CULTURE LOISIRS TÉLÉ ciné
23.11 > 30.11.2018
ZIBELINE
L’hebdo Cult’ N° 11
Rue d'Aubagne
Mucem, 2 nouvelles expo
Les libertés en Méditerranée
L 18754 - 11 - F: 2,50 €
Effondrement d'une ville
Théâtre
JEUNE PUBLIC Artiste de la Bande
Collectif la palmera Deux pièces de théâtre et un atelier pour redécouvrir en famille l’univers du conte avec ces nouveaux artistes associés à la Bande du Merlan. Né de la rencontre de plusieurs artistes d’horizons différents, désireux de mettre en commun leur savoir-faire et de créer des aventures artistiques originales, le Collectif La Palmera puise son inspiration et son énergie dans des domaines très variés : musique, théâtre, arts graphiques, écriture, photographie et vidéo.
La Criée
Le Collectif La Palmera affectionne l’adaptation de grands genres littéraires pour en donner des versions décalées et drôles. Laissant cette fois-ci de côté la tragédie grecque, il s’empare avec Poussière(s) et Faÿas, de l’univers merveilleux des contes afin de mieux en détourner les codes.
© Thomas Cauchard
Reprise exceptionnelle !
Mikhaïl Boulgakov / Macha Makeïeff Lumières Jean Bellorini Complicité d’Angelin Preljocaj
29 novembre > 13 décembre Un vaudeville frénétique sur l’exil et la défaite, dans la folie de la révolution russe. Dans une mise en scène chantante et virevoltante de Macha Makeïeff, un décor éblouissant et fantomatique, une troupe d’acteurs magnifiques, drôles et bouleversants .».
POUSSIÈRE(S) D’après le texte de Caroline Stella
≥ 8 ans ± 50 min.
M AR 27 NO V > 19h30
15 / 10 / 5 / 3 €
FAŸA S
≥ 13 ans ± 1h30
MER 28 NOV > 20h30
AT E L I E R T H É ÂT R E PA R E N T ( S ) / E N FA N T ( S )
15 / 10 / 5 / 3 €
15 € / duo
DIM 25 NOV : 10h > 12h + 13h30 > 16h30
Réservez ! www.theatre-lacriee.com La Criée Théâtre national de Marseille
infos & réservations > avenue Raimu, Marseille 14e > 0 4 9 1 1 1 1 9 2 0 / w w w. m e r l a n . o r g
sommaire 11
société (P.4-7) Rue d’Aubagne à Marseille : effondrement d’une ville Matériaux de construction naturels
Politique Culturelle (P.8)
La belle arnaque de la démocratisation culturelle
portrait (P.10) Raphaël Imbert
événements (P.10-13) La fuite ! reprise à la Criée Mucem : expositions Georges Henri Rivière, Mohammed Kacimi ; journée Populaire Peuple Public. Théâtre d’Arles : La Grande Scène La fuite, reprise à la Criée © Pascal Victor
CRITIQUES (P14-24)
Libertés en Méditerranée : Rencontres à l’échelle, Rencontres d’Averroès, conférence de l’Iméra, Image de Ville Théâtre Nono, Théâtre du Merlan, Musicatreize, Domaine d’O à Montpellier, Théâtre Durance à Château-Arnoux-St-Auban, Opéra de Marseille, Conservatoire Darius Milhaud à Aix, Grain de Sel àAubagne,
au programme de la semaine Spectacle vivant (P.26-32) Musiques (P.32-34) Arts Visuels (P.35-36)
Without Damage, Mohamed Fouad
© X-D.R.
ARTS VISUELS (P. 36-37)
Salon de la Microédition au Frac, Galerie La Porte étroite, Galerie de Musées à Toulon
CONSEILS TÉLÉVISION (P.38-39) CINÉMA (P.40-41)
Evénements : le Primed ; le cinéma de Nurith Aviv Retour : Festival des cinémas d’Afrique à Apt Critique : Un amour impossible
Un amour impossible, de Catherine Corsini © Stephanie Branchu -Chaz Productions
PHILOLITTÉ (P.42-45) PAYSAGE (P. 46-47)
Boucle du sentier du Badaïre, parc départemental de l’Arbois (13)
Livres de la semaine : Manuel de survie à l’usage des jeunes filles, Maître-Minuit, La MAison de verre) Philo Kakou Feuilleton littéraire d’Eduardo Berti, troisième épisode
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société
Marseille s’effondre « Comment cela s’appelle-t-il, quand le jour se lève, comme aujourd’hui, et que tout est gâché, que tout est saccagé, et que l’air pourtant se respire, et qu’on a tout perdu, que la ville brûle, que les innocents s’entretuent, mais que les coupables agonisent, dans un coin du jour qui se lève ? » « Cela a un très beau nom, femme Narsès. Cela s’appelle l’aurore. » Electre, Jean Giraudoux
L
’effondrement des immeubles de la rue d’Aubagne a tout d’une tragédie, prévisible, annoncée, inéluctable. Marseille est depuis des années abandonnée par ceux qui la gouvernent : ses rats, ses plages polluées fermées une bonne partie de l’été, ses arbres coupés sur une Plaine en révolte, ses poubelles débordant chaque soir, ses transports publics déficients, ses quartiers pauvres délaissés, ses écoles dégradées, sa piscine de Luminy livrée depuis plus de dix ans à l’abandon et à l’envahissement de ronces tenaces… sont autant de signes de mépris d’une municipalité attentive à offrir des marchés aux promoteurs, et coupant en deux une cité réputée populaire, et de fait misérable hors des poches de richesse de quartiers protégés. Depuis quelques années les centres commerciaux ne cessent d’ouvrir, les commerces du Centre-ville de fermer, désertifiant les rues. La ville est trouée de travaux jamais achevés, la chaussée en miettes rend impossible le cheminement des piétons et des vélos. Garer sa voiture, dans une ville où les parkings affichent des prix records, est impossible : sans parking de délestage et sans
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TÉLÉ
CINÉ
transport public le soir, la ville, saturée des voitures nécessaires à qui veut se déplacer, est aujourd’hui une des plus polluées de France.
Maltraitance
La tragédie qui secoue la cité depuis le 5 novembre révèle au pays tout entier une partie, seulement, de la maltraitance subie par les habitants de Marseille. 8 morts, des centaines de personnes évacuées, l’effondrement éclate aujourd’hui aux yeux d’une nation qui a toujours posé sur cette ville un regard effaré. Il est question de mise sous tutelle, de démission de l’équipe municipale, comme si les marseillais n’étaient pas capables de prendre en main leur destin, et comme si la responsabilité nationale n’était pas tout autant en cause : l’État a abandonné les villes pauvres en baissant ses dotations et n’a pas révisé à Marseille les impôts fonciers depuis 1979. Certaines taxes foncières de logements privés insalubres figurent parmi les plus chères de France : leurs propriétaires, souvent pauvres, sont dans l’obligation de ravaler leurs façades, mais dans l’incapacité de se soucier des arrêtés de péril…
Maquette : © Alouette sans tête Photo de couverture : © Zoé Turbant
Hebdomadaire paraissant le vendredi
Directrice de publication Agnès Freschel
Édité à 20 000 exemplaires par Zibeline
Rédaction : journal.zibeline@gmail.com
BP 90007 13201 Marseille Cedex 1 Dépôt légal : janvier 2008 ISSN 2491-0732 Imprimé par Rotimpress Imprim’vert - papier recyclé
Commerciale Rachel Lebihan rachel.zibeline@gmail.com
Façade : depuis des années Jean Claude Gaudin s’en prend publiquement aux journalistes qui pratiquent le « Marseille bashing » et qui nient, selon lui, les formidables progrès de la ville. On y a construit des hôtels de luxe, les touristes y reviennent, des croisiéristes et des congrès. Mais ce n’est pas une gentrification véritable qui est à l’œuvre à Marseille : les poches de pauvreté, si nombreuses et si criantes, sont simplement déplacées, aucune mixité n’est souhaitée. Les habitants de Noailles et de toutes les rues évacuées ne veulent pas quitter leur quartier. Il faut les y reloger, décemment enfin. Rien ne serait plus cynique et criminel que de profiter des morts et des déplacés pour aseptiser le centre-ville, comme l’a été le quartier de la Joliette, au profit des promoteurs immobiliers. Les Marseillais ont besoin de logements, d’écoles, d’équipements sportifs, de transports, de parkings. De places publiques avec des arbres et des jeux pour enfants, des marchés ouverts. Ils ont besoin de soin. Il en faudra beaucoup pour panser les plaies. AGNÈS FRESCHEL
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et se relève Mal logement, une révolte au long cours Après deux marches fédératrices et une troisième annoncée, le mouvement citoyen faisant suite aux effondrements d’immeubles au cœur de Marseille ne se tari pas
«
20 millions pour détruire la Plaine. Pas une thune pour sauver Noailles. À qui profite le crime ? ». La plus imposante des banderoles flottant sur l’impressionnant cortège du 14 novembre résonne comme une prise de conscience populaire inédite sur la réalité de la gestion de Marseille. Avec le sentiment largement partagé d’un tournant dans l’histoire récente de la ville et d’une fin de règne pathétique mais espérée par un nombre devenu visible et audible d’habitantes et d’habitants. « Lundi 5 novembre s’est réveillée une colère profonde, ancrée en nous depuis des décennies de mépris et d’abandon », explique Kevin Vacher, un des animateurs du Collectif Noailles en colère. Car le bilan tragique de huit morts dans la rue d’Aubagne a mis en lumière d’autres chiffres, ceux de la réalité accablante de la deuxième ville de France, confirmée par plusieurs rapports et expertises et qui révèlent l’inaction flagrante des pouvoirs publics depuis longtemps alertés, mairie en tête. 100 000 personnes vivent dans les logements insalubres, quand le nombre de logements potentiellement indignes est évalué à 40 000. 10% des logements insalubres de France sont concentrés à Marseille. Sans oublier les 12 à 15 000 personnes qui n’ont pas de toit et dont 25 sont mortes dans les rues de la ville en 2017. En face, un bilan aussi éhonté que dérisoire avec, en treize ans, seulement 35 millions d’euros consacrés à la lutte contre l’habitat indigne soit 2,7 millions annuels sur un budget d’environ 2 milliards.
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© Zoé Turbant
Irresponsabilité partagée
À la décharge de Jean-Claude Gaudin, les responsabilités sont multiples avec notamment un État qui, par la baisse de ses dotations aux collectivités, a accompagné les politiques d’abandon. Ce n’est pas la suspension par Renaud Muselier de deux de ses vice-présidents, Arlette Fructus et Xavier Cachard, qui pourra faire oublier que le Conseil régional a coupé ses financements destinés à la lutte contre le mal-logement. Du côté de
la Métropole, qui partage la compétence avec la ville, Martine Vassal tente de se dédouaner, annonçant préparer un plan contre l’habitat indigne. Depuis le drame, la solidarité des habitants, des associations, des personnels de santé ne se dément pas. Le barreau de Marseille a mis en place un numéro vert pour accompagner et regrouper les démarches des sinistrés actuels et à venir. Car dans le même mouvement, les signalements pointent dans d’autres
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société quartiers de la ville, avec des évacuations massives, laissant craindre une instrumentalisation du péril, pour mettre en œuvre un déplacement des populations les plus pauvres pour mener à bien des opérations immobilières dans le centreville que l’on sait dans la ligne de mire des promoteurs et grands groupes. « Certains, avocats, politiques, ont tenté de jeter l’opprobre sur notre colère, de diffuser de fausses rumeurs, de tourner autour des habitants tels des charognards », révèle le collectif reçu par la municipalité et la préfecture. « Grâce à notre mobilisation, nous sommes en train de pouvoir imposer que des mesures d’urgence soient prises. » Mais de nombreuses revendications restent en suspens comme la diffusion officielle de tous les documents permettant d’obtenir vérité et justice, ou encore la facilitation pour tous les évacués de l’accès au logement social ou au parc privé, y compris financièrement. La ville a en revanche donné des garanties sur la prise en charge des obsèques des victimes et du réameublement des sinistrés via des bons d’achat. « Mais ils refusent pour l’instant de parler du cœur du problème. Comment admettre que, depuis quinze ans, 48% des immeubles du quartier soient identifiées comme dégradés ou insalubres et que rien n’ait été fait ? ». Des questions qui trouveront, souhaitons-le, des réponses à l’issue des investigations de la brigade criminelle de la police judiciaire. Les services municipaux de l’urbanisme et de la prévention et la gestion des risques, le bailleur Marseille Habitat, deux élus, une dizaine de propriétaires du numéro 65 de la rue d’Aubagne et huit experts concernés ont d’ores et déjà été visés par des perquisitions. De son côté, le Syndicat des avocats de France travaille sur d’éventuelles poursuites à mener. Appelé à se structurer et s’élargir, le collectif du 5 novembre vise un combat plus vaste contre le mal-logement, la spéculation immobilière et son corollaire, la chasse aux pauvres, en y opposant la réquisition des logements vides, au nombre de 67 000 à Marseille. « Il est urgent que tous nos quartiers s’unissent et portent ensemble la même colère. » La mémoire de Simona, Niasse, Fabien, Julien, Taher, Sherif, Marie, Ouloume mérite un tel combat. LUDOVIC TOMAS
La gauche sur le chantier du logement Chefs de file de l’opposition municipale, B. Payan (PS) et J-M. Coppola (PCF) esquissent des premières propositions pour éradiquer l’habitat indigne
S
i le contenu de leurs préconisations la ville à l’augmentation du fonds dédié en termes d’habitat est encore en aux personnes à reloger en urgence, en cours d’élaboration, les socialistes passant par l’expropriation des marsavent déjà ce qu’il ne faut plus faire. chands de sommeil, la requalification « Il y a eu trop d’abandon, trop de com- de leurs biens en logements publics et plaisance. Cela doit s’arrêter », plaide la mise en place d’un permis de louer Benoît Payan, leur président de groupe et d’une plateforme d’échanges de logeà la mairie. Pour le conseiller ments sociaux, en fixant l’objectif municipal et départemend’en construire dix mille par tal, une première rupture an. Jean-Marc Coppola pourrait être mise en accuse « la majorité muœuvre en s’appuyant nicipale de préférer insur deux axes : « L’apvestir dans des hôtels plication de la loi et de luxe et des projets la volonté politique. qui déroulent le tapis La puissance publique aux promoteurs imest absente et ce n’est mobiliers avec comme pas acceptable. » Parmi objectif une recompoles pistes lancées, l’emsition sociale et socioloBen eil oît P ayan v© V. Verm bauche des services civiques gique ». Et l’élu communiste pour accompagner les habitants, des quartiers Nord d’énumérer des dresser un état des lieux, faire « choix budgétaires qui tournent des diagnostics. « Quand le dos aux urgences et à l’inon est confrontés à une térêt général : un milliard situation de péril impour le partenariat puminent, les travaux blic-privé du Vélodoivent être faits d’ofdrome, autant pour fice. Soit on force les celui concernant les propriétaires, soit écoles alors qu’en geson s’y substitue et on tion publique 300 milleur envoie la facture. lions pourraient être Ce n’est pas une option, économisés et investis Je an ieu -M c’est une obligation », rapailleurs, des centaines de ath arc eM Copp ola © Ségolèn pelle Benoît Payan qui prône millions pour la vidéo surveilla création d’« une grande direction lance qui est une mission de l’État ». unifiée de l’habitat avec des personnels Quelles que soient les forces et les perqualifiés et formés, dont l’action irait de sonnalités politiques qui s’engageront la préemption à la prévention du risque ». dans la bataille des municipales, la quesAutre outil suggéré, « une société d’éco- tion du logement sera inévitablement au nomie mixte » dans laquelle siègeraient centre de la prochaine élection. L.T. les représentants des associations pour le droit au logement et des riverains, afin de les rendre « acteurs de la politique du logement ».
Recomposition sociale
Du côté du Parti communiste, la feuille de route est plus détaillée. Sept propositions sont avancées. De l’application de la loi SRU (25% de logements sociaux) par arrondissement et non à l’échelle de
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Philosophie des trois petits cochons
L
e 6 avril dernier, un collectif d’architectes, urbanistes, penseurs et citoyens a publié une tribune sur le blog de Mediapart. Ils y célébraient l’inventivité des habitants de la ZAD de Notre-Dame-desLandes, qui les a conduits à se réapproprier l’acte de construire. Leurs « corps de ferme rénovés lors de grands chantiers collectifs, nouveaux hangars agricoles aux charpentes impressionnantes (...), habitats hors-norme, multiples, divers, poétiques, adaptés, bidouillés, légers, sobres, précaires, faits de matériaux locaux ou de réemploi, en terre, en bois, en paille ou en récup’ », qui « répondent à leur échelle aux enjeux écologiques et énergétiques, à rebours du monde que l’industrie du béton et de l’acier est en train de répandre partout sur la planète ». Plus de 60 000 personnes ont signé cet appel à défendre d’autres manières d’habiter*. L’association LESA, située à Éourres, dans les Hautes-Alpes, vient de publier aux éditions Bruno Leprince un livret intitulé B comme BTP : Bois Terre Paille. Un manuel éthique et pratique pour construire sans les multinationales, destiné aux élus locaux qui s’intéresseraient à la question, et aux citoyens qui souhaiteraient vivement les y intéresser si ce n’était pas spontanément le cas. Car le secteur du bâtiment et des travaux publics, aux mains de groupes tentaculaires tels que Bouygues, Lafarge et Vinci, est un domaine massivement énergivore, extrêmement polluant, au bilan carbone désastreux. Construire ou rénover en matériaux « crus » émet très peu de CO2. Les ressources sont abondantes, bien réparties sur le territoire, leurs propriétés d’isolation thermique permettent une réduction considérable des factures de chauffage, et elles sont recyclables. Selon l’édition 2018 des Règles professionnelles de construction en paille (éditions Le Moniteur), 5% du chaume non utilisé à ce jour permettrait d’isoler la totalité des logements individuels et collectifs construits chaque année en France. D’autres matériaux comme le chanvre sont utilisé avec succès dans le bâtiment,
Construction du Gourbi 8, le 20 octobre 2018 Marseille-La Plaine © G.C.
pour leurs qualités remarquables : isolation acoustique, drainage de l’humidité, résistance en cas de tremblements de terre. Le livret B comme BTP détaille les caractéristiques techniques des éléments naturels, les emplois créés par une filière relocalisée, les économies réalisées (moins d’intermédiaires, de transport...). Il donne aussi des clefs : comment constituer un cahier des charges spécifique pour les marchés publics, identifier les savoir-faire locaux, recenser et mettre en réseaux les professionnels, récupérer les terres excavées des chantiers de terrassement ? Mais il invite aussi à ré-évaluer une dimension essentielle de l’être humain, qui vit mieux dans de beaux logements, surtout s’il est entouré de choses qui poussent. « L’amour du beau nous invite à la réflexion sur l’esthétique de ces grosses tours et barres grises qui parsèment nos villes, ou encore de ces boîtes métalliques dans nos zones commerciales. » Comme le dit le philosophe Gilles Tiberghien, les cabanes sont des espaces précieux qui nous permettent de mieux vivre. On ne va pas tous opter pour un habitat léger, bien sûr, mais on ferait bien de les prendre au sérieux. GAËLLE CLOAREC
* La pétition, adressée au Premier ministre Édouard Philippe, est en ligne sur le site change.org
à lire B comme BTP : Bois Terre Paille Marie Dano et Michel Philippo Éditions Bruno Leprince, 4€ Disponible également en téléchargement gratuit sur le site asso-lesa. com/b-btp-bois-terre-paille
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politique culturelle
« Everyone is a photographer » Rêvé depuis longtemps, le Centre Photographique Marseille ouvre enfin ses portes, le 23 novembre à La Joliette, avec pour mission de fédérer tous les publics
À
l’heure où la photographie est à la portée de tous et où chacun peut se déclarer « photographe », Marseille inaugure son centre photographique non loin du Frac, du Cirva, du théâtre Joliette Lenche-Minoterie et, au-delà, du Mucem. Avec dans le viseur un seul objectif : être un lieu de pratique, de formation, de connaissance, d’éducation à l’image et de monstration ouvert aux amateurs et aux professionnels. « La grande différence entre la photographie amateur et l’œuvre d’art tenant en deux mots : hasard et nécessité » pour Véronique Traquandi, chargée de mission arts visuels et nouvelles technologies au Conseil départemental des Bouches-duRhône. « On est dans une ville et dans un territoire particuliers, souligne Érick Gudimard, directeur du CPM, on va donc travailler avec les artistes et les publics du territoire. Il n’est pas question d’élite. »
Un nouveau lieu mais une longue histoire À l’origine des Ateliers de l’image et de la galerie la Traverse, Érick Gudimard a œuvré pendant 22 ans à développer des actions artistiques autour de la photographie contemporaine en lien avec des partenaires sociaux, éducatifs, culturels et économiques. Mais l’espace lui faisant défaut, les moyens financiers également, il lui aura fallu attendre 2018 pour réaliser son rêve d’un centre d’art international grâce au soutien des artistes-photographes, des réseaux professionnels et des collectivités locales. Pour la conseillère aux arts plastiques de la Ville de Marseille, Jacqueline Nardini, « l’idée d’ouvrir un lieu de cette envergure dans ce quartier fait partie d’une
Vue architecturale - Espace central du Centre Photographique Marseille © Myriam Burnaz /Architecte d'intérieur/Crédits Images/Louis Rampal
redynamisation de La Joliette souhaitée par la Ville pour lui donner une visibilité. Cette réflexion émane de tous les acteurs reconnus du territoire et se cristallise dans ce lieu unique ». Quant à Véronique Traquandi, elle affirme qu’« il est primordial pour le Département d’aider ce lieu au côté des Rencontres d’Arles et de l’École nationale supérieure de la photographie. Cela fait partie des grands éléments structurants. La proximité Arles-Marseille fait qu’il faut ici parler de la photographie ». Le CPM a bénéficié d’une aide de 320 000 € pour sa rénovation et son équipement (52% Ville et Politique de la ville, 25% Conseil départemental, 23% auto-financement et dons des artistes) et de 260 000 € pour son fonctionnement. Érick Gudimard espérant à terme, grâce à l’aide de l’État, atteindre 350 000 à 400 000 € car « le CPM se situe actuellement dans une fourchette basse par rapport aux centres photographiques nationaux ».
