Zibeline n°23

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du 15/10/09 au 19/11/09 | un gratuit qui se lit

Culture en MĂŠditerranĂŠe



Politique culturelle Richard Martin, les Rencontres d’Averroès Saison de la Turquie en France La Seyne, les agences régionales des arts du spectacle La paix en Méditerranée, Aflam

5 6à8 9 10, 11

Portrait Entretien avec Olivier Pauls

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Théâtre ActOral La Criée, Les Informelles Le Gymnase, le Gyptis, les Bancs publics Le Lenche, la Minoterie, le Merlan Le Maquis, le Toursky, les Ateliers Le Jeu de Paume, le Vitez, Ouest Provence, Martigues, Nîmes, Arles, Port-de-Bouc Draguignan, Aubagne, Sainte-Maxime Gap, Briançon, Cavaillon Salon, Avignon

14 15 16 17 18 19 20, 21 22 23 24, 25

Danse Au programme Drôles de hip hop (Vaucluse), Dansem, La Parenthèse

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Cirque/Arts de la rue Sirènes et midi net, Arles, le Merlan Small is beautiful

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Performance Désordre urbain, 3bisf, Consolat

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Arts visuels Art-O-Rama, Ateliers d’artistes CCI, Musée Cantini Museon Arlaten, Galerie la Non-Maison Nîmes, Avignon Miramas, Châteauneuf-le-Rouge Au programme

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Cinéma Image de ville, vidéochroniques, FFM, Cinépage Les rendez-vous d’Annie, Gardanne, Apt Cinehorizontes, Instants vidéos, Toulon

40, 41 42, 43 44

Musique Concerts Disques

45 à 58 59, 60

Livres Ecritures croisées, Toulon Correspondances de Manosque, entretien avec Wendy Guerra Les Littorales, les Escales Salon des éditeurs indépendants, Au programme Livres

Page des adhérents Philosophie Hegel Sciences Le carbone, IRD, au programme Patrimoine Gaston Castel, Saint-Rémy-de-Provence

61 62, 63 64 65 68 à 70 71 72, 73 74, 75 76, 77

Société Cultures du cœur, Gastronomare

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ZIBELINE EDUCATION ET JEUNESSE Événement : Momaix

III

Spectacles Massalia, Gymnase, Jeu de Paume, Pavillon Noir Ouest Provence, Nîmes, Aubagne Port-Saint-Louis-du Rhône, GTP, Toursky Istres, Arles, Le Revest-les-Eaux, Port-de-Bouc Caressez le potager, Sinte-Maxime, Gyptis GTP, le Badaboum Théâtre, Karwan

IV V VI VII VIII IX

Musique La Cité de la musique, la Maîtrise des Bouches-du-Rhône, Disques Livres, Aubagne, Prix régional du livre Arts plastiques Préau des Accoules, MAV Patrimoine Le Théâtre Antique d’Orange

X, XI XII, XIII XIV XV

Il pleut il fait soleil La rentrée est triste ! la Criée est restée close, Richard Martin ne mange plus, nombre de manifestations ont été annulées ou réduites, plusieurs galeries ont fermé, et les saisons ont commencé bien tard, et terne ! Seules les manifestations différentes, reposant par principe sur des propositions ténues -Actoral, Small is Beautiful- tiennent le choc économique et restent inventives. Mais la création peut-elle désormais se résumer à ces formes intimes? Ou à des festivals animés par des bénévoles ? Doit-on abandonner les grandes salles de la région à des productions lourdes venues d’ailleurs, ou à des petites formes au-delà desquelles les compagnies d’ici, exsangues, ne peuvent plus créer ? La rentrée est triste : Edmée Santy nous a quittés et nous manque, et la presse régionale va très mal ! Trottinette a fermé ses portes, la Revue Marseillaise de théâtre ne parait plus en kiosque, la Tribune du Sud est passée comme un ange (lourdaud), LCM ne sait pas ce qu’elle va devenir, Marseille89 ne publie plus que quelques pages, L’Hebdo n’est plus que l’ombre de luimême… et le Ravi lance un appel à souscription (30000 €) pour pouvoir sortir la tête de l’eau (ce journal satirique est nécessaire, et a bien souvent levé des lièvres www.leravi.org). Nous-mêmes nous battons pour survivre, et ne pourrons continuer à rendre compte de la vie culturelle régionale que si les compagnies, les lieux, les collectivités restent sensibles à notre travail, et nous soutiennent financièrement… Mais la rentrée est belle : pour faire face à la crise nous tentons une mue progressive. Nous augmentons notre tirage dès la prochaine édition, nos 25000 exemplaires n’étant visiblement plus suffisants. Nous lançons un supplément Jeunesse et Éducation en cahier central détachable. Nous peaufinons de nouvelles pages, portraits, interviews, qui donneront la parole aux créateurs de la région, affichés dorénavant en couverture. Nous augmentons notre équipe de nouveaux collaborateurs, élargissons notre zone de diffusion, couvrons de plus en plus d’événements. Bref, c’est en cherchant à vous satisfaire davantage que nous espérons conserver votre soutien… ou l’obtenir : le bulletin d’adhésion est en page 71, ou téléchargeable sur notre site ! AGNÈS FRESCHEL



RICHARD MARTIN | RENCONTRES D’AVERROÈS

POLITIQUE CULTURELLE

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Grève de notre faim…

Richard Martin dans La revolte des fous © Fred

Quelque chose de très malsain est en train de se nouer autour du Théâtre Toursky. Pour mémoire : l’État à travers la DRAC PACA a cessé de subventionner le théâtre de Richard Martin, et celui-ci, après avoir essayé toutes les autres armes, a entamé une grève de la faim le 3 octobre. On peut s’interroger sur ce moyen de lutte qui semble ana-chronique et disproportionné. Mais la question n’est pas là. On entend, ça et là dans le milieu, des paroles scandaleuses parmi des gens très bien. Certains disent qu’il y en a assez de ces théâtres marseillais (avignonnais, arlésiens…) tous dirigés par des sexagénaires (bedonnants, ajoutent-ils, perfides) qui depuis des années proposent des créations qui ne sont pas «à la hauteur de l’excellence exigée d’un théâtre subventionné par l’État», et qui par ailleurs font des erreurs de programmation régulières, confondant théâtre public et privé, amateur et professionnel… Il y a du vrai là-dedans. On aimerait que les jeunes, les quadras, et même les quinquas, aient enfin les rênes, et n’aient pas à attendre que leurs aînés partent à la retraite postconcédée (je n’ai pas trouvé mieux comme antonyme

d’anticipée). Même si ce sont eux qui ont bâti ces théâtres, il faudrait qu’ils passent la main en douceur un jour… Et il y a du vrai encore : la programmation du Toursky, fondée sur des amitiés anciennes, n’est pas parfaite. Mais laquelle l’est davantage ? Celle des scènes nationales de la région, ou des centres dramatiques, ou des grands festivals ? Eux aussi font des erreurs, soutiennent des productions indigentes, voire, de plus en plus souvent, des spectacles faciles qui ne devraient pas tourner sur les scènes conventionnées. S’en prendre au Toursky sous ce prétexte d’excellence, c’est hurler avec les loups. C’est oublier que ces arguments n’opèrent qu’a posteriori, pour justifier la coupe brutale des budgets. La lutte est beaucoup plus large que ce combat singulier : il s’agit de ne pas accepter la diminution de la Culture dans le budget de l’État. Que Richard Martin mette en danger sa santé pour cela est courageux… Après le Toursky, qui depuis 30 ans remplit sa salle et fidélise en son théâtre des personnes qui ne vont pas ailleurs, qui d’autre est sur la liste? La grève de Richard Martin, même en sa tour d’ivoire banlieusarde et anar, est celle de tous… AGNES FRESCHEL

Les Rencontres d’Averroès plongent dans les Figures du Tragique et débutent par une série de spectacles et manifestations placées Sous le Signe… Un programme culturel qui se déploie dans toute la Région

Au premier temps d’Averroès Qu’est-ce que le tragique ? Une forme de théâtre, un registre, ou un temps historique où l’humain s’est séparé de Dieu et a pris conscience de l’inéluctable, de la fin ? Si Nietzsche date la Naissance de la Tragédie comme on le ferait d’une prise de conscience collective, Pascal la renvoyait à la révélation qui pouvait sortir les Libertins de la mondanité puisque «la fin est tragique, quelle que belle que soit la comédie en tout le reste.» Conscience de la mort ou naissance de la conscience, la Tragédie, si elle est humaine, se

mesure forcément à Dieu, au moins en le niant. Est-ce un hasard alors si elle est née en Méditerranée ? Ces questions agiteront les débats, mais aussi le programme artistique préliminaire. Cette année encore Avignon, Aix, Arles, Martigues, Port-de-Bouc, La Garde et Marseille sont concernés par ces projections, débats, expositions et spectacles. Avec une affiche cinématographique variée et effectivement très tragique, du film le plus sombre de Guédiguian à une belle rétrospective Pasolini (voir p 42), et

Le jour où Nina Simone a cessé de chanter © BonyMaya-press.com

de nombreuses rencontres littéraires : Charles Depaule et Frédéric Valabrègue seront présents à Vitrolles le 31/10, on rencontrera Maïssa Bey à l’IEP d’Aix le 19/11, Ghassan Zaqtan qui lira son Supplément au passé au CIPM le 30/10, Robin Renucci qui interprètera une sélection de textes sur le Tragique aux Salins de Martigues le 12/11. Une autre lecture réunira Sharmila Naudou, Eric Houzelot et Thomas Gonzalez autour du livre de Mustapha Benfodil Archéologie du chaos (amoureux) le 6 /11, et sera suivie par un débat entre des éditeurs de la région à la Bibliothèque Départementale, avec Sofiane Hadjadj (éditions Barzakh). Côté spectacles peu de choses, en dehors d’une rencontre (le 21/11) avec Andonis Vouyoucas autour de sa prochaine création très grecque, Hypatie, et la reprise du magnifique Le Jour où Nina Simone a arrêté de chanter, de et avec Darina al-Joundi, au Méjan à Arles le 10/11. Deux concerts : un concert gitan après la projection de Vengo à l’Alhambra, et le grand concert de clôture, après les Tables Rondes, le 28/11, sous le signe de la Saison turque Erik Truffaz avec Ilhan Er ahin’s

Mustapha Benfodil © X-D.R.

Istanbul Sessions (voir p 6). À noter également, le 26/11, un hommage à Bruno Etienne, disparu il y a six mois. Un premier temps de rencontres et d’échanges, avant les Tables rondes des 27 et 28 novembre, puis Averroès junior qui se déploiera dans les établissements scolaires… AGNES FRESCHEL

Sous le signe d’Averroès Du 30 oct au 6 déc www.rencontresaverroes.net


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POLITIQUE CULTURELLE

SAISON DE LA TURQUIE

La Saison de la Turquie en France, qui devait durer une année puis dans la discrétion… le problème de l’entrée de la Turquie dans économique, a ralenti les ardeurs. Reste quelques manifestations

La Turquie et l’Europe L’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne est au centre du débat sur l’Europe en France. On se souvient mal que ce pays, officiellement candidat depuis 1999, a demandé à participer à la C.E.E. dès 1959 et est membre associé depuis 1963. En fait ce débat en recoupe un autre : la Turquie estelle une composante de l’Europe, ou un corps étranger qu’il faut expurger ? De fait les relations entre les populations sont anciennes… C’est au cours du Moyen Âge que les Turcs font irruption dans cette histoire. Les Seldjoukides s’installent dans la région et forment le Sultanat de Roum après que le sac de Constantinople, organisé par les Vénitiens, a démembré pour un temps l’Empire et l’a durablement affaibli. C’est pourtant une autre tribu turque, les Ottomans, qui joue un rôle décisif dans la conquê-

te de l’Empire Byzantin. Installé sur les rivages Est de la mer de Marmara et des Dardanelles, au milieu des terres impériales, Suleyman -qui a secouru Jean Cantacuzène et épousé sa filles’empare de la ville de Gallipoli, à l’ouest du Bosphore. Son fils, Murad I avance encore en Europe. Le 29 mai 1453, Mehmed II prend Constantinople et met fin à l’Empire Romain d’Orient.

fique (1520-1566) les pays arabes font allégeance, et un État organisé est mis sur pied : le Grand Vizir s’occupe du gouvernement central (le divan) et des bureaux (les ministères). L’armée et la marine sont performantes, les impôts bien gérés. Les sultans ottomans ont aussi protégé les minorités et, à Constantinople, devenue Istanbul, ils ont maintenu le caractère cosmopolite de la ville.

L’apogée

L’homme malade de l’Europe

La splendeur de l’Empire Ottoman commence. Constantinople devient la nouvelle capitale (à la place d’Andrinople), en 1458. La conquête continue: Péloponnèse, Albanie, Bosnie et Moldavie tombent et les Vénitiens doivent payer un tribut. À l’Est, la Cilicie et Kurdistan sont gagnés en 1515. Au sud, l’Égypte. Avec Soliman le Magni-

Mais à partir de 1570 une longue période de déclin s’engage. Le pouvoir vacille devant les querelles de succession. Si la Crête est conquise en 1669, le siège de Vienne, en 1683, est un échec. Les provinces européennes commencent à s’émanciper. La Russie devient un adversaire farouche, dé-

Istanbul à midi Dans son éditorial, Thierry Fabre examine la nouvelle donne en Méditerranée et au Moyen-Orient consécutive à l’arrivée à la présidence des États-Unis Barack Obama. Ce qui nous rappelle qu’Istanbul est bien un des centres de la Méditerranée. Et une ville monde, chargée d’histoire… Mais la revue, comme à son habitude, veut voir au-delà des apparences. Elle réunit une somme de regards pour décrypter les réalités de la ville. Ainsi, Elif Safak propose un postulat : Istanbul n’existe pas ! En fait, ce sont quatre villes qui coexistent. Le passé, le présent et l’avenir s’acharnent à dessiner la diversité de la cité. Ce constat est prolongé lorsqu’on aborde la composition des populations de la ville. Cosmopolite, elle l’est ! Mais l’entrée dans la mondialisation a bousculé les constructions anciennes. Si un passé fantasmé de tolérance multiculturelle, supposé exister à l’époque ottomane, remplit les rêves de concorde de la bourgeoisie musulmane islamique, il permet surtout de nier la peur viscérale de l’autre, et l’intolérance qui l’accompagne : les minorités de toutes sortes sont donc bien mal loties. L’assassinat évoqué de Hrant Dink, intellectuel arménien, le confirme : la «turquicité» ne saurait être contestée dans un paysage politique gangrené par le nationalisme. Les bouleversements politiques, plus ou moins récents, semblent, quant à eux, avoir abouti à la perte de l’identité stambouliote. Michel Péraldi aborde des réalités plus tangibles de la ville : Istanbul est une ville globale. Fouillant les ressorts économiques de la métropole, il

conclut à l’établissement d’un «capitalisme de paria» bien différent du fonctionnement des autres villes globales qui dominent le monde. Cosmopolite, la ville l’est aux dires de Cenciz Atkar qui rappelle sa désignation comme capitale européenne de la culture pour 2010… Il en révèle les enjeux, dans son tissu urbain même, et nous ramène à cette lutte entre nationalisme, islamisme et ouverture aux autres. La production littéraire (voir p 8) de la capitale de la Turquie reflète ces diversités et ces combats. C’est donc une ville grouillante de vie, surprenante, attachante mais aussi ambiguë qui se dessine à la lecture de ce numéro de la revue. R.D.

Istanbul, ville monde La pensée du Midi n°29 actes Sud, 12 euros

sireux d’étendre son influence. Les réformes d’Adbdul-Medjib (égalité de tous les sujets au plan du droit, des impôts et de l’armée), ne changent rien. La Grèce est indépendante en 1830, et les Russes progressent. Devant cette ruée –Français et Anglais interviennent aussi-, le chancelier allemand Bismarck se penche sur celui que l’on appelle «l’homme malade de l’Europe». Au congrès de Berlin (1878), Serbie et Roumanie deviennent indépendantes; la Grèce annexe la Thessalie et une partie de l’Epire ; l’Autriche occupe la Bosnie et l’Herzégovine ; l’Angleterre obtient la Crête et les Russes quelques villes. Les convulsions se précipitent! La Sublime Porte passe sous le contrôle économique des puissances étrangères. Les Balkans sont en ébullition. Une réaction panislamiste Turque émerge -elle conduit au massacre des Arméniens en 1894-1896. Les Jeunes-Turcs, eux, tentent d’imposer des réformes libérales en 1908 sans grand succès. Bulgares, Grecs et Serbes déclarent la guerre aux Turcs (guerres balkaniques 1911-1912). Affaiblis, les Ottomans font le choix de l’alliance allemande en 1914. Vaincus en 1918, ils perdent avec l’Empire, la rive européenne tandis que sont prévus des Etats arméniens et kurdes (Traité de Sèvres, 1920).

La République Mustafa Kemal rassemble alors les forces turques et parvient notamment à récupérer la Thrace (traité de Lausanne, 1923). Considérant que l’islam dénaturé et rétrograde de l’Empire ottoman est responsable de la défaite, il abolit le Sultanat et prend des mesures antireligieuses. La proclamation de la République (29 octobre 1923) engage ainsi la Turquie dans la modernisation du pays, mais pas dans la démocratie… Les Turcs appartiennent donc indéniablement à l’histoire de l’Europe. Les relations tissées ont été faites de guerres, mais aussi d’échanges ! Tout comme les relations de la France avec l’Angleterre, puis l’Allemagne… RENÉ DIAZ


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s’est réduite à quelques mois, se déroule l’Union Européenne, conjugué à la crise dans la région, à suivre absolument !

Anatolie en Provence

Mon bel orient

En cette saison la mode est «a la turca» ! Mais les centres d’art européens se positionnent loin des turqueries, aux avant-postes musicaux et non en plein XVIIIe siècle…

Pour la Saison de la Turquie en France, le musée Ziem se tourne vers Istanbul au XIXe siècle évoquée par des peintures, documents, photos et créations vidéos À l’évènement du Grand Palais, De Byzance à Istanbul, répond l’écho méditerranéen et martégal. C’est bien sûr l’œuvre de Félix Ziem qui sert de port d’attache à cette exposition ouverte aussi sur l’art contemporain avec deux vidéastes turques, Selda Asal et Inci Eviner grâce au partenariat avec Instants Vidéos. Un premier volet présente peintures, dessins, aquarelles, carnets de croquis d’artistes du XIXe siècle inspirés par un Orient si proche, réel et plus ou moins fantasmé. Manquent à ce florilège les Signac, convoités par les organisateurs mais qu’ils n’ont pu obtenir. Le second volet nous donne à voir divers documents d’époque, notamment des affiches de promotion touristique (Jules Chéret), des cartes postales et en particulier des visions d’Istanbul à travers un médium émergent et révolutionnaire : la photographie. L’occasion nous est donnée de saisir l’écart des représentations entre les peintures fabriquées par la main des artistes et les restitutions opto-chimiques photographiées à visée réaliste. Quelle est donc cette Constantinople traduite à travers les

pochades atmosphériques de Ziem, les relevés crayonnés par Jules Laurens, le soin miniaturiste d’Auguste Mayer, ou bien enregistrée depuis la tour de Galata selon les vues panoramiques de Paul Sebah, l’Istanbul et le quartier du bazar sur papier albuminé des Frères Abdullah en 1865 ? Un bon siècle plus tard, la vidéaste turque Inci Eviner propose sa version du Harem. À partir d’une image fixe, une gravure d’I.A. Melling (1763-1831) représentant l’imposant intérieur d’un harem, l’artiste a intégré des personnages féminins en habits actuels, animés de gestes répétitifs et incongrus, évoquant une chorégraphie contemporaine.

Bazar Kumpanya © Bruno Wagner

CLAUDE LORIN

De Marseille à Istanbul l’Orient turc de Ziem et de ses contemporains jusqu’au 10 janvier Musée Ziem 04 42 41 39 60

Fabius Brest (1823-1900). Caravanserail à Trebizonde, huile sur toile, 113 x 167 cm © Marseille, musée des Beaux-Arts

La Turquie a été toujours été visitée par les artistes européens venus y puiser l’inspiration. Mais au carrefour des axes ou à cheval, les Turcs ne savent pas toujours sur quel pied danser ! Thrace (Europe) ou Anatolie (Asie) ? Leur musique a su tirer profit d’une telle mosaïque proche de l’orient ou de l’occident. Autre carrefour culturel, Marseille accueille cet automne quelques rendez-vous musicaux majeurs dans le cadre de la Saison turque. Tout d’abord la Fiesta des Suds qui n’oublie jamais nos voisins de la Méditerranée (et autres !) accueille les Derdiyoklar (23/10 à 19h). Performances scéniques époustouflantes et légendaires, dialecte d’Anatolie sur fond de discorock… Je ne parle même pas du look venu d’ailleurs et de la guitare à trois manches ! Oui vous avez bien lu, la Turquie se réveille… Continuons légèrement plus au nord… de la ville pour atteindre l’auditorium de la Cité de la Musique ; mais du calme, vous avez un mois pour y arriver (20/11 à 20h30). Mais quel métissage pour une création troubadour en Marseille et Istanbul ! Bijan Chemirani, Sam Karpienia et Ulas Özdemir exploreront le rapport au mysticisme et son rôle dans la création contemporaine travers les chants d’amour sacrés et profanes de l’Anatolie à la Provence, en passant par la grande bleue. Ethnologue, héritier du chant et de la poésie mystique anatolienne, Ulas Özemir est à découvrir tout comme son saz (luth à manche longue). Encore plus au nord en remontant la Durance pour atteindre le théâtre de Château-Arnoux/Saint-Auban vous pourrez découvrir une association qui vaut le détour: jazz et musique turque. Le Didier Labbé quartet invite la Bazar Kumpanya pour une rencontre festive et magistrale (27/11 à 21h). Saz, Kaba zurna, mais aussi accordéon, saxophone et tuba : le métissage se fait à tous les niveaux. De quoi se remettre au Turc ! FREDERIC ISOLETTA


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POLITIQUE CULTURELLE

SAISON DE LA TURQUIE

Fête de Turcs Ils sont venus, mais ils n’étaient pas tous là ! Pour célébrer la saison de la Turquie en France, les libraires indépendants avaient invité un nombre important d’auteurs turcs pour la 2e édition des Littorales (voir p.64). Une belle occasion de faire découvrir au public une littérature mal connue. Car, en dehors de grands noms, comme celui d’Orhan Pamuk, qui connaît-on ? Les rencontres du Comptoir littéraire et la soirée de lecture au Pelle Mêle ont comblé ces lacunes, malgré les défec-tions, dont certaines de dernière minute. Tout s’est finalement bien passé grâce à la grande compétence de Timour Muhidine venu prêter main forte à Pascal Jourdana. Spécialiste de la littérature turque d’aujourd’hui, cet auteur et traducteur a collaboré au numéro spécial de La Pensée de Midi sur Istanbul (voir p 6), à celui de la revue Siècle XXI, il a publié une Anthologie de nouvelles turques contemporaines… Sa grande érudition ne l’empêche pas d’être clair et chaleureux, ce qui a rendu ses interventions très agréables et permis d’oublier les absences. Ainsi, lors de la soirée de lecture en musique, Zülfü Livaneli (voir p.66) était presque là sur la petite scène du Pelle Mêle : les commentaires pointus, les lectures vives de Raphaël France-Kulhman et les échos orientalisants de son concert avec le Grec Theodorakis ont fait vivre pendant une heure ce romancier, mais aussi homme politique et musicien

Les Littorales ont tout de même permis de rencontrer et d’entendre certains écrivains, Demir Özlü, Metin Kaçan et la jeune Asli Erdogan. Trois visages très différents de la littérature turque actuelle, vivante et complexe, urbaine et rurale, marquée par une histoire tourmentée, faite de migrations successives et de bouleversements politiques et sociaux, que les récits charrient dans leurs mots et à travers leurs personnages. Une littérature désormais accessible, puisque plus fréquemment traduite… Reste à l’approcher ! FRED ROBERT

À lire Livaneli, Délivrance et Une saison de solitude (Gallimard) Özlü, Un rêve de Beyoglu (Pétra) Yücel, La moustache (Actes Sud) Erdogan, Les oiseaux de bois (à paraître), La ville dont la cape est rouge, Le mandarin miraculeux (Actes Sud). Alsi Erdogan (a gauche) et sa traductrice © Juliette Lück

célèbre dans son pays. De même, plus tôt dans la journée, Timour Muhidine avait évoqué un autre absent, Tahsin Yücel, un auteur d’Anatolie centrale dont les «fables paysanes» et La moustache en particulier, récit sombre mais exceptionnel, sont à découvrir absolument.

Danser la femme et l’amour Dansem, festival de danse contemporaine en Méditerranée organisé par L’Officina, n’a pas attendu la Saison turque pour s’intéresser au formidable élan chorégraphique stambouliote. Depuis 12 ans Dansem s’efforce de montrer comment les problèmes de cohabitation entre rives et religions passent par les

corps, et en particulier, en Turquie, par le corps féminin. La douzième édition (voir p 26) propose donc 3 créations chorégraphiques turques ; deux solos de femmes, et une pièce pour six danseurs conçue par un couple : Filiz Sizanli et Mustafa Kaplan, invités pour la 5e fois par Dansem, sont Dokuman © Gokhan Kali

d’ailleurs en résidence de création à L’Officina, et présenteront le 30 nov des Miniatures élaborées avec d’autres artistes autour de ces mots : au cœur du couple, au corps de l’amour… Leur création pour 6 danseurs (Dokuman, le 6 dec à la Friche) met en scène les rapports de l’humain et de la machine industrielle. Le solo de Talin Buyukkurkciyan repose sur l’histoire que lui racontait sa grand-mère arménienne, et comment la petite-fille l’a peu à peu comprise, entrouvrant des portes interdites. L’histoire était proche d’un conte, mais mettait en fait en scène la disparition de sa famille emmenée dans un train un soir, et la perte de leur identité et de leur culture… Un travail sur la mémoire et le massacre, intitulé en référence à Barbe bleue : If you open the 40th room (les 23 et 24 nov au théâtre de Lenche). Le solo imaginé par Aydin Teker pour la danseuse (et ancienne harpiste) Ayse Orhon est très différent : harS (le 10 nov aux Bernardines) met en scène un objet, un instrument, un fétichisme ? Etre une danseuse qui montre son corps en Turquie n’est déjà pas si simple… Alors afficher une sensualité douloureuse, et jouissive, avec un instrument ? AGNES FRESCHEL

Programmation Turque de Dansem Du 10 nov au 6 déc www.dansem.org www.officina.fr


LA SEYNE | AGENCES RÉG. DES ARTS DU SPECTACLE

POLITIQUE CULTURELLE

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Sans chantier mais pas sans histoire La Biennale régionale de la mémoire populaire bat son plein à la Seyne-sur-mer. Nostalgie paralysante, résilience nécessaire ou, plus radicalement encore, tentative de révéler enfin les racines d’un mal qui gangrène cette côte ? Les communes littorales du Var, et des Bouches-duRhône, tournent souvent le dos à leur passé ouvrier, à l’histoire de leurs chantiers navals, pour se refabriquer une identité balnéaire (près des mines fermées on le fait tout autant, tendant vers une identité provençale à base de cigales, de miel et de lavande). C’est sans doute le sens de l’histoire : mais pour vivre le présent il faut aussi de pas occulter ou mépriser son passé. Les chantiers à La Seyne ont fermé depuis 20 ans. Et depuis le 10 octobre on voit d’anciens ouvriers, avec leurs petits-enfants, qui visitent les expos comme on revient dans une maison de famille. Partout dans la

ville des expos scénarisent ou témoignent du travail, et de la vie populaire d’aujourd’hui et d’avant ; des documentaires de l’INA sur l’histoire de la Seyne sont projetés au théâtre Apollinaire et à la médiathèque du Clos Saint Louis (voir CinéBerthe p 42) ; et un programme cinématographique impressionnant élargit les perspectives en s’attachant, grâce à des documentaires et des fictions, à témoigner de diverses luttes sociales, ou de la douleur des laissées pour compte : Les Virtuoses de Mark Herman (le 16 oct) sur ces mineurs britanniques qui jouent en fanfare, Still Life de Zia ZangKe (le 17 oct) sur l’engloutissement d’une ville en Chine, Les LIP, l’imagination au pouvoir documentaire de Christian Rouaud (le 18 oct) qui retrace le combat des ouvrières, le bouleversant La Graine et le Mulet d’Abdellatif Kechiche ( le 24 oct) sur un autre chantier naval démoli, et le chef-d’œuvre d’Aki Kaurismaki L’homme sans passé (le 25 oct), voyage à travers le quotidien des sans domicile, et sans mémoire. Ces films sont projetés à 20h30 au théâtre Apollinaire.

La Graine et le mulet d'Abdellatif Kechiche

Biennale Régionale de la mémoire populaire La Seyne sur mer Jusqu’au 25 oct www.laregie-paca.com/pdfs/progLaSeyne.pdf

A.F.

Penser global, agir local En marge du Festival Marsatac (voir p 45), La Nacre Rhône-Alpes, l’Arcade PACA et le Réseau en scène LanguedocRoussillon1 ont invité les professionnels à débattre de la circulation des artistes et des projets à l’échelle des régions européennes. Problématique cruciale et récurrente pour les acteurs des musiques actuelles et, plus généralement, du spectacle vivant, éclairée de manière complémentaire par une analyse savante et des témoignages. Avec Ferdinand Richard dans le rôle de modérateur, qui, en qualité de directeur de l’A.M.I., œuvre depuis plus de vingt ans à la coopération internationale. Dès l’introduction de Pascal Brunet, directeur de Relais Culture Europe, la réflexion a opéré un décollage à double détente : d’un point de vue territorial, il s’agit de penser à l’échelle européenne et non plus seulement à l’interrégionalité ; d’un point de vue intellectuel, il s’agit de dépasser le constat pour répondre aux enjeux de la coopération. Car derrière la question des identités et des territoires se cachent les réalités économiques et financières. Et Pascal Brunet de rappeler trois questions majeures posées au citoyen et à l’artiste : celles de la diversité culturelle, de l’interculturalité («le problème de l’identité se pose au sein même de l’Europe») et des revendications identitaires («aujourd’hui, le dépassement des frontières étatiques se produit en même temps

qu’une revendication des identités régionales»). Avant de conclure «qu’avant même de créer des procédures, des marchés ou des outils communs, il faut apprendre à se connaître et non pas l’inverse», et de souligner la nécessité de «favoriser une transversalité artistique et esthétique, recomposer tous les liens sociaux, économiques et éducatifs pour relever le défi.» Une fois la toile de fond posée de manière extra large, une pluie d’expériences a alimenté le débat. Notamment MarieAgnès Beau, International musical consultant à Londres, qui a mis en regard la situation des artistes de part et d’autre de la Manche, quitte à faire sursauter l’assemblée sur les questions du statut de l’artiste et du «droit de copier pour vendre». Ou Laetitia Manach, du British Council à Paris, qui a développé les notions de contextes et de sociétés, de marchés et de confrontations des marchés, d’équilibre nord-sud. Si la rencontre a permis de lister les freins à l’export et d’évoquer quelques moyens de débloquer les mécanismes complexes, les questions demeurent plus nombreuses que les réponses. Le chemin sera long avant que l’ensemble des acteurs politiques considère la culture comme un facteur économique et social de développement, notamment dans un cadre Euroméditerranéen ! Pourtant, à l’heure où de nouveaux pays frappent à la porte de l’Union européenne, où

l’Eurorégion Alpes-Méditerranée poursuit ses différentes étapes de construction2, peut-on penser l’échange entre artistes et professionnels sans remettre en cause les pratiques culturelles locales ? Cette volonté politique de resituer les pratiques dans l’environnement économique et écologique est-elle assortie de moyens, ou n’est-elle qu’une manière de remettre en cause l’existant au nom de principes de coopération ? MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

(1) Agences régionales des arts du spectacle respectivement à Villeurbanne (www.la-nacre.org), Aix-en-Provence (www.arcadepaca.com) et Montpellier (www.reseauenscene.fr) (2) Programmes 2007/2013 sur www.euroregion-alpesmediterranee.eu/ et www.regionpaca.fr


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POLITIQUE CULTURELLE

L’exposition Dessine-moi la Paix en Méditerranée est pleine de violences. Familiales, civiles, mentales, ethniques. Partout on y sent que la guerre couve. Mais peut-on dessiner un idéal ? Michel Vauzelle le rappela lors de l’inauguration de l’exposition à l’Hôtel de Région : rien de plus difficile que de représenter la Paix, «juste une pause entre deux guerres», état instable, désiré, jamais atteint. La Paix en Méditerranée serait-elle une utopie?

Parcours

L’exposition se compose de 135 dessins issus de 47 dessinateurs d’horizons différents. Baromètre de la liberté d’expression comme aime à le dire Plantu, le dessin humoristique est un moyen performant pour convaincre et toucher le public. Et c’est bien là l’enjeu. Cette exposition veut promouvoir un idéal de fraternité et de paix en Méditerranée. Le Conseil Régional, très attaché -comme il le proclame- aux relations d’échange avec les régions voisines, promoteur d’une nouvelle gouvernance pour la Méditerranée et de relations équilibrées entre le Nord et le Sud, se devait de soutenir une telle démarche.

LA PAIX EN MÉDITERRANNÉE | AFLAM

Croquer en paix Le dessin de presse s’affiche pour clamer la paix : un panorama d’auteurs internationaux grinçants et pacifistes, avec des crayons Le projet est né en 2006 de la rencontre de Plantu et Kofi Annan alors Secrétaire général, et des débats entre douze des meilleurs dessinateurs-caricaturistes de la planète invités au siège des Nations Unies. Ainsi fut créée la fondation Dessins pour la Paix-Cartooning for Peace. Depuis, une exposition circule dans le monde en s’enrichissant des initiatives locales et de nouveaux dessins inspirés par l’actualité. Sur une proposition du Club de la Presse MarseilleProvence, l’exposition accueillie à l’Hôtel de Région démontre que le dessin de presse est une efficace machine à secouer la pulpe du fond, mais aussi à rassembler les personnes de bonnes intentions. Se côtoient une saynète d’épilation féminine en prélude amoureux par la caricaturiste turque Ramize Erer, l’alliance de la kalachnikov et de la machine à écrire pour l’Algérien Nassim tandis que Jiho suggère (attention, humour à la française ?) la pratique du tourisme sexuel… responsable ! Les images d’humour satirique servent la critique mais aussi, dans certains pays, à torpiller les pressions infligées à leurs concitoyens. Relevons la part non négligeable de dessinatrices dans cette profession à

Zebres - Michel Kichka (Israël)

risques : Plantu citait récemment ce dessin d’une consœur argentine titré C’est beau la broderie faite par un homme ! qui représentait un barbu affairé à recoudre l’entrejambe d’une jeune femme. Pour sa caricature de Gargantua en monarque louis-philippesque, Daumier reçut six mois de prison. Quelle serait la sentence aujourd’hui ? CLAUDE LORIN

Dessine-moi la Paix en Méditerranée jusqu’au 31 octobre Hôtel de Région www.regionpaca.fr www.cartooningforpeace.org

Liberté ! et fragilité

voudrais pas être à sa place». Charka (Israël) prend ses distances face au discours vestimentaire : Zeus enlève, sous la forme du taureau blanc, une Europe couverte d’un voile. Tous deux mettent en scène le «relativisme culturel» honni par les conservateurs qui refusent d’interroger les valeurs, respectables, d’espaces culturels non-européens. Or la distance n’est pas si grande entre les modes du paraitre.

Religions et cultures

Plantu (France). Dessin signe par Yasser Arafat

L’exposition, organisée en grands thèmes, débute par la religion. La Méditerranée est le lieu de naissance de trois grands monothéismes, mais la référence religieuse est-elle un marquage décisif pour les populations ? Le dessin du japonais No-Rio représente un bâtiment dans la partie gauche, une mosquée avec un muezzin scandant «Allah est grand» tandis que l’autre partie du bâtiment représente, en symétrie, un édifice industriel. Ambiguïté de la religion ? Dieu de l’Âme d’un côté, Dieu Argent (celui des Philistins) de l’autre ? Musulmans d’un côté, capitalistes de l’autre ? L’union entre l’argent et la religion est un mélange aussi courant que détonnant… Un peu plus loin, Catherine Beaunez (France) s’interroge sur l’étrangeté de l’autre, avec deux femmes, vêtues comme une occidentale (très dévêtue) et musulmane (très voilée), qui s’exclament «je ne

Pour autant, ces différences sont aussi le reflet d’une soumission à la consommation et au culte du corps, comme aux préceptes sociaux ou religieux. Dénoncer les autorités qui s’ingénient à réduire la liberté de penser et d’agir était impératif : Plantu se moque de la censure et fait allusion à l’affaire des «caricatures du prophète» avec la représentation d’un stylo qui écrit «je ne dois pas dessiner le prophète» de telle sorte que l’on voit apparaître, par la disposition des phrases, la figure de Mahomet (l’interdiction de la figuration du prophète n’est pas présente dans le Coran), sous l’œil d’un censeur enturbanné. Il critique aussi vertement les autorités religieuses catholiques quant à leurs prises de position sur le Sida et les préservatifs. Le thème la Méditerranée se centre autour d’un nouveau Radeau de la Méduse de l’Union Pour la Méditerranée : Sarkozy triomphant se tient fièrement sur la pièce de bois à la dérive (dessin de Kichka, Israël). Toute la difficulté de l’union des peuples se retrouve posée : à qui le bénéfice politique, pour quelles finalités… Boukhari (Palestine) propose une rive nord qui embrasse une rive sud… innocemment ? Le problème des relations entre les deux rives est posé. Dans l’Europe de Kroll (Belgique) l’impuissance tient dans le nombre de membres. Kichka insiste sur des liens fragiles entre les différents pays membres, rassemblés par des agrafes. Mais le problème majeur reste l’accueil des migrants. Tous les dessinateurs dénoncent l’attitude défensive et égoïste de l’Europe qui refoule des hommes et des


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femmes venus chercher une terre pour mieux vivre. Le Hic (Algérie) résume la situation : une barque chemine depuis l’Algérie, où l’on proclame que le chômage recule, vers l’Europe où une radio claironne qu’il augmente. Difficile de faire l’économie du débat! Peut-on proclamer que les migrants doivent rester chez en attendant des politiques d’aide au développement qui ne se concrétisent jamais ? Les immigrants ne seraient-ils que des pourvoyeurs de chômage et d’insécurité ? C’est bien mal regarder l’avenir d’une Europe vieillissante !

Lieux de conflits Le thème la Turquie et l’Europe rassemble ces interrogations. Forattini (Italie) dessine une Europe prise en étau entre un croissant et une étoile. Chappatte (Suisse) illustre la peur européenne de l’envahissement : à un couple de Turcs devant la muraille de l’Europe, un homme crie «si j’ouvre, vous promettez de ne pas entrer ?». L’Europe, havre de paix, doute de pouvoir accepter des populations en contact avec elle depuis si longtemps… Le Proche Orient occupe une place essentielle dans le dispositif. Cette zone de conflits fraternels plonge ses racines le passé : chacun fait des efforts pour promouvoir des relations pacifiques mais les partis pris sont plus marqués. Le regard le plus neutre vient de l’extérieur, de l’Europe surtout. Plantu a pu rencontrer Arafat et Perez, deux artisans de la paix… mais le choc des nations ne s’entrevoit pas moins, chacun vit dans un monde fermé où la critique va d’abord à l’adversaire. L’arrivée du Hamas, en Palestine, semble avoir modifié les choses. La critique interne n’y est plus tolérée : Boukhari (Palestine) a été condamné pour avoir dessiné une assemblée du Hamas où tout le monde tient un portrait du leader et premier ministre, Ismael Haniyeh. Dessin inspiré d’une représentation semblable du politburo en face de Staline. Chappatte (Suisse) reprend l’idée en proposant un palestinien se regardant dans une glace et s’interrogeant : «ami ou ennemi ?». Hamas-OLP, le combat fratricide ne facilite pas les solutions. Un jeu de dupes relevé par Rozenthal (Turquie) dont le dessin montre Bush présentant la feuille de route aux palestiniens : les flèches y dessinent une étoile de David ! Charka (Israël) dessine les impuissances : un palestinien fait le ménage et soulève le mur pour net-

toyer devant un soldat israélien consterné. Entre combat fratricide et incapacité de laisser une place à l’autre, c’est le jeu des puissances qui est dénoncé.

Retour au général Les poudrières autour de la Méditerranée constatent que les relents de morts et de batailles qui exhalent de l’Algérie à la Yougoslavie ou l’Iran. Puis L’Afrique et la Méditerranée élargit l’horizon : du tourisme sexuel aux enfants soldats, des problèmes de famine à celui des scandales humanitaires, c’est un passage en revue rapide, et terrible, auquel on nous convie. Enfin le chapitre Libertés rappelle la fragilité de la paix et de la tolérance. Krill (Belgique) dessine une colombe embrochée sur un feu de bois, Chappatte (Belgique) un africain unijambiste s’appuyant sur une mitraillette comme béquille. Et si Kichka (Israël) rappelle que la «liberté d’expression c’est faire couler l’encre, pas le sang», on pourra retenir le message de ces deux zèbres dont l’un à un père noir et une mère blanche et l’autre le contraire ! RENÉ DIAZ

Le 15 octobre, de 10h à 16h à l’Hôtel de Région, plus de 300 lycéens et apprentis sont invités à venir débattre et concourir sur le thème de la liberté d’expression. Au programme : à 10h conférence-débat avec les dessinateurs ; à 13h début du concours de dessin pour les lycéens et apprentis ; à 14h30 le jury présidé par Jean Plantu et composé de dessinateurs invités, de représentants de la Région et du Club de la presse délibère, avant la remise des prix –du message, du graphisme, de la créativité, de la tolérance et de l’humour- à 15h30.

Débordant d’Aflam Le cycle de Cinéma arabe proposé chaque année par Aflam a pris cette fois une ampleur inaccoutumée : il faut dire qu’il est consacré à l’Algérie, et que de ce fait de nombreuses associations marseillaises ont tenu à s’associer à cet échange, devenu du coup, tranquillement, pluridisciplinaire et éclaté. Éclaté car la quarantaine de films proposés aux Variétés à Marseille (à partir du 1er déc) seront aussi projetés à partir du 18 novembre à Aix, Apt, Arles, Briançon, Château Arnoux, Salon, Gardanne, Martigues et Port-de-Bouc : la région entière depuis les cimes jusqu’aux salins sera concernée ! Pluridisciplinaire, car avant ce cycle proprement dit de cinéma algérien sur lequel nous reviendrons en temps utile, d’autres lieux et association s’attachent à mettre en valeur des expressions culturelles algériennes. Ainsi L’Alcazar projettera le 5 nov à 16 h des portraits littéraires présentés par Mohamed Kacimi : 13 écrivains d’expression arabe, française ou berbère. Le 18 nov à 16h se tiendra une conférence sur l’édition et la littérature contemporaine algérienne, menée par Marie Virolle responsable des éditions Marsa. S’en suivra à 18h un débat avec la romancière Maïssa Bey, romancière algérienne, puis la projection d’un documentaire sur Frantz Fanon, qui fut une des figures phares de la libération algérienne, mais avant cela psychiatre à Blida. La Cité de la Musique ouvre elle aussi les réjouissances le 5 nov à 20h30 avec la projection de deux courts métrages vidéo (Houria de Mohamed Yargui et Les baies d’Alger d’Hassan Ferhani), puis un concert de Mouloud Adel et le groupe Parfum d’al Andalus, présentant les divers styles de musique algérienne, du chaabi populaire à l’aroubi sacré. L’association Rivages exposera aux Variétés 5 photographes algériens durant toute la manifestation (vernissage le 6 nov à 18h en présence des artistes Sarah Bellache, Rafik Laggoune, Sid Ahmed Semiane, Réda Samy Zazoun et Rachida Azadaou), les Bancs publics, eux aussi très impliqués dans l’échange franco algérien, accueillent Tariq Teguia et projettent Inland le 8 nov dans le cadre de leurs Rencontres à l’Echelle (voir p 16)… De belles coopérations, qui se poursuivront ensuite, plus en cinéma, avec Fotokino, Videochroniques, Chrysalide, FFM, Instants Video, Peuples et Cultures, Reflets… Parce que l’Algérie, à Marseille, concerne tout le monde ! AGNES FRESCHEL

Cinémas d’Algérie Aflam Du 5 nov au 6 déc 04 91 47 73 94 www.aflam.fr Abdelkader Affak dans Inland de Tariq Teguia


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PORTRAIT

ENTRETIEN AVEC OLIVIER PAULS

Il se joue volontiers des sexes et des genres et vient, à 44 ans, de signer la mise en scène de Desesperate Singers, créé aux Bouffes du Nord par l’Ensemble Télémaque

Olivier Pauls :

«Un hommage déguisé à Klaus Nomi» Olivier Pauls © Agnès Mellon

Zibeline : Quel est votre parcours ? Olivier Pauls : Je suis Marseillais d’adoption depuis 4 ans, date de mon arrivée de Paris pour vivre une aventure de troupe avec Catherine Marnas. Je travaille aussi sur d’autres projets, notamment avec Télémaque depuis l’année dernière, pour le sketch musical La dernière contrebasse à Las Vegas (1974) d’Eugène Kurtz, montré une fois au mois de mai 2008 à Montévidéo à Marseille. Le chanteur Alain Aubin m’a demandé un regard extérieur, cela s’est transformé en petite mise en scène. Et votre participation à Desesperate Singers date de quand ? De cette première collaboration. On a filmé ce sketch pour le mettre sur Internet. Le directeur du Festival d’Île de France l’a vu et a demandé à Raoul Lay, directeur et chef d’orchestre de Télémaque, d’inventer dans le prolongement un programme un peu décalé sur le thème «Masculin / féminin». Comment avez-vous travaillé avec lui ? Il m’a donné un programme de morceaux, et j’ai travaillé autour du contenu musical, du travestissement et du masculin-féminin. À partir de là, j’ai élaboré une histoire et demandé à Raoul Lay s’il était d’accord pour rajouter en ouverture un extrait de The Cold Song, reprise emblématique de Klaus Nomi connu de tous. Le chanteur était aussi tristement célèbre pour être la première vedette morte officiellement du Sida, maladie méconnue à l’époque. Il était intéressant de travailler sur la révolution sexuelle de ces années 70-80, et l’hécatombe terrible qui s’en suit. Pourquoi avoir voulu l’incarner sur scène ? C’est quelque chose qui s’est imposé immédiatement, Raoul devait incarner Klaus Nomi ! En fouillant, il est devenu une figure de rêveur, un regard distancié sur lequel les spectateurs se focalisent. Comme si le fantôme de Klaus Nomi regardait un spectacle en lien avec sa vie : ses chansons reprises voire détournées, mais aussi ce qui se passe dans l’inconscient, les pulsions de vie et de mort. Est-ce pour autant un spectacle consacré à Klaus Nomi ? C’est plus large que ça. Avec Télémaque, on aborde à travers cette «figure» et ses reprises de Purcell la problématique de la représentation et de l’être : «Quel rôle veut-on nous faire jouer ?». Des questions un peu existentielles. Comment dirige-t-on des musiciens quand on vient du théâtre ? Au départ, je pensais les diriger comme des acteurs, mais le temps de répétition était limité. Surtout, je me suis aperçu qu’ils avaient besoin d’un timing et d’un placement précis du fait de leur formation musicale. Ma mise en scène a alors collé à la partition, mesure après mesure. Une belle découverte pour moi.

Au bout du compte, il s’agit d’un spectacle musical ou d’un concert théâtralisé ? Entre les deux… même si la forme concert demeure. Il s’agit en fait d’une direction d’acteurs plus que d’une mise en scène : les costumes, les gestuelles, les attitudes, les chorégraphies partent des personnalités de chacun, des musiciens et chanteurs de Télémaque. Il y a aussi des influences comme le film Cabaret de Bob Fosse et un monde fantasmagorique personnel. J’avais envie d’une ambiance proche de l’entre deux guerres… pas si éloignée d’aujourd’hui. Sur ce thème masculin/féminin, quel est votre parti pris ? L’axe principal consistait à se demander comment on peut se laisser enfermer derrière un masque social, comme Klaus Nomi. D’où le jeu particulier avec les voix : le travail avec Brigitte Peyré et Alain Aubin se joue autour du trouble engendré par une voix féminine dans les graves et une voix masculine dans les aigus. Au bout du compte, que reste-t-il comme différences quand les deux se rejoignent et chantent ensemble ? Est-ce qu’être un homme ou une femme nous définit fondamentalement ? ENTRETIEN REALISE PAR HERVÉ GODARD

Le fantôme des Bouffes du Nord Le théâtre, savamment restauré dans sa décrépitude, bruisse des personnages réanimés par Peter Brook. Et au moment où l’on s’attend à voir surgir Hamlet, c’est Klaus Nomi qui entre en scène… Raoul Lay, le directeur de l’Ensemble Télémaque n’était jamais allé aussi loin dans le travestissement, poussant la ressemblance jusque dans la gestuelle suspendue, erratique, ponctuée d’une direction contemporaine nécessaire à l’exécution du programme. The Cold Song aux accents électro en ouverture, Berio, Kurtz et Murray Schafer habillent des pièces d’Olga Neuwirth regroupées sous le titre Hommage à Klaus Nomi (1998). Cet ensemble d’œuvres, avec de purs moments d’émotion (Requiem for the party girl), est d’un intérêt musical inégal mais forme sens dans sa Desperate singers © Agnès Mellon

globalité. Finalement, on oublie ce Klaus Nomi fantomatique pour se concentrer sur le duo de chanteurs composé de la soprano Brigitte Peyré et du contreténor Alain Aubin. Très habiles vocalement dans l’ambiguïté des graves et des aigus, ils font preuve de belles qualités d’acteurs, entraînant avec eux les solistes de Télémaque. Une boite à contrebasse en forme de cercueil, un homme en bas-résille, des musiciens en longues jupes noires qui se mettent à danser, une guitare électrique, une ambiance de cabaret déglingué : la mise en scène, épousant les contours d’un dispositif de concert, joue sur les codes de l’androgyne excentrique, sans éviter quelques facéties clownesques trop appuyées. Reste le plus important : une nouvelle fois Télémaque démontre que la musique contemporaine peut devenir accessible à tous sans se dévoyer, en flirtant avec le théâtre et le show-business gothico-rock des années Sida. HERVÉ GODARD

Desesperate Singers (Requiem pour Klaus Nomi) a été créé le 28 septembre 2009 aux Bouffes du Nord pour le Festival d’Île de France. Reprise le 21 nov à La Minoterie à Marseille puis le 20 mars aux Salins de Martigues.


