Zibeline n°32

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du 13/07/10 au 15/09/10 | un gratuit qui se lit

FestivaleZ !



Politique culturelle Le Frac Imaginez maintenant Festivals

5 6, 7 8, 9

Festivals Avignon Théâtre Danse Pluridisciplinaire Aix Classique Jazz Actuelles

10 à 13 14, 15 15 à 17 18 à 20 22 23 à 29 30, 31 32 à 35

Saisons Toursky, Comoedia Le Merlan, Sainte-Maxime PôleJeunePublic, Opéra d’Avignon, Opéra de Toulon

36 37 38

Rentrée ActOral, Art-O-Rama St-Victor, La Ciotat, GTP Cavaillon, Aubagne, cie La Rumeur

Disques

39 40 41 42 à 44

Livres Arts, littérature, histoire

45 à 53

Cinéma Les rendez-vous d’Annie, portrait de William Benedetto, films

54, 55

Arts visuels Rencontres d’Arles, galerie du CG La Ciotat, Marseille, Martigues Avignon, Barjols Fontaine de Vaucluse, Avignon Au programme

56, 57 58 60 61 62, 63

Histoire Archives départementales, Museon Arlaten

64, 65

Patrimoine Mémoire et arts vivants, Château d’Avignon

66 à 68

Rencontres, adhérents

70, 71

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Chaud l’été Aura-t-on droit cette année à une trêve estivale ? À des vacances méritées après une année de restrictions ? À des festivals où l’on pourra prendre le temps de sortir de l’urgence, de l’angoisse du présent, de la terreur de l’avenir, et de la colère qui monte ? Rien n’est moins sûr. Frédéric Mitterrand se fait apostropher aux Rip, en Avignon, partout où il passe, par des artistes excédés, des spectateurs qui les soutiennent, des directeurs mêmes, nommés par l’État, qui verbalisent enfin l’impossibilité matérielle de leur tâche. Car la baisse annoncée des financements est sans commune mesure avec les restrictions actuelles, déjà extrêmement préjudiciables… La fronde est dans l’air. Pourtant, comme on fait taire ceux qui ironisent sur les chaînes publiques, ou ceux qui enquêtent sur les collusions entre pouvoir et argent, on escamote les mots des manifestants : Donnez du travail à nos enfants, pas à nos parents ! Aucune chaîne ne reprend ce slogan omniprésent dans les rues, préférant relayer la subliminale équation (on vit plus longtemps, il faut travailler plus longtemps) que la complexe réalité économique (lorsque la masse salariale décroît pour cause de chômage structurel, travailler plus tard équivaut à exclure les jeunes du travail). En fait, il s’agit de prétendre que l’économie préside aux décisions gouvernementales. Or, les mesures de restriction appliquées à la culture, ou aux collectivités territoriales, rapportent fort peu… En revanche elles détruisent des foyers d’opposition, et permettent de reprendre la main sur l’opinion en colère. Ainsi à la radio publique les humoristes sont remerciés alors même qu’ils battent des records d’audience, preuve que la rentabilité ne fait pas loi, et que l’idéologie au pouvoir n’est pas libérale : les mesures de rigueur annoncées cette semaine ne visent pas à remettre de l’ordre dans les finances publiques, mais à assommer les classes moyennes et populaires, au risque de détruire le tissu social. Faut-il encore paraphraser Montesquieu ? Il n’est pas de République sans vertu. Lorsqu’un gouvernement prend des mesures férocement inégalitaires, lorsqu’il nomme les directeurs des médias, attaque les journalistes libres, traite la culture comme le joujou du prince, et persiste à détruire la santé et l’éducation publiques, est-on encore en République ? L’été sera chaud, ou notre société en sortira glacée de désespoir pour un bon moment. AGNÈS FRESCHEL



LE FRAC

POLITIQUE CULTURELLE

© Cyrille Thomas

© Cyrille Thomas

Le Fonds Régional d’Art Contemporain va sortir de son modeste Panier pour se donner à voir dans un magnifique habit de verre. Première pierre ? En octobre… En ces temps de disette, il est bon d’entendre qu’un investissement culturel d’envergure, dédié à l’Art Contemporain, se confirme. Les FRAC, projet structurant lancé par Jack Lang dans les années fastes, vont entrer dans une deuxième phase sur tout le territoire national. Qu’en est-il en PACA ? Un beau bateau de verre va sortir du sol, boulevard Dunkerque, pour être livré en 2012. Un équipement essentiel pour la réussite de Marseille Provence 2013, et la création contemporaine au-delà. Mais qu’est-ce qu’un Frac ? «Ce n’est pas un musée, précise Patrick Mennucci, son nouveau Président. C’est une plate-forme qui

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Le nouveau costume du FRAC d’ouvrir le FRAC à des mécènes entrepreneurs qui pourront acquérir des œuvres et en céder l’usufruit temporaire au FRAC. Marc Féraud, Directeur général du groupe CFM et cofondateur de Mécènes du Sud, fait d’ailleurs partie du nouveau Conseil d’administration, qui «souhaite s’ouvrir également à des personnalités qualifiées des conseils généraux, et de la Ville de Marseille» précisa le Président. Quant à Pascal Neveux, directeur du FRAC, il rappela qu’il s’agissait aujourd’hui de «transformer cette aventure associative au départ en équipements ambitieux : il y a un FRAC par Région, alors que les MAC (Musée d’Art Contemporain ndlr) n’existent pas partout.» Il précisa que la mission principale du FRAC-PACA «resterait la prospective», qu’il mènerait «une véritable politique d’achat autour de la Méditerranée» sans «se muséifier», qu’il fallait rester

permet de diffuser l’art contemporain dans toute la Région, et c’est avant tout un Fonds, qui achète des œuvres aux artistes pour constituer une collection. La deuxième phase de développement des FRAC va permettre de montrer ces collections, de mettre en place des expositions et des événements. Avec la construction du nouveau bâtiment, mais aussi immédiatement en mettant en œuvre une évaluation de la collection.» François Brouat, Directeur régional des affaires culturelles, également Vice-président du Frac, rappelle que cette collaboration État/Région, financeurs à parité des Frac, est «un vrai succès. En 1982, lancer le pari non muséal d’acquérir en commun des œuvres semblait risqué. Mais ainsi dans chaque Région des collections ont pu naître, qu’il s’agit aujourd’hui de montrer.» La construction du nouveau bâtiment coïncide également avec la volonté © Kuma & Associates Europe

Le bâtiment

«une plate-forme de travail, avec la construction de lieux satellites dans la région, avec des partenariats, et cet ancrage dans l’hypercentre qui va permettre de sensibiliser beaucoup plus largement, d’avoir des actions pédagogiques, de diffusion et de croisement.» Le coût d’un tel bâtiment n’est évidemment pas négligeable : il est financé pour moitié par l’État et pour l’autre pas la Région, à une hauteur de 11 millions chacun, avec un budget de fonctionnement annuel de l’ordre de 3 millions. Ils seront également financés à parité, et n’entameront pas l’actuel budget alloué aux acquisitions «qui sera même conforté» certifie Monsieur Mennucci. On espère de toute force, avec Marc Féraud, que «l’art contemporain retrouvera à Marseille sa place d’antan, une place d’exception.» AGNES FRESCHEL

D’une surface totale de 5435 m2, il comprendra deux espaces d’expositions entièrement modulables, un jardin, un patio, un lieu convivial (café, hall d’accueil…), les «Uniques» qui accueilleront concerts, spectacles et projections, des salles de lecture et de vidéo, des logements pour les artistes en résidence, des bureaux, et toute la surface du sous-sol, accessible par camion, où sera stocké le fonds. Conçu par l’architecte Japonais Kuma, le bâtiment aux coursives translucides permet aux regards de circuler d’un espace à l’autre, de l’intérieur à l’extérieur, des jardins à la rue. De contempler les œuvres sous tous les angles aussi. Un projet architectural ambitieux, aux matériaux simples -bois, verre, aluminium- et à l’évidente beauté. A.F.


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POLITIQUE CULTURELLE

IMAGINEZ MAINTENANT

Créer maintenant, imaginer demain

La manifestation nationale Imaginez maintenant est paradoxale : la réussite artistique de ces quatre jours de fête est, à Marseille en tous les cas, réjouissante ! Les jeunes artistes issus du réseau des écoles d’art du territoire sont magnifiques : l’ESBAMÉcole Supérieure des Beaux-Arts de Marseille, l’ERAC-Ecole Régionale d’Acteurs de Cannes, l’ENSDM-Ecole Nationale Supérieure de Danse de Marseille, le groupe Coline, l’ENSP-École Nationale Supérieure du Paysage, mais aussi les graphistes d’Axe Sud, et les filières qui se sont occupées de médiation et de communication, repèrent et forment des jeunes pleins de talent. Et même si on regrette l’absence de la Fai-Art et des conservatoires de musique (1re pratique artistique des jeunes, pourtant), la force vitale issue de cet exceptionnel réseau d’écoles fait plaisir à voir. À côté d’eux des artistes jeunes, de moins de trente ans, ont également fait preuve d’un talent indéniable, d’humour, de profondeur, et d’une certaine recherche de formes nouvelles. On s’en réjouit d’autant plus qu’à cette époque de l’année on fait régulièrement le même constat : les festivals qui débarquent dans le Sud et récoltent une bonne part des subventions locales ont pour habitude ancrée d’ignorer les jeunes, et plus encore les artistes d’ici. La force de cet Imaginez maintenant conçu par Marseille-Provence 2013 est d’imposer l’évidence de leur talent, quand nombre de directeurs de Festivals ne jurent que par les artistes confirmés, l’International ou Paris.

La colère du SYNDEAC Pourquoi donc le SYndicat National Des Entreprises Artistiques et Culturelles dénonçait-il cette

manifestation ? La réponse est délicate. Imaginez maintenant est une manifestation lancée en toute hâte par le Conseil de la Création Artistique présidé directement par Nicolas Sarkozy, lancé contre l’avis de toute la profession, et à qui le gouvernement a attribué pour 2010, par décret régalien, 10 millions d’euros de crédits d’intervention (et 626 000 € de budget de fonctionnement), alors même que le budget du Ministère de la Culture, et en particulier celui alloué dans les Directions Régionales (Drac) aux Compagnies, est en train de fondre comme neige dans des hauts-fourneaux (36% de diminution en PACA, imaginez maintenant qu’on vous retire plus d’un tiers de vos revenus…). Ce dynamitage interdit le conventionnement de toute nouvelle compagnie, et amène les jeunes à vouloir la mort des «vieux» qui seule leur laisse espérer une place. Guerre générationnelle qui met à mal au passage les 35/50 ans (et les femmes), qui n’ont jamais accédé aux réseaux nationaux dirigés par les 50/65 ans, et sont attaqués par des © Francois Moura pour Marseille-Provence 2013

20/35 ans qui les traitent de nantis. Ce qui est une absurdité : les budgets des compagnies conventionnées sont insuffisants, leurs enveloppes globales diminuent chaque année, et ne permettent que de gérer l’intermittence, des salaires et des cachets ridiculement bas, des productions dont l’ambition et le nombre diminuent faute de moyens. Quant aux subventions de l’État pour les lieux de diffusion qui ont dans leurs cahiers des charges la mission de produire de la création (Scènes et Théâtres nationaux, Scènes conventionnées, opéras et orchestres, Centres chorégraphiques…), elles sont gelées depuis des années, et vont diminuer de 5% en 2011, et de 10% d’ici 2013. Les directeurs, en particulier par la voix du SYNDEAC, ne cessent de le dire : leurs théâtres ne peuvent plus consacrer d’argent à la production, 65 millions d’euros alloués par le Ministère de la Culture à la création vont disparaître en trois ans. Ce qui est une économie ridicule à l’échelle de l’État (trois fois moins que l’avion présidentiel), mais va avoir des conséquences désastreuses sur la vie culturelle.

Opération de communication Imaginez maintenant est donc une opération d’enfumage. Un beau paravent cache-misère qui divise un monde culturel prêt à verser, par désespoir, dans la dénonciation des privilèges de la concurrence. Marin Karmitz, ancien maoïste, génial producteur de cinéma et directeur du Centre de Création Artistique nommé par Nicolas Sarkozy, a raison lorsqu’il veut «sortir les jeunes créateurs de leurs solitudes.» Mais certainement pas lorsqu’il déclare : «Ce que j’ai découvert depuis un an et demi, ce n’est pas une division politique. C’est une division autour du maintien des avantages acquis, entre une France conservatrice et une France jeune, pragmatique qui veut transformer les choses.» Parler d’avantages acquis dans un milieu aux revenus si bas est ahurissant ; et faire croire que les non-jeunes (les plus de trente ans ?) sont conservateurs relève du tour de passe-passe langagier, le même qui


Electre par les élèves de l’ERAC © Francois Moura pour Marseille-Provence 2013

nomme les restrictions «réformes» : vouloir «conserver» ses faibles ressources n’est en rien «conservateur». D’ailleurs le slogan même de la manifestation exprime (inconsciemment ?) le cynisme qui y préside : Imaginez maintenant, qui nomme l’impuissance à imaginer demain, sonne comme le «Eh bien dansez maintenant» d’une certaine fourmi peu prêteuse (c’est là son moindre défaut). Les jeunes compagnies ont reçu chacune l’obole de 3000 €, pour une manifestation nationale qui a coûté 3 millions d’euros, aumône à peine plus conséquente s’il s’agit vraiment de donner de la visibilité à toute une

génération d’artistes, tous arts confondus. Cette société incapable d’envisager l’avenir et de construire son présent propose donc à la crème de ses jeunes artistes de s’installer dans des ruines, des chantiers ou des lieux inéquipés pour «imaginer» simplement des petites formes, des avant-goûts apéritifs d’œuvres qu’ils ne pourront jamais mener à terme. Car Marin Karmitz le dit clairement: «Avoir participé à l’opération donnera [aux jeunes artistes] un début de carte de visite.» Ce n’est pas ce dont ils ont besoin, mais de moyens de production. AGNÈS FRESCHEL

Fort de canon Au pied de la Tour, l’installation en carton alvéolé de l’Ecole de design de Marseille, dans les courbes desquelles les passants se prélassent à la chaleur, en goûtant aux saveurs marines et fruitées du Street Food. Puis on monte dans la caserne parla Montée des canons, accueillis par les déflagrations rappelant la destination militaire du Fort (Julien Kirsh). En haut, des plantations sous tentes, destinées plus tard à reboiser d’essences diverses les terres dévastées par les incendies. D’autres œuvres plastiques, une forêt de jonc, et des installations sonores : Lucie Laplanque, qui a recueilli des propos sur la mer (l’amère ? la Mère) lors d’une Balade des pierres plates, en contrebas du fort, joue de joli quiproquos. Le soleil et les enfants de l’après-midi laissent place à un temps plus

rythmé le soir : concerts, interventions courtes, vidéos, danse. On y retrouve le talent du collectif Das Plateau, soutenu par Montévidéo, qui propose une forme très libre, ingénue et musicale, l’ENSDM qui surprend en dansant sans musique une pièce très brutale de danse contemporaine, un jongleur (Thomas Dietsh) qui joue avec balais et détritus… Puis les projecteurs s’allument, les guitares crachent, les batteries battent, les images, les mots et les corps se mettent en scènes, bruts, violents pour la plupart, habités de dérision, et de colère. Il leur faudra d’autres exutoires. A.F.

Imaginez maintenant s’est déroulé au Fort Saint Jean du 1er au 4 juillet


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POLITIQUE CULTURELLE

FESTIVALS

Culture, tourisme et Essentiels à la vie économique régionale, ils font partie de l’équilibre culturel de la région : la place des artistes régionaux dans les programmations des grands festivals de création reste restreinte, mais ils offrent des emplois saisonniers aux techniciens et administrateurs, permettent aux habitants qui se mêlent aux festivaliers de bénéficier de productions internationales exceptionnelles en région, et aux compagnies régionales de se produire, souvent dans les «off» et à leurs frais, durant la période estivale. Mais s’ils rapportent beaucoup d’argent au secteur privé du tourisme, c’est avec les subventions allouées à la culture que les festivals fonctionnent, bénéficiant pour l’essentiel de financements communaux et territoriaux. Aussi est-il intéressant de s’interroger sur l’économie de ces événements d’été, dont le coût est pris en compte dans les dépenses culturelles courantes des territoires.

L’exemple atypique d’Avignon La ville d’Avignon et toute la région environnante ne sauraient se passer du Festival et de son Off, véritable bouffée d’oxygène économique, en dehors de ce qu’il apporte à toute la profession en matière de production, de visibilité et de création. Pourtant le mécénat y reste peu important (5%), et les restaurants, hôtelleries et commerces ne sont pas prompts à aider une manifestation qui les fait vivre… puisqu’elle double durant trois semaines la population Avignonnaise, et emplit chaque

La forte attractivité touristique de la Région repose sur son climat, ses paysages et… ses festivals chambre demeurée vide dans tous les environs. Les subventions publiques accordées au Off demeurent exceptionnelles et indirectes, et les compagnies perdent beaucoup d’argent en jouant à Avignon. Mais le «In» est subventionné, essentiellement par l’État, ce qui est le cas de très peu de festivals. On peut s’interroger, cette année particulièrement, sur l’absence des compagnies conventionnées de la Région dans un festival qui reçoit 2 765 000 € de subventions locales et territoriales. Mais force est de constater que le Festival parvient à générer plus de 41% de recettes propres, et ne reçoit que très peu de subventions par rapport à ses retombées économiques directes. Leur estimation reste à faire : il sera difficile de la séparer de celle du Off, et de l’attractivité patrimoniale de la Cité des Papes, mais elles sont évidentes. Cependant la principale rentabilité des événements culturels ne doit pas être économique mais…

culturelle. Investir dans des événements attractifs sous prétexte qu’ils feraient marcher l’économie est une tentation à laquelle certaines petites villes ont du mal à résister. L’investissement dans les festivals peut s’y faire au détriment des subventions culturelles courantes. Celles qui, durant l’année, amènent à la démocratisation de la culture, permettent la création et la diffusion dans les territoires : même si elles ne sont pas rentables pour l’industrie du tourisme, elles seules sont réellement émancipatrices, et justifient la dépense de l’argent public. AGNÈS FRESCHEL

Le Festival d’Avignon en chiffres Le Festival d’Avignon est en bonne santé financière dans un paysage culturel qui se délite: par convention, ses subventions augmentent de 2% par an… Mais le Festival «n’est pas étanche» comme le fait remarquer Hortense Archambault, sa co-directrice : la crise actuelle se fait ressentir et «trouver des coproducteurs est de plus en plus difficile».

Billeterie 19%

Autres recettes 22%

État 32%

2 058 000€

2 447 000€

3 550 000€

Budget total : 11 millions d’euros Recettes propres : 41% du budget soit 4.5 millions d’euros Billeterie : 19%, Partenariats et Mécénat, vente des productions : 22% Subventions : 59% du budget, soit 6.5 millions

Région Paca Dpt de Vaucluse Ville d’Avignon 5% 5% 15% 531 000€

*hors mise à disposition des lieux Répartition des charges : 54% pour l’artistique (programmation et production) 46% pour la communication, la technique générale, l’administration… Places : 120 000 places mises en vente Taux d’occupation moyen : 95% 270 représentations, 44 spectacles dont 23 créations expositions et rencontres à entrée libre

605 000€

1 620 000€

Europe 2% 200 000€


festivals Les Chromatiques Fos sur mer © Lola Hakimian

Ronde des Festivals Le territoire de Paca, deuxième région touristique (après Paris) du premier pays touristique du monde, est celui qui compte le plus de festivals durant les trois mois d’été. Le guide Terre de Festivals recense, pour le seul spectacle vivant -les expos aussi sont légion !271 festivals proposant 1907 spectacles dans 319 communes ! 30% des spectacles sont gratuits : où qu’ils résident, touristes et habitants peuvent y dénicher une soirée agréable correspondant à leurs désirs. Il suffit de parcourir ce guide tiré à 210 000 exemplaires dont le classement astucieux permet de trouver les manifestations par ville, par thème ou par jour. Un guide disponible gratuitement en 800 lieux, édité par la Région PACA en partenariat avec l’École Nationale de Photos d’Arles (ENSP), qui a donné carte blanche à 2 jeunes photographes talentueuses : Lola Hakimian et Sue-Élie Andrade-Dé. Ce guide est une aubaine pour les petites structures qui ne pourraient jamais financer une communication importante. La Régie Culturelle PACA joue par ailleurs un rôle essentiel dans la réussite des festivals par son assistance, le prêt de matériel et l’accueil des artistes. Patrick Mennucci, vice-président à la Culture et au Tourisme, a souligné l’interpénétration entre les activités culturelles et le développement du tourisme et a salué la mémoire d’Edmée Santy qui a été à l’origine de ce concept. CHRIS BOURGUE

Terre de festivals www.laregie-paca.com www.arcade-paca.com Version vocalisée pour les publics empêchés sur le site www.crth.org


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FESTIVALS

AVIGNON

Le Festival d’Avignon a débuté par de longs applaudissements. Ceux adressés par la Cour d’Honneur à Agnès Sourdillon, qui disait les inquiétudes et la colère d’une profession dont on détruit les moyens de production. Qui demanda et obtint au nom du SYNDEAC le soutien du public, devant un Ministre de la Culture qui exécute les baisses de budget, et un Président du Festival d’Avignon, Louis Schweitzer, qui estime qu’elles n’existent pas. Faut-il voir dans ces applaudissements, puis dans l’attitude des nombreux spectateurs qui quittèrent en protestant la Cour pendant la première de Papperlapapp, le signe d’une fracture ? Sans doute. Le public part souvent avec la sensation d’avoir été grugé. De ne pas trouver là ce qu’il a payé pour voir. Impression consumériste fondée sur une frustration pas toujours pertinente, mais plus acérée en ces temps d’urgence. C’est que le théâtre, et Avignon en particulier, est depuis toujours un lieu où la parole sublimée se prend face une assemblée. Le seul lieu où le verbe des artistes éclate, où la culture s’élabore en présence du public. Acte hautement politique : la protestation y est un signe de santé active… même si elle pousse chacun dans des camps retranchés où l’on finit par trouver sublime ou scandaleux des spectacles simplement moyens !

