zibeline n°21

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é t é ’ L

du 16/07/09 au 17/09/09 | un gratuit qui se lit

! s l a v i t s e F s e l s u o t de



Politique culturelle Culture, tourisme, économie

4à7

Rentrée Sainte-Maxime, Aix, Cavaillon, Les Bernardines, St-Victor, Roquevaire, Musicatreize

8, 9

Festivals : Annonces La Roque d’Anthéron, Salon Chaillol, Alpes de Haute-Provence, Sisteron La Meije, Simiane, Théâtre de la Sucrière Durance Lubéron, Ménerbes, Guil Durance, Thoronet, Uzès, Mourmarin, Orange Château Paradis, Arles, Vitrolles, Le Thor, Villeneuve-lez-Avignon Six-Fours, Uzès, Robion, St-Etienne en Devoluy Les Envies Rhônements, Festimôme, La Friche

10 11 12 14, 15 16 17 18

Festivals : Critiques Avignon Off Avignon In Les Hivernales, Montpellierdanse Festival de Marseille Musique

20 21 à 23 24 25 à 27 28 à 35

Cinéma Les Rendez-vous d’Annie, Festival de cinéma israélien The Best of Short, Aflam Fid, Entretien avec Ariane Ascaride

36 37 38, 39

Arts visuels Apt, Château d’Avignon, Avignon Au programme Art-O-Rama, Entretien avec Alain Paire Arles, Abbaye du Thoronet

40, 41 42 43 44, 45

Livres Mare Nostrum Peuple et culture, écritures croisées, Agenda Livres : littérature, arts

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Philosophie La place sociale de l’art

Disques

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Sciences et techniques L’eau

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Patrimoine Prieuré de Salagon, Abbaye de Valsaintes Salon-de-Provence Beaucaire

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Ça suffit Jackson! La Culture à la Une ? En prime time d’Arte, en couverture de Télérama, en ouverture de tous les journaux télévisés? Tous les jours pendant des semaines, au moment d’un remaniement ministériel important, de la suppression de 16000 postes d’enseignants, de la mort de Pina Bausch, et d’affrontements meurtriers en Chine... Le monde entier s’émeut-il vraiment ? Quelle confusion règne dans les esprits pour que l’on pleure unanimement ce chanteur si mal dans son être, ce noir qui voulait être blanc, cet être infantile et vraisemblablement pédophile ? Comment peut-on sans ciller lui rendre hommage ? Cette avalanche médiatique consensuelle porte un rude coup à la crédibilité intellectuelle des médias qui y participent... Comment l’éducation a-t-elle une chance de former les esprits, l’art de se démocratiser face à une telle propagande, quand même la chaîne culturelle se fait le vecteur d’une adulation plus que discutable ? «Immense talent» ? «Visionnaire» ? «Roi incontesté» ? «Génie de la musique» ? Jackson ? Il n’était jamais que le produit malheureux d’une société du spectacle qui finit par être dupe de ses propres opérations marketing. Est un génie celui qui est célèbre (immensément), célèbre celui qui est promu (intensément), promu celui qui coïncide (pile poil) avec la tendance dominante… Plus même ? Est ministre celui qui adule les stars, qui porte un nom célèbre et dont la voix est un emblème? Jusqu’où va-t-on céder au mirage de la célébrité, la confondre avec le talent ? Jusqu’où la culture pourra-t-elle résister au formatage du goût commun ? Quant à Frédéric Mitterrand, souhaitons qu’il aille au-delà des paillettes. Il est venu à Marseille soutenir le MuCEM, à Aix honorer l’Art Lyrique. Gestes prometteurs pour la région ? La création et l’éducation sont en crise : les sauver nécessite un plan d’urgence, qui lutte justement contre la culture paillette, les adorations faciles, et réfléchisse au consensus élimant des médias. AGNÈS FRESCHEL


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POLITIQUE CULTURELLE

CULTURE, TOURISME, ÉCONOMIE

La culture est-elle À l’heure où Marseille s’agite (voir encadré) et où les festivals battent leur plein, la question de la rentabilité de la culture mérite d’être posée. Avec circonspection, et certainement pas uniquement en termes économiques : ce que la vie culturelle «rapporte» aux hommes n’est pas quantifiable en euros! Question euros cependant, on se demandera donc -en évitant soigneusement le voyeurisme revanchard du «combien ça coûte»- comment les collectivités territoriales investissent dans la culture, ce que la vie culturelle rapporte à la région, et comment les entreprises y investissent…

Une dimension de civilisation Alain Hayot, Vice-Président de la Région PACA et délégué à la culture et à la recherche, situe et définit la politique culturelle de la Région par rapport aux autres subventionneurs. Par rapport à ses choix, mais surtout à ses finalités… Zibeline : La Région est aujourd’hui un élément important de l’économie de la culture. Comment cela se traduit-il ? Alain Hayot : Nous participons au financement des équipements culturels. Par exemple, la relocalisation du Fonds Régional d’Art Contemporain à la Joliette (un équipement de 5000 m2) où nous investissons lourdement, à parité avec l’État. Nous sommes co-financeurs pour le MUCEM, pour le futur pôle Théâtral du Var, à la Fabrique à Avignon… Nous avons financé le théâtre Durance à ChâteauArnoux, le Grand Théâtre de Provence et le Centre Chorégraphique d’Angelin Preljocaj à Aix … En terme d’investissements nous

jouons un rôle essentiel au niveau local, aux côtés des autres collectivités bien sûr. Mais les fonds de la Région se destinent également à d’autres emplois que l’équipement… En effet. Les financements du Conseil Régional sont majoritairement dépensés en fonctionnement, c’est-à-dire pour la production, la diffusion, la création ou la circulation des œuvres. Nous apportons des aides annuelles aux grands pôles culturels comme le théâtre des Salins à Martigues, la Passerelle à Gap ou le théâtre du Merlan à Marseille… Nous aidons d’autres scènes permanentes comme celles

d’Avignon, le Gymnase ou le Toursky. Nous labellisons un peu plus d’une quinzaine de lieux pour les musiques actuelles et nous aidons les secteurs de l’art visuel, de l’art contemporain ou de l’édition. À côté de ces aides récurrentes nous en offrons d’autres, exceptionnelles. Elles concernent particulièrement le cinéma mais aussi la musique, la danse, le théâtre. Elles permettent de révéler des créateurs ou de faire aboutir des créations. Au total, quel poids économique représentent ces investissements ? D’abord, insistons : nous agissons avec les autres collectivités territoriales. Ensemble nous finançons 80% du spectacle vivant. Autrement dit, sans nous, il n’y aurait plus de politique publique en matière culturelle. Il n’y aurait même plus de culture du tout, hors de cercles élitistes très restreints. À proprement parler, la Région, pour la partie culture stricte, consacre entre 55 et 60 millions d’Euros. Il faudrait y ajouter des financements dans d’autres chapitres budgétaires, ce qui porterait le total à plus de 70 millions d’euros, c’est à dire 4 à 5% du budget de la région. Dans cet ensemble, les aides en fonctionnement -ce qui revient directement aux artistesreprésentent environ les 2/3 de l’argent dépensé ; elles sont donc très largement majoritaires ! Ces investissements reflètent-ils vos ambitions politiques ? Ce qui détermine notre action ne se résout pas en terme économique. Bien sûr le secteur concerne des dizaines de milliers d’emplois, permanents, intermittents ou temporaires. C’est aussi des économies urbaines entières, comme à

Arles où les deux plus grandes entreprises privées sont Harmonia Mundi (musique) et Actes Sud (édition). À Avignon comme à Aix, terres de festivals, la culture à une présence considérable. Cela s’est d’ailleurs bien vu lors de la grève des intermittents du spectacle en 2003 où l’économie de ces villes a été mise à mal. Mais avant tout, la région investit pour des raisons politiques et éthiques : c’est une dimension de civilisation qui nous préoccupe. Nous voulons participer à la diffusion de l’éducation, de valeurs de liberté, de fraternité, de tolérance, de reconnaissance de l’autre. Nous voulons donner les moyens à nos concitoyens d’être des citoyens justement, instruits et informés. Pour cela les pratiques culturelles doivent être ouvertes à tous ! En dehors des collectivités territoriales, d’autres acteurs devraient jouer un rôle dans ce domaine. Qu’en est-il ? Le mécénat privé représente une part très minoritaire : les grandes entreprises ne jouent pas véritablement un rôle actif et citoyen ! Elles se contentent de sponsoriser de grands événements lorsque cela participe de la construction de leur image comme pour le festival de Cannes ou pour celui d’Aix. D’autre part, si l’on considère l’échelle nationale, la dépense publique en faveur de la culture est de près de 7 milliards d’euros dont seulement 3 milliards sont financés par l’État (c’est moins de 1% de son budget), le reste est assumé par les collectivités territoriales. L’État se défile ? Dans la tradition de ce pays, l’État a toujours eu une présence forte. C’est ce qui fait l’exceptionnalité française. Nous nous


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rentable ?

Le futur batiment du Frac © Cyrille Thomas

battons pour que cette présence forte subsiste mais nous constatons, au contraire, un désengagement constant depuis plusieurs années. En même temps, il faut se rendre compte de ce que le monde de la culture a évolué. La création a évolué ! La pratique artistique s’est élargie et on assiste à une appropriation grandissante des œuvres par les populations. Il y a eu un glissement : les choses ne se passent plus au niveau central mais au niveau des territoires. Les collectivités doivent donc être présentes à côté de l’État. Elles doivent agir en complémentarité avec lui. La culture n’est plus une affaire parisienne, elle n’est plus l’affaire d’une élite. Désormais elle concerne de larges territoires et notre action vise à lui faire atteindre les espaces les plus décentrés, les plus isolés, les plus populaires. Les identités locales remplaceraient-elles la culture nationale ? À mon sens, il n’y a pas d’opposition entre culture nationale et culture régionale. Nous voyons aujourd’hui, au niveau local, une création artistique qui est l’expression de la diversité des identités, du métissage et de la multi-

plicité des groupes de population. Ce sont des phénomènes nouveaux qui ne peuvent pas être traités uniquement dans un cadre centralisé. Il n’y a pas une mais des cultures! De ce fait, une politique publique est indispensable car la marchandisation, liée au triomphe des intérêts privés, est totalement réductrice de ces expressions multiples, donc incompatible avec la diversité des identités culturelles. En finançant la culture, les collectivités territoriales garantissent une certaine cohésion sociale. L’argent public ne doit pas servir à la valorisation des entreprises. Et face à la mondialisation ? La mondialisation culturelle est une très bonne chose car elle permet des circulations inimaginables auparavant. Mais les conditions actuelles ne permettent ni la libre circulation des hommes et des œuvres, ni celle des expressions artistiques. Il faudrait pour y parvenir que les États assument pleinement leur rôle. Il en va ainsi de l’Europe qui, acteur essentiel, s’avère déficiente ! Son budget culture est inférieur à celui de notre région. Et, sauf pour le cinéma, sa présence est négligeable. Nous voudrions d’ailleurs l’inciter à faire plus et mieux. Pourquoi pas un Erasmus de la culture capable de faire circuler les œuvres et les personnes ? Mais l’Europe est constituée de régions qui, souvent, sont en concurrence. N’est ce pas une faiblesse ? Nous ne voulons pas mettre les territoires en concurrence. Au contraire, nous œuvrons pour des initiatives interrégionales. Nous produisons des compagnies chorégraphiques de Rhône-Alpes, de Languedoc Roussillon, d’Italie. Nous le faisons dans la coopération et non dans la concurrence. Nous aidons les festivals que nous soutenons (Avignon, Aix, Cannes) à s’engager dans des partenariats avec les autres grands festivals européens. Nous participons à des initiatives communes avec des métropoles comme Athènes, Avignon, Barcelone, sur des projets de théâtre ou de musique. Nous jugeons ces collaborations indispensables. L’action de la Région veut donc construire un rapport nouveau entre les citoyens et la culture ? On a longtemps conçu la création comme relevant de l’artiste au sens étroit du terme. La créativité, l’expression est en fait beaucoup plus large. Il existe des formes

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d’appropriation de la création, de l’art et de la production artistique qui sont beaucoup plus partagées qu’avant. C’est le cas du Rap où l’accès à la culture des jeunes des banlieues se fait à partir de l’appropriation musicale, de l’appropriation des mots, dans un cadre non maîtrisé par les circuits traditionnels. On assiste là plus à des phénomènes d’appropriation qu’à des phénomènes d’accession. Cela change, par conséquent, l’approche que l’on doit avoir des méthodes d’enseignement artistique ou d’aide à la création, secteurs où la région est partie prenante aux côtés de l’Education nationale ou de la DRAC. Parleriez-vous, à propos de l’action culturelle de la Région, de la promotion d’une culture citoyenne ? La culture est un outil de la formation de l’individu et du citoyen. L’art, la connaissance permettent au citoyen de s’approprier le monde qui est autour de lui, cela lui permet d’exister socialement et de trouver sa place. Nous voulons construire une société non marquée par l’argent mais par l’émancipation humaine et les intérêts de l’être humain ! ENTRETIEN RÉALISÉ PAR RENÉ DIAZ

Baisse générale ou temps mort ? Le 29 juin le Conseil Municipal de Marseille a voté une baisse générale de 15% de ses subventions aux associations culturelles sur l’exercice en cours -gel ponctuel et qui devrait être entièrement rattrapé en septembre d’après Monsieur Hermann, adjoint à la culture. On l’espère, avec confiance, tant la conviction et la volonté de Monsieur Hermann semblent affirmées. Il reste regrettable que les compagnies et lieux subventionnés par la Ville de Marseille doivent attendre leurs subventions 2009 en faisant des crédits onéreux… et on espère que ce rattrapage au coup par coup ne laissera pas quelques victimes circonstancielles sur le carreau ! A.F.

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POLITIQUE CULTURELLE

CULTURE, TOURISME, ÉCONOMIE

L’été, le tourisme et la culture Ne pas relier offre culturelle estivale et économie du tourisme a son avantage, et ses inconvénients… Fondamentalement, cette position préserve la culture d’une soumission à des intérêts d’abord économiques, et permet à la création d’exister. Il est évident que Picasso Cezanne attire plus de touristes que l’expo des Mutants de Seconde nature, et les Voix du Gaou davantage que la musique classique dans les Hautes-Alpes. Soumettre la culture à des impératifs de rentabilité serait dangereux parce que cela unifierait et appauvrirait rapidement l’offre culturelle : l’office du tourisme de Marseille propose depuis le 4 juillet un circuit Plus Belle la Vie, qui visite les lieux véritables qui inspirent ce feuilleton d’une qualité plus que discutable… Relire le patrimoine d’une ville à travers son imagerie télévisuelle est certes rentable, mais pour le moins paradoxal ! Cependant refuser de voir que ce que la vie culturelle estivale rapporte en termes économiques à la région entretient l’idée que la culture est un luxe… et que les gens sérieux investissent et soutiennent l’automobile en crise, pas le secteur culturel et ses intermittents fainéants.

Tourisme culturel Pourtant, selon les chiffres communiqués par le Comité Régional du Tourisme, 500 000 touristes sont attirés par l’offre culturelle en saison estivale, et viennent dans la région pour son patrimoine ou sa culture dite vivante. La consommation de cette catégorie de touristes en cours de séjour est estimée à 200 millions d’euros : des dépenses d’hébergement, en particulier dans l’hôtellerie et la restauration, mais aussi des dépenses d’activités, de visites, d’achats… Et le tourisme culturel est en progression constante. Il n’est pas égal sur le territoire : la plupart des touristes balnéaires citent le soleil et la plage comme leur première motivation à venir dans la région. Mais ils ne négligent pas les «activités» associées : le sport, les fêtes, les concerts de plein air, voire les visites patrimoniales. Dans les Alpes, le patrimoine naturel -les Gorges du Verdon, les Ecrins- et les musées comme le Musée de la préhistoire font partie de l’itinéraire habituel des touristes, indissociables de leurs activités de loisir. Et puis il y a les villes comme Arles, Avignon, Vaison… qui vivent tout l’été grâce à leur formidable patrimoine architectural, et à leurs festivals qui les animent. Il est donc difficile d’estimer ce que les investissements culturels dans le patrimoine ou les festivals de la région rapportent. D’autant que ces chiffres sur le tourisme culturel ne prennent pas en compte les dépenses du secteur culturel lui-même (hébergement des artistes, fabrication des décors et outils de communication, salaires des professionnels de la culture…), ni les dépenses des habitants de la région (30% des festivaliers d’Avignon viennent de moins de 100 kms, et ne dorment pas sur place). Mais on peut en revanche, parce que les indicateurs sont certains et vérifiés, mesurer l’impact économique global du secteur touristique.

Vaison Danses, Vaison la Romaine © Caroline Boyer

(82 millions d’arrivées annuelles !). Et aussi des Français, 85% des touristes étant «domestiques». Quant à la Région Paca, elle est la deuxième destination touristique pour les étrangers, nettement après l’Île de France. Mais elle est la première région touristique française, avec plus de 35 millions de touristes par an (soit 7 fois sa population), 100 millions de nuitées vendues en deux mois d’été… et jusqu’à 2,6 millions de touristes présents à la pointe du mois d’août. Ainsi le tourisme

représente jusqu’à 15% du PIB du Var (4,9 % dans les BdR, mais 2 milliards d’euros tout de même…) et les perspectives sont plutôt bonnes. En effet les Français, en contexte de crise économique, devraient être encore plus nombreux à choisir le tourisme «domestique» inter ou intra régional. Depuis quelques années «le littoral vend l’arrière pays» déclarent les professionnels : les touristes consomment moins en hébergement et restauration (ils vont chez des amis et font des pique-nique ou du «tourisme de plein air», entendez du camping). En revanche, ils demandent toujours plus d’activités, de visites de ville, de festivités, d’authenticité aussi des paysages et des commerces. Ils vont visiter des musées et des monuments bien plus facilement que lorsqu’ils sont chez eux… et connaissent souvent mieux le Palais des Papes que les monuments de leur propre région! Il est donc normal d’investir dans le patrimoine et les festivals, de subventionner les événements culturels… Sans tomber dans le discours du «1 euro investi = 6 euros de retombées» qui fait peu de cas de la diversité et de la complexité du fait culturel, prendre conscience de l’importance économique de ce secteur permettrait peut-être, enfin, de changer l’image des «cultureux»… AGNÈS FRESCHEL

Notre Région de Festivals Terre de Festivals, c’est le nom du petit guide précieux édité par la régie culturelle PACA. Vous y trouverez tous les concerts de tous les styles de musique, les spectacles de rue, danse, théâtre... : 323 festivals, 2090 spectacles, 292 communes ! Rien de ce qui concerne le spectacle vivant ne vous sera épargné : où que vous soyez, une soirée agréable vous sera proposée. Il vous suffira de parcourir ce guide tiré à 210000 exemplaires dont le classement astucieux vous permet de trouver les manifestations par ville ou par jour ! Pour sa 30e édition, en partenariat avec l’École Nationale de Photos d’Arles (ENSP), carte blanche a été donnée à deux jeunes photographes : Marikel Lahana et Caroline Boyer qui ont eu l’an dernier tout le loisir de faire des photos dans les différents lieux de manifestations. Ce sont leurs photos que vous retrouverez au fil des pages, mais aussi à l’exposition Instants d’été à l’Abbaye de Montmajour en compagnie d’autres photographes dont les regards ont su capter les ambiances des festivals des années précédentes. Bons festivals ! CHRIS BOURGUE

Économie du tourisme La France est un pays touristique, le secteur représentant 6,3% du PIB national, 1,8 million d’emplois directs ou indirects, la première destination des touristes étrangers

Terre de festivals (gratuit) est à votre disposition dans 800 lieux et sur le nouveau portail web www.sorties.regionpaca.fr Instants d’été du 7 juillet au 20 septembre à l’Abbaye de Montmajour


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L’art d’entreprendre ? Pour finir de poser en termes d’économie et de territoire l’activité culturelle de notre région, une commémoration vient à point : celle du centenaire de la naissance de Paul Ricard, célébrée par trois expositions, une réédition et une parution Le mécénat d’entreprise est une solution à laquelle les pouvoirs publics renvoient souvent lorsque les budgets de la culture sont gelés, ou en berne: la tradition française, depuis Louis XIV protecteur des arts penche, efficacement, vers un financement d’État, et défend la fameuse «exception culturelle» qui garantit la création artistique d’une assimilation marchande avec un produit industriel. Mais à l’heure où l’on mesure ce que les événements culturels peuvent apporter à un territoire, en terme d’image et de «visiteurs», et de bonne santé des entreprises, on peut se demander ce que les entreprises donnent à la culture. En mesurant leur part dans les budgets de la culture, mais aussi en interrogeant leurs choix. Le premier constat est que cette part reste très faible dans le financement global de la culture : le regroupement des Mécènes du sud, qui procède souvent à des choix artistiques courageux et pertinents, représente une aide minime dans le budget des compagnies. Rien de comparable avec les pays anglo-saxons, où les entreprises investissent énormément d’argent dans la culture. Même dans un projet comme Marseille Provence Capitale Européenne de la Culture 2013, les entreprises investiront, au mieux, 14% du budget des manifestations (et pas des bâtiments, donc). Puisque Jacques Pfister préside à la fois la Chambre de Commerce (CCIMP) et MPCEC 2013, on aurait pu s’attendre à une plus grande implication du «monde économique». D’autant que les «retombées» d’un événement culturel de cette ampleur sont énormes pour les entreprises… que les marchés se multiplient avant, et que les entreprises locales gagnent durablement en image et ponctuellement en chiffre d’affaire.

Entreprendre vers l’Art L’exemple de Paul Ricard à cet égard est emblématique : il n’était pas le seul fabriquant de pastis, mais le sien a su gagner le cœur… des premiers estivants ! C’est en 1936, durant les

premiers congés payés que le nom de Ricard a d’abord circulé. Puis comme l’homme avait une véritable stratégie de communication, et a vendu son pastis hors de la région, son entreprise n’a fait que croître… Il vendait le soleil, l’eau, la mer… Très vite il a compris qu’il fallait associer à cette image des événements, par le sponsoring ou le mécénat. Événements de toutes sortes d’ailleurs, pourvu qu’ils soient liés à la mer, au sud, à la vitesse : il soutenait les fêtes votives, la course de taureaux, la pétanque avec le concours de la Marseillaise, la voile, en sponsorisant Tabarly puis Colas, le Tour de France, et la course automobile bien sûr avec le circuit du Castellet. Mais il ne négligeait pas les arts, en achetant et exposant un Dali, en créant un festival à Vitrolles puis à Bendor, en produisant des longs métrages avec sa société ProtisFilms… La Fondation Ricard aujourd’hui prolonge cette action, et a en 2009 reçu le Prix du Mécénat d’Entreprise pour son action envers les jeunes plasticiens.

Entreprise vertueuse ? Au-delà des particularités qui font de «Ricard» une expérience capitaliste intéressante à interroger, on peut se demander ce que le monde culturel peut gagner à se rapprocher du mécénat. Une entreprise, même familiale, même menée par un homme qui, de par son histoire, défend un «capitalisme humain», n’investit dans l’art que lorsque cela lui rapporte: l’intérêt des entreprises n’est pas de chercher à élever les âmes et les esprits, mais de faire des bénéfices; ce qu’on ne peut leur reprocher, puisque c’est dans leur nature même. Paul Ricard a donc travaillé à fabriquer une image. Il a soutenu le sport et les arts visuels (qui se voient, justement), s’est fait photographier avec son ami Dali, a cultivé l’esprit local inhérent à son produit («On ne peut se contenter de clamer qu’un produit est bon, disait-il. Il faut lui donner une âme.»), et les images de

Paul Ricard peignant des affiches, Annees 60 © Phototheque Ricard S.A.

vitesse et de performance qui sont toujours de bonnes associées. Cela lui a rapporté, son groupe a absorbé Pernod. C’est aujourd’hui la deuxième entreprise mondiale de spiritueux. Mais si ce trajet exemplaire d’un homme parti de rien est une légende en soi, il est emblématique aussi des choix opérés par les entreprises en matière de mécénat : ce sont les retombées en terme d’image qui importent aux mécènes, et non la richesse ou la pertinence de la création… C’est pourquoi Orange investit dans la Voix, Ecureuil dans l’Art contemporain, Dexia dans le Festival d’Avignon, BNP dans les grands festivals de danse… Cela correspond à leur image, à leur spécificité, à leur prestige: un financement d’appoint,

opportuniste, qui ne va pas vers les créations artistiques moins médiatisées, et ne saurait remplacer le financement public. AGNÈS FRESCHEL

© Phototheque Ricard S.A

L’Art d’Entreprendre, exposition au Palais de la Bourse, jusqu’au 28 août, présente le trajet de Paul Ricard et de son entreprise à travers une installation de cartons, affiches, une chronologie, une voiture à ses couleurs, et la projection des films Protis. Jacques Pfister, lors de l’inauguration, a présenté les «valeurs» qu’il a développées, plaçant «l’homme au centre de l’entreprise», sauvant les emplois menacés durant la guerre, intéressant ses employés à hauteur de 15%… Hommage rendu également par Jean Noël Guérini, qui souligna «le rôle sociétal» des entreprises et affirma que «la réussite économique ne s’opère qu’à travers la réussite humaine.» Paul Ricard, le vrai pastis de Marseille, édité chez Jeanne Laffitte, est moins hagiographique. Rédigé par Jean Domenichino, Xavier Daumalin et Jean-Marie Guillon, historiens chercheurs à l’Université de Provence, et reposant sur un travail d’archives personnelles et d’entreprise, il construit un portrait de l’homme et de l’entrepreneur tout en nuances. Vraiment admiratif par endroits, mais ne cachant pas les paradoxes d’un homme qui invente le tourisme populaire et communique à travers la presse communiste, mais s’oppose à l’administration et se montre un brin poujadiste. Qui défend une culture populaire mais aime à fréquenter une élite intellectuelle. Qui promeut la culture scientifique mais incite à boire…


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SAISONS

Parce que quelques-unes de nos saisons commencent tôt, un avant-goût de la rentrée… Pour se projeter vers d’autres plaisirs !

Entre ciel et terre fait tourner les têtes Un an à peine après son inauguration, Le Carré à Sainte-Maxime met sur orbite sa première «vraie» programmation : le festival Entre ciel et terre, premier acte d’une saison qui s’annonce riche (nous y reviendrons !), sonne comme une déclaration d’intention. «Un voyage autour de la création et de l’imaginaire» conçu par Valérie Boronad, qui tient le gouvernail de ce nouveau pôle culturel. En effet, que rêver de mieux qu’un festival itinérant et pluridisciplinaire pour vaincre son isolement sur le territoire local et fédérer tous les publics ? Du 18 au 27 septembre donc, Entre ciel et terre mettra l’eau à la bouche avec une nuée de propositions qui, d’évolutions aériennes en conquête de nouveaux espaces, de quêtes exploratoires en migrations musicales, conjuguent tous les arts. L’exposition Machines volantes et léonardesques de Claudia Marchesin et Serge Reynaud donne le ton, tout comme les vaisseaux improbables de la compagnie Malabar paradant dans la ville. Le voyage se poursuit avec Luc Petton et sa compagnie Le Guetteur qui

qu’on joue le jeu de drôles d’expériences, comme participer au workshop interactif d’Artefact, compagnie associée au Carré, pour devenir un super héros, ou se balader au cœur de la peinture avec L’Éolienne qui croise art pictural, musique et danse… Attention, décollage imminent ! MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Le Carré Léon Gaumont comprend une médiathèque, un complexe cinématographique, une salle d’exposition et deux salles de spectacles La confidence des oiseaux © Alain Julien

fait dialoguer danseurs et volatiles… L’appel d’air tant attendu semble inépuisable à l’heure où le Bamboo Orchestra offrira une déferlante de résonances naturalistes et Jérôme Thomas envoûtera le public avec Sortilèges, spectacle de cirque dans le cirque. Volontiers décoiffant, le festival est aussi l’occasion de vivre entre deux eaux ou en apesanteur. Pour peu

Picasso et Parnasse Le festival Les Nuits d’été à Aix se poursuit avec un programme Autour de l’exposition Picasso et des opus de Satie, De Falla, Stravinsky par Brigitte Peyré (soprano), Laurent Wagschall (piano), Philippe Azoulay (guitare) et le récitant Jean-Claude Nieto (le 2 sept. au Musée Granet à 21h). Ce sont ensuite les musiciens de l’Ensemble

Parnassie du Marais qui interprètent le Salve Regina de Scarlatti et le Stabat mater de Pergolèse (le 12 sept. à 17h et 21h à la Chapelle des Oblats). 04 91 93 89 87 www.nuitsdete-aix.com

L’informel doit avoir lieu ! aussi vivace et accueillant, il a financièrement du plomb dans l’aile, et 25% de subventions en moins… Est-ce parce qu’en termes de communication, de noms, d’étiquettes commodes les Informelles sont difficiles à vendre ? En tous les cas, pour l’heure, les Informelles attendent 35 artistes Belges, Portugais, Italiens et Français pour une dizaine de propositions ouvertes qu’ils peaufineront en résidence entre le 9 et le 17 septembre, et présenteront au public les 18 et 19 septembre, à l’Ecole de la Deuxième Chance. Parce que les Informelles sont toujours sorties des cadres (les connaissent-elles ?), ce qui les rend indispensables… A.F. Collectif Transquinquennal © Myriam Devriendt

Les Informelles sont en péril… en dehors du report commun des 15% des subventions de la Ville de Marseille (voir p5), l’événement protéiforme concocté bon an mal an par l’équipe des Bernardines est plongé dans le paradoxe : alors qu’il n’a jamais été

Les Informelles Les 18 et 19 sept Ecole de la deuxième chance 04 91 24 30 40 www.theatre-bernardines.org

Entre ciel et terre Du 18 au 27 sept Sainte- Maxime (83) 04 94 56 77 51

Rentrée dehors Cavaillon ne fait rien comme les autres ! Alors que la plupart des scènes attendent sagement fin septembre, voire octobre pour ouvrir leurs portes… dès les 5 et 6 septembre la Scène Nationale lance ses premiers Nomades à Morières lès Avignon ! Avec la cie 26000 couverts, très appréciée des spectateurs de rue, mais qui avaient quelque peu déçu les habitués de la scène cavaillonaise en annonçant un spectacle dedans -Beaucoup de bruit pour rien- qui se déroula dehors… et dans le froid ! Ce sera donc l’occasion pour tous de se réconcilier dans de bonnes conditions, encore estivales, avec une cie qui sait comme personne interpeller et désarçonner le public et ses attentes. Gageons que cette fois leur Championnat du monde de n’importe quoi fera Beaucoup de bruit… pour beaucoup de plaisir ! A.F.

Championnat du monde de n’importe quoi 26000 couverts Scène Nationale de Cavaillon en Nomades Morières les Avignon (84) Les 5 et 6 septembre 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com © Co Shoot Libre


Automne à Saint-Victor Pour sa 43e édition fin 2009, le Festival de Saint-Victor occupe l’automne musical marseillais. Le chef d’orchestre André Bernard, comme de coutume, ouvre et clôt les festivités qui s’attachent, cette année, à célébrer les anniversaires Haendel et Haydn. On entend ainsi les célèbres Water Music du premier, comme la singulière Symphonie «les Adieux» (24 sept), la «London», ainsi que les Sept Dernières paroles du Christ sur la Croix du second (3 déc). «Haendel en Italie» est commémoré par Le Parlement de Musique

dirigé par Martin Gester (19 nov), quand Pierre Cao et son Chœur Arsys Bourgogne proposent un «Voyage» dans l’histoire de la famille Bach (8 oct). Le flamboyant violoniste Nemanja Radulovic revient en compagnie de la harpiste Marielle Nordmann (22 oct) et le trompettiste surdoué David Guerrier est accompagné par un grand organiste : Olivier Vernet (6 nov). J.F

Festival de Saint-Victor du 24 sept. au 3 déc. 04 91 05 84 48 www.chez.com/ saintvictor

Pierre Cao © Sebastien Boulard

Premiers tuyaux Le Festival d’orgue de Roquevaire ouvre la saison musicale après l’été. On y attend, dès le 11 sept à 21h Les Cuivres de Rocamadour avec Benjamin Barria à la console, avant Chantal de Zeeuw aux claviers pour accompagner le trompettiste Gérard Occello (13 sept à 16h). Jusqu’au 18 oct 04 42 04 05 33 www.orgue-roquevaire.fr

Treize pour 2013 ! Avec Vingt lieux sur la mer, Musicatreize proposait l’an dernier, durant les Journées du patrimoine, un parcours de vingt concerts à travers des lieux emblématiques de la cité phocéenne. En 2009, l’ensemble de Roland Hayrabedian, désire anticiper sur «ce qui se passera sur l’ensemble du territoire Marseille-Provence 2013 en amont et en aval de ces journées.» Quatre concerts sont prévus dans un large rayon géographique autour de Marseille. Avec deux œuvres qui regardent vers le continent africain ! Le nouveau Conte de Musicatreize de Jean-Christophe Marti, composé pour douze voix, un percussionniste et deux comédiens jouant en langue des signes, est créé le 15 août à l’Abbaye de Fontevraud. Le Grand Dépaysement d’Alexandre le Grand (voir p 52), repris à L’Étang des Aulnes (St Martin de Crau, le 13 sept à 18h), met en scène

les doutes de l’empereur aux limites de ses conquêtes. Un spectacle tout public orienté vers une «compréhension visuelle de la musique» ! Quant à L’autre Rive du compositeur libanais Zad Moultaka, c’est un poème fondé sur un discours guerrier, chanté en «simulacres de l’arabe et du français» qui pose la question «et si j’étais né de l’autre côté ?» L’opus créé le 8 juillet au festival d’Avignon (voir critique p31) est représenté à Marseille (Dock, le 18 sept à 21h), Toulon (Opéra –Eglise StLouis, le 19 sept à 17h – entrée libre) et Arles (Méjan, le 20 sept à 11h). JACQUES FRESCHEL

Le Grand Dépaysement d’Alexandre le Grand Livre-Disque chez Actes Sud L’autre Rive 04 91 00 91 31 www.musicatreize.org


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FESTIVALS

MUSIQUE

Big bang pianistique

Les forfaits d’Hélène Pour des raisons de santé, la pianiste Hélène Grimaud annule tous ses concerts estivaux

Tout commence par un feu d’artifice cet été à La Roque avec le «tsar» Boris Berezovsky dans les trois concertos de Tchaïkovski : immanquable ! Et puis dans la foulée la «reine» Brigitte Engerer joue les concertos n°2 & 5 de Saint-Saëns, quand le «pope» Nikolaï Lugansky rend grâce au merveilleux 4e concerto de Beethoven ! Comment rêver plus somptueuse entame que celle annoncée pour le plus beau festival de piano du monde ? À La Roque d’Anthéron on peut se rendre les yeux fermés : la programmation concoctée par René Martin est sans faille, et l’émotion garantie. Elle survient à la nuit tombante, au bout de l’allée de platanes centenaires du parc du Château de Florans, au pied d’une scène enchâssée d’imposants gradins. On s’assoit, on écoute, on admire les envolées digitales des virtuoses, on se délecte de la subtilité des touchers, des choix d’interprétation… Au bout du concert, on se lève à l’unisson des centaines d’amateurs perchés sur les marches, on applaudit, ébahi par les prouesses réalisées… on rend hommage aux artistes ! Le festival c’est aussi des lieux pleins de surprises: l’Abbaye de Sylvacane, le Temple de Lourmarin, l’Étang des Aulnes, les Carrières de Rognes et le Grand Théâtre de Provence… Enfin, c’est une manifestation éminemment populaire, aux tarifs raisonnables, qui accueille plus de 70000 spectateurs chaque été pour près de 90 concerts !

Le gotha des claviers On ne peut évidemment citer tous les artistes invités : autour des couples Katia et Marielle

David Bismuth © Paola Salerno

Labèque, Valérie et Pierre-Laurent Aimard, la «maîtresse» Anne Queffelec et le talent de JeanEfflam Bavouzet, les jeunes prodiges JeanFrédéric Neuburger, Bertrand Chamayou, Lise de la Salle ou David Fray, les jazzmen Baptiste Trotignon ou Chick Corea, la délicatesse de Zhu Xiao-Mei, Shani Diluka, Iddo Bar-Shaï, Edna Stern, Alexandre Tharaud, David Bismuth… En dehors de traditionnelles et marathoniennes «Nuits du piano» ou «Intégrales» ( Mozart, Haydn, Chopin, Bach, Mendelssohn, Beethoven), on ne passera pas à côté de soirées majeures (en sus du trio d’artistes cités en incipit !). Pensez-donc : Nelson Freire et Martha Argerich, Stephen Kovacevich, le doyen Aldo Ciccolini et… Grigory Sokolov enfin à Aix ! JACQUES FRESCHEL

Elle est remplacée le 31 juillet à La Roque d’Anthéron par une formidable virtuose russe Anna Vinnitskaya dans un récital de pur piano : Franck, Ravel, Debussy, Moussorgski (changement de tarif après présentation des billets au guichet ou remboursement intégral après expédition des billets 04 42 50 51 15). En revanche, à Orange le 3 août, le Macédonien Simon Trpceski reprend le programme prévu initialement, soit le 2e concerto de Rachmaninov (remboursement possible par retour de billet ou tél. 04 90 34 24 24 avant le 18 juillet). J.F.