Mensuel gratuit paraissant le deuxième jeudi du mois Edité à 25 000 exemplaires Edité par Zibeline SARL 76 avenue de la Panouse | n°11 13009 Marseille Dépôt légal : janvier 2008 Directrice de publication Agnès Freschel Imprimé par Rotimpress 17181 Aiguaviva (Esp.) photo couverture

Jean-Louis Benoît © Agnès Mellon Conception maquette Max Minniti

Rédactrice en chef Agnès Freschel agnes.freschel@wanadoo.fr 06 09 08 30 34

Arts Visuels Claude Lorin claudelorin@wanadoo.fr 06 25 54 42 22 Livres Fred Robert fred.robert.zibeline@free.fr 06 82 84 88 94 Musique et disques Jacques Freschel jacques.freschel@wanadoo.fr 06 20 42 40 57

Ont également participé à ce numéro : Emilien Moreau, Christophe Floquet, Dan Warzy, Élise Padovani, Yves Bergé, Susan Bel, Edouard Bartholémy, Christine Rey, Hervé Godard

Frédéric Isoletta f_izo@yahoo.fr 06 03 99 40 07

Photographes : Agnès Mellon 095 095 61 70 photographeagnesmellon.blogspot.com

X-Ray x-ray@neuf.fr 06 29 07 76 39

Juliette Lück

Cinéma Annie Gava annie.gava@laposte.net 06 86 94 70 44

Directrice commerciale Véronique Linais vlinais@yahoo.fr 06 63 70 64 18

Philosophie Régis Vlachos regis.vlachos@free.fr Sciences et techniques Yves Berchadsky berch@free.fr

Secrétaire de rédaction Dominique Marçon journal.zibeline@gmail.com 06 23 00 65 42

Histoire et patrimoine René Diaz renediaz@free.fr

Secrétaire de rédaction Jeunesse Marie Godfrin-Guidicelli m-g-g@wanadoo.fr 06 64 97 51 56

Polyvolantes Delphine Michelangeli d.michelangeli@free.fr 06 65 79 81 10

Société Chris Bourgue chris.bourgue@wanadoo.fr 06 03 58 65 96

Maquettiste Philippe Perotti philippe.zibeline@gmail.com 06 19 62 03 61

Maryvonne Colombani mycolombani@yahoo.fr 06 62 10 15 75 Marie-Jo Dhô dho.ramon@wanadoo.fr


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THÉÂTRE

ACTORAL

Pas après pas dans la ville... De ces deux semaines de vagabondages à éclipses à Montévidéo et ailleurs en compagnie des invités d’Actoral numéro 8, subsiste une étonnante impression de douceur, d’équilibre de confort ? Avec Christophe Fiat, par exemple, jouer c’est pas gagner : droit dans ses bottes, le reste égaré (on connaît l’animal), notre homme à Montévidéo lit avec la distance calculée du dandy fragile qui se met à nu -et ô miracle de la scansion improbable, de la césure volante, de l’accentuation arbitraire- nous entraîne de Cosima-Diana à Francis Ford Coppola, de la petite musique du lac de Côme à la chevauchée éructante du lieutenant US avant l’Apocalypse ; on a beau être sur la défensive ( on sait tous que Wagner rime avec hélicoptère) ça marche tout seul... on y est. Même chose lorsque les Bernardines convient à la rencontre avec le Crabe Rouge de Julien Mabiala Missila : c’est le Congo qui fait voler en éclat la langue du drame et rit de se voir si drôle en ce miroir; la tragédie du Beach est rejouée par Bibiche, la commedia dell’Africa possède désormais le juge en toge au même titre que le chef de guerre ou le fonctionnaire zélé. L’énergie de l’écriture obtient la grâce des maladresses de jeu, en fait une façon «sans façons» d’occuper le plateau que l’on qualifierait volontiers de «civile» si le terme n’était pas pris pour d’autres combats! Au Merlan, c’est à une traversée des apparences que nous avons été invités et avant tout, dans une passionnante conférence initiatique de Raphaël Navarro, à liquider nos vieilles illusions ; la magie nouvelle est là ; le sommeil de la raison engendre ses monstres et le jeune Etienne Saglio, dans son grand manteau noir, sorti tout droit d’un film des frères Quay, fait vaciller délicieusement les perceptions du spectateur qui, frôlé par le noir et les ailes du rêve, a un peu de mal à sortir de son fauteuil. Retour à Montévidéo : de la jeunesse encore dans le duo-tandem-binôme de Mylène et Renée, Lauzon et Gagnon, québécoise et québécoise, allant vers venant d’où, s’interpellant, se traversant du regard et des mots, juste là où il faut (coucou la vidéo) ; joli numéro de sororalité sans chichis : potes-poètes, c’est bien ça ! De l‘amitié y en a aussi plein le court métrage de Valérie Mréjen projeté aux Variétés French Courvoisier : délicatesse, sobriété de la situation, force et élégance de ce plan-séquence de 14 minutes qui brosse en creux et en fous-rires le portrait de l’acteur Edouard Levé absent pour cause de suicide. C’est à croire que les gens méchants sont en voie de disparition ! Non que Diable... À Montévidéo la puissante Viviane De Muynck, figure permanente de la Need Company de Jan Lauwers, dans sa magistrale leçon de théâtre autour de la Lettre à une Actrice de Jean Marie

Crabe rouge © Baudouin Mouanda

Piemme nous ramène au fil ténu de la ruse et du trou noir, du déséquilibre et de la rupture de ton ; son corps massif tangue, flotte sur John Coltrane puis, enfilant ses hauts talons (souffrance commentée ) pour s’asseoir à la table de lecture, elle n’a de cesse d’accompagner, de doubler sa lecture d’une respectueuse «désobéissance» au texte... Intelligence et incarnation d’une écriture vivante ! Autre incarnation, celle de Tanguy Viel lisant son Paris Brest : une lecture plate, sans effet, qui durant une heure donnait de larges extraits de ce flot de conscience largement transcendé par la mise en paroles. Un moment magique, qui donne envie de retourner encore au livre. À la Friche encore d’autres formes ; celle programmé par Marseille Objectif Danse : un solo d’Olga Mesa, fragile, déroutant, une mise à nu d’une femme qui se cherche et remue une souffrance qui s’échappe d’elle par de petits cris, gémissements, gestes incontrôlables. De reptations furtives en gestes

aveugles elle danse , sensible, avec presque rien. Juste après, dans la petite salle BF, Rodolphe Blanchet livre un autre combat. Débordant de mots celui-là, de rage incontenue, de malheurs et de barbaries qui surgissent en flots. C’est la parole brûlante de Raharimanana, mise en plateau par Thierry Bédard, avec juste un micro sur pied, et un musicien qui scande de ses répétitions circulaires une parole faite elle aussi de cycles. La langue fortement déformée, comme créolisée artificiellement, est parfois difficile à saisir dans ses nuances… mais pas la violence de l’abandon, de l’injustice, de la révolte qui anime Za. Ce sont les Excuses et Dires préliminaires de Za, sorte de prolégomène au récit Za publié aux éditions Philippe Rey. L’histoire d’un père à moitié fou qui cherche le corps de son fils disparu (existe-t-il ?) sur une terre pleine d’ordures industrielles, et sans vie. Apocalyptique… MARIE-JO DHO, AGNÈS FRESCHEL, FRED ROBERT

Excuses et dires liminaires de Za © Pierrot Men


LA CRIÉE | LES INFORMELLES

THÉÂTRE

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Jouer la Nuit Après bien des atermoiements Jean-Louis Benoit va enfin pouvoir créer son Shakespeare à Marseille… Zibeline : Pourquoi monter Shakespeare? Jean-Louis Benoit : Citez-moi un metteur en scène qui n’en ait pas envie ! Je ne l’avais plus fait depuis Henry V dans la Cour d’Honneur, et j’avais envie d’y revenir. Par ailleurs je pense que les Centres Dramatiques Nationaux doivent produire de grands spectacles : il faut habiter ces 15 m d’ouverture, et peupler les grandes salles avec de grandes pièces, des distributions nombreuses, des costumes et des décors. Rouvrir notre théâtre avec cette pièce témoigne de cette volonté de ne pas céder à l’amenuisement général des productions théâtrales. Mais pourquoi la Nuit des rois ? C’est une belle comédie, douce amère. Toutes les comédies de Shakespeare sont un peu tristes, mais celle-ci, sa dernière, est la seule qui parle du désir physique. Elle est lumineuse et poétique, à la fois réaliste et onirique, bercée par la mer. J’éprouve à la monter un véritable plaisir littéraire, et au-delà ce thème de la gémellité, de la reconstruction d’une identité brisée, m’émeut particulièrement. Comment cela se traduit-il sur scène ? Le double est idéalisé chez Shakespeare : ils ont «même voix, même visage et même corps», ce qui

Jean-Louis Benoit © Brigitte Enguerand

est impossible à rendre sur une scène… Mais les symétries ne s’arrêtent pas là : Viola et Olivia sont des anagrammes, elles ont toutes les deux perdu leur frère respectif, et leur père, toute la pièce est bâtie avec des doubles, des reflets, des intrigues parallèles qui se croisent… Quels sont vos choix de mise en scène ? Sans le reconstituer j’ai indiqué le XVIIe siècle, en particulier pour représenter le travesti qui n’aurait pas de sens dans un costume contemporain. Pour le reste… cette pièce est entièrement aristocratique, il n’y a aucun personnage populaire, ce qui est très rare! Cela se sent dans la langue versifiée de la pièce, mais on perd cet aspect très littéraire et ambigu du langage en Français. Nous avons essayé de le rendre

par le décor, l’idée d’un palais de marbre, mais aussi par un jeu de rideau, un lieu instable, mouvant, lié à la mer. Le naufrage est omniprésent, la mer mystérieuse, là, sans cesse. Comment répétez-vous actuellement ? Les conditions sont épouvantables. J’aime répéter à Marseille, sur le plateau. Là on est exilés à Paris, on sait à peine quand on jouera… Les comédiens se sont préparés pour le 5 novembre, repousser la date d’une création provoque un grand malaise. Mais bon, il faut bien que ces interminables travaux se fassent. Nous jouerons à partir du 17 novembre, jusqu’au 29, ce qui est beaucoup moins que prévu. Puis nous partons en tournée… mais nous espérons vraiment, entre les dates, trouver quelques jours pour revenir à Marseille. Ne pas jouer suffisamment devant le public marseillais serait pour nous une catastrophe… ENTRETIEN RÉALISE PAR AGNÈS FRESCHEL

La Nuit des Rois La Criée du 17 au 29 nov 04 91 54 70 54 www.theatre-lacriee.com

Equinoxe Quand Nature et Culture jouent les concepts irréconciliables, même les projets les plus costauds se mettent à douter d’eux-mêmes : le Festival des Informelles s’est installé de nouveau

dans les espaces complexes de L’E2C mais il semblerait que les tempêtes de septembre aient eu quelque peu raison de la belle énergie qui préside habituellement à cette manifestation initiée Transquinquennal avec le groupe Toc © CAC

par le Théâtre des Bernardines. Le public, clairsemé mais pas malheureux d’être là, n’a pas donné le coup de pouce nécessaire à ces travaux d’artistes diversement achevés (dix jours de résidence pour neuf propositions à construire / huit minutes de bonheur dans le petit film des Jacquelin-Darbelley avec les stagiaires de l’école)... et pourtant elle pouvait être belle la Parade avec des spect-acteurs comme le suggérait le dernier film de Tati, icône malicieuse et décalée de ces deux soirées ! À commencer par les performances ambitieuses, fondées sur le déploiement et le lien social, portées par la Cie La Zouze de Christophe Haleb et le Collectif Transquinquennal + TOC de Bruxelles ; chacune dans sa forme (corps et espace en bascule par-dessus tête / litanie-conférence pince sans rire), travaillant sur et à partir de la matière humaine au présent, s’est donc trouvée légèrement en sous régime. Ce qui ne fut pas le cas du Moteur de Fernand Fernandez, pétaradante éructation dadaïque du mot à taire ou à tuer ! Ni de la Vente aux Enchères, littéralement, d’Ambra Senatore très belle et pas chère -qui dit mieux ?-

dans ses poses turinoises et trompel’œil ! Et encore moins des Anomalies et Perspectives concoctées par les Endimanchés que certains sont allés voir trois fois pour le plaisir -sinon quoide traverser les murs et de plonger dans les eaux noires du Vieux-Port ! D’autres propositions sont restées en retrait ou peu lisibles, bousculées par les intempéries ; prise de risque assumée avec une élégante sérénité par Mireille Guerre sur sa moto-juke-box. Rendez-vous l’an prochain au solstice d’été ? MARIE-JO DHO

L’International Informelles Festival a eu lieu les 18 et 19 septembre à l’Ecole de la Deuxième Chance.


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THÉÂTRE

GYMNASE | GYPTIS | BANCS PUBLICS

L’homme vertical

Projetons ensemble

Pour ouvrir sa saison théâtrale après la danse (voir pVIII), le Gyptis programme la création de La Chute de Camus par Raymond Vinciguerra Zibeline : Pourquoi le choix de ce texte ? Raymond Vinciguerra : C’est un texte qui m’a toujours accompagné. Il n’y a pas beaucoup d’œuvres comme cela, que l’on découvre à 20 ans, puis qui vous poursuivent, qu’on n’arrête pas de retrouver et de redécouvrir au fil de la vie et des blessures. Le personnage de Clamence produit un effet de miroir multiple : ce juge pénitent accusé de tous les maux entraîne chacun à commencer sa propre confession. Il nous révèle que la liberté nécessite un combat, une lutte contre la facilité du jeu social, de la séduction, contre la lassitude des corps aussi. La Chute est un dépouillement pied à pied, car choisir la lucidité est définitif, total, le renoncement à être un animal social est définitif… et c’est ce qui crée le vertige, et l’espérance. L’espérance ? Oui. Pas une espérance mièvre ou religieuse, une espérance lucide, sans aliénation. Je monte ce texte à ce moment là de ma vie, alors que je ne suis plus très jeune, parce qu’il n’y a pas de chute sans espérance d’envol, sans verticalité de la conscience. L’homme en quête de liberté se brûle, tombe, mais peut espérer l’envol. Et comment montez-vous cela ? Avec une grande humilité !! Il s’agit de faire entendre ce texte, sans démonstration d’adresse, d’accompagner le discours, la charge mentale du verbe. De l’éclairer. Philippe Sejourné sera Clamence, sur un plateau épuré, avec la musique répétitive de Phil Glass qui reprend la circularité du texte, et deux écrans vidéo pour décor. Ils démultiplieront le personnage, et illustreront quelques thèmes de l’œuvre,

Raymond Vinciguerra et Philippe Sejourné © A. Grisoni

l’eau, l’enfance. Il y aura aussi une incarnation du double de Clamence, qui hantera la scène et incarnera le doute qui sous-tend le récit : Clamence parle-t-il à quelqu’un ou à lui-même ? Selon les âges de la vie, La Chute est perçue comme un long discours, ou un soliloque… Je ne veux pas lever cette ambiguïté, mais faire partager à tous la complicité intellectuelle, la fraternité ressentie à entendre ces paroles rares qui font que, parfois, on ne se sent plus seul… ENTRETIEN REALISE PAR AGNES FRESCHEL

La Chute Du 17 au 21 nov 04 91 11 00 91 www.theatregyptis.com Théâtre de Beaucaire le 27 nov Théâtre du Balcon, Avignon, les 11 et 12 déc

Les Rencontres à l’Echelle organisées par le théâtre des Bancs publics ont pris cette année une ampleur inattendue… En se tournant vers l’Algérie, le petit «lieu d’expérimentations» s’ouvre paradoxalement sur la ville, collabore avec son voisin le Gyptis et avec AFLAM pour l’accueil du film de Tariq Teguia, Inland (voir p 11), avec les Rencontres d’Averroès pour l’accueil et la lecture de Mustapha Benfodil (voir p 5), avec le MuCEM pour l’accueil d’une exposition de photographies de Pierre Bourdieu (Image d’Algérie - Pierre Bourdieu, un photographe de circonstance du 5 nov au 6 déc), avec La Friche, Radio Grenouille, la Bibliothèque Départementale… Ces Rencontres deviennent ainsi un véritable festival, soutenu par Marseille 2013. Ce qui donnera l’occasion aux marseillais, outre les projections et les rencontres, d’assister à nombre de créations : un «projet» de Thomas Gonzales à La Friche les 18 et 19 nov, plusieurs «projets» de danse - Balkis Moultashar du 12 au 14 nov, Aurélien Desclozeaux les 19 et 20 nov, Thierry Thieu Niang les 21 et 22 nov«croisés» avec des artistes ou écrivains algériens. Et le «projet croisé» des directeurs du lieu, Julie Kretzschmar et Guillaume Quiquerez les 5 et 7 nov : une création en forme de quatuor (deux hommes/deux femmes, deux Algériens/deux Français) où il sera question d’une terre (in)connue, de ceux qui sont Français, veulent être Français, refusent de l’être ; la question de l’immigration algérienne est repensée dans son histoire, occultée, mal transmise, inconnue… D’autres propositions encore, et «projet», qui semblent bien en voie de se réaliser ! A.F.

Les Rencontres à l’échelle du 5 nov au 6 déc les Bancs Publics 04 91 64 60 00 http://lesrencontresalechelle.com

Forcément ardante Quand vous allez voir sur les planches une actrice qui vous a fait rêver sur les écrans, la peur vous tenaille d’être déçu, que le mythe de son sourire s’effondre. Et s’il s’agit de Fanny Ardant, et qu’elle se permet, guidée par Lambert Wilson, de jouer du Lagarce, de s’emparer de cette écriture contemporaine ciselée et de camper La Fille dans Music Hall, vous doutez du bien fondé de l’entreprise… Mais dès les premiers mots toute réticence, toute appréhension disparaît. C’est elle, ça ne peut être qu’elle, ce personnage de fausse chanteuse vieillissante et ratée, Dalida de pacotille qui court de salles minables et arrière-couloirs, avec son tabouret et ses deux boys, dont l’un chante et l’autre pas. Et c’est elle magnifiquement, parce que l’égérie de Truffaut parvient à faire oublier sa réussite de star, pour être cette obsédée d’autres éblouissements, provinciaux, décatis, déchus avant même d’avoir atteint un peu de gloire. Lambert Wilson a mis Fanny Ardant en danger : décontenançant le public venu la voir être éclatante elle doit crier de douleur, pleurer de renoncement,

lever sa perruque pour laisser apparaître ses cheveux blancs, son visage baigné de larmes, son rimmel dégoulinant. Dans son corps et sa voix, et sa diction si reconnaissable, La Fille prend vie, le texte s’oriente vers un réalisme qui n’aplatit jamais ses boucles, retours en arrière et mises en abyme, mais offre au contraire à La Fille une émotion nouvelle, incarnée. La rencontre entre l’icône du cinéma et cette écriture difficile devient évidente et sublime : parce qu’il y est question d’illusion, de l’amour inconsidéré de la scène, du fait d’offrir de soi, et de se heurter à la triviale brutalité du monde. AGNES FRESCHEL

Music Hall s’est joué au Gymnase du 29 sept au 2 oct à venir au gymnase : Le Diable Rouge, mise en scène de Christophe Lidon, du 13 au 24 octobre

© Michel Lebrun


LA MINOTERIE | LE LENCHE | LE MERLAN

THÉÂTRE

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Créations sinon rien ! La Minoterie poursuit sa politique d’accueil et de soutien de ses compagnies de prédilection, en restant particulièrement attentive à soutenir la création régionale. Avec ce mois-ci, outre Massilia force (voir p 26), deux pièces de Grand Magasin, suivies de celle du théâtre de l’Ajmer (Franck Dimech). Grand Magasin investit à la fois les murs pour Les déplacements du problème, une pièce de théâtre musical composée avec l’IRCAM, et le restaurant de la joliette Dock of the Bay pour Panorama commenté, une pièce de 20 mns à raison de deux séances par jour. La création de Franck Dimech s’intitule Jumel, et repose sur le duo de deux comédiennes taiwanaises, et un texte de Fabrice Dupuy. Un échange, logorrhée ininterrompue entre deux sœurs semblables dans leur repli et leurs souvenirs violents et leurs désirs refoulés, malgré la parole.

Camping final © Grand Magasin

Vers l’Est

AGNES FRESCHEL

Les déplacements du Problème. Panorama commenté Du 19 au 24 oct Jumel Du 12 au 19 nov Théâtre de la Minoterie 04 91 90 07 94 www.minoterie.org

Il y a de la truie en toi Projet cochon © Elizabeth Saint Jalmes

Tandis que les saisons marseillaises s’affichent de plus en plus méditerranéennes, le théâtre de Lenche va prendre son premier air d’automne en Europe de l’est. En poursuivant son cycle Tchekhov, qui se veut exhaustif et passera en revue toutes les pièces… mais aussi les écrits moins monumentaux, nouvelles, lettres, aphorismes… Les Cabarets Tchekhov du Lenche sont des moments fort conviviaux où l’on boit du vin en mangeant des chips et en se régalant de beaux textes murmurés à la russe. C’est-à-dire avec emphase, même dans les lieux intimes ! Le deuxième spectacle de la saison nous emmène à Prague, sur les traces de Franz Werfel, juif pragois de langue allemande mort en 1945. Une pièce programmée dans le cadre d’une manifestation l’Europe intellectuelle en fuite durant la seconde guerre mondiale, et qui permettra de voir également à l’Alcazar des documentaires sur Arthur Koestler, Varian Fry et le Camp des Milles (le 12 nov), ainsi que le film de René Allio adapté du bouleversant roman d’Anna Seghers Transit (les 13 et 14 nov), et un documentaire sur Thomas Mann. Si l’histoire de la seconde guerre mondiale est abondamment explorée, la mise à sac de l’Europe intellectuelle par les nazis, puis par les régimes communistes, n’est pas toujours mesurée. Franz Werfel, juif et hongrois et pourtant nationaliste allemand, est sans doute le symbole à même de faire comprendre cette histoire. AGNES FRESCHEL

Il n’a été heureux qu’une fois, sous un parapluie Du 13 au 25 oct Alma et Franz Du 33 au 15 nov Theâtre de Lenche 04 91 91 52 22 www.theatredelenche.info

Mathilde Monfreux est une jeune artiste, installée à Marseille, qui vient du cirque. Mais côté rural, rustique même. Le Merlan vous propose de venir découvrir son travail, qu’il coproduit, autour du cochon. L’animal symbolise bien des perversions, depuis la saleté de la fange jusqu’à la bestialité assumée ou une appétence sexuelle déviante… Rose aussi, jeune, il est mignon, tire-bouchon, victime innocente des loups, et se dévore volontiers, de la côte au jambon et du museau au sabot… À travers cette imagerie liée au cochon, Mathilde Monfreux a conçu un spectacle qui parle

d’elle, de son animalité qui la mène à confectionner des boudins coagulés dans ses bas de jeune fille. Une régression tapageuse vers un ça étrange, que l’on partage pourtant… et qui vous conduira à suivre, juste après, les miroirs envolés de Mélissa Von Vépy (voir p 29). A.F.

Projet cochon Du 12 au 14 nov à 19h Le Merlan 04 91 11 19 20 www.merlan.org

Il n'a été heureux qu'une fois, sous un parapluie © Catherine Rocchi


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THÉÂTRE

LE MAQUIS | LE TOURSKY | LES ATELIERS

L’hérésie prend le maquis À l’époque où l’on se plaît à commémorer tant d’évènements avec un discernement parfois douteux, la compagnie du théâtre du maquis s’attache elle aussi à l’histoire et exhume une date dont bien peu se souviennent… Celle de la croisade contre les Albigeois, il y a précisément 800 ans, en 1209 ! Pendant intéres-sant aux manifestations qui entourent le 600e anniversaire de la naissance du roi René ! Cabaret donc, avec des tables conviviales qui rythment les places des spectateurs, jus de fruits, bon vin, photo-phores… Les gens entrent, s’installent, grignotent, bavardent, musique occitane en fond sonore… Des volutes de fumée commencent à s’enrouler autour des instruments qui attendent sur scène, la foule doucement s’apaise, la fumée de plus en plus dense gagne les premiers rangs… le spectacle commence. «Laissez-vous aller à la folie cathartique !». Le jeu est lancé, parodies, paraboles, chants iconoclastes, mimes guignolesques, un brin d’Apollinaire et ses cosaques Zaporogues, émotion vraie sur le massacre de Béziers, fin’amor et garçons bouchers, inquisition et justice rendue sous le chêne de Saint-Louis, qui ne se prenait pas pour le fruit d’icelui… Un festival de rire et d’indignations, de récits d’exactions de cette terrible année 1209 qui trouveraient sans doute bien des échos dans nos années 2009… Occitan et Français se mêlent pour décrire une Occitanie brisée, par un pouvoir qui ne pourrait connaître d’équivalent au-jourd’hui. Vous en êtes bien sûr ?

Le cabaret des hérétiques © X-D.R.

L’ironie est parfois grinçante, et numéros de cabaret toujours déjantés, pour un spectacle vivifiant. MARYVONNE COLOMBANI

Le Cabaret des Hérétiques sera joué le 16 oct au Jeu de Paume (Aix), le 17 oct à Coudoux, le 13 nov au Tholonet, le 5 déc à Chateauneuf-le-Rouge. www.theatredumaquis.com

Mon Golem, le spectacle d’une vie Au Toursky, auprès de Richard Martin «l’ami de toujours», Wladyslaw Znorko a réuni dans Mon Golem toute sa famille, les rencontres les plus récentes et les complices de la première heure. Habité depuis longtemps par ce conte fantastique, le metteur en scène en offre sa propre vision théâtrale comme «si nous étions dans une chambre d’enfant.» Entre rêves éveillés, songes, rires et chuchotements, glissant de l’éclat de rire à l’effroi, de l’allégresse à la détresse en une fraction de seconde. Mais ce n’est pas la vraie histoire de Golem, «ce personnage légendaire fabriqué de glaise, à qui le Grand Rabbi Löw donna vie sur les berges de la Vltala à Prague» : c’est celle réinventée de toutes pièces par un artiste au langage unique. Figure singulière par son habileté à conter tout autant qu’à montrer, fabricant d’histoires extraordinaires, passeur d’une langue inconnue et dessinateur d’images fortes. Sur le plateau : 3 cabanes, 2 orages, 1 guerre, 1 violoncelliste, 1 fanfare, 7 acteurs-musiciens, 1 canari, 3 poules, 1 marionnette, 1 remorque à roulettes. Un fourre-tout poétique qui le suit depuis ses premiers pas, sans oublier le train qui, quand on ne le voit pas, se fait entendre. Dans Mon Golem comme toujours, l’histoire devient tableau, la parole devient musique, et l’action -si action il y a- se déploie dans une temporalité incertaine. Car Znorko a le talent incontesté d’inventer un univers onirique à nul autre pareil (même si on pense à Nadj, parfois). Mais il est tellement elliptique, voire énigmatique, que certains lassés s’en éloignent vite… quand d’autres, visiblement, y plongent encore à corps perdu. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Mon Golem a été créé les 9 et 10 octobre au Toursky

Les Ateliers au travail

Dessin de Znorko

À venir au Toursky Après la dernière création de Quartiers Nord, une autre encore : Cœur @ prendre, le dernier solo d’Edmonde Franchi, toujours attachée dans son écriture intimiste et drôle à parler de solitude, et de condition féminine. Les 13 nov est complet, mais le Toursky a rajouté une date… le 14 nov, avec priorité aux abonnés ! www.toursky.org

La saison du Théâtre des ateliers commence fort, avec l’accueil du petit bijou qu’est Vice-Versa, un délire d’après Will Self sur une histoire de plaie ambiguë qui apparaît sur la cuisse d’un jeune homme (du 19 au 21 oct ). Puis le 13 nov une Veille théâtrale consacrée à Picasso, star de l’année aixoise: des textes théoriques et plus intimes, des poèmes surtout, par le peintre de génie qui déclara pourtant «je suis un poète qui a mal tourné» ! Lus par Alain Simon et Jean-Marie Broucaret, à partir de 19h. Entretemps des lectures, Les Questions du Prince, dans le cadre de Momaix (voir p V), autour de Contes des Balkans, tous les mercredis d’oct et nov à 15h, mais aussi le jeudi 29 oct et le mardi 3 déc : un début de saison actif, littéraire et impliqué, dans un théâtre où le public semble toujours heureux de s’asseoir, avide de découvertes… A.F.

Théâtre des Ateliers, Aix 04 42 38 10 45 www.theatre-des-ateliers-aix.com


VITEZ | JEU DE PAUME | MIRAMAS | THÉÂTRE DURANCE

THÉÂTRE

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Plus d’avant-garde ? Le théâtre qu’on appelle de l’absurde, et que ses auteurs préféraient nommer d’avant-garde, se trouve aujourd’hui dans une position paradoxale : alors qu’il a à son époque, dans une Europe en ruines, bouleversé les règles du théâtre littéraire (Camus, Sartre) et surtout du théâtre bourgeois qui tenait encore le haut des scènes, il acquiert aujourd’hui un statut et une reconnaissance qui le font mettre au programme des lycéens (Fin de partie est cette année au programme des Terminales Littéraires) et lui permettent d’être mis en scène par des héritiers d’un théâtre réaliste. Ce qu’il n’est pas. Les résultats sont contrastés…

Ionesco Les Chaises mis en scène par la Comédie française au Jeu de Paume relèvent du contresens. La pièce ne supporte pas la lenteur et le lyrisme : on ne peut, semble-t-il, que la jouer sec, vite, rythmée qu’elle est par l’envahissement progressif de l’espace scénique et sonore, et par le surgissement de personnages fantasmés, et presque matérialisés (par le son si ce n’est par la présence physique). Difficile donc de la faire interpréter par des acteurs âgés, même s’ils sont très alertes, et surtout par des comédiens qui jouent «mimétique», c’est-à-dire sans prendre en compte la mécanique désagrégée des mots, en s’accrochant plutôt aux bribes émotionnelles qui surgissent de la relation entre les deux Vieux, ou entre eux et leurs fantasmes. L’émotion chez Ionesco naît de la déconstruction du langage et du réel, de la course folle, de l’absurdité justement, et pas des sentiments exprimés. Les chaises suspendues qui descendent des cintres, les rideaux qui se soulèvent pour laisser passer la lumière font un effet joli… qui n’a pas sa place dans cet univers. La mise en scène de la Cantatrice Chauve par Jean-Luc Lagarce, que l’on pourra voir ces prochains jours aux Salins et à Cavaillon, joue sur cette mécanique sans la forcer à aller vite, mais en faisant crisser ses saturations sans les dissimuler… Il faut dire que la première pièce de Ionesco est un bijou de drôlerie, et que les suivantes (Rhinocéros, Le Roi se meurt) ont plongé plus avant dans la symbolisation politique. Les Chaises, entre les deux en ce sens là, est sans doute moins intéressante…

Beckett Fin de partie, en revanche, est indéniablement un chef-d’œuvre. Charles Berling la monte avec intelligence, tout en voulant visiblement la rendre abordable à un public assez large : le décor, imposant, mime un intérieur déglingué sans aller jusqu’à représenter la ruine de bric et de broc où vivent Hamm et Clov, et les deux parents enfermés dans les poubelles. Le metteur en scène se méfie du décor bourgeois et construit une perspective tordue, brunâtre, faite de faux-semblants, où seul Clov se meut claudiquant… Les acteurs, qui jouaient un peu trop intimes dans la grande salle de la Colonne, se laissaient parfois aller à faire sentir l’ennui par le silence, ou la lenteur. Alors que l’ennui métaphysique, existentiel, se signifie beaucoup mieux par le vertige, et les changements de rythme. Mais enfin Dominique

Les Chaises © Cosimo Mirco Magliocca

Contemporain, médiéval, pédagogique !

Fin de partie © Cosimo Mirco Magliocca

Pinon est un Hamm formidable de présence physique, privé qu’il est pourtant de mouvement et de regard. Charles Berling en valet effacé est d’une modestie étonnante, puis d’une drôlerie subtile quand il se met en colère, et devient burlesque. Tous deux pourtant sont comme effacés, dépassés dès que les deux vieux ouvrent leur poubelle et leurs cœurs affaiblis : Gilles Seagal, pitoyable et geignard, et Dominique Marcas, d’une justesse, d’une ampleur, d’une présence exceptionnelles (seules son visage et le bout de ses doigts dépassent pourtant du bord de sa poubelle !). Tout est fait pour que l’on sente la langue s’effilocher, l’espace partir à vau-l’eau, et l’ennui s’installer au point de rendre la mort désirable. Charles Berling voulait monter ce grand texte avec modestie : pari réussi. AGNES FRESCHEL

Les chaises a été créé au Jeu de Paume du 2 au 10 oct. Fin de Partie a été joué au Théâtre Durance le 6 oct et à La colonne, Miramas, le 10 oct. Il sera au Jeu de Paume du 17 au 21 nov. Théâtre du Jeu de Paume 0 820 000 422

Au théâtre Vitez aussi la saison commence un peu tard -rentrée universitaire oblige-, mais très fort, avec un nombre de spectacles impressionnant, et toujours le même souci esthétique de produire un théâtre qui interroge représentations et pratiques. Le 19 oct un monologue dont Sabine Tamisier avait présenté des extraits à Cavaillon et aux Bernardines: Cosa Nostra, flot de paroles d’un personnage désaxé qui se heurte au monde, passe d’une chaise à l’autre, ne sait comment s’habiller, être, pour devenir visible, voire désirable : une belle recherche de langue, comme prise directement dans la conscience, dite par un corps qui est sur scène sans artifice, comme dérangé par nos regards… Le lendemain, pour ouvrir officiellement la saison, un spectacle musical de Jeanne Béziers sur une nouvelle d’Amado : Les deux morts de Quinquin la Flotte (le 20 oct). Puis le 22 Marcia Hesse de Melquiot, et le 29 une lecture de Jusqu’à ce que la mort nous sépare de Rémi de Vos, qui donneront l’occasion de découvrir deux écritures contemporaines très différentes, et aussi fortes. À partir du 3 nov, place à Mômaix ! Le théâtre universitaire dirige ses ambitions pédagogiques vers les plus jeunes… en programmant l’essentiel des formes théâtrales du festival jeune public qui agite Aix (voir page V). Avec le Théâtre de cuisine le 3 nov, puis une création de Danielle Bré le 24. Et en laissant place, du 18 au 20 nov, à l’atelier de création de l’université de Provence qui montera la Farce de Maître Pathelin, dirigée par Agnès Regolo. A.F.

Théâtre Vitez, Aix 04 42 59 94 37 http://theatre-vitez.com


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THÉÂTRE

OUEST PCE | MARTIGUES | NÎMES | ARLES | SÉMAPHORE

Pouvoirs des mots Chromos et mutilations

Empire © Giannina Urmeneta Ottiker

Comment la propagande fabrique-t-elle l’Histoire ? C’est le sujet abordé par le collectif Superamas dans son dernier spectacle, Empire (Art & Politics). Sous forme de fable, et utilisant danse, théâtre et vidéo, les artistes français et autrichiens remettent en cause les mécanismes de représentation des faits historiques, prenant comme point de départ une bataille napoléonienne datant de 1809. Considérée comme une victoire des deux côtés du Danube -par les Français (bataille d’Essling) mais aussi par les Autrichiens (bataille d’Aspern)-, elle est surtout l’une des premières tueries à grande échelle (40 000 morts) et la première bataille des communiqués de presse. De l’hégémonie de l’empire napoléonien le collectif dérive sur un autre empire, «au sens de l’emprise, une relation toujours plus cohérente et inextricable entre le business capitaliste, le spectacle et les médias.» Retrouver la distance critique permet de distinguer caricature et réalité, «tout le travail du plateau tient dans cette réalité et ces tensions entre vrai et faux, vérité et artifice.» La Comédie Française met ensuite Claudel à l’honneur avec la mise en scène de Yves Beaunesne du Partage de midi. La plus abordable des pièces du dramaturge fleuve et incandescent, illuminé par Dieu,

mais encore par le désir. L’exaltation des sentiments qui exige une mise en scène inspirée et le jeu impeccable des quatre comédiens : Marina Hands campe une Ysé flamboyante… Enfin, Fellag et Marianne Épin philosophent avec tendresse et poésie sur une Algérie toujours en prise entre traditions et modernité, au gré d’une galerie de personnages haut en couleurs.

Loin de se contenter de ses créations danse et musique (voir p 26 et 57), les Salins proposent une programmation théâtrale de choix. Avec La Cantatrice Chauve les 22 et 23 oct, pièce inaugurale et loufoque de Ionesco, dans la mise en scène mythique de JeanLuc Lagarce recréée par François Berreur. En 1991 Lagarce avait proposé une cantatrice aux couleurs sursaturées, version bonbonnière anglaise féroce. Depuis elle tourne, et sera aussi à Cavaillon quelques jours avant (voir p 24). Après cela les Salins accueillent le 6 et 7 nov une entreprise étrange de Zabou Breitman, qui a théâtralisé le cinéma documentaire de Depardon. Comment les Gens anonymes peuventils être incarnés sur une scène par des comédiens célèbres ? Enfin les 13 et 14 nov la Scène Nationale accueille Une Fête pour Boris, la pièce de Thomas Bernhard mise en scène par Denis Marleau. Passée cet été par le Festival d’Avignon, elle a fasciné par ses effets de grossissement et d’illusions (voir Zib 22). Horripilant, fascinant et drôle… A.F.

DOMINIQUE MARÇON

Empire (Art & Politics) Collectif Superamas Les 21 et 22 oct

Scène Nationale des Salins, Martigues 04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr Une fête pour Boris © Stéphanie Jasmin

Partage de midi mes Yves Beaunesne Les 5 et 6 nov Tous les Algériens sont des mécaniciens mes Fellag et Marianne Épin Les 13 et 14 nov Théâtre de Nîmes (30) 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

Profondeur de l’âme Voyage en pays de Calaferte en compagnie d’Alain Timar qui signe ici la mise en scène de Je veux qu’on me parle. À partir d’une série de courtes pièces et de textes de l’écrivain, le metteur en scène dresse un portrait saisissant de nos propres habitudes de vie, entre turpitudes et lâchetés. Une plongée dans l’humour noir, la dérision, voire le tragique, un puzzle de saynètes dans lequel excellent les comédiens (Yaël Elhadad, Nicolas Gény et Roland Pichaud) qui incarnent tour à tour les humains que nous sommes. Suivent trois petites pièces de Tchekhov dans une mise en scène de Patrick Pineau : La Demande en mariage, Le Tragédien malgré lui et L’Ours. Trois comédies, trois petits bijoux que l’auteur qualifiait

lui-même de «vaudeville à la française» et qui décrivent, avec des histoires simples en apparence mais Je veux qu'on me parle © Manuel Pascual

aux enchaînements délirants, le ridicule et l’extravagance de la nature humaine. DO.M.

Je veux qu’on me parle mes Alain Timar Le 20 oct Trois pièces de Tchekhov Mes Patrick Pineau Le 12 nov Théâtre La Colonne 04 90 58 37 86 www.scenesetcines.fr


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Finesse du verbe Rarement jouée, la pièce de Tristan Bernard Les deux canards est ici mise en scène par Alain Sachs, avec Yvan le Bolloc’h dans le rôle-titre. Ce dernier incarne Lucien Gelidon, écrivain parisien qui se voit contraint d’accepter le poste de rédacteur en chef de deux journaux concurrents et politiquement opposés… piégé qu’il est par ses amours volages. Comique de situations, verbe haut, la mécanique fonctionne, rehaussée par le jeu étourdissant des douze comédiens. Maxime Leroux se met en scène, avec la complicité de Bernard Murat, dans une pièce hommage au poète Patrick Espagnet, Les Noirs, «à partir de poèmes écrits sur le monde du toro et des ferias du sud dont il était un aficionado

fidèle.» Los negros, ces taureaux de combat qui donnent son nom au recueil (éd Loubatières), le sud, les gitans, autant d’évocations, de mots dont s’empare le comédien avec force et truculence, faisant monter «une mayonnaise de sons, d’images et de mots.» DO.M.

Les deux canards mes Alain Sachs Le 27 oct Les Noirs Maxime Leroux Le 7 nov Théâtre de Fos 04 42 11 01 99 www.scenesetcines.fr Les noirs © Daniel Bounias

Jean qui chante Texte inachevé, Jean la Chance est une pièce de jeunesse de Brecht, inspirée d’un conte des frères Grimm. Jean, paysan simplet, se trouve dépouillé de tout ce qu’il possède au fil de trocs absurdes : un cheval contre une vache, la vache contre une oie… et même sa femme, il commence d’ailleurs comme ça. D’échanges en échanges, Jean s’enrichit ou se libère, jusqu’à finir par échanger une oie contre la liberté. Sans jamais se départir de son innocence, ni de sa confiance en la vie qui le fait paraître si atypique. La mise en scène de François Orsoni emprunte au concert rock, portée par la musique de Tomas Heuer, ancien des Béruriers Noirs, sur laquelle les comédiens-chanteurs donnent de la voix.

© Huma Rosentalski

Jean la Chance Le 17 nov Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com

DO.M.

L’appel des classiques Müller et Lanoye ! Les Atrides, chaos d’un héritage celui que ces auteurs ont laissé et dont la cie Moebius veut témoigner- est une création collective, dont Thomas Bédécarrats assure la mise en scène ; «notre histoire commence avec Atrée et Thyeste pour s’achever (ou plutôt s’inachever) avec la folie d’Oreste. Une histoire sans résolution ni morale, une histoire en suspens qu’il appartient au spectateur de penser» Leur 2e création, non moins ambitieuse, s’attaque à Shakespeare. Un Macbeth recentré sur le couple-phare confronté à sa propre identité, «un huis clos dans lequel toutes les frontières deviennent floues : le temps, le réel, les êtres perdent leur cohésion. Macbeth et Lady Macbeth deviennent des monstres dramatiques ; à travers eux s’exprime une infinité de variations d’eux-mêmes.»

Ancré sur les quais du Rhône, le Théâtre de la Calade résiste fièrement aux intempéries quelles qu’elles soient, et propose cette année encore une programmation riche qui allie des créations théâtrales, de la musique avec les incontournables concerts «jazz au grenier» (1re date le 23 oct avec le Pacific jazz quartet) et quelques pépites hors normes, en collaboration notamment avec le Musée Départemental de l’Arles Antique dans le cadre de l’exposition César le Rhône pour mémoire. La jeune cie montpelliéraine Moebius ouvre la saison avec le projet ambitieux de raconter d’un seul tenant le mythe des Atrides, d’après Eschyle, Euripide, Sénèque, Pétrone, Hugo von Hofmannsthal, Heiner

DOMINIQUE MARÇON

Les Atrides © cie Moebius

Les Atrides Du 16 au 18 oct Macbeth Du 13 au 15 nov Théâtre La Calade 04 90 93 05 23 www.theatredelacalade.org

Qui parle ? Lorsque Mazzuchini monte des textes de Valletti, on ne sait plus très bien qui parle. C’est que la symbiose est telle entre la parole de l’auteur et la présence de l’acteur, qui choisit aussi, et adapte ! Et disparaît dans la folie mythomane, se fondant avec les personnages à double fond, qui eux-mêmes jouent à s’inventer des vies, et à les livrer comme si c’était de vrai… Parfois, entre la folie de Mazzuchini et celle des personnages de Valletti ça marche à merveille. Comme dans Psychiatrie/déconniatrie, pièce folle, justement. D’autre fois le côté foutraque et décontracté ne parvient pas faire exister des personnages, et l’on ne voit que Mazzuchini le bateleur. Mythomane, dernière création de sa compagnie Pile Poil (du nom de sa chienne), est un montage de textes chers, et préserve des surprises participatives… La sauce prendra-t-elle cette fois ? Allez-y voir : de toute façon, par moments au moins, ça décolle… A.F.

Mythomane Valletti/Mazzuchini Les 13 et 14 nov Le Sémaphore, Port-de-Bouc 04 42 06 39 09 www.theatre-semaphore-portdebouc.com


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THÉÂTRE

DRAGUIGNAN | AUBAGNE | STE-MAXIME | CAVAILLON | GAP

Désir d’homme Et s’il n’y avait plus d’hommes, nulle part ? Et si, comme dans les Basses-Alpes en 1852, les femmes vivaient dans un isolement total ? Le désespoir de l’attente prendrait alors le dessus sur la solitude, et le désir se ferait plus pressant. C’est ce désir, justement, qui irrigue le texte autobiographique de Violette Ailhaud écrit en 1919, L’homme semence, dévoilé longtemps après sa mort, en 1952. Une écriture simple et limpide récitée à trois voix par Maryse Mazzani (Violette), Maud Leclerc (Rose, la fille du boulanger) et Luc Martinez (le récitant), théâtralisée avec brio par Didier Kowarsky. Sous le platane centenaire de la place du Château à Bargemon, nul besoin d’une débauche d’accessoires : dans un dispositif scénique réduit à l’essentiel, Violette Ailhaud est plus que jamais vivante. Sur son visage silencieux glisse une palette d’expressions subtiles, ses gestes économes et rustiques disent l’essentiel : le silence et la peur qui paralysent le village, le rythme des champs, les nécessités domestiques. Mais

surtout «l’appel de vie qui nous vient du monde des bêtes.» Cette absolue nécessité d’enfanter qui fait que les femmes et les jeunes filles attendent tout du premier homme venu, d’abord sa semence, ensuite sa force de travail, et enfin sa présence. Un bonheur presque honteux, éphémère, que vécut Violette Ailhaud en silence, mais qu’elle osa coucher sur le papier. Pour dire ce désir d’aimer, Didier Kowarsky a pris le parti d’une récitation lente, suspendue au temps, rythmée par le reflux de la mémoire. 1852, 1919, 2009 et toujours l’envie de vivre. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

L’homme semence, création de la Cie Melelez’Arts présentée par Théâtres en Dracénie (83) à Taradeau, Bargemon et Châteaudouble les 9, 10 et 11 oct Le texte est publié par les éditions Parole à Bauduen (83)

L'homme semence, Maryse et Maud © X-D.R.

Jaurès à Aubagne Small is Beautiful a commencé la saison aubagnaise en beauté dans la rue, et le Comœdia attend des spectacles jeune public (voir p V), la musique des Chemirami (le 18 oct) puis celle de Juan Carmona (le 7 nov)… Décidément le Théâtre d’Aubagne résiste plutôt bien dans un paysage morose ! La programmation théâtrale proprement dite débute par un hommage rendu à Jaurès, dont les 150 ans sont passés, à quelques pantalonnades près, grosso modo inaperçues… C’est le Théâtre Artscé-nicum qui ouvre les festivités commémoratives : 1907, Bataille dans le midi est un spectacle musical, porté par un chœur qui rappelle les événements oubliés de 1907, la révolte des paysans vignerons, défendus par Jaurès… Jaurès encore, le 5 nov, incarné cette fois par Jean-Claude Drouot le rugissant, et opposé dans un dialogue fictif, mais possible, à Maurice Barrès qui courut véritablement à son chevet,

quelques heures avant qu’il ne succombe au coup de feu de Raoul Villain. Un dialogue politique au sommet, imaginé par Bruno Fuligni. A.F.

1907, Batailles dans le midi Le 25 oct à 17h La valise de Jaurès Le 5 nov Théâtre Comoedia, Aubagne 04 42 18 18 88 www.aubagne.com

1907 © X-D.R.

Le théâtre de Sainte-Maxime, au moment même où il s’apprêtait à lancer une saison vraiment intéressante, a subi, avec la ville toute entière, de graves inondations. Chacun s’en est remis, mais le premier temps fort de la saison Entre Ciel et Terre a du être amputé d’une partie de ses spectacles. Une soirée de soutien aux habitants, portes et cœurs ouverts, a vu se rassembler au théâtre des gens qui, finalement, n’y seraient peut être pas venus autrement… La saison repart d’un autre pied, avec de nouvelles perspectives, et des

propositions tout aussi alléchantes : de la musique et de la danse très diverses avec The black rockcoalition orchestra le 18 oct (voir p 46), NOs LIMITs le 24 oct (voir p 26), et une Flûte Enchantée comedia dell Arte le 14 nov (voir p 55). Mais Le Carré qui affiche une belle transdisciplinarité programme aussi du théâtre, avec La Vie devant soi, spectacle mis en scène par Didier Long et porté par Myriam Boyer, triplement moliérisé, d’après le roman célèbre et émouvant d’Ajar/Gary (le 31 oct). Les enfants ne sont pas en reste, avec un spectacle de fabliau de la Cie Artefact,

qui regarde de la tradition du théâtre médiéval (le 17 nov) pour retrouver le rire grotesque, mais aussi vers celui qui en fut le passeur durant la Renaissance: Rabelais (le 20 nov), qui militait pour le progrès de l’esprit, sans négliger le bonheur du vin et des mots tapageurs! A.F.

Carré Léon Gaumont Sainte Maxime (83) 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com

La Vie devant soi © Agence Enguerand

Abondance ne nuit pas !


Incontournables à Cavaillon ! Ils ont eux aussi commencé leur saison en nomades, promenant dans les bars du Vaucluse Victor Bâton, d’Emmanuel Bove et Pierre Pradinas. L’histoire d’un homme (Thierry Gimenez) qui n’en peut plus d’être

seul et se confie à un accordéoniste (Marc Perrone) trouvé là… il reste quelques dates pour découvrir ce spectacle (le 15 à Noves, les 16 et 17 à Chateauneuf de Gadagne). Ne vous en privez pas ! Puis la Scène Nationale de Cavaillon entre en son théâtre en beauté en accueillant la mythique mise en scène de la Cantatrice Chauve par Jean-Luc Lagarce (le 19 et 20 nov, voir les Salins p 20). Et ce sera au tour de Maguy Marin de venir installer son MayB sur la scène (le 10 nov). À ne louper sous aucun prétexte, si vous trouvez encore des places ! A.F.

Scène Nationale de Cavaillon (83) 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com

La cantatrice chauve © Brigitte Enguerand

…à Gap et Briançon ! La Scène Nationale de Gap rentre elle aussi dans ses murs après ses excentrés (voir p 52) pour accueillir deux excellents spectacles produits dans la région : Le Malade Imaginaire mis en scène par Alexis Moati procède d’une belle mise à distance, et représente le théâtre de Molière de façon pédagogique et ludique, en commentant ses ressorts, puis en s’y laissant glisser. C’est mutin, enlevé et intelligent (les 9 et 10 nov). Quant au monologue de Koltès porté par Iljir Selimoski, c’est une redécouverte de l’actualité paradoxale d’une langue, incarné par un homme qui est le personnage (voir p 29), guidé par la connaissance intime qu’a de l’œuvre Catherine Marnas (les 17 et 18 nov à 19h). Briançon retrouve également les murs du Cadran avec le Malade Imaginaire (le 12 nov) qui sera précédé de La Maison, un spectacle écrit d’après La vie Matérielle de Duras : une vie de femme qui parle de sa mère, mise en scène par une femme (Cécile Backès) et interprétée par une autre Cécile (Gérard). Du 5 au 7 nov, à 19h. A.F

La nuit juste avant les forêts © Michel Guillerot

La Passerelle, Gap (05) 04 92 52 52 52 Le Cadran, Briançon (05 04 92 25 52 52


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THÉÂTRE

SALON | AVIGNON

Mentir, se souvenir Le Théâtre Armand, à Salon, ouvre sa saison avec La Surprise de l’amour de Marivaux, dans une mise en scène de André Tardy, de la cie dramatique de Saint-Étienne. Prenant le parti de la modernité, ce dernier rafraîchit costumes et décors, rendant plus proche encore la langue de Marivaux. Lorsqu’il s’agit de sincérité… Puis, Sans mentir, il s’agira de réussir sa vie sentimentale quand on est quadras, malchanceux, cyniques et manipulateurs comme le sont les personnages de cette comédie drôle et enlevée de Xavier Daugreuilh, mise en scène par José Paul et Stéphane Cottin. Mais peutêtre que sans mentir rien n’arrive… Pari audacieux que celui d’Adeline Defay, qui adapte pour la scène des extraits de La recherche du temps perdu de Proust. Bernadette Lafont, Robin Renucci et Xavier Gallais se prêtent à l’exercice dans une mise en

scène très simple -une table, une lampe, un comédien- qui veut restituer toute la richesse de l’écriture complexe de Proust. D’infimes fragments que tous trois doivent incarner brillamment… DO.M

La Surprise de l’amour Mes André Tardy Le 20 oct Sans mentir Mes J. Paul et S. Cottin Le 22 oct Marcel Proust, à la recherche du temps perdu Le 18 nov Théâtre Armand 04 90 56 00 82 www.salondeprovence.fr

Sans mentir © X-D.R.

L’âme du temps d’existence aux personnages. La mise en scène de Thierry Otin nous conduit dans ces contrées vivantes de l’âme qui s’égare et surtout donne de l’éclat aux pas perdus, nous convainquant du droit aux chemins de traverse. Un petit bout d’humanité en plein cœur. Un brin triste et nostalgique mais qui fait mouche. «J’ai pris l’habitude d’attendre à côté de moi des fois que la vie passerait et que je pourrais la prendre.» Blam. DELPHINE MICHELANGELI

Le Nord Perdu s’est joué aux Doms du 1er au 4 octobre Le Nord Perdu © X-D.R

D’abord il y a les mots. Une poésie fulgurante et un art de la formule qui touche au cœur. «Nous avançons, il semblerait qu’arrive un vertige, un vide, une chute. Nous tombons. C’est dans le flottement qu’on peut se laisser porter, c’est en perdant le nord qu’on peut être surpris.» Blam. La voix d’arbre de Charles Juliet nous (ac)cueille et tire le portrait sensible du spectacle à venir, tout en sensations. Un voyage à l’intérieur de soi, entre solitude et trébuchements. Le temps qui s’y écoule nous perd et nous saisit. On a le privilège de le mesurer. On s’y reconnaît. Les 4 comédiens nous décrivent les attirails du temps qui passe, cherchent les envers du décor. Ils sont ces gens que Catherine Monin a portraitisés dans son recueil édité en 2005. L’auteure, poète et sensible comédienne, est ici fragile et très émouvante. Elle nous prend à l’âme. Emmanuel Baillet, sorte de Jean-Philippe Smet qui aurait oublié d’être Hallyday, est touchant de vérité, de pudeur et de présence avant de révéler une drôlerie cachée. Des tulles fantasmagoriques reçoivent les projections intenses d’Erick Priano -qui signe également une recherche musicale à la hauteur du propos- et offrent un cocon

À venir aux Doms Au CE de la Société européenne des produits réfractaires (SEPR) existe une section théâtre très active. À la demande de la Scène Nationale de Cavaillon, l’auteure et comédienne Laurence Vielle a rencontré employés, ouvriers et cadres dirigeants à l’occasion des 60 ans de l’entreprise. De cette rencontre est né La Grande dame, spectacle qui laisse entendre les mots d’hommes et de femmes en proie à des émotions, des aspirations, des luttes au sein de cette grande entreprise appartenant au groupe Saint-Gobain. Ils auront à leurs côtés les musiciens Bertrand Binet (guitariste) et Vincent Granger (clarinettiste). La Grande dame Les 22 et 23 oct Théâtre des Doms 04 90 14 07 99 www.lesdoms.be


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Mots d’auteur Le philosophe et auteur dramatique Bernard Proust propose une démarche particulière autour de son travail : une réflexion de l’écriture à la mise en scène, avec une première soirée intitulée «rétrospective» durant laquelle «l’auteur et les acteurs croisent les lectures de textes récents et de réflexions sur le théâtre» (le 22 oct) ; le lendemain, focus sur un travail en cours, Spinoza, avec un texte mis à l’épreuve de la scène ; le dernier soir (le 24 oct) une de ses pièces, Habeas Corpus, est jouée (et mise en espace) par Alain Cesco-Résia : l’exploration «d’une forme implicite de théâtre, une petite forme, banale, quotidienne, inaperçue et que tout un chacun a pratiquée et pratiquera, la visite médicale.» En novembre, reprise de la dernière création en date d’Alain Timar, Une voix sous la cendre. Seul en scène, dans un monologue époustouflant, François Clavier se fait le porte-parole bouleversant de Zalmen Gradowski dont carnet fut retrouvé en 1945 sous les cendres de juifs gazés et brûlés à Auschwitz. La mise en scène dépouillée d’Alain Timar laisse place aux mots, avec pudeur et retenue. DO.M.

Une voix sous la cendre Mes Alain Timar Du 18 au 20 nov Théâtre des Halles 04 90 85 52 57 www.theatredeshalles.com Une voix sous la cendre © Manuel Pascual

Toujours là Début 2009, André Benedetto, disparu cet été, avait réactualisé sa pièce Emballage, écrite fin 1969 à la demande de Bernard Mounier, alors directeur de la maison de la culture du Havre. Emballage 2 contient donc une deuxième partie, dans laquelle Benedetto a rajouté «la très lourde toile de fond de la mondialisation, des délocalisations, des licenciements, du chômage qui ne cesse pas d’augmenter, des profits énormes réalisés avec un cynisme triomphant, du démantèlement des services publics et par conséquent de la République, qui perdant ses usagers, perd ses citoyens.» Le Théâtre des Carmes en propose une lecture, première étape de création, le 17 oct. Puis la pièce Lettres Anonymes d’Aujourd’hui, de Benedetto, annulée cet été, sera reprise avec les

mêmes comédiens –Hélène Raphel, Ludivine Bizot, Claude Djian et Farid Boughalem-, et Bertrand Hurault qui reprend là le rôle laissé vacant par le maître et créateur des lieux. DO.M.