Tentative poétique Le spectacle de Marthaler n’est ni le ratage scandaleux que dénonçaient bruyamment des spectateurs furieux, ni la réussite poétique que saluent certains. D’un côté parce que le metteur en scène, et ses acteurs chanteurs, Anna Viebrock surtout, la scénographe, ne manquent pas de talent, musical et plastique ; de l’autre parce que cette écriture de plateau qui s’élabore en cours de répétition ne parvient décidément pas à produire des chefs d’œuvres impérissables. Attendre d’artistes réunis qu’ils créent ensemble, à partir de rien, d’une idée -l’histoire des Papes- et de leurs talents mis en commun, sans écriture préalable (ou fédératrice a posteriori), une œuvre impérissable (ou périssable mais marquante), semble un leurre persistant… Alors Papperlapapp ? Les 2h40 initiales s’étant rédui-

mourir de rire tant il est faux juste comme il faut. Quelques numéros de clowns, une ambiance de fond d’église sixties avec ses odeurs moites d’encens, une improvisation puissante au violoncelle midi… Des flashes, au cœur d’un propos décousu. En espérant que les maladresses les plus flagrantes -je me souviens du premier jour où je suis né, je suis le mensonge qui est la vérité, et les temps morts persistants, et les répétitions lourdingues- aient été arasées avant la dernière ! AGNES FRESCHEL © Christophe Raynaud De Lage

tes dès la troisième représentation à un peu plus d’1h30, on imagine qu’il en reste les temps forts : une bande d’acteurs capables d’entonner du Pérotin avec une musicalité époustouflante, ou un Trouvère à

Les qualités de Guy Cassiers Le monde de Guy Cassiers est très particulier. Metteur en scène aux images virtuoses, son art s’apparente au cinéma : les voix, amplifiées, peuvent oser le murmure, et le mouvement est donné non par les mouvements des corps, qui esquissent simplement des gestes, mais par leurs images projetées, visages en gros plans qui se mêlent ici à des références picturales où des caméras se baladent, les grossissant et découpant à l’envi. Mais cet art de l’image n’est pas assorti de l’habituel abandon du texte, et le monde de Cassiers est extrêmement littéraire : sa dramaturgie, plus romanesque que théâtrale, repose sur un amour intime des romans mondes, de Proust à Malcolm Lowry. Avec L’Homme sans qualités il s’attache à un monument,

© Koen Broos

long, ample, complexe, statique. Et ne lui ajoute aucun mouvement, même pas ceux de l’espace romanesque, même pas les ors de la Cour qui s’opposeraient à l’univers bourgeois de Clarisse et Walter : c’est l’univers intérieur d’Ulrich qui préside à tout, comme capté à l’intérieur de la langue. Durant trois heures et demi, en Flamand surtitré, on assiste littéralement à un tiers du roman. Les personnages s’y présentent comme des portraits, emblématiques du général, du monarque, de l’homme du peuple… L’ironie transparait peu, l’humour pas du tout, même la farce de l’excrément invasif des chevaux, ou de Radetsky tombé dans le canal, restent sinistres. Trop de révérence peut-être, pour le texte ? Guy Cassiers rend évidemment lisible la portée politique du roman, qui trouve aujourd’hui un écho terrible dans l’éclatement déliquescent de la Belgique et, au-delà, dans le pourrissement des classes dirigeantes. Peut-on lui reprocher son manque de joie ? A.F.

L’homme sans qualités Opéra Théâtre jusqu’au 12 juillet 04 90 82 81 40

Papperlapapp Cour d’Honneur jusqu’au 17 juillet 04 90 14 14 14

Château d’hommes Sollicités par le Groupe acrobatique de Tanger, le duo Zimmermann & de Perrot, acrobate et compositeur semant la poésie sur leur route, tous deux jongleurs du théâtre sans paroles, ont voulu rendre présente la richesse humaine de l’acrobatie traditionnelle marocaine. Pour monter Chouf Ouchouf (voir Zib’29) les deux Suisses se sont immergés 3 mois dans Tanger, habités par la sensation de disparition et de réapparition propre à la ville labyrinthe. Et avec cette nouvelle collaboration, leur quatrième, ils font à nouveau mouche ! Leur monde en équilibre est recréé par les 12 acrobates, jeunes, beaux, drôles, généreux. Même si le propos glisse un peu vers le folklorique, que l’émotion reste derrière la démonstration, l’énergie est communicative. Ça voltige, ça escalade, ça grimpe, ça saute, ça n’a peur de rien ! Les acrobates se faufilent en grappes humaines, font tourner des lampes d’Aladin, et gravissent des sommets d’équilibre impressionnant. Chouf ouchouf, regarde et regarde encore est tout dans le plaisir de se donner à voir. L’essence du spectacle ? DE.M.

Chouf Ouchouf Cour du lycée Saint-Joseph jusqu’au 13 juillet 04 90 14 14 14


FESTIVALS

Beautés troubles

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Célestine médiévale

Si elle ne faillit pas à sa réputation d’artiste hantée par les fantasmes, la plasticienne -metteuse en scène, chorégraphe, factrice de marionnettes- Gisèle Vienne signe avec This is how you will disappear une orchestration diablement réussie de canons contradictoires, entre beauté apollinienne et dionysiaque. Contradictions qu’elle véhiculait dans ses deux précédentes pièces, I Apologize et Une belle enfant blonde, en développant deux champs esthétiques opposés, l’éloge de la beauté liée à la ruine ou à la perfection. Elle continue de creuser son sillon, avec ses personnages post-adolescents chaotiques et possédés. Une athlète, une rock star et un entraîneur perdus dans une forêt -scène de crimes ?- symbolique et pourtant hyperréaliste, constituent un triangle de marionnettes humaines. Et semblent y osciller, produisant un balancement entre la réalité brutale, l’onirisme inquiétant et l’angoisse primitive de la nature, hésitation qui crée l’incroyable réussite visuelle de ce spectacle troublant. La musique, composée par deux pointures de l’électro, Stephen O’Malley et Peter Rehberg, est le quatrième personnage de la pièce, omniprésente et essentielle. L’installation plastique est au cœur de la dramaturgie, une machinerie visuelle aux lumières divines d’où jaillit de la brume sculptée de manière ahurissante. Si le propos de l’écrivain américain Dennis Cooper reste peu clair, et visiblement morbide, l’imaginaire du spectateur se perd dans cette forêt poétique et inquiétante, d’où il ne ressort pas vraiment indemne. Stimulant et inédit. DE.M.

This is how you will disappear Gymnase Aubanel jusqu’au 15 juillet 04 90 85 72 50 This is how you will disappear de Gisele Vienne © Sebastien Durand

© Herman Sorgeloos

Keersmaeker a l’art de surprendre en jouant toujours des mêmes ingrédients. Ses danseurs, virtuoses, qui incarnent la simplicité d’une gestuelle si travaillée qu’elle en paraît naturelle ; la musique, qu’elle conçoit comme le terreau premier de son inspiration ; un véritable propos, qui en découle. Aussi, qu’elle danse sur des répétitifs américains, Stravinsky ou Ravel, Bach et Webern, Coltrane même, lorsqu’il se fait indien, c’est toujours la même divine surprise : épousant chaque fois le propos musical elle ne peut se répéter, trouvant dans ses univers différents d’infinies variations… Après une lente montée introductive à la flûte -respiration continue, glissendo incroyable sur toute la tessiture ponctué de quelques flatterzung à peine dépolarisants- En Atendant s’attache à la musique médiévale, Ars subtilior du 14e siècle, lorsque la polyphonie sortait la musique de la monodie médiévale, pour s’élancer, complexe, vers une

Renaissance harmonique. Sa danse épouse ce mouvement, non pas en retrouvant, ethnologique, l’authenticité hypothétique de danses de Cour ou de marché, mais en dessinant des mouvements analogues. À partir d’impulsions fondées sur la marche, à peine rythmée, sur des rotations mesurées, puis sur d’étranges conglomérations des corps, des mises à nu… C’est encore une fois très beau... même si cette musique, chantée sans éclat, sonne un peu muséale quand la danse ne l’est pas. Mais la magie opère peu à peu dans le Cloitre des Célestins au naturel, sans lumière et sans scène, où le crépuscule descend lentement, effaçant les corps soudain nus de son ombre… jusqu’à la nuit atendue… A.F.

En atendant Cloitre des Célestins jusqu’au 16 juillet 04 90 14 14 14

Bande de zigotos Un Nid pour quoi faire est l’adaptation théâtrale du roman publié en 2007 par Olivier Cadiot (éditions POL). L’univers barré de l’écrivain poète croise la mise en scène contrastée et cinématographique de son complice Ludovic Lagarde. Un montage cinématographique en effet que cette pièce, qui croise la farce bouffonne et le théâtre de boulevard, le rituel de cour et la cérémonie d’apparat, dans un décor plus vrai que nature. «Cour royale en exil à la montagne cherche conseiller image, chambre tout confort dans chalet atypique, artiste s’abstenir». Une petite annonce à laquelle répond Robinson, le personnage récurrent de l’écrivain, qui va le plonger dans un univers technicolor et orgiaque à souhait. En voix off, accompagné par la guitare de Rodolphe Burger, qui signe une partition délicieuse à la Gainsbourg,

pour trois pelés» (Laurent Poitrenaux, forcément truculent). Jusqu’au dénouement improbable, en pleine ivresse des hauteurs, où le petit Robinson prend la place du calife. «Le roi est mort, vive le roi», bien sûr ! Chez Cadiot/Lagarde, ça sent la bouffe, la neige, l’onirisme joyeux et ça donne un bon coup de fraîcheur montagnarde en pleine canicule. Lumineux, drôle et extra-lucide. DELPHINE MICHELANGELI Un Nid pour quoi faire © Christophe Raynaud De Lage

il trace sa route pour faire son nid, pourquoi pas, jusqu’au chalet du roi et sa communauté délirante. Une cour loufoque et irrésistible, qui conçoit des slogans publicitaires pour redorer le blason d’un monarque déchu et dépressif, devenu «petit soleil

Un Nid pour quoi faire Gymnase Gérard Philipe jusqu’au 18 juillet 04 90 27 66 50


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FESTIVALS

AVIGNON OFF

Bicornus carriéristes «humanisme» pour le monde d’aujourd’hui plutôt qu’un fanatisme neurasthénique, refusant la «rhinocérite» contagieuse, dans laquelle les «logiciens» manipulateurs ont plongé le monde. La volonté contre la pensée : Alain Timar tend un miroir à une société déréglée, il en joue au propre et au figuré en démultipliant les angles et les points de vue. Une allégorie prévisible, mais pertinente et bien léchée.

Créer un spectacle avec 10 comédiens Coréens (9 plus exactement, 1 musicien percussionniste étant également sur le plateau avec une partition très présente) pendant le Festival d’Avignon, sur une pièce majeure de Ionesco, voilà un nouveau challenge relevé par Alain Timar. Se révélant une fois encore un coloriste (pourtant, ici, en noir et blanc) maître de l’espace, le metteur en scène montre également une maîtrise de la direction d’acteurs épatante. Il situe ce Rhinocéros dans un contexte capitaliste où l’idéologie totalitaire apparaît sous des formes plus insidieuses, et le bien s’y cogne au mal. Les surtitrages, fluides et accessibles, multiplient les degrés de lecture. Dans la couvée des loups, jeunes carriéristes sans âme, Bérenger parviendra à ne pas passer de l’autre côté (du miroir), en préférant réinventer, seul, un

DE.M. Rhinoceros © Manuel Pascual

Rhinocéros jusqu’au 29 juillet à 11h (relâche le 18) Théâtre des Halles 04 32 76 24 51 www.theatredeshalles.com

À sauts et à gambades La pensée de Montaigne procède par tours et détours, où Philippe Avron nous invite à le suivre. Le point de départ, un petit volume d’extraits des Essais. «Mon père me l’a laissé en héritage», nous raconte Philippe Avron... Bavardage, ton de la confidence, nous sommes entre nous, l’acteur prolonge la promenade dans l’œuvre en un parcours personnel onirique, empli d’humour, de détachement, de profondeur… Montaigne se trouve dans le public, les animaux se mettent à parler avec sagesse, le chat, les ânes (Montaigne et La Boétie !)… Les frontières s’abolissent, tout devient

sens. Le texte de Montaigne subit toutes les farcissures avec délectation, n’en était-ce pas le principe ? S’établissent entre le XVème siècle et notre époque d’étranges échos, de sombres résonances… Un geste de la main, connivence implicite, ne nous appesantissons pas, ce serait désobligeant ! Les liens se tissent dans ce texte «à sauts et gambades», avec une grâce merveilleuse. Les fragments musicaux de Jean-Jacques Lemêtre qui accompagnent les mots prolongent cette poésie. Quel délicieux moment où l’on entend l’aubade qui réveillait le petit Montaigne !

On imagine la rencontre de Shakespeare et de Montaigne, sa sympathie possible avec Grand Cors Malade… Une rencontre d’exception dans le charmant jardin du théâtre des Halles. M.C.

Montaigne, Shakespeare, mon père et moi jusqu’au 29 juillet (relâche les 18 et 25) Jardin du Théâtre des Halles 04 32 76 24 51 www.theatredeshalles.com

Barriques et barricades

La compagnie Uppercut, en résidence d’artistes à Carqueiranne, livre au Théâtre du Balcon, une très belle interprétation de Huis Clos de Sartre. Le texte dense, tout de tensions passionnées et d’inquiétudes, de non-dits, de révélations arrachées, de compromis, est rendu avec maestria. Dans la chambre d’hôtel où les trois personnages doivent passer l’éternité, enfer d’un nouveau genre dans lequel, privés de miroirs, les protagonistes n’existent que dans le regard de l’autre, chacun devient l’enfer de ses compagnons. Séduction, haine, détournements, tout est mis en scène (par Laurent Ziveri) avec finesse et efficacité, dans un décor sobre avec juste ce qu’il faut de néon pour rendre l’enfer tangible. Les acteurs, avec naturel, échappent à la grandiloquence si souvent présente dans l’interprétation des pièces de Sartre, et dessinent des personnages d’une grande vérité grâce à une diction parfaite, un jeu fluide, une palette subtile de sentiments humains, des provocations du corps. Lorsque la pièce s’achève, sur un tableau qui en traduit l’enjeu existentiel, un silence précède le déferlement d’applaudissements destiné avant tout au talent des comédiens.

Le 12 mai 1588 naissait le mot «barricades», des barriques qui étaient l’élément principal des matériaux destinés à barrer les rues lors de l’insurrection populaire contre Henri III. En 2008, la jeune troupe du Sudden adopte son nom, La Compagnie des Barriques, à l’issue du succès de la pièce qui lui a permis de se rassembler, Barricades de Alain Guyard dans une mise en scène de François Bourcier. Acteurs drôles, dynamiques, un punch à toute épreuve, la troupe est réjouissante et accorde à la pièce une présence forte. Mais les rouages sont longs à s’enclencher, l’action n’est pas assez resserrée, l’abondance de citations semble parfois gratuite et la fin du banquet de Platon oublie Alcibiade… Ça part un peu dans tous les sens, pour une vision «générale» des principes de révolte (?). De bonnes intentions mais une vision bien manichéenne de la société et de son fonctionnement. La mise en scène ne manque pas de bonnes idées, intrusion de l’image, ombres chinoises, décalages, humour, banquet anthropophage au ketchup. On souhaite à nos joyeux pirates des pièces plus abouties, ils le méritent !

M.C.

Huis Clos jusqu’au 31 juillet à 10h45 Théâtre du Balcon 04 90 85 00 80 www.theatredubalcon.org

Barricades © X-D.R

La grâce de l’enfer

MARYVONNE COLOMBANI

Huis clos, Cie Uppercutheatre © P.Leiva

Barricades jusqu’au 31 juillet à 13h 30 Théâtre du Grand Pavois 06 65 61 11 74


AVIGNON OFF

FESTIVALS

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Le nouveau spectacle du Kronope, Rumeurs…les possédées de Loudun, créé à la Collégiale de Loudun (joli clin d’œil), a reçu lors de sa présentation en avant-première du festival un succès qui augure bien de son mois de juillet à la Fabrik’théâtre. Sur le papier, l’histoire est plutôt classique bien que célèbre. Urbain Grandier est un jeune prêtre séducteur qui fait tourner les têtes des religieuses du couvent des Ursulines. Un homme qui prend femme, qui n’hésite pas à dénoncer la politique du Cardinal de Richelieu, et devient l’objet des rumeurs les plus graves : il serait l’instrument du diable en personne ! L’histoire se passe en 1617 et le rapprochement avec notre époque encore engluée dans l’étau des manipulations politiques nous trouble forcément. Mais on se prend à l’oublier et entrer complètement dans l’esthétique très baroque du spectacle. Des costumes grandioses aux masques larvaires superbes, du jeu très poussé et

énergique des cinq comédiens au don d’ubiquité hors norme, la recette de la troupe du Kronope fonctionne toujours. Joëlle Richetta, aussi douée pour inventer des costumes que pour l’art de raconter des histoires, signe une adaptation réussie de La Brûlure de la Rose et Guy Simon met en scène avec vivacité une vraie comédie engagée. Cet Urbain qui ne cesse de répéter que «la force de l’homme existe dans sa capacité à penser sa vie» reste un papillon libre, un électron dans une société où la magie noire et les démons nourrissent les angoisses du peuple. DELPHINE MICHELANGELI

Rumeurs… jusqu’au 31 juillet à 18h45 La Fabrik’théâtre 04 90 86 47 81

Rumeurs... les Possedees de Loudun, Theatre du Kronope © X-D.R

La rumeur gronde

Tuer le père ? des regrets de l’enfance «qui file comme un train de campagne». Au moment d’enterrer leur père, «un père pas comme les autres déguisé en père de famille», à défaut de l’avoir tué, ses enfants dessinent sur une page

blanche, dans un procédé scénique sublime, et pourtant si simple, les mots-maux de sa vie. Les trois comédiens, intenses, justes, aussi drôles qu’émouvants, prennent la parole d’un corps à l’autre, d’un père Les Langues paternelles © Alice Jones

Premier spectacle aux Doms pendant le Off, première claque ! Les Langues paternelles est une production signée par le Collectif belge De Facto, en collaboration avec le L’L, lieu d’accompagnement d’artistes en émergence, celui-là même qui nous avait permis de découvrir le fantastique J’ai gravé le nom de ma grenouille dans ton foie, gros succès des Doms en 2006. Ce petit bijou psycho-généalogique sensible et nerveux, fougueux et intelligent, est écrit par David Serge, le double romancier de Daniel Schneidermann. Le metteur en scène Antoine Laubin nous entraîne dans le tourbillon souterrain des relations père-fils, de la transmission inconsciente et inéluctable, du pardon impossible,

à l’autre, d’un fils à l’autre. Superbes d’élégance et de véracité. Ils tricotent, à l’endroit à l’envers, les brins du chemin de la paternelle. De la leur aussi, forcément, si loin si proche. En héritage, ces dernières paroles paternelles, sorties d’un vieux magnéto à bande, foudroyantes et apaisantes à la fois : «on n’hérite jamais d’un père idéal». Aucun pathos, mais une émotion sincère et bénéfique. DE.M.

Les Langues paternelles jusqu’au 27 juillet à 11h (relâche le 19) Théâtre des Doms 04 90 14 07 99

Sur la terre comme au ciel ... Le Galileo de Bertolt Brecht n’est pas un héros, ni un surhomme ; il craint la mort, ses vérités sont à facettes, il a toujours faim, et son «à présent je dois manger» final vaut bien l’invitation voltairienne à cultiver son jardin ; son télescope est braqué avec le même doute ardent sur le mouvement des planètes et les errances de la ménagère romaine en quête de lait ; son abjuration des thèses coperniciennes devant le Saint Siège, avec aparté légendaire «E pur...» est encore dans la pièce le signe de sa profonde humanité et de sa complexité ; il y est question de révolution bien sûr et rien d’étonnant à ce que la Compagnie du Grand Soir se saisisse de ce texte mobile que l’auteur lui-même a retravaillé dans l’après Hiroshima ; cabaret politique donc pour fragmenter et jongler avec les morceaux d’une pièce autrement bavarde et quelque peu démonstrative ; nez rouges ou gazes vaporeuses, tulle coloré, chœurs à

l’unisson plutôt frères Jacques qu’Armée Rouge, solos de guitare ou de batterie façon ado, les petits camarades occupent la scène allégrement, semblent se susciter les uns les autres, campent sans faillir, à quatre, la trentaine de personnages de passage et tournent autour de Galilée (Régis La Vie de Galilee © X-D.R

Vlachos, touchant d’incarnation fragile, à distance de la distanciation et c’est tant mieux!) sans entraver la marche en étoile d’un propos moins simple qu’il n’y paraît ; parfois gentiment brouillon, effet d’un découpage pas toujours lisible, le spectacle ne manque pas de rythme et les effets ne s’attardent pas... Le burlesque discret n’écrase pas l’attention au fond et déconnecte heureusement la tentation didactique... «Les maîtres, les curés et les princes violents ...» se dissolvent tout seuls dans le rire et c’est bien comme ça ! MARIE-JO DHO

La Vie de Galilée jusqu’au 31 juillet à 17h35 Théâtre de la Poulie 06 32 06 05 64


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FESTIVALS

THÉÂTRE

Comme chien et chat 7 garçons et 7 filles. 14 élèves de 3e année de l’École Régionale d’Acteurs de Cannes qui illuminent le plateau durant 2 heures. Pour leur dernier travail avant la vie professionnelle, ils sont dirigés par le talent généreux et précis de Catherine Marnas. Un travail rigoureux qui laisse toute sa place à l’émotion sur un plateau quasiment vide, dans le décor judicieux de Carlos Calvo, fait de boîtes empilées formant un puzzle de containers en parfait accord avec le propos. Il s’agit de plusieurs extraits dramatiques de Koltès mêlés à des notes de travail, des lettres qui donnent un éclairage particulier sur l’univers du dramaturge. Luttes et guerres, exploitation de l’homme par l’homme, rapport

lèvres et gants de vaisselle, et la saisissante Louise Belmas encombrée par ses paquets et sa psychose… Un véritable spectacle, qui a permis à chacun de mettre au jour ses qualités individuelles, et son sens du travail choral : les metteurs en scène n’ont plus qu’à aller choisir parmi ces jeunes talents, qui bénéficient pendant deux ans du Fonds d’Insertion des Jeunes Artistes Dramatiques (FIJAD). © Pierre Grosbois

des sexes. Personnages sombres, perdus ou ratés qui s’affrontent, se déchirent, s’accrochent pour ne pas sombrer. Et la langue de Koltès, comme un canif très aiguisé, tranche dans le vif de la chair des comédiens : chacun a SA scène, où il donne tout comme s’il avait tiré à

une courte-paille muette. Virevoltant Mathieu Tanguy qui boxe contre le vide, habile Mikaël Teyssie, déjà si profondément juste... Les filles sont toutes formidables, surtout celles qui osent le comique, comme Pauline Jambet qui singe Marilyn avec rouge à

CHRIS BOURGUE

Si un chien rencontre un chat.... s’est joué du 22 au 26 juin à La Criée, et au Festival d’Avignon au cloître St Louis du 8 au 12 juillet www.erac-cannes.fr

Dévorer les mo(r)ts C’est une drôle d’entreprise que celle des Carboni : leur théâtre portatif, Posada particulière, leur permet de promener leur esprit de tréteaux vers un public qui franchit ainsi avec moins de réticences (et pour moins cher !) les murs de toile que les portes imposantes des Cours et des Théâtres. Lorsque Clémence Massart, guidée par Philippe Caubère, y officie, on touche aux fondements du théâtre populaire… c’est-à-dire à l’art du comédien. Clémence Massart est une bête de planches. Saltimbanque parfaite, qui sait prendre des accents impossibles, changer de personnage à vue, imposer des caricatures aux antipodes, jouer de l’accordéon et de la trompette en même temps, émouvoir puis faire rire, et dire les textes, dire, en les rendant intelligibles dans leurs moindres nuances. Son numéro de transformiste a la virtuosité de ceux de Caubère, en moins narcissique (ce qui n’est pas une critique). Ses variations autour du thème sont fondées sur les asticots, ceux qui mangent les morts, et grouillent dans Shakespeare («un souper où il ne

mange pas, mais où il est mangé», précise Hamlet à propos de Polonius qu’il vient de pourfendre), permettent de décliner toutes sortes de textes, noirs, glaçants, romantiques, ironiques, petites chansons drôles, rappels matérialistes, jamais morbides, de notre réalité de chair qui finira boulottée. Voyage dans la littérature, vanité en œuvres, prétexte à textes (La Charogne de Baudelaire, Michaud, Giono et sa vision apocalyptique des rats dans les tranchées, Jankelevitch et ses considérations sur la mort et le fugace…), la performance de la comédienne fascine malgré les trous de mémoire (que de textes !). Trois accessoires, deux ficelles, des chapeaux et des masques sommaires, un tout petit feu d’artifice… et quelque chose de grand se produit. Comme si un soliste était venu sur la place voisine jouer simplement les pages les plus virtuoses du répertoire, sans en avertir personne, que les gens du quartier… AGNES FRESCHEL