Autour de Violetta L’association Mezza Voce organise le 2e festival d’art lyrique au Château de l’Empéri. Autour d’une représentation de La Traviata de Verdi dirigée par Stefano Giaroli (le 15 août à 21h30 - prélude vocal «à Violetta» : extraits d’opéras italiens le 11 août à 19h), on découvre les talents lyriques de la prestigieuse école marseillaise de chant du CNIPAL (le 9 août à 19h), pour finir par un «hommage» réunissant les artistes du festival au grand ténor disparu il y a deux ans, Luciano Pavarotti (le 16 août à 21h30). J.F.

Festival international de Piano La roque d’Anthéron du 24 juillet au 22 août. 04 42 50 51 15 www.festival-piano.com

2e festival d’art lyrique Château de l’Empéri, Salon du 9 au 16 août 01 90 56 00 82 http://mezza-voce-salon.com

Chambre russe Tchaïkovski, Stravinsky, Rimski-Korsakov, Prokofiev... Année Haydn oblige, on entend également les Trios avec piano du Viennois mort il y a 200 ans. Une programmation riche qui se décline sur dix concerts dans le cadre historique de la cour Renaissance, avec inévitablement Pierre et le loup (Concert pour enfants, le 5 août à 17h – Entrée libre). On découvre de surcroît deux films majeurs du cinéma muet russe de la fin des années vingt lors de soirées «musique et cinéma» : La Nouvelle Babylone de Leonid Trauberg accompagné à l’orgue par Thierry Escaich (2 août) et L’Homme à la Caméra de Dziga Vertov sur des impros jazz du pianiste Baptiste Trotignon (30 juillet). J.F. Baptiste Trotignon © Yann Renoult

Pour sa 17e édition, les soirées du Château de l’Empéri mettent la Russie à l’honneur. Autour des fameux fondateurs Eric Le Sage (piano), Paul Meyer (clarinette) et Emmanuel Pahud (flûte), une trentaine d’artistes, pour la plupart issus d’orchestres prestigieux, interprètent, en formations de chambre, des opus de Borodine, Chostakovitch,

Musique à l’Empéri Salon de Provence du 27 juillet au 6 août 04 90 56 00 82 www.festival-salon.fr



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FESTIVALS

MUSIQUE

Bach et Vivaldi

Entre génépi et tourtons La 13e édition du Festival de Chaillol propose ses concerts dans les Vallées du Champsaur et Valgaudemar, et le Pays Gapençais. Le programme divers, «tissant sa toile entre le savant et le traditionnel, musique classique et musiques du monde, création et improvisation», allie tango et koto, quatuor à cordes ou de marimbas, films, balades musicales, ateliers et rencontres, des compositeurs classiques et une création, adaptée d’un conte japonais, commandée à Thomas Keck… On y attend le bandonéon de Victor Villena et le quatuor à cordes Benaïm, la pianiste Vanessa Wagner dans Chopin, le quatuor de marimba Beat pour une Offrande Musicale de Bach originale, le jazz du Frank Woeste Trio, le clarinettiste Chen Halevi en trio dans Zemlinsky, le violoniste-alpiniste Alexandre Sauvaire en quatuor à cordes (le 11e «serioso» de Beethoven et les «minimalistes» Glass et Riley), Mieko Miyazaki au koto et François Rossé au piano… sans oublier l’intégrale des Sonates pour piano et violoncelle de Beethoven en trois concerts par trois duos différents…

Le flûtiste Jean-Louis Beaumadier (voir disque p. 56) et ses compères du Concert Buffardin proposent deux programmes Bach et Vivaldi qui évoluent dans les Alpes de Haute-Provence autour de Manosque et du Verdon. Christine Lecoin (clavecin), Hervé Issartel (basson), Catherine Villard (violoncelle) et Alexandre Régis (percussions) jouent des Sonates du Kantor de Leipzig ainsi que celles du «Prêtre roux vénitien» : Il pastor fido. Après Thoard, Gréoux ou Entrevaux, l’été musical «bas-alpin» s’achève avec Paroles et musique entre amis réunissant, outre Jean-Louis Beaumadier et son piccolo magique, Ivry Gitlis (violon) et les pianistes Vaham Mardirossian, Christelle Abinasr, Serge Paloyan et Edouard Exerjean (aussi conteur, voir p 35) le 9 août à 18h à la Cathédrale de Riez-la-Romaine.

Quatuor Benaim © L. P. Cerman

Festival de Chaillol (05) du 25 juillet au 14 août 04 92 50 13 90 www.festivaldechaillol.com

J.F

J.F

Musiques au rocher ensuite l’Orchestre Philharmonique de Nice qui joue Bernstein (West Side Story), Dvorak (Symphonie «du Nouveau Monde») et la Rhapsody in Blue de Gershwin avec Frank Braley au piano (30 juillet). Michel Corboz conduit son Ensemble vocal et instrumental de Lausanne dans la Messe en si mineur de Bach (4 août), avant que le violoniste Laurent Korcia et ses invités ne fassent leur «cinéma» en évoquant 100 ans de musiques de films de Rota, Morricone, Grappelli…(7 août).

J.F

54e Nuits de la Citadelle Sisteron (04) du 21 juillet au 7 août 04 92 61 06 00 www.nuitsdelacitadelle.fr

Laurent Korcia © Andres Reynaga

Mensuel gratuit paraissant le deuxième jeudi du mois Edité à 25 000 exemplaires Edité par Zibeline SARL 76 avenue de la Panouse | n°11 13009 Marseille Dépôt légal : janvier 2008 Directrice de publication Agnès Freschel Imprimé par Rotimpress 17181 Aiguaviva (Esp.) photo couverture © Agnès Mellon Conception maquette Max Minniti

Rédactrice en chef Agnès Freschel agnes.freschel@wanadoo.fr 06 09 08 30 34

Musique et disques Jacques Freschel jacques.freschel@wanadoo.fr 06 20 42 40 57

Secrétaire de rédaction Dominique Marçon journal.zibeline@gmail.com 06 23 00 65 42

Frédéric Isoletta f_izo@yahoo.fr 06 03 99 40 07

Éducation Chris Bourgue chris.bourgue@wanadoo.fr 06 03 58 65 96 Arts Visuels Claude Lorin claudelorin@wanadoo.fr 06 25 54 42 22 Livres Fred Robert fred.robert.zibeline@free.fr 06 82 84 88 94

Sciences et techniques Yves Berchadsky berch@free.fr Histoire et patrimoine René Diaz renediaz@free.fr

X-Ray x-ray@neuf.fr 06 29 07 76 39

Polyvolantes Delphine Michelangeli d.michelangeli@free.fr 06 65 79 81 10

Cinéma Annie Gava annie.gava@laposte.net 06 86 94 70 44

Maryvonne Colombani mycolombani@yahoo.fr 06 62 10 15 75

Philosophie Régis Vlachos regis.vlachos@free.fr

Musiques dans les Alpes de Haute Provence du 1er au 9 août La belle époque du piccolo Riez (04) le 6 sept à 18h www.jean-louisbeaumadier.fr

Au programme également du théâtre de Guitry avec les Brasseur père et fils (Mon père avait raison, le 25 juillet) et de la danse par les Ballets de Madrid Antonio Najarro (Jazzing Flamenco, le 2 août).

Marie Godfrin-Guidicelli m-g-g@wanadoo.fr 06 64 97 51 56 Marie-Jo Dhô dho.ramon@wanadoo.fr

Jean-Louis Beaumadier © X-D.R.

Depuis plus d’un demi-siècle, la musique occupe une place de choix aux «Nuits» estivales de Sisteron. En 2009, l’Académie baroque européenne d’Ambronay dirigée par Martin Gester ouvre la manifestation avec de fameux airs d’opéras de Mozart (21 juillet). C’est

Maquettiste Philippe Perotti philippe.zibeline@gmail.com 06 19 62 03 61 Ont également participé à ce numéro : Emilien Moreau, Christophe Floquet, Dan Warzy, Muriel Benisty, Benjamin Clasen Photographe : Agnès Mellon 095 095 61 70 Directrice commerciale Véronique Linais vlinais@yahoo.fr 06 63 70 64 18


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Messiaen et l’Orient Il y une vie après le centenaire Messiaen ! Un an après 2008, l’équipe du Festival Messiaen au pays de la Meije poursuit son travail d’investigation de la personnalité musicale du «français des montagnes», d’exploration des ramifications de son œuvre en adoptant le thème La Tentation de l’exotisme. Initié par les romantiques, puis Debussy, le dialogue entre la musique savante occidentale et les traditions orientales a enrichi l’art français et trouvé un écho profond chez Messiaen. Si la représentation de Pelléas et Mélisande de Debussy (en version de chambre) avec Marc Mauillon (Pelléas), Karen Vourc’h (Mélisande), Didier Henry (Golaud) s’annonce comme l’événement majeur du festival (le 2 août à Briançon), on n’oublie pas la reprise de Outre-Mémoire de Thierry

Pécou par David Greilsammer (piano) et l’Ensemble Zellig (le 30 juillet à La Grave), comme les commandes passées aux compositeurs Patrick Burgan, Bruno Mantovani et Susumu Yoshida. Une programmation riche où se côtoient Ravel, Cage, Bartok, Dusapin et Debussy (récital de piano de JeanEfflam Bavouzet le 31 juillet à La Grave) par une pléiade de jeunes talents et des opus essentiels de Messiaen, comme les Vingt Regards sur l’enfant Jésus par le pianiste Bertrand Chamayou (le 27 juillet à La Grave).

Voix croisées

JACQUES FRESCHEL

Messiaen au pays de la Meije du 25 juillet au 2 août 04 76 79 90 05 www.festival-messiaen.com Bertrand Chamayou © Laure Vasconi-Naive

L’ancienne au donjon Au vieux village perché de Simiane, dans le cadre médiéval du Château-fort des Agoult-Simiane, se dresse le donjon XIIe siècle de la Rotonde. C’est là que, depuis un quart de siècle, se donnent des concerts de musique ancienne, instrumentale et vocale, interprétés par des artistes confirmés ou par de jeunes musiciens de la région provençale. Six concerts au programme 2009 : Musique féminine dans l’Italie du Seicento par Concerto Soave (dir. Jean-Marc Aymes) avec Marie Cristina Kiehr (soprano) et la violoniste Amandine Beyer (5 août), les Sonates du Rosaire de Biber par Alice Pierot (violon) et la gambiste Marianne Müller (10 août), et la dernière création (concert-lecture) du comédien Alain Carré La vie des Dames galantes (17 août) en constituent les piliers. On découvre également les voix féminines a cappella de l’ensemble Balkanes (7 août), le duo A Piacere pianoforte et mandoline (12 août) et le trio Filigrane dans Haydn (12 août). J.F

La 6e édition des Rencontres de la voix, affiche trois jours de concerts. Ce sont les polyphonies corses de Barbara Furtuna qui ouvrent le bal De Vives Voix sur le Vieux-Port (le 15 juillet à 21h - Eglise St Ferréol). On se rend ensuite au Théâtre de la Sucrière situé dans le parc François Billoux (15e arr.) pour deux longues soirées. Carina Lotta et Julien Dallavecchia annoncent les voix d’Occitanie du Cor de la Plana, emmené par Manu Théron, qui s’associent au Brésil de Renata Rosa avant une création de la guinéenne de Marseille Sayon Bamba Camara… et consorts (16 juillet). La chanteuse brésilienne Sandra Godoy présente ses nouveautés quand Bruno Allary provoque «la rencontre du chant soufi et du beat-box» et les musiciens de Mezdj nous emmènent d’une rive à l’autre de la Méditerranée à travers ses chants profanes et sacrés (17 juillet). J.F

Ensemble Concerto Soave © Marie-Eve Brouet

Les Riches Heures Musicales de la Rotonde du 5 au 17 août Simiane (04) 04 92 75 90 14 www.festival-simiane.com

De Vives Voix du 15 au 17 juillet dès 19h30 Théâtre de la Sucrière, Marseille 04 91 62 78 57 www.lesvoiesduchant.org


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FESTIVALS

MUSIQUE

Des voix à Ménerbes

Around Donizetti et Mendelssohn Le festival Durance Lubéron affiche deux grands ouvrages du répertoire de musique romantique. Les amateurs de bel canto italien réservent pour la clôture de la manifestation et l’opéra de Gaetano Donizetti Don Pasquale par la troupe des jeunes chanteurs de l’Académie de Moscou (les 21 et 23 août à 21h30 au Château Paradis – Le Puy Ste Réparade). Auparavant les mélomanes découvrent une superbe rareté de Félix Mendelssohn, Athalie, un oratorio sur le texte de Jean Racine, créée pour la première fois dans sa version française lors du Festival des Musiques Interdites à Marseille le 10 juillet dernier (voir p. 35). Le Chœur Ad Fontes et les comédiens de la Compagnie Interlude s’attachent à en rendre toute l’expression tragique (le 20 août au Château de Mirabeau à 21h30 et le 22 août à l’Eglise du St Esprit d’Aix à 21h). Mais la musique est également présente sous des formes contrastées avec la fanfare phocéenne d’Accoules Sax (le 14 août à 19h à Lourmarin), Stravinsky et Le Sacre du Printemps (aux pianos) chorégraphié par Josette Baïz et sa dynamique Compagnie Grenade (le 15 août à 21h30 à La Tour d’Aigues), l’«ApérOjazz» de la

Le Sacre © Leo Ballani

chanteuse Mariannick Saint Céran (le 16 août à 19h à Lauris), le Cabaret «Belle époque» de Jean-Luc Debattice (le 17 août à 21h30 à Mérindol) et l’«ApérOpéra» lyrico-déjanté Opéra Molotov de Cathy Heiting et Jonathan Soucasse (le 19 août à 19h à Puget-sur-Durance). Le festival accueille aussi la 2e étape du Voyage des 10, l’itinéraire original que propose le Museon Arlaten durant les travaux de sa rénovation, et qui fait voyager les œuvres et les artistes qu’elles inspirent. Ainsi, autour du

tableau d’Emile Avon, Les Magnanarelles, la chanteuse lyrique Dalila Khatir et la femme troubadour Guylaine Renaud feront résonner leurs voix, faisant écho à celles de ces éleveuses de vers à soie (le 22 août à 19h à l’abbaye de Silvacane). JACQUES FRESCHEL

Pour l’édition 2009, le festival Les Musicales du Lubéron consacre le chant pour quatre belles manifestations autour de la voix. Mozart et un florilège d’airs d’opéras (Cosi fan tutte, Les Noces de Figaro, Don Giovanni, La Flûte enchantée…) sont interprétés par l’Académie Baroque d’Ambronay dirigée par Martin Gester (Une soirée chez Mozart, le 24 juillet Place de l’Horloge à 21h30). L’opéra pastoral de Haendel Acis et Galatée est conduit par Paul Mac Creesh à la tête du Gabrielli Consort (le 27 juillet Eglise Saint-Luc à 21h30), avant un récital romantique de la grande mezzo-soprano Marie-Ange Todorovitch (le 31 juillet - Église Saint-Luc à 19h), et enfin le fameux «crossover» de la soprano Caroline Casadesus et de son violoniste-jazz de mari Didier Lockwood dans Le Jazz et la Diva opus II (le 4 août au Moulin des Taillades à 21h30). J.F

Musicales du Lubéron Ménerbes (84) du 24 juillet au 4 août 06 85 68 65 34 http://musicalesluberon.com

12e Festival Durance Lubéron du 14 au 23 août 04 90 09 94 20 http://festivduranceluberon.free.fr

Harmonies alpines Depuis 1992, l’association Arts et Musiques en Montagne promeut l’art musical au profit des communes des cantons de Guillestre et de l’Argentière-la-Bessée. Pour son festival d’été, les Musicales internationales Guil Durance elle n’affiche pas moins de quatorze concerts ! L’occasion d’entendre dans de petites communes des Hautes-Alpes d’excellents ensembles et musiciens en récital : beaucoup de musique de chambre avec les Quatuors Ludwig, Parker, Elysée, Antarès ou le Trio Talweg, les vents de Philidor et l’ensemble de musique ancienne Harmonie baroque en ouverture (le 22 juillet à 21h à Risoul). Deux concerts symphoniques par l’Orchestre symphonique de jeunes de Minsk (le 27 juillet à 17h30 à Guillestre) et l’Orchestre de chambre des Cévennes (le 29 juillet à 21h à Ceillac), et surtout deux récitals incontournables du pianiste Philippe Cassard (le 5 août à 21h à Guillestre) et des Tchèques du Quatuor Talich (le 7 août à 18h30 à Saint Crépin).

Crème médiévale

J.F

Musicales Internationales Guil Durance (05) du 22 juillet au 12 août 04 92 45 03 71 www.musicales.guil.net

Quatuor Antares © Sonia Soldati

Josquin Capella © Luk Van Eeckhout

L’abbaye cistercienne du Thoronet est réputée pour son acoustique unique. Ce bijou de l’art roman accueille, depuis 19 saisons, un grand festival de musique ancienne. Dominique Vellard intitule l’édition 2009 «En son temple sacré» et invite l’amateur à explorer des musiques associées à leur lieu liturgique : les chants des cathédrales, des chapelles royales et des temples zen, de Perse, des monastères d’occident ou orthodoxes… C’est la crème du genre que l’on en-

tend : l’ensemble Gilles Binchois et les Iraniens de la famille Chemirani, les chanteurs de Musica Nova ou les percussions japonaises de Stomu Yamashta (et la première sortie mondiale des moines du temple Daitoku de Kyoto) ; les choristes roumains de l’ensemble Byzanton, les allemands de Josquin Cappella, les instruments médiévaux d’Obsidienne. Une plongée dans le chant grégorien, la psalmodie bouddhiste ou les grandes polyphonies sacrées de Dufay, Ockeghem, Finck… J.F.

Rencontres de Musique Médiévale du Thoronet Du 20 au 26 juillet 04 94 60 10 94 www.musiquemedievalethoronet.fr Académie de Musique Ancienne (stage) du 16 au 25 août


Uzès en danger 39e Nuits Musicales du 17 au 27 juillet Uzès (30) 04 66 62 20 00 www.nuitsmusicalesuzes.org

Bireli Lagrene © P. Etheldrede

Le Conseil Régional Languedoc Roussillon a supprimé la totalité de la subvention de 25000 € allouée aux Nuits Musicales d’Uzès, exprimant clairement qu’elle voulait privilégier le festival de danse ! Quel dommage de renvoyer dos à dos les arts et les pratiques ! L’équipe du festival maintient courageusement sa programmation pour 2009… mais s’interroge sur l’avenir d’une manifestation qui pourtant, depuis 39 éditions, affiche un niveau artistique excellent. Que les amoureux amateurs des répertoires de musique classique, baroque ou des musiques du monde se précipitent donc dans la splendide cité gardoise pour manifester leur soutien à sa présidente Yvette Doumens, son directeur artistique Eric Desnoues, ainsi qu’à tous les hommes et femmes, artistes, techniciens, professionnels et bénévoles qui œuvrent pour la diffusion d’une culture de haut-vol en Région ! Avec les présences du maître Michel Corboz dans la Messe en si mineur de Bach, Jean-François Zygel et sa joie toute communicative à faire partager sa passion pour «La Musique des mots», la soprano Blandine Staskiewicz dans Vivaldi, Porpora, Boccherini, Bach et Villa-Lobos, le violoniste Didier Lockwood et le guitariste Biréli Lagrène pour une soirée consacrée au Jazz Manouche, le Flamenco-Jazz du guitariste Raphaël Faÿs et la danseuse Raquel Gomez, sans oublier le chœur basque Anaiki, l’Orchestre de Chambre de Toulouse dans Elgar, Tchaïkovski et Piazzola ou la pianiste et chanteuse brésilienne Eliane Elias… Cette manifestation majeure a fort belle allure, le cœur large et ouvert… Elle ne doit pas mourir ! JACQUES FRESCHEL

Poursuivre… … À Lourmarin Le Festival Musiques d’Eté du Château de Lourmarin se poursuit avec des récitals de piano donnés par de jeunes artistes : Katia Krivokochenko (20 juil.), David Violi (23 juil.), Mika Akiyama (29 juil.), Hyo Joo Lee (10 août), Jung Eun Kim, (13 août), Christia Hudziy (17 août), Daniel Propper (20 août), Miky Masuyama (24 août), Jean-François Bouvery (27 août). Également le Quatuor à cordes Arcos (27 juil.) et la «Grande soirée de jazz traditionnel» sur les terrasses du château avec le Hot Antic Jazz Band (5 août). 04 90 68 15 23 www.chateau-de-lourmarin.com

… À Orange Après La Traviata (voir p30), Les Chorégies affichent un diptyque d’opéras véristes en un acte : Cavalleria rusticana de Mascagni et Pagliacci de Leoncavallo avec Roberto Alagna pour deux rôles vocalement très lourds. Au théâtre antique, il est associé à la mezzo Béatrice Uria-Monzon et la formidable soprano Inva Mula. L’Orchestre National de France est dirigé par Georges Prêtre et la mise en scène est signée Jean-Claude Auvray (les 1er et 4 août à 21h30). Le violoniste Renaud Capuçon joue le Concerto en ré majeur de Tchaïkovski avec l’Orchestre de Radio France (dir. Chung) qui interprète également la Symphonie fantastique de Berlioz (le 18 juillet à 21h45). Simon Trpceski remplace Hélène Grimaud dans le Concerto n°2 de Rachmaninov et Eivind Gullberg Jensen dirige les Tableaux d’une exposition de Moussorgski (le 3 août à 21h30). 04 90 34 24 24 www.choregies.asso.fr


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FESTIVALS MUSIQUE

Ça sent le bouchonné Pierres lisses

Une escale restant à quai, la date la plus groove a été annulée pour ce festival en Arles qui suit le calendrier des festivités des Suds : une décision de dernière minute que l’on ne finira pas de regretter, tant le reggae dub néo-zélandais de Fat Freddy’s Drop n’avait pas brillé sur la scène de l’Espace Julien et méritait une seconde chance… et tant la blondeuse soul Alice Russell a tout pété cette année, mais confinée sur de trop petits espaces ! Les Escales du Cargo au Théâtre Antique se résumeront donc cette année à deux soirées, une déception par rapport aux éditions précédentes (Ah, Massive Attack…). Le 23 juillet, les zazous de Caravan Palace rencontreront les titis parisiens de Java : cela sent un peu le vintage, mais ça devrait passer avec du bon fromage

Face to face © Espace photos

Méfiez-vous du bon rouge en plein soleil, de l’abus de rosé à l’apéritif, et du blanc avec les coquillages. Ils ont tous les trois la vertu de vous faire voir les choses en double paraît-il. Dans le cadre de Music en Vignes, du 22 au 24 Juillet, c’est plutôt le double des artistes qui sera proposé pour trois soirées… Les musiciens de Bill Haley, un hommage à Genesis, et 20 clones de l’Orchestre de Glenn Miller feront semblant de jouer comme leurs maîtres. Dans le premier cas, avec les Comets, ce ne sera pas difficile, un peu de gomina fera l’affaire pour masquer les cheveux grisonnants de ces rescapés de l’age d’or du rock’n roll. Plus dur pour la suite du menu (Phil Collins n’a plus de cheveux), la musique des Genesis: le rock progressif unique que seuls ses créateurs ont su délivrer (la preu-

ve, quand Phil a quitté le groupe, le son s’en est allé…) se joue difficilement en version Karaoké. Enfin, sont-ce donc les membres originaux du Miller’s Band qui essaient avec nostalgie de faire revivre les mélodies déjà nostalgiques du chef d’orchestre disparu pendant la dernière guerre ? Si l’on compte bien, ils seraient tous bientôt centenaires! Pour avoir déjà vu ce big band programmé plusieurs fois, sans jamais le même personnel, on peut vous assurer qu’il n’est pas composé de spectres des années folles… Alors s’il vous plait, serveznous de l’authentique, pas de l’éventé, sinon je sors de table…

X-RAY

www.escales-cargo.com

Bizarroïdes et nécessaires

X - RAY

www.chateauparadis.com/news.php Peter von Poehl © Frank Loriou

Le Corbeau du rocher plaisir communicatif et un passage de relais plutôt égal et positif. Si la jeunesse des deux chanteurs délivre des textes tantôt rageurs ou mystiques, ils arpentent le chemin du live dans la foulée de leurs aînés (le Angélique Ionatos et Katerina Fotinaki © Julie Carretier

Les Nuits du Rocher fêtent leur vingtième édition. Fort de grands moments comme ceux partagés avec Julia Migenes ou le Fado de Misia, ils ont aussi accumulé les problèmes de gestion et un manque sérieux de communication pertinente, avec fort peu de relais, et pas de site… Suivant que l’on considère la bouteille à moitié pleine ou vide, on sera donc déçu du programme de cette année, ou heureux que cet évènement se pérennise ! Après des débuts classiques les 10 et 11 juillet (Mozart et Gounod), c’est le reggae local qui sera à l’honneur cette année, le 18 juillet, avec une vieille garde volatile parrainant les jeunes lionceaux des Rascal riddim Band. Jo Corbeau avait déjà partagé la scène avec eux en début d’année (au Poste à Galène) dans un grand

et une baguette ! Mais le 25 juillet, la nourriture sera aseptisée : entre un Peter Doherty imberbe et un(e) autre pierre encore plus lisse, on pense à la phrase de Graham Coxon, chanteur de Blur : «le folk est trop mielleux et vieillot pour être joué aujourd’hui» ! En tout cas, Peter Von Poehl a eu un succès dans une réclame télé, tout comme The Dø et Yael Naïm programmés l’an dernier : l’inspiration semble se puiser dans les tubes cathodiques conformistes ! Quel dommage, vraiment, que cette annulation de la première date !…

mouvement reggae s’est déclaré ici il y a plus de vingt ans...). Notre oiseau méditerranéen saura nourrir ses ouailles et mettre tous ces jeunes gabians dans leur nid, après le succès mérité rencontré à la fête du Panier. Se souvenant des lancers de pavés comme des ricochets de galets sur les rives de l’Huveaune, il sera le Roc de ces nuits du Rocher, «sur un rythme de rock reggae»… avant Angélique Ionatos et Katerine Fotinaki pour un beau duo méditérranéen guitare et voix (le 23 juillet) et Michel Jonasz le 24, seul événement payant de ces nuits si diverses… X - RAY

04 42 02 46 50 www.vitrolles13.fr

Toujours aussi combatif, le Festival de musiques inclassables Gare aux Oreilles s’installe au Thor (les 28 et 29 août) et à Villeneuve-lezAvignon (le 30) pour continuer sa résistance artistique. Emmené par le collectif inouï (Inouï Productions), le festival entend bien poursuivre sa quête d’utopie, et, citant Théodore Monod, rappelle que la notion a trait à «l’irréalisé, non l’irréalisable», invitant des artistes «pour leur radicalité, leur aimable insolence, leur engagement sans concession.» Ainsi, au Thor Gilles Laval ouvrira les festivités en solo, suivi des musiciens insolents et fantasques de l’Ensemble rayé (le 28). Le lendemain, toujours au Thor, Pierre Bastien et ses machines aléatoires précèderont le quartet rock et jazz de Tapetto Traci. Enfin, à Villeneuve (le 30), la cie de l’Escabelle évoquera sa vision du Sexe faible dans une écriture textuelle, musicale et scénographique avec des textes de P. Bourdieu, V. Despentes, M. Duras, J. Mansour… Ça vous fera du bien au-delà des oreilles… DO.M.

Festival Gare aux oreilles Inouï Productions Du 28 au 30 août Le Thor, Villeneuve-lez-Avignon 04 90 89 13 49 www.collectif-inoui.org


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Pour tous les gaouts ! Désormais incontournable dans le paysage festivalier de la côté méditerranéenne, Les Voix du Gaou est un rendez-vous scénique éclectique prêt à satisfaire toutes les obédiences, ou presque (21/7), les très attendus Motorhead (22/7) et Bénébar (23/7), ce qui enlève l’exclusive touche rock qu’on avait insoucieusement collé à ce festival ! Les Fatals Picards et Asian Dub Fondation (24/7), Grand Corps Malade (25/7), Tryo + Pep’s (28/7) et une clôture chanson autour de Zaza Fournier et son accordéon, Pascale Picard, Audrey Lavergne, Izia et Lone Kent (29/7) ne contrediront pas cette volonté d’ouverture à des registres différents. Nouveau ! Les deux scènes qui permettent de déambuler expérimentent une nouvelle charte éco-citoyenne. Ce type de démarche écologique reposant trop souvent sur l’opportunité d’un effet d’annonce, souhaitons que la dimension donnée à cette charte soit à la hauteur de ses ambitions : transports non polluants et alternatifs, moyens de communications non polluants, tri

Si on ajoute à cela un cadre exceptionnel, les pieds dans l’eau sous le soleil de la presqu’île du Gaou à quelques riffs de Six-Fours, on se dit qu’on a touché le gros lot ! Il n’y a qu’à se souvenir du choc Stooges du roc Iggy il y a quelques années dans ce lieu magique. Alors que nous réserve 2009 ? Quelques stars en devenirs, d’autres sur le retour, et une qui nous manquera certainement, le regretté Alain Bashung dont la date n’a pas été réattribuée. Lenny Kravitz ouvrira le bal (15/7), suivit de Bernard Lavilliers et d’une Rokia Traoré qu’on va finir par se lasser de re(re)revoir après son passage à Font-Robert (17/7). Philippe Manœuvre et sa célèbre paire de lunettes nous concoctent un cocktail explosif avec Second Sex, Les Prostitutes, Appletop et Dharma Poject (18/7). Mais on ne trouvera certainement pas les mêmes fans pour Alpha Blondy

Alpha Blondy © Youri Lenquette

des déchets, économie d’énergie, sensibilisation des festivaliers et des participants… Ce ne sera pas du luxe par rapport aux éditions précédentes! FRÉDÉRIC ISOLETTA

Les Voix du Gaou du 15 au 29 juillet Six Fours les Plages 04 94 34 93 50 www.voixdugaou.fr

Luberon du Monde Robion, joli village situé dans le nord Luberon tranche clairement avec les festivals parfois empoudrés de quelques communes plus au sud. Avec le thème métissé et coloré Musique du Monde, les vauclusiens et les vacanciers vont pouvoir goûter

Titi Robin © Louis Vincent

à la fraîcheur sans fard du théâtre de verdure, pour une programmation qui fait le tour du monde du 16 au 25 juillet. La Fanfare Muette et le jazz manouche de Samarabalouf (16/7), les chants traditionnels de Kaajal et l’indie electro world de Masaladosa (17/7), le musique et la danse afrocubaine de Cachimbo et la salsa cubaine de Candela Mi Son (18/7), le métissage de musiques tziganes et arabo-andalouses de Imaz’ellia (22/7 à la Bastide de la Roumanière), la danse tribal-fusion de Nadyka et le soul jazz trip-hop de Djazia Satour (23/7), les percussions brésiliennes de Mata Verde et les mosaïques de

fêtes gitanes et d’arabesques orientales du Titi Robin Trio (24/7), le jazz afro-latino de Yakoba et l’afro beat de Fanga (25/7) composeront le kaléidoscope épicé de la treizième édition du Festival Universel de Robion ! Un goût de l’authentique qui ne parie pas sur la (con)fusion des genres, mais sur la mise en évidence de leurs particularités culturelles… F.I.

Festival de Robion Du 16 au 25 juillet 04 90 05 84 31 www.festival-robion.com

Uzès en France Pourquoi des milliers de gardois, marseillais, avignonnais, montpelliérains et j’en passe, attendent-ils avec fébrilité le premier week-end du mois d’août ? Pour se rendre aux Électros d’Uzès ! La splendide cité médiévale gardoise accueille chaque année, après les fans de danse contemporaine (Uzès danse) et de musique classique (Nuits musicales d’Uzès voir p.15), de nombreux festivaliers vacanciers férus d’électro. Du 7 au 9 août quelques pointures des platines vont se succéder aux manettes au pied de la Tour Fenestrel : DJ Mehdi, Surkin, Bobmo, Andre Dalcan (7/8), Paul Ritch, Jennifer Cardini, Danzca, Greg Delon (8/8), D’julz, Rodriguez junior, Scan X mais surtout le déjà vénérable Laurent Garnier qui a choisi Uzès pour présenter en live son dernier album (9/8).F.I. Les électros d’Uzes (30) Du 7 au 9 août De 21h à 3h, 10 euros par soir

Sors de chez toi ! sonne comme une injonction à laquelle on peut difficilement résister… 3e édition de ce festival alpin qui tient la route, ou la rue devrait-on dire au vu de l’affiche que propose l’association Le son d’en haut : 3 journées bien remplies entre musique et arts de la rue, avec une ouverture flamboyante assurée par La Rue Kétanou (le 7 août). Les trois compères, qui viennent de sortir leur 3e album studio (voir p 57), entraîneront à coups sûrs dans le sillage de leurs rythmes mélangés rap, flamenco, tziganes. Sans compter qu’ils seront précédés des groupes rock et chanson française Bardan, Boulevard des Airs et Jagas. Le lendemain, dès l’après-midi seront proposés des ateliers arts de rue, stands et jeux, avant

que les jeunes musiciens de Drunk Souls, Avis de Batard et Smoof ne viennent défendre leur formation face au vote du public, l’auteur/compositeur Pep’s clôturant la soirée. Enfin, bal musette avec Emmanuel Patras pour finir en beauté (le 9), vous ne serez pas sorti de chez vous pour rien ! DO.M.

Sors de chez toi ! Du 7 au 9 août Saint-Étienne en Dévoluy (05) 04 92 58 91 91 www.sorsdecheztoi.com

Laurent Garnier © Nick Ivins BR

Le frais de la Rue


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LES ENVIES RHÔNEMENTS | FESTIMÔME | LA FRICHE

En immersion Depuis 1999, date de sa création, le festival les Envies Rhônements n’a pas dévié de sa ligne directrice : l’art est toujours le moteur de ce rendezvous singulier où se croisent les genres, les propositions, les artistes et les publics, dans l’environnement naturel si particulier de la Camargue (voir p. 59). Comme chaque année une thématique lie les propositions et réflexions : le visible et l’invisible rythmeront les soirées, avec comme point d’orgue une réflexion particulière portée sur ce Rhône, véhicule naturel, lors des crues et perturbations, d’objets, de déchets… Un projet spécifique, Paysage inondé, porte d’ailleurs sur l’inondation dans ce territoire singulier du delta du Rhône, et propose trois actions ayant pour objectif d’«enrichir l’approche humaine par un développement de la culture du risque», «de contribuer à nourrir la mémoire collective des inondations» et «de participer à la sensibilisation d’un large public aux enjeux de la prévention.» Des créations in situ, plus nombreuses cette année, mettront en scène ce

projet dans différents sites : Ilotopie crée Ecrans d’eau, projections, sur l’eau, de petits films de fiction oniriques ; dans le cadre des actions art/ sciences, trois couples artiste/scientifique se pencheront aussi sur la question : l’archéologue David Djaoui et le musicien Vincent Audat (au Musée Départemental de l’Arles antique), l’hydrologue Stéphane Marche et la danseuse et comédienne Lucile Boissonnet (aux Marais du Vigueirat), et le gestionnaire du site de La Palissade Jean-Christophe Briffaud et la circassienne Géraldine Rieux (au Domaine La Palissade). Des ateliers de sensibilisation sont aussi proposés par la plasticienne Tooza aux enfants. Mais le programme ne s’arrête pas là, et les découvertes se prolongeront, entre autres, avec la cie Les Baigneurs, Didier Labbé, le collectif Izem, la cie Pernette, ou l’installation venteuse, Anémochore, de Rémy Duthoit et Christophe Le Blay…

Le bain, cie Les Baigneurs © Manu Deckert

Les Envies Rhônements Du 31 juillet au 7 août 04 42 48 40 04 www.ilotopie.com

Randonnée particulière

DOMINIQUE MARÇON

Comme un air de fraîcheur Européen mais pas seulement, Festimôme est l’un des grands rendez-vous jeune public de l’été, organisé par l’association Art’Euro Depuis 8 ans le festival mêle des spectacles de cirque, de théâtre, des contes, du mime, des marionnettes avec des ateliers artistiques matin et après-midi, y compris pour les tous petits ! Un véritable mouvement collectif se met en route, entraîné par des associations, des centres aérés, des maisons de quartier… qui tous mettent la main à la pâte. Les villes d’Auriol (du 20 au 22 juillet) et

d’Aubagne (du 23 au 25 juillet) accueillent 15 compagnies (belges, italiennes, françaises, cubaines, mexicaines…) pour une quarantaine de représentations… gratuites ! Dont deux créations mondiales (à Aubagne) : celle de la cie belge du Chambellan production, Quand le volet monte, et celle de la cie mexicaine Pachuco, Esperando la luna. Cette dernière aura par ailleurs présenté Just Passing Thru Esperando la luna © Pachuco

à Auriol (le 21), précédant la cie Morphales Cambrées avec Qui sera Alice ?. À Aubagne, aux jardins Palissy, à la Distillerie, à l’Espace Ganteaume…, on pourra aller applaudir, entre autres, les cies Anonima Teatro (Dites leur qu’on est parti), Girovago e Rondella (Manoviva), Postillon & crachouillis production (Les grosses papilles), ainsi que le circassien Juan Truckyman et ses jongleries. Enfin, ne ratez pas Zebra, premier travail de Meytal Raz, jeune israélienne accueillie dans le cadre du réseau Art en Europe dans lequel est impliqué Art’Euro (le 25 juillet) : l’accompagnement des artistes émergents tient à cœur, presque autant que le bonheur des enfants, aux organisateurs de Festimôme. DO.M.

