Zibel82

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un gratuit qui se lit

N째82 du 18/02/15 au 18/03/15



Politique culturelle Manuel Valls à Marseille ...................................... 5 Liberté de la presse, ,La Cour des comptes et le MuCEM ........................ 8 Villa Méditerranée .............................................. 9 Hôtel de Caumont, nouvelles galeries d’art à Marseille .................. 10, 11 Festival d’Avignon, Greli Grelo, BdR ................................................. 12 Régine Chopinot à La Valette ............................... 14 Maison d’édition Bookstory, BJCEM ....................... 16 Fondation Van Gogh ........................................... 17

Critiques MuCEM ........................................................18, 19 Biennale des arts du cirque ........................... 20 à 22 Théâtre ...................................................... 24 à 26 Musique ..................................................... 27 à 29

Au programme Musique ..................................................... 30 à 35 Théâtre, danse, jeune public, cirque, rue .................................................. 36 à 49 Cinéma .......................................................50 à 55 Arts visuels ................................................. 56 à 60

Patrimoine Musée de Quinson, La Via Alta ..................................................62, 63

État laïque Vous imaginez être accueilli à l’entrée de Marseille par un grand panneau proclamant Allah est grand ? Pourtant, sur l’A7, surplombant les flots d’automobilistes quotidiens, Christ est mort pour nos péchés s’affiche depuis des dizaines d’années. C’est notre culture ? Que ressentent ceux qui en ont une autre lorsqu’ils voient les élus assister à la bénédiction des navettes ou des cloches, et qu’ils chôment les fêtes catholiques alors qu’ils doivent poser un jour pour L’Aïd el-Kebir, ou le Yom Kippour ? Plus que jamais l’État Français se doit d’être exemplaire : imposer une laïcité ambigüe à la population musulmane, qui n’a pas la même histoire républicaine, aboutit aujourd’hui à des tensions intolérables, sans parler des assassinats. Ne sait-on pas que la violence est souvent réactive, et qu’identifier la source de l’agression ressentie est le meilleur moyen d’en tarir les effets ? Religions majoritaire ou minoritaires, historiques ou récente, doivent être traitées de la même façon ; alors elles accepteront de circonscrire leurs rites à la sphère privée, et d’être commentées, raillées, et protégées. Car être Juif ou Musulman en France reste dans les esprits être moins Français que les autres. C’est un fait, qu’il faut avoir ressenti pour en mesurer les conséquences psychologiques. Si les intégrismes venus de contrées étrangères frappent si fortement, c’est parce qu’ils trouvent dans notre pays un terrain favorable à leur prosélytisme sanglant. Désormais, si l’État Français veut échapper à l’affrontement civil, il faut exiger des Catholiques français l’abandon des signes publics de leur ancienne domination ; il faut rappeler la longue histoire des Juifs français pour que chacun la comprenne ; il faut que les Musulmans français puissent pratiquer l’arabe ou les langues africaines dans les écoles de la République, afin que leur biculturalisme devienne enfin l’atout qu’il devrait être. Alors seulement le fossé de haine qui se creuse sous nos yeux sidérés pourra être comblé, et la menace des fascismes repoussée. AGNÈS FRESCHEL



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Valls savoir pourquoi

L

e Premier ministre descend à Marseille ! Et veut rencontrer les acteurs culturels ! Pas seulement visiter les commissariats, les écoles, le sénateur maire, mais aussi la Friche ! Et en détails, de Zinc à l’expo Charlie, des grandes tables aux petits ateliers... Pas seulement faire régner l’ordre d’en haut, mais venir prendre exemple ! D’une expérience culturelle alternative ! Pas seulement parler éducation mais aussi culture ! Et art ! Et lien ! Malgré l’accueil à la kalachnikov le matin, Manuel Valls ne dériva pas d’un iota et servit aux acteurs culturels assemblés un discours résolument lyrique, conscient semble-t-il d’enjeux culturels nouveaux après l’électrochoc que la société française vient de subir. Le ton a changé. Cette reconnaissance que la culture est «un rempart» et pas «un supplément d’âme», qu’elle doit être placée «au cœur de nos politiques publiques», ce constat est nouveau et persiste depuis un mois. Le choix de la Friche «loin d’une culture évanescente» qui «fait le lien entre le quartier et l’art» et veut «abattre les cloisons entre les disciplines culturelles», le choix de Marseille «terreau particulièrement fertile», «porte ouverte sur le monde», qui a su en 2013 «vibrer d’une émotion collective», l’affirmation que «la culture est une arme de citoyenneté pour peu que l’on fasse une place aux artistes dans la société», tout cela est de bon augure.... Pourtant... Sait-il, notre Premier ministre, quand il affirme que les collectivités doivent financer la culture, que la baisse des dotations d’État les asphyxie ? Sait-il quand il affirme que «le budget de la culture n’a pas baissé cette année», que cette analyse est discutable selon les champs d’intervention observés, et qu’il est urgent de compenser les coupes précédentes ? Sait-il quand il fait l’apologie de la culture marseillaise que les budgets décentralisés sont en chute libre, qu’ils transforment les services de l’État en région en marionnettes impuissantes ? Sans doute le sait-il, se disent les artistes marseillais rassemblés.

Mensuel gratuit paraissant le deuxième mercredi du mois Édité à 32 000 exemplaires imprimés sur papier recyclé Édité par Zibeline SARL 76 avenue de la Panouse n°11 13009 Marseille Dépôt légal : janvier 2008

Directrice de publication Rédactrice en chef Agnès Freschel agnes.freschel@gmail.com 06 09 08 30 34 Imprimé par Rotimpress 17181 Aiguaviva (Esp.)

Alain Arnaudet, directeur de La Friche, expose la maquette de La Friche à Manuel Valls, Najat Vallaud Belkacem et Bernard Cazeneuve © Caroline Dutrey

Car sinon, pourquoi serait-il là ? Un Premier ministre se déplace-t-il, rassemble-t-il toute une profession avec préfets et ministres d’État sans annoncer aucune mesure, aucun changement politique ? Le gouvernement de Manuel Valls affirme que «les établissements culturels prennent leur part dans l’éducation de la citoyenneté» et font «rayonner la France dans le monde». Pour que cela continue, pour que cela recommence, il faut cesser de les appauvrir. Et prendre des mesures concrètes. En commençant par y consacrer à nouveau 1% du budget de l’État, et en veillant à une répartition territoriale moins caricaturalement inégalitaire... Le monde de la culture attend du gouvernement socialiste qu’il prenne la mesure des enjeux économiques et humains de la destruction opérée par les politiques austéritaires successives, par les demandes absurdes de rentabilité exigées des établissements culturels subventionnés, par les crédits ridicules alloués aux

politiques d’éducation artistique malgré les déclarations d’intention appuyées. Si le problème de l’indemnisation de l’intermittence semble en voie de se résoudre, celui de la baisse sidérante des subventions qui réduit impitoyablement les marges artistiques des établissements culturels et a déjà vu disparaître les structures les plus fragiles, ne laisse aucune place à la créativité nécessaire, sans parler d’idées nouvelles … AGNÈS FRESCHEL

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Rédactrice en chef adjointe Dominique Marçon journal.zibeline@gmail.com 06 23 00 65 42 Secrétaire de rédaction Delphine Michelangeli d.michelangeli@free.fr 06 65 79 81 10

Musique et disques Jacques Freschel jacques.freschel@gmail.com 06 20 42 40 57 Cinéma Annie Gava annie.gava@laposte.net 06 86 94 70 44

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Collaborateurs réguliers : Régis Vlachos, Dan Warzy, Frédéric Isoletta, Christine Montixi, Yves Bergé, Émilien Moreau, Christophe Floquet, Pierre-Alain Hoyet, Aude Fanlo, Thomas Dalicante, André Gilles


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Presse, l’illusion de la liberté L

a liberté de la presse a été questionnée ces dernières semaines, en particulier lors d’une soirée exceptionnelle en hommage à Charlie Hebdo au MuCEM. Michel Sansom, figure locale et nationale du journalisme, affirma que la liberté de la presse était établie en France et qu’elle n’était pas à acquérir, à peine à défendre. Que le combat était ailleurs, dans le maintien de la qualité, dans les choix opérés par les journalistes de leurs sujets, de leurs angles, de leurs termes. Mais que rien, en dehors d’eux-mêmes, ne restreignait cette liberté. C’est avoir de la liberté une vision purement légale : certes la presse a le droit de tout dire sans subir la censure de l’État (sauf inciter à la violence et à la haine raciale, ou divulguer des secrets susceptibles d’attenter à la sécurité publique). Mais cette absence de censure ne rend pas la presse libre : un paraplégique a le droit de grimper aux arbres, mais prétendrait-on qu’il est libre de le faire ? La presse n’exerce pas la liberté qui est légalement la sienne, et déontologiquement une obligation (les journalistes ont non seulement le droit d’informer, mais le devoir de le faire, sans divulguer leurs sources, et dès lors qu’ils détiennent une information intéressant la vie publique). Par quoi la liberté de la presse est-elle restreinte ? Plusieurs journalistes présents dans la salle ont essayé de le dire à Michel Samson : la très mauvaise santé économique du secteur le met à la merci d’une triple pression, qui rend aujourd’hui la presse française franchement médiocre : - la pression des annonceurs publicitaires qui laissent planer la menace directe ou indirecte de retirer des marchés publicitaires si des articles négatifs paraissent sur eux. Cette pression existe de la part des

industriels mais aussi des collectivités publiques, qui sont annonceurs : ainsi Philippe Pujol, récent prix Albert Londres, rappelait qu’à la Marseillaise on ne prononçait pas le nom de «Jean-Noël» par peur de perdre des marchés. On pourra aussi remarquer, dans les pages de Zibeline, la rareté de publicités émanant de la Ville de Marseille... - la pression des propriétaires des journaux, qui se réduisent en France à quelques grands groupes. Ainsi on imagine mal Le Point enquêter sur la FNAC, puisqu’ils font tous les deux partie du groupe Pinault. Ou plus près d’ici La Provence se pencher sur les conditions de l’arbitrage de l’affaire Tapie / Crédit Lyonnais, même si on a vu parfois des journalistes héroïques... - la pression des ventes, et donc des lecteurs, de leur désir de scoop : les journaux sont condamnés à vendre, donc à produire de l’information racoleuse, des unes marketing, des images choc. On l’a vu lors de la prise d’otage de l’hyper Casher, où BFM fut indigne. Mais chaque jour, dans les quelques kiosques qui subsistent, seules les unes sur les scoops politiciens, les derbys de foot, les faits divers sanglants ou croustillants s’étalent, et la réflexion, l’analyse, les subtilités de la réalité sociale, culturelle, régionale, mondiale, disparaissent. C’est sans doute la demande supposée ou réelle du lecteur qui restreint le plus notablement la liberté du journaliste. Seule une éducation à la presse bien pensée pourrait y remédier, et une refonte totale des aides de l’État, qui viseraient enfin à promouvoir la qualité des médias, et non la prétendue modernisation des outils... AGNÈS FRESCHEL

«On joue avec le feu !» I

l a «désinformé la France durant 20 ans», tel qu’il l’annonce lui-même sur son compte Twitter. Bruno Masure, présentateur du journal de 20h sur TF1 puis France 2 entre 1984 et 1997, était à Salon-de-Provence le 30 janvier. Invité par l’association Allez Savoirs, l’ancien homme-tronc s’est livré à une conférence-débat sur les dérives des médias, avant de répondre à nos questions. Il porte un regard acerbe, nourri de ses (mauvaises) expériences, sur la façon dont est traitée l’information aujourd’hui Zibeline : Vous dénoncez la façon dont vous et votre rédaction avez couvert les attentats de 1995 à Paris. Vingt ans plus tard, qu’est-ce qui a changé ? Bruno Masure : À l’époque, on commençait à être dans la dérive, à entrer dans l’information-spectacle, et je crains que ce mouvement soit irréversible. Les pressions de l’audience, de la concurrence, sont devenues trop fortes. De plus, aujourd’hui, avec les téléphones portables, n’importe qui peut filmer n’importe

devient public, c’est une forme de perversion de l’information.

Bruno Masure © X-D.R

quoi. Ce qui me frappe c’est que, lors de la prise d’otages à l’Hyper Casher, malgré la présence sur place des dispositifs démesurés de toutes les télés, les images de l’assaut ont été filmées par un particulier du haut d’un balcon. Il ne sert à rien de le regretter, c’est l’évolution des temps et on ne pourra rien y changer. Mais c’est assez angoissant : plus aucun événement n’échappe à personne, tout

Si l’on ne peut plus échapper à cette perversion, peut-on encore y résister ? Il faut déjà que tout cela se décante... Internet n’est qu’à ses balbutiements, il peut nous apporter le pire comme le meilleur. J’espère qu’on ne gardera que le meilleur, mais j’ai un petit doute ! D’une manière générale, dans les pratiques actuelles, on joue avec le feu. Lors des événements récents, des otages auraient pu être tués à cause d’une bavure journalistique. Bien sûr, dans de telles situations, on ne peut pas imposer un black-out, faire comme s’il ne se passait rien. Mais on peut rester les pieds sur le frein, imaginer les conséquences. Et ne pas avoir le comportement puéril et irresponsable d’annoncer une information sensible juste pour montrer qu’on a réussi à l’avoir trois minutes avant le concurrent. Propos recueillis par JAN-CYRIL SALEMI


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Liberté de critique L

e corollaire indispensable de la liberté de la presse, ou de la liberté de création, est la liberté de la critique. Radio Grenouille avait le droit de se pencher sur les «féministes islamiques» lors de l’hommage de La Friche à Charlie Hebdo, si nous avons le droit de dire que cela est absurde... Ainsi Houria Bouteldja, porte-parole des Indigènes de la République, déclara qu’il y avait en France un racisme d’État qui visait les Musulmans. Les féministes «main stream» furent également qualifiées de racistes : «nous sommes sommées de nous émanciper comme il faut», déclara Hanane Karimi, sociologue. Mais la seule revendication claire qu’elle formula fut que les femmes voilées puissent aller travailler librement, «surtout quand c’est un impératif économique». Elle disqualifia également l’opposition entre foi et raison au nom d’un refus de la pensée occidentale colonisatrice. Que voulait donc Radio Grenouille en organisant ce plateau public, et en n’apportant aucune contradiction aux propos échangés ? Certes l’État Français s’est sans doute trompé avec sa loi sur le voile, et la plupart des politiques continuent d’entretenir des liens privilégiés, plus ou moins privés, avec l’église catholique. Hélas les femmes musulmanes en France, comme le rappela justement Houria Bouteldja, «subissent la triple peine» (discrimination sociale, raciste, sexiste). Mais pour combattre cela faut-il amalgamer l’oppression privée exercée par les hommes (musulmans) et celle opérée par la société, ou par l’État : si la société est de fait souvent discriminante en France, le droit ne l’est pas. Les religions minoritaires se pratiquent librement, alors que dans la plupart des pays à majorité musulmane la religion est obligatoire, les homosexuels

Exposition charlie Hebdo, journal irresponsable © X-D.R

violemment réprimés, les femmes légalement dépendantes des hommes, le ramadan obligatoire, l’alcool interdit. Nombre de nos citoyens qui viennent de ces pays musulmans les ont quittés à cause des régimes liberticides qui y règnent. Mais peut être que la liberté et l’égalité sont aussi des valeurs occidentales colonisatrices ? L’exposition que la Friche consacre à Charlie Hebdo, qui rassemble de nombreuses unes, des extraits de journaux télévisés rendant compte du procès, permet au contraire d’affirmer l’esprit

de liberté, et de résistance : la presse peut le faire par la caricature, ou par l’analyse. Ou par la tribune libre, si elle y apporte une contradiction nécessaire... A.F.

L’expo Charlie Hebdo, journal irresponsable, se poursuit à la Friche, Marseille, jusqu’au 22 février www.lafriche.org


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Comment la Cour compte Un rapport de la Cour des comptes «épingle le MuCEM», et la presse s’en fait largement l’écho

E

tonnant ? Non, attendu, tant il est courant pour la Cour et la presse de s’attacher à dénoncer les dépenses culturelles, toujours trop importantes à leurs yeux. Libérale, la Cour des comptes a du mal à admettre que la Culture coûte. Quant à la presse, elle bénéficie de largesses inconsidérées et très mal ciblées du ministère de la Culture, et ne prend pas vraiment le temps de crier au scandale à ce sujet. Ainsi le Figaro notait cet été que «Entre 2002 et 2013, le coût du musée a dérapé de 89%, passant de 88 millions à 160 millions d’euros», et le Monde relève aujourd’hui un «surcoût de 82%» des travaux. Or les deux quotidiens empochent 16 à 18 millions annuels chacun du ministère de la Culture : le MuCEM, musée national, n’a coûté à ce même ministère, pour la construction de ses trois sites, «que» 110 millions, c’est-à-dire nettement moins que chacun des deux journaux pour la même période. Et il s’agit de l’investissement initial, et non de son fonctionnement annuel... Car le MuCEM est un musée national qui a dû, pour sortir de terre, faire financer une bonne part de son investissement par les collectivités locales et territoriales : plus de 58 millions d’euros ont été consacrés par la Ville de Marseille, le conseil général 13 et le conseil régional PACA à l’édification des bâtiments. On sait que le surcoût de construction du MuCEM, et la Cour des comptes en convient, est dû aux atermoiements dommageables, de plus de 5 ans, qui ont précédé le début des travaux du musée. Pourquoi reprocher aujourd’hui encore au MuCEM d’avoir souffert des reculades successives de l’État ?

Un musée en province

Le projet du MuCEM est unique : le transfert des collections parisiennes, provenant principalement du Musée National des Arts et traditions populaires, et leur inadéquation au projet européen et méditerranéen du MuCEM, est structurel, et explique le budget d’acquisition important d’un musée qui doit, par nature, inventer son fonds. Là encore, pourquoi en faire le reproche ? Il fallait soit garder le MNATP à Paris en l’état, soit déménager les collections, construire les bâtiments, renouveler les collections. Et donc investir des sommes importantes, pour la première fois hors de la capitale. Le MuCEM est donc ce qu’il est : un bâtiment beau et coûteux. Un autre reproche est celui du coût mal estimé de l’entretien d’un bâtiment ouvert exposé aux agressions maritimes, et victime d’une affluence qui dépasse les prévisions. Aurait-on préféré un bâtiment sans matériau innovant, laid et obscur, et moins fréquenté ?

Le MucEM © Agnès Mellon

Certes, des dysfonctionnements existent : les salles du Fort Saint Jean sont inaptes à recevoir les expositions initialement prévues, par exemple. Mais pourquoi regretter que seul un tiers des visiteurs des jardins, du J4 ou du Fort Saint Jean entrent dans les expositions payantes, alors que ces entrées sont deux fois plus nombreuses que les prévisions les plus optimistes ?

Un musée public

Car un autre des dysfonctionnements relevé par la Cour des comptes est la faiblesse des recettes propres. Entendez la billetterie, et le mécénat. Or le MuCEM affiche, grâce à son succès en termes d’entrées payantes, un taux de recettes propres honorable, de l’ordre de 23%. C’est certes bien moins que le Louvre ou Versailles, mais de quoi parle-t-on ? Paris est la première ville touristique du monde... Envisage-t-on sérieusement qu’il y ait autant de visiteurs payants au MuCEM que dans des musées qui possèdent des fonds d’art parmi les plus importants du monde, des bâtiments historiques, des espaces susceptibles d’accueillir plusieurs dizaines de milliers de visiteurs par jour ? La gratuité des manifestations et les tarifs bas pratiqués au MuCEM sont en adéquation avec la réalité économique de Marseille... Il en est de même pour le mécénat : on ne peut attendre qu’à Marseille les entreprises locales investissent autant que les parisiennes. Quant aux entreprises nationales, elles aussi préfèrent la capitale. L’exigence d’un taux minimum de recettes propres de 20% aboutit à des arrangements préjudiciables pour les visiteurs. Ainsi le parking Vinci situé sur le J4 pratique des tarifs prohibitifs, et le restaurant Passédat qui bénéficie de la beauté incomparable de la terrasse construite avec des fonds publics a une carte nettement trop chère. Boire un café et

manger un sandwich, ou se garer, coûte plus que le prix d’entrée... Le fait de devoir réduire les dépenses de fonctionnement pour faire entrer la masse salariale dans les critères amène aussi à sous-traiter l’accueil du public, l’entretien des bâtiments et la sécurité. Si le MuCEM, victime d’un succès inattendu, a besoin de plus de personnel, ne vaudrait-il pas mieux le recruter que de faire exploser les budgets consacrés à ces postes ? Plus généralement, la Cour des comptes ne pourrait-elle considérer qu’un bâtiment culturel n’a pas pour vocation de rapporter de l’argent ? Qu’il est crucial aujourd’hui de réfléchir aux enjeux méditerranéens, et qu’il est normal que ce soit à Marseille que ça se passe ? Que le fait que Paris et l’Île de France consomment près de 75% du budget du ministère de la Culture doit être aujourd’hui corrigé, et qu’effectivement cette décentralisation culturelle nécessaire a un coût ? AGNÈS FRESCHEL


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Changer demain(s) 1er

janvier 2015 : la gestion et l’animation de la Villa Méditerranée quittent le giron de la Région PACA pour revenir au GIP AVITeM (Groupement d’intérêt public Agence des villes et territoires durables méditerranéens1). La passation symbolique s’est effectuée le 11 février, dans ce bâtiment mis au jour par la volonté de Michel Vauzelle, il y a près de deux ans. Depuis, sa silhouette caractéristique est devenue familière aux marseillais comme aux nombreux touristes en visite sur le front de mer. Ainsi que le martèle volontiers le président de Région, du fait de leur proximité, «Certains ont pensé que c’était un MuCEM en moins bien ! Non, le MuCEM est un musée, la Villa Méditerranée, en quelque sorte un musée de l’avenir». Avant de préciser ce qu’il entend par cette formule mystérieuse : un lieu dédié au dialogue entre les peuples, car pour lui la diplomatie ne doit pas être seulement le fait du Quai d’Orsay, mais aussi celui des collectivités territoriales. De même que la démocratie doit être prise en main par les citoyens, sans laisser les décisions aux seuls politiques. Si la Villa Méditerranée change de statut juridique, cette transition se veut sans rupture. La Région continuera à en assumer le coût, et Michel Vauzelle s’engage à «la défendre avec des arguments politiques forts devant la Cour des

© Gaëlle Cloarec

comptes». Serge Telle, le président de l’AVITeM, entend laisser toute sa place à la société civile en ses murs, poursuivre les colloques, «et faire en sorte qu’ils deviennent des programmes, puis des politiques publiques». Rappelons que l’objectif principal du GIP est de promouvoir le développement urbain et territorial des pays du pourtour méditerranéen, avec un dispositif d’échange de compétences et de coopération. Pour son directeur général, Jean-Claude Tourret, l’objectif est de toucher concrètement la population, de «changer le regard sur la Méditerranée». Si le public hésite parfois à pousser la porte de la Villa, associations et institutions ont déjà bien identifié ses atouts, le vaste auditorium sous le niveau de la mer n’étant pas le moindre. Outre des partenariats noués avec le pôle méditerranéen, le MuCEM et Aix-Marseille Université, en 2015 elle devrait accueillir de 50 à 60 projets. Parmi les axes forts de sa programmation, les médias, la citoyenneté,

l’environnement, les échanges économiques et scientifiques, la formation et l’emploi des jeunes. Il est à noter qu’en juin, pour préparer la 21e conférence mondiale sur le climat qui se tiendra à Paris à la fin de l’année, la Villa Méditerranée accueillera en présence du président de la République la MEDCOP21, réunion d’élus, entreprises et acteurs de la société civile du bassin méditerranéen, zone particulièrement exposée au changement climatique. GAËLLE CLOAREC

L’AVITeM associe l’État, la Région PACA, la Métropole Nice Côte d’Azur, MPM, la Communauté d’agglomération Toulon Provence Méditerranée, la Ville de Marseille et Euro-Méditerranée

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www.villa-mediterranee.org


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Lieu d’art Façade de l’Hôtel de Caumont © C. Michel

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près les fastes du passé, entre barons et marquis puis un épisode glorieux de la résistance, l’Hôtel de Caumont avait changé de nom pour devenir le Conservatoire de musique et de danse Darius Milhaud, en 1964, acheté par la Ville d’Aix-en-Provence. Cette dernière, afin de financer la construction du nouveau Conservatoire, l’a cédé pour 10 millions d’euros en 2010 à Culturespaces* qui le convertit en Centre d’Art, avec une inauguration programmée le 6 mai. Par ce choix culturel, la mairie d’Aix fait échapper ce bijou, illustration accomplie de l’architecture française du XVIIIe siècle, à des projets d’hôtellerie ou de spa. La vie de cet ancien hôtel particulier va être dédiée à la culture de tous et pour tous. Des actions spécifiques s’adressent au public jeunesse en relation avec les écoles. Culturespaces joue entre le concept muséal et le lieu de vie. Sont ainsi prévues en temps forts, deux expositions temporaires, un film sur Cézanne, puis des conférences, des performances artistiques, des forums, des concerts (dans l’auditorium). L’art trouve un espace idéal, que ce soit pour les siècles passés ou le XXIe. Pour inaugurer le lieu et lui rendre hommage, la première exposition, dont la commissaire Bozena Anna Kowalczyk parle avec une érudite passion, s’intitule Canaletto, Rome-Londres-Venise. Le triomphe de la lumière (du 6 mai au 13 sept 2015), et a bénéficié de prêts nationaux et internationaux prestigieux (National Gallery de Londres, Metropolitain Museum de New York, Galerie des Offices de Florence…). La programmation culturelle est d’une

richesse à la hauteur des ambitions de ce nouveau lieu, conjuguant diversité, qualité et innovation, dans une esthétique de la surprise que revendique la responsable de la programmation culturelle et des expositions, Sophie Aurand-Hovanessian, qui souhaite que «plus qu’un lieu d’exposition, l’Hôtel de Caumont soit un espace où l’art vibre». Bien sûr, pour rendre au public la cour d’honneur, les jardins, les différents salons, les galeries, reconstituer même quelques pièces pour donner un aperçu du cadre de vie de la grande bourgeoisie aixoise du XVIIIe, il a fallu tout un travail de fourmi, et l’expertise de Mireille Pellen, architecte du Patrimoine, pour retrouver les couleurs, les formes, les bois, les délicates gypseries, dégager les ouvertures… 18 mois de travaux, 12.6 millions d’euros (950 000 euros de la DRAC, 579 000 euros de la Communauté du Pays d’Aix, 243 000 euros de mécénat, 10.8 millions d’euros de Culturespaces) pour restaurer, équiper, aménager, décorer ce bâtiment classé Monument historique et en démocratiser ainsi l’accès selon le vœu de Bruno Monnier, Président et Fondateur de Culturespaces. MARYVONNE COLOMBANI

* Culturespaces gère déjà quatorze lieux patrimoniaux prestigieux. C’est la première fois, avec l’Hôtel de Caumont, que Culturespaces est propriétaire d’un lieu.