Emballage 2 André Benedetto Le 17 oct Lettres Anonymes d’Aujourd’hui André Benedetto Du 20 au 24 nov Théâtre des Carmes 04 90 82 20 47 www.theatredescarmes.com

Ce qu’il reste d’un rebelle Il arrive, tel un héros blasé, en Super Rebelle ridicule qui n’a plus la pêche. Pas vraiment désobéissant, ni complètement révolté, Christophe Alévêque a rôdé en avant-première au Chêne Noir son nouveau one man show. Humoriste et bouffon, il le reste bien sûr lorsqu’il caricature et épingle les gesticulations du monde à l’heure d’Internet, la consommation, la liberté soumise au choix d’un opérateur téléphonique ou le sexe qui mériterait bien son grenelle. Un brin obsédé et gentiment provocateur, il joue avec le public tout acquis à ses bons mots, et arrive même à lui faire entonner naïvement un «joyeux anniversaire» pour fêter la crise ou le faire rentrer en transe sur les 1000 Colombes de Mireille Mathieu. Il dresse un portrait assez réussi des ados aux montées d’hormones incontrôlées, qui «se tiennent en S» et

«chaussent du 45 et dans leur tête du 3», épinglant au passage Dolto. Improvisateur talentueux, il a sans aucun doute le sens de la formule et de la répartie. Mais c’est dans son inspiration première qu’il se trouve réellement : la revue d’actualité. Manaudou qui a arrêté l’eau, Borloo aussi, l’omniprésence de Zébulon, la grippe, France Télécom, la gauche et ses nombrils. Tout y passe, c’est drôle et efficace. «On est passé du siècle des Lumières au quinquennat de la bougie» résume ce qu’il pense de la société actuelle. Son spectacle reste pourtant un peu «fourre tout», déroulant 3 ou 4 sujets phares, une revue d’actualité attendue et quelques chansonnettes moyennes. Caustique, en alerte… mais effectivement rebelle ? DE.M.


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DANSE

AU PROGRAMME

Se battre Anne Lopez vient danser au théâtre de Nîmes des

Varier Emanuel Gat continue son voyage sur les scènes de

pièces déjantées et ironiques : Menace, une pièce sur les dérives des médias qui brossent un portrait de plus en plus apocalyptique du monde, et Duel, un quintette d’hommes qui vont s’affronter en reprenant la figure du duel (depuis le western jusqu’aux duels de SF…), et se confronter au jugement du public, en des jeux du cirque des temps nouveaux… Une création d’une compagnie de Montpellier dérangeante et talentueuse, accueillie en résidence au théâtre de Nîmes qui, décidément, aime la danse !!

Ouest Provence, en offrant à Miramas son duo Variations d’hiver, tiré du Voyage d’hiver, sa pièce de 2004 écrite sur la musique de Schubert. À partir d’un extrait de ce duo masculin une pièce se construit, différente, selon le principe -très schubertien !- de la variation musicale autour d’un thème donné.

Duel / La Menace Du 17 au 20 nov Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

Questionner En préambule du festival Dansem, la Cie Kelemenis

Questions de danse Du 27 oct au 7 nov Théâtre des Bernardines 04 96 11 11 20 www.kelemenis.fr

S’arrêter Le Pavillon Noir accueille la création soliste de Miguel Nosibor. Depuis 15 ans le chorégraphe propose un hip hop intelligent, contemporain, qui s’interroge sur la forme sans oublier ses racines populaires, revendicatives, et sa jubilation du mouvement. Le chorégraphe après 15 ans marque un Temps d’Arrêt : il est vrai que le hip hop, pris souvent dans les mailles d’un système consumériste de la culture qu’à ses débuts il dénonçait, a besoin aujourd’hui d’un temps de réflexion… Temps d’arrêt Du 4 au 9 nov Pavillon Noir, Aix 0811 020 111 www.preljocaj.org

Jouir Carlotta Ikeda vient danser dans la salle pourtant incommode de la cité du livre… Invitée par les Écritures Croisées pour sa fête du livre sur l’Asie (voir p 61), elle a accepté de venir dans ces conditions précaires, et de danser en ouverture son magnifique solo, Waiting, écrit en 1996 à partir des mots de Duras (l’Indochine, son frère qui meurt, son corps qui se transforme…) et d’une sublimation de la danse Butô, transformée avec une indécence folle en danse sensuelle, impudique, jouissive et extatique. Sublime ! Waiting Le 15 oct Cité du livre, Aix 04 42 26 16 85 www.citedulivre-aix.com

La Menace © X-D.R.

Rassembler La Minoterie accueille Massilia Force qui fête ses treize ans en produisant un spectacle anniversaire en treize tableaux, mêlant amateurs et professionnels, dans la pratique d’un hip hop jubilatoire et virtuose qui prend un plaisir sensuel à l’exploit, et à la transmission. Massilia Force Les 30 et 31 oct La Minoterie 04 91 90 07 94 www.minoterie.org

Diffuser Entre une tournée au Brésil et de nombreuses repré-

Tomber Le Collectif Are you in Town et les danseurs de la formation professionnelle Coline proposent une création inspirée de la figure de la chute : deux danseurs et une acrobate aérienne se mettent en déséquilibres, sur les envolées de la musique de Beethoven… Jump of Falls Series L’Olivier, Istres Le 6 nov 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr

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programme ses questions de danse aux Bernardines : des pièces courtes, pas tout à fait abouties ou déjà créées, s’exposent pour questionner les pratiques chorégraphiques, ou le corps exposé, en mouvement, en dialogue. Huit pièces, dont une création de Skalen, seront jouée chacune deux fois lors de quatre programmes.

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Variations d’hiver La Colonne, Miramas Le 8 nov 04 90 58 37 86 www.scenesetcines.fr

sentations en France et en Belgique, le Ballet National de Marseille continue de danser son programme néoclassique dans la région. Le théâtre Molière de Marignane reçoit donc le Tatoo de Kelemenis, le duo de Forsythe et le Somewhere de Julien Lestel. Un programme qui commente la danse classique, ou entre de plain-pied dedans… Programme néoclassique du BNM Théâtre Molière, Marignane le 24 oct 04 91 32 72 72 www.ballet-de-marseille.com collectif Are you in town © Chris Van der Burght

Jubiler ! Recréer La cie Commun Instant (Vaucluse) dirigée par le choré- La Cie Alexandra n’Possee lance ses six danseurs à l’asgraphe Jean-Pierre Aviotte (ex danseur du BNM) propose une nouvelle version du Sacre du printemps, reposant sur des danseurs d’une grande virtuosité classique, et un vocabulaire qui cherche la fluidité et l’image. En l’occurrence, les forces telluriques… À suivre ! Le Sacre du Printemps Théâtre Armand, Salon le 10 nov 04 90 56 00 82 www.salondeprovence.fr

Trembler C’est une pièce historique, fondatrice du renouveau de la danse contemporaine, qui a presque 30 ans, mais n’a rien perdu de sa force émotionnelle. Maguy Marin, inspirée par Beckett, fait évoluer des corps mutilés, grimés, enfarinés, décrépis, clowns terrifiants aux désirs minables. Petits affrontements, minuscules envolées, esprit grégaire et guerrier à la fois : l’humanité y est affreuse, et le spectacle grandiose. May B Scène Nationale, Cavaillon Le 10 nov 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com

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saut des limites… Limites physiques surtout (ils sont époustouflants de virtuosité tant au sol que debout), mais aussi, à travers cette quête de l’exploit, une interrogation sur cette volonté d’aller au-delà de ses propres ressources… NOs LIMITes Théâtre Durance, Château Arnoux (04) Le 23 oct 04 92 64 27 34 www.theatredurance.com Carré Léon Gaumont, Sainte Maxime (83) Le 24 oct 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com MAY B © Claude Bricage


STATION ALEXANDRE | AVIGNON | DANSEM

DANSE

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Dans leurs rêves Pour inaugurer sa saison, la Station Alexandre a misé sur la jeunesse, la poésie et l’onirisme. Elle a ouvert son lieu, magique en soi, à la compagnie franco-canadienne La parenthèse, récemment sélectionné pour la Biennale des Jeunes Créateurs à Skopje. Le chorégraphe Christophe Garcia et ses 6 danseurs ont proposé une reprise, totalement revue et corrigée pour ce nouvel espace, de leur dernière création Le bal des songe-creux. En prime et en live, les 6 musiciens du groupe Poum Tchack dont deux, Alexandre Morier et Jean-Philippe Steverlynk, ont composé la musique originale de cette nouvelle version. Un songe-creux, c’est une personne qui nourrit son esprit de chimères. Sur scène donc se déploient les phantasmes de personnages variés : celle qui se rêve éternellement jeune et mince tout en se goinfrant de gâteaux, celui qui s’imagine en diva, celle qui attend le prince charmant… Tout ce petit monde est entraîné cahin-caha, d’élans en frustrations, par une sorte de «guide es onirisme». On s’emballe, on retombe,

dans une fougue parfois désordonnée mais émouvante, quoique répétitive. Mélodies nostalgiques aux accents slaves, rythmes endiablés de bastringue, envolées solitaires de violon, d’accordéon ou de piano, grincements inquiétants de contrebasse, dans cette ode au rêve, la musique épouse la danse. Jouant sur les hauteurs, tirant parti des coursives et des fausses fenêtres, danseurs et musiciens ont pris possession du lieu, magnifié par de somptueux éclairages. Le public leur en a su gré car les élégants fauteuils n’offraient qu’une visibilité relative passé le premier rang. Et se tordre le cou pour voir, c’est pas le rêve ! FRED ROBERT

Le bal des songes creux a été présenté à la Station Alexandre du 1er au 3 oct

Culture hip hop plinaire et éducative autour de la «culture» hip hop : voici que la MJC d’Apt et la galerie Zoomy, les Doms et le Théâtre Golovine d’Avignon, L’auditorium de Vaucluse et la maison de Monclar, et le Théâtre des Hivernales bien sûr, proposent une programmation complémentaire, bon enfant, fondée sur une politique participative (spectacles pédagogiques, ateliers et stages nombreux durant les vacances) et quelques bons spectacles à découvrir. En particulier, aux Doms, Tag de la cie les Daltoniens (beatbox et théâtre visuel), les formidables Onstaps (percussion corporelle) au Golovine, et La Stratégie de l’échec, un duo sur l’enfermement volontaire programmé au théâtre des Hivernales. Collectif Jeu de jambes © P. Boissiere

Heureusement qu’il y a les Hivernales à Avignon pour animer un peu la vie chorégraphique vauclusienne ! Le Centre de Développement Chorégraphique a changé de directeur, mais poursuit sa manifestation de Toussaint, tout en passant la main de l’organisation à l’association Arts vivants en Vaucluse : Drôle(s) de hip hop, qui élargit ses territoires, se déroule désormais entre 10 partenaires, et devient une manifestation vraiment pluridisci-

Le Bal des songes creux © Agnes Mellon

Danse, Femmes, Méditerranée Dansem existe depuis 12 ans ; l’idée de mettre en réseau les danses contemporaines du pourtour méditerranéen ne date pas, pour L’Officina, de Marseille Provence 2013 ou de l’Union pour la Méditerranée : elle est au cœur de son projet depuis toujours, et cela se sent… D’abord, et c’est paradoxal, parce que Dansem a proposé bien des fois des formes inabouties, décevantes, ratées ou balbutiantes qui témoignaient, justement, de cette difficulté à créer de la danse en Méditerranée, surtout lorsqu’on s’éloigne de la rive européenne. Difficulté économique bien sûr, mais aussi problème culturel lié aux tabous qui pèsent sur les corps et sur le sexe : la danse, justement, est peut être le meilleur moyen de faire voler en éclat quelques frontières… Le programme cette année est plus riche que jamais : en dehors de la programmation Turque (voir p 8), et des questions de danse de Kelemenis,

sorte de préface à cette 12e édition (voir ci-contre), Dansem accueille des créations de toute part ! Manon et Fanny Avram, les deux sœurs marseillaises, photographe/auteur et comédienne/performeuse, mettent en danse des fantômes d’une histoire familiale ancienne, qu’elles n’ont pu réveiller (les 13 et 14 nov aux Bernardines) ; quelques jours plus tard (les 18 et 19 nov), c’est l’Italienne Caterina Sagna qui leur succèdera dans la chapelle, avec Basso Ostinato, un trio d’hommes à tables qui fument, boivent, rient, se tapent sur le ventre… Une autre pièce de femme au Théâtre d’Arles : celle de la Marocaine Bouchra Ouizguen, qui elle mettra en scène quatre femmes (le 20 nov)… Nous y reviendrons, puisque Dansem se déroule jusqu’au 11 déc, et se déploie à Marseille, Arles et Aix… AGNES FRESCHEL

Helene Iratchet © Photolosa Piere Ricci BD

A.F.

Drôle(s) de hip hop Avignon, Apt, Le Thor Du 19 au 31 oct 04 90 86 11 62 www.hivernales-avignon.com

Dansem Du 10 nov au 11 déc Marseille, Arles, Aix www.dansem.org www.officina.fr


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CIRQUE/ARTS DE LA RUE

SIRÈNES | ARLES | MERLAN

Drôle de don ! Reprise de Sirènes et Midi net, l’incontournable rendez-vous des premiers mercredis du mois sur le Parvis de l’Opéra. Les spectateurs n’ont pas été déçus par les Tony Clifton Circus qui, comme le nom de leur troupe ne le laisse pas deviner, sont italiens. Vainqueurs du Prix des Arts de la Rue de Barcelone en 2003 ils tournent partout en Europe. Leur objectif: déranger, bousculer, tout sauf ronroner ! Leur Xmas forever, critique féroce de la consommation qu’on fait avaler aux enfants sous prétexte de réjouissances communes, a été joué dans le cadre de Small is beautiful à Martigues et Aubagne. Sur le parvis de l’Opéra, à midi, ce fut un concentré… Une estrade rouge, un grand fauteuil, un micro : on annonce l’arrivée de «l’adjoint à l’espoir et à la joie de la Mairie de Marseille.» Il choisira dans la foule quelqu’un et lui fera un don merveilleux en réalisant son voeu. Musique et chansons aux accents de Luis Mariano, puis sirènes ! Aussitôt débouche une grosse 4x4 blanche et des gardes du corps aux lunettes noires surgissent, écartant la foule. Suspense. Qui va sortir de la voiture ? Je vous le donne en mille ! Le père Noël soi-même avec sa barbe blanche et sa tenue rouge. Il se précipite pour serrer des mains toujours sous la surveillance de ses inquiétants gardiens, puis fonce sur un homme dans un fauteuil de handicapé. Son voeu ? Danser ? Pas de problème : un «ange» en combinaison blanche fait tourner le fauteuil sur la musique de Singin’in the rain, les parapluies s’ouvrent, une bombe de farces et attrapes explose, le sourire du «gagnant» est à la grimace. C’est ça le bonheur ? Paillettes et flons-flons, tout dans l’illusion ?

Pitres emplumés Ils savent y faire les artistes catalans de Los Gingers pour faire monter lentement la pression, se mettre la salle dans la poche, avec humour et dérision dans un exercice pas si simple de clowns qui sont avant tout des virtuoses du saut, de la barre et des portées. Lorsque s’ouvre le rideau, les premiers pas se font dansés, sur des airs connus de grands standards (ils ne pas Los Gingers pour rien !), rumba et salsa. Savant mélange de fête kitch -costumes compris- et de numéros «classiques» d’envolées, de jonglage, d’équilibre, leur travail tient tout autant du cirque que de la gymnastique, avec ce petit grain supplémentaire de douce folie, d’humour subtil et de bonne humeur contagieuse qui lient le tout. Sans oublier une technique irréprochable, car il en faut pour s’envoler comme pour tomber, qu’on soit un «roi de l’acrobatie» un brin macho ou une danseuse-équilibriste glamour… et pour se relever, avec toutes ses plumes et ses paillettes ! DO.M.

Perlas y plumas a été joué les 10 et 11 oct au Théâtre d’Arles dans le cadre de Cirque et Entresorts. © Oscar Santamaria Rojo

CHRIS BOURGUE

Il dono a été donné le 7 octobre dans le cadre de Small is beautiful. Prochain rendez-vous avec Fred Nevchehirlian le mercredi 4 novembre à midi pour une sirène musicale © Agnes Mellon

Le Merlan fait son cirque En trois spectacles le Merlan propose un véritable festival de cirque contemporain. D’abord en accueillant Camille Boitel, jusqu’au 23 oct, dans son spectacle tout public L’Immédiat, où il construit un univers instable fait de bribes bancales de quotidien (voir Zib’22). Puis en concrétisant le Projet Cochon de Mathilde Monfreux, qui met en jeu son côté animal, et son amour/dégoût des cochonnailles (voir p 19). Enfin en accueillant les mêmes soirs Melissa Von Vépy. On avait remarqué l’immense talent de la trapéziste, capable de construire un discours avec son corps habile, juste le vide et ses regards, dans un duo avec Chloé Moglia créé au Creac lors d’un vagabondage du © Agnès Mellon Merlan (I look up, I look down, 2005). Elle revient en solo, après avoir créé sa pièce Miroir Miroir au Festival d’Avignon : avec un miroir composé de dalles amovibles elle joue de ses reflets, de ses brisures aussi, suspendue au-dessus d’un piano où Stephan Oliva égrène sa musique. Entre balancements, suspensions et passage de l’autre côté de la belle surface narcissique… A.F.

Miroir Miroir Melissa von Vépy Du 12 au 14 nov 04 91 11 19 20 www.merlan.org


SMALL IS BEAUTIFUL

CIRQUE/ARTS DE LA RUE

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Psyché urbaine Villes réanimées avez-vous donc une âme ? L’Agence Nationale de Psychanalyse Urbaine a débarqué aux Bancs publics pour psychanalyser Marseille, et plus particulièrement la Belle de Mai. Entreprise loufoque dites-vous ? Pas tant que ça… C’est avec de vraies méthodes analytiques que l’agence procède, suscitant la parole et les souvenirs des «patients» allongés sur des divans lors de vraies séances (20 à 30 mns !), et recueillant les empreintes des visages et des mains plongés dans la glaise primordiale (Baptêmes de terre de Fred Martin)… De ces expériences, qui ont suscité une forte implication des habitants, restent des traces, à partir desquelles Laurent Petit bâtit des prescriptions à mourir de rire, mais fondées, pour la plupart, sur un diiagnostic assez juste:

Marseille est sale et négligente comme une adolescente attardée, elle se prend pour le centre excentré du monde, n’a de cesse d’être fécondée par la mer et «prise par derrière» par ses agresseurs… Appuyée sur la psyché des habitants, des références historique réelles (la Ville sans nom) et urbanistiques approximatives, le portrait est assez juste ! Quant à prescrire la généralisation de jardins de chômeurs (il n’y a plus d’ouvriers !) qui cultiveraient une «herbe à forte valeur ajoutée» tout prêt d’une école officielle de «gredins» et d’un funiculaire, fait des compressions des voitures, qui relierait Londres à Tunis en passant par la Belle de mai et l’Obélisque… Ceci dit, sur le Vieux-Port ce soir-là, face à des millions de téléspectateurs, Messieurs Muselier et Menucci se livraient à

Anpu © X-D.R.

d’autres projections quant à l’avenir du Grand Marseille. Monumentales aussi, sans aucun doute plus réalistes, mais moins drôles !! A.F.

L’ANPU s’est livrée à son jeu psychanalytique du 3 au 9 oct, invitée par les Bancs publics dans le cadre de Small is Beautiful

Pas si small à Martigues… Rendez-vous est pris, le 6 oct à Martigues, dans le parking du personnel du centre commercial Auchan. Face au mur gris du fond, le public patiente. Les néons, qui devaient s’éteindre, resteront allumés. Qu’importe : dès que déboule le comédien, cheveux mouillés, vêtements trempés, la magie opère. Iljir Sélimoski est là, seul, avec son mal de vivre qu’il trimballe dans cet univers humide, en demande d’amour. Son corps est tout entier lancé dans ce monologue qu’il adresse à un inconnu abordé comme ça, parce que trop de solitude… Immergés dans le texte de Koltès, La Nuit juste avant les forêts -«ce petit diamant dont la langue est sculptée de manière jubilatoire» selon les mots de la metteuse en scène Catherine Marnas-, nous oublions les néons, les voitures qui de temps en temps démarrent bruyamment, et suivons pas à pas l’errance de celui, homme plus que comédien, qui nous communique si brillamment son humanité. À Martigues toujours, sous le pont de l’autoroute, l’ambiance est à la détente. Malgré les gros blocs de béton imposants qui se dressent de part et d’autre d’une route qui ne semble pas avoir de fin… Tournant le dos à la mer, quelques chaises longues attendent les spectateurs. Devant, la structure grise, au sol un bout de terrain de foot synthétique, et dessus, au coin, un joueur face à son ballon. Une 10e

minute corner dans laquelle s’élance le danseur-chorégraphe Raphaël Dupin. Seul il convoque, avec son ballon, tous les joueurs imaginaires, joue son match : corner, coups francs, penalty, rumeur qui monte et enfle et ce corps qui lentement se déplie, répète encore et toujours ces mouvements de jambes, en équilibre précaire sur un point peut-être gagné… Match terminé, «gazon» arrosé, et ce corps qui continue à se mouvoir, fatigué… Une pause soupe bienvenue, et le public se regroupe près d’une gargote au bord de l’eau. Une voix, puis deux puis quatre se font entendre, les Beaux parleurs sont sur place ! Le cercle s’élargit, les quatre tchatcheurs sont dans la place et commencent à s’invectiver. Les joutes verbales commencent, un thème est abordé, qui fera mieux que qui ? Si les voix s’égarent parfois dans les airs, les mots rebondissent souvent en faisant mouche, jusqu’à la très attendue partie d’insultes «pas injuriantes», qu’on aurait aimée plus longue ! Fin de partie pour ce coin perdu de Martigues, découvert au gré des spectacles toujours singuliers que nous offre Small is beautiful ! DOMINIQUE MARÇON

Raphael Dupin © Agnès Mellon

Les Beaux parleurs © Agnès Mellon

Small is Beautiful s’est également déroulé à Marseille et Aubagne du 2 au 10 oct. La Nuit juste avant les forêts sera joué à La Passerelle, Scène Nationale de Gap (05) les 17 et 18 nov. Puis en Nomade(s) avec la Scène Nationale de Cavaillon du 28 janvier au 1er février


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PERFORMANCE

DÉSORDRE URBAIN | 3BISF | CONSOLAT

De l’ordre urbain Flou artistique

C.N.o.p.t. © X-D.R.

Pour sa troisième édition, le festival de la performance organisé par le collectif de RedPlexus a investi la ville de Marseille. Le mot d’ordre était le «désordre», une mise en «chantier» censée déranger l’habitude, la norme, les flots et habitudes, le tout dans un paysage urbain défini : La Friche de la Belle de Mai, les Bernardines, la rue Grignan…. C’est ainsi que samedi, dès 15h, les badauds sur La Canebière ont pu découvrir des personnages étranges. Décalés, voire totalement incongrus, la situation dans laquelle ils se trouvent étant inadéquate au lieu où on les rencontre : une mariée en chemise de nuit aux genoux noircis par ses interventions amoureuses et épistolaires sur le sol, des plagistes bronzant autour de la fontaine de la mairie du 2e arr., un homme esquissant des pas de danse, emprisonné dans le labyrinthe de son quotidien obsessionnellement ordonné, des individus dans des poubelles recouvertes de terre, une femme «ordinaire» se préparant dans une salle de bain, à ciel ouvert, à devenir une diva, un beau moment chanté rappelant les saltimbanques des rues d’antan… Et puis une autre femme aux yeux bandés qui, sous l’impulsion d’une musique grinçante, avance pas à pas dans un espace délimité par les bandes rouges et blanches habituellement utilisées sur les scènes de crime. Dans la douleur de ses gestes, elle suit un parcours chaotique jalonné de mots forts comOrnic'art © X-D.R.

me «liberty, démocracy, egality…» Des mots sur lesquels elle piétine. Car ici, sur ce territoire, les pancartes nous disent: «Vous n’êtes pas les bienvenus» ! Comment ne pas penser à ces hommes capturés lors de la rafle de Calais quelques jours plutôt, qui au moment de cette performance sont jugés indésirables par les tribunaux ? Préavis de désordre urbain s’est donc révélé amusant, incisif par moments, mais aurait gagné être plus spontané. L’espace urbain, contraint par la lourdeur des autorisations municipales obligatoires, peut-il être encore un terrain de liberté ? Peut-on encore espérer du Désordre urbain, sans préavis?

Le travail performatif de Dominique Gilliot consiste en une mise en scène d’elle-même. C’est ainsi qu’elle construit son œuvre, depuis qu’elle a obtenu son diplôme aux Beaux-arts de Cergy et son post-diplôme aux Beauxarts de Lyon. Le 3bisf à Aix en a donné un aperçu au cours d’une performance de 25 minutes, Encore un flou de bougé, dont le postulat de départ était de «construire un espace de 5 mètres carrés à partir d’un point fixe, de manière empirique.» Un «espace à la fois contenu, complexe, mais pas hermétique» dans lequel Dominique Gilliot évolue, sans trop que l’on sache vers quoi… Après avoir compressé la matière dans «un effort vain» (des oreillers blancs), transbahuté plusieurs fois divers accessoires, projeté des

images en noir et blanc, demandé au public de déménager de la salle de spectacle à la salle d’exposition, et retour ; après cet «exercice périlleux et pas poétique du tout» comme elle le dit, il reste en mémoire une gestuelle minimaliste et des emphases discursives. Des choses sérieuses aussi lorsqu’elle parle et chante en anglais, ou qu’elle fait s’envoler une pluie de flocons blancs devant une immense carte postale du Vieux-Port. Sans acteur et avec une économie de moyens, sa performance est cousue d’un fil d’impertinence légère qui force l’attachement. Et l’admiration, puisqu’elle vient juste de réaliser «un truc unique en Europe, voire même dans l’hémisphère nord» ! MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Performance suivie en avril/mai 2010 d’une installation/ performance, Pour ta focale inversée, au 3bisf à Aix. 04 42 16 17 75

CLARISSE GUICHARD

Préavis de désordre urbain, festival de la performance a été vu du 23 au 28 septembre 2009 à Marseille

betonsalon © Christelle Geronimi

Derrière les portes L’association Andiamo a choisi de s’intéresser à l’entredeux de nos trajets quotidiens, à nos passages, en allant voir derrière les enfilades de portes fermées au regard. Ainsi, il y a 4 ans, elle crée, avec le concours des acteurs du quartier, Les portes ouvertes Consolat qui permettent à la zone Longchamp d’ouvrir ses entrailles au public et d’en favoriser la REdécouverte avec une nouvelle grille de lecture, celle de l’art. Le parcours habituellement emprunté par le passant se transforme en une balade artistique, puisqu’une cinquantaine de lieux vous accueillent avec un verre pour vous faire découvrir les œuvres, installations et performances des artistes qu’ils ont hébergés. Moment agréable et, comme à l’atelier Tarente ou encore dans ce lieu dédié à insertion sociale, Résurgences. Le travail exposé est souvent insolite comme le cabinet des curiosités de Céline Giordano, poétique comme les Véhicules de Pierre Boucharda, ou questionnant comme la vidéo de Tristan Favre qui dénonce la politique du défaut volontaire des installations urbaines,

conçues pour éloigner les populations de la rue. Dans un deuxième temps, la balade se fait plus participative, les lieux invitant le flâneur à prendre part à des ateliers de sérigraphie avec La DesignOthèque, de théâtre avec Les Argonautes ou La Ferronnerie, de musique avec Le Local ou encore à visionner des courts métrages de la jeune création arabe avec Aflam. Place Labadié, dans un village associatif créé pour l’occasion, cette douce errance conduit à une dégustation de mets délicieux préparés par La Kuisin et les enfants tout en écoutant un meltin pot des émissions de Radio Galère. Il est difficile de voir toutes les propositions! Alors, en clôture du troisième jour, un repas de quartier est proposé. On y remet un prix, celui de la meilleure chasse aux trésors… CLARISSE GUICHARD

Les portes ouvertes Consolat ont eu lieu du 9 au 11 octobre à Marseille



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ARTS VISUELS

ART-O-RAMA | ATELIERS D’ARTISTES

Positive attitude Si Marseille Provence 2013 est clairement un horizon, il reste encore à Art-O-Rama beaucoup de travail, avant comme après : décider les institutionnels à soutenir le fonctionnement de l’association et convaincre de nouveaux mécènes. En attendant, l’heure est à l’évaluation. Gaïd Beaulieu et Jérôme Pantalacci, cofondateurs du salon d’art contemporain, dressent un bilan positif de la 3e édition, conscients de bâtir petit à petit leur projet : «Chaque nouvelle édition est un challenge. C’est aussi l’occasion de nouvelles rencontres, et le bouche-à-oreille finit par dépasser les frontières locales, puis nationales et internationales.» Pour preuve la fréquentation moyenne journalière de 80 visiteurs qui, pendant les Journées du patrimoine, a atteint la barre des 200, sans compter les lycéens venus de Salon, les professionnels, la presse locale et nationale spécialisée. Une augmentation due à une meilleure visibilité de la manifestation, qui s’est associée avec le Bauhaus Lab, Sextant et Plus et Triangle : «Les collaborations sont toujours plus riches et intéressantes si elles se font dans un esprit de partage et dans une bonne coordination. À nous de travailler dans ce

sens-là.» Regroupement efficace qui a fait venir les professionnels : pour la première fois, des représentants de la Délégation aux arts plastiques, du Fonds national d’art contemporain à Paris et du Frac Languedoc-Roussillon ont fait le déplacement. Et les collectionneurs ? Si, comme sur toutes les foires, les ventes ne sont jamais garanties, 4 galeries sur 7 ont trouvé acquéreurs parmi les 44 collectionneurs venus de France, de Belgique, de Norvège et de Suède, auxquels il faut ajouter ceux de Marseille et de la région. Ceux qui n’ont pas acheté ont constaté néanmoins «la qualité de la programmation et des échanges.» D’ailleurs, souligne Art-O-Rama, «la présence d’un collectionneur international membre du comité de sélection de la foire LOPP a permis à la N.O. Gallery de Milan et à la galerie parisienne Objet de production d’être identifiées. Peut-être participeront-elles à la prochaine LOPP à Barcelone ?». L’avenir le dira.

Hannes Vanseveren, Bankje, 2004. Bois, fer, beton, 400x100 cm. Vue d'installation DamN'Art 2004, courtesy Hoet Bekaert Gallery, Gand

Emilie Perotto, My Heart Belongs to Daddy, 2008. Bois medium, micro-onde, neon, prise electrique, 159x35x60 cm. Exposition Retour de Visite Ma Tente, Marseille-Berlin, 200708, SMP, Marseille

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

www.art-o-rama.fr

L’art en coulisse Les Ouvertures d’ateliers d’artistes sont à l’amateur d’art ce que le marathon est au sportif ! Une manifestation qui permet de découvrir des lieux insolites et des laboratoires intimes, au plus près de la création Le jeu de piste imaginé par l’association Château de Servières a rassemblé 102 personnages dans 31 ateliers. La partie s’est jouée en 3 jours avec des amateurs d’art et de potentiels acquéreurs. Pour la première fois, l’association a développé un programme d’échanges avec le Portugal en accueillant cinq artistes sélectionnés par Carlos Alves. Une ouverture à l’Europe d’un excellent niveau artistique. Petite visite guidée «transfrontalière». Dans l’atelier de Lili Heller et de l’irlandais Ben Readman, les sculptures en tissu de la portugaise Susana Pires cohabitent harmonieusement alors même qu’ils se connaissent à peine. «Parce qu’on a la même manière de penser une œuvre d’art ou d’aborder les questions de l’art» commente Lili Heller en habituée de la manifestation, «c’est une petite géographie dans notre agenda. Une manière de montrer mon travail là où je crée et l’occasion de créer des liens avec le quartier, de rencontrer l’ébéniste ou le cafetier. Et ça marche !». Aller vers l’autre : une posture commune aux 102 artistes, caractéristique de l’opération et gage de son succès. Tous ont besoin de ces échanges-là. Même leitmotiv chez Frank Aslan qui a ouvert ses

portes à Pascal Martinez, Geoffroy Mathieu, Nin Bek et Inés Beija Botelho, chacun boosté par l’événement dans la production d’œuvres spécifiques : autoportraits pour Nin Bek, photographies pour Pascal Martinez, tirages numériques pigmentaires pour Geoffroy Mathieu. Inés Beija Botelho optant pour des croquis inédits, une vidéo et un diaporama afin de rendre compte de ses sculptures et installations monumentales. Rue Thubaneau, Clémentine Carlsberg a transformé son nouvel espace en galerie et réussi le dialogue Vue de l'atelier de Pierre-Gilles Chaussonnet © X-D.R.

entre les sculptures aléatoires de Jérémy Laffon et les vidéos de Susana Anagua. Au Panier, Mélanie Terrier profitait de ses derniers jours dans son atelier pour faire une mini-rétrospective et recevoir Catarina Patricio. Pas tout à fait une inconnue puisque le duo s’est rencontré à la Biennale de Tunis en 2008. Du coup, leurs œuvres respiraient à l’unisson. Dernier petit tour chez Hervé Nahon et Alain Brunet qui ont hébergé Moirika Reker Gilberto Reis, et la partie est finie. Les Ouvertures d’ateliers d’artistes n’ont jamais si bien porté leur nom ! MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

11e édition des Ouvertures d’ateliers d’artistes du 9 au 11 oct à Marseille. Opération À Vendre du 14 au 18 oct à la Galerie Montgrand (ESBAM).


CCI | MUSÉE CANTINI

ARTS VISUELS

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Art en chambre Visiblement ému ce vendredi 25 septembre, le président du jury, Gérard Traquandi, a pointé le nombre et la qualité croissants des candidatures et l’ambition pour ce concours encore récent de devenir un évènement majeur en région, en dépassant même ses frontières. Les critères «d’originalité, d’esthétique, et d’innovation et de la représentation plus ou moins abstraite, d’une vision de l’économie territoriale» ont servi à départager les candidats dont la variété des propositions est exposée actuellement à la Bourse. Sur les 14 artistes retenus après une première présélection de 66 dossiers, les lauréats pour cette édition 2009 sont Sylvie Reno, Laurent Perbos et Lionel Scoccimaro. Certaines des ces œuvres pourront être acquises, pour un montant de 30 000 euros, afin de rejoindre la collection de la CCI. La culture est désormais appréhendée comme un des vecteurs du développement économique. Reste alors aux artistes à se demander comment l’approche symbolique de l’art peut rendre compte d’un territoire structuré par des impératifs que sont l’économie, le sociétal, ou encore l’environ-

nement…? Que peuvent donc produire les artistes de spécifique ? Les cartonnages de Sylvie Réno et les tuyauteries de Laurent Perbos (qui a conçu les séduisants Dragibus en verre soufflé) n’ont pas semblé surprendre grand monde parmi les curieux présents le soir de l’inauguration, et les photographies de châteaux d’eau en morceaux de sucre de Lionel Scoccimaro rappelaient trop vite les séries minières du couple Becher. Mais peut être l’art contemporain local trouve-t-il en ce lieu une ouverture vers un public plus large ? Toutefois la CCI exposait aussi du moins attendu: en deux minutes et cinquante-deux secondes tapantes, une vidéo syncopée au rythme de 15 photos/seconde sur le principe du stop and go, nous entraîne dans une précipitation urbaine (plutôt marseillaise) à la place d’un visiteur/ touriste/zappeur qui voudrait voir tout mais trop vite. Son titre : 2’52. Les auteurs, Anne Barroil et Marie-Anne Hauth, auraient pu arrêter le compteur à 2’13 ? Symboliquement… pour Marseille 2013 ! CLAUDE LORIN

À partir de tuyaux d'arrosage, une des propositions de Laurent Perbos © C. Lorin

Les trois lauréats du 2e Concours Artistique organisé par la CCI de Marseille Provence sont désormais connus. Comme pour l’année précédente, le Palais de la Bourse expose les œuvres primées dans ses locaux de la Canebière

2e concours artistique de la CCIMP Palis de la Bourse, Marseille www.ccimp.com

Voir le théâtre en peinture Au musée Cantini, De la scène au tableau explore les relations du théâtre et de la peinture de JacquesLouis David à Gordon Craig L’exposition explore les transformations esthétiques qui s’opèrent du milieu du XVIIIe siècle à la fin du XIXe en peinture dans son rapport avec l’art dramatique, le théâtre principalement et l’opéra. Sa réalisation a été rendue possible dans la cité phocéenne grâce à la rencontre de Guy Cogeval, actuel président du musée d’Orsay et commissaire de l’exposition, avec Marie-Paule Vial, conservateur en chef des musées de Marseille. Passionnant par son sujet d’étude à l’origine les cours donnés par Guy Cogeval à l’École du Louvre-, le projet manque d’un zeste de théâtralité. Le propos est illustré chronologiquement par une importante sélection de peintures, dessins et quelques (trop rares) maquettes : deux cent pièces au total pour une exposition d’envergure. On commence avec le néoclassicisme (David, Girodet, Pierre-Narcisse Guérin) en passant par le style Trou-

badour (Ingres, Delaroche), le romantisme (Delacroix, Hayez), le réalisme (Daumier, Degas), le symbolisme (Moreau), les Nabis (Vuillard, Bonnard) jusqu’à la rupture prononcée par Appia et Craig. Un parcours linéaire malgré le soin apporté à la scénographie (l’envers de certaines cimaises se laisse montrer comme au théâtre, des effets de découpe en perspective), mais de surprenantes représentations où l’emphase le dispute au

mélodrame (Les Enfants d’Edouard de P. Delaroche), le surdimensionnement des formats à la dramaturgie exacerbée (Saint Jean Chrysostome et l’Impératrice Eudoxie de J.-P. Laurens), les gestuelles outrées des sentiments humains (Le Roi Lear pleurant sur le cadavre de Cordélia par J. Barry) : depuis Poussin, le théâtre des passions se pare de peinture pour opérer la catharsis chère à Aristote. L’exposition est aussi l’occasion de

Lady Macbeth somnambule, 1772, Johann Heinrich Füssli, Londres, The British Museum © The Trustees of the British Museum, Plume, encre grise, aquarelle grise et graphite 30,7 x 43,2 cm

voir rassemblées des œuvres disséminées dans le monde ou peu visibles comme les dessins ou les aquarelles de Füssli, William Blake, Appia, par ailleurs emblématiques comme la Sortie du bal masqué de Gérôme. En 1904, le théoricien et initiateur de la scénographie moderne, Adolphe Appia, déclarait péremptoire : «Notre mise en scène est toute entière esclave de la peinture qui a la prétention de nous donner l’illusion de la réalité.» Avec Edward Gordon Craig, il actait la fin d’une conception classique de la mise en scène qui prévalait depuis plus d’un siècle. C’est avec leurs ébauches radicales en faveur d’une scénographie révolutionnaire que se clôt l’exposition. Comme on aurait aimé connaître la suite ! CLAUDE LORIN

De la scène au tableau jusqu’au 3 janvier Musée Cantini Catalogue : voir p 70 Rencontre Peinture et théâtre Le 12 déc à 16 h La Criée 0 810 813 813 www.marseille.fr


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ARTS VISUELS

MUSEON ARLATEN | GALERIE LA NON-MAISON

Fête avant travaux Car le Museon Arlaten va vivre un moment clef de son histoire, évoluant du musée ethnographique du XIXe siècle au musée de société du début du XXIe siècle ! Ce qui représente un chantier colossal : restauration du monument historique (Hôtel de Laval-Castellane et chapelle des Jésuites), augmentation des surfaces du musée, élaboration d’un nouveau parcours d’exposition, consolidation et restauration des collections. Soit quelque 30 000 objets qui s’apprêtent à faire le grand saut entre le musée et le futur Centre d’étude, de restauration et de conservation des œuvres dont la réalisation a été confiée au cabinet d’architectes Anne Lévy et Nicolas Magnan. Livré fin 2010 sur le site des anciens ateliers Sncf d’Arles, à l’atelier des roues, le CERCO accueillera à terme les fonds non exposés. En attendant, place à la fête du renouveau et aux activités hors les murs qui continuent…

Museon Arlaten, cliché de S. Normand

Musée à Rénover 24 et 25 octobre Accès gratuit à l’ensemble de la manifestation dans la limite des places disponibles Museon Arlaten, Arles www.museonarlaten.fr Museon Arlaten, cliché de S. Normand

À l’heure où le Museon Arlaten, musée départemental créé à la fin du XIXe siècle par Frédéric Mistral, s’apprête à fermer ses portes jusqu’en 2014 pour «se refaire une jeunesse», il organise un week-end festif de fermeture samedi 24 et dimanche 25 octobre. Un événement volontairement convivial pour la conservation qui souhaite «ne pas mettre la clef sous la porte sans rien dire et redonner toute la splendeur d’antan au musée.» Tous les compagnons de route seront là pour offrir un programme d’activités éclectiques conçu «pour tous les goûts, tous les âges et toutes les envies» : interludes dansants, concerts, conte, visites intimes, crieur public, promenade poétique, jeux… Des temps de discussion-rencontre avec les équipes du musée seront même prévus afin que les habitants puissent s’approprier le projet. Bref, cette balade ultime dans la configuration actuelle du musée permettra au public, pour la première fois, de pénétrer les coulisses, et plus largement de comprendre la rénovation ainsi que les nouveaux enjeux muséographiques d’un musée en métamorphose.

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Pile ou face À Aix, la Non-Maison va jusqu’au bout d’un Non-Projet avec une NonExposition : La Pile, performance artistique de Bruno Peinado, «l’un des jeunes artistes français qui représentent la France à l’étranger» et Bernard Marcadé, critique d’art et commissaire d’exposition. Et un Non-Vernissage le 15 octobre d’une exposition virtuelle : en lieu et place d’une œuvre qui ne sera jamais matérialisée, une pile de la revue Semaine traitant de la durée sera empilée. Car la disparition, l’omission et l’oubli sont au cœur de ce projet, ou plutôt à l’origine. Bruno Peinado avait déjà proposé à la NonMaison, en 2008, un nouveau projet artistique : l’installation de météorites en métal écrasées au sol de la galerie, quitte à le briser. Une idée périlleuse et audacieuse pour Michèle Cohen quelques mois à peine après l’ouverture ! Mais, de commande publique non aboutie en volatilisation de partenaires institutionnels, la météorite est restée en suspens… C’était sans compter sur la pugnacité

de Michèle Cohen, le compagnonnage de Bernard Marcadé, et la volonté de Bruno Peinado de poursuivre sa réflexion sur les fractures, la faille, le chaos : La Pile voit le jour, transcendant de manière virtuelle la mort annoncée d’un projet. La météorite ne parvient pas à s’incarner ? La Pile atteste de sa

Non-Existence ! Avec un numéro spécial de Semaine conçu comme un témoignage sur les aléas d’une installation, et la difficulté à jeter des passerelles entre public et privé. D’un projet jeté aux oubliettes, Bruno Peinado et Bernard Marcadié ont fait une expérience totale, le premier enveloppant de brouillard

ses météorites de papier tristement grises (pour le coup quasi invisibles dans la revue), le second retrouvant Michèle Cohen après vingt ans d’absence pour écrire sur cet acte manqué. Comme pour conjurer le sort. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Semaine est une revue hebdomadaire pour l’art contemporain, publiée et diffusée par Analogues, Arles. La Pile Bruno Peinado et Bernard Marcadé Galerie la Non Maison, Aix-en-Provence du 15 octobre au 10 janvier 2010 06 24 03 39 31 www.lanonmaison.com 06 24 03 39 31

Dessins du projet de Bruno Peinado Les trois princes de Serendip, partition pour un accident qui ne s'est pas encore realisé à La Non-Maison ...



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ARTS VISUELS

NÎMES | AVIGNON

Pas de foire sans casser d’e Pour sa 10e édition la foire d’art contemporain de Nîmes subit quelques liftings. Que gagne-t-on au change ? Cette année 2009 a vu la conversion de la foire d’art contemporain ArtéNîm en ArtNîm comme une promesse de renouvellement. En fait peu de changements notables. L’équipe de base restructurée, exit le précédent directeur artistique (et initiateur du projet) Didier Vesse remplacé par Philippe Saule. La formule reste peu ou prou identique : un corpus de galeries professionnelles complété de structures non commerciales, associatives, écoles d’art, artothèque, éditeurs, rencontres et débats, et une exposition thématique dont les œuvres n’étaient pas à la vente. L’ensemble reste hétérogène et manque de lisibilité pour le visiteur. Et celui-ci avait relativement peu à se mettre dans l’œil : une petite vingtaine de galeries, l’exposition Tempéraments, et les autres participants n’ont pas suffi à remplir la jauge de la halle. Les galeries historiques et/ou de premier plan, présentes aux éditions précédentes manquaient aussi à l’appel. Une Foire d’art reste un évènement commercial dont les règles doivent être claires pour tous. Or, dans un espace dédié au commerce de l’art où les 9m2 de stand coûtent 1800 euros, quel rôle est donné aux structures non commerciales ? Le salon manquait aussi d’exigence dans la sélection (banalité naïve), de rigueur dans l’accrochage (pots de fleurs en plastique pour décor), de finition des structures de présentation…

SParK - Summer Time, TMI Toile, 150x150 cm. Galerie Bertheas - Les Tournesols

Jean-Luc Blanchet, Mister Flower, 2009, laque glycero noir brillant et gel irridescent sur toile, 200x200 cm. Exposition Temperaments, peinture contemporaine en France

On le sait, ce genre de foire repose sur un paradoxe : ne pas être seulement un espace marchand mais un lieu questionnant et prospectif, représentatif des richesses locales en même temps tourné vers d’autres rives, constitue toujours la quadrature du cercle ! Pourtant cette édition 2009 avait de bons atouts avec les galeries Pannetier, Couturier ou Negpos, une exposition militant en faveur de la jeune peinture, un débat qui s’an-

nonçait vivace entre Claude Viallat et Fred Forest (malheureusement absent pour raison de santé)! ArtNîm a peut être joué de malchance… disons que 2009 est une année de transition ! CLAUDE LORIN

www.artnim.com

En veux-tu, on voit là ! Le Parcours de l’Art assoit sa place incontournable dans les évènements artistiques avignonnais, avec une 15e édition développée désormais sur trois semaines. Max Charvolen en est l’invité d’honneur Si la cité des papes a réussi à «créer une proximité entre l’artiste, l’œuvre et le public» c’est aussi grâce au Parcours de l’Art. Là où Jean Vilar avait lancé la démocratisation du théâtre quelques décennies auparavant, les arts plastiques ont désormais leur rendez-vous de rentrée. La synergie entre les partenaires historiques publics et privés, institutionnels et associatifs, la fidélité du monde de l’entreprise à travers le Club des Trente (pour le catalogue) entre autres, confortent le travail d’une association et de sa présidente et responsable artistique, Christiane Ponçon, et confirment la maturation d’un projet porté de longue date. Une des nouveautés de cette édition 2009 est la première résidence d’artiste dont a bénéficié Max Charvolen en juillet dont la restitution est exposée au Cloître Saint-Louis avec des pièces plus anciennes. Un petit catalogue édité par La Fabrique Sensible retrace cette expérience in situ.

Dans les mêmes murs, l’exposition collective inaugurale a ouvert cette édition prometteuse et riche d’évènements -dont plusieurs conférencessur la problématique l’œuvre et le lieu. Paradoxalement, on rencontre peu d’œuvres tridimensionnelles, sculptures ou installations

(Caroline Avias, Lydia Rump, Julie Monnet…) alors que les autres médiums recouvrent des formes assez traditionnelles aussi singulières parfois : les grandes topographies abstraites d’Anna Baranek, les oculi humides et troubles de Jean Arnaud, les graphies intemporelles d’Alexis Di Maggio. Il est un peu dommage que cette thématique ouverte n’ait pas été abordée avec plus d’audace et suscité plus de projets aventureux : œuvres éphémères ou incitant au temps de l’expérience, de l’évènementialité, ou de décontextualisation… Mais la surprise peut surgir des cimaises de la trentaine de lieux associés, jusqu’à Châteaurenard : il faut parcourir ! CLAUDE LORIN

15e Parcours de l’Art jusqu’au 24 octobre divers lieux www.parcoursdelart.com

en premier plan Equilibre de Lydia Rump, sur le mur Giverny, Givenchy de Caroline Avias. © C.Lorin


MIRAMAS | CHÂTEAUNEUF-LE-ROUGE

ARTS VISUELS

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Qui est Rose ? Dernier volet du projet Athanor hors les murs : montrer à la Médiathèque Intercommunale de Miramas les vidéos de Gilles Constancin, dont une création-fiction à propos d’une certaine Rose Galerie historique pour l’art contemporain à Marseille, Athanor a baissé le rideau en juin de cette année. Mais Jean-Pierre Alis continue son combat avec des projets hors les murs via un partenariat avec le Pôle Arts Visuels Ouest Provence. Après les expositions Un peu plus à l’ouest (Pascale Robert, Alain Domagala, Matthieu Montchamp) au CAC d’Istres et Claude Viallat à la médiathèque de Miramas, celle-ci clôt le cycle par une programmation ambitieuse : la projection de cinq œuvres du vidéaste Gilles Constancin dont une commande inédite, deux rencontres à ne pas manquer les 20 et 22 octobre (voir p 65), ainsi que des ateliers de médiation. Quoi que ce soit (2009) s’appuie sur le texte de Gertrude Stein Le monde est rond (1939), mais développe sa propre fiction sur un grand écran panoramique transparent. Une histoire sans véritables début ni fin où ce que nous voyons n’est pas tout à fait ce que nous voyons, ni croyons en comprendre. Comme dans Brume (2004) et 21 plumes (2005-2007), Gilles Constancin joue avec

intervient une bande son, composée d’un leitmotiv musical et d’une ritournelle enfantine. Une voix de fillette parle des yeux bleus de Rose, s’interroge sur la valeur existentielle des choses, du monde, de soi, d’elle-même. «A rose is a rose is a rose» déclamait le poème de Gertrude Stein. CLAUDE LORIN

Le monde et Rose jusqu’au 7 novembre Médiathèque Intercommunale Ouest Provence 04 90 58 53 53 www.mediathequeouestprovence.fr 21 plumes, Gilles Constancin

d’infimes flottements temporels et troubles visuels obtenus pas de discrètes manipulations numériques. Les espaces interfèrent en terre et mer, les couleurs plus actives que dans ses réalisations monochromes précédentes (fluorescences), agissent entre réalité patente et déréalisation poétique. Pour une première fois

Tentatives de récupération Ne jetez plus, triez ! Ne brûlez pas, ça pollue ! Valorisez vos déchets, c’est de l’art ! Arteum compose un tri sélectif de l’art de la récup’ et du réemploi Déchet ou ressource ? Les treize artistes réunis par Pierre Vallauri et Christiane Courbon ont formellement choisi de faire du rebut ou des matériaux dérisoires le terreau de leur œuvre.

Hétérogénéité oblige, ces démarches de réemploi pourraient se regrouper autour de deux types principaux : l’élaboration de figurations/narrations d’une part, la construction de formes plus symboliques ou abstraites d’autre part. Chez les premiers nous retrouvons les figures bien connues de Louis Pons et Jean-Jacques Ceccarelli (un de ces Rond-point pourrait remplacer le monument de la place Castellane ?), les assemblages fantasques de Brice Mathey ou les farfadets Brice Mathey, Le grand Marseille © C.Lorin

facétieux de Pétra Werlé faits d’ailes, de mues et carapaces d’insectes, d’algues, plumes, mie de pain et fleurs séchées. Plus inquiétants sont les gnomes en réassemblage de restes de squelettes animaux de Sabrina Gruss. Marie Morel accumule des saynètes amour/hard en de grands panneaux bleutés, les barlus d’Armand Avril théâtralisent des bois flottés en scénographies primitives. Plus engagé sur notre humanité, Jean-Baptiste Audat retourne le contenu des journaux, stratifie les bouquins de poche en mobiliers inertes. Jeanne Gérardin transmute les rubans d’étoffe en sen-suels objets organiques colorés tandis qu’Odon tresse toujours ses réseaux filamenteux à base de kraft teinté. Le sens des choses devient plus énigmatique lorsque Alain Joriot affuble de titres improbables les débris de machines (La virée tzigane). Les fragments travaillés avec économie par Jean Berthet rapprochent l’objet du signe. L’œuvre s’épure… Des chutes de métal, Jean-François Coadou conçoit des structures tridimensionnelles et abstraites (Equation N°21, Inconnue N°12) pour laisser voir, paradoxe ultime, le rebut d’acier, rouillé et verni, se dématérialiser. Le déchet absolu. CLAUDE LORIN

La Beauté des restes jusqu’au 28 novembre Arteum , Châteauneuf-le-Rouge 04 42 58 61 53 www.mac-arteum.net


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ARTS VISUELS

AU PROGRAMME Collection sentimentale. Marseille est la troisième étape d’un Voyage sentimental conçu à l’occasion de la manifestation nationale Collections d’automne, fenêtre ouverte sur les collections des fonds régionaux d’art contemporain qui circulent. À Marseille, la référence à l’ouvrage de Laurence Sterne, A sentimental Journey Through France and Italy (1768), détermine le choix des pièces -photos et vidéos pour la plupart- et offre à ce voyage sentimental une tonalité particulière, à la fois mélancolique et rêveur. Comme un vagabondage en boucle. M.G.-G. Voyage sentimental 3 jusqu’au 12 décembre Frac et Ancien Presbytère, Marseille 04 91 91 27 55

Lucien Pelen, Saut à la corde, 2003 - collection FRAC Languedoc-Roussillon

Paris Match en Seyne. Place aux scoops, aux photos dérobées, aux célébrités, aux petits et grands événements de notre histoire depuis 1949. Après avoir consacré ses premières éditions à l’eau, l’air, le feu, la terre ; après avoir salué le travail d’un photographe du Var, Franck Horvat, voici que le festival international de photographie L’Œil en Seyne se «peopolise» lui aussi… Grâce à l’un des médias les plus reconnus de la planète, Paris Match, témoin de premier plan des mouvements du monde. L’exposition condense ainsi 60 années de la vie du magazine, 60 années de notre vie «où l’émerveillement le dispute au tragique.» M.G.-G. Les 60 ans de Paris Match Villa Tamaris centre d’art, La Seyne sur Mer (83) jusqu’au 26 octobre 04 94 06 84 00

Dans l’atelier des Gobelins, le peintre Marc CHAGALL peint sur la toile déroulée la composition qui ornera le plafond de la coupole du Palais Garnier à Paris. Janvier 1964 © Izis Bidermanas/ Archives Paris Match

De chair et d’encre. «On ne peut échapper à sa condition… humaine» écrit Alix Paj à propos de ses dernières productions exposées à l’Espace Écureuil, témoins du renouvellement de sa pratique. Des encres de chine sur acétate et PVC travaillées par effacement, de la matière fluide, en mouvement, où affleurent à la surface des êtres de chair et d’encre. Des visages aux yeux d’une fixité si effrayante que les ombres du passé semblent planer sur eux. M.G.-G.