Être à la hauteur des Rencontres d’Arles Si la peinture est encore toute fraiche, les espaces d’exposition sont prêts à accueillir les visiteurs, le centre de ressources sera prochainement opérationnel et les premières actions de médiation sont déjà lancées. Le CPM inaugure son cycle d’expositions avec Monique Deregibus,
invitée au festival Photo Marseille, et sa série consacrée au Nouveau Mexique réalisée entre 1989 et 1999, essentielle dans son rapport à la photographie. Installée à Marseille où elle a créé en 1990 un espace dédié à la photo dans l’ancien atelier Nadar, la photographe « a fait de ce désert un objet de fascination pour l’image » et espère réaliser une édition spéciale. Un cinquième ouvrage qu’elle porte en elle depuis longtemps… En attendant, ce qui est montré ici permet de donner à voir ce qui traverse le parcours d’une artiste de renommée internationale. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Hypothèse du regard, variations discontinues et greffes instables Monique Deregibus La possibilité d’un rêve, des hommes en trop, une île Philippe Terrier-Hermann (installation vidéo) Stand-by Office Randa Maroufi (installation vidéo) 24 novembre au 27 janvier Centre Photographique Marseille, Marseille centrephotomarseille.fr
Kacimi Mucem 1993—2003 Une transition africaine Exposition 23 nov. 2018—3 mars 2019 Mucem.org
Une exposition réalisée avec le soutien de Art Holding Morocco
En partenariat avec
Mohammed Kacimi vers 1993-1994 © Archives Kacimi Design graphique : Spassky Fischer
10 portrait
Raphaël Imbert,
une certaine victoire du jazz Portait d’un musicien autodidacte, passionnant, généreux et… bavard
C
ela faisait des mois qu’il savait mais devait tenir sa langue jusqu’au 26 octobre, date de la cérémonie. Le saxophoniste compositeur Raphaël Imbert a été récompensé par une Victoire du jazz pour Music is my Hope, consacré album inclassable de l’année. Inclassable, lui, le pur jazzman revendiqué ! « Sur le coup, ça m’a fait marrer. Est-ce qu’on est inclassable quand on est un des rares musiciens qui assume faire du jazz ? On n’est pas à un paradoxe près dans le jazz en France. Finalement je trouve que ça me va bien », admet-il. Première victoire mais pas première nomination. Le plus marseillais des saxophonistes est né à Thiais (Valde-Marne), ville de la banlieue parisienne connue pour héberger un des plus grands cimetières de la capitale. Et vit aujourd’hui à Paris. Mais c’est dans la campagne aixoise, à Rognes précisément, que Raphaël grandit et continue de se poser lorsqu’il est dans la région. « Mon père est issu de la bourgeoisie marseillaise, un peu artiste, et ma mère d’une famille ouvrière qui a quitté le Centre de la France pour s’installer à Aix-en-Provence. Elle a eu un fils, mon demi-frère, d’un premier mariage avec un noble catholique du monde rural. J’ai été élevé dans cette pluralité où tout le monde s’entendait à peu près bien même si les repas de famille étaient très animés », confie-t-il. Enfant, il se passionne pour Raphaël Imbert © Muriel Despiau la zoologie. « J’ai eu la chance de rencontrer Théodore Monod, un de mes maîtres, quand j’avais 15 ans. » À la même époque, un nouveau voisin s’installe à quelques centaines de mètres de la maison familiale. Il joue du saxophone. « J’ai voulu essayer. Il m’a dit “ tu vas voir c’est dur ”. Je prends l’instrument, le mets dans ma bouche et c’est comme si j’en avais fait toute ma vie. » Les turbulences de
l’adolescence lui font mettre un terme à sa scolarité en classe de première pour se consacrer entièrement à la musique. Il intègre alors la classe de jazz du Conservatoire de Marseille dont il obtient le premier prix en 1995 sans avoir jamais suivi un cours de saxophone de sa vie.
Un jazz sans frontières À 44 ans, ce quadra massif, à la barbe généreuse et au verbe intarissable, est reconnu non seulement pour ses compositions et son jeu habité, mais aussi pour son travail en tant que chercheur sur un genre qu’il n’a de cesse de décloisonner sans jamais en dénaturer l’esprit. « Le jazz est sans frontières ou il n’est pas. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de tradition ou qu’il ne faut pas avoir une certaine connaissance de l’histoire et montrer que tu as écouté tous les grands. » Ces grands à lui sont John Coltrane, Duke Ellington et Albert Ayler. Et s’il conçoit que le mot jazz peut encore avoir un effet repoussoir, il préfère théoriser sur la dichotomie des publics. « Il y en a un qui veut entendre la même chose que sur le disque ou qu’à la radio. Et un autre qui a envie de vivre quelque chose d’unique, en train de se créer devant eux et avec eux. Mais cela n’établit aucune hiérarchie entre les deux. J’ai accompagné mes trois enfants aux concerts Big Flo et Oli, à Lyon puis à Marseille. Je trouve ça pas mal mais j’ai vu deux fois le même spectacle. C’est efficace mais je suis frustré. » Pour lui « le jazz a cette capacité à mettre ensemble des éléments contradictoires et paradoxaux, en combinant devoir de mémoire et créativité. Avec en permanence un pied dans le passé et l’autre dans le futur. C’est une musique de transmission,
événements 11
Tous les exilés se ressemblent Après plus d’un an de tournée, La Fuite ! retrouve le plateau de La Criée pendant trois semaines pour 12 représentations inventée pour faire dialoguer des gens qui n’avaient rien à voir entre eux. » Une vision qu’il met en pratique à travers les nombreuses collaborations qui jalonnent son parcours. C’est également le credo indéfectible de sa compagnie, Nine Spirit, créée en 1999, pour encourager cette passerelle entre la tradition du jazz et ses aboutissements les plus contemporains. Critiquant le « formalisme académique » voire « l’hygiénisme » auxquels le jazz peut être sujet, il est capable de considérer comme un de ses musiciens français préférés le puriste Jean-François Bonnel, professeur de jazz à Aix-en-Provence, tout en s’enthousiasmant à l’évocation d’un saxophoniste de vingt ans son cadet, Maxime Atger dont il a été lui-même l’enseignant à l’Institut d’enseignement supérieur de la musique, et avec lequel il a récemment partagé la scène de Cité de la musique de Marseille, dans le cadre de Jazz sur la ville (lire Zib’ 10). « Il a un son, un doigté qui lui appartiennent. Si un gars comme lui est demain professeur au conservatoire, je dis youpi parce que je sais qu’il a une grande attention à l’égard de l’artistique ». Nommé compositeur associé au Théâtre du Briançonnais, Imbert travaille sur un projet dédié à la mémoire, autour de l’après-guerre de 14-18. Se qualifiant d’orphelin de la gauche, il exprime un « sentiment européen fort », abîmé par le sort réservé aux migrants. « Cette Europe est ouverte aux capitaux, pas aux personnes ».
Q
uelque chose de l’âme russe de Macha Makeïeff se joue là. D’ailleurs elle est sur scène, représentée par une petite fille qui regarde le théâtre du monde depuis l’appartement d’exil où sa famille a abouti, à Marseille, après la Révolution d’Octobre (1917), la défaite des Russes Blancs (1920) et un passage par le cosmopolitisme stambouliote juste avant l’arrivée de Kemal. La Fuite ! de Mikhaïl Boulgakov colle à la peau de cette histoire, et à celle de tous les exils. Même si celui-ci, par la diversité des classes sociales qui ont quitté de force ou par choix la Russie, est très particulier, il s’agit bien d’être du côté de ceux qui subissent la défaite, et abandonnent tout un pan de ce qui les constitue. Ecrite en 1928 en URSS par un Boulgakov sous haute observation politique, stalinienne, elle est à la fois expressionniste et mesurée. Expressionniste parce que les personnages y sont excessifs, emportés, caricaturaux, hors du réalisme psychologique et du naturalisme encore à l’œuvre dans le théâtre à cette époque, s’évadant dans le fantastique comme l’auteur du Maître et Marguerite aime à le faire ; mesurée parce que les Russes Blancs sont aussi odieux que les Rouges, que le meurtre et la trahison, les profiteurs et la folie, sont de tous les côtés. La pauvreté aussi,
LUDOVIC TOMAS
Un documentaire sur les 6 lauréats des Victoires du jazz sera diffusé le 1er décembre, sur France 3, vers 0h35 Album Music is my Hope (Jazz Village/Pias) disponible © Pascal Victor
les ravages de la guerre et de l’exil, et la douce attention à ce que l’on emmène malgré tout avec soi, fil rouge de la mise en scène de Macha Makeïeff. En effet sa lecture sensible a transformé les étapes de ce voyage en épisodes d’un rêve éveillé. Les objets y sont pétris de mémoire, comme une caresse modeste dans un univers où tout crie, où l’on pend comme on respire, où la faim, la prostitution, l’alcool, le jeu sont les derniers refuges de ces exilés déclassés. Les relations de pouvoir, de domination, de terreur constante, puis d’avilissement et de trahison, sont portés par une équipe de comédiens qui a choisi d’assumer l’outrance. Elle manquait parfois, à la création, de subtilité et d’efficacité comique. Mais une année de tournée, ponctuée d’éloges de toute la critique soulignant justement la force des comédiens, a certainement réglé le rythme et l’équilibre des registres, comiques, tragiques, burlesques et satiriques, qui traversent les 3 heures de cette épopée, à (re)voir absolument ! AGNÈS FRESCHEL
La Fuite ! 29 novembre au 13 décembre La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com
12 événements
Un muséologue nommé Rivière Le Mucem accueille deux nouvelles expositions, centrées sur deux fortes personnalités
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arie-Charlotte Calafat, co-commissaire de l’exposition Georges Henri Rivière au Mucem, est consciente que l’exercice n’est pas facile : il s’agit d’attirer un public vers « quelqu’un que personne ne connaît ». Et il gagne à être connu ! Muséologue talentueux et inventif, le concepteur du Musée national des arts et traditions populaires a eu une vie extrêmement riche (1897-1985). Tout l’intérêt de l’exposition étant d’articuler son parcours professionnel avec son caractère, empreint de doutes mais déterminé à faire entrer les objets du quotidien dans les espaces muséaux. Formé par Marcel Mauss, Georges Henri Rivière a participé au mouvement de convergence entre les disciplines qui flirtent avec son domaine, histoire, archéologie et ethnologie se rapprochant pour appréhender l’objet du point de vue technique, social, politique. L’usage, la forme ont pour lui un sens. Aux établissements de conservation de travailler leurs collections pour éclairer ce sens, le contextualiser, lui restituer sa profondeur sous
Dans un Buron d’Aubrac vers 1910. Reconstitution de l’unité écologique de la section «un établissement humain, l’Aubrac» de la galerie culturelle du Musée des Arts et Traditions Populaires. Paris, 1975, Matériaux divers. Son et lumière : 5 min 34. Mucem, Marseille © RMN-Grand Palais (Mucem) / Christian Jean
des apparences anodines. L’architecte Olivier Bedu a scénographié un parcours en 34 étapes. Ce n’était pas une mince affaire, déclare-t-il avec humilité, que de passer après celui qui était surnommé « le magicien des vitrines ». Mais il n’en fallait pas moins pour cerner l’ampleur du personnage et sa façon de sortir au forceps le populaire du folklorisme, à une époque où ce n’était rien moins qu’évident. On est ainsi touchés par sa capacité à anticiper la nécessité de préserver les usages de
nos campagnes avant le rouleau compresseur de la mécanisation. Qui sait si, demain, ce ne seront pas les précieuses pratiques dont les écomusées gardent la mémoire, qui permettront une transition hors de l’agriculture industrielle, imbibée de pesticides ? Fleuron du parcours, la reconstitution d’un « buron d’Aubrac », une fromagerie d’altitude telle qu’elle existait avant la Première guerre mondiale. Ou comment concrétiser une méthodologie « rigoureusement authentique », sans « inspiration
Quel est le contraire de populaire ?
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roposée dans le cadre de l’exposition Georges Henri Rivière, voir c’est comprendre, la journée d’études Populaire Peuple Public du 13 novembre était passionnante, et forcément paradoxale. Elle réunissait en effet des universitaires du monde entier maniant des concepts et parlant une langue incompréhensible à 95% du peuple, mais réfléchissant justement aux façons de mettre en lumière les arts populaires, les écomusées, les savoirs du peuple. Un niveau de réflexion retombé comme un soufflé lors de la dernière table ronde, animée par Olga Bibiloni (La Provence) et réunissant des directeurs de grands festivals (Festival d’Avignon, de Marseille, Jazz des Cinq continents) et de musées particuliers (les Arts modestes de Sète, les Abattoirs de Toulouse). Tous furent conviés à opposer « populaire » et « savant », comme si tout l’enjeu de cette journée n’était pas justement de montrer que le peuple est savant… Rapidement le public populaire fut restreint aux détenus, aux scolaires, voire aux « publics particuliers » que sont « les EHPAD, les enfants et les adultes autistes ». Les intervenants affirmaient pourtant qu’ils ne représentaient plus la culture
dominante, fabriquée par des industries médiatiques qui refusent de proposer au « grand public » une culture qui ne soit pas formatée et simplifiée ; ils expliquaient qu’ils inventaient des formes participatives pour que le rapport à l’art se partage, que leur public se renouvelait chaque année… Mais le clivage savant/populaire, à la base de toute la discussion et de chaque question, imposait une hiérarchie incontournable, et surplombante. Car en fait, comment penser le populaire sans un rapport de classe ? Si le populaire représente la majorité du peuple, et pas seulement les pauvres, on peut les opposer aux « bourgeois » ou comme aurait dit Marx aux détenteurs des biens de production qui ne vivent pas de leur travail mais de la plus-value opérée sur le travail des autres. À Paris, sans doute, dans certains cénacles, la vie culturelle s’adresse à eux. Ici, presque jamais. Le contraire de savant n’est pas populaire, mais ignorant : l’accès à l’art et à la culture nécessite un apprentissage, comme le soulignait Hervé di Rosa. Il nécessite aussi que les médias cessent de penser que le peuple est idiot. AGNÈS FRESCHEL
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pseudo-régionaliste », capable de restituer le savoir-faire d’un « genre de vie, tradition active, étroitement associé au milieu naturel ». Pour ceux qui souhaitent aller plus loin et emporter avec eux un peu de l’esprit des musées de société, le Mucem a édité le catalogue de l’exposition.
Mohammed Kacimi Du 23 novembre au 3 mars 2019, le fort Saint Jean accueillera quant à lui une exposition consacrée au plasticien marocain Mohammed Kacimi. Plus précisément centrée sur sa « période africaine », les années 1993-2003 durant lesquelles il prit ses distances avec l’art occidental, pour se positionner de manière éclatante « face à des mutations, des répressions locales et internationales, des misères et des aberrations politiques ». La commissaire de l’exposition, Nadine Descendre, décrit un homme lucide, très tôt concerné par l’environnement, les dérives scientifiques, les énergies fossiles et le nucléaire, qui va chercher auprès d’autres disciplines ce qui selon lui manque à la peinture, « devenue trop peu active, trop égocentrique, trop peu en prise avec son époque ». Voilà une personnalité que l’on a hâte de côtoyer de plus près, ce qui sera possible non seulement à travers une sélection de ses œuvres et de ses archives, mais également via l’hommage multiforme qui lui sera consacré le samedi 24 novembre. Une table ronde est prévue tout d’abord, avec un poète, un historien de l’art, un chercheur dans le domaine des médias et de la culture, et un artiste (Mohammed Bennis, Brahim Alaoui, Driss Ksikès, Saïd Afifi). Puis une lecture de textes de Mohammed Kacimi, assurée par la comédienne Sofia Hadi ; et enfin un concert de Majid Bekkas. GAËLLE CLOAREC
Georges Henri Rivière Voir, c’est comprendre jusqu’au 4 mars 2019 Kacimi – 1993-2003 une transition africaine 23 novembre au 3 mars 2018 Mucem, Marseille 04 84 35 13 13 mucem.org
Découvertes et partages chorégraphiques
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haque année depuis 2012, la Grande Scène, plateforme nationale des Petites Scènes Ouvertes -réseau de soutien aux jeunes chorégraphes- prend ses quartiers dans un lieu différent. Le Théâtre d’Arles, scène conventionnée d’intérêt national - art et création - nouvelles écritures, accueille cet événement phare les 27 et 28 novembre. Outre la programmation de 11 pièces ou extraits de spectacles portés par de jeunes artistes séléctioné.e.s suite à un appel à candidatures, c’est aussi l’occasion d’échanger avec les programmateur.trice.s et le public.
Programme Le 27, de 18h à 21h30, se succèderont les spectacles : Bibi ha bibi (Henrique Furtado et Aloun Marchal) ; Assis (Cédric Cherdel) ; Quelques-uns le demeurent (Alexandre Fandard) ; Dimmi Ancorna un’altra citta (Arianna Rodeghierro et Samuel Montcharmont) ; Roquestar (Charlie-Anastasia Merlet). Le 28, de 17h à 21h30 : Youtubing (Florence Casanave) ; Louis Pi XIV (Simonne Rizzo) ;
The Gyre (Angela Rabaglio et Micaël Florentz) ; Plubel (Clémentine Vanlerberghe et Fabritia D’Intino) ; Mieux vaut partir d’un cliché que d’y arriver (Sylvain Riejou) ; Twyxx (Tom Adjibi et Mercedes Dassy). Deux moments particuliers, une conférence et une présentation de projets en cours de production, ont été choisis conjointement par le réseau et le Théâtre d’Arles (le 28 novembre à l’Hôtel Atrium) : Kevin Jean, en résidence au Théâtre de 2017 à 2019, présentera son projet La poursuite du cyclone (création à Arles les 27 et 28 février), Leslie Mannès Forces, spectacle créé en 2019 et Filipe Lourenço parlera de son prochain projet ; la conférence, animée par le journaliste Gérard Mayen, réunira Laurent Goldring, artiste visuel, chorégraphe et vidéaste, et Germana Civera, chorégraphe, pour parler du Chorégraphique traversé par l’image. DO.M.
La Grande Scène 27 & 28 novembre Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 theatre-arles.com
© Hypocrisy -benzank
14 critiques
Identités, exil et marché Retour sur trois propositions des Rencontres à l’échelle qui se poursuivent jusqu’au 1er décembre, à Marseille
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minata Soumbou Swata Soudou Baba est trois. Celle qui est née à Niamey, au Niger. Celle qui assume son exil, choisi et heureux, pour embrasser une carrière de comédienne à Bruxelles. Celle qui a décidé de faire la route inverse, errant sur les chemins de brousse qui la mèneront au pays. Avec un nom à rallonge et autant de personnalités, il ne fallait pas moins de trois artistes pour donner corps à une si riche destinée. Aminata Abdoulaye Hama, Aurélien Arnoux et Samuel Padolus incarnent cette trinité avec brio. On m’a donné du citron j’en ai fait de la limonade parle inévitablement d’exil, de quête aussi. Ecrite et mise en scène par Laetitia Ajanohun, la pièce est un récit à trois voix, une partie de billard à trois bandes, entrecoupée d’intermèdes musicaux qu’interprètent les deux acteurs-musiciens du trio. Le texte est dense, l’écriture riche, le propos parfois abstrait, le jeu frais et dynamique. À l’image d’une jeunesse d’Afrique qui revendique une mondialisation positive dans laquelle attachement aux racines et soif d’un ailleurs ne s’opposeraient pas mais seraient constitutifs d’une identité multiple.