© X-D.R

L’Asticot de Shakespeare a été joué dans la Posada des Carboni le 21 juin à Marseille, et le 3 juillet à Noves

Du minuscule au majuscule Faire une halte dans ce Perpetuum Mobile en plein air, au milieu des arbres et des caravanes, à l’heure où les cigales commencent à se rendormir, c’est plonger dans le monde onirique de la

troupe Ton und Kirschen. Une troupe créée il y a 18 ans dans un petit village d’Allemagne par Margarete Biereye et David Johnston, membres fondateurs du Footsbarn Theater, et venue partici-

Perpeteuum Mobile, Cie Ton und Kirschen © Vincent Muteau

per au Festival Villeneuve en Scène. Les 8 comédiens (allemands, anglais, italiens, français) nous mènent dans une fresque fantastique de théâtre de mouvement et d’images. Si le propos reste un peu flou et décousu, c’est sans doute pour mieux nous perdre dans cette cérémonie mystérieuse où s’épanouit tout un cosmos d’images. «Le paradis est fermé, il faudrait faire le tour du monde pour voir si on ne peut pas y rentrer par derrière». Tous nous entraînent alors dans ce cabaret où des personnages haut en couleurs traversent avec des boules géantes, jouent du violon-trompette, hissent la grande voile, brûlent les livres. Dans une manipulation qui va crescendo d’un théâtre d’objet miniature et gigantesque, où les marionnettes sont en

deuil ou se disputent une bien-aimée, où les soldats revêtent leur uniforme et utilisent leurs armes sans plaisir, où des géants d’acier chantent une aria de Gustav Mahler en pleurant, une diversité d’émotions visuelles nous parvient. Une poésie d’un monde en construction, porté par une machinerie d’une grande inventivité mais modeste. Et une vraie tendresse pour le genre humain. DELPHINE MICHELANGELI

Perpetuum Mobile Le Bosquet, Villeneuve Les Avignon jusqu’au 18 juillet (relâche le 15) à 21h15 04 32 75 15 95 www.villeneuve-en-scene.fr


FESTIVALS 15

Prétexter Shakespeare

© X-D.R

Entrée royale, cette année, pour l’ouverture du 21e festival Théâtre Côté Cour à Salon de Provence, puisque le Château de l’Empéri ouvre les portes de sa très belle cour

Renaissance à une adaptation de La Nuit des Rois de Shakespeare, revisitée par la comedia dell’arte. Une jeune fille échoue sur une île : croyant son frère jumeau disparu

dans le naufrage, elle se déguise en homme, rentre au service du Duc d’Orsino, terrible et mélancolique, et courtise en son nom la belle et prude Olivia. Dédoublements et jeux de dupes de l’intrigue se prêtent à la version carnavalesque que propose Jean Hervé Appéré, qui fait la part belle à la farce, aux soubrettes gouailleuses, au bouffon lunaire, aux importuns ridicules. Dans un décor minimaliste de théâtre de rues, les comédiens masqués et costumés enchaînent des numéros de virtuosité mêlant au texte chants, musique et acrobaties. L’adaptation très libre ne résiste pas à quelques bons mots racoleurs, ni à des gags façon Tex Avery ou Benny Hill en costumes qui font mouche, même s’ils

effacent la diversité des registres de la pièce. La bonne humeur énergique de la troupe satisfait un public de tout âge. Shakespeare n’est finalement qu’un prétexte, mais il a l’habitude : de tragédies irakiennes, en comédies punko rock’n roll, il sait s’adapter… AUDE FANLO

La Nuit des Rois de Shakespeare, par la Cie Comédiens et compagnie, a été jouée le 5 juillet à Salon de Provence Elle est reprise lors du Festival d’Avignon, jusqu’au 31 juillet, au théâtre du Petit Louvre, à 14h20. 04 32 76 02 70 www.le-petitlouvre.com

Du sens jusqu’au bout des doigts Le festival de danse de Vaison a 15 ans. Le théâtre antique revit lors de ces soirées, une foule dense se presse sur les gradins, on y attend la nuit. La silhouette des cyprès s’estompe, les nuages d’été s’effacent. Les musiciens s’installent sur le côté de la scène, deux chanteuses, un chanteur, un tanpura (sorte de luth), une flûte, un sitar, deux pakhavaj : ces tambours à deux faces, qui auraient été joués par Shiva Nataraja lui-même, «le seigneur de la danse», symbolisent la vibration divine qui envahit le cosmos. La musique de Madhup Mudgal, sur la trame traditionnelle du mythe des amours de Parvati et de Shiva, est narrative, et illustre l’histoire contée par les danseuses, grâce à une codification subtile qui nous échappe, mais dont on saisit l’esprit

grâce au chatoiement des costumes, à la précision des gestes… Les chevilles ceintes de clochettes vibrent à l’unisson, aux rythmes nets que les pas frappés sur le sol leur imposent. Magie virevoltante, arrêts sur une pose de statuaire, visages

expressifs, mains qui redessinent le monde, tour à tour papillons, oiseaux, éventails… une symbolique dont on aimerait savoir saisir les arcanes ! Style Odissi donc, de l’état d’Orissa (au sud de Calcutta), art millénaire et sacré, codifié à Madhavi Mudgal & Dancers © Ajay Lal

l’extrême, dans une écriture riche et raffinée. Et pourtant, on a une impression de liberté, de vivacité, de spontanéité même, dans cette danse, un accord subtil unit les danseuses et la musique, et lors du superbe solo de Madhavi Mudgal tout devient harmonie. Ananya, titre du spectacle, désigne le Magistral ; jamais nom n’a été aussi bien porté ! Le public ne s’y trompe pas, tenu en haleine par cette impression de grâce : le signifié n’est pas dans l’histoire, et rien n’est plus difficile à produire que cette évidente facilité qui semble flotter sur l’air audessus des corps matériels… MARYVONNE COLOMBANI

Ananya a été donné à Vaison la Romaine le 9 juillet, en ouverture du festival international Vaison Danses


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FESTIVALS

FESTIVAL DE MARSEILLE

La chimie prend corps À la Salle Vallier, le Festival retrouvait ses fondamentaux avec le spectacle de Ginette Laurin, La vie qui bat, emporté par le souffle de ses interprètes et l’ardeur de l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée. Conçue sur mesure pour la partition de Steve Reich, la chorégraphie emprunte aux cellules répétitives sa colonne vertébrale sans jamais les illustrer. La rencontre entre le mouvement -écriture toujours sobre, sans fioritures, avec un sens du détail exacerbé- et la montée en puissance de la musique -aux timbres et aux couleurs très richesjoue de l’équilibre et du déséquilibre, de la collision avec la rythmique ou de l’abandon. Comme si les corps entraient en résonance ou en dissonance, tétanisés d’un bout à l’autre par la partition. Pas de démonstration outrancière mais un labyrinthe de combinaisons ingénieuses. Avec, dans les mouvements d’ensemble notamment, ce léger décalage d’une main qui s’échappe, une bouche imperceptiblement entrouverte, le fléchissement de l’arc d’un bras. Échappés vers le ciel ou reposés au sol, les corps oscillaient comme les battements d’aile d’un papillon.

La vie qui bat © Guy Borremans

La soirée inaugurale du F/D/Am/M ressemblait à un numéro de haute voltige. Risqué et exigeant dans ses propositions artistiques qui ont tenu leurs promesses

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

La Vie qui bat a été joué en ouverture du Festival de Marseille le 17 juin. Les expositions ont été proposées au Centre de la Vieille Charité du 17 juin au 6 juillet

Roll-on, Roll-off © Marie Reinert

En prélude à la danse, l’installation de Yayoi Kusama, Infinity Mirror Room Fireflies on the Water, ne pouvait trouver plus bel espace que le cloître de la Vieille Charité : le choix du festival comblait la directrice des Musées de Marseille Marie-Paul Vial, satisfaite d’accueillir «une pièce muséale»… Par petits groupes de trois personnes maximum (entrer seul est un luxe inouï), on plonge littéralement dans un bain de couleurs, de lumières et d’eau : un retour au cosmos originel mêlé au sentiment de finitude nous envahit, une sensation de vertige et d’inéluctable nous étreint. L’artiste japonaise née en 1929, par son obsession de la multiplication des signes à l’infini à travers un jeu de miroirs, nous projette de manière violente dans l’enveloppe matricielle… Autre artiste, autre génération, autre choc, avec les vidéos de Marie Reinert : dans Faire, sa caméra caresse les volumes, les verrières et les murs de béton des Archives départementales d’Ille-et-Vilaine dont elle souligne l’âpreté des angles, les espaces de lumière avant de chorégraphier le mouvement répétitif et ordonné des archivistes. Dans Roll-on, Roll-of, présenté au Palais de la Bourse, l’immersion dans l’univers de bateaux de transport de la société Marfret et de ses porte-containers est proprement étouffante. Là encore, elle orchestre un ballet hypnotique d’hommes et de machines : rythme lent, plans fixes, regards échangés entre ceux qui travaillent et la caméra nous rejettent à l’extérieur d’un huis clos oppressant. Deux vidéos où la plasticienne et vidéaste fait montre d’un vrai regard.

La ville à corps pendus Festival de Marseille © Isabelle Organini

D’un Festival de Marseille qui laissait naguère place à des manifestations populaires ET de qualité - on pense notamment aux regrettés ciné concerts de La Sucrière -, la nouvelle édition du FDAmM semble avoir voulu garder quelque chose. D’où peut-être la proposition du chorégraphe autrichien Willi Dorner : des performances-déambulations gratuites, en plein centre ville, à des heures d’intense passage. Bodies in urban spaces, le concept a été adapté à l’hyper centre, un parcours insolite concocté et, 4 fois, la vingtaine de danseurs-acrobates aux tenues de sport flashy a subjugué le public par ses postures incroyables. Corniches, grilles, porches, rampes, panneaux et même coins poubelles, aucun interstice ne leur résiste. Seul, à deux, en tas, ils s’encastrent, se suspendent, se lovent, comme pour se fondre dans le paysage urbain, statues éphémères (et physiquement éprouvantes) semées au pas de

course du Palais de la Bourse aux escaliers de la gare. Un bien joli spectacle ! Dommage que le Service d’ordre, omniprésent et très directif, ait laissé la pénible impression de trimballer une horde de visiteurs en mal d’exotisme dans un quartier populaire au mieux indifférent à ce déferlement hipster… FRED ROBERT

Bodies in urban spaces a été donné les 18 et 19 juin dans le cadre du Festival de Marseille


DANSE

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Envols, et nouveaux académismes Avec la compagnie le Marietta Secret et les Ballets de Monte-Carlo dans la même soirée, le CNCDC Châteauvallon a conduit le public à faire le grand écart entre la danse contemporaine née dans les années Bagouet et le style néo-classique cher à Jean-Christophe Maillot. Peu de spectateurs ont d’ailleurs opté pour le diptyque… On avait laissé Hervé Robbe à Danse à Aix en 2002, en habitué du festival, dans son jardin musical et chorégraphique Des horizons perdus ; on le retrouve avec une pièce de 2007, Là, on y danse, qui exprime son désir «d’un nouvel élan sur l’écriture du mouvement». Là donc plus d’images vidéo mais un retour au plateau plutôt déconcertant : envolées magnifiques du Concerto pour violon en Ré de Stravinsky pour le passé, compositions actuelles pour le présent, décor de blocs gris à la manière d’Oscar Schlemmer pour l’entre-deux. Et la danse ? Des silhouettes grisâtres, bloquées dans une raideur étriquée sans qu’aucun flux ne circule entre elles. Décadrages, déplacements, traversées, courses frénétiques, index souvent tendus vers le ciel, les danseurs semblent plus «téléguidés» que libres acteurs. Même quand la danse prend des couleurs et s’emballe dans un désordre faussement anarchique, elle semble prisonnière d’un carcan invisible. On était pourtant prêt à croire que tout pouvait basculer

Men’s dance for women, Ballets de Monte-Carlo © Marie-Laure Briane

quand «la syncope et l’effondrement [ne sont] pas loin»… Dans l’amphithéâtre en plein air, les Ballets de Monte-Carlo se sont laissé emporter par la vague musicale de Steve Reich, ondulant dans un mouvement d’ensemble trépidant. Steve Reich qui laisse toujours le champ libre à la musique des corps comme aux possibles interprétations des chorégraphes : ici Jean-Christophe Maillot dans Men’s dance for women et à Marseille Ginette Laurin dans La Vie qui bat (voir ci-contre)… Après

cette pièce bruissante d’un envol gracieux, le second ballet Altro Canto part I accusait un académisme et une gestuelle maniériste amplifiés par les costumes de Karl Lagerfeld. De «la belle ouvrage» certes, technique parfaite, puissance et rigueur indéniables, mais vide de charge émotionnelle !

Richard II de Shakespeare mis en scène par Jean-Baptiste Sastre, avec Denis Podalydès. Le 20 juillet, soirée danse avec Daniel Larrieu (À chaque vent le papillon se déplace sur le saule), Kubilai Khan Investigations (Espaço contratempo) et Alonzo King. Les 23 et 24 juillet, les étoiles et soli du Ballet de l’Opéra de Paris et les 30 et 31 juillet, les Nuits Flamenca.

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

À venir Le 16 juillet, en avant-première du Festival d’Avignon, la création La tragédie du roi Richard II d’après

Nouveau Festival 2010, Ollioules 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com

Haïku aux champs une réelle complexité. Une belle ouverture pour la troisième édition de Danse dans le Canton !

La compagnie Marie Hélène Demaris enchaînait par une prestation tout en finesse. Allégories de la Kumo no naka... dans les nuages © X-D.R

Imaginez ces premiers jours d’été, ceux qui hésitent encore, précédant de quelques mesures les cigales… une pelouse, des arbres, un plan d’eau… feu, avec les rayons du soleil qui s’arasent… Nous sommes à Peyrolles, au Plan d’eau du Plantain, quatre classes de l’école de Jouques présentent le travail réalisé sous la houlette du chorégraphe Marco Becherini. Mise en danse de quelques fables de La Fontaine, Les animaux malades de la peste, La colombe et la fourmi, Le chêne et le roseau, Le loup et l’agneau. Six heures seulement ont été accordées au chorégraphe pour mettre en œuvre cet ambitieux projet ! Les enfants ont bien mémorisé les chorégraphies, jusque dans les saluts. Rien de bêtifiant, une vraie mise en scène,

Danse et de la Poésie, Marie Hélène Demaris et sa complice, la conteuse Marie Laure Rey, évoluent, légères, comme les mots des haïkaïs, ces poèmes japonais qui en trois vers livrent de subtils fragments, émerveillement du monde, vol d’une libellule, froissement du vent, frémissement d’une fleur, appréhension de l’infime, des variations du vent dans les nuages… Un regard, une main qui virevolte, une flûte, un papillon sur un chapeau de paille tressée. Questionnement des choses, «à quoi rêvent les fleurs? ». Une danse de poésie qui nous accorde au monde… MARYVONNE COLOMBANI

Kumo no naka (dans les nuages) a été donné le 24 juin au Plan d’eau du Plantain, à Peyrolles


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FESTIVALS

PLURIDISCIPLINAIRE

Drôles de rumeurs ! Déjà cet automne, les artistes s’étaient invités dans les rues de Toulon pendant les Rencontres artistiques méditerranéennes du Var. Déjà Lieux publics était convié par le Conseil général à animer une rencontre-débat sur l’art et l’espace public dans l’Euro-méditerranée et à proposer une mini programmation. Les bases d’une nouvelle ère de l’art public toulonnais étaient jetées qui ont donné des ailes au Centre national des Arts de la rue pour manigancer les «perturbations» festives En lieux et places de Toulon. Spectacles, installations, interventions et projets participatifs ont ponctuellement redessiné la ville et permis au public une réappropriation originale avec un Marché commun France-Italie haut en saveurs, des Beaux-Parleurs qui n’avaient pas leur langue dans leurs poches et Johan Lorbeer qui se prend pour Tarzan ! Sa façon de s’accrocher aux façades des immeubles avait de quoi faire enfler la rumeur parmi une foule médusée et conquise. Rumeur qui a laissé place à des chuchotements entre initiés quand, accompagnés par

Osmosis cie, Transit En Lieux et places de Toulon © Gilles Clement

l’un des membres de la Cie Amanda Pola, les promeneurs revenaient de leur marche poétique la tête encore embrumée par le dépaysement sonore. Partis sur les traces d’Otto Waltser, collectionneur de balades, ils découvraient à L’Arbre à Bulles (barlounge transformé en musée) un fonds d’objets, de documents et de photos précautionneusement classés par sa petite-fille Vera Waltser. De là ils partaient à la découverte du quartier des anciennes Halles municipales que fréquenta l’écrivain et poète, un

casque audio sur les oreilles, guidés par un comédien muet habillé d’une salopette grise… sans effaroucher les riverains, amusés de voir flâner ces tandems improbables ! Quant à croire à la réalité d’Otto Waltser, là n’était pas la question. Autre rendez-vous insolite place du Globe avec Le concert de public orchestré par Pierre Sauvageot qui su faire vibrer à l’unisson (enfin presque…) grands et petits, habitants et piétons de hasard. Une fois les mains pleines d’un sac plastique, d’une

clochette descendue de l’arbre (et oui, l’arbre à clochettes existe !), d’un tuyau ou d’une partition en papier kraft, la foule se sent l’âme musicienne. Prise au jeu et malgré les couacs, elle s’évade et s’envole quelques minutes. D’autant que Pierre Sauvageot et Allegro Barbaro ont su jouer avec les fenêtres ouvertes pour créer l’événement. Ce que n’a pas réussi Kubilai Khan Investigations qui a «posé» sa pièce Soto ni deru place Dame Sibille sans prendre en compte le décor «naturel». Dans ce territoire totalement ouvert, les danseurs flottaient : manque de repères, absence de reconfiguration, la danse perdait de sa fluidité et de sa densité. Dommage pour un collectif qui ne cesse d’imaginer de nouvelles cartographies. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

En lieux et places de Toulon s’est déroulé du 23 au 26 juin www.lieuxpublics.com

Formes libres

La mer se fête

Sur les quais du port, à Port-St-Louis, l’ambiance de fin d’après-midi était des plus agréable : tandis que la fanfare Lui Craciun enchaînait les airs festifs connus et entraînants, les tables installées face aux scènes se remplissaient lentement… Familles et amis se retrouvaient pour un apéro et un repas musical, le groupe de rock Little Midgar rythmant la suite des réjouissances. Plus tard, à l’heure où le soleil se dessine derrière les mats, c’est au tour de l’énergique Cie Le Cubitus du Manchot de jouer son spectacle du même nom avec fougue. Les trois jeunes circassiens, Cécile Berthomier, Fitou Jebejian et Pierre-Jean Bréaud, travaillent leurs corps comme des agrès, comme une matière à imagination, détournant des gesticulations pour se faire mutuellement perdre la tête -et les pieds !- avec mimiques hilarantes et sourires complices. Vertiges assurés pour ces trois-là qui construisent une relation sans paroles, quoique, mais Le Cubitus du manchot © Do.M basée sur des duos ou trios empruntant à la fois au cirque et au théâtre, voire à la danse. Lancés par le Citron Jaune en partenariat avec la ville de Port-StLouis, les Mercredis du Port offrent à tout un chacun des soirées conviviales, avec possibilité de se restaurer avant ou après avoir musardé ou assisté à un spectacle, dans le cadre agréable des quais du port. N’hésitez pas, ils rythment tous les mercredis de juillet dès 19h !

Couplées avec la fête de la SaintLouis, les fêtes de la Mer prennent de l’ampleur pour rendre un hommage digne de ce nom aux Gens de la Mer, des pêcheurs aux plaisanciers en passant par tous les amoureux des sports nautiques. Car l’eau est partout dans cette ville située à l’embouchure du Petit Rhône, marquée par une tradition industrialo-portuaire. Organisée par la ville en partenariat avec le port de plaisance et le comité des fêtes, la manifestation allie traditions, sports, loisirs nautiques et culture durant 2 jours et 3 nuits. Entres autres réjouissances, vous pourrez voir, dans des containers, une exposition du photographe Bernard Lesaing, dont Zibeline a déjà parlé dans ses pages, La Guinguette aux images, un travail basé sur le thème de la mer à Port-Saint-Louis en argentique, ainsi que la projection d’une création audiovisuelle retraçant les métiers de la mer de Bernard Lesaing et Emmanuelle Taurines ; La Nef des fous, bateau qui réunit des artistes de cultures différentes autour d’un projet alliant culture et approche maritime, proposent

DO.M.

Le 1er des Mercredis du port s’est déroulé le 7 juillet à Port-St-Louis

Le port, à Port-Saint-Louis © Do.M.

Sindbad le marin en comédie musicale ; et le mythique groupe F sera accueilli pour un spectacle pyromélodique… Sans oublier la parade nautique, la procession de Saint Pierre, patron des pêcheurs, la retraite aux flambeaux, les concours de pêche, de joutes, les ateliers d’initiation aux mystères marins… DO.M.

Fêtes de la Mer et de la Saint Louis du 20 au 22 août Bassin du port central, Port Saint Louis du Rhône 04 42 86 39 11 www.portsaintlouis.fr



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FESTIVALS

PLURIDISCIPLINAIRE

Tour du monde Saint-Sébastien, de la place Mirabeau, de l’église de la Madeleine et du village du Festival : un tour du monde possible dès la soirée d’ouverture, avec 10 ensembles du bout du monde parmi lesquels ceux d’Antigua & Barbuda, du Bachkortostan, de l’Île de Pâques, du Guatemala, de la Turquie… Des ensembles qui se produiront aussi lors de soirées thématiques, l’escale pacifique sur les traces du Kon-Tiki, la traversée nomade des Balkans au Pacifique ou la soirée ladino turque entre autres, avec les voix de Yasmin Levy, Talbi One, Iris Stevenson, Moussu T…

Langues régionales

Bourgeonnez à l’envi !

DO.M.

Festival de Martigues du 20 au 27 juillet 04 42 49 48 48 www.festivaldemartigues.com

Il y a l’été les festivals confirmés, ceux qui grandissent et les nouveaux nés. Ainsi, Tourves pouvait s’enorgueillir cette année d’accueillir le premier festival de langues régionales, conférences et concerts à la clé… Conférences sur les félibriges et l’Occitanie, danses et chants occitans, piémontais, corses… Les groupes invités étaient d’une jolie qualité, entre Patrick, que tous les amateurs de chant occitan connaissent, avec ses beaux textes, sa faconde, sa générosité sur scène, et le jeune groupe corse, Cantu Nustrale. Ce dernier a su enchanter son public, belles voix justes, bien placées, timbres différents de chaque chanteur qui se conjuguent avec harmonie ; recherche d’un répertoire élargi aux musiques méditerranéennes, extraits de chants traditionnels sardes ou grecs. On retiendra le très beau passage des difficiles Montagnes d’Orezza. À suivre !

