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du 18/12/09 au 22/01/09 | un gratuit qui se lit

La Culture en cadeau



Politique culturelle Orchestre Philharmonique du Pays d’Aix Rencontres artistiques du Var

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Théâtre Le Gymnase, la Minoterie La Criée, le Massalia Le Merlan, le Lenche, Miramas, Port-de-Bouc Entretien avec Charles-Éric Petit, Gyptis, Bernardines Daki Ling, Toursky, Montévidéo Arles, Rousset, Aix, Martigues Aubagne, Aix, Berre L’Étang Martigues, Grasse Châteauvallon, Draguignan, Gap Ouest Provence, Port-de-Bouc, Cavaillon Avignon, Arles, Nîmes

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Danse Groupe Dunes, Dansem Ballet d’Europe, 3bisf, Toursky Martigues, Châteauvallon, BNM Pavillon Noir (Aix), Château-Arnoux, Gap Ouest Provence

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Arts de la rue Gap Arles, Sirènes et midi net

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Musique Opéra Concerts Nîmes, Agenda Disques

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Arts visuels Toulon, Istres Entretiens avec Michel Butor et Danièle Ubeda Athanor, Buy-Sellf Art Club Dukan et Hourdequin, Art-Cade, Complex, VIP Art Galerie La Valette, Musée des Tapisseries (Aix) Seconde Nature (Aix)

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Cinéma Turin, Fotokino, Lech Kowalski Festival Tous Courts Hommage à Jacques Rozier, Institut de l’Image, Polygone étoilé

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Livres Rencontres littéraires Agenda Livres : jeunesse, arts, littérature, essais

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Philosophie Echange et diffusion des savoirs

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Histoire et Patrimoine Musée départemental de l’Arles Antique La Pensée de Midi

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Sciences et techniques Forum PACA Sciences et citoyenneté, agenda

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Éducation Orchestre Français des Jeunes, Averroès Junior Alternative positive, Picasso Métamorphoses Prix lycéen du livre PACA Laterna Magica Les Zibulons

Rubrique des adhérents

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Offrez des livres Vivons-nous encore en démocratie ? Le parlement vient d’adopter une loi transformant télévision et radio publiques en bras armés de l’État. Le gouvernement a désormais la main mise sur leur financement -en l’absence de recettes publicitaires- et sur leur direction -qu’il nomme et révoque. Les journalistes, dans ces conditions, pourront-ils continuer à faire leur travail ? Il y a peu de chances… La pièce de Thierry Bédard et JeanLuc Raharimanana, Madagascar 47, revient sur la répression de l’armée coloniale française : elle a été brutalement retirée du catalogue du Ministère des Affaires Étrangères, qui prévoyait pourtant une tournée dans l’Océan Indien. La censure s’exerce, indirecte, insidieuse, par le retrait des financements publics lorsque le discours dérange… Qu’en sera-t-il à la télévision ? Les lycéens mènent depuis plus de trois semaines un mouvement de grève exemplaire, contre la réforme des lycées, la grande braderie de l’Éducation publique. Les médias de masse n’en parlent que lorsque certains débordent, cassent, usent de la force. Et ne disent rien des trois enfants arrêtés à Grenoble dans leur salle de classe, pour une reconduite à la frontière qui n’assume pas son nom d’expulsion. Comment sera-t-elle nommée quand la télévision publique sera devenue télévision d’État ? Il n’y a pas de démocratie sans liberté réelle de la presse, de la culture, de l’éducation, pas de démocratie si le gouvernement élu impose sans concertation ses vues, ses choix et ses hommes. Il nous faut désormais contrecarrer la propagande. En publiant, en parlant, en résistant. En fermant la lucarne insidieuse et les médias dominants, pour nous tourner vers ceux qui ne sont soumis ni aux grands groupes, ni au pouvoir. Et en changeant nos habitudes de consommation qui appauvrissent les rares lieux où la pensée encore palpite. Alors achetez la presse indépendante, offrez des livres, des disques, des instruments pour que chacun sache que la musique se fait. Des places de théâtre, d’opéra et de cinéma pour que vos enfants découvrent qu’il y a d’autres spectacles. Ils feront peut être la moue, préférant le dernier iPod, la dernière console, le téléphone aux photos qui glissent comme dans Minority report. Mais si nous voulons qu’ils ne vivent pas ce cauchemar sécuritaire, ne renonçons pas à leur faire connaître nos joies. AGNÈS FRESCHEL


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POLITIQUE CULTURELLE

COMMUNAUTÉ DU PAYS D’AIX

Partager le plaisir Une communauté d’agglomérations qui investit dans un orchestre symphonique, voilà une démarche qui surprend ! Surtout quand elle s’attache à diffuser la musique dans de petites communes, de concerts… gratuits ! Jean Bonfillon, maire de Fuveau et Vice-Président de la communauté du Pays d’Aix (CPA), délégué à la Culture, explique sa démarche avec une grande clarté… Zibeline : Comment est né cet orchestre ? Jean Bonfillon : D’une volonté d’irriguer le territoire aixois en termes de musique classique. Et cela autour de deux périodes : celle des festivités de fin d’année avec un répertoire viennois, dans la tradition du concert de Noël, et une autre tournée en juin, avec une musique plus élaborée. Dans un premier temps l’orchestre a tourné dans 5 communes du Pays, puis dans 10, et l’an dernier déjà dans 23… transformant les vœux des maires en grands rassemblements festifs ! Ainsi, à Fuveau, nous avons accueillis 1000 personnes, certains

venant de loin d’ailleurs, certains peu habitués à entendre de la musique symphonique en direct… Quels sont les changements cette année ? Il s’agit d’un développement dans la continuité : l’orchestre symphonique s’épaissit, devient «philharmonique», sera géré directement par la CPA et se dote d’un nouveau chef. Le répertoire aussi évolue : autour de Strauss, Jacques Chalmeau a prévu des incursions chez Mendelsson et Beethoven. Cela sera plus notable encore cet été, avec Dvorak par exemple. Mais l’orchestre sera toujours destiné à constituer la première marche d’un accès à la musique classique, avec un répertoire plutôt facile d’accès. La volonté de démocratisation de la culture passe rarement par la mise en place d’un orchestre philharmonique. Pourquoi ce choix particulier ? La CPA a une politique culturelle très active, en matière de soutien aux compagnies théâtrales et de danse, d’arts de la rue ; pour les musiques actuelles aussi, et une politique d’expositions bien sûr. Mais je sais trop ce que la musique a pu m’apporter, et m’apporte encore, pour en priver mes concitoyens, en particulier ceux qui ne feraient pas la démarche d’aller vers elle. Il faut faire partager ce plaisir, ce bonheur. Nous faisons par ailleurs un

travail de fond pendant le festival d’Art Lyrique, et réfléchissons à l’enseignement musical, à sa nouvelle organisation. Mais cette mission de démocratisation et d’irrigation du territoire nous semble essentielle. L’orchestre est-il entièrement financé par la CPA ? Pour les deux opérations dont il est question, oui. C’est un orchestre formé de professionnels, que nous mandatons pour ces deux séries d’événements, mais qui a bien sûr toute liberté de se produire ailleurs, avec d’autres… PROPOS RECUEILLIS PAR AGNÈS FRESCHEL

© X-D.R

Relever le niveau artistique Le nouveau chef de l’Orchestre Philharmonique du Pays d’Aix dévoile son ambition à la tête de la formation locale Zibeline : Jacques Chalmeau, on vous connaît peu dans la région… D’où venez-vous ? Jacques Chalmeau : Je viens à Marseille depuis longtemps pour des raisons personnelles et j’ai dirigé Carmen au Festival de Lacoste l’an dernier... On va dire que je suis parisien, même si je suis né en Normandie. C’est là que j’ai fait mes études musicales. J’ai ensuite voyagé au gré de mes obligations professionnelles dans de nombreux pays, surtout en Italie et en Russie, comme pianiste et chef d’orchestre. Par exemple, du fait que j’ai suivi l’enseignement d’un professeur de piano russe, j’ai été amené à diriger au Conservatoire Tchaïkovski, puis à fonder l’Orchestre Philharmonique de Moscou avec lequel j’ai beaucoup joué. Mais c’est difficile aujourd’hui là-bas ! J’ai ensuite fait partie de l’équipe de direction de l’Opéra de Lyon pendant cinq ans et décidé dernièrement de retrouver mon indépendance… Et comme la région marseillaise possède un formidable potentiel culturel… … on vous a nommé à la tête de l’Orchestre Philharmonique du Pays d’Aix ! Oui ! On m’a sollicité pour faire évoluer cet

orchestre qui pendant cinq ans a joué essentiellement des programmes «légers». Mon ambition première est de fédérer les musiciens autour d’œuvres symphoniques majeures pour atteindre un meilleur niveau artistique, plus professionnel. Et constituer à l’avenir un répertoire stable. Comment avez-vous choisi votre programme ? Il faut toujours envisager trois paramètres ! Un bon programme doit satisfaire d’abord les musiciens, avec lesquels il est nécessaire de créer de vrais rapports humains, ensuite le public qui vient passer un bon moment, enfin il faut que ça entre dans «l’histoire» du chef. La 7e symphonie de Beethoven, je l’ai souvent dirigée ! Et il y a aussi, pour cette tournée, des pièces festives de Mendelssohn et

Brahms, des bis enlevés… C’est un programme qui fait plaisir et qui semble trouver, depuis les premières répétitions, l’adhésion des musiciens. On vous retrouvera plus tard dans l’année ? Oui, avec une tournée estivale autour de la Symphonie du «Nouveau monde» de Dvorak ou au festival de Musique Sacrée à Saint–Michel pour le Stabat mater de Pergolèse et l’un des derniers grands oratorios de Haendel : Solomon. ENTRETIEN RÉALISÉ PAR JACQUES FRESCHEL

Philharmonique à domicile ! Si vous avez la chance de crécher à Venelles, Fuveau, Saint-Cannat, Cabriès, Rognes, Peynier, Le Puy Sainte-Réparade, Pertuis, Simiane-Collongue, Peyrolles, Meyreuil ou Châteauneuf-le-Rouge… pas besoin de mettre les pneus-neige pour entendre l’Orchestre Philharmonique du Pays d’Aix. Jacques Chalmeau vous joue Beethoven à domicile, et c’est gratuit ! Et quand le programme annonce sa 7e symphonie (ah, ce fameux mouvement lent au rythme dactylique !) à côté de pages de Mendelssohn

extraites du Songe d’une Nuit d’été, de la Symphonie italienne ou de joviales Danses hongroises de Brahms… on n’hésite plus ! Un «tour» qui s’achève en point d’orgue, à Aix, au Grand Théâtre de Provence! PAYS D’AIX. Tournée du 9 janv. au 1er fév. 04 42 21 69 69 Programme consultable sur www.aixenmusique.fr


RENCONTRES ARTISTIQUES DU VAR

POLITIQUE CULTURELLE

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L’art marionnettique en débat Les nouvelles écritures du théâtre de marionnettes et d’objets faisaient débat aux Rencontres artistiques du Var qui, avec pertinence, joignaient la parole aux gestes À l’occasion des Rencontres artistiques du Var à Toulon (voir Zib 13), le Théâtre Massalia de Marseille et le Pôle Jeune Public du Revest-les-Eaux invitaient publics et professionnels à réfléchir sur les nouvelles écritures du théâtre de marionnettes et d’objets. Un questionnement que le Théâtre de Cuisine aborda concrètement à travers une petite forme spectaculaire, Christian Carrignon posant avec justesse et humour toute la complexité du savoir faire de l’artiste-metteur en scène et comédien -et toutes les potentialités de ce langage inventif. De fait, cette introduction donna corps et âme aux débats mieux qu’un flux de paroles… Même démonstration efficace de Jacques Templeraud, fondateur du Théâtre Manarf, qui préféra parler de cours pratique plutôt que de conférencespectacle à propos de son intervention Le mouvement communicatif. Seul face au tableau noir, les poches bourrées d’élastiques et de bouts de papier, il donna une formidable leçon de théâtre avec un minimum d’effets. Quant aux interventions plus théoriques, celle de Stéphanie Lefort, auteur de Marionnettes : le corps à l’ou-

vrage, permit de retracer à grandes enjambées la riche histoire de la marionnette, depuis son enfance (qui a à voir avec le sacré) jusqu’à la plénitude de l’âge adulte (où les techniques n’ont rien d’étanche), en passant par son adolescence rebelle (qui fait table rase de la suprématie du texte). Sans oublier d’esquisser une définition et d’éclairer ses origines en faisant référence aux notions d’outil, de technique, de transformation de la matière d’une part, et aux figures de Dédale et de Narcisse d’autre part. Avec un allant communicatif, Stéphanie Lefort réussit la gageure d’évoquer 4000 ans d’une histoire foisonnante, «un véritable chaos» dit-elle, avant de conclure : «la marionnette est un objet imaginaire nécessaire à notre survie». En revanche, en l’absence de Chantal Guinebault-Szlamowicz, docteur en arts du spectacle, le silence qui suivit la lecture de sa communication sur le Signe théâtral, procédés rhétoriques, notion d’interprète-plasticien au théâtre d’objets montra toute la difficulté des intervenants à rebondir sur la symbolique des signes et l’amphibologie du

Marionnettes de la cie Pseudonymo © X-D.R

Sombsthay, Cyril Bourgois, David Girondin Moab et Philippe Foulquié. On évoqua Claude Lévi-Strauss et son ouvrage La Pensée sauvage dans lequel il fait référence au bricolage (le bris et le collage chers également à Roland Shön) et les surréalistes «pour dire que le théâtre d’objets est enfant de la société de consommation». On s’interrogea sur l’apport des outils numériques dans la représentation du monde (quid de la réalité et de la virtualité ?), sur l’écriture et le texte, «une autre matière, élastique, qui se forme, se déforme comme un objet à part entière»… Mais c’est en retrouvant la réalité de la représentation en compagnie du Théâtre de Cuisine, des 4 Vents et de Pseudonymo que les objets inanimés reprirent véritablement sens ! MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

théâtre d’objets plus particulièrement… La rencontre se focalisa alors sur les nouvelles technologies et les nouvelles écritures en présence de Roland Shön, Christian Carrignon, Catherine

Rencontres organisées par le Conseil général du Var du 24 novembre au 3 décembre



LE GYMNASE | LA MINOTERIE

THÉÂTRE

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Vos folies sont les miennes Rarement trois heures de théâtre se sont écoulées si rapidement. Pourtant le texte est grave, terrible, l’univers lourd et oppressant. Lars Nören nous plonge sans intermédiaire dans l’univers de la maladie mentale, au cœur d’un asile psychiatrique, dans les salles communes des patients : sans personnel soignant, sans extérieur, un huis clos qui pourrait être cauchemardesque… Il n’en est rien. D’abord parce que quelques chansons entonnées en chœur font office d’appels d’air bienvenus, drôles et sentimentaux. Ensuite parce que le texte est construit en ménageant une progression remarquable : les histoires de chacun circulent, se développent, faisant émerger du chœur des 14 personnages des révélations individuelles, moments paroxystiques qui se produisent généralement sans violence, mais pas sans douleur. La mise en scène de Jean-Louis Martinelli est d’une fluidité remarquable, et les comédiens circulent dans les espaces subtilement cloisonnés comme des danseurs dans un décor, ou des fourmis sur leur terrain de prospection. Mais l’intérêt de Kliniken est ailleurs : les comédiens, passionnants, font voir,

sentir, comprendre la profonde humanité de ces êtres relégués audelà des marges. Le poids social n’est jamais pour rien dans leur décompensation, ils vivent dans un monde anormal et ressemblent à ce que nous pourrions être, à quelques virgules d’existence près. Lorsqu’à la fin les deux plus atteints sombrent, ceux qui restent et semblent curables sortent Kliniken de la tragédie : l’espoir est là, dans leur chanson commune, dans leur manière de souffrir ensemble, serrés, de la mort des plus malheureux d’entre eux. AGNÈS FRESCHEL © Pascal Victor

Kliniken a été joué au Gymnase du 2 au 6 déc.

rapproche le metteur en scène et l’auteur. Le jour se lève, Léopold est le premier texte à multiples personnages de Valletti qui, jusqu’en 1988, se consacrait à des monologues dont lui seul semble posséder la recette (un savant équilibre de mensonges, de mots pour rien, de fantasmes et de confessions). Mais cette pièce à neuf personnages, aux répliques courtes, presque sans tirade, met justement en scène l’échec et les faux-semblants des relations humaines : l’un parle à

son chien imaginaire, l’épouse s’enfuit le lendemain des noces, les personnages ne savent se nommer, se parler, se comprendre. Et c’est d’un drôle ! Un texte majeur de Valletti, sans doute alors au sommet de son art.

les mots, lorsqu’ils sont forts et justes, suffisent à recréer le réel, et même à s’y noyer.

Chanot : il est fort possible que seuls les Marseillais s’y retrouvent, dans cette géographie. Mais jusque chez les chtis on en rigole…

Jésus de Marseille de Serge Valletti, Christian Mazzuchini et la chienne Pile Poil, qui mérite un Oscar pour sa fine interprétation… Jusqu’au 20 déc.

La Minoterie a ri

SYLVIA GOURION

À venir au Gymnase Le premier spectacle de l’année 2009 promet d’être passionnant. Quand Michel Didym met en scène Serge Valletti les répliques fusent… comme dans Poeub, créé en 2005, ou mieux encore dans le magnifique solo accompagné de Christiane Cohendy Et puis quand le jour s’est levé je me suis endormie. C’est encore une histoire d’aube (bien terne) qui

Le Jour se lève, Léopold Du 16 au 24 janvier 0820 000 422 www.lestheatres.net

Des larmes au rire La baignoire déborde À partir du roman de Marie Darrieussecq, Naissance des fantômes, la Compagnie LESGENSD’ENFACE a proposé à la Minoterie, du 27 au 29 nov, un monologue mis en scène par Cécile Quaranta, et en images de Stéphane Vuillet. Dans ce décor minimaliste, une femme déroule le flux de ses pensées ; son mari est parti. Elle le répète suffisamment pour qu’on le comprenne ! Cela pourrait donner lieu à une autopsie du couple. Mais on nous montre un être envahi par des fantasmes auxquels le mari faisait rempart. Sitôt parti, la folie en profite pour coloniser l’esprit de sa femme : éviscération, déchirement de l’intérieur, comme toujours chez Darrieussecq… La violence des paroles ne suffisant pas, on a recourt à un malheureux poulpe, malmené pour l’occasion. Pour appuyer encore le propos, de temps à autre, un film est projeté sur le mur ; images d’une séparation. Une mise en scène à la fois décalée et trop explicite:

En ce mois de décembre, il est bon de revoir les principales étapes de la vie du Christ… à la sauce kakou. C’est un drôle d’Evangile, où les pizzas sont miraculeuses, où le démon roule en moto, où une station service remplace l’étable. Un Xésus incrédule narre ses mésaventures dans une langue pagnolesque mâtinée par un passage dans les «quartiers nord». Quelques lourdeurs assumées ne parviennent pas à plomber la verve et la bonne humeur de l’ensemble ; Xésus se démène comme un beau diable pour nous faire rire et il y parvient. C’est un morceau de bravoure que les Béatitudes revues et corrigées par un pizzaïolo. Son monologue loufoque entraîne les spectateurs dans des pérégrinations qui le mènent de l’Estaque aux Goudes en passant par les marécages du Parc

Naissance des fantômes © Sandra Ecochard

À venir à la Minoterie À nos morts, une pièce très belle et très forte de la Cie Mémoires vives, créée dans une grande émotion lors de Zone Danse Hip Hop à Miramas et à Istres (voir page 24). Pour tous ceux qui aiment la danse, le théâtre et l’histoire, les 9 et 10 janv. Une Carte blanche à la Cie Itinerrances de Christine Fricker, pour que la danse rencontre la musique et joue avec les mots, à travers 10 interprètes musiciens, danseurs et comédiens. Du 22 au 24 janv La Minoterie 04 91 90 07 94 www.minoterie.org


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THÉÂTRE

LA CRIÉE | LE MASSALIA

D’une atteinte imprévue Au Gymnase la Criée vagabonde a programmé la plus belle perle irrégulière de notre littérature théâtrale…

3 femmes

Le Cid © Bellamy

Corneille se définissait comme un «poète dramatique», mettant l’accent sur l’importance des mots dans son théâtre, où l’action importe moins que le lyrisme… Toute l’intelligence de la mise en scène d’Alain Ollivier tient dans cette importance accordée à la force du verbe. On se suspend aux lèvres des acteurs qui restituent les antithèses, la frénésie baroque, les finales féminines, les anaphores enflées, la musique et les excès d’une langue décidément superbe… et on se souvient, étonné, que chaque vers,

chaque tirade, chaque stichomythie du Cid se déguste en retenant son souffle. Et en découvrant l’humour aussi qui pointe dans les répliques des Suivantes, agacées par les obsessions vindicatives de leurs Maîtresses… La réussite de l’entreprise tient à un parti pris délicat, volontairement antinaturel : les vers sont chantés (sans emphase), certaines caractéristiques phonétiques de la langue du XVIIe sont restituées, et les ports de bras, les ports de têtes altières dessinent des signes dans l’air. Quant aux

personnages, ils sortent, comme des coucous, par trois portes de bois rappelant une horloge mécanique. Ils frôlent le ridicule, sans y sombrer, et en se relevant pour atteindre au sublime. Rodrigue est un ange blond, innocent puis martial, Chimène la douleur même, et les mains de l’Infante, graciles, fascinent. Un très beau moment de théâtre suspendu… (voir également l’avis des Zibulons, page 77) AGNÈS FRESCHEL

Sortez vos ados Après les réjouissances de Noël marquées par une version de Pierre et le Loup en figurines animées, avec grand orchestre (voir Zib 12), le Massalia consacre son mois de janvier à des spectacles visibles en famille, quand on a de grands enfants. L’Entreprise, Cie de François Cervantes, s’installe pour plusieurs spectacles jusqu’en

fin février, à la Seita. Et commence par la reprise d’Une île (du 13 au 31 janv), sa très belle création de la saison dernière, que toute l’équipe de Zibeline vous recommande avec chaleur (voir l’article sur notre site www.journalzibeline.fr). Dans le même temps l’Anima Théâtre proposera un spectacle de marionnetUne île © Christophe Raynaud de Lage

tes, avec écran et théâtre d’ombres : cela s’appelle Mister H, entendez le double de Mister J, celui qui le créa un jour, à Londres, en testant sur lui-même une formule désinhibitrice… (du 13 au 16 janv). Pour les plus grands encore, les presque adultes, un spectacle de la Cie Du Zieu dans les bleus : Ursule (du 20 au 31 janv) est la deuxième partie de la trilogie des Suppliantes, que la Cie consacre aux grandes figures tragiques féminines. Il s’agit cette fois d’une pièce inédite d’Howard Barker qui met en scène des jeunes religieuses, vierges, confrontées au désir d’un prince, et à leur propre relation à la chair. Un texte traversé d’absolues puretés, d’absolues violences, et d’impossibles renoncements. Comme l’adolescence? A.F.

Théâtre Massalia 04 95 04 95 70 http://massalia.lafriche.org

Le hall de la Criée a accueilli du 4 au 6 déc un Cabaret portugais en deux parties : si le fado qui concluait était un peu trop classique et sage, la lecture proposée par Ninon Brétécher, par la voix posée d’Emmanuelle Rozes, a permis d’entendre une très belle œuvre poétique : celle de Sophia de Melio Breyner, députée portugaise après la Révolution des oeillets… On entendit tour à tour l’amour de la terre, des couleurs et de la mer, la grande sensualité des vers, et le surgissement soudain de la douleur comme une révélation dans l’engourdissement des jours… L’envie de lire son œuvre, après ça, passait dans le public comme un souffle ému

À venir à la Criée Un autre cabaret, toujours littéraire et musical : Violaine et Hélène Schwartz lisent et chantent, s’accompagnant au piano, des lettres anciennes et récentes, des échanges épistolaires. Bien à vous, du 9 au 11 janvier, hall de la Criée On retrouve la pianiste et la comédienne au Merlan, qui de vagabond devient lieu d’ancrage pour la Criée. Ce spectacle est porté par la metteur en scène qui avait, il y a deux ans, proposé un fascinant Thomas Bernhardt, L’Ignorant et le Fou. Célie Pauthe met en scène cette fois une pièce de Bergman, S’agite et se pavane, qui ressemble par bien des traits au texte de Bernhardt : il y est question de folie et de fantômes, mais aussi de création artistique, de représentations, de voix cachées et d’histrions… S’agite et se pavane, du 16 au 24 janvier, Le Merlan La Criée 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com


LENCHE | MERLAN | MIRAMAS | PORT-DE-BOUC

THÉÂTRE

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Sous la peau Le Merlan a choisi de rapprocher l’art de la science autour du thème de la transparence du corps. Tomodensitométrie, cubitus, organe, corps, malaise, anatomie, geste, coronaire, scanner, éthique, image, squelette, verrou, humain, magnétique, thorax, saignée... Le corps attire, le corps intrigue. Et ce n’est donc pas un hasard si cette thématique est développée au moment où le Parc Chanot reçoit l’exposition Our Body (voir pages 71 et 77). La question de l’intérieur du corps est, semble t-il, au centre de nos préoccupations. Il est vrai qu’il n’y a pas si longtemps, il était impossible de voir l’intérieur d’un corps vivant. Aujourd’hui, avec les nouvelles technologiques, le corps est scruté, exploré jusqu’au fond des entrailles. Mais cette exploration n’est plus l’apanage du «corps» médical, elle suscite l’intérêt des artistes, des historiens, des anthropologues, des philosophes et pose des questions d’éthique et d’esthétique. Comment perçoit-on le corps aujourd’hui ? Comment l’imagerie médicale façonne notre représentation du corps ? Comment peut s’opérer la captation artistique d’une image médicale? Le Merlan a proposé un certain nombre de cartes blanches afin chacun expose ses réflexions sur ce thème.

Beaucoup d’exposés, d’hypothèses, d’expérimentations passionnantes et de grande qualité : au cinéma et en partenariat avec le FIDMARSEILLE, des courts et des longs métrages ont été projetés comme ce film remarquable de François Deligny : Le moindre geste où l’introspection se traduit par l’observation détaillée du comportement d’un jeune homme de 16 ans qualifié d’irrécupérable pour la société.

Spectacles ? Pour Marion Baë et sa partenaire, il est possible de reprendre contact avec son squelette par le contact avec l’autre et l’espace environnant. Devant un public amusé et conquis, elle entame une conférence dansée, le Petit traité d’artnatomie, où chaque os en jeu est nommé, touché, senti. Deux autres soirées spectacles étaient prévues, qui se sont transformées en spectacle-conférence. Pour Cervantès et la cie l’entreprise le corps théâtral interroge sa capacité à devenir transparent au profit d’un personnage. Dans un jeu autour de la mort, de la maladie, de l’âge, les mécanismes de séduction sont démontés pour chacun de ses acteurs soit «seul ensemble». Erikm, invite à voyager au centre de l’humain parlaprojectiond’unfilm,uneinstallation

Je tremble © Elisabeth Carecchio

dans laquelle le spectateur déambule tout en regardant et écoutant des formes «radiographiques» d’un film fantastique sur l’exploration des organes d’un corps humains. La deuxième soirée a finalement été une succession de projections-conférences : un cinéaste parle d’une jeune femme affublée d’yeux avec des rayons X, et une conférence explique le travail d’un artiste, Xavier Lucchesi, qui scrute notamment au scanner les œuvres de grands maîtres afin d’y découvrir, peut-être, le secret de leur génie. En violation de l’œuvre ? Les propositions spectaculaires, dans l’ensemble peu abouties, se sont révélées moins intéressantes que les discours scientifiques, ou les films. Question de moyens mis en œuvre sans doute, mais peut être aussi que

les artistes auraient besoin de quitter Narcisse une fois pour toute ? CLARISSE GUICHARD

À venir au Merlan L’événement sans doute de cette fin d’année. Joël Pommerat a un talent fou, tous les théâtres se l’arrachent. Pour deux soirs seulement Je tremble 1 et 2 passent par Marseille, après la création du second volet au Festival d’Avignon. Le premier épisode avait déjà suscité une émotion folle l’an dernier, au Merlan, qui coproduit le spectacle (voir Zib 7). À découvrir absolument, si vous arrivez à vous trouver des places. Les 19 et 20 déc 04 91 11 19 20 www.merlan.org

Au fil des jours On est au théâtre, même si les décors et les costumes (superbes) semblent sortir d’une scène de cinéma. C’est là l’une des forces - mais pas la seule ! de la pièce de Jean-Claude Grumberg, L’Atelier, mise en scène et jouée par la cie Eclats de Scène. D’un grand réalisme, elle nous plonge dans cet après guerre immédiat, de 1945 à 1952, dans l’atelier de confection de Monsieur Léon où vont se croiser juifs et non juifs, les jeunes oublieux et les plus âgés qui tentent de vivre malgré tout, les «revenus de» et ceux qu’on attend. Mais point de pathos dans l’évocation saisissante de cette époque terrible ; les comédiens sont d’une justesse remarquable, évitent la caricature et jouent dans un bel ensemble les scènes collectives où tout se dit ou se suggère. Grâce à une scénographie inventive, on passe des années sombres et grises à un avenir plus coloré

sans y prendre garde, comme si la scène s’éclairait peu à peu de petites touches de lumières, de respirations moins pesantes. Les années passent, entrecoupées d’un air jazzy joué par les quatre musiciens du Quartet de Luxe, et l’on se dit que l’on aurait aimé

passer plus de temps encore avec ces belles personnes.

À venir au Lenche

D.M.

L’Atelier a été joué du 26 nov au 6 déc au théâtre de Lenche et le 9 déc au théâtre de la Colonne à Miramas © F. Pavanello

Le Théâtre de Cuisine prend ses quartiers au Panier, pour le plaisir de vos enfants Ce ventre-là est un très joli spectacle sur ce que fantasment les élèves lorsque leur maîtresse est enceinte… du 13 au 17 janv. Ka-O est un spectacle pour tout petits, de Katy deville, qui raconte comment, au début du monde, les formes ont organisé l’espace… du 20 au 24 janv. L’anthologie du théâtre d’objets propose un historique amusé des divers techniques de manipulation du 27 au 31 janv. Également au Sémaphore (Port-de-Bouc) le 23 janv. 04 42 06 39 09. Théâtre de Lenche 04 91 91 52 22


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THÉÂTRE

ENTRETIEN AVEC C.-E. PETIT | GYPTIS | BERNARDINES

Rupture générationnelle

Dallas © Philippe Malone

Matière mouvante qui s’est structurée au fil des rencontres avec le public, au cours de lectures, d’ateliers, au sortir de résidences de création, Notre Dallas se dévoile dans son intégralité au théâtre Gyptis du 20 au 24 janvier. Entretien avec Charles-Éric Petit, auteur et metteur en scène Zibeline : Qu’allons-nous découvrir en janvier au Gyptis ? Charles-Éric Petit : Les deux premiers actes resserrés, et un acte III réécrit, qui déplace le propos qui initialement caricaturait les personnages. L’acte III se terminait alors sur le modèle d’Agamemnon d’Eschyle : Sue Ellen revenait, pleine de vengeance, avec Clive Barnes et annonçait la perte et la fin de J.R. Pour des questions pratiques on remet tout en question ! Ce qui est présent dans l’acte II, à savoir la thématique de l’héritage, se renforce dans l’acte III. On tire un peu cette thématique de l’héritage, en ouvrant aussi au tragique et au lyrique. Et en faisant surtout se répondre, parce que c’est l’enjeu, Dallas d’hier et sa perception aujourd’hui. C’est un projet qui pourrait ne jamais s’arrêter ? Je pense qu’il risque de nous tenir encore un petit moment ! Ça dépend de l’accueil qui nous sera fait au Gyptis, et des partenaires financiers. Mais le projet est passionnant parce que le public a une expérience intime de la série. Dallas est pour nous un prétexte pour rencontrer les gens et leur donner la parole. Quel est le sentiment collectif de cette parole ? Il y a un tabou générationnel. Je suis parti d’une volonté de dialogue : je voulais me mettre en regard, moi qui ai 30 ans, face à cette série qui a 30 ans, et interroger les pères. Sans inquisition, sans vouloir culpabiliser cette génération. Mais le tabou est celuici : il porte l’échec politique. La rupture générationnelle est très compliquée, la possibilité de transmettre aussi. La phrase clé de la pièce pour moi c’est «Générer ou autocréer, voilà notre question». On est

une génération autocréée, qui a coupé à un moment donné avec son passé. Donc, forcément, la question de la transmission devient compliquée. Quel héritage transmettre à notre génération ? Et nous, de notre côté, comment nous mettre en rupture, et en rupture de quoi ? Ça passe donc par cette interrogation artistique ? C’est là que notre pari n’est pas toujours pris à sa juste valeur. C’est glissant parce que Dallas c’est hégémonique, ça a une résonance intime, sociologique, historique : chacun y vient avec ses fantasmes. La perche pour moi est dans cet endroit de dialogue, dans ce que ça raconte, et tant mieux si c’est du théâtre. Si ce projet dure 5 ans c’est aussi parce qu’il lui faut 5 ans pour trouver son véritable impact. Et il est déjà beaucoup plus clair ! Suite aux réactions ou suite à l’écriture collective ? Les deux. L’écriture collective signifie que les acteurs s’empare d’une proposition. Ce qui est génial en ce moment où je réécris tout, c’est que j’ai encore en tête la musique des acteurs, et je peux rentrer en dialogue avec eux par ce truchement-là. Avec le temps qui se passe et les choses qui se déposent. C’est en ce sens-là qu’elle est collective. Je fais avec eux, avec ce qu’ils sont, avec leurs propositions. Autant de représentations, donc, autant d’ajustements possibles et de questions qui se posent… En ce moment où tout est si rigide c’est ça qui est passionnant. Cet objet est endogonique, il est vivant, tout bêtement. C’est l’intérêt de faire un texte vivant.

Les plis du rêve Il sont presque tous là, Sacha, Nina, Olga, Smirnov et Platonov à porter doucement les offrandes : plateaux d’huîtres, champagne (Tchékhov trouva dans ses bulles sa dernière réplique et son ultime respiration), bouquets d’âme russe et de fleurs fraîches qu’on abandonne sur les chaises. Création collective de sept jeunes comédiens à partir de l’œuvre de Tchékhov et première mise en scène d’Aurélie Leroux, Tâtez-là si j’ai le cœur qui bat trouve une palpite douce et propice aux réminiscences sourde. Pas le rêve mais les plis du rêve, pas la citation mais l’hommage. Il faut s’y abandonner sans chercher les références, avoir confiance : chaque silence, chaque geste en contient un autre ou son contraire. Au début (mais on sait bien que tout a commencé depuis longtemps) un comédien aux yeux noirs souffle une bougie et la rallume dans le même mouvement ténu et vacillant. La scène est lieu de passages, de traversées; les portes s’ouvrent «bonjour» pour se refermer «bonsoir» ; la profondeur est suggérée par l’au-delà de la moustiquaire ou du voile de mariée, l’autre table en miroir dressée à l’identique, là où le bruit des cuillères sur les assiettes en faïence donne la cadence; rien de métaphysique: on y accède en ouvrant l’armoire ! La musique vient de loin, avec la langue russe parfois et tout cela fonctionne en un rituel un peu effacé, comme une partition qu’on aurait oubliée sous la neige... Les jeunes comédiens ont tous des talents subtils : Roxane Clayet-Merle rosit très bien des joues, Marion Duquenne sait friper son nez et retenir sa larme à la paupière... Un duvet blanc, témoin du passage d’un ange ou d’une mouette égarée s’obstine à voleter au gré des mots. Poursuivons le rêve ! MARIE-JO DHÔ

Tâtez-là si j’ai le cœur qui bat a été créé aux Bernardines du 4 au 13 déc

À venir aux Bernardines Encore une création ! Angela Konrad persiste dans son exploration shakespearienne et propose son Macbeth du 13 au 25 janv. Avec Frédéric Poinceau en usurpateur poursuivi par ses spectres, quelques sorcières, sa Lady, et sa faute. Théâtre des Bernardines 04 91 24 30 40 www.theatre-bernardines.org

PROPOS RECUEILLIS PAR DOMINIQUE MARÇON Tatez-la si j'ai le coeur qui bat © Renaud Perrin

Notre Dallas Mes Charles-Éric Petit du 20 au 24 jan Théâtre Gyptis 04 91 11 00 91 www.theatregyptis.com


DAKI LING | MONTÉVIDÉO | TOURSKY

Danse avec Mémère !

Sérénité du poisson rouge

Mémère a été joué au Daki Ling du 27 au 29 nov

À venir au Daki Ling Le Club des cinq (clown), les 9 et 10 jan à 20h Deux matchs d’improvisation du MITHE: le 12 janvier à 20h (Corinthiens/Mesopotamiens) et le 17 janvier à 20h (M.I.T.H.E./Bastia) Un Concert insolite et magique avec Guillaume Vallée, les 15 et 16 janvier à 20h Daki Ling 04 91 33 45 14 www.dakiling.com

Mémère © Latypique

CHRIS BOURGUE

À la porte de (chez) soi Prenez un géant du théâtre, un grand texte, un génial adaptateur, et vous obtenez un moment d’exception. Michel Aumont est ici seul sur scène. Professeur de philosophie bougon et passionné de Platon, il vient d’interrompre la rédaction d’un article sur Le Phédon et se retrouve, pour avoir raccompagné un étudiant, à la porte de son appartement. Situation banale, propre à la comédie, mais s’ensuit une marche dans Paris qui s’avère révélatrice des limites, explorant les frontières intimes, qui sont autant de portes auxquelles nous nous heurtons. tre à la porte ne recouvre par seulement la réalité physique de se retrouver «enfermé dehors». L’apparence, les mots, les habitudes, l’argent, la folie, tout est susceptible de nous mettre à la porte, hors du monde, la dernière exclusion étant la mort, leitmotiv lancinant et obsessionnel. La douleur, le malheur individuel ne renvoient qu’à nous-mêmes, nous excluent. Le discours du philosophe a beau être rigoureux, il ne peut endiguer cette course intime. «Plus on pense de façon objective, moins on existe» écrivait Kierkegaard. L’auteur du roman dont est adapté la pièce, Vincent Delecroix, en est le spécialiste, et il n’est

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Luxe n°1 © Agnès Mellon

C’est un bien joli spectacle que la cie Latypique nous a offert, qui ressemble à un voyage au pays des souvenirs des jours anciens et à la tendresse possible du présent, qui charme et qui émeut, en 35 minutes! Présenté au Festival de Marionnettes de Sisteron, le voilà à Marseille, au Daki Ling, lieu accueillant et atypique. Marine Dubois et Bernard Roure ont des formations qui se complètent, scénographie, voix et bruitages, marionnettes, et allient leurs compétences avec subtilité. Le spectacle se déroule dans une vieille caravane pliante qui s’ouvre et se monte avec le secours d’un spectateur réquisitionné au premier rang. On découvre Mémère et ses petites habitudes dans sa robe à grosses fleurs jaunes et orange, les mêmes que celles du papier peint. Et Mémère bouge, animée par Marine qui la porte sur son ventre et partage son bras : elle ne font qu’un seul corps et leurs déplacements sont une chorégraphie chaloupée. Mémère parle seule pour combler sa solitude : c’est Bernard qui parle, chantonne et fait tous les bruits, installé au fond de la caravane avec un micro. Mémère se prépare un gâteau pour fêter son anniversaire, s’adresse à son mari dans son cadre sur le mur, chantonne, se souvient d’un voyage en amoureux et écoute la mer dans un coquillage. C’est simple, c’est plein d’humour et de tendresse. Une 2e partie proposait un théâtre d’objets réjouissant. Des objets sur une table : petits robots mécaniques, canard et caniche en plastique, vieux tourne-disques... Le tout filmé en direct et projeté sur un écran en cadrage serré. Animations d’objets dérisoires sur fond de Vol du bourdon ou chanson de Bourvil, La tactique du gendarme ! Beaucoup de justesse et d’humour !

THÉÂTRE

guère innocent que son personnage écrive sur le Phédon : Socrate y meurt et nous interroge sur l’essence de l’âme… Texte superbe, intelligent, subtil, élégant, écrit, servi par un acteur époustouflant, que nous suivons dans tous ses délires, ses errances, ses emportements, ses remarques acides ou cocasses… avec bonheur ! MARYVONNE COLOMBANI

À venir au Toursky Le reprise de la Révolte des fous (voir Zib 8) le 19 déc étant complète, on peut vous conseiller des Chaussettes assez décevantes, où le talent hors norme de Galabru n’efface pas les lourdeurs du texte (du 8 au 10 janv). Quant à Voltaire’s Folies JeanFrançois Prévand l’a écrite avec des extraits de pièces, de contes de lettres et de pamphlets du philosophe… C’est dire si l’ironie doit y régner ! (les 16 et 17 janv). Théâtre Toursky 0820 300 033 www.toursky.org

C’est une PEF (petite entreprise familiale) qui bat de l’aile ; rien d’étonnant par les temps qui courent : maman assortit ses godemichés à la cravate de son mari car papa (c’est le même) ne peut pas... fiston crayonne et dérange... L’écran déverse son lot d’aphorismes couturiers : Yves St Laurent ou JeanPaul Gaultier disent des choses très mignonnes sur la beauté et l’amour ; le luxe, chez ces gens-là, consiste à vivre à petits pas sur un étroit praticable de défilé de mode sous le regard des spectateurs latéraux qui ne perdent pas un clignement d’oeil ni un rictus égaré. Cette proximité, voire interaction, avec le public qui ne peut risquer le moindre raclement de gorge sans être toisé par l’acteur en tension, est la Réussite n°1 de ce court premier volet (triptyque en vue) encore bien fragile dans sa réalisation. Le texte écrit et mis en scène par Geoffrey Coppini est faible, hélas, dans sa distillation des aléas du couple, malgré le malicieux recours à la précision lexicale des économistes ; heureusement les brèves citations des Liaisons Dangereuses de Laclos viennent à propos nous rappeler que nous sommes dans le simulacre et l’excès ; la gestuelle émotionnelle à la Greuze (postures figées de grandiloquence et travail des corps exposés à la lumière), les couleurs ravageuses des robes de la blonde et blanche Clémence Schreiber témoignent en effet d’une dépense théorique et sensible qui pourrait justifier le titre mais parvient faiblement à élever le sens ; «du luxe et de l’impuissance» donc, pour paraphraser Jean-Luc Lagarce. Et lorsque la main inexperte de l’enfant caresse le congre flapi déniché dans l’aquarium en un geste somptueusement odorant, tout le monde regarde le poisson rouge qui tourne en rond. MARIE-JO DHÔ

Luxe n° 1 / Investir écrit et mis en scène par Geoffrey Coppini a été donné à Montévidéo le 4 et 5 déc


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THÉÂTRE

ARLES | ROUSSET | MARTIGUES | AIX

Les mots du cœur

Réduction argentine Loin de dénaturer les accents tragiques de la pièce de Tchekhov, l’adaptation brillante d’Oncle Vania par le metteur en scène argentin Daniel Veronese l’enrichit d’un univers nouveau

© Dunn Meas

Jean Rochefort ne veut pas écrire ses mémoires, il veut les jouer. Égrener sur un plateau ses rencontres marquantes, avec les textes, les auteurs, les comédiens… Un autoportrait qui le fait se dévoiler un peu, en toute simplicité, avec humour et émotion, en mêlant les genres, et les époques. Passant, sans en avoir l’air, de Bobby Lapointe à Henry Miller, de Jacques Prévert à Primo Levi, de Charles Trenet à Fernandel ou Jean Yanne, textes joués, dits ou chantés, Jean Rochefort nous présente son théâtre personnel, un univers où l’humour le dispute à la fragilité et à la mélancolie. Les anecdotes font mouche, convoquent Philippe Noiret, Michel Serrault ou Michel Audiard, le conteur ne s’arrêtant que le temps d’une phrase musicale, ou d’un biscuit-confiture vite avalé. L’accordéoniste Lionel Suarez l’accompagne et souligne les textes, lance un air qui le fait danser ou déclenche un de ses sourires lumineux, et va jusqu’à

jouer le faire-valoir dans un numéro hilarant qui démontre que Rochefort imite à merveille la taupe qui découvre le printemps, la femelle du gibbon ou le caméléon. Décousu peut-être, mais délicieux. Â l’image de ce grand monsieur. D.M.

Entre autres a été joué le 6 décembre aux Salins (Martigues) et jusqu’au 20 déc au Jeu de Paume (Aix). 0820 000 422 www.lestheatres.net

Il ne reste plus grand-chose des conventions proprettes ni de l’espace des salons russes. Autour d’une petite table, sur un espace scénique plus que réduit, les acteurs vont et viennent, s’assoient les uns sur les autres. Ils rient, parlent fort, s’écoutent peu, s’enlacent, pleurent à s’en rouler par terre, se saoulent. À la vodka. Remaniés par des langues latines, un brin réécrits, les mots de Tchekhov sonnent étonnamment juste. Au fond, le metteur en scène opère peu de modifications textuelles : quelques questionnements sur le théâtre, balayés par un Serebriakov propulsé célèbre critique, un langage un peu plus familier. Le profond désespoir de chaque personnage reste intact, plus sensible peut être grâce au resserrement, et porté par une troupe d’acteurs irréprochable qui adopte un rythme parfait. La transposition, dont Daniel Veronese est familier, puisqu’il s’était attaché auparavant aux Trois Sœurs, s’avère plus que réussie: éclairante !