Alix Paj, Fondation Espace Ecureuil

Alix Paj Du 18 novembre au 4 décembre Espace Écureuil, Marseille 04 91 57 26 45

Les gueules cassées. Pour sa nouvelle exposition à la galerie Anna-Tschopp, Alain Crocq réunit des «gueules cassées» peintes entre 2008 et 2009. «Des accidentés de la vie qui portent en eux les cicatrices de peines intériorisées, les stigmates d’une vie fracturée par les séparations, les rêves brisés, les déceptions» comme l’écrit avec justesse Yves Gnaegy, directeur de la galerie. Plus dépouillées que jamais, ces œuvres n’ont rien perdu de leur force, au contraire, toujours si promptes à révéler l’indicible, ce qui se cache au fond des êtres. Des êtres en perdition, comme tous ceux qui retiennent l’attention de l’artiste, par ailleurs clinicien et fin observateur de l’âme humaine. M.G.-G. Alain Crocq jusqu’au 31 octobre Galerie Anna-Tschopp, Marseille 04 91 37 70 67

Alain Crocq, Les gueules cassées, acrylique sur toile


39 La peau paysage. Figure majeure de l’art vidéo, Thierry Kuntzel, disparu trop tôt en 2007, a laissé une œuvre fondamentale pour l’expérience esthétique des nouveaux médias. Grâce à Instants Vidéo et au Mac/Val, nous pourrons (re)voir La Peau, une de ses dernières installations. Plusieurs rencontres dont celle avec son assistante Corinne Castel le 17 oct et les projections d’anciennes bandes vidéos sont annoncées. C.L. La Peau Hommage à Thierry Kuntzel jusqu’au 7 novembre La Compagnie www.la-compagnie.org

Le projecteur Photomobile

Rencontre avec l’artiste à 17h le 7 nov, peu avant le vernissage. Gap 05 Michel Vanden Eeckhoudt du 10 novembre au 19 décembre Galerie du théâtre de La passerelle 04 92 52 52 58

Dominique Angel, Pièces supplémentaires

Michel Vanden Eeckhoudt, Gap 2009

Petits riens importants. Gap 05 de Michel Vanden Eeckhoudt clôt la saison d’expositions de la galerie du théâtre de La passerelle suite à résidence d’artiste. Un de ses sujets de prédilection a été les chiens et d’autres animaux, les petits riens des gens aussi. À Gap il a vu les cochons avant l’abattage et rencontré au hasard les habitants, remarqué un tatouage sur un dos décolleté, les tas de neige… C.L.

Pratiques croisées. Sous le titre générique Pièces supplémentaires, Dominique Angel développe un ambitieux projet dans le cadre des actions Hors les murs du Frac Paca. Résidence, expositions, performance, vidéos, écritures, œuvres in situ, ateliers scolaires se déroulent entre Villeneuve-lezAvignon (Chartreuse, Tour Philippe le Bel), Tarascon (Cloître des Cordeliers, Château Royal) et Avignon. Une publication sera coproduite par L’Agence Alternative et les éditions Analogues. Pièces supplémentaires jusqu’au 30 décembre www. fracpaca.org © Agnès Mellon

L’Inde et le reste. Notre collaboratrice Agnès Mellon, photographe lyrique, expose ses photos indiennes au Centre Julien, à Marseille. L’occasion de découvrir son regard de voyageuse, libérée des lumières des salles de spectacles… Photographe de l’Ensemble Télémaque, elle exposera également ce qu’elle a attrapé de leur histoire… pour fêter leurs 15 ans, à la Cité de la musique, à partir du 21 nov. A.F. L’Inde d’Agnès Mellon Centre Julien Jusqu’au 30 oct http://photographe-agnesmellon.blogspot.com


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CINÉMA

IMAGE DE VILLE | VIDÉOCHRONIQUES

L’écran noir des nuits urbaines Du 13 au 17 novembre, à Aix-en-Provence, Image de ville fera son cinéma, consacré cette année à la nuit, aux lumières nocturnes de l’espace urbain Image de Ville propose donc des rencontres avec des professionnels du 7e art, Toni d’Angelo, Richard Copans, Michel Kammoun, cinéastes ; Willy Kurant, directeur de la photo, ainsi que des éclairagistes, critiques, plasticiens, des architectes, des géographes… Un hommage sera rendu à Henri Alekan, l’un des plus grands directeurs français de la photo. Et des films seront projetés : une nuit du film noir au Renoir un vendredi 13... Le 14, à la salle Armand Lunel, l’accompagnement en live du film de Karl Grune, La Rue, par Nicolas Errera qui a composé aussi la musique de Nocturna, la nuit magique, de Victor Maldonado et Adrian Garcia, proposé l’après-midi du 15 en présence de Victor Maldonado. Et ce même jour à 20h30, en avant-première, au cinéma Mazarin, Padre nuestro de Christopher Zalla, Grand prix du Jury au Sundance Festival 2007. Image de ville a invité le FID Marseille qui présentera une sélection de documentaires. On parlera aussi des villes méditerranéennes, Beyrouth, Naples, Tel-Aviv à partir de trois regards sur la nuit urbaine en Méditerranée avec Falafel, de Michel Kammoun ; Una notte, de Toni d’Angelo et Frozen days de Danny Lerner. Et aussi pour la première fois, plus de 300 films documentaires en accès direct, issus des éditions précédentes. Alors, c’est quoi la nuit pour vous ? ANNIE GAVA

Image de Ville 04 4 42 63 45 09 www.imagedeville.org

Padre Nuestro de Christopher Zalla

Machinations anachroniques chroniques réussit son virage : les visiteurs viennent en nombre découvrir l’exposition Machination qui réunit douze artistes autour d’une figure-symbole de la modernité : la machine, cet obscur objet à la fois libérateur et aliénant qui représente la perfection tout autant que la faille. Machines, machinesactions, machinations : le territoire est vaste, les réponses plastiques variées. Des canettes de bière de Laurent Terras transformées en bolides volants à la Porsche customisée par Frédéric Vaësen, de la sculpture Morphogène de Richard Baquié à la performance «aéropoétique» de Raphaël Zarka et Vincent Lamoureux, Machination rassemble des œuvres constitutives d’une pensée ambiguë face à la machine. Amie ou ennemie de la création ? De l’homme ? Emmanuelle Bentz enchâsse la machinerie de son Distributeur aléatoire dans une cabane en bois, Cyrille. C de Laleu met à mal l’origine du monde par calembour visuel interposé et dispositif vidéo. Plus cynique, Christoph Draeger dénonce dans TWA 900, III le morcellement et Vue de l'exposition Machination, videochroniques © Frederic Gillet la manipulation de l’image médiatique, la surinformation, la théâtralisation de la catastrophe. Une machination à l’échelle planétaire comme l’avait dénoncé en son temps un certain Orson Welles.

Il y a du challenge dans l’air. En quittant la Friche pour le Panier, Vidéochroniques fait un bond en avant et gagne en visibilité. L’équipe a transformé l’ancienne menuiserie délabrée en galerie, avec bancs de montage et bureau, et la proximité des ateliers de Lorette audessus, de Red district et de la Vieille Charité à quelques pas crée une cohésion qui a du sens. D’autant que Vidéochroniques a repensé sa ligne éditoriale pour s’ouvrir sur le quartier et amplifier son projet : réalisation d’expositions liées à l’image mobile et immobile, résidence d’artistes auxquels l‘association apporte expertise technique et artistique, ouverture d’un centre de documentation. Projet financièrement utopique malgré un fonds de 1500 œuvres vidéo, cinéma expérimental et portraits d’artistes ! En effet, si la première tranche de réhabilitation a été prise en charge par la Ville de Marseille, ce sont les bénévoles qui ont maçonné la transformation finale… Pour sa première réalisation in situ, Vidéo-

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Machination jusqu’au 7 novembre Vidéochroniques 09 60 44 25 58


0 ° N

du 15/10/09 au 19/11/09 | un gratuit qui se lit

] o R é Z [N °


Édito Qui ose encore rêver d’un avenir meilleur ? Les parents, les éducateurs, s’ils n’en sont assurés, se doivent d’y croire. L’accès des jeunes à la culture est crucial pour notre avenir, et notre présent. Dès son lancement, Zibeline a ouvert ses pages à cette question en se penchant sur les propositions jeune public, et en traitant de l’éducation artistique. Aujourd’hui, Zibeline crée un supplément mensuel publié en cahier central, Zibeline Éducation et Jeunesse, pour prolonger cette démarche. Car nous voulons réfléchir ensemble, parents, jeunes, artistes, professionnels de la culture et de l’éducation, sur ce que nous voulons transmettre. Les enfants et les jeunes sont victimes d’une société de consommation qui les prend agressivement pour cibles. Le milieu artistique se laisse parfois aller à les traiter comme des clients, mais souvent lutte contre le formatage imposé de leurs désirs. Zibeline Éducation et Jeunesse veut aider à construire le sens critique des enfants, qui seul leur permettra de faire leurs choix librement. Projet ambitieux, mais justement, Zibeline veut croire en un avenir meilleur… Nous nous ferons donc l’écho de l’actualité artistique et culturelle destinée au jeune public et aux adolescents dans notre région, en informant des activités proposées, et en poursuivant nos chroniques spectacles, littérature, disques… Nous amplifierons notamment notre réflexion sur les écritures contemporaines pour la jeunesse, la culture scientifique, l’éducation artistique, la transmission du patrimoine. Le tout ponctué, au gré de l’actualité, de dossiers thématiques, de rencontres, de portraits, et de paroles critiques d’adolescents et d’enseignants : l’éducation ne se fait pas sans eux. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI ET AGNÈS FRESCHEL


MOMAIX Durant deux mois le festival Mômaix fait souffler sur Aix-en-Provence un vent de jeunesse et une pluie de spectacles et d’animations. Pas moins de sept structures conjuguent leurs énergies autour du Théâtre Vitez, initiateur du festival, pour rassembler un public intergénérationnel réceptif à cette programmation éclectique de qualité. Au Pavillon noir, quelques pas de danse avec une pièce très visuelle d’Alwin Nikolais, The Crystal and the Sphere (du 15 au 17/10), et le hip hop inventif de l’une des figures du mouvement marseillais, Miguel Nosibor (les 4 et 5/11). Le tout accompagné de projections vidéo sur l’univers artistique du chorégraphe américain et d’une rencontre avec Miguel Nosibor, car le festival étoffe son offre de spectacles d’une farandole d’actions qui favorisent les liens du jeune public avec la création. De la danse encore, mais au Grand théâtre de Provence, où Josette Baïz et le Groupe Grenade redonnent vie au héros du célèbre roman de Charles Dickens, Oliver Twist. Le Grand théâtre de Provence, décidément très enclin à la famille, reçoit Victoria Chaplin et Jean-Baptiste Thierrée dans Le Cirque invisible (24 et 25/10) et fait entendre l’Orchestre français des jeunes baroque dirigé par Paul Agnew (le 3/11). Les trois coups du théâtre sonnent aux Ateliers qui poursuivent leur saison Lecture Plus, conte des Balkans, parenthèse de lecture, d’improvisation et de découverte du plateau (les 14, 28 et 29/10, 3, 4 et 18/11…). Au théâtre du Jeu de paume également, avec le conte de Charles Perrault Peau d’âne revisité par Caroline Ruiz (les 6 et 7/11) et Jojo le récidiviste du metteur en scène Joël Jouanneau, toujours fidèle à Aix. Qui pourrait oublier Mamie Ouate en Papôasie joué ici même ?… Au théâtre Antoine Vitez bien sûr, riche en rendez-vous : Christian Carrignon et son Théâtre de cuisine s’embarquent dans une odyssée très particulière (le 3/11), puis Danielle Bré écrit une fugue théâtrale cubiste pour Pablo Picasso (Des Papis dans la tête) tandis que la compagnie Arketal voyage dans le temps avec les mots de Jean Cagnard (À demain ou la route des six ciels). Le théâtre musical n’est pas en reste avec un nouveau venu dans Mômaix, Théâtre & chansons, qui s’adresse aux petits bonhommes (Pilou et les cailloux de Karine Boucherie et David

ÉVÉNEMENT

III

The Crystal and the Sphere © Fred Hayes

En piste pour Mômaix Flick les 24 et 31/10) comme aux «grands» de 10 ans initiés à la poésie de Rimbaud mise en musique par Isabelle Bloch-Delahaie (Et toi tu marcheras dans le soleil…). Quelques notes à peine séparent le théâtre musical de la musique grâce aux Concerts d’Aix qui, pour leur premier

festival, font le grand écart entre le rock énergique du groupe Zut et l’opéra-conte Cendrillons mis en scène par Julien Di Tommaso d’après Perrault et Grimm. Le tour de piste continuera au 3bisf en compagnie de Skappa et son spectacle 10 millions de Km2, évocation de l’autre et de l’ailleurs.

Plus que jamais cette année, Mômaix est une invitation à partager la culture en famille ! MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

À demain ou la route des six ciels © Brigitte Pougeoise

Mômaix du 14 octobre au 16 décembre 04 42 91 99 19 www.mairie-aixenprovence.fr/ -Momaix-


IV

SPECTACLES

MASSALIA | GYMNASE | JEU DE PAUME | PAVILLON NOIR

Incontournable Massalia ! À l’image de Philippe Foulquié, directeur du théâtre Massalia, nous aurons le goût de la «prise de risques» en partant à la découverte de deux créations : Mère/fille par la compagnie Anteprima (20-24 oct) et La Puce de neige des Buchinger’s boot marionnettes (3-4 nov). Deux univers diamétralement opposés : le premier intimiste consacré au dialogue d’une mère, en pleine de crise de la quarantaine, avec sa fille préadolescente qui cherche sa place à l’école, et plus largement dans une société de performances et de compétitions. Le second, un opéra fantastique de marionnettes où le héros, le petit insecte Keruguq, est pourchassé par un baron machiavélique. Quand Mère/fille situe son action dans l’espace clos et protégé d’une salle de bains pour évoquer la peur de grandir et de vieillir, La Puce de neige mêle science-fiction, anomalies géophysiques et mythologie de l’Âge de pierre dans le décor du Grand Nord. Entre ces deux propositions, la compagnie Clandestine présente un petit bijou visuel, C’est pas pareil (24-30 oct), réalisé avec les techniques du Kirigami (papier découpé) et du pop-up. À la table de jeu, savamment mise en lumière, les mécanismes de papier et les personnages manipulés par Ester Bichucher en disent long sur les relations humaines, les différences, la norme et la marginalité. Dans un tout autre registre encore, le Sagliocco Ensemble de Norvège donne une conférence-théâtre sur… la place du chien dans l’histoire de l’art ! Poétique et délirant, Wouaf ! Art (10-13 nov) est une invitation à regarder autrement Picasso, Renoir ou Seurat.

Quatre rendez-vous donc, pour réfléchir, voyager, rêver et apprendre. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Mère/fille, Cie Anteprima À partir de 11 ans À l’occasion de la publication du texte chez Actes Sud-Papiers, rencontre avec l’auteur Laura Forti jeudi 22 octobre à 17h à l’Institut culturel italien. C’est pas pareil, Cie Clandestine À partir de 3 ans La Puce de neige, Buchinger’s boots marionnettes À partir de 8 ans Wouaf ! Art, Sagliocco Ensemble À partir de 6 ans 04 95 04 95 70 www.theatremassalia.com

Sans histoires

J’aime tes biceps

Ils sont rares les spectacles abstraits qui s’adressent au jeune public. Pourtant, même si les enfants aiment les histoires, ils sont fans d’effets féériques… Les 10 danseurs qui reprennent le répertoire d’Alwin Nikolais, chorégraphe américain qui révolutionna la danse contemporaine en y introduisant la notion d’illusion, leur fera pousser des cris d’admiration. Sa magie tout en transparence et lumières colorées est d’une fluidité fascinante…

Le trio coloré et enfantin de Kéléménis tourne un peu partout depuis sa création, et s’arrête à Marseille au Gymnase. La pièce, ludique, amusante, joue sur l’amusement des corps. À bouger, à changer, à s’amuser ensemble, mais surtout à s’attirer. Car il est question de désir dans ce joli trio, et pour une fois la belle ne choisit pas le gentil, mais le costaud…

The crystal and the sphere Alwin Nikolais Danse à partir de 5 ans Du 15 au 17 oct (10h, 14h, 17h et/ou19h) Pavillon Noir, Aix 04 42 93 48 00 www.preljocaj.org

L’Amoureuse de Monsieur Muscle Michel Kéléménis Danse à partir de 4 ans Les 17 et 19 nov Théâtre du Gymnase, Marseille 0 820 000 422 www.lestheatres.net

A.F.

A.F. © Fred Hayes

L’âne du bonheur Depuis le film de Jacques Demy on a tendance à prêter à Peau d’âne la blondeur sculpturale de Deneuve, et le côté psychédélique et flower power qui donna à notre enfance un air de liberté… Mais le conte originel n’est pas si coloré ! Caroline Ruiz recrée le Conte de Perrault au théâtre du Jeu de Paume mais, tout en revenant à l’intrigue incestueuse, elle garde l’idée d’une comédie musicale pleine de joie de vivre… A.F.

Peau d’âne mes Caroline Ruiz Théâtre à partir de 6 ans Les 6 et 7 nov Théâtre du Jeu de Paume, Aix 0 820 000 422 www.lestheatres.net


OUEST PROVENCE | NÎMES | AUBAGNE V

Les objets, les mots et les corps Depuis sa création le théâtre de Fos-sur-Mer, baptisé Centre culturel Marcel Pagnol, accorde une place particulière à la programmation familiale et jeune public. En lien étroit avec les écoles et collèges des alentours, le lieu est fréquenté par une population aux origines sociales très diverses : à Fos ce sont souvent les enfants, amenés par les écoles au théâtre, qui font à leur tour office de passeurs auprès de leurs familles… Ce début de saison ne déroge pas à la règle, puisque le Théâtre de cuisine est accueilli avec deux spectacles judicieux en ce lieu : C’est encore loin ? (les 20 et 21 oct) est un duo/duel entre deux femmes à l’identité métissée. Louisa Amouche et Patricia Guannel jouent ici de leur propre histoire, qu’elles dansent, disent et illustrent avec des bribes de musique et des objets symboliques de l’espace géographique qu’elles ont intégré… La répétition une Odyssée est un spectacle plus formel, construit autour d’une mise en abyme : les comédiens jouent aux comédiens qui doivent créer l’Odyssée… Au passage ils en interprètent, avec des bouts de ficelle et de décors ingénieux, les principales scènes (les 22 et 23 oct), initiant ainsi les plus jeunes à l’épopée antique… Mais ce n’est pas tout ! Le 4 nov, place encore au théâtre d’objet avec l’histoire de Marcello Marcello, champion de papier imaginé par une femme de ménage à l’invention débordante, créée par Mathilde Aguirre. Et puis le 7 nov, un spectacle de

La répétition, une odyssée © X-D.R.

cirque très sensible, où un couple de clowns devenu en partie infirme apprend à vivre avec ce nouveau corps, à partager autrement… Cela s’appelle Dans mes bras, par la compagnie L’Attraction Céleste. AGNES FRESCHEL

Petits instantanés de vie Voici l’histoire tendre et cocasse des toutes premières fois qui jalonnent une vie : premier regard, premier vélo, premier deuil, premier baiser... Des sentiments universels écrits avec finesse par Vincent Cuvellier, portés sur scène avec simplicité par la compagnie de l’Arbre rouge qui s’est tournée vers la poésie du quotidien, la musicalité de la parole et des objets. Gracieux comme le vol du héron remontant la rivière, le spectacle Héron

ascendant rivière est interprété par Nathalie de Pierpont, subtile et émouvante.

Hop, hop, hop sur la ligne d’or !

blier, Madame Bête est tout occupée à fabriquer une bien étrange famille, et le moment est venu de réaliser «sa créature»… Sans la déranger, les jeunes enfants se glissent aisément dans son univers symbolique et émouvant.

Sans paroles et sans récit, mais avec le corps et l’objet dont elle fait son théâtre, Christine Le Berre raconte La ligne d’or. Dans son atelier jonché d’animaux empaillés, de jambes de bois et de masques animaliers, elle est Madame Bête : là, elle invente de drôles de personnages, mi-humains mi-animaux. Chut, silence ! Affublée d’un grand ta-

M.G.-G.

M.G.-G.

Héron ascendant rivière Compagnie de l’Arbre rouge théâtre à partir de 5 ans du lundi 16 nov. au mercredi 18 nov. à15h Théâtre de La Colonne, Miramas 04 90 58 37 86 www.scenesetcines.fr

Mémé monte au ciel Comment mémé est montée au ciel est le deuxième rendez-vous jeune public du théâtre Comœdia après la Symphonie d’objets abandonnés de Max Vandervosrst. À ce classique incontournable qui fait parler les objets succède cet autre classique qui, à l’image de la compagnie Caus’toujours, n’a pas sa langue dans la poche ! Écrit et interprété par Titus, le spectacle met en scène une mémé qui rêve qu’elle fait du patinage artistique dans le ciel. Ou plutôt une mémé qui fait vraiment du

Centre culturel Marcel Pagnol Fos-sur-Mer 04 42 11 01 99 www.scenesetcines.fr

La ligne d’or Compagnie Hop ! hop ! hop ! théâtre à partir de 5 ans mercredi 14 oct. 15h30 et 18h30 Théâtre de Nîmes 04 66 36 65 00 www.theatredenimes.com

patinage artistique. Car au théâtre, tout est possible. À moins que ce soit un spectacle où il fait bon rêver ? M.G.-G.

Comment mémé est montée au ciel Compagnie Caus’toujours théâtre à partir de 6 ans mardi 17 oct. 14h30 Théâtre Comœdia, Aubagne 04 42 18 19 88

La Ligne d’or © Didier Martin


VI

SPECTACLES

PORT-SAINT-LOUIS-DU-RHÔNE | GTP | TOURSKY

Espace public Si Port-Saint-Louis-du-Rhône manque cruellement d’équipements culturels -l’espace Gérard Philippe, qui ne peut accueillir toutes les formes de spectacles, sera à terme entièrement dévolu au cinéma-, elle n’en accueille pas moins le siège du Centre National des Arts de la Rue, le Citron Jaune, que gère la compagnie Ilotopie. Un atout de taille et un éclairage intéressant pour ce territoire situé à l’ouest de Ouest Provence et donc taillé pour accueillir la manifestation Carrément à l’Ouest ! Le souci commun de Scènes et Cinés et d’Ilotopie est d’aller à la rencontre des habitants en conciliant exigence artistique et accompagnement culturel des publics. Françoise Léger, directrice artistique d’Ilotopie, parle même d’un «devoir de citoyen : l’investissement par le public de l’espace public.» Le ton est donné, l’apprentissage de la rue sera donc une fête, à laquelle participent de nombreux artistes dès le 14 oct sur le marché : la compagnie Albédo proposera les services de l’agence Les Tonys, deux drôles de personnages (voir p 28)… Puis deux musiciens issus des musiques improvisées encadrent des enfants de trois écoles de Port-Saint-Louis avant de les diriger lors d’une parade, qui partira en ballade dès le vendredi après-midi (le 16 oct), avant de donner le la de départ aux festivités qui dureront toute la journée du samedi. Au programme (réservez votre souffle, il n’y aura pas de temps morts) : Les Babas au Rhum vous feront le coup du Changement de programme impromptu dans le centre-ville; Les Demeurés du Begat Theater promettent un voyage solitaire et hors du temps dans le roman éponyme de Jeanne Benameur ; l’Orphéon Théâtre Intérieur revisite le mythe du grand méchant loup avec Être le loup (voir pVIII) ; la cie Pernette propose des Miniatures en journée, et un spectacle, Le Passage, le même soir ;

Les miniatures - cie pernette © Franck Gervais

la cie Les Trois Points de Suspension un bien nommé Voyage en bordure du bout du monde ; et enfin, final explosif avec les Fratelli Brutti et leur concert électro blues forain Monofocus… Vous avez dit à l’Ouest ? DO.M.

Carrément à l’Ouest Du 14 au 17 oct Ilotopie 04 42 48 40 04 www.ilotopie.com www.scenesetcines.fr

Invisible et irrésistible enfants James et Aurélia, et aujourd’hui le Cirque invisible. Invisible mais bien réel puisque, sur scène, Victoria Chaplin fait naître de ses costumes extravagants un bestiaire fantastique et Jean-Baptiste Thierrée invente de drôles de gags tirés de valise magique. M.G.-G.

Le cirque invisible © Brigitte Enguerand

Place au jeune public au Grand théâtre de Provence qui convoque la poésie, le fantastique et l’enchantement en un seul spectacle, le Cirque invisible, créé par les globe-trotters Victoria Chaplin et Jean-Baptiste Thierrée. Depuis trente ans, le couple entraîne le public dans un conte de fées avec le Cirque bonjour, puis le Cirque imaginaire avec leurs

Le Cirque invisible À voir en famille à partir de 8 ans du jeudi 22 au samedi 24 oct. 20h30, dimanche 25 oct. 17h Grand théâtre de Provence 04 42 91 69 69 www.grandtheatre.fr

MarseilleMexique, c’est magique ! Depuis deux ans, Mexico Magico colore le théâtre Toursky de couleurs chatoyantes le temps d’un festival. L’opportunité de suivre en famille les saltimbanques du Cirko de Mente dans leur spectacle de cirque sans animaux Reviens à mes pieds, d’écouter le must de la musique contemporaine mexicaine avec Eblem Macari Trio ou de se laisser entraîner par les sonorités débridées de la fanfare Banda Tierra Del Sol. On pourra même fêter avec le groupe Tribu son 36e anniversaire et découvrir son instrumentarium inouï, entièrement naturel : carapaces de tortue, conques marines, tambours de pierre, flûtes de roseau et de bois… M.G.-G.

3e Festival Mexico Magico Cirko de Mente, Reviens à mes pieds… mardi 20 oct. 21h Soirée concert, Eblem Macari Trio et Tribu vendredi 23 oct. 21h Théâtre Toursky 04 91 02 58 35 www.toursky.org


ISTRES | ARLES | LES COMONI | LE SÉMAPHORE VII

Ça décoiffe au Palais C’est sûr, les pensionnaires du Palais Nibo ont la tête en l’air ! Heureusement que Monsieur Loyal est là pour mettre de l’ordre dans ce spectacle jubilatoire où les numéros s’enchaînent avec brio. Corde lisse, danse, corde volante, feu, équilibre sur pneu, monocycle et portés acrobatiques : la compagnie les Têtes en l’air conjugue cirque classique, nouveau cirque, cabaret et théâtre burlesque avec une énergie communicative. D’ailleurs l’ambiance n’engendre pas la mélancolie qui va de la poésie à la franche rigolade: sous chapiteau, place des Lices, on ne sera pas à l’abri des surprises. M.G.-G.

L

Le Palais Nibo et ses pensionnaires sous chapiteau, parc des Lices, Toulon du 20 octobre au 3 novembre Maison des Comoni 04 94 98 12 10 www.polejeunepublic.com Le Palais Nibo © Antoine Bachelet

Implacable Poussières de vies et d’amour Pas de nom, pas de maison, pas de famille : au Vietnam, on les appelle Poussières de vies. Pour aborder des thèmes sérieux, comme ici les droits des enfants, la compagnie À Suivre manie le jonglage et l’acrobatie, joue du théâtre, ne badine pas avec l’humour et fait même des prouesses. Comme celle de donner vie aux enfants des rues, ces poussières de vies invisibles : Pomelos, le petit vendeur de fruits à la sauvette, Violeta, la grande sœur à tout le monde, Liberto, l’intello revendicateur ou Biscoto, petite tête et gros bras. Bref, une famille recomposée qui vend des pommes d’amour par manque d’amour. M.G.-G.

Poussières de vies Compagnie À Suivre tout public à partir de 7 ans mercredi 28 octobre 15h Théâtre le Sémaphore, Port-de-bouc 04 42 06 39 09 www.theatre-semaphoreportdebouc.com

Au centre de la pièce de Wajdi Mouawad, Assoiffés, l’adolescence est abordée frontalement, à travers la vision de ceux qui la vivent. Trois personnages -dont deux ados-, aux destins inexorablement liés, se retrouvent le temps d’une enquête. Celle de Boon, anthropologue judiciaire, appelé pour identifier deux corps retrouvés enlacés au fond d’un fleuve. L’un d’eux est celui de Murdoch, ami d’enfance étrangement disparu, l’autre celui d’une jeune fille, Norvège. Replongeant dans son passé, Boon se souvient de Murdoch, assoiffé de paroles, refusant le conformisme, la médiocrité pour trouver un sens à sa vie, et découvre Norvège, muette après s’être retrouvée du jour au lendemain confrontée à sa propre laideur. La mise en scène de Benoît Vermeulen veut pénétrer cet univers intriguant entre passé et présent, réel et imaginaire, dans lequel les ados, entre perte de repères et quête de sens, oscillant entre doutes, envies et espoirs cherchent à franchir l’étape compliquée qui sépare l’enfance de l’âge adulte. DO.M.

Assoiffés Le 10 nov Cie Théâtre le Clou Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 56 48 48 www.scenesetcines.fr

© Simon Menard

La belle vie Rien n’est simple, mais la vie est belle. Y compris dans l’univers des petites bêtes de Contes d’automne, spectacle de Claire le Michel adapté d’un livre de Grégoire Solotareff (éd École des Loisirs). Des petites histoires qui mettent en scène des bestioles que tout sépare le plus souvent, mais qui sont contraintes de vivre en bonne intelligence, avec leurs défauts et leurs qualités. Comme Caroline la coccinelle quand elle rencontre Fred le papillon, comme Marie-Christine, la pie, et Ricardo, le mulot, qui tombent amoureux… Sur le plateau Julie Monnier, comédienne, et Frédéric Firmin, musicien, font dialoguer les mots et la musique. DO.M.

Contes d’automne Le 10 nov Théâtre d’Arles 04 90 52 51 51 www.theatre-arles.com


VIII

SPECTACLE

CARESSEZ LE POTAGER | STE-MAXIME | GYPTIS

Artistes au jardin Depuis plusieurs années le parc de la Mirabelle accueille une manifestation particulière : durant trois jours des spectacles se déroulent, petites formes conviviales et familiales, mais d’une qualité que nombre des manifestations bon enfant de ce type oublient incidemment. Ainsi, le dimanche, sous un soleil inconstant, entre des enfants attentifs et des parents décontractés étalés sur leur nappe à pique nique, on a pu entendre une vraie chanteuse lyrique interpréter avec talent quelques airs du répertoire, tout en faisant le poirier (si si) ou en jouant Carmen l’allumeuse sur les genoux de spectateurs complices et

amusés. Quant à la performance du danseur funambule, elle fut épatante : Jérôme Dorso retrouve dans son solo, sur son fil, les poses cabrées, sexuelles, angulaires, narcissiques de Nijinski, tout en gardant la belle épate des acrobaties fildeféristes. Très applaudi, malgré les premières gouttes. Puis il y eut encore les cours et démonstrations de tango, un bal, et la vente aux enchères du potager au profit d’une association caritative africaine. Car l’équipe de Caressez le potager n’oublie ni les arts, ni la fête, ni le partage… AGNES FRESCHEL Jérôme Dorso © X-D.R

Fantaisie artificielle Jérôme Thomas nous avait habitués à des spectacles d’une plus grande densité, comme Rain/Bow, création de 2006 qui tourne encore. Sortilèges, premier rendez-vous jeune public du Carré Sainte-Maxime, est de nature plus «légère», comme la pluie de plumes tombée du ciel sur scène. Inspiré de la fantaisie lyrique de Ravel et Colette, L’enfant et les sortilèges, le spectacle ne parvient pas vraiment à ensorceler. L’histoire est simple : l’héroïne, sorte de Fifi Brindacier, profite de la ville endormie pour faire le cirque de sa vie, refusant tout à trac d’obéir aux grands et de ranger ses jouets. Pour crier sans ménagement l’espace d’un songe : «Je vais tout péter!» ou «Je veux des histoires et pas des devoirs !» Sur le plateau, c’est la panique ! Voilà qu’une flopée d’accessoires surgissent des entrailles de son lit transformé en boîte de Pandore (sabre, lance,

poupées, livre magique, peluches), que des fauves tentent de lui lécher les orteils, que des fantômes étranges glissent dans la pénombre. Si rien ne l’affole, le public, lui, s’amuse lorsque la chambre se transforme en piste de cirque : les numéros de jonglage et d’acrobatie en mettent plein les yeux des enfants… Mais ça ne fait pas mouche à tous les coups, et le peu de matière narrative ne suffit pas à lier la panoplie d’effets visuels, à donner du sens aux belles images. Un merveilleux qui, malgré le talent des trois acteurs circassiens, n’opère pas assez… MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Spectacle présenté le 22 sept au Carré Sainte-Maxime (83) à l’occasion du festival Entre ciel et terre.

Sortileges © X-D.R

L’enfance du hip hop David Llari crée sa première pièce au Gyptis, dans un théâtre habitué à recevoir des ados. Voici un spectacle qui ne devrait pas leur déplaire ! Les danseurs de la compagnie Sun of Shade sont d’une virtuosité propre à susciter leur enthousiasme… Le beatboxer est époustouflant, il parvient non seulement à produire des sons très proches des instruments acoustiques, mais aussi à superposer les rythmiques… Quant aux danseurs, spécialistes du robot, breaker, contorsionniste ou funk style, ils sont épatants. Sans doute un peu trop cachés par des costumes occultants : on aimerait voir davantage leurs mouvements. Mais le propos est de retrouver l’enfance, d’animer des jouets, lézard, robot, pierrot, figurine. Les lumières et le décor sont efficaces, les séquences un peu longues parfois, bâties sur un crescendo, mais dans une succession linéaire un peu lassante. Mais cela reste un spectacle coloré, qui devrait trouver son rythme dans l’habituel enthousiasme du public ado! A.F. Artoy’z © Agnès Mellon

Artoy’z est créé au Gyptis du 13 au 17 oct


GTP | BADABOUM THÉÂTRE | KARWAN IX

Drôle de leçon ! Jean-François Zygel est venu éclairer la musique du grand Ludwig pour inaugurer la saison qui lui est consacrée au Grand Théâtre de Provence Son visage, ses lunettes et ses mimiques sont à coup sûr familiers. Normal, Jean-François Zygel est devenu un personnage incontournable du PAF. Sa façon singulière de présenter un compositeur de manière ludique tout en étant pertinente ne s’essouffle pas, bien au contraire. Ses leçons de musique, passées également par la case radio, trouvent un public nouveau, du mélomane au néophyte séduit par ce discours enjôleur, humoristique et désacralisé. Les plus jeunes aussi s’y retrouvent : Beethoven avec un grand B a été passé à la moulinette à coups de sarcasmes sous les doigts ou les mots du pianiste présentateur. L’auditoire comblé adhère et en redemande, pouffant de rire à l’écoute des premières mesures du «médicament des adolescents» appelé plus communément 1er mouvement de la sonate Au clair de lune. La mort et l’amour, grandes questions du romantisme, sont à

leur tour raillés, bien que la musique en soit si merveilleuse. Exemples à l’appui, le baryton Laurent Alvaro en profite pour déployer son timbre énergique et sa belle présence alors que le mandoliniste Julien Martineau exhume des curiosités compositionnelles destinées à une certaine comtesse fruit d’un béguin encore une fois malheureux ! Entouré également de l’excellent quatuor à cordes Diotima et du plus inattendu quatuor de trombone Format A4 (dont la virtuosité méphistophélique a secoué l’ouverture de Guillaume Tell du rival Rossini), le zélateur Zygel a une fois de plus réussi son pari pédago avec ce Beethov’ on the rock’s. FREDERIC ISOLETTA

Jean-Francois Zygel © Pilippe Gontier

L’Ogre qui aimait les enfants…

La Nuit de l'ogre doux © X-D.R

Le Bada fait son boum depuis le 2 septembre ! La sixième compagnie à occuper les lieux est l’Arène théâtre du Tarn et Garonne, avec La Nuit de l’ogre

doux. Souhaitant être au plus près des plus petits, le metteur en scène Éric Sanjou a écrit un texte qui joue sur les mots simples et la musique originale de Mathieu Hornain. Il s’est souvenu de ses terreurs d’enfant, seul dans sa chambre, le soir, lorsqu’il inventait des personnages et se racontait des histoires pour se donner du courage. C’est ce que fait Tipouce, qui aime le théâtre et veut jouer l’histoire du Petit Poucet avec des marionnettes. Rien ne se passera comme dans le conte de Perrault : «Monsieur la fée» va brouiller les pistes et l’ogre bleu ne veut surtout pas manger les enfants. Une autre histoire se joue alors sur fond de ciel étoilé : la fée devient méchante et emprisonne l’ogre, Tipouce et les enfants dans le donjon du château. Mais tout finit bien en chansons : Tipouce attendra sereinement la nuit suivante et sa couverture bleue se métamorphosera à

nouveau en ogre amical… Après le spectacle une dizaine d’enfants ont participé à un atelier avec dessins, costumes, personnages pour s’approprier le spectacle et en parler. Car au Badaboum voir et faire ne se conçoivent pas séparément… CHRIS BOURGUE

Prochains spectacles, des reprises du Badaboum mises en scène par Laurence Janner : La poupée Scoubidou du 14 au 24 octobre, Rumpelstiltskin du 26 octobre au 3 novembre et Lulu Poppop du 11 au 21 novembre Représentations mercredi et samedi après-midi à 14h30 / 04 91 54 40 71

Vivre sans loup dents pointues, l’apprentissage des rugissements. Tout cela, fondé sur un comique et des décalages éprouvés, fonctionne bien. Il n’en va pas de même des épisodes avec le représentant de l’ordre et la brebis Renée : le propos, plus complexe, est confus, et les changements de voix et de personnages ne facilitent pas la compréhension de l’intrigue. Puis le comique reprend ses droits pour évoquer les problèmes de digestion du mouton-loup, qui n’a vraiment pas l’estomac adéquat. La morale est sauve: nous n’avons pas besoin d’oppresseurs ! CHRIS BOURGUE

Être le loup s’est joué dans divers lieux publics et champêtres, ou dans des parcs urbains, notamment au Parc Borély le 7/10. Il sera à Port-St-Louis le 17/10 et au Parc de l’Oasis (Marseille 15e) le 21/10. www.karwan.info/-Orpheon-Theatre-Interieur

Etre le loup © Orphéon Théâtre Intérieur

La saison Régionale des Arts de la Rue et du Cirque a débutée avec la Compagnie Orphéon pour 13 représentations dans des centres culturels et autres structures appartenant au RIR (Réseau inter-régional en Rue). Françoise Trompette, metteuse en scène, a choisi un texte de théâtre Jeune Public de Bettina Wegenast et installe sur le gazon un troupeau de moutons dont le public fait partie. Au début les deux bergers (Frédéric Martinez et Georges Perpes) rassemblent le troupeau, invitant ainsi les spectateurs à se regrouper près de l’espace de jeu. Puis les 2 comédiens deviennent moutons et mangent du gazon à pleines dents, pour le plus grand plaisir des plus jeunes spectateurs. C’est alors que surgit la terrible nouvelle : le loup est mort ; suivie de son corollaire : qui va le remplacer ? Au lieu de se réjouir de la disparition d’un danger constant, un des deux moutons prétend à sa succession. S’ensuit la transformation avec la fourrure noire, le collier de


X

MUSIQUE

CITÉ DE LA MUSIQUE

Une Cité presque céleste... Au pied de la Porte d’Aix, la Cité de la Musique, inaugurée en 1995, propose des cours collectifs ouverts à tous Le but est clairement établi : il s’agit de commencer par la pratique et de jouer très vite en groupes. Principe qui stimule et permet d’heureux moments de partage et de découvertes d’esthétiques différentes, notamment à l’occasion des scènes ouvertes organisées par les enseignants. Ainsi trouvet-on non seulement les apprentissages classiques de cordes, vents, claviers, jazz, formation musicale, mais encore de chansons de variétés et du Moyen-Orient, électroacoustique, musique arabo-andalouse, accordéon diatonique, kora, cornemuse et musiques traditionnelles du monde. Reste l’embarras du choix... La Médiathèque propose aussi son fond multimédia, en accès libre.

À l’unisson et aux pupitres ! Depuis 2007 la Cité a mis en place le dispositif Orchestre à l’école avec le soutien du Conseil Général, de la Ville, de l’Inspection Académique et de partenaires privés. Créé il y a une dizaine d’années à Paris le concept s’est mis en place à Marseille dans deux établissements du secteur en zone sensible : il s’agit de motiver des élèves en les réunissant dans une classe-orchestre sur trois ans, avec trois heures de musique par semaine au lieu d’une seule. En même temps que la musique ils apprennent l’écoute, le respect, le plaisir grâce à une «pédagogie au service du groupe et non de l’individu» comme le souligne Yolaine Callier, responsable du secteur enseignement à la Cité. C’est au collège Versailles qu’a démarré le projet. En fin de 6e, 18 élèves sur l’ensemble des 7 classes étaient sélectionnés. Dès leur rentrée en 5e ils recevaient leurs instruments, bois et cuivres, prêtés par la Cité de la Musique. Cette année ils sont en 3e et 5 parmi eux ont choisi de compléter leur formation en prenant des cours de pratique collective à la Cité.

Denise Dalest, professeure de musique, communique son enthousiasme : «Quand la Cité m’a contactée j’ai accepté immédiatement. L’occasion de permettre un réel éveil musical ! Les enfants sont devenus très vite brillants en musique et on s’est rendu compte de son impact sur les caractères, et même sur les résultats scolaires. L’orchestre s’est produit plusieurs fois, suscitant toujours une grande émotion. Nous avons même été sollicités par le festival d’Aix.» Jean-Marc Pongy, professeur de saxo, intervient 2 heures par semaine et dirige l’orchestre : «Je suis resté un mois en observation dans la classe, ils manquaient d’attention et de tenue. Puis je leur ai fait jouer une seule note ensemble, ils ont donné leur 1er concert au bout de 3 mois. Le fait d’être en orchestre crée une vraie motivation chez ces enfants de milieux défavorisés. C’est une ouverture extraordinaire pour eux et leurs parents qui les soutiennent.» De son côté, l’école Corsec en est à la 2e année du projet. Agnès Capel, la directrice, nous confie : «Le milieu est très défavorisé, les enfants tous d’origine étrangère. Il a fallu choisir ceux dont les familles étaient stables sur le quartier. Mon rôle est de leur donner accès à ce qu’ils ne connaissent pas. Par exemple ils n’ont pas besoin de moi pour jouer des percussions africaines, pour les instruments à cordes c’est une autre histoire... Depuis, avec Nadine Amrani, professeur de contrebasse qui dirige l’ensemble de cordes, on remarque moins d’absentéisme, plus d’attention et de concentration, les résultats scolaires s’améliorent. Les parents aussi s’investissent et nous accompagnent pour les sorties...» On se surprend à rêver à la généralisation de ces démarches, les vertus pédagogiques de la musique faisant décidément l’unanimité…

© FX Rosanvallon

04 91 39 28 28 www.citemusique-marseille.com

CHRIS BOURGUE

Un directeur à l’écoute Éric Michel, Le directeur de la Cité en poste depuis 1996, explique la vie de sa Cité, véritable ruche… Zibeline : comment fonctionne la Cité de la Musique ? Eric Michel : Ici on est dans une ruche qui bourdonne en permanence. La Cité développe ses enseignements sur 8 sites. En tout, 6500 m2 de locaux, 67 enseignants, 2200 élèves, 10 associations (dont Télémaque et Nine Spirit) et 3 lieux de diffusion. Nous organisons 120 concerts par an dans les meilleures conditions professionnelles possibles. Quels sont vos critères de choix pour votre programmation ? La qualité ! Selon une thématique nouvelle chaque

année, autour de partenariats avec d’autres structures. Nous veillons à mettre en valeur la richesse locale et toutes les esthétiques avec une volonté d’originalité. On accorde une grande place aux musiques traditionnelles du monde et les musiques de l’exil. Quels sont les enseignements proposés et la ligne pédagogique ? Notre projet consiste à éduquer l’écoute, créer une dynamique et favoriser les pratiques collectives de tous les publics. Notre mission n’est pas de former des solistes, seulement 10% de nos élèves passent le concours d’entrée au Conservatoire et 2% devien-

dront professionnels. Justement, quelles sont vos relations avec les autres structures d’enseignement musical ? Excellentes. En fait nous sommes complémentaires: le Conservatoire National forme des interprètes et des enseignants alors que nous proposons des formations non-diplomantes. Mais très épanouissantes ! PROPOS RECUEILLIS PAR CHRIS BOURGUE


MAÎTRISE DES BOUCHES-DU-RHÔNE | LIVRES XI

Chœurs romantiques pour enfants La Maîtrise des Bouches-du-Rhône présentait le 3 oct. à l’Opéra de Marseille un programme romantique de chants à deux et trois voix, couronnement d’un CD sorti en septembre Un beau décor champêtre, vingt et un enfants en deux rangs, soprani et alti, tuniques noires et cols marins. Cela commence par six chants de Rachmaninov qui évoquent la gloire du peuple, la nature. La précision des attaques, les nuances et finales si raffinées, les regards vers le chef, dont les gestes sont d’une grande fluidité, attestent d’un travail rigoureux et régulier. Puis treize chants moraves de Dvořák parlent d’amour et de nature : le chœur est très homogène, alternance de sons liés, piqués, nuances toujours parfaites, manquant pourtant d’ironie populaire… Les enfants dirigés remarquablement par Samuel Coquard se jouent avec aisance des canons et des polyrythmies. C’est une performance de chanter en russe, en tchèque, puis en allemand même si cela manque un peu de dynamique corporelle, et que les aigus des sopranos sont souvent bas… La pianiste, Magali Frandon se fond dans cet ensemble avec l’élégance discrète des accompagnateurs, mais sait aussi avoir fougue et musicalité dans les passages solistes. La deuxième partie, avec un ensemble plus réduit de douze enfants, touche de rose pour les filles, costume sombre pour les garçons, propose le Jour de Mai de Rheinberger, compositeur et pédagogue apprécié au XIXe siècle : joies du renouveau, de la nature.

© Serge Ben-Lisa

Magnifique canon à trois voix dans la Ballade et très beaux accents tragiques dans Repos de midi. Des filles se moquent d’un vieux tilleul mais il leur répond: «vous serez toutes fanées depuis longtemps que je serai encore ici, couvert de fleurs !» Les graves des jeunes alti résonnent, et le chef nuance cela comme la palette d’un peintre. S’ensuivent trois bis réclamés par un public enthousiaste… On ne peut que saluer le travail de ces collégiens, leur implication, leur attention remarquable, leurs qualités musicales. Une maîtrise qui ne

Poum, poum, tchak ! Après la clarinette et la guitare, c’est au tour de la batterie d’être découverte par les pitchouns dans la jolie collection de Gallimard Jeunesse. Le principe pédago est éprouvé : les jeunes enfants sont sensibilisés aux sonorités de l’instrument par une histoire mise en musique. Là c’est Igor, enfant boudeur et malheureux, pas très aimé, plutôt abandonné, ni très ouvert sur les autres, n’aimant ni l’école, ni sa tante Marcelle qui le garde… Jusqu’au jour où il monte au grenier et tombe sur une… baguette magique ! Le récit (Leigh Sauerwein) est coloré par des sons de caisses, grosse ou claire, de cymbales et toms imaginés par le percussionniste et batteur Christian Lété. Le livre est illustré de planches bariolées, naïves et doucement étranges (Aurélia Fronty et Christine Destours). Vient ensuite la partie documentaire exposant les différents composants et accessoires de la batterie, ses modes de jeux, exemples

sonores à l’appui… et quelques éclaircissements historiques sur sa fonction de gardienne du tempo… Le tout est raconté, et présenté sur le ton de la confidence, par Judith Birnbaum. JACQUES FRESCHEL

Igor et la baguette magique – La batterie Editions Gallimard Jeunesse, 15 euros Dès 6 ans.

cesse de progresser, entre musicalité acquise et énergie à parfaire. Car la musique est toujours en mouvement, surtout les chœurs d’enfants par essence passagers ! YVES BERGÉ

Récré en chansons Cet album plonge les bambins dans l’ambiance ludique de la cour de récréation, «des rondes, des mimes et des tape-mains.» Quelques comptines courantes (Trois p’tits chats, Dans ma maison sous terre, Derrière chez ma tante, Un pou, une puce…), arrangées par Bernard Davois et Jean-Philippe Crespin, sont mêlées à des compositions originales, si bien qu’on ne sait plus vraiment lesquelles sont de pures inventions. Mais les titres stimulent l’imaginaire: 007, Technotoc… Repris par une équipe de jeunes chanteurs (de 6 à 11 ans), les courts textes, conçus sur le principe de la répétition, sont accompagnés par des instruments acoustiques traditionnels (piano, violon, guitare, hautbois, flûte, contrebasse, batterie saxo et… ukulélé), colorés parfois d’effets électro et synthétiques. Le livre grand format comporte autant de planches colorées (Thomas Baas) que de titres (21 chansons) à suivre en

bougeant, en mimant une gestuelle précise, aux sons d’onomatopées, de mots biscornus… ou à reprendre en play-back. Le tout est chapeauté par Anne Bustaret, psychopédagogue de la musique, spécialiste du folklore enfantin et de l’éveil sonore. JACQUES FRESCHEL

Vive la récré ! Livre + CD dès 4 ans éd Gallimard Jeunesse Musique, 19,90 euros


XII

LIVRES

Polar féministe Elle habite Limoges, part à la campagne pour les vacances d’été… Mais elle se prénomme Augustine, et l’action se déroule en 1895 ! Difficile en ce temps de montrer que l’on est intelligente et boulimique de lectures, et pas de romans à l’eau de rose ! D’autant qu’elle est élevée par une mère traditionaliste qui résume l’éducation des filles à la couture, et un père inspecteur de l’Instruction Publique qui désespère, en constatant que jamais sa fille ne pourra prétendre à des fonctions dignes de ses grandes capacités… Ne demande-t-elle pas à son père d’apprendre le latin pour les besoins de son enquête ? Car enquête il y a: accompagnée de son cousin, Augustine va percer des mystères en étudiant la toponymie (quelle est l’origine du mont Gargan ?), les luttes sauvages qui bouleversent les diverses tendances des Rose-Croix,

des enlèvements d’enfants, une lady atteinte d’un mal incurable, et… Eric Satie en personne ! Dans ce nouveau roman Nicolas Bouchard met en scène la jeunesse de l’héroïne qui dénouait déjà les fils des intrigues de sa série policière historique (Et le ciel s’embrasera, Mon ombre s’étend sur vous, Éd Flammarion). Un style léger, enjoué, clair, une intrigue bien menée: la nouvelle collection Chambres noires peut s’enorgueillir de choix d’une belle qualité. MARYVONNE COLOMBANI

Les disparus de la source Nicolas Bouchard Ed Mango, Coll. Chambres Noires, 9 euros

L’art de la yourte Le quotidien s’avère parfois sans pitié. Les familles mêmes aimantes ne trouvent plus le temps de l’essentiel, absorbées par les tâches auxquelles la vie les contraint. Est-ce ainsi que les hommes vivent interrogeait le poète, est-ce ainsi que la vie sépare ? Famille ordinaire, deux enfants, maman institutrice, papa à la tête d’une boîte en voie d’OPA, licenciements en perspective… Comment trouver l’adéquation entre les sentiments, réels, et l’autre réalité qu’une économie hautement libérale impose? Tout s’évalue-t-il à coup de fiches, de pourcentages ? Enfants et adultes se croisent, s’aiment, mais les mots pour le dire sont difficiles à prononcer. Une photo de magazine les rassemble, mais ils l’ignorent…

Ce beau roman, sensible, tout en retenue, en pudeur et en saines indignations contre un monde qui nie l’individu, s’adresse par sa collection à la jeunesse, mais donne des leçons d’humanité à la littérature «adulte». La famille Doinel (hommage discret à Truffaut ?) nous entraîne dans la quête de cet équilibre qui fait que les adultes peuvent garder leurs rêves intacts. Une belle leçon de vie à mettre entre toutes les mains. M.C.

Papa et maman sont dans un bateau Marie-Aude Murail Ed. École des loisirs, collection Médium, 11 euros

Luttes d’enfance Depuis la Guerre des boutons de Louis Pergaud, la littérature jeunesse est familière des luttes de bandes d’enfants pour le partage d’un territoire. Ces batailles échevelées qui les laissent grandir, s’affirmer, devenir adultes, avec un œil au beurre noir et des genoux écorchés, parfois des blessures plus cruelles… Mais il est plus rare que ces rixes enfantines se situent dans des contextes historiques qui leur accordent une autre dimension. Ainsi La guerre des pêches nous plonge dans l’horreur des débuts de la dictature au Chili, en 1973. Comme les adultes, les enfants sont confrontés aux choix de préserver ou de dénoncer, de plier ou de résister. Victimes aussi d’une économie qui broie les êtres, ils doivent parfois renoncer à leurs rêves de réussite, d’école.

Roberto Ampuero campe de belles figures d’enfants qui, par la force des évènements, doivent prendre des décisions d’adultes. Un beau roman qui réussit, malgré les ombres terribles de la dictature, les bassesses, les compromissions, la tentation de la lâcheté, à laisser un goût d’espoir. M.C.