Verde te quiero verde, création d’Amélie Duval pour les festival 2010 © X-D.R

Vous n’aurez que l’embarras du choix pour cette 7e édition de Caressez le potager, festival différent, décalé et gratuit, qui propose de mêler plaisirs du jardin, bonne bouffe et émotions artistiques, sur l’herbe et sous les arbres au Parc de la Mirabelle, tout au bout du tram. Côté jardin, 1000 légumes «élevés» sur les bords de l’Huveaune, et les installations poétiques et plastiques de Béatrice Bonhomme. Du côté des

MARYVONNE COLOMBANI

Dizu Plaatjies, Afrique du sud © Patrick Lee Thorp

Depuis 22 ans le Festival de Martigues est le lieu où toutes les cultures populaires se rassemblent, une scène artistique multiculturelle de référence où sont invités à se produire des artistes de toutes nationalités, et de toutes cultures. Marraine de marque cette année, la réalisatrice de cinéma, écrivaine et chanteuse Djura, considérée par ailleurs comme l’ambassadrice de la cause et de la chanson féminines kabyles. Elle est aussi à l’initiative de l’Opéra des Cités, événement artistique national dont le Festival est l’un des principaux partenaires de la version marseillaise, et animera l’atelier vocal adulte que le Festival souhaite intégrer au projet Marseille Provence 2013. Une carte blanche lui est offerte le 20 juillet à 10h30. Puis danse, musiques et voix du monde et musiques actuelles se succèderont sur les scènes du Canal

arts visuels Sylvie Frémiot, sa pépinière d’images auxquelles s’ajoutent celles de Marie-Jo Long, puis le film Les Beaumettes se font la Belle écrit et réalisé par des détenus. On dansera aussi avec Verde, que te quiero Verde, spectacle de tango autour de la problématique de la rencontre amoureuse, avec Christophe Apprill et Cécile Meunié, mis en scène par Amélie Duval. Côté papilles, légumes oubliés et saveurs exotiques. Avec musique, jazz et blues. À voir également : l’exposition de films et photos de Yann Arthus Bertrand au Museum d’Histoire naturelle, associé au Festival. Mais aussi des ateliers, un «balletti» du samedi soir, des contes avec Jean-Louis Favier et Philémon Garcia, des clowns... Le tout sur l’herbe verte ! CHRIS BOURGUE

Caressez le potager 22, 23 et 24 juillet Parc de la Mirabelle, Marseille 12e www.caressezlepotager.net www.museum-marseille.org

Pacifisme paisible Kesiena © Garami-AA

Pour la 7e édition du festival Fête la Paix, du 2 au 7 août, l’équipe organisatrice Massilia Cosmopolitaine répond aux préconisations de l’Unesco qui place l’année 2010 sous le signe de l’Afrique. Aussi, pour «promouvoir la diversité et la richesse culturelle de ce continent et son intégration dans [ses] pratiques artistiques», l’association programme en amont du festival des ateliers d’initiation à la danse africaine pour les enfants, des ateliers de musiques actuelles pour les ados. Quant à la programmation, vous pourrez apprécier, le 4, l’affiche cinéma avec Azur et Asmar de Michel Ocelot et Nothing but the truth de John Kani ; puis une journée pour les enfants au Domaine de Fontblanche le 5 avec

ateliers, goûter et spectacle musical du groupe Karamoko Bangoura, lequel sera programmé aussi lors de la soirée musicale du 6, avec Black Musica Gina Wapa et Sayon Bamba ; le 7 enfin, toujours au Domaine de Fontblanche, clôture en musique avec Nyounaï, Inna Modja et Kesiena. DO.M.

Festival Fête la Paix, Vitrolles du 2 au 7 août 09 51 00 65 43 www.vitrolles13.fr



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FESTIVALS

MUSIQUE

Mythe manipulé scénique d’un plateau vocal homogène (quoique assez «léger») qui réserve quelques moments forts. Mais les nuances subtiles du livret, les sous-entendus délicieux de la partition sont caricaturés. Dans ce drame peu «giocoso», Leporello roule sa pelle à Elvira, Donna Anna se livre tout de go au séducteur, Don Ottavio est réduit au rôle du cocu, Zerline une nunuche, Masetto un jeune beauf, et Don Juan se la pète en Brando éthylique gigotant son «dernier tango»… On s’enfourche sur le tapis, sur la table d’un festin cynique où les mets sont les femmes. Une telle approche scénique ne joue pas seulement avec les codes : elle perturbe à tel point le discours qu’on en perd son Mozart… À ne plus pouvoir ouïr sa musique ! Dans la fosse pourtant, Louis Langrée et les instruments d’époque du Freiburger Barockorchester dessinent, à traits fins, des tempi qui laissent chanter les voix, des couleurs tranchantes qui courent après une (illusoire ?) authenticité baroqui-sante. Les deux

Comment passer une soirée d’opéra avec la boule au ventre ? Il suffisait de se trouver à Aix lors d’une représentation du Don Giovanni de Mozart mis en scène par Dmitri Tcherniakov… Dès l’annonce de la distribution, projetée à même le rideau de scène, on comprend que les codes seront ébranlés : Zerline est la fille de Donna Anna, Leporello un parent de la famille réunie chez le Commandeur dont le salon bourgeois sert une improbable unité de lieu. Le récit s’écoule bientôt au fil d’ellipses incohérentes qui torturent l’unité de temps… On saisit alors que les intentions de Mozart et Da Ponte seront prises à contre-pied. Et que ceux qui connaissent le chefd’œuvre devront confronter leur idéal mozartien à la vision démiurge et «m’as-tu vu» du metteur en scène. Fi donc des rapports de classe maître/valet, paysanne/Chevalier, alors même que le livret conserve les «padron» ou «cavalier»… quand la traduction en surtitre ne les modifie pas ! On ne peut cependant qu’être admiratif du jeu

© Pascal Victor - Artcomart

forces travaillent dans des directions divergentes ! Car c’est un pastiche qui est vendu, mais en guise d’original… JACQUES FRESCHEL

Don Giovanni jusqu’au 20 juillet Cour de l’Archevêché, Aix

Féérique Le Rossignol et autres fables d’Igor Stravinsky a enchanté le Festival

l’Opéra national de Lyon (relégués sur la scène !), sous la direction magistrale de Kazushi Ono, donnait une profondeur insoupçonnée au Grand Théâtre de Provence ! La soirée Stravinsky avait commencé par une série de pièces illustrant l’éclectisme du compositeur par des trouvailles de mise en scène (costumes, postures, ombres chinoises démesurées…). Sans compter l’incroyable bestiaire de la fable Renard où devant l’orchestre ombres chinoises, mais aussi numéros de trapèze partiellement dissimulés, affirmaient l’ambiguë réalité du spectacle vivant. Chapeau !

Peu représenté, éclipsé par le succès des ballets russes, le Rossignol, un conte lyrique en trois actes d’après l’œuvre d’Andersen, fut composé avant les grandes partitions chorégraphiées et le premier acte évoque sans détour l’empreinte du maître orchestrateur Rimski-Korsakov. Dans cet opéra d’à peine une heure, créé comme un ballet par Diaghilev, le compositeur caméléon dessinait une «chinoiserie» entremêlant son style âpre de modes asiatiques et de couleurs rutilantes. Face aux mélopées virtuoses de la soprano colorature Olga Peretyatko (le rossignol) au timbre magnifique, la belle présence du baryton Ilya Bannik en empereur de Chine, et le timbre sombre de la contralto Svetlana Shilova incarnant la mort. Et une mise en scène de Robert Lepage réinventant l’esprit d’enfance : les

FREDERIC ISOLETTA © Elisabeth Carecchio

pirogues de superbes marionnettes (Michael Curry) actionnées par les solistes eux-mêmes, debout dans l’eau jusqu’au ventre, naviguent dans la fosse d’orchestre remplie d’eau… Le chœur et l’orchestre de

Le Rossignol et autres fables a été créé au Grand Théâtre de Provence du 3 au 10 juillet

Brave Gens On n’imagine plus entendre chanter Alceste à cordes perdues comme Callas ou Jessye Norman… Cependant, même avec un orchestre baroque et un style allégé, on chérit encore les performances vocales d’exception. Particulièrement à Aix, qu’on présente volontiers comme l’un des premiers festivals au monde… Véronique Gens a vaillamment assumé son statut de diva. Même si la réforme gluckiste désirait © Pascal Victor - Artcomart

«écarter tous les abus introduits par la vanité des chanteurs», il n’en reste pas moins que le rôle écrasant de la Reine de Thessalie, vouée au sacrifice de sa vie pour sauver son monarque d’époux, exige l’éminence vocale et dramatique. De fait, le cantabile serein et vibrant de cette tragédienne assumée, sa déclamation impeccable du français se sont idéalement moulés dans le geste baroque d’Ivor Bolton et les scansions «dix-huitièmistes» du Freiburger Barockorchester. À ses côtés, le séduisant Joseph Kaiser a affiché un ténor solide et souple, aplomb essentiel aux affects douloureux de son double royal Admète. Reste la question de la mise en scène. Dans Alceste, comme souvent dans Tragédie Lyrique, l’action n’est pas un moteur captivant. L’idée de Christof Loy de transformer le chœur English Voices (très présent) figurant le peuple thessalien en enfants en socquettes perchées et culottes courtes, robes

à taille haute et col blanc, fonctionne plutôt bien, garnit les «longueurs» sans parasiter le discours. On assiste à des jeux de cour de récré qui, passé l’aspect grotesque des premiers instants -après qu’on a découvert une pléiade d’enfants tyranniques jouant leur pantomime gauche- invite à la profondeur. On pense alors au temps où l’enfant envisage la mort de ses parents, de son corps même, avant d’en ranger l’angoissante perspective dans un placard d’où pourront émerger tous les possibles… et la transcendance nécessaire à la vie d’adulte. Dans un décor suggérant un austère et septentrional temple luthérien, cette représentation acquiert davantage de puissance. JACQUES FRESCHEL

Alceste Jusqu’au 13 juillet Cour de l’Archevêché, Aix


MUSIQUES INTERDITES

Le Conte est bon ! Le Retour, du compositeur argentin Oscar Strasnoy, clôt merveilleusement, pour Musicatreize, la série des sept contes initiée en 2006. Cet opéra de chambre était précédé d’une promenade dans un Grand Saint Jean retrouvé par les festivaliers, balade ponctuée par des airs baroques sur les blessures de l’amour (superbe Marianna Rewerski), des textes poignants de Silviana Ocampo lus par Dominique Bluzet, une chorégraphie sensuelle sur le temps et l’oubli de Michèle Noiret. Puis on entrait dans l’univers d’Alberto Manguel, livret en espagnol, français et latin. Strasnoy offre une musique dont l’intime formation contraste avec la force : le Quatuor Face à Face (deux percussions, deux pianos), la trompette (Matthias Champon) et le trombone (Thomas Callaux) très présents, jouent des motifs puissants, des gammes sans fin et d’âpres dissonances. Nestor Fabris (engagement sans failles, belle expression du ténor Job Tomé) retourne en Argentine,

© Elisabeth Carecchio

trente ans après la dictature ; il est l’étranger, chante en français ; il retrouve ses amis, sa femme, mais c’est trop tard : «rien ne change sans tout changer» lui répète son ancien professeur. Marta, l’ex-épouse, superbe Amaya Dominguez, n’a aucune compassion sur le retour du mari. Les six chanteurs, bons comédiens, chantent en espagnol sur des rythmes endiablés. L’annonce du

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départ du vol vers Buenos Aires est saisissante, motifs saccadés en fugato entrecoupés de silences. Le latin intervient dans les passages plus homophones, temps lisse archaïque, crescendo terrible, stridences des aigus, capes noires d’automates. La mise en scène de Thierry Thieû Niang tient en haleine par ses déplacements lents, ses arrêts sur image très chorégraphiques, grâce aux lumières d’Eric Soyer qui dessinent une chronologie du désespoir. Roland Hayrabédian dirige cette palette subtile jusqu’à l’ultime prière finale, un adieu sans repère, pour repartir dans le royaume des ombres. Nous repartons dans la lumière. YVES BERGÉ

El Regreso jusqu’au 17 juillet Grand Saint Jean Festival d’Aix-en-Provence

Faites exécuter ma musique ! Tels furent les derniers mots du compositeur Aldo Finzi adressés aux siens le 7 février 1945. Quelle émotion de voir naître, exhumée du silence ombrageux de l’histoire, une œuvre inédite depuis sa composition Dmitry Ulyanov © X-D.R.

clandestine au temps du fascisme mussolinien, des persécutions et des lois anti-juives ! On pense d’abord à la volonté passionnée de Michel Pastore, grand ordonnancier du Festival des Musiques Interdites, pour réaliser cette prière… car sur la scène de l’Opéra, l’effectif est pléthorique ! L’Orchestre Philharmonique de Marseille et le Chœur Ad Fontes au grand complet, un plateau de solistes relevé, emmené par la basse russe Dmitry Ulyanov nous font découvrir une musique inouïe, d’un lyrisme somptueux, héritage richissime de la longue tradition romantico-vériste italienne. Mais l’opéra inachevé Shylock de Finzi possède des vertus supérieures. S’il évoque Shakespeare, le musicien, privé du droit de faire exécuter ses œuvres du fait de ses origines judaïques, travaillant dans la clandestinité et la peur quotidienne des persécutions, c’est pour expurger les pulsions monstrueuses du Juif, usurier vénal, faire sienne sa révolte, son désir de vengeance… «Donner du sens à l’insensé !».

L’homme qui chante Il fallait être à l’Opéra de Marseille le 10 juillet, pour entendre Baudelaire magnifié par Fabrice Lucchini et Sandrine Piau ! Le vaisseau est bondé, surchauffé. Victime de son succès, la deuxième soirée du Festival des Musiques Interdites prend une demi-heure de retard… Mais dès l’instant où Fabrice Lucchini grimpe sur scène et commence à déclamer «J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans…», on oublie la moiteur ambiante et l’Opéra chavire comme un bateau ivre. Jamais avant Baudelaire on n’avait placé le poète aussi haut, visionnaire : cet «homme qui chante» avec les seuls grands hommes «le prêtre qui bénit» et «le soldat qui sacrifie et se sacrifie». Dans son style caractéristique, semblant parfois se parodier luimême, Lucchini chante à sa manière, articule et désarticule les poèmes au gré de sa mémoire, tout à la fois époustouflante et fragile, se perd et se reprend, casse les rythmes, se pose et nous dépose, jusqu’à pousser la voix aux limites de la rupture. On sent bien

pourtant que rien ne peut lui arriver, à lui, même au moment où le magnifique rideau de scène (illustrant à souhait le fameux «Luxe, calme et volupté») ne se lève pas… engageant le comédien à faire son show ! À ses côtés Sandrine Piau, toute cristalline et vibrante, lui sert en contrepoint des sommets de la mélodie française signés Duparc, Fauré, Debussy : La vie Antérieure, L’Invitation au voyage, Chant d’Automne, Harmonie du soir… alors que le piano feutré de Suzanne Manhoff l’accompagne en sourdine. À pleurer de bonheur ! Au final, on oublie que quelques poèmes des Fleurs du Mal ont été censurés en 1857 pour «outrage aux bonnes mœurs» (justifiant sa place dans le festival), car on a dépassé, un temps, dans cet espace rare de lumière, la futilité d’un monde déprimant… JACQUES FRESCHEL

Guidés par la narration puissante de Renée Auphan (récitante) et la baguette experte de Gian Paolo Sanzogno, on vit ce spectacle avec émotion, jusqu’au Psaume final, lumineux et salvateur, hymne au Seigneur protecteur et à l’Amour, seul capable de racheter Shylock et le faire revenir à l’Humain. J.F.

Shylock-Psaume a été créé le 9 juillet à l’Opéra de Marseille dans le cadre des Musiques Interdites


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FESTIVALS

MUSIQUE

Guitares étoilées

Annoncée soirée «concertos», il aurait été plus judicieux de nommer ce concert de clôture du Festival de Lambesc, soirée Cardoso ! Le guitariste argentin relégua le pauvre Rodrigo et son Concerto Aranjuez aux portes de la nuit. Après un discours inaugural autour du «mythe», vint le temps de Cardoso compositeur, Cardoso chef d’orchestre, Cardoso guitariste, Cardoso… Ses compositions, aux inflexions piazzoliennes avec rythmes chaloupés et grandes mélodies, ne sont pas désagréables. Les deux guitaristes, Sylvie Dagnac et Valérie Duchateau, qui n’eurent d’ailleurs pas les honneurs des présentations, proposèrent une interprétation très fine et agréable. L’orchestre Aguira, fraîchement constitué, malgré quelques problèmes de justesse et de mise en place, tint son rôle avec beaucoup d’application. La chanteuse Guadalupe Larzabal qui intervint dans le concierto del vino de… Cardoso fit preuve d’une belle musicalité. Enfin, le grand guitariste Gérard Abiton, sûrement transi de sommeil, vint clore la soirée ! Aisance technique, finesse de jeu, musicalité extraordinaire… un vrai moment de musique. Rodrigo vs Cardoso, y a pas photo !

Jorge Cardoso © Gunnar Hammar

Le délicieux cadre du château de Valmousse a accueilli l’ouverture et les premiers concerts de la 10e édition du Festival International de Guitare de Lambesc, organisé par l’équipe de passionnés avertis de l’association AGUIRA. Ainsi, le 27 juin, l’on pouvait écouter la sensible Valérie Duchateau qui faisait partager son cheminement musical, composé de rencontres fortes, Angel Iglesias, Marcel Dadi, les chansons de Barbara, Django Reinhart et la guitare manouche… Chaque œuvre tissait au-delà des mots le patchwork moiré et subtil de la vie même de cette magnifique interprète. Ses origines classiques se mêlaient en fin de concert aux accents généreux du grand flamenquiste Pedro Soler. Ce dernier subjugua la salle par son jeu, les rythmes frappés sur le doublage de sa guitare, «bois de citronnier»… Intimité directe avec le public ! La musique sourd des doigts de l’artiste avec le naturel de la respiration ; l’instrument se fait tambour, vent danse, harmonie… Le lendemain apporte aussi ses enchantements, guitare baroque aux subtiles richesses et aux rythmes précurseurs du jeune Sarde, Antonello Lixi, dans l’interprétation d’œuvres aussi variées que celles de Kapsberger, Antonio de Santa Cruz, Bach, Vivaldi, François Le Cocq. Puis l’émouvant duo de Jorge Cardoso, maître incontesté de la musique d’Amérique latine, et de la jeune et remarquable Sylvie Dagnac, glisse de Khatchatourian, Mendelssohn, Saint-Saëns, à des thèmes

Cardoso 1er roi de Lambesc

de Cardoso (Milonga), de Garcia, (pasillo), de Rojas ou de Heraclio Fernandez (El diablo suelto). Les trains et les avions peuvent bien passer, ils n’offrent pas de meilleures invitations au voyage que celles auxquelles convient les artistes. Aux hirondelles succèdent les stridulations des insectes de la nuit. Nous repartons avec du rêve à l’âme. MARYVONNE COLOMBANI

CHRISTOPHE FLOQUET

Le Festival International de guitare de Lambesc a eu lieu du 27 juin au 3 juillet

Ce concert a été donné au château de Pontet-Bagatelle à Lambesc

Comme chaque année depuis maintenant 60 ans, le Festival de Toulon, un des plus vieux en France, a repris ses quartiers d’été à la Tour Royale et à la Collégiale Saint-Pierre de Six-Fours les plages. Certaines prestations peuvent d’ores et déjà servir de maître-étalon en matière de qualité artistique, tant les mélomanes toutes générations confondues semblaient enthousiasmés. Le 12 juin, Isabelle Faust et Andreas Staier interprétaient un programme monumental de sonates romantiques, composées par Schumann, Weber et Beethoven. Aux virtuoses coups d’archet de la violoniste répondait un toucher pianistique d’une finesse remarquable et les jeux d’imitation que l’on pouvait entendre dans les différentes partitions laissaient transparaître une grande complicité entre ces deux solistes de renommée internationale. Le 14 juin, le pianiste Olivier Gardon venait offrir aux mélomanes un récital d’œuvres de Schumann, Debussy et, bicentenaire de la naissance oblige, Chopin. Son touché incisif fit merveille dès le début avec l’incontournable Fantaisie en ut majeur, même si le troisième mouvement, plus lent paraissait moins convaincant. En revanche, les extraits choisis d’images furent totalement envoûtants, et la délicatesse du jeu laissait percevoir la récurrence de l’eau dans l’univers poétique de Debussy, qui se mariait avantageusement avec

lyrisme de Chopin, et conclut un programme plus que généreux. Pour son 60e anniversaire, le Festival recevait également le 28 juin les deux brillants pianistes Véra Tsybakov et Romain Hervé pour un concert intitulé Dialogue du vent et de la mer où intervenait Robin Renucci récitant des poèmes (Hugo, Verlaine,Verhaeren...) autour de ce thème. Les interprétations, à 4 mains ou en soliste, d’œuvres de Debussy, Ravel, Chopin, Alkan et Ibert étaient musicalement remarquables et subtilement poétiques ce qui tranchait avec une déclamation verbale lyrique et exaltée certes, mais malheureusement mal et trop amplifiée. Enfin, un feu d’artifice vocal fut offert aux amateurs le 4 juillet par le Chœur du patriarcat orthodoxe de Moscou sous la direction d’Anatoly Grindenko : ténors aux aigus d’airain, et basses profondes aux graves abyssaux, merveilleusement mis en valeur par l’acoustique de l’édifice, ont conquis l’auditoire avec un répertoire mêlant sacré et profane allant du XVIe au XIXe siècle. La suite de la programmation s’avérant tout aussi prometteuse, gageons que le public saura profiter comme il se doit de la suite de ce beau cadeau estival… ÉMILIEN MOREAU

Isabelle Faust © Felix Broede

Anniversaire réussi

Le festival estival de Toulon se conclura le 17 juillet par un récital des sœurs Labèque à Châteauvallon http://musiquetoulon.pagespro-orange.fr


FESTIVALS

Voyages voyages

Les chants de la mer noire © X-D.R.

Le Festival De Vives Voix a proposé cette année un programme pour le moins varié, voyageant des polyphonies bamiléké à la chanson Klezmer, en passant par les chants traditionnels géorgiens, espagnols ou du slam… Organisés par la Maison du Chant et naviguant dans Marseille, sept concerts et deux master classes, respectivement du 1er au 9 juillet et du 22 juin au 7 juillet ! Une rencontre entre quatre solistes atypiques au Théâtre de la Sucrière, accompagnés par le violoncelliste Emmanuel Cremer et une master class enthousiaste a ouvert et clos ce festival dans un joyeux micmac baptisé Vocal Deliria Extended.