© Elena Consuegra

Espia a una mujer que se mata a été joué au théâtre d’Arles le 9 déc et au Théâtre des Ateliers du 20 au 22 nov dans le cadre de la programmation des ATP d’Aix

À venir aux ATP Adel Hakim met en scène Mesure pour mesure, la pièce de Shakespeare qui voit la vertu pudibonde d’un Angelo porté au pouvoir se transformer en puritanisme répressif, puis en vice avéré. Est-ce l’exercice du pouvoir, ou la méconnaissance de lui-même, qui transforme ainsi l’Angelo? Un spectacle programmé dans la Salle Emilien Ventre (Rousset) le 20 janv 04 42 26 83 98 www.atpaix.com

SUSAN BEL

80 jours, c’est mathématique ! Petit théâtre dans le théâtre, les rideaux rouges de guignol resserrant l’espace, sur une mini scène qui se transforme aussi bien en compartiment de chemin de fer qu’en salle de whist du «Reform Club», pour gentlemen flegmatiques et argentés… Le sujet, tout le monde le connaît. Mais le traitement vaut le détour, humour décalé, anachronismes moqueurs, jeux de scène, mimiques désopilantes, traits exacerbés, parodie de music hall… tous les ingrédients, jusqu’à la musique de Sylvain Meyniac, contrepoint ironique et farceur, sont réunis pour une désopilante réussite. L’artifice du théâ-

tre mis en avant sert aussi d’élément dramaturgique. Ainsi, les acteurs sans moyens jouent en accéléré pour écoTour du monde © Valerie Lebeau

nomiser les décors (sic), et soulignent par leurs fausses rencontres et reconnaissances, les nombreux rôles qu’ils endossent. Distanciation, ironie, jeu avec l’actualité, c’est un tel festival que les acteurs ont parfois du mal à garder leur sérieux ! Tous changent de peau avec brio, Anaïs Harté, danseuse du ventre, anglaise snob et princesse indienne, malicieuse Aouda, Stéphane Roux, un Phileas Fogg guindé, pince sans rire à souhait, et anglaise rose bonbon…, Eric Gueho, Passepartout sans compter ses surnoms, inénarrable dompteur d’éléphant, Nicolas Tarrin, Consul, et une multitude

d’autres rôles, et enfin, Sébastien Azzopardi, inspecteur Fix à la Gabin ou policier d’une mauvaise série allemande, metteur en scène et coauteur de cette pièce avec Sacha Danino. 5 acteurs, 80 jours, 115200 minutes… autant d’occasions de rire ! MARYVONNE COLOMBANI

Le Tour du monde en 80 Jours a été joué Salle Emilien Ventre (Rousset) le 6 déc


AUBAGNE | AIX | BERRE L’ÉTANG

THÉÂTRE

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Le Maquis en tournée Le théâtre de Maquis écume la région avec ses deux dernières création : la Cie des spectres et Farralone Florence Hautier joue le roman de Lydie Salvayre, La Compagnie des spectres, en habitant la scène de sa présence. De ses présences plutôt, puisqu’elle campe tout à la fois, dans sa belle robe rouge, avec un naturel sidérant, Rose, sa fille, et l’huissier qui vient les sortir de leur folie, recluses qu’elles sont depuis l’arrestation, en 43, du frère de Rose… Un spectacle qui séduit par sa vitalité, bouleverse à l’évocation de l’Occupation, et analyse des rapports mère-fille qui vont de l’adoration à l’exaspération. Farallone est une pièce comique, et féroce, tirée du roman de Stevenson adapté par Pierre Beziers. Il y est question d’un voyage de fortune sur le pacifique, de trésor et de champagne, de cargaison et de déréliction. On y chante (sur des airs de Martin Béziers inspiré par… Beethoven) on y rit, on y retrouve des figures de pirates et de maquerelles, mais aussi la noirceur de Stevenson, qui préfère souvent les vices des crapules aux déviances de la justice et de la loi humaine, ou religieuse…

La Compagnie des spectres © Leïla Garfield

Château de Trets le 20 janv 04 42 37 55 00 Le Forum, Berre L’étang le 6 fev 04 42 10 23 65 La Cité du livre, Aix le 13 fev 04 42 38 94 38 Farralone

A.F.

La Compagnie des spectres MJC Aubagne le 9 janv 04 42 18 17 17

Jeu de Paume, Aix Le 16 janvier 04 42 38 94 38 Le Comœdia, Aubagne le 5 fév 04 42 18 19 88

Atteindre ou attenter En anglais attempt a les deux sens. Attempt to her life, la pièce de Martin Crimp, est une mosaïque sous forme d’énigme qui ne se résout pas, mais s’opacifie peu à peu : il s’agit d’atteindre une femme, mais aussi d’attenter à son existence même en embrouillant les fils de sa réalité. Dans une forme d’écriture dramatique très particulière, où les acteurs sont des instances de paroles plutôt que des personnages, 17 récits forment le portrait hétérogène d’une femme qui change d’âge, de profession, d’adresse et décline son prénom d’Annie à Aniouchka. Stéphane Gasc, au Jeu de Paume en 2004, en avait proposé une mise en scène magistrale, façon loft story trash. Au Comœdia c’est la Cie d’Yves Borrini, Le Bruit des

hommes, qui s’empare de ce texte où les voix se présentent comme des témoignages et croisent leur invraisemblances, disant ensemble l’impossibilité de témoigner du réel d’une vie, dans une société où la médiatisation du témoignage compte davantage que la réalité des faits rapportés. A.F.

Atteintes à sa vie Martin Crimp mes Yves Borrini Theâtre Comœdia, Aubagne le 16 janv 04 42 18 19 88 www.aubagne.com

Ce que parler ne veut pas dire La Cie le Soleil Vert présente au Théâtre Vitez un travail élaboré lors d’une résidence au 3bisF. Il y est question de la parole dans ses fonctions phatique et metalinguistique. Les trois acteurs, et la danseuse Barbara Sarreau, y improvisent une parole de remplissage, tissée de ces mots que l’on prononce non pour signifier des concepts ou faire passer des informations, mais pour créer du lien, ou du plein. Une mise en scène de Laurent de Richemond, sur un schéma textuel, base des improvisations, d’Arno Calléja. A.F.

Mon corps est nul Théâtre Vitez (Aix) du 13 au 16 janv 04 42 59 94 37 www.theatre.vitez.fr

© X-D.R.


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THÉÂTRE

MARTIGUES | GRASSE

Le Mal qui guette Mefisto for ever est un spectacle marquant. Parce que la fluidité de la scénographie, qui superpose avec brio les gros plans vidéos et la présence réelle des acteurs, tout en approchant leurs voix de nos oreilles, est d’une maîtrise absolue : rarement la vidéo a été si magistralement intégrée, sans ostentation vaine ni redondance, à une mise en scène. Les acteurs travaillent à l’échelle de notre perception, navigant aussi entre les textes : celui de la fiction cadre -une troupe de théâtre aux prises avec la montée, le triomphe puis la défaite des nazis- et les grands textes dramatiques qu’ils jouent, Shakespeare, Ibsen ou Goethe décrivant mieux qu’eux-mêmes leurs états de conscience. Car c’est de dilemmes dont il est question, comme dans tout grand texte dramatique. Hamlet ou Faust en sont l’objet, ils tranchent, plus ou moins mal, comme le directeur de ce théâtre qui à force de concessions -par pragmatisme ? lâcheté ? simple erreur de jugement ?- finit par servir le régime abject qu’il voulait combattre de l’intérieur. Le texte de Tom Lanoye met en garde contre le lent abandon des idéaux, abandon qui guette les artistes en ces temps de restrictions qui poussent à la concession politique. Le spectacle était difficile : 3 heures de vrai texte, parfois un peu verbeux, sans trop d’action, en hollandais, dans la grande salle des Salins où les surtitres, perdus dans les cintres, obligeaient les non néerlandophones (nombreux !) à une gymnastique visuelle entre les acteurs et le texte digne des spectateurs de tennis. Mais le jeu en valait la chandelle : quelque chose de vital, formellement, fondamentalement, était dit.

À venir aux Salins Le Théâtre de cuisine de Christian Carrignon, décidément à l’honneur en ce début d’année (voir page 9), propose son spectacle de marionnettes inspiré d’Homère : il y est question de fabriquer de l’épique… avec ce qui tombe sous la main ! Et figurezvous que ça marche, dès 10 ans ! Le 9 janv, La répétition : une odyssée. Pippo Delbono revient aux Salins avec sa dernière création Questo buio feroce, un spectacle macabre mais pas morbide, qui évoque et cite les images les plus noires que l’humanité ait produites. Un défilé expressionniste, beau et désespérant, des figures de la souffrance humaine. Le 13 janv, en italien surtitré (et peu bavard). Le diptyque de Sonia Chiambretto mis en scène par Hubert Colas sera décliné dans les deux salles. En commençant par Mon Képi Blanc, hallucinant monologue hurlé d’un légionnaire abruti, pour finir dans la petite salle du bout de la nuit avec Chto, interdit au moins de 15 ans (les 20 et 21 janv).

Mephisto for ever © Koen Broos

Mefisto for ever a été joué aux Salins les 25 et 26 nov

AGNÈS FRESCHEL

Les femmes et la douleur Outre Anne Sylvestre, le théâtre de Grasse accueille quelques femmes sur son vaste plateau… Dominique Blanc y lira le 30 janv la première étape autobiographique de Duras, le journal qu’elle tint après la guerre tandis qu’elle attendait, dans La Douleur, le retour de son mari (également à Châteauvallon). Mais avant cela la création d’un spectacle tout public joué par deux comédiennes époustouflantes, qui ont travaillé avec Omar Porras et ont acquis une virtuosité hors du commun : dans Ernest ou comment l’oublier, écrit et mis en scène par Ahmed Maddani, Stéphanie Gagneux et Camille Figuéréo jouent deux vieilles femmes qui attendent depuis des années leur amant mythique, cet Ernest qui les a abandonnées au crépuscule de leur carrière d’acrobates, en promettant de revenir un jour choisir entre les deux l’élue de son cœur… (les 22 et 23 janv). L’Agora theatre viendra conter un autre combat : la Cie belge germanophone, dirigée par Marcel Cremer, vient jouer Les Croisés (les 15 et 16 janv), un spectacle créé en 2005 salué par le public, la critique et de nombreux prix. Là encore, des femmes sont au cœur de la pièce : il s’agit de Religieuses qui soignent des mutilés de guerre et les exhibent ensuite, leur

Les Salins, Scène Nationale de Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

demandant, grotesques, de rejouer leur traumatisme… Un spectacle drôle et féroce qui s’attaque aux manichéismes et aux combattants de Dieu (également aux Comoni, Pôle jeune public du Revest les eaux (84), le 13 janv). Avant cela, pour commencer l’année (les 7 et 8 janv), Sylvie Testud et Bernard Giraudeau jouent en texte de Max Frisch : Biographie sans Antoinette est une pièce intéressante sur le déterminisme, mais qui ne choisit pas assez franchement le rythme du vaudeville (voir Zib 13 page 9). Tandis que question rythme, Bonaventure Gacon s’y connaît ! Un des acrobates les plus doués de sa génération, trampoliniste virtuose, mais aussi, dans Par le Boudu, clown alcoolique qui tangue et remue sa férocité somme toute généreuse. Un très beau solo de cirque, «plutôt pour les grands» (les 9 et 10 janv). A.F.

Théâtre de Grasse (06) 04 93 40 53 00 www.theatredegrasse.com

Talentueux C’est avec beaucoup de douceur qu’Edouard Baer pénètre dans l’univers de Patrick Modiano. Grave, élégant, il va peu à peu s’effacer devant ce texte sombre, implacable, bouleversant dans lequel l’auteur analyse les vingt premières années de sa vie. Les souvenirs s’enchaînent, douloureux, la voix d’Edouard Baer se fait distante, détachée, mais toujours tendre, un sourcil relevé soulignant l’absurdité de certaines paroles. Dans cette lecture qui n’en est pas une, Baer se saisissant de temps en temps d’un texte, d’une lettre, comme d’un accessoire qui soulignerait le propos-, l’intimité qui s’installe est captivante. Paradoxe de cette voix posée, balbutiante parfois, comme absente par moment, dont le rythme travaillé cisèle les mots. Une interprétation humble et profonde de la part d’un comédien décidément étonnant. D.M.

Pedigree a été lu le 3 déc aux Salins Edouard Baer © Zippo-Starface


CHÂTEAUVALLON | DRAGUIGNAN | GAP

THÉÂTRE 15

L’ Homme hyperbolique À venir en Dracénie

Le petit chaperon rouge © Thomas Bartel

À venir à Chateauvallon

Falstafe © Loic Venon

Falstaff est gros, c’est même LE Gros catégorie shakespearienne, comme une autre mesure de la démesure du monde... Valère Novarina est jeune lorsqu’il adapte librement Henry IV et Henry V (en 1975, à la demande de Marcel Maréchal) sortant de l’ombre le héros encore alourdi d’un «e» bavard : Falstafe est né, et ce vieux bébé est porté de nouveau, sur les fonts de scène, pour notre plus grand bonheur, dans les bras épiques de Claude Buchvald. La metteur en scène, qui en connaît un rayon côté poids lourds, d’Homère à Claudel, et sait son Novarina sur le bout des doigts (cinquième création!) livre subtilement sa version musclée et tragique du bouffon éternel. Quand ça commence, dans la longue et jubilatoire première partie, truculence et truanderie arpentent et martèlent le plateau : le jeune prince (fragile et attentif Mathieu Genet) se frotte crûment à la vie aux côtés de l’immonde pédagogue ventru (finement ubuesque Gilles Privat) qui ne mâche pas ses mots; antithèse ambulante, le duo flanqué de deux autres gredins enluminés fait flamber le verbe novarinien pourtant encore un peu timide, en quête de son filon. L’œil et l’oreille sont repus, tout fonctionne comme la table à double fond du banquet philosophique, dispositif cher à Claude Buchvald, gâteau à l’endroit ou cul par-dessus tête… Mais le prince est appelé à régner et la deuxième partie, non moins riche en défilés de trognes et de corps de formidables acteurs qui gravent les misères de la guerre, peine à trouver son rythme. Rejeté du désormais souverain, emprisonné, Falstafe est condamné à devenir innocent : quand la scène se vide, le monde est vraiment devenu vieux...

L’année 2008 se clôt avec un magnifique cadeau : le Petit Chaperon rouge de Joël Pommerat est une merveille qui vous enverra rejoindre les désirables terreurs de vos enfants, et les fera trembler de douloureuse douceur (jusqu’au 20 déc)… La Douleur qui ouvrira 2008 sera plus adulte et féminine : Dominique Blanc lit le journal de Duras, celui de l’attente, après la Guerre, du retour de son mari… Un grand texte, servi par une magnifique comédienne (les 16 et 17 janv). Quelques jours après (le 23 janv), une création : Philippe Calvario met en scène une pièce du dramaturge allemand contemporain Von Mayenburg. Il y sera question de Parasites, et de cinq personnages acharnés à se poursuivre, et à se détruire. A.F.

Châteauvallon, Ollioules (84) 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com

Un des temps forts de la saison de Draguignan : le Festival Amarelles propose 8 spectacles de choix, à voir en famille -Le Petit Chaperon Rouge de Joël Pommerat (voir ci-contre) ; -Yaël Tautavel, une très belle odyssée, fantastique et cruellement écolo, de deux frères partis à la recherche des animaux disparus ; -La dernière création, forcément virtuose et poétique, de la cie Accrorap de Kader Attou ; -Un opéra de poche de Jacques Rebotier ; -Deux installations théâtrales de la Cie Médiane ; -Et deux spectacles inspirés de peau d’âne : pour commencer, le festival Seule dans ma peau d’âne d’Estelle Savasta, inspirée de Perrault ; et pour le conclure, La vraie fiancée, d’après Grimm, écrit et mis en scène par Olivier Py, et troisième étape de son voyage cruel et symbolique au pays des contes mystiques des deux frères romantiques : il y est toujours question de pureté, de tentation, de rédemption, et de beauté… A.F.

Amarelles du 10 au 30 janvier Draguignan, Lorgues (84) 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com

La portée des actes Après avoir fêté dignement ses vingt ans en compagnie de Catherine Marnas et Pippo Delbono, le théâtre de Gap reprend ses quartiers d’hiver… qui sont loin d’être inactifs ! Guy Pierre Couleau, metteur en scène associé du théâtre, créera du 13 au 16 janv Les Mains sales, de Sartre. Parce qu’il aime le théâtre politique : la pièce met en scène deux marxistes, une sorte de Lorenzo qui Les mains sales © Synchro X

s’introduit dans l’intimité d’un chef pragmatique et le tue non par idéalisme -il perd ses rêves à son contactmais par désillusion. Une manière pour Sartre de prêcher, en 1948, pour un marxisme humaniste, qui rejetterait d’un côté le terrorisme révolutionnaire, et d’un autre côté les compromissions des communistes (stalinien) au pouvoir. Albert Camus y répondra, moins d’un an plus tard, avec Les Justes, que Pierre Guy Couleau a mis en scène il y a deux ans et qui aborde aussi le problème de la résistance violente à un régime totalitaire. Un théâtre littéraire longtemps jugé verbeux après les transformations opérées par Beckett et Ionesco, mais dont la pertinence de la réflexion politique et philosophique compense bien le statisme, et l’absence d’innovation formelle… AGNÈS FRESCHEL

MARIE-JO DHÔ

Falstafe de Valère Novarina, d’après Henry IV et Henry V de Shakespeare a été joué du 20 au 22 nov à Châteauvallon et le 25 nov à Draguignan

Les Mains Sales Jean-Paul Sartre mes Pierre Guy Couleau du 13 au 16 janvier Scène Nationale de la Passerelle, Gap (05) 04 92 52 52 52


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THÉÂTRE

OUEST PROVENCE | PORT-DE-BOUC | CAVAILLON

Singulier destin Pierre Lericq est seul sur scène ; son personnage, Paul, est seul face à ses jurés, le public autrement dit, à qui il s’adresse régulièrement pour lui raconter sa vie, pour la défendre. Parce qu’il est coupable, Paul, il a tué son père de plusieurs coups de compas dans le corps, le dernier coup dans l’œil, et sans chercher d’excuses il va petit à petit faire remonter ses souvenirs et nous conter, sans pathos, son singulier destin. De l’acte déterminant -son père «l’abandonnant» dans une ferme, une semaine, où il sera entouré d’horribles personnages qui abuseront de lui, à son retour, silencieux, et déjà coupable, à une vie qui lui échappe. Son amour des mots va le sauver, il s’y raccroche, et dans le texte ciselé de Pierre Leriq chacun a son importance, servant l’émotion, du rire à la douleur, poétiques et sincères. Jeux de mots donc, et jeu du corps qui sautille,

Le compas dans l'oeil © X-D.R

bondit, danse, cours, et se pose enfin, l’acte perpétré, pour respirer une liberté retrouvée. L’énergie de Pierre Lericq est communicative, réjouissante ! DOMINIQUE MARÇON

Le Compas dans l’œil a été joué le 25 nov au théâtre du Sémaphore à Port-de-Bouc

Les rêveurs n’ont plus triste figure Sixième collaboration entre Philippe Vincenot et Laurent Vercelletto, Le cas Quichotte réécrit le mythe de ce fier chevalier idéaliste et absurde

Cas Quichotte © Patricjk Servius

Retenu dans une maison de repos qui «sentl’urine,ladéfécation,leproduitdétergent, avec des notes de crasse et de renfermé», Alonso Quijano s’imagine le monde au-delà des murs qui l’enferment : le goût sucré des pâquerettes, la bienveillance des oiseaux, la mer. Son camarade de chambre, pourtant bien conscient de s’appeler Robert, se résout à répondre au nom de Sancho, affirme avoir assisté aux péripéties que Quijano se plaît à conter : «j’y étais : je tenais le candélabre.» Le médecin chargé du cas Quichotte observe avec tendresse et agacement leurs dialogues absurdes mais y prend part, se figure les bouts de scotch qui accrochent un dessin de Quijano et

Sancho au carrelage comme des pays dispersés dans la mer et se plaint que leurs oiseaux ressemblent davantage à des martinets qu’à des colombes. Pour finalement diagnostiquer à ses patients une confusion visuelle. C’est peu dire que le texte de Philippe Vincenot rend hommage au roman de Cervantès : il le transforme en hymne à la rêverie, au voyage, à l’errance, à une folie partagée. Un humour et un enthousiasme communicatifs envahissent rapidement la scène qui passe du noir pesant de l’asile au bleu et blanc des songes de Quijano. Point de désillusion, le rêve triomphe assez vite de la rigidité d’un médecin et de ses croyances, pour notre plus grand bonheur. SUSAN BEL

Le cas Quichotte a été joué au Sémaphore le 5 déc et au théâtre de Lenche (Marseille) du 9 au 13 déc

Comment vit-on ? C’est la guerre vue d’ici, et vue de làbas. Ici c’est à Paris, là-bas à Beyrouth, et la guerre celle qui dura quinze ans au Liban. La jeune auteure-metteure en scène Hala Ghosn oppose les regards, et les ressentis, multiplie les points de vue, fait se confronter les personnages, avec beaucoup d’humanité et de finesse. Sur la scène, seuls sont visibles deux balcons qui se font face : celui de Rima, jeune veuve libanaise, et de son jeune frère, Toufic, membre d’une milice, et celui de Marwan, qui vit chez sa tante, et dont le frère et la sœur, Zyad et Mona, sont à Paris, vivant la guerre par échos médiatiques interposés. Entre les deux balcons, la vie parisienne justement. Simple mais astucieuse, la scénographie souligne les espaces de chacun, les circulations, les dialogues: parce que malgré la guerre on travaille, on fait du sport, on regarde la télé, on se séduit, on espère… Tout est question de perspective et donc de compréhension, y compris dans une scène savoureuse où Zyad, conférencier, va tenter d’éclaircir les raisons du conflit. Qui comprend quoi, qui ressent quoi ? Il n’y a pas de légitimité dans la douleur, pas de degré dans les souffrances, on vit, c’est tout. Et c’est déjà beaucoup. C’est drôle, poignant, intelligent, et l’interprétation brillante des comédiens (certains passant parfaitement d’un rôle à l’autre) est à la hauteur de cette évocation sensible et admirable de la guerre civile libanaise. D.M.

Beyrouth Adrénaline s’est joué au Théâtre de Fos le 29 nov. Beyrouth adrénaline © Marielle Bettembourg

À venir au théâtre de Fos Fos accueille la première en France de la nouvelle création de la cie québécoise Le Carrousel, Le Bruit des os qui craquent. Le texte de Suzanne Lebeau, grande figure de la dramaturgie pour le jeune public, interroge la place de l’enfant dans le monde et les discours qu’il est «permis» et nécessaire d’avoir à son endroit. Le Bruit des os aborde la douloureuse réalité des enfants soldats, au travers de trois personnages : Elikia, enfant dont la vie bascule lorsque éclate la guerre civile et qui deviendra soldat et victime ; Joseph, jeune confident qui va lui rappeler sa famille, son enfance et son humanité ; et Angelina, la seule adulte, l’infirmière qui les reçoit à l’hôpital où ils arriveront après s’être enfuis, et les accompagnera dans le difficile retour à une vie où les enfants peuvent grandir comme des enfants. Un long travail d’écriture, «sans naïveté», qui décrit un monde sombre mais bien réel, qui ne peut laisser indifférent. Le spectacle s’adresse à tous, à partir de 10 ans. Des gens, mise en scène par Zabou Breitman, est une adaptation théâtrale des documentaires Faits divers et Urgences de Raymond Depardon. Des tranches de vies ordinaires, dialogues glanés au cœur d’un commissariat et d’un hôpital psychiatrique incarnés par Zabou Breitman et Laurent Lafitte avec beaucoup d’humanité et de sensibilité. Des gens mes Zabou Breitman le 20 janvier Le Bruit des os qui craquent Cie Le Carrousel le 13 janvier Théâtre de Fos 04 42 11 01 99 www.scenesetcines.fr le 16 janvier Théâtre de Cavaillon 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com


THÉÂTRE 17

Jusqu’à la folie

Quelle histoire ! Le concept de bonheur à travers les siècles et les langues, telle est la proposition réjouissante d’Arnaud Meunier et de la compagnie de la mauvaise graine. De textes philosophiques et poétiques du XVIIe siècle aux articles de Courrier International, le voyage s’annonce fourni tant il est vrai que la notion de bonheur s’inscrit dans chaque époque comme une éternelle révolution. Alors, où en sommes-nous du bonheur, nécessité ou utopie ? Le spectacle se promènera en Nomade(s) à Maubec (le 6 jan), Vaugines (le 7), Joucas (le 8), Châteauneufde-Gadagne (le 9), Morières (le 12) et Mérindol (le 13). Puis Yannick Jaulin se contera, avec sa manière si particulière de partager ses fictions avec le public. Il dévoilera des fragments de vie, de l’enfance passée à rêver de sauver le monde jusqu’au faux pas de l’enrôlement dans une secte, de l’aveuglement jusqu’à la révélation qui suivra. Terrien est comme un bout de territoire arpenté avec tous ceux qui vivent, qui veulent le suivre pour prendre une leçon de vie. D.M.

En quête de bonheur Cie de la mauvaise graine Tournée Nomade(s) du 6 au 13 janvier Terrien Yannick Jaulin Les 20 et 21 janvier Théâtre de Cavaillon 04 90 78 64 64 www.theatredecavillon.com Terrien © Nicolas Joubard

on aurait aimé un peu plus de finesse. Seules les femmes de la campagne qui l’entourent arrivent à donner à leur apparition une certaine flamboyance, de même que le danseur et comédien Shahrokh Moshkin Ghalam dans le rôle du berger séduisant et du danseur de flamenco, qui parvient, à traverssonjeuousadanse, à insuffler la sensualité violente qui manque tant au spectacle. Yerma © X-D.R

Yerma est cadenassée dans sa maison et dans le rôle que l’on veut lui faire jouer : celui d’épouse et de mère. Loin de le remettre en question, elle veut le jouer pleinement face à Juan, le mari aimé, paysan taiseux arc-bouté sur son travail et sur les traditions. Mais son corps refuse cette partition : le manque d’enfant devient lourd, insupportable et violent. La poésie de Lorca est obscure, puissante et rêche. Elle ne souffre ni la distance ironique ni la médiocrité. La mise en scène de Vicente Pradal (sur une commande de la Comédie Française) répond à cette exigence à travers une esthétique élégante, une scénographie précise et raffinée. Chaque détail est soigné : le décor est imposant, sobre et inspiré, servi par des lumières subtiles qui portent l’intensité des tableaux. Le chant et la danse donnent au jeu une couleur tout à la fois incandescente et délicate, notamment avec l’utilisation originale du piano. Quand le spectacle s’ouvre sur le chant profond d’Alberto Garcia, le regard s’affûte sur cette scénographie noble. L’émotion affleure. Et pourtant, dès que les acteurs commencent à jouer, la magie disparaît. Le jeu de Coraly Zahonero heurte, gestes outranciers, mots déclamés jusqu’à l’emphase quand

D.M.

Yerma a été joué à l’Olivier le 10 déc

À venir à l’Olivier Christophe Lindon met en scène un texte de JeanClaude Brisville, L’Antichambre (le 13 janvier). Une incursion au cœur du siècle des lumières et particulièrement au cœur du salon de la marquise du Deffand, femme d’influence, qui use de son pouvoir, et de sa proximité avec les grands penseurs, pour faire et défaire les réputations. L’arrivée, à sa demande, de sa nièce, Julie de Lespinasse, en tant que dame de compagnie la détruira, cette dernière s’avérant être intelligente en plus d’être jeune… Danièle Lebrun, Roger Dumas et Sarah Biasini interprètent à merveille ce huis clos de salon. Théâtre de L’Olivier 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr

Cher Groucho Rassemblée et mise en lecture par Patrice Leconte, La Correspondance de Groucho Marx est lue par Jean-Pierre Marielle, lunettes rondes et moustache noire, Groucho dans l’âme, et Pierre Vernier, alternativement l’un ou l’autre des correspondants auxquels s’adresse Groucho Marx, tandis que le Groucho Trio ponctue le tout de joyeux intermèdes jazzys. La matière ne manque pas, c’est une correspondance riche, pleine de finesse et d’autodérision, des petits bijoux de réparties incisives, autant avec les amis qu’avec des producteurs hollywoodiens. Créé à l’origine pour le Festival de la correspondance de Grignan, le spectacle manque de rythme. Mises bout à bout, et malgré le dialogue qui

s’installe par moment entre les deux acteurs, les lettres perdent un peu de leur intérêt ; la forme ellemême, la lecture, ne prête pas forcément à la fantaisie. Et malgré le plaisir évident que les deux acteurs prennent à se répondre, et l’engouement des (excellents) musiciens, la torpeur guette, diluant les mots, et les histoires. D.M.

Correspondance de Groucho Marx a été joué le 28 nov au Théâtre de la Colonne à Miramas, le 30 nov salle Emilien Ventre à Rousset, les 18 et 19 décembre au Théâtre de Nîmes


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THÉÂTRE

ARLES | AVIGNON | NÎMES

Un été avignonnais Depuis quatre ans le Festival d’Avignon organise des rencontres mensuelles, le rendez-vous des curieux, qui réunissent, le temps d’une soirée, des spectateurs et des artistes. Des rencontres accessibles à tous qui laissent le temps à la discussion. Le premier rendez-vous, le 18 nov, fut en quelque sorte une remise en route, un bilan de l’édition 2008. Et pour se replonger dans l’ambiance, le documentaire de Michel Viotte, Partage de midi, acteurs en liberté fit une belle transition, permettant à chacun de se remémorer la création de Gaël Baron, Nicolas Bouchaud, Charlotte Clamens Valérie Dréville et Jean-François Sivadier à la carrière de Boulbon. Comment mettre en débat les ressentis des spectateurs ? Car c’est bien là la volonté de Vincent Baudriller et Hortense Archambault, les directeurs du Festival. Donner la parole non pas pour analyser les spectacles, mais pour appréhender la réception de chacun. Et la parole est prise, le micro circule beaucoup ce soir-là, beaucoup de remerciements, quelques «analyses» de l’état de la création aujourd’hui (et le Festival est là pour en donner une vision), des retours sur les propositions 2008 et sur leur cheminement après l’été (beaucoup sont en tournée partout en France), sur une vision populaire de la manifestation avignonnaise… Très disponibles, les deux directeurs prennent le temps de répondre à chacun, s’arrêtant sur les interrogations pour faire progresser les réflexions. Deuxième rencontre, le 8 déc, la première avec un artiste présent au Festival 2009. Joël Jouanneau est là pour parler de son projet Sous l’œil d’Œdipe, avec trois des comédiens qui participerontàl’aventure:MélanieCouillaud, Sabrina Kouroughli et Alexandre Zeff qui en lisent un passage. C’est une traversée théâtrale que proposera l’auteur et metteur en scène, une plongée dans le théâtre grec par le biais de la famille des Labdacides, une conversation avec Sophocle, vingtcinq siècles après. Pour comprendre de l’intérieur ce qu’est une malédiction, pour se pencher sur les rapports frères/sœurs qui lui tiennent tant à

Joel Jouanneau © Mario del Curto

cœur, pour faire dialoguer Sophocle avec les auteurs contemporains qui l’accompagnent et qu’il affectionne. «SiSophocle avait croisé Emily Dickinson, Pierre Michon, William Faulkner… aurait-il écrit la même pièce ?» Pour la réponse, prière de patienter jusqu’en juillet…

La prochaine rencontre se tiendra le 12 janvier à 20h30 dans la salle Benoît XII avec Wajdi Mouawad, artiste associé du Festival 2009

D.M

L’Annonce faite à la femme… C’est un spectacle total que nous a offert ce soir la compagnie de Serge Barbuscia au Balcon… Que de poésie, de recueillement, mais de douleur aussi dans les textes choisis ! Pour ces Quatre saisons d’une femme, d’après La Vie au commencement de Jean Reboul, cinq personnages, dont quatre figures féminines, se partagent un espace dépouillé. La mise en espace de Serge Barbuscia, en demi-teintes, distille les images d’une chorégraphie projetées sur un mur, des chants orientaux, des percussions cristallines ou affirmées. Les notes d’un violoncelle égrènent la partition d’Elisabeth Amalric, inspirée de Bach ou Chostakovitch, et ponctuent les mots, hymne à la femme et à son être : «C’est à une femme que © Djouadou

je m’adresse, la femme est une énigme, là est son destin» nous dit Jean Reboul, psychanalyste et gynécologue, qui interroge (et envie ? ) le vide créateur des femmes. Dans cette succession de scènes où le silence a lui aussi un rôle, la force du jeu scénique d’Hélène Azema et l’éloquence de Serge Barbuscia s’imposent. Hymne à la femme bien sûr, mais aussi hymne à l’Art, «secours du monde», dont les représentants, «les artistes, ces prophètes de l’impensable, nous permettent de supporter ce que nous ne pourrions supporter.» Car au travers de murmures, cris, chants, paroles, récitations, rires et incantations, ces Quatre saisons sont simplement un hymne à la vie, à son foisonnement et à ses inconcevables mystères… CHRISTINE REY

Les Quatre saisons d’une femme ont été créées au Théâtre du Balcon les 5 et 6 déc.

Moderne Le téléphone Sans fil, ou comment parler sans se parler… Mis en scène par Marc Olinger, le texte de Sergi Belbel rend compte de cet anachronisme moderne : sans face-à-face comment est-il possible de s’aimer, se rencontrer, se découvrir ? En pleine crise relationnelle, les quatre protagonistes vont échanger par messagerie interposée, se servant de cet outil pour braver les non-dits et faire tomber les masques. D.M.

Sans fil mes de Marc Olinger les 15 et 16 janv Théâtre du Chêne Noir, Avignon (84) 04 90 82 40 57 www.chenenoir.fr Sans fil © Christophe olinger


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Histoires de corps

La cigogne et le coucou, voilà qui démarre comme une fable. Peut-être en est-ce une d’ailleurs, une fable fraternelle qui conterait leur cohabitation forcée dans un nid de fortune -après que les oiseaux sont tombés en plein vol-, jusqu’à la complicité naissante et plus si affinité. Agnès Limbos met en scène Martine Godard (cigogne blessée qui ne s’en laisse pas compter) et Thierry Hellin (coucou autoritaire et envahisseur), deux volatiles irrésistibles et très humains. À voir à partir de 5 ans le 14 janv. Dans Déversoir (le 20 janv), qui s’adresse aux plus grands (à partir de 14 ans), l’intimité familiale sera au cœur de la performance d’Angela Laurier. Un écran sur lequel le père et le frère (schizophrène) racontent et se racontent, et devant eux le corps virtuose de l’artiste circassienne qui dit la révolte et la tendresse, les blessures, la résistance. Une performance en forme de délivrance. Enfin, la cie le GdRA viendra conter ses Singularités ordinaires, où chorégraphies, acrobaties, textes et chants se répondront pour tisser trois histoires de vies. Celle d’Arthur, musicien-guérisseur, de Wilfride, danseuse étoile retraitée de l’Opéra de Paris, et de Michèle, «la nègre», qui passe son temps dans un bar marseillais. Ordinaires et singuliers. D.M.

Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com Singularites ordinaires © Christophe Modica.

Flamenca Réjouissant Oscillant entre la farce burlesque et le drame, Le Mois de Marie, tiré des Dramuscules de Thomas Bernhard, met en scène deux vieilles qui observent l’enterrement du «brave» monsieur Geissrathner, fauché par un conducteur turc. Références directes aux habitantes de son village natal de Bavière dans les années 30, ces personnages personnifient un racisme brutal et radical qui pourrait presque paraître contemporain… Frédéric Garbe et Gilbert Traïna, de l’Autre Compagnie, campent ces deux commères avec drôlerie et poésie. Le spectacle est précédé d’une lecture de textes courts de Thomas Bernhard par Alain CescoRésia sous la direction de Frédéric Garbe.

Immortalisée par la musique de Bizet, Carmen pourrait l’être par celle d’Antonio Moya dans une mise en scène de Juliette Deschamps. Spectacle musical en 11 tableaux, Rouge, Carmen est une réécriture Juliette Deschamps © Marion Gronier

fidèle du texte de Merimée dans lequel Don José «raconte à la première personne les sept épisodes de son histoire d’amour» dit Juliette Deschamps. C’est un monologue sur fond de flamenco et de chansons gitanes, l’ultime entrevue des deux amants que le somptueux décor du peintre catalan Miquel Barceló devrait rendre plus fiévreuse encore. Un huis clos fatal ponctué de claquements de talons, de chants envoûtants et de guitares ensorcelantes. «Une histoire de prédation et de mépris» à laquelle rien ne peut mettre fin. D.M.

D.M.

Le Mois de Marie L’Autre compagnie les 15 et 16 janv 04 90 85 52 57 www.theatredeshalles.com

Rouge, Carmen les 7 et 8 janv Théâtre de Nîmes (34) 04 66 36 65 00 www.theatredenimes.com


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DANSE

GROUPE DUNES | DANSEM

D’ici à Marseille 2013 Retrouvailles avec le Groupe Dunes qui, même s’il parcourt le globe en tout sens, réside bien à Marseille ! Madeleine Chiche et Bernard Misrachi, directeurs artistiques du Groupe Dunes, ont les pieds sur terre, à Marseille, et la tête dans les étoiles. Car depuis quatre ans, le duo conjugue son quotidien «hors situ» à Strasbourg, Vilnius, Osnabrück ou Buenos Aires au gré de ses interventions ou de ses projets. Ce qui ne l’empêche pas d’œuvrer à une nouvelle intervention sur le toit-terrasse de la Friche la Belle de Mai, D’ici là, qui scellera ses retrouvailles avec l’espace de 8000 mètres carrés si habilement transcendé en 1999 avec Vous êtes ici ! L’installation paysagère devrait voir le jour en 2011 car, disent-ils d’une seule voix, «Marseille ne doit pas s’arrêter en attendant 2013.» Pour l’heure, Madeleine Chiche et Bernard Misrachi ont convié amis et professionnels à un petit tour dans leur studio, preuve tangible de leur enracinement à Marseille, pour évoquer leurs réalisations en France et à l’étranger. Écrans vidéos en circuit permanent, projections d’images murales, profusion de câbles et

de moniteurs, compositions sonores en flux tendu : dans l’obscurité du studio, nous voici au cœur de leurs créations multimédias «dans lesquelles ils interrogent la présence du spectateur, ses modes de lecture et de perception.» On pourrait craindre que l’usage des nouvelles technologies ne les ait déconnectés du réel ! Bien au contraire, leurs réalisations proposent une nouvelle approche du réel en ancrant les images dans cette même réalité. À la différence près que leur perception de l’espace urbain est alimentée par leurs recherches sur les principes d’interactivité, les sons, l’environnement, la lumière, l’architecture, sans oublier l’humain, invisible mais omniprésent. À la différence près, aussi, que leur travail puise sa source dans le mouvement dansé lié à leur expérience de chorégraphes : «Nous n’avons peut-être fait que déplacer la scène, en substituant aux corps des danseurs ceux des spectateurs, qui dansent aussi parfois.» Chaque installation étant non reproductible, sa sauvegarde est mémorisée par une énième vidéo, pâle ersatz de la création in situ mais trace indispensable.

On retiendra donc, parmi les dernières commandes, l’intervention en intérieur En périphérie du silence à Lablabanque à Béthune : en dépit d’un cahier des charges contraignant, des spécificités du lieu, de la couleur et des espaces vitrés notamment, ils ont choisi d’investir le centre de production et de diffusion en arts visuels en sculptant l’espace avec l’image et le son spatialisé. Autre expérimentation singulière, en extérieur cette fois, l’installation More and Less sur le quai Island Brygge de Copenhague, no man’s land incongru aux abords des artères commerciales flambant neuves, lambeaux d’un bâtiment aujourd’hui totalement démoli.

Dans ce monceau de gravats, leur création soulignait les vestiges d’une industrie à jamais balayée… Comme à chaque fois, le Groupe Dunes relève un défi technique, réinvente l’espace, et propose au public de lire - autrement son environnement. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Groupe Dunes Friche la Belle de Mai, Marseille 04 91 50 00 19

Dansem finit en beauté Cette édition fut riche de surprises auxquelles Dansem ne nous avait pas toujours habitués

Norwich, Handle with care - Groupe Dunes

Après Rachid Ouramdane à Arles, Abou Laagra à Istres et Gat à Avignon (voir Zib 13), le festival s’est recentré à Marseille et conclu au Merlan, par deux soirées pour le moins contrastées… Que dire du travail de Karry Kamal Karry ? La Matrice des Anges, créée le 10 déc, est une pièce prétentieuse, très discutable dans son propos parfois mystico-sectaire («l’espritcritiques’arrête où la foi commence…») et parfois ridiculo-grotesque dans ses phrases répétées à l’envi («l’intérieur n’est pas à l’intérieur», «tu es à l’extérieur de l’intérieur de toi»…) ou la longue anecdote du calamar coréen, fable incompréhensible assénée par une (magnifique) danseuse hilare affublée d’un accent plus que prononcé. Reste que certains moments sont d’une beauté plastique sensualité qui ose presque la pornographie… entre deux mouvements infantiles, répétitifs ou insignifiants ! Rien de tout cela dans le travail de Paco Decina. Le chorégraphe napolitain travaille avec une subtilité rare sur les zones où la lumière devient obscure. Indigo, dansé le 13 déc au Merlan, est une pièce lente où rien n’est démonstratif, mais qui vous embarque avec elle en se jouant des frontières. Entre le mutisme et le son : la pièce commence

Paco Decina © Laurent Philippe

par un long moment où les danseurs bougent sans bruit, dans un silence qui ressemble à une effraction dans la surdité, puis les sons débarquent, répétitifs, électroniques, en boucles, et s’élaborent jusqu’au mouvement final. Mais rien de linéaire dans cette progression, qui revient en arrière et reprend lentement ; la danse, de même, est fondée sur de lentes mises en mouvements, au sol pour la plupart, des unissons parfaits, avec quelques accélérations soudaines, des arrachages circulaires, des portés qui amènent la pièce vers une verticalité retrouvée. La lumière dispense des taches blanches aux frontières desquelles les corps dansent toujours, dans l’entre-deux, l’Indigo. Sans démonstration virtuose, mais sans jamais non plus manquer leurs pas. Magnifique ! AGNÈS FRESCHEL


BALLET D’EUROPE | TOURSKY | 3BIS F

THÉÂTRE

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Le plaisir du mouvement C’est peu dire que ces danseurs-là ont du talent et du charme. Leur jeunesse pétille, mais aussi leur maîtrise du corps et de l’espace. Ils osent des mouvements d’ensemble très «dansés», et de véritables compositions chorégraphiques, guidées non par le concept mais par le mouvement. Ainsi, au fil des sept pièces présentées à La Friche par les sept chorégraphes du Ballet d’Europe, on a pu apprécier des moments surprenants : Fabrice Gallarague, en moins de 4 minutes, propose un moment de jubilation intense où neuf danseurs se lâchent à toute vitesse, tout à un plaisir communicatif. Jean-Philippe Bayle met au point un duo arachnéen où les corps couverts de bandages jouent avec les fils de l’autre. Aline Richard tente une danse narrative sur le désir féminin, partagé entre l’amour romantique et un fantasme de chair, et Natacha Franck, superbe, éclate de vitalité dans le numéro central conçu par Christophe Roméro, qui transcende la fitness façon Fame… Enfin la pièce de 20 minutes qui clôt le programme, créée par Florencia Gonzales pour neuf de ses camarades, fait preuve d’une véritable maturité de chorégraphe : parce qu’elle construit son rythme en contrastes et progression, maîtrise les mouvements d’ensemble et les duos, dans lesquels elle ose quelques portés… AGNÈS FRESCHEL

Sade, le retour Comme chaque année M.C. Pietragalla revient faire un tour à Marseille, et s’apprête à faire salle comble au Toursky. Après la saga de mineurs et celle de Ferré, il s’agit à présent d’évoquer Sade. La perversion ? La Liberté ? L’apologie du sexe violent et de la douleur ? Non, Pietragalla et Julien Derouault veulent faire voir «le théâtre des fous» et «l’incarcération». Avec huit danseurs qui, malgré Sade, tenteront, par les corps, d’atteindre la grâce. Or, si Sade l’atteint, c’est par la distance transcendante de l’écriture : retrouver cet esprit-là avec une musique de Laurent Garnier et la voix d’Alain Delon, dans un spectacle coproduit par Pierre Cardin, semble a priori un peu illusoire… A.F.

© Agnès Mellon

Les Worshops du Ballet d’Europe ont été dansés à la Friche les 28 et 29 nov

© Pascal Elliott

Bis, Citron, Vélo Le dispositif Tridanse met en réseau trois lieux de création, le 3bisF à Aix, le Citron jaune à Port-SaintLouis et le Vélo Théâtre à Apt pour permettre à un chorégraphe de présenter diverses étapes de son travail en cours. Yann Lheureux répète actuellement Manifestement, un solo accompagné d’une création vidéo (Lionel Palun), plastique (Christophe Cardoën) et musicale (François Richomme),dont il montrera une étape de travail le 15 janv à Aix, le 29 janv à Port-Saint-Louis puis le 10 fév à Apt. Une mise en réseau qui permet l’éclosion d’œuvres nouvelles, associées à des ateliers de pratique dans chacun des lieux. A.F.

Sade ou le théâtre des fous Pietragalla Cie du 22 au 24 janv www.toursky.org

3 bis F 04 42 16 17 75 www.3bisf.org


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DANSE

MARTIGUES | CHÂTEAUVALLON | BNM

Les larmes coulent dedans Il est parfois difficile de rendre compte de l’émotion que suscite un spectacle. Au Bois dormant fait partie de ceux-là. Essayons mais, surtout, leurs aspirations. Le texte de Marie Desplechin, lui aussi bouleversant, se parle à la première personne, débute par une expérience intime de la séparation d’avec un être aimé, enfermé à l’intérieur d’un pavillon psychiatrique, alors qu’elle reste «enfermée à l’extérieur». Après avoir livré cela elle raconte sa rencontre avec Thierry, avec les autistes, puis établit lentement un rapport au conte, à la métamorphose finale, le baiser magique qui rend les crapauds à leur humanité… Question de frontières encore, mais de passage aussi, et du bonheur qu’il y a à les franchir, même temporairement, imperceptiblement. La musique de Benjamin Dupé ouvre la pièce, mais l’accompagne aussi tout au long, entrant en vibration avec le corps du danseur, lui donnant ses impulsions, y puisant les siennes, et tissant de sa guitare, avec brio et émotion, un univers sonore de glissades et de secousses, strident puis doux, jamais calmé. Car le plus beau encore sont les rares moments de rencontre entre les solitudes des trois acteurs: quand Thierry touche Marie, que Marie le nomme, que Benjamin et Thierry se voient, se répondent. Ou encore quand dehors un quatrième corps se met à danser, inattendu, dans le bois réel qu’on apercevait derrière la vitre. Une passerelle encore, une porte fermée qu’on va ouvrir et qui, comme l’arrivée d’un Prince Charmant, remettra d’aplomb le bois couché qui jusque là servait de sol à la danse… AGNÈS FRESCHEL Thierry Niang © Agnes Mellon

C’est un spectacle sur l’autisme. Ou plutôt, sur la douleur qu’il y a à aimer ceux qui ont décroché, ceux qui vivent de l’autre côté de la raison, de la communication, de la verbalisation. Sans jamais juger des causes, des conditions et des traitements possibles des maladies mentales évoquées, Au Bois Dormant propose des passerelles, des voies d’accès, modestes, réelles… Pour cela ils s’y sont mis à quatre : la pièce se présente sous la forme d’un trio hétérogène, dirigé pas le regard discret de Patrice Chéreau. Mais le cœur du spectacle, où tout bat, où tout visiblement a pris naissance, réside dans le corps vibrant de Thierry Thiêu Niang. Il a passé des mois avec des adolescents autistes et y a fabriqué une gestuelle inédite, non pas calquée sur leurs gestes mais s’en inspirant, les transcendant, donnant à voir leurs douleurs, leurs blocages Hiroaki Umeda © Dominique Laulanne

Au Bois dormant a été créé à l’École de Danse de Martigues du 10 au 13 déc. Il sera repris à Châteauvallon (84) le 28 janvier 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com

À venir aux Salins Tango Metropolis les 19 et 20 déc : avec le Daniel Binelli quintet (bandonéon magique !), Pilar Alvarez et Claudio Hoffmann, et 8 des meilleurs danseurs argentins. Le must, pour les amateurs ! Question de goûts, le solo léger de Georges Appaix, sera après le Massalia dans la petite salle du Bout de la nuit. Un nom qui lui va comme un gant de soie, à ce solo qui décidément aime l’intimité, mais voyage beaucoup… les 8 et 9 janv, pour commencer l’année tout près de l’intelligence des choses, et de guingois Deux soli de Hiroaki Umeda. Le danseur japonais sculpte un univers dansé totalement original. Sur une musique électroacoustique et des projections de lumières d’une grande précision, jouant de contrastes profonds, aux frontières de l’obscurité, de l’éblouissement et de la stridence, l’homme met son corps en jeu. Sa danse passe elle aussi de l’immobilité à la vitesse la plus effrénée : c’est qu’il emprunte à la fois au Bûto ses tensions en dedans, ses replis lents de douleur, et au hip hop ses saccades, sa vitesse, son énergie libérée. Vous avez dit contrastes ? Les Salins, Scène Nationale de Martigues 04 42 59 94 37 www.theatre-des-salins.fr

Trop blanche?