Ouvert tous les jours à partir du 6 mai www.caumont-centredart.com

Pour l’amour de l’art Après qu’un vent de folie a soufflé sur Marseille capitale européenne de la culture, prolongé en 2014 par quelques institutions, qu’en est-il aujourd’hui de l’art contemporain ?

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e paysage est aussi contrasté que la situation est paradoxale. À côté des géants que sont le MuCEM, les musées, la Friche la Belle de Mai, le FRAC et l’ESADMM, des lieux historiques ont disparu -Atelier de visu, Galerieofmarseille, galerie Sordini, Fondation Vacances bleues- ou se battent comme des lions face à l’adversité, quand d’autres éclosent. Plus que jamais le territoire fourmille d’espaces divers -galeries privées, associatives, concept store, galerie-atelier, résidences- dont le seul moteur commun est «l’amour de l’art». Et peu importe les risques financiers, les baisses des subventions, la raréfaction des collectionneurs, rien n’entame leur enthousiasme ! Ils marchent dans les pas de leurs aînés fédérés au sein de Marseille Expos, tête de pont de projets communs et médiatiques : Printemps de l’Art contemporain, Art-O-Rama, Nuit des galeries et le dernier-né Paréidolie. Ce réseau agit comme une locomotive pour les jeunes pousses qui comptent sur leurs fonds propres et leur passion pour résister aux aléas de la vie culturelle. À l’image de la galerie Béa-Ba qui, après trois expositions dont Claude Viallat, sera bientôt membre. «C’est un vrai enjeu pour donner une visibilité à la galerie, expliquent Béatrice Le Tirilly et Barbara Satre, conscientes de la difficulté du marché. Quand on sait que beaucoup de gens à Marseille ont les moyens d’acheter une œuvre d’art, la vraie problématique est de savoir susciter leur désir pour acheter à Marseille et non pas à l’étranger…». Même pari pour la


11 Exposition Viallat à la galerie Béa-Ba © Galerie Béa-Ba

Art Est Ouest Ombres et lumières, Olivier Bernex jusqu’au 21 février 22 cours F. Roosevelt, Marseille 1er 06 17 24 81 86 http://art-est-ouest.org

globalisé toutes mes envies dans ce concept-store pour défendre la gourmandise et le design international». Autre lieu autres mœurs avec la Villa Alliv, flambant neuve, qui croise galerie et résidence d’artistes et multiplie les genres et les événements (scène électro, art contemporain, graphisme) tandis que des galeries historiques s’interrogent sur la diffusion de l’art contemporain et son accès au plus grand nombre. Telle Art-cade qui a ouvert une vitrine sur la rue, allumée la nuit, comme une extension de son propre espace : après la vidéo de Marie Ducaté, celle de Dominique Angel s’immiscera dans la vie des noctambules… MARIE GODFRIN-GUIDICELLI © Dominique Angel, capture d’écran de la vidéo Pièce supplémentaire n°29 (l’évasion) dans la vitrine de la galerie Art-cade

galerie Lou Arfi, ouverte en décembre, qui revendique des choix très classiques : «j’aime la couleur, la matière, la peinture. Je suis à contre-courant de l’art conceptuel et des mouvements actuels. Je sais que je ne vais pas gagner ce que je gagnais dans les ressources humaines ! C’est une nouvelle vie. Je vais me faire plaisir en éclairant des artistes qui sont dans l’ombre. C’est peut-être naïf mais je suis de caractère optimisme». D’autres comme L’Autoportrait ou Et moi et moi marient in situ commerce et art. Partant du constat que «beaucoup de gens passent du temps dans un salon sans s’enrichir culturellement», Eve Renoult et Balthazar Daninos ont créé «un salon d’art-galerie de coiffure pour envelopper la clientèle d’un bain artistique». Et ça marche, Flop Lefevre sera bientôt dans les murs et le retour de la clientèle est positif ! Pour Jacqueline Régis, ex-directrice du Centredesignmarseille, faire cohabiter l’art, le design et le chocolat n’est pas une nouveauté : «j’ai

Béa-Ba art contemporain Claude Viallat jusqu’au 14 mars 122 rue Sainte, Marseille 7e 09 67 25 68 89 www.galerie-bae-ba.com L’Autoportrait Flop Lefebvre du 21 avril au 31 juillet 66 rue des 3 Frères Barthélémy, Marseille 6e 04 91 63 20 43

Galerie des Grands Bains douches de la Plaine Pièce supplémentaire n°29 (l’évasion), Dominique Angel 35 bis rue de la Bibliothèque, Marseille 1er 04 91 47 87 92 www.art-cade.org Galerie Lou Arfi Carlos Cobra, Michèle Lellouche, Catherine Dunoyer, Brigitte Eymann 70 rue Sainte, Marseille 7e 09 83 63 07 39 www.galerielouarfi.com Villa47. Marseille 47 rue de Crimée, Marseille 3e 06 95 12 76 29 Galerie Paradis Chinois Le chant du silence, Mai Yi et Gomidas jusqu’au 20 mars 180 rue Paradis, Marseille 12e 07 81 75 92 08 www.galerie-paradis-chinois.com No-oK Art Gallery 2 rue Méry, Marseille 2e 06 17 91 06 45 www.no-ok.com

Et moi et moi et moi 8 bd Notre-Dame, Marseille 6e 04 91 54 08 88

Villa-Alliv 21 boulevard de Tunis, Marseille 8e www.facebook.com/wearealliv

Le LAB 3 rue Bussy l’indien, Marseille 6e 09 63 69 63 39 www.lelab13006.com

Galerie-atelier Sylvie Adaoust 60 rue Edmond Rostand, Marseille 6e 06 26 09 34 15


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Une 69 édition à In et à nue e

aëlle Bourges était l’invitée ce 9 février des rencontres du Festival d’Avignon, pour présenter sa pièce A mon seul désir, qu’elle reprendra pour la 69e édition. En convoquant sur scène quatre femmes nues pour interpréter visuellement et textuellement les six panneaux de la tapisserie du Moyen-Âge La Dame à la licorne, représentant 5 sens plus un 6e plus mystérieux, la chorégraphe-performeuse poursuit son travail sur l’histoire critique de la représentation des corps. Elle s’appuie sur des œuvres emblématiques de l’histoire de l’art pour «questionner le discours des historiens et montrer comment les corps des femmes ont été phagocytés dans l’imagerie occidentale à travers le regard de l’homme»» et partager, en post-féministe revendiquée, son interrogation sur «la question du naturel… et la déconstruction de cette image d’Epinal qui représente un corps nu par une femme, érotisée, un stéréotype lassant». Cette 69e édition, qu’on espère séduisante, 2e de l’ère Py, se dévoile chaque mois un peu plus et sera divulguée dans sa totalité le 26 mars. Les premiers projets présentés ont été ceux d’Olivier Py, qui a inauguré lui-même le cycle des rencontres, avec Hacia la Alegría (Vers la joie) qu’il vient de monter à Madrid avec

A mon seul désir © Danielle Voirin

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Pedro Casablanc, puis celui du chorégraphe Fabrice Lambert qui créera avec 10 danseurs Jamais assez sur le pouvoir des masses et la relation à l’énergie, de Pierre Meunier avec Forbidden di sporgersi, On pourrait apercevoir le bout du tunnel, et pour finir les Estoniens Ene-Liis Semper et Tiit Ojasoo qui présenteront l’intrigant NO51 Ma femme m’a fait une scène… DELPHINE MICHELANGELI

Festival Greli Grelo

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reli Grelo, y’a des spectacles dans mon vélo… voilà un festival «pour toute la famille» qui donne envie dès son affiche. Du vert et du rouge qui claquent, des coups de crayons assurés esquissant un vélo, issu sans douter du rutilant Vélo Théâtre et de sa Cie éponyme organisatrice du festival, et niché quelque part en Pays d’Apt, au pied d’une fenêtre. Il ne reste plus qu’à l’ouvrir pour découvrir les merveilles, dont moult pièces de théâtre d’objets, spécialité de la maison, dénichées pour cette 8e édition. On pourra voir la Cie Vilcanota où deux danseurs chantent Lapointe dans Boby Boy, la Cie Mazette dans © Louise-Marie Cumont

l’univers d’un clown poète avec Ode à la neige, le collectif Aie Aie Aie pour une relecture aigre-douce de la Petite marchande d’allumettes dans Soufre et qui jouera, pour les plus grands, Ma biche et mon lapin, un «court-spectacle» sur table autour d’histoires d’amour. La Cie Bob Théâtre présentera Fin de série et Sous les yeux de mon père, et la Cie Vélo théâtre Y’a un lapin dans la lune, une valeur sûre ! Pour finir, la Cie italienne Piccoli Principi fera naître des histoires découpées en direct et Polina Borisova partagera les souvenirs d’une vieille femme dans Go. À découvrir également les livres-sculptures de Louise-Marie Cumont dans l’expo itinérante Tissu d’histoires, dès le 20 fév, ou Du coq à l’âne par le constructeur de machines ludiques Roland Roure. What else ? Une vraie et saine politique tarifaire : 3 euros l’entrée (ou 3 roues, la monnaie locale complémentaire) ! DE.M. Festival Greli Grelo du 6 au 15 mars Pays d’Apt 04 90 04 85 25 www.velotheatre.com

La 69e édition du Festival d’Avignon aura lieu du 4 au 25 juillet

La BD et le réel D

ocumentaire et reportage inspirés par le réel composent désormais largement les ouvrages des écrivains et des auteurs de bande dessinée, qui témoignent du monde qui les entoure. Dans le cadre du cycle Les auteurs questionnent le monde, 4 rencontres gratuites auront lieu à la Bibliothèque départementale des Bouches-du-Rhône. Le 10 mars, le dessinateur marseillais Clément Baloup et la journaliste Sandrine Lana présenteront leur documentaire croisé autour de l’ancienne usine de Géménos, Fralib : la boîte à thés. Le 14, l’écrivain Gauz présentera son 1er roman, Debout-Payé, un reportage de notre société de consommation à partir des immigrés africains engagés dans les grandes surfaces comme vigiles, qui scrutent toute la journée les gestes des clients. Le 19 mars, lors de la table ronde La bande dessinée documentaire, un genre à la croisée des mondes, le média hybride La Revue Dessinée lancera son numéro 7 à l’occasion du festival BaDaM (17 au 22 mars). Puis le 13 avril, Christophe Dabitch et Daniel Blancou présenteront l’ouvrage collectif Être là. DE.M. BDR, Marseille 04 13 31 82 00 www.biblio13.fr www.culture-13.fr



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Extension du domaine chorégraphique

Régine Chopinot au Domaine de Baudouvin, La Valette du Var © Jean-Baptiste Warluzel

Disparue des écrans radars institutionnels depuis son départ du CCN de La Rochelle*, Régine Chopinot réapparait sur le territoire varois à la faveur de plusieurs projets, dont L’Oreille des lieux à La Valette

E

ntre-temps, Régine Chopinot crée la structure Cornucopiae - the indépendant dance, essaimé des workshops au Japon, en Nouvelle-Zélande, en Nouvelle-Calédonie, en Afrique comme on sème des petits cailloux derrière soi… Puis s’installe à Toulon, en 2010, son port d’attache familial : «Je reviens à l’endroit de la personne qui m’a appris à voir, ma grand-mère. Toulon, c’est un port, face à l’Algérie où je suis née… Et il y a Christian Tamet (directeur du CNCDC Châteauvallon, ndlr) avec qui j’ai travaillé à Lyon.» Et réalise un projet chorégraphique interdisciplinaire au sein du CNRR, «… Exquis…», avec des chanteurs, des musiciens, un jeune compositeur, des chanteuses. Discrètement. «Sortant d’un des symboles de l’institution, j’avais

un réel besoin que les gens se rencontrent, je voulais inventer de nouvelles formes, travailler sur la transversalité. Depuis trois ans on ne me voit pas travailler pourtant je fais exactement ce que je veux. Je fais des petites choses avec la même intensité et le même engagement que des grandes choses». C’est ainsi que durant trois ans «…Exquis…» a trouvé ses points d’ancrage au CNRR, puis s’est étendu à l’école des beaux-arts toute proche (ESATPM). Une expérience qui a remué tout le monde, y compris la chorégraphe, portée par l’énergie de la jeunesse et la confiance des structures, notamment de Châteauvallon qui s’y est associé : «Çà mousse parce qu’il y a des énergies, du travail. Ici j’ai recommencé à zéro du point de vue de la forme, avec une vraie force. C’est entrain de pousser, à l’intérieur». À l’image de l’Atelier de recherche et de création (ARC) créé dans le cadre de la 3e année des beaux-arts avec la complicité de Patrick Sirot, Michel Massi, Valérie Michel et Isabelle Bourgeois, sa présidente. Dès lors le projet de La Valette est en germe…

Oreilles grandes ouvertes à La Valette

Laissant «…Exquis…» voler de ses propres ailes, Régine Chopinot est à la barre de L’Oreille des lieux avec le soutien d’Isabelle Bourgeois qui dirige l’espace d’art Le Moulin : «C’est la première fois que je travaille avec une élue qui prend du temps, qui invite une artiste à observer son territoire et qui s’engage. Aujourd’hui je commence à être prête à accepter le rôle

que peut éventuellement jouer une artiste». Depuis octobre 2014, fort d’avoir arpenté les endroits clefs de La Valette, la voici maître d’œuvre d’ateliers et de workshops avec les écoles, la médiathèque, les riverains. La voici partageant ses questionnements à travers la danse et les mots : «Comment un lieu résonne en soi ? Comment un endroit inspire des onomatopées ? Comment l’expérience que l’on accumule et que l’on affectionne modifie notre parole ? Je suis obligée, petit à petit, de transmettre par la force des mots et des images car le corps est en train d’aller ailleurs. Je parle de la force des paroles incarnées…». Désormais, avec Régine Chopinot comme guide, les Valettois se rencontrent, redécouvrent leur territoire, se réapproprient le domaine des Gueules cassées et le Jardin remarquable, l’ancien gymnase ou l’ancienne discothèque La Tomate de manière inédite, physique et affective. Par la pratique artistique, loin de toute idée de représentation : «Je ne dis pas la danse, je dis les corps qui bougent. Ce n’est pas une histoire d’amateurs ou de professionnels, mais de gens qui ont encore les oreilles ouvertes». MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

* Régine Chopinot a dirigé le CNN de La Rochelle de 1986 à 2008



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Bookstory,

boussole éditoriale de travailler «juste au-dessus des livres». Tous deux ont suivi une formation en communication et marketing et c’est de Guillaume Fournier qu’est venue l’idée. Dans le cadre de son projet de master, il a créé une société fictive… devenue réalité, puisque le projet Bookstory a été présenté en 2010 à l’incubateur du Pôle Média de La Belle de Mai et retenu ! Il a donc bénéficié d’un soutien non négligeable, tant du point de vue logistique que sur le plan financier. Ainsi, ce qui n’était à l’origine qu’un amusement d’étudiant a pu voir le jour, après tout de même deux ans d’incubation et beaucoup d’acharnement : il y a cinq ans, l’édition numérique en était encore à ses balbutiements. Un Arc-en-Ciel et des Ombres Flottantes de Lou Vernet

«L

isez aujourd’hui ce que tout le monde lira demain», voilà ce qu’on peut découvrir en entrant sur le site de Bookstory, une jeune maison d’édition numérique installée à Marseille. Le concept est celui d’une plateforme communautaire permettant à des auteurs de présenter leurs manuscrits en ligne et d’avoir un premier retour de lecteurs. Plus un livre est téléchargé, plus son prix grimpe (mais pas au-delà de 6 euros), plus l’auteur est rémunéré, plus il a de chances d’être sélectionné pour être orienté vers un éditeur «traditionnel» susceptible de le publier. C’est cela que Bookstory appelle être une «boussole éditoriale».Car, à la différence d’autres plateformes qui proposent des livres en format numérique, ce que Bookstory souhaite offrir à des auteurs inconnus, c’est la chance d’être distingués dans la masse (sachant que seulement 0,2% des auteurs qui envoient un manuscrit à un éditeur classique sont effectivement publiés), et, plus tard, la possibilité d’être édités sur papier.

Un rêve d’étudiant devenu réalité

Aux commandes de cette petite entreprise, deux amis, Guillaume Fournier et Yankel Zaradez. Installés au premier étage de la librairie L’Attrape-mots, les deux presque trentenaires se disent ravis

Bookstory aujourd’hui

S’ils n’en vivent pas encore, les deux compères déclarent que «le projet s’auto-suffit». Trente-cinq titres proposés sur le site, un comité de lecture composé de lecteurs «légitimes» quoique pas tous professionnels, quelques auteurs repérés et édités, comme Marc Spacessi, auteur entre autres de Marseille-Cassis et de Coda, ou Lou Vernet dont Un arc-en-ciel et des ombres flottantes connaît un joli succès… Reste aujourd’hui à affiner la ligne éditoriale, à passer «du lisible au littéraire». Ils ont besoin pour cela d’encore plus de lecteurs qui commentent et évaluent les livres proposés. Il faudrait aussi parvenir à franchir la dernière marche, la plus difficile : trouver des éditeurs. Ceux qu’ils contactent sont généralement bienveillants à leur égard et jugent la démarche intéressante. Mais de là à concrétiser… Bref, ce n’est pas encore gagné. Guillaume et Yankel ne baissent pourtant pas les bras. Ils croient en leur projet, y mettent toute l’énergie de leur jeunesse, y consacrent tout leur temps libre. Alors, que vous soyez auteur, lecteur ou éditeur, allez faire un tour sur le site, inscrivez-vous, participez. Car sur Bookstory, «c’est vous qui faites la pluie et le beau temps». FRED ROBERT

www.bookstory.fr

Prêts ?

Partez ! La Biennale des Jeunes Créateurs d’Europe et de Méditerranée prépare sa sélection...

L’

appel à candidatures est ouvert pour cette manifestation intitulée désormais Mediterraneo, et qui se tiendra à Milan en octobre 2015 : 70 partenaires des pays méditerranéens, européens et africains sélectionnent actuellement plasticiens, réalisateurs, écrivains, performeurs, musiciens, danseurs, acteurs et graphistes de moins de 30 ans, et chorégraphes et metteurs en scènes de moins de 35 ans. En France, il faut résider en PACA pour participer, et ne pas avoir été sélectionné lors des 16 éditions précédentes. Car cette biennale est la 17e... et a vu défiler nombre de jeunes artistes qui depuis se sont fait un nom : la BJECM n’attribue pas de prix, mais elle prend en charge les déplacements et hébergements à Milan, ainsi que la communication et l’édition de catalogues, constituant ainsi une formidable vitrine. En France les structures partenaires sont l’École supérieure d’art et design Toulon Provence Méditerranée, l’Association Seconde Nature du Pays d’Aix, l’Espaceculture_Marseille et la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Tous les quatre vont sélectionner 27 artistes, sur dossier comprenant projets et travaux antérieurs ; la date limite de dépôt des candidatures est fixée au 16 mars. Le thème cette année est No Food’s land, et les œuvres devront roder autour du processus de nutrition, symbolique ou matériel... dans les catégories suivantes : ARTS VISUELS (peinture, sculpture, gravure, photographie, art vidéo, installation, art public, projet web et multimédia, performances sans espace d’exposition), GRAPHISME ET WEB DESIGN, LITTÉRATURE (textes de tout genre, non édités, de moins de 15 pages), SPECTACLE VIVANT (Théâtre, Danse, Performances urbaines), MUSIQUE (tout genre) et CINÉMA/VIDÉO. Les artistes sélectionnés par l’Espaceculture_Marseille bénéficieront par ailleurs d’une visibilité supplémentaire : un Retour de biennale est prévu à chaque édition, avec exposition et spectacles, à Marseille. AGNÈS FRESCHEL

Espaceculture_Marseille 04 96 11 04 76 Seconde Nature, Aix-en-Provence 04 42 64 61 00 École supérieure d’art et design, Toulon Provence Méditerranée 04 94 93 70 72 www.bjcem.net


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Vincent, Marcel et les autres Les 30 et 31 janvier, la Fondation Van Gogh Arles organisait, sous la houlette de sa directrice Bice Curiger, son premier symposium autour des figures tutélaires de Van Gogh et Duchamp

U

ne proposition plutôt réussie si on en juge par l’intérêt porté par le public présent et la diversité des interventions des spécialistes invités. Dans les arts visuels, l’expressivité subjective s’opposerait-elle à la rigueur conceptuelle ? Une peinture sans pensée vs une pensée de la non-peinture ? Hand made ou ready-made ? Van Gogh ou Duchamp ? Ces rencontres, publiques et gratuites, tant par la qualité des communications (à quelques

L’artiste Isabelle Cornaro lors de sa communication sur les espaces plastiques et figures «émotionnelles». © C. Lorin/Zibeline

détails près) que par les échanges avec l’assistance (dont un bon nombre du domaine artistique), ont permis de bousculer les poncifs longtemps placés sous le signe de la bipolarité quasi exclusive entre expression et concept. Il y fut d’ailleurs beaucoup question de Duchamp, de son œuvre et de ses influences au point que l’artiste Guillaume Bruère (présent dans

l’exposition d’inauguration en 2014) déclara que «Duchamp ne doit pas être un audio-guide pour regarder la peinture». On ne relèvera pas ici la gageure de rappeler tous les points d’intérêt abordés durant ces deux jours mais une publication des actes, imprimée et audio, devrait en rendre compte prochainement. Le symposium «Van Gogh-Duchamp : huile & eau ?» s’est déroulé à la Chapelle Saint-Martin du Méjan, à Arles. Intervenants : Mark Alizart, Nicolas Bourriaud, Benjamin H.D. Buchloh, Bice Curiger, Cécile Debray, Nathalie Heinich, Jean De Loisy, Bernard Marcadé, Piper Marshall, François Piron, Ralf Rugoff, Francesco Stocchi ; les artistes : Guillaume Bruère, Andréa Büttner, Isabelle Cornaro, Betan Huws. CLAUDE LORIN

Le symposium Van Gogh – Duchamp : huile & eau s’est déroulé les 30 et 31 janvier à la chapelle du Méjan, Arles


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Notre pain quotidien © KMBO Films

Le choix du pire A

ccompagnant rencontres et tables rondes, le cycle cinématographique Dévorez des yeux s’est poursuivi au MuCEM jusqu’au 15 février. Les 31 janvier et 1er février, carte blanche était laissée aux Journées du Film sur l’Environnement, dont la 10e édition aixoise consacrée à la Planète à table poursuivra du 16 au 18 avril les réflexions menées autour de l’exposition Food. À l’heure de la mondialisation : qu’allons-nous manger aujourd’hui et demain, ici et ailleurs ? La première soirée fut sans parole. Mise en bouche «vintage» avec La mort du rat, court métrage muet de Pascal Aubier tourné en 1973. Comme le Charlot boulonnant des Temps Modernes, Pierre Santini répète le même geste stupide pendant les 5 premières minutes du film, ensachant des haricots crachés par une machine jusqu’à son humaine défaillance. Dès lors, hors usine, la chaîne de la violence accélère. En 2’, celle subie par l’ouvrier sanctionné, passe sur sa femme qui s’en libère sur son fils, qui s’en venge sur le chien, qui attaque le chat, lequel tuera le rat. CQFD ! Fable de 7’ en noir et blanc sur les méfaits du

taylorisme, plutôt drôle au regard du documentaire de 2007 de Nikolaus Geyrhalter, Notre pain quotidien, servi en plat de résistance de la soirée. En couleur cette fois et quelles couleurs ! L’immersion dans l’industrie agro-alimentaire sublimée par une photo léchée y tourne au cauchemar futuriste sous la lumière crue des serres sans fin, dans de lents travellings entre les palissages de plantations hors-sol ou les parois d’acier des couloirs carcéraux de l’élevage en batterie. Dans les champs se déploient des engins apocalyptiques dont on devine à peine les conducteurs et sur lesquels on lit : DOMINATOR. Cauchemar en jaune des poussins aspirés puis soufflés par les machines. Cauchemar en rouge de la chair mutilée, dépecée, tronçonnée, lavée. Cauchemar en blanc des mines de sel, des combinaisons de cosmonautes des «sulfateurs», de la mousse désinfectante qui efface le sang impur des abattoirs. Aucun commentaire. Seuls quelques regards-caméra d’ouvriers en pause déjeuner, mastiquant placidement leur sandwich indiquent la présence du réalisateur et rappellent le titre. Le glaçant possessif et la banalisation due à l’habitude. Oui «notre» pain «quotidien» de terrien est massivement produit ainsi ! Après le choc des images du samedi, les films dominicaux ont mis l’accent sur le poids des mots. Vive la baleine, d’abord, un court métrage militant cosigné en 1972 par Mario Ruspoli, où, sur des images fixes et quelques séquences filmées, la belle voix de Chris Marker revient sur l’histoire

de la pêche à la baleine illustrant l’indéniable talent des hommes pour s’autodétruire. Le temps des grâces, ensuite, de Dominique Marchais, venu présenter cette enquête foisonnante sur les mutations du paysage agricole français de l’après-guerre à nos jours. Un travail patient de quatre ans qui donne la parole aux différentes générations d’agriculteurs, aux ingénieurs, aux politiques, à l’écrivain Pierre Bergougnioux. Qui met en évidence les ravages de l’exploitation intensive, la complexité des systèmes écologiques et leur interdépendance, les solutions encore possibles et la lâcheté politique devant les lobbys internationaux. Qui interroge subtilement la nostalgie d’un âge d’or sans jamais y céder. Il y a pourtant de quoi être découragé par le présent, a affirmé le documentariste, qui constate que depuis son enquête de 2010 l’utilisation de pesticides ne cesse de croître et que les citoyens ne se sentent pas concernés. Chris Marker aurait-il raison et l’homme ferait-il toujours le choix du pire ? ELISE PADOVANI