Où un swing choral aux accents bamiléké s’attaqua avec brio à quelques mélodies de Purcell, Fauré et d’autres, à divers chants traditionnels, sans jamais tomber dans le piège du passage à la moulinette. L’ancrage lyrique teinté d’ironie du contre-ténor Alain Aubin, le devenir-oiseau sensationnel de l’inclassable Emilie Lesbros, ainsi que les accents grecs de Thelassonique de Maria Simoglou et les acrobaties vocales du jazzman camerounais Gino Sitson parvinrent à s’unir parfaitement tout en se laissant entendre chacun, et tout cela dans une bonne humeur évidente ! Récit d’un voyage ethnomusicologique en Géorgie, les Chants de la Mer Noire s’avérèrent également brillants : la mezzo-soprano Brigitte Cirla, qui avait en 2002 parcouru plusieurs régions de Géorgie en compagnie de deux professeurs du Conservatoire de Tbilissi, la soprano Marianne Suner, Vincent Audat, haute-contre et baryton et la mezzosoprano Tania Zolty ont parcouru plusieurs pages de cette musique traditionnelle subtile et intense, ainsi que quelques chants orthodoxes, turcs et bulgares. Très belle prestation, servie par l’acoustique avantageuse de la Chapelle Sainte Catherine. SUSAN BEL

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Le Grand Siècle en ouverture Le Festival Durance-Luberon prenait des airs du Grand Siècle pour le prélude de sa treizième édition le 19 juin. L’abbaye de Silvacane accueillait sous ses voûtes le département de Musique Ancienne du Conservatoire Darius Milhaud d’Aix-en-Provence, pour un concert remarquablement interprété, face à une salle comble et enthousiaste. Horlogerie imperturbable du bourdon des violes de gambe, sur laquelle se déploie la mélodie descriptive portée par le violon baroque de la célèbre Sonnerie de Sainte Geneviève du Mont de Marin Marais… épure de la flûte à bec dans la 5e suite de Pierre Danican Philidor, qui par delà la légèreté du propos, parfois se dramatise, soutenue par les accents du clavecin : une invitation au «carpe diem», aucune pesanteur, la bienséance nous le rappelle, il n’est guère de bon ton de s’appesantir sur les côtés tragiques de l’existence, pirouettes souriantes, élégance toute de retenue… puis, les voix s’élancent pour le Magnificat de Marc Antoine Charpentier ; les harmoniques se développent aériennes, se mêlent sans se perdre, flattées par la superbe acoustique de l’abbaye. Enfin, avec un bel allant, des extraits de tragédies lyriques du créateur du genre, Lully, transportaient un public déjà conquis. Un très beau concert qui laisse bien augurer de l’édition à venir ! M.C.

Plein d’airs en plein air L’Opéra de Marseille renoue avec d’anciennes habitudes en proposant deux concerts d’été, gratuits, en extérieur ! L’orchestre philharmonique a donc livré, sous la direction de Friedrich Pleyer le 21 juin et de Dominique Trottein le 2 juillet, deux prestations d’un niveau inhabituel dans ce type de contextes. Le concert donné à l’occasion de la fête de la musique place Bargemon n’avait en effet rien à envier aux meilleurs concerts symphoniques de la saison. L’efficacité et la musicalité des Ouvertures des Noces de Figaro (Mozart), du Barbier de Séville (Rossini), de la Forza del destino (Verdi) laissaient admiratif, d’autant que bruits et musiques environnants empiétaient souvent sur leur territoire

sonore : le concerto pour violon en ré majeur de Tchaïkovski et le travail remarquable de la soliste Saténik Khourdoian, ainsi que le Ballet de la nuit de Walpurgis (extrait du Faust de Gounod) pâtirent particulièrement de la proximité de musiques dont il suffit de pousser les watts pour faire triompher le Satenik Khourdoian © X-D.R.

volume! Moins abouti musicalement mais plus festif, le concert donné le 2 juillet au Palais Longchamp, en se concentrant sur des tubes classiques énergiques (Ouverture de Carmen, Valse de la Symphonie Fantastique, le célèbre Pizzicato de Léo Delibes …) parvint à ne pas trop souffrir des allées et venues (à pied ou en trottinette) de ses jeunes spectateurs. La lenteur de la Valse de Casse-Noisette ou de l’Allegretto de la 7e Symphonie de Beethoven laissa cependant deviner une certaine prudence. Petits défauts audibles, mais quel plaisir de voir la musique d’orchestre rencontrer un tel succès (les deux concerts furent évidemment pleins) auprès d’un public inhabituel, sous le charme d’une puissance live et acoustique qu’il découvre ! SUSAN BEL

Dixième édition déjà des rendez-vous musicaux des jardins d’Albertas. Le 30 juin, le superbe Duo KW offrait un récital au cours duquel étaient interprétées des musiques de compositeurs tels Strauss, Bizet, Brahms, Wagner, Liszt, Bellini, Bach, Beethoven, Moussorgski, Ravel, qui avaient toutes la particularité d’avoir été reprises au cinéma, de L’Odyssée de l’espace à La route de Madison… Malgré

l’orage qui a précédé le concert, empêchant les dernières mises au point, l’humidité de l’air, qui nuisait à l’éclat des sons, les chœurs déchaînés des crapauds de l’étang, la prestation de ces deux grands musiciens quoique insatisfaisante pour eux, sévères autocritiques, a su séduire un large public. Cette belle démarche d’amener à la musique un ensemble éclectique de spectateurs fait partie

des exigences de ces généreux musiciens. Leur programme popularisé par la diffusion filmique n’en était pas moins ambitieux et d’une belle tenue, interprété avec générosité et rigueur. Les atlantes et les statues du parc s’illuminaient d’ocres et de mauves… Un spectacle de plein air enchanteur, croassements compris ! MARYVONNE COLOMBANI

Clara Kastler et Hubert Woringer © X-D.R.

Récital pour pianos et crapauds


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MUSIQUE

Viennoiseries classiques chambre de Schubert bien sûr, mais également Spohr ou Hummel, on entend des opus plus

David Grimal © Jean-Louis Atlan

Les fondateurs du Festival de Salon à l’Empéri, Eric Le Sage, Emmanuel Pahud et Paul Meyer ne tombent pas dans la bicentenarite ChopinoSchumannienne en 2010 ! Ils bâtissent dix programmes de concerts reprenant le concept des «schubertiades», ces réunions d’artistes et d’intellectuels autour de Franz Schubert à l’époque liberticide de Metternich dans l’Autriche des années 1820. Les Viennoiseries qu’ils proposent filent aux sources des grandes formes classiques, du plan sonate et son sacro-saint bi-thématisme avec Haydn, Mozart puis Beethoven et le bouleversement romantique. Autour de la musique de

«modernes» de Zemlinsky, Korngold, et quelques touches de Berg, Schönberg… Le tout par une pléiade d’artistes de haut-vol à l’instar de David Grimal (violon), Antoine Tamestit (alto), Frank Braley et Jonathan Gilad (piano), Thierry Escaich (orgue), Lambert Wilson (récitant)… JACQUES FRESCHEL

Musique à l’Empéri du 28 juillet au 7 août à 21h Cour Renaissance, Salon 04 90 56 00 82 www.festival-salon.fr

Musica antiqua Au village perché de Simiane, dans le cadre médiéval du Château-fort des Agoult-Simiane, se dresse le donjon XIIe siècle de la Rotonde. Il y a plus d’un quart de siècle, son acoustique a donné l’idée à des passionnés d’y accueillir un festival de musiques anciennes. La 28e édition des Riches Heures Musicales de la Rotonde adopte pour libellé «Amours délices et… cordes» et invite des ensembles spécialisés dans ces répertoires : le duo baroque Wieland Kuijken

(viole de gambe) et Natalia Cherachova (clavecin), le trio féminin Alla Francesca dans des chansons médiévales, Agnès Mellon pour un concert-lecture basé sur la correspondance d’Héloïse et Abélard, une création de l’ensemble Les Bijoux Indiscrets à partir des Lettres de Julie de Lespinasse et des opus de la fin du XVIIIe siècle, les ensembles Céladon pour Lully et Purcell ou Energia dans Haendel… J.F.

Scènes nocturnes Haut perché sur la face nord de la forteresse, le plateau de verdure de l’historique Citadelle de Sisteron accueille des spectacles de danse (Fuenteovejuna d’Antonio Gadès), théâtre (La Nuit des Rois de Shakespeare) et de musique avec le prodige Valeriy Sokolov dans le très virtuose Concerto pour violon de Tchaïkovski (Orchestre de l’Oural dirigé par Dmitri Liss). Valeriy Sokolov © Stephane Olivier and Artephoto

Au Cloître Saint-Dominique, on entend le duo flamboyant et complice Fazil Say (piano) et Patricia Kopatchinskaja (violon) dans un programme festif et éclectique, avant le pianiste Jean-Marc Luisada dans son jardin avec Chopin et son Concerto n°2 (Orchestre de Chambre de Pologne conduit par Jacek Kaspszyk). La Cathédrale Notre-Dame des Pommiers résonne également des somptueuses plaintes baroques du Stabat mater de Pergolèse et ses clairs-obscurs tressés vocalement par la sombre contralto Nathalie Stutzmann et la lumineuse soprano Mireille Delunsch (Ensemble Orfeo 55). J.F.

55e Nuits de la Citadelle du 23 juillet au 11 août à 21h30 Sisteron 04 92 61 06 00 www.nuitsdelacitadelle.fr

Prendre de la hauteur

Imaginez qu’à l’église de Guillestre et sur les hauteurs de l’Argentièrela-Bessée se produisent des musiciens parmi les plus prisés sur les scènes internationales. Le Fine Arts Quartet et le Quatuor Talich sont de magnifiques formations de musique de chambre qu’on ne présente plus (depuis leur fondation à Chicago en 1946 et Prague en 1964 !). Ils jouent des sommets du genre signés Mozart, Beethoven, Schumann, Dvorak… Les

Les Riches Heures Musicales de la Rotonde du 5 au 19 août Simiane 04 92 75 90 14 www.festival-simiane.com

quatre Américains se joignent aussi à Jean-Marc Luisada pour le 2e concerto pour piano de Chopin. Gian Maria Bonino interprète, en ouverture du festival, le 1er concerto du Polonais avec la Camerata musicale Mistà. Jusqu’à la clôture, trois semaines plus tard et l’excellent Quatuor l’Arpeggione, on entend les polyphonies corses de Barbara Fortuna, le gambiste patriarche Wieland Kuijken et Natalia Cherachova (cla-

Piccolo & C°

Jean-Louis Beaumadier et le Concert Buffardin célèbrent le piccolo, avec Christine Lecoin (clavecin), Catherine Villard(violoncelle), Hervé Issartel (basson) pour des programmes Vivaldi et consort à Riez la Romaine (11/8), Thoard (12/8) et Sisteron (13/8), avant une Fête Internationale de la Flûte à Manosque (14/8) par une pléiade d’instrumentistes : Shigenori Kudo (Japon), Lise Daoust (Canada),Christine Beard (USA), Salvatore Lombardi (Italie), Carla Rees (Angleterre),Gabriel Goni (Costa Rica ). Et pour couronner la petite flûte, on entend Jean-Louis Beaumadier en compagnie de la pianiste Christelle Abinasr à SteCroix du Verdon (17/8). J.F.

Musiques dans les Alpes de Haute-Provence du 11 au 17 août www.piccolo-beaumadier.fr

vecin), L’Histoire du Soldat de Stravinsky par la Compagnie Espace Public, ainsi qu’une pléiade d’ensembles vocaux et instrumentaux à SaintCrépin, Réotier, Vars, Risoul, Saint-Clément, Mont-Dauphin, Eygliers, Ceillac… Entre deux balades en montagne et visites d’églises à l’histoire méconnue! J.F.

Musicales Internationales Guil Durance du 22 juillet au 12 août 04 92 45 03 71 www.musicales.guil.net


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Sommets harmonieux

Jasser Haj Youssef © Fabien Lemaire

En guise de prélude à sa 14e édition, poursuivant son itinérance au sein du pays gapençais, le Festival de Chaillol avait convié le violoniste et compositeur tunisien Jasser Haj Youssef pour une création particulièrement réussie, un itinéraire initiatique tissant de subtiles passerelles entre les diverses sortes de musiques de la zone méditerranéenne, la spécificité de la musique orientale se métissant avec brio et s’inscrivant résolument comme «musique du monde !». Le jeune artiste utilisait la viole d’amour, instrument ordinairement absent des musiques orientales, pour se livrer à diverses improvisations aux ornementations

fastueuses : Taqsîm sur des maqâm-s (modes de la musique arabe classique), musique «soufie», auxquelles succédaient le Lamento de Tristan, (musique médiévale italienne), puis Ya laylou Assabbou (musique arabe classique). Le jeu précis, à la fois dense et subtil de Youssef Hbeisch, exceptionnel percussionniste, conférait un charme particulier aux accents langoureux et sensibles de la viole. Ensuite le talentueux musicien se saisissait du violon pour deux de ses compositions : Frigya, puis Seven, aux accents jazzy, suivie d’une pièce incluse entre deux thèmes de Bach, qui démontrait la compatibilité entre musiques arabo-andalouse et classique. On revenait plus tard à la viole avec Samaï Shadd Arabane, une pièce de musique classique ottomane qui mêle les influences arabe, persane et byzantine, d’une rare élégance, avant les deux bis (musique traditionnelle balkanique puis turque) imposés par la folle ovation du public venu en foule. JEAN-MATHIEU COLOMBANI

et le terroir alpin. De Tallard aux rives de SerrePonçon, jusque sous les Ecrins et ses villages, Michaël Dian fait se croiser des événements qui investissent les champs du jazz et de l’improvisation, de la musique de chambre comme celles du monde avec un souci persévérant de qualité et de convivialité. On reçoit l’Argentine du pianiste Gustavo Beytelmann, les tangos du bandonéoniste Victor Villena et du guitariste Kay Sleking, le Japon du Trio Miyazaki, du danseur Shiro Daïmon, on file vers les plateaux berbères du violoniste Jasser Haj Youssef. Le jazz de Jean-Charles Richard «coole» les arabesques de son disque Faces ; la chorégraphe Toshiko Oiwa «performe» sur les impulsions tranchantes du Sacre du Printemps. Et les hauteurs alpestres accueillent d’autres sommets : une Intégrale Ravel de sa musique de chambre avec Laurent Wagschal (piano), Julien Dieudegard (violon)… ou les concertos de Chopin par les pianistes Hélène Tysman, Sodi Braide et le Quatuor Tercea. J.F.

Ce concert a été donné le 26 juin en l’église de Rambaud, en pays Gapençais

Festival de Chaillol Du 18 juillet au 13 août 04 92 50 13 90 www.festivaldechaillol.com

À venir Le Festival de Chaillol assure sa démarche originale d’éclaireur des montagnes. Loin des villes, dans les vallées du Champsaur, Valgaudemar et le Pays Gapençais, l’éclectisme est bien pensé. À dessein, on comble le fossé qui subsiste entre les pôles culturels

Messiaen et Boulez

Si La Roque d’Anthéron consacre une soirée au 85e anniversaire de Pierre Boulez, le Festival Messiaen au pays de la Meije lui dédie treize concerts ! Les univers musicaux de ces deux grandes figures musicales françaises du XXe siècle sont divergents. Cependant les hommes étaient très liés. Le maître a toujours admiré l’élève : «Pour moi, Pierre Boulez est le plus grand musicien de sa géné-ration», et d’ajouter «Il faut d’ailleurs reconnaître

qu’il nous a tous dépas-sés.» L’élève, à un moment du moins, le lui rendit bien : «Dans les déserts du Conservatoire, un homme nous apparut comme la balise évidente» ; ou «ce qui demeure le plus vivement présent, c’est la générosité avec laquelle Messiaen distribuait son enseigne-

ment». Louant enfin son ap-port : «Nous devons à Olivier Messiaen d’avoir créé une technique consciente de la durée… nous lui devons surtout l’idée première d’avoir délié l’écriture rythmique de l’écriture polyphonique… nous lui devons encore la création de modes de durées où la rythmique prend une valeur fonctionnelle.» Ce sont ces croisements de styles qui sont mis en exergue dans les programmes annoncés à La Grave, Le

Chazelet, Briançon, l’église de Hières et Monêtier-les-Bains. J.F.

13e Festival Messiaen au Pays de la Meije du 31 juillet au 8 août 04 76 79 90 05 www.festival-messiaen.com

Le grand Guillaume L’abbaye cistercienne du Thoronet est renommée pour son acoustique magique qui attire, l’été venu, les amateurs de musiques anciennes. Vingt ans que l’entreprise perdure… que le chef-d’œuvre architectural de l’art roman offre ses résonances aux répertoires médiévaux et que les voix rebondissent harmonieusement sur les pierres antiques de la voûte en arceau brisé ! À tout seigneur tout honneur : c’est peut-être le plus emblématique des compositeurs médiévaux qui est convoqué par Dominique Vellard pour la 20e édition ! Le franco-flamand Guillaume Dufay, maître polyphoniste, inventeur de la messe unitaire grâce à l’utilisation récurrente d’un motif de tête à chaque partie de l’Ordinaire, est un maillon

Flamboyants et Gilles Binchois abordent quelques pans de son œuvre et la situent historiquement. Oshakan, Vox Suavis et Hijiri-Kaï nous font, quant à eux, voyager du côté de l’Arménie, de l’Espagne et du Japon traditionnels. J.F.

La Reverdie © Stefan Shweiger

essentiel de la musique occidentale. Chacun dans son domaine, avec ses propres vertus, les ensembles La Reverdie, Cinquecento, Syntagma, Les

20e Rencontres Internationales de Musique Médiévale du 18 au 28 juillet Le Thoronet 04 94 60 10 94 www.musique-medievale.fr Académie de Musique Ancienne du 15 au 25 août


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FESTIVALS

MUSIQUE

Trente ans de communion

Argerich & friends, du jazz avec Chick Corea et Makoto Ozone ou des pianos couplés… Au couplet des «Intégrales», Chostakovitch est à l’honneur avec ses 24 Préludes et Fugues par Alexander Melnikov. Au rayon «Anniversaire», on célèbre les 85 printemps de Pierre Boulez et d’Aldo Ciccolini qui joue Chopin sous les platanes centenaires… Et, en guise de clôture, dix pianistes se groupent sur le grand plateau, rehaussé de sa conque acoustique et de ses nouveaux gradins, pour célébrer trois décennies de fêtes pianistiques… à l’heure où les cigales s’arrêtent de chanter pour léguer leur place aux artistes.

Dresser la liste des artistes affichés à l’un des plus grands festivals de piano du monde serait fastidieux ! On assure cependant que chacun des 90 programmes de récital a été étudié à la loupe pour satisfaire les quelques 80 000 aficionados qui courent, un mois durant, la dizaine de lieux de concerts. Ils en repartent souvent ébahis, au cœur de la nuit, les yeux brillants et les oreilles pleines de longues et belles harmonies. Du Parc du Château de Florans, poumon de la 30e édition, à Silvacane, de l’Étang des Aulnes au Grand Théâtre aixois, on entend Nicholas Angelich, Boris Berezovsky, Brigitte Engerer, Jean-Frédéric Neuburger, Alain Planès, Stephan Kovacevich, Philippe Giusiano, Nicolaï Lugansky, Maria Joao Pires, Andreï Korobeinikov, Nelson Freire, David Fray, Christian Zacharias, Anne Queffélec, Arcadi Volodos, Grigory Sokolov… n’en jetons plus ! Les fans insomniaques y passent la «Nuit» avec Schumann, Chopin & Mendelssohn, Martha

JACQUES FRESCHEL

30e Festival International de Piano La Roque d’Anthéron du 23 juillet au 22 août 04 42 50 51 15 www.festival-piano.com

Alexander Melnikov © Marco Borggreve

80000 pèlerins du monde entier convergent en Provence pour accomplir leur dévotion au dieu Piano. C’est qu’à La Roque d’Anthéron, René Martin invite ses grands prêtres !

Bougies baroques En bada, on swingue avec le Trio Yaron Hermann, Angelo Debarre et son hommage manouche à Django, William Sheller en «piano solo». J.F. Ramin Bahrami © X-D.R.

Les Nuits Musicales d’Uzès fêtent leurs 40 ans ! Hormis les Vêpres Orthodoxes de Rachmaninov par le Chœur de la Société Philharmonique de SaintPétersbourg, le programme-anniversaire se tourne impérieusement vers de célèbres partitions baroques : les Vêpres de la Vierge de Monteverdi par le Gabrieli Consort & Players (dir. Paul McCreesh), le Stabat Mater de Pergolèse avec Camille Poul (soprano), Damien Guillon (contreténor) et Le Banquet Céleste, l’Ode pour l’anniversaire de la Reine Mary de Purcell par La Fenice de Jean Tubery, les Variations Goldberg jouées au piano par Ramin Bahrami, des Concertos pour violon de Bach avec l’Orchestre de Chambre

40e Nuits Musicales d’Uzès du 16 au 29 juillet 04 66 62 2000 www.nuitsmusicalesuzes.org

de Toulouse et Gilles Colliard… Le contre-ténor Emmanuel Cencic chante aussi des airs célébrant l’art perdu des castrats.

Salade joliment composée Il y en a pour tous les goûts cet été entre Mirabeau, Silvacane et Le Puy-Ste-Réparade, vers Lourmarin, La Tour d’Aigues ou Mérindol… Depuis treize ans, les bénévoles éclairés du festival accueillent, entre Durance et Luberon, des spectacles de musiques classique, jazz ou traditionnelle, du théâtre et de la danse.

Cette saison, on oscille entre la féerie d’un spectacle à succès (tout public) d’après le conte La jeune fille aux mains d’argent revu avec maestria par Olivier Py, le stupéfiant Franck Manzoni avec ses marionnettes, les musiciens de l’Ensemble Télémaque et la subtile partition de Raoul Lay ; des polyphonies des Balkans (Quatuor Balkanes) ; ou des Caprices pour guitare inspirés de Goya, des airs d’opéra à l’apéro, le jazz festif et inspiré de Raphaël Imbert en quintet, les somptueux Septuor de Beethoven et Octuor de Schubert pour cordes et vents… et une clôture romantique ! JACQUES FRESCHEL

Nouveau rdv classique

Au pays de Gérard Philipe on ne programme pas que du théâtre ! Les noms seuls des pianistes Nicholas Angelich, Brigitte Engerer suffiront à attirer les mélomanes pour les quatre soirées de haut-vol. D’autant que chacun mêlera littérature et musique avec les comédiens Julie Depardieu, Daniel Mesguich… ou que Martha Argerich formera un duo inédit avec Michel Legrand, et la soprano Wilhelmenia Fernandez (remember le mythique Diva de Beineix). Le tout concocté par Olivier Bellamy (Radio Classique)… Une première au Théâtre de verdure de Ramatuelle ! J.F.

