raciste des années 50, le voyage est un peu mélancolique. C’est celui des rêves perdus, celui d’une histoire d’amour qui traverse le temps sans jamais vraiment réussir à durer. ELISE PADOVANI

Cette soirée «Cuba» a eu lieu au cinéma Les Variétés, Marseille, le 27 novembre

Dernière scène A

vec The Last supper, The Temple Independant Theatre Company et Ahmed El Attar clôturent les Rencontres magistralement : ils sont la moitié de douze à table et Nadia ne viendra pas ; c’est beau chez eux comme dans un film de Steve Mc Queen, il y a du néon, du plexiglas et des serviteurs affairés au sourire figé ; on boit de l’eau, beaucoup d’eau, ostensiblement, dans des verres à pied, servis sur de grands plateaux ; on s’est d’abord bien tourné vers La Mecque (le domestique range le tapis de prière) avant de parler affaires entre hommes : Wall Street / le fils contre la City / le père ; la belle-fille porte foulard bien serré et traque sur sa tablette les «followers» et les «like» de son «artiste» de mari qui pince la nounou silencieuse ; la fille se fait les ongles ou tire sur sa robe ultra-courte et on a invité le général ; tout le monde parle de rien à peu près en même temps ; du coup la difficulté à suivre le surtitrage en français se révèle expérience cruelle mais pertinente pour entrer dans le vide absolu de ce crépuscule des dieux ! Les acteurs combinent présence et détachement, par trois fois un arrêt sur image les fige tous dans le rouge et une subtile terreur s’installe quand s’invitent à cette cène de douce apocalypse tête de veau et volailles suspendues à de mini-potences de table… les sept plaies de l’Egypte ne sont pas guéries et ce théâtre-là y verse généreusement son grain de sel ! MARIE JO DHO

The Last Supper © Mostafa Abdel-Aty

The Last supper a été joué à La Friche, Marseille, le 28 novembre en partenariat avec les Rencontres à l’échelle (voir aussi sur www.journalzibeline.fr )


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Pourquoi écrire ?

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Joseph Lambert, Karin Serres, MMarion Fayolle, Tanguy Viel, Valentine Goby, Christian Perrissin et Tom Tirabosco © Chris Bourgue

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e Prix littéraire des lycéens et des apprentis de PACA, action éducative de la Région autour du livre et de la lecture, entre dans sa deuxième décennie. Le premier Forum a réuni les représentants de onze lycées et d’une maison d’arrêt autour des auteurs de trois romans et trois BD. Trois femmes et quatre hommes : on se réjouit du respect de la parité... Une question de Jean Garcin, enseignant en milieu carcéral, lance le débat sur la genèse d’une œuvre littéraire et ses éléments déclencheurs. Valentine Goby, Prix des libraires 2014 pour Kinderzimmer, qui fait revivre le camp de déportation de femmes de Ravensbrück, a répondu assez longuement, car la question est pour elle essentielle : «Un bon sujet ne fait pas de littérature, il fait un scoop... J’ai voulu faire par l’écriture ce que les témoins ne peuvent pas faire.» Elle explique que les témoins connaissent déjà toute l’histoire et sa fin, alors qu’elle essaie de revenir au temps de l’expérience de la déportation et de son cadre, de ses acteurs, de l’ignorance de la langue de l’oppresseur, «pour mettre le lecteur en situation de stupeur» (voir Zib’67 et 69). Christian Perrissin, scénariste de la BD Kongo, confie son intérêt pour le destin de Joseph Conrad, personnage complexe qui, enfant, a connu les camps russes, puis est devenu capitaine dans la flotte britannique. Pour parler du rôle dévastateur de la colonisation du Congo belge il évoque la nécessité de se détacher du personnage réel pour créer, à l’aide de la technique du monotype en noir et blanc de Tom Tirabosco, le personnage de fiction. «Ni trop précis, ni trop scolaire... et sans exotisme», Tom a choisi pour mettre de la distance avec le personnage réel. Mais qu’en est-il alors de la démarche de Tanguy Viel qui a choisi de composer une sorte de pastiche du roman américain type, avec La

disparition de Jim Sullivan ? Elle relève d’une envie de créer un univers ancré dans la réalité, mais aussi un jeu de l’écrivain qui sans arrêt intervient dans l’histoire, donnant son point de vue sur ce qu’il est en train d’écrire. Une façon de se «légitimer», dit-il. Certaines démarches créatrices restent cependant assez mystérieuses. Pourquoi Joseph Lambert a-t-il choisi de raconter et dessiner l’histoire vraie d’Annie Sullivan & Helen Keller ? Il n’y a apparemment rien de commun entre la jeune sourde et aveugle Hélène et sa préceptrice, d’une part, et l’étudiant d’une école d’illustration aux États-Unis. La très jeune Marion Fayolle a voulu parler du cancer de son père en y adaptant son dessin précis et enfantin aux coloris tendres, d’où peut-être une explication au titre La tendresse des pierres. Quant à Karin Serres, elle déclare transcrire de façon la plus fluide possible des sons qu’elle a dans la tête comme si elle était une sorte de medium ; c’est ainsi qu’est né Monde sans oiseaux. Et nous que deviendrions-nous dans un monde sans écrivains ? CHRIS BOURGUE

Ce forum s’est tenu à La Croisée des Arts, à St Maximin, le 3 décembre RDV pour le prochain le 4 février à Cavaillon www.prix.livre-paca.org

☛ À noter : Concours photo et selfie : Tu t’es vu quand tu as lu ? (Conditions sur le blog) : http://blog.prixpaca.com/

e dispositif Escales en librairies, initié et produit par l’association Libraires à Marseille, soutenu par le Conseil Général des Bouches-du-Rhône, offre chaque mois d’intéressantes rencontres littéraires, l’une dans une librairie marseillaise, la seconde dans une autre librairie indépendante du département. Le public peut ainsi voir et écouter toutes sortes d’auteurs. Il est moins fréquent que les Escales proposent d’aller à la rencontre d’un éditeur. C’est pourtant ce qui s’est passé jeudi 20 novembre à la librairie Histoire de l’œil. Nadia Champesme et Emmanuel Picaud tenaient à accueillir Dominique Bordes, créateur, en 2004, de la revue puis de la maison d’édition Monsieur Toussaint Louverture ; une maison dont ils suivent depuis le début les parutions d’une belle qualité littéraire et d’une remarquable singularité. Et le public, jeune (une fois n’est pas coutume), composé de presque autant d’hommes que de femmes (bis), a répondu présent. Il aurait fallu pouvoir pousser les murs. Bref, beaucoup de monde pour écouter cet éditeur atypique, ce passionné, qui avoue avoir découvert la lecture assez tard (mais depuis, quel chemin parcouru) et avoir lancé son affaire en collant partout des stickers vantant une revue qui n’existait pas encore (plutôt malin puisque cela a permis à l’affaire de démarrer). Invité à expliquer le choix de ce nom plutôt étrange, il dit juste que «pour créer un truc, il faut d’abord un bon blaze.» Alors, pourquoi pas celui-ci ? Cela donne le ton. Et si au départ, il semble que Dominique Bordes ait du mal à trouver ses mots (mais peut-être le fait-il exprès, qui sait ?), une fois lancé, il est intarissable. À l’entendre, chacun des livres qu’il a publiés est «[s]on préféré». De fait, la lecture de quelques extraits, par lui ou par le comédien François Sabourin, donne envie de les lire tous, tant ils sont divers. Aussi variés que leurs couvertures


maison nte, qui monte (très travaillées, souvent en relief, et dotées de plusieurs couches) et leurs formats. Chez Monsieur Toussaint Louverture, pas de ligne éditoriale, pas de collection. Chaque ouvrage est unique. Ainsi le très particulier Enig marcheur, de Russell Hoban, sorte de récit d’apprentissage dans un monde post apocalyptique revenu à l’âge de fer, un texte réputé intraduisible car écrit dans une sorte d’anglais déconstruit, que le traducteur Nicolas Richard appelle le «parlénigme». Monsieur Toussaint Louverture c’est en moyenne trois livres par an. Et quelques beaux succès à ce jour : Le dernier stade de la soif de Frederick Exley, et Karoo, récemment réédité en poche, qui vient de recevoir le Prix Points des Lecteurs. Le premier roman du même Steve Tesich, Price, vient d’ailleurs de paraître chez MTL (chronique à venir sur notre site). Sans oublier le monumental Et quelquefois j’ai comme une grande idée. Après la lecture qu’en a donnée François

Sabourin et le tableau qu’en a dressé Dominique Bordes, on a bien envie de se plonger dans les 900 pages de la saga des Stamper, bûcherons de l’Oregon imaginés par Ken Kesey (très célèbre dans les années 60 aux EU ; Vol au-dessus d’un nid de coucou, c’est lui). Kesey, Exley, des losers magnifiques. Et de grands écrivains méconnus, que Bordes déniche, qu’il fait traduire et qu’il édite. Pour notre plus grand plaisir. FRED ROBERT

Dominique Bordes était invité dans le cadre des Escales en librairies à Marseille et à Salon-deProvence les 20 et 21 novembre Prochaines escales les 4 et 5 décembre autour de Lise Benincà et du livre qu’elle a écrit après avoir passé plusieurs mois au sein d’Emmaüs Défi à Paris Des objets de rencontre (éditions Joëlle Losfeld)


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Science animée

© X-D.R

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es 8e Rencontres Internationales Sciences & Cinéma ont remporté un franc succès, emplissant les salles qui ont accueilli le festival. Le prix du court métrage a été attribué à l’expérimental Tehran-Geles de Arash Nassiri, tandis que le Jeune Public récompensait le film d’atelier Recettes de cuisines et mathématiques réalisé par les élèves du collège Edgar Quinet (Marseille), encadrés par Balthazar Daninos. Le prix du long métrage est revenu au documentaire de Benjamin d’Aoust sur le monde tel que le perçoivent les aveugles, La nuit qu’on suppose. Si les RISC sont un point d’orgue pour l’association organisatrice Polly Maggoo, elles s’articulent avec un travail de fond visant la transversalité des regards entre sciences et cinéma, qui privilégie autant la forme que le sens. Cette

ambition passe par des actions à l’année en direction de la jeunesse, en partenariat avec le CG13 pour les collèges, la Région PACA pour les lycées. L’occasion d’inviter lors de projections en milieu scolaire chercheurs et réalisateurs, ou bien pour les élèves de 1re de se

rendre dans un laboratoire. C’est ce qu’ont vécu deux classes du lycée Cézanne à Aix-en-Provence, accompagnées par Pilar Arcila dans la réalisation de courts métrages consacrés au comportement des matières granuleuses, et celui des plantes carnivores. Leurs films ont

été programmés par le festival à la bibliothèque de l’Alcazar, lors d’une séance où les jeunes cinéastes ont expérimenté un feu nourri de questions. Emanant d’enfants plus jeunes, deux centres sociaux marseillais constituant la majorité du public, mais aussi du physicien Ricardo Lima, lequel s’inquiétait de savoir si cette expérience leur aura donné le goût de la recherche scientifique. Notamment sur la grande question de demain selon lui, qui consistera à mettre dans un même contexte l’infiniment petit (la mécanique quantique) et l’infiniment grand (la gravité). Car «on aura besoin de main d’œuvre !» GAËLLE CLOAREC

Les Rencontres Internationales Sciences & Cinéma se sont tenues du 20 au 29 novembre à Marseille

«E

xcitant et jubilatoire» sera le 32e Festival Tous Courts ! C’est ce qu’avait promis Jean-Paul Braud, le Délégué Général. Promesse tenue pour les courts métrages présentés le 1er décembre à la soirée d’ouverture, au cinéma Le Cézanne à Aix. Un programme où alternaient comédies et drames, tous excellents. À commencer par le court de Julien Hallard, People are strange, un titre qui résonnera chez certains. Alors que Julien, qui se considère comme un sosie de Jim Morrison, gagne sa vie au Père Lachaise en guidant les touristes sur la tombe du chanteur des Doors, il apprend que les restes de son idole vont être transférés aux USA. Avec son ami, il décide alors de les voler… Et ce n’est pas triste ! Plus sombre et dur, The Mass of Men de Gabriel Gauchet, qui met en scène, dans une tension croissante, un chômeur mal traité par une conseillère-emploi cynique, au discours inspiré par David Cameron, qui va être amené à un acte désespéré. Un court qui pointe la violence morale du capitalisme qui peut conduire les hommes à une terrible violence physique. L’émouvant Bahar in Wonderland de Behrooz Karamizade a pour protagonistes une fillette kurde et son père qui, fuyant la guerre, ont gagné l’Allemagne. Pour échapper au triste réel, Bahar a trouvé une solution : devenir invisible…

People are strange, film de Julien Hallard © Les Films Velvet

Excitants et jubilatoires

en fermant les yeux. Et si on essayait ! Lola, la fillette du film suisse Discipline, un huis clos dans une épicerie tenue par des Egyptiens, déclenche, en désobéissant à son père qui lui donne alors une gifle, une véritable émeute. Ce film de fin d’études de Christophe M. Saber aborde sur le mode de la comédie aussi bien l’éducation que le racisme et la tolérance. Un film drôle et juste. Victor, dans Colectia de arome, transformé en «coq de combat» par son père, pour gagner les 100 euros qui permettraient de soigner la mère malade, est prêt à tout pour vaincre. Igor

Colibeanski porte ici un regard sans concession sur la Moldavie, où on n’hésite pas à maltraiter, voire sacrifier la jeunesse. Un film qui laisse des traces. Et pour finir, on ne dira plus tout le bien qu’on pense de Mon ami Nietzsche du Brésilien Fáuston da Silva, qui se termine par l’Internationale. Jubilatoire ! ANNIE GAVA

La 32e édition du Festival Tous Courts a eu lieu à Aix du 1er au 6 décembre



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Kelemenis,

chez lui, ailleurs epuis trois ans que le Klap, maison pour la danse a ouvert, Michel Kelemenis multiplie les événements, ateliers, et les actions envers la jeunesse. Près de 2000 personnes sont ainsi concernées par son programme Educadanse, et c’est d’abord à eux que le nouveau FestivAnges s’adresse : spectacles pour tous les âges, mais aussi répétitions publiques, ateliers... sont mis en place, et un public très divers est là pour assister aux propositions. Ainsi Emanuel Gat, chorégraphe israélien en résidence à Istres depuis 2007, a sélectionné seize danseurs professionnels pour un workshop de quatre jours. Il leur fallait respecter les règles de l’espace chorégraphique et trouver une unité à des propositions diverses, un langage commun. Le pari a été tenu avec une présentation de trente minutes, construite autour de chansons : les phrases reviennent qui entraînent des gestes puis créent le mouvement. La pièce commence par la succession de deux groupes qui parcourent l’espace en silence. Marche, course, rencontres, partages de gestes répétés... Puis le son arrive et les seize danseurs évoluent ensemble. C’est dynamique et joyeux, très urbain, à la fois proche du sol avec des roulements et des glissements, puis des sauts et des ondulations. En chœur, une souris verte court dans l’herbe, Gainsbourg et La chanson de Prévert, murmurées au micro, ponctuées d’exclamations et de cris dans toutes les langues. Une prestation d’une impressionnante cohésion pour des danseurs qui ne se connaissaient pas quatre jours auparavant ! Christian Ubl propose quant à lui un spectacle tout public. Shake it out, présenté au Hivernales d’Avignon cet été, était tronqué : la troisième partie, où les danseurs nus piétinent les drapeaux européens,

Shake it out © Jean-Claude Carbonne

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aurait elle paru trop scandaleuse après la création au Pavillon Noir ? Car le chorégraphe n’y va pas par quatre chemins : l’Autrichien résidant à Marseille campe une Europe en costumes bavarois, née dans la rigidité militaire, mécanique, pesante, sans joie. Les danseurs, époustouflants, semblent des détraqués belliqueux privés d’âme qui exécutent des mouvements violents, crescendo, jusqu’à se dénuder, manger les drapeaux, se départir de toute humanité dans un amas de corps insensé... Notre identité européenne ? Agitez bien le tout, vous y trouverez une mixture avec un goût amer d’arrière fête, et des appétences nationalistes... Dans la même soirée Michel Kelemenis proposait une répétition publique de Siwa, qu’on retrouvait sur la scène du Merlan le lendemain. Les lycéens présents étaient encore là... Il faut dire que dans son studio il leur avait longuement parlé, expliquant sa perception du désert, de l’oasis, et son vocabulaire de chorégraphe contemporain qui «ne s’interdit pas l’en-dehors et les mouvements connotés». Au Merlan, avec le Quatuor Tana, Siwa éclate de poésie simple. Violentes parfois, douloureuses, les relations entre les

quatre hommes tournent autour d’une quête qu’on devine essentielle, loin du bruit du monde, dans la musique, l’eau qui désaltère parce qu’elle est rare, le soleil qui se dédouble comme les corps. La danse est belle, elle incarne, raconte, rend compte, devient pur jeu abstrait, prend le temps puis s’essouffle encore... Henriette et Matisse s’adresse aux plus petits, sans didactisme. Elle noue des liens entre la plastique de la danse, ses couleurs et ses mouvements, ses représentations du corps et du modèle, et la peinture de Matisse, son geste, sa touche. En quelques tableaux ludiques, lisibles par tous, amusés et frais. De quoi ravir les festifs anges ! AGNÈS FRESCHEL et CHRIS BOURGUE

Festiv’Anges se poursuit jusqu’au 19 décembre


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La danse des chorégraphEs andis que le Klap ne programmait que des hommes, Marseille Objectif Danse invitait des femmes chorégraphes. Par hasard, explique Josette Pisani, mais sûrement aussi par choix esthétique : sans faire d’essentialisme les femmes se posent sans doute, actuellement, d’autres questions sur le corps, qui n’intéressent pas vraiment les hommes... Geneviève Sorin et ses deux complices ont présenté trois pièces attachantes. Marjorie d’Amora a offert sept minutes stupéfiantes d’énergie avec Empreinte. Un pied chaussé d’une sandale à haut talon, l’autre d’une bottine de marche, elle a arpenté le plateau avec rage, alternant roulades, étirements, à la limite du déséquilibre, métaphore de la femme scindée dans le monde actuel. Plus calme, Bach et aujourd’hui aussi de Léa Canu Ginoux, qui caresse le sol, comme elle caresse le piano de Valérie de Maria qui joue Bach puis Fauré. Un échange amusé entre les deux expressions artistiques qui finit dans une fusion inattendue : danseuse et pianiste se retrouvent toutes les deux à l’intérieur du piano et s’y endorment. Enfin dans Hep ! Garçon ! Sorin met en scène Marjorie d’Amora et Gatinho dans un duo qui évolue sur une vieille table en formica, la saute, l’enjambe. Accompagnés de la contrebasse de Bastien Boni et de la guitare et voix de Guida Bastos, les corps se mesurent, s’étreignent dans une belle dynamique. Olga Mesa est elle aussi une habituée de MOD. Le deuxième temps de son Carmen Shakespeare, conçu et interprété avec le plasticien Francisco Ruiz de Infante, est un Crash test en forme de foutoir, avec des images captées qui se reflètent et se déforment, une bande-son composite qui cite Carmen, des objets et des caméras partout, des gestes et des pas et des bouts de bois qui