La carte blanche s’est déroulée les 31 janvier et 1er février au MuCEM


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Empoisonner le monde C’

est l’inquiétude au cœur que l’on est sorti du MuCEM après deux jours consacrés à l’économie des déchets, et à l’alimentation en Méditerranée. Deux points névralgiques, dont on ne sait plus que faire pour qu’ils soient pris en compte à la mesure de leurs enjeux environnementaux et sociaux. Sur toutes les projections, dans les décennies à venir, l’Afrique -notamment subsaharienne- va prendre de plein fouet le retentissement du réchauffement climatique, avec son cortège de famine, d’exodes, de maladies et de guerre. Qui croit encore, à l’ère de la mondialisation, que l’Europe ou la Méditerranée seront épargnées ? La terre s’empoisonne, la mer véhicule des continents de plastique : est-ce parce que cela se répand sous l’eau, à l’abri des regards, que l’on continue à acheter des produits sur-emballés, bourrés de pesticides ? Le premier jour, à l’invitation de l’Institut Méditerranéen des métiers du patrimoine, on a eu l’occasion d’apprendre bien des choses intolérables, mais surtout que chaque décision compte, quelle que soit son échelle... et qu’on en paye les conséquences, exorbitantes, bien des années plus tard. Ainsi à Marseille, d’après Isabelle Poitou, tous les déchets entraînés par les eaux pluviales partent directement à la mer, car seul le centre ville est raccordé à la station d’épuration. Les élus ont «complètement raté l’intérêt du recyclage», selon Pierre Godard1, éboueur. Au point qu’il est parfois très difficile de revenir en arrière ou de trouver des alternatives. Pourtant, des initiatives sont nées, visant à l’action concrète. Certaines ont été évoquées lors de la seconde journée, consacrée à l’alimentation. De l’avis général, il est temps qu’elles convergent : états, collectivités, décideurs, techniciens, chercheurs, entreprises, associations et chaque individu devraient mesurer l’urgence de la situation et se remonter les manches. Sur tous les fronts, en s’adaptant aux impératifs locaux, il va falloir se battre. Pour répondre à la croissance

Jean-Noël Consales, Jean-Louis Rastoin, José Bové et Jean-Luc François © Gaëlle Cloarec

démographique, qui implique une demande alimentaire supplémentaire, sans recourir à l’agriculture intensive qui ruine la biodiversité. Il faut rendre la terre aux paysans, soutenir les exploitations familiales. Faire plier la grande distribution, limiter le gaspillage, rappeler aux élus que leur mission est de défendre l’intérêt général et non celui des lobbys. Surtout, éviter que le marché ne digère toutes ces bonnes intentions, comme il l’a fait en développant d’immenses serres estampillées «bio» à Almeria en Espagne, une vraie aberration écologique. Le chantier est vaste, choisissons nos outils. Et si l’on ne s’y met pas tous, pauvres de nous. GAËLLE CLOAREC

Il est l’auteur, avec André Donzel, de Éboueurs à Marseille Luttes syndicales et pratiques municipales, paru en 2014 aux éditions Syllepse

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Le séminaire L’économie des déchets et du recyclage en Méditerranée s’est tenu au MuCEM le 30 janvier, la journée consacrée à L’alimentation en Méditerranée face aux défis de la mondialisation le 31


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La biennale des arts du cirque enchaîne ses spectacles à Marseille... Bank or No Bank ? Descartes potache ohn et Solal accueillent chaleureuse- reliés à leurs téléphones portables, ils idée principale du Galapiat Cirque dans leur dernière J ment le public, gelé, à l’entrée de chapi- téléphonent à Tokyo, Paris, New York ou L’ création est alléchante : remettre en question les teau. John, tout en élégance, tout de blanc Singapour, vendent ou achètent, essaient bases cartésiennes du savoir à la française, symbolisées vêtu, «costumes Paul Smith. Chemises demi-mesure. Blanches. Toujours. Montre Rolex. Eau de toilette Allure pour Homme.» Solal, plus instinctif, fougueux, vêtements noirs, tout en sourire. Le public va être introduit dans le monde impitoyable de la haute finance, suivant discours, disputes jusqu’à la lutte finale, devant les écrans inhumains des fluctuations boursières. Car John et Solal sont des traders. Solal, «reconnu par tous pour son intelligence et son acuité des chiffres», spécialiste des bulles financières, a formé John, son alter ego, «un vrai trader des années 1980... à l‘ancienne.» Leur particularité : ce sont des centaures, une moitié humaine, une moitié animale, les créations de Camille et Manolo du Théâtre du Centaure, le rêve de n’être qu’un à deux, «l’aveu de notre incomplétude, une caresse, une relation fragile et intense entre l’animal et l’humain». Ils sont équipés d’oreillettes et de micros

Air show es bourrasques de vent qui claquent presque en permanence sur l’esplaL nade du MuCEM mettent les spectateurs

en condition. En entrant dans le chapiteau des NoFit State, c’est un autre genre de mistral qui vient souffler. Tout aussi puissant. Au son d’une musique ultra rock des acrobates virtuoses voltigent au-dessus des têtes pendant deux heures. Grand ballant ou portés sur trapèzes, cerceaux qui tournoient, sangles qui s’enroulent, tissus géants, corde raide ou volante, toute la palette du cirque aérien est déployée dans Bianco. Debout sur la piste, au milieu des artistes, le public se déplace, tête en l’air, au gré des changements de séquences. Quelques placiers en kilts se chargent de le guider. Bianco est un spectacle de divertissement bien huilé, qui fonctionne parfaitement. Le rythme est tonique, les performances exceptionnelles, l’habileté des artistes hors du commun, les prises de risque absolues.

de se convaincre de la justesse de leurs choix, mêlant langue de la finance, truffée de mots anglais, souvent vide de sens pour les spectateurs qui sont invités à interagir. C’est à la suite d’une prestation à Singapour que Camille et Manolo ont écrit ce texte parfois un peu long, et imaginé de mettre en scène ces centaures-traders pour interroger la financiarisation de l’économie réelle et la libéralisation des marchés. On est subjugué par l’harmonie et la beauté de ces deux centaures, par la relation fusionnelle entre l’homme et l’animal en particulier quand Solal, le centaure noir, danse sur Money, money, money d’Abba. Ces centaures-là vivent-ils les derniers moments de notre système capitaliste ? La bulle des bulles va-telle éclater ? Bank or No Bank ? That is the question.

par un socle concret, la chaise d’école. Le modèle tout simple, en bois et en métal, sur lequel des générations d’écoliers ont usé leurs fonds de culotte, sué sang et eau des problèmes mathématiques, se sont balancées à la limite de la chute, ont collé des chewing-gums, gravé au compas des cœurs et des insanités. Le spectacle débute d’ailleurs sur un rituel immémorial : le choix stratégique de son siège le jour de la rentrée, qui influencera tout au long de l’année les interactions sociales en classe. Ils sont enthousiastes, les cinq jeunes interprètes, ne lésinent pas sur les cris et gesticulations, traversés d’élans hip hop. Leurs grands branle-bas de chaises restent pourtant un peu vains, et l’on demeure dubitatif quant à la présence de Descartes dans cette performance circassienne. Reste l’humour, qui se renforce sur la fin, un joli colin-maillard dans une forêt de chaises empilées, des entrecroisements en patins à roulettes et petit vélo à sonnette stridente, et les prouesses potaches d’une compagnie en devenir.

ANNIE GAVA

GAËLLE CLOAREC

No BANK a été joué du 4 au 15 février au Théâtre du Centaure, Marseille

En témoigne cette chute d’une trapéziste, en pleine représentation, heureusement sans gravité. Comme un rappel que le cirque n’est pas un spectacle comme les autres, et que le danger y est une donnée incontournable. En plaçant le public sous les acrobates, la compagnie galloise entraîne dans cette dimension, au plus près de l’action. L’esthétique est résolument trash, urbaine et métallique, et grâce aux immenses hauteurs tout paraît grandiose : cette robe de mariée géante, couverte de pétales rouges, ou ces étranges cabines à rideaux de perles, qui virevoltent... Pourtant, sous ses allures hyper modernes, Bianco reste assez proche du cirque traditionnel : sans véritable lien entre eux, les numéros s’enchaînent. La qualité des artistes et leurs performances ne sont pas en question. Ils font le show, peut-être un peu trop, finalement... Un dernier bémol, qui n’a rien d’artistique : le prix très élevé des entrées (28 euros tarif plein, 19 en

Château Descartes a été joué le 22 janvier au J4, Marseille

Bianco, NoFit State © Richard Davenport

réduit). A près de 100 euros la soirée pour un couple avec deux enfants, la dépense, pour beaucoup, est à ranger en catégorie produit de luxe. JAN-CYRIL SALEMI

Bianco s’est joué jusqu’au 15 février, au village chapiteaux du MuCEM, Marseille


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Libération animale mbiance enfumée, son de A contrebasse qui crisse... Une atmosphère troublante enveloppe les spectateurs dès l’entrée dans le chapiteau. Une jeune femme blonde entre en piste, casse violemment un vase. Peut-être cette mystérieuse femme en noir est-elle la cause de sa colère ? Le ton est donné, la pulsion rythmera le spectacle. L’attitude est animale, de celle qui ramène l’homme à son statut originel. Lui fait oublier les codes sociaux, les règles morales. Morsure, par la compagnie Rasposo, est une réflexion, ou plutôt, un véritable voyage au cœur de l’animalité. Ils sont une douzaine sur le plateau, circassiens et musiciens, à défier les lois de l’équilibre et de la normalité. Les artistes franchissent un mur de lumière et s’extériorisent. Violence, sensualité, ivresse, et prouesses. Les séquences se succèdent, construites, structurées, comme au théâtre. Sauf qu’ici, les interprètes jouent leur peau, au millimètre près.

Morsure, Cie Rasposo © Florence Delahaye

La peur fait partie des sensations pour le spectateur de cirque. Le frisson est constant tout au long de Morsure. Avec l’adrénaline qui monte pendant la performance, la hâte que l’exploit soit accompli. Et les artistes nous grisent : l’érotisme de ce couple et son tango tout en portés acrobatiques ; la frénésie de celui-ci, qui tourne dans une roue comme un hamster en cage ; la sauvagerie de ces deux-là, qui se battent

comme des chiens à se rouler par terre. La briseuse de vase (Marie Molliens, qui signe également la mise en scène) devient femme élastique que les hommes s’amusent à faire rebondir. La musique alterne entre swing tzigane et rock musclé, tandis que celui-là, en équilibre sur sa tête, s’allume une cigarette, que la fildefériste enchaîne glissades et sauts périlleux, que l’acrobate semble comme tenu en laisse par

Pas sommeil Habitat hostile a poésie de René Char, brûlante et orageuse, ans Oper Opis ou Gaff Aff, ou avec L n’est pas propice au sommeil. Au contraire D les acrobates de Tanger dans Chouf elle «vit d’insomnie perpétuelle», formule qu’auOuchouf, le duo Zimmermann et de Perrot ront interprétée au pied de la lettre les quatre artistes de La main d’oeuvres. L’acrobate, Sébastien Dault, hante la piste comme au cœur de la nuit le bruit du frigo. Le comédien, Olivier Sellier, s’insinue partout avec aplomb, donnant sa voix aux mots du poète. Tandis que résonnent les notes d’Ilias Sauloup, pianiste au toucher subtil, les gestes calmes de la graphiste travaillent une lumière liquide au pinceau. Katerini Antonakaki chante, également, et on sent qu’elle a dansé, peutêtre dans une autre vie. «La roue du destin tourne à l’envers et ses dents nous déchiquettent. Nous prendrons feu bientôt du fait de l’accélération de la chute». Il fait noir : les rais d’ombres sous les persiennes enflent, une bougie s’allume, veilleuse futile. Tout paraît plus définitif durant les heures nocturnes, on prend les draps au sens figuré : ils deviennent linceul, ou bien celui que le prisonnier attache à sa fenêtre, pour s’évader. On tourne et on vire, on veille sur un lit suspendu, comme lors d’une insomnie qui n’empêcherait pas de rêver.

a su créer un univers burlesque et tangent, musical et jouant sur des décors de guingois qu’ils ne savent comment habiter. Zimmermann dans Hallo s’y colle tout seul, et y perd un peu : si l’univers musical reste riche, Hallo manque parfois de rythme. Toutefois le clown construit des moments brillants et drôles, et impose finalement son univers : la scénographie est faite de boîtes qui se désossent, de murs qui tombent et se plient, de trappes facétieuses. Frêle et seul, Zimmerman retient des murs de contreplaqué qui ne cessent de s’écrouler, de se mettre en route quand on les attendrait immobiles, de refléter infidèlement. Incroyablement habile et malléable, toujours impassible, le clown devient acrobate sans avoir l’air d’y toucher. Et peu à peu son inadaptation à un réel hostile nous rappelle la nôtre, ces moments où on parierait que les objets nous résistent, et que la matière vivante des murs a des yeux, et des oreilles... Poétique et virtuose !

GAËLLE CLOAREC

AGNÈS FRESCHEL

Les insomnies a été joué du 30 janvier au 1er février au Théâtre Massalia, Marseille

Hallo a été joué au théâtre du Merlan du 22 au 25 janvier (Suite p.22)

sa longe. Peu à peu le spectateur assemble les morceaux pour trouver le sens. Le plateau se transforme alors en Cinecitta, avec son star system. Le petit caniche blanc de la vedette saute dans un cerceau. Dérisoire et étonnante présence de l’animal, quand le nouveau cirque l’a quasiment exclu de ses codes. Puis un décor oppressant prend forme autour des artistes. La mystérieuse femme en noir revient tourner autour de la piste. Sur une scène, on parlerait de coup de théâtre. Ici, c’est un véritable coup de cirque ! Le frisson s’amplifie pour le final. Derrière le miroir, apparaît celui qui raccorde tous les éléments de cet univers. La surprise est totale. Jusqu’au bout, on est saisi, accroché, envoûté. Mordu. JAN-CYRIL SALEMI

Morsure s’est joué jusqu’au 15 février au village chapiteaux du MuCEM, Marseille


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…et à Arles et Ouest Provence Cassandre, en fond l mange beaucoup de bananes Iréelles), (quelques-unes seulement sont bien fait apparaître des objets de son Yann Frisch © Sylvain Frappat

pardessus, pousse sa mère (un mannequin bien sûr) à la mort, s’en repent, parle aux objets pour les discipliner, s’adresse au public, râle, grommelle (et c’est drôle !), et prend bien soin, à la fin du spectacle de souligner que rien n’est autobiographique. Yann Frisch, magicien multi-primé, est un clown assez désenchanté, jouant de la crédulité du public comme d’un yoyo. Mais doit-on / peut-on croire un clown ? Quelle est la légitimité d’un personnage qui se réclame de Cassandre, figure de la mythologie grecque qui avait reçu le don de prophétie et la malédiction de ne jamais être crue ? Est-il de ceux dont on ne croit pas la parole ? Certainement, puisqu’il est clown et évolue dans un univers parallèle que l’on doit rapprocher du nôtre pour le comprendre. Est-il cependant nécessaire de racoler le public, attendant les inévitables «À poil» criés du fond de la salle pour libérer quelques images faciles qui obtiennent l’adhésion immédiate du plus grand nombre ? (sans surprise... si ce n’est la chute, réelle, de son sexe en plastique).

Ode à la liberté es gens me disent «fais attention» mais je m’en fiche «L […]». C’est avec cette phrase tirée de la chanson Gloria de Patti Smith, d’abord susurrée en anglais et tra-

Restent les images très poétiques d’un nuage pleurant ses paillettes, d’un homme s’envolant sous son parapluie, et les mots trash, et percutants, qu’échangent une carafe et un verre, stigmatisant des relations filiales mère-fille/père-fils qu’on aurait aimé approfondies... Ceci étant, on veut le croire, l’écouter, le regarder, pour le rêve et l’évasion. Car les artifices sont là pour ça. DOMINIQUE MARÇON

duite à leur sauce en français, que les trois artistes du Cirque Exalté se lancent, au propre comme au figuré, dans une quête débridée pour la liberté. Par le biais du cirque, dont ils détournent parfois les codes, Sara Desprez, Emiliano Ferri, Angelos Matsakis multiplient les numéros qui se réclament tous de l’univers rock américain des années 60 et 70, droit à l’absolu, passion, romantisme, poésie, amour libre... Trapèze ballant, jonglerie, échelle libre et portés acrobatiques, dont Sara Desprez est toujours le pivot central -souple aérienne, malléable et toujours souriante-, sont la matière première qu’ils lient au rock puissant et enivrant de Patti Smith, de Land à sa reprise de Smells like teen spirit (de Nirvana) en passant par Gloria, chanson-phare de son premier album Horses. Malgré quelques longueurs -certains numéros de jonglerie et d’échelle sont répétés lors de pauses permettant de repartir de plus belle-, l’enthousiasme et une belle énergie sont au rendez-vous de cette invitation au lâcher-prise, et l’on ne peut qu’adhérer à l’une de ces petites phrase qu’ils distillent au compte-goutte durant le spectacle, «Mieux vaut s’enflammer plutôt que s’étioler». Do.M.

Le Syndrome de Cassandre a été donné le 10 février au Théâtre d’Arles et le 12 février à l’Alpilium à Saint-Rémy

Furieuse tendresse a été donné le 14 février à La Colonne, Miramas

Tableaux musicaux arl Stets n’est pas un inconnu K pour les spectateurs des Elancées. Présent en 2008 avec son Disparate, Cacophonic Pictures Orkestar © Lucía Herrero

spectacle solo Cuerdo, il revient cette année avec le Cacophonic Pictures Orkestar pour un Disparate qui fut des plus énergiques et réjouissants ! Six incroyables musiciens, rompus à toutes les contorsions physiques possibles et imaginables, ne vont cesser de jouer, de leurs instruments et de leurs corps, clowns en puissance incroyablement inventifs ! Trompette, tuba, piano, violoncelle, trombone, grosse caisse, entre autres... la musique ne cesse d’accompagner les tableaux de ces acrobates. Et quels tableaux ! Armés d’instruments de musique ils détournent sans complexe les codes du western, tirant de trompettes des balles musicales qui mettent tout le monde

un partenaire de tango... Pendant ce temps, en robe et talons hauts, une belle s’envole et s’entoure de sa corde lisse, tandis qu’une autre met un point d’honneur à ne jamais mettre un pied au sol, roulant et tanguant sur des tuyaux qui faisaient sons quelques temps auparavant... Absurde et joyeusement foutraque, maîtrisé de bout en bout, l’orchestre de ces as espagnols fut magistral ! Do.M.

Disparate a été joué le 11 février en ouverture du Festival Les Elancées à l’Olivier, Istres

d’accord, jouant d’un violoncelle à quatre mains, emmêlant deux corps sans que l’on sache jamais

qui fait quoi, domptant un clavier de piano subitement devenu un serpent menaçant, faisant d’un accordéon



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Un fauteuil pour six Le Fest’hiver des 6 Scènes d’Avignon a rassemblé plus de 2000 spectateurs : l’affirmation que le public aime retrouver son fauteuil dans les théâtres, même en hiver ! Le Mariage de Figaro © Delphine Michelangeli

E

t qu’il serait prêt à rempiler chaque saison pour cet enthousiasmant marathon festivalier à travers la ville. Les propositions étaient de qualité, portées par des compagnies de la région, accueillies par des lieux partageurs et soucieux de «faire une place à l’émergence». Au Chêne Noir, l’adaptation par le Collectif 8 du récit policier d’Edgar Allan Poe, Double assassinat dans la rue Morgue, a séduit par son dispositif irréprochable. Entre théâtre et cinéma, Gaële Boghossian et Paulo Correia mettent en scène cette enquête en six chapitres, autour d’un «crime d’une férocité bestiale», sans mobile ni indice, dont s’accaparent deux mystérieux protagonistes. Une version réussie, malgré une intrigue de base et sa résolution frustrantes par un étrange Auguste Dupin, dont on apprend peu si ce n’est ses «facultés analytiques hors normes», qui se pique de résoudre l’énigme sur une hypothèse, aidé par un acolyte qui écrit ses «transports d’imagination». Véritable personnage, la vidéo tient sa promesse d’être un partenaire d’écriture total qui nourrit l’imagerie

mentale d’une histoire aux perspectives troublantes. Le Bruit des hommes jouait Beckett au Balcon. Une Fin de partie figurative, dépouillée, sans réel dynamisme ni grandes idées scéniques, mais qui ouvrait les fenêtres, au sens propre, d’un face-à-face surréaliste et de soliloques devenus des classiques. Une troupe qui a fait ses preuves, dont Yves Borrini parfait en vieil aveugle handicapé, et qui joue avec sincérité pour la 5e saison cette partition difficile, radicale et avant-gardiste à l’origine. À contrario, une autre revisitation d’un classique de la comédie, Le Mariage de Figaro, par la Cie Du Jour au Lendemain, a endiablé le plateau des Halles (qui les retrouvera cet été au Off) ! Une version très rock de Beaumarchais par Agnès Régolo où l’insolence de Figaro et la défaite des hommes par l’alliance des trois personnages féminins débordent d’énergie. Créée il y a quelques mois à Aix, la pièce a gagné une force de frappe impressionnante, grâce aux sept comédiens fougueux, proches dans leur engagement physique des figures drolatiques du muet ou de la démesure gainsbourienne quand certains chopent le micro, badins, vaniteux, hystériques, joyeux, amoureux… extrêmement vivants ! Irrésistible également et joyeusement régressif, le duo féminin de la Compagnie du I, au Chien qui Fume, qui nous a embarqué pour la conférence À quoi reconnaît-on un clown ? sur les bienfaits du (pince-sans) rire. Clown blanc et auguste gaffeur dans toute leur splendeur, la conférencière (dé)coincée et sa stagiaire fayote sont d’autant plus crédibles et hilarantes qu’elles

passent de «la blague au doigt» à «faire l’humour tous ensemble» en gardant vissée leur belle âme d’enfant. Aux Hivernales, le documentaire Un Ménestrel sur quelques mois du parcours créatif du poète escaladeur aura mis sur la toile le talent lunaire d’un homme qui écrit sa poésie sur les façades des villes. Antoine le Menestrel est un «humain grimpeur» qui «veut amener du rêve, créer du lien», un funambule rêveur à la verticale mais bien ancré dans la vie, qui signera une création attendue pendant le Festival Les Hivernales (les Grimpeurs (é)perdus le 23 fév, voir p. 44). En clôture, King du ring a désarçonné aux Carmes. Adapté du texte de Remi Checchetto (lire la chronique sur www.journalzibeline.fr) par Alexia Vidal, qui valide une belle audace en confiant les clés du ring à l’impressionnante Adeline Walter, pour interpréter la parole, dévorante, et une «danse mouvementée» incessante, et figurer la combativité (et la sienne !) du boxeur noir Mohammed Ali. Si la pièce est une performance indéniable de mémoire, du texte et du corps, elle pêchait presque, pour sa première, d’un excès de technique d’où peu d’émotion émergeait, et d’un papillonnage lessivant… DELPHINE MICHELANGELI

Le Fest’hiver a eu lieu du 29 janvier au 6 février à Avignon



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Honoré d’être femme est à la rencontre de monstres que Christophe Honoré, Robert Cantarella et Philippe Quesne nous entraînent. Marc Lépine qui à Montréal a tué 14 étudiantes au nom de la lutte contre le féminisme ; Romy Schneider qui cherche à se débarrasser de Sissi, de sa mère, et tombe dans des clichés d’ultra féminité dont elle veut pourtant s’affranchir ; Madeleine qui a des visions de la Vierge et ne peut sortir de l’enfance et de son récit réitéré... Les trois histoires sont évoquées directement ou indirectement : par des jeunes femmes, dont une survivante de la tuerie, qui interrogent la mère de Marc Lépine pour savoir comment on fabrique une telle haine des femmes ; par un homme, seul parmi les actrices, travesti en Romy Schneider pour mieux faire surgir ce qui serait son essence féminine ; par Florence Giorgetti, fascinante, vieille petite fille hallucinée qui reste bloquée dans un langage et des postures infantiles. Les trois strates se succèdent et se croisent, parfois un peu laborieusement, dans un décor tout aussi monstrueux de fragments de laideurs assemblés : une énorme masse blanche sculptée évoquant un phallus schématique, un distributeur automatique de sodas, des tables en formica approximatif forment un univers hostile, sans beauté, sans intimité et sans confort, où les femmes n’ont pas de place, et ne peuvent que se heurter violemment au réel. Car ces Violentes femmes répondent à la violence exercée sur elles, soit par une agressivité radicale envers les phallocrates, soit par l’autodestruction qui

© R&C

C’

ravagera Romy Schneider comme Madeleine. Fondée sur des faits réels, des récits de la sainte et de l’actrice, des articles de journaux relatant le massacre à l’école Polytechnique de Montréal en 1989, mais aussi des déclarations masculinistes circulant aujourd’hui sur le web, Christophe Honoré a construit une pièce complexe, qui révèle avec force les contraintes qui s’imposent aux femmes, attaquées parce qu’elles étudient, humiliées dans leur corps, placées dans des moules qui les restreignent et les privent d’elles-mêmes. Écrite avant la tuerie de Charlie Hebdo, Violentes Femmes apparaît aujourd’hui aussi comme un cri contre les tueries, contre la religion destructrice, pour la liberté et l’égalité entre les hommes. Et les femmes. AGNÈS FRESCHEL

Violentes Femmes a été créé au Théâtre des Salins, Martigues, les 27 et 28 janvier

Bonnaire sans parole est à un solo bizarre que Sandrine Bonnaire a convié les spectateurs de théâtre. L’actrice, au visage et au sourire si rayonnants, les dissimule, et à la voix si belle, reste muette, nous invitant à un voyage à contre-courant de nos attentes d’elle. En peignoir informe, dans la pénombre, derrière des rideaux cliniques en plastique, les cheveux couvrant son visage, son dos courbé, elle incarne, seule, la douleur, la sauvagerie, la solitude, la maladie, le retrait enragé du monde. Et l’on part avec elle dans ce pays souffrant. Jade est malade, revenant peu à peu d’un coma, comme enfermée dans sa tête. On se souvient alors, fugitivement, de ce magnifique film sur Sabine, sa sœur autiste, puis l’on comprend que c’est d’un autre voyage dont elle nous parle, ou plutôt qu’elle danse, jusqu’au bout. Des musiciens accompagnent derrière un tulle sa ronde singulière, et leurs mélodies modales, leurs percussions exotiques tissent un décor sonore étrange, familier comme celui des rêves inquiétants. Un autre corps surgit, puis deux, reflétant le sien, miroirs qui la guident, la remettent debout, la sortent d’elle même,

© Jean-Louis Fernandez

C’

lui redonnent conscience de ses gestes. Les rideaux fondent sous la chaleur de la lumière qui monte, ce qui se dissimulait se laisse percevoir, puis à la fin Sandrine Bonnaire avance, jette son regard franc vers les spectateurs, et sourit, enfin présente à nos regards. Jade est revenue à la vie, sans un mot. A.F.