L’art, c’est combien ? Avec Without Damage, Mohamed Fouad nous entraîne avec délectation et malice dans l’engrenage de la marchandisation de l’art. Et c’est vrai qu’on ne le voit pas venir. Pendant que le public s’installe, le chorégraphe danseur égyptien trace à la craie les contours de son corps en déplacement sur le sol. Apparaît une ribambelle de cadavres aux positions insolites. « Sans dégâts » annonce pourtant le titre de l’œuvre. Fouad met en garde : « Le spectacle ne parle de rien ». Et de se lancer dans inventaire à la Prévert en mêlant quelques grands maux de la planète -les guerres, le racisme, le système bancaire, le changement climatique– à des faits plus anecdotiques ou personnels comme la dépression d’un de ses amis. Sommet du néant, ce qu’il
Il pourra toujours dire... © Christophe Raynaud de Lage
a à nous proposer n’est même pas « une recherche chorégraphique exceptionnelle ». Les éventuels déçus ont alors trente secondes pour quitter la salle. S’exprimant en anglais, il offre ensuite 10 euros à la personne qui se dévouera pour traduire la suite de son propos. Le ton est donné. Musique. Après un premier solo très physique, il propose de le reproduire à l’identique, pour la somme de 5 euros. Pour bénéficier du deuxième solo, « plus sexy », en show privé derrière le rideau de scène, il n’en coûtera que 50 centimes. Ce n’est que le début d’une série de mise à contribution financière à double sens,
rendant évident que tout peut se monnayer, que chaque acte a vocation à être tarifé. Voire bradé. Pourquoi l’art ferait exception puisqu’il y a création, travail, effort coûteux ? Se crée finalement un rapport d’égalité entre public et artiste, sans jugement de valeur ni hiérarchie entre les rôles de l’un et de l’autre. Réaction rassurante : certains ont refusé d’empocher leur rétribution.
Exilés sexuels L’un des temps forts de cette édition des Rencontres à l’échelle est indiscutablement la deuxième pièce du franco-iranien
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Quand Piaf fait la danse du ventre Gurshad Shaheman, Il pourra toujours dire que c’est pour l’amour du prophète, créée lors du dernier Festival d’Avignon. À partir d’une trentaine d’entretiens réalisés avec des exilés LGBTI, le metteur en scène tisse un grand récit contemporain questionnant à la fois l’exil et la construction de genre. Les fragments de témoignages s’enchaînent sans relâche, parfois se superposent. Sur le plateau, une quinzaine de jeunes acteurs de l’École régionale d’acteurs de Cannes et Marseille (ERACM), remarquables, immobiles mais habités par les anonymes auxquels ils donnent une voix et un corps. Ils ont fui la guerre en Syrie ou en Lybie, les rafles en Irak, les discriminations au Maroc ou en Turquie. Ils vivent dans un camp à Athènes ou Beyrouth. Ils sont homos ou trans, persécutés par des régimes rétrogrades, des milices, des voisins. Violée et battue dans un parc à Bagdad ou condamné à l’égorgement par sa propre famille. Ils et elles racontent leurs épreuves mais leurs amours et leurs ébats aussi. Avec un gradé de l’armée, un membre d’un parti indépendantiste et révolutionnaire, un homme marié. Comme quoi le monde n’est pas fait que de violence, de haine et de rejet. Après la fuite, la traversée, pour certains le sauvetage en mer, vient le temps de l’apaisement, de la reconstruction, des retrouvailles avec l’être aimé ou un autre. Assemblées comme un puzzle, ces vies de jeunes regorgent de courage et de passion. L’univers sonore créé par Lucien Gaudion, comme la semi-pénombre de laquelle surgissent les visages des comédiens équipés de petites lampes nous transforment en témoins intimes de ces héros. LUDOVIC TOMAS
à venir Jusqu’au 1er décembre Divers lieux, Marseille lesrencontresalechelle.com
Orchestre Jerusalem Orient-Occident © X-D.R.
L’hommage à la chanson française par l’Orchestre Jérusalem Orient-Occident, un appel à la paix et à la rencontre au cœur d’une saison France-Israël paradoxale
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aut-il sanctionner les spectacles de la saison culturelle France-Israël, cofinancés par l’État hébreu, en refusant d’y assister ? Pour les militants des droits palestiniens distribuant des tracts devant la Criée, la réponse n’appelle aucune hésitation. Leur lutte est des plus essentielles face à des faits tout aussi incontestables qu’intolérables : Israël colonise, pille, exproprie et assassine dans le plus grand mépris du droit international. Et pratique la « culture-washing » avec obstination, essayant de répandre dans le monde l’image d’un État ouvert à l’art et à l’autre, d’une civilisation défendant la liberté de création et soutenant financièrement, plutôt à l’export qu’en ses murs d’ailleurs, l’expression de son opposition. Attitude qui, systématiquement, génère des paradoxes insolubles. Car en quoi l’Orchestre Jérusalem Orient-Occident est-il responsable de la tragédie palestinienne ? Boycotter des jus d’orange ou des avocats peut faire sens. Boycotter des artistes qui ne cautionnent pas la politique menée, voire la combattent, s’avère à nos yeux un chemin inapproprié. Soutenu ou non par Israël, l’existence même de cet orchestre, et son répertoire, sont clairs : « J’espère que notre message sera plus fort que tout ce que nous pourrions dire avec des mots », introduit Tom Cohen, son dynamique directeur musical et chef d’orchestre. « La musique, c’est la suspension et c’est la paix qui fait reculer un instant les malheurs du monde. Empêcher l’art ou la pensée est une réponse malheureuse »,
exprime quelques minutes plus tôt Macha Makeïeff, la directrice du théâtre national de Marseille. Il n’y a qu’à entendre les mots, écouter les notes, regarder la diversité du plateau pour comprendre qu’il s’agit d’une soirée dédiée à la paix. À la manière d’une Jane Birkin quelques années auparavant avec son projet Arabesques, l’Orchestre Jérusalem revisite des standards de la chanson francophone à travers des arrangements orientaux, principalement arabisants. Pas de Gainsbourg au programme mais des Piaf, Montand, Aznavour, Brel, Lama… Et Macias, la seule véritable fausse note de la soirée. Au chant, Ella Daniel, voix soul israélienne, et surtout Benjamin Bouzaglo, juif marocain aux ornementations vocales qui impressionnent, subliment le répertoire. Dommage que ce dernier ne soit pas toujours à l’aise avec les textes. Autre soliste, Ariel Bart, une jeune harmoniciste totalement habitée. De Sous le ciel de Paris à La foule, en passant par La bohème, Ne me quitte pas, Je suis malade et un clin d’œil à Lili Boniche, la soirée placée sous le signe du métissage et du dialogue interculturel n’aura certes pas fait taire les bombes mais rapproché les vivants. « Tant qu’on se parle, on ne se tue pas », disait l’historien Pierre Laborie. Tant qu’on chante aussi. LUDOVIC TOMAS
Le concert de l’Orchestre Jérusalem a eu lieu le 13 novembre à la Criée, à Marseille
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Nouveaux féminismes, une Les Rencontres d’Averroès ont mis 25 ans à parler de rapports entre les sexes et de sexualité ! Mais elles l’ont fait de façon magistrale, parlant oppression, domination, résistance. Retours sur quelques éclats de ces échanges de pensée complexe
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a première table ronde, portant sur les relations entre les sexes fondées sur des textes, sacrés et profanes, a fait salle comble, comme les suivantes. Les trois monothéismes ont été longuement questionnés par quatre intervenants, l’avocate néerlandaise Monique Baujard plus précisément sur le catholicisme, Asma Lamrabet, médecin marocaine, sur l’islam, le rabbin et philosophe Marc-Alain Ouaknin sur le judaïsme. Sophie Bessis, chercheuse à l’Iris entre autres responsabilités, s’est quant à elle plus exprimée sur les lois internationales, notamment la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes adoptée par l’ONU à Copenhague, en 1979. Malgré des divergences -Marc-Alain Ouaknin défendait l’idée que tout écrit invite à mettre en concurrence les interprétations, une bonne gymnastique intellectuelle, Sophie Bessis refusant de mettre sur le même plan textes sacrés et profanes- les invités étaient manifestement d’accord sur la nécessité de secouer les dogmes. Ce à quoi le public, frémissant, a applaudi. Sauf un homme, à la toute fin des échanges, qui a demandé à Asma Lamrabet s’il ne lui semblait pas contradictoire d’être musulmane et féministe. Sa réponse a claqué vertement : « Là où il y a oppression, il y a féminisme. Moi, je suis une musulmane opprimée, donc je suis féministe, et je le revendique haut et fort ».
Sexualité et domination La deuxième table ronde opposa plus directement encore les approches, toutes féministes pourtant, de cette relation entre les sexes. Une partie des intervenants parlant exclusivement de la sexualité et de l’Islam et Geneviève Fraisse regrettant, quant à elle, que les débats
ne portent pas plus globalement sur la relation d’oppression universelle, et ses déclinaisons localement spécifiques, envers les femmes. Parler de sexualité situait pourtant la problématique dans un champ certes spécifique mais passionnant. Nadia Tazi notait que l’expansion d’une virilité Baas, excessive, celle d’un Saddam Hussein, était devenue un « instituant politique » légitimant le pouvoir militaire, puis son envers fondamentaliste. Tandis qu’Houria Abdelouahed rappelait, en psychanalyste, que la vision d’un Orient érotique, enfanté par les Mille et une Nuits et son « excès de libido » féminine comme masculine, avait été supplantée par une « pudibonderie » où seul l’excès masculin était imaginé : la femme, objet de cet excès, doit être cachée, voilée, pour ne pas le susciter, et son désir propre est nié. Il n’est pas le seul : Gianfranco Rebucini avançait qu’il n’existe pas, au sens littéral, d’homosexualité, c’est-à-dire de sexualité avec le même, au Maroc, les couples d’hommes reproduisant une différence genrée puisque l’un, souvent plus âgé, endosse la virilité, l’autre une féminisation dominée. Cette sexualité considérée comme contre-nature est pénalisée, comme toute sexualité hors du mariage. Le seul couple possible est hétérosexuel, et infériorisant pour la femme, légalement dominée, et dans les faits souvent violentée. La table ronde suivante s’empara du même champ de l’islam, mais en l’ouvrant sur la place de la femme en général, et les résistances féministes. Qui sont nées, comme le souligne Leila Tauil, avant les luttes des indépendances, à la fin du XIXe siècle. La place des femmes dans les guerres de Libération, en particulier celle d’Algérie, a été niée, invisibilisée, rappelle Ghania Mouffok. Qui
commente avec nuances les régressions, réelles, dues à l’influence des islamismes venus de l’Est, dans des pays maghrébins auparavant en voie de sécularisation. Elle raconte la prolifération des voiles, mais nuance : certains, colorés, seyants, sont un moyen pour les femmes d’exister dans la sphère publique. Seules les classes dominantes allaient sur les plages dans les années 70, à présent toutes les femmes y vont, certes en burkini, mais elles se baignent, et nagent ! Zeynep Direk affirme aussi que les femmes turques se battaient pour leurs droits avant Ataturk, qui les considérait comme des « récipients passifs » des droits que les hommes leur accordaient. Et qu’aujourd’hui, dans son pays en proie à « une régression islamique » qui fait chaque jour des victimes – le nombre de féminicides y est devenu « sans estimation possible »- la résistance n’a pas baissé les bras, et se lève pour les droits des femmes, des homosexuels, des kurdes, et que l’ « intersectionnalité » des luttes contre le patriarcat dominant est très vivace.
Un rêve est possible La dernière table ronde fut sans doute la plus stimulante, ouvrant des perspectives d’avenir. Parce que la réalisatrice espagnole, catalane, Judith Colell rappela la force du combat des femmes, et en particulier, des femmes artistes, pour obtenir l’égalité dans les faits, et ne plus être minoritaires. Mohamed Kacimi, dramaturge algérien, souligna comme elle l’importance des représentations de la langue, des mots, des sujets abordés, qui fabriquent les imaginaires, et reproduisent et permettent l’inégalité et la domination. Et c’est par la force de sa parole libre, que la marocaine Sanaa El Aji incarna
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révolution anthropologique
effectivement cette possibilité d’avenir. Ce qu’elle disait pourtant, en particulier sur le viol au Maroc où les victimes sont culpabilisées, était peu optimiste. Le taux d’activité des femmes aussi, qui est passé en 20 ans de 30% à 25%. Des régressions certaines, contredites par l’existence même et l’énergie de cette jeune chercheuse. Mohamed Kacimi rappela par ailleurs la situation d’oppression des femmes en France : en prison on leur enlève leurs enfants à 18 mois pour les placer sans qu’elles puissent négocier, et elles n’ont pas le droit aux chaînes érotiques, contrairement aux hommes ! Décidément, la sexualité des femmes reste un terrain vierge… Cet élargissement du débat fut repris par Krista Lynes, passionnante. La canadienne, ancienne élève d’Angela Davis, spécialiste des questions LGBTQI, expliqua que le combat féministe était lié à l’organisation de l’inégalité sociale. Que la question du sexe/genre, de même que le racisme Noir/Blanc, fonctionnaient sur des oppositions binaires qui induisaient le couple dominant/ dominé. Et qu’une représentation discontinue du genre, de type LGBTQI, peut construire d’autres modèles. De relation entre les sexes, et de société Une utopie en marche, dont nous parlerons avec elle dans un prochain Zibeline…. GAËLLE CLOAREC ET AGNÈS FRESCHEL
Les tables rondes se sont déroulées les 16, 17 et 18 novembre à la Criée, Marseille
Radio Live © Nicolas Serve
« Au moins on se sera parlé »
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près leur succès de 2016, les Rencontres d’Averroès ont à nouveau fait appel au talentueux duo de journalistes Aurélie Charon et Caroline Gillet, ainsi qu’à la dessinatrice Amélie Bonnin, pour ouvrir en beauté et en énergie la 25e édition. En musique aussi, puisque la chanteuse Yelli Yelli participait également à ce Radio live. Mettre en contact des jeunes d’aujourd’hui, donner à entendre leur parole, tel est l’objectif principal de ce drôle d’objet scénique qui allie émission en direct, sons, images et dessins. Qui mêle habilement la spontanéité de la rencontre, de la parole échangée en public, à une préparation très minutieuse en amont, des ateliers d’expression, des répétitions. Voici donc Karam, Asmine et Nour. Venus de Syrie, des Comores, de Tunisie.
Trois parcours compliqués et touchants. Trois visions du monde, de la famille. Trois jeunes Marseillais, de naissance ou d’adoption. Il a évidemment été question du rapport filles / garçons. Un débat bien vaste pour deux petites heures d’émission, mais qui aura eu le mérite d’être lancé par des jeunes qui n’ont pas leurs mots dans leur poche. FRED ROBERT
Radio live a été donné le 15 novembre à la Criée, à Marseille
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Voyage imaginaire au pays du duende Plateaux artistiques de haut vol entre la musique de Piers Faccini et la danse d’Israel Galván
L
’un met en musique les langues de Méditerranée. L’autre fait se rencontrer les sexes. A eux deux, Piers Faccini et Israel Galván font la synthèse de ces 25e Rencontres d’Averroès où, en soirée, la fabrique de la pensée emprunte la voie de l’expression artistique. Le premier achève une tournée mondiale de deux ans promouvant son album I dreamed an island. Voix blues, âme folk, rythmes à la croisée de l’Orient et de l’Occident. Accompagné par deux excellents musiciens –le Marseillais d’adoption Malik Ziad à la mandole et au guembri et l’Italien Simone Prattico à la batterie-, Faccini livre des compositions épurées, de ballade world en mélodie pop-rock, qui côtoient les sonorités arabo-andalouses. Son île rêvée invite à la rencontre des cultures, au dialogue entre les peuples que l’artiste italo-britannique met en pratique en conviant d’autres troubadours aux songes tout aussi métissés. Parmi ces invités, la chanteuse Yelli Yelli, de son vrai nom Emilie Hanak, qui avait déjà fait parler d’elle avec sa formation Milkymee. Depuis elle s’est plongée dans l’héritage culturel familial d’une terre qu’elle connait à peine, l’Algérie kabyle, et a rencontré l’univers de Piers Faccini. Cela fonctionne à merveille. Elle pose sa voix feutrée sur des chansons traditionnelles revisitées comme Mared Youghal (reprise par Zebda en version ska dans leur premier album sous l’orthographe Mala Diural) ou des compositions personnelles comme Yemma, dédiée à sa mère. À côté du kabyle, de l’arabe et même de l’anglais, le capitaine du vaisseau musical au pavillon méditerranéen convoque hébreu et ladino (langue judéo-espagnole)
La Edad de Oro, Israel Galvan © Nicolas Serve
sur le pont du pluralisme linguistique. Avec Bring down the wall, Piers Faccini conclut une épopée inspirée par un appel à faire tomber les murs, hymne anti-Trump, tout aussi parlant en Palestine qu’à Marseille.
Flamenco interchangeable Le lendemain, un autre tombeur de murs, ceux de l’académisme. Israel Galván n’en est pas moins une référence du flamenco. Lui aussi sait s’entourer : au chant, subtil et puissant, José Valencia, à la guitare, classique et efficace, Juan Requena. Avec La edad de oro, spectacle qui a plus de dix ans, le danseur chorégraphe de Séville offre une succession de tableaux tel un patchwork de performances où il est tour à tour homme et femme, provocateur et sensuel, espiègle et sombre, sobre et excentrique, fluide et saccadé. Aussi agile et précis dans les mouvements répétitifs que les déplacements amples, Israel galvanise chaque pas, chaque geste. Empoignant par réflexe son t-shirt comme une danseuse andalouse soulèverait sa robe pour attirer le regard sur la virtuosité de ses pieds. De mouvements de
bassin en battement de mains sur son corps, il s’exprime en totale liberté, se permettant de singer subrepticement une poule sans perdre sa grâce. Un bémol toutefois, l’absence ou du moins le manque d’évidence de trame dans un déroulé chorégraphique de plus d’une heure et demie. En guise de rappel, il offre un numéro hilarant d’interchangeabilité avec ses partenaires. Les uns et les autres improvisant à tour de rôle au chant, à la danse et à la guitare. Car le flamenco, y compris pour un novateur comme Galván, c’est une histoire, un état d’esprit, un tout et un art total dont l’âge d’or ne fait peut-être que commencer. LUDOVIC TOMAS
I dreamed an island et La edad de oro ont été joués les 16 et 17 novembre à la Criée, à Marseille dans le cadre des Rencontres d'Avérroès
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Beyrouth, ville palimpseste Le 15 novembre au Conservatoire Darius Milhaud à Aix, pour sa soirée d’ouverture dédiée au grand géographe récemment disparu Marcel Roncayolo, la 16e édition du festival Image de Ville proposait un entretien entre Marc Barani et Lamia Joreige autour de Beyrouth. L’architecte niçois de Luc Joulé, Lamia Joreige et Marc Barani © Christine Dancausse renommée internationale, concepteur du Mémorial du Premier Ministre de palimpseste et d’horizon que l’homme Rafic Hariri, et la plasticienne vidéaste, de « la Science des correspondances sendont le travail ne cesse d’interroger la sibles », comme se définit l’architecture Mémoire de sa ville, ont pendant plus dans la tradition orientale, et l’artiste lid’une heure croisé leurs expériences de la banaise se sont pleinement retrouvés. Capitale libanaise, faisant naître de pas- Comment aborder la représentation de sionnantes convergences. Esquissant le la guerre face à l’absence de débat puportrait subjectif d’une ville millénaire, blic si ce n’est par le fragment, par les en mutation galopante, où la paralysie histoires, les imaginaires, les espaces coupable du pouvoir laisse champ libre sensoriels de chacun ? Comment, face à aux spéculations privées. Où, après la l’impossible politique patrimoniale due guerre civile (1975 à 1990), l’assassinat aux lectures divergentes des populations de Hariri en 2005, les bombardements chiites sunnites et chrétiennes de la Cité israéliens de 2006, les affrontements de multiconfessionnelle, conserver une mé2008, l’arrivée massive des réfugiés sy- moire collective ? La mixité de la ville riens en 2012, la crise des ordures, les s’est disloquée dans l’espace et même désillusions de toutes sortes, le présent dans le temps pour ceux qui sont partis se consomme avec énergie et désespoir. et revenus. Beyrouth est une multitude C’est autour des notions de fragments, de fragments qui bougent sans cesse.
Personne n’a l’ambition de la comprendre globalement. Les dispositifs artistiques de Lamia Joreige le traduisent, comme ils révèlent une ville palimpseste dont le territoire se rature, se gratte, dévoile des écritures sous d’autres écritures. Un palimpseste qui ouvre le présent aux couches historiques passées à l’infini pour réactiver les mémoires. Quelques extraits des films de L. Joreige ont illustré ces considérations, donnant une furieuse envie de les découvrir en intégralité dans la suite de la programmation. Et les photos du Mémorial de Marc Barani, dont la genèse depuis 2005 et la réalisation éclairent aussi le fonctionnement de la cité libanaise, ont confirmé le talent et l’intelligence de cet architecte auquel le Festival a par ailleurs donné une carte blanche. ELISE PADOVANI
à venir Le festival Image de Ville se poursuit jusqu’au 25 novembre à Aix-en-Provence
Le fruit des recherches
L
’ IMéRA, Institut Méditerranéen de recherches avancées, propose chaque mois de rendre manifeste l’état de ses études. Ces tables rondes rassemblent un public varié attentif aux enjeux politiques et scientifiques de notre mer et de ses rives. Le 13 novembre c’est une assistance composée en partie de femmes portant foulard qui assistait à la Table ronde réunissant Yadh Ben Achour, tunisien, juriste et philosophe du droit, titulaire de la Chaire Averroès de l’IMéRA et Leïla Tauil, belge d’origine marocaine, philosophe, spécialiste de la pensée critique dans l’islam contemporain. Autour de Thierry Fabre qui pilote ces « rendez-vous de demain », il était question des rapports entre Islam et Liberté, et de violence. Si Islam signifie soumission, Yadh Ben Achour rappelait que la soumission à Dieu existe dans tous les monothéismes, et n’induit pas une soumission à l’échelle humaine. Et l’un comme l’autre d’expliquer que
l’Islam n’est pas unique, que le Coran, sauf pour les Wahhabites, a vocation à être interprété et actualisé, la Charia à être adaptée, et certains hadiths à être abandonnés. « Tout et son contraire existe dans le Coran, on ne peut pas obéir à une loi aussi ancienne ». Ils déplorent, l’un comme l’autre, l’influence grandissante des prédicateurs saoudiens, qui prône un retour littéral aux textes. La violence est-elle inscrite dans le Coran ? Oui, tout et son contraire y est, répètent-ils.