© Agnès Mellon

La carte blanche laissée aux danseurs du BNM s’est révélée décevante : bien sûr les interprètes sont magnifiques de technicité, et d’émotion parfois. Mais leurs univers restent superficiels, et leurs combinaisons, duos ou soli, assez pauvres. Seules trois pièces se détachaient un peu de discours rebattus sur le couple : un duo blanc, assez sensuel, d’Anton Svir, un solo inspiré des lenteurs tendues du Bûto de Yoshi Kinoshita, et une pièce gastronomico comique de Fanny Barrouquère, qui avait l’audace de tenter une danse burlesque. Ce qui, après tout, en une soirée, est déjà ça ! A.F.

Les Cartes Blanches se sont déroulées les 4 et 5 déc au BNM


PAVILLON NOIR | CHÂTEAU-ARNOUX | GAP

DANSE

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Les insomnies de Karolyn Klarkson À force de déguisements, d’accessoires et de personnages, les nuits de Karolyn Klarkson risquent l’insomnie. C’est sucré jusqu’à donner mal au cœur Carolyn Carlson s’est inventé un double pour parler aux enfants : Karabine Klaxon, autrement dit Karolyn Klarkson. Dans sa première pièce destinée au jeune public, créée en 2006, la chorégraphe américaine fait débouler sur le plateau cinq danseurs et un musicien, généreux homme-orchestre sur lequel toute l’architecture repose. Sans lui, tout s’écroule ! Le fil de l’histoire est tellement ténu qu’on pourrait croire qu’il n’y a pas d’histoire…, sauf qu’il s’agit des rêves de Mademoiselle Karabine Klaxon, jeune ingénue à la recherche de son doudou perdu. Ou quelque chose comme ça… Frêle prétexte qui offre à Carolyn Carlson l’occasion de jeter en vrac un monstre, un animal sauvage, deux hommes grenouille, un robot, de tendres petites fées, un épouvantail et tutti quanti. Le tout englouti sous un amoncellement d’accessoires et de panoplies : casques de plongée, tuyaux en PVC, gants de boxe, mannette de jeu vidéo, arbre sacré, oiseau magique… Bref, un fourre-tout sans queue ni tête qui danse (pas beaucoup), qui chante (effet comédie musicale garanti), qui gesticule (beaucoup), rampe (parfois), se

© Agnès Mellon

contorsionne (grâce ou à cause des costumes, selon son humeur). La parade dégouline de bons sentiments et d’images faciles. Heureusement, il y a toujours une bonne âme pour nous sauver, même dans les pires rêves : Jalalu-Kalvert Nelson mène la danse avec brio et joue sa partition avec tellement de plaisir qu’il attrape au vol les enfants pour les faire jouer des percussions sur

scène. Ça marche à tous les coups et les petits en redemandent… MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Les rêves de Karabine Klaxon ont été dansés au Pavillon Noir du 4 au 8 déc

Perfection plastique Deux jambes apparaissent dans la lumière, arpentent la scène redevenue sol, redevenue terre. Les pas souples et sûrs redessinent les trois cercles de terre ocre qui délimitent autant d’univers particuliers, le village, la brousse, la ville et sa modernité. Le silence, les respirations, le bruit des pas participent à un spectacle où le corps devient porteur à la fois d’une histoire, d’une tradition, et chantre de la modernité. Le propos du danseur, en résidence au Pavillon Noir, est de présenter une œuvre au cheminement achevé. Ce jeune chorégraphe du Kenya retrace le récit d’un apprentissage, qui s’ancre dans un passé et donne sens à son présent. Avec humour, lors de la conversation libre avec les spectateurs qui l’ont ovationné, il montre tout ce que le hip hop doit à la danse Masaï. Loin de se laisser enfermer dans le folklore, l’artiste exploite les gestes traditionnels, les retranscrit, sans les dévoyer, nous entraîne dans un mondeoùchaquegestepeutdonnerlieuàuneinterprétation. Mais au-delà de ces explications éclairantes on reste simplement subjugué par la perfection plastique du travail présenté. Admirables en effet, la technique souveraine de l’artiste, sa maîtrise extraordinaire du moindre muscle, sa précision. Le chasseur ou l’oiseau, le danseur de village ou l’amateur de techno, Anuang’a se glisse dans ces personnages avec le même brio. Une autre manière d’atteindre l’universalité ? MARYVONNE COLOMBANI

A journey into the future a été créé au Pavillon Noir les 27 et 28 nov

Faux pas toc

Entity © Ravi Deepres / Odette Hughes, Anh Ngoc Nguyen

À venir au Pavillon Noir Dix danseurs de la Cie de Wayne Mac Gregor viennent présenter sa nouvelle création, Entity du 15 au 18 janv. Sa danse, toujours virtuose, cherchant des contacts multiples et souvent brutaux entre les corps, se confronte ici à l’omniprésence d’écrans, et à deux musiques aux timbres contrastés : un quatuor à cordes, et de la musique électronique. Pavillon Noir, Aix 0811 020 111 www.preljocaj.org

Pour la troisième fois de la saison, le Théâtre Durance accueille en ses murs une compagnie en résidence, qui mène en son sein un travail jusqu’à son terme, c’est-àdire jusqu’à la représentation. Il s’agit cette fois d’une recréation du chorégraphe Thierry Baë qui, après ses deux soli paradoxaux qui racontaient son impossibilité de danser, ou même d’être là, revient sur cette pièce pour 6 interprètes, agrémentée de films, qu’il avait créée en 2003 avant le succès de Journal d’inquiétude… Il y nouait déjà des liens particuliers, ambigus, entre le réel, le virtuel, l’imaginaire, entre le spectacle et la vie. Cette reprise constitue pour lui le terme d’un travail sur le faux en art… et sera également sur la scène de Gap quelques jours après la recréation. A.F.

Tout ceci (n’)est (pas) vrai Thierry Baë Théâtre Durance, Château-Arnoux (04) le 16 janv 04 92 64 27 34 www.theatredurance.com La Passerelle, Gap (05) le 20 janv 04 92 52 52 52


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DANSE

OUEST PROVENCE | GAP

Nécessité de mémoire Ils ont à coups sûrs atteint leur but. Les artistes hip hop de la cie Mémoires Vives, sous l’impulsion de leur MC/directeur artistique Yan Gilg, voulaient faire bouger les rangs avec leur création engagée À nos morts, qui rend hommage à tous ceux -soldats ivoiriens, malgaches, burkinabé, camerounais, antillais, marocains, algériens, tunisiens-, qui furent enrôlés dans l’armée française, tirailleurs de toutes les guerres… Dépassant largement le cadre strict d’une chorégraphie hip hop, le spectacle mêle chansons rap, danse, images d’archives et de documentaires (fruit d’un remarquable travail de recherche), racontant, de façon chronologique, cette histoire enfouie dont la restitution est nécessaire. Du chemin des Dames à la guerre d’Indochine, des Aurès jusqu’au groupe Manouchian, c’est un condensé de l’aveuglement du colonialisme français qui saute aux yeux et aux oreilles, sans démagogie ni

rancœur, mais avec beaucoup d’émotions et de sensibilité. Sobre, le dispositif permet la pertinence des chants et des danses, libère les mouvements, chaque tableau s’accompagnant d’images fortes, oubliées pour la plupart, et dont la visée pédagogique n’est d’ailleurs pas sans intérêt. Le but est atteint, doublé même : la réhabilitation de cette mémoire, qui réaffirme des valeurs de tolérance et de respect, enrichit un peu plus encore la culture hip hop, «art noble qui se voulait d’abord humaniste et intelligent» rappelle Yan Gilg. DOMINIQUE MARÇON

À nos morts a été créé le 18 nov au théâtre de La Conne à Miramas, et le 22 nov au théâtre de l’Olivier à Istres, dans le cadre de Zone Danse Hip Hop

A nos morts © X-D.R

Enfermés Partant du postulat que chaque être est une prison et qu’il faut amputer une part de soi-même pour réussir à vivre avec les autres, la cie E.go utilise la métaphore de l’aphasie dans une pièce pour quatre danseurs qui tentent de tisser des liens. D’une prison faite de barreaux souples ils vont progressivement sortir ; les corps hésitent, se lancent enfin, se frôlent, forment une communauté réduite qui dit la difficulté de communiquer avec peu de moyens. Comment rester soi-même sans être

soumis ou sans soumettre l’autre ? Comment le comprendre sans l’agresser ? Les duos se forment et s’équilibrent, se servant des codes gestuels du hip hop pour sortir de l’isolement, énergiques, libres. Et ensemble. D.M.

Aphasie a été dansé au théâtre de Fos le 21 nov dans le cadre de Zone Danse Hip Hop

La rue dedans… La Passerelle fêtait ses 20 ans et donnait rendez-vous à son public pour un spectacle de rue… sur la scène. Entendez, tous sur la scène, spectateurs compris ! Il s’agissait pour la Cie Parnas de reprendre Le Crabe et le hanneton, créé dans la rue, et de l’adapter aux circonstances hivernales et alpines… L’étonnant est que cela resta un spectacle «de rue» : le lien avec les spectateurs participatifs, la présence de la fanfare des Sex Pistons, et surtout, le rapport à l’exploration commune du lieu scénique gardèrent la quintessence du spectacle in situ, lié au lieu et aux gens. Reprenant l’éloge paradoxal des Lois de Murphy -celles là qui énoncent que le pire arrive toujours, servant ainsi de caution à l’élaboration d’un monde sécurisé-, la joyeuse troupe invite son public à un lancer collectif de tartines beurrées -censées se retrouver bien sûr du côté du beurre-, puis à une exploration des dangers de l’espace scénique : lointain trop attirant, quatrième mur qui se dématérialise, mur du jardin qui a trop absorbé de textes et qui, si on s’en approche, vous

contamine… Franck Manzoni, qui a joué 12 pièces sur cette scène, fit alors un numéro épatant de collector de ses différents rôles, et le public reconnut, lycéens compris, Koltès, Brecht, Dubillard, Olivier Py… Car ce théâtre, en 20 ans, est devenu un lieu où la mémoire se construit. Joël Giraud, Vice-Président de la région PACA délégué à la montagne, souligna dans le discours qui suivit l’exceptionnel travail de la Scène Nationale, son accompagnement au long cours des artistes qu’elle soutient, la qualité constante de la culture qu’elle propose dans une région rurale, et de montagne, enclavée, et les 30000 spectateurs fidèles qui chaque année s’installent dans ses sièges. Exemplarité soulignée également par François Brouat, Directeur Régional des Affaires Culturelles, dans une lettre adressée à Pierre André Reiso, directeur de la Passerelle depuis 20 ans… A.F.

Les 20 ans de la Passerelle se sont fêtés les 9 et 10 déc à Gap


ARLES | SIRÈNES ET MIDI NET

En terre et sur l’air

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c’est une nouvelle de poids, le Départ de la Tournée Mondiale du Père Noël se fera de la place de la République, grâce à la cie Aérosculpture et à la cie Karnavires : un délire pyrotechnique et aérien prometteur ! Sans oublier le spectacle d’ouverture avec la cie Grupo Puja et son K@osmos en altitude (le 20 déc), la yourte de la cie Prise de Pied et son Thé Perché, la Montgolfière de l’Agence Mélusine, les comptines des Petites Poucettes de la cie Rêves et Chansons… Un grand rendez-vous populaire, dont la qualité ne se dément pas !

Une 5e édition s’annonce, pour de Drôles de Noël arlésiens qui vont mettre la ville sens dessus dessous ! Un peu raccourcie dans le temps, très dense donc, mais toujours pleine de surprises, la manifestation s’apprête à envahir les places, les rues et le ciel d’Arles, mais aussi, comme l’an passé, la façade de l’Eglise Saint-Trophime. Xavier de Richemont proposera de nouveau ses Chromatiques éclairées stupéfiantes, couvertures intégrales et bigarrées en sept tableaux ; de l’Empire byzantin aux fresques italiennes, les détails s’en trouvent magnifiés, vivants. Côté spectacles, une quinzaine de compagnies devraient faire le bonheur de tous, avec notamment quatre créations annoncées : celle de la cie

ARTS DE LA RUE

DOMINIQUE MARÇON

Noosphère de la cie Aya Contemporary Circus © X-D.R

Hybride, présente tout au long du festival, avec deux guides très particuliers, Les Smockings, qui vous accompagneront de vos pérégrinations ; sous chapiteau, place Paul Doumer, la cie Khoros revisitera le Songe d’une nuit d’été de Shakespeare, avec marion-

nettes pour de Drôles de songes ; une cie australienne, la cie Aya Contemporary Circus, fera le déplacement en NooSphere au Théâtre d’Arles avec utilisation de d’instruments traditionnels indiens, australiens et européens, de la danse et de la jonglerie ; enfin, et

Drôles de Noëls du 20 au 24 déc Office de tourisme d’Arles 04 90 18 41 20 Service culturel d’Arles 04 90 49 37 40

Tragédie à Grande Vitesse Phèdre, à la manière d’un mélo ou d’un vaudeville avec cousine orpheline, belle-mère et bonne. La mise en scène joyeusement décalée répond au burlesque du texte, sorte de récit bourré d’incises, un texte à la Renaude quoi. Et à la fin, quand une espèce de balayeur futuriste vient embarquer les bateleurs essoufflés, on se prend à imaginer ce que sera la Phèdre version longue que Renaud-Marie Leblanc est en train de concocter… FRED ROBERT

© Agnès Mellon

Lorsque Lieux Publics a sollicité Renaud-Marie Leblanc pour une performance dans le cadre désormais célèbre et attendu de Sirènes et Midi Net, le metteur en scène est resté quelque peu perplexe, ne se sentant pas vraiment à l’aise avec le théâtre de rue. Et puis, il a eu, c’est chez lui une habitude, une bonne idée. Puisqu’il travaille actuellement sur Phèdre de Racine, pourquoi ne pas utiliser ce matériau textuel ? Et puisque la consigne veut que la représentation débute à la première sirène de midi et s’arrête net (ou presque) à la seconde, pourquoi ne pas charger un auteur contemporain d’écrire une version

speed de la pièce ? C’est ainsi que, deuxième bonne idée, il a commandé à sa complice Noëlle Renaude de collaborer avec lui. Cela donne Racines, 10 minutes de jubilation théâtrale menée tambour battant, que le grand auteur classique n’aurait sans doute pas désavouées, même si le registre en est résolument changé. Le spectacle évoque le Grand Siècle, avec airs de ballets à la Lulli, costumes et perruques, l’Antiquité aussi avec le proscenium sur lequel virevoltent les acteurs, qui tiennent tous les rôles à eux 3. Sur ce long tréteau qui coupe le parvis en deux, troisième bonne idée, se joue en accéléré la passion de

Racines a été joué par la Cie Didascalies and Co, sur le parvis de l’Opéra de Marseille mercredi 3 décembre


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MUSIQUE

OPÉRA

Britten l’enchanteur La première représentation du Songe d’une nuit d’été de Benjamin Britten, à l’opéra de Toulon le 5 décembre, a remporté un immense succès Une des plus belles pages d’opéra du XXe siècle servie par une production remarquable, associée aux opéras de Nancy et de Caen, a offert au public toulonnais une soirée étincelante. Quelques notes caressées aux cordes suffisent, glissandos et portamentos coulants, et nous voici transportés au cœur de la forêt mystérieuse, théâtre féerique émergeant des profondeurs de l’orchestre. Surgit alors le roi Obéron, créature surnaturelle et inquié-

tante, à la tessiture de contre-ténor, que Britten a fait sortir du répertoire poussiéreux où il était jusque là cantonné. Timbre doux, posé et presque immatériel, Rachid Ben Abdeslam s’impose naturellement dans ce monde merveilleux. Sa reine Tytania trouve en Maïra Kerey les coloratures équivoques conformes à sa nature fantastique alors que le bavard Puck, campé par le comédien Scott Emerson, ne fait que causer. Et dès qu’il prend la parole, l’excellent trompettiste Pascal Reymond débite les phrases, musicales cette fois, dans une grande virtuosité pour un duo improbable qui cimente l’ouvrage. Dirigé de mains de maître par le spécialiste du genre Steuart Bedford,

© Frederic Stephan

ancien collaborateur et assistant de Britten lui-même, l’orchestre laisse s’échapper de la fosse des couleurs à la fois impressionnistes, subjectives et éthérées à la faveur d’une palette riche de deux harpes, d’un célesta et d’un clavecin, en plus des pupitres habituels. L’atmosphère enchanteresse créée par Shakespeare se trouve magnifiée par la mise en scène pétil-

lante de Jean-Louis Martinoty, secondé par Daniel Ogier dont les costumes mi-futuristes mi-chimériques, tout enguirlandés de loupiotes, transparaissent au rythme des jeux de lumières obscures et ouatées de Fabrice Kebour. Véritable synthèse des arts, cette production a tout d’une grande ! FRÉDÉRIC ISOLETTA

Aïda : le triomphe ! Une belle distribution vocale, un chef, un orchestre et des chœurs exemplaires, des danseurs étonnants, de somptueux costumes et des projections vidéos féeriques… tout a concouru au succès de Verdi à l’Opéra de Marseille !

© Christian Dresse

Pour réussir un grand Verdi il n’y a pas de secrets : il faut de grandes voix… la scène phocéenne n’en a pas manqué ! En tête, dans le rôle-titre, l’Américaine Adina Aaron a prouvé par ses qualités vocales et son engagement scénique qu’elle est actuellement l’une des plus grandes interprètes de l’Ethiopienne. Même si l’emploi d’Amnéris (traité en véritable négatif visuel de sa rivale) n’est pas tout à fait dans les cordes de Béatrice Uria-Monzon, la mezzo française a compensé un timbre un peu sourd, manquant de «spinto», par des atouts musicaux et un vrai talent de tragédienne. Côté hommes, le Coréen Ko Seng-Hyoun a époustouflé (comme à Orange en 2006) dans le rôle d’Amonasro, grâce à sa voix d’airain

et une présence captivante ! L’aisance scénique n’est pas, par contre, l’attrait premier de Walter Fraccaro… cependant son Radamès fut vaillant. On note que l’enchaînement des spectacles a laissé quelque trace sur les organismes : le 5 décembre (après cinq représentations en dix jours !), on a perçu dans les pianissimi aériens de la soprano un poil de souffle parasite, quand le ténor s’est avéré un peu court sur les ultimes aigus… Les basses solides Wotjek Smilek (Ramfis) et Dmitry Ulyanov (le Roi), comme le chant généreux de Sandrine Eyglier (la Prêtresse) ont complété un plateau vocal brillant. Dans la fosse, Nader Abassi a conduit, avec précision et souplesse, un orchestre en grande forme, quand les

chœurs sont passés du plein éclat glorieux à de fascinants «sotto voce». Le ballet «afro-guerrier» de Laurence Fanon a été particulièrement plébis© Christian Dresse

cité : c’est qu’on aime retrouver, comme pour Manon dernièrement, de vraies chorégraphies à l’opéra ! Mais le succès n’aurait pas été total sans l’absolue féerie des projections vidéos imaginées par Charles Roubaud. En fond de scène ou sur les côtés, les décors pyramidaux ont donné lieu à d’habiles emboîtements d’images, effets d’optiques, travelling cinématographiques du plus beau résultat… Jusqu’au final où, suivant le livret, le tombeau s’est ouvert sur un ciel nocturne… nous laissant, pour de longues heures encore, la tête dans les étoiles ! JACQUES FRESCHEL


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Vieilles perruques et divas fantasques Le 6 décembre au Théâtre du Jeu de Paume, ce qui fut autrefois un divertissement impérial a été représenté devant un plein parterre d’enfants (et de parents). Un spectacle loufoque qui a fait mouche ! En 1786 étaient joués à Schönbrunn, devant l’empereur, deux opéras commandés sur le même sujet : le Directeur de Théâtre de Mozart et D’abord la musique, ensuite les paroles de Salieri. Autre temps : ce spectacle est aujourd’hui destiné à un «jeune public». Comme quoi la démocratisation en matière d’accès à la culture a fait des pas de géant, malgré les dires de certains… Ceci dit, l’adaptation conçue par Jean-François Héron pour la Compagnie Interlude est une réussite. Cette sorte de vaudeville, avec dialogues parlés, ajustés en français, est un habile condensé du «buffo» italien de Salieri et de ce qu’il reste des numéros allemands du singspiel mozartien. Le sujet : un poète (Pierre VillaLoumagne) et un musicien (JeanChristophe Filiol), caricatures des «vieilles perruques» du XVIIIe siècle,

tentent de produire, sous la houlette du «Direktor», un opéra en quatre jours. Sur ce, surgissent deux sopranos hystériques et gémellaires, enrubannées et corsetées, qui se disputent le statut de «prima donna». Cette situation donne lieu à d’irrésistibles shows clownesques où rivalisent, en vocalises fantaisistes et mimiques bouffonnes, Monique Borelli et Lucille Pessey… alors qu’au piano Jan Heiting joue l’homme-orchestre. La mise en scène rythmée de Julien di Tomaso, souvent déjantée, intègre les airs tragiques ou parodiques et permet à la joyeuse troupe d’exprimer tout son talent. JACQUES FRESCHEL

Magie Homérique

de l’Ensemble vocal Philharmonia à se surpasser, alors qu’au clavier somptueusement orchestral, l’omniprésente Marie-France Arakelian a, comme de coutume, fait des merveilles. Pourtant on ne sait si les Aubagnais ont véritablement réalisé leur chance ! Certes, la salle a pleinement acclamé le ténor Luca Lombardo… mais a-telle saisi que le chanteur, qui remplace régulièrement Villazon défaillant, triomphe urbi et orbi dans Carmen, à Bastille ou au Stade de France, dans Louise, Les Contes d’Hoffmann, Macbeth ou Werther et partout dans… Tosca ? Ah, que son E lucevan le stelle fut somptueux ! On ne comprend toujours pas pourquoi ce Marseillais, l’un des plus grands ténors actuels, n’est pas à l’affiche de l’Opéra de sa propre cité… où il se contente de passer des vacances ! C’est maintenant ou jamais!

C’est Le Retour d’Ulysse de Monteverdi que nous proposait le Théâtre de Nîmes les 11 et 12 déc, mis en scène par William Kentridge sous la direction musicale de Philippe Pierlot et l’ensemble Ricercar Consort. Cet opéra de 1640, même s’il porte en germe, après l’Orfeo, toute la tradition lyrique à venir reste finalement très loin de l’écoute habituelle de l’amateur d’opéra… La magie de la mise en scène en a révélé toute la richesse. Des marionnettes grandeur nature, parfois manipulées avec adresse par les chanteurs dans le lointain, matérialisaient un trompe-l’oeil (baroque ?) tout en finesse et donnaient une consistance physique aux figuralismes qui dominent dans cette musique. Une projection au symbolisme très achevé complétait en fond de scène l’atmosphère intime de cette production aux accents anciens mais au look de théâtre contemporain. Un peu pris de court dans le Prologue, Ulysse (Julian Podger) s’est ensuite bonifié, et Pénélope (Romina Basso) s’est plongée avec conviction dans une trame dramatique suggérée par les continuos. Le public fut conquis par cette poésie riche, sensible et fascinante. Quand donc cet Ulysse reviendra-t-il visiter la région ?

JACQUES FRESCHEL

PIERRE ALAIN HOYET

Le cadeau de Luca Pour célébrer le 150e anniversaire de la naissance de Puccini, le théâtre d’Aubagne affichait, le 22 novembre, un beau plateau vocal… et un ténor royal : Luca Lombardo ! Le concert affichait quelques scènes et fameux airs tirés de La Bohème, Turandot, Manon Lescaut, Tosca ou Butterfly… avant la somptueuse Messe de Gloire du grand vériste italien. Au fil des apparitions, on a apprécié les aigus scintillants de Monique Borelli, comme l’émission généreuse, l’élan communicatif de la soprano Brigitte Hernandez. Bien connu de la famille lyrique locale, Claude Méloni (depuis bientôt 30 ans, le baryton forme des générations d’artistes dans sa classe de Chant au Conservatoire de Marseille) conserve, à près de 70 ans, une noblesse de ton et une conduite des phrasés d’une rare élégance. On retient également la prestation prometteuse de l’un de ses protégés dans le bref air de Colline : Rémi Ortega. La direction expressive et fine de Jean-Claude Latil, pour les cinq parties de l’ordinaire liturgique, a poussé les amateurs

Mozart-Salieri © X-D.R

Il Ritorno de Ulysse © X-D.R


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CONCERTS

MUSIQUE

Amante et pénitente

Cantates et sonates

Avec L’amour de Madeleine, le 6 décembre à l’église Ste Catherine, spectacle conjuguant déclamation et chant baroques, Euterpes a conclu son festival automnal par un point d’orgue d’une grande richesse littéraire et musicale

Si le talent du contre-ténor Max Emmanuel Cencic est indéniable, son récital du 27 novembre à St Victor a également révélé une formidable flûtiste : Dorothée Oberlinger

Marie Cristina Kiehr © X-D.R

Dieu qu’elle l’a aimé son doux Jésus la Marie-Madeleine évangélique ! Jamais peut-être la prose de Bossuet n’a exprimé avec autant de stridence la passion dévorante qui a animé l’ancienne pécheresse… Sa méditation intitulée L’Amour de Madeleine (avec aussi des extraits de l’Elévation sur Marie-Madeleine de Bérulle) exhumée pour l’occasion par la musicologue Catherine Cessac, a été lue avec exaltation par «le» spécialiste de la déclamation baroque : Benjamin Lazar. Certes, il fallu quelques minutes d’adaptation aux «r» roulés, «an» ouverts à la gasconne, «t» et «s» prononcés en fin de mot, «oi» convertis en «ouai», pour dépasser l’«exotisme» de la diction et recevoir de plein fouet toute la puissance du texte.

En contrepoint, partageant la même posture extatique, Marie Cristina Kiehr a interprété des pages de Charpentier consacrées à Marie-Madeleine. Sa voix très «phonogénique», homogène sur tout le registre, adoptant un pur style baroque (plat et peu vibré, doucement ornementé et conduit en soufflets) a séduit la nombreuse assistance, en particulier dans le prépondérant «Sola videbat in antris», déploration funèbre de l’amante face au supplice du Golgotha. Autre sommet du programme : un inédit Lamento della Maddalena composé par Monteverdi sur son célèbre Lamento d’Ariane ! Même si on peut attendre, dans ce morceau de bravoure, une voix plus ample de tragédienne, on n’a pas pour autant boudé son plaisir… D’autant que le Concerto Soave, conduit des claviers par JeanMarc Aymes, a tissé, au fil du concert, un échéancier soyeux de basse de viole, d’arpèges de théorbe, de chatoyantes ritournelles de violons… Une cérémonie lyrique qui a exalté le théâtre baroque des passions !

Le timbre est chaleureux, vibrant, la technique sûre, les phrasés sont élégants, sans un brin de mauvais goût et, par-dessus tout, le contre-ténor Max Emmanuel Cencic file quelques pianissimi captivants, d’une rare beauté. Il arrive souvent que ces voix présentent un timbre un peu plat, sombre… Ce n’est pas le cas chez cet artiste au vibrato brillant et dont les passages de registres sont imperceptibles. Sans rien enlever au talent de Philippe Jarrousky, davantage reconnu aujourd’hui, on place Cencic à sa hauteur ! Mais un virtuose peut en cacher un autre. Dans ce programme alternant des Cantates de Haendel et Scarlatti, les Sonates instrumentales du même Haendel et de Sammartini ont révélé une flûtiste hors-pair. Dorothée Oberlinger a époustouflé par la suavité de ses ornements et sa virtuosité sans faille. Véritable Paganini des flûtes alto et soprano, la musicienne a furtivement volé la vedette à la tête d’affiche !

Max-Emmanuel Cencic © X-DR

On regrette seulement d’avoir attendu le bis pour voir Cencic abandonner les partitions dans lesquelles il s’est continuellement plongé. À ce niveaulà, particulièrement pour des pièces qui sont presque des monologues d’opéra, chanter par cœur s’avère indispensable afin que le public capte, dans le regard de l’interprète, les sentiments passionnés qui s’expriment par le texte ! JACQUES FRESCHEL

JACQUES FRESCHEL

Carte blanche romantique Dans le cadre d’une Ouverture Soliste, l’ensemble Télémaque a proposé un programme de musiciens dits Romantiques au Ballet National de Marseille. Le pianiste Nicolas Mazmanian a inter-

prété Intermezzi op.117 de Brahms, pièce composée à pleine maturité, testament pianistique. Associations de thèmes d’une grande profondeur et d’une grande virtuosité. © Agnès Mellon

Yann Le Roux-Sèdes, au violon, nous offre ensuite À Paganini pour violon solo d’Alfred Schnittke. Là encore une pièce d’une grande complexité avec des trilles qui, mélangées à des citations coupées par de grands coups d’archet, barrent la mélodie pour qu’elle ne se fixe pas dans notre mémoire. Interprétation talentueuse qui se termine en désaccordant le violon. Intervient ensuite le cor joué par Marilyn Pongy dans un Trio pour violon, piano et cor op.40 de Brahms d’une expression grave et excentrique. L’Escalier du Diable de György Ligeti est probablement le clou de la soirée. Le piano solo nous emmène dans des crescendos incessants et vertigineux… Puis, en seconde partie du concert, le trio de Ligeti : le violon et le cor jouent un phrasé de six notes, l’ar-

chet est tiré en monocorde, le piano, presque absent dans le premier mouvement, repart dans des montées mélodiques avec le cor. Un 2nd mouvement vivassissimo et un 3e au rythme sauvage et précis, beaucoup d’asymétrie dans cette pièce aux accents de musique d’Europe de l’Est, climat énergique, turbulent, au propos parfois très jazzy. Une pièce à la fois moderne dans son écriture, classique par sa forme et… romantique par ses effets ! DAN WARZY

Ensemble Télémaque / Ouverture soliste lors de carte blanche aux musiciens de l’ensemble joué le samedi 6 décembre au BNM


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Messiaen… heureusement !

Trio complice

C’est dans une atmosphère tendue qu’a débuté le concert de l’O.L.R.A.P. au Toursky le 2 déc : des menaces de liquidation pèsent plus que jamais sur l’orchestre vauclusien et les subventions nationales ont été ôtées à la scène marseillaise… Après des Danses sacrées et Danses profanes de Debussy zébrées d’arpèges de harpe, Véronique Muzy s’est installée au siège d’un énorme Steinway. Certes, un tel instrument est inadapté aujourd’hui au discours mozartien : de fait, le dialogue orchestre/piano fut conçu au XVIIIe siècle pour un pianoforte à la puissance plus modeste ! Toutefois, certains artistes distillent sur clavier moderne des perles d’une grande suavité. On en fut loin… et le style Sturm und Drang du 20e Concerto en ré mineur n’excuse en rien un jeu sans nuance, déséquilibrant grossièrement les plans sonores ! Fort heureusement, l’hommage à Messiaen, en seconde partie d’un concert qui avait initialement pro-

Michel Bourdoncle © X-D.R.

grammé le contemporain Challulau (remplacé par Mozart, plus porteur…) a réconcilié le public avec l’émotion musicale… et fait oublier un temps les banderilles lancées contre la culture. Il faut dire que les Trois petites liturgies de la présence divine conservent, depuis 1945, tout leur impact, fondé sur l’alternance de mouvements rythmiquement furieux et de lumineuses harmonies. Michel Bourdoncle a tenu avec maestria la phénoménale partie de piano, quand Jonathan Schiffmann (plus à l’aise ici que dans

Dès les premières mesures on devine qu’on ne va pas entendre du Mozart habituel ce 23 nov à l’église Ste Catherine… C’est qu’avec le Centre Régional d’Art Baroque Euterpes, un Week-end classique ne peut l’être tout à fait !

Mozart) a conduit habilement percussions et cordes. On n’a que peu entendu, en fond de scène, le texte énoncé par les voix raides et peu juvéniles de la Maîtrise Gabriel Fauré… Mais elles ont été avantageusement doublées par les Ondes Martenot, instrument vibrant et insolite grâce auquel Claude Samuel Lévine a pu rendre justice (et justesse) à une oeuvre magistrale. JACQUES FRESCHEL

Un duo hétérogène

Alice Pierlot © X-D.R

Le 18 nov, à la Faculté de Médecine de Marseille, si le violoncelle de François Salque a ravi les sociétaires… Le piano d’Eric Le Sage a quelque peu déçu Souvent, dans un duo violoncelle et piano, le premier instrument revêt un rôle de soliste, quand le second se trouve davantage confiné à l’accompagnement «faire-valoir». La position du violoncelliste situé devant le piano, lui tournant le dos, renforce habituellement cette impression. Toutefois, les grands compositeurs de musique de chambre s’attachent d’ordinaire à répartir soigneusement le dialogue instrumental : le dessin mélodique n’est pas l’apanage du seul archet, le décor harmonique nonexclusivement dévolu au clavier… Ce fut le cas pour les opus exécutés lors de la 1277e séance de la Société de Musique de Chambre de Marseille. Au demeurant, si le violoncelliste François Salque s’est avéré un chantre bourré d’imagination, Éric Le Sage au piano a paru plus fade et moins inspiré… Au son large, ouvert et brut du premier, vibrant et lyrique,

puissant ou feutré, reproduisant avec une grande sensibilité le mezza-voce d’un baryton ou d’une soprano, le second a répondu par un jeu frustrant. Sans une once de faute de Francois Salque © X-D.R

goût, techniquement irréprochable et des doigts à revendre… mais le pianiste s’est accroché vainement, dans la Sonate en ré mineur de Debussy, la Sonate n°2 op. 117 de Fauré, les Pièces dans un style populaire de Schumann, à ce que son compagnon de récital lui suggérait. Plus à l’aise dans la Sonate n°3 op.69 de Beethoven, Le Sage a pourtant manqué de couleurs, de lumière, de respiration, jouant souvent trop fort, trop dur, trop droit… Visiblement ces deux-là ne vont pas ensemble ! Pris de cours pour les bis (rejouant l’intégralité de la Sonate de Debussy !), hormis l’immanquable et superbe Après un rêve fauréen, le duo a laissé le public sur sa faim. JACQUES FRESCHEL

Les cordes en boyau du Trio AnPaPié résonnent merveilleusement. Dans les différents mouvements du programme et le Divertimento en mi bémol de l’enfant de Salzbourg, le son est chaleureux, les phrasés respirent, les tenues hésitent entre une blancheur toute baroque et une vaporeuse coloration vibrée. Alice Piérot (violon) endosse le costume du chant supérieur, quand Fanny Paccoud (alto) et Elena Andreyev (violoncelle) dessinent aux étages inférieurs des arabesques rebondies. Chose exceptionnelle dans ce répertoire : les musiciennes jouent par cœur ! Cela n’est pas sans risque et il est arrivé à l’une, peut-être distraite par une volée de cloche intempestive, ou l’autre, ailleurs, d’oublier furtivement un bout de phrase musicale… Mais qu’importe ! Cette posture originale a permis au public de mieux suivre, au fil des regards complices et des gestes synchrones, le fin discours mozartien. J.F.


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MUSIQUE

CONCERTS

Entre India song et Barry Lindon C’est à une charmante promenade dans les partitions du 7e art que le Trio Pythéas nous a conviés le 5 déc à l’auditorium de l’hôtel Pullman, sur la Corniche de Marseille. Un décor de cinéma pour de la musique de film, ambiance feutrée et fauteuils confortables, une chaleur qui avait tendance à malmener les instruments, mais la magie musicale a su opérer. Après la présentation érudite et humoristique de Gérard Abrial, les trois musiciens ont fait preuve de leur indéniable talent. La musique originale d’India Song de Carlos d’Alessio ouvrait le bal, dans lequel éternellement dansent Delphine Seyrig et Michaël Lonsdale ; la suite de Bach pour violoncelle seul, qu’interpréta avec brio Guillaume Rabier, nous replongeait dans l’ambiance torturée du huis clos de Sonate d’automne de Bergman ; les accents de Williams laissaient les échos de La liste de Schindler répondre à la Ballade n°1 de Chopin toujours dans le monde tragique de la guerre du Pianiste. Le merveilleux thème de Barry Lindon, pardon, du Trio n°2 de Schubert, fermait un spectacle qui connut les rappels qu’il méritait. Il est vrai que les noms des films venaient à l’esprit avant celui des compositeurs, tellement ces morceaux leur sont liés d’une manière indissociable ! L’interprétation sûre et magistrale de Marie-France Arakélian au piano, le toucher sensible du violon de Yann Le Roux, ont conquis une salle comble. Un très joli moment de musique sans cinéma ! MARYVONNE COLOMBANI

Ensemble Pytheas ©X-D.R

Noël baroque L’ensemble Pythéas et le ténor Laurent Blanchard ont proposé un concert de Noël rassemblant des airs enjoués du répertoire baroque, et un quatuor de Mozart à des auditeurs plus qu’enthousiastes. On ne fut pas déçu de l’interprétation généreuse des Cantates de Bach ou des quelques airs de Haendel et Purcell par Laurent Blanchard, ni de l’aplomb du quatuor. On regrette cependant l’acoustique de l’Eglise qui n’a malheureusement pas permis d’apprécier à sa juste valeur la transcription de Sitkovetsky pour trio à cordes des Variations Goldberg, rendue pourtant avec beaucoup de précision et de solidité. On put également entendre le Canon de Pachelbel et le fameux Aria de la Suite n°3 de Bach : le plaisir du quatuor à exécuter ces grands classiques était

communicatif, et transmettait ce mélange d’entrain et de sérénité au goût d’hiver. Celui que l’on peut connaître lors des fêtes de fin d’année… ce qui est somme toute le but pour un concert de Noël ! SUSAN BEL

Le Concert de Noël a été joué par Pytheas le 13 déc à l’église Saint Ferreol (Marseille)

Marathon Beethovenien au Théâtre de Nîmes Abdel Rahman El Bacha © Alvaro Yanez

C’est un relais longue distance que nous ont proposés sept pianistes pour parcourir l’intégrale des sonates de Beethoven Lundi 1er décembre, n° 10 et 11 avec humour en guise d’échauffement. Puis, le tempo allègre du sostenuto de la Clair de lune nous fait craindre le pire… Jean-Efflam Bavouzet assume ses choix et tient la route avec cohérence et sans défaillance pour la suite : tout est enchaîné avec brio et le pianiste, un pied qui pulse en dehors du siège, se libère avec les n° 12, 13 et 18. Ça swingue chez Beethoven et ça court d’un pas jubilatoire à Nîmes! Mais il y en aura pour tous les goûts : on enchaîne avec Andrei Korobeinikov époustouflant de force, d’assurance et de vitalité (Apassionata et op 101 & 109...) en regard de la grande sensibilité d’Emmanuel Strosser. C’est le contraste école Française et Russe que panache avec brio Claire Désert le lendemain. Les hommes n’ont qu’à bien se tenir et chapeau bas Mesdame : Ho Jeong Lee confirme le lendemain dans La Pathétique. Entre ces deux dernières, Abdel Rahman El Bachat. Que dire ? Il est hors compétition : sa fluidité nous

emmène dans des mondes insoupçonnés en adéquation totale avec les n° 21 & 22. Les Dieux de la musique étaient au rendez-vous, Nîmes en était le théâtre ! PIERRE-ALAIN HOYET Ho Jeong Lee © X-D.R


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Soie, béton, Ébène

Pour 3 euros et 2 héros Beau programme au Galet de St-Martin de Crau dans le cadre du Festival des Nuits pianistiques le 22 nov Mozart et Beethoven successivement interprétés par Girard & Girard (Anne-Marie et Thomas) : un couple fait écho à un autre couple, sous la bénédiction de l’Orchestre Lyrique d’Avignon (en difficulté, et sous tutelle... voir Zib 12 et 13) dirigé par Volker Schmidt-Gertenbach (au tarif de 3 euros à l’initiative de la Mairie de St-Martin de Crau...). Une Ouverture des Noces pour chauffer l’orchestre avec brio et tonicité : les cordes fusent, les vents contre-

chantent et les timbales ponctuent, Mozart est bien là et on s’attend à voir arriver Susanna et Figaro ! En lieu et place Anne-Marie Girard nous livrent un ultime Concerto n° 27 KV 595 en si bémol dans un style parfait et épuré (une pédale un peu trop dosée ou un effet de l’acoustique sacrée ?), un jeu sobre perlé et délicat, tout en nuances. C’est Mozart ! Anne-Marie se libère au fil de l’œuvre, l’orchestre répond avec tact et entretient la sagesse mesurée et le bon goût de la pianiste. Thomas Girard prend le relais après une virile Ouverture des créatures de Prométhée, caractère auquel ne déroge pas le 5e Concerto totalement révélé par son interprète, engagé et

sensible. L’alliage des timbres avec les cordes est magnifique dans le mouvement lent et la cohésion confirmée dans le rondo et les entrées qui gagnent en confiance au fil des refrains. Quel(s) couple(s) ! Parfois, les modestes (Anne-Marie et Thomas Girard enseignent à la dynamique Ecole de Musique intercommunale des Alpilles de la Camargue et la Crau) n’ont rien à envier aux plus grands... et mériteraient d’être plus souvent sur scène ! PIERRE-ALAIN HOYET

Un pianiste aux doigts d’or… Soirée merveilleuse ce 25 nov à l’opéra d’Avignon, qui a offert sa scène au pianiste russe mille fois auréolé, et partout triomphant, Boris Berezovsky Boris Berezovsky © X-D.R

Ce prodige aux doigts d’or, âgé de 40 ans, enchante les scènes internationales depuis de nombreuses années. Un changement de programmation nous a permis d’écouter la sonate Waldstein de Beethoven (au lieu de l’Appassionata ) dans laquelle le pianiste a usé d’une palette sonore infinie, mêlant sobriété du geste et beauté du son. Dans les Scherzi de Chopin (remplaçant la Wanderer-Fantaisie de Schubert), il fut enchanteur, comme si, par magie, des milliers de perles délicates s’envolaient du clavier… Le summum de la perfection (car il faut croire qu’elle existe !) fut atteint dans la Sonate en Si mineur de Liszt: parti sur un tempo diabolique -mais n’était-ce pas pour donner toute sa place à Méphisto présent dans l’œuvre ?-, Berezovsky a joué cette sonate de haute voltige en rendant au compositeur toute son âme: l’on peut parler ici, sans hésitation, d’interprétation transcendante! Il fit salle comble, fut chaudement et longuement applaudi, et revint offrir deux bis. Car ce soir-là le piano était bien possédé, mais non par le Diable de Franz Liszt : par Boris Berezovsky, divin poète virtuose ! CHRISTINE REY

Quatuor Ebene © X-D.R

Le Quatuor Ebène, accompagné par Éric Le Sage lors du concert du 23 nov au Méjan à Arles, a fait entendre tous les états de la matière… Le béton, c’est cette magnifique interprétation du molto vivace central de Schumann, bissé bien évidemment (Quintette pour piano et cordes op 44). La soie, c’est cette révélation de l’écriture dense et imbriquée de Fauré (Quintette pour piano et cordes op 89) qui suggère une trame de tissu noble. Tour de force supplémentaire : ils passent de Fauré à Schumann, stylistiquement très différents, sans rompre avec leur cohérence. Nos musiciens révèlent, totalement engagés dans leurs interprétations, ce qui s’est passé en cinquante ans d’histoire de la musique. C’est de la haute couture, et la révélation juste et passionnée d’une architecture musicale de haut vol. PIERRE-ALAIN HOYET


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MUSIQUE

CONCERTS

Récitation

Scénographie ne chante point Au Grand Théâtre de Provence, le 11 décembre, on annonçait du théâtre musical : I went to the house but did not enter… On n’y est pas entré non plus ! Comment ! Tu n’as pas vu la dernière création d’Heiner Goebbels ? Avec quelle économie de moyen ce metteur en scène allemand exerce une irrépressible fascination sur les spectateur ? Comment il cultive la réserve naturelle du Quatuor Hilliard…. et jusqu’où ce compositeur scrute, fragmente les textes z’essentiels et énigmatiques de T.S. Eliot, Maurice Blanchot, Franz Kafka, Samuel Beckett, exploite leur «méfiance envers les formes narratives linéaires», contradictions et questionnements poétiques sans réponse, «sans contenu»… leur échec ? Disons-le tout net : on s’ennuie à observer dans le silence, de longues minutes durant, quatre silhouettes débarrasser au compte-goutte, dans un

carton à haut-fond, des tasses rangées sur une table, la théière, et puis les fleurs et son vase, la nappe… et la table elle-même, le tapis, les rideaux… avec la tringle !… (et tout repositionner ensuite, à l’inverse, sur le même tempo assommant) ; à écouter des mélodies raides, polyphonies syllabiques rasoir, qui ne chantent jamais, ou alors chevrotantes, des harmonies plates sur des rythmes lancinants, dans une chambre d’hôtel à la lumière d’un projecteur de diapos au cadrage trop large… Quel dommage qu’une telle débauche de moyens esthétiques s’avère si stérile! Car la scénographie est léchée, réglée au pied à coulisse : virtuosité dans la création des lumières, ambiances sonores finement travaillées (au deuxième tableau particulièrement réussi), décors impressionnants… Et les quatre voix anglaises, en harmonies, possèdent une suavité qui fait ardemment regretter de ne pouvoir les entendre dans Pérotin ou Ockeghem, qui leur vont si bien !