Hep ! Garçon ! © Jeremy Paulin

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claquent... cela parle du conflit, amoureux, du choc, des formes. Cela cherche une voie, ne la trouve pas toujours, mais la cherche. Maguy Marin l’a trouvée, et en fait une fois de plus la démonstration magistrale. Le concept de Singspiele est d’une simplicité extrême : un homme, David Mambouch, porte sur le visage des photographies d’autres visages, et adapte son corps, qu’il habille et déshabille lentement, à ces identités qui défilent sur la sienne. Ainsi son corps se met à incarner d’autres corps, d’un rien, un affaissement, un raidissement, un déhanchement, le geste de sa main, un léger ploiement du cou ou des épaules. C’est toute l’humanité qui défile, jeunes et vieux, marginaux et bourgeois, blancs et asiatiques, hommes et

femmes, gueules cassées et corps guindés, souffrances et masques, conventions et petits arrangements avec le costume. La relation de mimétisme entre visages et corps, et l’expressivité de la pause et du mouvement, sautent aux yeux. Bien sûr la bande-son, les costumes, la lumière, l’estrade simple, sont parfaits. Et à ceux qui disent que ce n’est pas de la danse, on peut répondre que jamais un corps n’a tant exprimé... AGNÈS FRESCHEL et CHRIS BOURGUE

Le focus de MOD s’est déroulé du 4 au 13 décembre à La Friche, Marseille


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Dansem,

ou l’hypnose A

près Appaix, Dubois, Costanzo Martini (voir Zib 79), Dansem a programmé deux créations hypnotiques du chorégraphe italien Alessandro Sciarroni. Untitled, présenté au Pavillon Noir, s’adresse à tous les publics et met en scène du pur jonglage. Joseph_Kids, joué au théâtre Massalia, est un spectacle pour enfants, mêlant chorégraphie et multimédia. Untitled, œuvre déroutante, est pleinement aboutie. Quatre hommes entrent en scène tenant une massue en main. Pendant plus d’une minute, rien ne se passe. Immobilité et silence. Puis un jongleur lance sa massue et la rattrape. Le «tac» de l’objet heurtant sa main marque le rythme. Ses trois compagnons l’imitent, les «tac» s’entremêlent, puis se mettent à l’unisson. La chorégraphie est en marche et l’harmonie se dessine, toujours plus élaborée. Un musicien sur le plateau accompagne la performance. Les jongleurs prennent chacun trois, puis quatre massues et défient la gravité. Leur danse, mécanique et fluide, mène à cette éphémère victoire, ce temps-là où la matière ne tombe pas. Le rythme de la musique électronique s’accélère. Dans une transe hypnotique, de fragiles robots humains jouent. Un flot d’objets suspendus plane au-dessus d’eux, réalisant l’impossible. L’interprète de Joseph_Kids s’amuse lui aussi avec la réalité. Seul face à son ordinateur, il branche sa webcam vers les spectateurs. L’image se reflète au lointain et le danseur joue avec les effets de

Tordre, Rachid Ouramdane © Patrick Imbert

On avait peur que, faute de moyens consolidés, le festival ne puisse pas programmer à la mesure de ses ambitions. Il n’en est rien ! sa caméra : torsion, déformation, dédoublement. Il bouge devant l’objectif, malaxe son image et la nôtre. Le jeune public apprécie l’interaction : le spectacle n’est pas sur scène mais sur cet écran-miroir, drôle et envoûtant, que l’on quitte à regret après une courte demi-heure. Très dansé, le Robinson de Michele di Stefano présenté à La Friche déçoit un peu. Non parce que cela danse, justement, mais parce que les interprètes ne sont pas à la hauteur du

langage. Lorsque le propos est fort, la proposition déroutante, les fautes de pieds, les tours à l’envers importent peu. Mais ce Robinson fait danser en lignes 5 interprètes qui peinent à nous entraîner dans leurs boucles répétitives, tant leurs décalages retiennent le regard. Quant au propos, quel est-il ? L’Île, Crusoé, Tournier ? La pièce hésite entre narratif et symbolique, pour s’orienter une thématique peu lisible : la solitude ? ses multiplications ? On perd le fil ! Avec Tordre aussi on perd prise. On se noie, on décroche, on s’oublie. Rachid Ouramdane a conçu sa pièce comme une succession de moments inconstruits, comme une rencontre avec deux jeunes femmes qui offrent sans fard aux regards leurs distorsions. L’une a une prothèse de bras, à découvert, et sa grâce est infinie. Elle articule les mots et la musique de Feelings de tout son corps, donnant à lire des émotions que l’on reçoit de plein fouet. L’autre tourne ; comme un derviche, sans arrêt, longtemps, en variant, accélérant, dessinant des lignes avec ses bras, leur ombre, sa tête, son buste. L’hypnose nous prend, la transe emporte, puis elles concluent par un petit duo de comédie musicale, léger, pour nous faire doucement atterrir... JAN CYRIL SALEMI et AGNÈS FRESCHEL

Dansem a eu lieu du 6 novembre au 16 décembre à Marseille, Aix, Arles


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L

e Groupe Grenade est épatant. Ces enfants et adolescents, qui ont entre 9 et 17 ans, dansent comme des pros, mais le dire ainsi serait aplatir la démarche de la chorégraphe, et sa singularité : de fait ils dansent mieux ! c’est-à-dire avec autant de technique (ou presque pour les plus jeunes), et plus d’âme, plus d’enthousiasme (beaucoup plus pour les plus jeunes !). Ils le doivent à la générosité et au talent de Josette Baïz : la chorégraphe leur offre une formation exceptionnelle, de grandes scènes pour se produire auxquelles elle ajoute, dans ce Guests créé au Grand Théâtre de Provence, des pièces passionnantes de grands chorégraphes. Les enfants les investissent avec un extraordinaire allant : les petits garçons ouvrent la danse, grimacent, posent, s’emballent, les filles plus

sagement guidées montrent leur talent de ballerines dans une pièce répétitive et étourdissante de Lucinda Childs... Plus téméraire, Emanuel Gat confie aux plus jeunes une pièce difficile : Brilliant Corner, qui sans démonstration de virtuosité, repose sur une dynamique subtile, où chaque individu fait bouger le groupe... Ils exécutent cela avec une attention, une écoute de l’autre étonnante ! Passionnant aussi le duo de Dominique Bagouet, transmis par Michel Kelemenis, Pas de deux daté (créé en 1984) au cœur de ces pièces toutes récentes, mais que les deux jeunes interprètes animent d’une grâce pudique, à distance, que leur âge rend touchante... À la fin les plus grands des garçons balancent la pièce manifeste de Hofesh Shechter : Uprising, appel à la révolte, danse

© Leo Ballani

Grenade, ça s’éclate !

musclée et violente qui brandit un drapeau rouge, conclut la soirée par la démonstration magistrale de la force de notre jeunesse. Le public du GTP, toutes générations confondues, est debout. AGNÈS FRESCHEL

Guests a été créé au Grand Théâtre de Provence, à Aix, du 20 au 22 novembre


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Traces et cuisines

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n les a déjà vus (voir www.journalzibeline. fr), et on y retourne, la magie ne s’use pas ! Le spectacle Traces par Les 7 doigts de la main a bien pu arpenter 25 pays, être présenté près de 1600 fois, reçu moult récompenses, la fraîcheur, la vivacité, l’humour, la jeunesse, restent intacts. Et si c’était la fin ? vivre intensément, absolument, ne serait-ce que pour laisser une trace, même infime… Le spectacle défini comme spectacle de cirque est bien plus que cela, suivant les règles d’une composition chorégraphique sans failles, une mise en scène dynamique, intelligente, drôle, poétique, virtuose. Les sept artistes s’accordent, jouent entre eux, redessinent les espaces, arpentent le monde dans le cadre restreint du plateau qui semble soudain plus ample. La complicité se noue avec les spectateurs dès l’entrée, une vidéo filme les arrivants, comme elle gardera les dernières images de nos enchanteurs sur le départ… Bien sûr, chacun a sa spécialité, mât chinois, cerceau, diabolo, sangles aériennes, corde, sauts, tremplin, acrobaties en tout genre…, mais tous savent tout faire, pas de clown en particulier, chacun le sera, musiciens ? Ils chantent, jouent du piano… « It’s your time! » Lucas Boutin, Hou Kai, LJ Marles, Diego Rodarte-Amor,

© Larry Rosenberg

Durant leur temps fort cirque, Les Théâtres ont accueilli la Cie québécoise Les 7 doigts de la main avec trois de leurs spectacles

Fletcher Sanchez, Renaldo Williams, Naomie Zimmermann-Pichon, nous emportent dans leur fantaisie… du bonheur démultiplié, ne serait-ce que le délicieux moment de lecture sur fauteuil ! Le public du GTP est debout. On a eu le plaisir de retrouver ces artistes complets dans deux autres formes, pour les Théâtres, Patinoire (voir Zib 76) et Cuisine et confessions. En 12 ans d’existence, la Cie a acquis un art rare du porté. Avec Cuisine et Confessions, elle voulait donner naissance à un spectacle d’un nouveau genre. Une œuvre dans laquelle le toucher, l’odorat et le goût faisaient de la cuisine un lieu des souvenirs où les saveurs et odeurs du passé pouvaient renaître. Mêlant des figures acrobatiques tantôt originales, tantôt extravagantes, et histoires diverses, les neuf artistes confient leur passé. Parfois avec humour : l’un d’entre eux raconte comment la recette de cake

à la banane de sa famille ne cassait pas trois pattes à un canard. Un autre relie la cuisine à une mélancolie profonde : faire à manger lui fait oublier qu’il n’avait pas connu son père. Mais malgré une ligne directrice bien tenue, les histoires ne sont pas toujours claires. Au fil du spectacle, le cours devient confus, et au final on ne sait pas quel était le propos des histoires et des figures acrobatiques. L’unique but était-il de divertir les spectateurs avec ces souvenirs de cuisine tournés en confessions ? MARYVONNE COLOMBANI ET ALICE LAY

Traces a été joué du 25 au 29 novembre au GTP, à Aix, Cuisine et Confessions du 2 au 6 décembre au Gymnase, à Marseille et Patinoire du 4 au 6 décembre au Jeu de Paume, à Aix

Le songe d’une nuit étrange D

es lits de toiles et de voiles comme décor, des lumières de couleurs variées et un calme apparent. Avec A la belle étoile, Bérangère Jannelle invente une manière d’initier le spectateur aux mots : on n’observe plus, on ressent. Rêve-t-on ou pas ? Difficile à dire lorsqu’on semble tomber dans les bras de Morphée. Le songe commence au moment où Vincent Berger murmure, sur une faible lumière, des pages du Grand Meaulnes en se déplaçant comme une silhouette fantomatique. Les sons nous narrent les évènements, nous emmènent vers un domaine mystérieux où se prépare un mariage étrange qui finalement n’aura jamais lieu. Les couleurs changent au fur et à mesure que le récit se poursuit : enfants joyeux, domestiques rigolards, sentiments humains, atmosphère à

la fois légère et pesante des invités, brutalité et terreur…Le spectateur vit l’histoire du héros, témoin accidentel d’une fête à laquelle il n’aurait jamais dû participer. Lorsque le songe se termine brutalement, les spectateurs n’ont pas le réflexe immédiat d’applaudir. Puis ils y viennent timidement mais Vincent Berger n’a pas salué : le but recherché était de maintenir les spectateurs dans le rêve. Certains restent assis pour observer, un autre s’est endormi sans se rappeler qu’il n’était pas dans son propre lit ! Pourtant la plupart se sont laissés emporter dans ce monde magique, suivant ce jeune homme égaré dans une forêt jusqu’à ce qu’éclate une terrible tempête orageuse. On ne ressort pas indemne d’une telle expérience. Pourtant, un défaut majeur persiste : si la

beauté du texte romanesque d’Alain-Fournier est parfaitement retranscrite, Bérangère Jannelle en a donné l’image d’un texte fantastique, presque effrayant, bien que l’élément principal du passage choisi soit la romance qui jaillit. Mais la mise en scène étonnante et le talent d’acteur de Vincent Berger font oublier cette déviation, et l’on s’engouffre dans ce rêve à la fois agréable et terrifiant. ALICE LAY

À la belle étoile a été joué les 12 et 13 décembre à la Friche, Marseille, dans le cadre de la programmation de la Criée


Ma mémoire trop vive... P

our sa dernière création The Valley of Astonishment, Peter Brook reprend, avec Marie-Hélène Estienne, son travail sur les dysfonctionnements du cerveau entamé avec L’Homme qui... Inspirée de la vie du mnémoniste Solomon Shereshevsky, plongeant dans une des sept vallées de la Conférence des Oiseaux, celle de la stupeur (astonishment), l’œuvre nous montre les mystères de l’hypermnésie. Comment on porte et comment on endure une mémoire incapable de s’effacer. Car ce qui est considéré comme un don extraordinaire se révèle un lourd fardeau. Pour la brillante et touchante Sammy, reconnaître et exploiter ce don se transformera en une souffrance oppressante et étouffante : elle consumera mentalement sa personne, considérée comme un objet de curiosité. Elle est interprétée avec beaucoup d’émotion par Kathryn Hunter, une comédienne emplie de sensibilité et de candeur. À sa parole s’ajoutent des histoires secondaires de personnes ayant le même «don» : l’exploration de Peter Brook va au-delà de l’anecdote, pour monter le phénomène d’acquisition mémorielle, par la synesthésie, l’association des sensations. Dans d’autres sociétés elles n’ont pas de crainte de parler de leurs vastes moyens de mémorisation, sachant qu’on ne les considèrera pas comme «folles» comme on l’aurait fait en d’ autres temps. Les metteurs en scène jouent aussi de légèreté, convoquant le public dans la fiction pour des tours de cartes lors d’une scène de cabaret. Ce qui, comme les fictions parallèles, détend l’atmosphère et fait oublier «l’étouffement» que subit Sammy. Ainsi, tout comme elle, on mélange les sons, les couleurs, les goûts ainsi que les mots, et les images de cette vallée de la stupeur restent en mémoire tant on passe du paradis à l’enfer, et inversement, en quelques instants... ALICE LAY

The valley of astonishment a été joué du 11 au 14 décembre au Théâtre du Gymnase, Marseille

© Pascal Victor-ArtComART


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Ascension vers l’autre our transmettre cinq nouvelles issues du magnifique recueil (autobiographique) d’Erri De Luca, Le contraire de Un, ils sont trois sur le plateau. Un comédien-lecteur au timbre radiophonique (Nicolas Gény), et deux musiciens aux machines (Guigou Chenevier et Cyril Darmedru) qui savent se renouveler. Accompagnés par les contrejours d’Erick Priano et le liant sonore d’Emmanuel Gilot, et par la volonté commune de rester attentifs au monde, le quintet accordé fait battre le souffle puissant des thèmes chers à l’auteur napolitain : la solitude, la rencontre, le combat politique et l’expérience militante, le dépassement de soi... Précise comme la poésie de De Luca, la mise en scène minimaliste aux accents graves, presque froide, table sur la force du récit et de ses évocations imagées, et sur l’association étonnante, et complexe, entre musiques numérique et analogique. L’électro minutieuse de l’un, pilotée derrière un écran-barricade, trouve son écho dans les soubresauts d’un 33 tours (rayé) de Morricone ou d’Arvo Pärt (et autres références sonores finement accumulées dont on aurait apprécié l’historicité moins tacite), ou dans les cavalcades presqu’enfantines d’un piano miniature. Un fil construit entre nostalgie et modernité près des «nuages et giclées de ciel» du poète alpiniste, pour écouter le souvenir de ses années de luttes ouvrières dans l’Italie des années 1960 et sa fuite de jeunesse loin des laves incendiaires («parti pour le rien de mes 20

© DE.M

P

ans exposés aux bagarres du monde») ; entrevoir ses rêves de révolutions où résonnent au loin nos propres espoirs. Et se délecter de la délicieuse intimité d’un dialogue avec «la jeune fille à la jupe bleue» ou s’émouvoir d’une rencontre éphémère sur les sommets qui aiderait à gravir le sens d’une vie désespérée. Une lecture musicale qui confirme le goût du collectif Inouï

«J’ai tout… mais je n’ai rien»

D’

DELPHINE MICHELANGELI

Le contraire de Un s’est joué au théâtre des Halles, Avignon, les 13 et 14 décembre

Marciel

l’enchanteur M

© DE.M

inspiration faustienne, ce conte sur L’Histoire du soldat qui pactise avec le diable pour connaître son avenir, a été mis en musique par Stravinsky et en mots par Ramuz en 1917 ! Belle idée de l’Orchestre Régional Avignon Provence de le réactualiser en invitant sur le plateau le slameur Dizzylez, maître de cérémonie discret et diablotin amusé, et l’acteur percussionniste corporel Mourad Bouhlali, parfait dans le rôle du soldat naïf (et habilement dégingandé), dont le corps immense et l’intelligence de la danse sont de plus en plus fascinants, pour un dialogue entre les arts original, et une façon pertinente d’attirer de nouveaux publics vers la musique classique. Dirigés par le chef Samuel Jean, les sept musiciens de l’orchestre avignonnais, dont la violoniste Cordelia Palm, excellente de présence, offrent aux deux narrateurs qui savent si bien faire claquer mots et pieds, une rythmique à la précision d’horloge qui les porte avec grâce sur de nouvelles rives artistiques. Si le texte rencontre certaines évidences, les thèmes de l’argent qui ne fait pas le bonheur et du temps perdu qui ne se rattrape pas paraissent

Productions pour la littérature (engagée) et la musique (inclassable), à travers les mots-refuges d’un écrivain qui sait combler la solitude.

un peu éculés, il est toujours intéressant de le rappeler aux jeunes publics, à qui cette rencontre était destinée. Mais auront-ils réussi à entendre le message du soldat Joseph incapable d’être heureux avec sa fortune ? DE.M.

L’Histoire du soldat a été joué à l’Auditorium du Thor le 13 décembre

arc Hollogne a fait l’amitié d’un nouveau spectacle conçu spécialement pour le nouveau lieu du théâtre Toursky, l’Espace Léo Ferré. Il s’agit d’une première à plus d’un titre, création, mais aussi, formule nouvelle : ici, le spectacle est donné tous les soirs, y compris les réveillons du 24 et du 31 décembre ! il s’agit d’un petit bijou de fantaisie, de délire verbal, d’improvisations géniales, dans une forme qui conjugue cinéma, théâtre, chant, poésie, mime, avec un égal bonheur. Le personnage de Marciel, poursuivi par le zèle d’un huissier, connaît des aventures rocambolesques et poétiques. Jubilatoire et lyrique, du grand art ! M.C.