Et la liberté ? Sans détour l’un explique comment il a défendu la liberté des femmes en Tunisie et, plus difficile encore, la liberté de conscience. Le droit d’avoir une autre religion, mais surtout le droit de ne pas croire, de ne plus être musulman, sans être frappé d’apostasie et condamné à mort. La constitution Tunisienne est aujourd’hui la seule, en pays musulman, à accorder cette liberté fondamentale.
Avec précaution, les deux chercheurs avancent des réponses différentes à la violence exercée au nom de l’Islam. Si tous les deux déplorent l’influence religieuse des fondamentalistes, l’un rappelle que les peuples musulmans ont été méprisés, exploités, violentés, et que la réponse à la violence est souvent de la rendre. Leïla Tauil, sans le nier, rappelle que l’absence de liberté, l’inégalité entre les sexes, mais aussi la frustration née de la pénalisation de la sexualité hors mariage, de l’interdiction de l’homosexualité, fabriquent des sociétés à fleur de peau dont certains membres, « en infinie minorité », peuvent céder à la violence. Des débats qui continueront, toujours grâce à Thierry Fabre, quelques jours plus tard lors des tables rondes d’Averroès (voir p16 à 18). AGNÈS FRESCHEL
La table ronde de l’IMéRA s’est tenue au théâtre du Gymnase, Marseille, le 13 novembre
20 critiques spectacles
Dansez jeunesse !
L
a jeune création était à l’honneur au Théâtre Nono du 10 au 23 novembre. La structure continue la mission d’accompagnement des artistes en devenir qu’elle s’est fixée depuis plusieurs années. Les jeunes compagnies débutantes ont en effet besoin d’encouragements, de tremplin et surtout d’un public qui leur offre un regard intéressé. Dirty Dancers est une proposition de la Cie Anna & Grégoire. Anna Chirescu est danseuse, Grégoire Schaller plasticien. Ils ont commencé à travailler ensemble pour une performance au Palais de Tokyo et ont été rejoints par un comédien, Florian Potasso. Trio disparate qui joue sur l’humour et la dérision en montrant des moments de danse très techniques, interrompus par des abandons, des renoncements. On est devant un travail qui se cherche encore et nous fait part de ses questionnements. Au début les interprètes s’échauffent, puis revêtent leur « tenue de travail », vont à tour de rôle occuper le centre d’un carré
La jeune fille et la mort © X-D.R
délimité par une bande jaune. Ce carré est le lieu de la représentation. Ce qui se passe autour peut être considéré comme ne faisant pas partie du spectacle, c’est plutôt un brouillon, une mise en train. Le
propos s’interroge sur le mouvement et se livre à des « citations », des clins d’œil, on pense aux performances de gymnastique acrobatique. Parfois il devient humoristique comme lorsque Grégoire
L’intense degré zéro du théâtre
C
’est un petit spectacle qui plonge aux origines du théâtre et en remonte, modestement, la substance. Fabriqué sans apparat, mais avec tout ce qu’il faut : une table sommaire pour seul décor
© Loan Nguyen
et un acteur en costume de ville, Romain Daroles, qui prétend être une « façon d’orateur ». Seul, il convoque toute la matière, la parole, les mythes grecs qui parlent tant à notre inconscient, et
les alexandrins de Racine dont la brute beauté attrape dans ses filets l’attention des plus récalcitrants. Car c’est à une représentation scolaire de Phèdre ! que nous avons assisté, avec deux classes d’adolescents souvent moqueurs, parfois hostiles, difficiles dit-on, loin de cet univers du théâtre en tout cas. Dans le hall, malgré l’encadrement à la fois musclé et souple des enseignants et de l’équipe du théâtre, le calme était loin de régner, et dans la salle quand l’acteur est entré cela s’atténuait à peine... Et puis il a commencé, peu à peu, à les intéresser. En racontant ces histoires anciennes, d’inceste, de désir, de violence, d’amour, d’enlèvement, de Minotaure. Sans conteste, Phèdre ! est une pièce maline : François Gremaud y entre mine de rien dans la matière brute du théâtre, ses mythes et ses nœuds, archaïques, ses jeux et ses rôles : de Panope qui « ne fait rien qu’annoncer les morts » à Aricie
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lèche longuement son pied droit, le mord, puis se gifle avec. Il y a aussi des duos et des trios très judicieusement travaillés. Dommage que quelques temps creux cassent le rythme. Un tout autre style avec La jeune fille et la mort magnifiquement dansé par Idir Chatar qui fait partie de la compagnie d’Angelin Preljocaj et a créé la chorégraphie, et Louise Curien, ancienne élève de l’ESDCM de Rosella Hightower. Un duo de 20 minutes accompagné d’extraits du Quatuor en ré mineur de Schubert. Le vocabulaire utilisé joue sur l’élasticité du corps, les glissements du pied sur le sol jusqu’à l’extrême, une certaine langueur succédant à des gestes plus anguleux, des coudes agressifs. Très beaux portés aussi. On ne saisit pas obligatoirement le type de relations des deux personnages -attirance ? méfiance ?- mais on est charmé par l’interprétation. Aussi s’étonne-t-on de la banalisation du propos avec ces deux cafés bus à la fin qui enlèvent de l’intensité à ce qui a précédé. CHRIS BOURGUE
Dirty Dancers et La jeune fille et la mort ont été donnés le 16 novembre au Théâtre Nono, Marseille, dans le cadre du mois de la Jeune Création, Les Innovatoires
toujours impeccable, Thésée martial, Phèdre à la permanente agonie. Car une fois l’intrigue installée et l’attention captée l’acteur se met à jouer, intense d’émotion, chacun des personnages, raccourcissant parfois, livrant des résumés, et puis des pans entiers, les plus beaux. Changeant de personnage en transformant son livre, seul accessoire, en épaulette, en barbe, en couronne ou en mèche juvénile. Faisant sentir l’alexandrin, son rythme, l’irréductible beauté de certains vers, l’actualité intemporelle du mythe, des sentiments, du nœud tragique. L’humour, à la langue datée, passe moins bien, les allusions aux années 80 ne parlent pas à ces ados. Peu importe : dehors, certains confient qu’ils ont vécu une aprèsmidi extraordinaire. Nous aussi. AGNÈS FRESCHEL
Yann Frisch, maître du jeu
© Christophe Raynaud de Lage
E
lles sont comme frétillantes, souvent en bataille, parfois sensuellement lovées entre les doigts de leur Pygmalion. Elles se multiplient, elles disparaissent, elles se métamorphosent. Les « 52 protagonistes » de la soirée fascinent dans la simplicité de leur mise. Yann Frisch est leur ambassadeur, il est celui qui tout au long de son dernier spectacle leur prêtera vie, focalisant notre regard sur les quatre couleurs, les figures, les nombres, qui bien entendu changent en un revers de main. Elles sont en effet dans de bonnes paumes, les meilleurs du monde à vrai dire, puisque le magicien qui les manipule est multi-champion de close-up, l’art de faire illusion sous les yeux du public, sans frime, sans artifices (visibles). Et c’est là que se situe la beauté et le trouble du moment. Yann Frisch, qui s’était un peu installé dans un rôle de clown lunaire et plutôt inquiétant, choisit cette fois de mettre cartes sur table. C’està-dire qu’il expose les principes d’un bon tour de magie. Il décode, il nous prévient, en direct, qu’il est peut-être en train de nous embrouiller. Car oui, certes, son art repose sur une incroyable dextérité (époustouflante, même), mais c’est aussi notre vigilance qu’il manipule, stimule ou endort. Il donne pourtant des clés : le temps de réaction du public, les détours employés pour tenter de coincer le magicien en répondant à côté de ce qu’il prévoyait -que justement il avait prévu... Mais, et « Ce serait dingue », répète-t-il souvent, il nous emmène bien plus loin, de disparitions en réapparitions, vers un merveilleux qu’il active, nous encourageant au lâcher prise, à « suspendre [notre] incrédulité ». On résiste ; on voudrait savoir, garder la main. Mais tout est si léger, fluide... Après l’effacement d’un verre, on s’exclame, on rit de plaisir. « Ce n’est pas vraiment drôle, une disparition, pourtant... ». Toujours cet aller et retour entre réalité et illusion. Et puis tout s’emballe. On se laisse emporter, tant pis, on commence à y croire, à accepter cette beauté du geste qui nous permet d’oublier, pendant une heure enchantée, les lois cartésiennes. ANNA ZISMAN
Phèdre ! a été joué les 14 et 15 novembre au Théâtre du Merlan, Marseille, en séances scolaire puis tout public
Le Paradoxe de Georges a été joué du 14 au 17 novembre dans le camionthéâtre spécialement conçu par Yann Frisch, au Domaine d’O, Montpellier
22 critiques musiques
Ode au langage
D
ebussy et Stravinsky ont tous deux marqué le XXe siècle naissant, chacun à leur manière. Le programme concocté dans la Salle Musicatreize, en partenariat avec l’IESM, les fait entendre sous des coutures inhabituelles. La méconnue Sonate pour flûte, alto et harpe du premier dévoile un habile jeu de textures. Le son voyage et s’égare du crin rauque de Bruno Pasquier au legato de Catherine Cantin, ponctué par la douce saillance de Catherine Michel : les phrasés dialoguent par imitation ou par opposition, l’atmosphère se teinte d’humeurs, d’intentions et d’harmonies imprévisibles. Jusqu’à ce final dont le rythme de marche et la turbulence modale rappelle les plus célèbres envolées du Sacre du Printemps. L’opus stravinskien a en effet été créé deux ans avant la sonate… C’est sa propre transcription au piano du
Sacre que Georges Pludermacher interprète ensuite. Enregistrée en live en 2013, adoubée par son ami JeanClaude Risset, à la mémoire duquel Pludermacher dédiera ce concert, cette véritable réécriture du chef-d’œuvre de Stravinsky trouve dans les possibles du clavier de passionnants échos. La brusquerie des attaques, la finesse de l’articulation, la science de l’accentuation se substituent à l’habituel contraste des timbres orchestraux. Le tout ne met que mieux en avant la modernité, brute, du langage du compositeur. De l’entêtante dissonance du contrepoint original au déchaînement de sauvagerie –qui fera trembler les couvres-fenêtres et céder le mécanisme du tabouret–, le pianiste, particulièrement habité, parcourt l’œuvre
© X-D.R
sans faillir. Au tonnerre d’applaudissements qui suit, il répond en proposant à nouveau Debussy en bis, l’Etude pour les sonorités opposées. Le tourment sourd encore sous la symétrie. SUZANNE CANESSA
Le Sacre du Printemps a été donné le 16 novembre à la Salle Musicatreize, Marseille
Regarder la radio
«
Tout le monde entend ? » Un casque a été confié à chaque spectateur de la salle comble du théâtre Durance. Quelques brèves explications, et voilà tout le monde coiffé tandis que la voix nous souhaite « un agréable voyage au creux des oreilles ». La finale du titre Remix, doucement répétée, devient bruitage de train. © Anthony Abbeloos En route pour l’imaginaire ! La dramatique radiophonique se compose Cette dernière a surpris une conversasous nos yeux, bruitages, sons, person- tion entre son papa et le docteur : seule nages… et l’on pourrait croire que ce une infusion de « bibiscus », administrée procédé est susceptible de détruire toute avant la pleine lune, peut sauver sa chère illusion théâtrale. Il n’en est rien. Les grand-mère. Impatiente, l’enfant décide lieux dans lesquels les protagonistes évo- de partir en cachette pour ramener la luent prennent chair grâce aux sonorités plante miraculeuse. Récit sur l’enfance, évocatrices : voici la forêt, ses animaux sur le passage à l’âge adulte : les grands familiers, le « hiboussole », les « tzintzi- n’ont pas forcément tort et trouvent des ganes », l’arrivée à la ville de Bibipolis solutions simples lorsque la petite fille fêtée par une foule enthousiaste ; voilà se fourvoie dans des intrigues de plus la grand-mère, Anna endormie, le père en plus complexes. Il lui faut affronter sévère et affectueux, l’Homme fil-de-fer, ses plus grandes peurs pour se réveilMadame Plomb et son appartement aussi ler, grandir… En filigrane, sont égratigris que sa tenue triste, le bel Espagnol gnés les travers d’aujourd’hui, « est-ce Luis, le petit Karim qui a le même âge que tout s’achète ?/ est-ce que les adultes (9 ans et demi) que l’héroïne, Piletta. mentent ? » interroge l’une des chansons
qui parcourent la pièce. Le public se laisse porter par les multiples strates de cette histoire aux allures de conte fantastique. Le texte écrit par Florent Barat se métamorphose en fiction radiophonique déjantée grâce aux cinq artistes du Collectif Wow. Dans cette fable, les méchants des contes sont les principes désastreux du libéralisme… Qui a dit que les contes pour enfants étaient naïfs ? MARYVONNE COLOMBANI
Piletta Remix a été donné le 13 novembre au Théâtre du Briançonnais, le 14 au Théâtre Durance, à Château-Anoux-StAuban, le 20 au Théâtre de Grasse, le 23 au Forum Jacques Prévert, à Carros
à venir 26 & 27 novembre Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 carreleongaumont.com 1er décembre L’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 scenesetcines.fr
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Chantez jeunesse !
C
e 15 novembre, le parvis de l’Opéra de Marseille est foulé par un public inhabituel. Réunis en petits groupes, les jeunes spectateurs se félicitent de leur choix de chemise, de leur nombre, houspillent les retardataires et admirent les lustres. Fortissimo !, programme destiné aux jeunes Orchestre philharmonique de Marseille © VDM de 18 à 28 ans, ouvre déjà ses portes à ce public souvent absent des quand ils reconnaissent, après une brève scènes lyriques via sa politique tarifaire*. introduction, les mélodies célébrissimes Il pousse l’idée plus loin avec ce premier de la « Barcarolle » d’Hoffmann ou du concert destiné à ce seul public, au prix « Duo des fleurs » de Delibes, joliment unique de 9 euros. Ce programme s’ar- interprétés par Amélie Robbins et Vaticule autour d’une thématique large -la lentine Lemercier. nature- en collaboration avec le Mucem, Ils se montrent particulièrement récepmais aussi le Parc national des Calanques, tifs aux pièces orchestrales -si « Le Beau l’association étudiante Courant d’art et la Danube bleu » enthousiasme poliment, la Cité de la Musique de Marseille, dont les « Valse des fleurs » de Tchaïkovski et l’Oustands installés dans le foyer informent verture du Hollandais volant récoltent les spectateurs sur les bons plans à venir. tous les suffrages. Il faut dire que l’orPeu habitués des usages, les jeunes spec- chestre est dirigé avec une précision et tateurs, d’horizons divers, bavardent un plaisir tangibles par le décidément irpeu entre les morceaux, voire pendant, réprochable Victorien Vanoosten, qui
ne cache pas ce soir-là sa jeunesse et arbore fièrement des chaussures de sport fleuries. Réceptive quand on décortique pour elle les motifs à l’œuvre chez Wagner, l’audience se perd un peu sur les anecdotes et autres détails historiques. Elle demeure sensible à l’humour qui se dégage de l’Air du toréador, scandé avec un plaisir communicatif par Philippe Ermelier, ou encore du délicieux et minaudier « Duo des chats » de Rossini -bref, au plaisir de l’interprète et non à sa performance. Le concert se conclut sur une standing ovation. Pari tenu ! SUZANNE CANESSA * 10 euros la place, toutes catégories confondues, à partir d’un mois avant la représentation
Fortissimo s’est déroulé le 15 novembre à l’Opéra de Marseille
Prima la musica !
C
omme Candide le mois dernier, c’est en version concert que La Donna del Lago est entrée au répertoire de l’Opéra de Marseille. Belle façon de commémorer les cent-cinquante ans de la mort du compositeur : en favorisant une de ses œuvres les plus méconnues, et en la valorisant uniquement sur le plan vocal et instrumental, ce choix a joliment rendu hommage au génie flegmatique de Rossini, qu’on résume trop souvent au buffa et à un registre « champagne ». Sujet à un regain de popularité depuis quelques années, La Donna del Lago, adaptée du poème narratif de Walter Scott La Dame du lac, ne dispose pourtant pas d’un livret riche en mouvement ou en symboles. Qu’à cela ne tienne ! L’Orchestre et le Chœur de l’Opéra de Marseille déploient assez de fougue et sens du théâtre pour tenir la salle en haleine durant les trois heures de représentation. La baguette alerte de José Miguel Pérez-Sierra mise sur la précision et
le rythme quand la distribution vocale, d’une remarquable qualité, privilégie la virtuosité et le mariage des timbres. Karine Deshayes, dans le rôle d’Elena, tient admirablement la ligne jusqu’au célèbre et redouté air final. Les envoûtants graves de Varduhi Abrahamyan font de son Malcolm un contrepoint idéal à la voix épurée d’Elena. Le Giacomo d’Edgardo Rocha est d’une agilité et d’une souplesse exemplaires, et son face à face avec le Rodrigo d’Enea Scala met élégamment en avant le timbre plus brut de ce dernier. Face à ces deux ténors si distincts et complémentaires, Nicola Ulivieri assoit son autorité de basse et la qualité de son intonation en Douglas. Moins sollicités, les jeunes chanteurs Hélène Carpentier et Rémy Mathieu sont irréprochables sur chacune
© Christian Dresse 2018
de leurs interventions -souvent pour commenter l’action- et se révèlent plein de promesses sur le registre belcantiste. Le public ne s’y trompera pas, quand, encore terrassé par le magistral « Tanti affetti in tal momento » de Deshayes, il prendra le temps d’applaudir avec autant de chaleur chacun des interprètes. S.C.
La Donna del Lago a été donné du 10 au 18 novembre à l’Opéra de Marseille
24 critiques spectacles
Initiation, connivence et restriction Grains de sel, le Festival du livre et de la parole d’enfant qui enchante les automnes d’Aubagne, signe une 8e édition aux dimensions réduites
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lus de grand chapiteau Shéhérazade, replié au sein de l’Espace des Libertés qui perd les ateliers d’écriture, de lecture, d’invention des précédentes éditions. Les deux pôles de cette manifestation, « livre » et « parole d’enfant » se voient dissociés, et le second ne sera plus grand public… Le repli sur un lieu centralisateur est dû aux consignes édictées par la Préfecture dans le cadre du plan Vigie Pirate renforcé. Véronique Paris, coordinatrice du festival, mentionne les « 35 000 € dépensés uniquement pour la sécurité du chapiteau Shéhérazade l’an dernier. La taille est sacrifiée, mais pas la qualité ! ». Jean-Luc Bonnet, directeur des Affaires Culturelles de la ville d’Aubagne, déplore lui aussi la nécessité de « réduire la voilure », évoque avec nostalgie l’excellence de l’édition 2017, et souligne son attachement à la lecture jeunesse, fondement essentiel de la formation. « Cette année a été bouleversée par les consignes drastiques de sécurité. Par manque de place, on a dû supprimer les rayons mangas, BD, sacrifier une grande partie de la littérature ado… Nous allons en tirer les leçons pour l’an prochain. »
À la rencontre des auteurs Le festival, malgré tout, fait le plein, fête les trente ans des éditions Didier et de la version belge de l’École des Loisirs, Le Petit Monde de Pastel, réunit plus d’une vingtaine d’auteurs et d’illustrateurs, qui se sont pliés au rite des dédicaces. Magie de voir s’articuler un dessin à partir d’un point, d’une ligne, d’une gommette, et de recueillir quelques bribes de leur démarche, qui donnent envie d’assister aux rencontres finement animées par Maya Michalon. Régis Lejonc, auteur de l’affiche de cette année, confie entre deux coups de feutre que pour entrer dans les divers univers de ses albums (de l’Orient au Grand Nord), il lui faut en capter l’atmosphère particulière et
Souffleurs-commandos poétiques © MC
s’y fondre, « changer d’atmosphère, pas de style ». Les clés des œuvres sont aussi livrées de manière originale par les désormais rituelles batailles de dessins. Ainsi, Rémi Courgeon et Cécile Hudrisier s’affrontent, après un échauffement cocasse, en portraits puis personnages croisés, héros préférés, un éléphant en équilibre sur un grain de sel (!), ou encore dessiner leur sujet préféré, les yeux fermés ! Connivence immédiate avec le public, qui participe, donne son avis…
Et les pestacles Programmées par Jean-Marie Tedesco, trois pièces déclinaient leur poésie au théâtre Comoedia. Initiatique, Le Chant des Baleines de la Cie Histoire de faisait voyager une petite fille à la découverte de l’origine du chant de sa maman disparue. Par le fin dispositif d’un théâtre d’objets et d’ombres, Sabrina Lambert et Nolwenn Le Doth racontent l’exil, les chants du monde et l’ancrage dans le présent… Autre duo, Pierre Deyle, accompagné par Grégory Allabert (guitare) narre en trois contes à la fantaisie débridée la naissance des couleurs, la leçon que la mangouste donne au lion trop fier et au
serpent obtus, et une version revisitée et cocasse des Musiciens de Brême. On est séduits par la bouleversante expressivité de Sabrina Chézeau (La Farouche Cie) qui, seule en scène, interprète tous les rôles de son récit, Les Souliers mouillés. On suit le petit Juanito qui, affolé de ne pas voir au matin les souliers mouillés de son père marin pêcheur devant la porte, part à sa recherche. Avec humour et tendresse, la comédienne nous entraîne dans une aventure haletante à laquelle le public participe avec bonheur. Les Souffleurs-commandos poétiques produits par Karwan célèbrent la fin de ces journées délicieuses en même temps que celle de Lecture par Nature. Le résultat des ateliers du week-end est déployé dans la grande salle du salon Shéhérazade, tableaux noirs brandis à bout de bras, offrant citations, fragments de rêves, calligraphiés sur le thème de Demain !. Feu d’artifice qui enrobe la salle, orbe magique des mots où se puise le sens que nous accordons à nos vies et au monde… MARYVONNE COLOMBANI
Grains de Sel a eu lieu du 15 au 18 novembre à Aubagne
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26 au programme spectacles bouches-du-rhône
Les Espoirs de la Danse
Atlantides Pour ceux qui ne connaissent pas encore la formule des Binômes proposés par la Cie Les sens des mots, des dialogues fructueux entre scientifiques et auteurs de théâtre, c’est l’occasion de faire une découverte. Atlantides est né de la rencontre entre le dramaturge Jean-René Lemoine et une paléoclimatologue, Clémence Sylvestre. Il est possible d’assister à ce spectacle couplé avec Face à la mère (voir ci-contre).