Le Trio Wanderer, depuis vingt ans qu’il «voyage» à travers le monde, a acquis une réputation telle qu’une affiche à leur nom suffit à emplir les salles de concert… Ce fut le cas du vaste auditorium du Grand Théâtre de Provence, le 20 novembre

© Agnès Mellon

Si le mot «Wanderer» évoque assurément Schubert, il n’a jamais été aussi pertinent que pour ce récital-là ! Songez que les mélomanes ont entendu deux des plus beaux joyaux de la musique de chambre : ses illustres Trios en si bémol et mi bémol ! Tous attendaient le fameux Andante de l’Opus 100. On n’a pas été déçu… mais pas non plus totalement emballé ! Certes, le trio français est particulièrement remarquable dans le soin apporté au mixage des timbres, tout en

JACQUES FRESCHEL

Les enfants et la Mort Le théâtre des Salins est bondé de bambins qui piaffent, le 21 nov. Sur le plateau, les musiciens de Télémaque chauffent leur biniou. Pour capter l’attention, le maestro Raoul Lay entre et salue lentement : le silence se fait! © Agnès Mellon

À l’écoute du conte de Grimm Le vaillant petit tailleur (vous savez : «Sept d’un coup !») narré par la comédienne Julie Cordier, les bambins jubilent, car les sonorités illustratives (glissandos figurant la chute des mouches, combat percussif des géants, fanfare crâneuse de cuivres, féerie toute ravélienne…) habilement composées par Tibor Harsànyi renforcent l’intérêt du récit. Et le tour est joué ! Mais l’enjeu est tout autre après quel-

ques minutes d’entracte! Dans deux ronds de lumière, une clarinettiste et un contre-bassiste se font face, dessinent des contrepoints énigmatiques. Le langage musical s’avère subitement plus moderne, l’atmosphère vire à l’étrange… Dès la présentation des motifs musicaux, à la manière de Pierre et le loup, on comprend qu’on n’a pas affaire à simple un conte naïf. À la différence de Prokofiev, les thèmes ne représentent

pas seulement des personnages, comme la Princesse ou le Roi, mais aussi des «Idées» que l’on n’associe que rarement au monde de l’enfance : Dieu, La Mort… C’est que La Mort marraine de Grimm est un conte à part, offrant de nombreux niveaux de lecture : biblique, symbolique, analytique… Au premier degré, à son écoute, un enfant ordinairement constitué risque au mieux d’être angoissé, au pire de décrocher… Mais ce ne fut pas le cas à Martigues, en partie grâce au jeu habile et minimaliste de Julie Cordier… pas un brin racoleur ! La comédienne laisse la place à l’imaginaire et, surtout, elle s’efface quand il le faut devant la partition du compositeur. La facture moderne et lyrique de Raoul Lay, poétique, tantôt puissante ou sarcastique, doucement dissonante, colle à souhait à l’univers onirique et implacable du récit. Au final, le pari est gagné : non seulement ce conte difficile a fasciné, mais les pitchouns ont écouté sans ciller… de la musique contemporaine ! Vous savez, celle qu’on qualifie sempiternellement d’inaudible et d’élitiste… JACQUES FRESCHEL


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soignée

Trio Wanderer © Achim Liebold

nuances subtiles, correspondances synchrones des phrasés : leur technique est éprouvée, l’entente magistrale ! De plus, dans ces opus hyper-connus, ces trois-là adoptent des choix personnels : comme celui récurrent de prendre finement appui sur la pulsation, afin d’accorder aux mouvements une unité stylistique qui les tirent élégamment du coté de la danse. Cependant, leur jeu léché et implacablement raisonné a, de temps à autre, semblé un peu récité,

La forza tranquilla manquant de vie, de fantaisie, de fragilité, de risque… d’émotion ! Le piano délicatement coloré de Vincent Coq a pâti d’une utilisation abusive de la sourdine (sans doute par peur de couvrir les cordes) : du coup il a parfois manqué de corps dans les contrechants. Au violoncelle profond et lyrique de Raphaël Pidoux, le seul à nous entraîner, au-delà des notes, vers des rivages rêvés trop furtivement abordés, le violon de Jean-Marc Phillips-Varjabédian a répondu par des sonorités ni très nettes, ni très rondes… un peu sèches ! Ceci dit, la leçon est toujours belle quand elle est signée Schubert ! JACQUES FRESCHEL

© X-D.R

Baroques parodies… Ce mois-ci, l’ensemble des Festes d’Orphée a proposé deux programmes à Marseille et Aix : Splendeurs du baroque italien et Grands motets provençaux en Noël

Petit choeur des Festes d'Orphée © X-D.R

Si les qualités musicales de l’ensemble instrumental, tout comme des chœurs et des solistes, est indéniable, et fort agréable, le premier programme s’avéra peu surprenant : le choix des œuvres de Lotti, Monteverdi et Carissimi manquait un peu d’originalité, ou d’intérêt musical. On ne peut en dire autant des Motets provençaux, qui composaient un répertoire moins attendu et qui pourtant paraît nettement plus familier ! Car le concert, construit de manière pédagogique, présentait aux auditeurs des œuvres illustrant un

Le concert symphonique, donné le 12 décembre dans l’auditorium du palais du Pharo, a révélé un formidable pianiste italien : Andrea Lucchesini

point précis d’Histoire musicale. Celui de la reconversion, puisque nous avons pu en apprendre un peu plus sur le procédé de la parodie dans les «Noëls», transformant une musique pré-existante en récit de la naissance de Jésus ! On reconnaît alors, amusés, le thème De bon matin repris par Auphand pour son Dixit. On repart heureux d’en avoir appris encore un peu sur le répertoire baroque provençal, qui gagne décidément à être connu ! SUSAN BEL

C’est dans le 2e mouvement du 4e concerto de Beethoven qu’Andrea Lucchesini a scellé son succès. Par la douceur de son chant et de souveraines suppliques, il a, patiemment, fait céder la formation orchestrale, l’emportant dans les ultimes mesures. Plutôt qu’Orphée pleurant Eurydice, on a imaginé le sage Sarastro chantant avec la voix de Pamina, luttant contre la puissance négative de cordes grandiloquentes… À côté d’un jeu d’une sensibilité supérieure, Andrea Lucchesini a fait entendre, dans les mouvements allants, une sonorité d’une rare homogénéité, claire et ronde, sans dureté, un style perlé, souple, facile et élégant, adjoignant quand nécessaire, comme dans l’impressionnante cadence de l’allegro

initial, une puissance virtuose tout expressive. L’abondant public de l’auditorium, lui aussi vaincu, a finalement laissé partir le musicien se reposer en coulisses, après deux brillants bis, cerises rougeoyantes sur un savoureux gâteau. Emmené par le volubile et pointilleux chef italien Evelino Pido, l’Orchestre Philharmonique de Marseille a répondu positivement à son sens du détail et des respirations. Dans «La Grande» Symphonie n°9 de Schubert, la qualité des solos de l’harmonie a estompé les travers d’une œuvre, certes novatrice et épique, mais s’égarant parfois dans des redites fastidieuses. C’est qu’on préfère sans doute le Schubert plus intime des Lieder et de la musique de chambre ! JACQUES FRESCHEL


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MUSIQUE

CONCERTS

Opérettes à la fête

Jeunesse

Lyrique

Entre Noël et l’Epiphanie, fête rime avec… opérette !

Pour bébés… et femmes enceintes

Rossini & Beaumarchais

A Marseille on chante avec La Veuve Joyeuse une délicieuse «Heure exquise qui nous grise…» (les 31 déc. 2, 6 et 8 janv. à 20h, le 4 janv à 14h30), quand à Avignon (également programmé par le Théâtre de Nîmes), on se souvient de Luis Mariano et de son fameux falsetto dans Le Chanteur de Mexi…iii coooh!!! (les 27 et 31 déc à 20h30, le 28 déc à 14h30). Si à Toulon on danse sur Theodorakis pour un Zorba le Grec accompagné en direct par le chœur et l’orchestre de l’Opéra municipal (les 27 et 31 déc à 20h, le 28 déc à 16h), on patiente

un peu sur la Canebière, à l’Odéon, pour l’inusable succès de Francis Lopez Quatre jours à Paris (les 17 et 18 janv à 14h30) et à Miramas pour un rare «bouffe» signé Delibes par Les Brigands : La cour du Roi Pétaud (le 16 janv à 20h30). MARSEILLE. Opéra 04 91 55 11 10 / Odéon 04 96 12 52 70 http://marseille.fr AVIGNON. Opéra-Théâtre 04 90 82 81 40 - www.mairie-avignon.fr NÎMES. Théâtre 04 66 36 65 10 http://www.theatredenimes.com TOULON. Opéra 04 94 92 70 78 www.operadetoulon.fr MIRAMAS. La Colonne 04 90 50 05 26 / www.scenesetcines.fr

Baroque Noël L’ensemble Eleusis (voix, flûtes, harpes et viole de gambe) dirigé par Corine Tièche joue Charpentier Bach et des Noëls traditionnels. MARSEILLE. Le 20 déc à 17h – Eglise adventiste de Saint-Tronc Entrée libre 04 91 26 20 14

Mozart à Paris Un étonnant voyage baroque présente, autour de Sonates de Mozart, des pièces de compositeurs aujourd’hui oubliés que le jeune Salzbourgeois rencontra lors de son second séjour dans la capitale française. Sharman Plesner (violon) et Jean-Paul Serra (pianoforte) jouent donc Johann Schobert et le Chevalier de Saint Georges.

Jazz Scène ouverte Le jazz-band des élèves et enseignants de la Cité de la musique fait le bœuf en sous-sol. MARSEILLE. Le 12 janv à 21h à La Cave 16 rue B. Dubois. Entrée libre 04.91.39.28.28 www.citemusique-marseille.com

Just Jazz quartet Le batteur aux influences africaines Aldo Romano improvise avec Henri Texier (contrebasse) Géraldine Laurent (saxophone) et le clarinettiste Mauro Negri.

AIX. Le 15 janv à 18h30 au Musée des Tapisseries MARSEILLE. Le 16 janv à 20h30 à la Bastide de la Magalone Baroques Graffiti 04 91 64 03 46 www.baroquesgraffiti.com

Musique spirituelle du soir: le temps de Noël Le chœur La Passacaille dirigé par Françoise Espitalier, accompagné à l’orgue et par un quatuor à cordes, chante une Cantate de Buxtehude, un Choral de Mendelssohn et un chœur extrait du Messie de Haendel. AIX. Le 20 janv à 19h – Chapelle des Oblats Festes d’Orphée 04 42 99 37 11 - www.orphee.org

AIX. Le 20 janv à 20h30 au Grand Théâtre de Provence. 04 42 91 69 69 www.legrandtheatre.net

Modern Pop Quartet Régis (vocal et percussions) et André Ceccarelli (batterie), père et fils, accompagnés du pianiste Eric Legnini et du contrebassiste Laurent Vernerey reprennent les titres de leur dernier album pour un voyage swing de Broadway à Londres. AUBAGNE. Le 20 janv à 21h au Comœdia 04 42 18 19 88 www.aubagne.com

Voilà une expérience rare et originale! Si Raoul Lay a déjà «composé pour le jeune public avec la complicité d’Olivier Py, ou encore à partir de contes des frères Grimm», il va encore plus loin dans Nokto. Avec la complicité du metteur en scène Jean-Pascal Viault, il conçoit un spectacle qui prend les bébés au sérieux. Le temps s’y étire, aux sons éthérés d’une voix de soprano, d’une flûte, de percussions, et conduit au rêve en stimulant l’imaginaire… LE REVEST. Les 6, 8 et 9 janv. à 19h30. Maison des Comoni 04 94 98 12 10 www.polejeunepublic.com http://lyonne-en-scene.com www.ensemble-telemaque.com

Oh ! La soprano Annabelle Playe, à partir d’opus d’Aperghis, Berberian, Cage… explore le son, manipule la langue, détourne le maniement d’objets, crée un monde poétique à l’usage des tous-petits (dès 3 ans).

La Compagnie Opéra éclaté représente le Barbier de Séville de Rossini en remplaçant les récitatifs de l’opéra par les extraits de la pièce éponyme de beaumarchais. Mathias Vidal, Jean-Michel Ankaoua, Hermine Huguenel, Christophe Lacassagne, Jérôme Varnier, Alain Herriau sont dirigés du piano par Corine Durous, dans une mise en scène d’Olivier Desbordes. DRAGUIGNAN. Le 4 janv à 17h.Théâtre 04 94 50 59 59 www.theatresendracenie.com

Diva au Faron La soprano Adina Aaron, qui vient de triompher dans Aïda à Marseille, chante Vienne et des airs d’opéras et d’opérettes pour le Concert du Nouvel-an toulonnais, accompagnée par l’orchestre maison (dir. Giuliano Carella). Adina Aaron © X-D.R

MARSEILLE. Cité de la Musique – Auditorium 04 91 39 28 28 www.citemusique-marseille.com

Solistes Son et lumière Le clarinettiste Jean-Christian Michel choisit de fêter ses 40 ans de carrière dans l’abbaye où il donna jadis son premier concert : «jazz et musique sacrée à résonance spatiale» avec «effets laser volumétriques en chorégraphie de lumière». MARSEILLE. Les 18 et 19 déc à 20h30 à St-Victor. Espace Culture : 04 96 11 04 61 www.jean-christian-michel.com

Boris le Grand Immanquable ! Le Cours Mirabeau attend, après son triomphe avignonnais (voir p.31) le tsar des pianos Boris Berezovsky dans Beethoven, Schubert et Liszt. Un phénomène de puissance virtuose et de musicalité ! AIX. Le 22 janv à 20h30 au Grand Théâtre de Provence 04 42 91 69 69 www.legrandtheatre.net

TOULON. Le 8 janv à 21h Opéra … Et récital du CNIPAL le 15 janv. à 19h au Foyer. 04 94 92 70 78 www.operadetoulon.fr

Mozart Short Cuts Il y a quelques temps, Laurence Equilbey (artiste associée au G.T.P.) concevait pour Nîmes un «opéra imaginaire» de Mozart , mis en scène par Macha Makeïeff et Jérôme Deschamps et accompagné par l’Orchestra of the age of enlightenment. Cette suite d’airs poursuit à sa manière l’exploration aixoise de l’œuvre de Wolfi. AIX. Les 15 et 16 janv à 20h30 au Grand Théâtre de Provence 04 42 91 69 69 www.legrandtheatre.net


35 Musique de chambre

Symphonique

Quatuor Gabriel

Tomasi en portrait

L’an neuf

Trois orchestres

Fondé en hommage à Fauré il y a 20 ans, l’ensemble français interprète les Quatuors avec piano n°1 en ut mineur du dit Fauré et l’Opus 23 du belge Joseph Jongen… à découvrir !

La Cité de la Musique ouvre ses portes pour rendre hommage, deux jours durant, au compositeur Henri Tomasi disparu il y a une quarantaine d’années. À l’occasion de la parution de la première biographie du musicien (dont le talent et l’aura méritent bien davantage !), Jacques Bonnadier anime une rencontre avec l’auteur Michel Solis (entendez son fils Claude Tomasi) avant la projection de deux filmsdocumentaires sur ce Corse né à Marseille (le 8 janv. à partir de 18h30). C’est ensuite à l’Ensemble Pythéas au grand complet, emmené par le violoniste Yann Le Roux-Sèdes, de célébrer la musique de chambre de Tomasi. Une œuvre multiforme, lyrique et sensuelle, s’échelonnant de 1928 à 1969 (le 9 janv. à 21h – Approche musicologique par Lionel Pons à 19h30)

L’année 2009 commence en fanfare dans la Cité des papes avec Les 100 violons tziganes de Budapest (le 3 janv à 20h30) suivis du concert du Nouvel an 2009 par l’OLRAP et les Ballets de l’Opéra sur des musiques signées Piazzola et Offenbach (le 10 janv à 14h30 ou 20h30, le 11 janv. à 17h – Entrée libre).

Exceptionnel ! L’Orchestre National de France (dir. Daniele Gatti) joue la 4e Symphonie de Brahms et se joint à Mihaela Ursuleasa pour le 3e Concerto pour piano de Bartok (Le 20/12) avant que l’Orchestre Français de Jeunes dirigé par Dennis Russell ne prenne le relais dans la 8e symphonie de Chostakovitch et, en compagnie de Laurent Korcia pour le Concerto pour violon de Tchaïkovski (le 23 déc, voir page 72). Emmanuel Krivine enfin, à la tête de La Chambre Philharmonique dirige Haydn sur instruments d’époque (le 10 janv).

MARSEILLE. Le 6 janv A 20h30 à la Faculté de Médecine S.M.C.M. adhésions 04 96 11 04 60

Du Danube à la Volga L’Opéra municipal poursuit son cycle de musique de chambre en affichant des solistes du crû : Augustin Bourdon (violon), Alain Geng (clarinette) et François Killian (piano) jouent Berg, Khatchatourian, Stravinsky et Bartok. MARSEILLE. Le 10 janv à 17h au Foyer 04 91 55 11 10 http://opera.marseille.fr

Bicentenaire Haydn & Mendelssohn L’un est mort en 1809, l’autre est né cette année-ci ! Les Musiciens d’Hélios jouent deux trios pour piano, violon et violoncelle de ces deux-là ! L’un est en la… et pas en si… l’autre est en ré ! AIX. Le 14 janv à 18h30 – Musée des Tapisseries. 04 42 21 69 69 www.aixenmusique.fr

MARSEILLE. Cité de la Musique – Auditorium 4 rue Bernard Dubois 04 91 39 28 28 - www.citemusiquemarseille.com

Brigitte Engerer © X-D.R

AVIGNON. Opéra-Théâtre 04 90 82 81 40 www.mairie-avignon.fr

Violon et orchestre

AIX. Concerts à 20h30 au Grand Théâtre de Provence 04 42 91 69 69 www.legrandtheatre.net

Renaud Capucon © X-D.R

À Marseille, Louis Langrée dirige L’Apprenti sorcier de Dukas, et la Suite n°2 de Daphnis et Chloé de Ravel. L’orchestre philharmonique accompagne également le violoniste Renaud Capuçon dans Tzigane du même Ravel et l’Introduction et Rondo capriccioso de Saint-Saëns MARSEILLE. Le 10 janv à 20h à l’Opéra.

Cantiques d’Amour

04 91 55 11 10 http://opera.marseille.fr

On attend, au bord du Rhône, la pianiste Brigitte Engerer dans Bach, Schubert et Liszt, en compagnie du comédien Daniel Mesguich qui lira des poèmes de Baudelaire, Aragon, Lamartine et Verlaine. ARLES. Le 23 janv à 20h30 au Méjan 04 90 49 56 78 – www.lemejan.com

Contemporain Derniers cris !

L’école de Vienne

L’ensemble vocal Musicatreize complète et affine son programme de concert sur le thème des «Cris». A côtés des inusables Cris de Paris de Janequin, Roland Hayrabedian dirige Cries of London de Berio, Les Cris de Marseille de Régis Campo, et… Cris de Ohana. De surcroît, on découvre une création : les derniers Cris de Nancy de Jean-Christophe Marti et Jean Poinsignon.

L’Ensemble Télémaque poursuit sa série de ses concerts thématique en Portraits composés. C’est au tour du fameux trio viennois, géniteur d’un pan entier de la musique du XXe siècle, de passer sous le moule analytique et pédagogique de Raoul Lay. Après cela les «Libertés et contraintes» de la «Musique atonale» feront partie des conversations les plus courantes du plus profane des amateurs… Avec évidemment, au programme, Berg, Webern et un chef-d’œuvre : le Pierrot Lunaire d’Arnold Schönberg (Brigitte Peyré : soprano).

MARSEILLE. Le 15 janv à 20h au Temple Grignan. Atelier d’écoute autour du programme le 13 janv à 17h à l’Alcazar – Entrée libre 04 91 00 91 31 - www.musicatreize.org

MARSEILLE. Le 23 janv. à 19h. Archives départementales Gaston Defferre. 04 91 08 61 00 - ww.ensemble-telemaque.com

Fin de tournée Noëls du Cg13 Les traditionnels concerts de Noël du Conseil Général des BdR. s’achèvent au pied du sapin, juste avant la dinde aux marrons ! Tchoune et ses Gitans sont à Marseille - Eglise St-Just le 19 déc à 19h, à l’église de Miramas le 20 déc à 21h et sur l’esplanade de la Tourette le 21 déc à 17h. La Maîtrise des Bouches-du-Rhône chante aux Milles - Eglise Sainte Marie Madeleine le 19 déc à 20h30, Marseille - Eglise Saint-Pierre SaintPaul le 20 déc à 19h45, à Fos - Eglise Saint Sauveur le 21 déc à 17h, à Fontvieille - Eglise Saint-Pierre Es Liens le 22 déc à 20h30, Martigues Salle du Grès le 23 déc à 20h30. Picante mêle mélodies aztèques et boléros mexicains à Marseille - Eglise Saint-Mître le 19 déc à 20h - Eglise Saint-Henri le 20 déc à 20h30 Eglise Saint-Pierre le 22 déc à 20h30 - Eglise Saint-Loup le 23 déc à 20h30 ou Salon - Collégiale Saint-Laurent le 21 déc à 17h. Convivencia chante les classiques de Noël. à Aix - Eglise d’Encagnane le 19 déc à 19h ; Marseille - Eglise de l’Immaculée Conception le 20 déc à 20h30 - Eglise du Canet le 22 déc à 20h - Eglise Ste Emilie de Vialar le 23 déc à 20h30 ou Gignac - Espace Marcel Pagnol le 21 déc à 17h. JACQUES FRESCHEL


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MUSIQUE

CONCERTS

Un écrin de voix dans un monde de brutes… Même si elles n’aiment pas être «mises en boîte», ces nouvelles artistes suivent une même direction, un chant clair et retenu et une guitare en bandoulière, traçant la même voie qu’avait emprunté Tracy Chapman il y a vingt ans... Soyons chauvins, commençons par Soha, qui retrouvait ici son ancien employeur, l’Espace Julien (28/11), sur scène cette fois : pas dépaysé par son flow reggae-ragga, le public se laissa porter par les accordéons et la guitare de Jamba, de Cuba au Cap vert, en passant par Paris (une superbe reprise des Ptits papiers de Gainsbourg). Les carnets de voyage de Grace, en première partie, démarrent aux USA, berceau du folk, qu’elle apprivoise avec des parents musiciens. Mais c’est l’Afrique là aussi qui évitera de s’échouer dans un virage pop trop mièvre, laissant place à une belle émotion. Tout comme Mélissa Laveaux, qui partageait la scène avec Eric Bibb à Cavaillon (5/12). Cette jeune pousse de 23 ans «veut être accessible», et tisse un lien entre Folk et Blues, jouant sur sa guitare de façon percussive, pour se rapprocher peut-être des ses racines caribéennes. Sur son My Space, une démo de huit titres l’a fait signer en France pour sortir Camphor and Copper, sensible et attachant, qui attend désormais une diffusion au Canada. La France a réservé le même accueil à la militante Asa, prix Constantin, et déjà plus de 70 000 albums vendus, débordant de bonheur et de chaleur sur la scène de l’espace Julien (10/12). Son Fire in the mountain a illustré

en rappel l’autre fil conducteur unissant toutes ces femmes : s’approprier le rythme reggae pour y diffuser un message de paix... Leurs disques sont à ranger à coté de ceux de Césaria Evora, Norah Jones, Tuck & Patti, Rokia Traore, Jill Scott ou Erika Badhu, (de telles références évitent les étiquettes!), mais aussi Annabel Lamb ou Eddie Brickell, deux artistes des années 80, dont leurs voix semblables en font l’écho exact. Ils suivent la vague de succès lancée par Ayo, qui devrait laisser le même sentiment au Dock des Suds le 20 janvier prochain : Capitaine de ce renouveau folk-cool au féminin, et dans les mains du reggae-man Patrice, elle chantera les chansons de son deuxième album, et devrait elle aussi nous faire rêver, apaiser nos consciences, et dispenser une chaleur bienfaisante.

Melissa Laveaux © Herve Milliard@artimage

X.RAY

Camphor and Copper Melissa Laveaux No format - Universal Ayo, le 20 janv au Dock des Suds

Hissé haut, le niveau ! Baptisé du nom du fruit emblème de la Réunion, la Margose, voici que s’arrête en rade de Marseille un voilier fédérateur qu’aucun amateur de musique ne laissera filer... Avec dans ses cales un programme qui tient la route, résumé sous une bannière universelle : Mieux vivre ensemble, ici et ailleurs. À son bord, le créateur de ce festival Margose, Christian «Acecool» Ortolé, qui avait déjà amené Lockwood sur les rivages d’Arménie au Dôme en 2007. L’ancre sera jetée dès le 14 janvier, dans les Studios Decanis, pour l’inauguration d’un Web café littéraire «Aimé Cesaire», pour «aimer ces aires», de rencontres et d’ouverture culturelle avec les Antilles. Sur le pont supérieur, une «plateforme promotionnelle dotée d’un esprit collectif» et une place réservée au jeune public, avec des contes, projections vidéo, concerts, répétitions, interventions d’artistes et associations. Mais ce qui rend original un tel débordement d’activité, c’est l’identité éco-citoyenne de tous ses participants : tous issus du courant

universaliste, ils ont naturellement accepté un tel projet, des participants d’Urban Creole avec le marseillais David Walters, aux plus virtuoses des jazzmen d’aujourd’hui, anciens d’Ultramarine ou Sixun, s’illustrant aussi au festival Carib’in jazz de Paris et ici programmés sous le nom de Sakesho... On pourra donc déambuler autour de techniciens hors pairs comme Sylvain Luc, toucher les baguettes (bio ?) de Steve Gadd, participer à une masterclass en compagnie de Moktar Samba, se rincer les oreilles pour des rencontres hautes en couleurs (comme Sandra Nkaké), et se mettre à l’œuvre pour sauver la planète. Du cocktail de bienvenue offert aux adhérents (non alcoolisé !) à l’affiche du dernier soir, unissant Richard Bona, Sylvain Luc et Steve Gadd, ce festival, contre vents et marées, s’implique et met le cap vers une vision alternative bourrée de bonnes intentions, qui ne

David Linx © X-D.R

devrait pas décevoir vu le nombre et la qualité des musiciens s’exprimant sur ce sujet... X RAY

Acecool présente du 14 au 17 janvier le festival Margose, l’inauguration de l’espace Aimé Césaire, masterclass inédites, et concerts.

À l’Espace Julien jeudi 15 (Sandra Nkaké, David Walters, Gérald Toto, David Linx et invités) et samedi 17 (collectif Playtime par Acecool, Zépis, Malafa, Blanc Métis et invités, puis concert exceptionnel Richard Bona, Sylvain Luc, Steve Gadd et invités) Renseignements aux Ateliers Decanis www.margose-festival.com


Débordements kaléidoscopiques Sensibiliser et faire partager la passion du free-jazz aux étudiants dans des espaces inattendus, tels sont les défis que cinq étudiants en Master Management en Manifestations Culturelles de l’IMPGT d’Aix-en-Provence ont decidé de relever pour couronner leur dernière année d’étude. William Memlouk, spécialiste de la chose jazzistique, nous propose une introduction très documentée juste avant le concert. Il a parlé de «la capacité de ces musiciens à se mettre en danger», et l’aventure mettra le trio sur le fil du rasoir. Michel Portal (clarinette, saxo) a pratiqué dans ses jeunes années les musiques populaires basques mais a également collaboré à des projets musicaux avec Pierre Michel Portal © Georges Bartoli

Boulez, Luciano Berio, Mauricio Kagel ou encore Stockhausen. Homme aux multiples facettes, il utilise des cris (à la manière des tennismen !) pour évacuer les trop-pleins d’émotion que lui procurent les improvisations avec ses acolytes. Bruno Chevillon est probablement un des contrebassistes français les plus recherchés. Par son écoute d’une acuité sensible, il donne la réplique d’une façon très intelligente et intuitive aux propositions de ses partenaires. Ses réponses sont toujours la démonstration d’une éloquence extrêmement riche et créative. Quant à Daniel Humair, c’est un batteur qu’il faut absolument voir jouer ! Pour prendre en compte toute la dimension de sa gestuelle, de son humour et de son énorme talent. DAN WARZY

Ce concert a été donné le 29 nov au Théâtre du Jeu de Paume à Aix-en-Provence en partenariat avec Les concerts d’Aixwww.concertsdaix.com

Petit conte de Noël au soleil Il était une fois deux acolytes musiciens, l’un grand, l’autre plus petit, qui allaient mener de front un rêve fou… La vie dans les vignes provençales n’est pas celle de Kingston, mais grâce à des connections efficaces, Al et Mehdi ont retrouvé le goût de leurs racines musicales… Déjà embarqués dans 10 ans de concerts avec leurs potes Sons of Gaïa, Ras Poletti, ou Gang Jah Mind, ils ont entraîné dans leur sillage Aubagne, le temps des fêtes annuelles de la Paix, organisées par la ville avec la MJC de Pin Vert et le Kabba Roots soundsystem. Car ils rapportaient à chacun de leur voyage ce rêve de faire tourner ces anciennes stars ici. Confrontés à la désertification de musiciens dans les studios au profit des machines, ils se sont retroussés les manches, en tournant avec Putus & Fuzzy, le regretté Eloquent, puis Assassin et Johnny Clarke. Un matin de janvier 2007, un appel de la radio Irie F.M leur asséna un

coup de bambou : ils voulaient produire un de leurs intrumentaux, le DST riddim, et faire venir toute la hype dancehall y poser leurs voix. C’est de cette façon que le reggae se vend en Jamaïque, et ce coup fut leur première bouffée de succès, aux cotés de Junior Kelly, I Wayne, Fatan Mojah, et surtout Morgan Heritage (le titre Headline dans leur dernier album). Mais leur ambition n’est pas restée sur le coin d’un cendrier, et toutes ces voix d’or de l’âge du roots, qui s’étaient tues depuis l’arrivée du ragga, attendaient de reprendre le chemin des studios. Un cadeau magique donc, ce Ghetto living de Linval Thompson. Un instant de «pures bonnes vibes», nostalgique sans être obsolète, et un duo avec Warrior King qui fait déjà parler de lui : un Handcart Band prometteur… X-RAY

Ghetto Living Linval Thompson sur I Tunes dès le 23 Décembre www.myspace.com/thehandcartband


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MUSIQUE

CONCERTS

D’ici Noël

Et pour continuer…

Même si lors des fêtes de fin d’année il ne se passe pas Après une rentrée musicale bien remplie, c’est le moment grand-chose, musicalement il y a toujours moyen de des grandes résolutions pour cette nouvelle année culturelle dénicher un ou deux bons concerts ! (19/12), et le Cargo de Nuit (Arles) qui fait monter sur scène Raoul Petite (19/12) et Pascal Ayerbe et Cie (21/12). Pour les piétons du centre ville marseillais, la Machine à Coudre est une très bonne alternative : Great Smut Zarma Orchestra conclura l’année (20/12) alors que vous pourrez repartir pour 2009 sur de nouvelles bases avec le punk hardcore américain et allemand de The Effort et Fall Appart (6/1). Petit message à celles et ceux qui ne s’arrêtent jamais : La revanche du Pire Noël sera sur la scène de l’Intermédiaire le jour J (25/12). Joyeux Noël ? FRÉDÉRIC ISOLETTA

Les blerots de ravel © Matthieu Ollitraut-Bernard

Tout d’abord il est encore temps de monter la rue Breteuil pour se rendre au Grim à Montévidéo. Les derniers concerts du 6e Festival Nuit d’Hiver, de l’écrit à l’improvisé ne doivent pas vous faire hésiter avec les Electronic Cowboy Cacophony (19/12) et la contrebassiste improvisatrice compositrice (ouf) Joëlle Léandre (20/12) pour, entre autres réjouissances, la présentation de son livre A voix basse, qui ouvrera la soirée de clôture du festival, au demeurant animée et festive : G. Foccroulle au piano pour des pièces de Braxton, Aixonoespanic venu tout droit de Barcelone et un mix de soirée en mode aléatoire pour conclure. Le lendemain (21/12), retrouvailles dès 17h en compagnie de l’électronique Ninh Lê Quan et de Tony di Napoli pour découvrir la musique sur pierre ! Après tout, pour les inconditionnels de l’Espace Julien, Noël peut tout autant se préparer dans une ambiance métal au gros son de Dagoba (19/12) ou hip hop engagé de Médine et rap palestinien de 3D All Star & Gaza Team (20/12). Quelques rues plus loin, le sympathique café concert le Paradox joue les prolongations avec Monzon (22/12). Comme quoi, on a toujours le choix, la preuve avec l’Usine (Istres) qui accueille Les Blérots de Ravel

UN BON CONCERT À VENIR Après les Chemirani’s le 15 janv, le Forum de Berre l’Etang programme le 23 janv prochain Carmen Maria Vega. Une petite bombe de femme impétueuse et menteuse, ses textes en Français la font plus passer pour un titi parisien qu’à une Dolores hispanique, et sa musique proche de Django Reinhardt (avec uniquement une guitare et une contrebasse) est tranchante et drôle. Un univers de comédie acoustique proche de Tryo, Thomas Dutronc, dont elle a fait les premières parties… X.R

Pendant cette période peu active, certaines salles font le break, comme le Bathazar qui éponge ses malheurs depuis leur récente inondation. Au menu, seul l’habituel Cooking sound au Variétés, et après les recettes japonaises de l’an dernier, c’est du 100% bio servi ce 16 janv, sur une assiette, avec un ticket de ciné et un DJ pas tout à fait au régime, MC Big Bouddha. Tout aussi zen, la Meson maintient le service dans cette trêve hivernale : Avec un concert de musique indienne (27/12) de Nabankur Battacharya, en soutien à un enfant malade de Calcutta, où l’accent méridional et la mandole d’invités membres de Dupain fraterniseront avec la tradition des tablas. Puis viendra Raphaël Imbert le jour de l’Epiphanie (4/1), accompagné du banjoïste américain (rencontré aux «Nuits d’hiver» de l’an dernier) Paul Elwood, où les deux extrêmes blues et free sauront là aussi se rejoindre. Enfin, c’est la sauce gitane d’El Titi mêlé aux ingrédients cubains de son groupe qui en sera le plat du jour (9/1, et le 10 avec la danseuse Florence Deleria). Mais la cerise sur le gâteau (des Rois) reste la venue d’un célèbre Sound System de «UK Dub», en gare de l’Affranchi, à Saint Marcel (17/1). Comprenez par-là des anglais derrière leurs platines, adeptes des rythmes jamaïcains, de ce lourd son de basse sortant de rangées d’enceintes, soule-

vant son public lors du passage de sélections inédites sur un système de son puissant et artisanal ! Cette «Dub Station»* est la meilleure façon de ressentir le pouls du reggae. Musical Riot, l’association aixoise qui s’investit à fond dans ce style depuis six ans déjà, par le booking et la promo d’artistes comme Aba Shanti ou les Hollandais King Shiloh, a amplifié le mouvement en s’étendant partout en France, et même les Parisiens font appel à eux pour des soirées similaires au Trabendo. Iration Steppas, déjà présents en 2006 pour le tour en Pays d’Aix, sont deux artistes très versatiles, pouvant prendre un virage Trip-hop (avec Kitachi) ou collaborer avec leurs homologues français, le dernier Improvisators Dub prouvant tout leur dynamisme et un certain renouveau dans le genre. Ne pas rater ce train, pour démarrer l’année avec entrain ! On attendra ensuite la rêveuse Ayo, et le virulent Kéziah Jones, tous deux au Dock des Suds, les 20 et 31 janv prochains. Mais d’ici là, toutes les résolutions seront oubliées… X-RAY

* Troisième édition des Dub Stations, avec Jacin’, Lion Roots Sound, et IRATION STEPPAS with Mark Iration et Dan Man, le 17 janv à l’Affranchi, 212 bd de Saint Marcel, entrée : 10 € Ayo © Jean-Marc Lubrano et Clam

04 42 10 23 60, www.forumdeberre.com

DERNIÈRE MINUTE El Ache de Cuba propose une foire aux disques vinyles pour tous les accros de la galette, alors pourquoi pas se faire plaisir avec du vintage en ces fêtes de Noël, ce samedi 20 décembre de 13 heures à 19 heures, avec tables d’écoute à disposition… X.R

04 91 42 99 79, www.elachedecuba.com


NÎMES | AGENDA

MUSIQUE

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Du cante au baile, flamenco ! C’est la 19e édition d’un festival qui fait de Nîmes une ville flamenca durant dix jours. Toute la diversité du genre est au rendez-vous, des interprètes de légende aux jeunes prodiges qui s’imposent, avec de grandes soirées prometteuses Parmi les rendez-vous attendus, une soirée qui verra se succéder sur la scène du Théâtre Juan José Amado, Fernando Terremoto et José Antonio Pantoja «Chiquetete» (qui, soulignons-le, choisit Nîmes pour son grand retour événement au flamenco) pour un hommage au cante. Trois styles et sensibilités différentes, Trois voix pour l’histoire (le 22 jan à 20h au Théâtre). Autre événement, et de taille, la présence, pour la première fois sur une même scène, de toute la famille Galván ! Car ils n’ont jamais dansé ensemble, José, le père, Eugenia de los Reyes, la mère, Israel, le fils, et Pastora, la fille. Se distinguant chacun sur les scènes internationales, ils offriront au public du Théâtre, le 23 jan, le spectacle unique d’un grand moment de flamenco gitan. En grand habitué du festival nîmois, Diego Carrasco, insaisissable chanteur à la voix cassée, réunira à nouveaux pu-

ristes du cante jondo et amateurs d’un flamenco modernisé, avant que le jeune guitariste surdoué Antonio Rey n’enflamme l’Odéon (le 20 jan à 20h). Côté espoirs, Alfredo Lagos, que les Nîmois avait découvert en 2006 aux côtés de Terremoto et Israel Galván dans Edad de Oro, revient, plus créatif que jamais. Le même soir, Alicia Gil, chanteuse sévillane atypique, offrira son chant pur, dépouillé (le 21 jan à 20h à l’Odéon). Le sud de la France ne sera pas en reste avec la venue de la danseuse marseillaise La Rubia, désormais installée à Jerez, et du chanteur Portde-Boucain Luis de Almeria, l’une des grandes voix du flamenco en France (le 19 jan à 20h à l’Odéon). Les enfants aussi seront comblés avec un spectacle présenté pour la première fois en France : Malgama est le fruit d’un mélange unique, celui des arts du cirque, de la danse et du

Mujeres © Luis Castilla

flamenco, une rencontre détonnante pour un spectacle qui ne l’est pas moins (le 17 jan à 18h30 au Théâtre). Enfin, Mujeres viendra clore ce festival foisonnant. L’émotion sera au rendez-vous pour le dernier grand spectacle de Mario Maya, figure historique du baile décédé en septembre ; une rencontre explosive entre trois femmes aux tempéraments différents mais complémentaires : Merche Esmeralda, authentique «maestra», Rocio Molina, dernière

grande révélation de la danse féminine, et Belén Maya, fille de Mario (le 24 jan à 21h et le 25 jan à 15h au Théâtre). D.M.

Festival de flamenco de Nîmes du 15 au 25 janvier Au Théâtre, à l’Odéon et à travers la ville 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

Au Programme MARSEILLE BMVR-Alcazar : Les Cris, atelier d’écoute de Musicatreize commenté par Jean-Christophe Marti (13/1) 04 91 55 56 34, www.bmvr.marseille.fr Cabaret Aléatoire : Jack de Marseille (20/12), Simon Bassline Smith, Sigma (16/1), Kamelancien, Tunisiano, Olkainry, Black Marche, Non sens (23/1) 04 95 04 95 09, www.cabaret-aleatoire.com El ache de Cuba Maudit comptoir (19/12), Lukesky + guests (20/12) 04 91 42 99 79, www.elachedecuba.com Embobineuse : Art & Terrorisme 4, L’abominable antifestival international des blanches dans la maison noire (19 et 20/12) 04 91 50 66 09, www.lembobineuse.biz Espace Julien : Dagoba et invités (19/12), Medine, 3D all star & Gaza Team (20/12) 04 91 24 34 10, www.espace-julien.com La Machine à Coudre : The Great Smut Zarma Orchestra, Devil Crockett, Demons (20/12), The effort (6/1) 04 91 55 62 65, www.lamachineacoudre.com Leda Atomica Musique : Kabar Labolition (20/12) 04 96 12 09 80, http://ledatomica.mus.free.fr

Paradox : Alexandre Manno en trio, Nordeste Brasil (19/12), Nimba (20/12), Monzon (22/12) 04 91 63 14 65 Le Lounge : Drôles de Drames & guests (20/12) www.myspace.com/lelounge13

VITROLLES

AIX

COUSTELLET

Le Korigan : Rakel Traxx, Rockett Queens, The Martins (20/12), Georgovia, Neo Cultists, Asserben, Odium (27/12), Misery Index, Hate Eternal, Aeon, See You Next Tuesday (21/1) 04 42 54 23 37, Luynes Le Pasino : 100 violons Tziganes (6/1) 04 42 59 69 00, www.pasino-aixenprovence.com

AUBAGNE

Moulin à Jazz / Charlie free : The Nu Band (10/1), projection du film Let’s Get Lost de Bruce Weber sur Chet Baker (24/1) 04 42 79 63 60, www.charliefree.com

La Gare : Une Nuit au Pakistan (20/12) 04 90 76 84 38, www.aveclagare.org

SALON Portail coucou : Boogie Balagan (20/12) 04 90 56 27 99, http://portail.coocoo.free.fr

SIMIANE

L’Escale : Alatoul, Les Doigts de l’Homme (19/12), Escale électro (17/1) 06 29 75 09 71, www.mjcaubagne.fr

Office de la culture : Bizet était une femme par la cie La Rumeur (10/1) 04 42 22 62 34, www.mairie-simiane-collongue.fr

AVIGNON

CHÂTEAU-ARNOUX/SAINT-AUBAN

Théâtre des Doms : Le jazz perd le nord : Mâäk’s spirit (16 et 17/1 à 11h30), Fabien Degryse Trio, Animus Anima (16/1 à 20h30) et Melanie de Biasio Quintet (17/1 à 20h30) 04 90 14 07 99, www.lesdoms.be

Théâtre Durance : Novo Quartet (20/1), Claire Diterzi (23/1) 04 92 64 27 34, www.theatredurance.com


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MUSIQUE

DISQUE

Offrez des disques ! L’objet reste agréable, le son incomparable, et si le disque continue à s’effondrer ce sont les enregistrements qui vont se raréfier… Qu’allez-vous donc télécharger, après ? Alors, quelques idées de cadeaux, sur quatre pages. Pour tous les goûts : vos enfants, vos amis et vos parents…

Le baroque

Le CD jeunesse

Le Quatuor Modigliani s’est brillamment produit, le 2 décembre dernier, à l’auditorium de la Faculté de Médecine de Marseille dans le cadre de la saison de la Société de Musique de Chambre. Les adhérents désireux de prolonger le plaisir de l’écoute, ou ceux qui voudront découvrir l’un des meilleurs jeunes quatuors français actuels, se procureront leur deuxième enregistrement. Présent sur les scènes de concerts depuis seulement trois ou quatre ans, après un CD consacré à Mendelssohn, Schumann et Wolf, le Quatuor Modigliani grave trois chefsd’œuvre de Haydn. On entend les fameux Lever de Soleil (op. 76 n°4 en si bémol), Le Cavalier (op.74 n°3 en sol mineur) et l’Opus 54 n°1 en sol majeur dans des interprétations pleines d’assurance, de lyrisme, de générosité et de vigueur rythmique, le tout doublé d’un naturel certain dans l’expression… Une réussite !

Le pasticcio est un plat italien mélangeant différentes saveurs pour un goût succulent mais également un florilège transalpin baroque d’airs d’opéras parfois oubliés et d’auteurs différents. L’ensemble français Pasticcio Barocco, au demeurant cosmopolite, s’est naturellement tourné vers le style résolument varié du compositeur violoniste Jean-Marie Leclair et ses sonates opus 4 pour deux hautbois et basse continue. Goût français et style italien au sein des mêmes opus : l’apogée des «goûts réunis» est remarquablement illustrée par la virtuosité et la musicalité de David Walter et Hélène Gueuret sur instruments modernes. Que ce soit dans un gravement pointé «à la française» ou un presto d’écriture fuguée, le timbre clair, précis et léger des deux solistes trouve un alliage parfait dans un continuo dynamique sans surcharge aux clavecin, basson et à la contrebasse. Agrémentée d’une récréation musicale opus 8 très réussie, cette première galette consacrée à Leclair se déguste avec délectation.

On a découvert le conte de Grimm Le petit tailleur, mis en musique par Tibor Harsànyi, le 21 novembre dernier sur la scène des Salins à Martigues, joué par l’ensemble Télémaque (voir page32). On entend ici un bel enregistrement de l’histoire par des musiciens de l’Orchestre de la Suisse Romande avec Caroline Sageman au piano. En récitant fantasque, Smaïn fait la preuve d’une grande d’imagination et interprète le conte avec nuances et drôlerie. Lors de cette captation en partie en direct (on y entend par moments des enfants qui réagissent au spectacle), à Genève, embobinée par les magnétos de Lyrinx et les micros de René Gambini, le Comique ajoute un opus musical cher à nos têtes blondes (ou brunes) : le Carnaval des animaux. À la partition fantaisiste de SaintSaëns, Smaïn agrège un commentaire savoureux qui réactualise les fameux portraits sonores : de La Marche royale du Lion aux Tortues mollassonnes, des Kangourous sauteurs au Cygne majestueux…

J.F

FRÉDÉRIC ISOLETTA

Le jeune quatuor

Joseph Haydn – Quatuors à cordes Quatuor Modigliani CD MIRARE MIR 065

Pasticcio Barocco Jean-Marie Leclair Hérissons production

La star Après Roberto Alagna chante Mariano (double-disque de platine), la star enregistre des chants traditionnels siciliens. Le ténor français s’y engage pleinement, le timbre ensoleillé, la verve démonstrative, et rend hommage à l’île de ses parents. «C’est le disque d’un Sicilien cherchant ses racines» précise Roberto ! Ces tarentelles et valses lentes, chants de charretiers ou de banquet, on les clamait aux sons des guitares, chez les Alagna, le dimanche à la fin du repas. Les arrangements signés Yvan Cassar habillent les mélodies populaires de soieries cinématographiques de cordes et de vents, du duduk arménien ou de la mandoline, de tissus orientaux… En clin d’œil à Nino Rota, on entend aussi la chanson du film Le Parrain. Un disque déjà classé parmi les meilleures ventes au rayon classique ! J.F.

J.F.

Sicilien Roberto Alagna CD DEUTSCHE GRAMMOPHON 4801302

L’histoire du petit tailleur – Le carnaval des animaux CD Lyrinx LYR 2258


La compil. György Cziffra (1921-1914) baigna dans la musique dès son plus jeune âge et fut un enfant prodige. Comme de nombreux Hongrois (son professeur le compositeur Ernst von Dohnányi par exemple), il subit la double-peine de l’histoire : l’alliance avec les Nazis puis le joug communiste. Il fut prisonnier de guerre de 1941 à 1947, puis prisonnier politique de 1950 à 1953, condamné aux travaux forcés. Un miracle fait qu’il a pu redonner des concerts, retrouver l’usage normal de ses mains et fuir en 1956 pour s’exiler à l’Ouest : en France. Rapidement ses moyens exceptionnels font fureur dans Liszt, Chopin, les partitions les plus acrobatiques. Il adopte le prénom de Georges lors de sa naturalisation en 1968, après avoir fondé le festival de la Chaise-Dieu en Auvergne. C’est tout simplement l’un des pianistes les plus prodigieux du XXe siècle ; aussi l’un des plus populaires, invité régulier de feue l’émission Le Grand Echiquier. Un coffret de 40 CD, intégrale (ou quasi !) de ses enregistrements studio de 1956 à 1986 vient de paraître ! De quoi ravir les fans, les nostalgiques, ou simplement ceux qui voudraient entendre le virtuose dans Les Années de pèlerinage, Les Etudes d’exécution transcendantes, les transcriptions de l’Ouverture de Tannhäuser, du Vol du bourdon, de la Danse du Sabre et les Danses hongroises de Brahms… et Chopin, Beethoven, Tchaïkovski, Franck… JACQUES FRESCHEL

Coffret Cziffra – ses enregistrements studio 1956-1986 Coffret 40CD chez EMI classics

Le DVD festif Les DVD d’opérettes d’Offenbach mises en scène par Laurent Pelly, qui paraissent régulièrement autour des fêtes de fin d’année, recueillent un vif succès. Après La Belle Hélène et La Grande Duchesse de Gerolstein, c’est au tour de La vie parisienne d’être revisitée par le fantaisiste homme de théâtre… et ce film devrait connaître le même bonheur que les précédents. Dans cet opérabouffe, davantage que dans les autres opérettes classiques du «Mozart des Champs-Élysées», les dialogues parlés occupent une place prépondérante. Du coup, ce sont souvent des comédiens chantant qui interprètent l’ouvrage… au détriment de la qualité musicale ! Ce n’est pas le cas ici : les chanteurs (qui jouent fort bien la comédie) se nomment Devellereau, Wesseling, Bou, Naouri, Fouchécourt… Ils sont accompagnés par l’orchestre et les chœurs de l’Opéra de Lyon (filmés fin déc. 2007). Et la réactualisation contemporaine de l’opus est burlesque à souhait ! J.F

La vie parisienne DVD Virgin classics 50999 5193019 6 Disque classique


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MUSIQUE

DISQUES

Lignée Après la venue deux années de suite à Marseille de Séun, la comparaison ne pouvait être évitée, ce 22 nov, lorsque Femi Kuti s’est produit sur la scène de l’Espace Julien : chacun des deux rejetons de Fela Kuti assume l’hérédité de l’Afro-Beat à sa façon ! Autant dire que la malédiction du «fils de», dans la grande famille des artistes, n’est pas respectée en Afrique, le legs parental étant même le fondement culturel de l’émancipation des générations suivantes… Son dernier cd, Day by day, suit la lignée avec la présence de son fils de 13 ans qui participe librement à l’effort créatif du père, sans pouvoir encore le suivre en tournée. L’AfroBeat a été largement digéré, sur They will Run par exemple, pour des saveurs plus jazzy-soul, et la bonne teneur en cuivres se confirme dans son show, certes moins hypnotique et radical qu’avec le frangin... Des ralentissements, voire des lenteurs, sont suggérés, qui ne s’inscrivait pas jusque là dans l’héritage familial. Femi construit ses titres en concert avant de les accoucher sur disque, comme le faisait son père, mais au final ne semble pas être autosatisfait… Une recherche perpétuelle, bouleversante, qui laisse jaillir des notes de nervosité et de mal-être dans la direction de son orchestre. X-RAY

Day by Day Femi Kuti Labelmaison – PIAS

À la grâce de Grace

L’élégance esthétique marinée de glam rock fait de Jad Wio un groupe à part, au gré des métamorphoses et performances scéniques de son leader emblématique Denis Bortek. L’œuvre personnelle excentrique, telle qu’il la définit lui-même, se joue du conformisme épidermique pour creuser une démarche immaculée aux confins du rock. Sombre et duveteux, l’album Nu cle air pop, édité en coffret collector, sort de l’ombre pour se mettre à nu. Jouvence contagieuse pour les onze titres majoritairement écrits en français et noir fantasque, pour une atmosphère voisine du glam gothique caverneux ! Composée de ballades pesantes ou de rock bien trempé de facture minimaliste, la livraison se veut intimiste et reluisante à la fois. Inclassable en somme, à l’image de ce groupe hors du commun qui compulse tel un ovni sonore l’univers mystique et romanesque du rock français.