Marciel l’enchanteur est à voir jusqu’au 31 décembre, au moins !, dans l’espace Léo Ferré, Toursky, Marseille 0 820 300 033 www.toursky.org


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Le goût de la galéjade L

la mer Noire, et qui s’amourachent de charmantes soubrettes russes qui nourrissent leurs timides émois. Bref, il est bon de rire, et la mise en scène de Serge Valetti, toute simple, dans un décor minimaliste où le whisky du juge prend une place essentielle, laisse la part belle au déroulement du quasi monologue de notre «assassin» qui se grise de mots savoureux et d’images cocasses. Logorrhée parfois, certes, mais on ne peut être que sensible à cette ivresse verbale d’une grande fraîcheur ! À noter que le livre de Gilles Ascaride est paru aux éditions Le Fioupelan.

J’ai tué Maurice Thorez © X-D.R

e roi de l’Overlittérature (traduire Nouvelle Littérature Marseillaise Mondiale) Gilles Ascaride -nom de règne Gilles Ier L’Excessif-, intronisé par le pape de cet univers décalé, Henri-Frédéric Blanc, joue pour la première fois joue dans sa ville, dans le tout jeune Théâtre d’Aix. J’ai tué Maurice Thorez n’en est qu’à la 47e représentation ! Si vous imaginiez trouver la fin des idéaux du parti communiste, la mort du concept de la dictature du prolétariat, avec un militant repenti et coupable, vous alliez au-devant de désillusions ! Pas de lutte des classes en vue, mais un hurluberlu qui se présente devant un juge (inénarrables mimiques de Gérard Andréani), et s’accuse du pire des crimes, exige un châtiment exemplaire dont le moindre serait de lui «couper la tête pour (lui) faire les pieds». De quel crime ? tout

MARYVONNE COLOMBANI

simplement le meurtre de Maurice Thorez… Pour l’expliquer, notre personnage remonte le temps, évoque les cinq compères inséparables du lycée Marius Olive, tous élèves de

russe, sous la férule impitoyable de leur professeur, russe, bien sûr. Voilà ! juste une bande d’ados qui montent sur le bateau de croisière Latvia qui rallie la Méditerranée à

J’ai tué Maurice Thorez a été joué les 22 et 23 novembre au Théâtre d’Aix

Marathon de lecture n janvier 2014, le Théâtre de Grasse lançait un appel à textes, dans le cadre de la première édition de l’évènement Ouvert la Nuit-Lectures de midi à minuit, en partenariat avec la Lyonnaise des Eaux : «un partenariat de rêve, souligne Jean Flores, directeur du théâtre, aucune pression sur l’artistique ou autre, mais un réel soutien». La Cie Dynamo Théâtre et l’association EMILE&CIE étaient aussi de la partie, sur le thème Terre-Eau-Territoire/1914-2014, un siècle d’histoire(s), les textes se devaient d’être destinés au théâtre, jouables en vingt minutes, avec au minimum trois rôles. À la clé, outre une bourse, l’édition d’un ouvrage collectif des six textes lauréats par les éditions Lansman, et bien sûr la lecture par des comédiens professionnels lors de Ouvert la nuit. Une soixantaine de participants ont répondu à l’appel, et le concours s’avère d’un très beau niveau, avec des textes d’une belle tenue. Pas de classement final ! Aussi, on reprendra l’alphabétique pour citer ces auteurs talentueux : Marwil Huguet, Sources Secours, Maxime Coton, L’inondation, Fanchon Tortech, La rage, Diane Saurat, Eaux de vies, Thierry Chaumillon, Island, Danielle Vioux, Héritages. Des dramaturges qui ont déjà tous une belle carrière d’écriture : la sélection était totalement anonyme, mais la maturité de l’écriture ne s’improvise pas… La convivialité de l’évènement autorise une familiarité rare entre public et acteurs de cette véritable fête ; les auteurs présents, mais aussi les trois comédiens qui transmettent à des spectateurs nombreux : Mathilda May, dont le public masculin s’éprend illico, Marie-Christine Barrault qui serait capable

Dominique Pinon © Maryvonne Colombani

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de rendre poétique un mode d’emploi, tant son plaisir de partage est communicatif, et Dominique Pinon, extraordinaire lecteur aussi, qui offre une lecture de 14 (écourté par d’habiles coupes) de Jean Echenoz d’une bouleversante et intelligente sensibilité. On passe du théâtre à la crypte, à un bar à vin, à une salle de conseil municipal, avec délices. D’autres lectures se mêlent à la fête, le travail époustouflant de jeunes lycéennes, l’humour des comédiens-lecteurs des ateliers mis en scène par Joëlle Cattino… L’apothéose a lieu avec Philippe Torreton, même s’il en fait un peu trop sur Mec ! d’Allain Leprest, accompagné magistralement par les percussions d’Edward Perraud. On en redemande, de cet enthousiasme, de

cette convivialité vivifiante autour de la création, et l’on ne peut que souhaiter qu’une telle manifestation autour de l’écriture, parent pauvre des subventions publiques, devienne pérenne ! MARYVONNE COLOMBANI

Ouvert la nuit a eu lieu le 29 novembre à Grasse


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Inquiétant quotidien ans un intérieur plus réaliste que nature, une famille ordinaire, femme-mari-fille, prend son petit-déjeuner en discutant, se chamaillant, avant de se préparer pour la nouvelle journée qui l’attend ; journée encore plus importante pour Emma, la mère, qui a trouvé du travail et commence le jour même. Mais ses mots, ses gestes disent autre chose. Emma n’ira pas travailler. Ni ce jour-là ni un autre jour ; car Emma va se suicider. Là commence le retour en arrière, où comme dans un film les flashbacks aident à remonter le temps, à saisir quelques moments fugaces qui donnent à voir les fêlures qui s’accumulent dans la vie de cette famille apparemment normale, dans l’immersion de l’espace immuable que représente cet intérieur des plus banals. Emma est mariée à Charles, ils ont une fille presque adolescente, en train de le devenir. Mais Emma va mal, elle comble ses journées, ses vides, grâce à l’argent -qu’elle dépense tellement qu’il lui faut faire des emprunts-, et avec un homme, le professeur de piano de sa fille devenu son amant. L’implacable

© Jean-Louis Fernandez

D

descente aux enfers d’Emma saisit, lente désillusion d’une femme qui ne sait comment vivre «normalement», mais qu’aucun de ses proches n’appréhende vraiment. Car le déni s’est durablement installé au cœur des relations familiales, rendant aveugles et sourds mari, fille, amant, huissiers... Cette pièce en prise directe avec le réel est tirée d’un fait divers (l’affaire Roman) qui lui-même repose sur une œuvre littéraire des plus connues et lues. Une fiction qui nous plonge directement dans la vie des Bauchain, un B comme Bovary... Caroline Guiela Nguyen a travaillé sa mise en scène en même temps

que Mariette Navarro écrivait le texte à partir des improvisations des comédiens, tous parfaits. Une écriture en prise directe avec le réel, celui que chacun s’approprie selon son vécu, dans une construction narrative qui ne laisse rien au hasard, et qui fait de chacun(e) de nous une Emma en puissance. DOMINIQUE MARÇON

Elle brûle a été joué les 25 et 26 novembre au Théâtre d’Arles

Ceci n’est pas mon corps L

que Sébastien Loghman affiche sa mémoire comme des verrues sur sa peau, et que Laura y Sira Cabrera Diaz éclate son corps déroulé en bandes... Un traficotage du réel fascinant, parce qu’il questionne intimement ce que cachent nos corps, notre enveloppe... Durant toute la semaine numérique des spectacles, débats, tables rondes, projections, se sont déroulés sur les trois autres scènes... Parce que les corps numériques aiment à rencontrer notre physique réalité !

Cantor dust man, de Sébastien Loghman © X-D.R

e corps numérique ? Dès son ouverture le Théâtre Liberté a revendiqué l’existence d’une «quatrième scène» s’ajoutant à ses trois plateaux. Virtuelle, circulant sur le net et son site, mais pas seulement. Le 8 décembre s’inaugurait dans ses murs des installations à visiter durant toute la semaine : cela commence sur la façade, avec Gleaming Frame d’Esmeralda da Costa qui vous fait apparaître en négatif noir et blanc. En haut du hall, des Constellations de Mariana Carranza vous capturent aussi mais pour vous éclater en traits célestes, tandis qu’un triple écran se joue de la physicalité du corps, l’observant de très près jusqu’à ce qu’il devienne paysage, animal, le métamorphosant par la vitesse centrifuge... Un peu plus bas vous plongez les doigts pour dessiner des tags de sable, La Mort en VHS entortille Alain Longuet

AGNÈS FRESCHEL

dans la bande vidéo de la mort aux trousses... Puis vous vous installez devant un grand écran morcelé, pour voyager à travers 40 ans de clip vidéo : privés de leurs sons, ils démontrent comment un corps virtuel s’est créé dans notre imaginaire. Les corps se multiplient, se

morcellent, dansent sans le savoir, deviennent des mécaniques, des mannequins, des dessins. Le clip de Michel Gondry surpeuple une rue réelle de corps détriplés, celui de Marc Mercier fait surgir la poésie chorégraphique d’un agent de la circulation qui torée les voitures, tandis

Regards sur les arts numériques jusqu’au 8 déc Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr



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Un sacré coup de Mistral ! yncrétisme de mysticisme, de tragédie, d’histoire familiale... Mireille est plus qu’un poème, c’est l’allégorie d’un monde provençal perdu fait de beauté et de violence incrusté dans un décor de carte postale. Rien d’étonnant à ce que Gounod, après Lamartine, Daudet et tant d’autres soit tombé sous le charme de cette œuvre au souffle épique sous fond de passion brûlante entre deux enfants de condition opposée. Brûlant est bien le terme idoine, car cet amour impossible fait de mille feux, Mireille en paiera le prix fort consumée sous le soleil implacable de Provence. Nathalie Manfrino, soprano talentueuse, à la diction parfaite, au timbre chaleureux s’est fondue dans ce personnage à la perfection, somptueuse dans ces grands airs d’une fausse simplicité qui demandent une conduite du souffle parfaite. Et quelle fusion avec Florian Laconi, Vincent, admirable en tous points, à la voix voluptueuse, parfaitement timbrée dans tous les registres, irréprochable aussi bien au niveau technique que musical. Autour de ce couple, Sylvie Brunet, mezzo-soprano exceptionnelle, Taven parmi les Taven, fut parfaite en écho à la figure patriarcale, Ramon, incarnée par Nicolas Cavallier aux graves redoutables semblant émerger du Val d’enfer. Difficile de passer sous silence le bouvier Ourrias, le promis de Mireille, homme plein de testostérones, pétri de vanité, magnifié par l’éminent baryton Marc Barrard. La distribution vocale dans son entièreté fut à la hauteur de l’opéra

© Cédric Delestrade

S

de Gounod dont les hardiesses de langage, passées au second plan du fait de la fraîcheur et l’ingénuité de ses mélodies, marqueront les oeuvres à venir, notamment Carmen, dans cet alliage subtil entre modalité et tonalité. Les secousses sismiques provoquées par le tonnerre d’applaudissements surgis des travées d’un

opéra plein à craquer ne furent que le parfait reflet de ce magnifique spectacle. CHRISTOPHE FLOQUET

Mireille a été représenté le 30 novembre et le 2 décembre à l’Opéra Grand Avignon

Le talent au service du public !

rganisés en collaboration avec la Cité de la Musique de Marseille, dans le cadre d’un partenariat conclu entre la Ville de Marseille, son Opéra Municipal et le Conseil Général de Bouchesdu-Rhône, les concerts d’automne programmés à la Villa Magalone à Marseille ont connu un vif succès. Il faut dire qu’ils alliaient le double avantage d’être gratuits et de faire découvrir de formidables musiciens issus de l’Orchestre Philharmonique de Marseille, dont on a pu jouir «de près», dans le vaste salon de la bastide du XVIIe siècle. Après Le chant des voix (voir Zibeline 79) deux récitals se succédaient. En octuor, Alexandre Amedro et Marian Jurkovic (violons), Xavier Franck (alto), Odile Gabrielli-Baron (violoncelle), Didier Gueirard (clarinette), Frédéric Baron (basson), Didier Huot (cor) et Michèle

Trio à cordes et hautbois © X-D.R

O

Caillol (contrebasse) ont ravi l’assistance en jouant des transcriptions et arrangements festifs de «tubes» du répertoire : Le Barbier de Séville, Carmen et Le Beau Danube Bleu. De quoi faire danser et rêver un public composite s’étalant de 7 à 77 ans (le 21 nov) !

Une semaine après, c’est en trio à cordes, Da Min Kim (violon) Magali Demesse (alto) Xavier Chatillon (violoncelle), et hautbois (Armel Descotte) que se présentaient d’autres éminents solistes de l’orchestre municipal. Pour le coup, le programme était moins «grand

public» : un vrai défi de musique de chambre qu’ont relevé avec brio les artistes emmenés par leur talentueux et tout jeune «Super violon solo» ! L’assistance ébahie s’est laissée porter au gré d’un fin travail de chambriste, à la belle cohésion des cordes d’un Adagio de Mozart, la ligne pure du chant inachevé d’un cor anglais schubertien, au ballet d’archets, d’anche et de corps qu’ont offert des musiciens beaux à voir jouer. Et deux œuvres, superbes fresques sonores de la première partie du XXe siècle, ont été plébiscitées : la Sérénade pour trio à cordes op.10 de Dohnanyi et le Quatuor op.2 avec hautbois de Britten. Un réel succès ! JACQUES FRESCHEL

Ces concerts ont eu lieu le 21 et le 28 novembre à La Cité de la Musique, Marseille


Deux jours à l’Opéra À l’Opéra de Marseille, il n’y a pas que de... l’opéra ! Et en marge des concerts de l’Orchestre Philharmonique, on découvre de séduisantes initiatives lyriques ainsi que de brillants récitals de musique de chambre. Que n’a-t-on pas été séduits par la prestation exceptionnelle d’Alexander Kniazev dans le Concerto pour violoncelle n°1 de Chostakovitch ! Une œuvre intense, exaltante, alliant une inhumaine virtuosité à la puissance haletante, au lyrisme pur, profondément mélancolique... qui a semblé couler dans les veines du Russe au sommet de son art ! Et l’orchestre, sous la battue d’Yaron Traub, a livré une 7e symphonie de Beethoven tout en unité architecturale, si noire dans son fameux et déchirant mouvement lent (le 5 déc). Quelques heures auparavant, on a assisté au Foyer de l’Opéra à une belle redécouverte. C’est qu’en vertu des prochaines représentations de L’Élixir d’Amour, on a goûté à une mise en scène, fine, sobre et inventive (comme il sied d’ordinaire à Yves Coudray) de la même histoire (sur le livret de Scribe), non pas mise en musique par Donizetti, mais par un compositeur français, un peu oublié, qui fit les beaux jours du Palais Garnier, Daniel-François-Esprit Auber. Son Philtre a été servi par une jeune distribution talentueuse dont on retient les noms : la séduisante soprano Roxane Chalard et son acolyte Virginy Fenu, le ténor Joseph Kauzman, la basse Matthieu Toulouse, le solide baryton Anas Seguin, tous mis en valeur par les costumes et pans de décors de Michel Ronvaux. Le public, de tous âges, a fort apprécié ! Le lendemain (6 déc) ce sont des musiciens de l’Opéra (Paula Sumane et Gérard Mortier aux violons, Magali Demesse à l’alto, Xavier Chatillon au violoncelle, Jean-Marc Boissière à la flûte et Olivier Lechardeur au piano) qui ont joué avec bonheur un programme pointu d’opus de Dutilleux et Régis Campo. Autour du désormais classique Quatuor «Ainsi la nuit» du premier, on a estimé le travail sur l’unisson et la jubilation rythmique, la clarté de l’écriture virtuose du second en particulier dans sa superbe création mondiale Sounding pour violoncelle et piano ! JACQUES FRESCHEL

Ces concerts ont été donnés les 5 et 6 décembre à l’Opéra de Marseille Alexandre Knyazev © Andrei Mustafayev


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Hop & Kong ! a percussion contemporaine possède des atouts fantastiques ! Sa magnificence sonore peut aller de l’exaltation d’un tutti fracassant au détail le plus infime. Le geste instrumental, sur peaux et métaux, bois et autres matériaux frappés ou frottés, fascine naturellement le commun des mortels, comme s’il y avait inscrit, en lui, depuis les origines quelque chose de l’ordre d’un rituel commun à l’humanité... Le 2 décembre, c’est au PIC (Pôle Instrumental Contemporain à l’Estaque) qu’il fallait se rendre pour apprécier des œuvres en création, interprétées par trois fabuleux percussionnistes issus de l’ECO (European Contemporary Orchestra). Le HOP!trio (Christian Bini, André Groen et Pierre Quiriny) a livré un spectaculaire ballet de mains dans le désormais classique et irrésistible Musiques de table de Thierry de Mey et fait découvrir cinq nouveaux opus : les caisses claires minimales de François Narboni, les échos jazzy de Karl Fiorini, la finesse en dentelle d’Yangzhy Ma, la jubilation pulsée de Luca Macchi et une belle fresque, tout en alchimie sonore, signée Pierre-Adrien Charpy, à l’architecture solide, réservant, telle

Hop ! Trio © Isabelle Françaix

L

une prise de pouvoir sur les autres percussions, un délirant solo de batterie ! Changement total d’atmosphère avec le film King Kong projeté à l’Alhambra et accompagné en direct par les musiciens de l’Ensemble Télémaque. Leur chef Raoul Lay a imaginé une musique originale, moderne et accessible, collant aux images, à la seconde près, de l’île vierge inexplorée où règne la bête, des scènes de rituel sacrificiel, à sa poésie, certes cruelle, d’une nature monstrueuse, relayée par les sons électros du DJ Philippe Petit. Le 8 décembre, la salle de St Henri, bourrée de jeunes, a été captivée par la beauté des plans du chef-d’œuvre de 1933, le charme de l’héroïne

prise dans les griffes amoureuses du gorille, jusqu’à son ascension catastrophique et sa fameuse chute de l’Empire State Building... Ce spectacle sera repris au moins de juin et augmenté d’un grand chœur de jeunes chanteurs issus de collèges marseillais qui auront, alors, travaillé cette nouvelle musique en création ! JACQUES FRESCHEL

Le HOP!trio a joué le 2 décembre au PIC, King Kong a été donné les 7 et 8 décembre à L’Alhambra, à Marseille

Royal P

espace propice à la hauteur de leurs exploits : Ermonela Jaho incarnait le personnage principal avec une fragilité de circonstance, mais un peu atone, heureusement compensée par une voix sublime. À ses côtés, Simon Orfila était le tyran idéal, Kate Aldrich était très convaincante en future élue, tout comme l’amant sacrifié interprété brillamment par le ténor Ismaël Jordi. L’orchestre et les chœurs, sous la baguette de Giuliano Carella étaient au diapason de ce plateau : princier.