© Nathalie Sternalski
Ramsès II
La danseuse étoile Paola Cantalupo, directrice artistique et pédagogique du Cannes Jeune Ballet Rosella Hightower, lance un défi à ses troupes en les confrontant à trois œuvres de grands chorégraphes, aux univers très différents. La Cantate 51 de Maurice Béjart, Larmes Blanches, d’Angelin Preljocaj, et Sweet Gershwin, de JeanCharles Gil.
Pourquoi Ramsès II ? Il s’agit d’un masque que Mathieu (Éric Elmosnino) ramène en cadeau à son beau-père, féru d’Égypte. François Berléand et Evelyne Buyle interprètent le couple qui voit arriver avec étonnement un gendre au comportement étrange, revenu de voyage sans leur fille. L’auteur Sébastien Thiery joue avec les nerfs de son public, dans une pièce à mi-chemin entre le thriller et le vaudeville.
1er décembre Théâtre Joliette, Marseille 04 91 90 74 28 theatrejoliette.fr
© Celine Nieszawer
Poussière(s)
27 novembre Théâtre Toursky, Marseille 0 820 300 033 toursky.fr
Borderline
© collectif Palmera
27 novembre au 1er décembre Le Gymnase, Marseille 08 2013 2013 lestheatres.net
« Je pars pour que tu me retiennes, débile ! Mais enfin, tu ne peux pas partir, abruti ! » Ils échangent des mots doux, ces amoureux trentenaires, comme s’ils avaient besoin d’être convaincus que le jeu du couple en vaut la chandelle. Une pièce drôle et cruelle, écrite et interprétée par Jeff Freza, avec Victoria Monfort. La mise en scène est signée Smaïn Fairouze (oui, l’humoriste). 30 novembre Théâtre Toursky, Marseille 0 820 300 033 toursky.fr
Alexandra Tobelaim met en scène un texte du dramaturge Jean-René Lemoine. Une déclaration d’amour à la mère de ce dernier, disparue tragiquement, portée par trois interprètes de la Cie Tandaim, Stéphane Brouleaux, Geoffrey Mandon, et Olivier Veillon. Une attention particulière est portée à la musique du spectacle, assurée en direct par trois musiciens (Astérion, Yoann Buffeteau et Lionel Laquerrière).
Pour désobéir il faut affronter sa peur de l’inconnu, ce qui est palpitant mais pas facile. Aimer l’autre, serait-ce le soutenir dans ses choix, même ceux que l’on désapprouve ? Caroline Stella a écrit un texte « sur l’accomplissement de soi », à travers une jeune fille prénommée Poussière, qui s’ennuie dans le moulin familial et va s’émanciper. Le Collectif La Palmera livre un conte qui donne du courage, à voir en famille à partir de 8 ans.
Face à la mère @ Cie Tandaim.jpg
© Lionel GEDEBE
Face à la mère
29 novembre au 1er décembre Théâtre Joliette, Marseille 04 91 90 74 28 theatrejoliette.fr
27 au 29 novembre Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 merlan.org
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En chemin
© Thomas Cauchard
Faÿas
© Amandine Nandrin
Nery Catineau met en scène une parabole politique ou, qui sait ? familiale : l’arrivée d’un tiers troublant sur une île gouvernée par un/une autocrate, Turia, et son bras droit-bras gauche Vox Populi. La jeune Page intervient, au risque d’un déséquilibre fécond. Le Collectif La Palmera part à l’assaut du « vivre ensemble », confrontant calcul et naïveté dans une œuvre pour adultes et adolescents à partir de 14 ans.
La nouvelle création de Gustavo Giacosa, En chemin, sur une musique originale de Fausto Ferraiuolo, interprétée sur scène par le compositeur et Antoine Boulangé, met en scène sept personnages qui, au(x) croisement(s) de la musique, de la danse, du théâtre, des arts plastiques, sont en quête d’eux-mêmes, du monde, d’une lecture autre… Rencontres réelles ou fantasmées, masques, souvenirs, habitent un univers baroque, et tentent de déchiffrer inlassablement ces obscurs symboles qui nous entourent.
29 & 30 novembre Théâtre du Bois de l’Aune, Aix-en-Provence 04 88 71 74 80 boisdelaune.fr
28 au 29 novembre Le Merlan, Marseille 04 91 11 19 20 merlan.org
Rabbit hole La pièce de David Lindsay-Abaire évoque la tragédie de la perte d’un enfant. Le difficile chemin de la résilience et de la reconstruction pour le couple est abordé avec une sensible intelligence, en évitant des écueils d’un pathos facile, dans une mise en scène de Claudia Stavisky. Cette pièce douloureuse signe le retour de Julie Gayet au théâtre, aux côtés de Patrick Catalifo, Lolita Chammah, Christiane Cohendy et Renan Prévot.
Marie Tudor, reine d’Angleterre est éperdument éprise de l’aventurier Fabiano. Fabiano séduit Jane, une orpheline que Gilbert, ouvrier ciseleur, doit épouser. Trahie, Marie fait jeter les deux hommes en prison. Enjeux politiques et amoureux se confrontent dans ce drame romantique de Victor Hugo en un mouvement puissant, où le peuple joue le rôle d’un chœur antique. La Compagnie 13 s’en empare avec passion. 29 novembre Théâtre Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 aubagne.fr
© Simon Gosselin
© DAK
Marie Tudor
29 novembre au 1er décembre Théâtre du Jeu de Paume, Aix-en-Provence 08 2013 2013 lestheatres.net
WWW. DA N SEM . OR G
28 au programme spectacles bouches-du-rhône
Nouvelles Hybrides
La méthode Urbain
L’association Nouvelles Hybrides sait avec bonheur nous faire rencontrer les plumes d’aujourd’hui. Lors de la prochaine table ronde organisée à la médiathèque de Pertuis, Emmanuel Adely, actuellement invité en résidence des Nouvelles Hybrides, dialoguera, lors de la rencontre animée par Camille Thomine, avec Arno Bertina et Emmanuelle Heidsieck qui « traitent de ce qui advient à notre monde occidental, de ce qui le guette » (E.A.).
© Cie Décatalogués
Après s’être perdu en forêt, un roi pénètre dans le territoire du roi voisin, mi-dragon mi-monstre. Sa vie, et celle des sujets de son royaume, sera sauve s’il répond à la question : « Qu’est-ce que les femmes désirent le plus au monde ? ». La Cie XouY adapte un conte tiré de La Légende du roi Arthur, en entremêlant théâtre d’ombres, marionnettes, danse et musique. Dès 7 ans.
© Paul Allain
Emmanuel-Adely © DR
Un roi sans réponse
28 novembre Théâtre des Salins, Martigues 04 42 49 02 00 les-salins.net
30 novembre Forum de Berre 04 42 10 23 60 forumdeberre.com
Laurie Peret
30 novembre (Table ronde) Médiathèque des Carmes, Pertuis
Spectacle alimentaire en attendant la pension… Le titre du premier seule-en-scène de cette jeune humoriste est des plus prometteurs ! Ne vous fiez pas à sa bonne tête, ni à ces petites comptines d’apparence innocente, écrites et composées sur le petit piano de sa fille, qu’elle entonne d’une voix fluette et mal assurée : de petits tracas en grandes causes, elle balance à tout-va, dans un langage fleuri, voire cru, qui fait mouche !
04 90 08 05 52 lesnouvelleshybrides.com
Quel est l’enfant qui n’a pas entendu cette phrase de la part d’adultes impatients ? Mais prendre le temps, le laisser passer, le retrouver, voire le voler si on ne peut pas faire autrement, n’est-ce pas là le plus important pour profiter de l’instant ? La Cie Clandestine le chante et le joue, pour les enfants à partir de 5 ans.
© Didier Philispart
Ce que le jour doit à la nuit
Dépêche-toi !
© X-DR
1er décembre (Rencontre avec Arno Bertina) Librairie Regain, Reillanne
Le spectacle nous entraîne à la suite des douze danseurs de rue autodidactes, algériens et burkinabés qui, sur une chorégraphie brillante et inventive d’Hervé Koubi, mêlent hip hop, Capoeira, danses contemporaines et africaines, et revisitent, en s’inspirant du roman éponyme de Yasmina Khadra, 3000 ans d’histoire sur des musiques sacrées d’Orient et d’Occident. Une invitation au voyage effrénée et bouleversante. 27 novembre Espace Nova, Velaux 04 42 87 75 00 espacenova-velaux.com
Devenir maître du monde est une question de stratégie, qu’on se le dise ! Pour les pauvres mortels que nous sommes -mais winners en puissance !-, seul un coach certifié peut nous aider à atteindre le pouvoir suprême. Marc-André Urbain en est un, qui propose une formation accélérée en cinq étapes seulement. Le comédien Gibé Quenin-Blache (Cie les Décatalogués) mêle l’humour à des techniques de psychologie appliquée et de mentalisme pour illustrer la prise de pouvoir des puissants par la manipulation des masses.
©X-DR
28 novembre Théâtre de Fos 04 42 11 01 99 scenesetcines.fr
1er décembre Théâtre des Salins, Martigues 04 42 49 02 00 les-salins.net
29
au programme spectacles bouches-du-rhône vaucluse
Double
June...
Quand Joseph le pêcheur commence à remonter dans ses filets un tas d’objets abandonnés et de moins en moins de poissons, il se dit que quelque chose ne tourne pas rond. Que faire de tout ce bric-à-brac ? Josette Lanlois (Groupe Maritime de Théâtre) a adapté l’album de Thierry Dedieu Bonne pêche (éd. Seuil Jeunesse) en une Petite fable écologique à l’usage des tout-petits. Tout est fait de papier -de la mer au bateau, de Joseph aux poissons-, plié, tiré, roulé, pour aborder sensiblement avec les bambins la question de l’environnement et de l’urbanisation à outrance.
June n’est plus une enfant, mais elle se souvient de ce jour où ses parents, tout d’un coup, se sont séparés. C’était son anniversaire, et son père est parti. Sa mère s’est effondrée, dans les carottes qu’elle était en train de râper. D’où leur petit goût, salé par les larmes maternelles... Tara Beckers, accueillie en résidence au Théâtre des Doms, finalisera son projet, en cherchant le lien entre les différentes réminiscences de ce jour douloureux, vu à hauteur d’enfant, entre théâtre et danse.
© Christel Rochet
Bonne pêche, mauvaise pioche
© DR.
Nono Battesti (Cie Dessources) concrétise la pluralité d’une seule et même personnalité, en danse et en corps : les registres sont ceux du hip hop, mêlé de contemporain et classique, et les sensibilités sont masculine et féminine (Juliette Colmant est son double). Après le choc de la découverte, les deux êtres apprennent à s’apprivoiser et s’harmoniser, pour n’en faire plus qu’un, enfin complet. À partir de 8 ans. Prix du public Avignon off 2016.
June ou le goût de la carotte salée 29 novembre Théâtre des Doms, Avignon 04 90 14 07 99 lesdoms.eu
© Xavier Cantat
25 novembre Auditorium Jean Moulin, Le Thor 04 90 33 96 80 auditoriumjeanmoulin.com
Inoubliable Sarah Bernhardt
Pierre Rabhi
© Patrick Luzic
1er décembre Espace Pièle, Cornillon-Confoux 04 42 48 52 31 scenesetcines.fr
Amor Josette Baïz a demandé à des chorégraphes confirmés, et d’autres portant la nouvelle génération de la danse contemporaine, de transmettre une écriture autour du thème de l’amour. Huit extraits de pièces signées par Sharon Fridman, Richard Siegal, Angelin Preljocaj, Claude Brumachon, Nicolas Chaigneau et Claire Laureau, Régis Obadia… sont dansés par les interprètes de sa Cie Grenade, pour rendre compte des passions, des sensualités des corps et des âmes, des unions entre les êtres. 30 novembre Espace Gérard Philippe, Port-Saint-Louis 04 42 48 52 31 scenesetcines.fr
« Pour une convergence des consciences », il est temps d’aller écouter Pierre Rabhi, inlassable vigie de notre société en errance. Lors de cette conférence, il reviendra sur les débuts et les raisons de son engagement contre notre actuel modèle de développement, contre « la quête sans fin d’un prétendu progrès ». L’occasion de mieux cerner son concept de « sobriété heureuse ». 29 novembre Théâtre du Chêne noir, Avignon 04 90 86 74 87 chenenoir.fr
Elle fut le premier monstre. Un monstre sacré, selon les mots de Jean Cocteau, qui inventa pour elle ce qualificatif. Geneviève Casile, sociétaire honoraire de la Comédie française, incarne cette comédienne devenue mythique, Sarah Bernahardt, qui fascina le public au creuset des XIX et XXe siècles, dans le monde entier, lors des tournées internationales où elle était adulée. Sur un texte de Joëlle Fossier. 30 novembre Théâtre du Balcon, Avignon 04 90 85 00 80 theatredubalcon.org
30 au programme spectacles Alpes var
La petite fabrique
Scena Madre
La Cie Le pas de l’oiseau nous invite à découvrir l’avancée de son projet Pistou, projet en cours d’élaboration, présenté lors d’une répétition publique dans le cadre de La petite fabrique. Amélie Chamoux (co-auteur de 8 h 30, rue des Écoles en 2016) interprète ce texte qu’elle a cette fois écrit en solo, mise en scène par son complice Laurent Eyraud-Chaume. Un conte aux ingrédients bien réels, puisqu’il s’agit d’interroger les moments clé de l’enfance et de l’adolescence. Dès 10 ans.
© Cie Une autre Carmen
© Laurent Philippe
Désordre et dérangement
La Cie brésilienne Grupo Corpo brûle les plateaux depuis plus de 40 ans. Technique au cordeau, ensemble symbiotique, style classique associé aux danses afro-sud-américaines : les 20 danseurs produisent des tableaux à couper le souffle. Dança Sinfônica, pièce créée en 2015 pour célébrer le quarantenaire du ballet, est un montage d’extraits, interprétés dans un décor de 1000 photos retraçant l’histoire de la compagnie. Gira (2017) est inspiré de l’univers traditionnel brésilien, sur la musique de Metá Metá, trio jazz de Sao Paulo. 27 novembre Théâtre de la Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 theatre-la-passerelle.eu
26 au 30 novembre Théâtre du Briançonnais, Briançon 04 92 25 52 42 theatre-du-brianconnais.eu
30 novembre Châteauvallon - Scène Nationale, Ollioules 04 94 22 02 02 chateauvallon.com
Les fantômes de la rue Papillon
Adishatz / Adieu © Lisa Lesourd
© Jose-Luiz Pederneiras
Gira / Dança Sinfônica
Quel Bazar ! Dédé (Sandrine Le Brun Bonhomme, clown cantatrice) a semble-t-il autre chose à faire que ranger. Alors Boris, le musicien bidouilleur (Cécile Wouters / Jean-Pierre Caporossi, en alternance) la rappelle à l’ordre. Tourbillon de sons (les objets qui cognent, le téléphone qui sonne...), de musique (Jean-Pierre Caporossi), grand écart entre électro et Mozart, tout est permis, du moment qu’on range, non ? Dès 2 ans, entrée libre
© Alain Monot
29 novembre Théâtre Durance, Château-Arnoux-St-Auban 04 92 64 27 34 theatredurance.fr
Pour sa première participation au Festival d’Avignon en 2017, Ambra Senatore créait une chorégraphie faite d’indices, proposant de multiples scénettes, comme autant de pistes à observer, et peut-être relier entre elles pour inventer un sens. Sept danseurs enchainent des micros événements, séquences clé d’un spectacle aux références multiples (danse, théâtre, cinéma). La vie est difractée, zoomée, reconsidérée. Tout fait sens, et l’intrigue se noue autour de gestes quotidiens. (lire journalzibeline.fr)
Presque 10 ans après sa création (2009), Jonathan Capdevielle reprend son magnifique spectacle auto-fictionnel, un adieu (adishatz, en patois du Sud-ouest dont il est originaire) à ... à quoi au fait ? Certainement pas au passé, ni aux membres savoureux de sa famille, qu’il convoque dans son solo, autant pour les célébrer que pour les remettre en question. Le tout lié par des chants (Madonna, classique baroque,...) et des souvenirs échelonnés entre fantasmes, humour et émotion transperçante. 29 & 30 novembre Théâtre Liberté, Toulon 04 98 00 56 76 theatre-liberte.fr
Dominique Coubès fait se rencontrer deux fantômes. Celui du jeune Haïssa (Eddy Moniot) et celui de Joseph (Michel Jonasz). Le premier a été tué lors d’un contrôle de police qui a dégénéré en bavure. L’autre a été raflé en juillet 42. Et les voilà qui discutent, vitupèrent, réinventent un présent sur un banc parisien. Plaidoyer contre le racisme, le spectacle est une entrée dans le vif dans ce qui sous-tend les enjeux contemporains de notre société. 25 novembre Théâtres en Dracénie, Draguignan 04 94 50 59 59 theatresendracenie.com
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au programme spectacles var gard hérault
Le Yark
Les Juré.e.s
Emmanuel Meirieu excelle à porter sur scène les mots et le souffle des grands auteurs américains. Bruce Machart est l’un d’eux, qui a publié Des hommes en devenir (sorti en France en 2014 aux éditions Gallmeister). Des pères, des amants, des fils ; des êtres brisés par la mort ou la disparition d’un proche. Six d’entre eux vont se livrer sur le plateau, interprétés par cinq comédiens de choc. Texte cathartique, mise en scène incandescente. Pour un premier pas vers la résilience.
Marion Aubert et Marion Guerrero (auteure-interprète et metteuse en scène dans la Cie Tire pas la nappe), inventent une tragi comédie où les personnages se voient nommés juré(e)s lors du procès d’une œuvre, condamnée au motif qu’elle outrepasse la liberté d’expression. C’est l’occasion de réfléchir aux limites de l’intime conviction, à l’impartialité. Avec l’humour et la fougue verbale qui caractérisent les textes d’Aubert, le procès promet d’être riche en adrénaline.
30 novembre Le Carré, Sainte-Maxime 04 94 56 77 77 carre-sainte-maxime.fr
© Jean Louis Fernandez
Le yark, effrayant monstre poilu, a un point faible : comme il a l’estomac fragile, il ne peut dévorer que les enfants sages, les autres lui donnent mal au ventre. Le texte de Bertrand Santini, conte impertinent et poétique, fera intervenir la petite Madeleine, qui peut-être réussira à dénouer la situation. La mise en scène d’Émilie Lafarge croise trois personnages tendres et décalés, plein de pouvoirs –humains. À partir de 7 ans.
28 novembre Théâtre Jean-Claude Carrière, Domaine d’O, Montpellier 0 800 200 165 domainedo.fr
28 novembre Théâtre Bernadette Lafont, Nîmes 04 66 36 65 00 theatredenimes.com
Les déclinaisons de la Navarre
René Frégni Cédric Andrieux
© Herman Sorgeloos
René Fregni © DR
Conçu avec le chorégraphe Jérôme Bel, ce spectacle éponyme est une plongée dans le parcours de Cédric Andrieux, qui interprète ce solo témoignage. Confidences verbales et corporelles, c’est un moment à la fois très intime et pédagogique. Il raconte son parcours dans la danse contemporaine, qui l’a mené au sein de la Cie Merce Cunningham. Et comme Caubère avec le Théâtre du Soleil, il nous emmène au cœur de la création artistique.