Le CD-Livre Cooksound orchestré par Laurent KOUBY (musicien, gastronome et créateur d’évènements) nous propose une dégustation sonore autour d’une balade groove électro suave et délectable. Le concept novateur et assurément original de l’association musico culinaire (qui organise des cooksound party) met tous nos sens en émois devant un cocktail de musique ensoleillée servi juste à point. Le chef à double casquette nous mijote ses deux passions et gagne son pari ! L’ouvrage trilingue (français-anglais-japonais) propose 13 recettes typiques provençales telles que l’Anchoïade, l’Aïoli, les Tomates à la provençale ou les Calissons, accompagnées de 13 bouchées sonores concoctées par la crème des artistes marseillais, musiciens-gourmands de surcroît, histoire de cuisiner en rythme et d’éveiller ses papilles auditives (Stéphane le Borgne, Dimitri Shapko, David Walters et Loop entre autres). Gourmets, enfilez vos tabliers et savourez la musique !

Après une longue traversée du désert, Hurricane renoue avec la Grace : cette grande dame proche de l’âge de la retraite cultive le charme et l’énergie, sur des chemins inattendus. Des Bahamas à Paris, beaucoup d’hommes se sont approchés d’elle (Helmut Newton, Jean-Paul Goude, Andy Warhol) pour redessiner ses contours ambigus, jusqu’à une certaine débauche de sens. Sur disque, l’égérie de l’icônerie Gay des années 80 a imposé sa voix lourde et profonde… aujourd’hui intacte. La fidèle paire rythmique reggae, les «Jamagical» Sly and Roobie, flanqués de Barry Reynolds et Wally Badarou, restituent le son d’époque, dans Well well well et Love you to life. Mais cette jamaïcaine d’origine manœuvre ici avec eux un tournant plus acid jazz et triphop : produit cette fois par Ivor Guest (Misty Oldland), avec Tony Allen, Brian Eno ou la voix de Tricky, la lourdeur et la précision jamaïcaine se plaquent sur des envolées de cordes pleines d’amertume, un peu dans la lignée de Massive Attack. C’est d’ailleurs à leur concert à Londres le 19 juin dernier, que Grace Jones bravait un nouveau départ, confirmé par cet album à l’esthétique superbe, décelant un foisonnement d’idées musicales autour de cette femme de caractère.

FRÉDÉRIC ISOLETTA

SONIA ISOLETTA

X-RAY

Éclairage de nuit

Nu cle air pop Jad Wio Exclaim / Warner

Musique à déguster

CD-Livre Cooksound Laurent Kouby ed. Actes Sud Naïve «Marseille-Provence»

Hurricane Grace Jones Wall of sound – PIAS


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L’Abbé Bill

Aux portes d’Addis Vainqueur du K.O

Bill Deraime revient prêcher la bonne parole avec un nouvel album, adaptant la tournure Gospel et Funk de sa musique aux douze cordes d’une guitare retrouvée pour l’occasion…

Faire du neuf avec du vieux aboutit souvent au bricolage. Dans les mains du label Real World de Peter Gabriel, cela devient un travail d’orfèvre rigoureux, lorsqu’il touche sans les heurter deux sensibilités éloignées

En réponse au chaos de la crise mondiale, l’Afrique a deux mots à nous dire, et les uppercuts musicaux lancés par cet ancien boxeur sénégalais servent d’élixir contre la fatalité

Certains le prennent pour un illuminé, mais la carrière de cet ancien éducateur (dans une des premières freecliniques) l’a amené à faire jouer des bluesmen américains bien avant de sortir ses albums. Il a ensuite connu la vie facile, jalonnée de tubes éloquents comme C’est dur, S’coue-toi, Le chanteur maudit ou Babylone tu déconnes, puis une descente aux enfers bénéfique : «Sinon, je serai devenu un con, dans un milieu style Obispo, où tu dois être comme eux…». Revenant d’un pèlerinage marital qui l’a sauvé d’une probable dépression, le mystique Bill a trouvé la foi en un vrai groupe, présent au Garden’Blues festival à Marseille le 10 oct pour présenter sa dernière liturgie, Bouge encore. Une idée lumineuse d’avoir remis au goût du jour ses anciens titres : «Je n’avais jamais trouvé le courage avant, mais avec cette guitare, on obtient un son bien plus large». Tous ses vieux tubes sont ressuscités, et cinq nouvelles prières invoquées, en respect à tous ces exclus auxquels il a voué sa vie.

La route vers Addis et ses rythmes millénaristes avait été dégagée par les Éthiopiques, qui ne s’étaient guère arrêtés au carrefour du Dub, cette expression musicale s’inspirant du Reggae jamaïcain et d’une vision spirituelle de l’Éthiopie de Hailé Sélassié : Jah Shaka à Londres en est le maître du genre, et tient à garder près de sa table de mix’ la photo de cet Empereur-Dieu. Si lui ou Jah Wobble avaient pu défricher de telles frontières, c’est Dubulah, producteur attitré du label et remixeur derrière le Temple of Sound, qui concilie ces mondes aux antipodes, et jette ici un regard vierge sur la croisée inexplorée des deux Cultures. Des riffs reggae et des échos puissants font face à une corde ancestrale de messenqo, et des voix atypiques se posent sur du roots, comme dans Sima edy. Mais l’invitation à approfondir notre connaissance de ce peuple se révèle plus passionnante encore à l’écoute du très jazzy Neh Yelginete ou du bluesy Shegye shegitu.

Après 47 ans d’indépendance, d’indifférence, ils sont de plus en plus nombreux et déterminés, ces artistes africains qui s’approprient le rythme reggae dans ce pays. Le vétéran Marcel Salem les encourage et en appelle à la vigilance. La Kora de Djeli Moussa Diawara (Kora Jazz trio) côtoie le one drop jamaïcain, retenu avec aisance et agrémenté de chœurs féminins à la Tiken Jah. La comparaison s’arrête là, cette production plus modeste rapprochant l’artiste de son environnement traditionnel. Même si sa voix reste un trop peu en retrait, ses textes touchent nos consciences endormies, épinglent les problèmes, soutenus par des breaks puissants sur Hypocrite et Wonna caakke, et jusqu’à un dénouement final acoustique sublime. Après la mémoire des tirailleurs traitée dans son premier cd, un second round sans concession. X-RAY

X-RAY

X-RAY

Bouge encore Bill Deraime autoproduitdistribution Mozaïc

A town called Addis Dub Colossus Real World – Harmonia Mundi

Africa Vigilance Marcel Salem I-Welcom – Socadisc

L’invitation au voyage

Lofofora : toujours l’hallu

Le pop psychédélique serait-il de retour ? Saturnin sort du four sa première galette éponyme et nous laisse présager un bel avenir. Tranquille, perché et lunaire, Christophe Talon, alias Saturnin, nous fait voyager dans un monde parallèle créé de toutes pièces, fantastique et féerique, par ses chansons aux accents cosmiques, somnambuliques, presque progressifs. Sur un instrumentarium synthétique, chimérique et riche en couleurs se couche le mélancolique, faisant sonner ses mots comme une lecture de poèmes éthérés et subjectifs. Dans les bacs depuis novembre 2008, Saturnin est une véritable invitation au voyage au cœur d’un monde sonore peu défriché, du moins ces temps-ci. Il

Lofofora, groupe phare de la scène rock française depuis près de 19 ans, sort un nouvel opus intitulé Mémoire de singes. Les rockers de la bande emmenée par le chanteur Reuno nous plongent dans un univers aux sonorités fusionnelles d’éléments punk, hardcore et métal. Se retrouvent sur ce nouvel album, et comme à leur habitude, des paroles engagées et militantes ainsi que toute l’énergie et la rage qu’on leur connaît. Puisant son inspiration dans le climat social et politique actuel, Lofo excelle dans la description cynique du monde et ce tout au long des 13 titres qui composent ce recueil. Le groupe profite de cette sortie pour éditer un luxueux coffret, leur premier, avec les cinq albums mythiques retraçant leur

joue sur du velours et s’aventure à pas feutrés dans un espace infini, laissant le champ libre à son imagination sonore incommensurable. Il reste des places à bord…. FRÉDÉRIC ISOLETTA

Saturnin Saturnin Busy Line Discograph

discographie (5 titres, Lofofora, Double, Le fond et la forme et Les choses qui nous dérangent). Néophytes, il n’est pas trop tard donc pour vous intéresser de près à ce groupe déjanté ! SONIA ISOLETTA

Mémoires de singes Lofofora At(h)ome Wagram


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ARTS VISUELS

TOULON | ISTRES

Pierre Beloüin, un artiste multi plates-formes Avec Marseille et Nice, la halte toulonnaise de Pierre Beloüin porte un éclairage différent sur son travail qui fait du temps un élément majeur C’est une histoire au long cours que celle de l’exposition de Pierre Beloüin à la galerie des Musées (Remparts) de Toulon. Awan~Siguawini~~Spemki~~~ (Extended Version 2008), qui signifie Air-Au printemps-Paradis en langue indienne, fait suite à une résidence en 2006 à Langage Plus au Québec. Làbas, Pierre Beloüin s’immerge dans les paysages et la solitude, entretient une relation épistolaire par mails interposés avec l’artiste Nicolas Ledoux, et passe commande à douze compositeurs d’autant de séquences sonores, interessé par les images mentales produites par l’écoute«. Des divagations musicales nées des matières brutes prélevées in situ et transmises par voie numérique… De cette expérience, Pierre Beloüin a créé plusieurs œuvres qu’il expose sous différents angles, feuilleton ininterrompu dont on a vu un premier extrait au Frac à Marseille, un deuxième aujourd’hui à Toulon et un troisième au Dojo à Nice. Chaque fois dans une version nouvelle, combinaison d’images montées en vis-à-vis de bandes sonores invitant le public à un plongeon physique et mental, images arrêtées tirées en grand format permettant au spectateur de s’isoler grâce au casque d’écoute, vidéo réalisée sous la forme d’un diaporama et d’une lecture du texte de Nicolas Ledoux par Sophie Bocquet, mis en son par Coccon. De cette matière vivante et riche naîtra peut-être une réalisation cinématographique… © Pierre Béloüin

Croquons ensemble

© Pierre Béloüin

En attendant, un Special Kit réalisé avec Nicolas Ledoux, À chaque jour suffit sa peine, est édité par Optical Sound et Monografik comme une énième trace de cette aventure protéiforme. Un kit qui comprend deux éditions de 24 pages en quadrichromie, un DVD avec deux films d’une durée 98 minutes, une photo originale et un jeton de casino spécialement désigné Casino’23 en nacre synthétique et dorure à chaud. Rien de surprenant ni dans la forme ni dans le fond quand on sait que cet artiste multimédia, comme il se définit lui-même, aime à produire de petites éditions qui collent à ses projets, et à naviguer entre plusieurs médiums.

Marseille-Toulon-Nice Ce parcours inédit a été rendu possible grâce à la coproduction des trois lieux d’exposition, notamment la direction des affaires culturelles de Toulon qui souhaite favoriser les partenariats dans la région. Depuis trois ans, la galerie des Musées (Remparts) s’est ouverte aux pratiques émergentes de la création contemporaine : en 2009 elle exposera Cédric Teisseire, Catherine Bay, Françoise Huguier et Cyprien Gaillard, espérant ainsi s’inscrire dans la dynamique de la Villa Noailles à Hyères, du centre d’art Tamaris à La Seyne-sur-Mer ou Le Moulin à La Valette. Une galerie conçue comme une préfiguration à l’ouverture d’une galerie d’art au sein des musées de la Ville. Affaire à suivre… MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Pierre Beloüin jusqu’au 3 janvier Galerie des Musées (Remparts), Toulon (84) 04 94 91 45 60

Le 6 décembre, le CAC d’Istres organisait sa première rencontre-débat sur la question «du dessin dans l’art contemporain» dans le cadre de l’exposition d’Abdelkader Benchamma Même les choses invisibles se cachent. Dans la petite salle comble, ont participé à la discussion avec le public animée par Béatrice Béha responsable de l’artothèque intercommunale de Miramas, les artistes Adbdelkader Benchamma, Noémie Privat, Christophe Boursault ; et Michel Barjol représentait la galerie Martagon, Corinne Girieud le Blog du Dessin Contemporain, Claude Lorin pour Zibeline. Y ont été vantées les vertus du carnet de croquis, de la pratique du dessin, et regretté une certaine prédilection, dans l’enseignement et les galeries contemporaines, pour les arts vidéo et numériques… alors que nombre de jeunes artistes aiment à pratiquer les arts plastiques : ceux du contact et de la matière. Encouragé par ce premier succès, Bernard Hennequin, directeur du centre d’art reconduira l’expérience lors de l’exposition de Frédéric Clavère en 2009. A.F.

Centre d’art et artothèque : www.ouestprovence.fr Lire l’article de C. Girieud sur http://d0010.org de g. a d. Beatrice Beha, Noemie Privat, Michel Barjol, Abdelkader Benchamma © C. L


ENTRETIENS AVEC MICHEL BUTOR ET DANIÈLE UBEDA

ARTS VISUELS

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«J’ai tellement raturé…» Michel Butor était à Marseille sur l’invitation de Paradigme pour l’édition d’un livre d’artiste, Collecte, mis en lecture par Jean-Claude Nieto le jour du vernissage

Michel Butor dans les ateliers Vis-à-Vis, 2008 © X-D.R

Le trop bref passage de Michel Butor a permis de saisir au vol quelques paroles sur son travail. L’écrivain à la figure bachelardienne s’est prêté avec grâce à nos questions, très disert. Pour autant, il ne dira pas tout ! Zibeline : Je voudrais remercier tout d’abord -puisque je l’ai aujourd’hui devant moi- l’auteur des Mots dans la

Peinture mais aussi celui la DescriptiondeSanMarco etde L’embarquement de la Reine de Saba… Michel Butor : Ah oui ? je suis content que ces textes vous aient apporté une vision particulière dans votre formation artistique. L’écrivain voit les choses aussi à sa façon et il essaie de le faire avec ses mots, ses images. Vous venez de réaliser Collecte avec l’atelier Vis-à-Vis, ici à Marseille. Quelle a été votre part ? Ils m’ont contacté pour me proposer le travail préparé dans leurs ateliers, plusieurs livrets. J’ai fait les textes en rapport, des choses sur le voyage, le titre aussi. Vous êtes très régulièrement sollicité pour des collaborations croisées. Quels sont vos projets actuels ? Oh ! il y en a des dizaines ! Je travaille en ce moment aux tomes neuf et dix de mes œuvres complètes. Et puis des artistes m’envoient ou m’apportent des livres. et j’essaie d’écrire à l’intérieur. Ou bien dans certains cas il y a des textes qui sont déjà faits que j’envoie à des artistes qui me les demandent ou à des sortes d’éditeurs

spécialisés dans le livre d’artiste comme ici. Peu à peu ça se fait, c’est toujours intéressant à voir. Je me demande toujours ce que je vais pouvoir mettre dedans. Évidemment, je regarde si je n’ai pas de textes prêts qui pourraient aller, ce qui m’arrive parfois, mais le plus souvent je suis obligé de faire quelque chose de nouveau. C’est aussi intéressant pour moi, ça m’oblige à faire des choses nouvelles que je n’aurais jamais faites avant. Donc ça m’ouvre des quantités de portes. Ça me maintient jeune, et me permet de dire le monde autrement. C’est-à-dire ? De parler du monde, qui est toujours le nôtre, mais vu autrement. On a fortement besoin de le voir autrement. Le monde tel qu’il est actuellement ne satisfait pas le poète ? Non, il ne me satisfait pas tel qu’il est actuellement avec tout ce qui se passe. Alors il faut le changer. Il y a donc toujours à faire ? C’est toujours très difficile. Il y a toujours des problèmes à résoudre, c’est ça qui est intéressant. Il y a des

Éclaircissements ? Nous avons demandé à Danièle Ubeda de nous présenter le projet à l’origine de Collecte. Zibeline. C’est votre première collaboration avec Michel Butor. Quelle a été votre démarche ? Michèle Ubeda : En effet c’est notre premier projet avec Michel Butor et nous étions un peu impressionnés avant de le rencontrer ! Nous lui avons envoyé six livrets fabriqués autour de l’idée du comportement de voyage. Lorsque Michel Butor abandonne le romanen1962, ila commencéà voyager pour ne plus s’arrêter (les États-Unis, le Japon beaucoup) en plus de ses fonctions d’enseignant. Donc nous avons conçu cette proposition comme un itinéraire dans le temps et dans l’espace. Le livret évoque le carnet de notes. Le livret Lucarne fait référence à l’antiquité… Oui, Michel Butor a écrit par rapport à cette période, et ici c’est une feuille de carnet de notes qui date de 1938, celui-là un extrait de carte d’état major de la Champagne. Est-ce en rapport avec la vie de l’auteur? Non, c’est pour l’aspect visuel, les graphismes des routes, des chemins, la géographie du voyage.

On retrouve dans ce livre la grande importance que vous attachez à l’objet, la qualité de fabrication, l’aspect matériologique. Nous avons choisi du papier pur chiffon Arjomari, du buvard, des impressions sur feuilles de calque, des gaufrages ou des découpes, des pliages qui impliquent donc des manipulations. Michel Butor est intervenu dans les espaces laissés libres, en marge, sans utiliser les possibilités offertes des pliages (caché/dévoilé) ou les opacités du calque. C’est lui qui a écrit les textes et donné tous les titres, mais en respectant la part plastique du projet comme il le fait toujours, peut-être pour ne pas empiéter sur la création de l’autre. On s’aperçoit en lisant ses textes qu’il donne souvent un nombre de lignes fixe à ses paragraphes. Pour Collecte c’est à chaque fois sept. Savez-vous pourquoi ? Non ! Michel Butor aime rencontrer, mais il ne parle pas beaucoup de ce qu’il fait ! Mais je lui demanderai à notre prochaine visite. ENTRETIENS RÉALISÉS PAR CLAUDE LORIN

Une exposition de livres tirés de la collection de l’écrivain sur ces trois dernières années est présentée jusqu’au 20 déc. Un film est en cours de réalisation dans la collection Artimentaires.

couverture du livre d'artiste Collecte consacré à Michel Butor, édition atelier Vis-à-Vis, 2008

Collecte Michel Butor/Atelier Vis-à-Vis collection Vice-Versa, 2008 24 exemplaires, 520 /450 euros en souscription Atelier Vis-à-Vis / Paradigme 04 91 33 20 80 www.ateliervisavis.com

artistes qui m’inspirent alors là ça marche, d’autres moins. Travaillez-vous sur plusieurs projets à la fois ? Oui, j’ai beaucoup de projets entassés à l’intérieur de mon bureau. Je ne sais pas quand j’arriverai à tout faire ! Et de temps en temps il y a une urgence parce que le peintre a une exposition, le musicien un concert. Autrement les choses attendent. Quand c’est mûr, alors j’y vais. Il faut forcer un peu. Parce que les gens attendent. Alors je fais ce que je peux. Il y a ces obligations qui arrivent de l’extérieur ; mais comme pour d’autres créateurs existe-t-il chez Michel Butor une nécessité intérieure ? Les choses marchent parce que ça vient aussi de moi, seulement j’ai la chance d’avoir beaucoup d’occasions. Ces occasions me permettent de sortir ce que j’ai besoin de sortir. Ça m’aide beaucoup parce que j’ai tellement raturé !


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ARTS VISUELS

ATHANOR | BUY-SELF ART-CLUB

Beau de bête indéterminée

blancs n’apporteront pas plus d’informations contextuelles, tout juste une évocation d’un paysage rocheux et aride. L’ambivalence accuse un espace de sens interlopes. L’esthétique mise en avant par Lina Jabbour évacue radicalement toute jubilation et on peut concevoir facilement une certaine retenue du visiteur face à une telle chimère. Ici le cadavre n’est pas exquis ! C.L.

Isidore Lina Jabbour jusqu’au 31 janv Buy-sellf Art Club 04 91 50 81 22 www.buysellfartclub.com Lina Jabour, Isidore, installation, dessin et techniques mixtes, 2008 © Yohanne Lamoulere-Transit

Depuis Dada et le Surréalisme, l’univers de l’art moderne et contemporain est peuplé d’objets hybrides et ambivalents. La proposition réalisée par Lina Jabbour pour l’espace de la galerie Buysellf en poursuit l’exploration en ajoutant un sentiment d’indétermination inquiétante, déjà présent dans son travail graphique. À commencer par son titre, Isidore. Prénom à la sexualisation mixte mais plutôt masculine, évoquant aussi l’animalité d’un personnage de dessin animé (Isidore le chat malin…?).

D’ailleurs l’installation se compose, entre deux dessins muraux opposés, d’une sculpture hybride au centre de la pièce. Un plateau peint en gris, noir et blanc, en forme de peau de bête qui aurait subi l’aplatissement rectiligne d’un rouleau compresseur : la sensualité de la fourrure se dissipe pour laisser place à une représentation froide. Cette distance est renforcée par un léger surélèvement invisible par rapport au sol : le socle traditionnel disparaît mais sa fonction persiste paradoxalement dans le vide

sous-jacent et sombre. S’y ajoutent -apparemment non conformes à l’anatomie humaine- deux excroissances spatiales symétriques (bras/ antennes ?) faites d’os humains en résine, peintes (badigeonnées ?) de blanc laiteux, couronnées chacune par la tête griffue de balais à feuilles de jardinier, grise aussi. Un gris que l’on désigne dans le métier de moyen, ni clair ni foncé, comme la couleur du sol (mais il parait que la relation est fortuite). Les deux interventions peintes en noir sur le bas des murs

Décollages et transfigurations Le bestiaire de François Mezzapelle perd pied et prend de l’air sous les plafonds de la galerie Athanor Ces derniers temps ses drôles de zozos semblent s’échapper de la pesanteur terrestre pour filer au plafond. Si les formes rondouillantes persistent à gonfler certaines sculptures en de balourdes baudruches incapables du moindre frémissement de désolidarisation de leurs surfaces d’appui, le panthéon métamorphe mezzapellien s’enrichit de nouvelles hybridations rompant avec les formes gibbeuses précédentes et les arrièretrains callipyges. Le contraste est saisissant puisque tout ce qui faisait contact pesant avec

le sol a désormais disparu : suppression des pieds jusqu’au buste pour ne conserver plus que la tête ; au polyester stratifié des corps ont été © C.L

substituées de nouvelles matières (fourrure, tissus, chevelure, spirale plastique ou papier aluminium, fil de fer, broderies, ficelle, pierre…). Ainsi délestés de leur fardeau, impitoyablement décharnés et désincarnés, désubstancialisés, ces mannequins hybrides se sont élevés vers le plafond auquel ils sont désormais suspendus. Ils recouvrent parfois quelque indice d’humanité : coiffure, costume, tunique… Cependant les vêtements ne sont qu’enveloppes vides, l’air et son corollaire métaphorique d’anti-matière les emplissant de rien, un rien inquiétant quand même. Avec ses Zélateurs acérés coiffés d’hélices improbables, Mezzapelle annonçait-il dans les années 2001 cette tentative encore illusoire de se libérer de l’attraction terrestre ? CLAUDE LORIN

Transport François Mezzapelle Galerie Athanor jusqu’au 10 janvier 04 91 33 83 46

© C.L


DUKAN | HOURDEQUIN | ENCHÈRES

Syncretic paintings Sam Dukan et Marc Hourdequin montrent et partagent ce qu’ils aiment : la peinture. Après Emmanuel Barcillon, Joffrey Ferry, Alicia Paz présente ses grands formats récents. D’apparents enfantillages. Dans l’esthétique initiée en leur temps par le Pop art et l’Art brut, on ne compte plus aujourd’hui les artistes qui se sont emparés du quotidien. Au lieu de détourner le vernaculaire des objets en stratégies spectaculaires dans le monde de l’art, Alicia Paz s’obstine à peindre. Ses tableaux s’apparentent à des chromos surdimensionnés intégrant nombres d’icônes extraites des divertissements populaires (teletubbies, super héros de BD, monstres de dessins animés) et des représentations stéréotypées (récits pour enfants, rites de Noël,décors asiatisant…). Justement, Alicia Paz se plait à jouer avec ambivalence des différents niveaux de représentation. Comme dans ces paysages à la chinoise où le spectateur hésite entre représentation peinte (elle-même variable : aplats au pinceau, pochoir à l’aérographe, empâtements imitatifs…) et collages d’images simulant le réfé-

rent déjà peint, nature d’image (papier, décalcomanie, stickers), inclusion d’objets réels et/ou leur facsimilé jouxtant la chose peinte… On pense à la Nature Morte à la Chaise Cannée de Picasso et aux Combine Paintings de Rauschenberg, mais en bien plus réjouissant ! Dans cette profusion hétérogène, la peinture d’Alicia Paz agit par un jubilatoire syncrétisme. Ses origines mexicaines y seraient-elles pour un peu ? C.L.

Alicia Paz jusqu’au 17 janvier Galerie Dukan et Hourdequin www.dukanhourdequin.com

Chinoisierie (2008) huile, acrylique et collage sur toile 210 x 170 cm © Todd-WhiteArt Photography.

ARTS VISUELS

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Un os dans les enchères

Vue de l'exposition aux Grands Bains Douches © Yohanne Lamoulere

Ça y est ! La joie légèrement factice de fin d’année s’exhibe en guirlandes clignotantes (seule forme actuelle d’alternative ?) et signale le départ de la course aux cadeaux… Ce n’est pas la crise globalisée qui arrêtera le rituel… À vérifier cependant dans le secteur de l’art, les indicateurs de tendance du côté des galeries d’art marseillaises. VIP Art Galerie proposait début du mois une expo-vente spécial fêtes avec des œuvres de Bentin, Daderian et Ozenda à moins de 1000 euros. Dans quelques jours, Complex invite à une «vente aux peuchères» du 19 au 21 décembre, avec commissaire «friseur». Plus orientée générosité caritative fut la mise en vente, sous le marteau de maître Leclere, d’une vingtaine de vestes customisées par des artistes de bonne notoriété (Surian, Marchetti, Le Gouic, Muntaner…) à l’occasion de la journée de lutte contre le sida. Toujours bien armé, Damien Leclere aux Bains Douches n’a donc pas cassé la baraque le 11 décembre. Bien que les prix établis par les artistes eux-mêmes fussent attractifs, moins de la moitié de la quatre-vingtaine de pièces a trouvé acquéreur. Ainsi le grand tirage couleur et romantique, Sleeping Zône de Mélanie Terrier resté en sommeil. Reste à savoir si de telles initiatives sont profitables. Collectionneur, vendeur d’art, spéculateur, galerie, et, pour l’artiste, quid de sa côte réelle ? Comment réinvestir et soutenir le marché de l’art, quels acheteurs attendons-nous, qu’attendons-nous pour acheter ? Laissons passer les fêtes. C.L

Art-Cade 04 91 47 87 92 www.art-cade.org Complex 09 54 92 23 21 www.complexmarseille.fr VIP Art Galerie 04 91 55 00 11 www.leclere.auction.fr

Le Triangle de la solitude de Sophie Urbani


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ARTS VISUELS

LA VALETTE | MUSÉE DES TAPISSERIES

Le corps, cet obscur objet du désir

En proie à la migraine et aux insomnies, l’artiste marseillaise Michèle Sylvander s’offre une nouvelle promenade au rayon de l’intime

La dernière surprise de Michèle Sylvander, c’était en septembre dernier chez Marianne Cat à Marseille, lors de la présentation de son film d’artiste Une brève histoire d’Amour, conçu comme «un roman-photo en mouvement.» Une histoire d’amour tournée au ralenti qui se terminait tragiquement dans un crash sonore… Michèle Sylvander abordait l’image cinématographique avec cette gourmandise qui l’anime depuis ses premiers travaux, ne cessant depuis les années 1990 d’offrir un large spectre d’images. C’est justement cette diversité de médiums que

révèle aujourd’hui l’Espace d’art Le Moulin, à La Valette, qui réunit œuvres anciennes et inédites : photographies, sculptures, dessins (transferts d’images et crayons de couleur), film et vidéo, toutes habitées par un même appétit de la métamorphose. Une promenade en Céphalée, titre de l’exposition varoise, est arc-boutée autour du corps et de ses infinies représentations. Corps tantôt éclaté, difracté, comme si en radioscopant le cerveau ou l’oreille, Michèle Sylvander explorait l’intérieur de l’âme. Corps plongé dans une spatialité aqueuse, comme dans ses Autoportraits 1-2-3 de 1995 qui

jettent le trouble aux voyeurs que nous sommes devenus. Corps transgressé, outil d’évocations sensuelles équivoques comme dans sa série La Toison d’or de 2008, natures mortes photographiques mettant en scène un buisson de filets de poils blancs aussi foisonnant qu’une touffe pubienne. Corps ambigu traité avec une douceur exceptionnelle dans sa toute dernière sculpture en plâtre, Twins, qui figure avec sérénité et tendresse deux frères siamois. Corps barricadé aussi, comme dans ses autoportraits au visage grillagé de 2006, In God We Trust, plongés dans un noir carcéral et une féminité interdite. Le visage (son visage) dupliqué en masque mortuaire, quand il n’est pas lapidé ou décapité… Autant de miroirs -et de mirages ?- que Michèle Sylvander réplique au fil du temps qui passe, ce même temps qui laisse des traces sur les corps (son corps) et dont elle a fait œuvre. À l’endroit ou à l’envers, son corps est sa carte d’identité, son arbre généalogique. «Sa prison», dit-elle, et l’objet de tous ses désirs… Et la nouvelle surprise de Michèle Sylvander, c’est actuellement au Moulin, où elle livre sa toute première sculpture musicale, Tu me fais tourner la tête, véritable exploit technique et ivresse poétique. Réalisée en Plexiglas, cette sphère translucide tourne sur elle-même au ralenti, tandis que des hauts parleurs diffusent en boucle, depuis l’intérieur de leur cocon douillet, ce must de la chanson française. Édith Piaf immortelle ? Sans doute un mirage de plus… MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Michèle Sylvander jusqu’au 24 janvier Espace d’art Le Moulin, La Valette (83) 04 94 23 36 49

Tchèques en blanc et noir Au Musée des Tapisseries, Bernard Lesaing expose une série de clichés noir et blanc alternant portraits d’artistes et paysages tchèques. Les éditions praguoises Kant ont édité le catalogue. Plus une petite sélection d’œuvres d’artistes du pays. Bernard Lesaing a visité la République tchèque à plusieurs reprises. La première fois, adolescent, par reportage interposé lors de l’invasion de la Tchécoslovaquie en 1968. L’impression laissée ne le quitte plus. Un an avant la Révolution de velours (1989) il fait une escapade à partir de Munich puis est invité en 2005 pour une exposition. S’en suit un projet en hommage aux artistes tchèques qui nécessitera trois ans de gestation et d’allersretours. L’exposition comme le catalogue déroulent la linéarité du voyage mais, entre les visites auprès des artistes plasticiens, écrivains, cinéastes ou

musiciens, traduites par d’élégants portraits tirés en noir et blanc sur papier baryté, alternent les moments de paysages vécus comme de secondes rencontres. L’anecdotique ou le descriptif, l’évènementiel ou la dramaturgie du reportage laissent place le plus souvent à l’acte empathique du portrait que n’auraient pas renié August Sanders ou Diane Arbus. La mise en espace, quoique nécessairement linéaire par force des lieux, conçue par la conservatrice Christelle Roy, sert avec

sobriété le propos du photographe. L’exposition se poursuit avec une sélection de quelques œuvres d’artistes tchèques, deux peintres, Vaclav Machan, Michal Blazek et un sculpteur, Jiri Netik, invités en retour à présenter leur travail à Aix. On retiendra notamment le grand tableau de Michal Blazek, aux puissants contrastes colorés, inspiré par les paysages de Colombie. Pour 2009, l’ensemble des photos sera présenté au Centre culturel tchèque de Prague pour revenir à Lyon et Cannes. C.L.

B. Lesaing - Teresa Konickova

Visages et paysages tchèques jusqu’au 31 décembre Musée des Tapisseries 04 42 23 09 91 www.aixenprovencetourism.com www.imagesetrecherche.org catalogue 66 ill. n&b trilingue: français, tchèque, anglais éditions Kant, 2008, 20 euros


SECONDE NATURE

ARTS VISUELS

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Les murs ont des oreilles contemporaine en présence d’artistes qui investissent les mondes virtuels et le réseau : Collectif Dardex/Mort2faim, France Cadet, Lionel Scoccimaro, Pascal Silondi et Damien Berthier.

Seconde nature se pose à Aix où la Ville met à sa disposition l’Espace Sextius. Histoire d’un nouveau lieu pérenne pour les arts numériques et les musiques électroniques Il y a vingt-cinq ans déjà, l’Espace Sextius à Aix résonnait des musiques acousmatiques de François Bayle et Bernard Parmigiani, se souvient le sociologue Samuel Bordreuil, qui inaugurait le 11 décembre dernier la Scène numérique de Seconde nature dont il est Président d’honneur. L’Espace Sextius est donc le nouveau temple des arts numériques et des musiques électroniques : après dix ans de pérégrinations sur le territoire Aix-Marseille entre l’École supérieure d’art, la salle du Bois de l’Aune et la Fondation Vasarely, Seconde nature trouve ici un espace de visibilité pérenne. Une installation bouclée en quelques mois… à faire pâlir les sans logis ! Mais si certains s’étonnent de cette mise à disposition du lieu par la Ville, cette décision ne fait aucun doute pour Sophie Joissains, 8e adjointe au Maire : «On a véritablement eu raison de vous confier ce lieu municipal car on a fait confiance à l’avenir. Vous avez fait un parcours exemplaire depuis vos premiers pas à l’École supérieure d’art et, grâce à vous, nous accueillerons peut-être en 2013 la Biennale des jeunes créateurs d’Europe et de la Méditerranée.» Même engouement partagé par Patricia Larnaudie, 6e adjointe, qui soutient pleinement Seconde nature dans son projet de développement de ses activités au cœur de la cité, évoquant même «un pari sur l’avenir et sur l’intelligence…» Quant à Jean-Paul Ponthot, complice de la première heure, il a eu le plaisir d’accueillir à l’École supérieure d’art la première édition d’Arborescence : «J’ai vu dans cette association des qualités que je souhaite voir se développer chez nos étudiants… Les contenus qu’ils mettent en œuvre sont proches de nos réflexions pédagogiques.» Et d’ajouter : «Les territoires électroniques sont ceux que nous occupons en permanence.» Au vu de la foule présente ce soir-là, mêlant représentants des collectivités territoriales, professionnels, artistes et public, les arts numériques et les musiques électroniques sont vraiment des territoires de partage.

Un lieu pluridisciplinaire Depuis la fusion en 2007 des associations Biomix et Terre active qui a donné naissance à Seconde nature, l’équipe a mis en place un projet artistique transversal de grande ampleur. «On n’affiche pas les arts numériques comme un art nouveau. Ce sont des pratiques artistiques développées par des artistes issus de plusieurs domaines : la musique, la littérature, la vidéo, les arts visuels», rappelle son directeur Pierre-Emmanuel Reviron, intimement convaincu «que le développement des nouvelles technologies ne peut se faire sans son corollaire, le développement durable.» Concrètement, il s’agit de soutenir les artistes, «moteur et essence même du projet», par la diffusion et la production d’évènements, de concerts ou d’expositions. Par le développement aussi

Un troisième festival

Inauguration de la Scene Numerique © X-D.R.

d’activités de proximité pour aller à la rencontre de tous les publics (scolaires, centres sociaux, entreprises…) et la réalisation de projets à l’international (lancement en février du projet européen Terraz, développement depuis trois ans d’actions à Beyrouth, accueil du BJCEM…). En 2009, la question de la diffusion sera traitée sous forme séquentielle avec cinq cycles de programmation constitués chacun de rencontre, workshop, exposition, concert et résidence d’artiste. Un premier rendez-vous sera proposé du 8 au 31 janvier autour du Game Art, «Récréations», une manière ludique et artistique de s’interroger sur les rapprochements entre l’univers des jeux vidéo et la création

Le festival Seconde nature représentant près de quarante pour cent de l’activité de l’association, la troisième édition aura lieu en juillet prochain dans la continuité de Territoires électroniques et d’Arborescence. Il devrait se dérouler comme précédemment à la Cité du livre et à l’École supérieure d’art, à l’Espace Sextius bien sûr, même si l’équipe lorgne déjà du côté de Grand Théâtre de Provence et du Pavillon noir… En attendant la concrétisation de nouvelles collaborations, le festival s’inscrira en vis-à-vis de l’exposition Picasso Cézanne (voir page 74) en abordant la thématique de la métamorphose. Soutenue par la Ville, la Communauté du Pays d’Aix, le Conseil général 13, la Région et l’État à hauteur de 631000 euros en 2009, Seconde nature devrait sortir grandie de sa chrysalide et poursuivre son vol... MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Seconde nature / La Scène numérique Espace Sextius, Aix-en-Provence (13) 04 42 64 16 50

Inauguration de la Scene Numerique © X-D.R.


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CINÉMA

TURIN | FOTOKINO | LECH KOLAWSKI

Match-making À Turin, lors des 6e Journées Européennes de coproduction, des producteurs régionaux ont fait face à l’audiovisuel européen… Au départ, il y a l’idée. De court ou de long métrage, de fiction ou de documentaire. Mais après, il faut convaincre de l’intérêt et du réalisme du projet de film ! C’est là qu’interviennent le pitching et le matchmaking. Ces pratiques, évidemment américaines, sont apparues en Europe il y a une dizaine d’années, dans les forums professionnels. La première consiste à présenter son projet, en quelques minutes, devant un parterre de gens susceptibles d’être preneurs. Quant au match-making, c’est une sorte de speed dating pour partenaires potentiels, la plupart du temps producteurs et diffuseurs. L’Union Européenne encourage vivement de tels forums. La Région PACA, très active en matière d’audiovisuel, également. Ainsi une délégation régionale s’est rendue à Turin, du 18 au 20 nov. Conduite par Isabelle Nobio, responsable du programme Média pour le Sud, elle comprenait quatre producteurs qui ont retrouvé une centaine de leurs collègues dans le Lingotto, ancienne usine Fiat reconvertie en centre de congrès, pour trois jours de match-making intensif. Seul, Paul Saadoun, de 13 Productions, était venu sans objectif précis. Mais la réputation acquise dans toute l’Europe par sa série Palettes lui a valu d’être assailli de propositions, dont il a jugé certaines intéressantes. Alexandre Cornu, des Films du Tambour de soie, proposait un projet de documentaire qui replace Pétain dans le contexte des droites européennes de l’époque. Et il cherchait un partenariat pour les images d’archives. Bingo ! Outre des contacts prometteurs avec des Allemands, il a découvert qu’avec ce sujet il pouvait postuler au fonds de soutien à l’audiovisuel du Bade-Wurtemberg ! Deux tables plus loin, son confrère Fred Premel, de Tita Productions, bataillait comme un diable pour faire avancer son projet sur Bela Tarr qui sera, s’il se réalise, le premier portrait filmé du cinéaste hongrois. Dans sa ligne de mire : le responsable des programmes de nuit de la RAI, dont l’engagement pourrait être déterminant. À ce trio de Marseillais s’ajoutaient les Arlésiens de Station Animation, venus présenter La mare aux têtards, série TV pour la jeunesse, et un projet de longmétrage d’animation, Suzy et Milpli. «Dans de gros marchés comme le MIP, les gens sont peu disponibles, expliquaient-ils. Ici, on a le temps de discuter et ça peut vraiment tilter. En plus, on se fait une notoriété, on confronte des expériences, on détecte des talents. Bref on bâtit les collaborations futures.» À les voir tous à leur pupitre, défendant mordicus leurs projets de films dans un invraisemblable mélange d’anglais, d’italien et de français, on ne pouvait en douter ! JEANNE B.

Avec Taupek rêves, pleine de poches, et l’a fabriquée avec l’aide des animaux de la forêt… Cet épisode a été précédé de La Petite taupe et le parapluie, dont sept enfants de l’atelier animé par Catherine /Vincent ont créé la bande son. Petits et grands ont pendant quelque temps oublié la pluie, le froid, les embouteillages en rêvant avec la petite taupe. ANNIE GAVA

À venir à Laterna Magica Les gosses de Tokyo de Ozu

Un mercredi après-midi d’hiver, pluvieux et glacial sur le boulevard d’Athènes, à Marseille. Pourtant, au Rendez-vous des Quais, des enfants sont venus, très nombreux, des tout-petits accompagnés d’adultes qui paraissent aussi heureux qu’eux. Ils ont rendez-vous avec la petite taupe et très vite, la salle est pleine. C’est à Fotokino qu’on doit cette après-midi avec le dessin animé de Zdenek Miler, une des nombreuses propositions de Laterna Magica qui se tient 3 au 21 décembre. Le public a pu ainsi voir le tout premier épisode de la série, réalisé en 1957, en tchèque, traduit en direct par Nathalie Guimard. La petite taupe est née d’une commande au dessinateur Zdenek Miler d’un film d’animation sur la fabrication de vêtements. C’est ainsi que la petite taupe (en tchèque, taupe se dit krtek) a fait ses premiers pas à la recherche de la salopette de ses

Le dernier week-end du festival ménage de bonnes surprises cinématographiques ! La soirée de clôture, le 19 déc à 20h aux Variétés, propose un ciné concert : Gosses de Tokyo, de Ozu, est un chef-d’œuvre intemporel du cinéma japonais (1932), proche du burlesque américain par l’humour, mais plus cruel envers les patrons, et tourné à la hauteur des enfants, héros du film. Uli Wolters, jazzman, accompagnera la projection de ses compositions (percu et sax). Mais il y aura aussi, pour finir en beauté avec les tout petits, des projections de dessins animés le matin et l’après-midi des mercredi 17, samedi 20 et dimanche 21 : des histoires de jouets aux Variétés, Mia et le Migou à l’Alhambra… Pour fêter Noël dignement ! 09 50 38 41 68 http://fotokino.org

Lech in Marseille Le 12 déc au Polygone Etoilé, l’association Peuple et Culture-Marseille accueillait Lech Kolawski, par envie de montrer les films de ce cinéaste américain d’origine polonaise, qu’Éric Vidal, programmateur de l’association, a découvert sur Arte avec East of Paradise. Lech Kolawski © X-D.R

Lech Kowalski, qui a mis en ligne une sorte de journal filmé, un projet qui allie esthétique et urgence à dire, camerawar.tv, en a montré le premier chapitre et présenté celui qu’il comptait tourner à Marseille le lendemain. Après la projection du documentaire tourné à Cracovie, The Boot Factory, Lech a parlé avec le public nombreux de ses choix de cinéma, de la place primordiale du rythme, de sa conception du montage, l’important étant les images qu’on enlève. Pour The Boot Factory, son premier film en vidéo, dont la première partie est en noir et blanc, il a suivi pendant une année de jeunes punks qui ont créé une entreprise de fabrication de chaussures en cuir et a utilisé des caméras diverses -la première étant une Hi8- de plus en plus perfectionnées adaptées aux scènes filmées. Une rencontre passionnante qu’on aurait aimé prolonger longtemps ! ANNIE GAVA

On peut retrouver Lech Kolawski sur son site www.extinkt.com


FESTIVAL TOUS COURTS

CINÉMA

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Des p’tits courts,

des p’tits courts,

toujours des p’tits courts !

La nuit de tous les courts

plus fort, qui place le spectateur devant René, en ciré jaune, «un cri sans écho» cherchant désespérément, tout au long du film, le chemin qui le sortira de la solitude. René de Tobias Nölle ne laisse personne indifférent. Il a aussi accordé une mention spéciale à 4960, un film auto produit par WingYee Wu : Josef et Aïda essaient de se communiquer. Difficile ! Il étudie à Chicago et elle, à Sarajevo, ne peut sortir sans s’exposer aux snipers. Le prix Libre Court a été décerné au film, sans paroles mais aux images parlantes, Mein Vater Schläft (Mon père dort) de Grzegorz Muskala. Mika, (excellent Maximilian Kirchner) âgé de dix ans, qui vit à la campagne dans des condi-

Vendredi 5 décembre, vers 22h30, une longuefile,bienrangée,devantle Mazarin, à Aix. La plupart ne dépassent pas les trente ans. Tous attendent patiemment le début de la Nuit du Court, 21 films répartis en quatre programmes, qui se terminera au petit matin. Et pour «tenir le court» trois pauses avec café, boissons et biscuits. Cette année, une thématique : les regards de femmes sur le monde, des films en compétition les années précédentes, des films de l’histoire du cinéma, sans oublier les quatre films proposés dans la carte blanche des Rencontres Films, Femmes et Méditerranée. Des films drôles, graves, des films d’animation, des documentaires, des films expérimentaux, des fictions, parmi lesquels le dernier court métrage de Blandine Lenoir, Pour de vrai. Voir tous ces jeunes (près de 350 !) assister jusqu’à l’aube à la projection de ces courts métrages, dont certains sont loin d’être faciles, fait chaud au cœur : c’est entre autres le fruit d’années de travail du Festival Tous Courts en direction du public scolaire. Cela devrait faire réfléchir (et reculer !) tous ceux qui veulent, aujourd’hui, réduire -voire détruire- l’éducation à l’image et les enseignements artistiques.