La proposition est surprenante et excitante : des promenades sonores en altitude sur les toits de la Friche… Des balades vertigineuses, organisées par le Système Friche Théâtre avec Silex, Guing’Art et le Collectif 201, ce dernier créant, sur mesure, un parcours sonore. Et pour se balader dans les airs, une via cordata hors norme (un trajet qui se fait sur corde, encadré par des spécialistes de l’escalade) permettra de profiter de tous les panoramas qu’offrent les toits de la Friche sur la ville de Marseille. Des espaces accessibles sans obligatoirement être des pros de la grimpette : longer le haut d’un toit, traverser un pont de singe, descendre en tyrolienne permettront les plus grands frissons, le tout sur fond de pièces radiophoniques et électroacoustiques particulièrement adaptées, de sons industriels à des samples de cris jusqu’au jingle d’arrivée. Ouverte à tous (sauf cas extrême de vertige…) à partir de 14 ans, cette randonnée s’inscrit dans le cadre des Journées Européennes du Patrimoine. DO.M.

Festimôme Du 20 au 25 juillet À Auriol et Aubagne Art’Euro 04 42 72 75 51

Balades Vertigineuses Du 17 au 20 septembre L’entrée est libre, possibilité de réservation au 04 95 04 96 12



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Les fantômes d’Ubu Patrick Sims, spécialiste d’Alfred Jarry, a créé en 2007 L’Armature de l’Absolu, avec les Buchinger’s Boot Marionnettes (voir Zib 7). Cet «antiéloge sur la tombe d’Alfred Jarry» est à la croisée de l’univers de Tim Burton, David Lynch ou encore de Brian de Palma, époque Phantom of the paradise. Exploitant la thématique scatologique et les symboles phalliques inhérents à l’œuvre de Jarry, et toutes les autres obsessions de l’auteur : bâton-à-phynance, bicyclette, tics, absinthe, revolver, ogres malfaisants… Et la mort très envahissante, sous couvert sarcastique. «On est libre de voir en monsieur

Ubu toutes les aspirations que l’on veut», balancera le monstre accouchant d’un squelette, flanqué de ses sbires, sorte d’alien à la voix de Dark Vador. Un Ubu en pleine science fiction, sur le fil des Buchinger’s, accompagné par une bande son, prépondérante, organique, accaparante. Et par la perfection de ces inquiétantes marionnettes, faites d’os, de bois, de métaux, d’animaux, d’une inventivité virevoltante… Des marionnettes bien loin de la tradition du théâtre de Guignol, dans lequel s’inscrivait la trilogie ubuesque, au début du XXe siècle.

Petit bémol : sous chapiteau, la scène en castelet à la machinerie flamboyante n’atteint pas le regard des spectateurs en haut de gradin… et les enfants de moins de 13 ans n’y comprendront pas grand chose. DELPHINE MICHELANGELI

L’Armature de l’Absolu par le Buchinger’s Boot Marionnettes est joué à Villeneuve en scène du 5 au 24 juillet (relâches les 6, 13 et 20) à 20h45 04 90 26 07 40 www.villeneuve-en-scene.fr

Têtes de bois Sur leur com’ on peut lire «les Royales Marionnettes, la compagnie qui se la pète… !». Pourtant, c’est tout en finesse que les deux acteurs/manipulateurs amènent le public à leur vision très personnelle des Croisades. Ils revisitent le mythe du chevalier Godefroy de Bouillon, héros belge et blond, qui refusa le titre de premier roi chrétien de Jérusalem. Didier Balsaux, auteuracteur-constructeur de marionnettes, s’attache, au-delà de la réalité historique, à aborder la question sociologique des guerres. Massacres, terreur, pillages, violence… quel prix continuons nous à payer, après la légende ? Les marionnettes de bois sont super-

bon dos la guerre !» retiendra-t-on de ce petit traité pacifiste. «On ne tue pas sa conscience» pourrait être la morale de cette histoire, ni pour tout petits, ni plus vraiment pour adultes, mais qui apporte un vrai message de tolérance. Et aura sans doute le mérite, malgré une manipulation assez classique, de provoquer un dialogue en famille. Ça sert à ça le théâtre aussi, non ? © Namurimage - Marianne Grimont

bement sculptées et sortent de tout côté d’un décor protéiforme pas si simpliste. Le personnage Tchantché (notre guignol) se trouve être le héros populaire de l’histoire, qui abandonne au bon moment le massacre. «Elle a

DE.M.

La légende merveilleuse de Godefroy de Bouillon est jouée par les Royales Marionnettes au Festival Villeneuve en Scène, du 5 au 24 juillet (relâche les 13 et 20 juillet) à 19h30 04 90 26 07 40 - villeneuve-en-scene.fr

La loi du silence Cet Hamelin de Juan Mayorga est une claque ! Ça démarre par une berceuse innocente, qui très vite assoit le spectateur dans une formidable démonstration de la force du langage. Il s’agit d’une enquête sur un sujet difficile à aborder, surtout pour des Belges : la pédophilie. Dans ce théâtre du réel, les acteurs, excellents, officient sur un plateau aux fausses allures de neutralité «Hamelin œuvre sans scénographie, au spectateur d’inventer ses décors, lumières et costumes.» Justement la pièce est très cinématographique, avec un arbitre qui fait claquer le silence dès que ça dérange. © Daniel Locus

Hamelin et son joueur de flûte un est conte relatif au fonctionnement sociétal, le sombre mythe du «dératiseur» qui entraîne les enfants de la ville dans son sillage. Qui l’incarne ici ? Les médias, l’institution, la famille, la misère, le notable, la psychologue, l’éducation, la rumeur, le juge… Les certitudes tombent les unes après les autres. Qui manipule qui ? L’ambiguïté de chaque personnage révèle la difficulté du sujet. Et si le récit de l’enfant n’était qu’une affabulation ? La parole de l’enfant serait mesurable pour les professionnels grâce à des «critères de crédibilité». Le monde des enfants a-t-il donc forcément à voir avec imaginaire ? L’œuvre parle des impossibilités du langage, de la défiance envers l’aveu d’un enfant, d’une famille au bord du gouffre, rentre dans une spirale effroyable. D’adultes qui se renvoient la faute, par incapacité à assumer leurs faiblesses. Le dernier silence tombe comme un couperet. La vérité n’est plus à faire.

© Mafalda de Camara

Double «Je» Big shoot, le dernier crime d’un bourreau qui se la joue artiste, une mise à mort orchestrée au peigne fin. Un jeu du cirque médiatique, jeune comme l’Amérique -face à une Europe plongée dans un capharnaüm de souvenirs et une Afrique tellement vieille qu’elle est tombée en enfance. Cette pathétique rencontre de la poussière et de son écroulement est écrite par l’auteur dramatique africain Koffi Kwahulé. Une écriture musicale, obsédante, brûlante et saccadée comme un rythme enfiévré de jazz. À l’origine du projet, Denis Lavant, magistral, interprète les deux personnages que tout sépare, le maître et l’esclave, le bourreau et la victime, le mal et l’innocence. Dans un décor minimaliste, l’acteur dévore littéralement la scène du Chêne Noir. Il danse, il aboie, s’amuse sans répit. Il vit complètement cette partition ciselée au couteau. Qui pouvait réussir le pari de ce duo à une voix, de cette schizophrénie aux allures de Charlie Chaplin, si ce n’est lui ? Il jongle d’un personnage à l’autre, avec une énergie parfois si véloce que le spectateur en est… dérouté. Un stradivarius qui nous met K.O. par son double chant incessant. «Les gens en face… ils attendent que je les caresse dans le bon sens du poil ?». Le grand silence final résonne comme un grand shoot de comédie. DE.M.

DE.M.

Hamelin, par la Cie Rideau de Bruxelles, est joué du 8 au 28 juillet (relâche le 20), à 20h, au Théâtre des Doms 04 90 14 07 99 – www.lesdoms.be

Big Shoot est joué au Théâtre du Chêne Noir du 7 au 29 juillet à 11h (relâche le 13 et le 20) 04 90 86 58 11 – www.chenenoir.fr


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Poursuivre Avignon Le plus beau festival de théâtre du monde bat son plein… vous trouverez dans ces pages notre avis sur les premiers spectacles, et quelques pistes pour les jours qui viennent… Wajdi Mouawad tout d’abord, l’artiste associé : après sa Trilogie (voir p 22) sa création, Ciels (du 18 au 29 juillet), qui met en scène le rapport des pères à leurs fils, quatrième volet de ce cycle sur la transmission (aveugle), conçu en chiasme. Pour accompagner la découverte de cet auteur, un petit livre édité chez P.O.L. par et pour le Festival d’Avignon. Voyage est une mosaïque de textes et d’entretiens, très éclairants. Sur la notion de théâtre populaire, sur l’ancrage dans l’histoire du Liban, sur l’importance d’une vision subjective. Et ce fameux «retour du récit» au théâtre. (comme si le théâtre contemporain avait voulu rompre avec une écriture narrative, quand c’est avec les conventions dramatiques qu’il a pris ses distances1) La fin du festival s’annonce passionnante, avec le retour de Warlikowski pour un montage de textes autour d’(A)pollonia (jusqu’au 19), qui emprunte à la littérature dramatique grecque (Euripide et Eschyle) et aux récits contemporain d’Hanna Krall, Jonathan Littel et Coetze pour interroger l’héroïsme en temps de guerre, le sacrifice des pères… Jouanneau se placera Sous l’œil d’Œdipe, à l’abri (protecteur ?) du mythe familial des Labdacides, famille qui boîte, s’expose, s’aveugle, et transgresse la génération (jusqu’au 26)… On verra aussi deux textes dramatiques : Casimir et Caroline de Von Horvath (du 23 au 29) dans la cour d’Honneur, et Angelo tyran de Padoue de Victor Hugo, à l’Opéra (jusqu’au 27). La danse sublime d’Ouramdane (ne ratez pas Loin, du 26 au 29, ni Des Témoins ordinaires, du 19 au 28), la création de

Mutilés en couleurs (A)pollonia de Krzystof Warlikowski © Magdalena Hueckel

Delbono, la venue de Marthaler, metteur en scène au style affirmé, musical, surprenant… Et le Théâtre des idées : parce qu’à Avignon on a toujours pensé le théâtre en temps réel… A.F.

Festival d’Avignon 04 90 14 14 14 www.festival-avignon.com 1

La question reste posée : y a-t-il jamais eu de récit au théâtre, même au temps d’Eschyle ? Sinon, pourquoi parler de retour ? Si on analyse le phénomène actuel comme un surgissement du récit au théâtre, les conclusions diffèrent : on cesse d’opposer le théâtre de texte (Mouawad, Warlikowsi, Jouanneau) et le théâtre d’image et de sons (Fabre, Delbono, Marthaler) pour constater que tous ensemble refusent l’écriture dramatique, lui préférant l’écriture scénique, ou l’épique…

Penser le théâtre

A.F.

Une fête pour Boris a été jouée à la Chartreuse du 8 au 15 juillet

Une fête pour Boris © Agnes Mellon

Le théâtre des idées se poursuit jusqu’au 26 juillet, au Gymnase du Lycée Saint-Joseph, sur entrée libre, à 15h Le 18 juillet : Quelle poétique et politi-que de la frontière ? avec le philosophe Michel Feher et l’historien Gérard Noiriel. Le 19 juillet : Comment devient-on un héros ? Comment devient-on un bour-reau ? avec la romancière et essayiste Nancy Houston et le philosophe Michel Terestchenko. Le 20 juillet : Quels retours du récit ? avec le dramaturge et metteur en scène, artiste associé du Festival cette année, Wajdi Mouawad et l’écrivain Christian Salmon, auteur de l’essai Story Telling. Le 25 juillet : Qu’est-ce que la pensée méditerranéenne ? avec le sociologue et philosophe Edgar Morin. Le 26 juillet : Les traces de l’histoire avec l’historienne Natalie Zemon-Davis. Les rencontres des quatre premières années (20042007) sont rassemblées dans un ouvrage intitulé Le Théâtre des idées, 50 penseurs pour comprendre le XXIe siècle, publié en 2008 aux éditions Flammarion

La mutilation au théâtre rappelle toujours quelque chose de Beckett. Surtout quand une femme tronc immobile hurle ses ordres… Une fête pour Boris, un des premiers textes de Thomas Bernhard, pullule de références et de palimpsestes. Bâti en trois parties qui vont crescendo -du monologue à peine interrompu à la polyphonie cacophonique-, sa cruauté conserve quelque chose de dévastateur, et de joyeux. Denis Marleau, metteur en scène hyper sensible à la musique de la langue, à ses rythmes et ses couleurs, monte le texte en caricaturant encore ses grimaces : la servante servile est un homme travesti (Guy Pion), le carton à chapeau envahit la moitié de l’espace, les mutilés sont une magnifique machine, marionnettes vidéo qui multiplient le visage de Boris comme autant d’avatars nanifiés… Christiane Pasquier, hallucinante d’hystérie, débite son texte sans reprendre son souffle, au millimètre près, comme une cantatrice exceptionnelle. L’ensemble est d’une beauté plastique sidérante, malgré l’horreur des situations convoquées : comme si tous ces corps infirmes et esprits malades conservaient une indiscutable envie de vivre. Tapageuse et contagieuse, malgré l’effroi.

Le Théâtre des idées 50 penseurs pour comprendre le 21e siècle ouvrage dirigé par Nicolas Truong, Flammarion, 22 euros


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Filiation dans un pays en guerre Tabarnak ! Quelle aventure théâtrale et humaine ! Dans une symbiose parfaite, les 23 comédiens de la trilogie intentée par Wajdi Mouawad ont répandu leur art, devant un public aussi attentif qu’ému par cette nuit magique, ce rêve de théâtre. Du crépuscule à l’aube, les trois premières parties de la tétralogie Le Sang des promesses, cycle de l’exil et des origines, ont résonné dans une Cour d’Honneur aux allures de camp de réfugiés. Wajdi Mouawad, photographe de l’âme et de la mémoire, à l’écriture terriblement vivante, nous renvoie à notre propre filiation auréolée de fils invisibles, secrets et profonds. Dans Littoral, réécrit pour la circonstance, le fils voulant raccompagner la sépulture de son père jusqu’à sa terre natale embarquera à sa suite, comme dans un rêve de cinéma, ses «prophètes». Personnage noyé par la réalité, Wilfried à l’issue de son périple s’affranchira de son enfance. «Je ne sais même pas si je rêve, je ne sais même pas si je dors, je capote un peu, là» dira le fils à son père. Le public ne vacillera jamais, fidèle jusqu’à la standing ovation du petit matin, pour acclamer ces raconteurs d’histoires. Occupants d’un plateau protéiforme dans une composition visuelle toujours contrôlée, instantanée, très picturale. Incendies, en écho à Littoral, est l’histoire de jumeaux qui voyagent pour trouver les fondements sur lesquels se sont édifiées leurs existences. «L’enfance est un couteau planté dans la gorge, on ne le retire pas si facilement» : l’héritage de leur mère, muette suite à une promesse, permettra aux enfants légataires de redessiner leur généalogie. Construite sur des flash-back, cette tragédie de l’amour impossible vient à bout du silence : le retour des enfants au pays natal figera l’addition monstrueuse. «Il faut casser le fil» : Œdipe s’en chargera en fracassant le destin de ces enfants en quête de leurs origines, dans le Liban en guerre où fut violée leur mère. Forêts (à une heure hautement caféinée !) raconte la

© Agnes Mellon

colère et le poids du secret, dans un bouillon de références aux mythes fondateurs et littéraires. Une fresque de promesses, de filiation, de don de soi et de la mécanique de l’histoire, à la narration découpée entre la mythologie, les deux guerres et le présent. Une enquête où la jeune Loup, avatar d’Antigone, née du sacrifice de sa mère, accouchera de son passé et déchiffrera les traces de sa destinée. «Ma mémoire est une forêt dont on a abattu les arbres». En recollant les morceaux de ce puzzle éparpillé, en réveillant six générations de femmes au cœur de forêts traversées par un secret, elle trouvera sa place dans le monde. Véritable élan de vie et hymne d’amour, Forêts laisse le public au petit matin en apnée, plongé dans son inconscient.

Le lien entre les spectacles est organique. Limpide et incandescent. Profond et drôle. Sans artifices. Aux entractes, les spectateurs errent dans les méandres du Palais des Papes, touchés par la grâce. À travers l’odyssée de ces personnages en quête d’identité, nous croisons notre propre destinée. Un retour aux sources de l’enfance et de la peur fondamentale et commune : celle de l’abandon maternel. DELPHINE MICHELANGELI

Littoral, Incendies, Forêts a été joué dans la Cour d’Honneur du 8 au 12 juillet

Entreprise urgente et vaine Carrière Le texte de Flavius Josèphe, la Guerre des juifs, fit l’objet en 1976 d’une (longue) préface de Pierre Vidal Naquet absolument fondamentale: Du bon usage de la trahison s’attache à cet Hébreu antique passé chez les Romains, et décrivant de l’autre côté, en historien qui pleure pourtant les malheurs de son peuple, la chute de Gamala, le massacre de Jérusalem et la destruction du Temple, puis le suicide collectif des Sicaires à Massada. À travers cet homme Juif capable de critiquer son peuple, ses divisions, ses extrémismes et ses sectes, Pierre VidalNaquet établissait des parallèles entre l’histoire antique et le «conflit» israëlo-palestinien. Il y aurait donc un «bon usage» de la trahison, qui impliquerait une fidélité à ses idées, aux circonstances et non à son peuple. Même si le cœur pleure, comme le disait déjà Joseph Ben Matthias, devenu Flavius Josèphe. C’est dire combien monter ce texte est signifiant pour Amos Gitaï. Puis de le jouer à Epidaure, Barcelone

instants, puis subitement émouvante. Mireille Perrier, en mère affamée infanticide, est la seule qui joue un peu son personnage, les autres campant des voix dans un décor d’échafaudages qui avance et recule inutilement. Reste que ce texte est toujours aussi questionnant, et l’entreprise d’Amos Gitaï très courageuse. A.F.

La guerre des fils de lumière contre les fils des ténèbres a été créé du 7 au 13 juillet © Christophe Raynaud de Lage - Festival d'Avignon

et Istambul. Même si dans la Carrière de Boulbon le cinéaste israélien est resté cinéaste, le résultat scénique consistant en une sorte d’oratorio qui superpose des voix, fait entendre des récits successifs, un sublime moment de chant, une prestation de Jeanne Moreau bafouillante par


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D’Or et de frontières Cette écriture de la scène, virtuose et constamment distanciée, prend corps dans un texte écrit pour elle, qui ose la poésie comme l’humour scato, fleure avec le potache puis plonge dans l’intime… Mais contient de l’agaçant aussi, parce qu’on regrette qu’avec un tel talent Hubert Colas garde un côté branché qui l’amène à sacrifier à certains tics actuels : une mise à poil inutile (une autre, dichotomique, est très drôle), un chanteur rock qui ponctue les scènes mais casse le rythme, un éphèbe suicidaire qui traîne sa mélancolie, et dont on ne sait s’il est drôle ou pitoyable… Et surtout, cette quête d’un personnage absent, christique, aimé de tous pour son charisme et son ineffable beauté, fuyant forcément, forcément artiste… Reflet d’un auteur et de sa sphère ? Dans laquelle les femmes et les hommes aiment le même homme, ont tous le même âge, et semblent n’avoir aucune vie familiale, pas de travail, pas d’enfants ni de parents, pas d’histoire ni de fonction sociale ? Branché, mais hors du monde…

Le livre d'or de Jan d'Hubert Colas © Christophe Raynaud de Lage - Festival d'Avignon

On constate une fois de plus avec le Livre d’or de Jan ce que l’on sait dans la région depuis plus de 15 ans : Hubert Colas est un grand metteur en scène. Avec un langage scénique maîtrisé, un métier, une inventivité qui ménage ses surprises, un sens du rythme évident, et un don exceptionnel pour la direction d’acteurs. Ce qui d’emblée garde le Livre d’or de Jan des défauts structurels qui règnent sur d’autres scènes : pas une seconde d’ennui durant ces deux heures, pas de flottement non plus, tout étant réglé au millimètre, et pas d’enflure inutile à la recherche d’un paradis épique littéraire. Et puis des moments fabuleux : Thierry Raynaud qui à deux reprises -moins au milieu- est bouleversant de sincérité, d’incarnation distanciée, d’intimité ludique, de drôlerie et de poésie. Des instants hilarants, numéros de clowns prosaïques empêtrés dans des situations cocasses dont ils racontent la drôlerie jusqu’à vous y enfoncer. D’autres scènes naturelles, qui transgressent pourtant tranquillement les frontières entre jeu et confession, acteur et personnage, réel et fiction, récit et représentation. Ceci grâce à la plasticité générale des acteurs, et à un dispositif scénique malin et efficace qui ménage, par des effets de transparence/opacification, deux

AGNÈS FRESCHEL

espaces scéniques qui communiquent ou séparent, et sert aussi d’écran aux projections.

Le Livre d’or de Jan a été créé pour le Festival d’Avignon Jusqu’au 18 juillet au Cloître des Carmes

Fabre est drôle Une entrée public devant les performers qui s’échauffent, avant de monter sur le ring. Puis coup d’envoi de la première orgie, celle de la course frénétique à l’orgasme. «Bienvenue à l’heure du plaisir» pleurniche un homme en plein concours masturbatoire. Comme d’habitude chez Jan Fabre, la provocation est systématique, mais là c’est assez juste et carrément drôle. Emblème du spectacle, le canapé Chesterfield reflète l’abrutissement de masse, accueillant des hommes et femmes capables de subir les pires outrages. Très à l’aise dans la farce, l’outrance burlesque, le pathétique, Jan Fabre critique la tolérance : celle de la banalisation de l’extrême droite, de la pornographie, du terrorisme, du luxe, de l’argent, de la société de consommation. «On pourrait acheter à en crever» bondissent les performers surexcités sur leurs confortables canapés. Lorsque des femmes accouchent, dans la douleur, de produit vaisselle

ou de cacahuètes, on est en pleine débandade ! Il n’épargne pas non plus le monde de la mode, de la publicité, de la télé-réalité. «À force d’être tolérant, on finit par supporter tout et n’importe quoi.» La bande son est remarquable, permettant des ruptures rock exceptionnelles. Quelques clichés, car ils sont tous réunis, sont carrément risibles, tel ce Jésus errant sur le plateau avec sa croix, ou cet homme se baladant avec son arme dans les fesses ! On rit devant ce coach qui entraîne ses ouailles à connecter leur centre à leur argent. Nous sommes les zappeurs de ce drôle de reflet d’une société, de son asservissement. Dans un Fuck You final et général, les 11 acteurs offrent une dernière danse jubilatoire et orgasmique. En nous faisant rire devant toutes ces inepties proprement intolérables, Jan Fabre souligne combien nous restons sensibles aux clichés qu’il dénonce…

Orgie de la tolerance © Agnes Mellon

Orgie de la Tolérance a été créé pour le Festival d’Avignon Jusqu’au 15 juillet, Cour du Lycée Saint-Joseph

DELPHINE MICHELANGELI

Défaites

Description d'un combat © Christophe Raynaud de Lage - Festival d'Avignon

Depuis une trentaine d’années Maguy Marin traverse, souvent en diagonale et en zigzags, en bonne compagnie toujours, des mondes et des moments, tantôt se drapant, tantôt tranchant dans les mots, les images et les musiques qui sont autant de témoignages de la puissance créatrice de l’homme. Les dernières œuvres sont

noires, à l’antipode de la grâce : Ah ah était un sublime réquisitoire contre le rire aliénant, Umwelt contre la disparition des rêves… Description d’un combat affirme de manière implacable, lente, distillée jusqu’à l’irritation, le pouvoir de destruction de l’homme. Les neuf interprètes travaillent d’abord à évacuer tout mouvement qui pourrait évoquer de près ou de loin la danse ; les déplacements trop bien réglés, sans surprise et ostensiblement prosaïques (soulever une étoffe plus ou moins lourde / aller plus loin / recommencer) rayent de la carte un demisiècle d’incarnation. Seule la langue se meut vraiment, circule à travers l’Iliade sous laquelle coule l’Épopée, de la retraite de Russie à la guerre d’Espagne... Péguy côtoie Von Kleist dans l’exaltation-dénonciation de tous les combats meurtriers. Au feuilleté du discours répond l’effeuillage de la scène ; d’abord doucement vallonnée de vastes tissus bleus (l’ennemi arrive par la mer), elle se laisse dépouiller par la main des glaneurs qui s’en revêtent et dégagent des flaques d’or, des lacs de lu-

mière, eux-mêmes mis à nu jusqu’au rouge de la pourpre et du sang. Des étendards se déploient furtivement et le plateau se vide laissant sur le sable des mannequins prisonniers de leur armure comme de ridicules crustacés échoués au fond de l’océan. Une splendeur visuelle dilatée hélas jusqu’à l’ennui... La méditation canonique, sur les liens de la beauté et de la cruauté, n’ouvre aucune voie... Et que faire du titre emprunté à la fois à une nouvelle de Kafka et à un documentaire de Chris Marker sur le jeune état d’Israël ? Quelle est l’issue du Combat ? MARIE-JO DHO

Description d’un combat a été créé pour le Festival d’Avignon Jusqu’au 16 juillet au Gymnase Aubanel En décembre au Merlan, Marseille


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FESTIVALS

LES HIVERNALES | MONTPELLIERDANSE

Sur le fil tendu Remonter sur scène à 52 ans, après 15 années d’absence physique, pour l’unique solo de sa carrière, est une entreprise surprenante. Y dire pour la première fois un texte est plus singulier encore... En fait Preljocaj s’est toujours méfié de la solitude. En dansant le Funambule il n’est pas seul en scène : il y est avec Genêt, et Abdallah son funambule, qu’il incarne tour à tour. Il conserve devant lui des écrans, loin de l’introspection impudique vers laquelle le solo plonge souvent. Le texte est un rempart sublime, qui permet cependant d’entrevoir le chorégraphe par analogie. Parce que la lettre d’amour de Genêt à Abdallah dédouble la figure de l’artiste : Angelin n’est ni cet auteur qui contemple, ni ce jeune corps triomphant qui danse sur son fil. Il est au mitan des deux, et projette sur ses interprètes, ici lui-même, son amour de la Grâce, comme un Narcisse vieillissant qui ne reconnaît plus sa créature dans les miroirs. Ce non-dit se révèle peu à peu émouvant. Malgré toutes les phrases de Genêt, son désir et ses souffrances n’apparaissent que peu dans cette œuvre : au moment de dire les mots d’amour homosexuel le danseur se tait, laisse place à sa voix off, se cache derrière des pans de tissu tombé. En revanche peu à peu Preljocaj exhibe son propre corps. Qui danse encore, très vite, très sec, très précis, mais raide forcément, blanchi, amaigri. Et lorsqu’il grimpe sans ciller vers les cintres sur sa barre tel un capitaine affrontant le vent, on est épaté qu’il puisse «encore» contempler ce vide, et regarder le public pour la première fois…

Un funambule, Angelin Preljocaj © JC Carbonne

funambule enfin, tout près du péril extrême. À la fin on sait qu’il a murmuré quelque chose de luimême. En parlant un instant albanais, en disant un texte pour lui fondateur, sa fascination du geste, de la santé, de l’argent, du spectacle… et cette douleur d’attendre chaque jour que le moment de l’exhibition revienne. On sait que le sang, le couteau, les déchirures, l’or et le sable, les pages que la scénographe déploie comme

des linges immaculés, tout cet attirail baroque emprunté à Genêt nous a emmené vers un endroit étrange. Qui n’est plus tout à fait le lieu du texte, mais ressemble sans doute à l’origine d’un désir : celui de danser…

hop comme du pas de deux, de l’équilibre circassien, de la musicalité du step et des mouvements cinématographiques. Fasciné par les danses traditionnelles et les battle hip hop notamment, Denis Plassard a entraîné son «équipe de joueurs endurcis» dans un mouvement ininterrompu, une danse électrique, convul-

sive où les corps sont livrés à des enchaînements et des combinaisons périlleuses. Pas un temps mort pour s’apitoyer sur soi-même et risquer de perdre ! Même quand la compétition est rude, les protagonistes s’opposent à coups de performances en bondissant d’une partie de catch à un duel kung-fu. DéBataille est un show fantaisiste interprété par des danseurs de haute voltige… De performance, il est aussi question avec Ambra Senatore qui, dans Maglie (Mailles) et Merce (Marchandises), œuvre par fines touches acides : décapants dans leur gestuelle et décalés dans leur intention, les deux soli sont d’un genre hybride. Une sorte d’installation chorégraphique et théâtrale en trompe-l’œil qui aurait toute sa place dans un musée d’art contemporain ou une galerie avant-gardiste. Qu’il s’agisse de sa réflexion sur le corps féminin et l’image en mouvement sans cesse transformée ou de sa dénonciation du tout marchand, Ambra Senatore offre une danse espiègle saupoudrée de clins d’œils complices et de poses suggestives. L’interprète de Roberto Castello, Jean-Claude Gallotta et Georges Lavaudant est désormais une auteur dont il faut retenir la signature.

AGNÈS FRESCHEL

Le Funambule a été créé lors de Montpellierdanse du 22 au 24 juin

Sur le plateau de l’Été danse des hivernales à Avignon, Hassan Razak (Onstap), Denis Plassard (Cie Propos) et Ambra Senatore ont offert un condensé de la danse actuelle. Trois formes (duo, groupe, solo) pourtant traversées par une même constante : le step ou percussion corporelle comme composante de leur vocabulaire. À plus ou moins forte dose selon leur écriture. Onstap en a fait sa marque de fabrique, Hassan Razak et Mourad Bouhlali ont su combiner dans Parce qu’on va pas lâcher cet esthétisme du geste et la précision du rythme avec le slam et le théâtre. Une ouverture source de richesse qui permet à la pièce de s’appuyer sur une dramaturgie, quitte à essuyer quelques revers comme l’essoufflement du rythme et une narration encore chaotique. «Comment peut-on faire de la musique en se tapant dessus ?» On les regarde simplement jouer de leur corps comme ils jouent d’une batterie et réussir, avec une économie de moyens, à ferrer l’émotion par leur énergie et leur présence généreuse. De l’énergie et de la générosité, les cinq danseurs et les trois musiciens réunis sur le ring par Denis Plassard n’en manquent pas non plus ! Les candidats de DéBataille s’affrontent à armes égales pour relever seize défis qui les laissent terrassés, malgré leurs acrobaties et leurs fourberies, tout cela avec une extrême élégance et une égale courtoisie. Dans l’arène, ils rivalisent de virtuosité, de dextérité, d’ingéniosité pour remporter la coupe, usant de la prouesse hip

Ambra Senatore, Maglie © Giorgio Sottile

Éclats de danse

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Spectacles présentés dans le cadre de l’Été danse des hivernales Quand les régions s’en mêlent…, jusqu’au 26 juillet, Avignon www.hivernales-avignon.com


FESTIVAL DE MARSEILLE

FESTIVALS

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Quelques réminiscences du Festival de Marseille, accompagnées des photos d’Agnès Mellon… Psyché

Anima

Six filles et trois garçons enfermés dans une chambre claire. Là encore les images sont violentes, mais énigmatiques aussi. Moins rock, moins trash, moins attendues: la violence est psychique, c’est celle de l’enfermement mental, et de la claustration physique dans un puits sans issue. Tous se projettent contre les murs, tendus vers les vasistas de lumière, grimpant sur les plâtres, frappant les carrelages froids et le sol dur aussi comme la pierre… On ne sait trop ce que ces corps vivent mais ils nous touchent, souvent. Parce que la violence que les femmes subissent est

Deux robes de voile blanc attachées par les manches, suspendues, se balancent, molles sous la voûte de la chapelle immaculée. Privées de corps elles dansent en cachette, animées de vie comme les objets magiques des contes. Un coup de ventilateur, des jeux de lumières et de son, un presque rein à la limite du décevant… mais audessus, comme un souffle qui effleure votre oreille un instant… A.F. 100% polyester de Chritian Rizzo s’est tenu dans la Chapelle de la Vieille Charité du 17 juin au 11 juillet

affranchie de regards masculins complaisants et semble intime, vécue. Parce que certains moments sont époustouflants de force, et d’invention chorégraphique. Parce que les attendus catégoriels sont dépassés, et que ces corps sur pointes, acrobates, athlétiques, hystériques, masqués ou lascifs -rarement- semblent animés d’une violence furieuse et familière. Féminine? A.F. La Chambre blanche de Ginette Laurin a été dansé les 21 et 22 juin au Ballet National de Marseille © Agnes Mellon

© Agnes Mellon

Gothique Le courant gothique n’est pas uniquement une mode adolescente et dépressive qui consiste à se mettre les cheveux en pétard et à se peindre les ongles en noir : il y a bientôt deux siècles de jeunes Romantiques, souvent nostalgiques de l’aristocratie révolue, adoptaient la tenue l’humeur sombres, et revendiquaient l’amour du décati, des couloirs humides, des drogues, des passages secrets peuplés de spectres et de revenants… En situant le deuxième volet de son Evelyne au Palais Longchamp, dans son aile humide et somptuaire consacrée aux Beaux-Arts romantiques, Chritophe Haleb tapait donc juste. En le peuplant de créatures gothiques contempo-

raines, et en adoptant un «dress code» noir, il semblait opérer un rapprochement bienvenu entre une mode contemporaine, et son ancêtre. Las le propos s’arrêta là. La soirée fut aussi décousue que les costumes en pièces, mosaïque d’images inachevées et de moments jamais écrits, ni dansés, ni performés même. Et qui entraînaient un public formé pour l’essentiel de professionnels dans des jeux collectifs à la limite du club med. Dommage ! A.F. Evelyne House of Shame n°2 a été créé au Palais des Beaux-Arts les 23 et 24 juin

© Agnes Mellon

Esthétique de la combinatoire Le Tangram découpe les carrés en sept éléments qui peuvent se décliner en une multitude de combinaisons géométriques... Aurélien Bory, scientifique de formation, a pensé à ce jeu chinois lorsqu’il a rencontré les acrobates de l’Opéra de Pékin. Et a imaginé un jeu de construction géant à leur mesure. Acteurs polyvalents, capables de prouesses extraordinaires, ils grimpent entre deux parois lisses comme un rien. Ils chantent aussi, sont musiciens, se jouent des situations avec humour. La réussite du spectacle repose sur eux, et sur la scénographie subtile. Tout est très pur, dès la première image dans une douce lumière jaune, la silhouette en contre-jour d’une joueuse d’erhu, violon à deux cordes. Puis des

glissements furtifs permettent les déplacements d’autres corps qui surgissent, occupent peu à peu l’espace dont l’éclairage s’intensifie. Rythmés er architecturés par la musique de Raphaël Wisson et les lumières de Tristan Baudoin, plusieurs tableaux se succèdent, les personnages se meuvent, impassibles, dans un univers déshumanisé, tout en déplaçant les pièces du puzzle... jusqu’au moment où le carré se recompose, debout. CHRIS BOURGUE

Les 7 planches de la ruse a été joué les 25 et 26 juin au Parc Chanot


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FESTIVALS

FESTIVAL DE MARSEILLE

Croquant Paris-Dresde L’une est née à Dresde, l’autre à Paris, rien ne destinait Katharina Christl et Simon Courchel à se rencontrer, sauf que Frédéric Flamand les a nommés solistes au Ballet National de Marseille. Get ready, I’m done raconte l’histoire d’un couple qui s’apprivoise et danse avec «l’énergie du désespoir»… Mais tout n’est pas noir dans le ciel de ce duo qui distille des pointes d’humour et quelques moments © Agnes Mellon

magiques. Le premier tableau est marqué d’une danse robotique, répétitive, portée par des silhouettes asexuées et encapuchonnées : les oscillations futuristes des danseurs ne convainquent personne, le sens des images diffusées sur les corps écrans par le truchement de capteurs thermiques n’étant pas maîtrisé… Mais très vite ils entrevoient la vie en rose lorsque le paysage urbain fait place à un espace bucolique : alors, quand la danse s’ébouriffe et se libère à la lisière de l’érotisme, quand l’homme roucoule, parade et joue de ses biceps, Get ready, I’m done provoque un frisson de joie. Mais cette séduction n’a qu’un temps et la belle n’est qu’un songe, la danse s’assèche à nouveau… En 50 minutes chrono, le duo emprunte au combat amoureux tout son vocabulaire pour offrir une danse piquante. Leur première pièce est un roman-photo chorégraphique dans l’air du temps, léger comme de l’eau de rose !