Ermonela Jaho © Fadil Berisha

our sa deuxième production automnale, l’Opéra de Toulon a offert au public varois un des monuments du répertoire de Bel Canto Italien : Anna Bolena. Premier véritable succès international de Donizetti, cet opéra seria en deux actes élaboré sur un livret de F. Romani, s’inspire du destin tourmenté de la deuxième épouse d’Henri VIII. Dans cette représentation, le parti pris atemporel des décors servait d’écrin à un ensemble de voix exceptionnelles, à la faveur de ce redoutable déluge de notes écrit par l’éminent transalpin. Même si par simplisme on pourrait considérer l’œuvre comme un pamphlet machiste ne désignant les femmes que comme vénales et intrigantes, un examen plus approfondi du livret évoquant ces conquêtes

ÉMILIEN MOREAU

matrimoniales du Roi d’Angleterre dévoile en réalité des personnages féminins plus complexes, en proie au doute, se questionnant sur la fidélité et sur les affres du pouvoir.

C’est sous cet aspect que le spectateur était invité à apprécier la scénographie poétique imaginée par Marie-Louise Bischofberger où les chanteurs bénéficiaient d’un

Anna Bolena a été donné les 14, 16 et 18 novembre à l’Opéra de Toulon


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Canti di Natale haque année, le Conseil Général invite des groupes talentueux pour la tournée des Chants de Noël. Partage accessible à tous, par la gratuité des entrées. Les lieux sont d’ailleurs combles ! Plutôt qu’aligner une vaine compil des tubes de Noël corses, A FILETTA, qui depuis plus de 30 ans a hissé la musique corse vers les sommets, fonde ici sa démarche sur les valeurs de Noël dans la société insulaire : enfants, partage, entraide, amour, solidarité, fête familiale, paix. La tradition veut qu’autour du feu de Noël, chacun apporte sa bûche ; c’est ainsi que les chanteurs ont proposé quelques chants de la tradition mais surtout leurs créations «dans l’esprit de Noël». Le premier chant, une Nana (berceuse) aux pianissimi éloquents, permet d’apprécier la voix de siconda aérienne de Stefanu Serra et la fluidité subtile de la terza de Paul Giansily. Unu a so, composition de 2008, illustre la belle inventivité d’une écriture d’une rare modernité. La diversité des œuvres abordées met en évidence les belles qualités de l’ensemble. Après un Gloria très rythmé, véritable gospel, où les basses Jean Sicurani, Maxime Vuillamier et

© Natacha Manarin

C

François Aragni métamorphosés en contrebasses et percus, s’allient aux trompettes tonitruantes des terze, un Anniversariu di Minetta, redynamisé par de nouveaux arrangements, In ogni Addiu, composition toute récente de Jean-Claude Acquaviva, leader charismatique du groupe, marque la véritable apothéose du spectacle. Un Adeste fideles en bis viendra récompenser l’enthousiasme du public.

Les Chants de Noël se poursuivent jusqu’au 23 décembre dans tout le département des Bouches-du-Rhône www.culture-13.fr

JEAN MATHIEU COLOMBANI

Inclassendiable L

Le lendemain on retrouvait Martial Paoli au piano mais accompagné cette fois des artistes du groupe Flamenclasico. Leur mélange entre l’univers de la musique classique et celui du flamenco est détonnant ! Entre les solos de violon de Jean Christophe Gairard, les envolées lyriques de Tchoune Tchanelas et les pas de flamenco de Florencia Deleria, impossible ne pas être impressionné. Les accords de guitare de Pepe Fernandez font écho aux notes de Martial Paoli et poussent la foule à battre le rythme du pied et des mains.

Flamenclasico © X-D.R

e weekend des 29 et 30 novembre marquait l’ouverture de la 8e édition du festival marseillais Les Inovendables initié par Léda Atomica. Ce lieu ressemble à une remise dans laquelle on placerait des bibelots inutiles dont on n’ose se séparer. La première salle, large et haute est couverte d’objets sous des draps en laine. Au milieu du couloir joignant les deux salles, le bar. Tous les murs sont tendus d’affiches de concerts et de festivals. La salle de spectacle, au fond, est garnie de chaises en bois, et la scène illuminée. Le coup d’envoi du 8e festival a été donné par les Sœurs d’André, un collectif de quatre personnes avec Claire Leyat, Sophie Gauthier et Emmanuel Chambert au chant et

LUCAS GIRAUD

Martial Paoli au piano. Des personnages cartoonesques, qui rappellent quelque peu les Puppetmastaz, ce groupe américain qui fait chanter et

danser des peluches sur scène : fan des Andrew Sister, ils interprètent aussi bien Ray Charles, Grease, Cups, Gospel, Queen…

Le festival Les Inovendables a eu lieu jusqu’au 13 décembre


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L’Orchestre de l’Opéra de Marseille a été fondé en 1965. Dirigée par Lawrence Foster, la phalange phocéenne est aujourd’hui l’une des meilleures formations symphoniques hexagonales

L’Orchestre Philharmonique a 50 ans Orchestre Philharmonique de Marseille © Ville de Marseille

Un peu d’histoire... Suite à la dissolution de l’Orchestre Régional de l’ORTF, la Ville de Marseille décide de créer, en 1965, l’Orchestre de l’Opéra de Marseille. C’est le chef d’orchestre Janos Furst qui, en 1981, souhaite créer l’Orchestre Philharmonique de Marseille. Grâce au soutien exclusif de la municipalité, l’effectif est porté à 88 musiciens. En 2012/2013, en accord avec la municipalité, Maurice Xiberras nomme un grand chef, internationalement reconnu, Lawrence Foster, au poste de Directeur musical : un nouvel élan est donné à la phalange instrumentale. Résultat : durant l’été 2014, l’Orchestre Philharmonique de Marseille et Lawrence Foster sont acclamés par le public et la presse lors de leur tournée en Allemagne, en Chine et aux Chorégies d’Orange...

50e anniversaire

Pour célébrer ses 50 ans d’existence, l’Orchestre Philharmonique de Marseille donne rendez-vous à son public pour un concert festif à l’Opéra, qui sera, pour l’occasion, retransmis par France Musique. En plus de Lawrence Foster, deux grands chefs, appréciés ces derniers temps à Marseille, tiendront la baguette de direction : Michael Schønwandt et Pinchas Steinberg (avec, dit-on aussi, comme invité d’honneur, une «légende» née à Marseille en 1927 : Serge Baudo !). Au programme : Berlioz (Ouverture du Carnaval romain), Claude Debussy (La Mer), Bizet en Farandole (L’Arlésienne), la

Rhapsodie roumaine n°1 d’Enesco, chère aux origines du maestro Foster et une œuvre rare et magnifique, signée par un compositeur lié à la cité phocéenne : Henri Tomasi. Son Concerto pour alto sera joué par une belle et talentueuse artiste : Magali Demesse. JACQUES FRESCHEL

50e anniversaire Le 10 janv à 20h. Opéra

Venez pour 5 euros ! Tel est le slogan du Concert du Nouvel An «offert» aux Marseillais. L’Orchestre Philharmonique de Marseille (dir. Roberto Rizzi Brignoli) jouera des viennoiseries sucrées aux trois temps des Valses de Strauss ou des extraits de Carmen pour le plaisir de tous. Le 3 janv à 16h. Opéra

Andrei Korobeinikov

C’est un immense et jeune pianiste russe qui viendra jouer, en compagnie de l’orchestre, le 2e concerto de Rachmaninov. Pinchas Steinberg n’aura pas encore fait ses valises et dirigera également Borodine (Danses Polovtsiennes) et Bartok (Concerto pour orchestre). Le 15 janv à 20h. Opéra

L’Élixir d’amour

C’est dans la fosse que l’Orchestre de l’Opéra accompagnera le chef-d’œuvre de Donizetti, L’Elisir d’amore pour les fêtes de fin d’année (dir. Roberto Rizzi Brignoli). Un magnifique spectacle, production du Capitole de Toulouse, mis en scène par Arnaud Bernard, avec sur le plateau, en tête d’affiche, Inva Mula qui incarnera la belle et riche fermière Adina ! Elle sera secondée par Jennifer Michel en jeune paysanne (Giannetta), le ténor Paolo Fanale dans le rôle de l’amoureux naïf Nemorino, le baryton Armando Noguera pour le fier soldat Belcore et Paolo Bordogna incarnera le fourbe Dulcamara, charlatan, vendeur d’élixir, qui fera son effet... de manière inattendue ! Les 23, 27, 31 déc, 2, 4 janv. Opéra

Duo Ainos

Lui est violoniste, «Super violon solo» à 23 ans de l’Orchestre Philharmonique de Marseille, elle est pianiste, sa «grande» sœur. Malgré leur jeune âge, Da-Min Kim et Da-Hee Kim sont déjà lauréats de nombreux concours. Leur Duo Ainos a obtenu le 2e prix en 2014 au Concours International de Musique de chambre de Lyon. On les entendra dans la Sonate pour violon et piano de Richard Strauss (gravée pour un très beau disque qui vient de paraître chez Lyrinx/LYR289) ainsi que dans la magnifique Sonate en la majeur de César Franck. Le 17 janv à 17h. Foyer de l’Opéra Opéra de Marseille 04 91 55 11 10 opera.marseille.fr


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Musiques au GTP !

20 ans de la Maîtrise des B.D.R.

MARSEILLE. Le 29 déc à 20h15. Abbaye de St-Victor Entrée libre (dans la limite des places disponibles) www.maîtrise13.com

Noëls du CG13 !

Une demi-douzaine de programmes, pour tous les goûts, tournent encore à Marseille et alentour. Ce sont les belles voix a cappella d’A Filetta et ses polyphonies corses (Noël de l’Île de Beauté, voir p. 35), un répertoire de chants polyphoniques bulgares et d’airs des Tziganes de Hongrie et Roumanie par l’ensemble Nova Zora (Noël du Danube), une création de Simon Bolzinger autour de prières hispaniques, tambours d’Afrique, maracas et autres instruments amérindiens (Noël du Venezuela), les voix d’enfants de la Chorale Anguélos avec la soprano Lucille Pessey ou le ténor Julien Dran (Noëls et Airs classiques), la Maîtrise des Bouchesdu-Rhône avec un programme consacré à Bach (Noël baroque) et des spirituals traditionnels ou modernes afro-américains avec Gospel for you family (Noël Gospel). jusqu’au 23 déc. Entrée libre Programmes complets et lieux à télécharger sur www.cg13.fr

Akadémie für Alte Musik Berlin © 2011 Kristof Fischer

Inva Mula © Berisha

Aujourd’hui sous la direction artistique de Samuel Coquard, la Maîtrise des Bouches-du-Rhône propose aux jeunes de recevoir un enseignement vocal et musical de haut niveau. Le projet éducatif débouche sur la participation à des spectacles prestigieux comme à l’Opéra de Marseille ou aux Chorégies d’Orange. Si l’on peut encore entendre ces jeunes voix dans leur tournée de Chants de Noël du CG13 (voir ci-contre) le 19 déc à Marseille (Église Ste Marguerite à 20h30) et le 22 déc à Miramas (Église St Louis à 20h30), on ne manquera pas le concert de prestige que la Maîtrise donne pour célébrer le 20e anniversaire de sa création. La diva Inva Mula est de la partie en compagnie de l’étonnant soprano Théo Imart, du chœur de chambre Asmarâ et de l’Orchestre Régional de Cannes Alpes-ProvenceCôte d’Azur pour des grandes pages de musique sacrée.

Au Grand Théâtre de Provence la musique cessera de sonner après les Chants de Noël d’Arsys Bourgogne dirigés par Pierre Cao (23 déc). Dix-huit jours de trêve... et ça repart avec l’Orchestre Philharmonique du Pays d’Aix dirigé pas Jacques Chalmeau dans la Pathétique de Tchaïkovski et l’époustouflant Concerto pour violoncelle n°1 de Chostakovitch avec Yan Levionnois (10 janv), le duo des Sœurs Labèque dans un programme américain, Gershwin, Glass et Bernstein, pour deux pianos toujours généreux (13 janv), avant la venue du magnifique orchestre baroque Akadémie für Alte Musik Berlin en compagnie de l’incroyable contre-ténor Bejun Mehta dans Mozart, Gluck et Johann Christian Bach (15 janv). AIX. GTP 08 2013 2013 www.lestheatres.net

Bach en famille

L’Orchestre Régional Avignon-Provence (dir. Régis Pasquier – violon), après son passage au Méjan arlésien, fait étape à Marseille. La phalange vauclusienne vient de subir à nouveau, comme d’autres structures culturelles, des coupes conséquentes dans son budget de la part des collectivités qui (normalement !) la soutiennent. On risque des annulations pures et simples : le bel orchestre dirigé par Samuel Jean, si actif dans notre région, pourrait revoir à la baisse ses affiches de concert. Ce n’est heureusement pas le cas pour leur programme d’opus des quatre fils Carl Philipp, Johann Christian, Wilhelm Friedemann, Johann Christian et du paternel Johann Sebastian, qui devrait faire le plein à la rue Grignan. MARSEILLE. Le 21 déc à 17h. Salle Musicatreize 04 91 00 91 31 www.musicatreize.org

Une double Belle Hélène !

Du Var au Vaucluse on invite La Belle Hélène d’Offenbach pour les fêtes de fin d’année ! À Toulon, on accueille la mise en scène de Bernard Pisani, coproduite à Metz et Saint-Étienne en 2007/2008 et qui tourne depuis un peu partout. C’est Karine Deshayes qui chante le rôle titre sous la direction musicale de Nicolas Kruger. En Avignon, on reprend l’historique mise en scène de Jérôme Savary pour un spectaclehommage. Dominique Trottein dirige le plateau de Troyens, Julie Robard-Gendre (Hélène) et Stanislas de Barbeyrac (Pâris). TOULON. Les 27, 28, 30 et 31 déc. Opéra 04 94 92 70 78 www.operadetoulon.fr AVIGNON. Les 27, 28 et 31 déc. Opéra 04 90 14 26 40 operagrandavignon.fr


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Moriarty

Sur la route des Gitans Émilie Simon De l’Andalousie au Rajasthan, du sud de la France à la Hongrie… le spectacle de Dùnya raconte la vie de ce peuple nomade et revient sur l’importance des racines. Un voyage initiatique au cœur de l’univers tzigane emmené par la danseuse à la voix d’or Maria Robin, sur les traces de Sarah la Kali dans les bidonvilles de Budapest, ou du jeune Kalo au cœur d’Istanbul. À 10h et 14h30. le 16 janv Maison du peuple, Gardanne 04 42 65 77 00 www.ville-gardanne.fr

©Pascaline-Lechäne

Emmené par la divine Rosemary Standley dont le timbre envoûtant rencontre peu d’égal dans le paysage musical actuel, le groupe Moriarty s’installe à La Criée pour délivrer ses ballades hypnotiques, peuplées de folk, rock et blues. Laissezvous surprendre par les histoires du grand Ouest narrées par la voix chaude et profonde d’une diva, entourée d’une musique libre et généreuse baignée «des réminiscences de Kerouac», fidèle aux origines du nom de baptême du groupe.

Ferré, Ferrat, Farré

Destination poélitique avec Jean-Paul Farré pour un tour de chant autour des œuvres de Ferré, Ferrat et des siennes. De son phrasé impeccable, le clown-poète revisite les mots du chanteur anarchiste et de l’engagé politique, agrémenté de ses propres fantaisies. Drôle, émouvant, inventif, il chante les femmes, l’humour, l’histoire, le théâtre et Paris et lance quelques messages qui réchauffent notre humanité. le 20 janv Le Toursky, Marseille 0 820 300 033 www.toursky.org

Avec Opérette marseillaise, nouvel opus des Moussu T, c’est toute la tradition chansonnière marseillaise qui continue de s’inventer. Une filiation consentie et revisitée avec gourmandise et espièglerie, en occitan et français, des opérettes et chansons provençales des années 30. Au son des percussions, guitare, banjo, et voix harmonisées, se côtoient traditionnel et moderne, local et universel : une recette qui leur appartient, entre liberté et fraternité. le 9 janv Auditorium Jean Moulin, Le Thor 04 90 33 96 80 www.artsvivants84.fr

© Christine Cornillet

le 12 janv La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

Moussu T e Lei Jovents

Après cinq ans passés aux États-Unis, Émile Simon revient avec sa sublime et émouvante voix pour délivrer sa Mue, titre de son cinquième album qui célèbre l’amour. Une artiste pointue (conservatoire, études de musicologie à la Sorbonne, création contemporaine à l’IRCAM, trois Victoires de la musique…), qui cultive la spontanéité et délivrera en pianovoix ses nouveaux titres romantiques ou plus électro-pop organiques. le 19 déc Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr

Le chant du filament

Une exposition/concert d’ampoules des plus surprenantes est visible pendant les vacances de 14h à 18h (sauf le 25) à l’Usine Badin de la Scène nationale de Gap. Conçue par le plasticien et concepteur lumière Nicolas Villenave qui signe une partition sonore délicate, cette installation est une symphonie sensorielle de 12 minutes qui se vit comme un parcours méditatif. Le public vit une expérience poétique singulière en s’installant sous un plafond de 81 lampes à incandescence, immergé dans un dispositif où les ondes sonores et les flux lumineux le réchauffent et le traversent. Gratuit, sans réservation, à voir en famille : c’est Noël ! du 20 au 30 déc La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.eu

World Kora Trio

Dialogue espiègle et pétillant placé sous le signe de l’improvisation et de l’exploration entre le violoncelliste électrique Eric Longsworth, le joueur de kora Chérif Soumano et le batteur percussionniste David Mirandon. Un trio explosif à l’alchimie mystérieuse qui offrira une démonstration experte de world/jazz, entre tradition et modernité. le 16 janv Théâtre du Briançonnais, Briançon 04 92 25 52 42 www.theatre-du-brianconnais.eu



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Les Particules…

Birdy © Simon Gosselin

Michel Houellebecq raconte le parcours de deux demi-frères. Tandis que Michel, chercheur, ne vit que pour la génétique sans sembler aimer personne, Bruno, professeur de lettres, noie son mal-être dans le plaisir sexuel. À travers leurs trajectoires parallèles se dessine une société vide et monotone. Ce roman peut-il être adapté au théâtre ? Julien Gosselin l’a prouvé au Festival d’Avignon 2013. Le spectacle est repris et le metteur en scène a retrouvé le même humour, ainsi que le ton amer et la poésie cruelle de l’écrivain.