Le Miroir de Jade, mis en scène par Raja Shakarna, a été joué au théâtre de l’Olivier à Istres le 27 janvier et à La Garance à Cavaillon le 10 février

La petite entreprise de Philippe Jamet D

ans le prolongement de son projet Portraits Dansés, Philippe Jamet a filmé des habitants de Calais, Bourges, Bobigny, Paris, Vitry et Sénart interrogés sur le sens du travail dans leur vie. Des témoignages recueillis entre septembre 2011 et avril 2012, restitués sous la forme de six séries de dix minutes pour chaque ville, commençant toutes par le plan de leurs mains et l’enregistrement de leur voix. Chacun décline son nom, ce qu’il rêvait de faire (d’être ?) et son métier, quitte à révéler l’écart parfois abyssal avec la réalité. Puis la caméra les capte dans leur environnement personnel et les accessoires qui caractérisent leur profession. De la parole au geste, chacun est invité à esquisser les gestes de son travail avant d’inventer une forme collective, muette et troublante. Fort de cette matière vivante, Philippe Jamet a composé un spectacle tripartite : la diffusion d’une série de trois films sur grand écran en fond de scène ; une installation vidéo interactive conçue avec Jean-Baptiste Barrière mise à disposition des spectateurs pendant l’entracte (une seule personne à la fois, ce qui laisse beaucoup de prétendants sur le carreau !) ; un spectacle chorégraphique reprenant à son compte les éléments collectés pendant l’enquête. Réflexions sur les motivations au travail, la nécessité morale, physique et matérielle de travailler, les rêves enfouis et les désillusions, le droit à la paresse, le salaire comme outil, le poids de l’économie, l’enrichissement intellectuel et pécuniaire… Travail, Taf, Labeur : un vocabulaire épelé par les corps des danseurs qui s’élancent dans un tango désespéré, déclament micro à la main, miment, évoquent les cadences infernales, le stress des compétitions, la plainte du travailleur qui se voulait oisif. Sur le plateau nu, la mise en forme est moins percutante que les films : face à la caméra, les habitants nous regardent droit dans les yeux, nous autres identiques. Et moins éloquente que ce que leurs mains et leur corps nous transmettent à travers leur approche, maladroite et fébrile, de la danse. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Travail de Philippe Jamet a été présenté le 30 janvier au CNCDC Châteauvallon, Ollioules


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Mises en perspectives P

our Les Caprices de Marianne d’Henri Sauguet, représenté fin janvier à l’Opéra de Marseille (une coproduction en tournée dans de multiples théâtres hexagonaux), Oriol Tomas plante sa mise en scène dans un étonnant décor, unique (selon le vœu même du compositeur), respectant à la lettre l’unité de lieu souhaitée par Musset : «La scène est à Naples». C’est dans la galerie Umberto 1er que sont plongés les personnages, mais celle-ci a été redessinée dans une perspective hallucinante, déformée, qui procure au spectateur un sentiment d’étouffement. La structure métallique de sa coupole en verrière fait office de «prison» arachnéenne dans laquelle se trouve, comme encellulé, le trio Coelio-Octave-Marianne, pris au piège mortel du sentiment amoureux. L’espace se concentre autour d’un «autel» qui fait office de bain (purificateur ?) pour le jeune Coelio, épris de la belle Marianne, avant que ce dernier n’y tombe, sacrifié, sous le coup fatal du poignard commandité par le mari jaloux (Claudio). Par les portes et fenêtres, le Vésuve, de plus en plus présent, gronde et irradie l’espace de rougeurs menaçantes. Au dénouement, des cendres brûlantes tombent du ciel alors qu’Octave, fidèle à l’ami sacrifié, lance un adieu à l’insouciante jeunesse avant de renoncer à Marianne par la célèbre et cinglante réplique : «Je ne vous aime pas, Marianne ; c’était Coelio qui vous aimait !». C’est sur ce background bien pensé que se déploie la musique d’Henri Sauguet. De fait, si l’on prête l’oreille à ce qui se déroule à l’orchestre, la partition joue en permanence de la «déformation» continue de la mélodie. Ce n’est pas une musique très «facile» qu’on découvre dans cette œuvre créée en 1954 au Festival d’Aix (même si elle reste abordable) : foin des chœurs et des effets grandiloquents ! C’est du théâtre chanté qu’on entend et qui, sans arrêt, se pose précisément la question du devenir du genre, des voies à suivre... Sauguet reste fidèle à la prééminence mélodique : ses dessins

© Christian Dresse

passent du plateau à la fosse sans discontinuer, l’orchestre commente (à moins que cela ne soit le contraire ?), soutient, évite, s’insinue dans la courbe vocale avant de s’en écarter à nouveau... et sans que les thèmes musicaux ne soient réellement développés, ni vraiment récurrents ! Du coup, le décor de Patricia Ruel prend tout son sens, en adéquation avec le discours musical lui aussi «déformant» et «contraint». Le musicien écrit sur une souche harmonique «tonale» (consonante, harmonieuse), mais flirte allègrement avec des dissonances polytonales (mixage de gammes), voire atonales (sortant carrément de l’harmonie classique), qui peuvent dérouter l’amateur exclusif de lyrisme italianisant. Le récitatif chanté, continu, s’établit autour une prosodie syllabique qui rend, heureusement, très perceptible le merveilleux texte de

Musset. Et les envolées lyriques de la jeune Marianne découvrant les affres de l’amour, la sérénade sous sa fenêtre ou la cantilène napolitaine de l’aubergiste, contrebalancent en partie un sentiment sonore opprimant, mais voulu ! Le plateau est constitué de jeunes chanteurs qui, par leurs qualités propres, se hissent à la hauteur des emplois : Zuzana Marková (Marianne) et sa ligne de chant aérienne ou Aurélie Fargues en alternance (qui mérite également de partager les bravos), Cyrille Dubois (Coelio) et son ténor «di gracia» radieux, ou Marc Scoffoni (second cast) présentant un timbre franc et clair qu’on aurait tendance à préférer au baryton velouté de Philippe-Nicolas Martin (Octave)... pour ne citer qu’eux dans une double distribution (2 fois 9 chanteurs en alternance) emmenée par la baguette de Claude Schnitzler

qui, malgré son expérience, aurait gagné par moments à resserrer l’équilibre orchestre-voix. JACQUES FRESCHEL

Les Caprices de Marianne a été donné du 29 janvier au 1er février à l’Opéra de Marseille


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«De l’âme & du cœur» ? À

La Folle Criée chacun file à son tempo. On butine ci ou là quelque concert-minute, ou l’on se plante dans les couloirs du Théâtre National de Marseille, pour aligner les concerts comme des perles, enrichissant au fil des heures un collier coloré, contrasté, alternant musiques baroque ou romantique. Pour sa 3e édition marseillaise, le festival promettait des Passions de l’âme & du cœur ! Un titre générique qui a pu tomber un peu à plat pour les austères fugues et contrepoints d’une Offrande musicale de Bach à l’architecture très cérébrale, mais au demeurant jouée avec maîtrise par le Ricercar Consort de Philippe Pierlot ! Auparavant, juste après le déjeuner, l’ensemble de cordes Café Zimmermann (sans son Pablo Valetti de 1er violon !) avait eu un peu de mal a enflammer la demi-salle du Grand Théâtre avec des Concertos du «Roux» vénitien. Heureusement que le violoncelliste Petr Skalka a réveillé l’assistance, a mi-programme avec un réel engagement dans le geste instrumental, attitude qui faisait un peu défaut dans les premiers mouvements violonistiques de Vivaldi. Autre ambiance le soir même ! La grande salle est pleine pour retrouver une belle violoniste : Marina Chiche surprend l’auditoire dans son interprétation très investie de la 10e sonate de Beethoven. Elle joue sur le fil de la corde, des sonorités à la limite du silence, des sons à plats, quasi «baroquisants». C’est original et vivant, mais d’aucuns diront que ça manque un peu de corps, d’autant que le piano d’Emmanuel Strosser se trouve contraint de retenir ses marteaux pour ne pas couvrir son alter ego. Pourquoi donc, dans cette optique, ne pas interpréter

Anne Queffélec © Geoffrey Arnoldy

aucune mièvrerie : la Sonate dite «clair de lune» et la fameuse rengaine en Bagatelle «pour Élise» de Beethoven. Une belle clôture pour une manifestation qui, somme toute, avec bonheur, fait courir les Marseillais !

l’opus sur piano-forte afin de mieux préserver l’équilibre sonore ? C’est finalement à une habituée de lieux (et un programme des plus conventionnels) qu’est revenue la palme de la journée. Anne Queffélec, en toute simplicité, commentant son programme d’une voix enrouée par la grippe (mais au combien savante), a livré de jolies Sonates de Scarlatti avant des tubes dont on a admiré la hauteur de vue et l’évidence interprétative, passionnée et passionnante, sans

J.F.

La 3e édition de La Folle Criée a eu lieu les 6 et 7 février à La Criée, Marseille

Flamenco swing ! lle, Sylvie Paz, chante et cause, avec une jolie façon de prendre les choses à la légère. Lui, Diego Lubrano, s’affaire, sans sourire de trop, sur le manche de ses guitares, absorbé qu’il est à distiller son flamenco mâtiné de jazz... Elle, chante : voix du sud, vibrante encore du cante jondo, mais flirtant sur la corde allégée d’un blues coloré. Elle, raconte : livre son univers poétique, issu de la copla andalouse. Elle irait volontiers «chercher des oranges à la mer» ou partirait «pour la lune» chanter l’espoir et l’utopie, le «retour impossible» vers la terre les origines : Madrid, le Sud... Lui, joue, précisément à la frontière d’une valse jazz ou d’un compás ternaire de bulería, de la rumba et du swing, frotte d’un geste net quelque accord

La Ultima, Sylvie Paz et Diego Lubrano © Mathieu Mangaretto

E

«gypsy», ou s’envole de frette en frette au fil un chorus léché ! La Ultima a joué en sortie de résidence à la Cité de la Musique à Marseille et a livré le sel d’un disque qu’elle a enregistré en compagnie de deux musiciens qui se fondent dans ce beau métissage : Philippe Guiraud à la basse et Thomas Bourgeois aux percussions. J.F.

Concert donné le 23 janvier à la Cité de la musique, Marseille


Saveurs d’Orient L

a Méditerranée, dans le creux du palais de Françoise Atlan, a décliné son éventail de belles couleurs. Dans ce palais, qu’elle a royal, ressuscitèrent les chants de l’ancien empire Ottoman. Ces mélodies chatoyantes, ponctuations de la vie quotidienne, égrènent, dans les ondulations de modes orientaux au tempérament versatile, leur mélancolie, leurs joies, et toutes ces choses de la vie. Des sept façons de cuisiner l’aubergine, en passant par des chants de noces... ces chants des juifs de Salonique et d’Istanbul emplirent d’une douceur infinie la salle de la Cité de la Musique de Marseille. Envoûté par la chaleur des bas médiums de la chanteuse, éclairé par la lumière de ses aigus, enivré par ses ornementations dentelées, le public, subjugué par tant de délicatesse et de musicalité, but jusqu’à plus soif ces mots gorgés de soleil. Et dans le déhanché de ces notes lascives, le percussionniste de l’ensemble En Chordais imprima ses rythmiques complexes, invitant le joueur de oud, son comparse violoniste et le virtuose au quanun à rentrer dans la chorégraphie de ces accents décalés. La Méditerranée, sous les doigts de ces musiciens

Françoise Atlan © X-D.R

d’exception et dans le miel de la voix de Françoise Atlan, a revêtu, le temps d’un concert, ses habits de lumière... CHRISTOPHE FLOQUET

Aman! Sefarad... a été joué le 29 janvier à la Cité de la musique, Marseille

Jeu de dupes !

T

el est pris qui croyait prendre ! pourrait s’exclamer le vieux Don Pasquale qui a vu son plan minable -se marier pour déshériter son neveu- se retourner contre lui et le mettre face à son avarice et sa cupidité. Car c’est bien d’un jeu qu’il s’agit, dans lequel Malatesta, splendide Alex Martini, tirera les ficelles. Donizetti s’est emparé de cette farce délicieuse, dont le livret tient sur une feuille de papier à cigarette, pour en faire un opéra pétillant, enlevé, assignant à chacun des personnages une écriture vocale spécifique d’une redoutable efficacité. Cette personnalisation des figures, le metteur en scène Andrea Cigni s’en est emparé, la poussant au paroxysme. Don Pasquale, Simone Del Savio, admirable en vieil avare aigri, tout droit sorti de la pièce éponyme de Molière, déambulant devant un coffre-fort géant, donnant la réplique au jeune ténor, brillant, Sergueï Romanovsky, son neveu Ernesto, jeune premier d’un film de Woody Allen, petit col en V, montre la démarcation entre deux mondes antagonistes. Le comte, vieux,

poussiéreux, tranche, et c’est le moins que l’on puisse dire, avec la jeune et jolie Norina, Anna Sohn, à l’aise dans tous ses airs d’une grande virtuosité, dans un décor kitsch à souhait, empaquetée dans une robe rose bonbon, sans aucun doute clin d’œil à Marilyn dans Le Milliardaire. Et que dire du rusé docteur Malatesta, dans un costume bleu pétard, blond platine, personnage de l’univers de Tim Burton ! Hilarant ! Les chanteurs, bien soutenus par les Chœurs de l’Opéra Grand Avignon et l’Orchestre Régional d’Avignon-Provence, dirigés pour l’occasion par Roberto Fores-Veses, se sont régalés, et ont régalé un public enchanté de sortir de la noirceur du quotidien et goûter aux plaisirs de cette farce. Un spectacle d’utilité publique ! C.F.

Don Pasquale a été donné le 25 janvier à l’Opéra Grand Avignon


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«Là où on ne les attendait pas...» Le festival Présences Féminines poursuit, dans le Var, son entreprise de réhabilitation historique des femmes musiciennes et pose des jalons, pose des questions pour aujourd’hui... et demain ! «Quelle visibilité des femmes dans l’art et la culture ? Les instruments de musique ont-ils un sexe ? Art, pouvoir, féminité ou la question des femmes chef d’orchestre en France ? Les compositrices dans le paysage musical contemporain... ou programmer des compositrices aujourd’hui ?»... Autant de questions passionnantes qui seront en débat lors de la «Journée d’études» organisée au Théâtre Liberté à Toulon le 18 mars (entrée libre sur réservation) ! Du coup l’on se trouve au cœur de la problématique posée depuis plusieurs années, dans le Var, par la claveciniste Claire Bodin et l’équipe du festival Présences Féminines (5e édition) : de la place des femmes dans un univers «a priori» historiquement «masculin». Les manuels d’histoire de la musique ne regorgent pas (doux euphémisme !) des figures pionnières et modèles, de talents et génies féminins... qu’on n’a pas voulu voir ni rendre visibles. Que dire en effet du concert symphonique organisé en partenariat avec l’Orchestre de l’Opéra de Toulon ? Il affiche des opus du XIXe siècle d’Alice Mary Smith (Andante pour clarinette), Luise Adolpha Le Beau (concerto pour piano) et Louise Farrenc (3e symphonie)... Aurait-on un jour entendu parler de leurs opus ? On courra les découvrir (le 21 mars à l’Espace Malraux - Six-Fours. Entrée libre sur réservation). Mais on commence par une Master class de la compositrice d’aujourd’hui Michèle Reverdy, avant que le Quatuor Varèse interprète une de ses créations (Quatre Eaux-Fortes) et le Quatuor op. 14 d’une musicienne romantique totalement méconnue : Emilie Mayer.

Du «Génie» féminin ?

On ne sait quasiment rien également d’une jeune prodige contemporaine de Mozart qui écrivit, adolescente, des Sonates et Divertimenti. Si ce n’est qu’elle entra au service de la sœur de Frédéric de Prusse

Quintette Aquilon © Francois Sechet

comme «Virtuosa di musica di camera». Son nom ? Anna Bon ! Allons bon... qui connaît ? Elle est jouée par la compagnie Les Bijoux Indiscrets (17 mars, Temple protestant - Toulon). Imaginez qu’il fut un temps où l’on pensait que les femmes n’avaient pas assez de souffle pour jouer des instruments à vent ! Et bien, le Quintette Aquilon (flûte, hautbois, clarinette, cor et basson) est exclusivement... féminin ! Et qui pense-t-on qu’elles jouent ? Amy Beach, Claude Arrieu, Elsa Barraine, Hedwige Chrétien, Jennifer Higdon... autant de femmes «dans le vent» ! (20 mars au Pradet). La comédienne Anna Veyrenc, la soprano Marie-Louise Duthoit, le baryton Arnaud Marzorati et l’ensemble instrumental Les Bijoux Indiscrets (dir. Claire Bodin) nous font découvrir des pépites glanées à la Bibliothèque Nationale de France, des airs (pour certains jamais chantés depuis leur création) «coquins» ou «à boire» signées de compositrices baroques et classiques qui n’avaient rien de matrones «coincées» : Elisabeth Jacquet de la Guerre, Guédon de Presle, Hélène Demars, Julie Pinel, Françoise Charlotte de Ménetou, Mlle Duval ou Antoinette Deshoulières... n’en jetons plus : c’est stupéfiant ! Des «Demoiselles de Bacchus» à déguster autour de bonnes bouteilles ! (les 25 et 26 mars au Théâtre Liberté – Toulon).

Sexy cello...

On vous parle aussi d’un temps où l’on jugeait inconvenant l’usage du violoncelle par une personne du «beau sexe» ! Lorsqu’on conseillait aux femmes de pratiquer le cello «en amazone», placé sur le côté afin d’éviter d’écarter les jambes pour y placer l’instrument... D’un pratique ! Mais c’est fort heureusement dans une posture classique, en clôture de festival, que la violoncelliste Camille Thomas, accompagnée de Tristan Pfaff au piano, déploiera talent et fougue dans des pièces de Nadia Boulanger, Florentine Mulsant, Lera Auerbach ou Laura Netzel (27 mars à l’Opéra de Toulon). À noter également qu’on peut assister (et voter pour le Prix du Public) au concours organisé par le festival : demi-finale et finale les 27 et 28 mars au CNRR de Toulon. JACQUES FRESCHEL

Festival Présences Féminines du 14 au 28 mars 06 80 23 46 71 www.presencesfeminines.org


«Le Roi, le peuple» La 13e édition du festival Mars en Baroque décline une vaste thématique qui se dévoilera «sur deux années au moins» : de quoi à nouveau faire courir les amateurs de musiques anciennes à Marseille ! Au printemps renaissant, on entend des musiques balayant l’ère monarchique (en France du moins), tout en se posant la question de la fonction de ces musiques dites de «cour», de leur usage, autant que de leur «réception» par le peuple. En mars donc, une vingtaine d’événements, concerts, conférences, films et rendezvous gastronomiques sont à l’affiche ! Cette saison, Jean-Marc Aymes et son ensemble de musiciens baroques proposent un événement exceptionnel en préambule, une «transition» avec la Biennale du Cirque dont ils assument, en compagnie d’artistes circassiens (Cie Ex Voto), le dernier spectacle. C’est Vivaldi in the sky, où clown, funambule et trapéziste évoluent sur des concertos du maître vénitien (le 20 fév au Moulin).

En mars...

Rendez-vous ensuite à partir du 10 mars dans différents lieux de la ville et en particulier lors de l’ouverture au PIC (à l’Estaque) pour un concert-création autour des musiques des cours de Louis XIV et Louis XV pour violon, viole de gambe et clavecin ! On ne manquera pas les films projetés à l’Alhambra, aux cinémas César, Variétés, Gyptis comme La Nuit de Varennes, Sacré Graal, La reine Margot, Le roi danse..., ni les conférences de haut-vol aux ABD ou à l’Alcazar de Martine Vasselin (11 mars), Olivier Baumont (18 mars et concert au clavecin le 20 mars – Temple Grignan), Philippe Beaussant (25 mars) et Frédéric Franck (28 mars). On ne quitte pas les plateaux phocéens en suivant les spectacles et créations conçus autour du sujet, en commençant par la «Bouffonnerie polyphonique» de l’Ensemble Clément Janequin de Dominique Visse (Zanni ! Le 14 mars à la Friche... suivi d’un «Banquet Renaissance» !). François Couperin est en «Apothéoses» avec la violoniste Amandine Beyer et l’ensemble Gli Incogniti (21 mars - Eglise St Cannat) ou les musiques créées autour

Maria Cristina Kiehr et Jean-Marc Aymes © M.-E. Brouet

du film Michael Kohlhaas, par l’ensemble Les Witches, César 2014 de la meilleur musique originale (17 mars aux ABD). On suit les «Moments musicaux» proposés heure par heure au Château Borely, avec brunch et goûter (le week-end des 21 et 22 mars).

Plateaux «royaux» !

La «Reine» Maria Cristina Kiehr nous glisse à l’oreille de merveilleuses arabesques vocales en évoquant les destins de MarieEléonore de Suède, Anne de Bretagne, Didon... et des musiques de Purcell, Haendel, Cavalli, accompagnées par les cordes expertes de Concerto Soave (24 mars à St Victor), ou encore Raphaëlle Kennedy (soprano) et Vincent Bouchot (ténor) dans des chansons composées au temps de Charles IX (26 mars – Salle Musicatreize). Music for Queen Mary et ses pièces baroque signées Purcell sont servies par un plateau royal : Maria Cristina Kiehr, Concerto Soave, Jean-Marc Aymes aux claviers et le chœur Les Éléments dirigé par Joël Suhubiette (28 mars - Eglise St Cannat). Une affiche qui devrait faire le plein... tout comme le concert de clôture avec des «Musiques pour la Maison des Habsbourg» interprétées par un ensemble vocal de jeunes chanteurs britanniques, à 12 voix, primé et plébiscité partout... À découvrir absolument : Stile Antico ! (31 mars – Église des Chartreux). À suivre enfin... le «Parcours gourmand» concocté par des toques marseillaises durant tout le festival ! JACQUES FRESCHEL

Festival Mars en Baroque le 20 février puis du 10 au 31 mars Marseille Réservations Espaceculture_Marseille 04 96 11 04 61 www.marsenbaroque.com


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Musiques en Cité Noëmi Waysfeld, Alfama © Isabelle Rozenbaum

La Cité de la Musique accueille à Marseille le 8e Concours International de Quintette à Vent Henri Tomasi (du 23 au 28 fév). Les épreuves sont libres d’accès et publiques pour entendre les formations (flûte, hautbois, clarinette, cor et basson) en lice. Remise des prix et concert des lauréats le 28 fév à 14h (La Magalone - détails sur www. ifiv-marseille.com/06 74 15 95 74).

...Sortie d’album

La chanteuse Noëmie Waysfeld et le groupe Blik («regard») réunissent les traditions du fado portugais d’Amalia Rodrigues et celles des complaintes en yiddish d’Europe centrale : un grand écart à découvrir ! (le 13 mars à 20h30 – Auditorium)

…Tintamarres

Esquisses d’un portrait de couple : Luc et Brunhild Ferrari. Rencontre, projection documentaire et concerts autour de la production de Luc Ferrari et de sa compagne, avant la disparition en 2005 de l’auteur des Presque rien, et ayant embrassé,

depuis, une carrière de compositrice (les 16, 17 et 18 mars – Auditorium). J.F.

Quintette à vent de Marseille © X-D.R

son Divertissement (1927) composé peu avant que ses ennuis ne commencent au lendemain de la prise de pouvoir des nazis en Allemagne (juif, homosexuel, communiste et avant-gardiste, il est mort en déportation en 1942) et le compositeur coréen naturalisé allemand Isang Yun (Rondell). J.F.

«De l’air !» le 19 mars Salle Musicatreize, Marseille www.musicatreize.org 04 91 00 91 31

On n’oublie pas que l’Opéra de Marseille est désormais associé à la scène du Théâtre de l’Odéon. Ainsi, dans un style léger, délicieusement kitch, on goûte, sur la Canebière, aux paillettes du Chanteur de Mexico de Francis Lopez, à sa fameuse «tyrolienne» immortalisée par Mariano («Mexico Mexiiiiiico !!!»). Un plateau d’artistes spécialistes du genre est mis en scène par Jack Gervais et placé sous la direction musicale de Bruno Conti (les 21 et 22 fév à 14h30).

...Tosca

Cité de la Musique, Marseille 04 91 39 28 28 www.citemusique-marseille.com

De l’air ! Roland Hayrabedian affiche, dans la salle de la rue Grignan, une journée entièrement consacrée aux instruments à vent (le 19 mars). C’est ainsi qu’après une Master class (à 10h) et un concert de jeunes talents (à 14h30) la Salle Musicatreize accueille deux formations instrumentales, l’une marseillaise, l’autre venant de sa ville jumelle en Allemagne : Hambourg. Le Quintette à vent de Marseille (à 18h), constitué de Thomas Saulet (flûte), Bernard Giraud (hautbois), Daniel Paloyan (clarinette), Frédéric Baron (basson) et Didier Huot (cor), cinq solistes de l’Orchestre Philharmonique de Marseille, est bientôt trentenaire. Il dédie une partie de son programme à un compositeur lié depuis longtemps à l’ensemble vocal Musicatreize : Lucien Guérinel. On entend ses Six Bagatelles et Médiatissées à côté de pièces de Schoenberg et Ravel (transcription du Tombeau de Couperin). L’Ensemble Arabesque (à 20h), trio d’anche fondé en 2010 par Rupert Wachter (clarinette), Christian M. Kunert (basson) et Nicolas Thiébaud (hautbois), membres de l’Orchestre de l’Opéra de Hambourg, est invité enfin à interpréter un programme éclectique où l’on retrouve le désormais familier (et marseillais) Henri Tomasi (Concert champêtre), le trop rare Vincent d’Indy (Chanson et Danse), Erwin Schulhoff et

De Lopez à Puccini...