La guerre des pêches Roberto Ampuero Traduit par Dominique Delord Ed. Actes Sud Junior, 9 euros


AUBAGNE | PRIX RÉGIONAL DU LIVRE XIII

Le plaisir de lire Aubagne, Ville-lecture, a rendez-vous avec les Journées du livre de jeunesse du 12 au 15 novembre. Découvrir, participer, échanger sont les maîtres mots de cette 16e édition qui œuvre «pour que le livre et la lecture deviennent indispensables dans le parcours des enfants» Les Journées du livre jeunesse sont un temps fort parmi beaucoup d’autres pour cette cité qui défend le livre et la lecture. N’a-t-elle pas mis en place le portage des livres à domicile pour les seniors, constitué un comité de lecture petite enfance et conduit des ateliers d’écriture en direction des structures petite enfance ? N’organise-t-elle pas des journées professionnelles pour «appréhender la lecture en mouvement» ? Ne participe-t-elle pas au Prix des lycéens et apprentis de la région PACA ? C’est dire si Aubagne est un lieu de rencontres privilégiées entre les auteurs et les lecteurs ! Cette année, Fred Bernard et François Roca sont les auteurs d’honneur avec une exposition et une carte blanche, histoire d’entraîner notre imaginaire dans les fabuleux voyages de leurs albums écrits et peints à quatre mains. À leurs côtés, une myriade d’auteurs et d’éditeurs seront présents pour échanger avec les familles et découvrir notamment les dernières nouveautés. Comme la littérature, ça creuse, les Journées du livre jeunesse ne laissent pas

repartir le jeune public avec le ventre vide ! Elles organisent le temps du week-end «Le chocolat littéraire», moment propice de complicité où auteurs, professeurs et spécialistes mettent à la portée des enfants qui la philo, la science, l’illustration, qui l’écriture ou le conte. Qui dit lecture, dit spectacles, et les Journées du livre jeunesse ne sont pas en reste avec Bou et les 3 zours par le Théâtre du Fauteuil (à partir de 4 ans), Moi, papa ours ? par la compagnie Coup de Balai (à partir de 4 ans), Contes d’amour autour du monde de Muriel Bloch (à partir de 8 ans) et Moby Dick par Morisse et compagnie (à partir de 8 ans). Autant de rencontres savoureuses avec les mots des autres… MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Journées du livre jeunesse 12-15 novembre Centre de congrès Agora, Aubagne 04 42 18 08 08 http://aubagnevillelecture.over-blog.com/

Lire au lycée Toujours plus nombreux et fervents les lycéens et les apprentis de la région PACA, avec leurs enseignants et les partenaires, repartent pour année de découvertes littéraires et de rencontres avec des auteurs vivants, et ravis de dialoguer avec leurs jeunes lecteurs. Cette action de la Région et de L’Agence régionale du livre s’inscrit dans le cadre des conventions en faveur de l’éducation culturelle et artistique, en partenariat avec les Académies d’Aix-Marseille et de Nice et la Direction régionale des affaires culturelles. Elle s’affine et se développe depuis 2004 et touche de plus en plus de lycéens et d’apprentis: de 14 équipes initiales on passe cette année à 32 trios, constitués chacun d’un Lycée ou d’un Centre de formation des apprentis, d’une librairie et d’une bibliothèque liés par une charte pendant 3 ans. Chaque établissement engage environ 40 adolescents appelés non seulement à lire les 12 livres de la sélection, mais aussi à participer aux deux forums organisés dans l’année permettant rencontres et échanges entre lycéens et auteurs. L’année scolaire est ponctuée de visites sur les métiers du

livre et se termine par une grande manifestation au cours de laquelle chaque établissement présente un travail créatif à partir du livre de son choix. Le tout en musique et en chansons! Avant de revenir en détail sur la sélection (dans notre prochain numéro!) Zibeline remarque avec plaisir cette année la place accordée aux écrivaines : 4 romans et 1 BD sur les 12 ouvrages sont écrits par des femmes. Plus qu’un tout petit effort pour la parité! CHRIS BOURGUE

www.livre-paca.org

Moi papa ours © X-D.R


XIV

ARTS PLASTIQUES

PRÉAU DES ACCOULES | MAV

Arlequin coquin

Espaces de ville

Fidèle à sa mission de sensibilisation des enfants à l’art par le jeu, le Préau des Accoules fait écho à la nouvelle exposition du musée Cantini, De la scène au tableau, en brossant le portrait du fameux Arlequin. Qui mieux que ce personnage légendaire pouvait ouvrir le monde du théâtre aux enfants ? Farceur, pitre, menteur et malin, Arlequin comédien cache derrière son masque bien des secrets et des facettes… Le Préau des Accoules les dévoile au jeune public à grand renfort d’activités pédagogiques (découverte de la scène et ses décors, du costume, des masques, ateliers de gestuelle et d’improvisation), de panneaux illustrés et de jeux conçus et fabriqués spécialement, preuves d’une belle inventivité. Le parcours est ponctué de haltes thématiques -l’habit fait l’Arlequin, les enfants d’Arlequin ou encore Arlequin sous le masque- qui favorisent la découverte et la réflexion et permettent à l’équipe de partager des moments ludiques avec les enfants. Avec, cerise sur le gâteau, de véritables trésors dénichés dans les collections des musées de Marseille que le Préau des Accoules met à portée de leur regard : gravures et dessins du XVIIIe s. provenant du musée Grobet-Labadié, masque comique du IIe s. av. J.C. du Musée d’archéologie méditerranéenne, images publicitaires du XIVe s. du

Avec Sous la lune II, la Maison de l’architecture et de la ville de Marseille accueille pour la première fois une exposition interactive destinée aux familles et au jeune public

Musée d’histoire de Marseille… Une occasion unique, selon la directrice Laurence Rossellini, d’offrir aux enfants un premier contact privilégié avec des œuvres originales. Pour certains d’entre eux, ce sera également l’occasion de toucher du doigt le théâtre car le spectacle vivant fait son entrée en scène au Préau des Accoules grâce à de nombreuses collaborations. Avec son proche voisin le théâtre de Lenche pour des visites couplées avec l’exposition, avec la compagnie Tiramisu qui fait découvrir le jeu masqué aux minots, l’équipe du théâtre Massalia qui ponctue l’exposition de lectures et l’Institut culturel italien qui propose des ateliers de théâtre en langue française et italienne. Sûrs qu’après cette exploration du monde d’Arlequin, les enfants rêveront tous d’être un jour comédien ! MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Arlequin, comédien et coquin enfants de 4 à 10 ans jusqu’au 29 mai ouverture tout public mercredi et samedi de 13h30 à 17h30 avec animations gratuites sur inscription (samedi 14h et 16h, mercredi 16h, vacances scolaires lundi, mardi, jeudi, vendredi 14h) Le Préau des Accoules 04 91 91 52 06

Combinaison, années 50, Maison Henri Ours, Musée de la Mode de Marseille © François Moura

L’œuvre-jeu du sculpteur Miquel Navarro, commande du Centre Pompidou à Paris, réussit le tour de force d’être ludique, pédagogique et poétique ! La MAV prête volontiers sa verrière à cette installation de 50 m2 qui s’expose dans le monde depuis…. 1994. Avec un succès qui ne se dément pas : une manière de parler autrement de l’architecture, et d’élargir son public en proposant une exposition à manipuler… Déployée au sol, l’œuvre rassemble plus de 1000 pièces mobiles qui, au fil des manipulations, composent une ville imaginaire vue d’en haut, une «ville idéale» née de la combinaison de cubes, colonnes, tours et pyramides. Quant aux règles du jeu, elles sont faciles puisqu’elles peuvent être réinventées à tout moment ! «D’un point de vue pédagogique, souligne la MAV, cette présentation de la ville permet au public d’avoir un nouveau point de vue sur elle, non plus de l’intérieur mais d’en haut». Sans compter que chacun peut suivre ses propres pistes, entre réalité et imaginaire, et appréhender l’espace urbain à son échelle. Que l’on vive en bord de mer, en milieu rural ou dans une mégalopole, on se réapproprie les éléments «comme des mots que l’on peut combiner avec les mains» pour aménager son territoire, inventer des monuments, dessiner un plan. Bref, rêver sa ville de demain… Zibeline : Comment expliquez vous que cette exposition rencontre un tel succès depuis 15 ans ? Boris Tissot, commissaire de l’exposition : Cela tient à la qualité du travail du sculpteur et au plateau qui permet une meilleure approche de l’espace dans lequel nous vivons. Le fait de présenter l’exposition sous la verrière de la Maison de l’architecture et de la ville est particulièrement propice : les jeunes y seront invités à jouer et à créer leur ville. Ils vont la découvrir ou la redécouvrir, et ils auront beaucoup d’histoires communes à partager.

© Centre Georges Pompidou

Dans chaque ville, le public dispose d’outils identiques et pourtant l’espace qu’ils reconstruisent n’est jamais le même. Pourquoi ? C’est la parole des jeunes qui sert de liant et révèle le palimpseste de la ville dans laquelle le jeu se déroule. Ce sont eux qui nourrissent cette ville imaginaire, dans l’interstice entre chacune des sculptures. Et de ce lien naît un nouvel espace urbain, grâce aux relations entre la main, les histoires et les jeunes qui se l’approprient. Parfois, on pose une caméra dans les ateliers pour pouvoir capter ces «interstices» et l’on constate d’innombrables variations d’un atelier à l’autre. Sept sculptures verticales sont fixées au sol, comme sept repères immuables… Avec Miquel Navarro, on a souhaité poser des repères et, pour des questions de sécurité, les fixer au sol. Bien qu’elles soient en aluminium poli de couleur grise, les jeunes inventent au milieu d’elles des jardins. Dans toutes les villes du monde, l’exposition devient toujours un lieu de création, un lieu de vie. PROPOS RECUEILLIS PAR MARIE GODFRINGUIDICELLI

Sous la Lune II Miquel Navarro Maison de l’Architecture et de la Ville Jusqu’au 6 nov Visite/atelier d’1h30 environ sur inscription Entrée libre à l’exposition 04 96 12 24 10


THÉÂTRE ANTIQUE D’ORANGE

PATRIMOINE

XV

Homo spectator ! Depuis mai, le théâtre antique d’Orange est peuplé de Fantômes, et s’anime d’étranges fêtes où l’on entend le cliquetis des armes… De merveilleux prétextes pour faire découvrir la culture antique en action ! Le monument draine des milliers de visiteurs chaque année. La beauté exceptionnelle du site, son caractère unique (n’est-ce pas le théâtre romain le mieux conservé de l’Empire ?), constituent d’indéniables atouts. Mais le public est exigeant, les pierres seules ne suffisent pas à calmer son appétit, il faut aussi les faire vivre pour déplacer les familiales foules…

20 siècles de fantômes Grimpez au sommet de la cavea, quelle vue sur l’ensemble de cette belle architecture ! Glissez-vous dans la galerie couverte qui surplombe l’édifice, là où les pullati, les marginaux de la société, étaient placés pour assister aux représentations (pour eux, il fallait voir sans être vus !). Dans les alvéoles, sortes de grottes creusées à intervalles réguliers, les fantômes du passé vous attendent, ceux de l’Aurusio du IIIe siècle, deux jeunes gens qui se disputent les faveurs d’une belle («pulchra puella !»). Leurs hologrammes naissent d’entre les pierres. Puis, les anciennes gloires du renouveau du théâtre, à la Belle Epoque, avec Sarah Bernard, laissent la place aux années pop rock (19751981) : ce sont Franck Zappa, Téléphone, Dire Straits… La dernière grotte déroule le fil magique des chorégies, l’hologramme de Roberto Alagna nous guide, «les artistes sont là pour l’éternité», Nathalie Dessay, Béatrice Uria-Manzon et tant d’autres… En quatre étapes nous sommes prêts à renouer avec les premières foules qui ont hanté les lieux… jusqu’à devenir comme eux «homo spectator».

Enfance du jeu La fête romaine commence. Le char s’élance sur la piste, le cheval bouscule un peu l’escalier de bois qui mène à la scène… Entre les combats de gladiateurs et les démonstrations de char -réservées aux enfants qui hésitent parfois- on pouvait, les 12 et 13 septembre, visiter les ateliers du campement romain. Passionnant ! Les intervenants parlaient avec flamme

de leurs stands. On vous initie à l’écriture, à partir de modèles des divers alphabets antiques, maniement du calame et du stylet assurés ; on vous fait composer de petits tableaux à partir de tesselles colorées, pour les mosaïstes d’un jour. Ne croyez pas que seuls les enfants soient intéressés par l’exposition d’armes romaines, soldats et gladiateurs, les livres aussi, les mallettes contenant des sets d’écriture, les tablettes de cire et les papyrus !… Que dire enfin du stand animé par la VIIIe Légion ? Jeux d’enfants, hochets dont le tintement était censé éloigner les mauvais esprits, chariots à roulettes, osselets, dés, poupons de chiffon égyptien, ancêtre de la poupée Barbie articulée en bois (les étapes de croissance des filles n’ont guère changé depuis 2000 ans). Clin d’œil aux écoliers, une statuette à tête de singe représente le maître qui les martyrise avec sa longue férule et de trop longs devoirs. Mais place au spectacle.

© Jean-Louis Zimmerman

Il s’agissait pour le public de chasser les démons de la mort. Brice Lopez insiste sur l’origine funéraire des jeux comme du théâtre. Représentation d’une courte pièce, avec le vieillard riche, la jeune fille, la vieille femme folâtre, l’idiot avec ses cheveux rouges et ses yeux bleus pour montrer qu’il n’est pas Romain ! … La musique -re-

constituée par un groupe italien sur des reproductions d’instruments d’époque- donnait aux acteurs des indications sur le jeu, la progression de l’action. Les siècles un instant s’effacent : de quoi toucher du doigt la paradoxale épaisseur du temps… MARYVONNE COLOMBANI

La Fête romaine a été donnée les 12 et 13 sept dans le Théâtre antique d’Orange www.otorange.fr

Gladiateurs Brice Lopez, directeur de l’ACTA, convie les spectateurs à une démonstration de gladiature, insistant sur la dimension cathartique du combat spectacle. Puis il présente les différents types de gladiateurs, ce qu’ils symbolisent, insiste : il n’y a pas de combat sans entraînement ! Le sable de l’arène crisse, les combats se succèdent, on se prend au jeu, lutte technique, rapide, précise, du grand art. Mais des marques rouges strient les dos qui luisent de sueur. Intermitte! Pause ! L’école de gladiature s’ouvre aux enfants qui s’en donnent à cœur joie, avec une discipline toute romaine.

Théâtre Le char romain a cessé ses tours, les spectateurs rejoignent leurs places, représentation théâtrale oblige ! Non, pas de Plaute ni de Térence, mais un exemple du théâtre du haut empire. Depuis plusieurs siècles il n’y avait plus de textes de théâtre, mais des représentations grossières, violentes.

© ACTA

Si l’animation multimédia Les Fantômes du Théâtre est permanente (jusqu’en 2011), il n’en va pas de même pour la Fête romaine. En mai cependant le théâtre accueille une fête destinée aux enfants (entrée gratuite jusqu’à 17 ans). Tout au long de l’année un parcours est destiné aux 5-12 ans (distribution d’un livre d’enquête qui leur permet de partir à la recherche d’indices) et des tarifs familiaux sont pratiqués. www.theatre-antique.com Vous pourrez retrouver l’association ACTA et son école de gladiateurs dès mars 2010, à Beaucaire (voir Zib 21). 04 66 20 27 76 www.parc-beaucaire.fr



FFM | CINÉPAGE

CINÉMA

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Au pays du père Noël

Amour libre (Käpy selän alla) de Mikko Niskanen

La Finlande s’associe dans notre imaginaire aux grands espaces glacés, aux rennes du père Noël, aux lacs cernés de forêts, au silence, au sauna et à la valse triste de Sibelius. Un pays sauvage et froid, aux confins de l’Europe, longtemps sous la coupe du «grand frère» soviétique et que les films d’Aki Kaurismaki, urbains mais décalés, n’ont pas rendu moins énigmatique.

Du 22 au 29 septembre, en une trentaine de films, fictions, documentaires et vidéos, l’association Cinépage nous a fait «rencontrer» le cinéma finlandais «avec ses fi(n)nitudes et ses (in)finitudes», et entendre une langue qui s’est imposée difficilement avec l’unité nationale. La sélection nous a permis de découvrir des chefs-d’œuvre du patrimoine

cinématographique, méconnus du public français et des jeunes finlandais : Teuve Tulio dans Le chant de la fleur écarlate en 1938, Valentin Vaala dans Des êtres humains dans une nuit d’été en 1948, Matti Kassila dans La semaine bleue en 1954 et Mikko Niskanen dans Amour libre en 1966, utilisent l’histoire et la géographie de leur pays pour raconter amour et désir dans les nuits blanches de l’été nordique. De ces projections restera sur notre rétine le sourire des deux jeunes actrices d’Amour libre qu’on croirait sorties d’un film de Godard, ou la ligne d’horizon hérissée de touffes d’herbes rebelles entre les déserts du ciel et de la terre arctiques des Sept chants de la toundra d’Anastasia Lapsui et Markku Lehmuskallo, ces sept histoires d’exil, d’arrachements, de perte d’identité pour le peuple nomade des Nenets russifié au cours des années trente. S’imposeront aussi, peut-être, quelques images du film d’ouverture, Obéir d’Aku Louhimies comme le gros plan de la nuque du juge «blanc», esthète qui écoute Satie entre deux exécutions de «rouges» pendant la guerre civile de

1918 ou les jeux de miroirs et les glissements, de la fiction filmée au réel archivé. Mais surtout nous reviendront encore en mémoire les plans et les cadrages d’Aki Kaurismäki; les rouges, les bleus, les bruns, l’ovale du visage clair de Katie Outinen, fille aux allumettes présente-absente ; le noir et blanc du polar tragicomique d’Hamlet goes business au pays où l’alternative demeure entre avoir et ne pas être, et toujours ce parti pris de la lumière pour l’ombre, noirceur des faubourgs où, dans le dernier volet de la trilogie prolétarienne, Koistinen, vigile dans un magasin, sans cesse entre deux portes, perd définitivement le code et les clés de sa vie. ELISE PADOVANI

Racontez-nous des histoires...

Nisreen Faour © A.G

Grâce à l’énergie et à la passion communicatives de ses organisatrices, arborant sur elles, cette année, non sans panache, le noir et le jaune de l’affiche de la manifestation, Films Femmes Méditerranée connaît un succès grandissant et mérité. Jeanne Baumberger et ses complices nous régalent d’avant-premières, d’inédits, d’œuvres peu et mal distribuées, mettant en avant le travail des femmes dans le cinéma, de la mer Noire à la Grande Bleue. Ainsi, ce mercredi 30 septembre, la salle où on projetait Des enfants dans les arbres de Bania Medjbar était comble, et il a fallu doubler la séance pour permettre à ceux qui n’avaient pas pu entrer de voir ce film tout juste sorti du labo, en présence de la réalisatrice, de son producteur et de ses acteurs. Un conte sans fée sur fond réaliste et social, où on suit du nord au sud, dans un Marseille que ne renieraient ni Carpita ni Allio ni Guediguian, le périple de deux enfants déterminés à parler à leur père emprisonné aux Baumettes autrement que par l’intermédiaire de Radio Galère. La sélection 2009 a misé sur des histoires fortes. Retenons Les contes de l’âge d’or, film roumain à sketches, projet de Cristian Mungiu, dans la lignée de la comédie italienne des années 70, grinçants et drôles car «on riait beaucoup sous le communisme» confie la réalisatrice d’un des cinq contes, Ioana Uricaru, distançant ainsi l’absurdité du régime ubuesque de Ceauscescu, et oubliant un temps la

menace de la Volga noire qui s’arrêtait parfois devant vous. Retenons encore le beau sujet du mélodrame Les mariées de Pandélis Voulgaris produit par Scorsese. Et l’odyssée sans Ulysse des trois Pénélopes de Chaque jour est une fête, qui parcourent un Liban hanté par la guerre et ses cauchemars, recréé par Dima El-Horr dans des plans dépouillés, hypnotiques. Nouveauté de l’édition 2009, programmée par notre collaboratrice Annie Gava : la compétition ludique entre treize courts métrages. Ils nous ont raconté des histoires de famille et de filiation (Kali Kronia Mama d’Irina Boïko, Volver de Rachel Baloste), de désir et d’entraves (Bon vent de M.S Ahmadi, Corps et voiles de Valérie Malek, L’Abaya d’Ingrid Franchi ), de guerre et de mort (Six minutes et demie à Tel-Aviv de Mirey Brantz, Milan de la serbe Michaela Kezele, qui a obtenu le prix du public). Et fait découvrir le film d‘Emilie Carpentier Les ombres qui me traversent où chaque image suggère plus qu’elle ne dit, dans la confusion d’une fête estivale, en Roumanie, toute la violence des pulsions et de l’initiation au monde des adultes. FFM s’affirme année après année comme un rendezvous à ne pas manquer. Preuve que le Film méditerranéen rime bien, aussi, avec Femmes… ELISE PADOVANI


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CINÉMA

RENDEZ-VOUS D’ANNIE

Les rendez-vous d’Annie Du 19 au 24 oct, à La Seyne-sur-mer, La Compagnie des Embruns et les Ateliers de l’image proposent Cineberthe, une semaine de projections et de rencontres pour fêter 10 ans de films avec les habitants de la Cité Berthe. 14 films réalisés avec des jeunes accompagnés par Natacha Cyrulnik entre 1999 et 2009. 6 soirées thématiques avec Sabine Putorti, directrice de l’Institut de l’Image à Aixen-Provence, Jean-Michel Perez cinéaste, Philippe Faucon cinéaste, Jérôme Mazas architecte-paysagiste, Catherine Poitevin monteuse, Philippe Meirieu professeur à l’Université Lyon II, et Jean-Pierre Daniel.

Du 21 octobre au 3 novembre, l’Institut de l’image à Aix propose une Rétrospective Joseph Losey. Du Garçon aux cheveux verts, réalisé en 1948 à Don Giovanni (1979) en passant par Eva (1962) ou The Servant, un an plus tard, vous pourrez (re)voir huit films parmi la quarantaine qu’il a réalisés entre 1939 et 1984.

La Compagnie des Embruns Les Ateliers de l’image 06 82 134 724 www.lacompagniedesembruns.com

Institut de l’image 04 42 26 81 82 www.institut-image.org Eva de Joseph Losey

À partir du 31 oct, dans le cadre de la manifestation Sous le signe d’Averroès, sont projetés plusieurs films liés à la thématique La Méditerranée, figures du tragique, suivis de rencontres et de débats. À Vitrolles, La ville est tranquille de Guédiguian À Apt le 6 nov, Gare centrale de Youssef Chahine au Festival des Cinémas d’Afrique du Pays d’Apt À La Garde, le 8 nov, Mamma Roma de Pasolini À Marseille, à la Friche, le 10 nov, soirée

Pasolini avec Carnet de notes pour une Orestie africaine et Et maintenant la 4e partie de la trilogie commence, un documentaire de Barbara BouleyFranchitti. Au cinéma Le Meliès à Port-de-Bouc le 20 nov, Œdipe roi de Pasolini Au Club de supporters les Winners le 18 nov, Jamais le dimanche de Jules Dassin Espace Culture 04 96 11 04 76 www.rencontresaverroes.net

Jamais le dimanche de Jules Dassin

Dans le cadre Cinémas d’Algérie (voir p 11), AFLAM propose le 5 nov, à 16 h, à l’Alcazar, la projection du documentaire de Dominique Rabourdin, Vivre et écrire en Algérie. Et à 20h30, à la Cité de la Musique, un ciné concert: des courts métrages algériens précéderont le concert de Mouloud Adel et du groupe Parfum d’al Andalus. Puis le 8 nov, au Gyptis, projection d’Inland de Tariq Teguia. Cinémas d’Algérie Aflam Du 5 nov au 6 déc 04 91 47 73 94 www.aflam.fr

Le 27 Octobre, à 20 heures, au cinéma Variétés, le Collectif ASSO DOM PACA propose Aliker de Guy Deslauriers en présence du réalisateur et de Stomy Bugsy. Ce film relate l’affaire du journaliste André Aliker, retrouvé assassiné, et la naissance, dans les années 30 en Martinique d’une presse indépendante et libre, soucieuse de justice et d’égalité.

Le 23 octobre, à 20 heures, au cinéma Variétés, est projeté le documentaire de Simone Bitton, Rachel, en présence de la réalisatrice. La séance sera animée par les Rencontres Films-Femmes et Méditerranée. Le film enquête sur la mort de Rachel Corrie, jeune pacifiste américaine, écrasée par un bulldozer israélien en mars 2003 alors qu’elle tentait d’empêcher la destruction de maisons palestiniennes.

Le 24 oct à 14h, à L’Alcazar, l’association Cinépage propose une conférence sur la violence des images au cinéma, animée par la critique de cinéma et philosophe, Hélène Frappat. Cinépage 04 9185 07 17

Rachel de Simone Bitton

Du 27 oct au 7 nov, l’association Apatapelà a invité le Festival Internacional de Video y Cine Indigena de CLACPI -Amérique latine- et le Festival Présence Autochtone de l’association Terres en vue -Montréal- pour Abya Yala, la première édition des Rencontres du Cinéma Amérin-dien. Abya Yala c’est le nom donné par les nations indigènes à l’Amérique, de l’Alaska à la Terre de Feu, un symbole de la reconquête d’un territoire, de la mémoire et des identités. Ce sont une vingtaine de films, documentaires, fictions, courts métrages qui seront présentés de Briançon à Marseille, en passant par Forcalquier, Gardanne, Martigues, Aix, Avignon et la Ciotat. Sans oublier une table ronde, le 6 nov, à l’ Equitable Café - Marseille avec la participation de Jeannette Paillàn, Kevin Papatie, Manuel Rosenthal, Carlos Perez, Felix Atencio-Gonzalez, Fabien Le Bonniec, ainsi que les structures locales, les Instants Vidéo, Shellac, Film Flamme, 360° et même plus, Aspas et le FidMarseille. Apatapelà 04 91 90 89 21 www.apatapela.org

Pour ses 30 ans, le cinéma Renoir à Martigues propose, en partenariat avec plusieurs structures, un cycle intitulé La Ruralité dans tous ses états. Cinq documentaires en présence de leurs réalisateurs : le 6 nov, Hinterland de Marie Voigner ; le 12 nov, Dernière Saison de Raphaël Mathié ; le 18 nov, La Terre de la Folie de Luc Moullet (à suivre…). Cinéma Jean Renoir 04 42 44 32 21 cinemajeanrenoir.blogspot.com


GARDANNE | APT

CINÉMA

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Oh ! l’automne, l’automne à Gardanne…. Le Festival Cinématographique d’Automne de Gardanne est un rendez-vous incontournable pour les cinéphiles… … et les autres ! tous ceux qui aiment découvrir des films venus de tous les coins du monde. C’est du 23 octobre au 3 novembre que se tiendra la 21e édition, au cinéma 3 Casino. Vous pourrez voir 80 films, venus de plus de 30 pays, longs et courts métrages et rencontrer plusieurs réalisateurs invités. En ouverture, le 23 octobre, la Palme d’or, Le Ruban blanc de Michael Hanecke. Et c’est le film de Kamen Kalev, Eastern plays qui clôturera la manifestation le 3 novembre. Le réalisateur bulgare met en scène deux frères qui ont perdu le contact depuis plusieurs années: le cadet a rejoins un groupe néo-nazi ; l’aîné se retrouve être le témoin d’une famille turque victime d’une rafle raciste. Esemble, les deux frères pourront réfléchir à ce qu’ils attendent vraiment de la vie... Entre ces deux films, le superbe long métrage de l’Argentin Carlos Sorin,

La fenêtre ; le réjouissant Humpday de Lynn Shelton ; Tu n’aimeras point de Haim Tabakman ; Rien de personnel de Mathias Gokalp qui sera présent, et bien d’autres… Des avant-premières aussi, comme le premier film du réalisateur chilien Alejandro F. Almendras, Huacho, qui met en scène le quotidien d’une famille paysanne par une chaude journée de fin d’été, ou le prix du scénario à Cannes, Nuits d’ivresse printanière de Lou Ye, ce cinéaste qui avait été interdit de réalisation pendant 5 ans pour avoir évoqué la répression sur la place Tienanmen dans son film précédent, Une jeunesse chinoise. Comme chaque année, deux gros plans: l’un sur la comédie italienne avec des films de Dino Risi, d’Ettore Scola… et l’autre sur le cinéma anglais avec Of time and the city de Terence Davies, Boy A de John Crowley, Fish tank d’Andrea Arnold, et Somers town de

Nuits d'ivresse printanière de Lou Ye

Shane Meadow. La soirée Bollywood et la compétition courts métrages seront aussi au programme de ce Festival d’automne qui promet, comme toujours, de belles surprises.

Festival Cinématographique d’Automne de Gardanne Cinéma 3 Casino 04 42 51 44 93 www.cinema-gardanne.fr

ANNIE GAVA

Apt, c’est reparti ! La 7e édition du Festival des Cinémas d’Afrique du Pays d’Apt aura lieu du 6 au 11 novembre. 15 longs métrages, 7 courts, la plupart inédits en salles, de huit pays différents, dont l’Afrique du Sud, l’Algérie, le Cameroun, le Maroc, la Tunisie, seront présentés, chacun à deux reprises, le public étant de plus en plus nombreux. Car les réalisateurs sont présents pour échanger avec les spectateurs, en particulier Jean-Marie Téno, Jihan El Tahri, Osvalde Lewat, Brahim Fritah, Nadia El Fani qui participeront à un débat sur le documentaire dans les cinémas d’Afrique, animé par le critique, Olivier Barlet. Et Tariq Teguia, jeune cinéaste algérien, donnera une «leçon de cinéma». Un hommage à Youssef Chahine, entamé l’an dernier, se poursuivra avec la projection de Gare Centrale, en partenariat avec Les Rencontres d’Averroès. Un autre sera rendu au Malien Adama Drabo avec

la projection de la comédie Taafé Fanga où l’illustre griot Sidiki Diabaté nous invite, sur la falaise de Bandiagara, dans le passé du peuple dogon… Le festival sera aussi une vitrine des films primés aux Rencontres de Carthage et au Fespaco de Ouagadougou, dont Teza de Haïlé Gerima qui a eu les deux grands prix, et, en avant-première, des films qui viennent juste d’être présentés aux Festivals de Locarno et de Venise. Les femmes cinéastes ne seront pas oubliées puisque cinq présenteront un film : la réalisatrice de Satin rouge, Raja Amari, son nouveau film Les Secrets ; la réalisatrice franco-égyptienne Jihan El-Tahri, Behind the Rainbow ; Dyana Gaye, Un Transport en commun, comédie musicale à la manière Jacques Demy et Nadia El Fani, son dernier film. Les établissements scolaires vivront encore une fois au rythme du festival : films, échanges avec les Les secrets de Raja Amari

cinéastes. Le jury lycéen sera présidé par Osvalde Lewat, réalisatrice camerounaise, dont sera projeté le documentaire, Une affaire de nègres. Entre deux films, vous pourrez découvrir l’exposition photo d’Abdoulaye Sima, Une Afrique questionnée, tout en buvant un thé à la galerie Zoomy, qui se prononce zou maï ! Et oui ! Apt, c’est reparti !!!! ANNIE GAVA

Festival des Cinémas d’Afrique du Pays d’Apt 08 72 57 49 35 www.africapt-festival.fr

Les secrets de Raja Amari


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CINÉMA

CINEHORIZONTES | INSTANTS VIDÉOS | TOULON

L’amour et la fête Du 6 au 14 novembre au cinéma Le Prado à Marseille, se tiendra la huitième édition du Festival Cinehorizontes En ouverture, le 6 nov, un film de la section «Aimer autrement», présenté en partenariat avec le festival Reflets. Fuera de carta de Nacho G. Velilla : Maxi, propriétaire d’un grand restaurant à Madrid, est un cuisinier connu qui vit son homosexualité sans complexe. Un jour, sa vie va changer… Sept films seront en compétition pour le Grand Prix, attribué par un jury présidé par l’actrice Laura del Sol, parmi lesquels Ander de Roberto Castón, en présence du réalisateur : une histoire d’amour entre un paysan basque et un immigré péruvien, également dans le cycle «Aimer autrement». José Luis Cuerda présentera son film Los Giraloses ciegos, Goya 2009 du meilleur scénario, et dans le nouveau film de Lucia Puenzo, El Niño pez, on retrouvera Inés Efron, l’actrice révélée dans XXY. Dans Retorno a Hansala de Chus Gutiérrez, Pyramide d’Or au Festival du Caire, certains villageois marocains, qui ont perdu leurs enfants candidats à l’immigration, ont accepté de jouer leur propre rôle. La Buena Nova d’Helena Taberna est une histoire de guerre et de religion, mais aussi une histoire d’amour. Ce film sera présenté également le 11 nov au Cinéma Lumière à La Ciotat et le 12 au cinéma Le Pagnol à Aubagne.

Réjouissances ! Invité d’honneur, le séduisant Sergi Lopez avec deux films : El Cielo Abierto de Miguel Albaladejo et, en avant- première, C’est ici que je vis de Marc Recha. Les courts métrages ne sont pas oubliés avec huit films de l’École de Cinéma et de l’Audiovisuel de la Communauté de Madrid le 10/11, projection suivie d’une fête cubaine à l’Espace Julien avec Pupy y los que son son, groupe cubain de 14 musiciens, tout frais débarqué de la Havane… Et en clôture, le 14 nov, Amateurs de Gabriel Velázquez : le voyage d’une jeune fille d’origine espagnole, qui part en Espagne à la recherche de son père. Une semaine festive pour tous les amateurs de cinéma, et de culture hispanique ! ANNIE GAVA

Cinehorizontes Horizontes del Sur 04 91 08 53 78 www.horizontesdelsur.fr/ El nino pez © Lucia Puenzo

Par delà les horizons

Carnet de notes pour une Orestie Africaine de Pier Paolo Pasolini

Les 22e Instants Vidéo balaient les horizons vidéo-électroniques et poétiques. Une constellation internationale d’installations, projections, rencontres et performances. Le choix sera rude !

L’hybridation des médiums est désormais signe de notre époque ; le numérique appliqué aux images, aux sons, au corps, à la communication globalisée provoque des figures nouvelles, incite à l’interactivité des technologies entre elles, du spectateur avec l’œuvre bien souvent. Comment les créateurs dans chaque pays s’accommodent-ils de ces possibilités ? Quelles nouvelles propositions sont avancées ? Quelles formes nouvelles sont inventées ? Les Instants Vidéo 2009 repoussent encore une fois les limites, ou tentent le rapprochement d’horizons amis. Plusieurs manifestations sont programmées en Pologne, Egypte, Palestine (avec un 1er Festival d’art vidéo et Performances) et en Syrie, un bon nombre à Nice, Aix, Martigues et Port-de-Bouc, et toujours en port d’attache Marseille, la Friche avec une dizaine de lieux partenaires. Pour Pierre Mercier «il n’y a pas de combat de seconde zone». On attaque le 10 novembre avec l’inauguration des Rencontres Poétroniques et les 16e Rencontres d’Averroès (voir p 5) autour de L’Orestie et Pasolini, entre autres. Le programme est passionnant. CLAUDE LORIN

Chaque édition des Instants Vidéo et Poétiques permet de vérifier et remettre en jeu cette remarque de Bill Viola : «La technologie constitue une des clefs… de toute activité artistique. C’est à la fois un moyen et un obstacle à l’expression de nos idées. Cette tension est tout à fait vitale pour toute œuvre d’art.»

Avez-vous vu l’horizon récemment ? 22e édition des Instants Vidéo du 10 nov au 19 décembre Marseille et autres lieux www.instantsvideo.com

Des femmes L’association Les Chantiers du cinéma programme son 8e Festival Portraits de femme, qui décline cette année le thème D’une rive à l’autre : des longs et courts métrages (ne pas rater la nuit du court, à La Seyne, le 11 déc) issus d’une dizaine de pays, projetés à Toulon (à l’Espace Comedia, au cinéma Le Royal), à la Seyne (au Centre social Berthe, au Théâtre Guillaume Apollinaire), à Six-Fours (au cinéma Alphonse Daudet), et à Châteauvallon où aura lieu notamment la soirée d’ouverture (le 16 nov à 20h30) : Le Secret de Lily Owens de Gina PrinceBythewood, état des lieux d’une certaine Amérique haineuse et raciste dans les années 60. La programmation permet de (re)voir des films de grandes réalisatrices, récents pour la plupart : celui de la turque Yesim Ustaoglu, En attendant les nuages, qui revient sur le génocide Turc perpétré contre la population Grecque Orthodoxe au début du XXe s., Jaffa de l’israélienne Keren Yedaya, le tout récent Cendres et sang de Fanny Ardant ou encore le très justement primé (Grand Prix du jury, meilleur film étranger et meilleure actrice pour Catalina Saavedra au Festival Sundance 2009) La Nana du chilien Sebastian Silva… Sans oublier Almodovar

En attendant les nuages de Yesim Ustaoglu

et ses Etreintes brisées, Lilienfeld et sa Journée de la jupe, Coppola et son Tetro, ou Guédiguian avec L’Armée du crime… DO.M.

8e Festival Portraits de femme du 16 nov au 12 déc Ollioules, Toulon, La Seyne, Six-Fours Les Chantiers du cinéma 04 94 09 05 31


CONCERTS

MUSIQUE

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Cherche T3 pour concert de rock Première édition réussie pour En Aparté du 18 au 20 septembre, qui délocalise création contemporaine et musiques actuelles en appartement ! Il fallait oser, ça aurait pu se passer chez vous ou chez votre voisin, à condition tout de même de posséder un salon aux beaux volumes. On ne se déplace plus pour aller au concert, il vient à vous ! Voilà un concept singulier et prometteur. Durant deux soirées, trois particuliers accueillent deux concerts au sein de leur appartement en plein Marseille, de Longchamp à la Joliette, en passant par Bougainville ou Vauban. Initiative de La Compagnie à Table, l’évènement prend de l’ampleur, le bouche à oreille fonctionne.

portent certainement au-delà de ce salon ! Vient le tour de Sammy Decoster, personnage dont on entendra certainement reparler. La rythmique sauvage, guitare et contrebasse en adéquation avec son allure tiendra sans sourciller en haleine un auditoire pantois tout heureux d’être là où il faut au bon moment ! Irina Popovska, Hervé André, Oh ! Tiger Mountain et L’endroit de l’objet ont été les autres acteurs de ce festival prometteur qui s’est terminé par un apéro-concert-picnic sur la plage. FREDERIC ISOLETTA

© Pirlouiiiit - Live in Marseille

Réservation obligatoire mais moment ô combien agréable qui permet d’écouter les riffs déjantés sur les mots slamés et jetés en pâture au

public… assis où il peut pour les derniers arrivés, sur le parquet ou près de la cheminée. Peu importe, les paroles de Fred Nevchehirlian

Marsatac 11 : mission accomplie Du 24 au 26 septembre les Docks des Sud ont été véritablement envahis pour la 11e édition de Marsatac

Rachid Taha © Agnès Mellon

Toujours plus haut, toujours plus fort, le festival qui avait pris ses marques sur l’esplanade du J4 s’est posé sur une nouvelle base avec succès : les Docks. Téléportation réussie pour 24500 adeptes ! Mutation oblige, la nouvelle aérogare, camp de base de l’indéboulonnable Fiesta, s’est métamorphosée à coups d’images géantes : deux scènes

plus une dédiée aux jeunes talents, un espace «labo» ouvert aux radios Nova et Grenouille, des espaces vivants festifs intérieurs et extérieurs, de quoi se rafraichir et se nourrir… et l’essentiel : de la bonne musique avec son lot de surprises. Tout a commencé avec le passage remarqué de l’agité Rachid Taha qui pour l’occasion n’avait pas bu que du thé à la menthe… Campé de son antinomique compère ex guitariste des Clash Mick Jones, l’échevelé inondait la foule d’une logorrhée militante entre deux titres endiablés engendrant un cocktail détonnant, reprenant les tubes interplanétaires Rock the (el) casbah et Should I stay or should I go (avec pour ce dernier LA voix gravée à jamais sur le sillon). Puis vint la rencontre du troisième type : le rappeur Oreslan apparaissait sur scène pour quelques jets de paroles, prouvant qu’il n’était pas seulement l’auteur du titre scandaleux devenu tristement célèbre… Mais pourquoi l’inviter, surtout dans un festival qui n’affiche pas une seule femme au premier plan ? Parmi les 36 formations artistiques venues de toute la galaxie (Bénin, USA, Italie, Japon, Grande-Bretagne…), l’accent avait été mis à juste titre sur les créations maison avec Aftershock et Mix-Up Beyrouth, qui ont glané un succès mérité. Tout comme les shows très réglés d’Étienne de Crécy et des anglais d’Archive, qui ont prouvé la très riche diversité du festival… N’oublions pas les belles performances d’Art Brut, des General Elektriks, du trio vitaminé Battant et des durs à cuire en costume trois pièces Success dont le passage brut de décoffrage a été largement salué et commenté. Mais si révélation il y a il faut chercher du côté des Speed Caravan. L’incroyable formation qui a tapé dans l’œil de Peter Gabriel a tout d’une grande. La virtuosité transcendante de Mehdi Haddab a sublimé l’auditoire avec son oud

électrique aux sons venus d’ailleurs. Mosaïque d’influences orientales mêlées à une incroyable énergie électro-rock, la caravane sauvage a tout emporté sur son passage, subjuguant une foule en délire et trouvant le moyen de donner ses lettres de noblesse au sacro-saint Killing an arab des Cure, reprise maison complètement explosive. Tout ce syncrétisme sonore a rythmé sans temps mort trois soirées, ou plutôt trois nuits de folie musicale d’un Marsatac qui s’inscrit plus que solidement dans le paysage musical. FREDERIC ISOLETTA Speed Caravan © Agnès Mellon


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MUSIQUE

CONCERTS

Le Coq et l’Arlequin D’après un certain Jean Cocteau couchant sur papier ses aspirations patriotiques à propos d’une musique française devant abjurer sa dépendance à son encombrant voisin germanique, voici ce qui vous attend : le Coq (musique bien de chez nous) et l’Arlequin (mosaïque kaléidoscopique venue d’ailleurs). Chauvinisme oblige commençons par notre jardin avec la création de Dégun de la Canebière, opérette rock marseillaise des Quartiers Nord (5 au 7/11 à 21h au Toursky). Du côté du théâtre des Doms en Avignon c’est Novembre en chanson qui vous tend les bras dans une association franco-belge : Saule et les pleureurs / Eddy la Gooyatsh mais attention spectacle délocalisé au Grenier à Sons de Cavaillon (14/11 à 21h). Côté swing, la cave à jazz de Charlie Free à Vitrolles accueille le Time out trio (7/11 à 21h) alors qu’au Théâtre de Nîmes il faudra compter sur Richard Bona avec Pierrick Pedron en 1ère partie dans le cadre du festival l’Agglo au rythme du jazz (17/10 à 20h30). N’oubliez pas la presque française Jane Birkin au théâtre du Gymnase (13 et 14/11 à 20h30) dans son spectacle Enfants d’hiver où elle chantera ses propres textes bien mijotés sans oublier les plus belles chansons de Serge ! On peut maintenant étaler notre arlequin tout en couleur : la nouvelle génération flamenca du Français Juan Carmona au Comœdia à Aubagne vous attend pour les Nuits Flamencas (7/11 à 21h). On dérive un peu et nous voilà en plein jazz manouche et pas des moindres avec Tchavolo Schmitt qui nous honore de sa présence au Cadran de Briançon (20/10 à 20h30). Même lieu d’accueil pour Ferenc Vizi et son programme XIXe au piano, après tout la musique dépasse les bornes et les frontières (13/11 à 20h30). Le Théâtre Durance de Château-Arnoux programme Piazzola, histoire du tango à vivre avec The Renegades Steel Orchestra (14/11 à 21h). Et pourquoi ne pas tenter le revival Nina Simone au Carré de Sainte Maxime ? The black rock coalition orchestra sera bien là (18/10 à 20h30) après son passage électrifié aux Salins à Martigues (le 16/10). Richard Bona © Betote Akwa

Renegades Steel Orchestra © Marc Roger

Que reste-il ? À Arles le Cargo de nuit bien sûr et les fameux Hocus Pocus pourtant bien français au show fracassant (7/11), mais surtout les New Model Army pour les connaisseurs et notre plus grande joie (8/11). Et vu qu’une bonne nouvelle arrive rarement seule, le groupe britannique des années 90 And also the trees vient présenter son nouvel album sur la scène du Poste à Galène (3/11). Question bonne surprise pensez à virer vers Istres pour découvrir la prometteuse Alice Russell à l’Usine (31/10) en revenant vers l’Espace Julien pour Pascale Picard (18/11). Et dire que Placebo repointe son nez au Dôme (6/11) ! Ça promet…

Alice Russell © Digby Oldridge

FRÉDÉRIC ISOLETTA

Guitares acoustiques aux accents brésiliens… Jo Vurchio, guitariste, vit à Marseille et a connu Toninho Ramos, compositeur guitariste brésilien, lors de Musicoramos, des rencontres entre guitaristes et chanteurs en région parisienne. C’est au Cri du Port, dans le cadre de l’événement Jazz sur la Ville, qu’ils se sont produits en duo le 8 oct. La violão de sete cordas (guitare à 7 cordes) qu’utilise Toninho Ramos apporte, par sa corde additionnelle, une étendue de possibilités dans les graves. Le duo des musiciens, qui menaient tour à tour le dialogue, a conquis un public vraiment attentif, distinguant bossa nova, samba, choro, baião, autant de formes musicales des régions du Brésil, qui ont pour racines communes la culture des esclaves noirs venus d’Afrique atlantique. La maîtrise technique de l’instrument, la virtuosité des deux guitaristes laissaient deviner les percussions si typiques de cette musique telles le surdo, les claves, le tambourim ou encore le reco-reco reproduisant le coassement de la grenouille. Un moment exceptionnel.

… jazz et bien d’autres encore... Cave à Jazz de la Cité de la Musique le 5 oct : cordes, cuivre, rythme et voix : un quartet étonnant formé autour d’Alain Richou à la guitare nylon et de Didier del Aguila à la guitare basse. Alain Richou a d’abord étudié le piano avec Michel Petrucciani pour se découvrir une passion pour la guitare. Il développe aujourd’hui des compositions très personnelles empreintes de religiosité intemporelle. Didier Del Aguila, compositeur également, a fait preuve de son talent pour l’improvisation. Tous

© Armel Bour

deux ont démontré qu’ils sont de grands techniciens dans leur art. Notamment dans Nouvelle terre qui remémore les vieux vinyls perdus de la série des Return to Forever ou encore le «souvenir de l’immédiat», selon la formule d’Alain Richou, évoqué par le morceau Rappelle toi qui prend des couleurs arabo-andalouses. L’adjonction du trombone de Francesco Castellani apporte un côté langoureux et glissé au son, une rondeur, ou encore une nuance sud-américaine. Quant à Jean-Luc Difraya, voix et percussions, il fut un brin démonstratif et parfois excessif. Dommage ! DAN WARZY

Jazz sur la ville se clôture le 19 oct à la Cité de la musique avec le lancement du disque de Raphaël Imbert New York Project (voir p 60) et Ahmad Compaoré Quintet (Musique Rebelle)


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Vivement la fin de semaine… La programmation des salles de la région reste un brin frileuse en cet automne, annulant Nadiya et Sherifa Luna (et reportant Lara Fabian, rien de bien grave !). À part l’ancien Stones Mick Taylor (le 22 à l’Espace Julien) et un plateau reggae prometteur le 19 au Cabaret aléatoire (la première tournée de Rootz underground épaulé par le français Danakil), tout se déroulera les week-ends : le 23, Mulatu Astatke mêle son vibraphone éthiopien aux techniques des Heliocentrics, le lendemain est prévu un grand bal populaire à Aubagne avec les Barbarins fourchus, mais aussi du sérieux avec Joseph Arthur au Poste à Galène (le 24). Notez aussi

Joseph Arthur © X-D.R.

la venue surprise de No Jazz au Paradox avec un nouvel album Zooland (pensez à réserver !). Une semaine se passera avant de par-

tager la folie de Puppa Chubby à Istres (le 30) ou le zouk des Aiglons historiques de Gwada (le 31), à moins d’être tenté par les revenants Leda Atomica qui accompagneront le film Nosferatu… pour la soirée Halloween (au Kféquoi de Venelles le 31). Cela s’active ensuite, avec les américains de Groundation au Dock (le 6), Maymun et son hip hop reggae funk rigolo à l’Intermédiaire le 7 et l’enturbanné Sizzla le lendemain, pour un ragga à 18h tapante… Deux jours seulement à attendre avant de retrouver un jour ferié ! le 10, ambiance des îles pour le 30e anniversaire du groupe Kassav au Dock ou le rythme latino du fondateur de Los

Van Van à l’Espace Julien, puis le 13 une soirée flamenco avec Louis Winsberg à l’Espace Julien présenté par la Meson, ou Latino au Dock pour une grande nuit qui promet d’être chaude avec El Canario. Le lendemain, le 14, 24 kw de Dub à l’ancienne avec King Shiloh (à l’Affranchi) pour les plus robustes, ou soirée jazz Africaine à Châteauvallon avec Dobet Gnahoré, avant Neneh Cherry. Enfin, (voir p 58) le Portail Coucou vérifiera l’ADN de Jo Corbeau le 17 oct et les empreintes de Toko Blaze le 14 nov. X-RAY

L’aventurier du son Fidèle à une singularité exigeante qui le caractérise depuis le début de sa carrière, le pionnier Erik Truffaz, trompettiste suisse, n’en finit pas de sonder, en défricheur infatigable, les secrets et richesses de l’alchimie des styles musicaux et des sons. Fruit de ses récentes explorations, le Paris project, émanation de l’album Paris enregistré par le label Blue Note se faisait entendre le 10 oct à Châteauvallon. Aux côtés de Truffaz, Sly Johnson, transfuge du groupe Saïan Supa Crew, chanteur et talentueux beat boxer officiait au micro ainsi qu’un complice de longue date, Philippe Garcia à la batterie et au sampler. Pour créer une atmosphère sonore homogène, le groupe s’était adjoint la présence de Salvatore Dardano en tant qu’ingénieur du son, qui a superbement œuvré dans l’ombre. Les puristes du jazz seraient déconcertés par cette prestation tant la musique semble figée par la présence des machines. Mais ce qui est perdu en spontanéité est retrouvé en atmosphère : bien que contraint par des boucles hypnotiques, le groove était présent, et magnifiquement mis en valeur par la voix qui alternait de basses profondes et chaleu-

reuses en rythmes hip hop finement articulés, offrant un contraste saisissant avec le jeu aérien au son de réverb si caractéristique du trompettiste. En duo comme en trio avec batterie, les musiciens ont finalement servi un set très proche de l’enregistrement, avec des compositions originales et des reprises, certes sans surprise, mais avec une énergie et un enthousiasme communicatifs. EMILIEN MOREAU Eric Truffaz et Sly Johnson © X-D.R.

La plus belle pour aller danser… Ne boudons pas notre plaisir, la Fiesta reste incontournable, même concentrée sur cinq dates seulement cette année Les coups de cœur de Bernard Aubert, le directeur de la Fiesta, restent Avishai Cohen (jeudi 22) et Charlie Winston (vendredi 16), «écoutés tout l’été», même si la surprise pourrait être l’icône du Rock 80’s, Nina Hagen (samedi 17) ou l’énigme Christophe (samedi 24). N’hésitant pas à donner carte blanche à des acteurs qu’il soutient, Bernard Aubert veut réunir les publics, pour la soirée hip hop/électro (vendredi 23) par exemple, afin de partager la fête ensemble. La parenthèse Marsatac s’est refermée définitivement, «un mariage gâché, qui ne pouvait se réparer et devait donc se séparer», puisque Marsatac, hôte relogé in extremis, n’y a pas trouvé l’acoustique à son goût et s’est jugé trop à l’étroit,

n’écoutant pas le public visiblement satisfait (voir p 45)… La Fiesta réinvestit le tapis rouge des Docks avec «plus d’ambitions», et un peu plus d’un million d’euros de budget. Fidèle à des amis comme Khaled (le 24), elle accueille cette année Juan Carmona (1er concert à la Fiesta en 96 pour son premier album), avec tout le «gratin» du Flamenco et un orchestre symphonique (le 22). Seule déception avant le coup d’envoi, l’annulation de dernière minute du Jamaïcain Chaka Demus. Tout devrait plaire au public, avec en nouveauté grands écrans et autres fioritures (comme une démonstration de Cocktails), des expos un peu partout dans les containers, et des navettes gratuites pour rentrer.

L’équipe, citoyenne, s’est mise au tri sélectif et gobelet unique, et invite une centaine de SDF, par l’action de la Fondation Abbé Pierre. Même l’acousticien invité à la conférence de presse semble satisfait des améliorations opérées… Il n’y a donc que des bonnes raisons pour partir danser à la Fiesta comme on part en vacances. Un voyage qui s’ouvrira l’an prochain au Mexique, et a déjà lancé l’invitation à 13 pays… pour 2013 !

De deux choses l’une Une pierre deux coups comme on dit! Marion Rampal et Kabbalah seront au Forum de Berre pour le premier café concert de la saison (le 17/10 à 19h et 21h). Tout d’abord le Own Virago de la géniale Marion vous invite à fêter la sortie de son disque. Jazz, rock et improvisation, tout y passe pour une rencontre à savourer. Ensuite ? Tradition klezmer et influences actuelles, les Kabbalah vous feront valser entre orient et occident pour se poser en Europe centrale. Révélation de l’édition 2009 du Printemps de Bourges, ils boucleront une soirée éclectique à double entrée à ne pas rater ! F.I.