Peau d’ours sur ciel d’avril (Inuit) du 15 au 17 janv Le Crayon de Dieu n’a pas de gomme (Soussou) du 22 au 24 janv La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

le 21 fév Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr

Les amours vulnérables…

© Laure Mélone

Dans sa loge, une comédienne cherche un peu de calme. En vain : sa tyrannique habilleuse ne la laisse pas en paix, gérant sans arrêt son espace personnel et sa vie privée. Tout change lorsqu’un certain Victor apparaît et décide d’aider l’une et de mépriser l’autre. Qu’est Matilda entre les personnages et les trous noirs de sa mémoire ? Astrid Veillon, Edmonde Franchi et François Cottrelle sont réunis pour la première fois dans une mise en scène de Richard Martin, qui place les personnages de Michel Dossetto comme des âmes mises à nues sur un terrain à la fois comique et dramatique. les 9 et 10 janv Le Toursky, Marseille 0 820 300 033 www.toursky.org

Razerka Ben Sadia-Lavant propose une nouvelle adaptation d’Othello et réunit des comédiens et musiciens excentriques sur un plateau rock aux accents orientaux. L’amour sincère d’Othello et Desdémone cède toujours place au doute et à la jalousie destructrice tandis que le maléfique Iago complote dans l’ombre. Disiz est un rappeur intello et Othello à la fois. Denis Lavant est Iago, cruel génie manipulateur. On voyage du classique à l’électrique, en entendant la voix de Sapho et l’oud de Mehdi Haddab, dans une tragédie shakespearienne modernisée.

Les amours vulnérables de Desdémone et Othello du 15 au 17 janv Le Gymnase, Marseille 08 2013 2013 www.lestheatres.net les 13 et 14 fév Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com © Alain Scherer

La Criée reprend deux des conférences imagées de l’ethnologue Philippe Geslin, que met en scène Macha Makeïeff. Dans la première, Peau d’ours…, il s’attache à rendre compte de la vie des derniers chasseurs inuit, au cœur du Groenland, qui vivent au rythme des saisons, de la mer, des tempêtes et du froid. La seconde, Le Crayon de Dieu…, porte sur les Soussou, une communauté de riziculteurs établie dans les mangroves de Guinée, à deux pas de la Sierra Leone.

le 14 janv Le Toursky, Marseille 0 820 300 033 www.toursky.org

Matilda

le 13 janv Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com

Les Âmes offensées

Yeraz, «songe» en arménien, est proposé dans le cadre de la commémoration du 100e anniversaire du génocide des Arméniens. La diaspora est toujours traumatisée par ce drame perpétré par le gouvernement turc, système sanguinaire qui a pris les vies d’un million de personnes. Brigitte Fossey, Catherine Salviat, Michael Lonsdale, Richard Martin nous montreront l’univers des poètes arméniens faisant l’éloge de la liberté, de la justice et de l’espérance face à l’exil. La pianiste Anait Sérékian et le violoncelliste Michel Baldo offriront une note musicale supplémentaire à cette poésie optimiste. Mais dans un pays où la douleur est encore niée existet-il un autre espoir qu’un «songe» ?

du 16 au 22 janv La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

Les Particules élémentaires du 8 au 10 janv La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

les 16 et 17 janv CNCDC Châteauvallon, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com

Yeraz

Deux personnages : Al et Birdy, amis d’enfance de retour du front. Le premier a perdu son visage, le second, pense-t-on, son esprit. Al va alors se rendre à la cellule de Birdy et tenter de le pousser à confier ses blessures morales afin de le sauver de l’internement. On assiste alors à l’histoire d’un homme fasciné par les oiseaux au point de vouloir en devenir un. Histoire immortalisée au cinéma par Alan Parker et portée pour la première fois sur la scène. Le roman de Wharton appelle le théâtre. C’est l’avis d’Emmanuel Meirieu, qui s’amuse avec les sentiments humains et accorde une confiance absolue dans les mots.


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Découpages

Phèdre

Un papier et des ciseaux pour créer. Plus que de simples découpages, c’est du dessin aux ciseaux que réalise l’artiste devant les spectateurs. Les petites silhouettes deviennent des personnages, les objets se transforment en décors et un univers prend vie sous nos yeux. En s’inspirant des œuvres en papiers découpés de Matisse, la compagnie Piccoli Principi crée un spectacle poétique accessible dès 2 ans. Alessandro Libertini en signe l’écriture et l’interprétation, assisté de Véronique Nah à la mise en scène.

© barbe bleue

Sept auteurs en quête d’un personnage. La compagnie Anima Théâtre a réuni sept écrivains contemporains pour revisiter les contes traditionnels. Et pour en faire surgir la figure féminine, parfois secondaire, souvent stéréotypée. La femme de l’ogre est ici au centre du jeu, c’est elle qui raconte les histoires. Blanche-Neige ou Cendrillon prennent une nouvelle dimension. Mêlant théâtre d’objets, marionnettes, danse et chant, Alexandra Mélis signe l’interprétation, mise en scène par Claire Latarget.

du 12 au 17 janv Théâtre Massalia, Marseille 04 95 04 95 75 www.theatremassalia.com

Hallo

Faire cailloux

Un spectacle à toucher. Ou presque. Avec Faire cailloux, la compagnie Itinerrances propose un voyage pour les cinq sens et met en valeur celui que l’on utilise rarement au spectacle : le toucher. Sur la scène, une danseuse, Alice Galodé, entourée de galets comme autant de supports à son imaginaire. La chorégraphie de Christine Fricker et la scénographie de Sébastien Zanello mêlent les univers, tactiles, sonores, visuels. Au milieu, se glissent les mots du conte Le Livre Noir des Couleurs pour une création «sensationnelle». les 6 et 7 janv Le Lenche, Marseille 05 91 91 52 22 www.theatredelenche.info

Cette deuxième partie d’un triptyque dont chacun des volets (Ismène, Phèdre et Ajax) est écrit par le poète Yannis Ritsos, est l’histoire d’un amour passionnel et sans issue, qui donne à voir et à entendre la dernière heure de la vie de ce personnage mythique. Elle est seule, «face au public […] dont l’immobilité et le silence seront le moteur de son impatience, de son exaltation et de sa dépression». Marianne Pousseur et Enrico Bagnoli construisent un théâtre musical qui actualise et rend palpable cet univers fait de solitude et de rage… du 9 au 13 janv Les Bernardines, Marseille 04 91 24 30 40 www.theatre-bernardines.org

Chantier / Show room

© Augustin Rebetez

du 12 au 14 janv Théâtre Joliette-Minoterie, Marseille 04 91 90 74 28 www.theatrejoliette.fr

© Marco Sallese

© Dario Lasagni

Mijaurées

Martin Zimmermann, que l’on a l’habitude de voir sur scène avec son comparse Dimitri de Perrot, crée pour la première fois de sa carrière une pièce en solo. Artiste du mouvement, clown pince-sans-rire, bidouilleur de génie, il se met en scène dans un espace aux allures de vitrine de grand magasin dans lequel il va flirter avec la magie, se confondre avec son propre reflet, se plier pour imiter le décor… jusqu’à faire émerger de son corps un autre langage. du 22 au 25 janv Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 www.merlan.org

Les Bernardines proposent une sortie de chantier, voire un «champ d’investigation» ouvert, avec Suzanne Joubert pour le texte, et Marie Vayssière et Arnaud Saury pour le jeu. «ELLE et LUI, un couple probablement, un duo sans doute, deux personnes en tout cas, incrustées depuis des lustres en un même lieu, à première vue un appartement donnant sur le périph. Une sorte de morceau d’humanité comme pris sous la focale d’un documentariste sans scrupules. Mais qui sont-ils au juste ces deux-là ? Deux êtres rêvés par quelqu’un ou se rêvant eux-mêmes ou des vivants tout simplement ? Et qui sait où est la vraie vie dans cette affaire…» les 18 et 19 déc Les Bernardines, Marseille 04 91 24 30 40 www.theatre-bernardines.org


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Poucet…

Un seul été

© X-D.R

Soirée festive…

Soirée festive avec les compagnies en longue résidence le 19 déc Théâtre Joliette-Minoterie, Marseille 04 91 90 74 28 www.theatrejoliette.fr

All Bovarys

C’est sur une question fondamentale pour elle que Clara Le Picard fonde son spectacle : «Flaubert a dit : Bovary, c’est moi. Or moi, c’est Clara Le Picard. Alors est-ce que Madame Bovary, c’est Clara Le Picard ?» Travaillant depuis 2008 sur les conséquences humaines, économiques et écologiques de la consommation, elle s’attache-là aux moteurs qui nous contraignent, faisant d’Emma Bovary l’emblème de la dépression contemporaine. La transmission et le libre-arbitre sont les maîtres-mots de cette création, où des figurines Playmobil occupent une place importante ! du 21 au 24 janv Théâtre Joliette-Minoterie, Marseille 04 91 90 74 28 www.theatrejoliette.fr le 28 janv Théâtre Vitez, Aix-en-Provence 04 13 55 35 76 theatre-vitez.com

Le Petit Poucet et ses frères se sont perdus dans la forêt. Enfin, ils aperçoivent une maison, ils s’en approchent... Tout le monde connaît la suite. Mais si tout ne se passait pas comme prévu ? Si, avant d’entrer dans cette maison, Poucet rencontrait l’une des filles de l’ogre ? Dévoreuse de livres, elle aussi connaît l’histoire et le sort qui l’attend ne la réjouit guère. Tous les deux pourraient-ils changer la fin du conte ? Gilles Granouillet et le Travelling Théâtre imaginent cette autre histoire.

le 21 janv Théâtre Vitez, Aix-en-Provence 04 13 55 35 76 www.theatre-vitez.com

Poucet pour les grands les 16 et 17 janv Théâtre Joliette-Minoterie, Marseille (dans le cadre du Festival Minots, marmailles & cie) 04 91 90 74 28 www.theatrejoliette.fr

Festival théâtre…

Douzième festival de théâtre amateur au Vitez ! Treize pièces, autant de troupes vont ainsi se frotter au public par le biais de pièces issues le plus souvent du répertoire contemporain. On aura le loisir d’applaudir des textes de Noëlle Renaude, Hanokh Levin, Molière, Laurent Leca, Serge Valetti, J. Dell, G. Sibleyras, Jean Michel Ribes, Joël Pommerat, Martin Crimp, Goldoni, ou même des écritures collectives. Le théâtre amateur est foisonnant, plutôt bon signe ! Festival théâtre amateur du Pays d’Aix du 9 au 14 janv Théâtre Vitez, Aix-en-Provence 04 13 55 35 76 www.theatre-vitez.com

Tartuffe… © Mathilde Delahaye

Qu’ont en commun les Cies Cartoun Sardines Théâtre, Lanicolacheur et Tandaim ? Elles accompagnent toutes trois le projet du Théâtre Joliette-Minoterie, piloté par la Cie Théâtre Provisoire, à long terme, depuis octobre 2012 précisément. Pour clôturer le dernier volet de leur résidence, qui prend fin en décembre après avoir instauré une série d’actions en direction des publics sur le territoire de la Joliette, le Théâtre vous convie à un rendez-vous artistique, et festif !

© Vincent Jolfre

© TJM

Au départ, il y a le texte de Marguerite Duras, L’Été 80. Comme pour toutes les œuvres de cette auteure, il y a une voix, mais ici la particularité d’une confrontation à un genre, celui de la chronique quotidienne des «papiers d’un jour» que sont les journaux (articles écrits pour Libération à la demande de Serge July). On retrouve les grèves en Pologne et des couples improbables, en écho au sien. Ces chroniques, «égarement dans le réel», sont mises en scène par Jérémie Scheidler avec la Cie La controverse sous le titre Un seul été.

Tout le monde a déjà au moins lu la pièce de Molière et même songé à appliquer le terme Tartuffe à des tas de gens. Mais sans doute, vous n’avez jamais imaginé voir jouer cette pièce foisonnante par un seul acteur. C’est à cet exercice digne des meilleures prouesses que s’attache Guillaume Bailliart. On se laisse porter par la force des mots qui résonnent tant avec l’actualité et l’incroyable et solitaire mise en scène. Ce spectacle est proposé par les ATP d’Aix. Tartuffe d’après Tartuffe du 14 au 16 janv ATP, Aix-en-Provence (en partenariat avec le Théâtre des Ateliers, Aix) 04 42 26 83 98 www.atpaix.net


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Mission Molière

Il est de bon ton aujourd’hui de dénigrer les classiques, trop ressassés à l’école, et si on dit scolaire, on lève les yeux au ciel et on s’accorde pour trouver ennuyeux ce que la formation des jeunes années a pu apporter… Il faut bien grandir et donc brûler ce qui précède… Mais voilà, Molière et sa troupe s’invitent au XXIe siècle, à la rescousse du spectacle vivant. La compagnie Les Art’souilles nous fait la démonstration que les classiques ne génèrent absolument pas l’ennui !

du 16 au 22 janv Jeu de Paume, Aix-en-Provence 08 2013 2013 www.lestheatres.net

Prêt-à-partir © Jean-Jacques Chatard

les 16 et 17 janv Le Théâtre d’Aix 04 42 33 04 18 www.letheatredaix.fr

Djamil…

Que peut bien espérer le plus beau crocodile du Nil s’il a perdu ses dents ? Devenu si différent, privé de ce qui faisait toute sa personnalité, comment Djamil pourrait-il supporter la vie ? Ses étonnantes rencontres, un singe qui a le vertige, ou un lion végétarien, le conduiront à une autre réflexion. Ce conte initiatique, tiré d’un livredisque de Florence et Patrick Lanéelle, est adapté pour la scène par ses auteurs.

les 10 et 11 janv Le Théâtre d’Aix 04 42 33 04 18 www.letheatredaix.fr

Djamil le crocodile qui perdit ses dents le 18 janv Le Théâtre d’Aix 04 42 33 04 18 www.letheatredaix.fr © Florence Lanéelle et Olivier Vauqueli

On a déjà eu le loisir d’applaudir le Teatro Picaro avec Fabula Buffa, la troupe revient avec une pièce déjantée de Fabio Gorgolini et Fabio Marra, où l’on assiste aux répétitions savoureuses d’une pièce qui devrait être jouée à la Cour. Le roi de comédie, obèse, cherche à conquérir ce que le pouvoir ne donne pas… La commedia dell’arte prend une dimension moliéresque. Poésie, rire, pour un spectacle enlevé, grâce à la fougue des quatre comédiens.

Anywhere

La Cie du Théâtre de l’Entrouvert, en résidence de recherche au 3bisf, présente une étape de son travail en cours de création. Elise Vigneron a conçu, et interprète, ce solo pour marionnette de glace et matières animées qui suit les pas d’Œdipe, sur le texte d’Henry Bauchau, un «poème visuel qui convie le spectateur à vivre au travers des différents états de l’élément Eau, la métamorphose intérieure d’un personnage mythique». Œdipe, la marionnette de glace, se transformera en effet peu à peu en eau pour disparaître à l’état de brume… le 13 janv 3bisf, Aix-en-Provence 04 42 16 17 75 www.3bisf.com

Welcome

© Léo Ballani

«Pourquoi n’avons-nous pas d’argent, nous qui l’aimons tant !» se plaignent Géraldine et Thierry. La pièce de boulevard de Barillet et Gredy mêle en trois actes l’amour et l’argent, à travers deux couples, l’un jeune (nos insatisfaits du début) et deux septuagénaires Raoul et Cora, qui ont de l’argent mais manque d’amour. On n’est jamais content ! Dans un mouvement effréné, les personnages s’abusent, les portes claquent, et n’est pas forcément pris qui croyait prendre… Une pièce vive et réjouissante avec la participation artistique du Jeune Théâtre National.

© Les Art’souilles

L’or et la paille

On n’a plus à faire la démonstration de la qualité de la Cie Grenade et du remarquable travail accompli par Josette Baïz. Avec Welcome, il s’agit d’un puzzle dans lequel la chorégraphe façonne à partir d’œuvres de six autres créatrices, Blanca Li, Sun-A Lee, Katharina Christl, Eun-Me Ahn, Dominique Hervieu, Germaine Acogny, un véritable hymne à la danse et au bonheur qu’elle procure. Entre hommage et création, ou plutôt recréation, voire récréation, les onze danseurs professionnels de la Cie en sont les talentueux interprètes. du 16 au 18 déc Pavillon Noir, Aix-en-Provence 04 42 93 48 14 www.preljocaj.org le 24 janv Salle Guy Obino, Vitrolles 04 42 02 40 50 le 18 fév Théâtre de Fos (dans le cadre du Festival les Élancées) 04 42 11 01 99 www.scenesetcines.fr le 20 fév Auditorium Jean Moulin, Le Thor (pendant les HiverÔmômes du Festival Les Hivernales) 04 90 88 70 76 www.artsvivants84.fr


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My Way

Mensonges d’états

© X-D.R

Siki

les 15 et 16 janv Pavillon Noir, Aix-en-Provence 04 42 93 48 14 www.preljocaj.org

© Agnès Mellon

© Michiel Cotterink

Louis Fall, alias Battling Siki, fut le premier africain (Sénégalais) champion du monde de boxe, vainqueur en 1922 de Georges Carpentier à Paris. Une légende, qui trouve sa fin le 15 déc 1925 à New York, abattu de deux balles dans le dos, à 28 ans… Le chorégraphe et danseur Alioune Diagne s’empare de l’histoire, tisse des points communs, même lieu de naissance, mêmes départs, tous deux ont même épousé une néerlandaise… Les gestes de la boxe dessinent en six rounds les tentatives d’équilibre entre la force et la résistance, entre le lieu de naissance et celui où l’on vit.