13e Festival Durance Luberon du 13 au 25 août 04 90 09 94 20 http://festival-durance-luberon.com

1er Festival Classique de Ramatuelle du 15 au 21 juillet 04 98 12 64 00 www.festival-classique-ramatuelle.com



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FESTIVALS

MUSIQUE

Entrée dans l’âge adulte

Du coeur au bout des doigts La rue du Tango a eu une idée lumineuse en invitant le célèbre bandonéoniste Carel Kraayenhof, qui a présenté un concert solo tout en racontant une histoire de l’instrument: contrairement à ce qu’on pourrait croire, le bandonéon a été inventé par un allemand ! C’est dans les années 80 que l’accordéoniste hollandais Carel Kraayenhof a Carel Kraayenhof © X-D.R.

découvert le tango en même temps que la musique d’Astor Piazzolla. Très vite, celui-ci l’invite à jouer avec lui à Buenos Aires en 1988. Depuis il dirige le seul cours de conservatoire consacré au Tango argentin au monde, à Rotterdam, et en 2002 il est distingué par l’Argentine comme ambassadeur du tango. Malgré ces dinstictions, cet homme d’une grande simplicité a offert tout son talent et sa sensibilité à un public conquis. Un programme éclectique allant de Bach à des airs du folklore traditionnel argentin, de musette et de samba, passant par Randy Newman, Sting, Volver de Gardell et l’inoubliable Adiós Nonino de Piazzolla ! Une virtuosité époustouflante, et un très beau répertoire. CHRIS BOURGUE

Tango y mas s’est donné à la Cité de la Musique le 6 juillet Tango à gogo tout l’été le jeudi soir sur le Parvis de l’Opéra à Marseille www.lestrottoirs.fr

JM Machado © Dan Warzy

assurance. Et il y a eu aussi François Cordas 4tet et le Florent Pujuila 5tetZ… le jazz aura résonné encore, ici à Vitrolles, parmi d’autres influences et modes d’expression, pendant ce cru 2010, qui a parié sur l’ouverture et la convivialité plutôt que sur les têtes d’affiches !

exercer. Troisième jour, la fanfare Wonderbrass prend possession des lieux, itinérante et légère, déplace sa musique festive dans l’enceinte verdurée. Le 4tet de Mina Agossi, la chanteuse franco-béninoise, fait monter le groove et l’enthousiasme, finit par emporter l’adhésion d’un public ravi. Les huit musiciens du Odean Pope’s All Star Group vont ensuite clôturer ce festival avec un jazz rempli d’énergie où chacun a sa place et son autonomie. De grands solistes sont là occupant la scène dans une parfaite

DAN WARZY

Le Charlie Jazz Festival a eu lieu au Domaine de Fontblanche les 2, 3 et 4 luillet à Vitrolles

Légende à Châteauvallon Ron Carter, 73 ans, silhouette svelte et longiligne. Un charme charismatique se dégage naturellement de cette légende du jazz. Pensez un peu : il a fait ses débuts avec Chico Hamilton dans les années 1960 et sa carrière se poursuit avec Thelonius Monk, Cannonball Aderley, Art Farmer, McCoy Tiner… mais surtout, il était dans le band avec Miles Davis, Tony Williams, Wayne Sorter... et encore Herbie Hancock. Sa discographie est pharaonique, il a collaboré à environ 2500 albums ! En tournée en Europe en trio, il a présenté son dernier opus, The Golden Striker, accompagné au piano de Mulgew Miller et de Russel Malone à la guitare, juste devant la mer, dans le cadre magnifique de l’amphithéâtre de Châteauvallon. Un concert au caractère très bop mais passant aussi par des ballades, du blues. Des reprises de standards comme My funny Valentine sont transfigurés par le piano de Mulgrew Miller, ou encore le célèbre So What entièrement remanié. Trois musiciens à la complicité exacerbée : juste un regard suffit pour l’établir, emprunter ensemble un chemin inédit qui fait sourire. Une soirée exceptionnelle à la qualité rare, offert à un public qui ne possédait pas toujours les codes, et perturbait parfois l’écoute en clapotant des mains… La rançon d’une programmation hors des festivals spécialistes, qui démocratisent heureusement l’écoute du jazz ! Ron Carter © de Klaus Schielke

rock progressif. La formation DanzasFiesta Nocturna de Jean-Marie Machado a redonné une marque jazz à cette soirée en utilisant toutefois des structures musicales issues de musiques traditionnelles, d’Europe et d’Ailleurs. On aura retrouvé l’excellent tromboniste Georgi Kornazov dans des moments où une libre expression était donnée à une section de cuivres en quintet. Débordant d’harmonie ! Seconde journée, le samedi, la température monte avec la fanfare marseillaise Samenakoa, le temps de prendre quelques agapes et le concert de Sashird Lao démarre. Le trio sans section rythmique utilise la musique à bouche pour inventer contrebasse ou percussion. Enrico Rava et son ensemble de jeunes musiciens prennent le relais. Classicisme dans la composition (reprise de The Man I love), avec des arguments qui manquent de développement. On retiendra tout de même la grande présence de Mauro Ottolino au trombone et d’une guitare tenue par Marcello Giannini. L’emprise du chef s’est fait sentir de façon un peu trop marquée, bridant une liberté que l’ensemble des musiciens auraient, semble-t-il, voulu

Treize années d’existence ! Peut-on parler d’adolescence ? Certes plus maintenant ! Ce festival a désormais vraiment atteint l’âge adulte. L’équipe des bénévoles de l’association Charlie Free réunie autour de Claude Gravier a réalisé des prouesses d’organisation dans une démarche durable. Sans eux cette manifestation ne serait pas devenue ce qu’elle est : un festival qui compte en France. Deux mille spectateurs environ ont traversé la grande allée de platanes du Domaine de Fontblanche pour ces trois jours de musique. La programmation, qui a parié sur une palette étendue, aura donné, à un moment ou à un autre, du plaisir pour chacun. Y compris visuel : sculpteurs, peintres, photographes, dont Gérard Tissier (photographe de jazz), ont exposé leurs travaux au public. La première soirée a permis à l’ensemble La Mécanique des Fluides de proposer une déambulation de cuivres percutants, dans la verdure du parc, avec théâtralité, liberté et humour. Vint ensuite MELC, une formation en quartet utilisant abondamment les sons électroniques avec beaucoup d’invention, et parfois une coloration

DAN WARZY

Ce concert a été donné à Châteauvallon le 9 juillet


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En été toute la région vibre Jazz, avec talents ! Le Festival du Fort Napoléon

La Seyne-sur-Mer, un festival de jazz à la programmation toujours très intéressante, avec des formations inédites et pointues, une vraie qualité d’écoute. Avec un concert autour de minuit tous les soirs (Around Midnight) alternativement par Perrine Mansuy et Loic Fauche pour le piano, accompagnés par Bernard Santacruz à la contrebasse et Bruno Bertrand à la batterie 26/7 1re partie : Marc Abel (g), Stéphane Le Roy (ctb), Franck Farrugia (batt), William Dawood (s), Gabriel Charrier (tp). Seconde partie : le guitariste Rémi Charmasson en 5tet avec André Jaume (s + cl) dans un hommage à Jimi Hendrix avec Laure Donnat (voc), Perrine Mansuy (p), Bernard Santacruz (ctb), Bruno Bertrand (batt) ; 27/7 Pour ceux qui ne l’ont pas

Jazz à La Tour d’Aigues entendu à Vitrolles, ici en formation restreinte, Enrico Rava 4tet avec Giovanni Guidi (p), Fabrizio Sferra (batt), Pietro Leveratto (ctb) ; 28/7 Marcel Sabiani 4tet avec Patrice Caratini (ctb) M Sabiani (batt), JL Chautemps (ts), Giovanni Mirabassi (p) ; 29/7 Curtis Fuller (tb), Charles Davis (s) David Hazeltine (p), John Webber (ctb), Joe Farnsworth (batt) ; 30/7 Emile Parisien 4tet avec Julien Touery (p), Ivan Gélugne (ctb), Sylvain Darrifourcq (batt), les 3F jouent Federico Monpou avec François Mechali (ctb), F. Couturier (p), F. Laizeau (batt) ; 31/7 Charles McPherson 4tet avec Randy Porter (p), Wayne Dockery (ctb), Martin Vink (batt), Ch McPherson (as). 04 94 06 96 60

Jazz à tout Var

Pont : Manoir de mes rêves Angelo Debarre avec Rocky Gresset ; 18/8 à Gonfaron : Swing 39 et Mandino Reinhardt ; 20/8 au Cannet des Maures : Django Brasil; 21/8 à Aiguines : Angelo Debarre et Ludovic Beier Duo; 24/8 au Revest : Olivier Ker Ourio; 26/8 à Tanneron : Django et rien d’autre ; 27/8 à Pourrières : Yorgui Loeffler Trio

Une destination à part sur la route des festivals. Des concert jazz gratuits dans tout le département, du 15 au 17 Août. Avec un hommage au centenaire de la naissance de Django Reinhardt : le Toulon des années 1930 est une partie du destin du guitariste, inventeur du jazz français. Un panel de musiques allant de la tradition à des projets plus novateurs, imbibés par l’esprit nomade. 15/8 à Figanières : Evan Christopher ; 16/8 à Solliès-

www.myspace.com/jazzatoutvar

Jazz des 5 Continents

Jazz à Trets 15/7 à 21h30 Cour du Château : Rhoda Scott

Una affiche de rêve pour un rendez-vous toujours passionnant, entre stars heureuses de partager dans un cadre exceptionnel au cœur de la ville, et découverte de talents moins confirmés, venus de tous les horizons pour donner des couleurs au jazz, dans un esprit de partage et de métissage. Tous les concerts sont à partir de 20h30 au Palais Longchamp (ouverture des grilles 19h30), sauf le premier qui est gratuit ! 19/7 dès 20h Cours d’Estienne d’Orves Magic Malik Orchestra 20/7 Esperanza Spalding 4tet puis Al Jarreau sextet 21/7 Omri Mor Trio / Chick Corea, Kenny Garrett, Chris McBride, Roy Hanes «Freedom Band» 22/7 Ibrahim Maalouf 5tet / Richard Bona Group 23/7 Yaron Herman / Manu Katché 4tet featuring Marion Rampal & Sylvain Luc 24/7 Birelli Lagrène & Didier Lockwood 4tet / Maceo Parker

Les Eclats de Salon Tous les concerts sont à 21h30 au Château de l’Emperi 16/7 Quartier Sud 6tet (Cour Renaissance), 17/7 Goran Bregovic (Cour d’Honneur), 18/7 Brazil Project 5tet et Laure Donnat 04 90 56 00 82 www.salon-de-provence.org

Jazz à Beaupré Un programme qui laisse sans voix... immanquable ! 16/7 à 21h30 Ron Carter Trio, 17/7 à 21h30 Chucho Valdès & Afro-Cuban Messengers Château de Beaupré, Saint Cannat 04 42 57 34 65 www.art-expression.net

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04 95 09 32 57 www.festival-jazz-cinq-continents.com

C’est un petit village près de Pertuis, aux premiers contreforts de la montagne du Luberon. En coproduction, l’AJMI avec Jean-Paul Ricard et l’association du Château de la Tour d’Aigues proposent du 11 au 15 août une programmation jazz non dénuée d’intérêt. Voyez plutôt ! 11/8 à 19h00 Jean-Philippe Viret trio puis à 21h30 Louis Sclavis 5tet Lost on the way puis encore, à minuit, Rémi Dumoulin et Bruno Ruder en duo ; 12/8 à 19h00 Das Kapital plays Hanns Eisler puis à 21h30, Andy Emler Megaoctet. À minuit, Jeanne Added et Yves Rousseau en duo ; 13/8 à 19h00, une création de Rémi Charmasson, Claude Tchamitchian et Eric Echampard en trio et pour se régaler, à 21h30 le sextet de Christophe Leloil E.C.H.O.E.S enfin à minuit Daniel Erdmann et Francis Lebras en duo 14/8 à 19h00 Perrine Mansuy 4tet Vertigo Songs, puis à 21h30 Django et rien d’autre ! Et à minuit Laure Donnat et Lilian Bencini duo ; 15/8 à 12h00 La Fanfarine /Grand Pique-Nique Musical Et tous les jours, du mardi au vendredi, 2 animations dans la journée de Toutut / Fanfare de poche Restauration possible sur place par Les Rustines de l’Ange ainsi qu’un partenariat gustatif entre le Festival et les vignerons locaux. 04 90 07 50 33 www.chateau-latourdaigues.com

Festival de Piano de La Roque d’Anthéron Carrières de Rognes à 21h 26/7 McCoy Tyner 4tet featuring Joe Lovano, 27/7 Aufgang, 28/7 Eric Legnini Trio, 29/7 Yaron Herman Trio, Parc du Château de Florans, 31/7 Nuit du piano Jazz, Chick Corea Freedom Band / Makoto Ozone / No Name Horses www.festival-piano.com

Festival Jazz à Villes-sur-Auzon 28, 29/7 et 3, 4, 5/8 Doodlin’Jazz 7tet / Superswing 8tet / Alain Brunet 5tet /Big Band Montpellier / Rhoda Scott Ladies 4tet 04 90 40 49 82 www.jazzavillessurauzon.free.fr

Maveo Parker © X-D.R

Musique en Vacances

19e Tremplin Jazz d’Avignon

22/7 à La Ciotat : Anne Bucchini 4tet puis Pierre Calligari 6tet Jazz en Août Concerts gratuits du 2 au 8 août à La Ciotat

Concerts à 20h30 au Cloître des Carmes Conférences en matinées les 4 et 5 /8 au Jardin du Cloître 3/8 Mister T / Explosive Jazz trio / ONJ Around Robert Wyatt ; 4 et 5/8 Tremplin Jazz Européen ; 6/8 Céline Bonacina Aléfa / Youn Sun Nah Voyage ; 7/8 Christian Mendoza Group (Lauréat 2009) / Angelo Debarre Gypsy Unit

04 42 71 81 25 www.jazzconvergences.com

Jazz en Vignes au Domaine de l’Olivette, Le Castellet soirées jazz les 22 et 23/7 et 12/8 à 21h30 04 94 07 02 21

Festival de Châteauvallon 23/7 à 19h30 Ensemble Shanbehzadeh et Trio Matthieu Donarier (Iran et jazz) 24/7 à 19h30 Ensemble Shanbehzadeh (Sud Iran) 04 94 22 02 02 www.chateauvallon.com

04 90 82 95 51 www.trempjazz.com

Jazz à Saint Rémy Concerts à 20h30 16/9 Hommage à Django Reinhardt avec Loïs Coeurdeuil, César Swing invitent Florin Niculescu, 17/9 Pink Turtle, 18/9 Tania Maria http//:jazzasaintremy.free.fr


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FESTIVALS

MUSIQUE

Nuits propices… qui accueillait le duo Papet J et Rit : un mélange réussit entre la verve marseillaise du premier et la partition multi-instrumentiste du second, les deux posant la voix et le regard sur des textes engagés et festifs… Plus tard ce sera au tour de Joe Driscoll, le NewYorkais, et Sekou Kouyaté du groupe Ba Cissoko, après l’intervention, sous la yourte, d’artistes comoriens avec des jeunes du département autour de la question Qui sommes-nous ?… Les Nuits Métis impriment leur marque dans le paysage miramasséen, se maintenant en terme de fréquentation (avec un mondial de foot cette année comme concurrent sérieux ! et un public indéniablement plus féminin) et amorçant des pistes prometteuses pour les saisons à venir. On l’espère en tout cas !

Une brise légère, et le jour qui baisse tranquillement sur la pelouse qui longe le plan d’eau Saint-Suspi dont la surface frémit à peine, une yourte, une tente Touareg, quelques stands de produits africains, une bonne odeur de plats venus d’ailleurs et de la musique, beaucoup de musique… Les Nuits Métis, dont c’est la 2e édition à Miramas, et la 17e depuis leur création, entament ce soir-là, le 25 juin, 3 soirs de concerts en plein air, dans un cadre naturel qui se prête particulièrement bien à ces rencontres. Partout des petits groupes s’installent, les plus prévoyants ont même emporté de quoi s’étendre dans l’herbe. Et ils ont raison : donnant à Miramas des airs africains, sur une des deux scènes la kora de Prince Abdou se mariait avec la harpe de Katell Boisneau -un des duos créés pour l’occasion, une des spécificités de ce festival. Tandis que les notes s’évaporaient dans la fraîcheur du soir, se préparait la 2e scène, la grande,

Katell Boisneau et Prince Abdou © Do.M.

Les Nuits Métis se sont installées à Miramas et Entressen du 22 au 27 juin

DO.M.

La tête dans les étoiles

Comme chaque été, le Festival Mimi s’est amarré sur l’archipel du Frioul, bousculant les codes avec un festival ouvert

Oh Hyères !

25e édition, Mimi prend de l’âge et engrange expérience et vécu ! Rien que la situation de l’hôpital Caroline, perché sur les hauteurs de l’île Ratonneau qu’il faut forcément atteindre en navette fluviale, donne un attrait particulier à ce festival qui fait de l’éclectisme de choix (paradoxe ?) un poème marin. Les installations plastiques et sonores jalonnent le parcours qui mène au bout de l’île, témoignant de l’«investissement» du site. Après avoir croisé une harpe à nuage d’où s’extirpe un laser vertical de 8 km, l’air marin vivifiant s’infiltrant entre les bâtiments de l’ancien hospice à quarantaine se mêle aux magnifiques jeux de lumières, comme sur l’ancienne chapelle en forme de temple grec, et donne au lieu un côté puissamment féérique. La soirée du 8 juillet, Nuit de Nchan rendit hommage à son superbe travail audio-vidéo réalisé de la Méditerranée à l’océan indien, en passant par la Tanzanie, la Mauritanie et les rites Masaï, sur fond de transes hypnotiques magnifiées par le montage. Après ce très beau film, place aux deux londoniens d’Addictive TV pour un nouveau type de trans-fusion des supports où les platines font vibrer des images,

elles aussi traitées en temps réel. De Star Trek à Kate Bush, le duo british joue avec des séquences bien rétro et met une sacrée ambiance. À mixer en parallèle Hendrix, Dire Strait, Prince, ZZ Top, Deep Purple on pourrait perdre le sens, mais on y prend plaisir dans un écrin pareil ouvert aux étoiles…

Le Festival Midi va faire des jaloux du côté du Var. Du 23 au 25 juillet, la plage de l’Almanarre et la Villa Noailles, superbe construction moderniste de l’entredeux-guerres par l’architecte Mallet-Stevens, vont être le théâtre d’une manifestation à faire pâlir les amoureux des festivals aux lieux enchanteurs. Avec 20 concerts et près de 23h de musique, le week-end s’annonce complet! À commencer, entre autres, par l’expérimental Lee Ranaldo (qui joue avec les Sonic Youth dans sa vie normale, ce qui laisse présager la suite…) et Egyptian Hip-Hop (le 23/7 à partir de 19h). Après une après-midi gratuite à la plage au son de la pop rêveuse de Toro Y Moi (24/7 à partir de 14h), la demeure qui fut un lieu prisé du cinéma (Le mystère du château de dés, L’inhumaine) accueillera Mina May (voir p43) entourés de collectifs d’outremanche (24/7 dès 19h), avant de tenter le déhanché sablé au bord de l’eau à partir de minuit au son des platines. Dernier round le 25/7 dès 19h sur les terrasses de la Villa Noailles avec Air Waves, Clara Clara, Yuck, The Strange Boys et Lonelady !

FRÉDÉRIC ISOLETTA

F.I.

Addictive TV © X-D.R.

www.midi-festival.com

Les rois des Aulnes Yodelice © Anouch K

Le Festival des Aulnes Rouges a connu un succès mérité : véritable éden musical, il allie efficacité et convivialité. Sur les bords de l’étang qui donne une dimension magique au site, les nombreux visiteurs de tous âges ont pu profiter d’une scène musicale de grande qualité et d’une organisation aux petits soins. Assis dans l’herbe au bord de l’eau ou déambulant devant les stands hétéroclites, le festivalier est bichonné ! Et la scène ? Citons le multi-instrumentiste génial François Hadji-Lazaro qui a eu la bonne idée de reformer Pigalle. L’ex Garçons-Bouchers n’a pas pris une ride, sa joyeuse bande déroulant un tapis rouge chaud comme la braise à la révélation Yodelice. Le dandy au chapeau à plume ne s’est pas fait prier pour offrir

à une foule aux anges un set énergique et enlevé, avant l’arrivée de Mickey3d et sa guitare en bandoulière, toujours prompt à dérouler sous un faux air désabusé ses tranches de vies décalées. Avec un son exemplaire, ce qui n’est pas toujours le cas des concerts en plein air, et sans temps morts (alternance avec un tremplin de bon calibre emmené par M’Zimmer lane, le voluptueux duo Isaya et les bouillonnants Man y feste), les moustiques n’étaient plus les rois à Saint-Martin de Crau, le temps d’un festival épatant. F.I.



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FESTIVALS

MUSIQUES

La nuit étoilée

Depuis 1997 l’île du Gaou, magnifique bijou dans son écrin de mer, accueille les pieds dans l’eau le Festival des Voix du Gaou, rendez-vous estival désormais incontournable. Festivaliers et riffs à profusion peuvent y rimer avec respect de l’environnement, ligne directrice pour un festival forcément écologique : il s’agit de ne pas détruire ce site unique. Car le Festival rassemble des foules non négligeables, grâce à la diversité des chapelles musicales proposées chaque année qui fait la richesse d’une proposition au plateau complet. Du 17 au 29 juillet il faudra retenir la belle Clarika (18/7) pour une soirée aux côtés d’Ysae et Renan Luce, M et ses multiples invités (22/7), Ahamada Smis et Christophe Mae (21/7), Pink Martini (25/7), Wax Tailor, Pony Pony Run Run, Diving with Andy et Soma (24/7), les

Six ans que le Cargo arlésien s’arrime au cœur du magnifique Théâtre antique. Les Escales du Cargo se tiendront du 26 au 29 juillet dans un cadre historique épatant, la tête sous les étoiles. 19 ans et déjà sur les traces de son père, l’agitée Izia, récompensée deux fois aux Victoires de la musique 2010 aura le privilège d’ouvrir le festival (26/7, avec Pony Pony Run Run). Le hip hop blues de Féfé, ex des Saïan Supa Crew, dictera son univers blues folk ou reggae aux côtés d’Hocus Pocus, renouveau d’un hip hop tourné vers le jazz et la funk (27/7). Pour la soirée de clôture est prévu un hommage monumental au guitariste manouche Django Reinhardt qui aurait été centenaire. Django 100 offre un plateau de rêve à tous les amateurs du genre : Boulou Ferré, Elios Ferré, Romane, Mathieu Chatelain, David Reinhardt, Angelo Debarre, Louis Winsberg, Rocky Gresset et Pierre Manetti, suivis d’un final en apothéose où 100 guitaristes (dont peut être vous, les candidatures sont ouvertes) croiseront le fer (29/7).

Wax Tailor © Zazzo

L’appel du large

revenants Simple Minds (27/7) ou encore Bob Sinclar (29/7). À vos maillots !

F.I.

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Les Escales du Cargo, Arles 04 90 49 55 99 www.escales-cargo.com

FRED ISOLETTA

Les Voix du Gaou, Six Fours concerts à 19h30 www.voixdugaou.fr

Hocus Pocus © S. Solinas et B. Trichet

La vie de château Avant de laisser la place au festival de musique classique, et juste après celui de théâtre Côté Cour, le cadre somptueux du château de l’Empéri à Salon-de-Provence accueillera trois concerts du 16 au 18 juillet. Le sextet Quartier Sud ouvrira le festival Les Eclats avec ses rythmes métissés du sud (16/7). La fanfare des mariages et des enterrements de Goran Bregovic fera vibrer les planches au son des 19 musiciens et chanteurs (17/7) avant de laisser le mot de la fin au jazz brésilien de Brazil Project Quintet et Laure Donnat (18/8). F.I.