Après une œuvre rare (Les Caprices de Marianne de Sauguet – voir p.27), Maurice Xiberras propose de revenir à un classique, régulièrement programmé à Marseille (et partout dans le monde) : Tosca. Le chef-d’œuvre de Puccini est un opéra populaire qui allie l’esprit du mélodrame à une exigence lyrique qui ravit les aficionados prêts à lancer leurs bravi aux gestes vocaux donnant des frissons. C’est la verve italienne qu’on entend, mêlée à une vérité dramatique novatrice pour l’époque (1900). Pour cette nouvelle production de l’Opéra de Marseille, on fait appel au metteur en scène, décorateur et costumier Louis Désiré. Fabrizio Maria Carminati dirige un magnifique trio : Adina Aaron (Floria Tosca), Giorgio Berrugi (Mario Cavaradossi) et Carlos Almaguer (Scarpia). On se délecte d’avance à l’idée d’entendre les fameux airs «Recondita armonia», «Vissi d’arte», «E lucevan le stelle», comme le magnifique 2e acte, sommet dramatique parmi les plus beaux de l’histoire de l’opéra (5 représentation du 11 au 20 mars). J.F.

Opéra de Marseille 04 91 55 11 10 opera.marseille.fr/



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Paul Personne

Elisabeth Kontomanou Malia

le 14 mars Espace Julien, Marseille 04 91 24 34 10 www.espace-julien.com

Festival Avec le temps Arthur H © Leonore Mercier

Pour sa 17e édition, le festival qui met à l’honneur la chanson française revient dans quatre lieux phare de la cité phocéenne et promet un heureux mariage de têtes d’affiche et de jeunes artistes émergents. Ainsi sur la scène de l’Espace Julien, se relaieront Arthur H et Rit (le 19), Jeanne Cherhal et Ottilie B (le 21), La Maison Tellier et Les gens d’en face (le 24), puis Renan Luce et Armelle Ita (le 25). Direction découvertes au Café Julien : Duval MC et Bionic Man Sound (le 20), les Contes de Malmousque par Catherine Vincent, un spectacle jeune public sur les quartiers de Marseille (le 22), et le groupe Maison Rouge (le 23). Puis à La Machine à Coudre, de la pop française avec Fabien Sacco (le 21), et à l’Eolienne le trio explosif Drôles de drames (le 24). Sans compter des rencontres, des show case et l’exposition French Vinyles (à la BMVR). du 19 au 25 mars Divers lieux, Marseille www.festival-avecletemps.com

le 20 fév Forum de Berre 04 42 10 23 60 www.forumdeberre.com le 19 fév Le Rocher, La Garde 04 94 08 99 34 www.ville-lagarde.fr

Elisabeth Kontomanou est l’une des grandes personnalités du jazz vocal contemporain. Pour son dernier album sorti au printemps 2014, Amoureuse, cette grande voix sensuelle a délaissé un temps les standards du jazz américain pour faire swinguer le jazz en français ; des auteurs connus de tous et dont elle se réapproprie les chansons : Bécaud, Nicoletta, Aznavour, Nougaro, Piaf, Brel… Avec Gustav Karlström au piano, Joey Belmondo à la guitare, Thomas Bramerie à la contrebasse et Donald Kontomanou à la batterie. le 20 fév Le Sémaphore, Port-de-Bouc 04 42 06 39 09 www.theatre-semaphore-portdebouc.com

L’Histoire du soldat

L’épopée (et le chef-d’œuvre) de Stravinsky et Ramuz, accompagnée par sept musiciens de l’Orchestre Régional Avignon Provence, eux-mêmes dirigés par le chef Samuel Jean. Pour narrer l’histoire du soldat Joseph qui pactise avec le diable, deux comédiens, Mourad Bouhlali et Dizzylez, également musiciens puisqu’ils sont respectivement percussionniste corporel et slameur. Un conte classique et universel sur l’être et le temps intelligemment revisité, à voir en famille (voir Zib’80). le 11 mars Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr

Weepers Circus

Weepers Circus © Camille

Monsieur Paul Personne, blues rockeur à la voix chaude et rocailleuse que sa Gibson accompagne partout, nous revient avec un 14e album, Puzzle 14, enregistré avec son groupe A L’Ouest. Plus tourné vers le rock que vers le blues, avec quelques pointes d’électro et de longs riffs de guitare, un véritable puzzle musical pour cet artiste sans étiquettes qui se qualifie lui-même de «musicien de l’âme».

Elisabeth Kontomanou © Philippe Levy-Stab

Paul Personne © Yann Buisson

Après un premier album dans lequel elle rendait un vibrant hommage à Nina Simone (Black Orchid) et qui l’a révélée, la Britannique originaire du Malawi cherchait à travailler avec quelqu’un venu de la scène électro. Son dernier opus, Convergences, a ainsi été pensé pendant trois ans par la chanteuse/compositrice et Boris Blank du groupe Yello. Une musique soul-électro qui porte des chansons qui parlent de fantômes, d’esclavage, de spiritualité et, évidemment, d’amour.

Après le succès de leur dernier spectacle À la récré, les Weepers Circus reviennent avec un nouveau concert destiné aux enfants mais pas que. Entre reprises de grands classiques totalement revisités (Pirouette cacahouète devient un rap déjanté) et chansons inédites qui font la part belle aux personnages hors normes (un ogre végétarien ou un renard qui vole des poules transgéniques), il est à parier que l’ambiance sera électrique ! Le Grand bazar du Weepers Circus le 13 mars Espace Gérard Philippe, Port-Saint-Louis 04 42 48 52 31 www.scenesetcines.fr le 22 avril La Colonne, Miramas 04 90 50 66 21 www.scenesetcines.fr


Nevché

Fred Nevchehirlian, nom de scène Nevché, sait manier avec subtilité et une certaine acuité sociale le mélange des genres, en marge des conventions. Dans son nouvel album consacré à Marseille, Rétroviseur, qu’il présente sur scène, rock, slam, poésie, accompagnés par sa voix murmurante, confèrent à donner à sa ville natale de nouvelles couleurs. Un artiste inventif et étonnant, invité dans le cadre de courteEchelle, qu’il sera possible de rencontrer à 15h, avant le concert, à la médiathèque de la Maison du Peuple. le 28 fév Maison du peuple, Gardanne 04 42 65 77 00 www.ville-gardanne.fr

Les Sons du Lub’

Direction le sud Luberon avec l’association Arc en Sol initiatrice du festival de musiques actuelles Les Sons du Lub’ ! Après avoir fêté ses 10 ans l’année dernière, l’association désire aujourd’hui créer non pas un Slow Joe and the Ginger Accident © Baghir mais plusieurs événements fédérateurs en 2015. Première date le 14 mars, de 19h à 1h du matin, avec le concert d’une révélation sur la scène nationale, Slow Joe, un vieil indien, crooner de rue. Son association avec le groupe de jeunes rockers lyonnais the Ginger Accident fait merveille, mêlant la voix chaude et éraillée du chanteur au blues rock et au R&B des mélodies. En 2e partie de soirée, le groupe Floston Paradise fera résonner son jazz rock balkanique. le 14 mars Domaine de la Castelette, La Tour d’Aigues 06 95 13 97 73 www.arcensolasso.fr

Et bien d’autres…

le 5 mars Les Hauts Plateaux, Avignon 09 51 52 27 48 www.collectif-inoui.org

es... © X-D.R ’Autr nd Bie Et

Rencontre au sommet accueillie par l’équipe d’Inouï Productions, pour laquelle il est prudent de réserver, Les Hauts Plateaux n’étant pas extensibles. Avec l’humour et la malice qu’on lui connaît, le chanteur inclassable Albert Marcoeur, auteur-compositeur-multiinstrumentiste iconoclaste, placera ses mots dans l’univers des compositeurs suisses Julien Baillod et Jean-20 Huguenin, ayant longtemps manœuvré dans l’illustration sonore pour le théâtre. Une soirée qui promet expérimentations acoustiques et climats mystérieusement évocateurs… en joyeuse compagnie.


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Attention à la marche © Macha Makeïefft

Fermez les yeux et écoutez : c’est le début de l’histoire. Voix et musique rythment des contes tissés de cruauté et d’humour retraçant les histoires des malchanceux. Ces personnages nous les connaissons tous, comme celle de ce copain victime de toutes les catastrophes et qui nous fait bien rire malgré lui. Mais elles racontent aussi celle du faible qui se rebiffe, prend confiance en lui et s’attaque au gros, au grand, à l’énorme, à l’impossible ! En partenariat avec La Baleine qui dit «Vagues».

Les Contes d’Odessa, entre théâtre et lecture musicale, donnent à entendre des mots crus et drôles. Sur le plateau, trois lecteurs, deux musiciens, deux écrans, des images et des fantômes, des chansons... Dans son recueil, Isaac Babel dresse un portrait touchant et sans complaisance de la plus grande communauté juive de Russie. Philippe Fenwick imagine une étrange correspondance sur l’impossible retour à Odessa, «la Marseille slave» de l’écrivain russe. Présentée par Macha Makeïeff, cette double lecture fera entendre le français, le russe, l’ukrainien et le yiddish.

Le Corps du Ballet

C’est avec cette pièce neuve que les nouveaux directeurs du Ballet National de Marseille, Emio Greco et Peter Scholten, vont faire leur entrée sur la scène du Théâtre National. Une pièce faite sur mesure, comme celles qu’ils ont conçues pour diverses compagnies. Ils adaptent ce nouveau Corps à l’identité, mi classique mi contemporaine, d’une troupe d’exception qui superpose les savoirs maitrisés. Masse et formes, individus et groupes, cris et codes, à découvrir pour connaître le nouveau visage d’un ballet au logo relooké. À l’esthétique nouvelle ?

Victor ou les enfants au pouvoir du 11 au 18 mars La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

© Alwin Poiana

Le Corps du Ballet National de Marseille les 14 et 15 mars La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

du 13 au 20 mars Théâtre Toursky, Marseille 0 820 300 033 www.toursky.org

Mes Pénélopes © Joanna Martins

© Christine Ledroit Perrin

Victor fête ses neuf ans avec sa famille et ses amis. Ce qui ne devait être qu’une petite fête ordinaire devient un règlement de compte et renverse la normalité d’une vie bourgeoise bien réglée. On passe du vaudeville à la tragédie, de l’humour cruel à la noirceur d’un drame sur lequel plane la mort. L’intelligence précoce de Victor ne le protégera pas des forces destructrices qui l’entourent et qu’il a lui-même créées. Dans une langue à la fois grinçante et poétique, la pièce de Roger Vitrac garde son audace et sa vitalité.

Pour ses 20 ans, le Festival russe annuel prend des allures d’événement : trois pièces de théâtre au programme, du cinéma et de la musique. On retrouvera, dans une mise en scène d’Alexandre Slavoutski, la (fausse) comédie de Tchekhov, La cerisaie, avec le Théâtre Académique dramatique d’État Russe de Kazan, et Le rêve de l’oncle d’après Dostoïevski, dans un rythme enlevé et tournoyant. Le Théâtre Académique de Perm, le «Théâtre-Théâtre», nous emportera, dirigé par Boris Milgram, dans la fantaisie débridée d’une comédie musicale, Huit femmes, d’après Robert Thomas.

le 21 fév La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

les 18 et 19 fév La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

Victor…

Festival russe

La cerisaie © X-D.R

Contes d’Odessa

Conçu par le duo Alain Fourneau et Carol Vanni, qui est aussi l’auteure du texte, le spectacle s’est vite tourné vers d’autres voix, et notamment celles des habitantes des Maisons relais Claire Lacombe (dispositif d’association d’habitants qui a accueilli des artistes en résidence aux Bernardines), ainsi que d’autres présences féminines venus d’horizons différents. Autant de Pénélopes possibles qui mêlent leurs voix sur ce texte qui a été pour C. Vanni «entrer dans l’attente […] percevoir la patience du monde…». du 27 fév au 3 mars Les Bernardines, Marseille 04 91 24 30 40 www.theatre-bernardines.org


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Kolik

L’école des femmes © Chantal Depagne Palazon

© Sylvain Couzinet Jacques

Thierry Raynaud n’a sans doute jamais été aussi époustouflant que dans ce monologue, et ce n’est pas peu dire. Hubert Colas le met en scène assis, avalant verre d’eau sur verre d’eau, hallucinant, halluciné. Le texte de Rainald Goetz, balancé comme des coups de poings, expulse son mal être et sa violence, son hachis de cerveau-merde. Très fort.

«Le petit chat est mort» : la réplique la plus célèbre de tout le répertoire classique prend ici une profondeur nouvelle. Philippe Adrien revisite Molière autour de l’histoire d’un vieux râleur qui séquestre une enfant pour la préserver des souillures du monde extérieur, et en faire son épouse une fois que celle-ci a grandi. Une situation loin d’être anodine de nos jours... À travers cette pente sombre se dévoile aussi l’éveil du désir et la fougue de la jeunesse qui fera tout pour aller à l’encontre des règles.

les 19 et 20 fév La Friche, Marseille 04 95 04 95 95 www.lafriche.org

Nina

Rebond…

En mars 2014, le Théâtre La Cité programmait la Biennale des Écritures du réel #2. Un an plus tard, en partenariat avec La Friche, il présente à nouveau deux des pièces créées à ce moment-là, et qui permettent d’approcher de façon singulière quelque chose de la vie et de la culture du peuple Rrom : Mangimos-La demande en mariage, mise en scène de Xavier Marchand plonge le spectateur au cœur d’un événement coutumier, la cérémonie de demande en mariage ; Chakaraka, mise en scène de Michel André, rend compte du foisonnement de la vie d’un squat. À écouter aussi, la 1re lecture de À l’Envers de Julien Mabiala Bissila, auteur en résidence dans le quartier de St Mauront dans le cadre de Chemin faisant Marseille, et dont le spectacle abouti sera programmé lors des Écritures du réel #3 en mars 2016. Un séminaire de travail sur la création partagée réunira aussi amateurs, artistes et représentants d’institutions publiques et de fondations le 12 mars à La Cité. Rebond à la Biennale des Écritures du réel #2 du 11 au 14 mars La Cité, La Friche, Marseille 04 91 53 95 61 www.theatredelacite.com

du 10 au 12 mars Le Gymnase, Marseille 08 2013 2013 www.lestheatres.net

L’Origine du monde

du 3 au 7 mars Le Gymnase, Marseille 08 2013 2013 www.lestheatres.net © Emmanuel Murat

Un homme cardiaquement mort doit, pour revenir à la vie, photographier le sexe de sa mère octogénaire. Dans la vraie vie, la situation est impensable. Comment dévoiler cette partie du corps qui doit rester obscure ? Les péripéties chargées d’une dose massive d’absurde s’emboîtent, oscillant entre non-sens et obscénité gentillette. Dans l’envie d’une franche rigolade tout bonnement, Jean Michel Ribes défend le rire avec obstination comme une arme contre toutes les médiocrités et les hypocrisies qui servent de socle aux pensées totalisantes. le 15 mars Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr du 17 au 21 mars Le Gymnase, Marseille 08 2013 2013 www.lestheatres.net

Sang de cerisier © X-D.R

Un trio : le mari, la femme, et l’amant. La femme, c’est Nina (Mathilde Seigner) : fantasque, frondeuse et passionnée. Elle entraîne son mari et son amant dans un tourbillon bien loin des codes du vaudeville appris «au théâtre ce soir». Un rendez-vous galant dans une garçonnière. Irruption du mari, portes forcées, jeu de cache-cache, revolver brandi... On croit connaître la chanson et pourtant... Bernard Murat déroule l’intrigue d’André Roussin avec des dialogues exempts de vulgarité et semblant contenir plus d’intelligence qu’il n’y parait.

Le 11 mars 2011 une vague déferlante s’abat sur les côtes du Tohoku, au Japon, et fait partir en fumée quatre réacteurs de la centrale nucléaire de Fukushima. La Cie Le bruit des Hommes poursuit son travail sur le Japon avec cette réflexion sur la désespérance, la colère, l’espérance et la capacité de résilience de ce peuple. Sous la direction de Yoshi Oïda, cinq comédiens mêlent leurs émotions et leurs corps à «l’intarissable source de désir de vie». du 6 au 14 mars Le Lenche, Marseille 04 91 91 52 22 www.theatredelenche.info


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Herself

Sur les traces…

© Michel Gabriel Duffour

© Philippe Houssin

© X-D.R

Six femmes, comédiennes, danseuses, chanteuses, tentent l’impossible : incarner l’essence même de la féminité. Pour jouer avec les codes et les clichés de l’image féminine, Thomas Fourneau convoque Patti Smith, Sylvia Plath, Nancy Spungen, Emily Dickinson, mais aussi une ex-steward devenue hôtesse de l’air, une ancienne actrice porno, des super-héroïnes… Autant de personnages qui permettent d’interroger les notions de genres, d’empathie, et plus largement notre rapport à la différence.

Je serai Macbeth

La Cie Mémoires Vives, très engagée autour des questions d’immigration, d’intégration et de pluralité des cultures a travaillé en collaboration avec le centre social l’Agora, à la Busserine, pour se saisir de la vitalité qui émane des différentes communautés de cette ville-monde qu’est Marseille. Vingt artistes, professionnels et amateurs, sous la direction de Yan Gilg, s’immiscent dans «les mémoires collectives de ceux qui ont construit une France plurielle, au travers de leur exil, de leur lutte […] et au final de leur enracinement».

du 12 au 14 mars Théâtre Joliette-Minoterie, Marseille 04 91 90 74 28 www.theatrejoliette.fr

«Je veux faire Macbeth en théâtre d’objet !» Cri du cœur d’un des personnages qui n’est autre que celui de Christian Carrignon qui souhaitait voir se jouer la tragédie de Shakespeare «avec chevaux, soldats, forêt et château fort made in China – une maquette en quelque sorte […]». Un petit théâtre dans le grand, qui se termine en champ de bataille «comme la vie qu’il faut affronter» selon les mots du metteur en scène. du 4 au 7 mars Le Massalia, Marseille 04 95 04 95 75 www.theatremassalia.com

Sur les traces de nos pas le 13 mars Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 www.merlan.org

À titre provisoire

Noos / No(w) hope

La soirée du 21 février sera double comme souvent au Klap : pour 5 euros on pourra assister à une découverte dansée, fruit d’un travail en cours mené par Manon Avram et Thierry Escarmant qui «partent de la certitude du cri» ; puis un spectacle abouti, le duo Noos de Justine Berthillot et Frédéric Vernier, fait de contacts et portés acrobatiques, dont on avait pu voir une très intéressante version «découverte»...

Vader © Herman Sorgeloos

du 17 au 19 mars Théâtre Joliette-Minoterie, Marseille 04 91 90 74 28 www.theatrejoliette.fr © Delphine Michelangeli

Avec ce premier volet d’une trilogie sur la famille, Peeping Tom aborde la figure du père. Dans la salle des pas-perdus d’une maison de retraite, un vieil homme trône et évolue, «en même temps divin et ridicule, doté d’une riche vie mentale, et déconnecté, sur le déclin, vide». Avec un humour poignant, la pièce explore le moment où l’imagination ou la maladie de cet homme menace de faire basculer les réalités du quotidien de cette étrange maison de retraite. du 18 au 21 mars Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 www.merlan.org

le 21 fév à 19h et 21h Klap Maison pour la Danse, Marseille 04 96 11 11 20 www.kelemenis.fr

© Clément Cebe

C’est «une traversée en commun, une embarcation vers ce qui nous tient vivant face au grand plongeon». La Cie Art.27 fait de la scène un vaste terrain de jeu où la mort peut se jouer et se rejouer sans risque ni pathos. Le texte de Catherine Monin, auteure et comédienne, fait alterner les scènes collectives et des monologues poignants sur la prise de conscience du temps de la vie, et de sa fin, pour la célébrer d’autant mieux !


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Marseille Objectif Danse a concocté un menu de choix ! D’abord à La Friche Tino Sehgal pour son triple solo masculin écrit en 2000 et qui décline trois identités remarquables... dont celle de Boris Charmatz qui viendra créer à Marseille sa nouvelle pièce. En coproduction avec le MuCEM, pour clôturer l’expo Food, il s’agira de Manger... Tino Sehgal (sans titre) les 27 et 28 fév La Friche, Marseille Manger les 28 fév et 1er mars MuCEM, Marseille 04 95 04 96 42 www.marseille-objectif-danse.org

Jacques et Mylène

Tout public mais de préférence à partir de 14 ans pour cause d’humour un tantinet trash, ce spectacle de la Cie des 26 000 couverts est leur première «petite» forme. Ils se sont donc enlevé deux «zéros»... et tadam ! Voici la troupe des 260 couverts. Ce qui n’amoindrit en rien leur délire comique, inspiré d’un texte de Gabor Rassov, avec deux acteurs pour interpréter sept personnages : Philippe Nicolle et Ingrid Strelkoff. Jacques et Mylène, ou l’esprit punk au théâtre. les 20 et 21 fév Théâtre Fontblanche, Vitrolles 04 42 02 46 50 www.vitrolles13.fr

Manuel Pratt

Manuel Pratt est un humoriste unique en son genre, qui se réclame plus de Reiser que de Coluche ou Desproges, et s’attaque avec entrain aux sujets les plus durs. Témoin ce Love me tender II, sous-titré Les origines du mal, qui met son public face -et vraiment tout proche !- à un serial killer. On pourra avoir un aperçu complet de son œuvre dans son Best of, compilation rassemblant des extraits de ses spectacles en solo, une dizaine en tout. Love me tender II le 20 fév Best of le 22 fév Cinéma-Théâtre Les Lumières, Vitrolles 04 42 77 90 77 www.cinemaleslumieres.fr

Yeraz © Production Onesime 2000

Menu d’hiver

Quand la poésie exprime l’inexprimable... Yeraz (songe, en arménien) est l’hommage rendu par de grands comédiens au peuple d’Arménie, à travers les paroles de ses poètes et écrivains : Sayat Nova, Daniel Varoujan, Grégoire de Narek ou encore l’essayiste contemporain Hrant Dink. Pour commémorer les cent ans du génocide, et rappeler plus que jamais l’importance du mot espérance, Michael Lonsdale, Brigitte Fossey, Catherine Salviat, Richard Martin et Kelly Martins monteront ensemble sur la scène du Comoedia. le 21 fév Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr

Les filles…

Joëlle Cattino du Dynamo Théâtre met en scène l’émancipation des femmes au tournant de 14-18, lorsque le départ des hommes au front leur a laissé une autonomie inusitée, dans la gestion du quotidien et de l’effort de guerre. Quatre comédiennes interprètent autant d’ouvrières dans une usine d’armement, «obusettes» aux mains jaunies par les produits chimiques. De ces femmes qui n’avaient pas le droit de vote (il aura fallu attendre la fin de la deuxième guerre mondiale pour cela), mais qui ont pris alors conscience de leur force. Les filles aux mains jaunes le 7 mars Le Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr

Cékoi ça ?

Les enfants posent, et se posent, toujours un tas de question… La Cie Eponyme propose aux enfants de 18 mois à 6 ans de découvrir l’univers de deux clowns (Gisèle Martinez et Sofi Portanguen, qui signent aussi la mise en scène) confrontés aux problèmes essentiels qui se posent quand on n’est pas encore adapté au monde, ceux à quoi ils peuvent aisément s’identifier. C’est quoi ca ? On va où ? T’es qui toi ? C’est quoi qu’on mange ? C’est quand qu’on arrive ? Pourquoi la fleur a disparu ? Un spectacle visuel, humoristique et musical, une exploration ludique de l’univers des jeunes enfants. du 4 au 6 mars Théâtre des Chartreux, Marseille 04 91 50 18 90 www.theatredeschartreux.fr


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L’achat du cuivre © G. Santiago Ramos

le 19 fév Théâtre Antoine Vitez, Aix-en-Provence 04 13 55 35 76 www.theatre-vitez.com

La forme du monologue est un art difficile dans lequel Alain Simon excelle. Après avoir porté avec brio la parole des autres, dont Le discours de la méthode de Descartes, il nous offre sa propre écriture dans une série de monologues dont le premier mouvement est créé cette année. Le principe est simple : livrer le discontinu de la pensée, celle à sauts et gambades si chère à Montaigne, par le biais de la continuité d’un texte. Tous les registres sont ici convoqués pour un spectacle de fin gourmet.

du 11 au 13 mars Bois de l’Aune, Aix-en-Provence 04 42 93 85 40 www.agglo-paysdaix.fr

La putain de l’Ohio

du 16 au 23 mars Théâtre des Ateliers, Aix-en-Provence 04 42 38 10 45 www.theatre-des-ateliers-aix.com

© Pierre Grosbois

L’histoire est simple, un mendiant (probablement) décide de s’offrir en cadeau d’anniversaire les services d’une prostituée. Mais à soixante-dix ans, il se trouve dans l’incapacité de profiter de son achat… qu’il transmet alors à son fils. Il ne faut pas avoir dépensé en vain… la conjugaison entre sexe, argent et mort chère à Hanokh Levin devient celle de l’épopée humaine avec un trio bouleversant et drôle dans une mise en scène de Laurent Gutmann. le 18 mars (en partenariat avec les ATP d’Aix) Théâtre Antoine Vitez, Aix-en-Provence 04 13 55 35 76 www.theatre-vitez.com Réservations ATP 04 42 26 83 98 www.atpaix.net

Monologue 1

© X-D.R

«Mexico Despierta !» (Mexique réveilletoi !). La compagnie Kubilai Khan investigations, par une approche transversale où un dispositif sonore et visuel accompagne les danseurs, dénonce la barbarie, la cruauté d’un Mexique en proie aux cartels de la drogue, des ventes d’armes et extorsions en tous genres. Les chorégraphes Franck Micheletti et Aladino Rivera Blanca, dans cette création francomexicaine, signent une œuvre forte où la tension des corps, exacerbée, renvoie à celle d’un monde inhumain. Au Mexique 90% des délits ne sont pas jugés…

Pendant presque dix-sept ans, Brecht travailla sur le texte L’achat du cuivre. Sa mort le laissa inachevé. L’argument de base est simple, un marchand de cuivre achète une trompette dont il ne veut payer que le poids en cuivre… émergence d’un «théâtre scientifique», analyse, critique pratique, exigence d’interprétation du monde dans le but de le transformer dans la lignée marxiste. Danielle Bré adapte le texte, épure les longueurs «dissertantes», renforce le dialogisme. La troupe d’étudiants et d’amateurs de In pulveris reverterem, se voit confier en quelque sorte «l’avenir du Théâtre».