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La Fiesta des Suds Du 16 au 24 oct Docks des Suds 04 91 99 00 00 www.dock.des.suds.org

Marion Rampal © Solene Person

04 42 10 23 60 www.forumdeberre.com


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MUSIQUE

CONCERTS

L’œuvre sous les ruines En clôture du Festival des Musiques Interdites, le Toursky recevait le prestigieux Wiener Concert-Verein le 18 septembre On retrouvait le décor unique de grilles noires évoquant l’univers carcéral inquiétant d’Athalie de Mendelssohn donnée en juillet, dispositif scénique sans doute moins adapté à un concert symphonique. Mais Cécile Auclert apportait sa voix grave et percutante aux textes de Benjamin Constant sur la liberté, juste avant la symphonie pour cordes de Mendelssohn : remarquable unité des pupitres, attaques précises, direction souple et tonique d’Errol Girldlestone. La récitante glaçait ensuite la salle par ces mots extraits du Nationale Zeitung : «la musique de Mendelssohn est certes géniale, mais elle n’est pas supportable pour un mouvement de culture raciste…» Le concerto pour violon, piano et orchestre du même Mendelssohn nous fit découvrir la violoniste Vera Novakova, sensuelle et dynamique et la pianiste Maki Miura-Belkin, au toucher clair et brillant : séries d’arpèges redoutables de l’allegro. Un extrait de La Ruine de Kasch de Robert Calasso, sur le pouvoir et la tyrannie, annonçait la création d’Helmut Schmidinger, symphonie en cinq phrases issues d’une lettre de Haydn à Maria Anna de Genzinger : œuvre de belle facture pour ce compositeur de quarante ans. Ses dissonances âpres rappellent les premières œuvres de Schönberg mais dans la der-

L'orchestre Wiener Concert-Verein © X-D.R.

nière partie, l’écriture, carrément tonale, surprend. On attendait plus d’audace contemporaine dans une œuvre d’aujourd’hui ! La lettre émouvante de Haydn à son éditeur Breitkopf, demandant l’indulgence pour son chef-d’œuvre La Création, était une manière élégante d’annoncer sa symphonie n°49. Les cordes toujours homogènes et chaudes et les belles couleurs des vents résonnaient dans l’Andante plaintif et l’Allegro passionné. Un beau concert qui célébrait le bicentenaire du père de la symphonie. À travers son prolongement romantique et contemporain, un souffle de liberté. YVES BERGÉ

Roquevaire les Orgues La 13e édition du Festival International d’Orgue de Roquevaire bat son plein depuis mi septembre à travers la thématique bois, cuivres, et orgue naturellement. Retour sur le concert tout en couleurs du 3 octobre S’il existe un instrument complètement «timbré», c’est bien l’orgue ! Véritable orchestre à lui seul, surnommé roi des instruments, il offre une palette sonore dotée d’une richesse incroyable où l’organiste choisit ses «jeux» comme le peintre mélange ses couleurs. Si au demeurant vous vous approchez d’une console d’instrument vous pourrez y voir entre autres des timbres proposés : clarinette, trompette, hautbois, flute ou basson. Associer ces registres existants à un ensemble à vents est le pari audacieux et réussi de ce 13e Festival International d’Orgue de Roquevaire, toujours sous la houlette de son président Jean-Robert Cain. Le public nombreux a pu apprécier l’alliage éclatant proposé par le Quintette à vent de Marseille et Brice Montagnoux aux claviers dans un répertoire essentiellement français

allant de Daquin à Tomasi en passant par Widor, Roussel, Dupré et Alain. L’organiste, brillant soliste, a pu faire admirer sa technique et sa musicalité dans la 5e symphonie de Widor et dans l’incroyable final de l’Evocation de Dupré. Les interprétations remarquables de Noëls de Daquin, des danses de Tomasi ou du trop rare divertissement de Roussel ont mis en évidence une association originale (ainsi que des opus peu donnés) qui varie des duos immuables dont le © X-D.R

public est pourtant friand… Soulignons l’ouverture vers le monde contemporain avec en point d’honneur la présence du compositeur Lucien Guerinel, donnant des explications sur ses Médiatissées, œuvre récente à l’humour corrosif (pièce dodécaféinée…). Thomas Saulet à la flute, Bernard Giraud au hautbois, Daniel Paloyan à la clarinette, Frédéric Baron au basson et Renaud Taupinard au cor ont su donner la réplique aux cinq claviers du gigantesque instrument, dans un concert au diapason d’un festival qui bouge ! FREDERIC ISOLETTA

Lieder enflammés Le cycle «Musique et Poésie», initié par le Consul Général d’Allemagne en collaboration avec la Cité de la Musique de Marseille, s’est ouvert le 9 oct sur un concert dédié à Robert Schumann. Le but étant ici de retrouver l’esprit romantique du Liederkreis opus 39, ses grands élans et l’omniprésence du sentiment amoureux, on ne fut pas étonné de voir le comédien Michael Zugowski faire le récit de la tentative de suicide du compositeur, avant de lire les lettres enflammées de Robert et Clara à la lueur d’un chandelier, les yeux perdus dans le vague. Parti pris plutôt pertinent : Schumann avait en effet composé ces Lieder entre 1839 et 1840, années qu’il passa séparé de sa fiancée, réduit à une correspondance illicite… Ses lettres, passionnées, témoignent de l’amour et de l’estime du compositeur envers sa muse, celle qui seule selon lui saura interpréter son œuvre avec assez de subtilité. Les lettres de Clara regorgent également de mots d’esprit et d’envolées lyriques maîtrisées. Rappelons que les œuvres et concerts de la talentueuse musicienne avaient également laissé Goethe, Liszt et Brahms sans voix. La mezzo colorature Christine Kattner, à l’origine de ce projet et habituée à ce répertoire, a su interpréter ces Lieder remarquablement, avec émotion et agilité. La finesse et la subtilité de sa voix ne s’accordaient malheureusement pas toujours avec le jeu plus en force de la pianiste Nina Uhari ; mais ces quelques décalages n’ont pas fait tiquer un public conquis. Le concert s’est achevé sur un Lied de Clara Schumann, Liebst du um Schönheit, éloge d’un amour tendre. Celui que les deux musiciens partagèrent jusqu’au bout. SUSAN BEL


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Musique et patrimoine Son et sens Les journées du patrimoine s’orchestrent de multiples façons laissant le choix de visites, de découvertes inédites, de retrouvailles aussi avec des lieux que l’on côtoie en oubliant parfois leur beauté. Il y a aussi des concerts qui renouent les fils de notre histoire, nous entraînent inlassablement dans des voyages où le temps s’abolit. C’est ce que s’efforce de promouvoir depuis plus de vingt ans l’ensemble Les Festes d’Orphée. Le 20 sept, en l’église du Saint-Esprit d’Aixen-Provence, les spectateurs étaient invités au voyage. Avec une chanson des Filles à marier de Gilles Binchois, riches entrelacs du chœur des hommes et de celui des femmes, canons, ruptures de rythmes, neuves au début du XVe, chant vigoureux et plein d’humour auquel des extraits plus sérieux de la messe L’homme armé de

Guillaume Dufay, son contemporain, s’élèvent dans l’entêtante odeur des lys. Belles interprétations aussi de la Provence baroque de Jean Gilles, Campra, Vallière. Le XXe pour une fois était à la Feste, avec la fine et subtile interprétation des quatrains Valaisans (Rilke) de Darius Milhaud, par la voix tout en nuances de Laure Bonnaure, ou les Vingt Alléluias de Philip Tyack, en création : de larges vagues qui s’emportent, s’apaisent, permettent au chœur de donner toute sa mesure. Un concert original pour cet ensemble qui a fait la démonstration de sa qualité en osant aborder des œuvres qui ne constituent pas le fond de son répertoire. Une initiative à cultiver : sans création pas de patrimoine pour demain ! MARYVONNE COLOMBANI

Choeur des Festes d'Orphee © Les Festes d'Orphee 2009

Galliano come Bach ! Ses concerts sont des événements attendus avec impatience par les amateurs de jazz et de tango argentin, surtout quand le programme porte le titre alléchant de From Piazzola to Galliano ! Dans une enceinte qui vibrait encore du souvenir des deux symphonies (5 et 9) de Beethoven programmées peu de jours auparavant, le Grand Théâtre de Provence, fidèle à son éclectisme, accueillait donc l’icône du «new jazz musette» français. Un quintette à cordes aux allures schubertiennes allait servir de partenaire à l’accordéoniste, qui débutait avec brio le concert par le très célèbre Libertango de Piazzola ; le face à face s’annonçait sulfureux ! Le tango qui suivit allait rapidement calmer nos ardeurs. Le jeu de l’ensemble à cordes, au phrasé millimétrique, les contours mélodiques subtils mais sans chair rendirent le superbe Vuelvo al sur presque anémié : l’équilibre entre les jeux opposés du soliste et du quintette avait du mal à se faire. Cette dichotomie fut plus marquée

encore dans l’œuvre suivante : le concerto en la mineur pour violon de Bach ! Certes il s’agissait d’une première en direct, dans une salle à l’acoustique impitoyable… Mais un problème musicologique se pose, lié à l’interprétation de l’œuvre : on peut sans doute jouer Bach debout à l’accordéon, dans un phrasé oscillant entre jazz et classique… mais avec un quintette au jeu académique et confiné ? Le from Piazzola via Bach… était un détour de trop. La deuxième partie du concert fut de meilleure facture, et atteignit même des sommets lorsque Galliano fit du Galliano (Concerto pour accordéon, Suite française), avec un quintette qui commençait enfin à le suivre. Mais le troisième mouvement du concerto pour hautbois de Bach, qui clôtura la soirée en guise de bis, confirme le virage actuel pris par l’accordéoniste français. Les nostalgiques du Richard au cœur de lion le pleurent déjà ! CHRISTOPHE FLOQUET

Les Acousmonautes © Jose Assa

Les Acousmonautes, collectif de compositeurs de musique électroacoustique créé en 2008, proposent depuis le 25 sept (jusqu’au 21 oct) une exposition à la Fondation Vasarely : L’opus à l’oreille rassemble diverses installations photos, vidéos et «mises en son» des salles de la Fondation. Une conférence et un concert y ont eu lieu le 10 oct : l’occasion pour un public malheureusement peu nombreux d’en apprendre plus sur la musique acousmatique. Ce souci des compositeurs de rendre accessible leur travail méconnu, difficile à appréhender, en rapprochant leurs œuvres de photos et de textes, n’est pas toujours efficient. Ainsi le descriptif attribué aux Pullulants d’Hugues Delbergue, travail pourtant plutôt abouti, fait sourire : ce grouillement savamment orchestré

serait une allusion à l’émergence d’une élite réduisant les humains à la haine et à la misère ? On se demande également si une installation audio de Lucie Prod’homme et quelques clichés passés de Christophe Moidica remplissent leur ambition de dénoncer les travers de l’urbanisme… Mais si ces justifications et rapprochements desservent certaines œuvres, plusieurs pièces sont tout à fait dignes d’intérêt ! On retiendra notamment une création de Lucie Prod’homme, Derrière les murs, travail sur les cris, chuchotements, inspirations de sursaut, traduisant à merveille l’angoisse et les prémisses de la folie inhérents à l’isolement. Ainsi que la création de Fabrice Martin, ou le Puzzle 96 de Michel Pascal, assemblage brillant de divers enregistrements musicaux réarrangés : cette musiquelà n’a aucun besoin de paratextes pour signifier… SUSAN BEL

L’Opus à l’Oreille Fondation Vasarely, Aix jusqu’au 21 oct

Richard Gallliano © X-D.R.


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MUSIQUE

CONCERTS

Deux fois, pour mémoire

© X-D.R

Deux œuvres majeures du Baroque tardif, le Salve regina de Scarlatti et le très célèbre Stabat Mater de Pergolèse, contrepointées par la Symphonie du Saint-Sépulcre de Vivaldi, furent données le 12 sept (17h et 21h) à la Chapelle des Oblats à Aix : un double concert un peu exceptionnel car sujet à un enregistrement en direct qui débouchera sur la

sortie d’un CD commercialisé en décembre. L’ensemble Parnassie du Marais, au nom quelque peu énigmatique et suranné dirigé par la claveciniste Brigitte Tramier, mit son talent au service de la soprano Catherine Padaut et du contre-ténor Michel Géraud. Aux antipodes des interprétations empreintes d’un pathos ostentatoire, cet ensemble de poche mit l’accent sur une palette de sentiments nuancés avec une sobriété et une humilité exemplaires. Ce choix, gageure tant il implique d’attirer l’auditoire dans un univers confiné sans tomber dans la monotonie, fut en partie réussi grâce à l’équilibre trouvé entre les deux chanteurs. À la clarté, l’assurance, la précision technique de la soprano répondit la souplesse et la chaleur de la voix du contre-ténor patinée par une musicalité exceptionnelle. À l’unisson de ses chanteurs les deux violons et le continuo soulignaient les volutes de la mélodie. Excès de précision ? Inhibition due à l’enregis-

trement ? Le motet de Scarlatti donné en ouverture manquait d’un peu de brillance et de relief. La petite pièce de Vivaldi, exempte de virtuosité mais à l’expression très forte, libéra l’ensemble qui finit par une superbe interprétation du Stabat Mater. La pitié douloureuse du texte illustrée par une large gamme de sentiments fut magnifiée par l’ensemble. Ce concert tout en nuances laisse augurer de la qualité du disque à venir, attendu avec une impatience non dissimulée… CHRISTOPHE FLOQUET

Musiques au Château Uchaux est une commune située à la limite du Vaucluse et de la Drôme. Elle a la chance (et la charge !) de posséder un trésor qu’une association tente de valoriser. Sur ses hauteurs, surplombant la vallée du Rhône, au nord d’Orange, émerge un antique château, vestige d’un moyen âge loin d’avoir révélé tous ses mystères. Lors des Journées du Patrimoine, l’équipe de bénévoles a accueilli de nombreux visiteurs sur l’enceinte fortifiée du Castellas et sa chapelle romane attenante. Mais l’idée de son Président Paul Reymond, architecte de métier (converti pour l’occasion en guide de luxe), a été d’agrémenter la visite des salles, terrasse ou nef romane de musiques d’agrément. L’ensemble Baroques-Graffiti, dirigé par le claveci-

niste Jean-Paul Serra, bien connu des amateurs de musique ancienne en région, Caroline Gerber et Sharman Plesner (viole d’amour, violon), Tarek Abdallah (oud) et Jean Christophe Deleforge (violone) ont présenté leur instrument avec à propos. Les sonorités de Bach, les improvisations choisies sont entrées en harmonies avec les vieilles pierres de tailles ornées d’énigmatiques marques de tâcherons. En soirée, toute la troupe est descendu dans la vallée pour découvrir, dans l’adorable église de la Galle, cinq superbes Sonates, tout en allegros polyphoniques et nuances subtiles, adagios profonds ou danses panachées, gavotte, gigue ou sarabande… signées Johann Pachelbel.

© X-D.R

Baroques-Graffiti s’est produit durant les Journées du Patrimoine le 20 sept. à Uchaux

JACQUES FRESCHEL

© X-D.R

Avignon sous le soleil ! C’est avec le Chanteur de Mexico de Francis Lopez que s’est ouverte la saison lyrique de l’Opéra-théâtre d’Avignon Créée en 1951 avec Luis Mariano dans le rôle de Vincent ( le chanteur et danseur de fandango), cette œuvre connut immédiatement un grand succès : plus de deux millions de personnes applaudirent le Chanteur à sa création, et les vingt tableaux des deux actes furent tous somptueux ! Le Chanteur de Mexico marque l’apogée de la notoriété de Lopez qui a composé ici la plupart de ses meilleures mélodies et plusieurs d’entre elles, dont Mexico, Acapulco ou encore Quand on voit Paris d’en haut sont encore sur beaucoup de lèvres. En Avignon aussi, près de 60 ans

après, le succès est grand ! L’opérette est chaudement applaudie, car dès le début s’est installé sur scène une énergie et un enthousiasme contagieux qui ont perduré jusqu’au final. La chanson Mexico a bien sûr été reprise plusieurs fois par les artistes et les spectateurs. Un spectacle pétillant d’un bout à l’autre, mis en scène dans un esprit de fête par Jacques Duparc. CHRISTINE REY


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Seicento et cantates profanes Les escales italiennes ont d’entrée séduit le public les 4 et 6 oct lors des premiers concerts de l’Automne Baroque Il est des ensembles qui n’évitent pas la redondance de programmes entendus mille fois, parfois même par les mêmes interprètes… Au demeurant les opus de maitres peuvent échapper et gagnent à être réentendues mais hélas ce ne sont pas toujours ces derniers qui sont servis à toutes les sauces au public ! Heureusement, le Concerto Soave issu du Centre Régional d’Art Baroque s’évertue à allier qualité et rareté des œuvres. En ressuscitant les Vêpres à la Vierge comme elles étaient données dans les églises vénitiennes au milieu du XVIIe siècle, Jean-Marc Aymes offrait de ses claviers (clavecin et orgue) une musique incroyablement colorée à un auditoire comble. La littérature proposée (avec psalmodie de l’antifona) nous a plongés au cœur de la cité des doges au temps de Monteverdi, brossant un tableau d’art sacré où le nouveau style concertato devient l’écho des représentations du Tintoret ou de Véronèse. Grossi, Merula, Rigatti, Donati, Grandi, Rovetta, Mazzochi et Mattioli sont des noms qui ne vous disent rien ? Peu importe, leurs belles partitions témoignent de l’intense activité qui régnait à San Marco et ailleurs. Il faut dire qu’avec

Ensemble Concerto Soave © Marie-Eve Brouet

la spécialiste du chant baroque Marie-Christine Kiehr les notes ne peuvent qu’être magnifiées tant le timbre si suave de sa voix correspond à ce répertoire. Le trio vocal composé également du ténor Valério Contaldo et du baryton-basse Stephan Macleod se révélait harmonieusement équilibré, soutenu avec sensibilité (dans une musique qui en demande énormément) par l’archiluth de Diego Salamanca, la basse de violon d’Etienne Mangot et les deux violons d’Alba Roca et Béatrice Linon. Un très beau moment. FREDERIC ISOLETTA

Sandrine Piau © Antoine Le Grand-Naive

L’Histoire à rebours

Deux jours plus tard le CRAB nous emmenait à Rome à travers Lamenti e Trionfi d’Amore chantés par Sandrine Piau, auréolée des Victoires de la musique 2009. Jean-Marc Aymes, dynamisé par le succès de l’intégrale Frescobaldi, surprenait à nouveau par son élégance et sa science du continuo. Dans la sonate en ré de Haendel, il peint les plus beaux contrastes : une Allemande pulsée et terrienne suivie d’un Presto brillant et magique. Etienne Mangot, violoncelle et viole de gambe, suit avec intelligence le discours harmonique et détaille avec un timbre soigné les mouvements lents et vifs de la Sonate de Geminiani. La mozartienne Sandrine Piau affronte les redoutables vocalises. Le combat est féroce et rappelle la symbolique de l’amour baroque, conquête insaisissable… Elle jongle avec les phrases étourdissantes de Storace, Cesti, Bononcini, Rossi, Gasparini, comme le faisaient les castrats de l’époque. Les figuralismes langoureux (lagrime dove sete, Rossi) contrastent avec l’explosion des récitatifs dramatiques : crudellissimo arciero, Bononcini). En bis, le sublime credete almen dolore de Haendel, compositeur allemand naturalisé anglais qui a importé à Londres l’opéra italien ! Des pianissimi aériens, un soutien parfait de la basse de viole et du clavecin, aria suspendu sur un fil, celui du partage entre les styles divinement empruntés. Et la très espiègle Canzonetta de Monteverdi quel sguardo sdegnosetto où Sandrine Piau se révèle mutine à souhait. Un très beau voyage romain, escale baroque et profane.

Les programmes symphoniques de cette année avignonnaise ont décidé de faire entendre, à chaque concert, une œuvre contemporaine. Et c’est à un parcours à rebours que le concert d’ouverture conviait l’auditoire le 9 oct… Avec Incanto tout d’abord, du français Eric Tanguy. Sacré Compositeur de l’année aux Victoires de la musique classique 2008 (et 2004), Eric Tanguy est né en 1968 et sa notoriété a dépassé depuis longtemps nos frontières. Incanto a été commandée par l’orchestre de Bretagne, créée le 28 janvier 2002 au Lincoln Center de New York, et plusieurs fois enregistrée. Courte œuvre symphonique, elle présente une richesse de timbres impressionnante, et une vigueur orchestrale considérable, qui ne recule pas devant l’expressivité et s’empare de l’héritage symphonique légué par ses pères. Cent ans avant la naissance d’Eric Tanguy, Edvard Grieg, alors âgé de 25 ans, composa son Concerto pour piano et orchestre en la mineur : la première audition eut lieu en avril 1870, et reçut immédiatement l’approbation de Franz Liszt. Ce concerto, œuvre clé du répertoire pianistique, allie lyrisme et virtuosité. L’immense pianiste russe Mikhail Rudy, spécialiste de cette œuvre, l’a interprété à Avignon avec toute la passion et la magie qu’on lui connaît. La seconde partie de soirée fut consacrée à la troisième symphonie de Beethoven, l’héroïque et Napoléonienne. Elle a obtenu un succès prévisible, grâce à l’implication de l’orchestre emmené par Jonathan Schiffman.

YVES BERGÉ

CHRISTINE REY


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MUSIQUE

CONCERTS

Nouvelle star Création marseillaise réussie pour Préface en prose, œuvre du jeune compositeur Lionel Ginoux à la Minoterie le 2 octobre La musique dite savante n’est pas toujours vielle d’un ou deux siècles. Elle se compose encore de nos jours, et est même jouée en concert… Certes on n’écrit plus comme Mozart et pourtant les acteurs de ce renouveau artistique ont aussi du talent, et ont besoin d’être reconnus comme des musiciens d’aujourd’hui, tout autant «actuels» que ceux des autres musiques… Lionel Ginoux fait partie de ces artistes talentueux et la création marseillaise de Préface en prose pour chœur mixte, orchestre de chambre et récitant ne nous fera pas mentir. L’ensemble C Barré ?, le chœur Pyramidion et le jeune et dynamique chef Sébastien Boin, tous les protagonistes ont mis leurs qualités au service d’une musique riche et construite. Sur des textes émouvants du poète juif roumain déporté Benjamin Fondane, relayés avec finesse par le récitant Sacha Saille, l’espace se construit puis se

Lionel Ginoux © X-D.R.

déconstruit. Le traitement orchestral et vocal (les cordes de la harpe frottées parfois à la brosse, le bruit du souffle dans les bois ou encore le froissement du papier journal) donne une dimension chatoyante aux alliages de timbres confondants. La maturité de l’écriture est déjà largement perceptible, dans l’unité et le sens de l’œuvre, la matière et l’émotion. Un opus salué avec ferveur par un auditoire conquis dans une salle bondée. En préambule et sous la direction efficace de Pascal Denoyer était donnée la cantate a cappella Gegen den Krieg (contre la guerre) de l’allemand Eisler, combattu et pourchassé tant par les nazis, les américains que les communistes ! Œuvre sérieuse dont les méandres contrapuntistes rappellent les racines germaniques d’un auteur qui n’a pas composé que de la musique de scène. FREDERIC ISOLETTA

Contre l’apathie, écoutez une «revue de cuisine» ! Le 10 oct, le Théâtre du Cadran de Briançon et l’Ensemble Télémaque servaient sur le plateau du Foyer Culturel de l’Argentière la première de La revue de cuisine, leur coproduction franco-italienne. Un mélange détonnant de textes savoureux de la littérature musicale et gourmande, entre jazz et surréalisme, un spectacle excentré et juste ce qu’il

faut excentrique. C’est que les théâtres alliés de Gap et Briançon déplacent ce concert tout neuf vers des contrées ordinairement battues en neige, Embrun, Veynes… Chabottes, qui soudainement vont se mettre à frémir puis bouillir des accents poétiques ou jubilatoires de compositeurs snifant avec délice leurs premières lignes mélodiques de jazz… © Agnes Mellon

Debussy, Chostakovitch, Satie, entrecoupés de textes éclectiques, poétiques, souvent appétissants, toujours esthétiques, sont servis avec vivacité, sensualité et coquinerie par la très savoureuse Julie Cordier. Une rencontre entre musicalité des langues et accents instrumentaux, où les proportions entre commedia dell’arte et tendre morceau de poésie sont très habilement dosées par Alexandra Tobelaim, l’excellente metteuse en «cène». Un chef, Raoul Lay, qui joue à se toquer de la Julie soubrette, au point de ne diriger ce nouveau voyage du talentueux Télémaque que d’une demibaguette ! Le public mis en appétit sort en se demandant si les suaves saveurs sensuelles qui subsistent résonnent encore aux papilles, aux pupilles ou aux tympans. Un goût qui questionne sur les esthétiques comparées de l’art culinaire, de la littérature et de la musique en une tentative de les hisser en leurs contrées et sommets les plus reculés… en l’alpe ! YVES BERCHADSKY

La Revue de cuisine après sa création à L’Argentière puis Guillestre poursuit son périple excentré à Embrun (le 14/10), Veynes (le 16/10), Serres (le 18/10), Tallard (le 20/10), Chabottes (le 22/10) avant une tournée en Italie. Théâtre le Cadran, Briançon (05) 04 92 25 52 52 www.ensemble-telemaque.com


Joie et destin Chacun connaît connait les premières mesures de la Symphonie du destin, tous savent fredonner l’Hymne à la joie. Étrange manie que d’aimer retrouver des compositions mille fois entendues… mais qui n’arrivent pas à Anima Eterna © Dirk Vervaet

lasser malgré le nombre de leurs différentes interprétations. Quel bonheur d’entendre pour la énième fois la 5e et la 9e symphonie de Beethoven, jouées magnifiquement sur des instruments anciens au Grand Théâtre de Provence ! L’expérience de l’orchestre dépasse de loin l’écoute d’un disque : elle est physique pour le public envahi de sons, pour les musiciens aussi qui interprètent deux œuvres aussi riches dans la même soirée. Ampleur des cordes, velouté des pizzicati des violoncelles, envolées maîtrisées des flûtes, son particulier des bois anciens, avec quelque chose de champêtre dans le rendu… l’ensemble Anima Eterna, sous la direction toute en nuances de Jos Van Immerseel, a donné au public aixois un spectacle animé d’une belle fougue. Le chœur et les solistes de l’hymne à la joie étaient éblouissants, avec des voix larges, puissantes, bien timbrées. Une soirée d’exception ! MARYVONNE COLOMBANI

Vers le romantisme 1, 2, 3, 10… aucune énigme pour ces nombres, mais le choix des sonates pour violon et piano de Beethoven, interprétées le 9 octobre au GTP par Isabelle Faust au violon, et Alexandre Melinkov au piano. Le programme n’est pas très original, mais il est interprété par des maîtres ! L’une est soliste du Berliner Philharmoniker ; l’autre, nommé New Generation Artist Musique de chambre par la BBC. Devant un parterre de mélomanes avertis, ces jeunes artistes ont donné toute la mesure virtuose de leur talent : un travail d’une rigueur irréprochable, trilles enlevés du piano, belles cadences, intelligence parfaite des deux musiciens qui dialoguent véritablement, sublimes legatos du Stradivarius qui salue aussi lors des rappels, une Belle au bois dormant qui a su emporter le public dans ses rêves. Une riche palette d’émotions, de la gravité à l’allégresse ludique se jouait sous les doigts de ces deux grands artistes. Qui ont parfaitement témoigné de ce moment clef de l’histoire de la musique, où le clarissime s’est fait romantique… MARYVONNE COLOMBANI Isabelle Faust © Marco Borggreve


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MUSIQUE

CONCERTS

Der… Die… Das ? Ne nous fions pas à l’apparente légèreté du Chevalier à la Rose : peu avant le cataclysme de 1914, Richard Strauss et Hofmannsthal ont réalisé un pur chef-d’œuvre ! D’une écriture dense et savante, mais sachant nouer avec une veine à valeur universelle, Le Chevalier à la rose puise à la source de Beaumarchais. L’intrigue cette comédie burlesque s’ancre dans une Vienne toute rococo et, sans que cela déroute, des décors feuillus à la Fragonard ou du Watteau des «fêtes galantes». Sa musique regorge de clins d’œils : du coït orchestral de l’Ouverture aux valses chamarrées qui jalonnent un scénario aux allures de Nozze mozartiennes, mâtiné d’un pastiche d’aria italienne, de symphonies puisant ses couleurs chez Mahler ou du grotesque Falstaff de Verdi… son flot instrumental voluptueux foisonne de zébrures qui dardent la toile d’épais coups de pinceaux expressionnistes d’où émergent des récifs d’un dépouillement impérieux.

Ce sont dans ces suspensions d’une lourde charge émotive que La Maréchale de Gabriele Fontana a fait basculer le public du «rose» un rien kitch au «gris» mélancolique. Son personnage de femme au seuil du déclin physique est unique dans l’histoire de l’opéra. Sans elle, l’opus ne serait qu’un oeuvrette sans profondeur… On y lit, cependant, outre une réflexion sur la fuite d’un temps, la fin d’un monde qui, du côté du Danube (aussi bleu soit-il), ne se relèvera plus. On ne sait pas au bout du compte (du conte ?) quel est le rôle principal de l’opus. Le Baron Ochs du grand Manfred Hemm (inoubliable Papageno, davantage ici Falstaff qu’oiseleur) a traversé la scène en homme «primaire», gouailleur et antipathique à souhait. Véritable opéra de femmes

Le Chevalier à la rose © Christian Dresse 2009

(le magnifique trio final en est peutêtre la clé), Der Rosenkavalier doit beaucoup aux aigus cristallins de la jeune Sophie incarnée par Margareta Klobucar. Mais les représentations marseillaises, mises en scène par Dieter Kaegi et dirigées par Philippe Auguin, ont surtout révélé un grand «Chevalier». Kate Aldrich (superbe Salammbô il y a un an) trouve dans ce noble travesti

de quoi donner la pleine mesure de ses talents théâtral et vocal. Brava (ou bravo ?) ! JACQUES FRESCHEL

Le Chevalier à la Rose a été représenté du 30 sept. au 7 oct à l’Opéra de Marseille

Dynasty Les Bach sont une lignée impressionnante ! Leur réputation venait d’un talent immense et d’une énergie débordante : sept générations de compositeurs ! Pierre Cao © Sebastien Boulard

C’est grâce aux Amis de Saint Victor qu’on a pu entendre, le 8 oct, six compositeurs de cette lignée: Johann Christoph Friedrich, Johann, Johann Christoph, Johann Michaël, Carl Philipp Emanuel et bien sûr l’immense Jean-Sébastien. Pierre Cao, le Chœur Arsys Bourgogne et Le Concert Lorrain ont proposé un concert de Motets avec récitant. Savoureux mélange de styles : du noble choral luthérien de Johann Christoph aux fugues étourdissantes de Jesu meine Freude de Jean-Sébastien. Le narrateur Yohann Albaladejo prenait un plaisir malin à ces histoires d’admiration entre pères, frères, oncles, cousins, histoires d’ascension, de transmission du savoir : une voix ferme et enthousiaste, qui se délecte à la lecture des ancêtres musiciens de Jean-Sébastien. Le continuo est assuré brillamment, et le chœur étonne par la qualité des attaques, l’articulation, le

phrasé, le détaché : Pierre Cao, à la direction ferme et nuancée, scrute le son pour en faire ressortir la moindre vibration. Dans Fürchte dich nicht (N’aie pas peur) le dialogue entre les deux chœurs est si parfait qu’on entend parfaitement le contrepoint à huit voix, dont les effets spatiaux auraient ravi Johann Christoph : il avait lui-même conçu deux tribunes à Eisenach ! Jesu meine Freude (Jésus, ma joie) de Jean-Sébastien est un sommet musical. Béatitude céleste, sons tenus, tuilages, dix minutes suspendues en pianissimo dans la fugue : l’entrée des ténors (Ihr aber seid nicht fleischlich, sonder geistlich -vous n’êtes pas de chair, mais d’esprit) suivis des soprani puis ténors et basses est sublime! L’Abbaye bondée gardera longtemps les résonances de ce moment enthousiasmant. YVES BERGÉ

La farce selon Verdi En 1889, à 76 ans, Giuseppe Verdi revenait au métier de compositeur pour écrire son 28e et ultime chef-d’œuvre : Falstaff. En se renouvelant, il venait tordre le cou aux idées reçues concernant son prétendu conservatisme en matière de lyrisme. Dans cet opéra, délaissant à dessein la grandiloquence habituelle de ses chœurs populaires antérieurs au profit d’une finesse d’écriture relevant davantage d’un travail de coloriste que de mélodiste, il crée une sorte de déclamation continue à l’image de Wagner, son rival de l’époque, et cisèle l’orchestration. Auréolé de son précédent succès, Otello, pour lequel il avait déjà eu recours au librettiste Boïto, il livre alors une comédie lyrique profondément ambiguë dans sa signification mais magistrale dans sa musicalité.

Reprendre un tel ouvrage n’est donc pas chose aisée d’autant que nombreuses sont les différentes versions enregistrées de ce monument. C’est ce défi qu’ont relevé l’orchestre et les chœurs de l’opéra de Toulon aidés par une distribution vocale de premier plan et placés sous la direction efficace de l’excellent Giuliano Carella. En effet, sur une mise en scène et des décors classiques, la part belle était donnée aux chanteurs, tous convaincants tant vocalement que par leur présence scénique : Alberto Mastromarino dans le rôle titre était parfait, sans parler des remarquables Adina Aaron (Alice) et Gianpero Ruggeri (Ford) qui ont su enchanter les amateurs d’opéra, venus en masse goûter aux délices du lyrisme à l’italienne. EMILIEN MOREAU

Falstaff © Frédéric Desmesure

Falstaff a été joué à l’opéra de Toulon du 9 au 13 oct


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Manon à l’italienne Manon Lescaut est le premier chefd’œuvre de Puccini, avant la Bohème, Tosca et Butterfly. Huit jours après sa création le 1er février 1893 à Turin, c’est à Milan que l’autre grand Italien de l’opéra dévoile son ultime ouvrage lyrique avec un euphorique Falstaff. Comme si, cette année-là, le témoin passait symboliquement d’un génie à l’autre, de Verdi à Puccini. C’est sans doute le succès du Manon de Massenet (1884) qui a donné l’idée à Puccini de puiser à la source de l’abbé Prévost. Mais à la différence du Français qui colore l’ouvrage de menuets et autres références au XVIIIe siècle, décrit une idylle plutôt naïve que la réalité du monde finit

par détruire, c’est principalement à la description tout italienne d’une passion désespérée que s’attache Puccini. Le succès est également au rendez-vous et, depuis, les voix les plus éminentes (Freni, Callas, Caballé, Domingo, Di Stefano..) se sont penchées sur le destin tragique de la jeune Manon et de son fougueux amant Des Grieux. Sur la scène phocéenne, pour une toute nouvelle production mise en scène par Yves Coudray, on attend la soprano Catherine Naglestad et le ténor Andrew Richards entourés d’une pléiade d’artistes. La direction musicale est assurée par Luciano Acocella (les 12, 14, 17, 19 nov à

20h et le 22 nov à 14h30). L’Opéra offre également des concerts de Musique de Chambre à des tarifs défiant toute concurrence. On entend des pièces pour quatuor à cordes de Lucien Niverd, Albert Roussel et André Caplet par Sylvie Niverd & Marie-Judith de Bucy (violons), Cécile Florentin (alto), Véronique Gueirard (violoncelle) et l’ensemble vocal féminin Hymis dirigé par Bénédicte Pereira (le 24 oct à 17h). JACQUES FRESCHEL Catherine Naglestad © Christina Feuser

Opéra de Marseille 04 91 55 11 10 www.marseille.fr

Psyché-délices et «Voyage» rossinien

Il Viaggio a Rheims © Alain Julien

La belle princesse Psyché rend jalouse Vénus qui mandate son fils Eros pour l’humilier. Mais ce dernier tombe amoureux et finira, après de multiples épreuves, par se joindre à elle et la rendre immortelle. Le sujet mythologique a inspiré Molière, Pierre Corneille et Quinault pour une «Tragi-comédie ballet» mise en musique par Lully pour le Roi Soleil en 1671. Elle fut adaptée avec une intrigue différente en «Tragédie-lyrique» en 1678 sur un livret de Thomas Corneille et Fontenelle.

De cet imbroglio historique la Compagnie du Griffon (Julien Palajas) et les Bijoux indiscrets (Claire Bodin) proposent une relecture pour huit comédiens, quatre chanteurs, une danseuse et quatorze musiciens sur instruments anciens (le 23 oct à 14h scolaire et à 20h, le 25 oct à 15h). Le «Dramma Giocoso» Il Viaggio a Reims devrait faire le bonheur des amateurs de bel canto rossinien (après Avignon… et avant Marseille). Cet opus à la distribution foisonnante, composé à l’occasion du sacre de Charles X (1825), est réactualisé par Nicola Berloffa dans un contexte «années 30». Mise au placard, la partition du Voyage (remaniée pour Le Comte Ory en 1828)) fut retrouvée dans les années 70 et connaît depuis 1984 (recréation par Abbado) un succès indéniable. C’est qu’elle offre la possibilité de nombreux jeux scéniques fantaisistes et peut donner sa chance à de jeunes artistes: il s’y trouve quasiment 14 premiers rôles. Les acteurs/chanteurs défilent sur une intrigue légère, certes, mais au service d’un chant souverain (le 6 nov à 20h et le 8 nov à 15h).

Les «ciné-musicophiles» ne manquent pas le «ciné-concert» réalisé à l’occasion de la projection du chef-d’œuvre muet de Chaplin Les Lumières de la Ville (1931) avec, dans la fosse et en direct, l’Orchestre de Toulon dirigé par Timothy Brock (le 7 nov à 20h)… ni la traditionnelle Heure Exquise des jeunes chanteurs du Cnipal (13 nov. à 19h). J.F

Opéra de Toulon 04 94 92 70 78 www.operadetoulon.fr

Flûte alors ? Servante maîtresse 1752 : une troupe italienne présente à Paris La Serva Padrona de Pergolèse. La critique s’émeut et déclenche la «Querelle des Bouffons» opposant Italiens et Français. Le débat musical prend une tournure caricaturale et «Tout Paris se divisa en deux partis plus échauffés que s’il se fût agi d’une affaire d’État ou de religion» écrit Rousseau. Derrière ce point d’histoire se cache une œuvre fort subversive puisqu’elle consacre, bien avant Beaumarchais (elle fut créée en 1733), l’ascension d’une servante au rang de «patronne». Et Pergolèse

excelle dans ce genre comique aux accents populaires qui emprunte ses thèmes à la commedia dell’arte. On attend donc cette production des Paladins dirigés par Jérôme Correas dans une mise en scène de Vincent Vittoz ! J.F

La Serva Padrone Le 18 oct à 15h Théâtre de l’Olivier, Istres 04 42 55 24 77 www.scenesetcines.fr

La troupe Comédiens et Compagnie revisite le chef-d’œuvre universel de Mozart La Flûte enchantée pour neuf comédiens/chanteurs, deux sopranos et un quatuor à vent. On annonce une fantaisie jubilatoire en forme de «commedia dell’arte in musica» entre opéra et théâtre de tréteaux avec marionnettes, danse et pantomime… À découvrir donc, dans une mise en scène de Jean Hervé Appéré et une adaptation musicale de Vincent Manac’h (dir. Samuel Muller). J.F La Flute enchantée © X-D.R

La Flûte enchantée Théâtre Durance, Château Arnoux (04) Le 16 oct 04 92 64 27 34 www.theatredurance.com Carré Léon Gaumont, Sainte Maxime (83) Le 14 nov 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com


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MUSIQUE

CONCERTS

La crème des Quatuors

Alors que s’achève le Concours international d’Opéra à Marseille, s’ouvre en Avignon celui des jeunes violonistes. Lors de l’épreuve finale, les candidats de départagent aux sons d’un morceau de bravoure, le 3e concerto de SaintSaëns (23 oct à 20h30), pièce que l’on retrouve le lendemain lors du Concert des Lauréats à coté du Concerto en ré majeur de Mozart et d’autres opus puisés dans les phases éliminatoires (24 oct à 20h30). Dans l’attente d’I Capuleti e I Montecchi de Bellini (22 & 24 nov.), on se

réjouit d’entendre le douloureux Stabat Mater de Pergolèse chanté par la contralto Nathalie Stutzmann et la soprano Lisa Larson en compagnie de l’orchestre baroque Orfeo 55 (30 oct à 20h30). Et l’on n’oublie pas le traditionnel ApérOpéra des jeunes chanteurs du Cnipal (14 nov à 17h). Opéra-Théâtre d’Avignon 04 90 82 81 40 www.mairie-avignon.fr

Addio Edmée ! Edmée Santy n’est plus. Esculape a fini par rendre les armes et laisser partir cette fée qui protégeait les arts avec tout le souffle qu’il lui restait dans les bronches… Edmée présidait Euterpe, muse de la musique vouée à la promotion de l’art baroque. Mais son œuvre se prolonge grâce au travail entrepris à ses côtés par toute l’équipe du Centre Régional d’Art Baroque derrière le claveciniste Jean-Marc Aymes… Après deux très belles «Escales italiennes» (voir p51), l’Automne baroque se termine par des Caprices Napolitains avec la harpe double de Mara Galassi (le 20 oct. à 20h30 au Temple de la rue Grignan - conférence de Dinko Fabris à 18h à l’Institut Culturel Italien) et Vertiges du Sacré, pont entre la Venise du Seicento et les rives de la Palestine avec Moneim Adwan (chant et oud), la soprano María Cristina Kiehr et le Concerto Soave (le 25 oct. à 18h à l’église St Laurent).

Nathalie Stutzmann © Divulgacao

Concours de violon et «Stabat» majeur

Chants de la terre Depuis 2006 et sa «Victoire de la Mu-

sique» comme «Ensemble de l’année», le chœur de chambre Les Eléments est considéré comme un fer de lance de l’art choral en France et à l’étranger. Son chef Joël Suhubiette dirige ces voix majeures depuis douze ans. Sur les quais de la «Venise provençale», il fait entendre des répertoires romantique et contemporain germano-slaves de Schubert, MARSEILLE. 04 91 90 93 75 - www.crab-paca.org Schumann, Brahms, Dvorak, Stravinsky, Location Espace Culture 04 96 11 04 61 Bartok et Ligeti. Un florilège de chants populaires récoltés ou réinventés, en particulier au moment de la formation Trois rendez-vous au Grand Théâtre deux ans, au moment de la sortie d’un des langues et identités nationales de beau DVD sur les 32 Sonates Beethoven l’Est européen. de Provence L’Orchestre Français des Jeunes par Daniel Barenboïm (intégrale et Théâtre des Salins, Martigues Baroque (en résidence depuis le 26 master-class). Aujourd’hui, à tout juste Le 17 nov oct.) donne un double concert pour un 23 ans, le virtuose joue, outre Beetho04 42 49 02 00 tour d’Europe de musiques signées ven et Haydn, les fantastiques Tableaux www.theatre-des-salins.fr Charpentier, Purcell, Vivaldi, Locatelli d’une exposition de Moussorgski (le 10 et Bach (Johann Sebastian et Carl nov. à 20h30). Philipp Emmanuel). Des opus sympho- Artiste associée depuis l’inauguration niques où la voix de contre-ténor (Paul du théâtre aixois, Laurence Equilbey Agnew dirige et chante) aura sa part revient avec Accentus pour de superd’expressivité (concert pédagogique le bes Lieder pour voix solistes et chœur 1er nov. à 17h privilégiant Vivaldi et de Schubert. Les chanteurs sont accomBach avec présentation/animation pagnés par l’Orchestre Régional de Pour le premier concert de la Société d’Anne Charlotte Rémond et concert Cannes P.A.C.A. dans des orches- de Musique de Chambre de Marseille, trations de Brahms, Reger, Webern et Svetlin Roussev est remplacé par final le 3 nov. à 20h30). S’il est un jeune pianiste à découvrir Krawczyk (le 14 nov. à 20h30). Raphaël Oleg. En compagnie de la c’est bien David Kadouch ! Mais peutpianiste Elena Rozanova, ils jouent des 04 42 91 69 69 être a-t-on déjà vu le documentaire sonates de Grieg, Ravel, Prokofiev et www.legrandtheatre.net réalisé par Arte (Maestro), diffusé il y a Poulenc (le 20 oct). C’est ensuite le fabuleux Quatuor Prazak qui vient, pour les 90 ans de la SMCM, interpréter Haydn, Mendelssohn et Schubert La Zibeline 22 a annoncé un peu trop jeune fille et la mort (le 10 nov). Jeu de Paume, Aix tôt le concert du Fine Arts Quartet Le 20 nov en ouverture de la saison des Concerts Société de Musique de Chambre de 04 42 99 12 12 d’Aix. C’est le 20 nov que le mythiMarseille www.concertsdaix.com que quatuor américain (fondé en Concerts à la Faculté de médecine 1946) joue Chostakovitch, SaintEspace culture 04 96 11 04 60 Saëns, Schumann.

Jeunes et virtuoses !

Oleg, Rozanova et les Prazak

Fine Arts erratum !

Rendez-vous incontournable des amateurs de musique de chambre à la Toussaint, le Festival de Quatuors à cordes en Pays de Fayence célèbre en 2009 l’année Mendelssohn. C’est le Quatuor Talich qui en est l’invité d’honneur aux côtés des Fine Arts, Ardeo, London Haydn, Parkanyi et Ludwig. Les prestigieux Tchèques donnent l’Intégrale des Quatuors de Mendelssohn à Tanneron, Bagnolsen-forêt, Callian et Saint-Raphaël où ils dirigent également une classe de Maîtres (du 26 au 28 oct). Le concert d’ouverture à Fayence est confié au mythique Fine Arts Quartet, mais on peut aussi se rendre à Seillans, Mons, Tourettes ou Montauroux, superbes villages de l’arrière pays varois, pour entendre des classiques de Haydn, Beethoven, Grieg ou Ravel… Festival de Quatuors à cordes en Pays de Fayence du 23 au 30 oct Syndicat intercommunal 04 94 76 02 03 www.quatuorsenpaysdefayence.com

43e édition Le Festival de Saint-Victor (voir p 53) bat son plein avec le violoniste Nemanja Radulovic et Marielle Nordmann à la harpe pour un programme flamboyant (le 22 oct). Autre duo royal : l’organiste Olivier Vernet accompagne le trompettiste David Guerrier dans des opus baroques et modernes (le 6 nov). Le Parlement de Musique (dir. Martin Gester) et la soprano Mariana Flores donnent des Gloria, Motets et Concertos de Haendel (le 19 nov). Abbaye de St-Victor 04 91 05 84 48 www.chez.com/saintvictor

Voyage choc ! L’ensemble de Frédéric Daumas reprend Playblick, spectacle tout public où, au rythme de percussions foisonnantes, on suit trois marionnettes burlesques partant à la découverte du monde et de ses musiques. Simiane Collongue le 23 oct à 14h et le 24 oct à 20h30 04 86 31 62 73 www.symblema.com


Plongées historiques L’ensemble de Guy Laurent affiche un programme commémorant le «500e anniversaire de Calvin» : un regard expert sur les pratiques chorales des origines du chant réformé (à Marseille, le 17 oct à 18h au Temple Grignan et à Aix, le 20 oct. à 20h30 au Temple de la rue de la Masse). L’académie de tambourin présente Musique de fête au temps de Bellaud : des chansons à danser et danses de la Renaissance avec les vers du poète Provençal (le 10 nov à 19h au Temple

Esprit baroque Jean-Paul Serra imagine un programme de concert ayant pour thème la fameuse joute musicale prévue à Dresde entre l’organiste allemand Jean-Sébastien Bach et le Français Louis Marchand qui, finalement… n’a jamais eu lieu (Le tournoi imaginaire à Martigues le 16 oct à l’église de la Madeleine et à Tarascon le 17 oct à la collégiale Sainte-Marthe). Bénédicte Pereira (soprano), Madeleine Webb (alto), Laurent Blanchard (ténor) et Tomek Hajok (basse) chantent des Motets de Bach et des pièces méconnues de Jean-Adam Guilain accompagnés par la viole de gambe

de la rue Masse) et le petit chœur des Festes d’Orphée chante des pièces du Laudario di Cortona datant du XIIIe siècle à l’occasion du 800e anniversaire de la fondation de la famille spirituelle de Saint-François d’Assise (Office chanté le 14 nov à 17h à Aix à l’église St Thomas de Villeneuve). Festes d’Orphée 04 42 99 37 11 www.orphee.org

d’Agustina Merono et Jean-Paul Serra à l’orgue (Marseille, le 1er nov. à 17h à l’église de la Mission de France). Baroques graffiti reprend également son programme d’opus pour pianoforte du surprenant Johann Schobert et pour violon (Sharman Plesner) du musicien métis le Chevalier de Saint Georges, que le jeune Mozart croisa sans doute lors de ses voyages parisiens (Aix, le 5 nov. à 18h et 20h30 au Musée des Tapisseries et à Arles, le 6 nov au Temple réformé). 04 91 64 03 46 www.baroquesgraffiti.com

Échos sur la contemporaine Benjamin Dupé, guitariste et compositeur, crée aux Salins puis au Merlan un «solo mais pas tout seul», comme il se plaît à dire. Durant la saison dernière, à l’occasion de plusieurs résidences, il a recueilli la parole de néophytes sur la musique contemporaine. Des a priori d’abord, puis des impressions nées de l’écoute de certaines œuvres clefs. Mais il a toujours pris soin de ne guider ni l’écoute ni les opinions… Son Comme je l’entends est donc une sorte d’œuvre radiophonique à partir de ces paroles enregistrées,

montées parfois, répétées. Cette bande est diffusée sur des haut-parleurs disposés en cercle autour de lui, qui interprète ses compositions au centre du public et des voix, seul avec sa guitare… Comme je l’entends Les Salins Le 20 oct 04 42 49 02 00 Le Merlan Les 1er et 2 déc 04 91 11 19 20

Concours d’opéra Finale avec l’Orchestre Philharmonique de Marseille pour la 11 édition du e

concours lyrique présidé par Rollando Villazon. Le 16 oct à 20h à l’Opéra 04 91 18 43 10 www.concours-opera.fr

Other truths… Do Make Say Think, formation à géométrie variable, collectif canadien au croisement du «free-jazz, postrock, électronica et folk astral»… Montévidéo, Marseille, le 5 nov 04 91 04 69 59 www.grim-marseille.com

Balalaïkas

Tournée régionale de l’orchestre traditionnel Les cordes d’argent de St-Petersbourg. Gemenos, le 15 oct - La Ciotat, le 16 oct. - Aix, St-sauveur le 17 oct. Marseille, Notre-dame du mont le 18 oct à 16h30. 04 91 47 57 38 www.maitrisegabrielfaure.org


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MUSIQUE

CONCERTS | DISQUES

Nuits pianistiques Le Festival aixois se poursuit avec des concertos majeurs (le 17 oct. à 19h30 aux Pennes-Mirabeau), une Soirée Jazz (le 18 oct. à 17h au Musée des Tapisseries), Dominique Vidal (Clarinette) et Christiane Baume Sanglard au piano (le 23 oct au Musée des Tapisseries), Michel Bourdoncle (piano) et Pierre Hommage au violon (le 6 nov à 20h au Musée des Tapisseries), Michel Camatte et l’orchestre du

Conservatoire Milhaud pour des concertos avec des lauréats locaux (le 14 nov au Jeu de Paume) et une Europe en musique pour un choix de concertos pour piano, violon et flûte (le 15 nov à 17h à Simiane Collongue). 04 42 16 11 70 www.lesnuitspianistiques.com

Electro-relax ! Sacrée Trois jours de concerts de musiques spatialisées ! L’auditeur est plongé Méditerranée dans un bain de sons électroniques… allongé sur un transat : cool ! Trans’electrOacoustique GMEM, Marseille du 11 au 13 nov à 19h30 04 96 20 60 10 www.gmem.org

Point d’orgue Pour les derniers récitals du festival, l’instrument de Cochereau est associé à la bombarde de Jean-Michel Alhaits dans un répertoire traditionnel breton (avec Jean-Pierre Rolland le 16 oct) et au Grand Ensemble de Cuivre, Les Zin’q, dans des pièces croisant Mozart, Bach et le New Orleans (avec Samuel Liegon le 18 oct). Festival d’Orgue de Roquevaire 04 42 04 05 33 www.orgue-roquevaire.fr

Cité classique Littérature (Musset, Tchekhov, Verlaine…) et musique (Beethoven, Chopin, Fauré…) par Michèle Raybaud (piano) et la comédienne Pascale DelestiNovella (le 16 oct à la Villa Magalone), avant le hautbois glorifié par Marc Badin et Anaït Serekian au piano (le 22 oct à l’Auditorium de la Cité) et du chant mozartien par Christine Kattner (mezzo) et Ludovic Amadeus Selmi (piano), mis en scène par Mickaël Zugowski (le 6 nov à la Villa Magalone). 04 91 39 28 28 www.citemusique.marseille.com

Hybrides à sons Conférence-concert illustré par Lucie Prod’homme sur la musique électroacoustique. Le 16 oct Urban Gallery 04 91 37 52 93

Depuis longtemps l’association Ecume accueille des ensembles musicaux du pourtour méditerranéen. Au fil des concerts, par le chant et la notion de sacré, s’établissent des sensibilités communes : du chant bulgare (Quatuor Balkanes) ou perse (Ensemble Chemirani), arabe (Waed Bouhassoun) ou judéo-comtadin (Ensemble Nekouda), arabo-andalou (Ensemble Tarab) ou arménien (Trio Oshakan). Un festival itinérant qui conduit de Lançon de Provence à Aubagne, Fuveau, Vitrolles, La Roque d’Anthéron et Marseille. Chants Sacrés en Méditerranée jusqu’au 25 oct 04 91 91 41 41 www.ecume.org

Électro Deux sets en

compagnie de Khundalini, mix de «musique électronique, instruments traditionnels et voix féminine», et Zumabrek, expérimentation «électro atypique, soul spaghetti et savane urbaine»… Carré Léon Gaumont, Sainte Maxime Le 6 nov. à 20h30 04 94 56 77 www.carreleongaumont.com

«Silete Venti» L’ensemble baroque Capriccio Basel dirigé du violon par Dominik Kiefer accompagnent la soprano María Cristina Kiehr dans un programme alliant Bach et Haendel, mais également William Hayes et Giovanni Battista Ferrandini. Théâtre de Nîmes Le 8 nov. à 17h 04 66 36 65 10 www.theatredenimes.com

Musique au temps de Michel Serre Récital de clavecin aux chandelles par Christine Lecoin qui joue des Suites d’Elisabeth Jaquet de la Guerre, Jean-Henry d’Anglebert, Gaspard Leroux et Louis Couperin. Pour accueillir le tableau restauré L’Apo-théose de saint Roch du peintre baroque provençal de la fin du XVIIe siècle. MARSEILLE. Le 21 oct. à 20h30 à l’église de Mazargues (entrée libre)

La Fantaisie selon Vizi Ferenc Vizi, pianiste roumain de 35 ans, aime à proposer au disque (label Satirino) et au concert des programmes cohérents. C’est le thème de la Fantaisie pianistique qu’il interroge avec des opus de Liszt, Chopin, Schumann, Scriabine et… Mozart (ut mineur K. 475).Le Cadran, Briançon (05) Le 13 nov 04 92 25 52 52 www.ccbrianconnais.fr JACQUES FRESCHEL

«À la bien-aimée Barbara !» Cette saison, le Grand Théâtre de Provence donne carte blanche à la soprano Barbara Hendricks pour trois concerts de prestige. En fin d’année (le 11 déc.), elle chante un Noël familial avec l’Orchestre de Cannes et la Maîtrise des Bouches-du-Rhône, avant le monumental cycle de Schubert Le Voyage d’Hiver (23 fév.) et du Blues en compagnie de ses complices du Magnus Lindgren Quartet (24 fév.) On sait assez peu que, depuis 2006, Barbara Hendricks a quitté EMI pour créer son propre label. Elle se sent ainsi libre de graver ce qui lui plaît… et peut prendre des risques. «Il est fondamental pour moi que le répertoire des mes enregistrements reflète de manière honnête mon activité de concertiste» déclare-t-elle… Et il faut l’entendre sur scène, à plus de 60 ans, défendre des répertoires pas toujours conventionnels devant un public venu a priori se divertir au spectacle d‘une diva du chant classique… Il faut voir comment elle l’emporte, au final, grâce à ses qualités artistiques, humaines et son tempérament de battante ! Après cinq disques consacrés au répertoire espagnol, des Lieder de Schumann, des airs baroques, des mélodies de Poulenc et du Blues, elle

retrouve son compère, le pianiste Love Derwinger pour un choix de 28 Lieder de Beethoven. Ce n’est pas dans ce domaine que le «grand sourd» est le plus célèbre. Pourtant, ses 80 opus ne sont pas à négliger : certains sont de vrais bijoux (Sehnsucht, In questa tomba oscura…) et les six pièces de An die Ferne Geliebte (À la bien-aimée lointaine) constituent le premier cycle romantique du genre. Autant de poèmes de Goethe et ses contemporains, enregistrés avec une profonde sincérité par une artiste hors normes. Et des témoignages «tardifs» que les aficionados ne manqueront pas d’écouter avec une once de nostalgie après que la grande Barbara aura lancé ses ultimes vocalises ! JACQUES FRESCHEL

CD Arte Verum ARV-006 www.arteverum.com


59 Petits as de chœur La Maîtrise des Bouches-du-Rhône, entre deux représentations du Chevalier à la Rose à l’Opéra de Marseille, lors desquelles intervenaient quelquesuns de ses jeunes solistes, a donné un concert de présentation de son dernier enregistrement (voir p XI). Après un disque consacré au compositeur Jean Langlais, salué par toute la presse, ce CD s’attache aux traditions chorales slave et germanique de la seconde moitié du XIXe siècle. Les Treize chants moraves op.32 harmonisés par Dvorak constituent le cœur d’un somptueux programme à côté duquel on découvre aussi un contemporain méconnu, Josef Gabriel Rheinberger, chantant le «Jour de

mai» (Maitag) et Six chœurs avec piano (Magali Frandon) de Rachmaninov. Une fois n’est pas coutume, les voix aériennes de la «Maîtrise» portent l’art du chant choral vers des cimes artistiques d’autant plus précieuses qu’elles sont raides d’accès ! C’est que la formation vocale, relancée par Samuel Coquard depuis 2002, œuvre depuis les quartiers Nord de Marseille au Collège André Malraux. Ce qui ne l’empêche pas d’égrainer de brillants concerts, et de participer à des productions prestigieuses qui enchantent les mélomanes de la région.