30 novembre Forum Jacques Prévert, Carros 04 93 08 76 07 forumcarros.com
L’entrée dans la vie d’homme n’a pas été facile pour l’écrivain René Frégni (né à Marseille en 1947). Rejeté à l’école primaire, il ratera sa scolarité. Il sera ensuite déserteur, se cachera à l’étranger en vivant de petits boulots, connaitra la prison à son retour en France, où il écrira son premier poème. Il a depuis publié une quinzaine de livres, âpres et lumineux, et couronnés de prix. Jamais il ne se détournera du milieu carcéral, où il a animé de nombreux ateliers d’écriture. 29 novembre Maison des littératures à voix hautes, Nîmes 04 66 62 06 66
Claire Laureau et Nicolas Chaigneau se focalisent sur une scène, ni plus emblématique, ni moins intéressante qu’une autre, d’un téléfilm retraçant la vie d’Henri de Navarre. Ils feront de cet extrait leur premier spectacle, suite de reprises, chaque fois différentes, de cet épisode. À mi chemin entre danse et théâtre, ils creusent jusqu’à trouver humour et absurde. Représentations suivies d’un concert au bar, par le duo Natyot et Denis Cassan.
© Julien Athonady
© Loewen photographie
© Anne Fromentin
Des hommes en devenir
29 & 30 novembre Théâtre Jean Vilar, Montpellier 04 67 40 41 39 theatrejeanvilar.montpellier.fr
32 au programme spectacles musiques hérault bouches-du-rhône vaucluse
Show
Jeunes solistes L’association Piano Cantabile offre avec l’écoute de ses jeunes solistes l’occasion de découvrir les grands interprètes de demain. Nombre de ceux qui ont été présentés ainsi se retrouvent lauréats de grands concours et sont pressentis à de belles carrières. Pianiste soliste concertiste, et à la tête de l’école de piano aubagnaise, Bernard D’Ascoli se réjouit de l’opportunité dont bénéficient les jeunes interprètes, et les spectateurs, égoïstement, aussi !
© Gabriele Zucca
Vadim Sher
Hofesh Shechter est un habitué de la scène du Théâtre Molière : le chorégraphe et musicien britannique vient pour la cinquième fois devant le public sétois. C’est sa Cie junior, Shechter II, (8 danseurs adolescents sélectionnés parmi des milliers de candidats) qui fera cette fois le Show. Tornade humaine électrisée par les beats hypnotiques, le spectacle invite à une transe troublante et unificatrice.
25 novembre Théâtre Comoedia, Aubagne 04 42 18 19 88 aubagne.fr
Schumann & Beethoven
2 décembre (attention la représentation du 28 novembre est annulée) Théâtre La Criée, Marseille 04 91 54 70 54 theatre-lacriee.com
27 & 28 novembre Théâtre Molière, Sète 04 67 74 66 97 theatredesete.com
Trois de la marine
Thomas Jolly s’était emparé du court texte de Marivaux en 2006, qui l’a immédiatement propulsé sur le devant des scènes. Texte à rebondissements pour 6 interprètes, avec l’insolence dans le premier rôle. Le bel Arlequin tombe dans les griffes d’une fée furieusement amoureuse, et se laisse charmer par une bergère. Le couple sera confronté à la jalousie de celle qui détient le pouvoir. Mais la jeunesse a des charmes encore bien plus puissants... À partir de 11 ans.
Giovanni Antonini crédit Decca © David Ellis
Les trois matelots de L’Indomptable, Antonin, Favouille et Papillote partent en bordée à Toulon, rencontrent l’intrigante Dora et un homme aux lunettes noires. Péripéties en cascade pour cette opérette de Vincent Scotto où drôlerie et burlesque enchaînent airs et ballets désopilants mis au goût du jour dans la mise en scène débridée de Frédéric Muhl Valentin sous la direction musicale déjantée de Lionel Achenza (Raspigaous). Zygomatiques fragiles s’abstenir !
© DR
© Nicolas Joubard
Arlequin poli par l’Amour
29 & 30 novembre Domaine de Bayssan, Béziers 04 67 28 37 32 sortieouest.fr
Deux cinés-concerts mettent le cinéma russe à l’honneur. L’expressivité des films sera soulignée par la vivacité inventive et virtuose des compositions de Vadim Sher (piano, accordéon, orgue Farfisa) accompagné du violoncelle de Marie Grémillard, du violon de Dimitri Artemenko et des guitares d’Alvaro Bello Bodenhöfer. Au programme, le premier long métrage du maître du septième art, La Grève de Sergueï Eisenstein (1924), déconseillé aux moins de 15 ans, et un florilège du cinéma d’animation russe à la poésie tendre et drôle dès 4 ans.
1er & 2 décembre Théâtre Toursky, Marseille 04 91 02 58 35 toursky.fr 15 & 16 décembre Théâtre Chêne Noir, Avignon 04 90 86 74 87 chenenoir.fr
Noël dans les théâtres, sans aucun doute, grâce à la sublime violoncelliste Sol Gabetta dont Aix a ovationné le talent à plusieurs reprises ! Nous la retrouverons dans le Concerto pour violoncelle en la mineur de Robert Schumann, empli d’une poésie lyrique et passionnée. Le Kammerorchester Basel sera dirigé par Giovanni Antonini et présentera aussi l’Ouverture Hermann und Dorothea du même Schumann, qui y cite La Marseillaise, et la Symphonie n°1 en ut mineur de Beethoven. Délectations ! 1er décembre Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence 08 2013 2013 lestheatres.net
au programme musiques bouches-du-rhône vaucluse hérault 33
Orchestre symphonique Divertimento
© Cité Cinéma
L’Orchestre régional Avignon-Provence, dirigé par Sébastien Billard, propose un ciné-concert qui permettra de voir ou revoir quatre courts-métrages de Méliès, dans des arrangements et compositions de Valentin Hadjadj. La fantaisie débridée de l’inventeur des effets spéciaux nous entraînera dans des récits lunaires. Personnages étranges, départs sur la lune, magie, et même revendications féministes seront accompagnés par une trentaine de musiciens de la formation symphonique de l’orchestre. (dès 7 ans)
30 novembre Le Cratère, Alès 04 90 14 26 06 lecratere.fr
29 novembre L’Alpilium, Saint-Rémy-de-Provence 04 90 92 70 37 / 06 29 19 69 78 mairie-saintremydeprovence.fr
Septuor à cordes Aude Périn-Dureau, Ekaterina Darlet Tamazova (violons), Éric Rouget, Florentza Nicola (altos), Cyrille Tricoire, Laurence Allalah (violoncelles), Jean Ané (contrebasse), tous issus de l’Orchestre National de Montpellier Occitanie, proposent un programme où se décline le thème du temps, ses métamorphoses, et les exercices de reconstructions qu’il engendre. On entendra ainsi un arrangement pour septuor des Métamorphoses de Richard Strauss, et Souvenir de Florence de Tchaïkovski.
Musiques acousmatiques de Julien Guillamat, romantisme de Brahms, variations sur un thème mozartien par Max Reger… quel éclectisme ! Et pourtant se tissent entre ces formes des trames communes, se font entendre des échos, des réminiscences, des constructions aux architectures de cathédrales… L’Orchestre national Montpellier Occitanie dirigé par Pavel Baleff voyagera entre les compositions et sera accompagné par le subtil virtuose qu’est Adam Laloum dans le Concerto pour piano n°2 en si bémol majeur opus 83 de Brahms. 30 novembre Opéra Berlioz, Le Corum, Montpellier 04 67 601 999 opera-orchestre-montpellier.fr
Les Oreilles d’Aman
© X-DR
© Frédéric Iovino
L’opéra de quat’sous
Nicola Florentza © Patrice Delorme
Brecht s’inspire pour cette pièce lucide, qui allie observation clinique de la société et burlesque, de L’Opéra des gueux de John Gay. Kurt Weill offre aux textes une partition bouleversante. Toutes les émotions, les sensations, les pensées de l’humanité se retrouvent là, entre ironie, nostalgie, désespoir et légèreté dans la mise en scène de Jean Lacornerie et la direction musicale de Jean-Robert Lay. 25 novembre Opéra Confluence, Avignon 04 90 14 26 00 operagrandavignon.fr
À travers les siècles
Pavel Baleff © DR
© DR
Un voyage dans la lune
Lenny est l’histoire d’une rencontre, celle de la cheffe d’orchestre Zahia Ziouani et de Léonard Bernstein, qui nous invite à entrer dans l’univers des œuvres du maître, en ressentir l’énergie, la profondeur, l’humour, l’espièglerie. Le chorégraphe Anthony Egéa, la metteure en scène Justine Heynemann, le performer de street art Marko 93 et la chanteuse Luce rejoignent les 70 musiciens de l’orchestre. Classique, jazz, variété… plus de frontières entre les genres !
1er décembre Eglise Saint-Félix de Bayssan, Béziers 04 67 28 37 32 sortieouest.fr
Réuni autour de la clarinettiste Léa Platini, Les Oreilles d’Aman est un collectif de six musiciens revisitant les codes de la musique traditionnelle des juifs ashkénazes : le klezmer. Soutenu depuis 2016 par la région du Vaucluse, le groupe a monté En Allant à Uskudar, un spectacle pensé comme un voyage vers une destination fictive, porté par une mélodie nomade et métissée, transmise et transformée depuis des générations. 1er décembre Cité de la Musique, Marseille 04 91 39 28 28 citemusique-marseille.com
34 au programme musiques bouches-du-rhône vaucluse alpes
Claude Tchamitchian
Juliette
© Sigridspinnox
Troisième album solo du contrebassiste Claude Tchamitchian, In Spirit explore de nouveaux territoires mélodiques et marque un tournant dans le processus de composition du jazzman qui déconstruit l’accordage traditionnel. Il résonne aussi comme un hommage au musicien Jean-François Jenny-Clark, puisqu’une des deux contrebasses de ce dernier a été confiée à Tchamitchian pour l’élaboration de ce projet. Un univers lyrique et intime, aux sonorités rondes et chaleureuses.
Rencontre entre la musique et le théâtre dans Ramkoers, spectacle rocambolesque monté par la compagnie hollandaise BOT. Une aventure musicale et visuelle, où se croisent acteurs, chanteurs, musiciens... et mécaniciens. Des rencontres étonnantes pour une performance pleine de couleurs et de bruits, où les gouttières, les machines et les barils deviennent d’improbables instruments. Un univers à la fois pop et industriel, plein de surprises et d’ingéniosité.
© Yann Orhan
© Jeff Humbert
Ramkoers
29 novembre L’éolienne, Marseille 04 91 37 86 89 leolienne-marseille.fr
Gentille provocatrice aux lunettes rondes et aux boucles folles, Juliette raille la société et ses travers dans son dernier album. Ironiquement baptisé J’aime pas la chanson, l’artiste y déconstruit les stéréotypes et taquine tout le monde à la pointe de son humour caustique, y compris elle-même. Il en ressort une belle énergie, portée par des mélodies légères aux arrangements soignés et des tournures de langage hilarantes. 30 novembre L’Autre Scène, Vedène 04 90 31 07 75 lautrescene.com
28 novembre La Garance, Cavaillon 04 90 78 64 64 lagarance.com 30 novembre au 1er décembre Théâtre de la Passerelle, Gap 04 92 52 52 52 theatre-la-passerelle.eu
The Rumjacks
Salut Salon
Le groupe punk-celtique The Rumjacks a fait le tour du monde mais il adore Marseille ! Pour ceux qui avaient raté les australiens en 2016 et en 2017 parce que tout était sold-out, c’est bientôt l’occasion de se rattraper pour leur venue imminente à l’Espace Julien. Une bonne façon de fêter la Saint Patrick en avance, à coups de guitares énervées, de pogos gentils et de bières levées au son de leur illustre et fédératrice Irish Pub Song. 25 novembre Espace Julien, Marseille 04 91 24 34 10 espace-julien.com
1er décembre Théâtre du Chêne Noir, Avignon 04 90 86 74 87 chenenoir.fr
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Un joli nom pour de jolies musiques, Le peuple étincelle est un groupe de cinq joyeux musiciens bien décidés à faire danser les foules. On s’imagine au bistrot ou dans une guinguette, convié à un joyeux bal populaire où s’enchainent des rythmes traditionnels : polkas, rumbas, scottish et bien d’autres. Des mélodies vivantes et organiques, qui donnent envie de se dégourdir les jambes au son de l’accordéon, du saxo et des guitares.
© DR
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Le peuple étincelle
Quatuor féminin insolite venu d’Allemagne, les musiciennes de Salut Salon arrangent et réinterprètent la musique classique, de Prokofiev à Mozart en passant par Bach et Vivaldi. Après Carnival Fantasy, sujet de leur précédente tournée, le quartet aborde pour leur nouveau projet une thématique millénaire : L’amour. Une fois encore leur spectacle se teinte de l’humour et du charme qui les caractérisent, plein d’acrobaties instrumentales et d’une pop communicative. 1er décembre Scène 55, Mougins 04 92 92 55 67 scene55.fr
au programme arts visuels
bouches-du-rhône 35
Valérie Gondran À l’occasion de la sortie de son livre Histoires courtes aux éditions Yellow Now, Valérie Gondran expose une sélection de ses diptyques photographiques et donnera un workshop les 24 et 25 novembre (informations et inscription sur agencerevelateur.fr). Une proposition dans le cadre du festival La Photographie Marseille #8. C.L.
Histoires courtes © Valérie Grondran
jusqu’au 2 décembre Le Pangolin, Marseille 06 09 32 70 80 laphotographie-marseille.com
Multiplicités Les étudiants en art (École nationale supérieure d’Architecture de Marseille, Arts appliqués du lycée Diderot) vous invitent à suivre leurs regard singuliers posés sur les collections du FRAC (A.V. Gasc, F. Hybert, Y. Ono...) et sur son fonds de livres, éditions et multiples. Vernissage le 30/11 à 18h, rencontre autour du multiple le 8/12 à 14h30 avec David Lasnier, plasticien et enseignant. C.L. Restitutions 1er décembre au 24 février FRAC PACA, Marseille 04 91 91 24 55 fracpaca.org
une œuvre de David Lasnier, Restitutions, FRAC PACA, Marseille, 2018
Skunkdog L’artiste, installé à Marseille, a fait de la rue son laboratoire : c’est à Sète, Paris, Marseille, New York ou Bruxelles qu’il excelle dans l’art de faire vibrer sur la toile et dans ses performances les sensations électriques que les villes lui procurent. À l’occasion de son solo show à la galerie Pluskwa, il dévoile une série de palissades « hybrides, robotiques, parfois paumées, parfois pulsionnelles ». M.G.-G. U.R.S.S - United Robot Space Syndicated jusqu’au 22 décembre Galerie Pluskwa art contemporain, Marseille 06 72 50 57 31 galerie-pluskwa.com
Dog, techniques mixtes sur bois , 106 x 105 cm © Skunkdog
Traverser la lumière Ni mouvement ni manifeste, le groupe d’amis constitué par Jean Bazaine, Roger Bissière, Elvire Jan, Alfred Manessier, Jean Le Moal et Gustave Singier avait en commun d’être non-figuratifs et de s’être dégagés, dès 1945, des influences cubistes et surréalistes. Le musée Granet propose de redécouvrir leur singularité et leur cohérence au-delà de toute classification historique ou picturale. M.G.-G. jusqu’au 31 mars Musée Granet, Aix-en-Provence 04 42 52 88 32 museegranet-aixenprovence.fr
Gustave Singier (1904-1984) Provence collines, 1959 Huile sur toile, 130 x 96,5 cm, Collection particulière, ADAGP, Paris 2018
36 au programme arts visuels alpes-maritimes Bouches-du-rhône
M(icro)éditer
Alfred Latour, Alpilles et nuages blancs, 1954, huile sur toile, Musée Cantini, Marseille. Crédits Fondation Alfred Latour
Prix Alfred Latour Alors que l’exposition Alfred Latour est prolongée, un prix éponyme vient lui rendre hommage qui récompensera le talent d’un jeune artiste confirmé. Il lui permettra de « mener à bien un projet inédit qui aura pour finalité l’édition d’un livre mêlant deux des activités artistiques suivantes : peinture, gravure, dessin, design textile, graphisme et photographie ». Une proposition de la Fondation Alfred Latour avec les Editions de l’Imprimerie Nationale et Actes Sud. Premier appel à candidature à partir du 1er janvier 2019. C.L. jusqu’au 30 décembre Alfred Latour – photographies, cadrer son temps Musée Réattu, Arles museereattu.arles.fr
Dimanche 10 novembre © Caroline Duchatelet
La mémoire et la mer L’Entre-Deux formé par Rebecca François et Lélia Decourt s’infiltre dans des espaces non dévolus à l’art pour y créer des interstices dans le quotidien. Aujourd’hui une agence bancaire, investie par Benoît Barbagli, Caroline Duchatelet, Marco Godinho, Julien Griffaud, Alice Guittard, Philippe Ramette, Omar Rodriguez Sanmartin fascinés par la mer. Ensemble ils dessinent une nouvelle ligne d’horizon faite de paysages oniriques et d’hommes, d’épopées, d’univers sensoriels et fantastiques. M.G.-G.
Mise en pli, Frac, 2018 © X DR
L
e deuxième salon de la microédition Mise en pli a réuni 68 exposants venus de Montréal, Bruxelles, Dublin, Genève, Paris ou Marseille -avec 18 stands, preuve de la dynamique territoriale. Victime du succès de sa première biennale, le FRAC a reçu 300 dossiers de candidature de maisons d’édition spécialisées dans les livres et les multiples d’artistes, les revues spécialisées, les catalogues, monographies, sérigraphies, objets et ouvrages théoriques. Si le champ est large, « leur dénominateur commun est d’avoir un système de diffusion particulier mais qui a son public, précise le directeur du Frac Pascal Neveux. En une journée nous avons accueilli plus de 1000 personnes, des amateurs, des étudiants des écoles d’art (elles sont 5 exposants, ndlr), des familles et des collectionneurs. C’est un public qui a repéré l’événement et qui est curieux. Nous leur proposons tout le week-end des ateliers, des workshops et des performances ». Le postulat de départ étant d’offrir de la visibilité à la microédition d’art, le FRAC a joué la carte de la gratuité pour les exposants : « C’est notre choix de mettre à leur disposition le matériel technique, la régie, d’organiser des soirées, des rencontres… ». Ce bel état d’esprit attire un public transformé en ruche bourdonnante ! Partout ça colle, ça photocopie, ça bouquine, ça discute et même « ça échange des contacts entre professionnels et artistes car aucun n’a la prétention de détenir le meilleur stand ». Le succès tient à cette intimité conviviale, et à l’opération nationale « Week-end des Frac » qui a boosté l’intérêt de tous. Côté prix, les amateurs déboursent de 5 € à 600 €, voire plus pour les éditions originales. Comme quoi, à l’heure des outils numériques et des projets immatériels, l’édition papier a encore la faveur des artistes… et du public. À m(icro)éditer ! MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
jusqu’au 11 janvier Caisse d’épargne Masséna, Nice 04 93 18 40 72 caissedepargnecotedazur.com
Mise en pli s’est déroulé les 17 et 18 novembre au Frac, Marseille
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Une bibliothèque originale au cœur de la Ga.M.
© Quel Lustucru (Max Ernst) © 2018 Fondation des Treilles
A
près l’ouverture de La galerie de l’École supérieure d’art et de design Toulon Provence Méditerranée*, la Ville de Toulon inaugure sa Galerie des musées (Ga.M.) dans la Rue des arts. Là où « il était indispensable que la Ville soit
présente, selon son directeur des affaires culturelles Rémy Kerténian. Dans ce quartier ancien réhabilité, la galerie occupe le rez-de-chaussée de l’immeuble. Avec l’espace de médiation en mezzanine, cela représente 300 m2. C’est un lieu culturel partagé avec TPM puisque les étages supérieurs abritent l’ensemble des locaux administratifs de l’Opéra et une salle de répétition pour les chœurs ». Contrairement aux craintes, son inauguration le 15 novembre n’a pas pour origine la fermeture temporaire du Musée d’art et de la bibliothèque actuellement en travaux. Le lieu a une vocation pérenne et « la programmation dédiée à l’art moderne et contemporain alternera exposition muséale et jeune création ». Pour l’heure, l’exposition inaugurale Quel Lustucru (Max Ernst), à caractère patrimonial, a été confiée à Danièle Giraudy, chargée des collections de la Fondation des Treilles à Tourtour dans le Var. Ironie de l’histoire, c’est avec Le regard d’un mécène La collection d’Anne Gruber Schlumberger
au musée Cantini en 2006 que Danièle Giraudy clôtura son parcours de directrice des Musées de Marseille ! Dilemme cornélien, son choix s’est porté sur les ouvrages de bibliophilie, les dessins et les sculptures de Braque, Laurens, Léger, Picasso, Takis, Tanning, Tardieu, Dubuis et Ernst, auquel elle emprunte le titre de l’exposition. Le visiteur peut ainsi se familiariser avec « des images nées dans la première moitié du XXe siècle avec les cubistes, les dadaïstes et les surréalistes » et pénétrer, virtuellement, dans la bibliothèque de ce lieu secret, rarement dévoilé, qui recèle des trésors. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
*Une illusion de liberté à l’intérieur de quatre murs (jusqu’au 31 octobre), place Savonnières. Quel Lustucru (Max Ernst) Les livres d’artistes de la Fondation Treilles jusqu’au 20 janvier Ga.M., Toulon 04 94 36 36 22 toulon.fr
Entre vibrations et ondulations
L
’œil du photographe Gilles Boudot ne se trompe pas quand il fait dialoguer les œuvres de l’artiste niçois Jean-Louis Paquelin et du marseillais Laurent Galland. Mêmes vibrations et mêmes oscillations : la filiation visuelle est troublante. Même démarche « à tâtons », pourtant leurs pratiques diffèrent. La série Coquillage du CAC 40 de Paquelin, aux formes organiques, s’inscrit dans la lignée de l’Optic Art, mais avec les outils numériques d’aujourd’hui. Le processus créatif de l’artiste-enseignant-chercheur commence dès l’écriture en java script jusqu’à l’impression sur film translucide : son programme génère des formes nourries par les valeurs et les données fluctuantes du CAC 40 qui déterminent des formes à la physionomie aléatoire… Ni modélisées, ni bidouillées, elles hypnotisent le regard, le déstabilisent ; à l’inverse, la série Spécimen, d’une fine
délicatesse et au rendu quasi photographique, plongent le regard dans un abîme profond. « On est là dans la radiographie, dans la méduse qui nous invitent à l’interprétation et même à la surinterprétation » analyse Gilles Boudot. Face à ce travail
en noir et blanc, les gammes chromatiques de Galland tout en nuances de roses interpellent : dans une logique de dépôt, de lignes, d’adhésifs, il avance à l’aveugle, ligne par ligne, construit méthodiquement des canevas, jeu de trames et de vagues révélées par juxtaposition de couches de poudre graphite et enlèvement de matière. Un travail d’une extrême précision qui, en dévoilant les blancs sur Dibon, tient de la révélation, ainsi surgissent de La Chute des formes ondulatoires à la chair moelleuse. Chacun, avec ses armes, se joue du hasard : l’un avec l’informatique, l’autre avec l’intuition, les deux donnent naissance à l’inattendu. Ou presque. M.G.-G.