Alain Simon © Théatre des Ateliers

Mexican Corner

Sur le papier…

Dans le cadre des ateliers de création de l’université, Mirabelle Rousseau, metteur en scène de la Cie T.O.C., propose un travail conçu avec les étudiants des cursus théâtre de l’Université à partir d’un florilège de textes qui sont autant de Colères théâtrales. Sont ainsi mis en scène des extraits de Claus Peymann et Hermann Beil sur la Sulzwiese de Thomas Bernhard, L’impromptu de Versailles de Molière, Catastrophe de Brecht, Je voudrais être légère d’Elfriede Jelinek et d’autres surprises. Sur le papier, je pourrai tuer du 10 au 14 mars Théâtre Antoine Vitez, Aix-en-Provence 04 13 55 35 76 www.theatre-vitez.com

Boxe boxe

Le chorégraphe Mourad Merzouki livre une partie de ses souvenirs avec ce spectacle, Boxe boxe, qui rappelle sa formation initiale. Le sport devient danse, avec une chorégraphie réglée au millimètre, évoluant entre poésie et humour. La complicité du Quatuor Debussy, sur scène, ajoute à la magie de l’ensemble, jouant sur les décalages, unissant Schubert, Verdi ou Philip Glass aux évolutions des danseurs. Le classement «jeune public» n’interdit pas les autres classes d’âge, bien au contraire ! les 20 et 21 fév Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence 08 0213 0213 www.lestheatres.net


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Quelque part au cœur… Tous au piquet !

House

Spectacle inclassable, voyageant entre les styles et les époques, House, construit comme un cube, permet à la troupe de la Batsheva Dance Company de mettre en scène la chorégraphie hypnotique de Sharon Eyal. Les corps androgynes moulés dans des combinaisons chair mêlent érotisme et danse dans un rythme enlevé réglé avec une précision de métronome, pour une véritable lettre d’amour à la danse. les 17 et 18 mars Pavillon Noir, Aix-en-Provence 04 42 93 48 14 www.preljocaj.org

Réunis autour d’un piquet de grève, les ouvriers d’une usine en lutte s’organisent, confrontent leur point de vue, se racontent. De confidences en déclarations militantes surgissent les souvenirs, les doutes et les espoirs de ces travailleurs coincés entre huis clos et mondialisation. Le groupe Quartiers Nord a recueilli des témoignages oraux et écrits sur la mémoire ouvrière de la région marseillaise pour créer cette grande fresque sociale qui mêle théâtre, musique et chansons.

Quelque part au cœur de la forêt le 11 mars Jeu de Paume, Aix-en-Provence 08 2013 2013 www.lestheatres.net

Monsieur et madame O © Alain Chetcuti

du 11 au 13 mars Pavillon Noir, Aix-en-Provence 04 42 93 48 14 www.preljocaj.org

Reprenez le conte de La Belle et la Bête mais avec une Belle appelée par les messages de la Bête, portés par le vent, symbole de l’inconnu qui effraie et attire. Mêlez au théâtre chant et masques, de la finesse et de la poésie, la réécriture de Claude Merlin, la mise en scène de Claude Buchvald, les lumières d’Yves Collet, les costumes et les masques de Sabine Siegwalt. Un beau spectacle qui apprend à vaincre les peurs de l’enfance. Réservé au jeune public, mais accessible aussi aux plus grands !

Premier Prix du Public de la Tournée Océane et deuxième Prix du Festival d’Humour de Longjumeau, la pièce de mime portée avec un inénarrable brio par Maria Cadenas Sanchez et Laurent Clairet installe un couple autour d’une table, ses habitudes, la ritournelle répétitive et épuisante du quotidien. De routine en frustration, on plonge dans la férocité de l’absurde. Un spectacle où le rire n’est jamais innocent. Un bonheur jubilatoire ! les 14 et 15 mars Théâtre d’Aix, Aix-en-Provence 04 42 33 04 18 www.letheatredaix.fr

le 6 mars Maison du peuple, Gardanne 04 42 65 77 00 www.ville-gardanne.fr

L’Ogresse des archives… © Patrick Berger

© Luis Castilla

Entre Tula et le lac Baïkal, la voiture d’Andreï et Nina tombe en panne. Il y a la forêt, la neige, le froid, glacial, juste une radio… Marcos Morau et sa troupe La Veronal, mettent en scène un véritable road movie aux accents de thriller, métaphore de la Russie d’aujourd’hui, mêlant musique actuelle (signée North Howling) et clins d’œil aux perles classiques de Tchaïkovski ou Stravinski. La peur devient le moteur d’une chorégraphie inventive portée avec brio par d’exceptionnels danseurs.

© Denis Rocchia

© Chantal Depargne Palazon

Russia

Christian et François Ben Aïm revisitent les contes de notre enfance, connus de tous, rassemblant sur scène neuf danseurs, musiciens et artistes circassiens internationaux. Dans un univers onirique étrange et fantastique, les interprètes nous font passer d’une princesse au petit Chaperon rouge, du loup à la Belle au bois dormant, décalant ces histoires comme pour mieux en révéler l’insolite et le merveilleux. L’Ogresse des archives et son chien le 19 fév Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.les-salins.net


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Récital à 40

Via Sophiatown

L’échange

© Gilles Aguilar

Quatre personnages, dans l’espace d’une journée, vont échanger leurs désirs, leurs rêves et leurs passions. Marthe, une Française, est l’image de la soumission aux lois de la famille, du mariage et de la religion ; Louis, son mari, est un jeune homme épris de liberté qui ne souffre aucune discipline ; Lechy, actrice américaine, est émancipée, de caractère et de mœurs libres ; son mari, Thomas, est un homme d’affaire entreprenant. La Cie l’Egregore, dans une mise en scène d’Ivan Romeuf, révèle un Claudel plein d’humour et de malice.

Sophiatown, célèbre quartier de Johannesburg, demeure le symbole de la lutte contre l’apartheid et de la lutte des artistes. La Cie sud-africaine Via Katlehong Dance lui rend un hommage festif, avec neuf danseurs et deux jazzmen qui plongent dans la culture africaine des fifties sur des tubes de Dorothy Masuka ou Miriam Makeba, dansant le tsabatsaba ou le kofifi, ancêtre de la célèbre pantsula qui est aussi un style de vie.

le 26 fév Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.les-salins.net

La Grenouille…

© Vélo Théâtre

le 17 mars Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com

© Mélancolie Motte

les 11 et 14 mars Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.les-salins.net

du 20 mars au 11 avril Le Lenche, Marseille 04 91 91 52 22 www.theatredelenche.info

le 13 mars Les Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.les-salins.net

La Mer et lui

Lui c’est un vieux marin qui s’est perdu en quittant son métier, fou d’amour pour la mer qu’il demande en mariage… Elle accepte, décide de prendre sa retraite elle aussi, et se coule dans un verre d’eau. Dès lors les éléments vont se déchaîner… Dans une petite piscine qui ne contient pas d’eau, Mélancolie Motte se cache, se vautre, la plie sous son corps, s’en sert comme percussion pour conter cette magnifique histoire d’amour improbable et infiniment poétique.

le 13 mars Le Sémaphore, Port-de-Bouc 04 42 06 39 09 www.theatre-semaphore-portdebouc.com

© X-D.R

En 1998, Mourad Merzouki créait Récital pour 6 danseurs, une des œuvres majeures de l’histoire du hip hop. Il l’amplifia en 2012, faisant se côtoyer sur un même plateau 40 danseurs issus de 4 générations, de 20 à 50 ans. Un ballet qui met en scène plus de 15 ans d’histoire, une expérience, comme le dit M. Merzouki, qui «montre et démontre que le hip hop a atteint un niveau exemplaire de maturité, et que la transmission de ses œuvres est une question fondamentale pour l’avenir de la danse».

…Grosse patate

Tout le monde à l’école l’appelle Grosse patate parce qu’elle mange tout le temps ; mais elle, elle sait qu’elle est ronde et douce. Dans sa classe il y aussi Rosemarie la timide, Rémi son souffre-douleur, et Hubert dont tout le monde est amoureux. Dans son journal intime elle raconte le bonheur, la tristesse, et toutes ses interrogations de petite fille qui essaye de comprendre le monde… La Cie niçoise Gorgomar a adapté le livre de Dominique Richard, à la langue drôle et inventive, qui parle avec sensibilité d’amour, d’amitié, de différence. Le Journal de Grosse patate le 4 mars Le Sémaphore, Port-de-Bouc 04 42 06 39 09 www.theatre-semaphore-portdebouc.com

Monsieur Brin d’Avoine est un drôle de bonhomme. Toute sa vie il a collectionné les maisons, cherchant sans cesse à retrouver le lieu originel, la première maison qui fut le lieu des premières expériences, des premiers souvenirs. Trois serviteurs nous ouvrent les portes de son univers, un cabinet de curiosité dans lequel l’image (avec les fabuleuses machines du bricoluminologue Flop Lefebvre), comme le verbe, tient une place centrale. Un voyage poétique et sensoriel créé par Charlot Lemoine et Tania Castaing, Cie Le Vélo Théâtre. La Grenouille au fond du puits croit que le ciel est rond le 18 mars Forum de Berre 04 42 10 23 60 www.forumdeberre.com


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Les Élancées

d’invraisemblables combinaisons qui créent des tableaux vivants à couper le souffle ; et avec le Cirque Le Roux qui mêle habilement cirque, théâtre burlesque et music-hall dans The Elephant in the room. De la magie et du mentalisme enfin, avec Raoul Lambert qui se penche, avec humour et dérision, sur la dangerosité des chansons de variété et les messages qu’elles véhiculent dans Titre définitif* (*Titre provisoire) ; avec Scorpène qui nous met la tête À l’envers en utilisant le son des mots pour s’adresser à notre subconscient ; et avec l’expérimentation hors du commun que propose la Cie Le Phalène dans Je clique donc je suis. Bounce © Atelier de Paris

Bleu violon

jusqu’au 22 fév Cornillon, Fos, Grans, Istres, Miramas, Port-St-Louis www.scenesetcines.fr

Stimmlos

Le Boustrophédon crée au Théâtre d’Arles ce spectacle qui aborde le thème de l’enfermement, de l’emprisonnement, et plus largement des chaînes qui nous entravent. Passionnés par le croisement des disciplines, les artistes y intègrent un film d’animation qui sera partie prenante de la narration et interrogera le spectateur «sur la véracité de ce qu’il voit en créant un monde improbable où le moindre élément amène à douter, car le doute est le moteur de l’implication de celui qui regarde».

Swift !

Le jeune chorégraphe Arthur Perole offre dans sa nouvelle pièce une véritable ode au romantisme. Les gestes épurés et volontairement lents des cinq danseurs de la Cie F, tous de noir vêtus, lient l’esthétique funeste et mélancolique des préludes de Wagner aux poèmes de Baudelaire, formant un paysage troublant, au cœur de la poésie.

Inspirée librement des aventures de Gulliver, cette pièce jeune public est le premier volet d’une trilogie autour du voyage imaginée par la talentueuse compagnie Skappa !. Et c’est effectivement à un voyage surprenant et poétique, abritant des objets aux proportions démesurées, que le spectateur dès 3 ans est convié, en suivant les traces laissées par les humains dans les villes et dans lequel se mêlent les ombres, la vidéo, la musique et la lumière. Un voyage ludique à la découverte de l’Autre.

le 19 fév Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com

les 10 et 11 mars Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com

Le Braquemard du pendu

le 14 mars Théâtre de Fos 04 42 11 01 99 www.scenesetcines.fr les 28 et 29 mars Auditorium Jean Moulin, Le Thor 04 90 33 96 80 www.artsvivants84.fr © Le Boustrophédon

Deux hommes cherchent à préserver le fil de la vie : le premier réfléchit encore, même s’il le fait de travers, le second a décidé d’arrêter. L’histoire d’un mythe, au croisement entre l’absurdité de Sisyphe et la bêtise de Babel. Ce 3e volet du «projet Braquemard», porté par Alexandre Denis et Timothé Van Der Steen, Cie La Mondiale générale, s’inscrit dans un travail au long cours fait d’équilibres précaires, mais toujours maîtrisé, sur des poutres de bois, des objets bruts sur lesquels un homme va danser et se poser. le 17 mars Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com

le 15 mars L’Alpilium, Saint-Rémy-de-Provence 04 90 92 70 37 www.mairie-saintremydeprovence.fr © Skappa

Le Festival des Arts du Geste se poursuit sur le territoire de Ouest Provence : de la danse avec la petite forme de la Cie Itinerrances, Faire Cailloux, qui invite les tout-petits à un voyage poétique au cœur de la matière, et plus particulièrement du toucher ; avec Welcome, hymne à la danse de la Cie Grenade façonné à partir de pièces des répertoires de six femmes chorégraphes ; et les croisements entre danse et musique provoqués par la Cie Arcosm dans Bounce !. Du cirque, bien sûr, avec l’incroyable équilibriste Olivier Debelhoir et son numéro haut perché Un Soir chez Boris ; avec le Collectif AOC qui poursuit son exploration du vivre ensemble en mêlant différentes techniques (mât chinois, trapèze, trampoline…) et acrobaties incroyables dans Un Dernier pour la route ; avec les 22 artistes de la Cie XY dans Il n’est pas encore minuit, tour à tour porteurs et voltigeurs, qui ne cessent d’inventer


Le festival Les Hivernales, 37e du nom, ouvre ses portes ce 18 février pour 10 jours consacrés à la danse, pour les grands et les petits (temps fort HiverÔmomes du 18 au 21 avec notamment Cortex ou Welcome de Josette Baïz), du matin au soir sans discontinuer pour les plus passionnés. Car, en plus des représentations rassemblées dans cette édition pluri-continentale à l’instar des années précédentes, les Hivernales ce sont historiquement des stages très suivis (19 cette année, en danse : contemporaine, théâtre, cirque, hip hop, modern’jazz, ou encore du yoga avec Régine Chopinot, du tango…) dispensés par des artistes prestigieux, ouverts au public débutant ou professionnel, de 1h… à sept jours. Et comme le CDC des Hivernales a De la suite dans les idées, comme l’indique le sous titre joueur de l’édition, en programmant la

grande Carolyn Carlson dans un Dialogue with Rothko lumineux les 19 et 20 janvier en ouverture, l’intensité sera assurément au rendez-vous. La preuve avec Tordre de Rachid Ouramdane, Démocracy de Maud Le Pladec, Eeexeeecuuutiooons !!! de Maria La Ribot et le Ballet de Lorraine, Les grimpeurs (é)perdus du poète escaladeur Antoine Le Menestrel inspiré par Beckett, Clameur des arènes de Salia Sanou, Sacré printemps d’Aïcha M’Barek et Hafiz Dhaou. Ou avec des chorégraphes qu’il sera (chal)heureux de suivre : Paco Décina, Ginette Laurin, Myriam Gourfink, Madeleine Louarn en partenariat avec le ATP d’Avignon, Daniele Ninarello, Mickaël Phelippeau, Raka Maitra… ; la Cie Lanabel qui présentera aux Halles, à 5 reprises, l’appétissante pièce Exquises ; les incontournables

Le préambule...

Jour de marché

© Laetitia d’Aboville

Le préambule des étourdis le 13 mars La Garance, Scène nationale de Cavaillon 04 90 78 64 64 www.lagarance.com le 17 mars Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr

Repas jazz, Claude Tchamitchian © François Guery

On trimballe tous des casseroles derrière nous, une rencontre suffit parfois à les rendre un peu moins lourdes. Adaptée librement de La petite casserole d’Anatole d’Isabelle Carrier, la nouvelle création d’Estelle Savasta s’est nourrie d’une immersion en milieu scolaire pour recueillir les témoignages d’enfants sur le sujet. Une leçon de vie et de solidarité autour de cet attachant Anatole, un peu différent, et de son amie Miette, la vieille dame fragile et volontaire. Dès 6 ans.

Consacrées aux artistes de la région, les Escal’à Thor sont des petites formes, essentiellement musicales, et à petits prix, programmées en début de soirée. Pour la cinquième de la saison, c’est à un repas jazz que l’équipe de l’Auditorium nous convie, en compagnie du contrebassiste «à la générosité légendaire» Claude Tchamitchian, Eric Groleau à la batterie et Sylvain Kassap à la clarinette. Un Jour de marché un peu spécial puisque le trio se mettra aux fourneaux pour partager sa gourmandise pour les mets et les sons. le 17 mars Auditorium Jean Moulin, Le Thor 04 90 33 96 80 www.artsvivants84.fr

HiverÔclites et, en clôture, l’Avignonnaise Estelle Clareton, qui a depuis adopté le Québec et qui donnera à la Salle Benoit XII la pièce S’envoler. Envolons-nous donc ! du 18 au 28 fév Avignon, Le Thor, Vedène, Sorgues, Cavaillon 04 90 39 49 74 www.hivernales-avignon.com

Dreck

© Sophie Hatier

Les Hivernales

Democracy © Konstantin Lipatov

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Reprise du spectacle de Charles Berling créé il y a plus de 20 ans. Sur le texte de Robert Schneider, le comédien Alain Fromager, formidable, fait entendre la voix d’un immigré Iranien dans l’Allemagne des années 70. À La Criée, Charles Berling lira en première partie les mémoires de Calek Perechodnik, un Polonais membre de la «police juive» du ghetto de Varsovie (Calek sera également joué au Théâtre Liberté le 21 mars). du 19 au 21 fév Chêne Noir, Avignon 04 90 86 74 87 www.chenenoir.fr le 27 mars La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com les 19 et 20 mars Bois de l’Aune, Aix-en-Provence 04 42 93 85 40 www.agglo-paysdaix.fr


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Vibracion

Accueillie dans le cadre du 14e Festival Andalou de l’association Andalouse Alhambra, voilà une rencontre vibratoire, comme son nom l’indique, autour de la danseuse de flamenco La Niña de Los Cupones, sourde depuis sa tendre enfance, qui évolue pourtant prodigieusement sur la musique, en véritable percussionniste qui s’offre sur scène avec un mode de perception unique. Elle sera accompagnée par Maria Pérez, et les chanteurs Luis de la Carrasca et Justo Eleria et Manuel Gomez à la guitare. Une expérience riche en vibrations ! © M. Narvaez

le 13 mars Le Balcon, Avignon 04 90 85 00 80 www.theatredubalcon.org

Programmée par l’association Éveil Artistique des jeunes publics, la compagnie de danse Groupe Noces offre une belle façon de découvrir une écriture chorégraphique subtile avec cette pièce visuelle, à voir dès 3 ans, sur la rencontre entre un ours et une petite biche. Incarné par un danseur, barbu et puissant, l’ours est face à la délicatesse d’une petite marionnette qui va lui apprendre la solidarité et le vivre-ensemble. Deux êtres différents qui nouent pourtant, au cœur de la forêt, une vraie complicité.

Chopin et Scriabine

Projet musico-théâtral au Théâtre du Balcon avec l’accueil des élèves des classes de piano et des classes théâtre du Conservatoire du Grand Avignon qui croisent leurs talents pour l’occasion. Ensemble (et avec leurs professeurs !), pianistes et comédiens en devenir ont construit un spectacle autour de l’histoire d’un siècle de musique pour le piano, dans le cadre du centenaire de la mort du compositeur russe Alexandre Scriabine, mettant en parallèle la filiation entre ses œuvres et celles de Chopin, son influence majeur. Un beau projet. le 20 fév Le Balcon, Avignon 04 90 85 00 80 www.theatredubalcon.org

Invitation au voyage et incitation à la réflexion avec cette pièce dansée de la compagnie Itotoyo dans laquelle Carole Parpillon provoque l’imaginaire en évoquant la nature. Les tutus deviennent des flocons de neige, une housse de couette figure une montagne, et la danseuse s’endort paisiblement sur les nuages… Une création tout en douceur et poésie, où les émotions et les sentiments sont suggérés avec légèreté, comme un haïku. Pour les tout-petits dès 1 an, dans le cadre d’un rendez-vous Mercredi des bambini. Dans les plis de la montagne le 11 mars Théâtre Golovine, Avignon 04 90 86 01 27 www.theatre-golovine.com

© M. Jannel

les 22 et 23 fév Maison pour Tous Monclar, Avignon 04 90 85 59 55 www.festivaltheatrenfants.com

Dans les plis…

© Olivier Charbonnel

Montagne

Le cabaret…

Mercredi des bambini du Théâtre Golovine avec un spectacle de clowns, des vrais, de ceux qui arrivent à faire «presque tout de presque rien», pour les enfants (dès 3 ans), concocté par la compagnie La Sauce aux Clowns. À l’issue de la représentation, les petits spectateurs pourront découvrir des maquillages et livres sur l’univers du cirque grâce à la librairie L’Eau vive. Mais avant, ils suivront les explorations poétiques et humoristiques de Vénus et Gaston, affublés de leurs valises et d’une curieuse boite à roulette…. Le cabaret des illusions le 18 fév Théâtre Golovine, Avignon 04 90 86 01 27 www.theatre-golovine.com

Actes de naissance

9e Nuit de la Chartreuse dispensée dans les murs du Centre national des écritures du spectacle vivant dès 17h avec des lectures d’extraits de «textes en devenir» ou adaptés par des auteurs en résidence. Julien Avril, Virgile Deslandres, Hugues Chabalier, Carole Thibaut, Sylvie Marchand, Patrick Autréaux et Thierry Thieû Niang partageront leurs univers et leurs projets à naître. Alain Feret et Guillaume Sarrouy composeront le 2e binôme plasticienéclairagiste invité à croiser ses disciplines dans le cadre de la Résidence CréaLux. le 7 mars La Chartreuse, Villeneuve-lez-Avignon 04 90 15 24 24 www.chartreuse.org


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L’homme dans lequel… Il Mondo senza il Tutto

© Skappa

© Caroline Bigret

© Johann Fournier

L’Agence de Fabrication Perpétuelle (Cie On est pas là pour se faire engueuler), propose une exposition-spectacle dans laquelle trois créateurs allient leurs savoir-faire pour inviter le spectateur à «trouver son propre chemin au travers du fourmillement de la forêt». Johann Fournier aux images, Sebum à la musique et la lumière, Nathalie Drevet à la peinture. Le tout sous le regard de Noam Cadestin, qui initie cette installation déambulatoire (visible de 13h à 19h) multidisciplinaire.

Poursuite de la trilogie sur le voyage par la compagnie Skappa ! autour du roman historique de Noberto Cenci. Il Mondo senza il Tutto, entre Moyen-Âge et Renaissance italienne, raconte la découverte de l’Europe par un Amérindien qui voyage à l’envers d’Ouest en Est. Une véritable épopée dans laquelle chevaliers et pirates, forteresse et pouvoirs magiques, sans oublier le grand amour, combleront le jeune public dès 8 ans qui s’aventurera dans un mélange de vidéo, dessin, musique, conte et peinture.

L’homme dans lequel habite une forêt du 2 au 8 mars Chapelle des Pénitents Blancs, Avignon 04 90 27 05 87 / 06 62 20 72 37

Ponts suspendus

Tête haute

Le metteur en scène Cyril Teste, sur un texte de Joël Jouanneau, signe un conte initiatique agrémenté d’images numériques qui forment un décor d’ombres et d’imaginaire ingénieusement mêlés. Les comédiens s’y inscrivent pour raconter l’histoire d’une jeune princesse abandonnée par son père dans la forêt, qui partira, tête haute, à la recherche des mots, grâce à un étrange personnage nommé Babel, pour donner un sens à son existence. Entre rêve et réalité, la magie de ce spectacle jeune public se rapproche de l’esthétique du pop-up. le 11 mars La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.eu

Boîte à gants

© X-D.R

Dernière création à la frontière des genres de Gustavo Giacosa et sa compagnie aixoise SIC.12 pour une interrogation dansée autour de la symbolique et de la force poétique du pont. À la lisière du clair et de l’obscur, vie et mort, divin et profane se confondent pour ouvrir un espace de dialogue dans lequel les comédiens-danseurs offrent une traversée visuelle et poétique. En résultent des images sensibles qui touchent profondément le spectateur et bousculent son intimité. le 20 fév Théâtre Durance, ChâteauArnoux/Saint-Auban 04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr

Le secret du temps plié L’humoriste Gauthier Fourcade, auteur aux délires poético-scientifico-philosophiques savoureux, offre à travers ses sketches désopilants un exercice de style brillant autant que profond et attendrissant. Dans Le secret du temps plié, il tire une théorie (révolutionnaire) sur l’origine du temps, mais également sur sa couleur, ses intentions, sa fonction... Une étourdissante gymnastique verbale dans laquelle le jongleur de mots virtuose ose confidences et interrogations. le 13 mars Théâtre Durance, ChâteauArnoux/Saint-Auban 04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr

© X-D.R

le 11 mars Théâtre Durance, ChâteauArnoux/Saint-Auban 04 92 64 27 34 www.theatredurance.fr

De leur boîte à gants, les deux comédiens de la Toute Petite Compagnie font naître une farandole d’histoires à tiroirs et de marionnettes improbables. Il faut dire que Clément Paré et Grégory Truchet ont l’imagination et le talent nécessaires pour animer les objets inanimés, en l’occurrence des gants de toilette, de vaisselle ou de ski ! Du théâtre d’objets, mais également des chants et de la musique, qui fabriquent poétiquement des comptines et chansons loufoques et oniriques. les 10 et 11 mars Théâtre du Briançonnais, Briançon 04 92 25 52 42 www.theatre-du-brianconnais.eu


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Le Prince de Hombourg Le silence de Molière

À partir de l’histoire de Leila et de sa soeur Neïma, le metteur en scène Philippe Boronad, fondateur de la Cie Artefact, explore un langage scénique pluridisciplinaire pour aborder le sujet de l’éveil amoureux, mêlé au poids des traditions, des notions d’appartenance et d’identité nationale. La dramaturge Catherine Verlaguet signe ce récit d’aujourd’hui et retrace la situation de ces femmes d’origine maghrébine en France. le 17 mars Théâtre du Briançonnais, Briançon 04 92 25 52 42 www.theatre-du-brianconnais.eu le 7 avril Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com le 18 avril Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com

© Christophe Raynaud de Lage

© Nicolas Helle

© Richard Schroeder Contour By Getty Images

Braises

Créée au Festival d’Avignon 2014, plus de 60 ans après la version de Jean Vilar marquée par l’interprétation de Gérard Philipe, l’ultime œuvre dramatique de Kleist est reprise par une troupe impeccable (dont Xavier Gallais dans le rôle-titre et Anne Alvaro), et mise en scène par Giorgio Barberio Corsetti. Un classique du théâtre allemand qui interroge les principes du jeu politique à la lumière du surnaturel. Un Prince de Hombourg transformé en marionnette de guerre pour avoir engagé le combat, sans attendre les ordres…

les 11 et 12 mars Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr

du 10 au 14 mars Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr

Maupassant(es)

les 19 et 20 fév Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr

© X-D.R

Théma #16

Les Thémas du Théâtre Liberté consistent à explorer tous les deux mois un sujet, de manière interdisciplinaire. Celui-ci s’intitule La vie rêvée, et donnera l’occasion au public tant adulte qu’enfant de participer à un atelier créatif avec Amélie Jackowski, combinant cartes à jouer et conte. Le lendemain, on pourra assister à la conférence de Jean-Michel Vives, professeur de Psychologie Clinique et Pathologique à l’Université Nice SophiaAntipolis, sur Le rêve et son interprétation, analysés d’un point de vue artistique, culturel, historique et psychanalytique.