CD Solstice SOCD 254 www.solstice-music.com

JACQUES FRESCHEL

Rasta dans l’appeau La troisième galette du Corbeau, qui a survolé récemment de nombreux concerts, suit le parcours migratoire du fleuve de l’Huveaune (de son ancien nom Ubelka). Ce bruyant volatile avait commencé sa carrière de saltimbanque à la fin des années 60 à Paris, d’où il a ramené un ramage rasta tissé d’idées anarchistes. Sans entrer dans une longue biographie, on peut dire qu’il a laissé des plumes et posé la sienne sur tout ce qui est passé par là en reggae, du grand Yéba (et l’écho de répondre «Aïoli»), à un style de tchatche reconnu depuis le succès du Massilia Sound System. Convaincu des relations mystiques entre Marseille et Kingston, sa carrière aurait pu s’envoler du coté du Stade

Vélodrome, avec son premier tube J’aime l’O.M., joué avec l’équipe anglaise de Dennis Bovell. Aigri par les résultats, il a depuis fait son nid à Aubagne, pour une œuvre plus personnelle et attachante. La première partie d’un triptyque annoncé illustre son projet de spectacle grandiloquent, mêlant chant, art visuel et danse. On plonge dans l’intimité de Marie Madeleine ou, avec Tout, dans des références bouddhistes… et on saisit le paradoxe de cet artiste, qui voit grand dans un monde de chaos, et transmet son verbe humanitaire dans des hommages à Lee Scratch Perry ou... Fernandel (Schpountz Power) !

Le jardin paradoxal Jo Corbeau Ras Tyron Prod 06 16 80 38 11

X-RAY

Par les racines On peut facilement ignorer le nom de Kiddus I, artiste possédant la maudite caractéristique de ne pas avoir enregistré de vrai album jusqu’à celui-ci; il a pourtant crevé l’écran lors d’une scène de transition du film Rockers, filmé en 78 en plein cœur de la période reggae. On le voit ôter son bonnet et secouer ses locks, et chanter tout ce qu’un rasta pouvait alors ressentir, souffrance et persécution, prières et dénonciation. Cool et toujours en retrait, il est resté actif grâce à des proches tels Earl Chinna Smith, ou le label Makasound en France et deux opus contenant son

hit du film Graduation in Zion sont depuis sortis. Ce Green for Life évite la redondance mais pas la facilité. Après un premier titre dévastateur, l’ombre de son guitariste accompagnateur l’empêche de développer tout son talent et, par peur de froisser un public roots assez intégriste sans doute, il imbrique maladroitement ses autres influences. Dommage, ceux qui ont pu le voir se prendre au jeu du Live sur un pur ribald mento attendaient plus d’originalité. Que l’on trouvera sans doute sur les cinq autres albums prêts à être commercialisés…

Green for Life Kiddus I Makasound

X-RAY

Le boucan du Toucan Issu de la même cage (une production Ras Tyron), Toko Blaze a pris son envol loin du flux migratoire de nos autres volatiles locaux. Cet oiseau-là a du talent à revendre, une force de persuasion douce et tranquille, il a toujours su rester en retrait... pour ne pas se faire piéger. C’est encore en parfait artisan qu’il travaille, qu’il se livre et délivre des textes travaillés et solides, disponibles dans le livret. Son dernier album prouve sa douce détermination et nous promène de situations pas gaies (Contrôle d’identité) en constat pagaille (Ton

héritage), s’interrogeant sur la mixité sans tomber dans la facilité. Présent à la Fiesta comme dans de nombreux projets locaux, il soigne autant sa scène que ses chansons studio, et nous fait marcher et danser chaque fois. Des couleurs musicales différentes habillent chaque titre, et déclenchent parfois un groove partagé (Ali Boumaye). Se définissant comme un griot urbain, «se remémorant toujours des faits historiques», il agit sans concession, vit et vole, libre. X-RAY

Urban Griot Toko Blaze Ras Tyron Prod 06 16 80 38 11


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MUSIQUE

DISQUES

New York New York Lorsqu’on achète un album de Raphaël Imbert on ne prend pas beaucoup de risques. Une fois de plus le talentueux et inventif saxophoniste nous emmène en voyage. New York, sa musique et son jazz sont ici revisités par l’artiste marseillais auquel s’ajoute le contrebassiste Joe Martin et le percussionniste Gerald Cleaver. Sobriété question formation mais foisonnement d’idées tissées dans un esprit de modernité où les saxophones (soprano, ténor et alto) se croisent pour laisser quand il le faut la place à une batterie foisonnante.

Né d’un projet soutenu par la Villa Médicis hors les murs, NY Project a réellement débuté en 2003 lorsque Raphaël Imbert, qui souhaitait étudier le sacré dans le jazz, s’est rendu outre-Atlantique afin de rencontrer les acteurs et témoins de cette musique. Six ans ont passé et le résultat est sans appel : admirable ! Une bonne partie de l’histoire du jazz est présente dans ce nouvel album qui s’écoute et se savoure. Echoes of Harlem d’Ellington est subtilement revisité comme Central Park West de Coltrane, et les compositions person-

nelles témoignent d’un univers habité, amoureux de tout ce qui fait le jazz. La danse s’invite (My Klezmer Dream) tout comme une suave volupté qui rend comme impalpable parfois le timbre au soliste (Lullaby from the beginning). Indispensable ! FREDERIC ISOLETTA

NY Project Raphaël Imbert Harmonia Mundi

Tout simplement... Dans l’univers sonore d’outre-manche, où un groupe comme les défunts Joy Divison a laissé son empreinte, And Also the trees a connu son heure de gloire à la fin des années 80 et au début de l’ère 90. Comme bon nombre de formations britanniques, ils sont toujours là et bien vivants comme le prouve la sortie de leur onzième album (hors live et compilations) et leur passage attendu sur la scène du Poste à Galène de Marseille le 3 nov prochain. When the Rains come ne révolutionnera pas la

sphère sombre et cinglante de la pénombre coldwave mais se présente comme un opus à découvrir avec attention, une session acoustique reprenant des titres de l’ensemble de leur catalogue pour leur 25e anniversaire. Selon les morceaux, l’absence de guitare électrique et l’utilisation d’une contrebasse peuvent paraître surprenants… Pourtant le son nouveau et défraîchi ne manque pas de créer une atmosphère mélancolique douce et voluptueuse. Exercice périlleux mais réussi comme sur le

mythique Virus Meadow, tout dépouillé, et le pesant A room lives in Lucy. Les adeptes, peut être un poil déroutés à la première écoute s’identifieront rapidement à l’âme toujours féconde qui anime le groupe favori d’un certain Robert Smith.

toute seule. De Belle & Sébastien à Françoise Hardy les sphères voisines de nos trois rêveurs sont presque évidentes, et ne font pas oublier le souci des mélodies si raffinées des premiers titres. Volontiers mélancolique, songeuse, contemplative, la voix fine tisse et délie sa mélopée comme suspendue au-dessus d’un tapis sonore feutré et discret. Le titre phare Les petits miroirs ne pourra d’ailleurs que vous charmer ; il a d’ail-

leurs trouvé aisément sa place dans la compilation de voix françaises Filles Fragiles. La pop mélodique c’est trop innocent nous diront les détracteurs ; mais quand elle est si tendre et retenue, elle se savoure.

FRÉDÉRIC ISOLETTA

When the rains come And also the trees AATT /Differt-Ant

Un ange passe La pop pleine de charme du trio parisien Peppermoon se délecte la tête dans les étoiles. Mélodieux, aérien et débordant de douceur, le premier album intitulé Nos Ballades vous emmène dès le premier titre, Après l’orage, sur un sol harmonieux vaporeux et délicat. Propulsé sur le devant de la scène par le succès obtenu sur son Myspace, la bande à Iris (chant), Benoît (guitare) et Pierre (clavier et programmations) s’est construite

F.I.

Nos ballades Peppermoon Idol – Edina Music

Attention danger ! Ovni visible facilement depuis le jeune et prometteur label Scandale, les Sexy Sushi rentrent dans la case du genre électro-clash. Le duo sarcastique composé de Rebeka Warrior et Mitch Silver, personnages téléportés hauts en couleurs et excentricité est a priori peu recommandable, et ne s’en cache pas ! Je ne vous parle même pas des paroles, brulots avec lames de rasoir en guise de marque-pages

pour l’album Tu l’as bien mérité ! Mais après tout, on se prête au jeu et à la mise en scène. Rythmique frénétique et machine enragée, le tandem surréaliste a un but qu’il faut connaître : «courir nus sur les foules décapitées !». Observez d’ailleurs la douce pochette au graphisme décoloré, et vous mettrez déjà un pied et une oreille dans un univers particulier et décoiffant. Les deux Nantais vous

invitent sur un terrain glissant où vous ne tiendrez pas debout, même si l’humour acerbe et virulent des sushis en string est prêt à vous mordre la joue pour vous réveiller. Vous l’aurez bien mérité ! F.I.

Tu l’as bien mérité Sexy Sushi Scandale ! rec


ÉCRITURES CROISÉES | TOULON

LIVRES

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Croiser l’Asie Depuis plus de 25 ans Annie Terrier fait vivre à Aix une manifestation littéraire constamment passionnante. Les plus grands écrivains de notre temps y sont passés, et nous y ont livré des réflexions, des confidences… qui ont armé des débats, et donné vie dans le souffle retenu du public à des embryons d’histoires. On se souvient de Philip Roth flamboyant, de Rushdie l’an dernier si drôle et chaleureux, d’un MoYan ambigu, et de l’admirable force de Toni Morrison… Depuis tout ce temps des liens étroits se sont tissés entre la fac d’Aix et les Écritures Croisées, puis entre la Cité du Livre et les Métiers du Livre, tout voisins. C’est naturellement que la Fête du Livre à Aix se nourrit d’échanges de haut vol entre les professeurs, les éditeurs, les auteurs, les étudiants. Tout cela dans cette chaleur qui naît de l’amour partagé de la Littérature. Cette 26e édition, qui a été très difficile à mettre en place après le succès de la 25e (Rushdie, justement) et le remous de la réélection aixoise, s’annonce pourtant passionnante. C’est un continent que les Écritures Croisées vont permettre de rencontrer : l’Asie. Non pas à travers les grands écrivains japonais ou

elle les cite presque tous ! Elle n’a pas tout à fait fini Taro, un vrai roman de Minae Mizumura (voir p 68), mais elle recommande Li Ang la Taïwanaise, Chinatown de Thuan la Vietnamienne… Puis, soudain intarissable et labile, fait l’éloge de Chart Korbjitti le Thaïlandais, de Kim Young Ha la Coréenne, de Philippe Picquier l’éditeur… et de Carlotta Ikeda, qui a accepté de venir et d’offrir sa danse dans les conditions techniques difficiles de la Cité du livre (voir p 26). Entremetteuse Annie Terrier ? Sans doute, mais avec une connaissance intime de ceux qu’elle entremet… AGNES FRESCHEL

Fête du livre aux Écritures Croisées L’Asie, un vrai roman Du 15 au 18 oct Cité du Livre, Aix 04 42 26 16 85 www.citedulivre-aix.com

Thuan © X-D.R.

chinois traduits depuis longtemps, mais avec une génération que l’on ne connaît pas en Europe, tout comme on connaît mal les auteurs Thaïlandais, Coréens ou Vietnamiens qui seront présents. D’ailleurs Annie Terrier, une fois n’est pas coutume, ne fera pas office de passeur, mais d’entremetteuse… «Depuis 25 ans, dit-elle, c’est Noël Dutrait 1 qui s’occupe des écritures asiatiques. Il lit, traduit, enseigne la littérature de ce continent, que je connais peu de ce fait ! Je suis

toujours venue aux écrivains par leurs livres… Pour la première fois j’attends, en retrait, que les auteurs m’ouvrent par leur présence la voie de leurs œuvres. Je pense que pour la plus grande part du public il en sera de même, même si les étudiants de la Cité travaillent sur ces livres depuis la rentrée.» Comment donc ? N’aurait-elle rien lu ? Mais voilà que lorsqu’on lui demande ce qu’elle nous conseille dans les quelques jours qui restent avant la rencontre,

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Directeur du département des Études Asiatiques de l’Université de Provence, traducteur de Mo Yan, Gao Xingjian, et auteur de nombreux ouvrages de référence sur la Littérature Chinoise.

Toulon a soif de lire À l’ombre de la Foire du livre de Brive-la-Gaillarde et du Livre sur la Place de Nancy, la Fête du livre de Toulon peine à rayonner hors les murs malgré une fréquentation massive du public et l’adoubement des professionnels. Depuis 13 ans pourtant, cette manifestation financée par le Conseil général du Var met à l’honneur la richesse de la littérature méditerranéenne contemporaine auprès d’un public acquis à sa cause. Plus de 50 000 visiteurs sillonnent ainsi les allées du chapiteau dressé en centre-ville, participent aux signatures, aux rencontres et aux débats autour «des arts de la table» qui pimentent la fête. Sans compter le Prix des lecteurs du Var, présidé par Paule Constant, qui fédère 500 lecteurs bien déterminés à défendre leur poulain parmi quatre romans présélectionnés. Cette année Rose Fountain Motel de Jabbour Douaihy (Actes Sud), Il était une fois peut-être pas de Tadjer Akli (Lattès), La nuit de Fort-Haggar de Stéphane Héaume (seuil) et Plage de Manaccora 16h30 de Philippe Jaenada (Grasset). Un prix qui n’est pas phagocyté par les maisons d’édition mais décerné librement par les lecteurs des médiathèques varoises !… L’objectif est donc de «travailler sur la qualité, les rencontres et les propositions de spectacle vivant» en s’appuyant, comme toujours, sur la richesse du département en termes d’auteurs, d’éditeurs et de libraires. Mais dans les trois années à venir, la Fête du livre «aura pour vocation de dialoguer avec d’autres événements du pourtour méditerranéen» annonce Ricardo

Vazquez, directeur des affaires culturelles du Conseil général du Var, les yeux rivés sur l’Union pour la Méditerranée. Une idée, rappelons-le, lancée à Toulon le 2 février 2007 par Nicolas Sarkozy, et dont le Conseil général entend déjà poser les jalons avec la Fête du livre et les Rencontres artistiques du Var… Pour l’heure, 300 auteurs portant haut les couleurs, les langues, les cultures du pourtour méditerranéen ont rendez-vous du 20 au 22 novembre avec des lecteurs assoiffés d’écriture, d’imaginaire, de dialogue. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Fête du livre, Toulon (83) du 20 au 22 nov www.var.fr rubrique culture événements


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LIVRES

MANOSQUE | ENTRETIEN AVEC WENDY GUERRA

Chères

, s e c n a d n o p s e r r o C

s lectures e d , s e r t n o c n cles ratés. léas ; des re a a t c s e e p d s u s e e d a dre, et même Bien sûr, il y n e r e s u p n n’a encore, is o f e n u , auxquelles o t Sans empathie s avez offer u o s n e r s è u h o c Écrire vers l’intime a quelque chose à voir v , s is Ma s 10 an è r p A . avec la danse. Le style est dans le corps, e t ê f e e de fair z e aussi, le souffle et le geste, la «petite danse u in cinq jours d t n o c des mots». On est donc toujours curieux nces, vous ntiel e s s e corresponda lorsqu’un danseur s’empare d’un texte, r u o f e r r a c n u Preljocaj de Genet, Ikeda de Duras (voir e u q é s nvivialit o de Mano c e p 61 et 27) ou même Saporta de Benameur. n u s n a , d e . r e r u t u a t r Pourquoi «même» direz-vous. Justement. a é n t t ig li s de la votre t n o s Le texte de Jeanne Benameur aborde un i r u u e q c é u o cit d li e p t n im e s m sujet que l’on voit rarement sur les scènes, e lé n c u et 09, la 0 2 n sinon dans les livres : la relation mère-fille. io it d é e t t e c n e , c Le récit contient de belles pages, mais e v A s’étire un peu sur ses images et ses redites, … n ie et Karine Saporta a décidé d’en élide l’été ind

Tout un jour à Manosque Samedi midi, jour de marché. Beaucoup de monde dans les ruelles du centre. La place de l’Hôtel de Ville, accoutumée à recevoir les auteurs les plus en vue, est pour l’heure envahie par les étals. On se faufile jusqu’à la petite place de l’Hôtel d’Herbès, qui jouxte la médiathèque. Là se tiennent quotidiennement les apéros littéraires du comité de lecture de Manosque. Aujourd’hui on accueille Véronique Ovaldé et Thierry Hesse. Après la lecture d’extraits choisis de leurs deux derniers romans (voir p 66), les auteurs sont invités à monter sur les planches pour répondre à quelques questions. Et là, catastrophe, la sémillante Ovaldé, à peine installée, se fait piquer par un frelon et quitte précipitamment les lieux, au grand dam de l’auditoire venu pour elle (ils pourront retrouver l’écrivaine en décembre dans le cadre d’Ecrivains en dialogue aux ABD - l’hiver devrait nous prémunir contre les bestioles agressives !) Pendant que l’une se fait soigner, l’autre prend la parole. Thierry Hesse se dit «ému» d’avoir entendu lire son texte. «J’ai eu le sentiment que le livre était arrivé quelque part», ajoute-t-il. Il souligne l’importance pour un auteur de rencontrer son public et de pouvoir expliciter certains de ses choix. Ainsi, s’il réfute pour Démon l’appellation de «roman historique», il revient longuement sur le rôle du romancier dans le traitement des grands drames de XXe siècle. Selon lui, après le temps des témoignages, celui des historiens, voici venu celui des romanciers ; d’où l’actuelle tendance à «faire une histoire à partir de l’Histoire», pour une génération qui n’a pas connu la guerre mais en est héritière. Thierry Hesse clôt son intervention par la lecture d’une scène de son roman, puis discute longuement avec les lecteurs. 14h30, les lectures reprennent sur l’agréable place. Raphaël France-Kullmann donne sa 3e lecture

d’extraits des Lettres de Louis Kremer (D’encre, de fer et de feu : lettres à Henry Charpentier (1914-1918); éd. de la Table Ronde). La guerre encore, cette fois la Grande, évoquée par le poète mort en 1918 au travers de sa correspondance. Humour, poésie et horreur pure s’y mêlent dans une prose à laquelle le comédienlecteur sait rendre toute sa flamboyance. Hélas, il faut filer, car à 15 h00 c’est dans la petite salle du théâtre qu’on a rendez-vous pour la lecture-performance de La borne SOS 77 (voir p.67). Arno Bertina et Ludovic Michaux lisent de larges extraits du texte tandis que certaines des photos sont projetées derrière eux. Alors le texte qu’on avait parcouru se met à claquer. Une grande gifle assénée avec douceur, qui donne envie de retourner au livre, d’y plonger. Bravo ! Petite pause, puis à 18 h00 LE grand entretien du jour ! Sur la place de l’Hôtel de Ville bondée, Pascal Quignard parle de son dernier ouvrage La barque silencieuse (Gallimard). L’écrivain (essayiste, romancier, poète ? il refuse de trancher) revient longuement sur la lecture et l’étude, «portes ouvertes sur l’extase de la découverte», auxquelles il continue de s’adonner car, dit-il, «j’apprends jour après jour les mots qui me fuient». Abordant les thèmes majeurs de son œuvre, il fait une place particulière au retrait, à la solitude. Pourtant, cet homme raffiné et profond ne se retranche pas dans une tour d’ivoire ou de sel. Ainsi, jugeant «nécessaire de se défasciner, de se désidérer» de la religion, dont il craint le retour actuel, il plaide pour l’athéisme, condition sine qua non de la liberté intellectuelle. Amoureux des mots et des formules, ce grand auteur régale l’auditoire de son style et de l’acuité de ses propos. On serait fasciné, s’il ne nous avait mis en garde… F.R.

miner le plus structurant : la relation amoureuse à Bruno. Ce n’est pas le seul mauvais choix. La belle danseuse parle mal (on sait combien jouer en dansant est difficile, surtout en incarnant), une autre danse hélas assez peu, le danseur est inexistant. Reste les vieilles dames -pas très vieilles d’ailleurs, et alertes, touchantes, impliquées- que Saporta a propulsées sur scène pour incarner le corps de la mère multiplié. Bonne idée ? Certainement : le théâtre est une entreprise trop importante pour être laissée aux mains des seuls professionnels. Encore faut-il, ces amateurs, les mener avec tact vers un endroit où se révèlera pour eux quelque chose, qui par ricochet touchera le public. Visiblement mal préparées, hésitantes, gênées, empruntées, les dames oubliaient leur texte, se cognaient au décor. Mal endimanchées, enrôlées dans des déplacements sans naturel, elles transpiraient le malaise, le mauvais trac, et non la joie nécessaire à la scène. À la fin il y eut cette idée catastrophique de leur faire dire leurs textes, pas assez travaillés, trop intimes, trop abrupts, sur leur relation à leur fille. Confessions déversées à contrecœur. On a vu le travail de Pina Bausch, Gallotta, ou Thierry Niang sur des corps vieillissants. Danseurs ou non. Rien n’est plus touchant. Mais sans un minimum d’empathie observer l’imperfection des corps devient indécent. A.F.

Laver les ombres a été créé le 23 septembre au Théâtre Jean le Bleu, Manosque


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Prendre l’air de Marseille La ferveur de lire Intéressante, la proposition de Carole Bouquet, de lire les lettres d’Artaud à Genica. Sa voix un peu masculine fait sonner les phrases tourmentées du poète, sa passion péremptoire et tyrannique, ses indélicatesses et sa souffrance. Le choix des lettres déroule en creux leur histoire, dont on sent que l’actrice roumaine a tenté de se protéger, tant était brûlant et étouffant le souffle de son amant. Car s’il invoque son «âme», son «ange», Artaud l’accable aussi de son mépris, de sa véhémence. Carole Bouquet, sobrement vêtue de gris sombre, les cheveux attachés, juchée sur un tabouret a donné, malgré quelques bredouillis, à entendre la «folie d’amour». Mais on regrette que des extraits musicaux soient venus scander la lecture, pauses artificielles qui ont rompu le fil enfiévré de cette correspondance. En revanche, la comédienne a eu la bonne idée de lire, lors du rappel, un extrait prophétique de l’essai majeur Le théâtre et son double. Paris n’est pas une fête. En tous cas, pas pour l’héroïne de Bonjour, minuit dont Dominique Reymond a lu des passages, debout devant un lutrin, avec une maîtrise de la voix et un sens du jeu remarquables. Jean Rhys évoque, dans le Paris des années swing, l’effondrement d’une femme, sa solitude et son acharnement pitoyable à «avoir un plan et s’y tenir.» L’excellente Dominique Reymond a incarné avec brio cette étrangère en lutte, avec un mélange de goguenardise et d’émotion qui a rendu sa lecture passionnante. Une ovation a justement salué sa performance.

Au départ, c’était l’idée de Jean-Claude Izzo : accueillir des auteurs étrangers et leur «faire goûter Marseille». Depuis quatre ans, en hommage au romancier disparu, La Friche et ses partenaires, L’Écrit du Sud, l’Ecailler et l’ADAAL, organisent des résidences d’auteurs. Didier Daeninckx, Noël Simsolo et l’Allemande Doris Gercke se sont déjà succédé. L’écrivain de romans noirs Carofiglio, de Bari, est pressenti pour 2010. Mais pour l’instant, c’est la Cubaine Wendy Guerra qui a posé ses valises, à la demande de son éditeur français Stock. Elle projette en effet d’écrire un roman qui aurait pour cadre La Havane, Cienfuegos mais aussi Marseille, trois cités portuaires et métissées. Rien de défini pour l’heure, mais des pistes qui se précisent au fil de son immersion dans la ville. Et la certitude que son personnage principal sera, à nouveau, une femme, cubaine et noire, et son histoire un subtil mélange d’intime et de social. Zibeline : Wendy Guerra, comment vous sentez-vous ici ? Wendy Guerra : Très bien ; j’ai rencontré beaucoup de monde, les personnalités, les lecteurs lors de séances de signatures, mais aussi des gens dans la rue, au hasard. Quelle vision avez-vous de Marseille ? La vision d’une cité très vivante, mixte. Durant cette phase d’investigations je bouge. Je me suis installée dans différents quartiers, Malmousque, le Vieux-Port, Saint-Barnabé… afin d’avoir une approche diversifiée de Marseille. J’irai aussi passer quelques

jours à Manosque où j’étais dimanche dernier. L’essentiel, pour moi, est de ne pas avoir d’idées préconçues. On a tellement de clichés sur Cuba que je voudrais, moi, éviter ça ! En France, on a des idées toutes faites sur Cuba ? Pas seulement en France ! La femme cubaine, par exemple, est forcément métisse, pauvre, de gauche, danseuse de salsa !! Ce n’est vraiment pas ainsi que je me définirais. Je suis petite-fille d’Espagnols, j’ai du sang japonais et pas noir ; et en ce qui concerne la politique, je n’ai aucun discours ; je suis artiste avant tout. Si je fais bouger les choses dans mon pays, ce sera par mes œuvres, pas par une quelconque action politique. Votre roman, Mère Cuba, révèle pourtant un engagement certain ; il n’a d’ailleurs pas été édité à Cuba… Si mes romans ne sont pas édités dans mon pays, ce sont pour des raisons politiques qui m’échappent totalement. Et votre héroïne ? Elle porte le même patronyme que vous. Votre récit est-il autobiographique ? Aucune œuvre n’est autobiographique pour moi. Et puis, elle s’appelle Guerra comme moi, mais son prénom, Nadia, fait penser à «nadie» (personne, en espagnol) ; alors, c’est moi, ce n’est personne, c’est une femme cubaine parmi d’autres. Je laisse le lecteur croire ce qu’il veut… C’est sa liberté. PROPOS RECUEILLIS PAR FRED ROBERT

À lire : Tout le monde s’en va (coll. De poche) et Mère Cuba (voir Zib’ 22)

F.R.

Lettres à Guenica et Bonjour Minuit ont été lus au Théâtre Jean le Bleu les 25 et 26 sept

pondances, s e r r o C s e r è Merci, ch rnées pour ces jou de plaisir, t e e t r e v u o c de dé ochaine! r p e é n n a l’ à et E ROBERT FREDERIQU

Wendy Guerra © C. Lorin


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LIVRES

LES LITTORALES | LES ESCALES

La bataille du livre En cette rentrée 2009, les libraires et éditeurs indépendants du département se mobilisent afin que la lecture publique se développe et touche le public le plus large

présence du réalisateur et de Lanzmann lui-même, un vieux monsieur brillant, au talent indéniable de conteur, mais à l’ego, hélas, surdimensionné et aux répliques gratuitement acerbes. On a aussi senti passer le vent de la guerre et la poussière du désespoir afghan pendant la projection à l’Alcazar du magnifique Terre et cendres d’Atiq Rahimi, adapté par le romancier lui-même de son roman éponyme (POL, 2000). Deux soirées au ciné, qui donnent envie de retourner aux livres. Alors, même s’il y a eu des défections, celle de Rahimi hospitalisé en particulier, ces 2e Littorales ont tenu leurs paris et permis de belles rencontres.

C’est l’une des priorités de la politique culturelle mise en œuvre au quotidien sur l’ensemble du territoire départemental par le Conseil Général 13. Dans le cadre de cette action d’envergure, deux manifestations importantes sont à signaler, orchestrées par la combative association Libraires à Marseille.

… en Escales

De Littorales… Pour sa 2e édition, le «rendez-vous annuel des livres et des auteurs, proposé par les libraires indépendants associés» a joué la carte de l’ouverture et de la diversité en intitulant son Comptoir littéraire Approches sensibles d’un monde pluriel. Ainsi, sous les chapiteaux à nouveau installés sur le cours d’Estienne d’Orves, les lecteurs et promeneurs du week-end ont pu glaner les paroles d’écrivains aussi divers que Marie-Aude Murail, auteure de romans jeunesse (voir p XII), Wendy Guerra (voir p 63) et Belinda Canone venues évoquer «les sons du monde», mais également les auteurs d’ouvrages où texte et arts visuels se rencontrent, comme en ont présenté les éditions du Chemin de Fer, du Bec en l’air ou la jeune Hélium. Chaque libraire associé a proposé cette année ses choix, ses coups de cœur. C’est ainsi que la librairie Maupetit a privilégié les auteurs turcs (voir p 8), que Regards et Prado Paradis ont invité les littératures espagnole et sud américaine dans le cadre des Belles Latinas, que la Réserve à Bulles a convié les artistes et l’association

© Juliette Lück

Massilia BD… Beaucoup de choix, des stands variés et des auteurs pour tous les goûts, afin que tous les lecteurs puissent trouver leur bonheur ! Et tout cela dans la qualité, car Libraires à Marseille entend bien mettre en avant sa différence : Les Littorales ne sont pas une Foire aux Livres ; plutôt un lieu relativement intime, où il fait bon flâner, écouter, discuter avec les écrivains et les libraires. Les Littorales, ce sont aussi des soirées, qui mêlent la littérature et les autres arts, le cinéma en particulier cette année. On a ainsi pu voir en avant-première aux Variétés le téléfilm documentaire consacré au parcours de Claude Lanzmann. Une très belle réalisation de Sylvain Roumette pour la collection Empreintes, en © Juliette Lück

Après les chapiteaux et les rencontres dans de grands lieux comme la BMVR Alcazar ou le cinéma Les Variétés, les libraires indépendants lancent pour toute la saison 2009-2010 une opération pilote soutenue et financée par le Conseil Général 13. Escales en Librairies, selon Mathieu Rochelle et Christine Fabre de la Bibliothèque Départementale et Bernard Millet du CG13, répond à une nécessité, celle de la pérennité des libraires en centre ville, et à une idée majeure, celle d’aller «au cœur de là où ça se fait». Dans les librairies donc, et avec les libraires, dont le rôle essentiel pour la vitalité de la création et la diffusion des œuvres sera ainsi reconnu et encouragé. Dans cette perspective, Escales en Librairies proposera dès octobre une série de rendez-vous mensuels, selon le principe de 2 rencontres, l’une dans une librairie marseillaise, l’autre dans une librairie du département. Le premier invité de la saison est prestigieux, comme ils le seront tous. C’est en effet l’un des axes du programme de ces Escales : proposer à tous les publics de rencontrer des écrivains reconnus à l’échelle nationale, voire internationale, spécialistes de disciplines variées et porteurs d’une grande qualité de savoir et de transmission. Les 15 et 16 octobre prochain, Aix puis Marseille auront ainsi le plaisir et l’honneur d’accueillir Georges Didi-Huberman. L’historien de l’art et philosophe s’entretiendra de son dernier ouvrage Survivance des lucioles (Minuit, 2009), mais également de son œuvre, conséquente, consacrée à l’histoire et à la théorie des images. De quoi réjouir les étudiants des nombreuses écoles d’art du département, et pas seulement eux. La 2e escale, en novembre, se tiendra autour de la célèbre anthropologue Françoise Héritier ; et en décembre, c’est Jacques Barsac qui viendra parler d’architecture et de Charlotte Perriand. Un programme ambitieux, on le voit. Et qu’on salue, chapeau bas ! FRED ROBERT

Les Littorales se sont déroulées du 7 au 11 octobre à Marseille. Escales en Librairies Georges Didi-Huberman Librairie les Vents du Sud, Aix Le 15 nov à 19h Librairie l’Odeur du temps, Marseille Le 16 nov à 19h www.librairie-paca.com


SALON DES ÉDITEURS INDÉPENDANT | AU PROGRAMME

LIVRES

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Éditeurs militants

Beau succès pour ces Deuxièmes Rencontres de l’Édition Indépendante, organisées par la Bibliothèque départementale et l’Agence régionale du Livre PACA. Et une occasion rêvée pour les maisons indépendantes d’exprimer leur différence ! Il fallait être à l’heure, le 18 septembre, aux ABD Gaston Defferre ! Ni la pluie, ni le fracassant orage matinal n’avaient découragé les éditeurs indépendants, de la région et d’ailleurs, venus présenter leurs ouvrages et débattre de leur métier pendant deux jours. Dès l’ouverture il y avait foule, dans le grand hall et dans l’auditorium, à tel point que les retardataires ont dû se contenter d’une vidéoconférence dans une salle du premier étage….

Refuser l’air du temps L’indépendance était au centre de la conférence d’Éric Vigne, directeur de collection chez Gallimard. On peut, comme l’ont fait certaines personnes lors du débat, se demander si la situation d’une maison comme Gallimard est comparable avec celle d’un éditeur local. Éric Vigne balaie l’objection et se présente comme membre d’une «maison indépendante qui ne publie que des livres». À ce titre, il se situe comme les autres participants et peut parler de la

«crise de l’édition et du livre». Il le fait, brillamment, avec clarté, éloquence et un humour souvent grinçant, sur un sujet qui lui tient visiblement à cœur : la toute puissance des grands groupes et des ouvrages qu’ils imposent, à coups de campagnes promotionnelles, selon des circuits de lancement et dans une optique de vente rapide qu’il juge «très déstabilisateurs pour la profession.» Selon lui, l’édition indépendante doit aujourd’hui affronter deux problèmes majeurs : celui de la distribution et celui du temps, de la durée physique des livres en rayon. L’édition indépendante doit se battre pour faire exister d’autres ouvrages que ceux de la mode et du moment, dont il se demande d’ailleurs s’il s’agit encore de livres. Il est vital de publier des textes qui reflètent la complexité du réel, la «palette de gris» que les fast thinkers redoutent tant, de découvrir de nouveaux talents. Car la crise ne vient pas tant de la surproduction que du formatage. Il n’y a pas trop de livres, mais nettement «trop de semblables» !

D’où le rôle crucial des libraires, auxquels Éric Vigne a rendu hommage. Des bibliothécaires et documentalistes également, éclaireurs éclairés.

Croiser les rencontres Nouveauté futée cette année : les 15 éditeurs régionaux présents en ont invité 15 d’ailleurs, que le poète Pierre Guéry a présentés tout au long de la journée professionnelle. Des duos inscrits dans des perspectives similaires, pour élargir le champ et marquer l’étendue du territoire des éditions indépendantes. Agone l’engagée a ainsi invité la révolutionnaire Échappée de Montreuil, tandis que la jeune maison arlésienne Où sont les enfants présentait La Compagnie créative de Bordeaux, spécialisée dans le livre jeunesse. Les surréalistes d’Attila, basés au Rayol dans le Var, avaient fait signe à l’inventive Cambourakis ; les poètes, artistes et performeurs de Plaine Page (Barjols, Var) à Voix Édition (Elne, Pyrénées-Orientales), le collectif marseillais Soleda aux Fondeurs de

Brique tarnais… Bref, beaucoup d’animation autour des stands ! Cette effervescence professionnelle s’est prolongée le samedi, d’autant qu’il coïncidait avec les Journées Européennes du Patrimoine. Une intéressante occasion pour le public de rencontrer des maisons d’édition engagées, loin de l’homogénéisation ambiante et du prêtà-penser. FRED ROBERT

Les 2e Rencontres de l’édition indépendante se sont tenues aux ABD Gaston Defferre à Marseille, les 18 et 19 septembre. À lire : Éric Vigne Le livre et l’éditeur, éd Klincksieck, 15 euros

Au Programme AIX

FORCALQUIER

Centre des écrivains du sud – 04 42 21 70 90 Rentrée littéraire avec Gwenaëlle Aubry, Brigitte Giraud, Philippe Routier. Entretien conduit par Paul Constant, lectures par Laurent Kiefer. Le 22 oct à 18h.

Association Forcalquier des livres – 04 92 75 09 59 Des livres et leurs mystères : expositions, conférences, ateliers pour mettre en lumière toute la chaîne du livre. Du 23 au 26 oct.

MARSEILLE ARLES Association Le Méjan – 04 90 49 56 78 Didier Sandre lit Le Fou d’Elsa. Le 15 oct à 20h30. Lecture-concert : improvisation autour de La double vie d’Anna Song (Éd. Actes Sud, 2009) avec l’auteure, Minh Tran Huy et le pianiste et compositeur Karol Beffa. Le 20 oct à 20h30. Musée Réattu – 04 90 49 37 58 Exposition Chambres d’écho consacrée à la collection photographique du musée ainsi qu’à l’œuvre de Brassaï. Jusqu’au 29 nov. Museon Arlaten – 04 90 93 58 11 Dans le cadre de la manifestation Musée à rénover, week-end festif de fermeture les 24 et 25 oct. Discussions/rencontres sur la conservation et sur le projet de rénovation ; comptoir musical en partenariat avec les Suds ; interludes dansants avec l’Atelier Saugrenu ; concert de Frédéric Nevchehirlian ; des contes… Hors les murs : A la rencontre d’un fleuve, le Rhône, visite fluviale avec le Musée départementale de l’Arles Antique et le Centre Permanent d’Initiative à l’Environnement (les 7 et 8 nov, inscription au 04 90 98 49 09). Upop’Arles / Maison de la vie associative – 06 16 89 46 41 Conférence/débat sur Images et culture numérique par Robert Pujade, président de l’association Avec le Rhône en vis-à-vis. Le 17 oct à 15h.

BMVR Alcazar – 04 91 55 56 34 Exposition Anthony Browne : sélection de dessins originaux extraits de ses livres pour enfants. Jusqu’au 18 nov dans la salle d’exposition. Conférence sur Les apports de la laïcité pour les femmes par Aline Vergnon-Bondarnaud, présidente du GRAIF, Robert Lazennec, de l’observatoire de la Laïcité de Provence et d’Aix, et Mathilde Dubesset, maître de conférences en histoire contemporaine à l’Institut d’Études Politiques. Le 16 oct à 14h en salle de conférence. CIPM – 04 91 91 26 45 Exposition consacrée au travail de Pierre Albert-Birot, poète et typographe. Jusqu’au 28 nov. ABD Gaston Defferre – 04 91 08 61 08 Exposition Route impériale n°8, Arenc, de la plage de sable aux chantiers d’Euromed : photos de Philippe Piron, vidéo-portraits de François Landriot et recueil de témoignanges de Nora Mekmouche. Jusqu’au 24 oct. Institut culturel italien – 04 91 48 51 94 Ateliers de Katsumi Komagata, graphiste japonais. De 10h à 12h : comment réinventer une forme ; de 14h30 à 16h30 : un papier découpé pour inventer une histoire. Le 24 oct à la librairie Imbernon. Conférence dans le cadre de l’automne baroque sur La musique

à Naples à l’aube du XVIIe s par Dinko Fabris. Le 20 oct à 18h. Rencontre autour du spectacle Mère/Fille de Laura Forti, avec cette dernière, Antonella Amirante et la traductrice Graziella Végis. Le 22 oct à 18h. Espace Leclere - 04 91 50 00 00 Conférence de Claude Sintes, directeur du musée départementale de l’Arles Antique. Le 2 nov à 18h. Espace Ecureuil – 04 91 57 26 49 Conférences d’initiation : Art et paysage II : du symbole au sentiment (Emergence) par Jean-Noël Bret. Le 10 nov à 12h30, le 13 nov à 12h30 et 18h.

MIRAMAS Médiathèque Intercommunale – 04 90 58 53 53 Dans le cadre de l’exposition Le Monde et rose : conférence de Nicolas Féodoroff, critique d’art et de cinéma, programmateur au FIDMarseille et conférencier au Musée d’art contemporain de Marseille, le 20 oct à 18h30, galerie de la Médiathèque ; rencontre lecture/vidéo avec Laurent Dhume, comédien, le 22 oct à 18h30, galerie de la Médiathèque.

VILLENEUVE-LEZ-AVIGNON Association Totout’arts – 04 90 90 91 79 Burkin’arts : manifestation autour de l’art contemporain Burkinabé : peinture, sculpture, bogolans, mobilier design. Jusqu’au 25 oct à la Chapelle des Pénitents Gris, à l’Hôtel de Montanègues et à la salle des Conférences.

VOLONNE Association Amitié et loisirs – 04 92 64 58 25 14e Festival du livre et de l’écriture sur le thème de la Nature et environnement, l’eau et l’air. Du 15 au 18 oct.


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LIVRES

LITTÉRATURE

Le roman d’un Noir Pour son éditeur Myriapode, Naître ou ne pas naître Noir de Victor Kathémo est un roman «à la lisière de l’essai qui donne à réfléchir sur la condition d’un Noir dans le monde contemporain.» Mais sa construction est trop autobiographique et factuelle pour l’inscrire dans une tradition romanesque, et pas assez théorique pour prétendre à l’essai. Du coup, le lecteur nage en eaux troubles. Au départ il y a un nom, Victor Kathémo Neïlungu Bilemba, qui pose le cadre généalogique du narrateur et les liens sacrés qui en découlent depuis son arrière-arrière-arrière grand-père Bilemba, «chef coutumier et guerrier hors pair.» Et une région d’Afrique: les Grands lacs. Puis pêle-mêle sont évoqués la foi, Dieu et les dogmes religieux à travers, notamment, l’arrivée «des missionnaires catholiques pour convertir les populations locales de croyance animiste.» Mais aussi l’abolition de l’esclavage par la France et la déception de ne pas voir l’Afrique en faire autant : «Les

indépendances y sont célébrées en grande pompe, et cependant l’esclavage y demeure un sujet tabou, un kyste purulent que l’on n’a pas envie d’effleurer. (…) L’Afrique se sent-elle complice de son passé douloureux ?» En guise de réponse, Victor Kathéma en appelle une fois encore à son ancêtre Neïlungu comme force de témoignage. Cahin-caha l’histoire se développe depuis sa terre, le Rwanda, jusqu’à l’Europe et son corollaire, la modernité et les origines. Zigzaguant entre récit familial, rappels géopolitiques et bribes d’analyses généralistes, Naître ou ne pas naître Noir ne parvient pas à entrer dans le romanesque, tout en étouffant de métaphores et d’images. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Naître ou ne pas naître Noir Victor Kathémo Édition Myriapode, 17 euros

Brèves de taxi Où peut bien nous conduire Khaled Al Khamissi à bord des taxis du Caire ? Dans un dédale de ruelles surpeuplées certes, au cœur d’interminables embouteillages, dans la chaleur étouffante de la capitale, mais certainement plus loin encore. Pour son premier livre, Khaled Al Khamissi a mis à profit ses innombrables déplacements pour consigner, d’avril 2005 à mars 2006, au moment où le président Hosni Moubarak sollicitait un cinquième mandat, quelquesunes de ses conversations avec les chauffeurs de taxi. Par petites touches cocasses, lucides, il brosse le portrait de la société égyptienne à la manière d’un peintre impressionniste, traquant les mauvaises humeurs, les situations absurdes et le désenchantement d’un peuple. Avec une infinie tendresse, toujours. Taxi est un tableau social, économique et politique mené comme une enquête de terrain, à la fois haletante et brouillonne car l’auteur ne peut se défaire de son métier de journaliste et réalisateur. Aussi, bien qu’il

alimente ses cinquante-huit brèves de digressions, d’anecdotes personnelles ou de situations fictives, les dialogues paraissent-ils souvent factices, trop «écrits» pour être spontanés. Taxi, prétexte littéraire habile, tend un miroir à un peuple préoccupé par la corruption, la politique, l’exil, les femmes, l’insécurité, la pollution, l’enseignement et «la course au pain», ses deux priorités… Une fois les portes refermées sur les banquettes usées de vieux taxis chaotiques, on a la sensation d’être passé trop vite d’un taxi à l’autre, sans vraiment croiser le regard du chauffeur. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Taxi Khaled Al Khamissi Traduit de l’arabe (Égypte) par Hussein Emara et Moïna Fauchier Delavigne Actes Sud, 18,80 euros

Le retour de la femme jaguar Il y a des auteurs dont on attend le roman suivant avec la fébrilité des retrouvailles prochaines. Véronique Ovaldé fait partie de ces écrivains-là, ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre à chaque nouvel opus. Ce que je sais de Vera Candida ne fait pas exception. Dans cette histoire de famille, de départ et de retour sur une île tropicale des antipodes, à mi-chemin entre roman d’apprentissage et réalisme magique à la sud américaine, on retrouve les motifs récurrents d’une œuvre romanesque originale. Secrets de famille, deuils et morts, couple et passion, femmes abandonnées, salauds et justiciers… à première vue rien de très nouveau. Sauf qu’Ovaldé traite ces thèmes archi rebattus, par elle et d’autres, avec un sens du récit et un goût pour la langue dont on se délecte. Qui est ce «je» du titre initial ? D’emblée, on veut savoir qui parle et qui est cette énigmatique Vera

Candida. Et puis, il y a les sous-titres qui rythment le livre en distillant humour et poésie, comme le font aussi les nombreuses parenthèses (Ah, l’explication du mot «chet set» !), les images inattendues, les ruptures de ton et de registre. Il y a encore les lieux, ancrés dans le réel et pourtant mythiques, comme le sont les personnages, souvent affublés de drôles de noms. Insolites et solitaires, fragiles mais déterminés, sortes de survivants, ils revendiquent sans faillir le droit à l’amour dans un monde de brutes et de mort… Véronique Ovaldé a décidément le talent de créer des univers dans lesquels on a plaisir à entrer. Et à revenir. FRED ROBERT

Ce que je sais de Vera Candida Véronique Ovaldé éditions de l’Olivier, 19 euros


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Un monde parfait ? La collection Collatéral des éditions manosquines Le bec en l’air nous a habitués au dialogue entre la littérature et la photographie contemporaines. Grâce à elle on a arpenté, en images et en mots, les chemins de Cuba ou d’Alger. Le dernier-né de la collection nous entraîne moins loin et semble a priori moins exotique, puisqu’il se passe pour l’essentiel sur une portion très réduite du boulevard périphérique parisien, aux alentours de La borne SOS 77. C’est pourtant à un véritable voyage qu’Arno Bertina et Ludovic Michaux nous convient, un périple vers le hors-champ des caméras de surveillance du périph’,vers la marge, entre piliers de béton et voies sans issue. 2005. Sur le trajet vers son travail, Ludovic Michaux aperçoit les installations insolites d’un SDF qui «loge» sous le périphérique ; il le rencontre, se lie avec lui, photographie ses compositions. C’est à partir de ces

photos et d’autres encore, qui montrent les dispositifs mis en place dans la ville pour empêcher les sans-abri de s’y installer, qu’est né le projet du livre dont Arno Bertina a écrit le texte. Une histoire à deux voix, celle qui vient d’ici, du «milieu des bagnoles (…), avant l’entrée du tunnel…», la voix d’un SDF philosophe et artiste, et l’autre qui parle de là, d’un bureau de surveillance de l’autoroute, la voix d’un nouveau, curieux et pas encore désabusé. La fiction, fortement inspirée d’un réel que les images montrent, ne joue pas la carte du pathos. Elle fait mouche pourtant, car elle questionne ce monde de nantis qui jettent les objets dont ils ne veulent plus, comme ils se débarrassent des marginaux, en les reléguant pour mieux les ignorer. Une livre lucide et humain, à lire, regarder et méditer.

La borne SOS 77 texte d’Arno Bertina, photographies de Ludovic Michaux éditions Le bec en l’air, 14,50 euros

FRED ROBERT

Symphonie héroïque Œuvre polyphonique en trois mouvements savamment orchestrés, le dernier roman de Marie NDiaye met en scène Trois femmes puissantes. Puissantes, Norah, Fanta, Khady Demba le sont sans doute, fortes en tout cas d’une détermination et d’une fierté chevillées au corps. Ce qui ne les protègera ni des humiliations, ni des blessures, ni de la solitude. Car ces trois récits mettent à jour trois souffrances. Celle de Norah qui revient au pays de son père et découvre la décrépitude et les crimes de celui qui est parti lorsqu’elle était enfant. Celle de Fanta, que les échecs successifs de son mari enferment dans l’exil. Celle enfin de Khady Demba, que sa belle-famille renvoie à la mort de son époux, la condamnant à la misère et à la clandestinité. Face à l’adversité, les trois femmes opposent résistance et dignité. C’est loin d’être le cas des hommes, dont la romancière dresse un tableau peu réjouissant : pères

irresponsables et criminels, fils dociles et velléitaires, compagnons peu fiables… Ce roman subtil ne se résume pourtant pas à une manichéenne guerre des sexes. La composition ternaire (et non binaire, justement), outre qu’elle tend des passerelles entre les récits, offre, grâce aux contrepoints qui clôturent chacun d’eux, une ouverture du point de vue, un nouvel éclairage de la fiction grâce auquel celle-ci échappe définitivement à tout discours convenu. Et, summum de la finesse, le texte central est relaté du point de vue du personnage masculin ; Fanta y figure seulement en creux. Dans ce roman, une place de choix est ainsi laissée à la parole de l’homme, pour dire ses faiblesses mais aussi son sursaut vers une dignité reconquise… grâce à l’amour ou à la présence tutélaire d’une de ces femmes puissantes, héroïnes du quotidien qui lui redonnent son éclat.

Trois femmes puissantes Marie NDiaye éd Gallimard, 19 euros

FRED ROBERT

Un homme en exil Lorsqu’il était étudiant dans son pays, la Turquie, Sami n’était pas à proprement parler un révolutionnaire. Ses parents, commerçants, gagnaient proprement leur vie et il avait fait des études de cinéma à Istambul. Ni de gauche, ni de droite… Il se retrouve dans le froid de Stockholm avec d’autres étrangers mais il n’est pas, comme les autres, un réfugié politique. La raison de son exil ne sera dévoilée par Sami lui-même que plus tard dans le récit. Récit à deux voix qui alternent et se complètent : celle d’un ami romancier qui a recueilli quelques confidences, celle de Sami lui-même qui rectifie, et mettra du temps à dire sa blessure. Jeux d’écriture et de points de vue qui se prolongent par une adresse directe au lecteur dans l’alternance d’un style écrit et d’une parole plus brute. Peu à peu, grâce à ces confrontations, on comprend ce que sont l’exil et le déracinement,

l’immersion dans une langue étrangère et la force de la langue maternelle, qu’on retrouve soudain alors qu’on ne la parle plus depuis 9 ans. C’est ce qui arrive à Sami lorsqu’il se retrouve à l’hôpital avec un ancien ministre turc venu soigner une tumeur au cerveau. Une infirmière lui demande de servir d’interprète. Sami reconnaît en lui le responsable de la mort de celle qu’il aimait. Son passé ressurgit, le désir de vengeance le harcèle. Une réunion a lieu avec les exilés d’Iran, du Maroc, d’Amérique latine, du Japon, d’Espagne. Tous ne sont pas d’accord pour une exécution… Zülfü Livaneli aborde frontalement le problème de la vengeance, de ce que l’on peut oublier voire pardonner, et du temps qui passe et qui change les hommes. Peut-être le véritable exil ? CHRIS BOURGUE

Une saison de solitude Zülfü Livaneli traduit du turc par Timour Muhidine éd.Gallimard, 21 euros


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LIVRES

LITTÉRATURE

Un mal qui répand la terreur… Le second roman historique de Nicole Cheverney s’attache à l’un des thèmes phare de la littérature consacrée à Marseille, la grande peste de 1720. Chacun a en tête la sinistre silhouette du Grand SaintAntoine avec sa cargaison de tissus d’Orient et dans ses cales, le lourd secret d’une épidémie qui allait faucher plus de cinquante mille victimes. Nous retrouvons dans ce roman les acteurs réels du drame, le capitaine Chataud, les échevins de la ville, Estelle, Moustiers… le peintre Serre, la belle figure de monseigneur Belzunce, les médecins, les petites gens, les «corbeaux», ces forçats réquisitionnés pour charger les morts sur des charrettes avant de les jeter dans de larges fosses communes… Les petites gens comme les grands sont ici mis en scène, les attitudes nobles et lâches aussi, dans une fresque peinte avec talent. Remarquablement documentée, l’auteure livre un tableau riche et

pittoresque des étapes du fléau, la danse du cheval blême, autre nom de la peste. Les passages obligés de la description de la peste sont écrits dans un style flamboyant, avec une magnifique ampleur. Mais il est dommage que certains personnages soient abandonnés en cours de route… Ainsi on laisse Chataud dans une auberge pour suivre le bon docteur Bénézet Monédières, on ignore ce qu’il advient aux échevins, à monseigneur Belzunce, et le feu d’artifice qui nous emportait s’achève sur une histoire simple, la destinée sacrifiée d’une jeune servante, dans un monde à la Maupassant. Si bien que malgré toutes les indéniables qualités de ce roman au souffle parfois puissant, nous restons au final sur notre faim.