Concerts à L’Emperi, Salon 04 90 56 00 82 www.salon-de-provence.fr

Les pieds dans l’herbe

La petite ville de Simiane-Collongue présente la quinzième édition de son festival Simiane Sous les étoiles qui se déroulera du 23 au 25 juillet dans le parc de la mairie, cadre très agréable. L’OMC clôt sa saison culturelle en beauté pour trois soirées variées à partager en famille dans un théâtre à ciel ouvert. La pièce théâtrale Lancelot et le dragon par la cie Entr’Act (23/7), le concert théâtralisé My G-g-génération de la cie l’Atelier du possible (24/7), puis la projection en nocturne de Little Miss Sunshine (25/7) annoncent un croisement des arts les pieds dans l’herbe et la tête dans les étoiles. A tout petit prix (6 euros, et entrée libre le 25).

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F.I.

Goran Bregovic © Stephanie Berger

Simiane sous les étoiles OMC Simiane 04 42 22 62 34 www.omcsimiane.com

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Valcezard, le nom ne vous dit rien ? Il regroupe pourtant 16 communes dans le Nord-Est du Gard, situées entre Cèze et Ardèche, et organise chaque année des concerts dans les communes rurales. Goud’acoustic, festival de musique folk et country, a lieu à Goudargues début juillet, ainsi que des concerts jazz à Cornillon, des spectacles lyriques à la Chartreuse de Valbonne -Les abandonnées sous la direction de Vincent de Meester donné également à Carsan le 16/7. Suivra le Festival de la Voix avec le pianiste cubain Omar Sosa, le percussionniste indien

Trilok Gurtu et le trompettiste de jazz italien Paolo Fresu (le 17/7 à Saint-Gervais). L’orchestre baroque Les Cyclopes sera lui présent dans la cour du Château de Cornillon (20/7), Yasmin Levy à Saint-Laurent de Carnols (22/7), Sandra Nkake à Aiguèze (27/7) et Dhoad les gitans du Rajasthan à Laval Saint-Roman (29/7). Festival de la Voix, Valcézard 04 66 82 69 41 www.valcezard.fr

My G-g-generation © flag' 2009

Entre deux rives


RENTRÉE

Égarez-vous ! Le festival de musiques inclassables Gare aux Oreilles tiendra sa 9e édition à la toute fin de l’été du 27 au 29 août dans le théâtre de verdure du Thor. La formation Ifif Between (France), qui s’est fait remarquer lors de la biennale des Jeunes Créateurs ouvrira les hostilités le 27/8, suivie du très original Ghédalia Tazartès (28/8) qui laissera place aux Nouveaux Malins et à Ted Milton, le poète punk, dans un projet déjanté mélangeant poésie et électronique avec Sam Britton (28/8). Puis l’improbable duo Vialka fera son apparition suivi des polonais Male Instrumenty avec leurs instruments en tous genres (29/8). Tout ça pour 10 euros par soir ! À noter que Les Tailleurs de Notes, fanfare festive venue du Nord, mettront de la joie et de la bonne humeur pendant ces trois jours avant et après les concerts. Rendez-vous au Thor. F.I.

Gare aux Oreilles, Le Thor 06 68 84 58 99 http://gareauxoreilles.free.fr

La musique des cimes Au Nord de notre région, le Dévoluy ne vit pas seulement l’hiver au rythme de la neige. L’été y est dévolu à des rencontres musicales hors des métropoles habituelles. Le Festival Sors de chez Toi, qui a regroupé 3000 personnes en deux soirées l’an dernier, fêtera sa 4e édition du 6 au 8 août avec un plateau très attractif comprenant entre autres Les Fatals Picards, Emzel Café, Barrio Populo et Smoof (6/8) et Tété, Les dessous de la vie et Psyloz (7/8). Une véritable fête pour les vacanciers, et une chance pour de nouveaux talents de se produire aux côtés de groupes reconnus (Smoof a remporté le tremplin 2009).

Un peu avant et jusqu’à la fin des vacances, le 25e Festival de Musique en Dévoluy propose, pour compléter son plateau classique (Festes d’Orphée le 22/7, Quatuor de Saint Petersbourg le 29/7, Orchestre de chambre des Alpes le 26/8), une programmation variée : ce sont Simon Nwambeben (Musique africaine, rock, folk... le 5/8), Marianne Aya Omac (musique folk sur les traces de Tracy Chapman le 12/8) et Barbara Furtuna (Polyphonies Corses le 19/8) qui investiront Mère-Eglise. F.I.

Sors de chez toi, Saint Etienne en Dévoluy Musique en Dévoluy, Mère-Eglise www.ledevoluy.com

Tété © Jason Quigley

Canal musical Porté par l’association Chevrefeuille, le Festival Convivencia, festival navigant de musiques du monde, convie les spectateurs à des concerts gratuits le long des canaux du Midi et de la Garonne. Parti le 26 juin du Sud-Ouest, il se termine dans nos contrées, passant le 30 juillet à Arles sur le quai de Trinquetaille dans le cadre de la manifestation Les rues en musique avec la fanfare cuivres et percussions Zephyrologie et le groove Berbère de Amazigh, et le 1er août sur le port de Port-Saint-Louis pour un final avec les six membres du groupe bordelais Rageous Gratoons et leurs instruments hétéroclites. Festival Convivencia, Arles et Port-Saint-Louis http://Festivalconvivencia.com

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SAISON

TOURSKY | COMŒDIA

Cultures croisées

Maison de poupee, Marcel Hartmann © Contour by Getty Images

Richard Martin est toujours debout, plus vigilant que jamais après le rétablissement d’une partie des subventions du ministère de la Culture suite à la grève de la faim menée l’an dernier au mois d’octobre avec son ami poète Jean Poncet, et prêt à continuer le combat jusqu’au «rétablissement intégral des subventions» du théâtre. La programmation du Toursky, toujours aussi éclectique, est un peu moins pléthorique, mais toujours basée sur le croisement des cultures et des genres. Cette année encore les valeurs sûres seront au rendez-vous, avec les comédiens «stars» notamment: Guy Bedos mis en scène par son fils Nicolas, avec

Macha Méril, dans Le voyage de Victor ; Pierre Arditi dans Faisons un rêve de Sacha Guitry mis en scène par Bernard Murat ; Audrey Tautou et Michel Fau (qui signe aussi la mise en scène) dans Maison de poupée d’Henrik Ibsen ; Romane Bohringer se promenant dans l’univers de Labiche dirigée par Pierre Pradinas ; Isabelle Gélinas et Jean-Luc Moreau dans la très Moliérisée pièce d’Eric Assous L’illusion conjugale… Et, en solo, Michel Jonasz qui retrace l’histoire de son grand-père Juif Polonais mort à Auschwitz dans Abraham, Romain Bouteille dans un spectacle très personnel fait de coups de gueule et de réflexions sur le théâtre et la société auda-

cieusement intitulé Misère intellectuelle, Rufus jouant les fantaisistes avec des sketches de grands humoristes, Bernard Crombe face au destin tragique de Motobécane… En musique aussi de grands rendez-vous : Le Murmure des vents et les variations de l’âme sera joué au doudouk par Levon Minassian et ses musiciens, et dit par ses amis comédiens Michael Lonsdale, Richard Martin et Kelly Martens ; Frédéric Chopin sera célébré par le pianiste Dang Thaï Son et l’Orchestre de Chambre de Toulouse sous la direction de Claudio Cruz durant une soirée où seront notamment joués les Concerto pour piano et orchestre n°1 et n°2 ; et pour les amoureux de la chanson française, Georges Chelon revient sur la scène du Toursky avec un nouveau concert et Michel Hermon s’attaque au répertoire de Ferré quand il chantait Rimbaud, Baudelaire et Verlaine, ses compagnons d’enfer… Quant aux festivals qui émaillent la saison, toujours résolument tournés vers d’autres cultures, ils débuteront avec une semaine macédonienne prometteuse en janvier, puis se poursuivront avec le XVIe festival russe en mars et avril, Mai-Diterranée, XXIe édition, en mai (à l’intérieur duquel on retrouve la nuit de l’anarchie chère à Martin) et la VIIe édition pour le Flamenco dont la programmation annonce La Rubia et Juan Ogalla. Abonnez-vous, vous trouverez certainement de quoi satisfaire votre curiosité, quelle qu’elle soit ! DO.M.

Théâtre Toursky, Marseille Saison 2010/2011 0 820 300 033 www.toursky.org

Fenêtre ouverte sur la région C’est dans la rue que débutera et finira la saison du Théâtre Comoedia à Aubagne avec deux rendez-vous Chaud Dehors toujours aussi populaires (4 sept. / 3 et 4 juin), puis Small is Beautiful (8 au 10 octobre) débarquera avec Opus, Berlin, Pixel 13, le comédien Stéphane Bein et d’autres trublions de l’ordre public… Car depuis sa collaboration fructueuse avec Lieux Publics, la mairie souhaite développer plus encore l’art dans l’espace public. L’autre particularité de la programmation, bâtie en lien avec l’ensemble des partenaires culturels, est sa diversité de tons et d’esthétiques entre «gravité, humour, dérision dans un certain esprit de résistance au formatage et aux idées reçues». C’est aussi son compagnonnage acharné avec les artistes de la région : Gérard Gelas, directeur du Chêne Noir à Avignon, la famille du Théâtre du Maquis, la Cie Parnas pour

son formidable Banquet fabulateur, le Théâtre de l’Égregore qui œuvre avec le Théâtre national d’Alger pour faire entendre Shakespeare en français et

en arabe, Raymond Vinciguerra et sa Cie Tetra-art, Le Bruit des hommes pour sa création Métiers de nuit, la Cie de l’Écho actuellement en résidence au Le Cabaret des heretiques, Theatre du Maquis © X-D.R

théâtre Denis à Hyères. Côté musique avec Écume, l’ensemble Des Équilibres, Jazz Provence et le Cefedem, basé tout près. En danse avec Artmacadam qui développe un projet en deux temps (21 janv. et 8 avr.). Enfin, le jeune public est un fidèle du Comœdia qui découvrira la Cie Attention fragile, le Théâtre de la Mer d’Akel Akian (Marseille), Fluid Corporation d’Aubagne, Téatropera de Vitrolles et La Naïve de Pertuis. Sans compter que le théâtre fait la part belle aux découvertes extra-régionales, mais ça c’est une autre histoire… M.G.-G.

Théâtre Comœdia, Aubagne Saison 2010/2011 04 42 18 19 88 www.aubagne.fr


LE MERLAN | SAINTE-MAXIME

SAISON

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Le Merlan entre rire et magie La Scène nationale à Marseille a une fois encore concocté une saison inattendue qui ne ressemble qu’à elle. Avec, pour commencer, un programme de magie, art du cirque qui, en se faisant contemporain commence à trouver, comme l’acrobatie et le clown, quelques portes théâtrales qui s’ouvrent. Une semaine entière avec le retour du Soir des monstres d’Etienne Saglio, des projections imaginées par Fotokino, de la prestidigitation virtuose qui pose autrement le problème de l’illusion théâtrale… Puis, entre deux vagabondages, des résidences qui délocaliseront leurs créations à la Friche, au Museum d’histoire naturelle ou au Gymnase, on retrouvera d’anciens passants comme l’ex-femme à Barbe Jeannne Mordoj qui deviendra La femme du passé, des ovnis comme le GDRA, ou Peeping Tom. Mais le Merlan ménage aussi des surprises d’un ordre plus inhabituel, et on se réjouit de la place conséquente des compagnies régionales : outre Michaël Cros qui fera son Zoo en vagabond, Manon Avram sera en résidence, Renaud Marie Leblanc viendra créer son Eric Von Stroheim et François Michel Pesenti, que l’on n’avait plus vu depuis de nombreuses années dans la région alors que sa compagnie y est toujours largement conventionnée, (faute de programmateur ? de projets dans la région ?), viendra présenter ses Histoires Sèches. Une constante tout de même, et qu’on ne saurait également trop soutenir : la Scène nationale s’acharne à soutenir des projets de femmes, comme Manon Avram et Jeanne Mordoj, mais aussi Lia Rodrigues, Viviane De Muynck… Elle continue également à coproduire ce qui passe en ses murs, en se concen-

Eric Von Stroheim, Cie Didascalies © X-D.R

trant exclusivement sur des formes étranges, des propositions décalées. Ainsi elle conclura sa saison par un mois de spectacles d’humour ! À l’heure où il est censuré des antennes nationales, l’esprit de dérision irrévérencieux trouvera-t-il un refuge sur les scènes ? Si lui aussi se met à chercher sa forme et surprend, pourquoi pas ? AGNES FRESCHEL

Le Carré dedans-dehors

Pour sa première saison (50 représentations), Le Carré Sainte-Maxime a atteint un taux de moyen de remplissage de 88% ! Un record au vu de son territoire géographique et de la proximité de trois lieux pluridisciplinaires :Théâtres en Dracénie, le Théâtre de Grasse et le tout nouveau Théâtre de la Communauté d’agglomération Fréjus/St Raphaël. À quoi donc attribuer ce succès ? «Au public qui a mis en avant l’originalité des propositions souligne sa directrice Valérie Boronad, et à notre programmation ouverte et anticonformiste». Mais pas seulement car l’équipe est allée au devant du public à grand renfort d’actions pédagogiques, de répétitions publiques, de stages et d’ateliers, de chantiers ouverts. Inventant même un «Cabinet de curiosités» autour des petites formes afin de privilégier une vraie proximité avec les artistes. Du coup, la deuxième saison marche sur les pas de la première, plus festive et décloisonnée encore dans un juste équilibre entre théâtre, danse, cirque,

Le Merlan, Marseille Saison 2010/2011 04 91 11 19 20 www.merlan.org

musique et arts numériques. Et une amplification de ce qui fait sa spécificité : le croisement des arts et la mise en lumière des nouvelles écritures théâtrales.Théâtre et arts numériques pour Artefact, compagnie associée au Carré et son Alaska forever ; danse, théâtre et arts numériques avec Le retour aux

forêts de Carolyn Carlson, Michel Onfray et Jean Lambert Wild… Mon képi blanc de Sonia Chiambretto mis en scène par Hubert Colas ou La Consolation de Sophie de Dominique Paquet par le Groupe 3.5.81… Même les arts et les sciences s’affrontent sur des «Rings» qui explorent les Cie Artefact © X-D.R

nouvelles technologies de demain ! Le festival d’automne Itinérances lancera la saison, décliné en trois opus sous l’appellation «Sous le soleil exactement» : Il sentait bon le sable chaud aux couleurs de Gainsbourg, Ribes, Chiambretto ; Tout feu tout flamme au rythme du flamenco d’Antonio Najarro et des arts de la rue de la Cie La Salamandre ; Les fils du vent sous la lumière brute du trio gitan Christian Escoudé, David Reinhardt, Jean-Baptiste Laya, du violoniste tzigane Florin Niculescu et du Circus Klezmer. Un festival conçu par Artefact qui organise aussi deux Nuits curieuses pour ouvrir au public tous les espaces du Carré : dedans, dehors… MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Le Carré, Sainte-Maxime Saison 2010/2011 04 94 56 77 77 www.carreleongaumont.com


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SAISON

PÔLEJEUNEPUBLIC | OPÉRA D’AVIGNON | OPÉRA DE TOULON

Colorée et kaléidoscopique

Option découvertes ! Comment ai-je pu tenir la dedans, Comedie de caen © X-D.R

Avec plus de 30000 spectateurs dont 16600 scolaires, le PôleJeunePublic regarde avec gourmandise et fébrilité la saison 2010/2011. D’autant qu’il a pris son autonomie vis-à-vis du Théâtre Massalia à Marseille avec lequel il était lié depuis 5 ans et que Patrice Laisney, toujours directeur artistique adjoint de Massalia, est désormais seul au gouvernail… Sa programmation a les couleurs d’un arc-en-ciel avec 30 spectacles venus de tous les horizons «pour croiser les cultures» : 9 concerts (le PJP affirme son ancrage musical avec Z, festival de Zik jeune publik), 8 pièces de théâtre, 6 de marionnette et d’objet, 3 autour des arts du cirque, 3 ciné-concerts en collaboration avec Filmharmonia et 1 spectacle de danse. Sans compter les projets prêts à sortir d’une pochette surprise au gré des opportunités (Nuit des musées par exemple). Le lancement sera familial et festif, sous chapiteau (du 15 au 31 oct.), avec le cirque Aïtal qui magnifie le travail des portés acrobatiques main à main et a choisi un titre en forme de manifeste : La piste là… pour se terminer Dans l’ombre de Norman McLaren avec la Cie Trio de Bubar qui combine théâtre instrumental et cinéma d’animation (31 mai). Entre les deux, des artistes fidèles (le retour de Gilles Cailleau et de son incroyable performance d’acteur dans Le tour complet du cœur, le Théâtre Mu, Arketal qui proposera des formations aux enseignants parallèlement à son spectacle Debout), deux créations (Les Ariels de la Cie Médiane accueillie en résidence et Debout de bois de la Cie Main d’œuvres). Et tant d’autres coups de cœur… pour la Cie Vol plané présente avec Peter pan et Le malade imaginaire, la

Comédie de Caen et son Comment ai-je pu tenir là dedans à l’affiche du Festival d’Avignon… M.G.-G.

PôleJeunePublic, Le Revest Saison 2010/2011 04 94 98 12 10 www.polejeunepublic.com

La preuve par trois Aux marches du palais papal, Raymond Duffaut s’appuie sur trois piliers garantissant la pérennité du temple avignonnais : des ouvrages populaires, de belles voix et des têtes d’affiches Si l’indéboulonnable Carmen (Béatrice Uria Monzon) et son amour de Bohème font recette, Mozart aussi est à la noce avec Cosi fan tutte et La Flûte enchantée… tout comme un bon vieux crû d’Offenbach au seuil de l’an neuf : La vie parisienne. Si l’on verse une larme sur les amours manquées de Tatiana (Nathalie Manfrino) et Eugène Onegine (Armando Noguera) de Tchaïkovski, on devrait carrément chavirer avec Blanche de la Porte (AnneCosi fan tutte de Mozart © X-D.R

Catherine Gillet) au pied de l’échafaud révolutionnaire, final du chef-d’œuvre de Poulenc : Dialogues de Carmélites. Pour la musique de chambre et les concerts symphoniques, on attend des solistes prestigieux : Barbara Hendricks dans Le Voyage d’hiver de Schubert, les pianistes David Fray, Claire Désert, Eric Le Sage, Brigitte Engerer, Vahan Mardirossian, Alain Planès, au violon Renaud Capuçon, Augustin Dumay, Dmitri Makhtin, les violoncellistes Anne Gastinel, Alexandre Kniazev, Gary Hoffman, Sonia WiederAtherton ou Paul Meyer (clarinette) et Emmanuel Pahud (flûte)… Alain Altinoglu dirigera, pour le bicentenaire de la naissance de Franz Liszt, avec le Festival de Musique Sacrée, un somptueux oratorio : La Légende de Sainte Elisabeth. Quant au Festival de Musique Ancienne il couvrira une période historique s’étalant du Moyenâge de Guillaume de Machaut aux figures antiques ayant inspiré Cherubini, en passant par des Leçons de Ténèbres baroques et des Cantates pour hautecontre. JACQUES FRESCHEL

Opéra d’Avignon Saison 2010/2011 04 90 82 81 40 www.operatheatredavignon.fr

Claude-Henri Bonnet annonce à Toulon une «saison inédite» : des ouvrages rarement ou jamais joués au pied du Faron

On ne manque pas, assurément, la soprano Ermonela Jaho dans Thaïs, chef d’œuvre de Massenet, ni le joyeux Orphée aux Enfers d’Offenbach créé au Festival d’Aix en 2009, deux œuvres absentes de la scène varoise depuis respectivement 23 ans et… 136 ans ! Et pour ceux qui ont manqué l’étonnant ouvrage de Kurt Weill Street Scene en mars 2010 une session de rattrapage est prévue pour les fêtes de fin d‘année. De mémoire de Toulonnais, on n’a jamais assisté au Freischütz de Weber, sommet du romantisme datant de 1821. La lacune est comblée avec la participation d’un couple inédit : Laurence Equilbey (direction) et Jean-Louis Benoît (mise en scène) ! La comédie lyrique peu connue de Puccini La Rondine et l’opéra belcantiste Linda de Chamonix de Donizetti connaissent le même destin : on les découvre, tout comme le bijou baroque de Purcell : Didon et Enée. On attend enfin un autre Offenbach dans la rade de Toulon : Les Brigands opéra bouffe exhumé récemment, mais ici avec la signature «Deschiens» / Opéra Comique du couple Jérôme Deschamps & Macha Makeïeff. Giuliano Carella demeure le maître d’œuvre de nombreux ouvrages lyriques et symphoniques. L’Orchestre de l’Opéra accompagne de grands solistes : June Anderson (soprano), Akiko Suwanaï (violon), Huseyin Sermet et Brigitte Engerer (piano), Antonio Meneses (violoncelle). J.F.