Après une résidence de création, le Théâtre Liberté accueille les premières représentations de la pièce de Giovanni Macchia, mise en scène par Marc Paquien. Ariane Ascaride incarne dans cet entretien fictif l’énigmatique fille de Molière, EspritMadeleine, qui se confie et dessine un portrait psychologique troublant permettant, à travers ses non-dits, de pénétrer aussi l’homme qu’était son père derrière l’artiste. Un destin de femme solitaire et silencieuse qui préféra l’effacement à la gloire.

L’amour c’est la guerre

Les élèves de l’ERAC, dirigés par Philippe Berling, revisitent en un parcours dramaturgique précis, le répertoire baroque de la fin du XVIe et du XVIIe. Un Mardi liberté instructif qui offre de 12h15 à 13h15, dans différents lieux intérieurs et extérieurs, des extraits de pièces de Robert Garnier, Alexandre Hardy, Jean de Mairet, Pierre Corneille, Jean de Rotrou et Jean Racine. «Dans tout ce répertoire, l’action est le verbe, et réciproquement»... le 10 mars Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr

Philippe Honoré rend hommage au prince des lettres syphilitique que fut Guy de Maupassant. Grand consommateur de prostituées, père de plusieurs enfants non reconnus, l’écrivain en 42 années d’existence eut le temps d’écrire quelques ouvrages fameux et des nouvelles de toute beauté, avant que la maladie ne le ronge et ne l’isole. Sur scène, on le voit hanté par la folie montante, évoluant entre toutes les figurantes de sa vie, dont aucune n’aura détrôné sa mère, qu’il adorait. le 25 fév Théâtre du Rocher, La Garde 04 94 08 99 34 www.ville-lagarde.fr


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Les vents du Levant

du 17 au 31 mars Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com

Traverse Marcio Faraco ©Robson Galdino

le 14 mars Théâtre Marélios et cinéma Henri Verneuil, La Valette 04 94 23 62 06 www.lavalette83.fr

Tenue par son quotidien, la vie de cet homme semble réglée comme un métronome. Dans son petit appartement, gestes et actions s’enchaînent, d’une rigueur mécanique. Mais parfois, des éclats de fantaisie s’incrustent dans cette monotonie. Le rêve s’invite dans son univers ordonné et ordinaire. Entre ce réel terne et cet imaginaire débordant, les passerelles se font de plus en plus fréquentes. Fusion de théâtre, mime, danse et musique, cette création de la Cie Arcosm est orchestrée par Thomas Guerry et Camille Rocailleux.

© Thibaut Ras

le 12 mars Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com

Petite Enfance © Christophe Loiseau

Une nuit au Brésil

Quel meilleur moment que le coeur de l’hiver pour s’envoler direction le Brésil, l’espace d’une soirée ? Embarquement à La Valette, à l’invitation de l’association Sarava. Tout commencera par un film (non encore arrêté à l’heure où nous bouclons), avant d’enchaîner sur Les Choros bovins de Darius Milhaud, concert-conférence de la compagnie La Roda. Pour finir, un concert du guitariste et chanteur Marcio Faraco, avec en première partie le Duo Bonfim. Restauration 100 % brésilienne assurée sur place.

dans son voyage intérieur, une création en quatuor intitulée Outremer. Lui aussi recourt à la vidéo et sculpte très précisément ses lumières. Le 26 mars Samedi détente, contrairement à ce que son titre léger laisse entendre, nous conduira sur les rives de l’enfer rwandais aux côtés de Dorothée Munyaneza. La veille, pour s’y préparer, on aura pu visionner le film Hôtel Rwanda de Terry George, projection suivie d’un débat coordonné par Amnesty International. Enfin le 31 mars, les Ballets C de la B porteront un Coup fatal aux préjugés : entre musique traditionnelle congolaise et univers baroque, nul besoin de choisir ! On pourra avoir les deux, dans un mélange épicé. Menés par Rodriguez Vangama et Fabrizio Cassol, treize musiciens de Kinshasa seront accompagnés du contre-ténor Serge Kakudji.

Far © Ravi Deeprest

Le festival de danse va tenter cette année de mettre en résonance les rythmes du Nord et du Sud. Avec une entrée en matière détonante, menée énergiquement par les Via Katlehong, venus tout droit de Johannesburg : si les danses pantsula, gumboot, tsaba-tsaba ou kofifi ne vous disent pas encore grand-chose, vous ne perdez rien pour attendre. Car non seulement on pourra les admirer sur scène, mais des initiations sont prévues en sus des spectacles ! Tous les niveaux sont acceptés. Le 21 mars, c’est Wayne McGregor qui prendra le relais, dans une chorégraphie inspirée du livre posthume de l’historien Roy Porter, Flesh in the Age of Reason. FAR se situe «à la frontière du design», fait appel à la vidéo, et mobilise 10 interprètes virtuoses autour de la question universelle du corps. À noter : le 20, deux danseurs de sa compagnie Random Dance animeront un workshop de danse contemporaine (niveau intermédiaire à avancé). Poursuivant dans une veine très travaillée visuellement, le 24, on accompagnera Sébastien Ly

Deux spectacles accessibles aux bébés lors de ce nouveau «Temps Fort Petite Enfance» du Pôle Jeune Public. Dans La mécanique des papas, avec quelques accessoires et un peu de carton, Jean-Louis Buecher déroule un univers subtil sur la transmission paternelle. Uccellini, de la compagnie Skappa, offre un conte sensoriel, où peindre se fait à l’aide de couleurs, de matières, mais aussi de sons et de mouvements. Temps Fort Petite Enfance les 13 et 14 mars Pôle Jeune Public, Le Revest-les-Eaux 04 94 98 12 10 www.polejeunepublic.fr


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Notre peur de n’être

La paix des étoiles © Jean-Louis Fernandez

La nuit, tous les chats sont gris et tous les rêves sont permis. Même ceux de croire aux génies et aux forces de l’esprit. Dans cette création de la Cie Julien Lestel, les danseurs vivent au rythme de la lune, des étoiles et leurs corps deviennent des passeurs d’images. Le chorégraphe mêle les ambiances, urbaine et électronique, colorée et festive, cosmique et futuriste, mystique et poétique. La gestuelle intense des interprètes s’accompagne et s’imprègne de l’univers musical créé spécialement par Jacques Diennet. le 14 mars La Croisée des Arts, Saint-Maximin 04 94 86 18 90 www.st-maximin.fr

Six pieds sur terre © Spictacle

À l’amorce de la troisième révolution occidentale, telle que la définit Michel Serres dans Petite Poucette, comment penser le monde qui vient ? Virtuel et réel s’entremêlent, isolement et ouverture se confrontent, accès au savoir absolu et addiction aux écrans vont de pair. En s’appuyant notamment sur le célèbre essai du philosophe, Fabrice Murgia s’adresse avec espoir à la jeunesse née au cœur de cette mutation technologique. Le dramaturge et metteur en scène belge est de cette génération et il en livre un instantané saisissant. le 21 fév Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com

Comment vous racontez la partie le 14 mars Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com

Les clowns déjantés venus de SaintPetersbourg sont de retour ! Cette fois, les six compères déclinent le thème du voyage sous toutes ses formes. Dans une gare, dans un train, sur un quai, les Semianky (famille, en russe), jouent des personnages loufoques, qui ne se connaissent pas, dont les rencontres provoquent les rires en cascade. Sans jamais recourir à la parole, les artistes russes enchaînent les gags et les situations désopilantes. Le tout imprégné de touches de poésie. Dérapages incontrôlés et énergie délirante garantis ! les 9 et 10 mars Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com

L’affrontement

Presque vingt ans après sa première adaptation en France, le texte de Bill C. Davis n’a rien perdu de son actualité. L’affrontement, c’est la rencontre incongrue entre ce vieux prêtre alcoolique et ce jeune séminariste fougueux, au parcours de vie sinueux. La réflexion porte sur la religion, le rôle du prêtre et la place du divin. Abordant des sujets sensibles pour l’église catholique (homosexualité, célibat des prêtres...), tous deux posent un regard singulier sur la foi et la relation à Dieu. Avec Francis Huster et Davy Sardou. les 12 et 13 mars Théâtre de Grasse 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com

Comment vous racontez… Entre le rôle social et l’intimité, le personnage public doit jongler, s’adapter, composer. Tricher pour paraître, voilà la clef. Mais où s’arrête la triche et où commence la trahison de soi ? Récemment récompensée par un prestigieux prix littéraire, une romancière se rend dans une petite ville à la rencontre de ses lecteurs. Une journaliste un peu trop intrusive la déstabilise au point de faire basculer le rendez-vous littéraire en cauchemar. Sur un texte de Yasmina Reza, avec Zabou Breitman en écrivaine déboussolée.

Semianyki express

Cinq garçons et une fille, ensemble sur cette Terre, pour quoi faire ? Avant tout pour s’amuser. Ils inventent leur terrain de jeu avec tout ce qui les entoure. Les briques et les coquilles d’œufs s’empilent, se transforment en tours ou en ponts. Tout s’écroule bien vite, mais peu importe. Ce qui compte c’est de jouer. Avec des massues ou des monocycles aussi. À la fin, tout finira bien par s’équilibrer. Les interprètes de la compagnie Lapsus nous embarquent dans leur joyeux délire, mis en (dés)ordre par Johan Lescop. le 17 mars La Croisée des Arts, Saint-Maximin 04 94 86 18 90 www.st-maximin.fr

Apaches

Créer un spectacle de danse autour de l’œuvre d’Alain Bashung et concilier le rock et le hip hop. De ces deux idées, inattendues en apparence, la Cie Hors Série produit un objet artistique étonnant. Métissant les univers, fusionnant les codes, la chorégraphie d’Hamid Ben Mahi réussit la rencontre de ces influences multiples. Les musiciens de Bashung ont réadapté eux-mêmes les chansons de l’artiste pour les accorder aux corps des danseurs. Le mélange offre aux interprètes un nouveau territoire à explorer. le 13 mars Théâtre de la Licorne, Cannes 04 97 06 44 90 www.madeincannes.com


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Paul Vecchiali

Le dernier coup...

Minorités

Nuits blanches sur la jetée de Paul Vecchiali © Shellac

Alix Delaporte et Romain Paul © Annie Gava

C’est ici que je vis de Marc Recha © Ad Vitam

Les 19 et 20 fév, Les Lumières de l’Eden, avec l’ARP (Société civile des Auteurs Réalisateurs Producteurs), invitent Paul Vecchiali dont seront projetés Corps à cœur et Nuits blanches sur la jetée, et qui a choisi de présenter La dernière séance de Laurent Achard. Et le week-end des 21 et 22 fév, le cinéaste sera au Gyptis à Marseille pour «faire l’amour avec la vie», tout un programme avec Corps à cœur, Femmes femmes, Once more. Le 21 à 17h30, Nuits blanches sur la jetée, d’après la nouvelle de Dostoïevski avec Astrid Adverbe et Pascal Cervo sera suivi d’un concert du duo Catherine Vincent qui a composé la musique du film.

Le 20 fév à 20h, le cinéma Les Variétés, en partenariat avec la Région PACA et en collaboration avec Films Femmes Méditerranée propose, en avantpremière, Le dernier coup de marteau d’Alix Delaporte, deuxième long métrage de la réalisatrice après Angèle et Tony, sélectionné à la Mostra de Venise 2014 et multi primé. Victor, un adolescent de 13 ans, passionné de football, est face à ses premiers choix de vie. Alix Delaporte et Romain Paul (prix MarcelloMastroianni du jeune acteur pour son interprétation de Victor) seront là pour répondre aux questions du public.

Le MuCEM accueille les Rencontres du cinéma européen du 14 au 29 mars, organisées par l’association Cinépage, consacrées à la question des minorités nationales, culturelles et linguistiques, au cinéma : quatorze films dont, en ouverture le 14 mars, C’est ici que je vis du Catalan Marc Recha, en sa présence. Puis, Joxean Fernandez, directeur de la Cinémathèque basque, présentera Obada, le village du lézard vert de Montxo Armendariz. Le 15 mars, Corto Fajal nous emmène dans le Grand Nord scandinave avec Jon face aux vents, puis rendez-vous avec Eftychia Droutsa, ethno-musicologue grecque, qui nous présentera Plus tu parles... plus tu pleures, où Dimitris Kitsikoudis dresse le portrait d’une minorité musulmane slavophone méconnue, les Pomaks (à suivre).

Les lumières de l’Eden, La Ciotat 04 42 83 89 05 www.edentheatre.org

Le dernier coup de marteau Cinéma Les Variétés, Marseille 0892 68 05 97 www.cinemetroart.com www.films-femmes-med.org

Cinéma Le Gyptis, Marseille 04 95 04 96 25 www.lafriche.org

Van Gogh

MuCEM, Marseille 04 84 35 13 13 www.mucem.org

Deux jours avec Mathieu

Association Cinépage 04 91 85 07 17 www.cinepage.com

Soirée Charlie Van Gogh de Maurice Pialat © Gaumont

Le 3 mars à 19h, Cinémas du Sud proposent au cinéma Le Gyptis, Van Gogh de Maurice Pialat, projection suivie d’une ciné-conférence animée par Evelyne Jardonnet, auteure de la thèse de Doctorat consacrée au cinéma de Maurice Pialat. «Au départ, l’ennui que j’avais par rapport à Maurice, c’était la peinture. C’est difficile de toucher à ça. Parce que non seulement Van Gogh était peintre (parait-il), mais lui aussi... Plus, le cinéma... Ça fait beaucoup ! La meilleure solution, c’était de ne pas peindre.» (Jacques Dutronc, propos recueillis par Jean-Yves et Alain Kruger, 15 mai 1991). www.lafriche.org www.cinemasdusud.com

Tournée de Mathieu Amalric © Le Pacte

Un week-end avec Mathieu Amalric, c’est la proposition ô combien alléchante que nous fait la Friche de la Belle de Mai en partenariat avec La Marelle et La Réplique. Le 7 mars à 17h30, au Gyptis, l’artiste caméléon parlera en images du travail des réalisateurs et de celui de comédien au cinéma. À 19h, on le retrouvera, au milieu des plantureuses strip-teaseuses de Tournée. Le lendemain à 14h30, annonçant le colloque sur Garcia Marquez des 25 au 27 mars, il offrira une lecture du grand écrivain colombien. La Friche, Marseille 04 91 11 45 63 www.lafriche.org

Le 18 fév à 18h, Art et Essai Lumière propose C’est dur d’être aimé par des cons (2008) de Daniel Leconte. Pour avoir reproduit les douze caricatures danoises ayant déclenché la colère des musulmans aux quatre coins du monde, Philippe Val, le patron de Charlie Hebdo est assigné en justice. Un procès exceptionnel que Daniel Leconte suit en temps réel afin de décrypter avec les acteurs clés, les enjeux politiques internationaux, médiatiques et idéologiques. La séance sera suivie d’un débat avec Philippe Granarolo, philosophe écrivain et Agnès Freschel, rédactrice en chef de Zibeline. Art et Essai Lumière, La Ciotat 06 64 85 96 40 www.artetessailumiere.fr


Cinéma tunisien

Les Silences du palais de Moufida Tlatli © Trigon films

Les 5 et 6 mars, Les Lumières de l’Eden proposent «Le cinéma tunisien : de l’ordre des clichés à la confusion du réel». Projection de films et débats animés par Fayçal Charrad, professeur de littérature et de cinéma à Tunis : Les Silences du palais de Moufida Tlatli, le 5 à 20h30 ; le lendemain à 18h30, Making Of de Nouri Bouzid, suivi à 21h du documentaire d’Elyes Baccar, Rouge Parole. Les lumières de l’Eden, La Ciotat 04 42 83 89 05 www.edentheatre.org

«Un film au féminin»

Dans le cadre de la Journée Internationale des Droits des Femme, Art et essai Lumière propose le 8 mars à 18h30, à l’Eden Théâtre «un film au féminin» : Fidelio, l’odyssée d’Alice de Lucie Borleteau, avec Ariane Labed, prix d’interprétation féminine au Festival de Locarno 2014. Le film sera présenté par Isabelle Tillou, productrice exécutive du film. Art et Essai Lumière, La Ciotat 06 64 85 96 40 www.artetessailumiere.fr

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Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 www.theatre-liberte.fr

Les A iles du dé s

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Le 17 mars à 20h au Théâtre Liberté à Toulon, dans le cadre du «Théma #16 La vie rêvée», projection du conte métaphysique de Wim Wenders, Les Ailes du désir, avec Bruno Ganz, Solveig Dommartin, Otto Sander... Prix de la mise en scène à Cannes 1987, ce film marque le retour de Wim Wenders à Berlin, sa ville préférée.

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Les Ailes du désir


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Ciné-musique Du 16 au 21 mars se tiendra le 16e Festival International du Film d’Aubagne (FIFA), dédié à la jeune création cinématographique et à la relation musique/image. Le 16 à 20h, au cinéma Le Pagnol, ouverture comme il se doit en musique, avec le film de Damien Chazelle, Whiplash, qui suit le difficile parcours d’un jeune homme rêvant de devenir l’un des meilleurs batteurs de sa génération. Un concert de The Mymetist, duo piano/ beatbox prolongera la soirée. En tout, ce sont dix longs métrages venus de Finlande, Suède, Allemagne, PaysBas, Royaume-Uni, Canada, Italie et France qui seront en compétition ainsi que 71 courts dont 5 documentaires et 15 films d’animation. Le FIFA, ce sont aussi des rencontres avec

la Meilleure Musique de film 2014 pour L’Image Manquante, orchestre la Master Class de Composition musicale qui présentera leur ciné-concert lors de la soirée de clôture le 21 mars, après le palmarès. Et pour se mettre en bouche, on pourra déguster Les Courts qui rendent heureux VIII, sélectionnés par Philippe Braunstein, producteur des Films d’Avalon, le 10 mars à 19h30 à Marseille au Cinéma Les Variétés. ELISE PADOVANI Whiplash de Damien Chazelle © Ad Vitam

les réalisateurs et les compositeurs, des découvertes de festivals européens -Slovénie, Pologne, PaysBas- à qui a été donnée une Carte Blanche pour présenter les productions de leur pays. Trois écoles de

cinéma, de Hongrie, Danemark et Écosse, vont pouvoir échanger avec le Département SATIS d’Aix-Marseille. Marc Marder, qui a composé la musique des 18 films de Rithy Panh et vient de gagner le Prix Radio France-Sacem de

Festival International du Film d’Aubagne du 16 au 21 mars ALCIMÉ 04 42 18 92 10 www.cineaubagne.fr

Regards singuliers Du 9 au 15 mars se tiendra la 4e édition de nouv.o.monde à Rousset et en Pays d’Aix, organisé par Les Films du Delta qui nous proposent des œuvres singulières, des regards neufs, poétiques et engagés sur un monde en mouvement. Plus de 25 films, longs et courts venus d’Ethiopie, d’Inde, de Russie, de Colombie, du Canada et de divers pays d’Europe. En ouverture, le 12 à Rousset, le court de Hu Wei, nominé à l’Oscar du meilleur courtmétrage, La lampe au beurre de Yak, qui met en scène la relation entre la tradition tibétaine et la modernité chinoise à travers l’histoire d’un photographe ambulant. Puis ce sera Difret de Zeresenay Berhane Mehari qui nous montre deux facettes de la société éthiopienne, la tradition du mariage forcé et l’exercice de la justice. On

Difret de Zeresenay Berhane Mehari © agora films

pourra suivre le parcours de Titli, benjamin d’une fratrie de violents braqueurs de voitures dans les quartiers malfamés de la banlieue de Delhi dans Titli, Une chronique indienne de Kanu Behl ; ou l’itinéraire de Lenny, une adolescente sauvage et solitaire d’une cité des quartiers Nord de

Marseille, qui exprime par le rap les difficultés de son quotidien dans Max et Lenny de Fred Nicolas ; ou encore l’errance d’un jeune homme une nuit dans Paris, avec le film de Tommy Weber, Quand je ne dors pas. En clôture, le 15 mars à 17h30, on découvrira le premier long

de fiction du documentariste Morgan Matthews : X+Y. L’histoire de Nathan, un adolescent, séparé des autres par un mur de verre ; un surdoué doté d’une perception décalée de l’environnement, d’une sensibilité aigue aux motifs mathématiques et traumatisé dans son enfance par le décès de son père dans un accident de voiture… Le Festival nouv.o.monde ce sont aussi des rencontresdébats, des séances spéciales, des interludes en musique avec le mix de musiques de films par DJ C.KEL ainsi que la convivialité de Sylvia Vaudano et de son équipe. ANNIE GAVA

Festival cinéma nouv.o.monde Rousset, Pays d’Aix Les Films du Delta 04 42 53 36 39 www.filmsdelta.com



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Cinéma-monde P

ascal Privet l’avait promis dans son édito des Rencontres Cinéma de Manosque 2015 : venus du monde entier, les cinéastes nous feraient prendre des chemins de traverse pour revenir à l’essentiel, rediraient l’irréductible complexité du monde. Pari tenu pour la 28e année consécutive !

Venus d’Asie

Cinéma asiatique à l’honneur, nous avons retrouvé le réalisateur sud-coréen Jeon Soo-il, et découvert le jeune japonais Kôju Fukada. Le premier a présenté El condor pasa, un film noir aux couleurs blanches sursaturées, qui commence dans une église coréenne et se clôt dans une chapelle péruvienne. Sans la moindre dérive interprétative, par les seules mise en résonance des lieux et précision des cadrages, Jeon Soo-il y met en scène la confusion du désir, le flou des frontières entre bien et mal, le trouble d’une culpabilité envahissante. Le prêtre a-t-il voulu protéger sa jeune paroissienne orpheline délaissée par sa grande sœur ou la posséder comme un trésor ? Est-il responsable de son assassinat ? Complexité de la vie face à la simplicité de la loi, on pense au décalogue de Kieslowski. C’est de Rohmer (jusqu’au choix du format carré) que se réclame le second. Kôju Fukada signe avec Au revoir l’été une chronique douceamère. L’éducation sentimentale de Sakuko, une lycéenne préparant l’université et de Takashi, réfugié de Fukushima. Dans la petite station balnéaire, tante, nièce, oncle, neveu, engagent un quadrille sentimental auquel s’agrègent un amant adultère et la fille de l’oncle. Deux générations. Pour les adultes, le poids du passé et des renoncements. Pour les jeunes gens, l’avenir incertain et la fugue impossible. Les motifs se dessinent peu à peu : d’une fleur littéraire à celle des robes estivales, des chemins qui se dédoublent aux rails qu’on suit vers l’inconnu comme les héros de

Bla cinima de Lamine Ammar-Khodja © The Kingdom

Au revoir l’été de Kôju Fukada © Wa Entertainment

Stand by Me en subtile citation. Sous la délicatesse, infusent la violence de la catastrophe nucléaire, les drames anciens, les non-dits, les nouvelles blessures. Toutefois, jamais on ne plonge dans le malheur. Pas plus que les personnages à la plage ou à la rivière ne s’immergent, préférant patauger, s’éclabousser ou faire des ricochets. Le discours déambule au fil de l’eau et du temps. Le désenchantement se ré-enchante par la grâce du cinéma.