Canebière en coulisse

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Get ready, I’m done a été créé le 23 juin à la Friche

Cendre froide Être déçus par les Ballets C. de la B. n’est pas véniel : on les a tant aimés ! Mais là, franchement, on se demande ce qui suscite l’enthousiasme de la salle. Le propos, pauvre, tourne-t-il autour de l’écroulement ? D’une nostalgie évoquée par la musique ? Les arrangements de tubes baroques pour accordéon, théorbe et deux cordes sont très beaux, mais la soprano sonorisée maîtrise mal les aigus… et on ne comprend pas le rapport de cette musique avec la danse. Ni le décor, et ses bicoques blanches d’opérette : la verticalité permet de caser les instrumentistes, et de faire faire quelques figures à un danseur qui s’improvise trampoliniste -pas trop mal pour un danseur, mais les circassiens volent tellement plus haut !… On assiste ainsi à une série de saynètes, un jeu de grosses fesses amusant, un je te mène par le souffle plutôt joli, un mouvement d’ensemble au sol… Le tout manque singulièrement de sens, et d’invention chorégraphique : tous les mouvements partent du même élan naturel, rotatif : pas de sauts, pas de portés, pas de combinaisons de corps, pas de positions étonnantes, et beaucoup beaucoup de solos hystériques… Bref la danse n’est pas intéressante. Ce qui ne serait rien si le propos était fort. Mais quel est-il ? A.F.

Ashes d’Augustijnen a été dansé le 1er et 2 juillet à l’Opéra © Agnes Mellon

Long ! Certains chorégraphes devraient sérieusement se poser la question du format : la nouvelle, le court métrage, la pièce musicale ont montré depuis © Agnes Mellon

longtemps qu’une belle idée forte peut produire de merveilleux formats courts. Faire trembler en direct deux danseurs encapuchonnés, emprisonnés dans un décor envahi par un dessinateur PAO, et un espace sonore strié, lui aussi en direct, par un violon retraité et quelques sons de synthèse, aurait pu produire une très belle petite œuvre. 15 minutes qui auraient décliné les trois ambiances sonores, les quatre successions graphiques et les deux ou trois idées des danseurs transformés en étranges pingouins ou lutins numériques... Mais durant plus d’une heure, l’absence de progression dramatique, de variation ou de danse était d’un ennui mortel ! A.F.

Is you me a été dansé au Pavillon Noir les 4 et 5 juillet

© Agnes Mellon

L’annulation du Hangar 15 a du bon ! Tango toilet est à sa place exacte sur la Canebière, dans la vitrine exposée de l’Espace Culture, face à tant de passants… Tous s’arrêtent, appellent leurs enfants, applaudissent à cette performance à peine décalée. L’espace public populaire se prend au jeu de l’art. La performance, proposée 4 fois par jour pendant 5 jours, avait dès le samedi ses fidèles qui la voyaient pour la troisième fois… Il faut dire que c’est un petit bijou de simplicité : Rodrigo l’hidalgo se costume et se gomine dans les toilettes blanches d’un dancing, torero en habit de lumière… noir. Une danseuse surgit, scintillante, et ils exécutent un magnifique tango en prenant leurs appuis sur les murs étroits, le lavabo, en sautant dans la baignoire, en se renversant sur les toilettes. La contrainte et le décalage du décor transcendent la danse : ils sont beaux ! Puis se réajustent et sortent. Vers la piste ? Le double décalage du décor et du lieu public donne un joli ton léger à la démonstration virtuose… A.F.

Tango Toilet a été dansé par Cristina Cortés and Rodrigo Pardo du 3 au 7 juillet dans la vitrine de l’Espace Culture


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Violence Jamais les corps chez Vandekeybus ne sont tranquilles. Dans NieuwZwart ils subissent et exercent une violence extrême. Constante. Qu’ils soient à terre, nus, couverts, seuls, en groupes, en couples, ils se battent, s’humilient, se tordent, explosent. Un comédien dit un texte banal, en anglais, qui raconte une quête dans une obscure forêt. Trois musiciens assènent, forcément fort, des sons trop amplifiés qui déchirent l’air, batterie sèche qui claque, guitares qui trouent l’espace de leurs déchirures. Les images sont belles, le batteur impressionnant, les

danseurs exceptionnels. Mais quel est le sens de cette violence faite aux corps ? Ni le texte mièvre, ni la musique banale à force d’être extrême, ni l’absence de progression des tableaux ne parviennent à dessiner l’ombre d’un propos… A.F. nieuwZwart a été dansé au Merlan du 18 au 20 juin

© Agnes Mellon

La danse du Maître Teshigawara seul en scène danse. Sans autre apprêt qu’un costume simple, quelques effets de lumière sur les trois murs dressés, une musique qui superpose des trames sonores qui rapent ou coulent, des signals qui ponctuent. Lumière et musiques sont deux flots continus, et évolutifs, qui accompagnent les mouvements de son corps et le trajet opaque de sa danse. Flots qu’il écoute, ressent et transmet simplement, comme si tout l’univers vibrait en son corps, chambre d’écho du monde. Pas de démonstration virtuose dans sa danse, pas de saut, d’exploit, de transe. Juste une maîtrise extrême de tout ce qui compose le mouvement : l’espace dans toutes ses dimensions, la vitesse dans ses variations d’impulsion, ses arrêts, ses accélérations, ses lenteurs, et tout ce qu’un corps peut faire de rotations, translations, décoordinations, glissements, torsions… En dehors un peu, en parallèle plutôt, et en dedans, ployé, beaucoup : il est Japonais, le Bûto n’est pas loin. À deux moments, soudain, de la douleur. De celle qui étreint dans l’obscurité presque totale, sous des fenêtres de lumière dessinées, l’être qui ploie, se tord, subit. Puis la danse reprend possession du corps qui n’exprime plus que les abstractions qui l’entourent, et la plasticité de sa chair.

Beautiful Portraits Une soirée musique et cinéma.

A.F.

Miroku a été dansé les 9 et 10 juillet au Parc Chanot © Agnès Mellon

Rêvez / Réveillez-vous ! Pierre Droulers semble faire de cette injonction, contradictoire en sa profération, le fondement secret de son dernier spectacle dont les initiales W(alk) T(alk) C(halk) renvoient immanquablement à l’invention du cauchemar en boucle. Entre minimalisme chic des images vidéo -une craie trace inlassablement sa ligne claire, des grains de riz pleuvent sur les cordes d’une guitare- et bordel délirant d’un plateau en chantier, le chorégraphe nous offre une vitrine de ses choix esthétiques plutôt qu’un spectacle. Dans une demiebrume punko-gothique se trame une cérémonie non sans charme d’ailleurs : les corps lancés traversent et arpentent, poussés par la scansion de la belle prose de la Religieuse Portugaise... qui s’ensable dans les reflux sonores et la répétition. Avant ou après et surtout avant et après, sur une scène mise à nue et violemment éclairée, les danseurs saturent l’espace de rencontres et de fuite, d’élans et de frustrations qui renvoient davantage au concept de «contact improvisation» qu’à une invitation à déchiffrer ; un entrelacs de câbles blancs comme un cerveau aplati plane à mi-hauteur, métaphysique au ras des cintres qui laisse sur sa faim même le plus «gourmand de ciel» interpellé par la voix de John Giorno !! MARIE-JO DHÔ

W(alk) T(alk) C(halk) a été joué les 30 juin et 1er juillet au Merlan

© Agnès Mellon

L’image : commandés par le Musée Warhol et le Pittsburgh Cultural Trust, 13 portraits de quatre minutes, en gros plans fixes, noir et blanc, choisis parmi les centaines que l’ambassadeur du pop art a tournés entre 1964 et 1966 dans sa Factory. Des gens célèbres ou inconnus. Le son : Dean Wareham et Britta Phillips, anciens membres du groupe Luna, fondé en 1992 par Dean, rejoint par Britta en 1999, ont composé pour «habiller» ces portraits muets une musique originale. «C’est comme coloriser de merveilleux films noirs et blancs», précise le guitariste. Et c’est une belle «colorisation» ! Un voyage chargé d’émotion dans les années 60, où on voit défiler Dennis Hopper qui médite sur la musique lancinante de The Enabler, la superbe Nico qui semble vouloir fuir notre regard sur I’ll Keep It With Mine que lui avait offert Dylan ; Lou Reed, derrière ses lunettes noires, boit nonchalamment sa bouteille de coca, sur I’m Not A Young Man Anymore du Velvet Underground. La belle Ann Buchanan pleure sur une mélodie douceamère et Paul America mâche son chewing-gum au rythme du Teenage Lightning de Luna… Un beau voyage musical et cinématographique. ANNIE GAVA

13 Most Beautiful… Songs for Andy Warhol’s Screen Tests ont été projetés/joués le 6 juillet au Gymnase


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MUSIQUE

CONCERTS

Gospel de Marseille Le Gospel Massilia Sound semble un peu dépassé par son succès ce 19 juin à Saint-Victor. Pensez-donc ! Le groupe vocal amateur fondé par Grégoire Richard, il y a deux ans à peine, remplit déjà la nef et les travées de l’abbaye. À la porte on se presse… mais l’annonce est claire pour ceux qui n’ont pas réservé : le spectacle se joue à guichet fermé ! Il faut dire qu’après un disque et quelques concerts fructueux, les 25 chanteurs ont acquis une belle maîtrise et le travail porte ses fruits ! Dès les premiers traditionnels Down to the river to pray, Jéricho, on apprécie la polyphonie tonique du chœur dont les corps se balancent au rythme de syncopes chaloupées, la direction soignée de «Greg» qui communique son dynamisme aux chanteurs, invite le public à frapper des mains pour marquer le swing…

La joie se lit sur les visages ! Les solistes enchaînent de beaux standards de Steve Wonder, Art Blakey et la panoplie des incontournables : Happy day, Oh when the saints, Amen… Les voix de Georges, Marie Jo, Véronique, Cédric, Benjamin et Karine se détachent de la masse chorale et cherchent leur «blue note». Thierry Garcin de son grave cassé à la Armstrong, Benjamin Chassot et son ténor velouté ou le cuivré vibrant de Janice Mc Coy enchantent l’assemblée. Accompagnées par une section piano et basse, deux «pros» du Millenium Gospel Voices se joignent à la fête : Évelyne Barberino et Lydie Kotlinsky. On attend leur prochain disque… JACQUES FRESCHEL Massilia Sound Gospel © X-D.R

Du Jazz au Flamenco

Un fado tout en finesse Nuit d’été. Le vent souffle sur le grand néflier du Cloître des Oblats. Une voix nuancée, sensible s’élève, accompagnée de trois instrumentistes. Chants du quotidien, de l’amitié, fados aux lignes harmoniques qui s’épurent, douceur, emportements, murmures, une émotion qui se transmet par une magicienne, Carla Pires. Ah les belles chuintantes du Portugais! Elles irisent le phrasé musical de sutils échos, la langue devient musique, la musique sens. Expressive, Carla Pires se fait conteuse, et chacun se laisse séduire par cette Circé du Fado. Ses musiciens savent s’effacer devant le chant ; mais lorsque la scène leur est laissée, ils renouvellent les thèmes traditionnels. Ainsi, la guitare basse de Vasco Sousa prend des accents jazzy quand la guitare portugaise de Sandro Costa se lance dans des passages rapides qui met-

tent en valeur sa grande dextérité. La guitare classique d’Antonio Neto n’est pas en reste, si chaleureuse et intime lorsque Carla Pires chante avec son seul accompagnement… Le fado, ditelle, est la forme secrète des bonnes et des mauvaises choses de la vie, la destinée. Un chant qui ne triche pas. Lors de ses nombreux rappels -le public est debout-, Carla Pires lance son chant a capella : sa voix s’étire, enfle, s’alanguit, virevolte, égrène les arabesques ; les mélismes fusent, puis les instruments enchaînent, entrent dans la ligne d’une voix qui ne s’est pas égarée une seconde, «caminando» ! MARYVONNE COLOMBANI

Carla Pires s’est produite le 9 juillet dans le cadre des Nuits d’été aixoises

Carla Pires © Alexandre Almeida kameraphoto

Juan Carmona © X-D.R.

Le Château de l’Emperi à Salon recevait le 4 juillet Juan Carmona et son septet. Prendre le parti d’inviter de la musique du monde dans un festival jazz relevait d’un pari que Carmona a salué. Mais ce génial guitariste ne s’est pas enfermé dans le genre qui est le sien au départ, le flamenco. Il a su en retirer les élans, les passages virtuoses, les rythmes, l’esprit, tout en suivant une voie originale et personnelle, renouvelant avec brio ce genre si codifié, sans abandonner son âme à des tentations world. Ainsi, il choisit de mettre en scène une flûte traversière aux variations jazz, contrepoint onirique à une superbe guitare basse. Les percussions remodèlent le schéma classique des palmes. Un ensemble musical excellent, même si compère larsen se mêlait parfois à la mélodie ! Et que dire du danseur flamenco ! Tout en puissance et en souplesse, il a déclenché de belles ovations qui n’étaient pas que féminines! Situez le tout dans la cour renaissance du château, avec ses belles arcades et la couleur ocre de ses murs, une acoustique qui met en valeur la rondeur des sons… MARYVONNE COLOMBANI


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Sous les platanes de Fontblanche… Dimanche 5 juillet : le Yves Laplane 4tet s’est produit sur la petite scène jouant un jazz à suivre absolument ! Un duo ensuite avec la voix de Youn Sun Nah et Isabelle Olivier à la harpe : deux sirènes de la musique, qui ont créé un climat intemporel et poétique, pour un jazz féminin vraiment trop rare ! Quant au Paris Jazz Big Band qui fêtait ses 10 ans, il clôtura ce festival, satisfaisant les amateurs d’ensembles au fonctionnement bien huilé !

… trois jours de bonheur concoctés par l’équipe de Charlie Free ! Une équipe qui démontre cette année encore la pertinence de ses choix artistiques, et l’énorme énergie dont elle dispose pour accueillir son public lors de son festival annuel. La programmation en fait un des lieux de jazz qui compte en France. Les membres de l’association et Claude Gravier, son président, méritent un vrai coup de chapeau pour leur travail de longue haleine, leur programmation toute l’année durant, depuis 20 ans… couronnée par ces trois jours annuels, belle partie émergée d’un iceberg qui ne fond pas dans la chaleur estivale. D’émois en surprises, la première soirée du vendredi 3 juillet aura réussi à drainer près de 800 spectateurs pour écouter le duo surprenant d’André Minvielle (voix) et Lionel Suarez (accordéon). Jazz occitan, chansons rurales et nomades, de la cucurbitacée transgénique au Rocca Rocolo… Baptiste Trotignon 5tet a ensuite présenté Share, son dernier CD, agrémenté de quelques compositions de dernière heure. Des thèmes souvent constitués de mélodies simples, mais qui forcent le passage vers notre mémoire intérieure. Un concert léché, manquant peut-être, du coup, d’un peu de spontanéité, de groove ? Mais l’apparente simplicité a toutefois permis à chaque musicien d’émouvoir sincèrement le public. Le samedi 4 juillet aura été sans conteste le soir phare de cette manifestation : le Vrak’Trio, la festive et poétique Fanfarine, le Kami 5tet, jeunes musiciens engagés et percussifs de notre région… Apothéose de l’engagement dans tous les sens du terme, le quartet de David Murray avec Jaribu Shahid à la contrebasse, Lafayette Gilchrist au piano influencé par le grand John Hicks a produit

DAN WARZY

12e édition du Charlie Jazz Festival et 20e année d’existence de l’association Paris Jazz Big Band © X-D.R

des improvisations déroutantes hors des schémas habituels, l’expressivité de son visage augmentant notre sensation de communion et de plaisir… Hamid Drake, le batteur, est un homme à la fois doux et puissant. Ses accompagnements et solos ont été d’une variété et d’une richesse époustouflante. David Murray, tantôt au saxophone ténor tantôt à la clarinette basse, a montré que ses influences sont multiples et témoignent de son extrême culture : du standard revu et corrigé devenu méconnaissable, à la langue du free jazz. Il a assimilé ces discours pour en faire quelque chose d’inédit, lançant son pied gauche lors d’improvisations dans les aigus extrêmes, au-delà de l’étendue de l’instrument, dans une fluidité déconcertante. De plus, son âme militante en fait un ardent défenseur des droits de la communauté afro-américaine comme le montre la composition Yes, we can dédicacée à Obama qui clôtura le concert avec un rappel dédié à John Coltrane… David Murray «Black Saint» quartet © Gerard Tissier

De superbes affiches et T-shirts ont été imprimés pour l’occasion. www.charliefree.com


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MUSIQUE

CONCERTS

Chung sauve Verdi ! Si La Traviata, jouée en ouverture des Chorégies d’Orange le 11 juillet, n’a pas sombré sur la scène du Théâtre antique, c’est en partie grâce à la maestria de Myung-Whun Chung à la tête de l’Orchestre Philharmonique de Radio-France… autant qu’au courage, au métier déployés par Patrizia Ciofi, peu en voix ce soir-là, mais qui réussit à conserver à son personnage de «dévoyée» toute son expression dramatique. Dès les premiers pianissini de cordes Chung irradie, plonge les milliers de spectateurs massés sur les gradins dans une ambiance de tendresse et de rêve. Tout au long de l’ouvrage, il conduira sa la cohorte, par cœur, avec précision, puissance et une présence confondantes : c’est une véritable «force qui va» ! Malheureusement, on sent rapidement chez la Ciofi quelque blancheur dans le timbre, cotonneux dans le bas-médium. Du coup l’aigu manque fâcheusement d’éclat dans les morceaux de bravoure. Elle tient la scène grâce à sa science du bel canto, la souplesse des phrasés et sa maîtrise scénique. À ses côtés Vittorio Grigolo campe un excellent Alfredo, ténor jeune et dynamique, au chant souple, quand le paternel du baryton Marzio Giossi, si honnête soit-il, reste scéniquement un peu figé. L’habile mise en scène de Frédéric Bélier–Garcia expose d’emblée l’alpha et l’oméga de l’œuvre : du bal initial au lit funéraire. Par des jeux de plateaux roulants, il souligne sa dualité, alterne en tuilage les scènes de foule festives (une parade «gothique» chez Flora absolument somptueuse) et l’intimité de

La Traviata © Philippe Gromelle

la chambre où Violetta finit, abandonnée du monde. JACQUES FRESCHEL

Les Chorégies d’Orange jusqu’au 4 aout 04 90 34 24 24 www.choregies.asso.fr

Double gravité Compositeur libanais né en 1967, Zad Moultaka appartient à cette génération d’enfants ayant vécu la guerre. Cette précision pourrait s’avérer anecdotique si elle n’expliquait pas la question fondamentale posée par le compositeur dans sa pièce intitulée L’Autre rive : «Et si j’étais né de l’autre côté ?» La frontière, barrière symbolique qui clôt deux espaces antagonistes marqués par ce regard intransmuable qui voit en l’autre la personnification de la violence et de la haine, sert de clef de voûte à l’édification de cette pièce. Les deux cloîtres contigus de la Chartreuse de Villeneuvelez-Avignon, accueillant chacun une partie du public, ont figuré, lors de la création, les deux pôles de ces rives imaginaires. À la mobilité des chanteurs de Musicatreize s’évaporant d’une salle à l’autre, répondait la fixité des deux groupes instrumentaux: guitare-percussion, cymbalumpercussion. À l’entracte le public, acteur à part entière, était invité à changer de rive. Tel un chiasme, l’œuvre, construite autour de 12 poèmes, tentait l’expérience d’un temps à double directionnalité. Aux sonorités cristallines du cymbalum et des métallophones dans un temps très ductile, mémoire de la culture orientale de Moultaka, répondaient les sonorités plus dures et plus âpres

de l’autre ensemble. Le chœur, dirigé par Roland Hayrabédian, opacifiait l’ensemble en alternant de multiples techniques de chant (parlé, chanté, Zad Moultaka © Catherine Peillon

sifflé…). Musique anti-dyonisiaque par excellence la pièce s’éteignit doucement dans la pénombre. L’auditoire sous l’emprise de cette œuvre aux sonorités subtiles, à la noirceur éclatante, s’éparpilla dans le cloître dans un no man’s land de gravité, ruminant en silence la question initialement posée: «Et si j’étais né de l’autre côté ?» CHRISTOPHE FLOQUET

L’Autre Rive a été créée les 8 et 10 juillet lors du Festival d’Avignon


31 Le 3e Festival d’Orgue de Bouc Bel Air a été clôturé en beauté le 5 juillet par un récital éblouissant d’improvisations de l’organiste Philippe Lefebvre Avant de conter l’immense talent de l’organiste de Notre Dame de Paris dans une mosaïque d’improvisations dont il a le secret, soulignons la qualité de ce jeune festival qui a offert à un public nombreux et enthousiaste trois concerts magnifiques. L’orgue, instrument si particulier mais tellement magique, s’associe volontiers aux cordes et le duo avec violon composé d’Amandine Beyer et de Jan Willem Jansen aux claviers l’a amplement démontré, tant les œuvres de Bach et Couperin furent interprétées avec talent et passion. Yasuko Bouvard, claviériste familière du très complet instrument de Jean Daldosso a pour la seconde soirée croisé les lignes mélodiques avec l’orchestre baroque Les Passions sous la direction et la flûte à bec de Jean-Marc

Andrieu dans un répertoire original rendu par une grande interprétation. Mais le sommet de ces trois jours de musique fut le florilège d’improvisations donné par Philippe Lefebvre, un des grands maîtres du genre, qui laissa les auditeurs dans un état extatique. Après des variations dédiées à Bach au milieu d’une fantaisie et fugue en sol mineur rondement menée, le maestro laissa éclater son talent à travers divers styles, livrant avec pédagogie des explications bienvenues. Le grégorien dans un style français, et deux incroyables improvisations sur les thèmes des chansons populaires Nous n’irons plus au bois, et À la claire fontaine. Inventivité sans limite, pirouette, technique impeccable, créativité phénoménale... les substantifs ne suffisent pas : rendez-vous est pris l’an prochain ! FRÉDÉRIC ISOLETTA

Jean-Marc Andrieu © Jean-Jacques Ader

Abracadabrantesque !

Six cordes, neuf bougies, quatre démonstrations on poursuivit le festin avec l’arrivée de Rudi et Nini Florès, et une heure de promenade dans le Nord Est de l’Argentine et sa musique traditionnelle, le chamamé. Difficile de parler de duo face à une telle osmose et un tel équilibre entre les deux instrumentistes ; osons plutôt le terme de «guitardéon» ! Deux corps et une âme unique tissaient une trame sonore arachnéenne : la musique ne cédant jamais à la tentation de démonstration simplement virtuose… CHRISTOPHE FLOQUET

Pas si sèche ! Jorge Cardoso © X-D.R.

Pour fêter dignement ses 9 ans d’existence, le Festival international de guitare de Lambesc mit à l’honneur la guitariste marseillaise à la renommée internationale Gaëlle Solal et le duo argentin (guitare, accordéon) des frères Florès. Le 30 juin, le cadre verdoyant de château de Valmousse fut témoin d’un grand moment de magie. Au travers d’un programme qui fleurait bon l’Amérique latine -Piazzola, VillaLobos-, Gaëlle Solal, avec un jeu sans emphase et une virtuosité contenue, auréola de son talent un public émerveillé ; même les cigales alertes en ce début de soirée se turent devant ce moment de musicalité et de finesse ! Une technique parfaite, mais aussi une réelle puissance d’analyse et d’interprétation. Mis en appétit par cette prestation,

La veille au château (le 29 juin), la reine était dans un plus simple appareil encore. Lumières, perspectives aristocratiques et confortables, arbres, bassins, jets d’eau, scène sobre,

paravent et orchidées… Madame Butterfly ? Non, une guitare, une simple guitare sèche… Assis, en noir, penché sur son instrument comme une mère sur son enfant, Rafael Fernandez Andujar emporte les spectateurs dans le monde du flamenco, des danses andalouses, du fandango, par un phrasé d’une grande netteté, avec de superbes crescendos rythmiques. Maîtrise, précision… tandis que les cigales exacerbent leurs stridulations au cœur des platanes. Longs rappels dans le soir naissant, pause, tableaux, promenades… Jorge Cardoso, debout sur scène, commence la deuxième partie du concert comme une conférence, ironise, «je parle trop pour jouer moins» !, mais donne à comprendre Gaelle Solal © J. A. Serrano

l’évolution de la musique espagnole baroque vers la musique latinoaméricaine ; ainsi, ce morceau de 1700, Los Impossibles, qui contient le ferment de la samba, véritable hymne national argentin. Le crissement des grillons accompagne les accents de la guitare, jouée par combien de doigts? L’on entre dans une orbe de douceur… virtuosité jusque dans les passages qui s’y refusent, évidents de simplicité. Clarté, finesse, élégance… Une folie d’Espagne baroque de François Le Cocq recèle toute les techniques de la musique latine. Rappels nourris auxquels répondent un morceau sublime d’Eduardu Falu puis un «air du Nord». Pour finir ? On repart dans la nuit, le sentier fleure l’herbe fraîchement coupée… tout empreint encore de la majesté de la reine. M.C.


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MUSIQUE

CONCERTS

Le plaisir de grands interprètes Comme chaque année, le Festival de musique de Toulon et sa région a pris ses quartiers d’été du 12 juin au 10 juillet dans des lieux magiques comme la Tour Royale au Mourillon et la Collégiale Saint Paul à Six-Fours-les-plages. Réunis dans une programmation irréprochable faisant la part belle à tous les types de répertoire, de nombreux artistes talentueux et de renom sont venus honorer de leur présence un public qui ne pouvait qu’être conquis. Le 16 juin, le jeune violoniste serbe Nemanja Radulovic est venu enflammer la Tour Royale en compagnie de la pianiste Laure Favre-Kahn, dans un programme sur le thème de la danse. La virtuosité inouïe, décomplexée et jubilatoire du violoniste, servie par un jeu tout en équilibre entre la finesse et la fougue, se mariait à la perfection au jeu rigoureux et musical de la pianiste. Aux arabesques échevelées du violon répondait la plénitude et la richesse harmonique du piano et même dans les ouvrages les moins démonstratifs, la musicalité des interprètes faisait merveille, plongeant le public dans d’intenses moments de contemplation sonore. L’osmose entre les deux musiciens était telle qu’il devenait parfois difficile de deviner lequel d’entre eux accompagnait l’autre… Le 2 juillet, la collégiale Saint Paul accueillait sous ses voûtes le chant profond et inspiré du couple Montserrat Figueras-Jordi Savall et de l’ensemble Hesperion XXI. Dans un programme axé sur le patrimoine traditionnel du bassin méditerranéen, les interprètes nous ont livré des musiques aux charmes suaves, propices à la contemplation et au voyage onirique, maniant à merveille l’art de l’improvisation et les différentes techniques instrumentales. Tous deux s’engagent sans limites pour la diffusion et l’exploitation pédagogique de ce répertoire, qui établit un lien entre les cultures d’orient et d’occident. Deux jours plus tard, le 4 juillet, c’était autour du chant aérien et brillant de la soprano Claire Lefilliâtre accompagnée par l’ensemble Concerto Soave dirigé par Jean-Marc Aymes de résonner dans la Collégiale pour nous faire découvrir des œuvres profanes ou sacrées de compositrices italiennes du Seicento. Les richesses méconnues de ce répertoire baroque nous ont été transmises avec ferveur et passion par des interprètes sublimes manifesteQuatuor Psophos © Denis Rouvre

Laure Favre-kahn © Caroline Doutre-Transart

ment rompus à cette esthétique. Toujours autour d’interprètes féminines, le concert du 7 juillet s’articulait sur un programme de musique de chambre constitué d’œuvres phares du répertoire, Les dissonances de W.A. Mozart joué avec finesse et luminosité par le quatuor Ardeo, La jeune fille et la mort de F. Schubert somptueusement interprété

par le quatuor Psophos, et pour finir le flamboyant Octuor de F.M. Bartholdy pour l’interprétation duquel les deux formations se trouvaient réunies afin d’en livrer une version éclatante… Un festival d’une irréprochable tenue ! EMILIEN MOREAU

Mémoire vive Le Toursky, terre d’accueil idoine, a été du 10 au 11 juillet le théâtre du 4e Festival des Musiques Interdites par le IIIe Reich Interdits et rejetés, des opus oubliés de Mendelssohn et Laks ont pu être créés grâce l’initiative de Michel Pastore, concepteur de ce projet singulier. Athalie, musique de scène d’après Racine de Mendelssohn fut, comme beaucoup d’œuvres, rayée du répertoire par la dictature nazie. Cette œuvre, dont le texte originel est en français, fut sans nul doute interprétée par les prisonniers du camp de Terezin, où la vie musicale était intense. Sous la baguette de Cyril Diederich, l’Orchestre de l’Opéra de Marseille a soutenu efficacement le chœur Adfontes Canticorum dans une musique enjouée malgré le récit hésitant et peu investi de Julie Depardieu… Jean-Philippe Lafont et William Mesguich à la déclamation, ainsi que Sandrine Eyglier, Eugénie Danglade et Simona Prochazkova au chant surent malgré cela donner de l’éclat à cet ouvrage, à découvrir. Les mêmes protagonistes auxquels il faut joindre une Marie Laforêt rayonnante et généreuse, dirigés de main de maître par le chef Lukas Borowics ont ressuscité le lendemain et pour le plus grand bonheur d’un public nombreux et enthousiaste des œuvres du compositeur Simon Laks, victime du régime de Vichy et déporté à Auschwitz. Magnifié par les très belles voix de

Orchestre Philharmonique de l'Opera de Marseille © X-D.R.

Manuel Camelino et Olivia Dorai, l’opéra féerique L’hirondelle inattendue, aux couleurs tant raveliennes que faubourg début de siècle (le XXe, bien sûr), a reçu un accueil triomphal tout à fait mérité. On ne peut que souligner le fructifiant travail de mémoire envers l’œuvre de son père : André Laks nous a permis également de découvrir le sublime Poème pour violon et orchestre rappelant Chostakovitch et Prokofiev, interprété de façon admirable par Judith Ingolfsson sous la baguette de Vladimir Stoupel. Des Musiques interdites d’une grande qualité et qui, paradoxalement, laissent entrevoir une réelle force de vie… FRÉDÉRIC ISOLETTA



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MUSIQUE

CONCERTS

Petit festival devient grand Pour la quatrième année consécutive, Peynier ouvre l’été par un festival qui unit l’histoire de la région à… l’Ukraine ! Oui, lecteur, tu t’interroges avec raison. Par quelle fantaisie le petit chemin qui mène au théâtre de verdure se nomme-t-il le Sentier des volontaires ukrainiens ? Parce qu’ils se sont engagés aux côtés de la France dans la légion étrangère en 39-40. Et que leur village d’attache fut Peynier… La tradition des relations se perpétue aujourd’hui, pacifique, avec le chef Grigori Penteleïtchouk et l’orchestre, le chœur et le ballet de l’Opéra National d’Ukraine. Le festival se veut populaire et de qualité. Les deux spectacles, présentés par une Eve Ruggieri tout en verve qui donne à chacun l’impression d’être familier des plus grands artistes, sont connus du grand public. Ou du moins les grands airs, par les biais de la publicité ou des jingles de l’audiovisuel: La Traviata de Verdi et les Carmina Burana de Carl Orff. Servis par des chanteurs de qualité : jolis aigus de Sylvia Hwang, interprétant le rôle de Violetta, beaux graves de Marc Mazuir en Germont. Cependant les pupitres de la Traviata sont trop souvent mal équilibrés par une sonorisation impropre à l’opéra : certains duos manquent ainsi de réelle émotion, par la disproportion des voix qui, au départ, sont bien placées. Le chœur nombreux et magnifiquement costumé est un peu trop statique dans les moments de fête. Une belle représentation cependant dans le cadre exceptionnel du théâtre de verdure de Peynier. La version chorégraphiée des Carmina Burana ne souffrait pas des mêmes problèmes : portée par un double chœur superbe et aux remarquables solistes, l’orchestre lui-même, desservi par les balances le

Carmina Burana © Pixeomedia 2009

premier soir, était inspiré. La pluie seule manqua déranger cette fête du spectacle ! Mais quelques discours et de nombreux coups de serpillière surent faire patienter avec humour et jovialité un public bientôt ravi par l’interprétation chorégraphique de 14 danseurs de Théâtre National de l’Opéra de Liv. Rareté s’il en est : les festivals hésitent aujourd’hui à présenter d’aussi grosses productions. Le public ne se trompe pas, le théâtre est comble. Le succès de ce jeune festival lui permet d’envisager aujourd’hui de tels spectacles alors qu’il avait

débuté plus modestement avec des pièces orchestrales, puis des opéras réduits à des versions oratorio. Cultivant avec conviction les partenariats et les relations avec les entreprises, le festival bénéficie de l’appui des maires, ainsi que du soutien de la communauté du pays d’Aix. Les manifestations s’étendent, les spectacles sont donnés à Mimet et à Rognes, dans les anciennes carrières. L’an prochain, Aix-en-Provence est visée… MARYVONNE COLOMBANI

Concert pour violon et mistral Dans le cadre du festival d’été organisé par les Floraisons musicales, le Jardin de l’Enclos de Saint Maximin recevait le 6 juillet, un trio assez particulier : le violoniste Pierre Hommage, soliste à l’Opéra de Marseille, et des danseurs que l’on ne présente plus, Marie-Claude Pietragalla et Julien Derouault. Chorégraphie autour des Partita I (en si mineur), II (en ré mineur), III (en mi majeur) pour violon seul de Bach. Difficile de cerner les intentions des chorégraphes. Les mouvements, parfaits techniquement, semblent tourner à vide et seules quelques envolées inspirées nous réconcilient avec le sens. De plus, ce soir-là, le vent composait sa propre partition, contrepoint inattendu à la sage ligne mélodique de Bach, soufflant ses harmonies dans le micro de l’instrument, gênant ainsi l’écoute. Ce n’est que dans ses accalmies que le son large et subtil du violon donnait sa pleine mesure… et

faisait pester contre la mode estivale de la musique en plein air ! Dans un lieu plus intime, l’émotion savante recherchée aurait pu trouver sa réelle mesure. MARYVONNE COLOMBANI © Pascal Elliot

Le salon d’Exerjean On connaît les talents de conteur et pianiste d’Edouard Exerjean, sa double passion pour la musique et la littérature. C’est sous les stucs et dorures de la Villa Magalone qu’il a fait revivre, le 23 juin, l’atmosphère des salons parisiens au temps de L’âge d’or de la musique française (18751930). Pour ce faire, Exerjean a exhumé une de ces femmes d’esprit qui, à l’instar de la princesse de Polignac, réunissait rituellement, dans son hôtel particulier et autour de mets choisis, le panthéon des artistes du temps, des musiciens en particulier. Marguerite de Saint-Marceaux a bien failli s’appeler Madame Saint-Saëns, mais elle épousa un peintre, puis un sculpteur, tous deux de familles aisées. À l’abri du besoin, «Meg» tint salon et surtout, un journal recelant

de merveilleuses pépites sur la petite comme la grande histoire de la musique : portraits au vitriol, allusions aux créations mythiques (Le Sacre du printemps), à l’ouverture de l’Opéra comique, au poids de la guerre et de la musique allemande, piquant récit de voyage à Cassis et Marseille… Sa plume est d’une étonnante acuité sur le conformisme, la mode et la modernité… En contrepoint des lectures, on a goûté, parfois à quatre mains avec Nicolas Mazmanian ou en accompagnement de Raphaële Leidecker (soprano), à Debussy, Fauré, Falla, Ravel, Chabrier, Messager, Hahn, les «Six»… suivi le tracé d’une vie, longue et remplie, jusqu’aux ultimes mots… avant qu’avec regrets le livre ne se ferme ! JACQUES FRESCHEL


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Sous la bonne Étoile

Dominik Wollenweber © X-D.R.