La Chute © Laurent Galland
Brainwaves jusqu’au 8 décembre Galerie La Porte étroite, Toulon 06 81 74 11 50 galerielaporteetroite.eu
Les films à ne pas louper cette semaine
petit
The Florida Project de Sean Baker samedi à 20h50
écran
The Immigrant de James Gray samedi à 20h45 Dheepan de Jacques Audiard dimanche à 21h
La la la
Ma loute de Bruno Dumont lundi à 20h55
dimanche à 14h Véritable cure anti-morosité, ce focus opéré par Éric Bitoun sur la comédie musicale, « fluide magique capable de s’infiltrer partout, et surtout dans nos mémoires ». Exhaustif, le documentaire aborde le genre dans son versant historique, artistique et économique, en conviant de multiples intervenants. Michel Legrand ose une analogie entre la comédie musicale et l’opéra : « on y parle de la vie en chantant ». La chercheuse Fanny Beuré cherche à en circonscrire « le principe énergique qui agit sur le spectateur », tandis que Patrice Leconte en salue « précision, grâce et désinvolture »… Moult extraits illustrent le propos, ranimant les figures incontournables : Gene Kelly, Fred Astaire, Jacques Demy, sans oublier les époustouflantes plongées kaléidoscopiques de Busby Berkeley sur ses « girls ». À voir jusqu’au 27 janvier à la Philharmonie de Paris : l’exposition Comédies musicales, la joie de vivre du cinéma.
La Couleur de la victoire de Stephen Hopkins mardi à 20h55 Dans la cour de Pierre Salvadori mercredi à 20h55 Suspiria de Dario Argento mercredi à 23h25
Inviolable mardi à 20h50 Programmation spéciale sur Arte, à l’occasion des 70 ans de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme. En première partie de soirée, le réalisateur Claus Kleber s’interroge sur l’ethnocentrisme du texte rédigé en 1948. Que devient une vision occidentale se prévalant universelle, à l’aune d’autres cultures et normes sociales, qui prennent une part grandissante dans certains conflits du XXIe siècle ? À 22h25, Vies d’esclaves de Marc Wiese étudie les nouvelles facettes de l’esclavage à travers le monde - travail, sexe, espace domestique, enfants soldats - qui concerne actuellement près de 45 millions d’individus. De la Birmanie à l’Inde en passant par l’Ouganda, s’exposent les témoignages des victimes et des militants. À 23h55, c’est Milo Rau qui signe le documentaire Le tribunal sur le Congo. Le réalisateur suisse,
également metteur en scène (lire les critiques de La reprise et Five Easy Pieces sur journalzibeline.fr), restitue dans ce reportage l’expérience qu’il a menée en République démocratique du Congo. En 2015, il initiait deux tribunaux civils symboliques, l’un à Bukavu, l’autre à Berlin, pour tenter de mettre à jour les responsabilités impliquées dans la guerre civile, en faisant appel à des experts juridiques, sociologues, journalistes et politiques locaux.
Tea Time
immuable : une fois par mois depuis 60 ans, Alicia, Gema, Angelica, Ximena et leurs amies se réunissent autour d’un thé. Toutes sur leur 31, ces pétillantes mamies devisent autour de somptueux mets sucrés. D’immenses éclats de rire conjurent la mort d’une proche, des avis tranchés commentent l’évolution de la société, du travail des femmes à l’étalage au grand jour de l’homosexualité, tandis que se découpent en gros plan de somptueuses tartes aux noisettes. En creux, une image de la société chilienne contemporaine s’esquisse, à travers les anses des tasses en porcelaine.
mardi à 00h55 Le délicat documentaire de Maite Alberdi s’ouvre sur des images très sensuelles, quasi charnelles de… cup cakes, napperons et poupées à l’ancienne, tandis que s’égraine une mélancolique chanson sur le temps qui passe. Le rituel est
Investigations : Migrants, destins croisés mercredi à 20h55 Au pied du mur Italie-France, la frontière solidaire s’ouvre sur la journée du 13 mars
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2018 : sur le Col de Montgenèvre a lieu un rassemblement de soutien à Benoit Ducos, « délinquant solidaire » poursuivi par la justice française pour son soutien à Marcela Egharevba, réfugiée nigériane. Depuis 2017, au moins 3 000 migrants empruntent ces routes dangereuses situées à plus de 1 700m d’altitude. Les habitants organisent des maraudes pour rencontrer et aider ces exilés, la mairie de Briançon leur alloue un espace… Ces militants sont accusés d’avoir facilité l’entrée de migrants en bande organisée ; une manière de dévoyer la loi initiale, qui visait les réseaux. Où s’arrête la non-assistance à personne en danger, où commence l’infraction ? C’est l’une des questions à laquelle répond Cécile Bigot-Dékeyzer, préfète des Hautes-Alpes. En 2e partie de soirée, rediffusion du reportage Mission Aquarius, une immersion d’Hélène Eckmann aux côtés de l’équipage du navire affrété par l’ONG SOS Méditerranée.
Génération Solidays jeudi à 20h30 Créé par l’association Solidarité Sida, le festival Solidays fête cette année ses 20 ans. Près de 3 millions de visiteurs s’y sont succédés au fil des éditions, sur la pelouse de l’hippodrome de Longchamp. Durant trois jours, Caroline Benarrosh et Gilles Cayatte ont partagé le quotidien des bénévoles qui animent l’événement, partageant échanges, discussions et rituels tels que la Cérémonie contre l’oubli, déploiement d’un grand patchwork à la mémoire des disparus. Les jeunes festivaliers abordent le sens de leur engagement, et leur vision d’un parcours amoureux vécu sous l’ombre d’une maladie qu’ils ont toujours connue. L’émission est suivie d’un débat animé par Jean-Pierre Gratien.
Coups sur coups jeudi à 20h55 Soirée spéciale sur France Ô à l’occasion de la Journée internationale de la lutte contre la violence faite aux femmes. À 20h55, le documentaire inédit Coups sur coups se concentre sur les violences conjugales en Guadeloupe, si nombreuses que le procureur de la République de Pointe-À-Pitre en a fait une priorité de sa politique pénale. Anne Gintzburger suit le parcours judiciaire des victimes, du CHU aux locaux de la Brigade de la famille. À 22h35, Jaha’s Promise de Patrick Farrelly retrace le portrait de Jaha Dukureh, fondatrice de l’ONG Safe Hands for Girls luttant contre l’excision des femmes. Enfin, à 23h30, Hélène Trigueros se penche sur une histoire méconnue : les bagnes pour femmes en Guyane et Nouvelle-Calédonie dans la 2e moitié du XIXe siècle. Condamnées pour meurtres, crimes politiques, mais aussi vols, prostitution ou vagabondage, ces détenues servaient de main-d’œuvre gratuite et surexploitée, mais aussi de matrice pour repeupler les colonies désertées.
France-Algérie, une affaire de famille jeudi à 21h France 2 fait décidément œuvre de salubrité publique. Après son excellente Histoire de la nation diffusée à la rentrée, elle consacre une soirée entière à l’épineuse question des relations entre France et Algérie, « une affaire de famille, parmi les plus difficiles à régler », selon les mots de Bariza Khiari, vice-présidente du sénat. Dense, le documentaire de Dominique Fargues s’attelle à remonter de manière précise les faits ayant menés à la Guerre d’Algérie, évoquant même frontalement le sujet de la torture. On y suit aussi l’accueil catastrophique réservé aux Pieds-noirs à Marseille à l’issue de l’indépendance, l’évocation des camps fermés en 1975 par Giscard, puis le contexte politique menant aux attentats du GIA dans les années 90, jusqu’à la récente bronca soulevée par les propos d’Emmanuel Macron, qualifiant la colonisation de crime contre l’humanité. À 23h05, la case Infrarouge prend le relai, avec Les Pieds-noirs d’Algérie, une histoire française, réalisé par Jean-François Delassus. Des témoins y racontent leurs parcours familiaux, la vie quotidienne en Algérie, le récit de leur fuite, de leur accueil, de leur intégration puis de leur devenir dans une patrie que la plupart ne connaissaient alors pas. Lire aussi à ce sujet la BD de Fred Neidhardt, Les Pieds-noirs à la mer, paru en 2013 chez Marabout. JULIE BORDENAVE
Et aussi… Disparition des insectes, une catastrophe silencieuse samedi à 22h30 Mères porteuses, la naissance par procuration dimanche à 02h05 Rubens, peindre l’Europe lundi à 15h50 Camargue, un radeau fragile lundi après Soir3 En quête d’une nouvelle Terre, la planète idéale mardi à 15h40 Les dossiers noirs d’une industrie mardi à 21h Lait contaminé : au cœur de l’affaire Lactalis mardi à 23h25 Janis vendredi à 22h50
40 au programme cinéma
Le PriMed accoste à Marseille
L
e Festival de la Méditerranée smartphone ; le Grand Prix en Images met à l’honneur le « Enjeux Méditerranéens » documentaire et le reportage. parrainé par France Télévisions ; le Prix « Mémoire de Comme chaque année, les six films de la catégorie « Courts méditerrala Méditerranée » parrainé néens » seront projetés au Mucem par l’Ina ; le Prix « Première en ouverture du festival, dimanche œuvre documentaire » par25 novembre à 15h. Au programme : rainé par la Rai ; le Prix des Hommage à Kobané de Soran Qur« Jeunes de la Méditerranée » Les Ulysses du 21ème siècle de Lidia PERALTA GARCÍA (Catégorie Films Art Patrimoine) bani, plongée dans cette ville du Kurdélivré par un jury de lycéens ; distan syrien sinistrée, Dying for Europe le public votera pour son court-métrage le Prix « Court Méditerranéen » et ende Nikos Pilos, qui rend compte des flux préféré. fin la Mention ASBU (Union des diffumigratoires vers l’Europe sous forme de Ils seront tous à nouveau projetés à la seurs des Etats Arabes), attribuée par trilogie, Le Trésor de Marisa Lafuente Bibliothèque L’Alcazar en entrée libre, son représentant. Esteso et Néstor del Castillo, périple ainsi que dix-neuf autres films, du 27 au Les films primés seront projetés à la d’un grand-père et de sa petite fille en 30 novembre. Toutes les séances seront Bibliothèque L’Alcazar le samedi 1er déforêt espagnole, Dr Fatma de Narcisse suivies d’entretiens avec les réalisateurs. cembre de 11h à 17h. SUZANNE CANESSA Youmbi, récit du quotidien d’une gyné- La cérémonie de remise des prix aura cologue algérienne et de ses patientes, lieu le 30 novembre à 16h30 au cinéma With open wings de Vivian Papageor- Le Prado. Elle attribuera sept prix et PriMed, Festival de la giou, consacré à un groupe de danseurs une mention spéciale : le Prix « Moi, ci- Méditerranée en Images 25 novembre (Mucem), 27 au 30 novembre grecs handicapés, et Carmen de Natalia toyen méditerranéen », qui récompen(Bibliothèque de l’Alcazar), 30 novembre (Le Preston, récit d’une vénézuélienne émi- sera deux productions d’une durée d’une Prado) et 1er décembre (l’Alacazar), Marseille grée à Madrid. À l’issue des projections, minute, réalisées par des lycéens avec un primed.tv
Africapt : Deux jours de voyage
L
a mer, une pirogue, des pêcheurs sénégalais aux gilets multicolores qui remontent, à la force de leurs bras et au rythme de leurs chants, des sardinelles, des raies, sont attendus sur le rivage de Kafountine par des porteurs venus de pays voisins : Mali, Guinée, Burkina… Une région où la pêche permet encore à des milliers d’habitants de (sur)vivre ; ici on sèche, on fume, on trie, on met en sac le poisson, mettant en danger sa santé et aussi la forêt. Les fumées des fours artisanaux empoisonnent les poumons et la déforestation en Casamance s’accentue. La création d’usines modernes où on fabrique de la farine de poisson destinée à l’exportation fait peur aux habitants, craignant d’être privés de leur moyen de subsistance. Dans Poisson d’or, poisson africain, Thomas Grand et Moussa Diop ont donné la parole à ces hommes, nous faisant partager leurs interrogations, leurs craintes et pointent la question de l’épuisement des ressources naturelles. Question essentielle aussi dans le
Poisonous roses, de Ahmed Fawzi Saleh © Haut les Mains
documentaire Silas, où les réalisatrices Hawa Essuman et Anjali Nayar font le portrait de Silas Siakor, qui se bat au Libéria contre l’abattage clandestin du bois et la cession aux multinationales des terres des communautés villageoises. Elles nous racontent à travers lui l’histoire de ce pays dévasté par 25 ans de guerres civiles et l’épidémie d’Ebola, depuis les premières élections démocratiques et
la victoire d’Ellen Johnson Sirleaf, dont on nous montre peu à peu la corruption. Un film dense qui aborde aussi bien les enjeux écologiques, économiques que la question : peut-on rester intègre quand on accède au pouvoir ? C’est un autre combat qu’on suit dans le film courageux de Dieudo Hamadi, Kinshasa Makambo. Rues de Kinshasa jonchées de détritus, voitures qui brûlent,
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Nurith Aviv à Marseille
D
ans le cadre du Mois du Film Documentaire, Peuple et Culture Marseille et les cinémas Le Gyptis et La Baleine proposent une programmation autour du travail de Nurith Aviv : 5 films, des invitées, et une table ronde en présence de la réalisatrice. On commencera le 24 novembre à La Baleine, à 17h avec Makom, Avoda,(1997), l’histoire d’une relation triangulaire israélo-palestino-thaïlandaise dans un village agricole. À 20h15 Poétique du cerveau (2015) nous parlera de mémoire, bilinguisme, miroir, odeur, traces. Le lendemain, au Gyptis, c’est Circoncision (2000) qui ouvrira l’après-midi. Suivi par une Table Ronde à 17h 30 avec Nurith Aviv, le psychanalyste Hervé Castanet, et l’écrivain - plasticien, Stéphane Zagdanski. Ce voyage au cœur du cinéma de Nurith Aviv se terminera avec son dernier film, Signer où la cinéaste s’aventure dans un champ peu connu, celui des langues des signes. ANNIE GAVA
Signer, de Nurith Aviv © Les Films d'ici
jeunes qui crient leur colère contre Kabila, répression policière violente. La caméra portée entre au cœur du combat pour des élections libres, contre le 3e mandat du dictateur, entre 2016 et 2017. Ben, revenu d’exil et que sa famille veut protéger, Jean-Marie, torturé, fraîchement libéré, et Christian, militant du parti d’opposition, débattent sur la stratégie à adopter. À travers leurs discussions, le réalisateur congolais pose la question du choix de la lutte : faut-il privilégier la voie du dialogue comme le prône Étienne Tshisekedi ou, au contraire, se battre dans la rue et risquer morts et blessés ? Poisonous roses nous emmène dans le quartier des tanneurs au Caire, sur les traces de Taheya, une jeune fille qui voue une passion quasi obsessionnelle à son frère Saqr, lui apportant chaque jour au travail sa gamelle, veillant constamment à son bien-être, l’enfermant ainsi peu à peu dans les filets de son amour. Prête à tout pour le garder, elle est elle-même prisonnière de sa jalousie maladive. Le réalisateur égyptien, Ahmed Fawzi Saleh, a su rendre dans son premier long métrage de fiction, superbement filmé, l’ambiance du quartier, souvent glauque : les eaux d’écoulement qui changent de couleur, les gestes des tanneurs, l’odeur des peaux. Un film sur l’enfermement, peut-être une parabole sur la société égyptienne qui se ferme…
Un amour impossible
Film de la semaine
Adapté du roman de Christine Angot, le film de Catherine Corsini en conserve la finesse et l’ampleur, et s’ancre avec succès dans un même désir de classicisme.