Les visages d’Alger

Faire parler de cinéma sur une placette du quartier Meissonnier à Alger, en face du cinéma Sierra Maestra, récemment rénové et dont la façade en verre ressemble plus à celle d’un concessionnaire auto qu’à un lieu dédié au 7e art, tel est le propos de Lamine Ammar-Khodja dans Bla Cinima. Il parle avec les passants ou les habitués de la place, de cinéma certes, de La Bataille d’Alger, des films qu’on voit plus chez soi que dans des salles destinées à devenir des centres culturels. Mais aussi, et surtout, de la difficulté à vivre dans ce quartier dont seul le cinéma a été réhabilité. Beaucoup d’hommes

lui parlent, les femmes plus difficiles à approcher sont des passantes filmées en accéléré dont les paroles, qu’il n’a pu capter, deviennent musique. Il a ainsi pu donner le temps de la parole à ceux qui ne l’ont pas, et construire un visage de la ville comme une mosaïque. C’est réussi, plein d’humanité et de violence contenue. Encore plus terrible est le portrait de la société algérienne que trace Merzak Allouache dans son dernier film. Et c’est des Terrasses de cinq quartiers de la vieille ville, au rythme des cinq appels à la prière, qu’il nous raconte cinq histoires. De ces espaces clos, les personnages ne descendent que pour se faire tuer. On croisera un jeune drogué fruit d’un viol par un terroriste, sa mère (Amal Kateb) complètement dépressive et la grand-mère, un commissaire qui prodigue des conseils pour se débarrasser d’un corps, un cheikh qui arnaque des femmes, des apprentis djihadistes dont les chefs font du trafic de drogue, une fillette qui discute avec son oncle enchaîné dans une cage, des musiciens qui trouvent normal qu’un père ou un frère battent une femme… Et puis un rayon de soleil, très vite éteint, l’amour naissant entre Aissa (Adila Bendimerad) la chanteuse et Neila, la femme battue. De ces terrasses, on voit toute la ville blanche, la mer et l’horizon à perte de vue et nous parviennent les sons assourdis d’Alger la noire. Les Rencontres se sont closes devant un public nombreux, fidèle à ces précieux rendez-vous avec le monde, le cinéma, le cinéma-monde. ELISE PADOVANI ET ANNIE GAVA

Les Rencontres Cinéma de Manosque se sont déroulées du 3 au 8 février


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Éclats de réel L

e 10 février à la cité des Allumettes était lancée la 6e édition du festival La Première Fois organisé par Les films du Gabian, en partenariat avec l’École d’Art d’Aix-en-Provence. Une manifestation tonique où de jeunes documentaristes affirment, dans l’enthousiasme de leurs premiers élans créatifs, leur regard sur le monde et sur le cinéma. En ouverture, l’invité d’honneur, Nicolas Boone, cinéaste confirmé, vidéaste, plasticien, performeur, a présenté trois de ses films, représentatifs d’une œuvre multiple très cohérente dans ses choix formels, reprenant des thèmes forts comme celui de lieux fictifs traversés «d’éclats de réel». Ville dystopique dans Bup institut, fiction un peu potache, appartenant à une série de 9 épisodes, où le réalisateur imagine un monde en réseau, soumis, à coups de slogans propagandistes, de discours pseudo-scientifiques et de psychotropes, à la loi d’une multinationale omnipotente. Ville déchue et sublime dans Hillbrow où en dix plans séquences virtuoses, caméra à l’épaule, Nicolas Boone nous entraîne dans la violence sans commentaire de ce quartier de Johannesbourg, reconstituant les histoires vécues des enfants des rues, braqueurs de prostituées, junkies qu’on suit à perdre haleine ! Village chinois inhabitable, dans Le rêve de Bailu, reconstruit après un tremblement de terre, à l’occidentale dans un patchwork de styles, parisien, breton, alsacien. Malicieux, le cinéaste y met en

Le rêve de Bailu de Nicolas Boone

scène son propre tournage, détournant la naïve commande touristique que lui avait passée les autorités de Sichuan. Une ouverture stimulante avec un artiste qui dit s’être attaqué au cinéma parce que «c’est trop grand» !

Le festival La Première Fois s’est déroulé à Marseille et Aix-en-Provence du 10 au 14 février

ELISE PADOVANI

Une œuvre sauvage en devenir L

e réalisateur Jean-Charles Hue n’est pas venu, mais cela n’a pas empêché le public d’être là, le 10 février au cinéma Les Lumières, dans le cadre de Polar en Lumières, 6e édition du festival de Vitrolles, où alternent tables rondes, théâtre, concerts et cinéma. La BM du Seigneur et Mange tes morts constituaient le programme de la soirée. La confrontation des deux œuvres permet de mesurer combien l’univers d’un véritable créateur est en train de se développer. On y retrouve les Yéniches, communauté des gens du voyage dans le Beauvaisis. Et on apprécie la voie singulière que choisit J.-C. Hue entre documentaire et fiction ; il s’est immergé dans ce milieu au point qu’il peut filmer au plus près

tes morts, il sort de quinze ans de prison et veut retrouver les habitudes de sa vie antérieure. Son demi-frère Jason est prêt à célébrer son baptême évangélique. La chronique de la vie des Yéniches du premier film devient un récit haletant dans le second, où perce clairement l’enjeu : la survie. Et c’est sans parler de l’esthétique remarquable de cet auteur… à suivre. ANDRÉ GILLES Mange tes morts de Jean-Charles Hue © Capricci films

les lieux, les corps, sans retenue, dans leur quotidien. Mais on se rend vite compte que nous avons affaire à des personnages, que ce sont des comédiens -quels comédiens !- qui sont à l’œuvre. Fred

Dorkel à l’état civil devient dans La BM du Seigneur Fred Dorkel, ébloui un jour par l’apparition d’un ange qui l’amène à quitter sa vie de «chouraveur» et rompre avec la tradition du clan. Dans Mange

Le festival Polar en Lumières s’est déroulé du 7 au 15 février à Vitrolles


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À presque un an d’intervalle, Sophie Menuet investissait le Pavillon de Vendôme (voir Zib’74). Aujourd’hui le Centre d’art contemporain intercommunal d’Istres offre une autre carte blanche à ses projets chimériques. On ne retrouvera pas dans l’hôtel particulier istréen la théâtralité kitsch du décorum aixois qui convenait si bien à l’artiste. Mais Sophie Menuet s’est arrangée avec la neutralité du white cube quasi consubstantielle aux lieux d’art contemporain, en réalisant pour l’essentiel des pièces nouvelles.

In-définitude

On retrouvera ses éléments de prédilection : personnages surnaturels en satin gonflés d’ouate, piquages, objets hybrides, autoportraits photographiques arrangés,

Déterrance - Articulé 1,2 © Raoul Hébréard

Les chimères de Sophie dessins allusifs... Si les nouvelles sculptures rappellent Assemblance, avec Déterrance les êtres hypothétiques de satin noir cerclés d’aluminium semblent davantage sous contrainte que libres de se dérouler au sol où ils sont posés. Socle ou carcan ? L’absence de certitude, de dé-finitude habite chaque pièce que réalise l’artiste. Ainsi Le grand profond, une très récente vidéo projetée sur un mur parsemé de demi sphères immaculées, qui apparaissent comme des bulles pour conférer un relatif relief à ce qui reste en surface du milieu aquatique. «Ces prises de vue marines à la limite de la surface, nous laissent entrevoir un corps nimbé de tissus clairs flottants entre deux eaux. Les images sont inversées, le haut et le bas s’entremêlent, une ou plusieurs silhouettes se distendent.»

Conçu afin de mettre en valeur l’architecture et le patrimoine monumental, en particulier arlésiens, à travers les collections du musée Réattu, Opus manque un peu de liant pour cimenter un parcours du XVIIe siècle à nos jours, consolidé cependant par le contemporain.

Au Soleil

Ses rayons de bronze attirent le premier regard du visiteur. Le soleil-masque réalisé en 1676 par Jean Dedieu en l’honneur de Louis XIV, coiffait autrefois l’obélisque de la place de la République. On peut aujourd’hui retrouver des œuvres du sculpteur arlésien à l’hôtel de ville d’Arles (lions de l’escalier monumental) et au château

Vue partielle de l’exposition, œuvres de Toni Grand et Marcel Robelin © C. Lorin,Zibeline

Opus ni moins de Versailles. Ensuite, après les rares dessins d’architecture idéalisée de Jacques Réattu, suit un «creux» dans les salles suivantes qui laisse quelque peu perplexe avant de rejoindre un volet plus récent et conséquent, constitué de sculptures et surtout de photographies.

Contemporains

La thématique regagne du terrain quand, après un frottage de plaque d’égout (une référence bien singulière à l’urbanisme arlésien !) réalisé par Alechinsky, les deux piles en bois massif de Toni Grand esquissent un dialogue avec les frêles artefacts muraux de Marcel Robelin. Il faut atteindre cependant une sélection de l’important fonds photographique à l’étage supérieur pour que le sujet se manifeste d’évidence se déclinant en différentes époques et visions face au bâti. Georges Rousse, Mimmo Jodice, Jerry Uelsmann, Yannig Hédel en particulier revisitent le patrimoine arlésien ; Gautrand, Weston, Abbott, Krull, Dieuzaide... explorent d’autres contrées et formes monumentales quand Lucien Hervé, fidèle de Le


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Rétrofictions

Une salle a été transformée entre cabinet de curiosités et laboratoire de savant débile d’un autre temps. Sur autant de tables basses un peu anciennes ont été déposées avec un soin muséal douze pseudo prothèses «ready made factices», qui ont servi aux « simulacres orthopédiques » des photographies accrochées au mur. Ailleurs l’irrationalité habite une collection de satins suspendus, éclairés par des lampes de chevet désuètes suspendues à l’horizontal, dont on ne sait s’ils sont vêtements ou corps. Dans ce monde habité de fantasmagories et incongruités qui se répondent l’une l’autre, l’œuvre de Sophie Menuet ne cesse d’interpeller la question de l’identité et de la troublante trace invraisemblable du temps. Les autoportraits de la série Semblance ont inspiré à l’écrivaine Sophie Braganti des extensions poétiques et fictionnelles éditées pour l’occasion chez Bellodorso. La présentation publique a eu lieu le 17 février. En centre ville les Vitrines de l’art se poursuivent et bénéficient de visites guidées nocturnes avec les artistes. CLAUDE LORIN

La nuit ouverte jusqu’au 4 avril Centre d’art contemporain intercommunal, Istres 04 42 55 17 10 www.ouestprovence.fr

Corbusier, amène le regard à la limite de l’abstraction. Plus loin, La colonnade de la Madeleine (Paris, 1885) d’Hippolyte Bayard, dans des nuances de bistre, renvoie la photographie à ses origines. La seule pièce de forme filmique, Anastylose, Ville éphémère, vidéo de Sterenn Donnio (2011), élargit la thématique vers une vision poétique épurée et universelle. De simples pains de glace (on pense aux chaises de glace de Jana Sterbak) en train de fondre puis se reconstituant, évoquent l’impermanence des constructions humaines, telle une vanité contemporaine. À l’inverse, les Contreforts de Bernard Dejonghe, sculptures en grès émaillé bleu posées-là contre le mur comme depuis des lustres dans la cour du Grand Prieuré de l’Ordre de Malte, désignent le désir de stabilité. Ce dialogue du contemporain avec le patrimonial, arlésien comme en d’autres lieux, construit un des aspects les plus signifiants de ce parcours. C.L.

Opus Architecture et patrimoine monumental dans les collections du musée Réattu jusqu’au 31 mai Musée Réattu, Arles 04 90 49 37 58 www.museereattu.arles.fr

Ho ! haaa,

une sélection haute couture

© Caroline Bach, 1336 jours, série Fralib Gémenos vivra, diaporama 2’55’’, courtesy Baraudou Schriqui galerie

Dans le long corridor qui longe l’atrium de la CCI Marseille Provence, les œuvres des dix plasticiens éligibles au 6e Concours artistique s’égrènent entre les maquettes de navires. Aucun recul, aucune vision d’ensemble : l’alignement est un vrai préjudice à l’appréhension des œuvres même si certains rapprochements favorisent le dialogue. Notamment entre les deux «marées» de noir et gris graphiques qui submergent le dessin issu de la série Eden Lake de Pascal Navarro, l’un des trois lauréats 2015, et Code-barres de Samuel Dougados. Un motif, le QR codes, que l’on retrouve en 3D dans la suspension pyramidale d’Abelone Vignati. Deux autres artistes se partagent les lauriers de cette belle sélection : Caroline Bach avec sa vidéo 1336 jours, percutant plaidoyer pour les ouvriers en lutte de Fralib à Gémenos, l’artiste donnant à voir exclusivement les chaines de production à l’arrêt et les affichettes syndicales («Marre d’être exploité», «Des PDG menteurs»). Ce qui, dans le temple du commerce, est délectable ! Et Étienne Rey qui illumine l’espace avec sa sculpture en aluminium miroir et bois, Virtualité 12e, magistrale de sophistication et d’élégance technique. Sont à l’honneur également, et à juste titre, la sculpture de Rémi Bragard, Liquid Theater, piquante en diable avec ses angles acérés façon rose des sables ; l’œuvre bicéphale de Pauline Fleuret, Géopoétique en terre cuite et le dessin au graphite Dark Side of the Moon, qui agit comme une éclipse sur notre manière tronquée de regarder le monde ; les dessins en regard d’Aurore Salomon, visions architecturales et spatiales futuristes, preuve une fois encore de la «rédemption» du dessin dans la pratique contemporaine ; les tirages digigraphiques en couleur de Marc Chostakoff, dont les cieux illuminés écrasent l’horizon de Fos-sur-Mer, antichambre métaphorique à l’installation de Frédéric Clavère qui clôt le parcours sur une note décalée. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Ho ! haaa 6e concours artistique CCI Marseille Provence jusqu’au 31 mars Palais de la Bourse, Marseille 1er www.ccimp.com/concours-artistique


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Patricia Boucharlat

«Stimmung» signifie atmosphère mais aussi humeur en allemand. De son expérience émotionnelle avec le paysage, Patricia Boucharlat propose une sérigraphie de montagne grand format, six photographies numériques exposées pour la première fois et Paysage Volcanique I, un dessin mural conçu spécialement pour la galerie. C.L.

Sans titre, 60X90 cm, 2013 © Patricia Boucharlatt

Julien Blaine

Les pauvres heures de l’abécédaire, accompagnées des portraits des premiers chiffres : tout un programme pour cette nouvelle exposition de Julien Blaine, artiste inclassable qui manie avec la même verve l’écriture, la parole, le corps et les mots. Pour la galerie J. F. Meyer, il opère un compte à rebours en associant des travaux de 2014 à ceux de 1968, et devrait réserver d’autres surprises… M.G.-G. jusqu’au 31 mars Galerie Jean-François Meyer, Marseille 1er 04 91 33 95 01 www.marseilleexpos.com

L’écriture c’est le pied = Ecrire comme un pied (Ecfruiture à pavie, 2014) © Pietro Matarrese

Stimmung jusqu’au 4 avril Galerie Territoires Partagés, Marseille 6e 06 88 16 21 11 www.artccessible-territoires-partages.blogspot.fr

Serge Assier

Proche des écrivains tels Michel Butor ou René Char, Serge Assier rend un vibrant Hommage à Jean Roudaut à travers une série de photographies exclusivement en noir et blanc. Il donnera aussi deux conférences, De la photographie de presse à la photographie et Hommage à Jean Roudaut à travers nos amis communs, les 18 et 28 mars. Vernissage le 27 février à 18h. C.L.

Photographie de la série Cronaca di Roma © Serge Assier

Carolle Bénitah

Styliste devenue photographe, Carolle Bénitah photographie les siens, ses proches, sa famille, car elle est dans l’impossibilité de «voler quelque chose aux autres». Mais avec pudeur. Ses séries se lisent comme un journal photographique entrouvert sur des choses jolies mais évocatrices de douleur, des fantômes, des êtres chers, des souvenirs. Bref, ce qui fait une vie réelle et réinventée. M.G.-G. La vie (re)inventée jusqu’au 20 fév et du 9 au 20 mars Artothèque Antonin Artaud, Marseille 13e 06 08 99 85 27

Ce qu’on ne peut pas voir © Carolle Bénitah

du 28 fév au 11 avril Espaceculture_Marseille 04 96 11 04 60 www.espaceculture.net


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États de lieux

Sur une proposition de Martine Huet et la MJC L’Escale, 75 artistes ont été invités à revisiter les lieux de leur inspiration sur la région. À travers une œuvre, parfois réalisée pour l’événement, chacun porte un regard singulier à travers des médiums variés, peinture, photographie, sculpture, dessin, céramique... Vernissage le 6 mars à 18h30. C.L. Reg’art Alentours du 7 au 28 mars Chapelle des Pénitents Noirs, Aubagne www.aubagne.fr

© Frédérique Bollet

Nouvelles acquisitions

Les musées dits de province possèdent de remarquables collections. Le musée Ziem revient sur dix ans d’acquisitions pour découvrir les portraits fin XVIIIe de Joseph Boze, ou Picabia (une rive de Martigues très figurative), Lalique (coupe en verre en l’honneur de la ville), Caronte vu par le photographe Marc Chostakoff... C.L. Vlaminck, Lalique, Picabia... jusqu’au 3 mai Musée Ziem, Martigues 04 42 41 39 60 www.ville-martigues.fr © Alain Sauvan, Sans titre, Pont autoroutier 2008

Denis Lebiodat

Denis Lebiodat photographie au long terme la réalité sans artifices du monde agricole contemporain, principalement en Hautes-Alpes où il vit. Ses séries en noir et blanc, réalisées avec un petit Leica numérique mais tirées par ses soins au format carré, témoignent d’une approche «la plus juste, loin des clichés passéistes» et du spectaculaire. À voir aussi les images de Sébastien Figueroa. C.L. Bêtes à laine, bêtes à lait jusqu’au 15 mars Maison du berger, Champoléon 04 92 49 61 85 www.maisonduberger.fr La Famille © Alain Laboile

La tonte des moutons de l’élevage de Nathalie et Emeric Drouot (La Bâtie Neuve) © Denis Lebiodat

Alain Laboile

Vivantes et pleines d’humour, les photographies d’Alain Laboile croquent la vie à pleines dents, et pas n’importe quelle vie, celle de sa famille et de ses six enfants à l’imagination galopante ! Son album se fait l’écho en noir et blanc de leurs jeux, de leurs expériences sensibles, de leur quotidien au plus près de la nature, et questionne «la liberté, la nudité, l’éducation, l’être et l’avoir». M.G.-G. La Famille jusqu’au 16 mai Galerie du théâtre La Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 www.theatre-la-passerelle.eu


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Féminismes 2

Après une première édition remarquée l’an dernier, Clémentine Feuillet (galerie Joseph Antonin) invite à poursuivre l’exploration des multiples formes de féminismes. Aux neuf axes de réflexion -sororités, intimité, fiction, queer/ gender, mémoires, autobiographie, utopie, imaginaire, fantastique- répondent une vingtaine d’artistes, hommes et femmes, internationaux contemporains. C.L. Je, Tu, Elles jusqu’au 14 mars Chapelle Sainte Anne, Arles 04 90 99 53 31 http://feminismesarles2015.blogspot.com

© Clément Louis

Jean Cocteau

Dans son écrin de béton siglé Rudy Ricciotti, le musée Jean Cocteau renouvelle chaque année l’accrochage de la collection Séverin Wunderman. Aujourd’hui, à travers des photos, films, enregistrements sonores, œuvres graphiques et poétiques, il évoque les univers constitutifs de sa pensée, de ses recherches, de ses thèmes fondateurs. Sept séquences déclinent la notion du double, le thème de la religion et de l’ésotérisme, de l’amour et de la mort, de la figure du monstre… M.G.-G. Les univers de Jean Cocteau jusqu’au 2 novembre Musée Jean Cocteau, Menton 04 89 81 52 50 www.museecocteaumenton.fr © Jean Cocteau, Etude pour la Belle et la Bête

Environnements sonores

À l’occasion de la 12e Semaine du Son, le musée Gassendi présente un petit aperçu de la création sonore actuelle illustrée par six œuvres, une chambre d’écoute et un documentaire créés par Vincent Betbeze, Céleste BoursierMougenot, Emma Dusong, Jérôme Joy, Ramuntcho Matta. Et Pascal Broccolichi dont la pièce Espace raisonné a été produite et réalisée au CIRVA. M.G.-G. jusqu’au 1er mars Musée Gassendi, Digne-les-Bains 04 92 31 45 29 www.musee-gassendi.org Espace raisonné, 2011-2013, production et réalisation CIRVA, tMarseille avec l’aide de la Drac Paca, collection CIRVA, Pascal Broccholichi © Pascal Broccolichi

du 22 février au 22 mars Villa Noailles, Hyères 04 98 08 01 98 www.villanoailles-hyeres.com

Mobile Art, Hong Kong © François Lacour, 2008

Archimode

Comme un écho à l’espace dessiné par Robert MalletStevens, la Villa Noailles réunit les projets d’architectes pour qui la question du corps est au centre de leurs réalisations : Zaha Hadid, OMA-Rem Koolhaas, Atelier Christian de Portzampac, Ciguë et Diplomates. Archimode établit ainsi une passerelle entre la Villa et l’architecture, l’architecture et la mode (à l’honneur depuis 1986 avec le Festival international de mode et de Photographie) et explore les analogies entre le travail des architectes et celui des couturiers. M.G.-G.



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Montagnes inspirées © WeGo productions

U

ne fois n’est pas coutume, la nouvelle exposition donnée à la Maison de la Région à Marseille fait de la promotion. Il s’agit de présenter le projet remarquablement riche et passionnant de la Via Alta, qui se veut un trait d’union entre passé et présent. Conjugaison des chemins de Saint-Jacques de Compostelle à partir d’Arles (une partie du GR 653D) et ceux de Rome, la Via Francigena, de Suse à Vercelli, elle se situe dans la continuité de la Via Domitia qui reliait Rome à la péninsule ibérique en passant par la Narbonnaise, l’ensemble pour un tracé de 636 kilomètres. Paysages exceptionnels, onze parcs naturels, cinq sites inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO, villes au label «Art et Histoire», Turin, Briançon, Mt Dauphin, Embrun, Gap, Sisteron, Forcalquier, Apt, Avignon, Arles, les dimensions culturelles, spirituelles, historiques et touristiques se mêlent ici pour un parcours d’exception. La modernité s’appuie sur l’histoire, et sert de ciment à la construction d’une identité commune et européenne. Ce beau projet transfrontalier, avalisé en 2009, bénéficie des aides européennes Alcotra, avec trois partenaires, le

Comité Départemental du Tourisme, le Comité Régional du Tourisme et la Province de Turin pour un budget d’environ 500 000 euros. Balisage, cartes, site web panneaux explicatifs qui doivent jalonner le parcours sont en train de finaliser leur mise en place. Un important travail de mise en réseau a été lancé par le CDT en direction des Tours opérateurs, hébergeurs, restaurateurs, guides de pays, associations patrimoniales, offices de tourisme. Les emplois seront sinon augmentés du moins consolidés. Produits typiques, hébergement monastique ou de luxe, recherche du calme, propice au ressourcement, qualité, harmonie entre nature et culture, tout cela constitue une offre qui devrait permettre d’attirer un grand nombre de visiteurs. Déjà, parallèlement au carnet de route du chemin de Saint-Jacques (que le pèlerin valide à chaque étape accomplie), un carnet de route Via Alta et un carnet de voyage sont édités. La marche est bien sûr le vecteur privilégié, même si vélo, cheval, bateau ne sont pas exclus. On n’est pas contraint de parcourir l’ensemble, de nombreux itinéraires tronçonnent le chemin, permettant

Quinson’s label a nouvelle exposition temporaire du Musée de Préhistoire de Quinson ne nous entraîne pas vers de grandes et spectaculaires découvertes entre chaînon manquant et nouvelle espèce inconnue de dinosaure, mais, précise et documentée, s’attache à un de ces points qui peuvent sembler de détail, mais livrent une face passionnante de la recherche archéologique. En vedette, une technique, celle d’une taille si particulière et typée que l’outil produit, en a même un nom : la pointe de Quinson, appellation incluse dans la Typologie du Paléolithique moyen et ancien de François Bordes (préhistorien français connu pour sa contribution majeure à l’étude du paléolithique) en 1961. Cette «pointe triédrique à retouches unifaces bilatérales», la pointe de Quinson, connaît son premier signalement en 1947 par Bernard et Bertrand Bottet, dès leur première publication synthétique des découvertes de la grotte de la Baume Bonne, effectuées lors des fouilles dont ils sont les pionniers. Ils mentionnent alors quatre exemplaires d’un «instrument de type insolite». Dans l’industrie lithique répertoriée alors, ces instruments intriguent. On

Biface © Musée de Préhistoire des Gorges du Verdon

L

va en trouver cent quarante cinq sur le site éponyme, les pierres dans lesquelles elles sont taillées sont en grande partie locales, mais d’autres ont été «importées» de beaucoup plus loin. À partir d’une étude précise des pierres, de leurs origines, des formes découvertes dans tout le continent eurasiatique, France, Espagne, Italie, Allemagne, Pays-Bas, Suisse, Chine, Kirghizistan, Azerbaïdjan, Corée du Sud, avec un excursus en Israël, on peut retrouver des voies de communication, d’échanges commerciaux, voire culturels. L’étude d’un simple objet permet de reconstituer un monde. Les différentes vitrines de l’exposition de Quinson donnent à percevoir la matérialité de la recherche, son caractère ardu, la nécessité de précision, d’érudition, de patience et d’humilité aussi, du temps nécessaire à la construction d’un savoir qui ne se considère jamais comme définitif, mais un constat à un moment donné des connaissances. Il y a aussi dans cette élaboration la chaîne des savants, des chercheurs, qui se succèdent, transmettent. Chacun, riche de ce qui précède, apporte un nouvel éclairage. On rappelle ainsi Olivier Notter, Claire Gaillard,


de concocter des vacances familiales ou solitaires, avec des possibilités multiples d’activités, sport, nature, visites... Quel que soit le choix, le voyageur en est transformé. Abandonner l’inutile pour ne garder que l’essentiel, telle est la nécessité d’un tel voyage ; on apprend le détachement, une autre manière d’envisager notre rapport au monde, loin du consumérisme artificiel qui pousse au «j’achète donc je suis». La démarche spirituelle n’est pas forcément religieuse ! Les hauteurs loin de séparer servent ici de de passerelle entre les hommes. N’est-ce pas la plus belle aventure ? MARYVONNE COLOMBANI

Via Alta jusqu’au 22 fév Maison de la Région, Marseille 04 91 57 57 50 www.via-alta.com

Jean Gagnepain, Isabelle Dubset dont les travaux permettent l’exposition d’aujourd’hui : pour la première fois, avec la complicité du Musée d’Anthropologie Préhistorique de Monaco, le Musée Archéologique de Nice, site de Terra Amata et la commune de Cesseras (Hérault), l’intégralité de la collection des pointes de Quinson est présentée, précisant les aspects technologiques et typologiques. Le catalogue de l’exposition met aussi en évidence l’historique des fouilles de la grotte de la Baume Bonne, souligne l’importance de sa situation géographique, analyse les découvertes, recense les données, illustre avec justesse l’ensemble. Une histoire de caillou ? Certes, mais qui nous apporte une nouvelle appréhension de notre humanité. M.C.

La pointe de Quinson, un outil préhistorique d’ici et d’ailleurs jusqu’au 3 mai Musée de Préhistoire de Quinson 04 92 74 09 59 www.museeprehistoire.com

À lire Catalogue de Claire Gaillard et Olivier Notter collaboration d’Isabelle Dubset édition Département des Alpes de Haute Provence, 12 euros



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