La 26e édition du festival Tous Courts d’Aix s’est déroulée du 1er au 6 décembre: impossible, même sans dormir, de voir les 163 films programmés ! Alors, certains voient les «carnets de voyage», d’autres les «journaux intimes», films expérimentaux qui peuvent surprendre parfois, d’autres les films en compétition, 59 répartis en dix programmes (deux de plus qu’en 2007). Tous peuvent rencontrer les cinéastes et producteurs présents. Bien équilibrée, chacune des séances offrait des films pour tous les goûts !

tions modestes, est obligé de remplacer son père, très malade. Dix ans c’est encore l’âge où on joue et Mika, facilement distrait par sa sœur plus jeune, doit faire face. Un film, austère et poignant. Patrice Carré pour Cinécourts n’a pu trancher entre Zohar de Yasmine Novak et Sa’et asary (A la fin du jour) de Sherif El Bendary, qui a eu aussi le prix du jury jeunes. Primés aussi un tout premier film d’Emilie Carpentier, tourné dans un village roumain, Les Ombres qui me traversent, Josh de Govinda Van Maele, à la fois drame et étude de milieu au Luxembourg et le film d’animation de Michal Pfeffer et Uri Kranot, Le Cœur d’Amos Klein. ANNIE GAVA Le coeur d'Amos Klein de Michal Pfeffer et Uri Kranot

Parmi tous ceux qu’on a pu déguster, quelques-uns à savourer… Dans Taxi Wala, Lola Frederich filme avec sensibilité et poésie la rencontre éphémère entre un chauffeur de taxi et une femme perdue, incapable de rentrer chez elle, qui ne sait qu’une chose : par la fenêtre de son appartement, elle voit passer des trains. Dans La mort qui tue, adapté de la nouvelle éponyme, Hadrien Bichet suggère par le non-dit et l’ellipse la sourde violence qui anime une jeune fille, (superbement interprétée par Hande Kodja) après la mort accidentelle de son frère. Lucas sur terre de Maud Alpi parle du deuil non fait : Lucas sort une bouteille, puis va labourer du côté du silo, le jour de l’anniversaire d’Isabelle qui aurait eu 25 ans…

Et puis, il y a ceux qui se sont fait remarquer ! Le public a donné son coup de cœur à Tony Zoreil de Valentin Potier, déjà distingué à Rome, Prague et ClermontFerrand, qui traite de la différence sur un mode léger et drôle : Tony, âgé de vingthuit ans, a, comme toute sa famille, de très, très grandes oreilles et souffre d’une sensibilité extrême au moindre bruit. Sa vie est un véritable cauchemar jusqu’au jour où… Une idée originale, une réalisation soignée, mais un film qui ne gagne pas forcément à être revu. Le Jury a primé à l’unanimité un film,

A.G.

Motivé, motivé le jury ! Le public a pu rencontrer le Jury du 26e Tous Courts, la comédienne et réalisatrice Blandine Lenoir, le critique Pierre Murat, le délégué général du Festival européen du film court de Brest, Philippe Coquillaud et le producteur-réalisateur Ron Dyens (Sacrebleu Productions). «Tous ont été recrutés pour leur humanité», précise Christine Aublet-Béranger, la Coordinatrice Générale de Tous Courts. Une tâche fatigante mais passionnante, selon eux : il faut savoir passer en une heure et demie (durée d’un programme, et il y en a dix !) d’un univers à un autre, dépasser ses propres goûts cinématographiques pour laisser leur chance à tous les films, repérer le REGARD derrière la caméra, accepter d’être bouleversé

ou irrité, dérangé, découvrir des films audacieux… Ce qui les motive, c’est soutenir le court métrage. Certains préfèrent le terme de «film court» parce qu’on voit mieux que c’est un film. Certes on trouve beaucoup d’univers glauques, de situations dures dans les courts Le Jury © Delphine Pincet

actuels, peu de comédies mais n’est-ce pas logique puisque le cinéma est un reflet de son temps ? Les membres du jury, unanimement, reprochent une certaine absence de prise derisque, aussi bien au niveau du scénario qu’au niveau de la réalisation. Trop prudents les réalisateurs de courts sélectionnés en 2008 ? Trop soumis aux pressions des producteurs ? «Il m’arrive d’essayer de pousser des réalisateurs vers des pistes plus audacieuses formellement, nuance Ron Dyens, mais ça résiste !» Le public présent à cette rencontre le jeudi 4 décembre à la Fnac d’Aix aura pu ainsi, pendant près de deux heures, faire le point sur le court métrage. A.G.


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CINÉMA

JACQUES ROZIER | AGENDA

Tout Jacques Rozier Pour les 20 ans d’Extérieur Nuit, en mai, Michèle Berson a tenu à rendre hommage à Marseille, sur le thème au «cinéaste du présent», à Jacques Rozier, réalisateur phare de la Nouvelle Vague Dans le cadre de la sortie d’un coffret de six films a eu lieu la deuxième partie de la rétrospective : treize films -fictions et films pour la télévision où il s’est formé- clôturés par une carte blanche (Take me out the ball game, comédie musicale de Busby Berkeley, 1949). Cerises sur le gâteau : en chair et en os

le 28 nov Jacques Rozier, et Bernard Menez, acteur révélé par Du côté d’Orouët, sublime dans sa recette du congre et roi de la samba dans Maine Océan. Et le critique Emile Breton. L’ouverture de cette deuxième partie a tourné autour du «miracle» selon Rozier. Pour la sortie de Philippine, Supplément au voyage en terre, conçu avec Extérieur Nuit, il a raconté comment le hasard (auquel il ne croit pas) fait bien les choses : il a obtenu l’accord parfait dans Adieu Philippine, film qui l’a projeté au premier rang de la Nouvelle Vague, grâce à sa rencontre avec une chanteuse corse dont le chant fut le point d’orgue du film. Rozier est beau comme le Jean Vigo

de Zéro de conduite dont il dresse un portrait pour la série Cinéastes de notre temps : accessible à tous et peu commun ; drôle et décalé ; intemporel et engagé. Beau comme cette jeune femme qui retrouve ses 5 ans en revenant dans la maison de vacances à la mer Du côté d’Orouët. Adieu Philippine aborde, l’air de rien, la guerre d’Algérie ; Les Naufragés de l’île de la tortue détourne l’image de Pierre Richard pour dénoncer le tourisme mondialisé. Cinéaste de l’instant, Jacques Rozier prend le temps de nous embarquer dans des histoires au long cours. Et pour que l’on visionne Tout Rozier en 2009, Extérieur Nuit débloquera les films inédits si les subventions suivent…

Le créateur du Marcel Petigas de Maine Océan n’a pas dit son dernier mot ! ARMELLE MARIÉ

Au programme Cinéma en résistance

Au Polygone Etoilé

Du 14 au 27 janvier, l’Institut de l’Image à Aix propose, avec un collectif d’associations, de fêter le 60e anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme en programmant douze oeuvres humanistes ayant contribué à dénoncer la barbarie et à célébrer la résistance. Des films qui ont traité «les grandes questions qui ont façonné notre vision de l’humanité au cours de ces 60 dernières années : la Shoah, la condition des femmes, le combat des Noirs américains, l’apartheid, le génocide cambodgien, le sort des prisonniers, et la question des sans-papiers et de l’immigration.» (Régis Dubois).

Samedi 17 janvier l’association 360 et même plus propose une carte blanche au peuple qui manque, structure de programmation et de distribution basée à Paris. Seront projetés deux films : à 19 heures: lesAcciones(performances) de Mujeres creando, féministes boliviennes en lutte contre les oppressions patriarcales, les schémas coloniaux, les politiques néolibérales. à 21h 45 : Flaming Creatures de Jack Smith, une des figures marquantes du cinéma underground américain. Flaming Creatures a déclenché dès ses premières projections l’ire de la censure aux États-Unis et il a été longtemps interdit (Jonas Mekas et Ken Jacobs ont été arrêtés en 1964 pour avoir voulu le présenter publiquement.) Entre les deux films, repas, débat, rencontre avec les invitées, Aliocha Imhoff et Kantuta Quiros

Parmi ceux-ci, les connus, Nuit et brouillard d’Alain Resnais ; S21, la machine de mort Khmère rouge de Rithy Pahn, les plus rares, Black Liberation d’Edouard de Laurot ; les plus récents, It’s A Free World de Ken Loach ou À côté de Stéphane Mercurio, sans oublier Black Panthers d’Agnès Varda ou Punishment Park de Peter Watkins. A.G.

Institut de l’Image (Aix) 04 42 26 81 82 www.institut-image.org

Black panthers d'Agnes Varda

Samedi 14 février, à 20 heures, le collectif basé à Lyon, Grand Ensemble est invité par 360 et même plus à présenter El - Bi’r (le Puits) de Béatrice

Dubell qui évoque le parcours d’un prêtre anti-colonialiste à Lyon pendant la guerre d’Algérie, l’abbé Albert Carteron, surnommé par les Algériens de Lyon «El-bi’r», l’homme des secrets bien gardés. En évoquant son parcours, les témoins lèvent le voile sur cette guerre clandestine qui se menait sur le sol de France. A.G.

360°et même plus 04 91 91 50 08 www.360etmemeplus.org

Le Polygone Etoilé 04 91 91 58 23 www.polygone-etoile.com


RENCONTRES LITTÉRAIRES On les rencontre sous des chapiteaux, sur des places ou dans des ruelles, ils prennent le frais aux terrasses et sur les balcons ; on les déguste au comptoir, pendant l’apéro, ou à une table de resto. Bref, ils ont la bougeotte et semblent tout faire pour attirer le public hors des lieux battus ! Pourtant, nombre de libraires proposent encore dans leurs murs des rencontres au calme, loin de la foule. Histoire de converser entre amateurs de lecture, tranquillement, simplement. De tels rendez-vous sont fréquents, dans toute la région. En cette période de rentrée littéraire, nous avons assisté à quelques-uns uns d’entre eux. Si ces rencontres ne sont pas secrètes, elles n’en restent pas moins confidentielles, souvent faute de moyens de communication… et prennent parfois des allures de réunions d’initiés. Elles se déroulent généralement en fin d’aprèsmidi ou en début de soirée, à l’heure où la librairie ferme ses portes au public. Les happy few motivés, et disponibles en semaine, et en début de soirées, s’installent alors dans un coin agrémenté de quelques chaises. Face à eux, le (ou les) auteur(s), derrière une table couverte de ses (leurs) œuvres ; à leurs côtés, le ou la libraire en maître d’œuvre. Les premiers instants sont souvent laborieux ; même si l’assistance est peu nombreuse, elle est très proche, donc très visible. Mais une fois ce cap de la gêne et du trac franchi, la rencontre se fait et se fait bien. Car on a beau avoir appris que l’œuvre se suffit à elle-même, être convaincu que les données biographiques sont de peu d’intérêt, voir un écrivain en chair et en os, dans son humanité ordinaire, l’écouter lire des passages de ses textes ou parler de son travail captive l’amateur de littérature.

Le travail du styliste Eh oui, un auteur est un être humain comme les autres, et son métier un vrai labeur, qui nécessite du temps, de l’entraînement. C’est ce qu’ont répété à l’envi Maylis de Kerangal (voir Zib 11) et Pierric Bailly (voir page 61), invités par Dominique Paschal à la librairie Prado-Paradis. Ces deux très jeunes écrivains, cités pour de grands prix littéraires, ont choisi de raconter l’adolescence en été, de «traquer la grâce adolescente, la beauté derrière la difficulté d’être» de cet âge. Tous deux ont évoqué leur volonté de transcrire la langue de la jeunesse actuelle, et la difficulté de la tâche. Car, en dépit des apparences, il n’y a «rien de spontané», comme le souligne Pierric Bailly, qui établit un

LIVRES

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Le charme discret des rencontres littéraires

C’est un fait, livres et auteurs se montrent et sortent de plus en plus souvent de leurs rayonnages et de leurs bureaux… parallèle entre l’écriture et le sport. Maylis de Kerangal rebondit en affirmant son mépris pour la notion d’inspiration et le caractère très concret, technique de son travail. Les deux romanciers, dans la lignée de Flaubert, font d’ailleurs ce qu’ils nomment le «réglage à l’oral» du texte et revendiquent le soin apporté à la langue et au rythme. Deux stylistes donc, sur des modes très différents, mais animés d’une même énergie, qu’il a été plus que plaisant d’entendre dialoguer et rire ensemble, dans une connivence suscitée par la rencontre.

Entre lectrices Autre lieu, autre ambiance. Catherine Cusset vit depuis longtemps à New York et fait cette année sa première rentrée littéraire en France. Mais elle est tout sauf débutante ! Un brillant avenir (voir page 62) est son 9e roman ; et elle vient de se voir décerner pour lui le Goncourt des Lycéens. Elle parle d’ailleurs avec beaucoup d’humour et de modestie des affres de ses rencontres avec les jeunes et de la vraie surprise qu’a été pour elle cette distinction. Un public particulier La Liseuse de Fragonard

est venu écouter la romancière à L’Attrape-Mots. Surtout des lectrices fidèles, qui ont tout lu et ont des questions précises à lui poser, comme à une connaissance, à une amie presque. Présente aussi une jeune prof de lettres qui souhaite faire étudier le roman à ses lycéens. Atmosphère cosy dans un coin de la librairie, où peu à peu l’auteure en vient à évoquer son parcours (brillant, lui aussi) de l’enseignement supérieur à l’écriture. Catherine Cusset revient longuement sur Marie, son double fictionnel, et aussi sur la question de la langue. Car cette écrivaine française écrit d’abord en anglais (elle dit s’y sentir moins inhibée) avant de tout réécrire en français ! Marie d’Hombres a choisi la formule de la lecture pour faire connaître son livre sur la Belle-de-Mai (voir page 60). Avec ses complices de l’Association Récits, ils se sont donné la réplique sur des extraits de l’ouvrage avant de répondre aux questions de l’auditoire, qui se sont poursuivies autour d’un apéro convivial et informel, dans l’esprit des éditions P’tits Papiers et de la librairie Païdos. Toutes ces rencontres ont bien sûr un aspect promotionnel qu’il serait absurde de nier. Elles aident toutefois à faire connaître les nouveaux-venus de la scène littéraire et apportent un éclairage intimiste sur les œuvres. Et un grand plaisir littéraire, lorsqu’au détour de questions anodines surgissent de vraies interrogations sur la démarche de création. Un bonheur discret donc, mais qui gagnerait à être partagé, et à s’épanouir à la lumière ! FRED ROBERT


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LIVRES

RENCONTRES LITTÉRAIRES

La préhistoire prend des allures féministes ! Des romans d’aventures qui mettent en scène des filles… à nouveau ! Et Christine Féret-Fleury adore répondre aux questions des ados, ses lecteurs… C’est pour évoquer son roman Chaân, la Rebelle, paru en 2007 dans la collection Castor Poche chez Flammarion, que l’auteure, qui réside tout près de là, est venue rendre visite aux élèves du collège de Trets. De sa voix douce et nuancée, elle répond au feu roulant des questions, et mène le jeu. Les élèves : Pourquoi la préhistoire ? Pourquoi une fille ? Christine Féret-Fleury : J’étais un jour en panne d’inspiration, alors je suis sortie me promener sur la colline derrière ma maison. C’est là que je l’ai rencontrée… Elle courait dans les herbes, un épieu de bois durci au feu à la main. Elle s’est à peine retournée. J’ai su que c’était elle qui tenait mon histoire, j’ai eu envie de la suivre. Je me suis plongée dans des livres concernant la préhistoire, je me suis documentée. Pour cette période, les informations ne constituent pas une somme énorme, j’avais dû travailler beaucoup plus pour des romans ayant pour cadre le XVIIIe siècle comme La Tour du silence ou les débuts du XXe pour SOS Titanic. La difficulté du roman historique, c’est que tout doit être vérifié dans les moindres détails. Ce qui rend la recherche difficile, ce sont les sources qui se contredisent, alors on est contraint à déterminer ce qui nous apparaît comme le plus vraisemblable… Le nom de Chaân ? J’ai un cheval qui se nomme Chawan, il aime la liberté, comme mon héroïne. Elle tient aussi de moi, elle est très maladroite, mais c’est pour cela qu’elle ne se sent pas à sa place et qu’elle en revendique une autre. Ses difficultés viennent du fait que ses proches refusent de lui donner un autre statut. C’est donc une féministe de la préhistoire ? Mon histoire, ou plutôt celle de Chaân, se déroule pendant la dernière période de la préhistoire, le néolithique, il s’agit d’une période charnière, les peuples nomades sont en train de se sédentariser. C’est pour cela que je l’ai trouvée intéressante à traiter, en fait toutes les charnières de l’histoire le sont, car les mentalités bougent, changent. Je me suis inspirée des paysages de l’Ukraine pour le cadre, puisque c’est là que les premiers chevaux seront domestiqués. Et l’un d’eux sauvera Chaân. Pourquoi écrire ? J’ai toujours aimé lire et je n’ai jamais cessé de raconter des histoires, à mes neveux, ma famille. Il n’y a qu’une seule façon de remonter dans le temps, c’est par l’intermédiaire des livres. La lecture et l’écriture constituent le meilleur moyen de vivre mille vies. C’est pourquoi sans doute j’ai deux métiers, celui d’éditrice et celui d’écrivain. Où écrivez-vous ? Partout ! Mais je dois avouer que je préfère toujours m’installer devant un mur pour ne pas être distraite, n’avoir pour seule fenêtre sur le monde que l’écran de mon ordinateur. J’écris tous les jours. L’écriture selon moi, c’est comme un muscle, il lui faut un entraînement quotidien. Il n’y a pas de «robinet» d’inspiration, c’est une idée romantique, l’inspiration c’est du travail.

Est-ce que vous faites un plan avant de commencer à écrire ? Je ne fais jamais de plan au départ, mais 10 ans d’édition m’ont permis d’en travailler la technique avec les auteurs. Dès les deux premiers chapitres je sais quelle sera la taille de mon livre. J’écris lentement, plusieurs livres à la fois, par tranche de une heure pas plus de deux pages, ensuite, l’écriture perd en densité. Le récit avance cependant, les évènements s’imbriquent, c’est parfois comme sur une route, on ne voit pas après les virages, il faut avancer pour que la suite se dévoile. Est-ce qu’en ce moment vous écrivez un autre roman ? Bien sûr. Aujourd’hui, je suis en train d’écrire une trilogie dont le premier tome est paru, Atlantis. C’est une expérience nouvelle, puisque je l’écris avec ma fille. Je dois souligner qu’elle est ma première lectrice et ma première critique ! Pourquoi accepter de rencontrer des élèves ? Parce que je n’ai pas eu cette chance enfant. L’existence de l’auteur était totalement dissociée du roman, alors que pour moi c’était quelqu’un de magique ! Cela le rend plus humain, et c’est bien… Pour nous, même si nous vous rencontrons, vous conservez cette magie ! … PROPOS RECUEILLIS PAR MARYVONNE COLOMBANI

De Barreau en trophées Le polar à la barre Succès pour la première rencontre littéraire au Barreau, vendredi 12 décembre. Nombreux le public de la Maison de l’Avocat, nombreux aussi les auteurs de romans judiciaires, policiers ou tout simplement noirs. Pas mal d’entre eux étaient d’ailleurs juges et parties, puisque sur la vingtaine d’écrivains présents, une bonne moitié sont ou ont été avocats, juges ou flics ! De quoi donner aux débats du jour, autour de Mythe du polar et réalité judiciaire, toute leur épaisseur. Les discussions se sont déroulées autour de tables rondes animées, faisant état, en dépit de tous les discours alarmistes, de la vitalité du genre, de sa diversité. De sa nécessité aussi, face à une réalité judico-policière tellement banale qu’il faut bien la mythifier un peu !

L’Arménie aux Archives Le public s’est également pressé aux ABD Gaston Defferre, samedi 13 décembre, pour assister au 2e Festival National du Livre Arménien. Toute l’intelligentsia arménienne était là, dès le début d’aprèsmidi, pour la séance de dédicaces ; de très nombreux auteurs, de tous les genres et pour tous les publics, réunis dans une ambiance très conviviale. À noter l’énorme succès de Sophie Audouin-Mamikonian, qui n’a pas eu le loisir de lâcher son stylo, tant étaient nombreux les jeunes et fervents lecteurs de sa série Tara Duncan, «la petite sœur française de Harry Potter», paraît-il. Un peu vexant pour le réalisateur Guédiguian ou l’historien Mutafian ! La journée s’est conclue par une table ronde sur la presse communautaire arménienne aujourd’hui en France, avant la remise très attendue des prix : Henri Verneuil 2009 (roman) et Arménia 2009 (essai), entre autres, sous la présidence d’honneur de Mme Edmonde Charles-Roux Defferre. FRED ROBERT


AGENDA

LIVRES

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Au Programme AIX-EN-PROVENCE

FORCALQUIER

Des livres pour rendre l’art plus proche : rencontre/débat animée par Sophie Curtil, peintre et graveur, créatrice de la coll L’Art en jeu aux éditions du Centre Pompidou, et de la coll Kitadi aux éditions Dapper. Le 15 janvier à 18h30.

Une maison d’édition bien lunée : à la découverte des éditions Nykta, du 5 janvier au 4 février ; rencontre et lecture avec Jacques Fulgence et Pierre Courtault autour du livre Cher Douglas, le 8 janvier.

Cité du livre 04 42 91 98 88

Librairie La Carline 04 92 75 01 25

ARLES

MARSEILLE

La croissance : idéologie ou nécessité ? Dans le cadre du forum Décroissance, vers une décroissance conviviale ? Attac Pays d’Arles organise deux tables rondes le 17 janvier : la première, de 15h à 17h30 réunira Paul Ariès, Jean-Marie Harribey et Jean-Claude Girard ; la seconde, de 18h à 20h, Claude Llena, Les Casseurs de pub, la Coopérative Longo Maï de Treynes, les marais du Vigueirat et l’association Oasis Carapa dans le Gard. La confédération paysanne organisera un repas paysan à partir de 20h.

Exposition En découdre : le textile dans tous ses états, avec des œuvres de Florence Garabé, Katarina Kudelova, Gregg Smith, Kimsooja, Maja Bajevic, Angelo Filomeno, Miguel Rothschild, Sébastien Rinckel, Julie Legrand, Cathryn Boch, Aicha Hamu, Santiago Borja. Du 8 janvier au 21 février.

Attac Pays d’Arles, 04 90 49 63 45, www.local.attac.org/13/arles

AVIGNON Rencontre/débat : Diffuser du jazz en région, animé par Jean-Paul Ricard, directeur de l’Ajmi, le 17 janv à 14h30; État du jazz en Belgique francophone, animé par Dominique Simonet, journaliste au quotidien La Libre Belgique, le 17 janv à17h. Théâtre des Doms, 04 90 14 07 99, www.lesdoms.eu

COUSTELLET Exposition photo organisée par le collectif Des Yeux Dans Les Oreilles intitulée Le Pixel Noir : photos et graphisme mêlés autour du film noir, avec une scénographie construite à l’instar d’une enquête policière dans laquelle le public se fait détective. Du 19 au 24 janv La Gare, 04 90 76 84 38, www.aveclagare.org

Espace Ecureuil, 04 91 54 01 01

Chilpéric 1er, portrait d’un roi Mérovingien mal aimé : conférence de Frédéric Armand, auteur du livre Chilpéric 1er, le roi assassiné deux fois aux éditions La Louve. Le 17 janvier à 15h dans l’auditorium. Formation et enseignement des sciences : quelles réformes pour quels objectifs ? Pierre Arnoux, chercheur à l’Institut de Mathématiques de Luminy évoquera les réformes des années 80 et 90 et analysera les réformes en cours. Le 24 janvier à 15 à l’auditorium. Marseille-Barcelone : itinéraires photographiques : cette exposition réunit deux photographes, Frédéric Celly et Rodolfo Garcia autour d’un projet commun qui est de saisir les contrastes de ces deux villes méditerranéennes. Jusqu’au 3 janvier dans la salle d’exposition. Les clients en question : exposition proposée dans le cadre de l’enquête menée par le mouvement Le Nid sur les clients de la prostitution en 2004. Photos de Marc Helleboid. Du 6 au 14 janvier dans l’allée centrale. BMVR Alcazar, 04 91 55 56 34, www.bmvr.marseille.fr

Exposition des dessins originaux de Kamel Khélif (pour L’Algérie, texte de Djilali Djelali, éd. Grandir, 2008) et de Mathilde Chèvre (pour La Maison de

Sabah, éd. Grandir, 2008). Jusqu’au 8 janvier. Librairie Païdos 04 91 48 31 00

TOULON Manga : les secrets d’un phénomène : analyse des codes graphiques et différents genres seront traités. Jusqu’au 27 déc. Bibliothèque Municipale 04 94 36 81 20


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LIVRES

JEUNESSE

Très grands albums pour tout petits ! De très grands livres sont arrivés dans les librairies, presque aussi grands que leurs futurs lecteurs. Encombrants mais réjouissants ! Oméga et l’ourse (40x30 cm) présente l’histoire inquiétante et captivante d’Oméga, petite fille brune aux grandes lunettes rondes, qui s’échappe avec une ourse dans la forêt pour vivre une belle aventure, qui pourrait mal tourner... Les illustrations composites de Béatrice Alemagna sont un mélange de découpages, de photos, de dessins, de collages avec de beaux camaïeux de bruns et de verts ; le texte de Guillaume Guéraud conte sobrement cette

aventure de séduction, sans estomper le côté féroce et naturel de l’animal. Au pays de Titus (28x42 cm) met en scène un petit garçon de 7 ans qui ne veut pas parler : il préfère regarder les adultes dans les yeux et rêver aux nuages, aux feuilles des arbres, au mouvement des vagues. Il ne veut pas se presser, pas obéir. Claudine Galea joue avec les mots, invente de nouveaux verbes d’action, détourne les emplois habituels, créant un langage inventif et savoureux comme celui des enfants. Goele Dewanckel, sa complice pour la 3e fois, propose d’immenses peintures d’une végétation et d’un bestiaire très colorés, de personnages noirs et rébarbatifs, et utilise de grands graphismes rouges et noirs pour dire les

interdictions des adultes. Deux livres à partager avec les enfants... s’ils consentent à vous les prêter ! CHRIS BOURGUE

Oméga et l’ourse Illustrations Béatrice Alemagna Texte Guillaume Guéraud éditions du Panama 16 euros

Au pays de Titus Illustrations Goele Dewancke Texte Claudine Galea éditions du Rouergue 22 euros

Livre rose, livre objet Il est des jours où les livres décident de s’évader de leur forme première, de rajouter des trous à leur quatrième de couverture… de susciter une curiosité tactile, d’égarer le mode classique de reliure, de laisser conserver au papier la continuité de l’histoire, suite ininterrompue des feuilles, en fait, ici, une seule, qui peut aussi se transformer en construction mouvante. Livre à lire, à toucher, à construire, à regarder aussi, avec des dessins qui semblent s’être évadés de tableaux de Chagall.

Qui frappe à la porte dérangeant toutes les activités de la maisonnée, jeux de balles, de déguisements, douche, linge à ranger, cueillette ? Détails loufoques, cadrages étonnants, traits vagues et tendres… Hélène Riff dans ce petit bijou aux teintes pastel raconte pour les tout petits comme pour les plus grands les bouleversements qu’amène immanquablement une naissance. Une petite merveille sensible et tendre, à mettre entre toutes les mains.

Le tout petit invité Hélène Riff Albin Michel Jeunesse, 14,90 euros

MARYVONNE COLOMBANI

Geste domestique Un matin, tous les gants sautent de la corde à linge et deviennent Chouette, Paon ou Cygne. Doigts-Rouges, qui n’a pas de nom véritable puisqu’il n’a pas trouvé sa moitié, décide à son tour de faire le grand saut. Du rideau à la chemise, de la machine à laver à la corbeille à linge sale, le pauvre gant solitaire part en quête de son alter ego, rencontrant sur son chemin toutes sortes d’animaux, de drôles d’oiseaux, qui le houspillent, le chassent, le regardent de haut. Après un périple semé d’embûches, sur fonds de serviettes éponge et de vêtements colorés, le vaillant Doigts-Rouges trouvera enfin gant à sa main. Uni à Pouce-Jaune, il deviendra «le plus beau Coq du quartier». Une bien jolie

histoire que celle que Mon petit doigt m’a dit(e). Et des jeux de mains pas vilains du tout. Catherine Galodé, l’auteure marseillaise de ce magnifique album, vient de l’audiovisuel. Elle s’inspire ici d’un travail réalisé pour la télévision avec le plasticien Mario Mariotti. Les mains peintes d’alors, les ani-mains, sont devenues des mains gantées. Unies, zébrées, à pois, en couleurs, elles restent le signe de la métamorphose de l’inanimé en vivant animé, et donnent à cette épopée d’appartement un caractère inédit et très original, qui devrait enchanter les enfants… à qui rien n’interdit d’imaginer d’autres anigants et de leur inventer de nouvelles aventures.

L’album éclate de couleurs et de créativité. Et puis, quelle charmante manière de dire qu’à deux, on est plus heureux. FRED ROBERT

Mon petit doigt m’a dit Catherine Galodé éd. Alice Jeunesse, 12,90 euros


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Que philosopher c’est apprendre à grandir C’est forte de ce principe que Juliette Grégoire a créé, il y a un peu plus d’un an, L’Initiale. Cette nouvelle maison d’édition marseillaise publie une collection «philosophique» destinée au tout jeune public. Même format, 16x16 cm et 24 pages, même prix, 11 euros, soin semblable apporté aux illustrations, les livrets de la collection abordent certaines grandes questions que se posent les petits. Le premier, La Grande Couverture, dit la naissance de l’autre, et la nécessité de l’accepter. Lothar dans le Grand Cycle traite du deuil et de la souffrance. En tout, six titres pour permettre aux plus jeunes de comprendre et de distancier. Et à leurs parents de formuler plus aisément, au détour de la lecture. Parmi ces jolis livres cartonnés, mention spéciale à Farces et Attrapes. À la manière des disciples de Socrate, père et enfant dialoguent. Et à la frénésie consumériste du papa répondent les

doutes et les agacements de l’enfant. Bien sûr, on trouve tout au Grand Magasac, mais est-ce qu’on y trouve le bonheur ? Là est la question… que le papa préfère d’ailleurs éluder. Le texte, violine et fuschia, épouse, sur fond anis, les superbes illustrations de Michel Diacoyannis. Collages et assemblages de photos, de papiers colorés, de pliages, de traits et de dessins, leur fantaisie poétique fait de ce bref ouvrage un tremplin pour la réflexion, mais aussi pour l’émotion esthétique. Bien attrapé, l’hypermarché!

Farces et Attrapes illustrations de Michel Diacoyannis texte de Juliette Grégoire L’Initiale, 11 euros

F.R.

Apprivoiser la mort À l’image de son jeune héros, Guillaume Bianco, dessinateur et scénariste de Billy Brouillard, semble doté du «don de trouble vue», celui que les adultes perdent en tuant l’enfant qui est en eux, celui qui conduit son crayon et son histoire sur les sentiers non battus d’une imagination fantasque. Mais aborde de front le sujet, trop souvent tabou aujourd’hui, de la mort. Dès la couverture, qui reprend la formule inscrite sur les cadrans solaires «Vulnerant omnes, ultima necat» et s’orne d’un bestiaire effrayant, on est fixé. Dès les premières vignettes aussi : le chat Tarzan est mort. Billy ne comprend pas ; au début, il croit même que l’animal fait semblant. Et lorsqu’il lui faut bien admettre le fait, alors, il va chercher à percer le mystère de la mort. Billy va se mettre en quête de son chat disparu et affronter les esprits nocturnes, même les plus terrifiants. L’album, pourtant, ne se résume pas à la BD qui retrace -vignettes noir et blanc arrondies, bien circonscrites, trait soigné et aigu-, la lutte du garçonnet contre les images de la mort. Ce qui fait

son charme et son originalité, ce sont aussi tous les autres éléments qui s’y intercalent : galerie de portraits macabres, extraits de la Gazette du Bizarre, fiches techniques sur certaines créatures surnaturelles, vampires, vermicolles et autres coléopandres, poèmes fantastiques et miscellanées offrent des échappées réjouissantes de fantaisie et d’humour noir. Ainsi, au fil des pages, qui à partir du chiffre 13 n’en bougent plus, Billy apprend à composer avec l’irré-médiable, à dompter ses peurs. Une leçon de sagesse pleine d’esprit(s). Cet album inaugure la collection Métamorphose de la maison d’édition toulonnaise Soleil. Cette collection a pour but d’éditer des œuvres à michemin entre le roman graphique et l’album jeunesse. Avec une prédilection pour le fantastique, mais surtout pour les œuvres qui abordent par la fiction des questions philosophiques. Avec Billy Brouillard, Métamorphose a pris un bon départ! FRED ROBERT

Billy Brouillard, le don de trouble vue Guillaume Bianco éditions Soleil, collection Métamorphoses, 22 euros


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LIVRES

ARTS

Pour gourmands cinéphiles Ce n’est pas un coup d’essai pour les auteurs : ils ont déjà proposé aux gourmets des recettes inspirées par les œuvres d’Agatha Christie, ou de la Comtesse de Ségur… C’est au tour du cinéaste amateur de bonne chère, Alfred Hitchcock. L’ouvrage, publié aux Cahiers du Cinéma, superbement illustré par des photos des films du maître ou par les photographies culinaires de Philippe Asset nous balade de Londres à la Côte Ouest des États-Unis, avec quelques escapades ailleurs. L’occasion de saliver devant le tajine de la Mamounia de L’Homme qui en savait trop, ou devant le smorgasbord du Rideau déchiré. Ceux qui préfèrent rester en Amérique pourront essayer la salade new-yorkaise de La Corde, ou le corn chowder de la Maison du docteur Edwardes (le maïs n’y était pas transgénique !). Et les becs sucrés ne résisteront pas au moelleux Kendall de La Mort aux Trousses, aux muffins aux myrtilles (sauvages !) que réussit divinement Miss Gravely dans Mais Qui a tué Harry ? ou au birthday-cake de Cathy, tout rose, des Oiseaux. «Au moment de choisir le sujet d’un film, je me sens à peu près dans la même

situation que le gourmet qui doit composer un menu. On lui présente une carte où tous les plats le tentent…» écrivait Hitchcock dans la préface à L’Homme du Nord-Express de Patricia Highsmith. Pour composer leur livre, Anne Martinetti et François Rivière ont fait le bon choix de montage : alternant récit de la vie du cinéaste, anecdotes croustillantes et 80 recettes retrouvées au fil des films, sans oublier cocktails et «soirées», le livre se déguste savoureusement. La sauce est parfaite ! ANNIE GAVA

La sauce était presque parfaite Anne Martinetti et François Rivière Les Cahiers du cinéma, 29,90 euros

L’art chez soi Paru aux éditions Flammarion sous la direction de Nadia Candet, le très bel ouvrage Collections particulières, 150 commandes privées d’art contemporain en France se visite plus qu’il ne se feuillette. Invités à déambuler dans les lieux de collectionneurs mécènes français et notamment à Marseille, vous serez sous le charme de leurs collections particulières présentant plus de 150 œuvres d’art contemporain. Parfois in situ en intérieur ou en extérieur, Buren côtoie Garouste, Arman, César, Raynaud, Harring, Faustino ou encore Lapie. Intimiste, ce beau livre grand format jouit du concours du photographe André Morin dont les remarquables tirages rendent formidablement ces intérieurs confiés au génie créatif d’artistes de renommée internationale. Agrémenté d’essais pertinents sur la commande privée (historique, droit…) cette publication

rare, la première du genre, a la qualité de présenter en regard de leurs œuvres d’art les collectionneurs eux-mêmes, sous forme de portraits très réussis par Marie Clérin et Carine Soyer. FRÉDÉRIC ISOLETTA

La collection Solo, aux éditions Le Mot et le Reste, nous dépose au carrefour de la littérature et de la musique le temps d’un texte court, fruit d’une rencontre marquante avec une chanson, un album, une pochette

Beatlesmania

Le Rouge et le Bleu ou comment les chansons des Beatles infusent dans l’existence est tiré de la plume alerte de Jérôme Attal, lui-même chanteur auteur compositeur. Cet amoureux des mots nous livre son ressenti sans concession autour des deux compilations phares des quatre garçons de Liverpool. Né en 1970, et bien trop jeune pour avoir vécu l’effervescence de la Beatlesmania, il ne nous emmène pas dans la nostalgie rouge et bleue. Ce n’est pas une énième biographie, ni une analyse musicale, juste un lien émotionnel et affectif écrit de manière habile et subtile, un regard éthéré sur un compagnon de route musicale qui a accompagné sa jeunesse. Un exercice de style singulier. Le rouge et le bleu Jérôme Attal Ed. Le Mot et le Reste, coll Solo, 7 euros

Spooky who ?

Qui connaît donc les Spooky Tooth? Hélas plus grand monde ! Le mérite d’avoir ressuscité Spooky two, le second et meilleur album du groupe de bluesrock outre manche (1969), revient à Emmanuel Loi. L’intermédiaire à cette heureuse entreprise ? Les éditions Le Mot et le Reste et leur collection Solo. Joli coup avec le blues rock structuré et psychédélique qui rappellera de vieux souvenirs à ceux qui l’ont vécu. Essai libre et réussi pour le romancier qui nous conte sa relation «à vingt piges» avec les bacs regorgeant de merveilles chez le disquaire du coin. Spooky Tooth / Two, ce pou qui tousse se déguste sans chichi et peut donner de bonnes idées aux amoureux du rock. FRÉDÉRIC ISOLETTA

Collections particulières dir. Nadia Candet Flammarion, 65 euros

Spooky Tooth Emmanuel Loi Ed. Le Mot et le Reste, coll Solo, 7 euros


59 Expérience d’écoute La collection «Solo» publie de petits livres dans lesquels un auteur décrit les émotions ressenties à l’écoute d’un disque, d’un musicien, d’un groupe (voir ci contre). Le dernier opus est signé par un jeune marseillais (né à Toulon) vivant à Paris. Jérôme Orsoni, va au-delà de la présentation scolaire de l’album Standards, enregistré en 2001 par le groupe «post-rock» Tortoise. Il développe, avec nuances, l’intérêt historique du dépassement de la structure couplet/refrain ou de la tendance à la disparition de la voix dans cette nouvelle esthétique. Il analyse les plages du disque, comme un musicologue le ferait d’une sonate classique, interpelle le lecteur en lui faisant partager l’intimité de son expérience acoustique… A découvrir ! J.F

Tortoise/Standards Jérôme Orsoni Editions Le mot et le reste, 7 euros

Biographie Le 22e ouvrage de la série «Mélophiles» (s’ouvrant «aux grands compositeurs peu traités par l’édition francophone, voire méconnus»), s’intéresse à un «classique» du XXe siècle : Eric Wolfgang Korngold. Il arrive que l’on cite son nom à propos de son opéra symboliste créé en 1920 : Die tote Stadt (La Ville morte) d’après Bruges-la-morte de Rodenbach. Mais on sait peu de choses de cet enfant prodige, né en 1897, qui faisait l’admiration de Mahler et Strauss, fils d’un critique musical influent et élève de Zemlinsky. L’œuvre conséquente de ce Viennois, juif exilé aux USA (où il composera des musiques de films), adopte une écriture complexe malgré un ancrage dans le post-romantisme tonal… jusqu’à sa mort en 1957. Son catalogue est ici décrypté par de judicieuses analyses, au fil d’un récit chronologique illustré de photos d‘archives.

Erich Wolfgang Korngold Nicolas Derny Éditions Papillon, 16,70 euros

J.F.

I can’t get no… Voici un livre mythique ! En 1972, Robert Greenfield suit les Rolling Stones lors de leur tournée américaine : peut-être le premier grand «Tour» véritablement «pro» de l’ère du rock. A cette époque les Stones sont «l’attraction mondiale numéro un. Le seul grand groupe des années soixante encore présent sous sa forme originelle…» Après le désastre d’Altamont en 1969, la bande à Mick et Keith sillonne à nouveau les States, déclenche des émeutes de kids, entre des soirées de débauche, nuits d’alcool et de drogue, et offre miraculeusement des concerts légendaires. Cet ouvrage, «l’un des meilleurs jamais écrit sur le rock’n roll», épuisé depuis trente ans, sujet aux rumeurs les plus extravagantes, reparaît en français : brut, psychédélique…! J.F

S.T.P., à travers l’Amérique avec les Rolling Stones Robert Greenfield Editions Le Mot et le Reste, 23 euros

Légende Voici le premier ouvrage en français sur la légende du rock Freddie Mercury ! Cette biographie comblera les aficionados nostalgiques des gigantesques concerts de Queen, de leurs clips vidéos baroques… et des chansons mémorables : Bohemian Rhapsody, We are the champions ou The show must go on… Le jeune écrivain Selim Rauer a interrogé les proches, mené une enquête pointilleuse sur les origines du chanteur né à Zanzibar en 1946... C’est que ce «Divo» pop, foudroyé par le Sida en 1991 (près de trois ans après sa dernière prestation scénique), avait ses secrets, ses failles… L’auteur en dévoile une part, traçant finement le destin fabuleux d’un jeune Indien parsi, élevé près de Bombay et répondant au nom de Farrokh Bulsara! JACQUES FRESCHEL

Freddie Mercury Selim Bauer éditions Fayard, 20,90 euros


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LIVRES

ESSAIS

Cache Cash, un jeu d’économistes Connaissez-vous un économiste ? En avez-vous déjà rencontré un ? Non ? Nos deux auteurs, membres de la confrérie, vous serviront de guide dans un monde fabuleux où analyses saugrenues et grandes questions existentielles se côtoient... Leur but est évidemment initiatique : dévoiler les attirances, les préoccupations, les compétences, les appétences de ces bons esprits qui bouillonnent au fond de leurs laboratoires d’économistes… Sur un mode amusant ils nous entraînent, grâce à de lumineux travaux, à reconsidérer notre approche de sujets triviaux : la monogamie vaut-elle le coup ? Sans considérer sa justification morale, sans penser aux bonnes mœurs ou aux préceptes religieux, mais d’un simple point de vue de rentabilité ! Et bien oui, il est plus coûteux (économiquement et socialement) d’avoir plusieurs femmes -ou maris- qu’un seul partenaire ! Armés de leur crible, les deux compères se mettent ensuite à examiner l’interdiction de fumer dans les lieux publics ou à l’école… Mais même lorsqu’ils naviguent plus près des questions usuelles de l’économie, ils portent un regard détaché et ironique sur le problème du réchauffement climatique, ou sur l’inanité des

Sexe, drogue…et économie Pas de sujet tabou pour les économistes Alexandre Delaigue, Stéphane Ménia Pearson Education France,19 euros À consulter également, le site des deux «éconoclastes» : http://econo.free.fr

prévisions des économistes ! Surtout, leur morceau de bravoure illustre bien tout l’intérêt de leur analyse décalée. Face au créneau libéral, face à tous les experts pontifiants ou aux politiques éplorés et menaçants, nos deux héros pourfendent un thème sacré entre tous pour la nation : la dette publique. Non seulement c’est un débat inutile, mais pire, il est totalement inepte ! Oui, la dette est utile ; non, l’État n’est pas en faillite et le considérer comme une entreprise à rentabiliser est une aberration ! Bien d’autres thèmes jalonnent ce parcours «éconoclaste» et rafraîchissant : l’OMC et la banque mondiale, qui ne servent à rien ; les maisons de disques ou les laboratoires pharmaceutiques, qui savent profiter de toutes les situations ; le bonheur, et comment l’apprécier… On l’aura compris, nos deux compères, à la langue vivante et drôle, nous permettent de porter un autre regard sur les petits côtés de nos vies ! RENÉ DIAZ

La Belle abandonnée «Oui, on parle sans arrêt de dégringolade du quartier. Mais cette dégringolade est transitoire. Le changement est en cours. Mais il ne faut pas se tromper, par exemple en construisant tous azimuts. Ce qu’il nous faut ici, c’est un vrai projet politique d’aménagement qui ne se réduise pas à de la construction immobilière. Si on fait de ce quartier un lieu-dortoir, il mourra.» Serge Pizzo, président du CIQ de la Belle-de-Mai ne mâche pas ses mots. Et annonce dès la préface, l’objectif du livre de Marie d’Hombres, D’une Belle à l’autre : restituer la mémoire d’un quartier populaire de Marseille, rendre hommage au lieu et à ses habitants, afin de lui donner un avenir. Pour réaliser ce parcours de vie de migrants, Marie d’Hombres a choisi de relater l’histoire du 3e arrondissement de Marseille, au fil des récits de ses habitants. Ceux-ci ont été entendus, filmés, leur parole a été recueillie pendant près de 2 ans. De ces multiples interviews est né le livre, une pièce en 7 actes avec arrêts sur chœur des rumeurs et épilogue sans concession, où des

«voix fictives largement inspirées de voix et de personnes réelles» évoquent tour à tour leur arrivée en France, leur installation dans le quartier, leurs difficultés et leurs joies. Cette chronique dramatisée suit un siècle d’immigration : italienne au départ, pied-noir dans les années 60,

D’une Belle à l’autre, Parcours de vie de migrants à Marseille Marie d’Hombres Éditions P’tits Papiers, Association Récits, 15 euros

comorienne et africaine depuis les années 80. Elle retrace aussi quelques moments dramatiques, comme le bombardement américain en 1944 ou la fermeture progressive de toutes les entreprises qui faisaient vivre le quartier. La parole est livrée quasi-brute, sans fioritures. Cette sincérité est touchante, comme le sont les photographies de Julien Anselme, qui font un terrible écho aux documents d’archives. Les vieilles photos noir et blanc témoignent de la vitalité du quartier : rues en chantier, ouvriers et artisans au travail ou en habits du dimanche ; même sur ces images arrêtées tout cela vit et bouge. Aujourd’hui, sous le béton écrasant des piliers de l’autoroute, dans les rues aux façades cimentées, derrière les portails entrouverts des usines désaffectées, c’est un présent de déshérence et de paupérisation qui saute aux yeux. Raison de plus pour soutenir tous les acteurs du projet dont ce livre est une des facettes, afin que se réveille enfin la Belle endormie. FRED ROBERT

Ça va cartonner ! Dans Carton, mobilier / éco-design / architecture, Olivier Leblois retrace la fabuleuse histoire de ce matériau. L’auteur est lui-même architecte et enseignant à l’École Spéciale d’Architecture de Paris (E.S.A). Spécialisé dans les projets urbains et les collèges, il a notamment crée le Fauteuil Carton intégré aux collections permanentes de nombreux musées du monde ainsi que les Tables Basses Carton, Étagères, Paravent Won… Au fil des pages son ouvrage permet de découvrir le carton en tant que matériau, mais également ses possibilités architecturales et de design. Écologique, économique, modulable à souhait et léger, le carton peut donc aussi accéder au rang de matériau d’art... Les années 60 voient émerger des meubles en carton, en premier lieu aux ÉtatsUnis, puis en France avec un architecte: Jean-Louis Avril et son fauteuil cylindre de 1966. Puis viennent les années 70 et 80, avec les très médiatisées productions d’un autre architecte : Franck Gehry (musée Guggenheim à Bilbao). De nos jours, en France, le concept s’est un peu plus démocratisé, avec notamment l’arrivée en 1993 d’Eric Guiomar et de sa Cie Bleuzen qui par des formations en ricochet étend sa technique sur tout le territoire. Ainsi, l’éco-design, fort à la mode, semble avoir de longs jours devant lui ! Alors, peut-on s’asseoir dans un fauteuil en carton ? Pirouette cacahouette… Assurément oui ! Ce très beau livre exhaustif aux textes soignés et aux illustrations pratiques est là pour en témoigner. SONIA ISOLETTA

Carton Mobilier/éco-design/architecture Olivier Leblois éd Parenthèses, 32 euros


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Rap, tulipes et tagazous «Je suis très très chaude, nous crache Missy Elliott du poste de Johannes. (…) Missy éclabousse. Un bain de mousse, une cambrousse de coton. Je flotte, je bronze. Son chant bouillant.» Ainsi démarre le récit, sur fond de R&B au beat «en plastoc», et de syntaxe syncopée. C’est Lionel, dit Petit Lion, qui tient cette chronique adolescente, estivale, jurassienne et déjantée. Revenu pour l’été de Besac (Besançon), où il traîne toute l’année ses guêtres d’étudiant désabusé, «c’est pas mon truc les études», il retrouve avec délices son bled du 3.9. et ses potes. Ceux de sa sœur Diane, en fait, des humains pas encore «périmés», des lycéens en pleines bouffées d’adolescence, avec des corps étranges, qui semblent leur échapper pour vivre une existence propre. L’une a des jambes yo-yo, l’autre les cils qui tombent, le troisième un trou dans l’épaule. Ces bizarreries transitoires ne les empêchent pas de vivre l’été jurassien à plein tube, entre virées en scooters, expéditions punitives contre

les barbares d’un autre village, soirées alcoolisées, fêtes municipales et baignades au lac. C’est l’été, il fait chaud, les corps éclosent, s’ornent de tulipes. Le désir s’en mêle. Et, sous l’art consommé de la glande, sous le détachement apparent et les expressions crues, l’émotion affleure, amoureuse, amicale. Dans ce premier roman, Pierric Bailly compose un hymne à l’adolescence contemporaine, à cet âge qui flotte entre deux, à tous les niveaux. À travers son narrateur, il porte sur le groupe de «tagazous» un regard attendri (nostalgique ?) et rend à merveille le «vague des passions» qui les habite et les fait constamment osciller des pires conneries aux envolées les plus lyriques. Le style, élaboré au plus près de la langue orale, mêle avec bonheur les registres et donne à cette histoire d’un été jurassien une dimension universelle, épique parfois, et toujours poétique.