Dominik Wollenweber, cor anglais solo de l’Orchestre Philharmonique de Berlin, connaît les salles de concert les plus prestigieuses de la planète comme d’autres les commerces de leur quartier. Quelle surprise de le trouver le 4 juillet au programme de la quatrième édition de Musiques d’Étoile, accompagné des quatre Marseillaises du Quatuor Ga-

rance, dans la chapelle d’Etoile-SaintCyrice, pittoresque village des Hautes-Alpes ! Dans le quatuor de Mozart pour hautbois et trio à cordes, il allie légèreté et puissance, maîtrise et intuition, ampleur et finesse. Avec aisance, bravoure, mais aussi une simplicité touchante, culture de son orchestre… alors que le jeune Quatuor

Garance scintillait en l’accompagnant avec verve et raffinement. Après les enchaînements envoûtants du quatuor de Philip Glass, le Quatuor Garance s’attaqua au Cavalier de Haydn dont l’écriture ajourée, les facéties et les rythmes rebondissants, brillaient de tout leur éclat sous leurs archets. Pour clore le concert, le soliste révéla tout son talent avec son instrument de prédilection, le cor anglais. Dans Mozart il déploya des sonorités lyriques d’une souplesse littéralement inouïe. Avec le quatuor pour cor anglais de Jean Françaix, il aborda des registres plus hybrides où s’unissent les influences du jazz et d’un classicisme malicieux, dans une élégance bien française. Les pirouettes vertigineuses, puis le sentiment profond du mouvement lent étaient rendus avec une sincérité émouvante. Le rebond des motifs rythmiques du dernier mouvement palpitait comme un rapide numéro de jonglage entre cor et cordes, époustouflant de justesse. BENJAMIN CLASEN

Du temps de Belsunce Pour le dernier programme du Concert de Marseille, exhumé cette saison dans la cité phocéenne à l’initiative de Guy Laurent (la société de concerts fut fondée à l’origine, en 1717, par des notables de la ville), les Festes d’Orphée s’attachent à recréer une authentique cérémonie funèbre. C’est autour du magnifique Requiem du maître baroque provençal Jean Audiffren qu’est conçu le spectacle. On ne soulignera jamais trop le travail accompli par l’ensemble de musique aixois dans la recherche, la mise en valeur et la révélation de l’immense répertoire patrimonial des chapelles provençales. La Messe des morts d’Audiffren, chantée en 1755 à l’occasion des funérailles de Monseigneur de Belsunce, grande figure historique à Marseille, a été exhumée en 1991 par Les Festes d’Orphée. Le chœur, les solistes et l’orchestre baroques se montrent à leur avantage dans un style essentiellement vertical, ponctué d’imitations dynamiques et jubilations en flammèches, une harmonie large et scintillante générant quelque dissonance expressive, un étonnant Dies Irae sur bourdon pointant du doigt son origine médié-

vale… Une musique qui n’a rien à envier à celle de contemporains plus illustres ! La «cérémonie» s’est déroulé au rythme de textes déclamés, façon baroque, tirés de l’Oraison funèbre de l’évêque de Marseille, de mélodies sombres de flûtes adroitement tissées entre elles par Pierre Gautier de Marseille et

conclue par le lumineux et fort rare Magnificat de Jean-Baptiste Vallière. JACQUES FRESCHEL

Programme joué le 1er juillet à l’Eglise Saint Laurent, Marseille et le 5 juillet dans le cadre d’Aix en baroque au Sacré-cœur

Choeur des Festes d'Orphee © Les Festes d'Orphee - 2009

Le père du clavecin Blotti sous la coupole Puget de la Vieille-Charité, au pied des colonnes et pilastres du XVIIe siècle, un clavecin attend son interprète. Bientôt Jean-Marc Aymes s’installe et teste sa dextérité à l’épreuve de quelque Toccata, tout en souplesse et pulsation libre. Au programme ce 25 juin : Girolamo Frescobaldi! Ceux qui ne fréquentent pas assidûment le clavier à cordes pincées, instrument-roi de l’ère baroque, connaissent mal ce musicien. Maître romain post-Renaissant, Frescobaldi (1583-1643) est un peu au clavecin ce que Monteverdi est à la voix, au madrigal et à l’opéra balbutiant. Il introduit dans la polyphonie rayonnante, héritée du XVIe siècle, le «nuovo stile» propre à la monodie chantée et les fameux «affetti» baroques (soit une sorte de «traduction» musicale de l’expression des passions humaines). Par la fusion qu’il opère, Frescobaldi donne à l’Europe musicale l’une des premières grandes sommes de la musique pour clavier dont Froberger et Louis Couperin seront les premiers héritiers. Dans un programme magnifiquement bâti, Jean-Marc Aymes nous guide, peu à peu, des tentatives initiales d’ouvrir la polyphonie au nouveau langage (Fantasia prima), aux impressionnantes dissonances expressives des Capricci, au sommet virtuose de l’injouable 9e Toccata, au chefd’œuvre des Partite et ses «variations infinies», dans un accord (tempérament mésotonique) à faire grincer les oreilles des pianistes accoutumés à la division dodécaphonique de l’octave. Du grand art ! JACQUES FRESCHEL

Jean-Marc Aymes publie le 3e volet de son intégrale Frescobaldi (voir disque p.56)


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CINÉMA

LES RENDEZ-VOUS D’ANNIE | FESTIVAL DE CINÉMA ISRAÉLIEN

Les rendez-vous d’Annie Du 1er au 14 août, dans le cadre de son festival, Grandeur Nature propose, sous les étoiles du Queyras, des projections de films qui portent un «autre Regard sur la Nature et les Merveilles du Monde» ; parmi lesquels : Latcho Drom de Tony Gatlif, Au delà des Cimes de Rémi Tézier, Inland de Tariq Teguia, Tulpan de Sergey Dvortsevoy…

En juillet, en pays dignois, Les Rencontres Cinématographiques de Digne proposent des projections gratuites, sous le ciel étoilé de Haute Provence : le 17 juillet à Estoublon, Tour du monde tour du ciel de Robert Pansard-Besson, le 18 à Entrages, Marius d’Alexander Korda, le 25 au Chaffaut, La vie moderne de Raymond Depardon, le 29 à La Javie, Séraphine de Martin Provost, et le 30 à Mirabeau , Le fils de l’épicier d’Eric Guirado.

www.festivalgrandeurnature.com La vie moderne de Raymond Depardon © Ad Vitam-Palmeraie et desert-France 2 cinema

Rencontres Cinématographiques 04 92 32 29 33 www.unautrecinema.com

Du 27 juin au 24 juillet, l’Alhambra propose dans différents quartiers de Marseille ses Ecrans sous les étoiles, à la tombée de la nuit : La Nuit au musée de Shawn Levy, Le Destin de Chahine, Kung Fu Panda de Mark Osborne, Juno de Jason Reitman, Persépolis de Marjane Satrapi… Alhambra Cinémarseille 04 91 46 02 83 www.alhambracine.com

Les docus, l’été… Si vous passez par l’Ardèche, cet été, faites un détour par Lussas, un joli petit village, non loin d’Aubenas, où se tiennent, du dimanche 16 au samedi 22 août, les États Généraux du Documentaire : projections, rencontres, séminaires. À l’honneur, les documentaires roumains et polonais, une vingtaine de films venus de France, de Belgique et de Suisse et comme chaque année, le travail des cinéastes africains, les documentaires sur la musique avec la SACEM, une journée entière de projections et de débats avec la SCAM… Et bien sûr, tous les soirs, apéritifs, musique dans les rues du village… Histoire de finir les vacances sans bronzer idiots ! AG

04 75 94 28 06 www.lussasdoc.com

Que peut le cinéma ? Le Festival de cinéma israélien qui s’est tenu au cinéma Les Variétés à Marseille a permis au public de voir de voir une dizaine de films, de rencontrer réalisateurs et acteurs Il a été difficile d’accéder à la séance d’ouverture, «protégée» par la police, en raison des manifestants pro palestiniens qui appelaient au boycott du festival. Même si on peut comprendre leur position, on se doit d’interroger sa pertinence. Que peut le cinéma ? Valse avec Bachir par exemple, a offert aux Israéliens une plongée dans le massacre de Sabra et Chatila. Un premier dessin animé documentaire de long métrage qui a marqué le public mondial et représenté Israël, et a y compris été salué par les Palestiniens Nurith Gertz et George Khleifi. Certes, ce n’est pas le film d’ouverture qui a permis de réfléchir à cette problématique : «Il s’agit d’un film «non politique» qui raconte une histoire se déroulant en Israël avec en légère toile de fond, l’actualité», précisent Emmanuel Naccache et Stéphane Belaisch, les réalisateurs. Le Syndrome de Jérusalem est une comédie et on rit de bon cœur aux situations cocasses que rencontre Jonas, -Lionel Abelanski au meilleur de sa forme-, un Français qui ne sait plus qui il est, atteint du syndrome de Jérusalem et convaincu d’être le prophète Jonas. Même choix pour Eran Merav, le réalisateur du film de clôture, Zion et son frère, un premier long métrage grave et beau. «Je voulais un film simple au message universel, qui s’inscrit dans le contexte israélien. Mais même quand on fait le choix de ne pas faire un film

politique sur le conflit, le conflit ressort. Quand un enfant meurt -c’est le cas du jeune Ethiopien- et que personne ne le recherche, cela questionne ! L’idée de départ est celle de deux frères qui s’aiment mais ne savent se le dire qu’en se criant dessus. Chacun a ses blessures, chacun essaie de s’en sortir dans une famille «cassée»». Pour Reuven Badalov (Zion) et Ofer Hayun (Meir), c’est une première expérience cinématographique concluante, à côté de Ronit

Elkabetz, (Ilana, leur mère), superbe comme d’habitude. Une parabole de la société israélienne, qui sort cet été et qu’il ne faut pas rater. Dans l’ensemble c’est bonne cuvée que ce dixième festival : ne ratez pas non plus Jaffa de Keren Kedaya ! ANNIE GAVA

Le realisateur Eran Merav et les deux acteurs Reuven Badalov et Ofer Hayun © Agnes Mellon


THE BEST OF SHORT | AFLAM

CINÉMA

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The Best of Courts métrages Pour la huitième fois, l’équipe d’Yvan Lemoine s’installe à la Ciotat pour The Best of Shorts Films Festival, du 11 au 13 septembre Comme d’habitude, il réunit les meilleurs courts métrages de la planète, une soixantaine de films primés par un Grand Prix ou un Prix du Public comme Please say something de David O’Reilly, Ours d’or à Berlin ; Miente de Isabel De Ocampo, Goya du meilleur CM de fiction à Madrid ; Arena de João Salaviza, Palme d’Or à Cannes ; Slavar de Hanna et David Heilborn, Cristal d’Annecy ; Tierra y Pan de Carlos Armella, Lion d’or à Venise, ainsi que les films primés dans les plus grands festivals, Sundance, New York, Londres, Sarajevo, Ougadougou, Rio de Janeiro et bien d’autres. Cette année, The Best of Shorts a décidé d’enrichir sa programmation et de proposer aux festivaliers un vrai voyage dans le court métrage. Ainsi, la soirée d’ouverture, le 11 septembre est consacrée à une rétrospective de l’œuvre d’Olivier Smölders en sa présence et on pourra ainsi (re)voir Adoration, Seuls, Point de fuite, Ravissement et Petite anatomie de l’image. Le festival se terminera le 13 septembre par le meilleur du court métrage belge ! Concerts, bal populaire se tiendront sur la place Evariste Gras, devant le Cinéma Lumière et dans la cour de l’Eden Théâtre et, ajoutant un zeste de

Miente de Isabel de Ocampo

convivialité et de bonne humeur, Générik Vapeur ponctuera le festival de spectacles de rue animés par l’esprit du cinéma. A.G.

Best of Short Films Festival du 11 au 13 septembre 04 86 13 22 70 www.bestoffestival.com

Ville noire C’est en présence d’Omar Lofti et Anas El Baz, acteurs de Casanegra, que s’est ouverte, au cinéma Variétés, la troisième Édition des Ecrans des Nouveaux Cinémas Arabes. AFLAM a proposé douze films, pour la plupart inédits, de tout jeunes réalisateurs et réalisatrices. Des films aux sujets audacieux qui font apparaître la vivacité des cinématographies arabes, en particulier celles du Maroc et du Liban. Casanegra est le nom que donne aux quartiers pauvres de Casablanca un chauffeur de taxi qui a promis à Adil (Omar Lofti) un visa pour la Suède, moyennant argent, bien sûr. Pour avoir la somme demandée, Adil est prêt à tout ; il échapperait ainsi à la misère, à son beau-père ivrogne qui bat sa mère avec la régularité d’une horloge. Quant à Karim (Anas El Baz), son ami, ce n’est pas à Malmö qu’il rêve, mais à une riche antiquaire qui va l’aimer, le temps de s’apercevoir que c’est un «pauvre». Adil et Karim vont se trouver pris dans l’escalade de la délinquance, poussé par Mzricek, le truand fou à la perceuse, qui courtise sa belle au Tout va bien et adore Nico, son chien.

Nour-Eddine Lakhmari filme bien sa ville, la nuit : de longs travellings, des plans en contre-plongée, rythmés par une musique qui martèle les moments forts, un peu trop parfois. Le réel est bien là, la misère, la saleté, les combines, le luxe arrogant mais avec des

choix esthétiques qui rappellent parfois, ceux de Scorcese, le cinéaste préféré de Lakhmari. À travers une galerie de personnages tour à tour violents ou tendres, émouvants ou détestables, qui échangent avec le langage cru de la rue et s’in© A.G

sultent à tour de bras, ce sont toutes les contradictions du Maroc d’aujourd’hui que montre le cinéaste. «Si le film a fait revenir au cinéma le public marocain et a fait plus d’entrées que les films américains et indiens, il a aussi suscité une grand polémique dans un pays en crise économique et identitaire», a précisé le critique Ahmed Boughaba. Et Anas El baz d’ajouter qu’il avait été très difficile de trouver un acteur pour jouer le beau-père d’Adil, non parce que le personnage bat sa femme mais parce qu’il se masturbe devant la télé. Ce n’est pas la scène la plus audacieuse ! Un des moments les plus forts est la séquence où Karim, embauché dans l’usine de poissons où son père, en piteux état, a travaillé durant trente ans, rend sa paye du jour, un billet de 50 dirhams (5 euros !) au patron, en l’insultant. Un vrai geste de révolte contre l’exploitation ! ANNIE GAVA

Casanegra, de Nour-Eddine Lakhmari. Sortie en octobre.


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CINÉMA

FID | ENTRETIEN AVEC ARIANE ASCARIDE

Cinéma parlant Cette vingtième édition du FID sera la plus belle ! nous a promis Aurélie Filipetti. Si à l’heure où nous mettons sous presse il est trop tôt pour le vérifier, les acrobaties promises par Noémie Behr, la Secrétaire Générale, au Gymnase, ont bien eu lieu lors de la soirée d’ouverture. Des dizaines de spectateurs n’ont pu y accéder qu’au dernier moment ! Tous avaient envie de (re)voir le film de Luc Moullet qui avait également ouvert la Quinzaine des réalisateurs à l’Alhambra, (voir Zib’ 20), La Terre de la Folie. «Offert au recommencement, offert à la mémoire de l’aube», comme l’a murmuré Jean-Pierre Rehm, présentant avec beaucoup de poésie la photographie de Hiroshi Sugimoto, visuel du FID cette année. Il a également rendu un hommage à Jean-André Fieschi, cinéaste, écrivain et enseignant de cinéma, disparu brutalement au Brésil au moment de son intervention dans un colloque sur Jean Rouch. Il avait réalisé, entre autre, Pasolini l’enragé en 1966.

Parler les mots Pasolini, dont on retrouve les Lettres Luthériennes dans le film d’Elise Florenty, Gennariello due volte. C’est le nom que Pasolini donne à un jeune Napolitain de quinze ans, imaginaire, lorsqu’en 1975 il rédige ce «petit traité pédagogique» qui parle de sexualité, de liberté, de l’école, de la télévision et de toutes les dérives de la culture bourgeoise. Il a cinquante trois ans, l’âge qu’aurait aujourd’hui son Gennariello. En le faisant «parler» aux jeunes Napolitains d’aujourd’hui qui occupent leurs lycées, font du foot, dansent, vivent, Elise Florenty fait surgir trois strates de jeunesse, celle de Pasolini, celles des années 1975 et 2009. Les extraits qu’elle a choisis sont superbes, certaines images aussi, parfois. C’est aussi au témoignage que nous permet de réfléchir le film de Vlado Skafar, Nightime with Mojca. Mojca est une animatrice de radio nocturne à qui ses

Jeanne Balibar dans Ne change rien de Pedro Costa

auditeurs confient leur solitude souvent, leurs joies, quelquefois. Ils l’aiment, le lui disent, l’invitent, l’appelant de Slovénie ou de l’étranger ; certains sont des habitués. Le cinéaste a enregistré épisodiquement, durant huit ans, cette émission qui existe depuis 1994. Des images de la vie quotidienne en Slovénie mais qui pourraient être d’ailleurs. Grâce aux cadrages qui se resserrent au fil du film, on s’approche de plus en plus intimement des voix-personnages ponctuées par des écrans noirs. Un documentaire qui met en relief la puissance de la parole. Le parti pris de Dana Ranga dans Oh ! Adam est inverse : c’est à distance de ses personnages qu’elle nous place, en choisissant d’interposer une couche de voix, la sienne, qui «raconte ce que ces femmes lui ont raconté», pour accentuer l’étrangeté de ces veuves qui monologuent sur le travail de deuil, sur la vie, la mort, la religion. Mais ce dispositif, de même que les fondus enchaînés récurrents, ne fonctionne pas toujours…

Recevoir l’autre Réfléchir à la place du spectateur étant essentiel pour un documentariste, on peut se sentir gêné par Fièvres Pedro Costa © A.G

d’Ariane Doublet : le Dr Moussa Maman, dans son cabinet médical du village de brousse de Bello Tounga au nord du Bénin, prend à témoin la cinéaste pour lui montrer la négligence de mères africaines par rapport à la santé de leurs enfants. En revanche, on est heureux de voir le Dr Moussa Maman qui soigne en débloquant la parole, en faisant surgir les secrets, tour à tour guérisseur et psychanalyste. Heureux aussi de voir le film de Pedro Costa, Ne change rien, consacré au travail du chant sur le corps et le visage de Jeanne Balibar, ses cours préparatoires à La Périchole d’Offenbach ou la mise en place, en compagnie de Rodolphe Burger, de son album Paramour. Le noir et blanc de Pedro Costa très contrasté, pur, utilise les sources de lumière, soleil, fenêtres pour sublimer le visage de la comédienne chanteuse qu’il a rencontrée… au Jury du FID en 2002. Superbe ! ANNIE GAVA

Le FID va sans doute nous proposer encore de bons moments de cinéma ! Nous y reviendrons dans notre numéro de rentrée…

Kino-Rouge Lorsque J.-P. Gorin et J.-L. Godard forment le Groupe Dziga Vertov après 68, ils pensent que le cinéma doit être collectif. Le lien avec Dziga Vertov ? le Kino-Pravda (cinéma-vérité), et la volonté de rendre compte de la Révolution. Vent d’Est (1969) nous dit : «Faire un film c’est se poser la question : où en sommes-nous ? Comment réaliser des images justes ?» Car ce cinéma politique ne veut pas se contenter de montrer le peuple qui souffre, il doit décrire le peuple en lutte ! Vent d’Est oppose un cinéma bourgeois à un cinéma révolutionnaire, maculé de peinture rouge. Vladimir et Rosa (1970) représente une tendance plus punk, voire burlesque, du Groupe : avec une bande-son rock’n’roll, le film prend la forme d’un procès de la révolution qui n’est qu’une farce de la justice. Il faut voir Godard, déguisé en flic, avec des lunettes d’aviateur, sortir de sa braguette une matraque ! Tout va bien (1972) est l’histoire d’un couple dans l’agitation d’une usine en grève illimitée. En rouge, sur la porte du bureau du patron : «Il est bon de s’en tenir à la vérité quand bien même elle serait invraisemblable.» C’est en plans fixes, sans contrechamp, que s’expriment les ouvriers révoltés, le délégué CGT qui les traite de «provocateurs», le patron séquestré, une journaliste américaine (Jane Fonda) étiquetée «spécialiste du gauchisme» et son mari, cinéaste militant (Yves Montand), justifiant sa reconversion alimentaire dans la publicité. Déjà la fin ? Un écran parallèle, De Dziga Vertov au groupe Dziga Vertov, qui sonne aujourd’hui comme une leçon d’histoire. MURIEL BENISTY


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Entre réel et fictions

Nouvelle corde à l’arc d’Ariane

«L’art n’est jamais un document mais il peut en adopter le style» 1917, Walter Evans Le 2 juillet, un des Jeudis du comptoir organisés par l’Association des Libraires à Marseille, à La Caravelle, a permis une rencontre entre Monique Deregibus, photographe, Jean-Pierre Rehm, Délégué Général du FID Marseille et Rochelle Fack, écrivaine, auteur d’un essai sur Hans-Jürgen Syberberg dont un des films, Hitler, un film d’Allemagne était programmé dans l’écran Les Spectres de l’Histoire. Cette épopée de sept heures, tournée en 1977, est un procès intenté à Hitler, nécessaire travail de deuil, «film exorciste, que le monde n’était pas prêt à recevoir, à la sortie duquel il n’y a eu que peu de retours et qui a été adulé par les Cahiers du cinéma.» Le film mêle acteurs et marionnettes, images d’archives et images d’amateurs, et on en «sort transformé» précise Rochelle Fack. C’est en tant qu’artiste photographe que Monique Deregibus a été invitée à participer au Jury du FID. Spectatrice de films depuis son adolescence et passionnée par le montage, elle interroge la photo de ce point de vue-là. Son ouvrage, I Love You For Ever Hiba, dont le titre est tiré d’une inscription placée au pied de la statue des Martyrs, au cœur de Beyrouth, fait se heurter des images de la capitale libanaise et de Las Vegas, équivalent photographique du montage cinéma. Un échange animé par Pascal Jourdana et diffusé sur Radio Grenouille, en guise d’apéritif littéraire du FID. ANNIE GAVA

Ariane Ascaride et ses deux jeunes comediens Sofia Lassoued et Adil Amrabt © A.G

On connaît tous Ariane Ascaride, actrice qui a tourné dans une trentaine de films, comédienne qui a joué dans une quinzaine de pièces de théâtre. Elle se lance aujourd’hui dans une nouvelle aventure, la réalisation Zibeline l’a rencontrée alors qu’elle venait de terminer ses deux journées de tournage dans un collège réputé difficile de la banlieue nord de Marseille, le collège Arthur Rimbaud. Zibeline : Qu’est-ce -ce qui vous a poussée à passer derrière la caméra ? Ariane Ascaride : Après l’aventure de l’écriture du scénario du Voyage en Arménie, je me suis demandée si j’étais capable de raconter une histoire. Avec Marie Desplechin, nous avons fait des essais d’écriture mais les projets n’ont pas abouti. Mon agent, Véronique Bouffard, a été contactée par une productrice de la collection Identités (douze fictions de jeunes auteurs ou de nouveaux producteurs et diffusée en deuxième partie de soirée sur France 2, ndlr) et la lecture du synopsis m’a fort intéressée. Avez- vous participé à l’écriture du scénario ? Le scénario a été écrit par Baya Kasmi à partir d’une de ses nouvelles (publiée dans un ouvrage collectif, Mixité(s) / Thierry Magnier Editions, ndlr). J’ai travaillé un peu avec elle mais je n’ai pas écrit les dialogues. C’est l’histoire d’une petite fille algérienne qui veut être française. Et qui, dans sa tête, est plus française que la plupart d’entre nous ! Elle veut devenir Présidente de la République… mais n’a pas de papiers ! Elle va rencontrer une femme d’une trentaine d’années qui ne se reconnaît plus dans son identité et qui va l’aider à grandir, à devenir une femme. Il y a un petit garçon qui traîne en bas de la cité, qui l’embête au début mais qui va devenir son petit amoureux, un Arabe français, lui, avec des papiers.

Est-ce que Marseille était prévue dans le scénario ? Non ! Mais pour une première tentative, je voulais tourner dans des lieux qui me sont familiers, dans une lumière que je connais, avec des gens que j’apprécie. Ceux de la «tribu» Guédigian-Ascaride ? Oui ! Ils me font l’honneur de travailler pour moi sur un film à petit budget ; Laurent Lafran au son (plus d’une douzaine de films de Guédigian, ndlr), Pierre Milon à la photo (Le Voyage en Arménie, Lady Jane et L’Armée du crime, ndlr). Je veux traiter le film à travers le regard d’un enfant, comme un conte, avec un éclairage particulier, beaucoup de couleurs au départ, qui vont devenir grises… Les contes ne finissent pas toujours bien ! Votre personnage principal, la petite fille, l’avez-vous trouvée à Marseille ? Non ! Il y a eu un casting très long à Paris, et quand j’ai vu Sofia (Sofia Lassoued) cela a été une évidence : c’était mon personnage. Elle est étonnante ! Elle m’épate ! Elle peut donner beaucoup. Le petit amoureux vient aussi de Paris, Adil Amrabt. Les autres enfants sont de Marseille. Après une semaine de tournage, vos impressions ? Au départ, la peur ! La peur de l’inconnu ! Mais, je suis très aidée par Pierre et Laurent ; la peur s’estompe… Je suis très émue de toute cette solidarité. C’est un vrai travail d’équipe. Quatre semaines de tournage, et après le montage ? Le montage se fera avec Joëlle Van Effenterre, la monteuse de Brodeuses d’Eléonore Faucher (dans lequel Ariane tenait le rôle de Madame Melikian, la brodeuse, ndlr). Le film devrait être terminé pour fin octobre / début novembre… C’est dans une ambiance des plus agréables que s’est terminé cet entretien avec une comédienne, et réalisatrice !, aussi chaleureuse que ses apparitions à l’écran le laissent pressentir… Merci Ariane, et bon travail ! ENTRETIEN RÉALISÉ PAR ANNIE GAVA


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ARTS VISUELS

APT | CHÂTEAU D’AVIGNON | AVIGNON

Fabuleux bestiaire De chambre des songes en chambre des rêves éveillés, car telle est la scénographie imaginée par Pierre Jaccaud à la Fondation Blachère à Apt, Animal Anima dessine un chemin initiatique à travers dix artistes, dix œuvres, dix voix du continent africain qui disent la prégnance de l’animal dans la quête spirituelle. Si l’animal et l’homme, dans les sociétés anciennes, partageaient le même monde, leurs relations sont aujourd’hui tout autre : dompté ou anéanti, l’animal sauvage n’est plus qu’un souvenir… Alors, comment la création contemporaine représentet-elle le monde animalier ? Elle invente des histoires, puise dans les contes de la nuit des temps, imagine des représentations fantasques, symboliques, réalistes, religieuses… avec une permanence : la confrontation de l’homme et de l’animal. Depuis toujours le conte, socle de l’initiation et de l’enseignement, souffle sur les artistes un vent de création bouillonnant qui fait surgir de l’obscurité un bestiaire fabuleux. Il y a là, entre autres figures, un lièvre et une panthère dessinés au stylo à bille et aux crayons de couleurs par le griot Frédéric Bruly Bouabré sur

des formats carte postale, à la simplicité éloquente. Mais aussi l’âne, la chèvre et la hyène qui, par un jeu d’équilibre précaire, disent L’Ingratitude punie dénoncée par Mamady Seidy dans un ensemble sculpté au vocabulaire théâtral. Et tant d’autres encore comme le serpent perfide qui s’exclame «Shut up and die» dans les compositions de soie brodée de Billie Zangewa, version iconoclaste de la Bible avec bulles de BD… Au pays des vaches qui rient, Cheikhou Bâ pose sur le sable toute la richesse du berger Samba, un troupeau de quelque cent cinquante figurines ornées de cornes-bijoux. Seule évocation de l’animal féminin, l’installation d’Amal Kenawy confronte la délicate rêverie d’une silhouette dansante (vidéo) à la violence de l’imagerie médicale (jambes amputées étoilées de papillons). Mais les artistes s’interrogent et dénoncent, aussi. «Qui suis-je ?» lance Soly Cissé dans ses bas-reliefs dessinés, peuplés d’une foultitude d’hommes et d’animaux mêlés et ses peintures d’animaux rugissants. Quant à l’installation lumineuse d’Aimé Impané, commande de la

Wounded Elephant, oeuvre de Andries Botha © Jimmy James

Fondation Blachère, et à la sculpture d’Andries Botha, symboliques et exceptionnelles, elles se demandent pour combien de temps encore survivront le gorille et l’éléphant, ailleurs que dans le conte… Car aussi fabuleux qu’il soit, le bestiaire d’Animal Anima reste «un appel sourd et urgent face au désaveu des hommes de peu de qualité.»

Animal Anima jusqu’au 11 octobre Fondation Blachère, Apt (83) 04 32 52 06 15 À voir également Le bestiaire de Soly Cissé jusqu’au 29 août L’Atelier-lieu d’art visuel, Apt (83) 04 90 04 37 14

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Quel chantier ! Le domaine départemental du Château d’Avignon profite de ses travaux de restauration pour inviter quinze artistes «à signifier cet état de chantier par une série d’installations.» Une idée lumineuse qui évite la fermeture du château, même temporaire, à un public conquis les années précédentes par les expositions Dans ces eaux-là et Ère de repos, et dessine «un parcours qui ménage des échos entre paysage, architecture et expérimentations contemporaines.» Tous les artistes ont intégré dans leurs propositions les codes, les couleurs, les objets et leur usage, les matériaux pour mieux les détourner ou les copier, trouver une nouvelle résonance, décliner le thème de la construction-déconstruction ou évoquer la dureté du labeur. Ainsi la goulotte industrielle, la bétonnière, le mètre étalon, la brouette, les bottes en caoutchouc et les barrières de protection sont-ils passés au filtre de l’imagination d’Etienne Bossut, Christian Robert-Tissot,

Lilian Bourgeat, Nicolas Durand qui dépassent le matériau et son utilisation stricto sensu pour lui attribuer un sens nouveau. Quand il ne s’agit pas de sublimer l’objet en ouvrage d’art, comme Wilm Delvoye et son Cement Truck, «croisement insolite et à contre-emploi entre une cathé-

drale et un camion toupie.» Incroyable sculpture-objet en acier corten, aux dimensions impressionnantes, créée par le sculpteur belge en hommage aux bâtisseurs de cathédrales… C’est l’une des rares pièces que le domaine départemental du château Cement Truck de Wim Delvoye © Aline Tomei

d’Avignon n’ait pas produites car son engagement aux côtés des artistes n’est pas feint : Damien Berthier a construit son échafaudage en bambou et raphia autour du château d’eau et transformé sa Chinoiserie en frêle architecture ; Pierre Malphettes a monté son Pylône en bois tel un guetteur au milieu de nulle part, «à la fois panneau publicitaire et décor qui nous ferait voir son envers.» En équilibriste, Vincent Ganivet a posé d’immenses roues en parpaings face à l’ancienne Station des eaux, parfaite introduction au projet de Tadashi Kawamata qui a imaginé la construction d’un belvédère en bois brut «uniquement conçu pour le plaisir de la contemplation.» Un projet qui deviendra réalité à l’été 2010… MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

jusqu’au 31 octobre Les Saintes-Maries-de-la-Mer 04 90 97 58 60


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Autoportrait en pointillé Après Londres, et avant New York et Boston en 2010, la Collection Lambert en Avignon est la seule halte en France de l’exposition Roni Horn aka Roni Horn. Un événement incontournable ! Écoutons battre le cœur de l’œuvre de l’américaine Roni Horn, dont il est donné d’entendre le murmure à la Collection Lambert en Avignon… Artiste rare et discrète, Roni Horn développe depuis trois décennies une œuvre sérielle autour d’une trilogie fondamentale : l’amour marin, l’amour terrien, l’amour céleste à travers des photographies (les Rencontres d’Arles s’en font l’écho), des œuvres sur papier «qui associent des pigments quasi géologiques et des savants découpages», des sculptures monumentales et minimalistes en verre moulé ou en métal poli. Pour cette rétrospective Roni Horn aka Roni Horn (aka = as known as), l’image sans cesse dupliquée d’Isabelle Huppert ponctue le parcours, à la fois fil rouge et signature. La discrétion légendaire de Roni Horn s’expose en une œuvre silencieuse, exigeante, habitée de blancs, de vides, de formes elliptiques, de chiffres et de notes griffonnés sur des cartographies réinventées… Portraits dédoublés, ceux de têtes d’oiseaux sans vie ou de sa jeune nièce adolescente,

Car selon Éric Mézil, directeur de la Collection Lambert en Avignon, «cette fonction du double se déploie selon une véritable construction esthétique et conceptuelle.» En apparence limpide comme la surface des lacs islandais, son œuvre induit une confusion des genres fondée principalement sur la question de l’autoportrait, de l’altérité et du regard. Limpide et complexe à la fois ! Nourrie aux sources de la peinture, de la sculpture, de l’architecture et de la poésie qu’elle cite abondamment, empreinte de ses propres ressentis avec la nature, son oeuvre est un vaste dédale. Jamais le dialogue ne se rompt, malgré la sensation étrange d’errement, parfois. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

You are the Wheather, 1994-95, details de l’installation, 26,7 x 21,6 cm chaque, courtesy de l’artiste

paysages lunaires de l’Islande devenue son île d’adoption : tout est marqué du jeu du double identitaire, bien évidemment troublant, qui nécessite que l’on y regarde à deux fois.

Le temps suspendu… À deux pas de la Collection Lambert, l’installation éphémère d’Anne et Patrick Poirier, Vertiges/Vestiges, abîmes du temps, illumine l’obscurité de la Chapelle Saint-Charles. Métaphore du temps et de la lumière retrouvée à travers les ténèbres, l’œuvre est le fruit de créateurs qui «refusent les rôles conventionnels de sculpteurs et de peintres [et] endossent ceux interchangeables selon les circonstances, d’archéologues et d’architectes.» Mais ne sont-ils pas tout cela à la fois, Anne et Patrick Poirier qui, depuis plus de quarante ans, aiguisent leur création à l’aune de leur perception du monde ? Un monde fragile, instable, chaotique, en proie aux affres de la vitesse et de l’instantanéité comme seule temporalité possible. Cette idée d’instantanéité des émotions mondialement partagées que dénonce le philosophe Paul Virilio, spécialiste de la vitesse… Monumentale, Vertiges/Vestiges envahit l’espace avec, dans la nef, un sol jonché de miroirs fragmentés sur lequel s’amoncellent pêle-mêle pierres, statues brisées, éléments de fouilles archéologiques, le tout barré d’une échelle en néon vert luminescent. Le regard s’élève à l’infini vers les abîmes du temps inscrits au-dessus de l’autel en lettres rouge tandis que le corps lutte contre la profondeur abyssale

quand, par l’effet troublant du miroir, le vertige nous saisit, et la chute est proche. En contrepoint, la vidéo projetée sous le porche dilue le temps à la vitesse de l’eau, envahissante et apaisante : flux et reflux ininterrompu (le temps immatériel), paysages sans fin, images saturées, parfois, en appellent aux vestiges de notre mémoire. Dans cette «pièce de théâtre sans acteur», Anne et Patrick Poirier, témoins du temps et de sa fuite inexorable, nous plongent dans un environnement sonore déstabilisant. Devenu fou, le temps est en émoi et s’affole au rythme de deux métronomes, l’un réglé sur le rythme du cœur d’Anne, l’autre sur celui de Patrick : soudain, au tournis physique du corps happé par le gouffre de la mémoire se superpose la scansion sans fin des sons… C’est le temps de l’ivresse absolue. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Vertiges/Vestiges, abîmes du temps Anne et Patrick Poirier jusqu’au 30 septembre Chapelle Sainte-Anne, Avignon (84) 04 90 16 10 51 Anne et Patrick Poirier exposent aussi à l’Isle-sur-la Sorgue à l’Hotel Campredon - maison René Char jusqu’au 11 octobre. 04 90 38 17 41

Collection Lambert Avignon (84) jusqu’au 4 octobre Catalogue édité chez Phébus, Paris, 215 pages, 39 euros. 04 90 16 56 20

Rencontres internationales de la photographie, Arles Jusqu’au 23 septembre 04 90 96 76 06


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ARTS VISUELS

AU PROGRAMME Pas de pots Matériau ductile, la terre, détournée, retournée, refaçonnée, ironisée, kitschisée, objectivée dans le quotidien ou poétisée, est le matériau de toutes les réinventions par treize artistes contemporains, grands manipulateurs du sens devant l’histoire de l’art. Alors, un fac-similé de disque vinyle en terre cuite ça sonne comment ? C.L. Révisons nos classiques La terre dans l’art contemporain du 23 juillet au 25 octobre Chapelle des Pénitents noirs, AUBAGNE 04 42 18 19 15 http://chapelledespenitentsnoirs.over-blog.com

Installation de Fabrice Croux, Sans titre, 2004, ceramique et pick-up

Au maître Il avait travaillé d’après Cézanne et bien d’autres. À l’abbaye de Silvacane et à la Villa Tamaris, Pierre Buraglio accroche ses pièces réalisées en référence à celles de Picasso. En remettant en jeu ses procédures plastiques favorites -recouvrir, agrafer, camoufler, raturer-, la question se pose encore : comment oeuvrer d’après et après les maîtres ? C.L.