Si, si, c’est bien ce que vous pensez ! Il s’agit bien du Comme d’habitude de Claude François ! Kelemenis joue avec la chanson populaire, construit trois personnages, dans un petit théâtre itinérant, deux femmes, un homme… Vaudeville, comédie sentimentale, relation délicate entre le personnage et la personne, dans une discrète mise en abîme… Tous les registres, de la joie à la nostalgie, se fondent dans cette chorégraphie rythmée par le musicien Jean-Jacques Palix. le 10 janv Salle Sévigné, Lambesc 04 96 11 11 20 (Klap, Marseille) www.kelemenis.fr

Poucet… Une autre danse

C’est une bien belle habitude qu’a prise Taoufiq Izeddiou, avec la compagnie Anania, de prendre le chemin du Bois de l’Aune, il y a instauré avec une trentaine de femmes du quartier du Jas de Bouffan un projet participatif et chorégraphique. Moments communs, histoires personnelles ou collectives, particulières et universelles… Le spectacle se fonde sur ces rencontres, avec en partage les voies du cœur. les 13 et 14 janv Bois de l’Aune, Aix-en-Provence 04 42 93 85 40 www.agglo-paysdaix.fr

Au commencement, il y a l’éternel conte de Perrault, les sept frères abandonnés, perdus dans la forêt, l’ogre, l’ogresse, et tout le reste. À l’arrivée, Macompagnie transforme l’histoire en un théâtre musical et bouscule les repères. Poucet et l’ogre sont joués par des femmes, un acteur incarne l’ogresse. Le spectacle prend aussi de la hauteur, les échelles investissent le plateau et le héros paraît bien minuscule face au monstre perché sur des échasses. Jeanne Béziers, en Poucet, signe également le texte et la mise en scène. Poucet ou le temps des mensonges le 16 janv Espace Nova, Velaux 04 42 87 75 00 www.espacenova-velaux.com

Nous sommes à Londres en 1944 au bureau de l’État-Major. Ils sont une poignée, Anglais et Américains, pour tisser le complot le plus invraisemblable (et pourtant c’est une histoire vraie), qui vise à faire chuter Hitler. Comment ? Par l’orchestration du plus grand mensonge de toute l’Histoire. Le texte de Xavier Daugreilh mis en scène par Nicolas Briançon est interprété par une troupe d’acteurs brillants, menée avec fougue par Samuel Le Bihan. le 9 janv Espace Nova, Velaux 04 42 87 75 00 www.espacenova-velaux.com

Les piétons…

Surnommés Les piétons de la nuit, ces noctambules, après 1945, arpentaient les rues, passant de cabaret en cabaret, à Saint-Germain-des-Prés. La rive gauche de Paris est ainsi devenue un extraordinaire vivier de la chanson française. L’Atelier du Possible revisite le Paris des années 50, jazz, chansons, poèmes… Le superbe trio composé de Cécile Becquerelle, Corinne Van Gysel et Florian Fusade nous entraîne dans un spectacle où l’on retrouve Ferré, Brassens, Raymond Lévesque, Barbara et tant d’autres…. Les piétons de la nuit le 21 déc Salle Marcel Pagnol, La Roque d’Anthéron 04 42 50 70 74 le 31 déc Théâtre des Carmes, Avignon 04 90 82 20 47 www.theatredescarmes.com le 16 janv Salle des fêtes, Noves 04 90 94 32 18 le 30 janv Espace Culturel Busserine, Marseille 04 91 58 09 27 www.mairie-marseille1314.com Atelier du Possible, Rognes 04 42 50 27 99


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Le Carnaval des...

Tête haute

C’est dans la poche

Le Carnaval des animaux le 17 déc Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr

le 10 janv Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr le 13 janv Théâtre Durance, Château-Arnoux 04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr le 11 mars La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.eu

Magnificat

© Jeff Rabillon

Pépito Matéo © X-D.R

Quand un maître de la parole rencontre un maestro de la musique, le résultat ne peut être qu’enthousiasmant. Pepito Matéo, conteur hors-pair, s’empare de l’œuvre de Camille Saint-Saëns en y posant sa patte singulière. Ce Carnaval des animaux résonne de la langue originale du conteur, habitué à jouer des mots et des sons. Produit par l’Orchestre National de Bordeaux Aquitaine, avec l’association Paroles Traverses, le spectacle fait escale au Comoedia, accompagné pour la représentation par les musiciens du Conservatoire d’Aubagne.

Le roi et la reine voulaient un fils. Ils ont eu une fille, qu’ils ont préféré abandonner dans la forêt. Babel, un dictionnaire, est le seul compagnon de la jeune princesse. Elle y puise le sens de tous les mots pour se divertir de son errance, en attendant, peut-être, de retrouver son royaume. La vidéo sert de toile de fond à ce spectacle, signé Joël Jouanneau et Cyril Teste.

Conçue pour les jeunes spectateurs dès 2 ans, la pièce de la compagnie Jardins insolites invite à travers son théâtre d’images animées, et à partir du contenu de nos poches, à un délicieux voyage poétique. Des poches qui recèlent parfois des trésors, des secrets, ou des mystères, toujours prétextes à raconter des histoires. On peut même, dans certains cas où elles se retrouvent vides, glisser le lapin d’Alice dans ces poches… Au rythme des notes délicates d’un violon, Louise effectuera un chemin de découvertes, comme dans un livre animé. le 17 janv Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

Une Journée particulière

le 14 janv Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 www.merlan.org le 15 janv Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.les-salins.net le 16 janv Bois de l’Aune, Aix-en-Provence 04 42 93 85 40 www.agglo-paysdaix.com

© Karine Letellier

© Krzysiek Krzysztofiak

Dirigé par la chanteuse et metteure en scène Marta Górnicka, le Chœur des Femmes est une forme moderne du théâtre choral, composé de vingt-cinq femmes d’âges et d’horizons professionnels différents qui chantent a capella. Dans ce spectacle, ce Chœur se confronte à l’image la plus sacrée de la féminité au sein de l’Église, celle de la Vierge Marie, en en décortiquant les stéréotypes. Ces femmes chantent, crient, chuchotent des textes divers en mixant des chants liturgiques, des sons électronique… Dans le cadre du 5e Festival Parallèle (voir p. 14).

Le 8 mai 1938, Hitler et Mussolini se rencontrent à Rome. Si tous les Romains assistent à la cérémonie, Antonietta, elle, est contrainte de rester à la maison pour s’occuper des tâches ménagères. Le hasard lui fera rencontrer son voisin, Gabriele, un intellectuel exclu de la radio nationale, où il était présentateur, parce qu’il est homosexuel… Pendant quelques heures, ces deux laissés-pour-compte vont vivre une journée particulièrement intense en émotion. Christophe Lidon s’empare du chef-d’œuvre d’Ettore Scola en faisant la part belle au jeu des comédiens dans une mise en scène sobre et intimiste. le 16 janv Théâtre Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr


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Boîte à gants

Gants de toilette, gants de vaisselle ou gants de ski, qui n’a jamais joué à transformer ces accessoires en marionnettes ? La Toute Petite Compagnie développe l’idée et en crée un spectacle musical destiné aux enfants de 3 à 10 ans. Pour les tout-petits, la Toute Petite Compagnie a tout prévu et a adapté une toute petite forme, nommée La Toute petite boîte à gants. Les deux versions seront à voir à Berre puis à Briançon. le 14 janv Forum des Jeunes, Berre-l’Étang 04 42 10 23 60 www.forumdeberre.com © Michèle Laurent

les 10 et 11 mars Théâtre du Briançonnais, Briançon 04 92 25 52 42 www.theatre-du-brianconnais.eu

Retour aux origines pour Philippe Caubère qui reprend le cultissime spectacle présenté pour la première fois en 1981 et qui marqua les débuts de son double de théâtre Ferdinand Faure. Seul sur le plateau nu où trois accessoires vont servir de support à tous les lieux et toutes les situations, Caubère convoque une foule de personnages qu’il fait vivre d’un ton, d’un geste, d’une mimique, à toute vitesse : de De Gaulle à Johnny, en passant par sa mère, Claudine, lien essentiel à toutes ces vies...

les 23 et 24 janv Le Toursky, Marseille 0 820 300 033 www.toursky.org

Frères de sang

Trois frères et leur mère vont vivre sur scène leur histoire, sans paroles. La Cie Dos à Deux joue du mouvement des corps, de l’expression des visages, d’objets, pour dire l’ordinaire de la vie, la délicatesse, la tendresse, l’intensité des rapports qui les unissent. La mise en scène d’André Curti et Artur Ribeiro, ainsi que les lumières de Fernando Mota, subliment le récit et révèlent les émotions. le 16 janv Théâtre de Fos 04 42 11 01 99 www.scenesetcines.fr

En adaptant la pièce de Hjalmar Söderberg, le metteur en scène JeanPierre Baro choisit de figurer le conflit du corps et de l’âme à travers le destin tragique d’une cantatrice, une femme en quête d’un amour absolu, dans la société bourgeoise de la fin du XIXe siècle. Elle renoncera aux hommes, n’acceptant aucun compromis, les faisant tomber dans une solitude désespérée. Musiques, costumes, installation scénographique en mouvement font dialoguer les époques, créant une intemporalité dans laquelle le spectateur s’identifie instantanément. le 13 janv Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com

Drôles de Noëls

© X-D.R

le 18 déc La Colonne, Miramas 04 90 50 66 21 www.scenesetcines.fr

Gertrud © Christophe Raynaud de Lage

La Danse du diable

Le préambule…

Dans la vie de tous les jours, une casserole sert à préparer le repas. Mais quand on ne cuisine pas avec, il arrive aussi qu’on la traîne comme un petit boulet. Elle devient alors cette gêne, cet handicap qui nous contraint, nous freine ou nous empêche. Librement adapté du conte La Petite casserole d’Anatole d’Isabelle Carrier, Le préambule des étourdis passe en revue ces petits tracas. Un spectacle créé par la Cie Hippolyte a mal au cœur, avec Estelle Savasta à la mise en scène et Bastien Authié à l’interprétation. Le préambule des étourdis le 8 janv Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com le 13 mars La Garance, Scène nationale de Cavaillon 04 90 78 64 64 www.lagarance.com

La manifestation arlésienne, temps fort de la programmation culturelle de la ville, fête ses 10 ans ! Et comme chaque année, artistes locaux et internationaux se succèdent sur les places et dans les rues. La soirée d’ouverture, événement oblige, sera particulièrement festive : Les Echassiers lumineux du collectif La Boussole illumineront de mille feux la Place de la République, précédant les artistes de la Cie Grupo Puja! qui reviennent éblouir le public arlésien (inoubliable décembre 2008) avec leur K@osmos étonnant, et le final féerique tout en couleur de la Cie Gratte-Ciel ; pendant ce temps, les studios marseillais d’Univup animeront l’architecture de la façade de l’Hôtel de ville avec une projection monumentale d’images en 3D. Avant la soirée de clôture qui accueillera la Cie Des Quidams et leur spectacle déambulatoire FierS à Cheval, de nombreuses cies (Karnavires, Gandini Juggling, Qui Bout…) et chorales auront animé les places et rues de la ville ! du 20 au 24 déc Arles 04 90 49 37 40 www.droles-de-noels.fr


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Le tour complet...

© Jean Cagnard

Le massif des Cévennes a servi de terrain d’exploration à Catherine Vasseur et Jean Cagnard (dont le texte va paraître aux éditions Espace 34) qui ont engagé des dialogues croisés avec les habitants de la commune de la Grand Combe à partir de deux questions primordiales : «Pourquoi tu es là ?» et «Tu es là pour quoi ?». Ils créent ainsi, avec des comédiens et des musiciens, un pont vers l’universel, bâtissent un nouveau pays, théâtre de notre poésie intérieure.

Une performance de comédien époustouflante au plus près de l’intime, sous chapiteau : Gilles Cailleau parcourt à lui tout seul les 37 pièces de William Shakespeare. Acrobate, comédien, musicien, mime, l’interprète virtuose est tour à tour Hamlet et Macbeth, Roméo ou Juliette, Othello puis le Roi Lear, endossant l’histoire et la roulotte d’un vieux comédien passionné par le dramaturge anglais. Un tour de force de la Cie Attention Fragile (durée 3h30, dès 10 ans) pour un spectacle inoubliable ! Le tour complet du cœur les 14, 17 et 18 janv Auditorium Jean Moulin, Le Thor 04 90 33 96 80 www.artsvivants84.fr

Sur le texte de Romain Gary, accompagnée par la flûtiste Célie Caraty, Sarah Biasini offre une lecture musicale au profit de l’association L’enfance de l’art. Une soirée caritative initiée par le Chêne Noir, dont les fonds récoltés serviront à aider les enfants atteints du syndrome de Little. Après avoir interprété deux pièces montées par Christophe Lidon, dont La Tempête de Shakespeare (à Fréjus le 6 janv, voir p. 51), la jeune comédienne livre cette histoire d’amour fou d’une mère pour son fils, et les difficultés qu’elle surmonte dans l’entre-deux-guerres.

Elles sont comédiennes, musiciennes et citoyennes, enfants des années 80, à avoir fouillé les identités possibles de la féminité pour aborder la place et le rôle de la femme dans la société. Autour de la metteure en scène Pauline Bureau, et à travers les fragments de textes de Marie Darrieussecq, Pierre Bourdieu, Virginia Woolf…, huit femmes dressent un tableau pluridisciplinaire de la condition féminine. Un théâtre documentaire et militant pour un portrait édifiant, drôle et libre, de la femme d’aujourd’hui. À partir de 15 ans.

© Jean-François-Gaultier

Au pied du Fujiyama les 16 et 17 janv Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

Modèles

La promesse…

Sarah Biasini © Corinne Vaglio

Au pied…

La promesse de l’aube le 16 janv Chêne Noir, Avignon 04 90 86 74 87 www.chenenoir.fr

L’oiseau bleu

le 13 janv La Garance, Scène nationale de Cavaillon 04 90 78 64 64 www.lagarance.com © Pierre Grosbois

La poésie du texte de Maurice Maeterlink passe la scène grâce au Théâtre du Kronope. Munies d’étranges masques et de costumes bariolés, deux comédiennes évoluent au cœur de l’univers musical troublant de Giulio Berruto. Mis en scène par Isabelle Starkier, qui signe également la traduction du texte original, L’oiseau bleu est pareil à «un conte où le merveilleux et le poétique se mêlent pour éclairer la quête du sens même de notre vie». Joëlle Richetta et Elsa Stirnemann-Coqueran, à l’initiative du spectacle, en assurent l’interprétation. le 18 déc Chêne Noir, Avignon 04 90 86 74 87 www.chenenoir.fr

Chienne de vie

Le collectif Le Bleu d’Armand avait enchanté le public pendant le Festival Emergence(s) 2014 avec cette pièce corrosive au sous titre explicite, Chienne de vie* (*Life is a bitch). À tel point que le Théâtre des Halles le programme à nouveau, la même année ! Une mosaïque d’auteurs (Calaferte, Garcia, Maupassant, Pommerat…) pour nourrir le thème du boucémissaire, et quatre jeunes comédiens (doués), dont un choisi par le public pour servir le jeu, qui questionnent «certains phénomènes de société auxquels l’être humain est confronté malgré lui». les 16 et 17 janv Théâtre des Halles, Avignon 04 32 76 24 51 www.theatredeshalles.com


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Dans le ventre…

Pinocchio

Marc Jolivet © X-D.R

Les trois petits cochons entrent dans la danse, à l’invitation de la chorégraphe Marion Lévy. Construire, c’est se construire, grandir, et faire des choix : fétus de paille, bois ou forte brique ? Les danseuses de Didascalie vont évoluer chacune à sa façon, avec pour matériau principal leur joie de vivre. On appréciera particulièrement la louve rock’n’roll pour sa fonction stimulante, une nuance d’importance dans le rôle classique du dévorateur. Parce qu’on n’a jamais fini d’interroger la conquête de la maturité, ce spectacle s’adresse à tous les publics, à partir de 6 ans. Dans le ventre du loup le 9 janv La Garance, Scène nationale de Cavaillon 04 90 78 64 64 www.lagarance.com

Quand Marc Jolivet se met à rêver, après avoir décortiqué l’actualité politique, l’utopie devient franchement réjouissante. De quelle manière ? En racontant comment, dans ses rêves, il convainc Hitler de renoncer à l’antisémitisme, cause tablettes numériques avec Gutenberg, Steve Jobs et Moïse, ou fait souscrire à Néron une assurance contre l’incendie. Et pourquoi pas dépucèle Jeanne d’Arc ! Des situations rafraîchissantes que l’auteur-comédien distille de tout son humour corrosif et provocateur.

Mémoires d’un fou

William Mesguich se prête à l’exercice solitaire en se plongeant dans le tourbillon de la langue de Flaubert dont il qualifie le style de «beauté littéraire à l’égal d’un tableau de Monet ou d’une symphonie de Berlioz». Écrit à 17 ans, cet essai de jeunesse autour de la passion idéalisée, qui contient déjà les grandes lignes de l’Éducation sentimentale, est dans l’œuvre de Gustave Flaubert une tentative singulière de mêler les genres de la biographie et des mémoires. Une épreuve de feu pour le comédien, mis en scène par Sterenn Guirriec. le 16 janv Le Balcon, Avignon 04 90 85 00 80 www.theatredubalcon.org

Les aventures de Mademoiselle Pinoc, écolière attachante et indisciplinée, qui va devoir incarner un certain pantin de bois, le temps d’apprendre à exercer son indépendance d’esprit sans pour autant se mettre en danger inconsidérément... La Compagnie du Théâtre Mordoré livre une interprétation originale, chaleureuse et enlevée, du conte de Carlo Collodi, sur un texte de Sarah Gabrielle et Sandrine Gauvin. Tout public à partir de 5 ans. le 19 déc Théâtre Durance, ChâteauArnoux/Saint-Auban 04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr

© Blandine Soulage

du 16 au 18 janv Le Chien qui Fume, Avignon 04 90 85 25 87 www.chienquifume.com

Cloc

© X-D.R

© Lucas Durey

Rêvons

Cloc est une pièce pour deux magiciens, qui commence au rythme de nos routines contemporaines, rigide, frénétique. Mais rapidement survient un décalage qui ne cesse de s’amplifier... Jérôme Helfenstein et Maxime Delforges explorent toutes les options du possible et de l’impossible, au point de dérégler le temps. Attention, ce spectacle est complet au Théâtre Durance (même la liste d’attente !). Il est par ailleurs à déconseiller aux personnes sujettes à l’épilepsie, en raison des effets stroboscopiques utilisés. le 16 janv Théâtre Durance, ChâteauArnoux/Saint-Auban 04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr le 27 janv Pôle Jeune Public, Le Revest-les-Eaux 04 94 98 12 10 www.polejeunepublic.fr

Quatorze

«La guerre est une chose définitivement trop grave pour qu’on en parle sérieusement» affirme Sébastien Valignat, metteur en scène de cette Comédie documentée relatant les 38 jours qui précédèrent la Première guerre mondiale. Sur un texte de Vincent Fouquet, la Cie Cassandre aborde ainsi, non sans humour, le sujet sous un angle différent des tranchées et poilus, revenant sur les jours qui ont précédé la déclaration de la guerre pour relater l’enchainement des faits et interroger la question de la responsabilité politique. Une œuvre qui préfère le rire au réalisme et cherche à comprendre les enjeux de notre monde. le 18 déc La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.eu


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Cyrano de Bergerac

L’incroyable destin…

Un hommage enthousiaste au chansonnier marseillais des années 30, servi par Frédéric Muhl-Valentin et la troupe Les Carboni. Ali Bougheraba en meneur de revue réveille les pépites de l’artiste de music-hall, auteur d’opérettes marseillaises légendaires. Un bain de jouvence communicatif dans lequel la vie de René Sarvil est revisitée au fil des évènements politiques et historiques des années 30-50.