J.G Ballard ou la vraie vie

Polichinelle Pierric Bailly P.O.L., 15 euros

FRED ROBERT

Le fruit des origines La Pomme est le deuxième volet d’une trilogie de l’écrivain turc, Enis Batur, et se situe entre Amer savoir (2003) et D’autres chemins (2008), textes autofictionnels qui permettent à l’écrivain de s’interroger sur la posture de l’artiste, les relations entre les arts, les mythes fondateurs, et celles qui s’établissent avec le «consommateur» de l’objet artistique. Il emprunte, dans La Pomme, une écriture kaléidoscope qui s’efforce, avec un véritable souci scientifique, à donner une idée de la réalité de l’histoire de l’extraordinaire tableau de Courbet, L’origine du monde. Se démarquant résolument de la forme romanesque qui invente et reconstitue la trame des possibles, il nous livre une écriture lacunaire, à l’image de ces reconstitutions de musique antique pour lesquelles seuls les fragments de manuscrits sont joués. Ce qui ne l’empêche pas d’inventer des rencontres que le jeu des probabilités aurait rendues possibles, comme celle de Dostoïevski et Khalil Chérif Pacha, le commanditaire de cette œuvre qui a attendu plus d’un siècle pour être exposée. Qui était cet amateur d’art ? Un excentrique, un joueur invétéré, un

malade, un voyageur instable, un homme raffiné et subtil hanté par la mort ? Quelles furent les relations de l’ambassadeur de l’Empire ottoman à Paris avec le peintre Courbet, qui paya ses amitiés révolutionnaires avec Proudhon, par une peine de prison ? Pourquoi le peintre s’acharna-t-il à «croquer» dans sa cellule des pommes ? Ce fruit obscur, symbole de la connaissance arrachée à l’arbre, n’est-il pas aussi celui de notre mort, punition ultime de l’éveil de notre conscience ? Pourquoi si peu de représentations du sexe féminin dans l’histoire de l’art, et pourquoi tant de pommes sous le pinceau de Courbet ? Le texte d’Enis Batur, qui se veut «une tentative de roman sur les techniques de tissage», est un diamant aux multiples facettes dans lesquelles le lecteur musarde, s’instruit, réfléchit, suit avec bonheur le romancier dans sa quête, jusque dans son petit essai sur… Guillaume Tell ! Encore une histoire de pomme en fait ! Une «théorie de la pomme» bien séduisante, d’ailleurs, n’apprend-on pas, dans cet ouvrage remarquablement traduit par Ferda Fidan, qu’en Turc, les verbes «croquer»

et «rêver» sont paronymes… Pomme des origines, métaphore de l’écrivain, bonheur du lecteur… MARYVONNE COLOMBANI

«Nous vivons dans un monde de simulacres… la relation tissée entre hommes et femmes de nos jours est une sorte de roman. Nous vivons nos propres vies comme des vies légendaires.» Ainsi parlait le maître, dans un de ses derniers entretiens. Les propos de l’écrivain de sciencefiction (mais peut-être faudrait-il dire de «fiction», tout simplement) sont particulièrement intéressants. Ils donnent quelques clefs pour mieux comprendre un univers particulièrement complexe ; en effet, Ballard travaille tout autant sur les distorsions du corps que sur celles, plus classiques dans la SF, du temps. Le tout dans son décor préféré, celui de la «suburbia», espace indéterminé entre deux villes, entre deux zones de banlieue. Là il traque ce qu’il appelle un «néoréalisme», notion pour le moins paradoxale dans la SF. «Ce n’est évidemment plus le réalisme au sens où aurait pu l’entendre quelqu’un comme Flaubert… la plupart des éléments de notre vision de la réalité sont en fait fictifs, ce sont des éléments mythiques réifiés» explique-t-il. Autrement dit, la SF ne ferait qu’enregistrer les métamorphoses internes de notre psyché collective. Voilà une nouvelle grille de lecture des œuvres de J.G. Ballard : sûrement la plus inquiétante. SYLVIA GOURION

La Pomme Enis Batur Traduction Ferda Fidan Ed. Actes Sud, 21.50 euros

Hautes altitudes J.G Ballard Éditions Ère, 18 euros


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LIVRES

LITTÉRATURE

Un rêve américain Le neuvième roman de Catherine Cusset, qui vit à New York depuis 20 ans mais continue d’écrire en français, retrace le parcours d’Elena. Née en Bessarabie dans les années 40, orpheline ballotée de ville en région par les aléas de l’Histoire, Elena grandit dans la Roumanie communiste et antisémite de Ceausescu. Amoureuse de Jacob, elle l’épouse contre l’avis de ses parents adoptifs et réalise avec lui son rêve d’une vie nouvelle au pays de la liberté, en Amérique. L’histoire est donc celle d’une femme déterminée à prendre son destin en main, d’une Elena devenue Helen, d’une intégration réussie à force de

Un brillant avenir Catherine Cusset éd. Gallimard, 21 euros

travail et d’efforts. Une famille unie, une situation sociale et professionnelle enviable, une maison confortable, tout devrait aller pour le mieux. Ce n’est pas vraiment le cas. Et c’est sans doute là que réside la force du roman, dans la mise en scène de la fêlure, du manque fondateur de tout exil, et de sa persistance malgré toutes les réussites matérielles. Le personnage d’ElenaHelen s’enrichit de cette insatisfaction profonde qui la caractérise. Et le roman, des allées et venues entre les époques. La structure, qui fait alterner le passé très récent d’Helen avec les étapes de la vie antérieure d’Elena, étoffe ce qui n’aurait été sans cela qu’une chronique

Dans la chair des mots C’est un petit livre, si fin qu’il pourrait servir de marque-page, si léger qu’il peut se glisser dans n’importe quel sac, si lourd de sens qu’il semble vouloir contenir un univers. Reprenant la quête du mot qui résume le monde, Florence Pazzottu se lance dans cette aventure totalitaire d’une manière originale, usant des grâces désuètes de l’abécédaire pour nous conter sa vision de la création. Le poème, forme allégorique, émerge lettre à lettre, d’une union sensuelle et débridée. L’érotisme des mots qui entrent dans «la densité du réel», palpite, dans le jaillissement de semences nouvelles qui interrogent, jouent avec humour et font enrager le poète. Nous suivons ainsi les

S’il tranche, Florence Pazzottu Editions Amis d’Inventaire-Invention, 6 euros

tribulations cocasses des guillemets qui se dissimulent sous le texte… C’est à partir de la lettre U, après un drame que vous devrez découvrir, que le poème est mis en scène selon le schéma de l’épopée. «Alors» scande, anaphore héroïque, les six dernières lettres, définissant par le vide des négations la nature même du poème avant de lui accorder une ultime définition. Cet ouvrage poétique oscille ainsi constamment avec humour entre la tentation des paroles définitives du maître et un contrepoint ironique, le tout enveloppé dans une gangue verbale où les mots se font chair. À déguster… MARYVONNE COLOMBANI

À trente-quatre mains et dix-sept voix Est-ce un livre, est-ce un disque ? Ce recueil cultive les deux lectures dans une approche toute nouvelle, née à l’occasion du festival littéraire des Correspondances de Manosque. La particularité de cet «objet hybride» comme le souligne Olivier Chaudenson, directeur des Correspondances, repose sur l’union de chanteurs et d’auteurs contemporains. Dix-sept chanteurs pour dix-sept auteurs… que rapprochent des pages biographiques communes, des textes et un CD. Chaque texte d’auteur est présenté par un autre texte, celui de l’interprète qui explique son choix, son coup de cœur, sa fascination, pour celui ou celle dont la langue, le rythme, l’analyse, l’ont séduit. Cette reconnaissance de

Fantaisie Littéraire Editions Le bec en l’air 2008 Les Correspondances de ManosqueLa Poste, 18, 50 euros

l’écrivain trouve alors son aboutissement dans le chant, l’appropriation des mots par la voix, tantôt nue, tantôt accompagnée, dans cette recréation du sens par la lecture de l’autre. Le résultat est à la fois original et intéressant, il nous fait partager quelques mystères de la création, nous interrogeant sur les choix des artistes qui se dévoilent ici, dans une introspection intime et littéraire à la fois. Il y a des rencontres, parfois fulgurantes, «le hasard, comme le souligne Barbara Carlotti, n’existe pas»! Des moments forts qui nous amènent à découvrir de petits bijoux de la littérature contemporaine… à lire et à écouter ! M.C.

familiale de plus. On comprend mieux aussi, au regard du parcours de cette mère, les projections qu’elle fait subir à son fils unique Alexandru, pour lequel elle a tant rêvé d’un brillant avenir. Et l’aversion qu’elle ressent pour Marie, sa belle-fille française. Ce roman vient de recevoir le prix Goncourt des Lycéens. Sans doute les adolescents ont-ils été eux aussi sensibles à l’émouvante histoire d’amour de Jacob et d’Elena, sur fond d’une Histoire pas si ancienne mais souvent méconnue. FRED ROBERT


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Méfiez-vous des bébés ! Autant vous prévenir ; une culture béton est requise pour lire ce bouquin. Comme la mienne ressemble à de la confiture, je ne suis pas sûre d’avoir tout compris… Bon, il s’agit d’un marmot pas comme les autres. Certes, s’il aime par-dessus tout le mamelon de sa maman -voir Mélanie Klein pour les histoires de bon et de mauvais sein- et fait copieusement dans ses couches, pour le reste, il n’a rien d’un bambin. Doté d’un QI astronomique -autour de 475-, il lit Barthes, Proust ou Fitzgerald, ce qui peut encore se comprendre, mais aussi Thucydide et Xénophon dans le texte ou encore Nietzsche, sans parler de quelques autres, très connus mais que je n’ai pas lus. S’ajoute à cette boulimie livresque, une capacité identique à rédiger et un mutisme total. Voilà le phénomène. Côté affectif, il est un peu plus dans la

norme ; il adore sa maman, qui le lui rend bien, et déteste son papa -voir Freud- qu’il a surnommé «le Bouffi». Le fils prodige –rien à voir donc avec les évangiles- est enlevé par une universitaire coincée et mégalomane qui veut lui disséquer le cortex pour confirmer ses théories. Commence alors une succession d’enlèvements relatée par un bébé attentif et amusé ; les motivations obscures -voir Satan- de l’âme humaine donnent lieu à quelques belles pages de méditations -voir Pascalérudites et truffées de références. Traduit de l’américain, j’attendrai, quant à moi, une version en français courant dûment annotée pour le conseiller aux lecteurs moyens de Zibeline. Les autres ne m’ayant pas attendu pour le lire ! SYLVIA GOURION

Images sensibles

Glyphe Percival Everett traduit de l’américain par Anne-Laure Tissut Actes Sud, 21.80 euros

Jusqu’à son dernier souffle Ce recueil de poésies amoureuses inédites de Paul Valéry est une surprise savoureuse Voilà le mallarméen Paul Valéry en disciple pétrarquiste, l’académicien impassible et cérébral en amoureux fervent ! À 67 ans, donc, Valéry s’offre un amour de jeunesse, et pour une jeunesse, Jeanne Loviton dite Jean Voilier, à qui il écrit plus d’un millier de lettres et plus de cent cinquante poèmes. Leur liaison dure huit ans et finit avec la guerre, en 1945, lorsque Jeanne rompt pour se marier avec Robert Denoël. Alors Valéry relit et commente une dernière fois ces poèmes, avec une ironie douloureuse et tendre, et meurt quelques semaines plus tard. Depuis cette relecture, les corona poétiques se transforment en coronilla mortuaires, tandis que la «chair vers l’ombre affreusement recule.» Pour elle, il a retrouvé et décliné toutes les formes du lyrisme -sonnet, odes, ballades, chansons-, il a pastiché Ronsard ou Racine, Baudelaire ou Nerval. Pourtant, ce florilège n’a rien d’un exercice de style

érudit. L’amant caresse ce corps féminin épanoui et déjà absent comme il aspire à la plénitude de ces formes poétiques déjà disparues, dans une même euphorie un peu mélancolique pour une perfection intouchable. Les poèmes sont vibrants de désirs, d’un érotisme ardent, ils ont la sincérité de quelqu‘un qui se dénude, le mysticisme de celui qui croit en l’âme comme une forme féminine et sensuelle de l’esprit. Mais ils nous rappellent aussi que les jeux de l’amour sont indissociables des jeux poétiques, que nos passions les plus intimes se vivent parce qu’elles se projettent et se formulent dans des fictions sans âge, et que nos désirs les plus profonds se disent avec les mots des autres.

Depuis 1987 l’association Autres & Pareils de Martigues a réalisé une centaine d’expositions, de manifestations culturelles, de publications et coédite une revue avec les éditions Le Bleu du Ciel. Brigitte Palaggi vit, travaille et pratique l’art photographique à Martigues depuis 1976. Quatre numéros de la revue sont réunis sous le titre Parmi d’autres possibles présentant un choix de clichés qui couvrent une période de 30 ans. Photos en noir et blanc aux gris multiples et raffinés, parfois proches des lavis avec des fondus dans lesquels on peut se perdre, surtout lorsque l’image montre le ciel ou l’eau et les mélange tant que l’on ne sait plus ce que l’on voit du réel ou de son reflet, des bords du Rhône ou des nuages. Les photos ne suivent aucun ordre chronologique ou géographique et l’on est parfois amusés par des rapprochements incongrus ou métaphoriques : certains voisinages laissent rêveurs comme celui d’une belle paire de fesses au grain parfait face aux vallonnements ondoyants d’un paysage florentin ! D’autres sujets sont dérisoires: étendages, rideaux de dentelles, chaises de jardin rouillées, bancs de pierre sous les arbres, moisissures... Brigitte Palaggi est attentive au travail du temps, à l’effritement, à la rouille, et nous offre des images sensibles, souvent émouvantes. Peu de personnages, quelques vieilles et des enfants, quelques corps nus et discrets. Une vie, accompagnée de textes d’auteurs amis. CHRIS BOURGUE

Corona & Coronilla Paul Valéry Editions de Fallois, 22 euros

AUDE FANLO

Parmi d’autres possibles éditions Le Bleu du Ciel, 20 euros http://autresetpareils.free.fr


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LIVRES

PHILOSOPHIE

À vos amours Nous renouons avec la question pourquoi ?, titre de la jolie collection des éditions Aléas

Que tous les titres de cette collection se proposent de commencer par la question pourquoi a de quoi déconcerter : la poser, n’est-ce pas réactualiser l’énigme des causes finales qui nous épargne de comprendre et nous fait fuir la bonne question, qu’est-ce que ? À quoi bon se demander «pourquoi vivre» si nous ne savons pas ce qu’est la vie ? C’est le privilège de la philosophie de poser des questions déroutantes et, comme l’écrit Vladimir Biaggi dans l’avant-propos de chacun des volumes de cette collection, le «pourquoi» recouvre la «grâce de ces questions infantiles dont la gravité et la radicalité déstabilise et fait chanceler l’évidence de ce qui s’impose de fait par l’épaisseur de l’habitude et le poids de l’opinion». Pourquoi aimer de André Simha est certainement la question la plus bête de cette collection ! Et d’ailleurs l’auteur l’avoue : nous aimons pour des raisons obscures et indiscernables ; et puis on n’a pas le choix d’aimer ou pas ! On serait presque poussé à refermer le livre à ce stade, comme s’il s’agissait d’une bonne blague mais… Pourquoi n’est pas forcement une interrogation sur les causes mais sur le sens. Dans un langage

kantien, on peut dire que cette affaire du pourquoi n’est plus celle de l’entendement qui va chercher les causes, mais celle de la raison qui, dans ses envolées existentielles, se pose des questions qui la dépassent. (pas clair ? il fallait lire la double page sur Kant de septembre !). Se poser la question du «pourquoi j’aime» revient donc à se demander : ça fait quoi à ma vie, qu’y-a-t-il en moi qui se modifie ? Suis-je dans une quête de liberté ou d’aliénation par l’assouvissement sexuel, ou (purement ?) intellectuel et platonique ? De plus «pourquoi aimer» est de la même nature que «pourquoi vivre», or «la raison n’a pas à choisir de vivre mais de s’interroger sur la meilleure manière de vivre». La question du pourquoi n’est donc pas ici une recherche des causes premières, mais des effets (pour quoi) : l’affaire introductive et justificative étant réglée, on peut continuer la lecture !

Passion de joie La richesse et l’érudition de ce livre ne quitte pas le fil directeur spinoziste : l’amour est une passion de joie, et donc une action ; son sens est l’épanouissement de notre puissance d’exister. S’il nous diminue, que nous souffrons, c’est que nous désirons dans le premier genre de connaissance : celui où l’on vit dans l’ignorance des causes qui agissent sur nous, celui où nous sommes objet et non

sujet, où nous vivotons intellectuellement sans chercher à nous connaître ni à comprendre le monde. Alors le désir est souffrance, il est désir parce que nous manquons : «mémoire et imagination creusent le réel pour le confronter à une figure qualifiée de complète»… mais illusoire. Sautons cent pages et interprétons : de cette ignorance peut surgir le masochisme ; car pourquoi aimer c’est aussi pourquoi haïr, pourquoi faire mal : peut-être parce que «marqués du signe de Caïn les hommes ne cessent de manier des signes qui répètent la violence primitive». Et terminons sur des réponses à cette question : pourquoi aime-t-on puisque l’amour qui naît du désir s’éteint avec sa satisfaction ? Voie platonicienne : le désir amoureux n’étant qu’une étape dans l’ascension vers l’amour de la pure beauté, l’amour doit se séparer du désir et le transcender. Voie don juanesque ou communiste : il faut dissocier l’amour et la possession, donc renoncer à la propriété privée de l’outil de production du désir ; le désir pur refuse toute concession ou repentir ; il est social et non plus exclusif ! Libre interprétation et (re)belle lecture!

Pourquoi aimer André Simha Ed Aleas, coll Pourquoi ? 12 euros

RÉGIS VLACHOS

Pèlerinage au musée La charge de Bernard Deloche dans ce très amusant exemplaire de pourquoi ne va certes pas nous dégouter d’aller au musée ; c’est un pamphlet subtil et éclectique au titre éloquent : Pourquoi (ne pas) aller au musée ? commence par une attaque en règle de la réalité muséale, suivie d’une défense par un comparse dans l’autre moitié de l’ouvrage. Bernard Deloche ne néglige aucune des pistes qui le poussent en tant que philosophe et muséologue (à l’apostasie inspirée !), à ne plus aller au musée ; de bien belles pages sur l’oxymore incarnée qu’est le musée, glorifié comme lieu du plaisir désintéressé, de la délectation, et du grouillement populaire… alors qu’il reproduit l’ordre social existant de par sa fréquentation qui reste, par delà les discours républicanisant-démocratisant gnan gnan,

essentiellement celle de catégories sociales privilégiées. Le comparse François Mairesse marchera sur des œufs pour nous convaincre d’aller au musée, bien conscient de la stricte composante d’habitus social des motivations de ce pèlerinage intellectuel. Forme de rhétorique bien plus distanciée. Intéressants moments sur le rapport problématique avec la société capitaliste: le musée est-il lieu d’accumulation de valeurs, la muséographie reproduisant en ce siècle les allées d’Ikéa, ou bien reste-t-il le fascinant réceptacle d’objets vrais présentant le curieux privilège de leur inaliénabilité ? Un rare lieu de calme et d’ennui sans sollicitation marchande ? Comment glander intelligemment, c’est vrai ça… R.V.

Pourquoi (ne pas) aller au musée ? Bernard Deloche, François Mairesse Ed Aleas, coll Pourquoi, 12 euros


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La démocratie tue aussi Comment le mensonge peut-il se substituer à la vérité de manière édifiante pour produire des effets de coercition spectaculaires ? C’est tout l’objet de «la propagande médiatique en démocratie», sous-titre de la somme de Chomsky et Herman La fabrication du consentement. Quand la réalité dépasse l’impensable, investigation empirique sur le concept de vérité…

Propagande de mort Premier principe, la concentration capitalistique des médias : le marché réussit là où les États totalitaires sont échoué ; stratégie sans stratège terriblement efficace. Pourquoi une propagande est-elle nécessaire dans une société développée et libre ? S’en étonner revient à oublier les deux soubassements ténébreux de nos sociétés démocratiques : la nécessité de maintenir l’ordre social, ainsi que la sauvegarde d’un système capitaliste qui ne va pas de soi. Rosa Luxembourg le disait : si les gens savaient, le régime capitaliste ne tiendrait pas 24 heures ! Il faut donc discréditer toute autre forme d’alternative à ce système, et tous les moyens sont bons. Y compris les

génocides. Cambodge 1973 : «Les tapis de bombes des B-52 ciblaient les zones les plus peuplées du Cambodge… des centaines de km2 de terres fertiles à forte densité de population» ; c’est la phase I du génocide, occultée, on ne retiendra que la phase II, celle de Pol Pot, guère plus meurtrière. La destruction du Sud Vietnam par bombardement avant l’invasion terrestre : 150 000 morts… Les victimes sont «indignes d’intérêt» et on n’en parle pas : tout se résume au combat du monde libre contre le communisme… et aujourd’hui contre le terrorisme : un million d’enfant irakiens sont morts des conséquences de l’intervention.

Manipuler la presse Chomsky et Edward Herman analysent la manipulation étatique de la presse dans la trame infiniment serrée des dispositifs du pouvoir. Les mensonges les plus grossiers y ont plus de valeur de vérité que les faits même : c’est toute la définition de l’aliénation que proposait Castoriadis : «Le sujet est dominé par un imaginaire vécu comme plus réel que le réel, quoique non su comme tel.» Dans La fabrication du consentement l’horreur des massacres se conjugue à l’horreur de leur occultation par la presse. Combat politique pour la vérité alors que constatait Jacques Bouveresse : «Les penseurs comme Chomsky estiment que la meilleure défense contre le mensonge, en particulier le mensonge politique, est, pour commencer, une connaissance précise des faits concernés ; et on peut dire que celle qu’il se donne la peine d’acquérir est tout simplement impressionnante.» (Peut-on ne pas croire, Agone, p 157). Le moindre éclat de vérité est sous condition politique disait Foucault ; et celle de la presse, au premier chef, prise qu’elle est, en sa foi naïve en une objectivité possible, dans les rapports de force des intérêts économiques de ses propriétaires et des intérêts de la nation. Les vérités de Chomsky, plus étayées que celles de ses détracteurs, sont elles aussi politiques et le revendiquent :

pour des médias indépendants, condition absolue pour vivre dans une société réellement démocratique… et pacifique! RÉGIS VLACHOS

Pour le répondant français des analyses de Chomsky, on conseille vivement les dossiers noirs chez Agone - http://survie.org/ -Les-Dossiers-Noirs-.html

La Fabrication du consentement De la propagande en démocratie Noam Chomsky – Edward Herman Ed. Agone, coll Contre-Feux, 28 euros

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C’est un conseiller militaire présent au Vietnam qui parle : «Ce qui séduisait dans le mouvement révolutionnaire, c’est qu’il représentait une nouvelle forme de société, au sein de laquelle prendrait place une nouvelle redistribution des valeurs, et notamment du pouvoir, du statut de chacun, aussi bien que des biens matériels.» «Cette description et ce qu’elle implique fut intégralement soustraite à la vue de l’opinion américaine», et Chomsky de poursuivre rappelant l’insupportable réalité de l’histoire : «Une fois les accords de paix définitivement dans l’impasse, les États-Unis et leur régime client entamèrent leur œuvre de répression internationale, massacrant des dizaines de milliers de personnes…» Cette somme de Chomsky est une analyse méticuleuse des interventions étasuniennes en Amérique centrale (Salvador, Guatemala, Nicaragua) et Asie (Vietnam, Laos, Cambodge), et de ses répercussions dans les médias américains. Plus d’un million de morts en Asie sur la période 1965-1975, 200000 en Amérique centrale du seul fait de l’intervention nord américaine : aucune trace dans les journaux du même continent. C’est tout le fonctionnement de la propagande au sein d’une société démocratique et capitaliste qui est ici analysé.


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PHILOSOPHIE

ÉCHANGE ET DIFFUSION DES SAVOIRS

La salle des délibérations du Conseil Général était comme d’habitude bondée pour ces soirées d’échange et diffusion des savoirs qui s’articulent cette saison sur le thème de la violence. Elle accueillait le 4 décembre Marcel Gauchet, célèbre auteur du Désenchantement du monde. Le philosophe construit son œuvre autour des rapports problématiques que notre modernité entretient avec un passé fait de religion et de valeurs qui ne se laissent pas facilement oublier. Mais cette soirée, intitulée Sur l’effondrement du sens des savoirs, nous réserva de multiples surprises… Un sentiment étrange surgit dès les premiers mots de l’orateur : est-ce Marcel Gauchet, ou alors Luc Ferry, Comte Sponville ou Finkielkraut qui parle ? «De bons esprits parlent de notion de violence symbolique et je connais trop le sens de la violence réelle pour la prendre vraiment au sérieux.» Précisons que la violence symbolique est un concept sociologique rigoureux : il qualifie un pouvoir non explicite qui parvient à imposer des significations et à les rendre légitimes, en dissimulant les rapports de force qui le rendent effectif : hommes/ femmes ; privilégiés/non privilégiés; possédants/salariés. En bref, mettre en cause la violence symbolique, et ce sans aucune explication, c’est d’emblée accréditer la thèse d’une société pacifiée et de consensus ; c’est-à-dire nier ce que même les milliardaires américains admettent1. Il aurait pour le moins fallu que l’orateur s’en explique. Mettons en abîme, et constatons une première forme de violence symbolique, inhérente à l’exercice : celle de l’orateur qui impose des idées dans une auto-légitimation qui n’a pas à s’expliquer. Il y a toujours des relations de pouvoir dans les interstices du champ social, et par-là même violence ; on ne peut y échapper mais encore faut-il les mettre au jour, les révéler pour les atténuer. Ici, il faut bien qu’il y ait des conférences où l’un parle et les autres écoutent ; mais le rôle de l’intellectuel n’est-il pas d’en être conscient et de tendre à en diminuer les effets par l’explicitation honnête de concepts pour le moins polémiques ? L’orateur poursuit : «S’il y a un domaine où cette notion de violence symbolique

Violence symbolique, peut avoir une certaine pertinence, c’est celui de l’expérience que nous faisons aujourd’hui de l’histoire… ce à quoi nous participons sans le contrôler.» Cette violence, poursuit-il, est d’autant plus forte que nous y participons sans la comprendre, et donc qu’elle s’impose à nous. Ce qui est la définition exacte de l’aliénation : participer à un processus qui s’impose violemment à nous sans que nous en soyons conscient.

Implicites servitudes

aliénation ou crise du sens ?

Le concept est assez lourd pour que l’on s’y attarde, ce que ne fait pas l’orateur… N’a t-on pas droit a un exemple de cette violence symbolique de l’histoire dont il nous parle ? En fait, l’implicite est un des traits de la violence symbolique ; on suppose admises des valeurs par l’autre sans les expliciter, ce qui évite d’être compris… et contredit ! Risquons un exemple d’aliénation : les salariés non imposables admettent souvent comme acquis le discours non explicité de la nécessité de baisser les impôts… Par-delà la forme, l’aliénation soulève un vrai problème philosophique : est-il sûr que celui qui y est soumis y participe? Dans ce cadre nous sommes dans la servitude volontaire.

Même si, précisera Gauchet, l’aliénation est un concept hégélien qui signifie le mouvement de l’esprit hors de lui afin de se remplir de déterminations- et qui ensuite retourne à un soi qui n’est plus le même. Mais est-ce bien la même aliénation que redéfinit Castoriadis dans L’institution imaginaire de la société ? «L’aliénation c’est le discours de l’autre ; le sujet est dominé par un imaginaire vécu comme plus réel que le réel.» Il est crucial que de savoir si vraiment le sujet est impliqué dans les processus d’aliénatio; en quoi le salarié participe-t-il à la production de l’idéologie dominante à laquelle il souscrit et qui lui fait pourtant violence ? Une vraie précision à mener, qui aurait amené au


67 cœur du débat, mais le terrain du réel n’était pas celui de la soirée… Cette expérience de l’aliénation historique, poursuit Gauchet, met à l’épreuve notre intelligibilité du monde et participe à notre impuissance. C’est toute la définition de la liberté sans pouvoir des modernes. Et le seul sens possible de la liberté est «le gouvernement du monde en commun» ; qu’est-ce à dire ? On ne le saura pas. En tout cas l’auteur poursuit sur la liberté : «Il n’y a rien de plus désespérant que l’activisme sans but et la protestation sans proposition qui achève de certifier notre impuissance. Très bien pour l’anticapitalisme, mais que met-on à la place ?». Voilà comment Gauchet disqualifie d’un geste ceux qui expliquent le fonctionnement violent du système capitaliste, et affirment qu’un autre monde est possible. Souvent les penseurs dénigrent les explorateurs du réel… Que propose donc Gauchet qui soit moins «désespérant» ? «Nous avons à apprendre à agir historiquement par un réarmement intellectuel.» Belle formule de philosophe, mais belle contradiction dans l’agir lorsqu’on écrit que ce monde est le seul possible; ce qu’il confirme dans son dernier ouvrage, tout aussi abstrait, qui évacue tout rapport au réel et au social, affirmant que «nous n’avons plus que du même devant nous» (La révolution moderne p18). En fait, lors de son intervention, aucun des termes clé sur lesquels il s’appuie n’est défini : liberté, aliénation, violence symbolique, histoire, révolution restent dans le flou…

Acculturation et dolorisme Passons à l’éducation, sujet central de la conférence : «L’éducation offre un concentré des mutations de notre condition historique, elle montre la radicalisation du mouvement de la modernité.» Ce qui signifie, pour le philosophe, que l’éducation révèle le problème de la culture et du savoir dans nos sociétés, qui est la tendance à la déculturation, c’est-à-dire la crise du sens des savoirs. Ceci se remarque exemplairement dans l’école où, au travers des réformes, les savoirs doivent de plus en plus justifier leur utilité, ce qui se renforce avec la généralisation des choix optionnels. C’est le problème de fond pour Gauchet, qui n’entrera pas dans le champ politique, mot qu’il ne prononcera jamais dans sa conférence. Or, ce sont les pensées réactionnaires qui ciblent une crise sur la question des valeurs sans considérer le problème politique : ici la libéralisation du système éducatif, la mise en concurrence et la ghettoïsation des établissements scolaires, le bac à deux vitesses, le recul de l’offre en matière d’éducation publique… ne seront jamais évoqués. Pour Gauchet cette crise du sens et des savoirs a pour cause ce phénomène positif de détraditionnalisation qui commence au XVIIIe siècle lorsque la raison l’emporte sur l’autorité de la tradition ; aujourd’hui nous assistons à l’expression radicale et négative qu’a pris cette détraditionnalisation puisqu’on ne se soumet plus à l’ordre hérité du passé : «C’est la première fois dans l’histoire où pour nous il n’existe plus que du passé mort et muet.» La connaissance dès lors prend un nouveau statut, elle n’a plus qu’une signification individuelle et actuelle. Avant la crise que nous connaissons le passé bénéficiait d’une force qui n’avait pas besoin d’être justifiée. Ainsi cette acculturation produit des êtres qui ne savent pas qui ils sont. On pourra s’interroger longtemps sur ce que l’auteur entend par cette crise des valeurs, attendre longtemps des exemples précis de cette déculturation, cette désintellectualisation ; et même s’il certifiera par la suite ne pas être nostalgique de ce passé où les individus avaient plus de repères, il affirmera que la tradition doit être réinventée. On se demande ce que peut être une tradition réinventée. Par quel miracle conceptuel une tradition qui a une force aliénante et inconsciente peut-elle disparaître ? Ce qui est inconscient ne s’efface pas…

Contradictions Mais alors, demandera-t-on au philosophe, d’où tirez-vous que les gens sont aujourd’hui plus déculturés, plus désintellectualisés qu’avant ? Tout montre, démocratisation ou massification du système scolaire aidant, que les générations sont plus instruites aujourd’hui qu’hier. Je voulais dire que les individus ont moins de repère identificateurs qu’avant, répond-il. Pourtant le constat de crise du sens semblait aller audelà…

Une autre remarque dans la salle : l’âge d’or de la culture européenne a produit les plus grands crimes de masse, ceux du XXe siècle. Réponse ahurissante de Gauchet: «il faut en finir avec ce dolorisme de notre expérience historique proche, qui nous trompe sur la réalité de ce que nous vivons ; et si nous avions une meilleure appréciation de ce qui s’est passé dans ce siècle, nous aurions une meilleure perspective des difficultés nouvelles qui se présentent à nous.» «Et je n’ai pas attendu Sarkozy pour dire cela» précisera-t-il. En fait, au Conseil Général ce soir-là, nous avons vécu un grand moment de synthèse de ce qui se passe aujourd’hui dans la philosophie. Tout tend à : -cibler la crise de l’éducation sur un problème de valeurs -dénoncer toute pratique contestataire de la liberté au profit d’abstractions qui la situent dans un ailleurs métaphysique, paralysant et inoffensif -restaurer l’histoire dans une dynamique coercitive qui s’oppose au désordre de l’identité contemporaine -critiquer l’histoire qui vise à révéler les crimes des démocraties afin de conjurer le dolorisme -défendre une histoire prescriptive plutôt qu’une histoire-vérité, en escamotant la question sociale qui risque de renforcer la lucidité et donc le dolorisme quant à la réalité de nos démocraties… En bref, on assiste à une décomplexion totale de la pensée qui concourt à renforcer l’ordre dominant et ses injustices ! Foucault, vite ! RÉGIS VLACHOS

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Warren Buffett, l’homme le plus riche du monde, ami de Bill Gates, actionnaire de Coca-Cola et soutien de Barak Obama lors de la dernière campagne a déclaré : «Il y a une lutte des classes aux États-Unis, c’est un fait, mais c’est ma classe, la classe des riches qui mène cette guerre, et nous sommes en train de la gagner.»

Marcel Gauchet © J. Sassier


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HISTOIRE ET PATRIMOINE

MUSÉE DÉPARTEMENTAL DE L’ARLES ANTIQUE

L’antiquité voyage Les richesses du Louvre sortent ; pour certaines il s’agit de la première fois depuis la fondation du musée en 1793 ! Oklahoma, Seattle, Indianapolis… L’antiquité se fait star, et part en tournée. L’Amérique, plus gâtée que l’Europe, larges contributions financières obligent, a bénéficié, dans le cadre des échanges internationaux conduits par le Louvre, de la venue de l’exceptionnelle exposition concoctée par Cécile Giroire et Daniel Roger, conservateurs au département des antiquités Grecques, Etrusques et Romaines du Musée du Louvre. De l’esclave à l’empereur ; L’art romain dans les collections du Louvre : cette remarquable manifestation est liée à la réinstallation des salles romaines du Louvre, dans une perspective muséographique actualisée. L’organisation des éléments de l’exposition correspond à celle qui est prévue pour la nouvelle structure du musée parisien, dont les visiteurs ont ainsi un avant-goût.

Puis la section 3 présentera la maison, riche de décors raffinés et élégants, quand elle se nomme «domus» et appartient à un «dominus» fortuné qui peut présenter à ses invités une luxueuse vaisselle d’apparat. En opposition à cette image de paix, la section 4 expose le thème de l’armée, la force de Rome qui s’affirmera par ses conquêtes, maîtresse du monde antique. La partie nommée «esclaves et étrangers», ensuite, permet de mettre en lumière les notions d’«otium» et de «negotium», le loisir et les affaires, le premier favorisant les arts, le second, le travail agricole, l’activité au service de l’état. La religion succèdera à cette approche de la société romaine, répartie entre domaine public avec les dieux du panthéon officiel, et privé, chaque domus sacrifiant aux dieux domestiques… Des cultes orientaux arrivent à Rome, comme celui d’Isis ou de Mithra, et trouvent leur place sans heurts. La section VII est consacrée aux rites funéraires qui trahissent tant d’éléments de la pensée spirituelle des peuples pour l’archéologue ou l’historien.

Une chance rare !

Une grande variété d’œuvres

Les Provençaux, chance unique en Europe, auront la possibilité de visiter cette exposition, du 20 décembre 2008 au 3 mai 2009. En effet, Arles est la seule ville européenne choisie pour l’accueillir, et ce grâce au partenariat entre le Musée Départemental de l’Arles Antique et le Musée du Louvre, sous l’égide du Conseil Général 13. Bien sûr, la capacité d’accueil, quoique importante, ne peut rivaliser avec celle des instituts américains et 150 pièces au lieu des 180 seront présentées. Cependant nous aurons le privilège de contempler des œuvres qui trop souvent attendent dans les réserves, et même des chefs-d’œuvre plus connus qui parlent à nos souvenirs d’écoliers…

Cette remarquable exposition joue sur une palette d’une exceptionnelle variété de supports, statue de 2m24 de ce citoyen en toge, ou celle si réduite et fine de Mars (20,6cm), terres cuites, vaisselle d’argent et de verre, bijoux, mosaïques, fresques, bas reliefs, comme celui que tout le monde a croisé dans ses livres, avec ce nom si incroyable de «suovetaurile»!, en fait sacrifice de trois animaux mâles, un porc, un mouton et un taureau dans le but de purifier la terre…. Imaginez la précision et la délicatesse de la mise en place de ces œuvres, déballées une à une avant de trouver sa place dans l’intelligente organisation de ce musée qui voyage…

Un parcours didactique Selon les principes mis en œuvre habituellement dans le Musée d’Arles, les pièces de la collection suivent un itinéraire qui présente un panorama de la vie à Rome, de l’esclave au plus haut sommet de la hiérarchie sociale, l’empereur. Présentation qui ne se veut pas exhaustive, mais suggestive. C’est pourquoi l’écart chronologique est assez large, de la fin du Ier siècle avant notre ère (-27, Octave devient Auguste, même s’il ne prend pas le titre d’Empereur, mais seulement de «princeps senatus») jusqu’au Ve de notre ère (Romulus Augustule abdiqua devant Odoacre en 476. Curieuse ironie du sort qui donne au dernier empereur de Rome le nom de son fondateur !). Le parcours thématique articulé en sept sections nous conduira de la section consacrée à l’empereur, ses pouvoirs et une galerie de portraits de la dynastie Julio-Claudienne à celle des citoyens, qui se décline en devoirs publics, et une représentation particulière des femmes et des enfants, en opposition à tous ceux qui, dans la Rome antique n’avaient pas accès à la citoyenneté.

Portrait de Livie de Neuilly-le-Réal; Musée du Louvre, Br28 © 2006 Musée du Louvre et AFA/ Daniel Lebée et Carine Deambrosis

On vous dira que d’exceptionnelles mesures de sécurité ont été prises, qu’un argent fou a été investi dans le transport, la réfection, la restauration de certaines pièces : tout ceci participe au caractère unique de cette entreprise. Réjouissons-nous plutôt de la chance qui nous est offerte de fréquenter ainsi une période qui n’a pas fini de nous éblouir et de nous enseigner. Laissonsnous transporter par les accents de la Muse de la rhétorique, Polymnie aux chants multiples, qui clôt le parcours. Gracieusement pensive, elle nous interroge. De toute cette richesse, saurons-nous retirer la quintessence ? MARYVONNE COLOMBANI

De l’esclave à l’Empereur L’art romain dans les collections du musée du Louvre Du 20 déc au 3 mai Musée départemental de l’Arles Antique 04 90 18 88 88 www.arles-antique.cg13.fr

Scenes dionysiaques, Musée du Louvre, P28 © 2006 Musée du Louvre et AFA/ Anne Chauvet


PENSÉE DE MIDI

Efflorescence des discours de haine

HISTOIRE ET PATRIMOINE

Amara Lakhous © X-D.R.

Le 2 décembre, avait lieu, à l’Institut Culturel Italien de Marseille, une rencontre programmée dans le cadre de l’année européenne du dialogue interculturel sur le thème des désirs de guerre et espoirs de paix. Étaient rassemblés, autour de la table qu’animait Thierry Fabre, Amara Lakhous, écrivain et anthropologue, Biancamaria Bruno, linguiste et essayiste, Daniel Lindenberg, historien des idées, universitaire et journaliste. Poursuivant la thématique esquissée au travers de la dernière livraison de la Pensée de midi (voir Zib 13), Thierry Fabre a sollicité la réaction de ses invités à propos de l’efflorescence du discours guerrier dans toutes les strates de la société mondialisée. Amara Lakhous a fait remarquer combien il fallait prendre garde car les mots précèdent souvent la violence sur les corps. Évoquant ces discours de haine, il a rappelé les écrits orduriers d’Oriana Fallaci sur

les musulmans italiens, comparés à des rats. Fondamentalement, cette pensée habille de noblesse les préjugés populaires qu’elle érige en références suprêmes. Mais, poursuit notre intervenant, la détestation du musulman, consécutive au 11 septembre, s’inscrit dans un cycle : ce fut d’abord le marocain des années 40, violeur, puis l’Albanais voleur des années 90, pour en arriver aux gitans (les tziganes roumains). La peur de l’autre est une permanence sur laquelle vient se greffer le discours guerrier. Biancamaria Bruno s’insurge aussi contre les brûlots de la «Fallaci». Pas question, pour elle, qu’un intellectuel oublie son statut et déraille !

Attristée et désappointée, elle lâche un constat bien funeste : l’Italie est un pays pauvre et ignorant ! Confinés au rôle d’experts auprès des médias, les intellectuels se bornent au commentaire. Ils abandonnent leur rôle d’agitateurs culturels, de producteurs d’analyses et d’idées nouvelles! Cette absence de réflexion permet à des mouvements racistes et xénophobes comme la Ligue du Nord- de répandre et faire progresser ces thèses dans toute l’Italie. Pire, les promoteurs de ces exclusions ethniques mobilisent les couches populaires, les quartiers ouvriers et développent une politique du «campanile» (de clocher) qui rejette les étrangers ! Dans le domaine des idées, Daniel

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Lindenberg rappelle qu’en France les traumatismes du 11 septembre et de la présence de Le Pen au deuxième tour de la présidentielle, ont été l’occasion d’une mutation du discours. Là aussi, le préjugé devient le vrai, dans un processus de «retour au réel» qui rappelle le discours vichyste. Appuyé sur des constats simplistes et faussés, le discours alors transgresse les tabous : racisme, misogynie, homophobie prennent place dans l’espace public ! Ce triomphe discursif ne bénéficie pas pour autant à l’extrême droite : c’est le président actuel, avec son ministère de l’identité nationale et de l’immigration, avec sa politique de préférence nationale déguisée, qui en récolte les fruits. Ces idées nauséeuses se diffusent : ni le personnel politique, ni les intellectuels ne sont épargnés, y compris à gauche! Thierry Fabre élargit les considérations à l’Europe et Daniel Lindenberg fait remarquer combien la déferlante néo-conservatrice submergeait l’horizon intellectuel du vieux continent : une pensée régressive triomphe en Europe. Les vieilles idées du XIXe siècle sont réactivées pour décrire nos sociétés : la criminalité est évoquée comme un problème génétique, ou encore l’anti-darwinisme, si présent aux États-Unis, gagne du terrain... L’enjeu désormais est d’endiguer le reflux de la pensée progressiste, le triomphe de cette pensée antiLumières qui refuse l’universel comme catégorie de pensée. Refus qui ne peut qu’amener à un choc des civilisations… RENÉ DIAZ

Les Rencontres de La Pensée de Midi ont eu lieu les 24 nov à l’IEP d’Aix, le 2 déc à L’ICI de Marseille, le 3 déc à la Fac de droit de Toulon


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SCIENCES ET TECHNIQUES

SCIENCES ET CITOYENNETÉ

Les para-orthodoxes du progrès 20 novembre 2008. Le citoyen Zibernéthique est sollicité. La question de la responsabilité civile interroge l’humain et son histoire sur ses pratiques collectives ; le matin dans le questionnement philosophique, éthique et politique, l’après-midi dans l’engagement et la pratique militante immédiate Le matin à l’Hôtel de Région, ouverture à 9h30 du 6e Forum Sciences et citoyenneté sous la présidence du philosophe Pierre Le Coz, vice-président du Comité National d’Ethique. À 14h00, manifestation tout aussi citoyenne pour la défense de l’Éducation Nationale et de la Recherche Scientifique Publique… Six ans déjà que la région PACA organise une journée annuelle de réflexion sur le rapport des citoyens avec la connaissance technologique et ses implications sociétales, aussi bien en tant qu’opérateurs, qu’usagers. L’année dernière le forum intitulé Les horizons du Savoir s’interrogeait sur les rapports complexes entre Sciences, raison, et déraisons. La crise a obscurci les horizons lointains et questionne désormais l’odyssée du savoir en ce qu’il annoncerait la régression de l’humanité, ses Charybde et Scylla, plutôt que l’idéal de son Ithaque. Les paradoxes du progrès, ainsi se prénomme le forum 2008. Un paradoxe allant «à l’encontre de l’opinion généralement admise» que le progrès serait © Tonkin prod.