O
n délaisse ici les habits de l’autofiction : Christine et Pierre Angot deviennent Chantal et Philippe, mais Rachel, la mère tour à tour aimée, haïe et admirée, conserve son prénom. Cette mère tendre et lumineuse a les traits et la présence incomparables de Virginie Efira. Aussi douce et avenante que le Philippe de Niels Schneider demeure savamment inquiétant et antipathique, Rachel reste le centre névralgique de l’intrigue, sublimée par le regard énamouré de sa fille. L’académisme des images n’est ici ni gratuit ni inapproprié : il reconstitue, au fil d’échanges épistolaires et de brefs extraits du livre, l’histoire de la naissance de Chantal et la tragédie qui survient à son adolescence. La beauté des décors, la lumière irréelle dans laquelle ils baignent donnent naissance au récit dans une fascination comparable aux descriptions de photos par Annie Ernaux. La voix off, sèche et discordante, fissure peu à peu la fausse artificialité de cette imagerie de carte postale. Dans son dernier quart, moins léché, qui fera apparaître l’auteure une fois adulte, on pourra regretter que le long-métrage s’égare à trop vouloir singer l’image télévisuelle de Christine Angot ou peine à s’ancrer dans son époque. Jusqu’alors bouleversant, fort de son propre langage, le film se parera de trop de mots et de raccourcis pour rendre justice à son matériau d’origine et à ses ambitions. Si les actrices se succèdent pour incarner l’écrivain de sa naissance à ses quarante ans, l’adolescente Estelle Lescure, qui apparaît ici pour la première fois à l’écran, demeure de loin la plus marquante : face au jeu pourtant irréprochable de ses deux aînés, elle parvient à phagocyter chaque plan sans même recourir à la parole, et à faire deviner chaque non-dit en un regard. Si bien que ce sera avant tout son visage qui hantera le spectateur, longtemps après la projection. SUZANNE CANESSA
Un amour impossible de Catherine Corsini, est sorti le 7 novembre (2h15)
ANNIE GAVA
Le 16e Festival des Cinémas d’Afrique s’est tenu du 9 au 16 novembre au cinéma Le César d’Apt Un amour impossible, de Catherine Corsini © Stephanie Branchu -Chaz Productions
42 philolitté
Sal & Peppa dans les bois
E
lles se sont enfuies, se sont cachées dans les bois sauvages des Highlands…et elles survivent. Elles, deux sœurs de 13 et 10 ans, Salmarina et Paula, que tout le monde surnomme Sal et Peppa. Inséparables comme le sel et le poivre, et comme ces deux condiments, absolument nécessaires à la saveur particulière - piquante, très addictive - du premier roman de l’Ecossais Mick Kitson. Manuel de survie à l’usage des jeunes filles est l’histoire d’une fugue, méticuleusement anticipée puis réalisée par l’aînée des deux sœurs, qui est aussi la narratrice de ce récit d’apprentissage contemporain. Un personnage très attachant, qu’on a envie de suivre dès les toutes premières lignes, et dont on sent tout de suite l’énergie vitale et la détermination à protéger sa petite sœur (dans le genre attachant, et drôle, celle-ci n’a rien à envier à son aînée). Rien de larmoyant, pas de pathos facile dans le récit de cette échappée loin des violences d’un salaud
Livre de la semaine
L
de beau-père et de la faiblesse d’une mère irresponsable et dépassée. Sal raconte avec une précision remarquable comment elle s’organise pour survivre en pleine nature. Dans ce domaine, elle est experte. Impressionnante même. À l’école, elle se trouvait dans une section pour enfants en difficulté, en raison d’une dysorthographie galopante. Cela ne l’a pas empêchée d’apprendre, d’apprendre beaucoup, sur internet principalement. C’est ainsi qu’elle a pu organiser leur fuite et qu’on les retrouve toutes deux dans une cabane au fond des bois. Au récit, presqu’au jour le jour, de leur survie dans la forêt se mêlent de nombreux flashbacks (où l’on comprend que la nature sauvage est bien moins dure que ce qu’elles enduraient alors) ; à l’histoire
Livre de la semaine
des deux sœurs se mêlera aussi celle d’Ingrid, une vieille dame un peu farfelue, aux allures de sorcière et à la bienveillance de bonne fée, qui, comme elles, a choisi de vivre là, en marge des humains. C’est donc une sorte de conte que Kitson propose. Où le Petit Chaperon Rouge n’a plus peur du Loup. Où le Petit Poucet est équipé d’un couteau Bear Grylls. Où la nature, rigoureuse, splendide, devient un havre…en attendant des jours meilleurs. FRED ROBERT
Manuel de survie à l’usage des jeunes filles Mick Kitson Editions Métailié, 18 €
Poto, à la folie
e nouveau roman de Makenzy Orcel est plus difficile, et plus beau peut être encore que les précédents. Les Immortelles en 2010 avait valu au jeune auteur Haïtien une reconnaissance internationale : sa langue singulière, mêlant la voix des prostituées de Port au Prince à celle du narrateur, construisait un récit fascinant, ancré dans le traumatisme du récent tremblement de terre. L’univers de Maître-Minuit est plus diffus, plus masculin, embrassant un temps plus long, historique. Car il s’inscrit dans un autre traumatisme, au long cours, celui des Duvalier et des tontons Macoutes, omniprésents comme une ombre de mort dans
un pays dévasté. La voix narrative est, à quelques exceptions, celle de Poto, enfant sans père aux mains d’une mère folle et droguée à la colle. Construit comme un roman d’apprentissage, Maître-Minuit conduit presque linéairement le lecteur de l’enfance du narrateur à son départ de l’île. Courant après sa mère, sur les quais, dans les trains, les cabanes magiques, passant de squat en taudis il construit sa résilience en jouant avec des cafards puis en dessinant ce qu’il vit. L’art le sauve, le porte, le sublime, mais il reste en lui une ombre menaçante, au bord de la magie, douée de pouvoirs qu’il ne veut pas exercer. Devenu le géant Maître-Minuit, incarnation
d’un mythe haïtien, il jongle et vole, approche un tueur à gage, des femmes au désir agressif, passe par la prison, frôle et combat la folie, puis transmet à un petit MOI cette part de lui-même qui le poursuit. L’écriture, sans majuscules, incantatoire, à la syntaxe tourmentée, épouse son trajet et nécessite qu’on s’y plonge presque à voix haute, comme si ce livre nous parlait à l’intérieur. Une fois dedans, on ne le quitte plus, comme si le Maître-Minuit d’Haïti s’était aussi emparé de nous. AGNÈS FRESCHEL
Maître-Minuit Makenzy Orcel Zulma, 20 €
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Les maîtres des ombres
E
nfin, paraît, superbement traduit de l’indonésien par Dominique Vitalyos, l’épilogue de la bouleversante et passionnante tétralogie le Buru Quartet de Pramoedya Ananta Toer, La Maison de verre. Il faut absolument avoir lu les trois volumes précédents, Le monde des hommes, Enfant de toutes les nations, Une empreinte sur la terre, pour saisir le sens de cette fulgurante conclusion. Minke n’est plus le narrateur. Envoyé en exil à la toute fin du volume 3, il devient objet d’observation, marionnette entre les mains toutes puissantes des forces coloniales qui tentent d’effacer son œuvre, de juguler sa pensée. L’interdiction qui lui est faite d’écrire, de communiquer, est censée abolir les avancées qu’il avait pu mettre en œuvre, avec son journal, sa capacité fédératrice des masses… Le commissaire Pangemanann, missionné par le Gouverneur des Indes néerlandaises pour repérer et mettre un frein aux activités anticoloniales, mène le récit. L’action
débute un peu avant la fin d’Une empreinte sur la terre, montre les travaux d’approche du commissaire pour cerner Minke, ses débats avec sa conscience qui ne cessera de le hanter, mais qu’il met de côté, tant il souhaite offrir à sa famille une vie confortable. La négation de toute morale afin d’obéir aux ordres de sa hiérarchie le conduit aux pratiques sans scrupules de l’espionnage, des arrestations arbitraires, et à l’alliance avec la pègre qui se livre à l’intimidation musclée et
Livre de la semaine aux attentats… Grâce à ses multiples recherches dans les archives, il brosse un panorama acide de la colonisation, du jeu des grandes puissances européennes doublé par celui des États-Unis et de la Chine, de leurs dissensions, réglées dans les territoires colonisés, le rôle des mafias internationales… sans compter l’européanisation des consciences et la méfiance à l’encontre des « intellectuels indigènes », capables de révolte. Pangemanann, écho sombre de Minke, rétablit les faits, dévoile les rouages secrets… Il baptise ses notes, véritable testament, La Maison de verre. C’est là aussi qu’il découvre les textes de Minke, en donne sa lecture, sorte de mise en abyme de la critique, et les lègue à celle qui éleva le journaliste, Nyai Ontosoroh. Un texte magistral et tragique. MARYVONNE COLOMBANI
La Maison de verre Pramoedya Ananta Toer, traduction Dominique Vitalyos éditions Zulma, 24.50 €
«Cacou » ; en provençal, celui qui se la pète, qui fait le fanfaron. En grec Kakou est le génitif de kakos, mauvais, laid. Donc Philo Kakou, la philosophie du mauvais !
Philo Kakou
A
vant de se moquer il faut être de bonne foi… si si, un participaient : si il y a des arbres c’est parce que il y a une peu. Soit l’idée de Dieu : avant de la moquer, com- Idée d’arbre, dans le ciel des Idées, qui permet de dire « ceci prendre que les hommes pendant des siècles ne pou- est un arbre » : comme une définition dans un dictionnaire vaient expliquer certaines choses : pourquoi il y a un monde qui doit être assez générale pour regrouper tout ce qu’elle plutôt que rien, pourquoi l’homme est sur la Terre, encadre. « Je me marre ! dit Aristote : qu’est-ce que pourquoi les étoiles et les planètes tiennent dans ça veut dire que participer ? Comment cet arbre le ciel… On ne va pas se moquer de nos anque je vois participe à l’Idée d’arbre ? Platon cêtres : il fallait bien un Dieu pour expliquer emploie des mots n’importe comment : il joue tout ça, c’est à dire une explication magique. au philosophe et se dévoile en poète enivré ! » Aujourd’hui qui peut croire encore à cette Mais le pire n’est pas là : la cause des choses sehypothèse improbable ? rait donc en dehors des choses elles-mêmes ! On s’égare, revenons à la critique par Aristote Voilà un grand enjeu métaphysique : non, de la théorie des idées. Les philosophes sont pour Aristote cette cause formelle et matétoujours de mauvaise foi entre eux. Ils critiquent rielle ne peut être que dans ce monde même. On pourrait deviner une critique par avance de leurs prédécesseurs sans s’acquitter de ce qu’ils leur © TnK1PrdZ doivent. Aristote doit beaucoup à Platon, il s’en fiche et l’idée de Dieu ; chouette ! Mais non, Aristote nous balance dans sa Métaphysique toute une série de vannes à son foutra une cause motrice hors du monde et bonjour le monmaître. Donc le vieux soutenait qu’il ne pouvait y avoir des sieur Dieu des crétins…euh, pardon, des chrétiens à venir ! RÉGIS VLACHOS choses sur Terre, dans le monde sensible, que parce que il y avait des idées hors du champ du réel auxquelles ces choses
44 feuilleton littéraire
Deux peintres épisode 3 : Pourquoi ? résumé de l'épisode 2 Il y plus d’un siècle Herr Koch, obscur peintre paysagiste, vit seul à Cstwertsbourg, en Allemagne, avec sa fille Astrid, et tire ses revenus de la vente d’illustrations. Une visite à Windmüller, le propriétaire de la galerie d’art, va modifier son existence : celui-ci lui achète en effet des aquarelles pour une forte somme, le prenant pour un certain Fischer, la célébrité locale. Surpris, Koch ne dément pas la méprise du vieux marchand. Mais, lors d’une seconde visite, voyant ses toiles (invendues) mêlées à celles de Fischer, il avoue tout à Windmüller et à sa nièce Eva…
Ed ua rdo
Bert i©
e qu blo ono M / Dorothée Billard
L’auteur Eduardo Berti, né en Argentine, habite en France depuis vingt ans. Membre de l’Oulipo, il a publié des nouvelles, des petites proses et des romans, dont L’Ombre du Boxeur et Le Pays imaginé. Après Une présence idéale (Flammarion, 2017), son premier roman écrit en français, il publie en 2019 Un padre extranjero (Un père étranger).
en co-production avec La Marelle
L
e vieux marchand et sa nièce avaient réagi d’abord avec incrédulité. Ensuite, après avoir vu la fermeté et les documents d’identité de Koch, avec un mélange d’étonnement et de philosophie. Quant à Koch, qui continuait à examiner les tableaux de Fischer, il avait du mal à en croire ses yeux : les deux paysages de l’autre peintre étaient, en fait, presque identiques à deux paysages qu’il avait peints avant de déménager à Cstwertsbourg. Il aurait pu, lui-même, les confondre avec les siens. Herr Koch désirait rencontrer cet autre artiste, en savoir au moins un peu sur lui, mais il ressentait une sorte de frayeur en voyant l’immense et révérenciel respect de Windmüller lorsqu’il parlait de ce « maître Fischer » qui était, sans conteste, la grande vedette parmi ses protégés. Il y avait neuf tableaux dans la boîte en carton qui portait le nom de Fischer en lettres majuscules. Deux d’entre eux appartenaient vraiment à Fischer, sept non. Cela voulait dire que Koch avait vendu un seul des huit paysages laissés à l’occasion de sa première visite à la galerie. Confirmé : ce n’était pas son œuvre qui se vendait comme des petits pains, non. Lui, le pauvre Koch, avait reçu une somme d’argent qui ne lui était pas destinée, l’avait déjà dépensée et maintenant il se réveillait de son petit mirage de bonheur. La grosse voix du vieux Windmüller avait retenti dans la salle : –Herr Koch, je vous présente toutes mes excuses pour cette affreuse confusion. Nous allons régler cela.
Nous allons faire la différence entre les tableaux de Herr Fischer et les vôtres, croyez-moi… Bien que la différence ne soit pas une question simple entre vous deux, n’est-ce pas ? Quant à l’argent qu’on vous a versé, considérez-le comme une sorte d’à-valoir. D’accord ? Il aurait fallu remercier le marchand pour sa bienveillance. Pourtant, Koch n’avait fait que marmotter : –Mais… pourquoi ? La question était sortie tout simplement de sa bouche, malgré lui. –Pourquoi ? avait répété Windmüller. –Oui, je veux dire : si vous croyez, comme moi, qu’on est semblables ou quasiment identiques, pourquoi vend-il si bien et moi si mal ? Windmüller avait secoué la tête, comme s’il y avait trop à dire. Puis, il avait éclaté : –Ah, mon ami. Ces choses-là, nous ne les saurons jamais. C’est le beau mystère de l’art. Pourtant, j’ose dire que tout est dans les détails, que le secret se cache dans des choses insignifiantes, presque invisibles. Herr Koch ne voyait rien de beau dans l’impact qu’avait eu sur lui tout ce mystère. Au fond, bien entendu, il était d’accord avec Windmüller sur l’importance des vétilles et des petits riens dans l’art. Or, étant donné qu’il travaillait comme un fou les moindres détails de ses peintures, c’était très démoralisant de conclure que le public n’appréciait pas du tout ces efforts. Qu’il manquait quelque chose dans ces paysages. Les jours, les semaines passaient et les toiles que Herr Koch avait laissées chez le marchand ne se vendaient
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point. Il avait séduit une seule personne (une femme de la ville voisine de Leisenbourg) avec un tableau qu’elle avait pris pour un Fischer. Il ne séduisait plus personne maintenant que ses paysages étaient en vente sous la « marque Koch ». Windmüller n’avait pas raconté à Koch que cette femme de Leisenbourg, l’épouse d’un industriel très influent, avait fini par apprendre la vérité. C’était luimême, Windmüller, qui par le biais de sa toujours aimable nièce Eva avait alerté la femme à propos de cette « petite équivoque involontaire ». Le marchand ne voulait pas, en aucun cas, énerver ni décevoir une cliente si riche et d’une telle importance dans son cercle d’acheteurs. Windmüller n’avait pas raconté non plus à Koch que cette dame avait voulu rendre immédiatement le tableau (le paysage même qu’elle avait trouvé, quelques semaines plus tôt, si « adorable et sublime ») dégoutée de ne pas posséder chez elle un vrai Fischer et indignée d’avoir payé si cher pour un « simple imitateur ». L’incident s’était reglé : le vieux marchand avait rendu au couple la moitié de l’argent qu’ils avaient versé et Windmüller leur avait promis un nouveau Fischer dès que le vrai peintre finirait sa prochaine série de paysages. Hélas, la production de Herr Ficher était lente, trop lente pour la demande du marché. Et cette lenteur, en plus, semblait s’être aggravée depuis deux ans, depuis que Fischer s’était réinstallé dans la ville de Cstwertsbourg avec sa femme Hannah. Car même sur ce point Herr Koch et Herr Fischer faisaient un seul homme : Fischer aussi était né à Cstwertsbourg ; Fischer aussi avait quitté sa ville natale, sauf qu’il était vraiment plus jeune quand il l’avait fait ; Fischer aussi avait décidé d’y revenir, sauf qu’il n’avait pas subi de tragédie familiale. Bien évidemment, l’acclamé et un peu capricieux maître Fischer ignorait toutes ces coïncidences. Il ne soupçonnait nullement l’existence d’une espèce de double. Et ni Windmüller ni Eva n’osaient faire devant lui (les rares fois qu’ils le voyaient) la moindre allusion à Herr Koch : si d’habitude maître Fischer ne supportait pas qu’on parle d’autres peintres en sa présence, il aurait bien explosé de rage à cause de cet « imitateur ». Exploser de rage était quelque chose d’assez fréquent chez Fischer, qui avait pourtant la réputation d’un homme sympathique
et d’un artiste rigoureux muni d’une énorme exigence, à tel point qu’on racontait qu’il gardait, insatisfait, des tableaux inachevés chez lui. Pour couronner le tout, Windmüller avait dernièrement remarqué que Fischer n’allait pas bien. Le vieux marchand n’avait pas besoin de ses yeux pour savoir que Fischer était de plus en plus irascible ; il était allé jusqu’à dire à sa nièce que maître Fischer sentait plus que jamais l’alcool. Par chance pour eux, Fischer visitait très rarement la galerie et vivait dans un quartier bien éloigné du centre-ville. Signalons, car il s’agit d’un fait important, que Herr Fischer et Herr Koch habitaient chacun à une extrémité opposée de la ville. On aurait dit qu’il n’y avait pas deux maisons plus éloignées entre elles à Cstwertsbourg. Dans ce contexte, les deux peintres avaient peu de chances de se croiser dans la rue ou dans quelque lieu public, d’autant plus que ni l’un ni l’autre n’aimaient trop sortir de chez lui ou s’éloigner de ses quartiers. Notre Herr Koch avait le petit rituel d’aller chercher sa petite Astrid à la sortie de l’école. C’était son rare moment de détente et d’activité physique. Il ne prenait pas forcément le chemin le plus court, afin de se dégourdir les jambes et de faire de nouvelles découvertes. Dans une poche, il avait d’habitude un calepin et un crayon noir. Il aimait le silence du chemin à l’aller et la bruyante complicité de sa fille au moment du retour. Un lundi, à peine avait-il fait une vingtaine de pas en direction de l’école, qu’il avait été attiré par une femme qui marchait dans le sens contraire sur le trottoir d’en face. La femme était non seulement belle (très belle de loin, en tout cas), mais en plus, chose indéniable, elle avait commencé à ralentir la marche tout en lui jetant des regards insistants. Koch, qu’on ne peut pas qualifier de grand physionomiste (ce n’est pas pour rien qu’il peignait des paysages), était sur le point de faire un geste vague, impersonnel, pour ne pas passer pour impoli, quand la dame avait poussé un grand cri : –Mon cher Fischer, ici ! Quelle surprise !
La suite du feuilleton dans le prochain numéro...
46 paysages
Un Rocher au cœur de l’Arbois Le long du Sentier du Badaïre, un intrigant cocon tout de mélèze vêtu accueille désormais le promeneur. Il est l’une des premières Hospitalités imaginée sur le GR 2013, pour servir de refuge d’observation et d’abri temporaire.
© Marielle Hagboton
C
’est au cœur du Parc départemental de la Tour d’Arbois, à un jet de pierre de l’actuel tracé du GR 2013 - cette fameuse boucle métropolitaine longue de 365km, traversant 38 communes du département - que nous mènent aujourd’hui nos pas. Après une trentaine de minutes de marche, le long du large chemin caillouteux du Sentier du Badaïre, se profile à l’horizon un étrange objet campé sur de courtes pattes, tutoyant le vide. De loin, il est beau, minimaliste et élégant, tapi dans l’herbe, à mi-chemin entre un nid sibyllin et un animal recroquevillé dans sa carapace. Sa forme géodésique s’inspire de celle d’un
pylône électrique replié, tel un origami arborant une vingtaine de facettes. En se rapprochant, on peut caresser sa façade lisse, à base de mélèze brûlé, brossé et huilé, puis pénétrer dans son antre comme dans un cocon, à l’odeur rassurante de chalet de montagne. Conçu par le Bureau des Guides, structure en charge d’animer et d’aménager le GR 2013, ce Rocher se présente comme la première des Hospitalités que le sentier accueillera dans les prochaines années. Deux collectifs ont joint leur expertise et leur savoir-faire pour mener à bien cette construction, propriété du Département : les artistes marcheurs cueilleurs de SAFI,
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© JB
et le groupe d’architectes constructeurs ETC. Au cœur du Rocher, plusieurs fenêtres permettent de mirer le paysage en des points stratégiques : à fleur de sol, on observe les herbes aromatiques danser avec le vent ; à hauteur d’homme, les paysages vallonnés, garrigue et chênes kermès, ou encore le Canal de Marseille et son tunnel en contrebas ; en levant les yeux, on regarde s’écouler le passage des nuages. Lors d’une pause sur le banc extérieur, on contemple la Sainte-Victoire à l’horizon, dans un silence scandé par le passage régulier des trains qui rallient la toute proche gare TGV d’Aix-en-Provence. Observer les empreintes naturelles et humaines qui ont façonné le paysage au fil des siècles, dans les nombreuses zones périurbaines qui composent le territoire des Bouches-du-Rhône, c’est bien la préoccupation du GR2013. Dans la tradition locale du cabanon, ces Hospitalités, vouées à être toutes différentes, viendront jalonner le tracé du GR dans les 6 parcs départementaux qu’il traverse. Chaque halte permettra aussi au promeneur de prendre des photos pour nourrir la base de données de l’Observatoire Photographique du Paysage, qui opère depuis 2013 une « veille paysagère » participative (opp-gr2013.com). JULIE BORDENAVE
© Gonzague Lacombe
Infos pratiques : En bus : depuis la station Europôle de l’Arbois, rejoindre le GR2013 en direction du Sud Ouest. Arrivée à la RD65d, prendre à droite vers l’entrée du Parc départemental, puis suivre le Sentier du Badaïre. En voiture : arrivée par la RD9 ou la RD 65d. Se garer au parking du Parc, puis suivre le Sentier du Badaïre. Boucle du Sentier du Badaïre : 9 km, 2h45, 118m de dénivelé. À lire : Topoguide du GR 2013, Editions Wild Project et FFRandonné
EL PUEBLO UNIDO
JAMÁS SERÁ
VENCIDO Mauro Paccagnella
Mélissa Von Vépy
Alessandro Bernardeschi
M1
ET SI VOUS Y CROYEZ ASSEZ,
PEUT-ÊTRE IL Y AURA
UN PONEY
SOPRO Tiago Rodrigues
LE BAL Christian Ubl
Paul Pascot
L’AMÉRIQUE
EN
ROUGE
Gustavo Giacosa
CHEMIN
WEWOOD les Chasseurs Cueilleurs
Amit Drori
MONKEYS
Alessandro Serra
MACBETTU
TIMON
D’ATHÈNES
Christian Mazzuchini
de Roovers
GENS D’ICI, RÊVES
HISTOIRE D’UNE MOUETTE
D’AILLEURS
ET DU CHAT QUI LUI
MONSIEUR Thomas Garcia
APPRIT À VOLER
MOUCHE
Charlotte Tessier
DU THÉÂTRE DU CIRQUE
DE LA DANSE AU BOIS DE
L’AUNE
CALAMITY
SULKI ET SULKU ONT DES
CABARET
CONVERSATIONS
INTELLIGENTES
Camille Boitel
Jean-Michel Ribes
HÉLAS
Nicole Genovese
Nathalie Béasse
TRAÎTRE
SAM !
LE BRUIT
QUI TOMBENT
Virginie Le Flaouter
APPUIE-TOI Vincent Maillot
Jonathan Capdevielle
SUR MOI
H&G
Christian Ubl
LA PROGRAMMATION EST EN
ENTRÉE LIBRE
Emmanuel Meirieu
SAGA
DES ARBRES
1-1104212 2-1104215 3-1104216 I Sharon Tulloch Design
MON
HAPPY BIRTHDAY
Alexis Moati
2018-2019
Raphaëlle Bouvier Maxime Potard
NOIR
JE SUIS
LA BÊTE
Julie Delille
Théâtre du Bois de l’Aune boisdelaune.fr I Réservations 04 88 71 74 80 Jas de Bouffan 1 bis, place Victor Schoelcher 13090 Aix-en-Provence