Noces de sang

L’incroyable destin de René Sarvil le 9 janv Théâtre du Briançonnais, Briançon 04 92 25 52 42 www.theatre-du-brianconnais.eu

À la porte

C’est l’histoire d’un petit garçon qui s’appelle Maurice. Et comme à 8 ans ce n’est pas facile à assumer, il s’invente un copain au prénom approchant, mais un cran plus audacieux. Boris sera à ses côtés pour tout partager, bêtises, secrets et premières amours, l’encourageant à oser ce dont il ne se sent pas encore tout à fait capable. De la rencontre entre Nicolas Turon de la Compagnie des Ô, et Jérôme Rousselet, de La Sarbacane, est né ce spectacle très frais, rendant un hommage subtil à l’enfance, sous des dehors burlesques. du 20 au 22 janv Théâtre du Briançonnais, Briançon 04 92 25 52 42 www.theatre-du-brianconnais.eu

© Camille Favre-Bulle

le 31 janv Théâtre de Fos 04 42 11 01 99 www.scenesetcines.fr

Mataora…

Création collective 2014 du Théâtre du Soleil, initiée par de jeunes artistes grecs et emmenée par la metteure en scène Hélène Cinque, autour de l’odyssée d’exilés grecs d’après-guerre vers la France. En 1945, menacés par la guerre civile, des intellectuels fuient la Grèce ruinée à bord d’un navire. À partir de témoignages des passagers du Mataora, dont celui de Nelly Andrikopoulou, leur fol espoir d’alors, leur soif de savoir comme rempart à la barbarie et la solidarité européenne, trouvent des résonances sociales actuelles. Mataora, la mémoire trouée du 14 au 16 janv Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr

© Geoffrey Fages

© Marie Clauzade

les 29 et 30 janv Le Toursky, Marseille 0 820 300 033 www.toursky.org

Georges Lavaudant adapte l’œuvre d’Edmond Rostand, l’une des plus belles histoires d’amour du théâtre français, en resserrant l’intrigue sur la tragédie intime et le drame amoureux. Pour interpréter le rôle-titre du poète au nez proéminent qui vit par procuration son amour pour Roxane, qui ne voit que le beau Christian, le metteur en scène a choisi le solide Patrick Pineau. Tous les doutes, les états d’âme et les faiblesses des personnages nous sont servis par 17 comédiens au sommet de leur art. Du panache et du talent à revendre ! les 9 et 10 janv La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.eu

le 16 janv Théâtre du Rocher, La Garde 04 94 08 99 34 www.ville-lagarde.fr

Avec Le Cabinet de Curiosités, le metteur en scène varois Guillaume Cantillon s’empare de la tragédie de Federico Garcia Lorca, dans une nouvelle traduction de Clarice Plasteig. Une relecture contemporaine d’un fait divers de 1928, l’histoire d’un mariage contraint, qui inspira l’auteur espagnol et révèle aujourd’hui encore, à travers le tragique de ces noces fatales, le poids du destin et la folie de l’humain. du 8 au 10 janv Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr le 20 janv Théâtre Le Forum, Fréjus 04 94 95 55 55 www.aggloscenes.com les 29 et 30 janv Théâtre de La Licorne, Cannes 04 97 06 44 90 www.madeincannes.com le 3 fév Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com le 10 fév Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com


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L’enfant sauvage

Cendrillon © Olivier Houeix

Novecento

© Steven Elio van Weel

les 20 et 21 janv Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr du 28 au 31 janv Le Gymnase, Marseille 08 2013 2013 www.lestheatres.net le 1er fév Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr

The house

Le Sofie Krog Teater est composé de David Faraco (espagnol) et Sofie Krog (danoise), qui jouent en anglais (très accessible). Après une tournée au succès jamais démenti à travers le monde, ils arrivent dans le Var avec un thriller comique extrêmement inventif, raconté par... le lieu du crime himself ! Dans cette maison peuplée de marionnettes fabuleuses, adolescents à partir de 12 ans et adultes découvriront avec délices un univers digne d’une partie de Cluedo scénarisée par Hitchcock. le 20 janv Théâtre du Rocher, La Garde 04 94 08 99 34 www.ville-lagarde.fr le 23 janv Théâtre Le Forum, Fréjus 04 94 95 55 55 www.aggloscenes.com

La Cie 7e Ciel met en scène l’histoire de Victor de l’Aveyron, enfant sauvage confié au Dr Itard à l’orée du XIXe siècle. Sans renier l’adaptation qu’en a faite François Truffaut au cinéma, mais en donnant plus d’épaisseur au rôle féminin (la bonne de l’homme de science), et en s’inspirant également du Baron perché d’Italo Calvino, Bruno Castan explore la nature humaine dans tous ses états. le 16 janv Théâtre Marélios, La Valette 04 94 23 62 06 www.lavalette83.fr le 28 janv Théâtre de Fos 04 42 11 01 99 www.scenesetcines.fr le 30 janv Salle des Fêtes, Venelles 04 42 54 93 10 http://culture.venelles.fr le 6 fév Forum des Jeunes, Berre-l’Étang 04 42 10 23 60 www.forumdeberre.com

Abuglubu

Abuglubu, c’est «un vieux mot au sens caché» qu’emploient selon Bourvil les amoureux de La Havane. Les exercices de dictions pratiqués lors de ce concert jeune public rendent parfaitement hommage à l’esprit de son inspirateur : ludique, tendre, capable de plonger son auditoire dans une délicieuse atmosphère de légèreté, sans jamais se diluer dans la superficialité. Les enfants à partir de 4 ans prendront grand plaisir à découvrir les reprises par Abel des chansons empreintes d’humour de Bourvil. Notre patrimoine national ! les 9 et 10 janv Pôle Jeune Public, Le Revest-les-Eaux 04 94 98 12 10 www.polejeunepublic.fr

Soirée en deux parties pour finir l’année au Carré. Le Malandain Ballet Biarritz revisitera dans un premier temps le destin de Cendrillon, sur la musique de Prokofiev. Une héroïne actuelle, puissante et sensuelle, transposée dans une scénographie sobre et impressionnante et entourée de 20 danseurs. Une pièce qui promet d’être féérique ! Puis, pour le public du spectacle, La Nuit Singulière du Carré embarquera les spectateurs dans un grand bal participatif au son d’un orchestre live… avant le douzième coup de minuit et ses surprises. le 20 déc Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com

Moby Dick © Jean-Louis Fernandez

© Christian Ganet

Accompagné par quatre musiciens de jazz, André Dussolier fait résonner la prose d’Alessandro Baricco pour raconter l’histoire étrange et merveilleuse de ce pianiste, 1900, né et élevé sur un bateau, qui ne vit jamais la terre. En incarnant Tim Tooney, trompettiste de l’orchestre et ami de Novecento, le comédien trace le récit d’un artiste envoûtant dont la musique et la réputation franchit les océans, sans avoir jamais quitté la mer.

L’épopée du Capitaine Achab, à la poursuite d’une baleine blanche d’une taille exceptionnelle, et aux prises avec ses démons intérieurs a fait frémir des générations de lecteurs. Fabrice Melquiot et Mathieu Cruciani relèvent le défi d’adapter l’épais roman d’Herman Melville, embarquant le spectateur sur le Pequod, toujours plus au large. À l’issue de la représentation, une collation-lecture de l’ouvrage lui sera proposée. L’avant veille, on pourra également visionner le film hollywoodien qui en a été tiré en 1956 par John Huston, avec Grégory Peck. le 16 janv Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com


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Circa-Circa © X-D.R

les 19 et 20 déc La Croisée des Arts, Saint-Maximin 04 94 86 18 90 www.st-maximin.fr © Justin Nicholas

Mêlant la musique, l’acrobatie, les jeux d’adresse, la jonglerie et l’humour, un clown amnésique nous emporte dans son univers onirique et joyeux, à la recherche de ses souvenirs. Chaque lumière, les moindres petits objets et minuscules grains de sable nourrissent la performance de Marcel Escolano, qui invite les jeunes spectateurs dans l’intimité de sa yourte. Un petit cirque de bois et de toile qui engage à voyager dans l’intimité et la poésie du clown.

La compagnie australienne Circa a pour habitude d’explorer le mouvement dans ce qu’il a de plus aventureux. Dans cette pièce sur le fil du rasoir, Circa-Circa, cinq interprètes exceptionnels réinventent le cirque-danse, multipliant les acrobaties spectaculaires avec un sens du rythme et une précision hors-pair. Poétique, sensuelle, cette pièce recèle des numéros d’une grande complexité dans une partition extravagante et impressionnante. Le cirque dans ce qu’il a de plus virtuose, et le goût du risque assuré !

les 19 et 20 janv Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com

Giselle

© X-D.R

Maiurta

Archétype du ballet romantique, le célèbre et populaire ballet en deux actes Giselle concentre tous les ingrédients du genre : la tragédie et la pastorale, les amours et les trahisons, un univers naturel et surnaturel. L’histoire de cette jeune villageoise qui s’éprend d’un prince qui la trompe et finit par en mourir, rejoignant alors le monde des jeunes filles trahies, les Willis, est revisitée par 49 danseurs du Ballet Yacobson de Saint-Pétersbourg, dans une version superbe et virtuose. le 15 janv Théâtre Le Forum, Fréjus 04 94 95 55 55 www.aggloscenes.com

Francis Huster

Après avoir adapté La peste sur scène, puis lui avoir consacré un ouvrage (Albert Camus, un combat pour la gloire), l’acteur et metteur en scène Francis Huster rend hommage et se glisse dans peau d’Albert Camus dans une conférence (et libre propos). Un plaidoyer pour un humaniste contemporain contre la barbarie dans lequel il développe les thèmes chers à l’auteur du Mythe de Sisyphe, justice, Algérie, terrorisme, enfance, politique, religion… prenant à son compte la pensée de Camus.

le 17 janv Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr

Le cercle…

Francis Huster se glisse dans la peau d’Albert Camus le 10 janv La Croisée des Arts, Saint-Maximin 04 94 86 18 90 www.st-maximin.fr

© Christine Renaudie

Houdini, Houdin, Georges Méliès, vous connaissez ? Des magiciens de la prestidigitation, de l’illusion et du cinéma auxquels Alexis Michalik rend un hommage digne d’un tour de magie théâtral dans un spectacle hommage brillant et ovationné par la critique (cinq nominations aux Molières 2014). Six comédiens dotés d’une formidable énergie traversent les époques pour nous faire entrer dans le nouveau millénaire en 3D. Ingénieux, historique, romanesque, et une construction narrative génialement brodée ! Le cercle des illusionnistes le 11 janv Palais des Congrès, Saint-Raphaël 04 94 19 84 11 www.saint-raphael-congres.fr

La tempête

Prospero, exilé sur une île, veut assouvir sa vengeance en déchaînant une tempête. Claude Rich dans le rôle-titre signe son grand retour au théâtre, mis en scène par Christophe Lidon sur un plateau imaginé par le plasticien vidéaste Fabien Chalon. Pour servir cette comédie burlesque et dramatique de Shakespeare, une pléiade d’acteurs, Dominique Pinon, Sarah Biasini, Maxime D’Aboville… navigueront autour de ce magicien enchanteur et malicieux qui commande les éléments et le destin des hommes. En clamant que «le monde est un théâtre» ! le 6 janv Théâtre Le Forum, Fréjus 04 94 95 55 55 www.aggloscenes.com


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Amarelles

Festival Amarelles du 17 au 23 janv Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com Queue de poissonne le 20 janv Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr Plume le 6 fév Théâtre du Golfe, La Ciotat 04 42 08 92 87 www.laciotat.com Un chien dans la tête le 30 janv La Garance, Scène nationale de Cavaillon 04 90 78 64 64 www.lagarance.com

Queue de poissonne © Benoit Fortyre

Voici revenu le temps du Festival Amarelles, proposition jeune public des Théâtres en Dracénie. Pour commencer, Queue de poissonne (17 janv), une adaptation de La petite sirène d’Andersen par la Cie Graine de vie. Ses deux marionnettistes, Ilka Schönbein et Laurie Cannac, seront accompagnées à l’accordéon par Alexandra Lupidi. Pour les plus jeunes, dès 2 ans, les musiciennes de la Cie Méli Mélodie joueront ensuite du tambour, de la guitare, du bâton de pluie... Plume (les 18 et 21) est une oeuvre aussi visuelle que sonore, propice à la découverte ludique de la musicalité. Plus sombre, et à partir de 9 ans seulement, le spectacle suivant s’intitule Un chien dans la tête (20 janv). Sur un texte de Stéphane Jaubertie, Olivier Letellier déploie le destin d’un personnage envahi par la honte, qui trouve refuge dans un jardin et s’invente deux amis afin de surmonter ce trouble sentiment. Clou du festival, en clôture : Alice in China (le 23), à la démesure de l’Académie des Arts du cirque de Tianjin, dont les 25 acrobates présents sur scène partiront à l’assaut du chef-d’oeuvre de Lewis Carroll.

Andromaque

le 3 fév Pôle Jeune Public, Le Revest-les-Eaux 04 94 98 12 10 www.polejeunepublic.fr

Bigre

Après la chute de Troie, Andromaque et son fils Astyanax sont prisonniers du roi Pyrrhus. Ce dernier, fiancé à Hermione, s’éprend de sa captive et veut l’épouser, ce qui irrite les Grecs qui envoient alors Oreste réclamer Astyanax. Oreste accepte dans l’espoir de convaincre Hermione, dont il est amoureux, de l’épouser… Anthony Magnier met en scène la tragédie de Racine en s’interrogeant sur les images universelles et intergénérationnelles qui nous parlent de la passion aujourd’hui. La Cie Viva la Commedia est en résidence de création au Forum.

Comédie…

Une femme et deux hommes se chamaillent, se haïssent, puis s’aiment plus que tout. Elle est très belle, eux un peu moches mais très gentils, et tous trois cohabitent tant bien que mal dans un espace exigu qui tient de la chambre de bonne. Sans un mot, mais avec force cris, soupirs et borborygmes, ils rêvent, font les fous et se foutent de tout ! Avec ses comparses Agathe L’Huillier et Olivier Martin-Salvan, Pierre Guillois invente un «mélo burlesque» irrésistible, drôle, subtil et poétique.

Trois personnes attendent un train sur un quai de gare : un père s’apprête à laisser s’éloigner sa fille qui part avec son compagnon pour vivre un amour incertain. Eric Monvoisin met en scène la pièce de Samuel Benchetrit, d’inspiration autobiographique (initialement écrite pour Marie et JeanLouis Trintignant), qui parle d’amour filial, de solitude, de la vieillesse et de la difficulté de se quitter. Comédie sur un quai de gare les 8 et 9 janv Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com

les 18 et 19 déc Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com

le 13 janv Théâtre Le Forum, Fréjus 04 94 95 55 55 www.aggloscenes.com

Eric Monvoisin © Jean-Louis Neveu

© Frédéric Albert

© X-D.R


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Siena

© Jesús Robisco

© Alice Blangero

La mégère apprivoisée

Le mythique Ballet du Théâtre du Bolchoï présente au Grimaldi Forum, une création événement. Pour la première fois, le Bolchoï a invité un chorégraphe étranger à créer pour ses danseurs un ballet narratif. Jean-Christophe Maillot a pu transmettre son style aux artistes russes, aussi bons danseurs que comédiens. Et c’est autour de la célèbre joute verbale de Shakespeare, opposant Petruchio à Catharina, que la légendaire compagnie russe s’illustrera. Avec l’Orchestre philharmonique de Monte-Carlo, dirigé par Igor Dronov.

La cie La Veronal a choisi la ville de Sienne, théâtre au fil des siècles des changements qu’a connus «la matière humaine», pour mener une réflexion sur le corps humain. Ce nouveau travail autour du corps dans tous ses états (réel, vivant, fragile, cadavérique…), riche de références, s’appuie sur d’autres disciplines : le cinéma (Pasolini) et la littérature. Dans un musée, une femme observe un tableau. Un homme regarde la scène. Tel est le point de départ de cette pièce, «un essai dérangeant sur la centralité du corps sur scène». le 17 déc Opéra de Monte-Carlo +377 98 06 28 55 www.balletsdemontecarlo.com

du 19 et 21 déc Grimaldi Forum, Monte Carlo +377 98 06 28 55 www.balletsdemontecarlo.com

Plage romantique

© Emanuel Gat Dance

La nouvelle création d’Emmanuel Gat mêle partitions vocales, musicales, textuelles et chorégraphiques à travers l’exploration des modes de représentation. En juxtaposant le visible et l’audible, le rapport au son et à la voix, amplifié par des micros qui enregistrent les 10 interprètes en direct, est ainsi disséqué. Le son peut-il véhiculer la pensée ? Un dispositif qui permet de naviguer entre nouveaux langages et vieilles histoires, dans une chorégraphie énergique et à fleur de peau. le 18 déc Grimaldi Forum, Monte-Carlo +377 98 06 28 55 www.balletsdemontecarlo.com

© Marie-Laure Briane

Faust

Avec ce spectacle puissant mêlant les disciplines artistiques, Jean-Christophe Maillot développe une vision picturale de la danse très séduisante. Le public suit Faust dans sa recherche d’une jeunesse éternelle et d’une vie de plaisirs, dans une scénographie signée Rolph Sachs qui offre à chaque scène un cadrage de toute beauté. Le romantisme de Goethe est servi à merveille par la partition de Liszt et l’univers sonore de Bertrand Maillot. Un ballet hypnotique et… démoniaque. du 28 au 31 déc Grimaldi Forum, Monte Carlo +377 98 06 28 55 www.balletsdemontecarlo.com


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Victoria

Hommage à Franju

Mon amie Victoria de Jean-Paul Civeyrac © Claire Nicol

Les 19 et 20 déc, Les Lumières de l’Eden, en partenariat avec la Cinémathèque Française, rendent hommage à Georges Franju, co-fondateur avec Henri Langlois de la Cinémathèque, disparu en 1987, en projetant cinq de ses films et le documentaire d’André S. Labarthe, Georges Franju, le visionnaire. Le 19 déc à 20h30, le court métrage Hôtel des Invalides puis Judex, film hommage au sérial de Louis Feuillade. Le lendemain à 17h, Mon chien, suivi du film de Labarthe et d’une table ronde animée par Bernard Benoliel, directeur de l’action cultuelle de la Cinémathèque, avec Bernard Queysanne, grand ami de Georges Perec et assistant de Franju. Et à 20h30, ce sera Les Yeux sans visage avec Pierre et Claude Brasseur, Edith Scob et Alida Valli.