Marc Incoglia, Vacances, oeuvre de mars 2009

D’après…Autour…Selon Pierre Buraglio jusqu’au 13 septembre Abbaye de Silvacane, LA ROQUE D’ANTHÉRON 04 42 50 41 69 Villa Tamaris, LA SEYNE SUR MER 04 94 06 84 00

Pierre Buraglio, Esper Lucat. Stalag VII A – 1987-88 papiers reemployes et chutes de toiles – 130X186 cm – photo Alberto Ricci

Chantiers ouverts Le 2e Festival des arts contemporains de La Ciotat, initié par Artistic promotion, rassemblera à la chapelle des Pénitents bleus et dans la cour du mythique cinéma L’Eden quelque 250 artistes de tous horizons. On doit à l’artiste plasticien Marc Ingloglia l’esprit d’ouverture, de rencontre et de découverte qui caractérise ce festival, accessible à tous, gratuitement de surcroît. Valérie Gho, Éric Bourret, Bernard Plossu, Alix Paj, Olivier Bernex, Marc Heller, entre autres, ont répondu présent aux Arts en chantier qui conjuguent arts visuels, spectacles, projections, musique, marché de l’art contemporain… M.G.-G. Les Arts en Chantier La Ciotat du 28 juillet au 23 août www.artistic-promotion.com/festivals/arts-en-chantier Oeuvres de Charles-Edouard Sakouvogui

Graf à la galerie Pour sa première exposition personnelle à Marseille, Charles Édouard Sakouvogui a choisi la galerie Andiamo, faisant exploser les murs de ses éclats de couleurs. Réalisées à l’acrylique et au pinceau, puis retravaillées à la bombe graphique, ses deux séries de peintures Les Blacks marquis et L’Esprit geisha ont l’énergie de la rue. Car Charles Édouard Sakouvogui, autodidacte, s’est formé au contact des meilleurs graffeurs d’Angers, d’Aurillac et de Marseille : preuve en est aujourd’hui avec ses 27 travaux personnels. M.G.-G. Charles Édouard Sakouvogui jusqu’au 30 juillet galerie Andiamo 30, cours Joseph Thierry (1er) 04 91 95 80 88


ART-O-RAMA | ENTRETIEN AVEC ALAIN PAIRE

ARTS VIUELS

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Notre petit salon Le marché de l’art halète, les grandes foires se craquellent, certaines biennales hoquettent et à Marseille… Art-O-rama maintient intelligemment la barre à la Friche ! La rentrée marseillaise de l’art contemporain est maintenant marquée par Art-O-rama. Cette formule originale conçue voici trois ans par Gaïd Beaulieu et Jérôme Pantalacci, mixe les concepts de foire d’art contemporain (la part économique), de salon en petit format (moins de dix structures exposantes), de lieu de rencontre (entre artistes, galeristes et collectionneurs), de projets et de commandes d’artiste, prolongée par une exposition ouverte au public (c’est gratuit). Les principes fondamentaux restent identiques. Après appel à projets curatoriaux auprès de galeries de différents pays, une demi-douzaine est retenue : elles ont carte blanche. Autre règle : les galeries de l’année passée choisissent parmi les rencontres établies à Marseille et alentours un artiste qui

exposera en individuel l’année suivante. En 2008, c’était Julien Bouillon, pour cette nouvelle édition la lauréate est Emilie Perotto avec en prime l’édition d’un multiple et de son premier catalogue monographique. Depuis trois ans maintenant, Art-O-rama conforte ses collaborations, renouvelées comme la soirée de gala avec Triangle (le 12) et s’enrichit de nouvelles. Cette année, Vacances Bleues passe commande à un artiste choisi dans le Showroom#2, pour une œuvre qui intégrera sa collection d’entreprise. Alors, tout ne va pas si mal pour l’art contemporain ? C.L.

David Ancelin, Avis de grand frais, 2007, Motoculteur, tomettes, huile de lin, dimensions variables. Courtesy de l'artiste et Galerie Olivier Robert, Paris

Art-O-Rama salon du 11 au 13 septembre exposition jusqu’au 20 La Cartonnerie-Friche de la Belle de Mai www.art-o-rama.fr

Vauvenargues, une tocade ? 1958, villa La Californie. Picasso à Hélène Parmelin : «tu ne peux pas savoir, c’est épouvantable, il faut que je m’en aille, mais aller où ? Ça va mal, ça va mal». La même année, au retour d’une exposition à Aix, Picasso fait l’acquisition du château de Vauvenargues.

«Vauvenargues est une tocade. Il a cru qu’il vivrait-là.» Ce n’est sans doute pas en pensant à Cézanne que Picasso s’est installé à Vauvenargues ! Quel est donc l’apport spécifique du lieu ? Peut-on tenter une analyse affinée des deux œuvres en réciprocité ? Et comment les pièces conçues ici se situent dans l’ensemble de la production du peintre ? Alain Paire ne réserve pas son entreprise dans le temps du Vauvenargues de Picasso -deux petites années avec de fréquents allersretours à Mougins ou Arles, et deux petites années pendant lesquelles Picasso a peu produit ! Et c’est à Vauvenargues qu’il commença un Déjeuner sur l’Herbe en écho à un autre peintre… Y cherchait-il vraiment un lieu cézannien ? «Ce moment est sous étudié, quelques

lignes dans les grands ouvrages comme celui de Pierre Daix. Mais ça n’a pas été exploré, on vient juste de le rencontrer.» Avec Picasso à Vauvenargues, Alain Paire tente donc une approche par tous les flancs. Ceux de la Sainte Victoire qui «comporte un adret et un ubac, Cézanne d’un côté et Picasso de l’autre». Le village est évoqué même si «sans le château le village a peu d’intérêt» ou «sans les œuvres de Bernard Plossu et Vincent Bioulès passés dans le coin.» Ce château «qui a retrouvé sa dignité grâce à l’achat de Picasso». L’auteur présente les propriétaires historiques, le rôle de Jacqueline Picasso, celui de Catherine Hutin, l’héritière «qui l’a ouvert avec beaucoup de générosité pour la première fois.» Mais «toute la question a été aussi le devenir de cette propriété. Jacqueline voulait donner le château pour en faire un musée. C’était une aberration car dès l’instant où il y a cinq mille personnes par jour, trois mille voitures… Le maire d’alors a su préserver le site. Et il y a le très beau musée à Paris, à Antibes (et Barcelone ndlr) !». Alain Paire nous en livre là une chronique détaillée et sensible :

«J’ai exploré plusieurs facettes en multipliant les prises de vues». En fin d’ouvrage il nous suggère même trois randonnées autour du village. Pour mieux s’imprégner des lieux. CLAUDE LORIN

Pablo Picasso à Vauvenargues Le grand atelier de la Sainte Victoire textes d’Alain Paire ill. œuvres de P.Picasso /photos D. Duncan, M. Cohen, B.Plossu Images En Manœuvres Editions, 14 euros


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ARTS VISUELS

ARLES

Sécession exposée ? Les Rencontres s’annoncent-elles sous le signe de la Rupture ou d’une certaine continuité ? Mais clivage il y a pour la Nuit de l’Année, traditionnellement vécue à la Roquette… Ouh ! quelle chaleur, mon dieu ! Mais j’ai tout fait, j’ai tout vu (menteur) mais je ne sais plus trop quoi finalement… Il en est ainsi dans ces grands évènements. La question de la rupture thématique des Rencontres Internationales de la Photographie 2009 aurait-t-elle été rendue illisible ? Un colloque tentait d’en circonscrire les tenants et aboutissants alors qu’en parallèle les expositions donnent à voir -hors qualités intrinsèques- des postures connues… fussent-elles choquantes pour certaines images. Les anciens insoumis aux dogmes de leur époque seraient-ils devenus des classiques, institutionnalisés, absorbés dans un système évènementiel plutôt mainstream ? La majorité des pièces consistent en des tirages sur papier encadrés, avec peu de travaux hybrides, d’installations, des dispositifs singuliers. La rupture ne se décrète pas, évidemment. Mais est-elle exposable? Le sujet nécessite de se poser au moins un instant… Or guère d’occasions (ni de sièges) dans tous ces lieux pour reposer le corps et l’esprit ! On pourra se tourner vers la présentation du sujet dans le catalogue. Lui-même un peu cher (44 euros !) (1), auxquels s’ajou-tent les divers coûts d’entrée, puis pour le parking aux Ateliers (4 euros/jour) et la Nuit de l’Année cette fois-ci déplacée de La Roquette et payante (2 euros). Dans ce dernier cas il s’agit bien d’une rupture. (2)

Pourtant, effervescence il y a dans tout le centre ville arlésien grâce à de nombreuses initiatives collectives et individuelles, souvent festives et singulières. À la galerie Voies Off, les panoramas de Joël Tettamanti ; à la Boucherie, Stein pose des nus sombres et baroques ; L’Atelier du Midi expose entre autres Proche(s) de Lionel Pralus et Lucie Pastureau qui sort son livre Le grand saut ; ailleurs c’est Trash&Sexy selon Florian Fromentin au Coffee Socks, Laura Jonneskindt dans son Archipel… CLAUDE LORIN

a.k.a., vue partielle de l'installation de Roni Horn a la Grande Halle © C. Lorin

(1) Les artistes ont-ils cédé leurs droits en échange d’une publicité

(visibilité dit-on aujourd’hui) internationale ?

(2) Les habitants du quartier et les artistes ont cependant maintenu leurs festivités

Acompte d’auteur Les images sont faites pour être vues mais il faut se battre pour exposer ou être édité. L’implication du créateur peut donc aller jusqu’à investir personnellement et lourdement afin de concrétiser ses projets. Publier à compte d’auteur est un de ces paris… Gérard Fraissenet a accompagné les six premières années des rencontres avec le bonheur de saisir en noir et blanc des artistes désormais au panthéon de la photo. Il sort à ses frais un livre mémoire émouvant de plus de trois cent clichés sur la période 1970 à 1976, préfacé par les deux cofondateurs des rencontres Lucien Clergue et Jean-Maurice Rouquette.

Toujours entre deux voyages, Serge Assier expose jusqu’au 25 juillet à la Maison des Associations, Instants de Chine une belle et très cohérente série comme il aime les faire avec un regard humaniste. Il commet lui aussi un bel ouvrage sur ses propres deniers (ajoutez seulement un euro au prix du catalogue des Rip), avec en prime les textes de ses amis réguliers Arrabal, Jean Kéhayan, Michel Butor auxquels s’est jointe son hôte chinoise Zhu Jing. Serge Assier, Instants de Chine, 55 pp, 54 photos N&B, 45 euros. 06 19 924 924 / www.sergeassier.com

Gérard Fraissenet, Mes plus belles années photo, 30 euros 04 42 56 28 75 / fraissenet.gerard@wanadoo.fr.

Cabinets de curiosité Chambres d’écho inaugure un musée Réattu rénové. Une expo sobre, élégante et questionnante entre photo et objet, avec Brassaï et Picasso en point d’orgue L’exposition s’appuie sur une des plus importantes et la première collection photographique créée dans un musée de province, en 1965. Près de 400 des 4500 sont exposées en vingt-cinq sections appelées Chambre. Elles se trouvent confrontées à des objets tridimensionnels, sculptures et installations. Que se trame-t-il entre les œuvres ? Évitant le dispositif didactique (panonceaux, fiches, audio guide…), une grande liberté est donnée au visiteur d’établir les relations évoquées selon sa sensibilité et les œuvres. Certaines apparaissent évidentes : les courbes des nus d’Edward Weston évoquent les sculptures de Hans Arp ; d’autres moins, comme dans l’Antichambre entre l’autoportrait du peintre Jacques Réattu et les œuvres de Jean Charles Blais et Sun Young Ha, ou encore la Chambre du voyage intérieur présentant une terre cuite de Françoise Vergier.

La place d’honneur est à mi-parcours, six salles consacrées aux deux amis Brassaï et Picasso. En solo, Jocelyne Alloucherie bénéficie d’une Chambre individuelle fort réussie. Et si les tentatives de dialogue ne réussissent pas toujours, l’équipe des médiateurs du musée saura suggérer quelques pistes pertinentes. Knud Viktor signe la mise en espace sonore… plusieurs rencontres et conférences sont programmées… et un catalogue est à paraître, chez Actes Sud. C.L.

Chambres d’écho jusqu’au 29 novembre Musée Réattu www.museereattu.arles.fr

Musee Reattu, Chambres d'echo Chambre Georges Rousse, avec une oeuvre de Toni Grand (vue partielle) © C. Lorin


ARLES | ABBAYE DU THORONET

ARTS VISUELS

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L’été au jardin Pour la 4e édition des Sculptures d’été, la ville d’Arles accueille sept créations d’Alain Vuillemet : tout inox, de la sculpture sans intox

Alain Vuillemet, Etendarts flamboyants, inox, 2009 © C. Lorin

Comment sculpter le métal ? Pour Alain Vuillemet la réponse est sans équivoque : par pliage essentiellement. Des tôles d’acier inoxydable de plusieurs millimètres, embouties à la presse de plusieurs tonnes, découpées et soudées. Paradoxalement, ce traitement de choc confère au matériau réputé incorruptible des courbes souples et dynamiques. Les formes suggèrent des drapés, un vocabulaire fait de plis, de creux d’ombres, de reflets. Un peu baroque. La matière polie capte l’espace, les couleurs, la lumière, les mouvements passagers alentour et reçoit aussi des sortes de scarifications par les attaques de la soudure à l’arc, des

coups de meule, des éléments rajoutés soudés. Monumentales pour certaines, elles conjuguent la pérennité et l’éphémère. Sculptures d’été constitue un des volets du projet L’art dans l’espace public mené par le service culturel de la ville d’Arles, qui veut «sortir les œuvres des lieux d’exposition habituellement clos comme le musée ou la galerie, vers le public arlésien, et d’accès gratuit.» Alain Vuillemet s’inscrit dans ce projet d’un art de proximité. Le badaud a droit à autre chose que des panneaux publicitaires. Certains y croient encore !

Sculptures d’été Alain Vuillemet jusqu’au 25 septembre Jardin d’été, Espace Van Gogh, Le Boatel www.arles-agenda.fr

C.L.

La leçon de Snozzi Après John Pawson et Alvaro Siza, le Centre des monuments nationaux offre sa troisième carte blanche à l’architecte suisse Luigi Snozzi qui, à l’abbaye du Thoronet dans le Var, a réalisé Le mur oublié L’architecture sacrée, Luigi Snozzi la connaît bien pour être intervenu dans la restauration de l’église paroissiale de Brissago et du couvent de Madonna del Sasso, et dans la réhabilitation du monastère de Monte Carasso en école élémentaire. Avec toujours la même idée pénétrante de maintenir le lien entre architecture ancienne et moderne, et la même volonté de prendre en compte l’environnement naturel. Réputé depuis 1957 pour ses projets et bâtiments «au langage clair, essentiel et percutant», dans la droite ligne du Bauhaus et de Le Corbusier, Luigi

Snozzi s’est laissé pénétrer par l’une des architectures les plus remarquables de la pensée cistercienne, avant d’y laisser sa trace. En béton brut, Le mur oublié est une réalisation quasi sculpturale, «à la fois forme et structure, masse et surface», qui longe le mur d’enceinte, rythmant à l’horizontale, comme un chemin sans fin, toute la verticalité de l’édifice fondé en 1146, et symbole de l’élévation de l’âme vers Dieu. Le mur oublié redonne ainsi, dans toute la radicalité caractéristique de son vocabulaire, «la force et la légitimité» à des murs d’enceinte qui ne sont pas seulement

Luigi Snozzi © MAV PACA

des vestiges en ruine… L’intervention d’Alvaro Siza porte sur le début du circuit de promenade avec la réalisation du portique d’entrée et le fléchage, alors que l’architecte du Tessin s’attache à clore le chemin avec une œuvre qui s’adapte à la topographie du lieu (élément essentiel de ses recherches) et joue avec les variations du ciel méditerranéen.

Entre ombre et lumière, une nouvelle rythmique naturelle ? Le mur oublié est un signe minimaliste fort qui, malheureusement, risque de passer inaperçu auprès de promeneurs… malgré l’exposition pédagogique et l’ouvrage qui complètent cette Leçon du Thoronet. Mieux vaut donc être accompagné d’un guide pour saisir toutes les subtilités de ce dialogue architectural et spirituel né, pour ce qui concerne Luigi Snozzi, «d’une rencontre bouleversante et magique» avec un chef-d’œuvre. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Leçons du Thoronet : Luigi Snozzi, Le mur oublié Jusqu’au 31 octobre Le Thoronet (Var) 04 94 60 43 90


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LIVRES

MARE NOSTRUM

Nous sommes tous méditerranéens Les participants au cinquième forum Mare Nostrum l’ont déclaré unanimement : est méditerranéen celui qui se sent tel ! Méditerranéen donc Daniel Rondeau, venu relater son itinéraire de la forêt champenoise aux rivages maltais. Ambassadeur à Malte, l’écrivain diplomate se plaît sur cette île «au cœur de la mer et du temps». Son grand œuvre en cours est un projet de navigation littéraire en Méditerranée, à bord d’une frégate de l’armée, de Malte à Beyrouth, en passant par Tanger, Alger et La Goulette. À bord un café littéraire, et à chaque escale un événement autour d’une figure emblématique du lieu. Seront ainsi célébrés Ibn Arabi, Saint Paul, Abdelkader, Camus… Méditerranéen également Alain Mabanckou, même s’il est congolais d’origine et professeur de littérature francophone

aux USA. Sa conférence, drôlissime, intitulée : Comment être à la fois écrivain japonais, algérien et franco congolais ? a brillamment clôturé le colloque. Entre les deux des tables rondes avaient réuni des auteurs de toute l’Europe autour des notions de traduction, de multilinguisme et de certains thèmes récurrents de la littérature méditerranéenne. L’une, consacrée à l’influence de la géographie sur le roman policier, a réuni la Française Dominique Manotti, l’Italien Loriano Macchiavelli et son traducteur Laurent Lombard et la Turque Mine Kirikkanat. Chez ces trois auteurs les villes, les quartiers composent une topographie fondamentale au cœur de laquelle inscrire la fiction ; lieux de tension souvent, microcosmes, révélateurs des réalités urbaines et sociales. Le roman noir remplacerait-il Alain Mabanckou © Hermance

Mare Nostrum s’est tenu à Marseille les 19 et 20 juin, sous l’égide de l’European Writers’s Council (EWC-FAEE) et en partenariat avec la Société des Gens de Lettres (SGDL).

aujourd’hui un journalisme d’investigation en perte de vitesse ? Face au glissement de la presse française vers une dangereuse uniformisation, Dominique Manotti a souligné le rôle du roman policier : «On fait des choses que les journalistes ne font plus», souvent parce qu’ils ne peuvent plus le faire d’ailleurs. Macchiavelli a évoqué le contrôle permanent des articles en Italie ; quant à Mine Kirikkanat, journaliste souvent menacée (elle en plaisante avec un beau courage !), elle a évoqué la «chape de plomb» qui s’est abattue sur la Turquie où l’opposition est désormais inexistante ; pour elle, la littérature reste «le seul espace pour l’imagination», le seul lieu de liberté. Bien loin du sujet de départ, ce dialogue sur la censure et la presse a mesuré l’ampleur des dérives actuelles… Si le roman noir a, selon Loriano Macchiavelli, «construit l’union européenne culturelle», la notion d’exil semble aussi un dénominateur commun. Étaient invités à réfléchir au statut d’exilé, le Marocain vivant à Amsterdam Fouad Laroui, la «Libanaise de Paris» Hoda Barakat, et l’Anglo-soudanais installé en Espagne Jamal Mahjoub. Quelles qu’aient été les raisons de leur exil, les trois invités ont insisté sur la sensation de liberté qu’il procure, sur le plaisir, au début du moins, de vivre «dans l’étrangeté radicale» et sur le fait qu’il est «plus facile d’être un étranger à l’étranger», car l’isolement est plus douloureux dans son propre pays. Tous néanmoins ont du mal à accepter l’étiquette d’«étranger de service» et préfèrent qu’on se réfère à eux comme écrivains tout court. Quant à leur statut actuel d’exilé, Hoda Barakat a rappelé avec pertinence qu’il n’était pas si inconfortable : ceux qui sont exclus de la langue, de l’économie, sont les vrais étrangers. L’exilé volontaire, dont Alain Mabanckou est une figure marquante, ne l’est pas. Avec une douzaine de nationalités présentes, des interventions polyglottes, de l’érudition, de l’humour et de l’engagement, Mare Nostrum a montré que la littérature est le lieu d’une parole libre, non convenue. Et la Méditerranée celui d’échanges féconds entre les hommes et les idées, à travers l’écrit, comme depuis l’aube de l’histoire.

Mare Nostrum s’est clôturé avec un drôle de concert. Yann Apperry y disait/chantait un de ses textes, avec une bande de musiciens dont l’épatant Claude Barthélémy, et une belle chanteuse de jazz qui vibrait juste comme il fallait... La forme était des plus intéressantes, parce que cette volonté d’associer un texte narratif et une musique continue pourrait à terme fabriquer un répertoire de troubadour moderne. Ce soir-là on a entendu une sorte d’oratorio jazzy dans ses rythmiques, ses harmonies et ses instruments, mais libre dans son déroulement temporel, sans les rituels habituels, à part dans quelques solos et chorus rares. Le texte, quête œcuménique et médiévale d’une femme au temps des croisades, laissait entendre son lyrisme, ses anachronismes ironiques, sa jolie confiance en l’amour. Dommage que Yann Apperry ne chante pas très bien… et que la musique manque un peu d’épaisseur !

FRED ROBERT

A.F.

Alain Mabanckou : Black Bazar (récemment chroniqué dans Zib’) ; Dominique Manotti : Nos fantastiques années fric et Lorraine connection (Rivages/ noir) ; Loriano Macchiavelli : Derrière le paravent (Métailié noir) ; Mine Kirikkanat : La malédiction de Constantin (Métailié).

Troubadour jazzy


PEUPLE ET CULTURE | ÉCRITURES CROISÉES | AGENDA

Le petit livre rouge d’Ourednik Les 24 et 25 juin le CELA, Collectif d’Ecriture et de Lecture Active, a présenté l’aboutissement d’un travail de 6 mois autour d’Europeana, une brève histoire du XXe siècle, de Patrik Ourednik. Cet atelier de pratique artistique, mis en place par Peuple et Culture Marseille en partenariat avec La Cité, a rassemblé des amateurs qui ont lu le texte choisi par le poète-performeur Pierre Guéry, en ont sélectionné et travaillé des extraits aux marges desquels se sont écrits leurs propres mots, puis l’ont expérimenté dans leurs corps et l’espace sous la direction de la danseuse Stéphanie Lemonnier. C’est au résultat de cette expérience mixte, entre atelier de lecture-écriture et jeu théâtral, que le public était convié. Les sept amateurs sur scène sont des amatrices : tant mieux ! l’inventaire des inventions et croyances du vingtième siècle que dresse Ourednik pourrait très bien être pris en charge par une sorte de chœur féminin, seul rescapé des

horreurs du siècle dernier. Écrit dans une veine absurde, surréaliste, à l’humour très noir, très proche des auteurs français qu’il a traduits en tchèque (Jarry, Michaux, Beckett…), ce passage en revue est loufoque, et terrible à la fois. Elles sont donc sept en scène, alternant les lectures en solo et les effets choraux, les passages criés, murmurés ou fredonnés, les extraits d’Ourednik et les leurs, dans une atmosphère de joyeuse fin du monde. Car la lucidité, voire le cynisme, n’excluent pas le rire. Ni l’émotion, palpable entre les mots d’Europeana. Quelques maladresses subsistent çà et là, mais le don l’emporte : don de soi, de son corps et de ses mots, malgré le trac et le manque d’expérience. Don aussi au public d’un ouvrage corrosif et savoureux, que les extraits proposés invitent à découvrir dans son entier. C’était sans doute le but de ce jeu généreux.

La lecture/action a été présentée par Peuple et Culture Marseille à La Cité Maison de Théâtre. Europeana, une brève histoire du XXe siècle Patrik Ourednik Livre de l’année 2001 en Tchéquie éditions Allia

FRED ROBERT

Au Programme MANOSQUE, APT, AVIGNON, CAVAILLON, FORCALQUIER, MARSEILLE Libraires du Sud/Libraires à Marseille – 04 96 12 43 42 La librairie Au Poivre d’Âne, à Manosque, reçoit : Andrée Maureau pour Recettes en Provence, Tians et petits farcis (Edisud) et Epluchures, bavardages et recettes (éd. Equinoxe), le 18 juillet de 10h30 à 12h30 ; Chantal Dupuy-Dunier pour Ephéméride (éd. Flammarion) et Denis Langlois pour Le Défi bolvien (éd. Athéna) le 24 juillet à 18h ; Michèle Barrière pour Meurtre au potager du roy (éd. Vienot) et Henri Coupon pour Le Grand fléau de la peste (éd. Auberon) le 26 juillet à 18h ; Michel Embarek pour La Mort fait mal (éd. L’Ecailler du Sud), Philippe Carrese pour Le Jardin des délices (éd. Syros) et Pierre Meige pour 18 Extrême rock (éd. L’Ecailler du Sud) le 27 juillet à 18h ; François Herbaux pour Puisque la terre est ronde, enquête sur l’incroyable aventure de Pythéas le Marseillais (éd. Vuibert), Guiseppe Conte pour Villa Hanbury et autres poèmes (éd. l’Escampette) et Gilles Lapouge pour La Maison des lettres (éd. Phébus) le 29 juillet à 18h30. Exposition des œuvres de Laurence Jeannest liées au livre Où chaque soleil qui vient est un soleil rieur (éd. Cheyne), jusqu’au 27 juillet. La librairie Eveils, à Apt, reçoit : Elizabeth Karlhuber pour Seasons of love (éd. du Lys) le 18 juillet de 9h30 à 12h ; Ahmed Kalouaz pour Avec tes mains (éd. du Rouergue) le 25 juillet de 9h30 à 12h. La librairie Mémoire du monde, à Avignon, organise une rencontre autour des éditions de la revue Conférence, le 21 juillet à 19h.

À la librairie Le Lézard amoureux, à Cavaillon, lectures d’extraits de Meurtre chez Tante Léonie et Meurtre à Isla Negra (éd. Viviane Hamy) en présence de leur auteur Estelle Monbrun, le 24 juillet à 18h. À Marseille, à la librairie Saint-Paul, Lis-moi une histoire a lieu tous les mercredis de juillet pour les enfants de 4 à 8 ans (04 91 15 77 77).

MANOSQUE Appel d’art – 04 92 87 07 48 7e édition du Festival Blues & Polar, sur le thème du mensonge : lectures, rencontres, dédicaces, concerts… sont au programme, du 24 au 29 août à Gréoux-les-Bains et Manosque.

MARSEILLE BMVR Alcazar – 04 91 55 56 34 Alcajazz, manifestation organisée dans le cadre du Festival Jazz des cinq continents : - Exposition Blue Note : 70 ans de jazz, pochettes vinyles d’albums originaux. Jusqu’au 28 août. - Conférence La trompette dans le jazz par François Billard. Le 22 juillet à 17h à la salle de conférence. - exposition de Stephan Muntaner, No main’s land. Huit portrait atypiques de Ron Carter, Dee Dee Bridgwater, China Moses, Dianne Reeves, Archie Shepp, Marcus Miller, Janick Top et Sandra Nkake au travers de scans de la paume de leur main… Jusqu’au 21 août.

LIVRES

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Le sans parole La venue de l’écrivain chinois Mo Yan («celui qui ne parle pas») est un événement. Sa présence à la Cité du Livre à l’invitation des Écritures Croisées était de ces moments rares qui permettent d’approcher l’œuvre et l’auteur de manière privilégiée. Aux côtés de Noël Dutrait -professeur de langue et littératures chinoises à l’Université de Provence et traducteur de Mo Yan-, l’écrivain a pu éclairer le public sur son œuvre, à partir notamment du dernier roman paru, et traduit par Liliane et Noël Dutrait, Quarante et un coups de canon (Seuil, 2008) et du prochain annoncé, La dure loi du karma, à paraître fin août au Seuil. Après une brève présentation -depuis son enfance pauvre dans la province du Shandong, bercé par les histoires que lui racontait sa grand-mère, jusqu’à son recrutement dans l’armée, qui lui permettra de se former et d’aller à l’université-, Mo Yan démontre ses talents de raconteur d’histoires. Répondant aux questions de Noël Dutrait il est captivant de bout en bout: lorsqu’il aborde les dons du romancier qui «fait croire que la fiction ressemble à la réalité» ; lorsqu’il décrit sa façon compulsive d’écrire, d’un jet et à la main, en réduisant son temps de sommeil et de repas ; lorsqu’il parle du statut de l’écrivain, lui qui «aime passer par la littérature pour critique la société» mais qui «trouve vulgaire de s’exprimer directement sur un problème à travers la littérature.» L’écrivain, dit-il, «se doit de conserver une position indépendante, […] de ne pas hurler avec les loups», tout en produisant «des œuvres d’art». Gageons que La dure loi du karma en sera une, grâce au regard si particulier de Mo Yan, posé ici sur la réforme agraire et le refus de la collectivisation, exprimé par… la réincarnation dans des animaux de toutes sortes… DO.M.

Mo Yan était à Aix à la Cité du Livre le 25 juin

Mo Yan c Cannarsa Basso


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LIVRES

LITTÉRATURE

Hotel Argentina «We are all prisoners her/ Of our own device / Welcome to the Hotel California / Such a lovely place»… Lorsqu’on referme le roman tout récemment traduit de l’Argentine Claudia Pineiro, on se surprend à fredonner l’air célèbre des Eagles. Certes, ce ne sont ni les drogues, ni les USA qui sont évoqués dans Les Veuves du jeudi; mais les lieux ressemblent fort à un paradis artificiel, dont le récit s’attachera à révéler fissures et relents mortifères. Los Altos de la Cascada, épicentre de l’histoire : une résidence privée haut de gamme en périphérie de Buenos Aires, loin de l’agitation et de la pollution urbaines, isolée du reste du monde et fière de l’être. À Los Altos, pour entrer comme pour sortir, il faut montrer patte blanche : même l’employée de maison à qui ses patrons viennent d’offrir un pannetone pour Noël doit présenter un mot signé d’eux au gardien si elle veut retourner chez elle sans ennuis ! À Los Altos, on joue au tennis et au golf, on monte à cheval. Les enfants étudient dans le même collège privé. Les femmes font du jardinage, suivent des cours de peinture et organi-

sent des ventes de charité. À Los Altos, on est entre soi, parmi les nantis d’un pays qui, en cet automne 2001, file à la catastrophe. À partir de l’accident inaugural, qui donne au titre toute sa dimension ironico-tragique, le roman repose sur un flashback pris en charge par diverses voix féminines, celles des «veuves». À leur tête Virginia, l’une des rares qui travaillent. Directrice d’une agence immobilière spécialisée dans la vente des maisons de ce country, elle est au cœur des lieux, qu’elle connaît comme personne. Le récit progresse alors selon un mode miromanesque façon Desperate Housewives à l’argentine, mi-documentaire tendance Maisons et Jardins, qui porte en lui tous les ingrédients du drame; une narration d’une grande intelligence, toute en ironie. La chronique caustique d’un univers d’apparences se double d’un suspense dont la clé ne sera livrée qu’à la toute fin. Claudia Pineiro signe, à travers cette fable, un pamphlet percutant contre les injustices sociales et l’hypocrisie de son pays. Lucide, mais pas désespéré.

Les Veuves du jeudi Claudia Pineiro Actes Sud, 23 euros

FRED ROBERT

Un polar à dévorer Pourquoi le narrateur, Sam-Elie Mekies, fils d’un rapatrié juif pied noir, devenu patron «de gauche» dans la restauration collective, n’a-t-il plus qu’une heure à vivre ? «Dans mon milieu je passais même pour un gauchiste. Attention ! C’était entre nous, on disait gauchiste comme on aurait dit coquin ou cochon. Quand on avait affaire à un vrai gauchiste, un syndicaliste ou un gars dans le genre, on se refilait le tuyau dans toutes les PME du département et le type, il avait plus qu’à déménager ou à devenir chômeur longue durée non réinsérable.» Pourquoi son seul désir est-il de revoir une dernière fois sa femme, Aude, disparue ? Que doit-il se faire pardonner par Léon, un de ses employés, qui affirmait croire en l’humanité ? Pourquoi s’est-il réfugié quelque temps chez Tonton Maurice, qui avait lutté pour l’Algérie française et qui vote pour Le Pen ?

C’est en lisant Omnivore, le deuxième roman de Samuel Zaoui que vous aurez les réponses à toutes ces questions et à d’autres peut-être. Dans ce premier polar, l’auteur aborde frontalement les problèmes qui se posent aujourd’hui : les rapports patrons/ouvriers en particulier : «J’étais un patron de gauche, tous mes employés me tutoyaient, certains mangeaient à la maison, certaines secrétaires sortaient avec mes nièces et si je couchais parfois avec l’une d’entre elles, c’était jamais au nom d’un quelconque droit de cuissage.» Mais aussi les questions de pureté ou de compromis(sions) politiques, de financement des partis, des fausses factures et bien d’autres problèmes de société. Un monologue qui se lit d’une traite, un roman qu’on ne lâche que fini !

Omnivore Samuel Zaoui Editions de l’Aube, 17 euros

ANNIE GAVA

Thriller coranique Barouk Salamé, au nom qui fleure nettement le pseudonyme -impression que la postface confirme-, indique que l’idée de son roman lui est venue parce qu’il voulait «tout comprendre, tout savoir de la genèse de ces deux religions, et de leur étrange complicité.» Voici donc, après Le nom de la rose, une nouvelle histoire de manuscrit qui tue : Le testament syriaque, thriller historico-théologique dont l’intrigue se noue autour d’un manuscrit ancien qui contiendrait le testament de Mahomet !, et dont la divulgation mettrait en évidence l’origine chrétienne de l’islam, et en question pas mal de croyances ! Pour le récupérer, certains sont prêts à tout. Paul Mesure, le journaliste qui l’a rapporté de Tombouctou en espérant le vendre à bon prix, va rapidement s’en apercevoir… Les amateurs d’émotions fortes et de rebondissements seront gâtés. L’ouvrage s’ouvre sur une scène de

carnage et de nombreuses autres suivent tout au long de ce récit peuplé de sbires redoutables aux ordres de réseaux islamistes pakistanais ou algériens. Cadavres, incendies, séquestrations, les péripéties violentes se succèdent à un rythme endiablé. L’intérêt de ce thriller tient cependant surtout à l’épaisseur de certains personnages, du commissaire Sarfaty en particulier. Ce quinquagénaire juif passionné de culture orientale, docteur en sciences des religions, est une vraie trouvaille romanesque et une bien séduisante incarnation de la culture et de la tolérance. À travers son enquête et au détour de ses conversations, le lecteur apprend beaucoup sur l’islam archaïque et sur certains textes du Coran, ce qui n’est pas la moindre des qualités de ce roman qui se dévore à toute allure, mais dont les enseignements font longtemps écho. FRED ROBERT

Le testament syriaque Barouk Salamé éd. Rivages/Thriller, 21,50 euros


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Zappez pas la ZIP Après les ZUP, ZAC et autres ZEP, voici la ZIP, Zone d’Intérêt Poétique ! À Barjols, en 2009, les éditions Plaine Page ont étendu le réseau de la ZIP à de nouveaux partenaires, afin de rendre accessible et de partager la poésie contemporaine dans tous ses états. Le temps d’un week-end de juin, on a pu suivre le fil poétique de l’eau des fontaines et des rivières, pour la seconde édition du festival nomade Les Eauditives. Car la ZIP se plaît à investir l’espace public et la nature en proposant régulièrement des événements artistiques à la croisée des genres. La ZIP Plaine Page est également une maison d’édition active à promouvoir artistes, performeurs et poètes d’aujourd’hui en les publiant au sein d’une de ses 6 collections. Le mois de mai dernier a ainsi vu la naissance de la petite dernière Courts Circuits. Comme son nom l’indique, elle «privilégie la forme brève et incisive», ce que confirment les deux premiers titres publiés. Avec Ticket à conserver, Antoine Simon s’inscrit dans le flux tendu contemporain ; il écrit au dos de facturettes CB ou sur divers reçus, traces de ses déplacements d’homme du XXIe siècle. Ce faisant, comme le précise

Eric Blanco dans la préface, «au recto, Antoine Simon est en règle avec la société, de consommation. Au verso, quelques centimètres carrés lui restent pour être en règle avec lui-même, avec le monde.» Fragments poétiques sur support mercatique… A. Simon appartient à la lignée de ces poètes du quotidien qui, de Desnos à Perec en passant par Prévert, Ponge ou Queneau, subliment le banal et en font la matière poétique par excellence. Le recueil de ces «tickets à conserver» propose pour chaque texte sa version manuscrite sur support d’origine et sa réécriture. Des textes courts qui parlent souvent de poésie, et d’une façon particulière d’être au monde et aux mots car «Les mots c’est comme ça / c’est pas facile à vivre / ça fait toujours des histoires»… Pour Le Cogitomaton, l’avertissement de Jean-François Coadou donne le ton : «Le cogitomaton est à Descartes ce que le photomaton est à Doisneau.» Le recueil se présente comme une succession d’aphorismes, proverbes inventés et maximes, dont la plupart ont été publiés dans les pages du défunt Taktik au cours des années 90. Calembours et dérision dominent dans des flashes généralement inspirés par la politique de ces annéeslà : intégrisme, guerre de Bosnie, mitterrandisme, et

aussi toutes les affaires du Sud… ça a le même petit air ancien et familier que l’album photo qu’on feuillette pour se souvenir. Sous le cynisme, la nostalgie ? Deux volumes publiés, un à venir, chacun à 10 euros… Longue vie à Courts Circuits ! FRED ROBERT

Ticket à conserver Antoine Simon

Le cogitomaton Jean-François Coadou éditions Plaine Page, coll. Courts Circuits.

Au fond de l’inconnu pour trouver du nouveau Pierre Guéry semble avoir fait sienne la formule de Baudelaire ; lui aussi a plongé. «En quel pays étrange es-tu donc descendu, pour mourir à toi-même en baisant sa frontière ? / À quelle vacance insue as-tu voué ton être, à quels pourtours du vide ?» Ces questions inaugurent et scandent le recueil, récit poétique de la descente aux enfers d’une langue étrange, étrangère, qu’il faudra peu à peu entendre et parvenir à incarner. Les textes s’enchaînent, le dernier mot de l’un devenant le titre du suivant, en un fil arachnéen : «Tu tisses ta toile, tirant sur les fils de tes ruines», écrit le poète. Un fil tendu entre un passé d’errances évoqué avec des accents souvent rimbaldiens : «C’était alors la saison du tangage, ivresses artificielles, roulis de ton navire […] ; ultimes plaisirs qui

te faisaient douleur / Œil vague collé à l’œil du bateau, levant sa paupière baissée-infiniment lointaine-sur une écume vespérale, incandescences d’ocres et de bleus…» et un présent de connaissance, de contemplation où «le poème ferme tes yeux, tu les ouvres en dedans» et où «tu accueilles deux voix» dans une conquête malaisée mais possible de ce qui sera LA langue du poète. En quel PAYS étrange établit un dialogue avec soi, comme une exhortation à vivre, à marcher, à écrire, malgré la mort et «la peur de demain». Une conversation intime et émouvante que le poète performeur devrait donner à entendre à l’automne prochain. F.R.