La danse du cheval blême Nicole Cheverney Éd Cheminements, 20 euros

MARYVONNE COLOMBANI

Avenirs radiés N’oublions pas que l’amertume est d’abord une saveur et ne rime pas forcément avec aigreur ! Et remercions vivement les éditions Agone pour la remise en circulation de la Dictature du Chagrin et autres écrits amers. Parus entre 1945 et 1953, ces textes courts, denses, destinés le plus souvent à des journaux suédois, nous rappellent fort à propos que l’existentialisme n’a pas été une simple crispation de la conscience parisienne, et que le présent peut durer toujours. Lorsque Stig Dagerman, dans une prose ferme, impressionnante de simplicité (ranimée avec justesse par la sobre traduction de Philippe Bouquet ) se livre à une démystification méthodique du monde de l’après-guerre, tout s’éclaire sous son regard incisif et rempli d’amour pour l‘humanité. Qu’il disserte de front sur la responsabilité de l’écrivain («faire saisir à

l’individu le sens de sa liberté»), qu’il dénonce les fauxsemblants de la commémoration ou les artifices de ce qui deviendra «guerre froide», ou qu’il mette en scène finement dans ses Coups de gueule à la Swift ou à la Kafka l’absurde des mœurs du temps (L’assassinat de la contrebasse ou La liberté des chiens danois), l’auteur ne perd jamais de vue que les idéaux trahis font mal au ventre tout autant que la disette. Cet anarchosyndicaliste délicat n’est-il justement pas à l’origine du titre le plus singulier de la littérature du XXe siècle : Notre besoin de consolation est impossible à rassasier ? L’homme tragique, broyé par l’Histoire collective, pourra alors trouver sa dignité à avouer simplement : «Le froid est vif et j’ai le cœur transi.»

La Dictature du Chagrin Stig Dagerman Traduit par P hilippe Bouquet Nouvelle édition augmentée Ed Agone, 17 euros

MARIE-JO DHO

Envolées nippones Minaé Mizumura écrit en japonais. Élevée aux Étatsunis, à Long Island, elle entretient avec l’oncle Sam des relations ambiguës qui l’amènent à enseigner souvent en Amérique, y passant de longues saisons universitaires tout en rêvant d’un Japon authentique qu’elle sait irréel. Mais son propos est toujours celui de la langue. Ce qui peut paraître étonnant, car Tarō retrace en six cents pages une saga construite à la manière des Hauts de Hurlevent d’Emily Brontë : les familles Shigemitsu et Saegusa, nobles et parvenus, figurent les Linton et les Earnshaw de la version britannique. Le canard boiteux, enfant adopté promis à la domesticité qui saura extraire toute la haine de son corps pour brûler le destin s’appelait Heathcliff. Chez Mizumura il se nomme Tarō Azuma et n’est pas tout à fait Japonais... D’ailleurs la société japonaise d’aujourd’hui paraît bien insignifiante en regard de ce bâtard surhumain qui passera son existence entre

félicité suprême et douleur d’aimer. Car si la trame originale de l’histoire est respectée en grande partie, le contexte -le Japon au sortir de la deuxième guerre mondiale jusqu’à aujourd’hui- bouleverse la donne. Grâce à la traduction que l’on imagine au plus près de cette langue si étrangère, Mizumura entraîne les lecteurs français dans un monde extraordinaire, où l’on sent à chaque seconde le double poids de l’idéologie et de la codification. Plus fort que les conventions de son époque, le formidable Tarō a vraiment existé. Et le début de l’ouvrage contribue à nous ancrer dans la réalité quotidienne des migrants japonais aux États-Unis d’après-guerre. Un univers où les nippons émaillent leurs discours et leurs gestes d’attitudes américaines tandis qu’une jeune fille nommée Minaé Mizumura s’efforce de construire, en japonais, un monde parfait... EDOUARD BARTHELEMY

Tarō , un vrai roman Minaé Mizumura traduit par Sophie Rèfle Ed le Seuil, 24 euros Minae Mizumura sera présente à Aix pour la Fête du livre des Écritures Croisées à partir du 15 oct


LIVRES

La voix de l’homme Géniale et abondante, l’œuvre vocale du compositeur Francis Poulenc, membre du Groupe des six, est l’objet d’une publication sous forme d’actes de colloque (Université de Saint-Etienne) aux Editions Symétrie. Sous la coordination d’Alban Ramaut, quinze chercheurs en musicologie et en littérature questionnent le foisonnant corpus choral et mélodique de celui qui a tissé tant de liens avec les hommes de lettres et mis en musique nombre de textes des poètes et écrivains de son temps. Tout amoureux de la musique appréciera à sa juste valeur l’ouvrage, mais il faut néanmoins souligner la pertinence de la mise en regard des vers d’Eluard, Cocteau ou Max Jacob. La genèse et la réception de l’œuvre, le rapport de l’homme à la voix et à l’interprète, la sensibilité visuelle de l’artiste

aux éditions originales illustrées par Matisse ou Dufy et la mémoire auditive que conservait le compositeur de la voix d’Apollinaire et de la diction d’Eluard sont autant d’études passionnantes et instructives. Francis Poulenc et la voix – texte et contexte offre outre son érudition une formidable et peu fréquente transversalité pluridisciplinaire, clef indispensable à la compréhension des opus de l’ardent défenseur de l’art français. FREDERIC ISOLETTA

Francis Poulenc et la voix coordination Alban Ramaut Éd. Symétrie, 28 euros

Rendez-vous chez Castel ! À l’heure où les marseillais redécouvrent (voir p 76) l’architecte Gaston Castel, acteur majeur de la cité phocéenne et de ses environs au XXe siècle, les Éditions Parenthèses associées aux Archives Départementales des B-d-R ont la bonne idée de publier un ouvrage collectif retraçant la longue histoire d’une agence qui a perduré sur trois générations. Sous la direction d’Isabelle Chiavassa et François Gasnault, cette somme exhaustive regroupe études, projets, catalogue, écrits, archives et illustrations de grande qualité de celui qui fut le professeur d’un certain Fernand Pouillon. De l’entre deux guerres à la reconstruction de la ville, l’auteur d’édifices majeurs comme le Monument aux morts de l’armée d’Orient ou l’Opéra municipal (après l’incendie de 1919) est montré sous toutes ses facettes et elles sont nom-

breuses. Tendances art déco, moderniste, monumentale voire utopiste, les préoccupations de l’architecte en chef du département étaient aussi urbanistes. Dressant un panorama instructif sur les constructions marseillaises depuis 1880, l’imposant volume Les Castel, une agence d’architecture au XXe siècle fait revivre une agence aux annales passionnantes. Toujours à la mode à l’image de l’Arbois actuellement en rénovation, l’histoire du Marseille des temps modernes se déguste chez Castel. F.I.

Les Castel - une agence d’architecture au XXe siècle Éd Parenthèses/Archives Départementales, 44 euros

Souffle épique Dans la petite ville côtière Desperance, située dans le Golfe de Carpentarie, au nord est de l’Australie, aborigènes (le «vrai peuple») et blancs («les habitants d’Uptown») vivent côte à côte, sans trop se mélanger. Les premiers savent comment respecter la loi ancestrale, celle du lieu, rendent hommage aux esprits créateurs, respectueux qu’ils sont de leur terre. Car c’est bien d’elle dont il est question tout au long de ce roman épique ; une terre vivante qui subit les caprices du temps, qui modèle ses habitants et les force à composer, une terre dont on ressent et entend le souffle à chaque page. Sur cette terre, les blancs ont implanté une mine, synonyme d’exclusion pour les aborigènes qui ont juste le droit d’y travailler et de l’accepter. Pourtant certains se révoltent, et vont tout faire pour l’éradiquer. À commencer par Will Phantom, l’un des nombreux personnages hauts en couleurs qui guident le lecteur pas à pas dans cette

aventure, fils de Norm, vieil aborigène, «pêcheur d’entre les pêcheurs» et plus grand connaisseur de la mer ; on croise aussi Mozzie Fishman, qui perpétue les cérémonies ancestrales à sa façon, Joseph Midnight, ennemi juré de Norm, et sa fille Hope, aimée de Will et mère de son fils Bala… Tous s’affrontent, s’aiment, se jaugent au gré des événements. Roman déroutant et tourbillonnant, pour lequel son auteure, Alexis Wright, qui a consacré sa vie à la cause aborigène, a reçu en 2007 le plus grand prix australien (le Miles Franklin Award) décerné pour la 1re fois à un auteur Aborigène… DOMINIQUE MARÇON

Carpentarie Alexis Wright Ed Actes Sud, 23,90 euros

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LIVRES

ARTS

Surréalisme et Musique À quelques exceptions près, la plupart des ouvrages consacrés au surréalisme affirment qu’il n’y pas de surréalisme musical. Peut-être parce qu’André Breton, «pape» du mouvement qui se développe dans les années vingt, montrait peu de goût pour la musique ? D’où sa célèbre allégorie : «Que la nuit continue donc à tomber sur l’orchestre». Est-ce à dire que sa visée de rupture, prônant la «toute puissance du rêve» et interrogeant «le fonctionnement réel de la pensée», a jeté un voile définitif sur l’expression musicale ? Sébastien Arfouilloux tend à démontrer le contraire, arguant que l’expérimentation musicale, souvent accompagnée d’une révision des valeurs classiques, positionne l’art du sonore dans l’esprit surréaliste. Par une étude des liens entre littérature et musique, de productions de créateurs du surréalisme employant la

musique, des affinités artistiques avec des musiciens, l’auteur mène une enquête historique autant qu’esthétique, fouille les influences et collaborations de l’ensemble des acteurs du mouvement… des origines Dada aux héritages «récents». Au commencement était Parade, les Ballets russes, Satie, Picasso et Cocteau, le futurisme avant les «Six», puis vint le goût du surréalisme pour la chanson populaire et le jazz, Poulenc et Eluard, jusqu’au Boulez du Marteau sans maître et la figure d’André Souris… JACQUES FRESCHEL

Que la nuit tombe sur l’orchestre Surréalisme et musique Sébastien Arfouilloux éd Fayard/Les chemins de la musique, 24 euros

Le Blues est un Roman Longtemps la voix d’Alain Gerber a résonné sur les ondes de France Musique et de son émission Le jazz est un roman. Au swing de son inimitable débit et de son timbre feutré, il a conté, avec une culture pharaonique, la vie des grands du jazz, des statues Lester Young, Sonny Rollins, Chet Baker, Louis Armstrong, Bill Evans, jusqu’aux talents plus discrets, dont le destin souvent précaire et tragique était relaté avec une (com)passion souveraine. On sait moins que l’homme de radio se doublait depuis longtemps d’un homme de lettres. Après de nombreux romans, nouvelles et essais, il s’est lancé dans le «roman-jazz». Un genre personnel qui lui colle au phrasé. Car sa phrase chante comme un long chorus de ballade : Alain Gerber parle comme il écrit; il écrit comme il parle, avec force lyrisme, jusque dans la peinture du quotidien. Après Chet (2001) ou Charlie (2005), son dernier pavé puise dans les origines du Blues. Depuis la guerre de Sécession au temps de l’abolition de l’esclavage, on suit

les aventures de Nehemiah. Affecté au service du fils de ses maîtres il a assisté à ses leçons, en a fait son miel : il sait lire, compter et connaît… la musique ! Après avoir tapoté sur une planche figurant les notes noires et blanches, c’est un style qui n’est ni celui du noir, ni du blanc qui coule sous ses doigts. Dans les bastringues de la Nouvelles Orléans il est un des premiers virtuoses du blues. Au-delà de la musique, le récit parle de l’initiation à la liberté. Tels les juifs errant quarante ans dans le désert après la sortie d’Egypte, les noirs affranchis restent longtemps des nègres humiliés qui demeurent incapables de franchir la «ligne» qui sépare le Sud du Nord. C’est peut-être pour cela que le blues noyaute autant les cœurs… et que ce roman nous transporte ! JACQUES FRESCHEL

Blues Alain Gerber éd Fayard, 25 euros

Peintres de la théâtralité Nécessaire prolongement de l’exposition du musée Cantini (voir p 33), l’ouvrage, bien au-delà du catalogue, s’impose comme la référence sur le sujet inventé par Guy Cogeval : les relations de la peinture et du théâtre de la fin du XVIIIe siècle à l’orée du XXe. Chaque contribution -ici l’érudition est de rigueurpermet de décoder les multiples références qui nourrissent les conceptions et les options plastiques élues par les peintres. De l’enracinement dans la culture antique, de l’ut pictura poesis à l’influence fondamentale du drame shakespearien ou wagnérien chez Füssli ou Delacroix jusqu’aux propositions anti picturales d’Adolphe Appia, nous saisissons pleinement l’influence complexe de la

théâtralité dans la transformation de la peinture vers la modernité, attribuée habituellement à des courants réputés révolutionnaires comme l’impressionnisme. L’excellente iconographie complète les reproductions de dessins et tableaux (pourquoi rogner la contreplongée du Saint Jean Chrysostome de J.-P. Laurens ?), par divers documents tels livrets, affiches, frontispices, programmes de théâtre illustrés par des peintres comme Vuillard ou Maurice Denis. Un ouvrage qui ravira les férus de théâtre, et de peinture. CLAUDE LORIN

De la scène au tableau Editions Skira, 39 euros


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Librairie5%Imbernon iicmarsiglia@esteri.it pour le concert de Peter Von 04 91pour 91 52 22 Jusqu’à ce que la mort (Ouest nous Provence) LaMontévidéo Minoterie (Marseille 8e)sur tous les livres Poehl + Marie Modianospécialisée en architecture 4 invitations ou au 04 91 48 51 94 invitations soir sépare de Rémi de Vos tarif3 réduit pourpar toutes le 14 mars à 21h30 Les Bancs Publics pour Correspondances Librairie Imbernon Vice-Versa de Will Self le 29 oct à 19h La Cité Radieuse les pour représentations résa par mail à 1 place offerte pour 1 place par la cie Georges Momboye (Marseille 8e) le 17 fév à 20h30 2 invitations 280 bd Michelet, 3èmeen étage 8€leau18lieu de 12€ journal.zibeline@gmail.com achetée le 21 fév à 18h30 à l’Espace G. spécialisée architecture fév à 20h30 La spectacles Répétion : une Odyssée de la(Port-St-Louis) 5% de réduction avant le 12 mars pour pour tous les Philippe La Cité Radieuse le 23 fév à 20h30 sur tous les livres 04 91cie 64Théâtre 60 00 de Cuisine Réservations au théâtre de 280 bd Michelet, 3ème étage le 24 fév à 20h30 l’Olivier, 04 42 56 48 48 5% de réduction le 25 fév à 20h30

4 invitations par soir Pour les réductions, pour La Chute de Camus mesprésentez Raymond simplement Vinciguerra votre carte le 17 nov(réduction à 20h30 valable seulement pour l’adhérent) le 18 nov à 19h15 le 19 nov à 19h15 Théâtre du Gymnase le 20 à 20h30 10 nov invitations par soir le 21 nov à 20h30 pour Otto Witte par la cie du 10 Centaure invitations mesrencontre/débat de Michel Didym à une le les 20 fév à 20h30 avec artistes de La Chute le 21 fév à 20h30 Doudet et avec Marie-Sophie résa par mail à (spécialiste de Camus) journal.zibeline@gmail.com le 18 nov à 20h30 (après la représentation) 2 invitations Le Gyptis invitationsdu film Inland à la14projection pour Gloria d’après Sunset dans le cadre des Rencontres Boulevard à l’échelle mes de Jacques Hansen le 8 nov à 19h le 10 mars à 20h30 tarif6 réduit B pour toutes les invitations (15€ au lieu de 24) représentations suivantes à toutes les représentations le 11 mars à 19h15 à 20h30 04 le 911411mars 00 91

er


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PHILOSOPHIE

HEGEL

C’est bien connu : on peut tout justifier en philosophie ! Le mot, péjorativement, peut désigner une rhétorique qui s’arrange ou s’amuse de la vérité. Alors on trouvera bien de quoi justifier une double page sur Hegel et la phénoménologie de l’esprit ? En alignant Hegel, Marx, crise du capitalisme ? Peut-être… Pour me venger de ma rédac chef qui le mois dernier, sous prétexte de rentrée culturelle chargée, a sucré les pages philo ? Sans doute ! Disons aussi qu’il y avait de la jalousie dans l’air. Après la double page sur La critique de la raison pure dans Zibeline l’an dernier, il convenait d’accorder un droit de réponse au principal contradicteur de Kant. On est un journal honnête et on ne veut d’ennui avec personne !

Petit Hegel

Don Juan, mes de Philippe torreton © Pascal Gely agence Bernard

Obscure clarté Lire la Phénoménologie est une entreprise périlleuse ; c’est certainement le bouquin le plus obscur de l’histoire de la philosophie. Paradoxal quand on sait qu’Hegel a voulu proposer un vocabulaire simple et vivant pour, dans une véritable dramaturgie, montrer le parcours et le drame de l’esprit à la rencontre du monde. C’est tellement complexe que certains philosophes analytiques anglo-saxons s’amusent à citer des passages de ce livre pour pointer l’inanité de la philosophie de l’histoire allemande. Ou française d’ailleurs. Et que les Allemands allaient chercher dans la traduction française pour y comprendre quelque chose ! Mais l’obscurité de ce livre n’est pas un élitisme : il vient de sa profondeur, et surtout de son rôle inaugural dans l’entreprise phénoménologique. Alors essayons d’en parcourir arbitrairement quelques idées.

Vive le paraître D’abord la phénoménologie quésako ? Cela vient du grec phaïnestaï, briller, être visible. C’est une entreprise philosophique qui va s’intéresser à l’objet tel qu’il apparaît à l’esprit ; entreprise polémique puisqu’il ne s’agit plus de dire, comme avec Platon et Descartes, que ce qui apparaît est faux. Car une chose peut apparaître de manière contradictoire à l’esprit : ce bourgeon qui le lendemain est fleur, cette bougie qui sera fondue ; la philosophie classique constate ces contradictions : ce qui apparaît n’est pas ce qui est. On soumet ainsi le monde visible ou sensible au monde

des idées ou intelligibles. La phénoménologie c’est la succession des moments selon lesquels les objets n’apparaissent pas de la même manière et se trouvent contestés ; c’est une aventure d’idées dont le chemin produit un concept, une définition. C’est aussi le parcours de l’esprit dans tout ce qu’il vit : la perception sensible, la vie organique, la conscience de soi, le plaisir, la liberté, l’État , la religion, etc… Rien que ça ! Continuons sur le connu. Hegel est célèbre pour être le philosophe de la dialectique désignée formellement par la trilogie thèse-antithèse-synthèse et vulgarisée dans les méthodologies de dissertations par le oui-nonmerde !, ou oui-non-pourquoi pas pour les tièdes. Alors c’est quoi la dialectique ? Elle résume bien la philosophie de Hegel et notamment la phénoménologie de l’esprit, en désignant un processus par lequel toute chose se constitue. Car une chose n’est pas ; l’être désigne l’immobilité et surtout la méconnaissance des processus de constitution de ce qui est. Certes on peut dire que toute chose est en devenir. Mais une fois qu’on a dit ça, on en a trop dit ou pas assez. Pas assez car c’est oublier de dire qu’une chose est ce qu’elle a été et ce qu’elle sera. Alors la dialectique c’est montrer qu’une chose se constitue par son dépassement perpétuel, par les moments contradictoires qu’elle rencontre et par le monde dans lequel elle se distingue. Bon ok, soyons clair ; commençons par le plus simple: il serait bête de dire que ce bourgeon est un bourgeon. Pour bien le connaître, l’expliquer et le comprendre il


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en trois points faut rappeler qu’il est dans son propre dépassement, à savoir en fleur, qui elle-même est dans son dépassement en fruit, qui lui-même est dans son dépassement -pourquoi pas si on recrache bien le noyau- un arbre. Facile le bourgeon on vous l’avait dit ! T’as pas autre chose ? - si si… tiens, la montagne. Rien de plus minéral qu’une montagne ; disons qu’en tant qu’être on ne peut faire plus massif, indépassable ou antidialectique. Mais si ! Elle ne peut s’expliquer que par l’histoire qui l’a faite, les différentes ères géologiques durant lesquelles elle s’est constituée, les érosions qui l’ont creusée, les vallées dont elle est faite, les autres montagnes qui l’entourent, auxquelles on peut la comparer et la distinguer etc…

Conscience malheureuse On comprend encore mieux cette méthode dialectique dès que l’on passe à l’homme qui est tout aussi une histoire et un devenir. Dire qu’un homme est ce qu’il est c’est faire œuvre de paresse quant à la compréhension de ce qui a fait ce qu’il est. Et puis rajoute Hegel : «une chose n’est donc vivante que pour autant qu’elle renferme une contradiction et possède la force de l’embrasser et de la soutenir.» Que c’est beau dans le texte ! Bon, je ne sais pas si ça vous aura éclairci ; sinon, j’ai encore droit à plusieurs coups puisque la dialectique hégélienne est un vaste tout, et peut s’éclairer par les différents moments du parcours de la phénoménologie de l’esprit. Car ce parcours c’est celui de la conscience. La conscience, dans cette nouvelle philosophie qu’Hegel appelle phénoménologie, est avant tout un acte, un acte d’outrepasser le donné, de pousser au-delà de ce qu’Hegel désigne sous le terme célèbre d’Aufhebung ; dépassement qui explique le mouvement dialectique. Comme le dira plus tard Sartre, «être pour la conscience c’est être sous le mode d’être ce qu’elle n’est pas.» La conscience est prise dans un devenir qui est plus fort et plus prégnant que l’être stable, mais ce devenir la rend étrangère à elle-même. C’est certes cette enfance dans laquelle je ne me reconnais plus puisque lointaine et non autonome, mais aussi cet instant

d’hier où j’étais un autre. Autre, car ce que j’ai vécu depuis m’a altéré ; j’ai rencontré d’autres choses, personnes, instants, perceptions ; tout ceci, que je le veuille ou pas, m’a changé. Et c’est par ces altérations qu’on se constitue. Mais ces altérations prennent le mode de la confrontation, car je ne peux être qu’en étant reconnu comme tel. C’est une étape du développement vital, l’éclosion de l’homme dans l’animal dans un dépassement nommé désir. Hegel nous raconte ce dépassement en nous plaçant à l’origine presque mythique où un vivant, devenu humain, s’extrait du cycle de la reproduction, de l’instinct. L’homme rompt avec le manque et c’est l’envolée du désir. Cette éclosion s’achève dans la phénoménologie sur une allégorie devenue célèbre : la dialectique du maître et de l’esclave, sorte d’archéologie de la conscience de soi, entre mythe et roman initiatique. Très complexe d’en parler, mais essayons.

Dialectique du dominé

Don Giovanni de Joseph Losey

Pour passer de l’individuation de la vie organique à la conscience de moi je dois prouver à l’autre, en face de moi, que je suis conscience. Or le propre de la conscience c’est de n’être attachée à aucune existence déterminée et surtout de le montrer. Quoi de plus radical alors pour signifier ce détachement qu’exhiber qu’on n’est pas attaché à la vie ! La reconnaissance de soi passe alors par la mise en jeu de sa propre vie. C’est là que nous en arrivons -à grand renfort de schématismes- à la dialectique du maître et de l’esclave. Dialectique car il y a apparemment contradiction : dans

Et pour parler d’autre chose… Les discussions socratiques continuent à Marseille. Animées entre autres par Marc Rosmini. Après celle du mercredi 7 octobre, les artistes sont-ils au-dessus des lois ( à partir de la vidéo on n’est pas des gobis !), courez à celle du mercredi 9 déc à 18h30: Sommes-nous tous des artistes ?. Ce sera aux Pas perdus, 10 rue sainte Victorine. C’est très vivant, c’est une philosophie qui va vers tous les publics et s’empare de tous les objets. R.V.

04 91 91 27 55 www.fracpaca.org

cette lutte mythique entre le maître et le valet, c’est le maître qui n’a pas peur de la mort, car il n’en a pas conscience, aveuglé qu’il est par son prestige de la domination. Et dans cet exercice de la domination, la dialectique montre que paradoxalement c’est l’esclave qui remporte la lutte. Pourquoi ? D’abord parce que c’est toujours le dominé qui fait preuve de plus de clairvoyance et d’intelligence –subissant une situation il doit la réfléchir, contrairement au dominant. Ensuite parce que l’essentialité de la vie n’apparaît pas des deux côtés du conflit : seul le faible thématise la mort et sent qu’il peut mourir. Enfin, parce qu’il y a un processus formateur dans le travail : le maître jouisseur immédiat, ne le connait pas et en dépend. La relation Maître/ Esclave est donc dialectique puisque, par-delà l’apparence du moment de la domination, c’est en fait l’esclave qui est supérieur. Ce que Marx comprendra au terme d’une dialectique faisant du prolétaire celui qui domine réellement les moyens de production, tandis que le maître bourgeois n’est plus qu’un parasite devenu inutile. Paradoxe de la dialectique : c’est celui qui est aliéné qui est le plus libre. Encore faut-il s’entendre sur ce terme : on ne peut véritablement être, être libre, qu’en allant vers ce qu’on n’est pas, qu’en se déterminant vers ce qui est étranger. Intervient alors la fameuse critique de la belle âme. Le pire nous attend dès que l’on agit, rien ne s’accomplit comme nous l’avions voulu. La belle âme montre une attitude cherchant refuge dans la volonté et se détourne de toute entreprise effective, de l’engagement. Hegel, remettant en cause cette attitude, critique sévèrement Kant qui ne considérait la liberté que dans le domaine de la volonté, des bonnes intentions, et non de l’engagement. Philosophe de la liberté, Hegel est donc bien un philosophe politique : la liberté s’éprouve en s’engageant dans une cause radicale puisque c’est dans le dépassement dialectique du réel que l’homme pourra enfin dire qu’il est. REGIS VLACHOS

À lire, avant ou après la Phénoménologie… Une intrigue criminelle de philosophie Lire la Phénoménologie de l’Esprit de Hegel Jean-Clet Martin Éd La découverte, coll. Les Empêcheurs de penser en rond, 21 euros


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SCIENCES

LE CARBONE

C, nous comptons sur toi Le Carbone, symbole chimique «C», masse atomique 12,0117 g. Cet atome et les molécules auxquelles il participe sont si petits que, bien évidemment, nous ne pouvons les manipuler que collectivement, en masse. Les chimistes ont inventé pour cela «l’atome-gramme» qui représente la masse d’un nombre conventionnel, suffisamment grand, défini arbitrairement, de l’entité considérée. Le Sieur Amadeo Avogadro (1776-1856), physicien et chimiste turinois, découvre vers 1809, confortant ainsi les hypothèses de la théorie atomiste, que deux volumes identiques de deux gaz distincts (par exemple O2, gaz dioxygène ou H2, hydrogène gazeux), sous des conditions identiques de température et de pression, contiennent le même nombre de particules. Il est le premier ainsi à distinguer les entités «moléculaires élémentaires» -ce que nous appelons aujourd’hui les atomes- des entités moléculaires complexes -nos «molécules actuelles». Cette découverte débouche rapidement sur la mise en évidence du concept de masse atomique des différents éléments et leur calcul. Johann Josef Loschmidt (1821-1895), physicien autrichien, est le premier en 1865 à déterminer approximativement le nombre d’Avogadro c’est-à-dire le nombre d’entités contenues dans un atome-gramme d’un élément pur simple. Mais il faut attendre 1971 pour que les scientifiques conviennent d’une unité de base du système international commune : «la mole» qui est la quantité de matière d’un système contenant autant d’entités élémentaires qu’il y a d’atomes dans 12 grammes de l’isotope 12 du carbone. Et il faut bien dire qu’il y en a très-trèsbeaucoup (6,02 1023 soit six cent deux mille milliards de milliards).

Le diamant C est éternel Faut-il taxer le carbone ? Au nom du profit éco-compassionnel le libéralisme vert jette le carbone avec l’eau du bain primitif. L’atome qui fonde l’existence même du vivant va être taxé de tous les maux. Les pauvres seront-ils… carbonisés ? C la vie…C rare…C cher Il existe actuellement, dans l’univers, à la connaissance humaine, 117 éléments. Chacun constitue une entité atomique distincte qui se classe selon son numéro atomique (le nombre de proton de son noyau) dans une classification périodique encore appelée tableau de Mendeleïev. Dans la vieille croûte de notre bonne Terre, on ne trouve que 94 d’entre eux avec des abondances naturelles tout à fait variables. Ainsi l’oxygène [O] arrive très largement en tête avec 46% de la masse, suit le silicium [Si] avec 28% et notre pauvre carbone n’est taxé que de la 17e position avec seulement 0,02%. Cependant dans l’univers il se place mieux puisqu’il arrive en 4e position avec 0,4% derrière l’oxygène, son grand vainqueur à 1%. © Tonkin Prod.

S’il est bien timide sur Terre, notre C ne nous en est pas moins cher. Bien que constituée de 60 à 90% d’eau, nous résultons impérieusement de l’organisation complexe des molécules organiques, selon «la logique du vivant» de François Jacob [1970]. Si l’azote [N], l’oxygène [O], l’hydrogène [H] constituent les instruments principaux de l’orchestre de la symphonie organique, le carbone en est le chef incontesté car c’est lui qui forme par ses enchaînements le squelette fonctionnel des propriétés spécifiques de la molécule. Et si le gaz carbonique [CO2], le méthane [CH4] ou le sulfure d’hydrogène [SH2] sont voués aux gémonies par l’éco-logie intégriste, il ne faut pas oublier que nous en résultons, et ce dès l’époque où nous nous la coulions douce dans le bain primitif.

Cet odieux CO2 Et voilà qu’on impute à l’immonde CO2 l’étouffement progressif de notre planète par «effet de serre». Si on admet que la contribution des émissions carbonées participe au réchauffement climatique, on ne peut ignorer la possible prépondérance des phénomènes thermiques cycliques cosmiques qui rythment notre planète. Et elle en a connu bien d’autres ! Les gigantesques émanations et projections que l’atmosphère a subies durant la «crise volcanique» du crétacé à la fin de l’ère secondaire est sans commune mesure avec ce qui se joue actuellement. Il est d’ailleurs probable que c’est la densification des substances carbonées dans l’atmosphère qui inaugure l’explosion de la diversité biologique du tertiaire. Mais aujourd’hui, dans la société sécuritaire libérale, il faut en permanence trouver un coupable là où autrefois la science ne cherchait qu’une explication. Et comme en matière de connaissance désormais il n’y a qu’un impératif c’est… vendre, on va nous vendre notre propre culpabilité. Mieux encore, on nous vend la culpabilité de manger, de respirer, de péter, de vivre. Car bien sûr les choses


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essentielles telles que les guerres en Irak, en Afghanistan… les essais nucléaires dans certains archipels… les trafics de déchets dans le sud italien… tout cela est éminemment biocompatible, bio-éthique, bio-moral. Il faut sans doute les encourager car cela crée de l’emploi. Non, ce qu’il faut rééduquer c’est le péquin ! Ce fumeur, ce chauffeur d’où nous vient tout le mal. Et connaissez-vous une meilleure méthode pédagogique dans la société des marchands que de faire payer la formation citoyenne ? Taxer… voilà qui est éducatif ! Si tu peux plus payer… tu crèves, et donc tu ne pollues plus… Logique ! En 2008, les rentrées fiscales provenant des produits pétroliers occupaient le 4e rang, derrière la TVA (129,9 milliards d’euros), l’impôt sur le revenu (51,8 milliards d’euros) et l’impôt sur les sociétés (49,2 milliards d’euros). Augmenter les taxes indirectes pour alléger l’impôt sur les revenus, voilà une idée qu’elle est bonne, éducative et surtout d’une immense justice sociale. Allez mon ami le carbone, si tes actions remontent en bourse, je te reverse tous les bonus écologiques possibles sur l’argent des contribuables !

Sciences émancipatrices La culture scientifique et technique de masse : une arme pour combattre la misère en afrique. Un séminaire international sur «la culture scientifique au sud» s’est tenu les 29 et 30 septembre à la Bibliothèque de l’Alcazar à Marseille. Ce séminaire, organisé par l’Institut de Recherche pour le Développement [IRD] en partenariat avec le Ministère des affaires Etrangères et la Région PACA, avait pour objet de cerner les enjeux et perspectives, pour l’Afrique, de la diffusion dans les populations de la culture scientifique. Cette manifestation, qui a rassemblé 180 personnes sur deux jours dont le tiers représentait dix pays du continent africain, clôturait un ambitieux projet mené par l’IRD sur 4 ans. L’Institut de Recherche pour le Développement, dont le siège est désormais basé à Marseille, avec ses 2200 agents dans le monde, a pour mission de développer des projets scientifiques centrés sur la relation

Conférence-débat lors du séminaire sur la culture scientifique au Sud organisé par l’IRD à Marseille © IRD - Daina Rechner

entre l’homme et son environnement dans la zone intertropicale. Ces deux journées ont permis de dresser un bilan plus que positif du programme bâti en 2004 autour de la promotion de la culture scientifique et technique dans les pays du sud. Ce projet, premier de cette ampleur à mettre en œuvre un véritable programme de passage du savoir scientifique dans la société civile africaine, a été couronné de succès. Il postulait que l’acquisition d’une culture scientifique et technique permet aux sociétés du Sud de mieux s’inscrire dans le processus de développement durable et aux citoyens de cette partie du monde de devenir des acteurs à part

entière de ce développement. Il n’est de meilleure arme contre la misère et la soumission que d’acquérir la maîtrise de son univers; non pas pour le soumettre mais pour se défendre d’y être dominé. Une belle et originale perspective que des scientifiques mettent à la disposition des peuples pour s’émanciper et prendre enfin en mains leurs destinées. Y.B.

Institut de Recherche pour le développement www.latitudesscineces.ird.fr

YVES BERCHADSKY

Au programme... Puis vint l’automne et la foudre et la pluie et les autans… qui changèrent nos âmes en poudre. Heureusement que la Fête de la science, du 16 au 22 nov, annonce un été indien des connaissances et la pollinisation du savoir. Les Zibulles de savants de Marseille et d’ailleurs peuvent encore proposer des animations scientifiques et techniques sur le site : www.drrt-aca.com/images/ stories/FETEDELASCIENCE2009/ apl_participation.pdf. Cette année la fête gravitera autour de deux astéroïdes temporels : «l’Année mondiale de l’Astronomie» et le «Bicentenaire de la naissance de Darwin». Dans cet univers astro-physico-darwino festif, et dans le cadre du Mois du Film Documentaire, l’association Polly Maggoo programme diverses séances de films en région PACA, en présence des cinéastes et de chercheurs. Les deux premières séances Cinésciences auront lieu : - À Gap : “DARWIN”, le 17/11 à 20h00 à l’Espace culturel Cinéma Le Royal, en partenariat avec Gap Sciences Animation - À Nice : “RECHERCHES” le 18/11 à 15h30 au

Grand Amphi au «Village des Sciences» du Campus de Valrose, dans le cadre de «l’université des lycéens» en partenariat avec l’institut Robert Hooke de culture scientifique. Nous profitons de cette annonce pour informer nos aimables Zinéphiles que l’édition 2009 des Rencontres Internationales Science et Cinéma [RISC], organisées habituellement en novembre par Polly Magoo, sont reportées à 2010… sine die. Espérons pour la diffusion de la culture scientifique et technique que cette intéressante et originale manifestation ne soit pas remise… ad patres. Rappelons d’autre part au Zibelnébuleux que l’Année Mondiale de l’Astronomie 2009 (AMA 09), à laquelle participent 120 pays, s’est ouverte à l’UNESCO, à la mi-janvier. En PACA, nombre d’amateurs et de professionnels de l’astronomie souhaitent offrir au public l’occasion de découvrir et de partager leur «passion du ciel» au travers d’un riche programme de manifestations proposé tout au long de l’année. Votre Zibelserviteur vous conseille d’aller sur le site de la Coordination PACA

de l’AMA09 qui, avec le soutien du Conseil Régional PACA et de la DRRT, est notamment chargée de recenser l’ensemble de ces activités dans la région (http://astropaca.net/). Deux expositions sont proposées : - Galilée, explorateur de l’Univers du 8/10 au 31/12 au musée La Maison de Nostradamus à Salon-de-Provence. Deuxième volet d’une thématique plus large qui s’intitulait «Galilée, 1609-2009, un an, une vie», cette deuxième partie mettra plus précisément en valeur les travaux de l’astronome qui a enseigné à Padoue et mis au point, à Venise, non loin de là, sa lunette astronomique, en 1609. - Telescopium, exposition réalisée par l’Observatoire Astronomique de Marseille Provence, en collaboration avec notre bien aimé Museum d’Histoire Naturelle du Palais Longchamp de Marseille. Nous en avons déjà parlé mais elle est prolongée jusqu’au 10 janvier 2010, et nous insistons sur son intérêt. Y.B.


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PATRIMOINE

GASTON CASTEL

Bienvenue chez Castel L’architecte Gaston Castel et son œuvre sont enfin l’objet de coups de projecteurs par l’intermédiaire de deux expositions dans la ville où il a tant œuvré : Marseille. Deux rétrospectives complémentaires visibles aux Archives Départementales des Bouches-du-Rhône et au Musée d’Histoire de Marseille Même si vous ne pouvez pas mettre un nom dessus vous connaissez forcément bon nombre d’édifices construits par Castel à Marseille. L’annexe du palais de justice où la ligne droite et les formes géométriques tranchent avec son voisin du siècle précédent, la somptueuse maison agence de l’architecte sur les hauteurs du cours Franklin Roosevelt à l’oriel (ou bow window), qui demeure toujours si surprenante… Pour la petite histoire, la vie de Gaston Castel et par conséquent son œuvre architecturale n’ont tenu qu’à un fil au début de la première guerre mondiale, et il s’en est fallu de très peu pour que nous n’entendions jamais parler du grand constructeur qu’il a été. Laissé pour mort sur un champ de bataille dans la Meuse en 1914, il connaitra la captivité et sera grand blessé de guerre, perdant un œil et gardant à vie une impressionnante cicatrice sur le visage. L’autre guerre lui a par ailleurs laissé un goût amer, puisqu’il fut ensuite destitué de sa fonction d’architecte en chef du département sous le gouvernement de Vichy… Cacher et héberger des résistants n’était certes pas le meilleur paravent pour cet homme plongé dans les grands conflits, ce qui a sans nul doute joué dans le rapport particulier qu’il a entretenu toute sa vie avec les monuments commémoratifs. Le Monument à la Paix est des plus célèbres, rappelant le tragique évènement du double assassinat d’Alexandre 1er de Yougoslavie et de Louis Barthou ayant eu lieu sur la Canebière. L’imposant Pax qui se trouve à l’angle de la rue de Rome à la préfecture ne sera pas entendu, et sera témoin quelques années plus tard de la grande guerre. L’autre grand ouvrage est dédié aux morts de l’armée d’Orient, également connu de tous les marseillais mais aussi des navigateurs puisqu’il se trouve sur la Corniche. Ce qui n’est pas écrit sur les plaques mais que nous pouvons découvrir à l’exposition des Archives Départementales est l’emplacement et la forme originelle voulue à l’époque par l’architecte (1922). Et si le projet avait abouti, un grandiose mémorial serait perché au sommet du fort Saint-Nicolas surplombant le vieux port ! Intitulée Gaston Castel les territoires de l’architecte, cette exposition s’attache à narrer une vie consacrée à l’architecture mais aussi à l’urbanisme. Documents d’archives, écrits théoriques, plans, dessins et vidéo…, le parcours de l’architecte qui a marqué de son empreinte le territoire du sud-est de la France dans la

Alain Lassus. Monument a la gloire des armees d’Orient sur la Corniche a Marseille 1927

première moitié du XXe siècle est détaillé dans ses moindres méandres. De la prison des Baumettes aux établissements scolaires comme les lycées Marseilleveyre et Cézanne en passant par les immeubles HBM (habitation bon marché) et l’opéra municipal, la rétrospective se veut fluide et agréable à parcourir. Pour les jeunes, un jeu ludique et instructif permet de découvrir les façades d’ouvrages représentatifs. On découvre alors avec intérêt que Castel était un élève extrêmement doué pour le dessin, produisant des toiles soignées de ses futures constructions. Son passage aux Beaux-Arts, remarquablement détaillé dans l’exposition, permet de comprendre sa singularité.

Artistes associés C’est sur les bancs de cette grande école que des liens forts ont été noués avec bon nombre d’artistes qui l’accompagneront toute sa vie. L’exposition Gaston Castel et les artistes, architecture et décors à Marseille de 1919 à 1945 présentée au Musée d’Histoire dévoile l’extraordinaire richesse de l’entourage de «l’ami des artistes», et le concours qu’ils lui ont apporté. La reconstruction de l’Opéra après le grand incendie de 1919 qui n’a laissé debout que les murs maîtres est caractéristique de ce foisonnement esthétique : un impressionnant collectif d’artistes s’est réuni

autour de l’architecte. Les peintres Carrera, Julien, De Groux, les sculpteurs Sartorio, Bourdelle, Eichaker, pour ne citer qu’eux, ont participé à une véritable entreprise débouchant sur le joyau art déco que l’on connaît, si typique de l’entre deux guerres. Les documents dévoilés, comprenant peintures, maquettes ou coupures de journaux, se révèlent d’une grande acuité et permettent de se saisir des clefs nécessaires à la compréhension d’œuvres collectives. Outre le fidèle Sartorio qui amena le maître vers son Brésil natal pour y édifier un énième monument commémoratif (pour l’indépendance du pays), le sculpteur Botinelly faisait également partie de la garde rapprochée de celui qui portait une attention toute particulière aux décorations de ses bâtiments. Le parcours de l’exposition dévoile aussi quelques raretés tels des portraits de l’artiste brossés par des peintres n’ayant pas passé la postérité comme Fernand Bourgeois. Ami et voisin, le célèbre Marcel Pagnol ne s’était pas trompé en louant considérablement les talents de l’architecte borgne. Empreint d’un certain néoclassicisme monumental mais perméable aux nouveaux courants de son temps comme l’art déco ou le modernisme, Gaston Castel trouve enfin sa place à Marseille grâce à ces deux belles expositions, et au catalogue des Archives édité par les éditions Parenthèses (voir p 69). FREDERIC ISOLETTA

Projet pour la cite des expositions, 1956

Gaston Castel les territoires de l’architecte Archives départementales, Marseille jusqu’au 19 déc www.archives13.fr Architecture et décors à Marseille de 1919 à 1945 Gaston Castel et les artistes Musée d’Histoire, Centre Bourse jusqu’au 2 janv www.marseille.fr


SAINT-RÉMY-DE-PROVENCE

PATRIMOINE

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110 caissons à la brosse à dents !

Le samedi 19 septembre, la France entière sortait pour les Journées du patrimoine. Routes encombrées, foules qui se pressent à l’entrée des musées, des châteaux, des lieux interdits à toute autre période… Il y avait ce jour-là un évènement exceptionnel aux Antiques de Saint-Rémy-de-Provence, l’inauguration des deux monuments qui ont connu la campagne de restauration la plus importante de leur histoire, puisqu’elle a duré dix mois ! Dévoilement de la plaque recouverte du drapeau de Provence, sang et or. Applaudissements, la foule se rassemble, les personnalités sur l’estrade entre les deux édifices commencent leurs discours. Est-ce la nature du site, le soleil qui caresse les pierres, la douceur de l’après-midi ? les différentes interventions sont intéressantes, et accordent à ces instants une profondeur inattendue.

Le coût d’un symbole Le maire de Saint-Rémy, Hervé Chérubini, insiste sur le coût énorme des travaux et l’aide considérable apportée à sa ville qui n’a supporté que 5% des frais, le reste étant pris en charge par l’État (Direction régionale des affaires culturelles) à hauteur de 50%, le Conseil Régional Provence-Alpes-Côte d’Azur (20%), le Conseil Général des Bouches-duRhône (25%), pour une somme de 946 432 euros. Mais l’investissement permet de sauver un véritable symbole. Les Antiques se retrouvent sur les cartes postales, les timbres poste, les logos, et furent chantés par les plus grands poètes de la Provence, de Mistral à René Char. Ils sont les témoins de l’histoire de la région, le ciment qui unit les siècles -l’arc de triomphe n’est-il pas le plus ancien arc de Gaule ? C’est même le premier partenariat public privé

(rires) puisque l’arc est un édifice public, et le mausolée des Jules est privé, cénotaphe d’une famille.

Mémoire et ambition méditerranéenne Jean-Noël Guérini se félicite du succès des journées du patrimoine, qui témoignent de l’intérêt de tous pour les «objets de mémoire». Ces derniers fondent notre identité culturelle et nous enracinent. Ils répondent à notre quête de sens, sont des clés qui s’inscrivent dans notre histoire. C’est pourquoi, il ne faut pas hésiter à y mettre le prix. La nécessité d’entretenir de tels lieux, de contribuer à leur restauration fait partie des priorités du CG qui soutient des dizaines d’opérations chaque année. Une civilisation s’inscrit dans la durée. Le rythme est alors rassurant. Le temps nous encourage à méditer… Michel Vauzelle souligne la fierté d’entretenir et de redonner vie à de tels monuments, qui font partie du patrimoine mondial. En prendre soin, c’est aussi participer au monde, apporter notre contribution, un véritable message éthique autour d’une esthétique. Il y a urgence, il faut restaurer le patrimoine, réfléchir grand, dans une dimension aussi bien intemporelle qu’universelle. Et plus particulièrement, dans la perspective de Les Antiques © Service communication - Ville de Saint-Remy-de-Provence

Marseille 2013, le patrimoine exceptionnellement riche de notre région constitue un atout de taille. Le Président de la Région en appelle à la bonne volonté du nouveau ministre de la culture, l’engage à poursuivre l’œuvre de ses prédécesseurs, en concluant des conventions pour que les autres sites bénéficient des mêmes aides. Il espère que la culture ne souffrira pas des nouvelles législations, car si la région ne dispose plus de la compétence culturelle, elle ne pourra plus financer les postes qu’elle pourvoyait. De nombreuses activités et de nombreux sites seraient alors abandonnés ! Or, par le biais du patrimoine partagé, un dialogue permanent est établi, un brassage social. L’esprit même de la république est en jeu. C’est autour de la culture que se fonde un peuple. C’est par elle que s’effectue la projection des valeurs républicaines sur le territoire de la République. «Un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir !» Pour finir Michel Vauzelle rappelle que le patrimoine rapporte : plus de 20 millions d’euros annuels sont récoltés par les billetteries des monuments et musées de la région ! Il est triste que l’argument financier, lâché à contrecœur, soit le seul jugé recevable dans ce monde libéral, mais c’est un fait !

L’art de l’artisanat Après les discours la visite : un petit film documentaire retrace les étapes de la restauration, il initie aux secrets de la pulpe de papier humide qui ramollit les croûtes noires et extrait le sel de la pierre, du gommage fin et précis (on se croirait dans un salon d’esthétique !), du nettoyage à la vapeur d’eau, même avec des brosses à dents !, du ceinturage discret, du respect absolu des matériaux, des couleurs. Un travail remarquable effectué par François Botton, architecte en chef des monuments historique, maître d’œuvre, l’entreprise Girard, pour les travaux de maçonnerie et de pierre de taille, l’Atelier Morisse-Marini, en collaboration avec l’atelier Daniel Esmoingt, pour la restauration des sculptures, le L.E.M. pour les analyses de laboratoire. À chacun, les différentes personnalités ont rendu un hommage appuyé. L’on peut se plaire à imaginer les monuments dans 2000 ans, toujours debout, défiant le temps, portant avec eux cette belle leçon d’humanisme d’un beau samedi de fin d’été. Et se demander ce qu’il restera des nôtres ? MARYVONNE COLOMBANI

Office du Tourisme 04 90 92 38 52 www.saintremy-de-provence.com/


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SOCIÉTÉ

CULTURES DU CŒUR | GASTRONOMARE

Inclusion culturelle Cultures du cœur : un nom aux résonances sensibles pour une action nationale orientée vers les publics socialement défavorisés Créée en 1998 à l’initiative de professionnels du spectacle et de l’emploi, Cultures du Cœur est un réseau de 60 associations. Ses activités s’inscrivent dans une logique de lutte contre l’exclusion, définie par la loi de 1998 qui réclame l’égal accès de tous à la culture en ce qu’elle permet l’épanouissement personnel et l’apprentissage de la citoyenneté. Pour sa part, Cultures du Cœur 13 a été créée en 2000 sur 3 sites : Marseille, Aix et Arles. Il s’agit non seulement d’amener vers les lieux de culture des personnes qui n’y vont pas spontanément, mais encore de proposer aux travailleurs sociaux des formations professionnelles agréées, de rechercher des partenaires culturels prêts à s’investir dans la lutte contre l’exclusion en proposant des invitations à leurs spectacles. Un immense réseau s’est ainsi mis en place : les propositions des structures culturelles (environ 400) sont publiées sur le site et les travailleurs sociaux peuvent y choisir les spectacles qui correspondent à

leur public, mais se voient aussi proposer des cycles de formations de 4 journées rentrant dans le cadre du projet européen EQUAL qui lutte contre toutes les formes de discriminations et d’inégalités dans le monde de l’emploi. Ainsi du 16 au 18 novembre sera proposée une formation sur L’art et la culture dans les pratiques d’accompagnement socioprofessionnel et les Ateliers d’Écriture pour adultes reprendront jusqu’à mi-mars à la Méjane et l’Alcazar. Le rôle du travailleur social est ainsi mis en avant, c’est lui qui conseille et rassure, c’est lui qui incite à sortir et permet l’apprentissage du choix et de l’autonomie. Car les publics concernés peuvent aller au spectacle incognito, en toute liberté, en compagnie de la personne de leur choix. Tous les ans une thématique réunit partenaires sociaux et culturels. Cette année c’est le Patrimoine industriel qui est mis à l’honneur avec 7 rendez-vous durant l’année. Le lancement de l’opération se fera dans le cadre de la Journée Mondiale du Refus de

© Cultures du cœur

la Misère le 16 et 17 octobre. En février 2010 une journée Entre art et société, quelles rencontres ? proposera une réflexion sur l’Art comme moyen d’intégration et de communication. À suivre... CHRIS BOURGUE

04 91 32 64 78 www.culturesducoeur.org www.equal-france.com

Culture gourmande du quotidien Franc succès pour le premier festival du Conservatoire International des Cuisines Méditerranéennes. Une foule gourmande et curieuse a parcouru le quai du Port à la recherche de saveurs nouvelles venues de rives lointaines, mais aussi de goûts du terroir provençal. C’est ainsi que se côtoyaient les stands des Pays d’Afrique du Nord, des régions du sud de l’Italie et de l’Espagne, du Liban, de la Croatie, de la Turquie, et ceux des producteurs de la véritable brousse du Rove en passe d’obtenir le label européen AOP (appellation d’origine protégée), du safran de Haute-Provence, des représentants des Paniers marseillais exclusivement bio... Le repas gastronomique suivi d’un concert de jazz d’André Jaume a réuni 160 convives et on a refusé du monde pour la bouillabaisse de poulpes. Durant deux jours des chefs réputés ont proposé démonstration et dégustation de recettes à base de produits de la mer, tandis que les enfants du Centre social St Joseph Fontainieu se livraient à la confection de cakes aux sardines et de madeleines avec les chefs Arnaud de Grammont du Café des Épices et Roland Schembri du César Place. Objectif : souligner la diversité des saveurs et découvrir des façons créatives de se nourrir.

Le public très varié est passé sans problème des nourritures terrestres aux spirituelles ! Sous un chapiteau trois librairies, L’Attrape-mots, Le Greffier de St Yves et Imbernon, présentaient un choix original de livres de cuisine comme ceux des remarquables Éditions Stéphane Bachès de Lyon, mais aussi des romans dans lesquels la cuisine et la nourriture tiennent une place de choix comme La couleur des aubergines de l’indienne Bulbul Sharma ou Aventures d’un gourmand vagabond de Jim Harrison. Des conférences prolongeaient agréa-

blement ces découvertes. Ainsi Bruno Giraud Héraud, président du CICM, et ses invités italien, catalan, turc et marseillais, ont évoqué la variété des marchés, lieux de convivialité alliant commerce et culture. Remo Mugnaioni, chercheur à l’Institut du monde arabe, a évoqué les trois tablettes d’argile retrouvées en Mésopotamie, ancêtres de nos fiches de cuisine. Thierry Fabre a expliqué sa théorie de la «convivance», selon un néologisme venu tout droit de l’italien, évoquant une philosophie de l’existence et une esthétique du quotidien

dans l’art de cuisiner et manger «ensemble» qui commence par l’art de prendre le temps, comme le souligne le symbole de l’escargot choisi par les défenseurs du Slow Food… Un concept à mettre en œuvre! CHRIS BOURGUE

www.cuisinesmed.com À lire : La cuisine, un gai savoir La pensée de midi n°13

© Patrick Wallet




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