Fête du court

Judex de Louis Feuillade © CFFP

Le 18 déc à 19h30, en avant-première au cinéma Les Variétés, en partenariat avec la Région PACA, Mon amie Victoria, adapté de Victoria et les Staveney de Doris Lessing en présence du réalisateur JeanPaul Civeyrac. Victoria, fillette noire de milieu modeste, n’a jamais oublié la nuit passée dans une famille bourgeoise, à Paris, chez le petit Thomas. Des années plus tard, elle le croise de nouveau et de leur brève aventure naît Marie. Victoria (Guslagie Malanda) attend sept ans avant de révéler l’existence de l’enfant à Thomas (Pierre Andrau) et à sa famille. Ils lui proposent alors de l’accueillir régulièrement. Peu à peu, Victoria mesure les conséquences de cette générosité… Cinéma Les Variétés, Marseille 0892 68 05 97 www.cinemetroart.com

Les Lumières de L’Eden, La Ciotat 04 42 83 89 05 www.edentheatre.org

L’attaque du monstre géant... de Guillaume Rieu © Metronomic

Du 19 au 21 déc, se tient la quatrième édition du Jour le plus court - Fête du court métrage, organisée par l’Agence du court métrage qui a pour objectif de «mettre à l’honneur la création, inciter la diffusion, créer du lien avec les spectateurs et fédérer toutes les volontés de programmation». Dans notre région, plusieurs initiatives. Ainsi à Rousset, Les Films du Delta proposent le 20 déc à 10h, une séance de films «pertinents et impertinents !», placée sous le signe de l’humour. Au cinéma l’Odyssée de Fossur-Mer, ce sera la Guerre... et l’Amour : 7 courts métrages du début du siècle dernier projetés le 19 déc à 19h. Et au cinéma Le Cigalon de Cucuron, il y en aura pour tous les goûts et tous les âges durant les deux jours (lire détails sur www.journalzibeline.fr) www.lejourlepluscourt.com

Formats courts

Rêves d’Or à La Ciotat

La Buveuse d’anges de Viviane Zingg © Mareterraniu

La Jaula de Oro de Diego Quemada-Diez

Le 17 déc aura lieu à la Maison de la Région la rencontre annuelle PACA-Corse Formats-courts en partenariat avec l’Amicale Corse. À 15h, une table ronde autour de la thématique «Produire, réaliser et diffuser les formats courts» réunira auteurs, producteurs, réalisateurs et diffuseurs. Cette rencontre sera suivie de la projection de courts métrages, dont La Buveuse d’anges de Viviane Zingg ou Terre brûlée de Julien Meynet, de web series ou de collection documentaire comme Roues libres de Pierre Gayte.

L’Amérique latine sera à l’Eden Théâtre de La Ciotat le 18 janvier à 18h30 avec les Rêves d’Or (La Jaula de Oro) de Diego Quemada-Diez. Le film, sélectionné à Cannes en 2013, raconte le périple de trois Guatémaltais et d’un indien du Chiapas en route vers les USA. Rêves d’Or confrontés à une réalité de plomb. Pour son premier long métrage d’une grande maîtrise, le réalisateur a mêlé fiction et documentaire, l’une nourrissant l’autre et réciproquement. Une projection à ne pas rater ! Présence de Léonor Harispe, présidente d’ASPAS, sous réserve.

Maison de la Région, Marseille 04 91 57 57 50 www.regionpaca.fr

Art et Essai Lumière, La Ciotat 06 64 85 96 40 www.artetessailumiere.fr



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Cadeau !

C’est le moment où jamais, en ces jours festifs à venir et au-delà ! La galerie Andiamo ouvre plus généreusement ses espaces. Vous pourrez accéder à des œuvres d’artistes à prix de fête, pour tous les goûts. Faites-vous plaisir en faisant plaisir ! C.L. C’est pas tous les jours Noël jusqu’au 16 janv Galerie Andiamo, Marseille 04 91 95 80 88 www.assopoc.org

C’est pas tous les jours Noël, vue de la galerie © Doog Mc’Hell

Pascale Mijares

«Je suis née dans un paysage de grisaille, de briques et de champs de betteraves, à l’ère du formica, du pyrex et de la toile cirée. Édifier un abri avec des meules de foin, improviser un cerf-volant avec un quotidien, courir sur les mares gelées, trier les patates dans les caves à charbon, aller à la ferme ou ramener les bouteilles à la consigne… : autant d’anachronismes qui sculptent ma survie.» Ineffable ordinaire jusqu’au 17 janv Galerie du tableau, Marseille 04 91 57 05 34 www.galeriedutableau.org

© Pascale Mijares

Bernard Plossu

En 1975, Bernard Plossu parcours le Maroc et en rapporte un ensemble singulier en noir et blanc. Ses photographies font aujourd’hui l’objet d’une exposition et d’un ouvrage (coédition hors’champs) accompagné d’un texte d’Abdellah Karroum, fondateur de L’appartement22 à Rabah. C.L.
 Maroc 1975 jusqu’au 3 janv La Non-Maison, Aix-en-Provence 07 61 67 32 86 www.lanonmaison.fr

© Bernard Plossu, Maroc 1975

Aquae Sextiae

Aix se rappelle son passé antique. Architecture, sculpture, objets de la vie quotidienne... pour la première fois, les collections du musée sont rejointes par le fonds de la Direction archéologique de la ville et les dernières découvertes mises à jour. De quoi faire mentir la rumeur d’une «ville antique sans antiquités». C.L. Aix antique, une cité en Gaule du sud jusqu’au 3 mai Musée Granet, Aix-en-Provence 04 42 52 88 32 www.museegranet-aixenprovence.fr

Mosaïque Entelle et Darès, Direction Archéologie de la ville d’Aix-en-Provence © P. Veysseyre, musée Saint-Romain-en-Gal



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Boris Eldagsen

Le lauréat du prix Voies Off 2013, Boris Eldagsen, offre une scénographie originale spécialement conçue pour l’espace de la galerie, associant photographies, vidéos et installations. Ses images investissent des univers entre réalité et irrationnel, pour explorer les limites du représentable. C.L. How to disappear completly/THE POEMS jusqu’au 21 fév Galerie Voies Off, Arles 04 90 96 93 82 www.voies-off.com

Poem 55 © Boris Eldagsen

Suzanne Hetzel

«Mes recherches artistiques explorent notre façon d’habiter un lieu ou un territoire et les marques que celui-ci laisse en nous.» Constituant des corpus indissociables, les photographies, vidéos et objets de Suzanne Hetzel parlent de mémoire, individuelle et collective, tels Trouvailles (table lumineuse et objets en verre), Feuillets (Arles) de 2014. C.L. jusqu’au 14 janv Galerie Espace pour l’art, Arles
 06 74 69 21 92 www.espacepourlart.com

© Suzanne Hetzel

Matières

Jusqu’en 2015, Matières à collections déploie une série d’expositions d’artistes contemporains autour d’une thématique commune, où la matière doit être «comprise dans son double sens : substance et sujet... de la collection» précise Pierre Vallauri. Les œuvres papier et textile côtoient les pièces de la collection du musée/museum. C.L. jusqu’au 30 avril Musée Museum départemental, Gap 04 92 51 01 58 www.museum.cg05.fr

Matières à collections, oeuvres de C. Tchouhadjian, J. Dawid, Woo-bock Lee © X-D.R Galerie d’hiver, vue partielle, Analogues, 2014 © Mathieu Tremblin

Oeuvres diver(se)s

Entrez dans l’hiver avec les dessins, peintures, photographies ou sculptures d’André Léocat, Barbara Noiret, Hans Segers, Laurent Bourderon, Manuel Salvat, Mathieu Tremblin, Nicolas Roger Pène, Suzanne Hetzel, Sylvain Loret. Expositionvente et catalogue des œuvres auprès de la galerie. C.L. Galerie d’hiver jusqu’au 31 janv Analogues, Arles 09 54 88 85 67 www.analogues.fr



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Cartons pleins Les huit Time Capsules d’Andy Warhol présentées au [mac] questionnent le concept d’œuvre bien au-delà de l’exposition, de leur contenu et de l’icône qui les a empaquetées

L’

exposition conçue par Thierry Ollat a le triple mérite d’offrir un aspect rarement montré de l’œuvre du pape du Pop’art, et pour éviter l’écueil d’un inventaire simpliste et ennuyeux, le commissaire a eu l’idée juste de structurer le parcours à partir des chansons de Lou Reed et John Cale, composées Documents provenant de la Time Capsule 63 © C. Lorin/Zibeline

en hommage à leur ami disparu. Les huit cartons de déménagement ont été ouverts et leur contenus, témoignages intimes et historiques, répartis dans de larges vitrines. Des cartels informatifs facilitent la compréhension de l’esthétique warholienne replacée dans son contexte artistique et historique. Un choix d’œuvres, peintures, sérigraphies et films complètent le dispositif dont le concert intégral de Songs for Drella donné en 1989 par les deux musiciens, ainsi que les incontournables expérimentaux Kiss, Eat, Couch et les huit heures d’Empire.

L’art en boîte

Joseph Cornell, Christian Boltanski, Georges Brecht, Marcel Duchamp, Claude Closky... bien des artistes ont joué du contenu et du contenant dans l’art de la mise en différentes boîtes. Avec ses 619 Time Capsules, Andy Warhol serait-il allé plus loin que ses pairs ? On a su son affection pour la répétition, le multiple et son corrélat, la série (signes de la société de consommation), voire dans le cas présent l’acte compulsif qui «ferait œuvre», selon l’expression consacrée. Une des différences essentielles tient au fait très simple (il aimait les choses simples, disait-il) que ses «sculptures» n’étaient pas, semble t-il, destinées à être exposées ou vendues. Ces réceptacles ordinaires d’un bric-à-brac personnel, annotés et fermés par du ruban adhésif, accumulés durant treize années, de

Sortir du capital Avec History Zero, Stefanos Stivopoulos réussit à nous faire toucher du doigt l’irrationalité de notre système d’échange, qui accorde plus d’importance à l’argent qu’au produit grâce à lui échangé

I

l fallait que ce soit un artiste grec qui nous le rappelle : l’argent, la monnaie, les billets, ne possèdent que la valeur que les humains leur accordent. Au centre de son installation, une salle rappelle tous les systèmes parallèles de monnaie et d’échanges, mis en place comme des échappatoires, des embryons d’économies alternatives : du troc au bitcoin, monnaie numérique, du système suisse d’échange Wir entre les banques à la monnaie parallèle argentine qui a permis de passer la crise, les solutions qui remettent en cause la valeur symbolique de ce qu’on appelle «l’argent» sont exposées sur les

murs, didactiquement, informativement. Sans neutralité pourtant, avec la colère de la révolte. Les trois films qui passent autour de la salle centrale s’adressent directement à nos affects. C’est autour d’une poubelle athénienne qu’un échange «commercial» a lieu, point commun des trois films. Les personnages y trouvent leur matière première, y créent de la valeur ou y abandonnent le fruit de leur travail. Un artiste qui photographie les traces humaines sur les murs y ramassera la ferraille avec laquelle il fabriquera, sans doute, une œuvre ; le SDF qui avait collecté la ferraille et abandonné le caddie trouve dans la poubelle

Stefanos Tsivopoulos History Zero, 2013, photo du tournage Despoina Spyrou © Stefanos Tsivopoulos, History zero, 2013. Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de la galerie Kalfayan, Athènes-The

les fleurs en origami qu’une vieille dame avait jetées, fleurs de billets de banque ; quant à la vieille dame riche qui a plié ces billets, une galeriste l’appelle pour lui rappeler de venir prendre une œuvre qu’elle a payée ; la même qui avertissait l’artiste qu’il avait

vendu une œuvre... La boucle, bouclée, offre quelques chocs salutaires à nos regards aliénés par la monnaie : l’effroi quasi réflexif que l’on éprouve à voir ces billets considérés comme de simples bouts de papier de couleur ; soigneusement pliés,


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1974 à sa mort en 1987, sont conservés pieusement dans son musée éponyme à Pittsburgh (USA). Leur concevrait-on une autre finalité ? Quand ce geste autobiographique n’a aucun destinataire particulier, amateur, collectionneur..., à quelle forme de réception alors est-il dévolu ? À l’inconnu, pour la postérité. Probablement. Comme ce le fut pour la première Time Capsule conçue (et enterrée celle la) par la compagnie Westinghouse lors de l’Exposition Internationale de New York en 1939, ou par la suite, pour toutes les autres recensées depuis dans le monde par l’International Time Capsule Society de Chicago. Quant à savoir si c’est de l’art comme s’en inquiétait un visiteur... On peut tenter une réponse en jetant un œil à ½Gals.AAPCO, datant de 1971, carton en éclaté huileux de Robert Rauschenberg, présenté dans la collection permanente deux cimaises derrière (est-ce là un hasard de la muséographie ?). Les Time Capsules, elles, n’ont pas été conçues pour être exposées. Elles tentent de contenir du temps, simplement. CLAUDE LORIN

Andy Warhol : Time Capsules jusqu’au 12 avril [mac] Musée d’art contemporain, Marseille 04 91 25 01 07 www.marseille.fr

La quintessence des choses

T

rois doigts d’une main en noir et blanc, tel est l’Autoportrait photographique de Denis Brihat réalisé en 1951. Une mise à distance de la représentation du sujet qui déjà révélait un esprit farouchement libre ! Il faut imaginer Denis Brihat dans les années 60, délaissant ses photos reportages pour s’installer dans une maison-laboratoire sur le plateau des Claparèdes, cirant ses photographies à main nue d’un geste «inspiré par les cireurs de chaussures de Bombay» en vue d’atteindre le velouté tant désiré. Depuis ses débuts il ne déroge pas à la règle qu’il s’est fixée : il tire lui-même ses photographies, convaincu qu’«il faut faire un objet impeccablement car faire des tirages uniques évite la sclérose du photographe»… Ainsi va l’exposition Éclats d’infini à la Maison de la Photographie à Toulon, pimpante dans ses nouvelles cimaises gris pâle et son éclairage sur mesure. Car l’artiste, aujourd’hui âgé de 86 ans, a veillé au moindre détail pour que ses tirages en noir et blanc et ses «gravures photographiques» bénéficient de conditions optimales. Son obsession ? Transmettre au spectateur «la vision et l’émotion initiales qu’il a eues à la prise de vue» quel que soit le sujet, des portraits des habitants de son village provençal aux recherches personnelles sur la nature. Mieux que personne il prend le thym à la racine, les fleurs par le pistil, le citron par la pulpe, et révèle la volupté du poivron à la peau renflée et les mille et une nervures du cœur d’artichaut. Ses travaux sont d’une simplicité absolue : il efface le superflu, l’élément parasitaire dans l’image et atteint l’essentiel. Scrutant l’infiniment petit, il fouille le cœur des choses, et donc le cœur des hommes. Il perce le mystère de la nature quitte à la transformer en formes abstraites, en objets fantasmés. Qui peut nous faire croire à une coiffure de geisha en photographiant une tulipe noire, si ce n’est Denis Brihat ? MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

délicatement jetés ; la violence du collectage d’ordure par le SDF africain perdu dans des friches et des rues désertes ; la solitude de l’artiste qui tente de réactualiser les rebuts d’un monde décrépi en les fixant par ses images ; et celle de la vieille dame qui perd sa mémoire... Les films quasi muets, lents, s’éclairent mutuellement, installant chacun un univers. Une histoire à reprendre chaque fois à zéro, pour comprendre ce que nous échangeons lorsque nous payons, et comment nous pourrions valoriser autrement ce que nous avons à partager. Le temps, la mémoire, le travail, la beauté. History Zero, exposition présentée au Pavillon Grec de la Biennale de Venise 2013, y a fait grand bruit. Elle s’expose un peu partout dans le monde depuis. Elle est pour la première fois en France, à Marseille, au MuCEM, jusqu’au 21 avril. AGNÈS FRESCHEL

MuCEM, Marseille 04 84 35 13 13 www.mucem.org

Éclats d’infini, Photographies 1958/2011 jusqu’au 24 janv Maison de la photographie, Toulon 04 94 93 07 59 www.toulon.fr


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De la nature à la table…

Charles Camoin, Nature morte au paravent, 1905, collection particulière, © ADAGP, Paris, 2014 © Jean-Louis Cosi (Paris)

À

l’heure où le MuCEM à Marseille réunit trente sept artistes internationaux autour d’une réflexion sur la terre nourricière, l’agriculture et les systèmes alimentaires (exposition Food, voir Zib’79), le Musée d’art de Toulon s’invite à la table des provençaux. Jusqu’au 1er mars, il dresse un banquet champêtre et bucolique de l’identité culinaire régionale à travers ses représentations picturales de 1850 à 1940. Ce panorama prend racine dans la découverte, il y a vingt ans, au cours de recherches sur les paysages de l’École Provençale, d’artistes paysagistes se consacrant à la nature morte une fois rentrés à l’atelier. Et de peintres de genre qui sillonnaient la Provence et représentaient des scènes typiques de la vie avignonnaise, marseillaise et toulonnaise. Cette découverte, Brigitte Gaillard, Conservateur en chef du Musée d’art, ne l’a pas oubliée. Elle redonne ses lettres de noblesse à une tradition académique jugée peut-être aujourd’hui de «ringarde» : «On pourrait croire qu’en Provence il fait si bon planter son chevalet au soleil qu’on préfère manger les fruits plutôt que de

les peindre». Certains s’y sont pourtant essayé avec succès, dressant un inventaire des us et coutumes provençales, des arts de la table, du patrimoine culinaire apprécié des ethnologues : compositions luxuriantes des fruits et légumes du Midi (Branches de cerisier, pêches, grenades éclatées de Jean-Baptiste Olive dressé dans un décor de vaisselles précieuses) ; assortiments de poissons (Nature morte à la rascasse, Joseph Odde), de crustacés et de gibiers ; scènes de genre (Poissonnières à Marseille de Charles Camoin, pastel, 1897 ; Repas frugal d’Édouard Crémieux à l’intérieur austère ; La soupe de la grand-mère de Marius Roux Renard qui compile l’essentiel des intérieurs du XIXe siècle : âtre, cruche, soupe ou encore Intérieur de pêcheurs, 1898 d’Henri-Michel Lévy avec les aliments de base qu’étaient l’oignon, le pain et l’huile d’olive). L’ensemble, truculent, est agrémenté de cartes postales anciennes qui témoignent de la vie quotidienne à cette époque en Provence : Marché du cours Lafayette à Toulon par P. Ruat, Une marchande de cade par J. Maurel, photo-éditeur à Toulon…

Après la magnificence des scènes baroques, le réalisme des cuisines rustiques et de l’opulence des maisons bourgeoises, le thème «nature morte et modernité» est illustré par les Fauves provençaux et les artistes venus s’installer en Provence : Seyssaud, Baboulène, Manguin, Valtat, Bonnard, Gensollen, Ambrogiani et Camoin, richement représenté, dont l’œuvre est une «passerelle» pertinente entre les deux sections stylistiques de l’exposition. Tous ces mets, ces traditions et ces images sont radioscopés par des historiens, des universitaires, des chercheurs et des critiques dans le catalogue À Table en Provence. Le 31 janvier, ils participeront à une journée d’étude sur le thème «Alimentations en Provence, la cuisine provençale entre réalités et représentations». Autres prolongements de l’exposition, les concerts des Voix Animées dans les salles du musée le 7 décembre et le 11 janvier avec un programme de musique a cappella pour six chanteurs. La «dégustation» se poursuivra en novembre 2015 avec l’exposition Délices d’artistes contemporains représentatifs des «écoles» de Nice, Toulon, Marseille : Bioulès, Traquandi, Brihat, Ducaté, Plagnol, Dantzer, Martin… Du réalisme pictural à la mise en questionnement de l’aliment dans ses enjeux sociétaux, le Musée d’art aura bouclé son tour de table. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

À table en Provence, 1850/1940 jusqu’au 1er mars Musée d’art, Toulon 04 94 36 81 01 www.toulon.fr


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