Petites conversations entre amis Dans le dernier numéro de Zibeline, nous annoncions la naissance de la collection Les conversations au soleil. Un premier coffret constitué de 5 petits volumes est donc paru, consacré à 5 personnalités fortes de Marseille. Même si tous n’y vivent plus, chacun garde des liens forts avec sa cité d’origine, y séjourne, y travaille, et parle d’elle avec amour et sans concessions. Car c’est bien de parler qu’il s’agit dans ces «petits livres avec des grands hommes» : «J’avais très envie qu’ils se racontent librement […], de les faire parler pour mieux les connaître, pour mieux les comprendre, et pour mieux les aimer» écrit Agnès Olive dans la préface. Elle a ainsi rencontré des hommes qu’elle aime et qu’elle veut faire mieux apprécier de tous, grâce sa façon naturelle et intimiste de les aborder. Elle les a interviewés longuement dans leurs lieux d’élection : Callelongue pour Blaine, L’Estaque pour Guédiguian, le Cercle des Nageurs pour Traquandi… Cela donne des conversations qui évoquent les années

En quel PAYS étrange Pierre Guéry éd. MaelstrÖm compAct, 5 euros

de formation, la famille, les premiers projets, la célébrité et la reconnaissance, l’heure des bilans, les perspectives. Et au fil de chacune, des réflexions sur l’art et sur la politique culturelle, des pistes aussi qui incitent à approfondir, à lire d’autres ouvrages, à aller au musée ou au cinéma : Philippe Caubère donne envie de découvrir André Suarès et son Marsiho et on a déjà hâte de voir L’Armée du crime, le prochain film de Guédiguian. Humour désespéré de Blaine, engagement et fidélité de Guédiguian, exigence perfectionniste de Traquandi, sensibilité et solidarité de Cantona, fougue de Caubère, l’écrit a gardé le ton unique de chacun. À lire au soleil et sans modération, d’autant que ces petits livres se glissent dans n’importe quel sac, à dos, de ville ou de plage… FRED ROBERT

Les conversations au soleil Agnès Olive éditions LaBelleBleue

Premier coffret : Marseille avec Philippe Caubère, Gérard Traquandi, Julien Blaine, Eric Cantona et Robert Guédiguian. Prix à l’unité : 14,90 euros.


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LIVRES

LITTÉRATURE

Mauvais frissons Ces deux thrillers-là ont tout de la bonne production américaine de masse. Mais ne vous y trompez pas : leurs auteurs sont français, et appliquent à merveille les recettes outre-atlantique du genre, sensations fortes assurées. La Promesse des ténèbres de Maxime Chattam (Albin Michel, 2009) et Les enfants du néant d’Olivier Descosse (Michel Lafon, 2009) se situent dans la grande tradition des page-turner (entendez par là que vous ne fermerez pas si facilement le livre en cours de lecture), des livres aux intrigues aussi bétonnées et effrayantes qu’efficaces, dans lesquels le Mal est un personnage à part entière… Âmes sensibles ou trop jeunes s’abstenir. Le journaliste indépendant Brady O’Donnel y sera confronté dans le livre de Maxime Chattam, plongeant, à New York, à la fois dans les arcanes de l’industrie du porno et dans les bas-fonds de cette ville à la rencontre du peuple-taupe. Violente, insoutenable parfois, l’histoire secoue. L’auteur ne nous épargne aucun détail, dans un style hélas convenu, lourd, qui

laisse parfois à distance l’intrigue qu’on s’échine à suivre. Dans le roman d’Olivier Descosse, qui lui se passe en France, un flic –ancien psy devenu «profileur» suite au meurtre de sa femme par un des ses patients-, enquête sur une série d’homicides violents commis à l’encontre d’adolescents. Tous les ingrédients sont réunis pour que la sauce prenne. Mais là encore, les poncifs, des personnages peu épais et un style plus efficace que recherché finissent par lasser. On aurait aimé un peu plus de consistance pour que le voyage soit total, le plaisir de la lecture, même de plage, ne passant pas uniquement par des histoires bien ficelées… DO.M.

Les Enfants du néant Olivier Descosse Michel Lafon, 20 euros

La Promesse des ténébres Maxime Chattam Albin Michel, 22 euros

Crimes quotidiens Borja (qui en fait s’appelle Josep mais que son frère appelle Pep) et Eduard sont des jumeaux monozygotes qui ne se ressemblent pas. Ça leur a permis de monter une agence de détectives un peu spéciale, au sein de laquelle ils font mine d’être de simples associés. Dès les premières pages de ce savoureux premier roman, Teresa Solana nous immerge, avec ces deux pieds nickelés, dans une Barcelone hivernale et enneigée, sur les traces d’un tableau, le portrait de l’épouse d’un député candidat à la Generalitat découvert dans un catalogue d’exposition… Si le peintre est l’amant de sa femme il s’agirait d’étouffer rapidement l’affaire. Mettant les doigts dans l’engrenage, les enquêteurs

sont avalés tout entier dans une histoire extravagante qui leur fera pénétrer l’univers pas forcément doucereux de l’élite culturelle et politique barcelonaise. Avec, au passage, des rencontres insolites, des personnages hauts en couleurs, une visite originale de la ville… Sous le prétexte d’une enquête «policière» dont elle maîtrise parfaitement les codes, Teresa Solana offre aux lecteurs une satire délicieuse et dépaysante d’une certaine société espagnole. DO.M.

Des jumeaux presque parfaits Teresa Solana Actes Sud, 22 euros

Poésie dans le sac ! Dans un Sac à dos pratique, plein de poches et avec l’indispensable couteau suisse ! Cela a de quoi intriguer... En vérité il s’agit d’une anthologie de poésie contemporaine à l’usage des lecteurs en herbe, et pas seulement ! Véritable morceau de bravoure, la préface savoureuse de Jean-Michel Espitallier met en appétit, jouant sur les mots, jonglant avec les définitions «(mais pas toujours)», selon l’expression qu’il utilise à tout va et qui ne manque pas de déstabiliser le lecteur pour peu que ce dernier soit ancré dans ses habitudes ou imbibé de réminiscences scolaires ! Ainsi la naïve question «Qu’est-ce que la poésie ?» déchaîne-t-elle une avalanche de nouvelles questions : texte en vers, en prose, littéral, écrit, oral, visuel, banal, lyrique, expérimental, comique... autant de qualificatifs qui nous interpellent.

Cette brillante présentation s’accompagne d’un choix d’auteurs, nés entre 1913 et 1975 -dont 10 femmes (ce qui réjouit !). On peut être perplexe sur certaines propositions, mais d’autres sont jubilatoires tant sont judicieux les jeux sur les mots, l’inventivité des situations s’inspirant de notre réalité du XXIe siècle, comme le délire de Jacques Rebotier sur l’arobase @ que l’«on regarde bien en face», celui de Nathalie Quintane sur la chaussure ou celui de Jacques Roubaud sur le métro de Tokyo... Car on voyage avec la poésie ! On met tout à Sac ! CHRIS BOURGUE

Sac à dos éd. Le mot et le reste, 12 euros


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Je est un autre, mais l’autre est…? Osvaldo est psychanalyste. Absorbé par son travail, ses patients, il ne sent pas que son couple se délite. La fameuse nuit du passage à l’an 2000 marque pour lui le début d’un changement radical. Il doit écrire un article sur «combien pèse une âme». Il se met en retard, pour s’occuper encore d’un patient. Sa femme le quitte. Il doit s’installer et vivre dans son cabinet. C’est le «divorce». En usant des paraboles du rêve, sa «patiente magnifique» tente de le mettre sur la piste d’un inavouable secret. Il rencontre une femme étrange, «fille habillée en bibendum». Les énigmes s’enchaînent, interprétation, confrontation avec le réel, longues courses… discussions avec ses collègues, ses élèves, aide discrète et efficace de sa secrétaire. Dans ce roman polyphonique les voix tissent un faisceau de points de vue qui nous livrent une réalité

fragmentaire, en train de se construire. La vérité n’est d’ailleurs pas toujours dans ce que l’on voit : ainsi un patient se refuse à monter dans certains bus pas toujours visibles… Ironie de la fragilité des frontières: réalité des faits, réalité du rêve, du récit que l’on fait de soi. «Chacun est maître de son histoire, mais celui qui l’écoute aussi. C’est un travail sans fin…» Pour les lecteurs aussi. Un très beau roman, qui nous invite à réfléchir sur notre manière d’appréhender le réel, et nous tourne face à nos ombres. MARYVONNE COLOMBANI

Nous combattrons l’ombre Llidia Jorge Traduit du Portugais par Geneviève Leibrich Editions Métailié, 22 euros

Autopsie de l’horreur Comment est-ce arrivé ? Au sortir du cauchemar d’un fait divers atroce, on se pose toujours la même question, comment est-ce arrivé ? Comment des êtres humains ont-ils pu franchir la barrière, ont pu accomplir la transgression extrême, s’en prendre à leurs semblables en les massacrant ? S’inspirant d’un fait divers du XIXe siècle, Jean Teulé s’attache à reconstituer les faits, avec simplicité, efficacité. Une scène de foire avec des marchands, des badauds, des paysans, des notables, une scène comme nous pourrions la rencontrer sous la plume d’un Flaubert ou d’un Maupassant, un sourire mal interprété, un jeu de mots anodin… et le mécanisme insupportable de l’horreur est enclenché. Ça

fonctionne comme dans une tragédie grecque, la machine mise en route est irréversible. Les pulsions les plus inouïes, dues à la bêtise, au chauvinisme, à la haine qu’engendre la guerre, se déchaînent. Ce sont les Bacchantes d’Euripide qui massacrent, torturent, accomplissent l’inconcevable, orgie initiatique dans laquelle une foule se soude dans la folie. Meurtrière et sauvage. Un roman choc dont on sort hébété. M.C.

Mangez-le si vous voulez Jean Teulé Editions Julliard, 17 euros

Est-ce ainsi que les hommes survivent ? Tous les amateurs de bonne littérature jeunesse connaissent Anne-Laure Bondoux, son héros Linus Hoppe, la saga de La tribu, les Larmes de l’assassin, bouleversantes de justesse. Son dernier roman, Le temps des miracles, nous entraîne dans un monde bien contemporain. Par le biais d’un long retour en arrière, le narrateur évoque son passé, enfant du Caucase trouvé dans un camion. Celle qui l’a élevé dans le mythe de la France, pays des droits de l’homme, a disparu. Est-elle dépositaire de la vérité de ses origines ? Qu’est-ce qui l’a poussée à parcourir l’Europe dans des conditions rocambolesques avec cet enfant ? Pourquoi s’en estelle occupé avec tant de dévouement et d’amour ? Pourquoi s’est-elle volatilisée précisément à la frontière française? Quête de soi, à travers une patiente

reconstitution des souvenirs… Jemapèlblèzfortunéjesuiscitoyendelarépubliquedefrancecélapurvérité retrouvera-t-il ses véritables parents ? Récit fort qui nous entraîne dans les méandres de l’exploitation éhontée des enfants, des personnes détruites par les guerres qui ravagent toujours notre époque, Le temps des Miracles est à mettre entre toutes les mains. Avec pertinence et sensibilité, et sans de mièvre sensiblerie, cette histoire d’exil et de quête donne une leçon de bonheur. M.C.

Le temps des Miracles Anne-Laure Bondoux Editions Bayard jeunesse, 11,90 euros


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LIVRES

ARTS

Écoutez les parler ! Jérôme Bloch est président et fondateur du festival de Musique à l’Empéri à Salon (voir p10). L’homme, l’historien, le conseiller au ministère de la Culture s’interroge sur la place de la musique en France, souvent négligée sur le plan de la pratique, et finalement peu accessible au plus grand nombre. Par manque d’une éducation solide, en dehors des fidèles des salles de concerts. Si la musique est présente partout -lieux publics, télévision-, fêtée le 21 juin… on ne peut s’empêcher de se poser la question : «Quelle éducation musicale pour nos enfants ?». L’auteur propose des pistes pour les bambins, en appelle à l’héritage de Kodaly, s’interroge aussi sur les rapports de l’ouïe et de la vue, chez l’auditeur/spectateur en récital, et rêve aussi d’une réponse culturelle de la musique à la crise… Mais sur-

tout, l’auteur donne longuement la parole aux musiciens ; cinquante artistes internationaux, compositeurs et interprètes de toutes générations : Chamayou, Capuçon Jaroussky, Herreweghe, Christie, Engerer, Mantovani, Chiche, Canat de Chizy, Rousset, Braley… et ils en ont des choses à dire ! JACQUES FRESCHEL

La Cause des Musiciens Jérôme Bloch Éditions Res Publica, 19 euros SALON. Conférences/débats les 29 juillet à la librairie La Portée des Mots et 31 juillet à l’Abbaye de Sainte Croix, 18h

Gounod monumental

Quel gigantesque et précieux travail accompli par Gérard Condé dans ce livre sur Charles Gounod (1818-1893) ! Un ouvrage indispensable sur le romantisme musical français. À la lumière de découvertes de pièces inédites, l’ouvrage propose une biographie du compositeur phare du Second Empire et de la 3e République, des témoignages de ses contemporains ainsi qu’une étude fouillée de ses œuvres, un catalogue de près de 600 opus. Que connaît véritablement le grand public de l’œuvre de Gounod ? Son célèbre Ave Maria d’après Bach et son brelan majeur d’opéras au rang duquel trône Faust… inoxydable ! Mais aussi le «mistralien» Mireille qui, après Marseille en mai dernier, connaîtra les feux de l’Opéra de Paris à la rentrée et ceux d’Orange à l’été

I § L.A

«Comme les générations passées d’intellectuels anglais se mettaient à l’italien pour lire Dante dans le texte, c’est pour pouvoir lire Los Angeles dans le texte que j’ai appris à conduire.» Dans le monde de l’architecture, Reyner Banham est un personnage respectable et respecté, un auteur et critique prolifique qui a arpenté la seconde moitié du XXe siècle, version Brutaliste et Archigram. La réédition de Los Angeles (1971) traduit de l’anglais par Luc Baboulet est à considérer avec tous les égards ! Initialement sous-titré l’Architecture des quatre écologies, cette expérience Angéline de 1965 invite le lecteur, aussi profane qu’il soit, à une visite en quatre temps du côté de L.A. De la plage aux collines et des plaines aux freeways sont analysés avec humour l’évolution pas toujours rose et logique de ce simple pueblo devenu gigantesque mégapole. Les illustrations offrent un témoignage du décor architectural remarquable

2010… Roméo et Juliette enfin, perle shakespearienne d’une rare beauté ! Si l’on joue quelque pan de son immense production religieuse, on néglige injustement ses très nombreuses mélodies chantées, oubliant qu’il fut le créateur d’un genre qui fera les beaux jours de Fauré ou Debussy. Qu’en est-il également de sa douzaine d’autres ouvrages lyriques, de sa musique instrumentale ? Ce pavé est un hommage à celui qui, avec Berlioz et Massenet, constitue le cœur du romantisme hexagonal ! J. F.

Charles Gounod Gérard Condé Éditions Fayard, 992 p., 45 euros

Don Manuel qu’abrite la cité des anges : F. L Wright, R. Neutra, R. Schindler… FRÉDÉRIC ISOLETTA

Los Angeles Reyner Banham Ed. Parenthèses, 22 euros

Xavier Lacavalerie livre un des ces ouvrages qu’on aime avoir en rayonnage, instructif synthétique et surtout bien écrit. Il y a de la poésie dans ce portrait de Manuel de Falla (18761946), lyrique et austère, lumineux et sec comme la terre d’Espagne, malade, ascète, mystique et souffrant… Ce 27e ouvrage de la collection Classica (née en 2004), enrichi d’un index, de repères bibliographiques, d’une discographie, est la deuxième contribution (après Wagner) que le journaliste de Télérama consacre à la série. Si la musique espagnole porte en elle une puissance charnelle brute, elle est souvent dévalorisée, méconnue. Falla porte en lui ce paradoxe : auteur aux affinités francophiles, parvenu à Paris dans la foulée d’Albéniz, Vines et Granados, son écriture est marquée par «l’impressionniste» (Nuits dans les jardins d’Espagne) de Debussy ou Ravel, puis le néo-classicisme parisien (Concerto pour clavecin)… Mais l’Espagne, avec laquelle il fut longtemps en désamour, demeure omniprésente. Elle coule dans la veine populaire andalouse

de La vida breve, le «cante jondo» de L’Amor brujo, Le Tricorne, ou Le Retable de Maître Pierre… Un livre qui donne envie d’écouter l’œuvre ! JACQUES FRESCHEL

Manuel de Falla Xavier Lacavalerie Éditions Actes Sud, 17 euros


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Objets précieux Le Miistère De La Culture-galerie Le Garage à Lorgues a le goût pour les explorations inédites et exigeantes. En témoigne sa collection éditoriale BabIli démarrée à l’origine sous la forme d’un label discographique, et qui opère aujourd’hui une nouvelle orientation avec une collection d’objets d’artistes. À parution aléatoire s’entend, car le MDLC est à l’écoute des créateurs, loin du merchandising… Deux nouveaux ouvrages ont été présentés à l’occasion de deux expositions-lectures à ZIP 22 à Barjols et aux Chantiers de la lune à La Seyne-sur-Mer : L’Enneigement (texte de Lionel Bourg, trois impressions numériques de gravures et de peintures d’Anne-France Frère, trois impressions numériques de photographies de Thierry Azam, 30 euros) et Toi mon aède (texte d’Edith Azam, quatre impressions

numériques de gravures et de peintures d’Anne-France Frère, quatre impressions numériques de photographies de Thierry Azam, 30 euros). Deux éditions originales tirées à 100 exemplaires numérotés, dont la qualité est exceptionnelle, tant dans l’épure de la maquette qui ne connaît pas l’esbroufe, que dans la correspondance entre les textes poétiques et les œuvres graphiques. «Jusque dans les lignes tracées», que l’on emprunte à Lionel Bourg, on se brûle aux mots, on effleure les images, on traverse les paysages mentaux, le regard sans cesse happé par le vers à venir ou la ligne noire en lisière du tableau. Avec précaution, la main va et vient d’une page à l’autre de ces objets d’artistes, avec l’envie d’entendre encore un peu de leur léger bruissement.

Bab-Ili e.v.08 et Bab-Ili e.v.09 MDLC, Le Miistère De La Culture Lorgues (Var)

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

L’art de l’ondulation Du plus petit objet démultiplié (limonadier, clef à molette, char d’assaut…) à la sculpture scénographiée (Le Tribunal, Le Bar, Stock Exchange), Sylvie Réno a jeté son dévolu sur le carton ondulé et le carton d’emballage au point que l’on oublie, parfois, l’amplitude de son travail. L’intérêt de cette monographie est, justement, de faire la lumière sur son œuvre kaléidoscopique et son parcours intense depuis les années 85. Certes les galeries de Marseille, fidèles, permettent de suivre son évolution (elle était dernièrement l’invitée de la librairie-galerie Le Lièvre de mars), mais les textes de Brice Matthieussent, Les Fantômes de la sculpture, et de Jean-Marc Huitorel, L’Invitation du carton, éclairent d’un regard neuf ce que l’on croyait savoir d’elle. Ce dernier met en avant la prépondérance de la sculpture sur l’intervention in situ et souligne «les questions du

rapport au réel et de la représentation [qui] hantent toute l’œuvre de Sylvie Réno et se fondent sur la triangulaire : objets réels / répliques en carton / peinture.» Il cerne l’enjeu esthétique de son univers marqué au sceau d’un matériau souple et solide, biodégradable, dur et malléable à la fois… Car Sylvie Réno, dans ses obsessions, outre sa représentation ludique du réel -et foncièrement pathétique- n’en finit pas de décrypter les méandres complexes de l’hyper production et de l’hyper consommation. Armes à revendre (folie et barbarie), symboles du travail (répétition, abnégation, soumission), objets de récupération «trouvés dans la rue et tentative de revalorisation du monde» font désormais partie de notre alphabet collectif. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Sylvie Réno Co-édition [S]extant et Plus (Marseille), Monografik éditions (Blou), 30 euros

Électronifiant Comment en est-on arrivé là ? La plupart des musiques acoustiques, savantes ou traditionnelles, intègrent aujourd’hui le son électronique dans leur processus de création… fait récemment constaté sur les scènes du Bab El Med, ou du festival les Musiques. Pour comprendre ce fait, l’auteur n’hésite pas à en refaire le cheminement, en partant de Beethoven !, et à passer en revue tous les courants, aux antipodes de la techno et la house, sans qui ces bruits n’auraient pu naître et se propager… Ceux qui baignent dans le bon vieux rock à Papa devront se résoudre à l’écouter d’une autre oreille. De la résonance d’une Les Paul au psychédélisme d’Amon Duul II, en passant par le minimalisme de Steve Reich et l’influence des Pink Floyd, il n’y a que quelques nappes synthétiques, samplers ou boucles à ajouter pour suivre ces expériences jusque dans les Clubs d’Ibiza… Mais Guillaume Kosmicki ne s’attarde pas sur la piste de danse et remet certaines pendules à l’heure,

notamment sur le titre de grand-père de la techno attribué à Pierre Henry. Il insiste surtout sur l’origine du style (bien avant que les artistes plongés dans la jet set ne poussent le vinyl sur les plages de Goa), la mixité et la marginalité de son public, qui rejette toute forme de disco… tout en suivant son rythme ! Ce mouvement basé sur le DIY (Do it yourself) a secoué l’Europe, et ses implications sociologiques sont évoquées ici, depuis le déroulement chaotique des rave parties jusqu’aux difficultés de copyright. Ainsi, avec ce parfait manuel, vous saurez discerner les nuances entre le chill out, le doom-core et le speed garage, même si vous ne possédez rien de tout cela dans votre discothèque ! X-RAY

Musiques électroniques des avant-gardes aux Dancefloors Guillaume Kosmicki Editions le Mot et le reste, 23 euros


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LIVRES

ARTS | HISTOIRE

Neutre apparent André Mérian affectionne depuis longtemps les lieux désaffectés et principalement les zones péri-urbaines. Son dernier opus, Syrie poursuit et renforce cette exploration distanciée. Ses photos accusent un voile laiteux déjà présent dans Statement (chez le même éditeur). On pense parfois à Marco Zanta (Zib’ 17). Sous un effet de surexposition les lumières douces montent dans l’ensemble de l’image, lavent de blanc les couleurs comme on dit en peinture, dégradent les détails, minimisent la dramaturgie des contrastes colorés et de gris. Des espaces intermédiaires, interlopes, inachevés. Dans sa préface Bernard Millet parle de neutralité voire d’absence critique. À nuancer. André Mérian semble prendre une forme de parti voilé : ces lieux communs (immeubles, rond point en cul de sac, ruine de béton…), la distance au sujet comme un no man’s land, le choix du point de vue surbaissé ou surélevé provoquant un déplacement de

la ligne d’horizon et la fuite du regard vers un extérieur, les lumières lactescentes. Il y a dans ces images une bizarre incomplétude qui conjugue distance au sujet et appartenance à un même espace déployé hors champ. Suggère-t-il un flottement du sens : c’est quoi ça ? qu’est-ce ça fait ici ? André Mérian est nominé pour le prix découverte aux Rencontres Internationales de la photographie d’Arles. C.L.

Syrie 20 photographies en quadrichromie d’André Mérian préface Bernard Millet 48 pages, tirage à 500 exemplaires en souscription, tirage de tête numéroté, signé, livre dédicacé au prix de 125 euros Images En Manœuvres Editions, 19 euros

Une Valse en deux temps Vous avez raté le remarquable film d’animation documentaire Valse avec Bachir applaudi à Cannes en 2008 et récemment récompensé du Golden Globe du meilleur film étranger ? N’ayez crainte, le cinéaste israélien Ari Folman a décliné l’émouvant récit en bande dessinée. Procédé singulier : les dessins sont issus directement des dessins préparatoires du film. Comment ce long métrage est il devenu un roman graphique ? David Polonsky, directeur artistique du film, en est le principal artisan, et joue des relations complexes, entre connivences et ruptures, qu’entretiennent le septième art et la bande dessinée. L’esthétique semi-réaliste du dessin et le traitement chromatique tout en contrastes font de ce livre une

indéniable réussite, qui n’affaiblit ni la puissance du récit ni l’originalité du propos. Une prouesse technique haute en couleurs au sens propre, qui passe haut la main l’obstacle de la transposition d’un support à un autre. Il faut dire que les auteurs ont procédé eux-mêmes à l’adaptation, ce qui explique sans doute que la force émotionnelle soit intacte : malgré l’absence de son, les moments tragiques vécus au Liban en 1982 hurlent aux oreilles. FRÉDÉRIC ISOLETTA

Valse avec Bachir A. Folman et D. Polonsky Ed Casterman –Arte Editions, 15 euros

Y’a pas bon colonies ! Les assertions de Nicolas Sarkozy sur les difficultés de «l’homme noir à se situer dans le temps», lors du discours de Dakar en 2007, avaient vivement surpris bon nombre d’entre nous. Le Président de la France pouvait-il céder au racisme ordinaire, à tout le moins à ses représentations infantilisantes ? Catherine Coquery-Vidrovitch a voulu intervenir dans la polémique. Non par repentance, comme l’a fait l’autre candidat de la présidentielle qui demanda pardon pour la France, mais en faisant son travail d’historienne. Elle a voulu, dans ce débat politique, remettre l’histoire en perspective. Elle l’a d’ailleurs grandement élargi en passant en revue tous les sujets polémiques qui affleurent sur la scène citoyenne et médiatique. Pour elle, tout cela n’est que la conséquence d’un passé colonial non assimilé. C’est la «fracture coloniale» ! En près de 200 pages, Catherine Coquery-Vidrovitch entreprend de nettoyer les faux débats actuels sur l’histoire d’Empire et de soumissions. Elle démonte avec brio les ressorts qui amenèrent la loi à affirmer

l’existence d’«aspects positifs de la colonisation», sorte de contrepoids aux confessions d’anciens tortionnaires. Elle répond aux attaques contre les déficiences des historiens, qui auraient déserté ces questions complexes. Elle mène donc une analyse historiographique serrée sur la production historique, montrant combien ses fluctuations sont dues aux conjonctures politiques nationales. Elle démontre surtout que l’histoire coloniale a davantage souffert d’ignorance que d’un manque de travaux… Mais surtout, elle affirme que notre société souffre de ce véritable défaut d’appropriation de cette histoire de vainqueurs et de vaincus. Il faut construire une autre histoire de France, qui soit d’ici et d’ailleurs : l’amnésie ne paie pas ! Un petit livre capable à la fois d’une mise au point historique autant qu’historiographique, et d’une intervention salutaire pour décrypter la société postcoloniale. RENÉ DIAZ

Enjeux politiques de l’histoire coloniale Catherine Coquery-Vidrovitch Agone, 14 euros


LA PLACE SOCIALE DE L’ART

PHILOSOPHIE

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Ça sert à quoi l’art ? Eh bien à rien. Comme l’amour, le courage… De toute façon les plus belles choses humaines ne servent à rien ! Difficile avec une telle réponse de se battre contre les coupes budgétaires et la baisse des subventions à de nombreuses manifestations culturelles ! Difficile aussi de «démocratiser» l’œuvre d’art et de l’imposer dans certains quartiers (voir plus bas…) Mais tentons un rapide survol, arbitraire bien sûr, du rôle social de l’art. Rappel. Platon veut chasser les artistes de la cité dans sa République : ils ne servent à rien pour la bonne marche des affaires humaines ; ils ont certes un rôle dans certains contextes mais de dissuasion, de perversion… Bref, le réel est assez compliqué à comprendre comme ça, alors si en plus des rigolos veulent nous représenter des choses fausses on ne s’en sortira jamais ! Dehors les loulous !

Heureusement qu’Aristote vient sauver la mise de nos péripatéticiens préférés d’Athènes en constatant, par la pratique, la force pédagogique et psychologique de l’art. D’une part l’homme prenant plaisir à la vue, il est bon que les artistes viennent combler ce plaisir ; et puis de la vue on peut passer progressivement à l’intellect : c’est une fonction pédagogique, et c’est très bien. Plus célèbre et forte est sa théorie de la Catharsis dans la Poétique. Le rôle de l’art notamment dans la tragédie est de faire vivre des émotions que nous ne pouvons ressentir dans le quotidien. La tragédie vient purger l’âme humaine d’émotions nocives : je ne peux tuer mon père alors Sophocle s’en charge pour moi ; j’ai peur, j’ai mal, je compatis, et me purge de mes mauvaises passions en m’identifiant au personnage… à peu de frais. Plus récent ? L’analyse historique de Panofsky dans

L’œuvre d’art et ses significations, ou son petit Galilée critique d’art, sont particulièrement éclairants sur le rôle révélateur de l’art. À la Renaissance la science est sous tutelle de l’église, et dit parfois de grosses bêtises, l’expérimentation étant interdite. Alors c’est souvent l’art qui voit le réel grâce au soin apporté par ces obsessionnels d’artistes à l’observation de la nature. Ce souci artistique d’observation est très spécifique ; même le grand Galilée, qui avait des yeux et des lunettes, refusera d’admettre les ellipses de Kepler à l’aune de la théorie : ce sont des cercles déformés ! Or le cercle est la forme parfaite… Voilà. Je n’irai même pas jusqu’à Duchamp : faites comme moi, prenez un petit Galilée sous votre serviette de plage, allez au théâtre, au concert, aux expos, et signez des pétitions pour dire que l’art ça sert ! RÉGIS VLACHOS

Le fantôme de l’Aventure À l’occasion d’un débat organisé par le FRAC, Marc Rosmini revient sur la destruction de L’Aventure, de Richard Baquié, installée en 1988 à la Cité des Cèdres, et rapidement vandalisée par les habitants. Aventure qui interroge sur la place sociale de l’art… Zibeline : Pourquoi avoir choisi de débattre de l’Aventure à l’endroit même où elle était installée et où elle a été détruite ? Marc Rosmini : Le Fonds Régional d’Art Contemporain m’a proposé d’animer des débats autour de mon livre Marseille révélée par l’art contemporain. Pour prolonger l’esprit de ce dernier, il nous a semblé logi-

que d’aller vers les gens dans leur diversité, et de dialoguer avec eux sur ce que l’art pouvait, aujourd’hui, nous apporter. Le choix de situer une œuvre contemporaine dans un lieu tel que les Cèdres, quartier en proie à de profondes difficultés économiques et sociales, était un choix risqué. Le débat organisé par le FRAC est une façon de prolonger le risque, en faisant de la philosophie esthétique dans la rue. C’est aussi revenir aux origines socratiques de la philosophie. Le Centre Social Malpassé s’est d’ailleurs spontanément associé avec nous, son directeur et sa présidente pensant qu’il est essentiel de montrer aux Marseillais qu’on peut venir sans crainte excessive dans ce quartier. Si nous contribuons à combattre les préjugés dont les quartiers Nord sont victimes, l’événement aura déjà trouvé du sens. Richard Baquie, l'Aventure, 1987 photo Yves Gallois

La destruction rapide de l’œuvre de Baquié est-elle le signe d’un divorce entre les classes populaires et l’art de notre temps ? Il faut nuancer ce jugement. Ricardo Vazquez (qui animait le débat du 8 juillet avec Marc Rosmini ndlr) rédige en ce moment un mémoire qui prouve que le funeste destin de l’Aventure est également lié à des disfonctionnements d’ordres techniques et administratifs. Le vandalisme a existé, mais il n’est pas la cause unique. N’oublions pas non plus que les habitants d’un quartier beaucoup plus «favorisés», à savoir Bonneveine, ont obtenu en 1996 qu’on désinstalle une importante sculpture de Mark Di Suvero qu’ils jugeaient «horrible» et «insensée». Si l’art contemporain est victime d’un rejet, ce dernier ne concerne pas une classe sociale en particulier. Mais il est évident que certains habitants des Cèdres ont pu juger cette sculpture superflue dans la mesure où beaucoup de leurs besoins essentiels ne sont pas satisfaits. Je pense également qu’une œuvre telle que L’Aventure nécessite une éducation du regard et une connaissance de l’histoire de l’art qui ne sont pas très répandues, quel que soit le milieu social. Il n’y a donc pas d’espoir de voir l’art contemporain s’épanouir dans l’espace public ? Pour préparer le débat, j’ai rencontré une classe de l’école Malpassé les Oliviers, et les remarques des élèves, qui pourtant ont un faible capital culturel, m’ont plutôt donné espoir. Les œuvres de l’esprit peuvent parler à tous, à condition de se donner les moyens de la médiation, et d’inciter chacun à s’exprimer sans censure sur leur signification. Et puis, même si je déplore la destruction de l’Aventure, le fait même qu’elle fasse toujours débat vingt ans après prouve qu’elle continue d’agir dans l’imaginaire collectif ! Pour toujours le fantôme de cette œuvre donnera une poésie et une magie particulière à ce carrefour des Cèdres… ENTRETIEN RÉALISÉ PAR RÉGIS VLACHOS


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MUSIQUE

DISQUES

Aymes… on aime ! À l’écoute du 3e volet de son intégrale consacrée à Frescobaldi, on mesure la chance de posséder sous nos latitudes un claveciniste d’un tel niveau. C’est que, sous un naturel réservé, Jean-Marc Aymes est l’un des tout-grands. Le directeur artistique du Centre Régional d’Art Baroque, créateur du Concerto Soave, non content de proposer régulièrement à Marseille des programme de haut-vol

(festival Mars en baroque), subtilement pensés, de tenir également le clavier à l’Orchestre de l’Opéra, montre qu’il est un grand virtuose en récital (voir p.35) comme au disque. Son jeu d’une profonde expression et d’un goût sûrs s’avère tout autant expert et libre que bâti sur une conception rigoureuse de la forme. Un Frescobaldi indispensable ! JACQUES FRESCHEL

Alexandre en questions 2CD Ligia Digital - Lidi 0101199-09

Prélude à La Roque Voici un disque à écouter en boucle, en voiture, sur les charmantes routes du Luberon qui conduisent aux différents lieux du festival de La Roque d’Anthéron, en particulier au Château de Florans, sous l’immense conque acoustique, véritable matrice sonore qui fait le bonheur des pianistes invités. Ce disque présente la fine fleur du festival et de l‘écurie «Mirare»

de René Martin : Berezovsky dans Rachmaninov et Medner, Zhu Xiao Mei dans Bach, Pennetier dans Fauré, Angelich et Liszt, Neuburger et Chopin, Queffelec, Engerer, Diluka… Un choix de pièces à écouter les yeux fermés… sauf si vous conduisez bien sûr ! J.F.

CD Mirare MIR 078

Anna remplace Hélène Si l’on regrette à La Roque, l’annulation pour raison de santé (voir p.10) du récital d’Hélène Grimaud, l’occasion est donnée au mélomane de découvrir la jeune (et tout autant magnifique !) artiste qui la remplace. Anna Vinnistskaya a gravé, il y a peu, un disque somptueux («Choc» de Classica et Diapason d’or) dans lequel, outre Medner et Gubaidulina, elle

livre deux interprétations flamboyantes de technique des Sonates n°2 de Rachmaninov et n°7 de Prokofiev. Cette bête de concours, lauréate du Prix Leonard Bernstein 2008 et vainqueur du Concours Reine Elisabeth 2007 est à entendre dans Ravel, Franck et Moussorgski le 31 juillet au parc du Château de Florans! CD Ambroisie AM 177

J.F

Inaltérable Ciccolini A 84 ans, Aldo Ciccolini est un mythe vivant. On l’entend cet été encore, le 26 juillet à Montpellier au festival de Radio France et le 10 août à La Roque d’Anthéron (voir p.10). Ses débuts remontent à… 1941. Imaginez qu’il a étudié avec Cortot, remporté le «Marguerite Long» en 1949, joué avec Furtwängler, Erich Kleiber… Cascavelle publie un coffret de témoi-

gnages essentiels des dernières années réalisés entre 2002 à 2004 : Schumann (Carnaval de Vienne, Scènes de la Forêt, Grande Sonate op.14), Chopin (Nocturnes) Grieg (Pièces lyriques). Que des galettes primées et encensées !

J.F.