«la progression de l’humanité vers un terme idéal… vers le mieux». Le discours introductif de Michel Vauzelle, aux accents lyriques, usait de mots si peu usités dans la novlangue libérale qu’il réveillait parfois agréablement chez l’antique lutteur des réminiscences de saintes victoires contre cyclopes et autre Circé ! «Injustice», «capitalisme effréné», «concurrence inhumaine», «misère morale», «exploitation»… Et aux détours des dunes du verbe, le voyageur pouvait parfois même se ressourcer à la fraîcheur des mots de «liberté», «conscience», «raison», «démocratie»… Peut-être encore manquait-il au tournant des mots l’oasis d’une «révolution» ?

Progrès mal-gré Le progressisme dans toutes les acceptions du concept a profondément marqué le XXe siècle, pour devenir une quasi-religion en sa fin. De l’Union Soviétique censée se développer sur la base du «matérialisme scientifique historique» jusqu’à «l’Union Rationaliste» qui tente toujours de

lutter contre la pensée magique et l’illusion ésotérique, le progrès de l’humanité est le phare d’Alexandrie. Mais comment orienter le navire progressiste de la science sur un repère en perpétuel mouvement ? Comme l’indiquait Hélène Langevin-Joliot, Directrice de Recherche Honoraire au CNRS, présidente de l’Union Rationaliste, lors de sa remarquable intervention intitulée «Où est passée la raison ?», qui dit progrès dit mouvement historique de la connaissance. Et qui dit mouvement dit imprévisibilité absolue de sa direction ! Poser une raison préalable progressiste aux progrès revient donc à établir un dogmatisme du développement de la connaissance. Ce dogmatisme s’oppose au libre mouvement qu’il se targue de canaliser et d’orienter. Car le mouvement de la connaissance est, comme le dirait Camus, condamné à l’absolue liberté. Le scientifique est Ulysse, fils naturel de Sisyphe progressant sur la pente de son propre savoir et portant un rocher de connaissance qui tend éternellement à lui échapper. Le capitalisme a huilé la pente, le mythe du progrès scientifique glisse, la pierre philosophale écrase la tête de Sisyphe et Ulysse, désespéré, renonce à son odyssée universelle. Faut-il pour autant envisager le progrès comme un mythe ?


Quoi qu’il arrive, il y a foisonnement des pratiques humaines et c’est l’analyse a posteriori de certains développements pratiques qui constitue ce qu’on a coutume d’appeler progrès. Par exemple la mécanique quantique marque un «progrès» dans les pratiques instrumentales de la physique dans un certain domaine d’application, celui des ordres de grandeur de la constante de Planck. Le «progrès» ne se vérifie que dans le développement du champ des pratiques expérimentales (appareillages, manipulations...), sa multiplication, sa complexification. Il n’y a de «valeur» à ce progrès que celui que l’on veut bien y lire philosophiquement, idéologiquement ou moralement l’instant d’après, lorsqu’on le transcrit, lorsqu’on le commente ou qu’on le nomme.

Subversion des pratiques Des débats du forum, le mot de pratique est étrangement absent. On parle de prospectives, de données empiriques, de représentations, de nanoobjets. Car, comme l’indiquait Christopher Lasch dans son remarquable ouvrage Le Moi assiégé (Climats éditions), la société technologique libérale réifie le progrès scientifique : la connaissance devient un objet presque étranger à l’humain, qui n’est concerné ni en tant que sujet désirant, ni en tant qu’individu citoyen. Ainsi la maîtrise pratique du monde se transforme, et se réduit à une utilisation subjective d’objets irrationnels produits par le monde. L’univers n’est plus le réel engendré par les pratiques humaines mais une connaissance extérieure, consommée intrinsèquement. La société médiatique transforme les acteurs du monde, y compris les scientifiques, en spectateurs des objets consommables de ce monde. Cette objectivation des pratiques ne serait-elle pas corrélative à la mise en doute de la réalité du progrès ? Et si le progrès n’était justement rien d’autre que le développement de la complexité des pratiques sociales ? Et si la science c’était seulement la liberté d’Ulysse de guider sa voile où sa pratique du vent marin le mène ? Et si la création c’était seulement la liberté de Sisyphe de choisir comment il pousse son rocher ? Sans doute faut-il sortir du spectacle des choses pour se réapproprier concrètement la pratique de nos connaissances. Peut-être à nouveau pourraiton se remettre à rêver que le progrès progresse ; que pierre qui roule n’amasse pas mousse mais va plus vite, plus loin, plus longtemps ; que demain sera plus riche en diversité des pratiques. Que demain je pourrai être un Sisyphe heureux et qu’Ulysse, mon fils naturel, continuera l’Odyssée de la connaissance humaine. Alors seulement nous pourrons mourir vivants et heureux. YVES BERCHADSKY

Au programme

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La réalité dépasse l’affliction Gageure d’appeler au BOYCOTT d’une pseudo «manifestation scientifique» sans jamais la citer. Car le paradoxe du journalisme est que de parler de cette foireuse exposition de Marseille serait encore faire publicité à son abjection sociale, humaine et politique. Notre triste ville est une des seules de France à avoir accepté d’héberger cette déjection spectaculaire entre nécrophilie et voyeurisme, réprouvée par le Comité National d’Ethique. Ce soir, après la roue de la fortune… un paf obscène est à la une, chantait Ferrat. Ce matin, Marseille, future capitale européenne de la culture, propose à 15 euros le peepshow de cadavres chinois : c’est moins cher, moins procédurier et disponible dans la force de l’âge grâce à une espérance de vie qui épargne de n’enterrer que des vieillards ! Les cadavres polymérisés prennent la pose et s’exposent aux regards, sous couvert de découverte de l’anatomie ! D’ailleurs Zibelecteur, mon ami, pour tes enfants de moins de… trois ans, la série X est gratuite ! Image lamentable, amère de Marseille. Pour tout renseignement complémentaire, consultez l’article de Pierre Le Coz vice-président du Comité Consultatif National d’Ethique. Et voyez les réactions de nos Zibulons traînés à cette expo (page 77) ! http://www.lemonde.fr/web/ imprimer_element/ 0,40-0,50-1126341,0.html

Un bol d’air et d’eau fraîche Heureusement notre beau Museum d’Histoire Naturelle de Marseille lave à l’eau claire les souillures de notre cité en nous proposant, depuis le 18 oct jusqu’au 4 janv, l’exposition Durance : la rivière en partage. Réalisée par le Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée [MuCEM], dans le cadre du Plan Durance Multi-Usages, cette exposition itinérante sur l’eau et ses usages dans la Vallée de la Durance commence son parcours en PACA par le Muséum de Marseille et le Palais

Longchamp, site emblématique lié à l’eau. Remodelée au gré des besoins, la Durance, tantôt visible, tantôt invisible, est une rivière aux visages multiples : axe de circulation et de communication, réservoir d’eau pour l’alimentation des villes et des terres agricoles, source d’énergie hydraulique et industrielle, espace de loisir. Dénaturée, diminuée à des fins d’usages à l’équilibre fragile, elle n’en reste pas moins une rivière, capable de générer des crues dévastatrices et porteuse de milieux naturels dont la réhabilitation et la protection constituent aujourd’hui un enjeu majeur. Outil de sensibilisation et de questionnement, ce projet est le fruit d’une collaboration de nombreux acteurs de la rivière, parmi lesquels EDF, l’Agence de l’Eau Rhône-Méditerranée et Corse, la Ville de Marseille et son Muséum d’histoire naturelle. http://www.museummarseille.org/marseille _exposition_temporaire.htm

Fêtes et défaites ? Dans le cadre d’une animation de culture scientifique, les Sentiers de la Connaissance, la ville d’Allauch nous propose à l’issue d’une période éprouvante pour les systèmes digestif, cardiovasculaire et parfois nerveux, une conférence animée par PierreHenri Rolland (Faculté de Médecine de Marseille, Université d’Aix-Marseille 2): la bouffe et nos artères, le 20 janv à 20h, Espace Robert Ollive à Allauch en entrée libre. Nous devrions tout apprendre sur les pathologies des vaisseaux sanguins qui constituent la seconde source des dépenses de santé dans les pays occidentaux, comme le montre un rapport récent de l’OMS. Notre alimentation a été souvent mise en cause dans ces pathologies et les conseils abondent dans ce secteur. Ce spécialiste de la physiologie du système sanguin peut certainement nous aider à voir clair dans l’impact que peut avoir notre alimentation sur notre santé. Maison du Tourisme Louis Ardissone 04 91 10 49 20 ot.allauch@visitprovence.com


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ÉDUCATION

ORCHESTRE FRANÇAIS DES JEUNES | AVERROÈS JUNIOR

À la baguette !

Qui est l’Autre ?

Depuis sa création en 1982 par le Ministère de la Culture, l’Orchestre Français des Jeunes offre la possibilité de vivre une expérience unique à de jeunes interprètes des Conservatoires Supérieurs de Musique: faire partie d’un grand orchestre symphonique dirigé par un grand chef et parfaire ainsi leur formation, et leur connaissance du répertoire, par un travail collectif qui demande concentration et discipline. Chaque année une centaine d’étudiants, sélectionnés sur audition, peuvent se former au métier de musicien d’orchestre. De très grands chefs se sont succédé à la direction des jeunes instrumentistes. Depuis cet été, la baguette est L'OFJ en répet avec Dennis Russell Davies © X-D.R confiée à l’américain Dennis Russell Davies dont le répertoire va du baroque au contemporain et le parcours de Saint Paul et New York à Stuttgart, Bonn, Vienne, Salzbourg et Paris ! Deux sessions ont lieu chaque année, l’une en été, l’autre en hiver. Première étape : préparation par pupitres par des professeurs eux-même musiciens dans les plus grands orchestres ; actuellement ce sont Renaud Déjardin, violoncelliste (révélation de l’Adami en 2000), David Walter, hautbois, interprète et transcripteur de talent, et JeanJacques Justafré, cor, musicien contemporain et jazzman. Ensuite travail avec le chef. Puis tournée en France et en Europe, occasion précieuse et recherchée de voyager et de découvrir d’autres musiciens, d’autres publics. Pour la 2e année consécutive, la résidence de l’OFJ est abritée par le Grand Théâtre de Provence dont les qualités acoustiques et techniques sont appréciées... comme sans doute les charmes de la vie aixoise !

Voilà une question que peuvent se poser les collégiens après les projections des films du dispositif Averroès junior... Mais ils ont déjà trouvé des ébauches de réponses !

CHRIS BOURGUE

Simon et Léa ont 20 ans, respectivement contrebassiste etaltiste.Tous2sontenchantésparl’expérience.L’orchestre? ils adorent : «C’est très stimulant ! On découvre les œuvres en les décortiquant puisque d’abord on travaille par pupitre, puis le groupe s’agrandit peu à peu. C’est une formation de très bon niveau qui permet de faire de jolis voyages !». L’OFJ propose aussi des actions dans les établissements scolaires : Musique et Histoire autour de la 8e symphonie de Chostakovitch, composée en 43 pendant le siège de Stalingrad. Mais ils font aussi des concerts de Musique de Chambre dans des Centres de soins palliatifs, des maisons d’Arrêt ou de retraite... Occasions de belles rencontres qui remportent un franc succès !

Concert au GTP le 23 décembre (voir p.33)

Les films ont été choisis par Delphine Camolli de l’association Tilt. Les primaires ont eu droit au magnifique Azur et Asmar de Michel Ocelot et un programme de 3 films courts a été proposé aux collégiens de 6e et 5e.

Des Courts métrages dépaysants Le premier Court, de Hany Tamba, est libanais. Beyrouth After Shave présente un vieux barbier ambulant, bavard et généreux, appelé un jour auprès de Monsieur Raymond qui vit reclus et taciturne dans sa demeure cossue depuis la mort de sa femme. De grands portraits de la disparue trônent partout et son fantôme apparaît souvent pour parler avec son mari, ce que les enfants ont eu un peu de mal à comprendre : «Elle est pas morte, on la voit !», occasion d’expliquer la vivacité de l’amour et du souvenir. Petite lumière, film sénégalais de Alain Gomis, met en scène une fillette qui se pose des questions sur la réalité des choses et des gens. Une façon de vivre sa vie : «C’est moi la reine !» et d’ignorer les autres. Les enfants ont trouvé son comportement bizarre et auraient voulu savoir «la fin». Mais les expériences sensorielles n’en ont pas ! Le dernier : La Résidence Ylang-ylang de Hachimiya Ahamada est un film

franco-comorien qui faisait partie de la Sélection Semaine de la Critique à Cannes cette année. Il est tourné aux Comores. Djibril prend soin de la maison de son frère qui vit à l’étranger. Pendant ce temps un incendie détruit sa case. Heureusement que la solidarité joue et qu’on l’aide à reconstruire. Ce film met en lumière les problèmes de l’émigration : ceux qui sont partis ne reviennent pas toujours et ceux qui restent n’ont pas les moyens de vivre décemment. Par exemple ils se procurent l’électricité en pratiquant des branchements interdits et dangereux : c’est ainsi que les cases brûlent ! Ce phénomène a beaucoup intéressé les élèves dont quelques-uns étaient d’ailleurs d’origine comorienne. Les films ont été suivis d’un débat avec Salim Hatubou, écrivain et conteur, né en Grande-Comore, arrivé à l’âge de dix ans dans les quartiers Nord de Marseille. Il effectue un travail de recherches sur la tradition orale et les contes de son enfance au cours de séjours réguliers aux Comores. Les Contes de ma grand-mère, son premier ouvrage, date de 1994 et il en a une dizaine à son actif maintenant. Il anime des ateliers d’écriture, notamment dans les établissements en zones sensibles. Il rappelle qu’il y a 80 000 comoriens à Marseille et que la culture comorienne provient d’un brassage Beyrouth after shave de Hany Tamba


73 Azur et Asmar de Michel Ocelot

entre les cultures africaine, musulmane, malgache... Il parle de l’importance de l’éducation et de son projet de Maisons de l’Enfance pour accueillir les enfants dans les villages et créer du lien social. Il évoque son amie Hachimiya Ahamada, née en France en 1976, qui a découvert à 21 ans le pays d’origine de ses parents : l’Archipel des Comores et a choisi d’orienter son travail de mémoire sur les thèmes de l’exil et du déracinement. Après avoir réalisé plusieurs documentaires, La Résidence Ylang Ylang est son premier court-métrage de fiction en 35mm. D’autres collaborations se feront certainement entre les deux créateurs.

Des Longs métrages qui questionnent Deux films ont été proposés qui mettent en lumière la ressemblance des adolescents au-delà des frontières dans leurs centres d’intérêt, leurs aspirations de liberté par rapport au monde qu’on leur impose ! Ce sont le film iranien de Jafar Panahi, Hors-jeu, et un film français réalisé par Vincent Paronnaud et Marjane Satrapi, à partir de sa BD, Persépolis, dont le succès fut fulgurant. Hors-jeu, Ours d’argent au Festival de Berlin 2006, a été projeté dans l’amphithéâtre du collège Edgard Quinet (Marseille) devant deux classes de 3ème. Leur attention et leur intérêt ont été exemplaires. Le thème de départ était d’un abord facile puisqu’il s’agissait de foot ! Mais les développements étaient sujets à de nombreuses questions que ne manqueraient de poser les collégiens. De quoi s’agit-il ?Simplement de filles qui veulent assister en fraude au match de qualification de l’Iran contre le Bahreïn le 8 mai 2005. Pourquoi en fraude ? Parce que la République Azur et Asmar de Michel Ocelot

islamiste interdit aux filles d’assister à un match de foot ! Prétexte ? La promiscuité avec des hommes grossiers (ça jure, les hommes !) n’est pas bonne pour elles ! Alors elles essaient de se faire passer pour des garçons et ça ne marche pas à tous les coups, loin s’en faut ! Elles se retrouvent sous la surveillance de jeunes appelés qui préfèreraient garder leurs vaches et elles leur donnent du fil à retordre ! Inénarrable scène dans les toilettes évidemment pas prévues pour des filles, dialogues surréalistes ! Les scènes au stade ont été tournées le jour du match et donc le réalisateur ne savait pas comment finirait son film ! Fort, non ? Jafar Panahi voulait être au plus près de la réalité, c’est pour cela qu’il n’a tourné qu’avec des non-professionnels. À la fin, l’Iran gagne, c’est l’allégresse, et tout le monde se retrouve à danser dans la rue au milieu des embouteillages et des klaxons ! Les questions ont évidemment porté sur l’absence de liberté des filles, l’autorité paternelle et militaire, la ségrégation sexiste. Shadi Salam, musicienne et danseuse iranienne d’origine kurde, et Maryam Chemirani, chanteuse francoiranienne, ont expliqué que 10% seulement de la population était véritablement extrémiste et que le foot était pour les femmes une façon de lutter pour leur liberté. Elles ont dit aussi que le foulard n’était pas le problème le plus important et qu’il y avait des façons de le porter avec négligence : Shadi en a fait la démonstration. La richesse de la culture perse a été évoquée et les deux jeunes femmes ont affirmé leur espoir et leur confiance dans le changement de la société. La séance s’est terminée en musique. Shadi a joué de son sétâr, instrument à quatre cordes de la famille du luth, puis d’un tambourin garni de pièces métalliques au son extraordinaire, et Maryam a chanté une mélodie qu’elle a ensuite traduite. Grand moment d’émotion ! Le principal du collège a remercié l’EspaceCulture et les deux artistes pour ce moment d’exception dans un collège en «Zone Sensible». Shadi Salam participait également à la projection Persépolis duquel. Primé à Cannes en 2007 nos lecteurs en ont certainement entendu davantage parler ! CHRIS BOURGUE

Hors-jeu à Portde-Bouc C’est la 1re année que Port-de-Bouc participe à l’opération grâce à l’enthousiasme et l’énergie de la nouvelle responsable de son cinéma Le Mélies, Geneviève Houssay Zibeline : Comment l’idée vous estelle venue ? Geneviève Houssay : J’ai été contactée par l’Espaceculture et je voulais travailler avec la Médiathèque qui fait un gros boulot d’initiatives culturelles. Il y a une sorte de solidarité entre les associations culturelles, et pas d’argent. Port-de-Bouc est une ville un peu oubliée ! Les enseignants des établissements sont aussi très motivés. Quelle est la population scolaire et comment a-t-elle réagi ? La population est très métissée avec des gitans et des magrhébins, et les établissements font partie du dispositif Ambition Réussite. Les élèves ont été très attentifs, ce qu’ils voyaient les renvoyait à leur propre culture. Ils ont accroché au film et à la musique, certains ont chanté avec Shadi. C’était important aussi d’être dans une vraie salle de cinéma, avec une autre ambiance et un autre confort ! ENTRETIEN RÉALISÉ PAR CHRIS BOURGUE


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ÉDUCATION

ALTERNATIVES POSITIVES | PICASSO MÉTAMORPHOSES

La lumière des peuples racines © Agnès Mellon

L’association L’Alternative Positive vient d’organiser un festival d’actualité, Entre tradition et modernité, dans le cadre de la 11e semaine de la Solidarité Internationale. Créée en 2005, l’association veut mettre en avant les initiatives qui cherchent à construire un avenir plus harmonieux. Contes, expositions de photos, de peintures, documentaires sur les jeunes roumains, les sociétés tribales ou des guérisseurs chamanes ont ouvert des horizons méconnus. Les difficultés des Masaïs, qui, dépossédés de leurs terres ont du mal à garder leur mode de vie pastoral, ont été expliquées par Xavier Peron. Parallèlement une conteuse et un danseur masaï, Anuang’a Fernando (voir page 21), ont témoigné de la richesse de leurs traditions. L’association n’a pas oublié de s’intéresser aux traditions marseillaises en projetant le documentaire Paroles de la Plaine de Pascal Boyadjian qui fait revivre la mémoire du quartier avec témoignages des anciens et images d’archives. Puis Éric Julien a captivé le public en racontant sa rencontre avec les Indiens des Hauts Plateaux colombiens, les Kogis, héritiers des traditions précolombiennes. Ceux-ci l’ont soigné et sauvé d’un œdème pulmonaire il y a 22 ans. Pour les remercier Éric Julien a créé une association qui rachète des terres pour ces populations dépossédées. À ce jour ce sont près de 2000 hectares que les Kogis ont retrouvés et qu’ils ont pu réinvestir en reconstruisant des lieux de prière par exemple. Peu à peu ils reconstituent leur paysage et retrouvent leurs traditions : les hommes tissent les végétaux, cousent les vêtements de la tribu, quant aux femmes elles fabriquent des objets, notamment des sacs aux motifs symboliques précis. Fort de ses contacts répétés avec les Kogis, Éric Julien a décidé de créer en France une École de la Nature et des Savoirs. Depuis peu ce lieu de recherche et de formation accueille des individus ou des groupes désireux de réfléchir aux principes de développement durable et de les expérimenter. Des stages, des séminaires sont proposés. L’École, créée sous le patronage de Jean-Marie Pelt et

Edgard Morin, accueille les participants dans les hautes vallées du Diois, après une heure de marche, histoire de se mettre en jambes et dans l’esprit du lieu, un bâti ancien sur 4 ha de terres. Il s’agira d’«interroger nos pratiques et nos représentations à la lumière des savoirs des peuples racines» comme le dit Eric Julien. CHRIS BOURGUE

Alternative Positive www.alternative-positive.org Ecole de la Nature et des Savoirs www.ecolenaturesavoirs.com

Sous le signe de Picasso Dès le 6 janvier, le musée Granet, à Aix-en-Provence, présentera un parcours multimédia axé sur l’œuvre de Picasso, prélude à l’exposition estivale Picasso Cézanne. Intitulé Picasso, Métamorphoses ce parcours donnera des clés de lecture sur le procédé de création de Picasso, ses affinités avec Cézanne. Enfants et adultes seront plongés au cœur du processus créatif, immergés dans un environnement d’images et de sons sur lesquels ils pourront intervenir grâce à des capteurs en se promenant dans une forêt de tiges interactives au rythme des étapes de la vie artistique de Picasso. L’objectif est de toucher 15 000 scolaires ! 300 projets ont été validés par l’Académie et les classes recevront une valise pédagogique, 100 classes de primaires pourront visiter le château de Vauvenargues, des ateliers seront proposés… dans la limite des créneaux disponibles ! Les travaux d’élèves seront exposés lors de la manifestation C’est sud organisée toutes les années par la ville d’Aix. Zibeline ne manquera pas de suivre tout cela de près, en donnant la parole aux élèves… CHRIS BOURGUE

Picasso Métamorphoses du 6 janvier au 15 décembre 2009


PRIX LYCÉEN DU LIVRE PACA

ÉDUCATION

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Rencontrer l’écriture L’auditoire était attentif et les questions pertinentes ! Le premier forum du Prix littéraire des Lycéens PACA 2009 a ménagé ses bonnes surprises en Avignon, au Théâtre du Chêne Noir, dès le mercredi 3 déc Rencontres en live Le Chêne Noir a accueilli les lycéens de l’Académie Aix-Marseille avec croissants et café pour parler des livres des auteurs présents pour ce premier forum de l’année. De quoi s’agit-il ? D’un prix littéraire décerné par environ 500 lycéens et apprentis à l’issue d’une année de lectures d’auteurs contemporains et vivants, et de rencontres avec ces auteurs en chair et en os au cours de deux forums (un pour chacune des académies de la Région). Fin mai, les lycéens voteront et éliront leurs champions, occasion d’une grande fête avec présentation de travaux d’élèves et distribution des prix. Le projet a été lancé par la Région et l’Agence Régionale du Livre (ARL) et est en fonction depuis cinq ans. Chaque établissement travaille en partenariat avec une bibliothèque et une librairie. Des visites d’imprimeries, d’artisans du livre, des rencontres d’éditeur sont organisées afin que les différents métiers du livre soient approchés.

Questions/réponses Onze délégations de lycéens et apprentis se sont installées dans la salle de spectacle : lycées d’Aix-en-Provence, Brignoles, Gardanne, La Ciotat, Manosque, Marseille, Martigues, Sisteron et CFA d’Avignon. Pascal Jourdana ouvre la séance en donnant quelques conseils pour la prise de dialogue : «Parlez sans honte et dites ce que vous pensez !» Amara Lakhous est interrogé sur la façon dont il se moque avec humour du racisme dans son livre déjà célèbre Choc des civilisations pour un ascenseur Piazza Vittorio, best-seller 2006 en Italie (voir Zib 8). Dans ce roman, des gens d’origine et de cultures très diverses vivent dans un quartier très populaire de Rome et se rencontrent... dans un ascenseur: «Lemécanisme du racisme me laisse perplexe parce qu’on banalise les événements. Il ne faut pas prendre les racistes au sérieux. L’ascenseur est le personnage principal, c’est un lieu dans lequel les gens sont obligés de se rencontrer, c’est une métaphore !» D’origine kabyle et algérienne, l’auteur,

qui vient d’obtenir la nationalité italienne (voir page 69), est l’exemple même, pour les jeunes, du brassage des origines et des cultures. Duog Thu Huong, née au Viet-Nam en 1947, engagée dans la guerre contre les Américains puis contre le régime corrompu de Hanoï, militante pour les Droits de l’Homme, a été assignée à résidence surveillée durant 10 ans et vit exilée en France depuis 2006. Les Français, dont Danièle Mitterrand, se sont battus pour sa libération. Dans Itinéraire d’enfance, roman en partie autobiographique, elle retrace la traversée du Vietnam pour rejoindre son père de la jeune Bê, en compagnie de son amie, à la fin des années 50, occasion de croiser toutes sortes de gens du monde paysan, du petit peuple et de montrer la rigueur du régime. Ce roman de facture très classique a semblé un peu long aux adolescents à cause des descriptions. «Oui il est lent, assume-t-elle. Le peuple vietnamien est paysan et cela influence le style. Je suis combattante professionnelle et écrivaine dilettante !» Originaire de Toulon et ancien travailleur à l’Arsenal maritime, Christian Astolfi a lui aussi été interrogé sur la partie «vécue» de son roman Les tambours de pierre : «Je vole des réalités et je les recompose avec la fiction, je traduis un univers, une ambiance.» Ainsi le narrateur, médecin, est-il un «restaurateur de mémoire» qui retrouve des

souvenirs personnels en essayant de soigner un malade d’Alzheimer. Il reconstitue ainsi des fragments de mémoire, la vie des ouvriers des chantiers navals, atteints de la maladie de l’amiante, le souvenir d’un amour perdu. Ouvrage plein de nostalgie pour un passé qui ressurgit par bribes.

Amara Lakhous éd. Actes Sud 18 euros

Christian Astolfi éd. La chambre d’échos 14 euros

Zeina Abirached éd. Cambourakis 20 euros

Duong Thu Huong éd. Sabine Wespieser 24 euros

Efix-Levaray éd. Petit à petit – 12,90 euros

Du côté des vignettes Zeina Abirached, jeune libanaise, frappe un grand coup avec Le jeu des hirondelles. On est tout de suite happé par le dessin noir et blanc, au graphisme rigoureux qui donne vie au décor de la pièce-refuge et à ses habitants. Beyrouth 1984, la ligne de démarcation surveillée par des francstireurs coupe la ville en deux. La petite Zeina a 3 ans et attend ses parents avec les voisins qui viennent dans cette pièce dès qu’il y a une alerte, galerie de portraits attachants et émouvants. Le dernier livre a deux auteurs : Jean-Pierre Levaray pour le texte adapté de son premier livre Putain d’usine et Efix pour le dessin. C’est l’éditeur qui les a présentés. Tous deux ont connu le monde ouvrier, et le premier y est encore. Questions sur le langage cru, grossier qui a surpris quelques

profs et élèves. Mais c’est la réalité de ce monde ! «Je voulais écrire un livre politique, c’est le cri de l’ouvrier. Si j’étais infirmier, j’aurais écrit Putain d’hôpital !». Efix a fait des essais en couleurs, mais très vite le noir et blanc avec les gris dégradés au crayon s’est imposé avec les silhouettes noires en contre-jour. Pour finir, les lycéens ont posé des questions d’ordre général: quels conseils donner à un jeune écrivain débutant? Quand trouvez-vous votre titre ? Avez-vous des influences ? Tous les auteurs ont répondu avec application… que tout commence par la lecture ! CHRIS BOURGUE


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EDUCATION

LATERNA MAGICA | ZIBULONS

Jouer, créer : la belle vie !

Malgré les mouvements de grève lycéens, passés sous silence d’ailleurs dans la plupart des médias, Ce ne sont pas moins de 7 ateliers, d’environ une quinzaine nos Zibulons sont sortis, et ont écrit, entre deux de participants chaque fois, qui ont ainsi été proposés par l’Association Fotokino et la 5e édition de Laterna Magica manifestations et blocages contre la réforme des Grands et Petits ont pu s’approprier les proprier le récit et l’héroïne après avoir lycées qui se met en place dans la précipitation, mystères des images et jouer les ap- pris connaissance des diverses inter- le flou le plus complet, et le mépris le plus total prentis-sorciers avec feutres, ciseaux... prétations fixes ou animées, de et beaucoup d’imagination ! Le but : nombre d’artistes. À leur tour les parti- des avis des enseignants. Nous remercions donc jouer avec l’Art et se faire plaisir... cipants ont travaillé avec des papiers doublement nos Zibulons pour leurs contributions… À partir de son livre Méli-Mêlons (éd. Seuil), Séverin Millet a proposé la réalisation d’un Pêle-Mêle. Chaque participant devait dessiner au feutre son portrait en pied en 3 parties : la tête, le tronc, les jambes. À la fin de la séance ils ont échangé leurs parties, ce qui était très drôle ! Un atelier de Flip Book, plus savamment appelés Folios-copes, a permis de «s’initier à l’histoire de ce petit ciné de poche, objet qui est de plus en plus à la mode et permet de comprendre la base du cinéma» comme l’explique Nathalie Guimard, fondatrice de l’association avec Vincent TusetAnrès. Déroulement de l’atelier : on dessine un story-board de 24 images (il y a 24 images à la seconde au cinéma), puis on reprend ces 24 images sur 24 feuilles qu’on agrafe; on met une petite couverture cartonnée et on obtient une seconde de cinéma en faisant défiler les feuilles. Encadré par 3 animateurs l’atelier a concerné autant d’adultes que d’enfants ! Les tout-petits se sont amusés avec deslégumesetdesimagesd’Arcimboldo pour réaliser des collages et des coloriages, avec la référence à un livre de jeux italien de Bruno Munari Dis-le avec des signes (éd. Danese, 1980). Un très intéressant travail sur l’Alice de Lewis Carroll a réuni autant d’adultes que d’enfants. Il s’agissait de se réap-

Mensuel gratuit paraissant le deuxième jeudi du mois Edité à 25 000 exemplaires Edité par Zibeline SARL 76 avenue de la Panouse | n°11 13009 Marseille Dépôt légal : janvier 2008 Directrice de publication Agnès Freschel Imprimé par Rotimpress 17181 Aiguaviva (Esp.) photo couverture © Agnès Mellon Conception maquette Max Minniti

découpés pour faire grandir ou rapetisser Alice. Leurs images ont été photographiées, puis montées rapidement pour constituer un petit film : effet saisissant! Un autre atelier a été consacré à l’illustration sonore : 7 enfants ont été accompagnés dans la création de la bande son d’un épisode de La petite taupe du tchèque Znedek Miler (voir page 50) par le groupe Catherine Vincent. Des objets de toutes sortes ont servi à la réalisation de bruitage et les enfants ont imaginé et dit des dialogues interprétés en direct. Viendront un atelier de cartes à jouer d’après le livre d’Italo Calvino Le château de destins croisés qui proposera la création de cartes inspirées du Tarot et un atelier de photomontage. Fantaisie, humour et rêves à partir d’images fixes ou animées, de quoi donner envie de retourner en enfance et de s’offrir un regard neuf ! CHRIS BOURGUE

À cadavres ouverts Certains élèves du Lycée technologique Marie Curie (Marseille) se sont rendus, avec ou sans leurs professeurs, à l’exposition Our Body (voir page 71). D’autres ont refusé de s’y rendre. Les avis sont tranchés… Sous le prétexte de nous instruire, cette exposition bafoue les droits de l’homme, et exploite une nécrophilie sous-jacente. Elle prétend être une confrontation avec la mort, mais tout a été fait pour que les cadavres aient l’air vivant. On peut douter d’ailleurs de son aspect pédagogique, son prix élevé allant à l’encontre d’une ouverture à tous les publics, et les poses parfois ridicules des cadavres ne représentant guère l’approche sérieuse d’un médecin. D’autant qu’administrativement aucune preuve n’a été donnée par Gunther von Hagens de la provenance des corps : il n’y a qu’un seul cadavre de fille, et d’après le Comité national d’Ethique le fournisseur de ces corps se situe entre trois camps de travaux forcés, en Chine… JULIETTE RIGHETTI, PREMIÈRE ARTS APPLIQUÉS

Ces ateliers ont eu lieu à la Galerie Montgrand, au CRDP, aux Variétés du 3 au 20 décembre Films et ateliers pour enfants tout au long de l’année. Le Petit cinéma : www.fotokino.org

Il n’y a rien de spectaculaire dans la mort. La mort est une chose qui s’associe à la douleur et à la souffrance, pas au divertissement. ELODIE RIGAUD, BTS MODÉLISME

Rédactrice en chef Agnès Freschel agnes.freschel@wanadoo.fr 06 09 08 30 34

Musique et disques Jacques Freschel jacques.freschel@wanadoo.fr 06 20 42 40 57

Secrétaire de rédaction Dominique Marçon journal.zibeline@gmail.com 06 23 00 65 42

Musiques et disques Frédéric Isoletta f_izo@yahoo.fr 06 03 99 40 07

Éducation Chris Bourgue chris.bourgue@wanadoo.fr 06 03 58 65 96

Cinéma Annie Gava annie.gava@laposte.net 06 86 94 70 44

Arts Visuels Claude Lorin claudelorin@wanadoo.fr 06 25 54 42 22

Philosophie Régis Vlachos regis.vlachos@free.fr

Livres Fred Robert fred.robert.zibeline@free.fr 06 82 84 88 94

Sciences et techniques Yves Berchadsky berch@free.fr

Je trouve le concept tordu et malsain. La mise en scène de cadavres me paraît inappropriée, et la mise en spectacle malsaine et morbide. Cela ressemble à un scénario de contre utopie, où des familles se divertiraient devant la mort… VANESSA CHALVET, BTS MODÉLISME

C’est le fait que ce soit des vrais corps qui est choquant, mais justement, c’est ce qui est artistique, puisqu’exposer des morts est hors du commun. L’art est souvent mal jugé, censuré, parce que justement il effraie ou dérange. Et justement c’est parfois cela le but… AMANDINE VOLPI, BTS MODÉLISME

Cette exposition au centre des débats repousse le tabou de la mort. Bien qu’elle fasse partie intégrante de la vie, est-il utile de l’exposer ? En fait cette exposition exploite la tendance actuelle à repousser les tabous comme objet de commerce. Les places à 15 euros sont excessives. De plus la télé et les jeux vidéos banalisent déjà dangereusement

Histoire et patrimoine René Diaz renediaz@free.fr Maquettiste Philippe Perotti philippe.zibeline@gmail.com 06 19 62 03 61 Responsable commerciale Véronique Linais vlinais@yahoo.fr 06 63 70 64 18 Ont également participé à ce numéro : Susan Bel, Armelle Marié, Maryvonne Colombani, Marie-Jo Dhô, Sylvia Gourion, Clarisse Guichard, Dan Warzy, Marie Godfrin-Guidicelli, PierreAlain Hoyet, Christine Rey, X-Ray, Ode Fanlau, Sonia Isoletta

Photographes : Agnès Mellon


Le Cid, poésie dramatique Ô rage ! Ô temps perdu ! Ô théâtre ennemi ! N’ai-je donc attendu que pour être déçue Et suis-je restée là dans la salle enfermée Que pour voir notre Cid si mal interprété ?

Les Zibulons de l’Olivier n’ont pas partagé notre avis sur Le Cid présenté par la Criée au théâtre du Gymnase… Ils s’y sont ennuyés !

Ô ennui! Ô sommeil! mortelle somnolence! Quand Chimène va-t-elle s’arrêter de chialer ? Et quand va donc finir la terrible séance,

© Bellamy

l’idée de la mort, on vit dans un monde virtuel qui nous détache complètement de cette réalité. Cette exposition sans odeur, exposant des cadavres plastifiés dans des poses plus vivantes que mortes, nous retire notre humanité, notre sensibilité. ENGUERRAN APPLIQUÉS

BARATOUX,

PREMIÈRE

Blanche Neige libertine…

ARTS

Our Body est très instructif niveau anatomie, bien que ces cadavres ne paraissent pas réels. ANISSA ZAGAYE, PREMIÈRE ARTS APPLIQUÉS

Très originale, cette expo nous donne l’occasion d’en savoir plus sur le corps humain. CYRIL CACCHIANI, PREMIÈRE ARTS APPLIQUÉS

Certains la verront comme enrichissante au niveau culturel, d’autres comme une atteinte à la dignité humaine. Des cadavres chinois ont été plastifiés, découpés et mis en scène, comme si la mort pouvait avoir un côté artistique qui méritait d’être dévoilé. Ces personnes ont vécu, ont eu des familles qui n’ont sans doute pas eu leur mot à dire dans cette affaire…

© Agnès Mellon

Si nous avons été étonnés, et touchés, par le classicisme de Blanche Neige, notre Zibulone y a relevé une «touche Preljocaj» plus crue, et moins inattendue… C’est entre rêves d’enfants et symbolisme qu’Angelin Preljocaj nous offre l’un des plus ambitieux de ses ballets. Avec une mise en scène bien plus théâtrale qu’habituellement, et des décors impo-

sants, il fait l’éloge du célèbre conte des frères Grimm durant 2h de spectacle, et l’on s’émerveille une fois de plus devant la peau immaculée de blanche neige accompagnée de ses 7 «nains» !

Quand pourrai-je rentrer chez moi pour m’effondrer ? Mais aussi écouter le Cid c’est comme attendre que la mémoire nous revienne écouter le Cid c’est comme entendre un vieux disque dont les paroles remontent peu à peu écouter le Cid c’est comme se balader dans le parc où on a appris à faire ses premiers pas… ÉLÈVES DE LA PREMIÈRE L DU LYCÉE L’OLIVIER, MARSEILLE 12E

Mais à cette étonnante fidélité au déroulement de l’histoire il ajoute le grain de folie, cette touche si connue qui fera l’intérêt de cet étrange ballet : il le présente comme ode à la sensualité et aux plaisirs ambigus de la chair, représentés notamment par une «bellemère» sado-masochiste. Sa collaboration avec Jean Paul Gauthier a sûrement influencé ses choix ! Blanche Neige, ainsi que les courtisanes, sont vêtues de costumes blancs et fluides à la connotation érotique évidente. De plus le jeu sexualisé entre les danseurs et danseuses est présent tout au long de la représentation. Malgré tout ces personnages frivoles et inconstants, la belle-mère entourée de ses deux langoureux félins contorsionnistes représente à elle seule l’intrigue posée par cette mise en scène libertine…

EMMA GARDEUR ÉLÈVE DU LYCÉE VAUVENARGUE 1ERE LITTÉRAIRE HISTOIRE DE L’ART

MANON OPRATO, PREMIÈRE ARTS APPLIQUÉS

On ne peut pas nier que le fait de payer l’entrée d’un cimetière sans pierre tombale est peu banal ! En tous les cas, si vous êtes nécrophiles et que vous avez le portefeuille trop plein, n’hésitez pas ! UGO PIEL, PREMIÈRE ARTS APPLIQUÉS

Je pense qu’il est intéressant de montrer de vrais cadavres au public. Cela lui permet de prendre conscience d’une réalité : la mort est de chair. Scandaleux ou choquant cela provoque une réaction: il nous faut peut-être voir un cadavre à bicyclette pour enfin prendre conscience de l’horreur de certains spectacles que l’on paye. KENZA MOHAMED EL HADJ, BTS MODÉLISME

El Condor passa au lycée Vauvenargues Les lycéens qui étaient là ne connaissaient pas Los Calchakis. Question de génération sans doute. Hector Miranda, argentin, père fondateur du groupe, s’est donc d’abord fait conteur : le quintette s’est formé en 1960, s’est donné le nom d’une vallée où vivait une fiancée de Miranda, et a traversé le monde sur les «ailes du Condor» et des disques d’or. Il a ensuite présenté les instruments, au même titre que les membres du groupe : La Kéna, petite flûte en roseau ; Alberto Rodriguez ; le Bombo, tambour argentin taillé dans un tronc ; Enriké Capuano ; les flûtes de pan ; Sergio Arriagaga ; les guitares et mandolines, à 4, 6 ou 12 cordes ; Contreras ; et de grandes cosses de flamboyants, converties en percussions. L’assistance avait mordu à l’hameçon des quelques sons entendus et des paroles déjà chantantes de Miranda. Le chant de la Colombe sauvage est monté lentement, à partir d’un dialogue entre deux flûtes, jusqu’à un moment puissant où les

rythmes, les souffles, la voix, les cordes grattées et pincées ont fait vibrer les murs, nos oreilles, nos entrailles et nos pieds. Ensuite, les guitares et les percussions ont presque réussi à nous faire voir le Diable en liberté dans la salle des conseils du lycée… Le concert impromptu s’est terminé sur une étonnante reprise d’un Kyrie, avant-goût d’un grand projet de messe que le groupe prépare avec le chœur de l’Atrium de Chaville et l’actrice Marie-Christine Barrault. Chacun est ensuite retourné en cours, avec un brin d’argentine accroché à la boutonnière. Los Calchakis ont donné deux concerts à Aix : le 21 novembre, dans le cadre du festival Musica Maestro et le 22 nov., au théâtre Vitez, avec le chœur de la Noria. LES ÉLÈVES DE SECONDE, OPTION FACULTATIVE HISTOIRE DES ARTS


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FORMULAIRES D’ADHÉSION ANNUELLE

ADHÉ REZ !

à l’amicale et recevez votre carte de membre Cochez le type d’adhésion souhaité Adhésion individuelle (11N°) 1 exemplaire mensuel, 1 carte de membre nominative : 40€ Adhésion familiale (11N°) 1 exemplaire mensuel, …cartes de membre nominatives : 60€

(autant de cartes de membres que de personnes vivant sous le même toit)

Adhésions collectives (11N°)

5 exemplaires mensuels, 1 carte de membre nominative : 60€

Adhésions de groupes (11N°)

5 exemplaires mensuels, 5 cartes nominatives : 100€

Nom du groupe ou Nom et Prénom de chaque membre : Profession :

Nouveau ! Si vous trouvez Zibeline près de chez vous.... devenez membre sans recevoir le journal... et bénéficiez des avantages accordés par nos partenaires sur présentation de votre carte ! Adhésion individuelle : 25€ Adhésion familiale (même adresse) : 40€ Nos partenaires vous offrent invitations, réductions et avantages… Pour les places gratuites, téléphonez-leur rapidement pour réserver, puis présentez votre carte de membre (1 place par carte nominative). Pour les réductions, présentez simplement votre carte (réduction valable seulement pour l’adhérent) Les Bernardines 4 invitations par représentation pour Séance une proposition de Bruno Meyssat le 20 déc à 15h le 20 déc à 19h30 4 invitations par soir pour Macbeth de Heiner Müller d’après William Shakespeare mes Angela Konrad le 13 jan à 21h le 16 jan à 21h Invitations à confirmer la veille de la date choisie avant 17h au 04 91 24 30 40 Théâtre du Gymnase 10 invitations par soir pour Le jour se lève, Léopold de Serge Valetti mise en scène de Michel Didym le 16 jan à 20h30 le 17 jan à 20h30 le 20 jan à 20h30 le 21 jan à 19h résa par mail à journal.zibeline@gmail.com Montévidéo tarif réduit à toutes les représentations 04 91 37 97 35

Adresse postale (1 par groupe)

Les Bancs Publics 1 place offerte pour 1 place achetée pour tous les spectacles 04 91 64 60 00

Mail

Le Gyptis pour tous les spectacles de la saison tarif réduit B (15€ au lieu de 24) à toutes les représentations 04 91 11 00 91

Téléphone

Chèques à libeller à l’ordre de : L’amicale Zibeline Adhésions à adresser à : L’amicale Zibeline 76 avenue de la Panouse | n°11 13009 Marseille

Les cartes de membres vous seront adressées par retour de courrier

LA RUBRIQUE DES ADHÉRENTS

Théâtre Vitez (Aix) 2 invitations par soir pour Mon corps est nul d’Arno Calléja le 13 jan à 20h30 le 14 jan à 19h le 15 jan à 19h le 16 jan à 20h30 au-delà de ce quota d’invitations, tarif à 8 € pour tous les spectacles 04 42 59 94 37 Scène Nationale (Cavaillon) 2 invitations par soir pour Terrien de Yannick Jaulin le 20 jan à 19h le 21 jan à 20h30 04 90 78 64 64

Pavillon Noir (Aix) 3 invitations pour 2 personnes pour Entity de Wayne McGregor le 18 jan à 17h 04 42 93 48 00

Le Greffier de Saint-Yves (Marseille 1er) librairie générale et juridique 10 rue Venture 5% de réduction sur tous les livres

Les Salins (Martigues) 8 invitations par représentations pour Questions de goûts de Georges Appaix le 8 jan à 20h30 le 9 jan à 21h 04 42 49 02 00

Librairie Regards (Marseille 2e) Centre de la Vieille Charité 5% de réduction sur tous les livres L’histoire de l’œil (Marseille 6e) 25 rue Fontange 5% de réduction sur tous les livres

OMC Simiane 4 invitations pour Don Juan Cie théâtre Asphodeles le 17 jan à 20h30 04 42 22 81 51

Librairie Imbernon (Marseille 8e) spécialisée en architecture La Cité Radieuse 280 bd Michelet, 3ème étage 5% de réduction sur tous les livres

Musicatreize 2 invitations pour 2 personnes pour le Concert à quai le 15 jan à 20h et 6 places supplémentaires à 8 € 04 91 00 91 91

Librairie Arcadia (Marseille 12e) Centre commercial Saint Barnabé Village 30 rue des électriciens 5% de réduction sur tous les livres

GRIM tarif réduit pour tous les concerts (10€ au lieu de 12€) O4 91 04 69 59 Le Balthazar entrée gratuite pour tous les concerts du jeudi 04 91 42 59 57 L’institut culturel italien vous offre 3 adhésions annuelles d’une valeur de 32 €, cette « carte adhérent » vous donnera accès à tous les services de l’Institut, médiathèque et programme culturel. demande par mail : iicmarsiglia@esteri.it ou au 04 91 48 51 94 Librairie Maupetit (Marseille 1er) La Canebière 5% de réduction sur tous les livres Librairie L’écailler (Marseille 1er) 2 rue Barbaroux 5% de réduction sur tous les livres

Librairie de Provence (Aix) 31 cours Mirabeau 5% de réduction sur tous les livres Librairie Au poivre d’Ane (La Ciotat) 12 rue des frères Blanchard 5% de réduction sur tous les livres La Pensée de Midi vous offre 3 exemplaires du n° de la revue Le Mépris 5 exemplaires de Tanger, ville frontière 1 exemplaire de Beyrouth, XXIe siècle par mail : chris.bourgue@wanadoo.fr Le Comité Régional de Tourisme PACA Vous offre 2 kits de produits de beauté à base d’huile d’olive (gel douche, crème pour le corps et pour les mains) par mail : chris.bourgue@wanadoo.fr

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