J.F

Coffret 6CD Cascavelle VEL (parution le 27 août)

Piccolo Pattàpio Voici que le roi du piccolo, JeanLouis Beaumadier, bien connu des amateurs de flûte traversière, s’intéresse à un répertoire inconnu sous nos contrées. En compagnie de Maria José Carrasqueira au piano, il exhume des pièces composées aux alentours de 1900 par un virtuose brésilien mulâtre disparu à 26 ans : Pattàpio Silva. Des pièces légères et acrobatiques, classiques, exubérantes ou nostalgiques, puisant à la source

Musicatreize publie son 5e ouvrage des Contes musicaux commandés par Roland Hayrabedian à des compositeurs d’aujourd’hui. Le processus est réglé : après une création musicale, suit une production mise en scène, alors qu’en parallèle paraît un témoignage discographique illustré de l’œuvre. Aujourd’hui Le Grand Dépaysement d’Alexandre le Grand, pour 12 voix, percussions et 2 comédiens jouant en langue des signes, est disponible. Jean-Christophe Marti réalise une adaptation du Talmud de Babylone propice à des réflexions politiques, philosophiques, éthiques, sur la colonisation, les langues… Sur la base de rencontres/épreuves de l’Empereur mégalomane avec les Rabbis du désert, les femmes d’Afrique, s’ouvre à lui un chemin initiatique qui ébranle ses certitudes La forme est celle d’un conte classique et la texture musicale étire ses harmonies dissonantes dans un continuum sonore qui semble creuser l’espace temps, renforcer l’étrangeté du récit. Le livre gomme un élément fondamental de l’opus, le langage des signes posant la question de l’altérité par le lien improbable qu’il tisse entre la musique et le monde des sourds. Le texte est illustré par les planches solaires du peintre burkinabé Christophe Sawadago.

du folklore, auxquelles sont jointes des pages de Mathieu André Reichert (1830-1880) flûtiste belge amoureux du Brésil et de Joachim Callado (1848-1880). Un disque réjouissant ! J.F

CD Skarbo DSK 4092 On retrouve Jean-Louis Beaumadier, début août, dans les Alpes de Haute-Provence (voir p.12)

Livre + CD aux éditions Actes Sud Représentation scénique de l’opus, le 13 sept à l’Etang des Aulnes (voir p.9)


57 Fred le Grand Dans les bacs depuis mai 2009, l’album Monde Nouveau Monde Ancien de l’enfant du pays Fred Nevchehirlian fait parler de lui à juste titre. Le prolifique slameur ouvre ses portes au rock pour une rencontre fructueuse et prometteuse. Performeur, auteur-interprète ou poète, le marseillais a la tête pleine de projets : après le Festival de Marseille cet été, on le retrouvera sous les diodes de Marsatac en septembre, sur la scène nationale de Martigues ou en tournée avec Arthur H en 2010. Cet

artiste atypique déclare «le rock c’est ma source», et on veut bien le croire. Dessus ? Une poésie déclamée avec sincérité Dessous ? Une instrumentation foisonnante et riche. Car cette musique est le creuset de rencontres fécondes en très bonnes surprises. Serge Teyssot-Gay (Noir Désir), Keyvan Chemirani, Jean-Marc Montéra (Grim) ou encore le saxophoniste Raphaël Imbert (Nine Spirit) se croisent dans ce nouveau monde, à découvrir.

Monde nouveau monde ancien Fred Nevchehirlian Internexterne

FRÉDÉRIC ISOLETTA

Spleen et idéal Prêt au décollage ? Avec Watine et son univers si particulier, si sensible… Un «voyage» vers un monde irréel. Deuxième opus pour cette voix sœur de Nico, qui vous emporte dans un monde onirique peuplé de chimères, et teinté de Curiosités. Couleurs musicales et douceur planante contemplative rythment les dix chansons de l’album B-Side life. Véritable compagnon de route, le piano se met à rêver comme sous les doigts de

J.-S. Bach, et contrebalance les arrangements de cordes graves presque romantiques… qui résonnent loin du scintillement du xylophone et de son imaginaire enfantin. Une telle symbiose d’éléments musicaux très différents, qui laisse admiratif et vous emporte dans le flux poétique impalpable de la mystérieuse Watine.

B-Side Life Watine Watineprod.com / Anticraft

F.I.

L’été en pente fraîche Rien de tel pour aborder l’été sereinement que de se procurer le troisième album des joyeux drilles Les Tit’Nassels. Deux, Trois Trucs c’est simplement treize titres tout frais et tout chauds, dépouillés et sincères. Légèreté, humour et bonne humeur bien française mais aussi mélancolie et nostalgie. Avec Kent et Lionel Dussauchoy (L’Affaire Luis Trio) aux commandes, c’est dix ans de chansons et de scènes qui sont fêtées

dignement. Et autant vous prévenir, cocktail sonore à l’instrumentation colorée et sans artifice vous met facilement de bonne humeur ! Le tournoyant Emmènemoi !, l’enivrant Quand je s’rai p’tit, la reposante balade Deux, trois trucs ou encore la délirante Soixante millions de… vous trotteront aussitôt dans un coin de la tête. Ils n’attendent que vous !

Deux, Trois Trucs Les Tit’Nassels At(h)ome – Wagram

F.I.

Glamorous punk ! Fancy, on pourrait dire que ça s’écoute, mais également que ça se voit. Comprenez que le trio outre atlantique se présente comme une arme de destruction scénique. Looks rétro moulants pailletés, poses androgynes, visages maquillés, shows déjantés… On les retrouve donc pour un come back glam rock aux accents parfois pop disco, mais le plus souvent punk rock. Sacré mélange explosif pour l’album Kings of the Worlds ! Une énergie incroyable anime et rythme les onze titres de cet opus où

flotte la voix suraiguë et surchauffée de Jessie Chaton. Ovni charismatique, le leader est un spécimen rare, issu d’un groupe heavy-glam imaginaire où auraient pu se rencontrer Freddy Mercury ou des membres de Kiss. Par ailleurs plus sérieux, il affiche ses penchants vers un rock dur et haché, et certains titres rappellent le grand David Bowie ou l’inoubliable B.O de Phanton of the paradise.

Kings of the worlds Fancy Exclaim

F.I.

On est chez nous Il a fallu attendre cinq ans pour voir éclore le nouvel album de La Rue Kétanou mais on peut dire que le résultat est à la hauteur de l’affût ! À Contresens est une réussite à tous les étages qui nous emmène dans des contrées lointaines. La touche chanson française, à texte ou de la rue se glisse facilement et habilement dans l’univers du trio. Ces trois citoyens du monde aux origines variées : belges, marocaines et portugaises font valser

l’accordéon sur fond de revendications sociales, en quête d’un monde meilleur ou tout simplement de joie. «C’est pas nous qui sommes à la rue, c’est la Rue Kétanou» revient donc en force sur le terrain encombré de la chanson française festive ! Alors laissez-vous tenter : pourquoi pas à Salon au Château de l’Emperi (22/7) ou au Festival d’Hyères (26/7) ?

À Contresens La Rue Kétanou Ladilafé

F.I.

Tranches de vies Son passage au Dôme de Marseille fut plus que réussi… Le consensuel chroniqueur de tranches de vie Bénabar a franchi les étapes à la vitesse de l’éclair. Son album Infréquentable démontre qu’il est bien plus qu’un chanteur populaire qui a trouvé sa place dans le paysage. Malgré sa Victoire il ne cesse d’arpenter la route à la recherche de voies intimes, lui qui dit ne jamais cesser d’écrire. Il revisite ses thèmes favoris, l’observation de

ses semblables, les copains, l’amour avec une vitalité contagieuse. C’est le paradoxe de ce type comme vous et moi qui n’en finit pas de surprendre par sa manière de traiter des thèmes les plus banals ! Il suffit donc d’enclencher L’effet papillon ou À la campagne pour glisser dans l’univers intimiste du chanteur. Bénabar est désormais bien plus que fréquentable… F.I.

Infréquentable Bénabar Jive Epic – Sony BMG


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MUSIQUE

DISQUES

L’hiver au Brésil Entre soul et reggae Que vous soyez seul ou accompagné cet été, sur une île déserte (cela existe encore ?) ou sur les grands boulevards des capitales européennes, il vous faudra emporter dans votre MP3 ou vos bagages la voix de Jaqee, une jeune femme au parcours assez inhabituel : un premier opus R’n B et soul, puis une virée rock et blues pour ensuite se mettre dans la peau de Billie Holiday! Nomade et sans valises, on la retrouve au sein du duo franco-allemand Koalas Desperadoes, leur projet «outernational» où participaient 15 pays différents… Teka, aussi patron du label Rootsdown, a entraîné cette Suédoise (d’origine Ougandaise) dans des courants plus chauds, à surfer ses interprétations musclées et gaies sur des rythmiques jamaïcaines appropriées… Restant elle-même, une Kokoo girl crémeuse et rayonnante (empruntant même un look à la Joséphine Baker), son talent indéniable la place au niveau de Ayo ou de la divine Grace Jones et sa jeunesse contagieuse (Take the train) nous rappelle même Amy Winehouse. La façon d’aborder différents univers musicaux est très enjouée, naïve parfois, jamais nunuche. Partenaire particulière pour regarder la lune briller ou danser dans un pays de Liberté, c’est à prendre ou à laisser ! Mais je sais déjà avec qui je vais faire un tour pendant ces vacances, ces quatre titres tournant déjà en boucle dans mes oreilles…

X-RAY

X–RAY

Charmés Le collectif Culture Musical Club enrichit la Culture mystérieuse et oubliée de ce royaume éloigné qu’est le Zanzibar et nous a fait connaître le taraab, vieux de plus d’un siècle. Constitué à partir d’instruments ramenés d’Egypte à la demande du Sultan, des instruments comme le qanum (cithare jouée sur les genoux empruntée à la culture arabe), les violons (entendus dans les films égyptiens et aussi les Bollywood indiens), le oud, l’accordéon et le nay charment par leur interprétation (le terme arabe tarabi signifie «être ému, charmé»). Souvent lancinante, leur musique est relevée par des rythmes kidumbak qui freinent la nostalgie et poussent au dépaysement, survolent les rivages des Comores, de l’Afrique du Sud, des Indes et du Yemen voisin, et même en fermant les yeux nous entraînent jusqu’en… Espagne. Ce sont surtout les voix qui font preuve d’originalité dans cette fusion, avec des femmes qui chantent comme des rossignols, et ce son de balloche qui fait penser à un mariage bien étrange. Aujourd’hui autonomes, ces quinze musiciens étaient au départ l’orchestre du pays (et de son seul parti). Ils sont maintenant devenus ambassadeurs, tout en jouant chez eux une fonction sociale importante pour se détendre, répéter et lier connaissance. L’orchestre nommé au départ Shime Kuokoana (qui signifie «préserve ce qui va se perdre») signe avec ce nouvel album une de ses plus belles pages, cinquante années après sa création. X- RAY

X-RAY

Kokoo girl Jaqee Rootsdown records

Il y a longtemps que la Jamaïque n’est plus l’île aux trésors qu’elle était jadis, américanisée qu’elle est dans le look et les propos de ses artistes. Étrangement, et par effet de miroir, les yankees ont désormais saisi le flambeau, sans prendre pour autant des allures de piètres pirates copieurs. On reconnaît facilement un reggae US à ses intros et breaks inédits, à la réutilisation des cuivres dans ses arrangements et à son message éco-citoyen -protéger le Globe et ne plus l’user. Avec son look de sépharade à la longue barbiche, le chanteur a l’air d’un gourou mais se défend d’être leader de Groundation, engageant même pour leur dernier album un deuxième chorus féminin, qui prend le lead (So Blind) et insuffle une expression soul rarement de mise dans les studios de Kingston. Leur première véritable prouesse instrumentale (Walk upright), la longueur des morceaux elle-même, illustre bien le feeling jazzy, à la limite de l’improvisation, qui les distinguent de leurs pairs jamaïcains. Là où le résultat est magique, c’est quand ils les invitent à se joindre à eux ! Time has come suit comme une ombre la plainte des Congos, instillant l’idée qu’eux n’ont plus de chansons à chanter, un vide artistique comblé par l’Occident. C’est quand même un comble…

Marcos Sacramento, peu connu ici après 25 ans de carrière, a mûri une idée qui lui est passée par la tête, Na cabeça. Sur ce disque, il a pour la première fois renoncé aux percussions pour s’accompagner uniquement à la guitare, tout en s’adaptant parfaitement aux jeux rythmiques et au son de la Samba comme de la M.P.B (musique populaire brésilienne). «Cela me gène un peu quand je suis identifié comme Sambiste, c’est un énorme poids. C’est un milieu assez fermé, je ne suis pas dans ce métier.» La samba se joue donc à sa manière et de fort belle façon, les guitares devenant plus classiques dans Rosa de Chico Buarque et Bossa dans un Prisioneiro do mar qui sied à Baden Powell. Le chanteur cite sans hésitation comme père spirituel Caetano Veloso, comme mère Elis Regina, avec des petits frères comme Lenine. «À la grande époque, le Tropicalia attirait les foules dans les festivals.», mais les artistes brésiliens manquaient de reconnaissance. Et le passage de Gilberto Gil à la Culture «n’a rien changé !». Face à la nouvelle mode de l’Axé (prononcez ashé), seul Internet et l’engouement de la musique brésilienne à l’étranger aident les artistes : «C’est un travail de fourmi, je ne tiens pas à devenir une star, je ne cherche pas à passer sur les radios, ou faire du featuring sur les bandes sons de Télé-novelas du Brésil ! Mais je fais partie de la scène contemporaine du Brésil.» Lors d’un showcase avant son concert à Marseille, Marcos Sacramento a survolé Na cabeça et donné l’envie d’en écouter plus, faisant ressortir l’originale simplicité de cet album. Quand vous l’aurez dans la «cabeça», vous n’aurez plus qu’une idée en tête… passer l’hiver au Brésil !

Shime Culture Musical Club World village, Harmonia Mundi

US Reggae

Here I(eye) Am Groundation Distribution Naïve

Na cabeça Marcos Sacramento Biscoito fino


L’EAU

Eco l’eau ?

SCIENCES ET TECHNOLOGIES

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Entre logique financière et écologique, l’économie de l’eau gît turbide. Le «développement durable» nage souvent en eau trouble…

Quand le vert tue, tu meurs ça vend. Et pour l’industrie pharmaceutique, en ce moment, ça baigne. Là où les temps sont plus secs, c’est dans la flotte sous plastique. On peut

Donc Zibelins et Zibelines inquiétezvous, l’insécurité nous guette : savez-vous où se niche l’ennemi intérieur tel un aqueux al qaïda ? WWF l’affirme avec le best-sellant SavantShreiber, l’auteur de tous nos maux, la fauteuse de troubles, c’est… l’eau du robinet. Moi, petit savant honnête de Marseille, pour nettoyer tout ça, je propose à WWF, Véolia, Vittel (groupe Nestlé), Aventis-Pharma… la synthèse d’une eau innovante, pure, anticancéreuse, anti-insécurité, anti-chienlit, une eau qui lave plus blanc, qui rend «plus belle la vie». En fait, je propose l’invention de l’eau de vie sans alcool, 100% naturelle… l’eau bénite, quoi ! Je brevète l’eau bénite… Qui achète ?... Qui dit mieux ?… Qui dit Dieu? À moins que vous ne préférassiez le retour à l’asepsie amniotique d’avant la Perte (des eaux bien sûr) ?

vivre d’amour et d’eau fraîche, peace and love, et boire simple. Alors pour vendre, il faut mettre ses soins à ce que rien n’aille bien.

YVES BERCHADSKY © Tonkin Prod.

«Nous ne voulons pas faire peur aux gens», déclare, le 23 juin, David Servan-Schreiber dans une interview au Parisien à propos de sa nouvelle campagne sur la nocivité de l’eau du robinet. Propos repris dans Le Monde, puis réaffirmés à la télé, publique et privée… Mais, bien sûr ! Monsieur le savant Schreiber, ce n’est pas pour faire peur, c’est sûrement Contrex les actionnaires d’Evian que vous développez durablement cette alarme! Prudent, le savant psy Servan-Schreiber nuance son anathème puisque dans le même temps il reconnaît que l’eau du robinet est «globalement bonne en France.» Le savant psy a écrit un «best-seller (sic), Anticancer», mais il ne faudrait point faire d’ombre aux Saigneurs du robinet Véolia (ex Vivendi-Générale des eaux) ou GDF-Suez-Environnement (Ex-Lyonnaise des eaux) ! Vous reprendrez bien un petit best seller pour la route ? Tout le monde le sait, en matière de santé publique, il n’y a qu’un impératif, c’est… mieux vendre. Car ma foi ! Le cancer, les maladies orphelines, H1N1… ça innove, donc

Le vert vend tout à l’envers Au grand marché d’été du tout écologique, vous trouverez en bonne place sur nos éventaires ensoleillés, déventés, déjantés, et sans aqueux ni tête… … entièrement repensée et rénovée, la Maison des Énergies, créée en 2003, et qui devient «La Maison de l’Eau et des Énergies» à partir du 1er juillet 2009. Située sur la commune de Rousset, au pied du barrage de Serre-Ponçon, la Maison de l’Eau et des Énergies est un espace découverte, attractif et pédagogique, dédié à l’énergie et à l’environnement. Désormais ouverte toute l’année, elle a vocation à sensibiliser le grand public, les scolaires et les jeunes sur les enjeux de l’énergie, la production hydraulique et le respect de l’environnement. Ce nouvel espace, labellisé par le pôle de compétitivité CAPENERGIES, est situé au pied de la plus grande retenue d’eau de France et s’inscrit au cœur de la Vallée de la Durance «future Vallée des Énergies nouvelles». Entrée libre, du lundi au vendredi de 9h30 à 17h30. 04 92 54 58 11 www.ot-serreponcon.com/serre-poncon/visites.php

Et puis, une information pour les chauvins des environs :

Enfin, pour ne plus faire le pied de grue

Le Conseil mondial de l’eau a retenu la candidature de Marseille pour organiser et accueillir le 6e Forum mondial de l’eau en 2012. La France suivra donc le Maroc, les Pays-Bas, le Japon, le Mexique et la Turquie qui ont tous organisé et accueilli les précédents forums mondiaux de l’eau. Plus de 33 000 personnes issues de 192 pays ont pris part au dernier Forum mondial de l’eau à Istanbul, le plus grand rassemblement jamais réalisé pour l’eau. Et puis, je suis sûr que cela ravira nos Zibelecteurs: le ministère du Développement durable et la ville de Marseille se disent «fiers» d’avoir l’occasion d’organiser le 6e Forum mondial de l’eau, et sont « déterminés à donner le meilleur [d’eux-mêmes] pour faire avancer la cause de l’eau » à travers le monde. Après la cause de la culture, la mairie de Marseille épouse donc la «cause de l’eau». Attention à la polygamie des causes !

allez donc faire quelques ronds dans l’eau du Marais du Vigueirat, histoire de porter votre soutien au Conservatoire du Littoral qui participe avec efficacité à la préservation de sites naturels si beaux, si précieux et surtout si indispensables. Trop d’animation, trop de manifestations intéressantes pour que l’on puisse les détailler ici, mais allez donc voir page 18. Ou avant de surfer sur les marais camarguais allez tirer quelques bords sur leur site, ça vaut le coup de wishbone.

www.developpementdurable.com

Marais du Vigueirat, Les Cabanes de l’Étourneau, Mas-Thibert 04 90 98 70 91 www.marais-vigueirat.reserves-naturelles.fr www.conservatoire-du-littoral.fr

Bonnes vacances bien environnées à tous les Zibulsavants et surtout… bullez bien sans aqueuse inquiétude ! Y.B.


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PATRIMOINE

PRIEURÉ DE SALAGON | ABBAYE DE VALSAINTES

Entre lavandes et roses Réserve de lieux sauvages, la Haute-Provence constitue aussi un magnifique écrin pour des lieux de mémoire comme le Prieuré de Salagon et l’abbaye de Valsaintes Mémoire d’un mode de vie Dans la plaine de Mane, la construction du Prieuré de Notre Dame du Salagon a commencé au cours du XIe siècle. L’ensemble imposant comporte l’église à deux nefs et sa voûte en cul de four, le logis prieural et réfectoire du XIIIe, une superbe tour romane et des dépendances agricoles ; le tout ceint de grands murs de pierre et de deux calades en pas d’âne. Dès le XIIe, le domaine fut pris en charge par les bénédictins de Villeneuve-lès-Avignon, cédé à un seigneur fin XVe pour être vendu à la Révolution. Occupé à nouveau par des religieuses au XIXe, il resta exploitation agricole jusqu’en 1981. En 1953 les bénévoles de l’association Alpes de lumière ont commencé la restauration des lieux en même temps qu’ils recueillaient outils et objets, témoins du mode de vie des habitants. Grâce à leur travail et leur enthousiasme un musée s’est peu à peu développé, a mis en place un service éducatif et a finalement reçu le label ethnopôle du Ministère de la Culture en 1996. C’est le Conseil Général 04 qui en assure la gestion depuis 2000. Plus de 5000 ouvrages sont à la disposition du public, un Conseil scientifique suit des projets de recherche en accord avec l’Université. Des livres sont régulièrement publiés, rendant compte notamment des travaux des ethnologues et ethnobotanistes Danielle Musset et Pierre Lieutaghi qui organisent parallèlement de nombreuses expositions sur les activités paysannes oubliées.

De jardins en jardins Entre la Durance et la montagne de Lure poussent environ 1700 plantes qui, depuis l’Antiquité, ont nourri et soigné les hommes du pays. Cette relation est mise en évidence dans les jardins à thèmes : le Jardin médiéval, créé à partir du témoignage des enluminures, de la tapisserie de La dame à la licorne, de livres de comptes, de recueils médicaux, avec la garance, le poivre des moines («vitex agnus castus» était chargé de calmer leurs ardeurs !), le chanvre, la potentille... Plus loin le Jardin des simples, qui abrite les végétaux utiles et accessibles à tous sur les chemins ou dans les prés pour laver, s’alimenter, mais recèle aussi quelques plantes magiques comme l’hellébore ou la mandragore, et toutes sortes d’herbes qu’on appelle trop vite «mauvaises» : ortie, pariétaire, bardane... ! Puis le Jardin des temps modernes propose un voyage dans la flore mondiale avec des végétaux des cinq continents, mettant l’accent sur les épices -que l’on ne connaît souvent qu’en poudre- et les couples céréales/légumineuses si importants pour l’équilibre nutritionnel. À l’occasion, vous apprendrez à supprimer les «gourmands» de vos plants de tomates et décou-

Prieuré de Salagon © Madeleine Imbert

Abbaye de Valsaintes © Madeleine Imbert

vrirez que la «chichourle» est un petit jujube ! Le Jardin du chêne blanc présente la végétation collinéenne de la Haute-Provence et le Jardin des senteurs est en cours d’agrandissement : en plus des aromatiques locales il présentera des senteurs florales ou foliaires, n’hésitant pas à mêler les capiteuses aux nauséabondes ! Enfin la lavande règne en maître puisqu’une exposition permanente lui est consacrée. Le Prieuré est aussi ouvert à l’art contemporain et propose des expositions tout au long de l’année. Actuellement, une artiste -Paule Riché- expose des dessins à l’encre sur des kakemonos de papier de riz, réalisés lors d’une résidence dans le prieuré. Installation dans l’église d’une grande intensité.

«Je n’utilise aucun engrais, le sol s’est enrichi peu à peu grâce au paillage, les insectes participent à l’équilibre. Je laisse pousser la flore sauvage au milieu du jardin d’ornement.» Il a créé une rose nommée Belle de l’Abbaye et anime des émissions journalières de jardinage sur France Bleu Vaucluse. Il fait faire le tour du propriétaire au milieu des rosiers en fin de floraison, des absinthes, des lys ; au passage on mâchouille une feuille de stevia, dont les feuilles peuvent avantageusement remplacer le sucre ! Il poursuit : «Depuis 2000 on ouvre du 1er mars au 11 novembre, et les 20 au 24 décembre où l’on fête le solstice d’hiver : ce jour-là le soleil se trouve dans l’axe de l’église, un rayon entre par l’oculus de la façade sud et plonge jusqu’à l’autel.» Alors, amoureux des jardins et des lieux habités, programmez une escapade en Haute-Provence : vous reviendrez avec un brin de lavande à l’oreille et une rose entre les dents, les mains pleines encore du contact avec la terre, et avec l’histoire.

L’Abbaye inspirée L’Abbaye de Valsaintes est une abbaye cistercienne située au lieu-dit Boulinette, entre Ventoux et Luberon. Au bout d’un long chemin caillouteux s’épanouit un jardin autour d’une abbaye construite sur l’emplacement d’une grotte. Le domaine est situé sur un promontoire rocheux, lieu cultuel depuis la préhistoire. Un sanctuaire y était consacré à la fertilité, en raison sans doute des caractéristiques géologiques du sol : les roches sédimentaires en se détachant forment des sortes d’œufs, d’où le nom de l’endroit. Le lieu a été marqué par ses différents habitants : celtes, gallo-romains, moines cisterciens. Mais il fut pillé au XVe siècle, et ses derniers occupants avaient construit une chape en béton au milieu de l’église pour aménager des logements ! L’ultime désastre a été évité en 1995 grâce à un couple qui cherchait un logement dans la région : tombés sous le charme ils ont convaincu parents et amis de les aider à sauver les bâtiments. Ils ont créé l’association ATHRE qui travaille à la valorisation de l’Abbaye et la protection de la biodiversité. Ils ont aménagé des logements, se livrant à un long travail de débroussaillage qui a mis à jour des terrasses de pierres sèches… Peu à peu l’idée est venue de vivre sur et par ce lieu. Un jardin écologique Il fallait aménager un jardin et l’ouvrir aux visites. En 1998 les premières pépinières étaient installées ; les 8000 m2 de terrain ont nécessité des aménagements ingénieux de récupération des eaux de pluie, de drainage. L’eau est rare, il n’y a ni source, ni nappe phréatique. Un peu d’arrosage est accordé aux plantes tous les 10 jours en période sèche. Jean-Yves Meignen parle de son jardin avec ferveur :

CHRIS BOURGUE

Prieuré et Musée ethnologique de Salagon Mane (04) Exposition Vanneries d’ici, vanneries d’ailleurs jusqu’au 30 septembre 2010 Installation Paule Riché jusqu’au 27 septembre 2009 04 92 75 70 58 www.musee-de-salagon.com Abbaye de Valsaintes Simiane-la-Rotonde (04) Visites ornotologiques, historiques et botaniques 04 92 75 94 19 www.valsaintes.org


SALON-DE-PROVENCE

PATRIMOINE

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Sous un double ciel trompeur… Calamité des clichés ! Telle ville est symbolisée par des calissons, telle autre par ses montres, telle autre encore par son nougat… aucune n’y échappe ! Pour Salon, c’est Nostradamus et la Patrouille de France… Tout se place dans le ciel, pourtant la terre est belle !

Richesse historique Il suffit de se rendre à Salon pour se rendre compte de la richesse de la ville et du dynamisme de la vie culturelle. Les bâtiments historiques sont rénovés. Le beffroi est excentré afin qu’on l’entende dans les quartiers nord les jours de mistral. La silhouette légèrement ocre de la Collégiale Saint-Laurent abrite toujours le mystère des restes de Nostradamus et l’église Saint-Michel recèle quelques merveilles baroques. Et quelles collections ! Celle de Jean Brunon qui, jusqu’au cœur de la guerre (14-18), envoie encore de nouvelles pièces, aujourd’hui au Château de l’Emperi, au musée de la guerre qui par un parcours historique au travers des armes et des costumes, nous livre une véritable analyse de l’évolution politique de notre pays et de ses relations internationales. À la maison de Crousillat une exposition est consacrée au peintre salonais Théodore Jourdan, qui, par ses toiles, marque un renouveau de la culture provençale au temps des félibres : la Provence, nouvelle Rome, y renoue avec le thème antique du berger, vision idéalisée dans la lumière crue qui coupe les reliefs, écrase les perspectives. L’histoire provençale est résumée en tableaux, véritable légende dorée, au musée Grévin ; la maison de Nostradamus évoque la vie de ce savant dans son époque ; un jardin médiéval lui est consacré au Château de l’Emperi: y croissent la rue, l’hysope, la mélisse officinale, le laurier… plus de 50 espèces pour la découverte sensorielle de ce «jardin des simples»… Et vous arrivez à la fontaine moussue sur laquelle des pierres du château atterrirent bien malgré elles en 1909… Rendez-vous à Salon pour l’explication !

L’écurie des Trapadelles L’Office de Tourisme de Salon, pour faire connaître ces richesses historiques mais aussi un autre patrimoine, organise des visites en vieilles voitures. Nouvelle manière d’aller à la rencontre des lieux, qui vous plonge matériellement dans l’histoire : les moteurs jouent différentes partitions, les TR3, la Chevrolet, et tant d’autres, la Bugatti bleue de Pierre Delliere, le passionné fondateur du Musée de l’automobile à Orgon. Imaginez ce rassemblement sur les routes, la convivialité qui l’accompagne… On passe par le croisement du Merle… D’un côté nous partons pour le circuit Fontange, de l’autre pour l’école de la transhumance… Circuit privé Michelin, le Circuit Fontage est avant tout un circuit d’essais, qui répond à deux axes de travail, la recherche et le développement industriel : son anneau de vitesse, ses «bankings», ses zones de grande et de basse vitesse (sachant que la basse vitesse c’est juste en dessous de 250 km/h !), sa piste arrosée, sa piste de déjantage pour les essais industriels ; et le «Michelin Engineering & Services» qui s’inscrit dans une perspective de «mobilité durable» avec des stages sur voitures hybrides : Michelin investit par exemple dans un nouveau pneu qui diminue de 20% l’émission de CO2, et l’étude menée pour le gouvernement sur les accidents de la route.

Berger sans opérette De l’autre côté du rond point du Merle, autre type d’activité ! Non, on ne se transforme pas en berger comme à un bal costumé ! Il faut une véritable formation, des aptitudes, une manière d’aborder la vie particulières : un respect de la nature, la science de celle-ci. Le directeur du Domaine du Merle, communique sa passion, évoque les missions du domaine, formation au métier de berger transhumant, (SupAgro) exploitation et production du foin AOC de la Crau, étude sur les gènes d’hyperprolificité, saisonnalité

Salon-de-Provence © Jj Petite

des ovins, essais sur leur alimentation, identification électronique et automatisation d’un parc de tri… L’écosystème est préservé par ces activités, les populations de rapaces se fixent, toute une partie de la Crau sèche constitue une vaste réserve. La Crau humide se sert d’un système d’irrigation gravitaire qui sert de modèle référent. Vous pouvez visiter…

Dans la ville d’Adam de Craponne Est-ce parce que son prénom est celui des fondateurs ? C’est par lui que Salon est entièrement irriguée par un savant système de martelières. Et même si vous faites un détour gourmand par le Mas des Bories, avec ses 1400 oliviers, sa récolte familiale, qui produit une huile primée internationalement et si vous goûtez aux saveurs, artichaut, herbe, banane, poivre… vous ne pourrez ignorer le passé industriel de la ville, comme le témoigne la superbe salle du Cercle des arts et Métiers, Modern style, gypseries évoquant la riches-se de Salon, thème de l’olivier et des produits gras, qui rappellent l’industrialisation de 1870 en cascade de Marseille jusque dans les années 20… Salon assume ce passé, et s’efforce de promouvoir un accueil chaleureux et intéressant, qui mérite plus qu’un enthousiasme saisonnier… MARYVONNE COLOMBANI

Salon de Provence Office de Tourisme 04 90 56 27 60 www.visitsalondeprovence.com


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PATRIMOINE

BEAUCAIRE

Détour par «Belle Pierre» Au confluent de zones hautement touristiques, Nîmes, Arles, Avignon, Aix-en-Provence, Beaucaire se trouve trop souvent ignorée, délaissée au profit de ses prestigieuses grandes sœurs. Et pourtant…

Une plongée dans l’antiquité «Tollite ! percutite ! pugnate !» Les ordres fusent, les boucliers se lèvent, les muscles se tendent. L’école de gladiateurs bat son plein. Les armes glissent, les pieds s’arc-boutent, sueur, main tendue sur le côté, le gladiateur perdant demande la mort, mains ouvertes ou poings refermés sur le pouce, le public réclame la vie ou la mort… Cris, rires, auditoire captivé… Non, zibelinesque lecteur, tu ne rêves pas, nous sommes en 2009 ap. JC ! Et l’on se passionne encore pour ces «spectacula» dans lesquels se jouent la vie et la mort, jeux à portée universelle qui fédérèrent les peuples de l’empire romain ! Sous la férule magnanime et savante de Brice Lopez, le directeur du Forum Ugernum, (ancien nom de Beaucaire), les élèves gladiateurs obéissent : les arguments nourris d’histoire et de reconstitutions archéologiques (mouvements, matériels…) sont la pierre de touche de tout ce qui est avancé. N’attendez pas de sang ! On n’a pas le droit de donner la mort au cours du combat, seul le propriétaire décide ! «Intermitte ! Salvete !». Ayant déposé leurs glaives, les courageux belligérants sont invités à prendre part à un repas antique. Autre domaine d’archéologie expérimentale, sous le contrôle d’archéologues du CNRS, comme André Tchernia et J.-P. Brun, la fabrication de vin romain au Mas des Tourelles. Il s’agit là encore d’une vraie démarche, avec les outils, les reconstitutions de techniques, retrouvées dans les fouilles et dans les

textes de Caton, Pline, Columelle, Apicius… Recettes que l’on est invité à déguster… Mulsum aux épices, tellement réputé pour conserver la jeunesse qu’on l’interdisait aux femmes ! Turriculae à l’eau de mer, au fenugrec, au defrutum… surprenant mais l’on est conquis ! Carenum enfin, liquoreux, excellent sur du foie gras ou des desserts. L’archéologie vous rend vraiment gourmet et gourmand ! Une visite des lieux, film, panneaux explicatifs à la fois simples et remarquables de précision vous permettent de vous cultiver, une salle de jeux teste vos connaissances et invite les enfants à grandir en jouant. Qu’y a-t-il de mieux que le jeu pour se développer ?

Vestiges archéologiques De l’antique atelier de potiers, point de départ de cette intéressante démarche, et de ses amphores gauloises, légères et fragiles, le site de Beaucaire nous mène vers des lieux simplement archéologiques. La ville était le point d’arrivée et de départ de la Via Domitia, qui conduisait à l’Espagne. Port sur le Rhône, elle permettait le transit des marchandises, d’où sa prospérité. Les sources abondent et l’on peut visiter les restes de l’Aqueduc qui transportait l’eau jusqu’au quartier résidentiel de Trinquetaille (Arles). Passage en pleine campagne, bassin de captage, vestiges enfouis… Allez au syndicat d’initiative, prenez rendez-vous avec Pascal Crapé, ayez le plaisir de suivre une visite des différents sites visibles de cet aqueduc, écoutez les histoires savoureuses des étapes de sa découverte, des passions qu’il suscite encore. Et soyez émus par la marque des doigts de l’ouvrier romain qui, il y a 2000 ans posa une dernière pierre pour achever son travail ; souriez devant le «banc» qui servit à tant de Abbaye deSaint- Roman © Kitiara5555

pêcheurs… alors qu’ils ignoraient qu’il s’agissait d’un élément de l’aqueduc ! Apprenez à reconnaître les différentes époques de son exploitation par les techniques employées… Passionnant !

Rareté Vous n’êtes pas au bout de vos surprises. Pourquoi foncer en Cappadoce pour visiter les monastères troglodytiques ? L’abbaye de Saint-Roman, lieu de promenade des Beaucairois, vous laisse pantois. Salles taillées dans la roche d’une blancheur lumineuse, dédale de salles, tombes creusées dans la pierre, jardin romantique, vue à 360 sur la campagne environnante, courbe alanguie de Rhône. Un moment magique, histoire et beauté ont ici rendez-vous. Avec ou sans commentaire, un moment de pur bonheur !

Et la foire ??? Bien sûr, impossible d’évoquer Beaucaire sans la grande foire ! Mais on n’imagine pas à quel point l’architecture intime de la ville en est marquée, façonnée. La disposition des maisons, les hôtels particuliers qui fleurissent (de pures merveilles, du gothique au classicisme en passant par le baroque), la disposition des rues, des différents quartiers… Rien ne vaut une visite guidée pour une première approche, l’office de tourisme en propose, les guides sont passionnantes. Ensuite, laissez-vous aller au plaisir de l’errance, de la découverte de tel ou tel mascaron à l’expression particulière, de telle ou telle façade, fronton de porte… Le tout bâti dans la «belle pierre» de Beaucaire, qui donne à la ville l’allure tendre des villes de Saintonge. D’ailleurs cette ville a le charme de toutes celles qui sont traversées par l’eau. Ici, le canal avec ses bateaux, ses péniches, accorde une douceur de vivre qui transparaît dans les propos des habitants, la passion vraie des artisans, véritables artistes qui ne font pas un «job», mais un métier, comme l’explique Bruno Hugounenq, brocanteur, facteur de meubles peints, de patines murales, et que l’on retrouve chez Françoise Rebord, céramiste, Rose-May Prevost, vitrailliste… D’autres méritent à eux seuls un article complet ! Zibeline reviendra à Beaucaire pour vous faire découvrir le peintre Mark Alsterlind qui cultive ses toiles, et sait aussi les rendre gourmandes ! Une autre raison de se rendre à Beaucaire ? Le musée du cheval vient d’ouvrir ses portes, le 9 juillet... Il recèle des merveilles ! MARYVONNE COLOMBANI

Office de Tourisme de Beaucaire Terre d’Argence 04 66 59 26 57 www.ot-beaucaire.fr




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