Opéra de Toulon Saison 2010/2011 04 94 93 03 76 www.operadetoulon.fr Street Scene © Olivier Pastor


ACTORAL | ART-O-RAMA

RENTRÉE 39

Des mots désir

Comme dans un tourbillon incessant les mots s’écrivent, s’écoutent, s’envolent quand actOral fait entendre leurs frottements avec les plateaux de théâtre, de danse et de musique Cela fait 10 ans qu’un bruissement s’élève de tout Marseille à l’occasion d’actOral, festival international des arts et des écritures contemporaines initié par Hubert Colas qui fait de l’ancrage dans le temps (du 13 septembre au 13 octobre) et le territoire (plus de 20 partenaires culturels) l’une de ses priorités en 2010. Préfigurant ainsi Marseille-Provence 2013… Montévidéo bien sûr, mais également Le Gymnase, la Friche Belle de Mai, La Criée, Les Bernardines, La Minoterie, le CipM ou la BMVR L’Alcazar… Et d’autres lieux encore qui accueilleront Les Brèves (champ libre à un auteur pour une sorte d’apéritif artistique), Les Impromptus (commande à 4 écrivains et 4 musiciens de 2 écritures textuelles et 2 écritures musicales), Une heure avec… un auteur (lectures d’extraits de textes déjà publiés ou inédits), L’Objet des mots (rencontre entre écritures textuelle et artistique), les Écrits de la danse élaborés par MarseilleObjectifDanse (la langue se confronte aux écritures chorégraphiques), Les Mises en lecture/ Mises en espace/Spectacles/Performances/Con-certs (de l’écriture à la scène…) et Les Expositions/Installations/Projections (de l’écriture à l’art contemporain). Toutes ces propositions seront autant d’explorations des territoires de la langue et d’occasions de rencontrer les artistes et auteurs. Parmi lesquels Sonia Chiambretto dont on a pu entendre à La Criée la trilogie et une lecture de Zone éducation prioritaire par Diphtong Cie. Arnaud Labelle Rojoux, enseignant à la Villa Arson à Nice, invité à «présenter la re-

World of interiors, performance de Ana Borralho et Joao Galante © X-D.R

création d’une performance du plasticien Jean Dupuy sur scène tournante ». Dieudonné Niangouna pour sa dernière publication Le Socle des Vertiges donnée à La Minoterie. Marine Richard pour une mise en lecture de son dernier texte Scotch ! ou encore David Wampach pour la création d’une forme avec l’auteur Jérôme Game… ActOral ouvrant une fenêtre sur les écritures méditerranéennes, rendez-vous est pris avec les écritures italiennes lors du focus Face à Face réalisé en partenariat avec l’Institut culturel italien à Paris et l’ETIEnte Teatrale Italiano (lectures-mises en espace en français de Les mains fortes de Marco Calvani et Italie-Brésil 3 de Davide Enia). Et le Portugal avec la performance qui ouvrira les «joutes» le 13

septembre : World of Interiors/Mundos Interiores/Mondes Intérieurs mise en scène par Ana Boralho et Joao Galante à partir de textes de Rodrigo Garcia. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

ActOral Montévidéo et divers lieux de Marseille du 13 septembre au 13 octobre 04 91 37 14 04 www.actoral.org

Un salon évolutif

Art-O-Rama monte en puissance, animé depuis 2007 par la même ambition : «Faire découvrir, depuis Marseille, la création internationale la plus prometteuse». Le salon international d’art contemporain réunit aujourd’hui 9 galeries nationales et internationales, réserve son Show Room à 4 artistes de la scène locale (Boris Chouvellon, Cécile Dauchez, Sandra Della Noce, Bettina Samson) et donne un coup de projecteur à Pascal Martinez. Lequel est issu du Show Room 2009 et bénéficie d’un réel accompagnement : stand particulier, production d’un projet original et édition d’un premier catalogue monographique, à l’instar d’Émilie Perotto qui avait séduit publics et professionnels l’an dernier. La toile d’araignée s’agrandit également grâce à la mobilisation de nombreux partenaires qui ont compris l’enjeu d’Art-O-Rama et préparent Marseille 2013. Des libraires et éditeurs d’art regroupés au sein de l’Espace Éditions, Documents d’Artistes et la Fondation d’entreprise Vacances Bleues qui dévoilera en avant-première l’œuvre de commande à Boris Chouvellon avant de l’exposer dans l’un de ses établissements hôteliers. Autre évolution qui donne là encore une nouvelle

ampleur au salon : Art-O-Rama se déploie sur l’ensemble de La Cartonnerie et optimise ses 2000 m2 pour définir un meilleur agencement des stands et aménager un vrai espace de concerts, discussions et performances. À suivre donc sans restriction, dès septembre annoncé... MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Salon les 10, 11 et 12 septembre, expositions jusqu’au 19 septembre, Friche la Belle de Mai 04 95 04 95 36 www.art-o-rama.fr

Pascal Martinez, 04-04-1971, 2006, Show Room Art-O-Rama 2009 © X-D.R

Pascal Martinez, 04-04-1971, 2007, Show Room Art-O-Rama 2009 © X-D.R

Galerie Catherine Issert, St-Paul de Vence (Xavier Theunis) / Elaine Lévy Project, Bruxelles (projet Diligence) / Feinkost, Berlin (David Levine, Ignacio Uriarte) / gdm, Paris (Josephine Meckseper, Bill Owens, Martha Rosler) / L MD, Paris (Motoi Yamamoto) / Martos Gallery, NYC (Lincoln Tobier) / Meessen De Clercq, Bruxelles (Sarha Bostwick, Patrick Everaert, Fabrice Samyn) / Stephan Stoyanov Gallery, NYC (Jeff Gibson) / Triple V, Dijon (Emmanuelle Lainé, Pierre Ravelle-Chapuis, Michael Scott, Blair Thurman).


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RENTRÉE

BEST OF SHORT | ST-VICTOR | MUSIQUE DANS LA RUE

La Ciotat sur Courts

Du 10 au 12 septembre se tiendra la 9e édition du Best of Short Films Festival à La Ciotat. L’occasion de découvrir 80 films courts primés par un Grand prix ou un Prix du public dans les plus importantes manifestations consacrées au court-métrage, en France et à l’étranger, au cours de l’année écoulée : de Cannes à Hollywood, en passant par Clermont-Ferrand, Brest, Venise. En ouverture New York I Love You, les onze courts-métrages autour du même thème -Trouver l’amour- reprennent le principe de Paris je t’aime sorti l’an dernier, et dessinent en mosaïque le visage d’une ville amoureuse. En clôture, le 12 septembre, en présence des réalisateurs, vous pourrez goûter au meilleur du cinéma roumain, concocté par Alin Ludu, membre du jury qui attribuera les traditionnelles récompenses : le Soleil

d’Or, le Sable d’Argent et la Mer de Bronze. Une nouveauté cette année ? la sélection des meilleurs festivals internationaux consacrés à la vidéo mobile. Le jeune public ne sera pas oublié : les mini shorts leur sont destinés et leur jury, constitué d’élèves de section cinéma, décernera le Cochonnet d’or ! Et comme d’habitude, sur la place du Cinéma Lumière, le public pourra, dans la bonne humeur, échanger avec les réalisateurs, se restaurer, écouter de la musique, et danser. Un festival qui permet une bonne rentrée en cinéma et qui, sans chercher à dénicher la perle rare inaperçue, offre un panorama de grande qualité dans une ambiance conviviale. ANNIE GAVA

New York I love you © Vivendi Entertainment. All Rights Reserved

Best of Short Films Festival La Ciotat 04 86 13 22 70 www.bestoffestival.com

Les bons créneaux

L’abbaye célèbre Chopin, en ouverture, grâce au duo complice Alain Carré (comédien) et François-René Duchâble (piano) : un spectacle alliant musique et correspondance littéraire. Laurent Korcia entrelace les sonorités de son Stradivarius à l’orgue à bretelle de David Richard et au Quatuor Voce pour un programme de musiques de films. André Bernard dirige la brillante Petite messe solennelle de Rossini (Chœur Régional PACA) et le sombre Stabat mater de Pergolèse (Orchestre de chambre de Toulouse)

avec Cécile Larroche (soprano) et Rany Boechat (alto). Alberto Martini joue des Concertos de Vivaldi en compagnie d’I Virtuosi Italiani quand l’ensemble La Fenice de Jean Tubéry nous emmène « sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle » avec Ariana Savall (soprano et harpe) et des pièces issues de répertoires du 17e siècle, airs sacrés et profanes de Méditerranée.

J.F

Festival de Saint Victor du 23 sept. au 2 déc Basilique de Saint Victor, Marseille 04 91 05 84 48 http://www.chez.com/saintvictor

Laurent Korcia © Lisa Roze

Le 44e festival de Musique à Saint-Victor trace un joli parcours automnal de six concerts dans l’historique basilique fortifiée

Concordances communales Après que le Festival d’Aix a tiré ses fastueux rideaux et avant que les portes du Grand Théâtre de Provence ne rouvrent à l’automne, c’est Dominique Bluzet qui prend la suite du festival de rue fondé par Aix en Musique, et fait reprendre un bol d’air musical à la ville. Musique dans la rue c’est treize jours de rencontres entre de nombreux artistes et un public flâneur. Une manifestation qui laisse la place aux musiciens du crû, dont le talent n’est plus à affirmer dans ces pages, et sont loin d’être des artistes «régionaux» ! Dans une dizaine de lieux, places, terrasses, cours aixoises, des concerts gratuits d’une demi-heure se succèdent au fil de la journée. On y entend des formations de musique de chambre issues de l’Orchestre Philharmonique du Pays d’Aix ou de

l’Orchestre Français des Jeunes (en résidence au GTP), les pianistes Riccardo Arrighini, Selim Mazari, l’Ensemble Contraste, Cathy Heiting

et Jonathan Soucasse, Michiko Takahashi (soprano) et Michel Bourdoncle (piano), de jeunes pianistes de l’Académie internationale des Nuits

Orchestre Francais des Jeunes en concert dans la cour de l’Hôtel de ville, Aix © Agnès Mellon

pianistiques, Raphaël Pidoux et quelque violoncelliste, les percussions de Symblêma, Hélène Michaïlides (soprano) et Helmut Wilhelm (piano), le Trio George Sand, Les Festes d’Orphée, l’Ensemble de cuivres des Conservatoires de Paris, le Trio Talweg, Doodlin et son jazz vocal… Kwamé Ryan dirige en point d’orgue (payant celui-là) l’Orchestre Français des Jeunes dans la 9ème Symphonie de Mahler (le 25 août à 20h30 au GTP concert «Jeune public» le 23 août à 15h). JACQUES FRESCHEL

Musique dans la rue du 23 août au 4 sept Grand Théâtre de Provence, Aix 04 42 91 69 69 www.legrandtheatre.net


MINIATURES | CHAUD DEHORS | UN PIANO À LA MER

RENTRÉE 41

Danser la rue

Ouverture de saison dansée pour le théâtre de Cavaillon qui débute en Nomade(s) avec les Miniatures de Nathalie Pernette. En duo avec Arnaud Cabias puis en quatuor, ses chorégraphies sont des déambulations intimistes, au plus près des spectateurs, dans quelques villages de Vaucluse, des rendez-vous avec une rose, une apparition, une insomnie et des oignons. Les danseurs font des rues et des places leur scène naturelle, occupant l’espace au gré des propositions : au milieu de la chaussée lors de la danse robotique, énergique, presque dématérialisée qui précède la douce offrande d’une rose à un spectateur ; devant une table, dans un endroit plus discret, lorsque leurs mains, dans une chorégraphie enlevée, malaxent, transformant la matière en personnage pour le faire apparaître ; contre un mur, au calme, lors du partage généreux d’une danse tactile avec un

spectateur qui ressentira tout, les yeux bandés ; sur une place ou un parvis, lors de la chorégraphie sensuelle pour deux corps et dix couches de vêtements qui les transforment en délicats oignons, s’effeuillant mutuellement, silencieusement, gracieusement, au ralenti…

DO.M.

Miniatures Le 10 sept à 19h, au Thor Le 11 sept à 11h à Cavaillon Le 11 sept à 17h à Robion Le 13 sept à 19h à Lacoste Le 14 sept à 19h à Gordes Le 15 sept à 19h à Mérindol Le 16 sept à 19h à Noves Le 17 sept à 19h à Châteauneuf-deGadagne 04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com

Sous les pavés le punk !

L’amour qu’Aubagne porte aux Arts de la Rue se déclare dès le 4 septembre ! En prélude à une saison riche (voir p 36) deux évènements pour mettre le feu aux poudres ! 1789 vous fera vraiment vivre la Révolution ! Frédéric Michelet, au nom prédestiné, fait endosser au public le rôle de la foule, du Tiers Etat réuni, de l’armée révolutionnaire. Le spectacle de la Cie Aligator (Languedoc-Roussillon) sera ensuite en tournée en PACA. Un autre genre de mise à feu ? Celle d’Irina Popovska,

chanteuse russe punk electro récompensée dernièrement par une Bourse de Création de la Ville d’Aubagne, une des dernières cités à persister dans l’encouragement pécuniaire des jeunes artistes… Chaud Dehors Le 4 septembre Aubagne www.aubagne.fr

Le radeau de la Rumeur

Pour la 4e édition de son festival Un piano à la mer, la compagnie La Rumeur élargit son horizon et déploie sa série de récitals flottants, de spectacles et d’opéras en plein air dans trois cadres idylliques : à Marseille toujours, plage de Corbières à l’Estaque, le 10 septembre avec Piano Amoroso, mini fanfare et orchestre amoureux pour mains et huit instruments, Un piano a la mer, cie La Rumeur © X-D.R

et le 11 septembre avec le Cabaret Hoffmann, opéra flottant pour chanteurs, piano aqueux et fanfare symphonique ; à Bauduen c’est dans le décor naturel du lac de Sainte Croix que la fine équipe proposera Piano Amoroso (le 27 août) et le Récital lyrico déjanté (le 28 août) ; plus tard c’est beaucoup plus à l’Est que vous retrouverez le délirant radeau musical de Piano Amoroso (le 25 septembre), puisque la compagnie s’en va proposer ses talents à Antibes, sur la plage de la Gravette, non loin du port Vauban. Sachez par ailleurs que le prix d’entrée est laissé à la libre appréciation du public, selon un système de billetterie volontaire… DO.M.

Un piano à la mer, festival flottant Les 27 et 28 août, Bauduen Les 10 et 11 septembre, Marseille Le 25 septembre, Antibes www.larumeur.eu

Miniatures © Sebastien Laurent


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DISQUES

Ceux dont nous avons rencontré les auteurs, les interprètes, ceux que nous n’avions pas encore eu la place de chroniquer, d’autres encore, que nous avons particulièrement aimés, nous vous les proposons ici. Quelques pistes de notes et de mots pour un été de lectures et d’écoutes variées, et le souhait de vous offrir de belles plages de pages, des siestes sonores, des mondes qui s’ouvrent quand les soirées s’allongent…

Tout sur Robert

Bicentenaire. Deux enregistrements bousculent des préjugés concernant le génie symphonique de Schumann En cette année anniversaire de Robert Schumann, né le 8 juin 1810, voici une nouveauté originale. Lev Vinocour, pianiste russe de premier plan réputé dans le répertoire du compositeur allemand, grave pour la première fois l’intégrale de ses œuvres pour piano et orchestre : les opus de Schumann comme ceux arrangés par lui. On entend cinq enregistrements en première mondiale : la Fantaisie en la mineur, le Thème sur le nom ABEGG, le Concerto pour piano en fa majeur, un mouvement du Concerto en la mineur de Clara Wieck-Schumann et le Concerto en fa mineur d’Adolph Henselt. C’est le pianiste lui-même qui, avec la volonté de sortir des préjugés tenaces concernant, en particulier, les œuvres de la deuxième période créatrice du musicien, a retrouvé, reconstruit et arrangé certains de ces opus. Le résultat est probant (un livret explicatif très intéressant -dont hélas une majeure partie n’est qu’en anglais) avec l’Orchestre Radio-Symphonique de Vienne sous la direction de Johannes Wildner. «On dit beaucoup de choses fausses à son sujet (Schu-

mann). D’abord, qu’il serait un mauvais orchestrateur. Il est simplement plus original, très attentif aux couleurs et aux rythmes.» Sakari Oramo, éminent chef finlandais, prouve avec l’enregistrement de ses quatre symphonies, que Schumann était un aussi un orchestrateur génial. Leur valeur intrinsèque n’a rien à envier aux opus pour piano seul (de sa première période créatrice), ni aux Lieder. À la tête du Philharmonique de Stockholm, il détaille la polyphonie au cœur d’une fécondité instrumentale, allège les dynamiques avec une science d’équilibriste. JACQUES FRESCHEL

Coffret 3CD Intégrale piano & Orchestre RCA Red Seal 88697 35899 2

À noter Le 30e festival de La Roque d’Anthéron consacre à Schumann l’une de ses fameuses Nuit du Piano: trois concerts le 30 juillet au Parc du Château de Florans à 20h (Etsuko Hirose), 21h30 (Claire Désert) et 23h (Eric Le Sage). Au 62e Festival d’Aix : «Hommage à Schumann» (Lied, musique de chambre, lecture de correspondance) le 11 juillet à partir de 18h au grand Saint-Jean. Ses Liederkreis op. 24 sont chantés par Matthias Goerne le 19 juillet à 20h au Théâtre du Jeu de Paume.

CD Symphonies 3 & 4 Sony 88697 646872 9

Sacré violoncelle ! Le compositeur Olivier Greif (1950-2000) a eu une carrière en dents de scie : une ascension jusqu’en 1981 couronnée par la création au centre Pompidou d’un opéra de chambre Nô, commande de l’Opéra de Paris et de l’IRCAM, une décennie de silence, avant une relance haletante jusqu’à sa disparition précoce au seuil du XXIe siècle. Sa Sonate de Requiem de 1993 est une sorte de ballade douloureuse, sombre, aux fins contemplatives. Le piano (Giovanni Bellucci) soutient le phrasé large du formidable violoncelliste Henri Demarquette que l’on retrouve, toujours passionné, en compagnie de l’Orchestre National de France (dir. JeanClaude Casadesus), dans un bouleversant Concerto

d’inspiration sacrée, opus majeur d’aujourd’hui écrit en 1999. À connaître ! J.F

CD Accord - Universal 480 3761

À noter Henri Demarquette joue en trio à cordes avec David Grimal (violon) et Tomoko Akasaka (alto) Schönberg, Schubert et Kurtag au 13e Festival Messiaen au Pays de la Meije le 31 juillet à 21h à l’église du Chazelet.

Concerto pour ce violon Ce bijou de CD ne dure qu’une cinquantaine de minutes ! Seul le Concerto pour violon et orchestre en si mineur op. 61 d’Edward Elgar (1857-1934) y est gravé. Mais c’est le fruit d’une alchimie rare ! D’abord la rencontre d’une œuvre avec un instrument : Sir Elgar l’écrivit pour Fritz Kreisler il y a un siècle, et depuis ce concerto suscite un enthousiasme rare pour l’émoi qu’il dégage. Le grand Fritz jouait en 1910 le «Guarnierius del Gesù» qui porte aujourd’hui son nom. Il n’a, hélas, jamais enregistré l’opus 61 ! Reprenant le flambeau, c’est Nikolaj Znaider qui hérite de l’instrument mythique de 1741. Il en joue divinement, aidé en cela par la sonorité

homogène de la Staatskapelle de Dresde et par l’expérience irremplaçable de Sir Colin Davis. J.F.

CD RCA Red Seal / Sony music 88697 605882

À noter Nikolaj Znaider joue au Festival d’Aix le Concerto de Beethoven en compagnie du London Symphony Orchestra dirigé par Sir Colin Davis (le 18 juillet à 20h au Grand Théâtre de Provence).


DISQUES 43

Alchimie sonore La récente collection «Lyrinx Strumenti» se consacre à la découverte de claviers anciens. Après deux volumes Chopin à Vienne (LYR 2247) & Claviers Mozartiens (LYR 2251), la troisième gravure de la maison d’édition marseillaise s’intéresse à un membre de la dynastie Couperin (dont les plus célèbres demeurent Louis et François dit «Le Grand»). Armand-Louis Couperin (1727-1789) succéda à son père Nicolas, en 1748, à l’orgue de l’église Saint-Gervais dont les Couperin furent titulaires pendant plus de deux siècles. Son œuvre, assez «mince», n’en reste pas moins intéressante, en particulier grâce des pièces associant plusieurs claviers. Le programme de Sonate en trio, Symphonie de clavecin, Quatuor à Deux clavecins, Variations et divertissement (Les Quatre Nations) est interprété par deux instruments rarement associés : un clavecin Andréas Ruckers (1646) reconstruit par Pascal Taskin en 1780 et un pianoforte de ce dernier, conçu

en 1788. Taskin fut le facteur officiel de Louis XV et Louis XVI et administra la collection royale d’instruments. Pierre Goy et Nicole Hostettler jouent de concert ces duos dont il semblerait que certains manuscrits comportent des indications de nuances dynamiques : ce que le piano/forte (comme son nom l’indique) a l’avantage de pouvoir rendre. Les deux claviers forment un alliage inouï, une palette riche en sonorités expressives et contrastes exquis, grâce à l’usage de «jeux» finement choisis, du «celeste» au «forte» (cordes frappées), du «diminuendo» au «luth» (cordes pincées), subtilement actionnés par genouillères. Un disque étonnant à découvrir ! JACQUES FRESCHEL

CD Lyrinx LYR 2262

Le roi Boris Ce disque offre un intérêt double. D’abord parce qu’entendre Boris Berezovsky dans Liszt constitue en soi un événement, tant les moyens pianistiques du Russe explosent dans le répertoire virtuose du compositeur hongrois. Ensuite parce que, pris sur le vif, l’enregistrement gagne en tension, en vitalité spontanée, et que cela convient particulièrement à la bête de scène qu’est Berezovsky. De fait, sa version de la Sonate en si mineur, monument du romantisme, est absolument haletante, puissante, échevelée, mais formidablement dessinée: les hachures rapsodiques, tracées à pleine paluche et sans filet, fusent de toutes parts. Venezia et Napoli, MephistoValse n°1 et Harmonies du soir complètent un récital aussi puissant que subtil : fascinant ! J.F.

CD Mirare MIR 099

À noter Invité incontournable du Festival de La Roque d’Anthéron, Boris Berezovsky s’y produit le 24 juillet dans les Concertos n°2 et 3 de Rachmaninov et en duo complice avec Brigitte Engerer le 1er août (Concerts à 21h30 - Parc du château de Florans).

Brian Jonestown Massacre le père Nul besoin de onze écoutes pour saisir que le 11e album des BJM est une réussite. Avec cet ironique Who killed Sgt Pepper ? et sa pochette à peine provocatrice, le groupe brouille les pistes : rompant avec ses fans par son revirement shoegaze, concédant pourtant sur la scène du Cabaret Aléatoire en avril dernier une prestation formatée pour ceuxci. Quelle mouche a donc piqué Anton Newcombe, leader du groupe dont la mégalomanie n’a d’égale que la volonté d’indépendance artistique ? La réponse est à chercher dans le désir de bousculer les carcans de l’industrie musicale, qu’illustre le choix du label de musique indépendante Differ-

Ant. L’album nous offre ainsi une introduction éthérée, un développement foisonnant de références (dont un Joy Division à peine caché) et une conclusion-interview de John Lennon. Le message est clair : Sergent Pepper est mort, passez à autre chose ! PASCALE FRANCHI

Who killed Sgt Pepper Brian Jonestown Massacre Differ-Ant

Psyché rock Dès l’intro instrumentale à l’énergie contagieuse, Skylarking de Mina May donne le ton, et le tempo. Presque psyché à l’écoute des nappes sonores du claviériste, même hypnotique à l’instar du superbe titre into your mouth, la complicité des quatre compères toulonnais saute aux oreilles. Et même la tête vacille en passant du noisy à l’arrangement électro, la saveur croisée de ces sept titres ne faiblit pas. Sonic Youth ? John Spencer Blues Explosion ? Death in Vegas ? Pink Floyd? Avec des appels d’air pareils, le charme opère et rien ne vous

empêche d’aller tâter la «performance» live le 24 juillet prochain à la Villa Noailles (voir p. 32). Comme quoi il suffit de ne pas aller bien loin pour trouver le bonheur, même si le jeune quatuor est allé se faire un nom au Canada ! F.I.

Skylarking Mina May Silverstation


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DISQUES

Attention sirène Si vous voulez basculer en quelques titres dans un monde chimérique, il vous suffit d’enclencher The dreamer’s dances d’Ameylia Saad Wu, artiste complète et cosmopolite. Chanteuse lyrique et harpiste, celle qui se voulait sirène cultive avec bonheur ses origines : sino-libanaise, réunionnaise et depuis dix ans installée chez nous. Avec les treize titres où elle accompagne sa voix au timbre velouté à la harpe celtique, la sirène fait exploser les cloisons, mêlant compositions personnelles et adaptations d’airs traditionnels irlandais et chinois. S’écoutant comme un cycle découpé en trois parties

(earth, love & dances cycle), ce premier album est sans contexte une grande réussite, qui laisse sur le bord de la route les clichés dévolus à l’instrument celte et trouve une symbiose singulière entre une voix lyrique qui a su trouver la couleur adéquate et un instrument qui respire la volupté. FREDERIC ISOLETTA

The dreamer’s dances Ameylia Saad Wu autoproduction

Poète sans frontière Enfant des Comores, l’inclassable marseillais Ahamada Smis n’a besoin que de quelques mots bien placés pour penser sa musique, qui oscille entre le hip hop cher à sa ville d’adoption et la world qui coule dans ses veines. Rompu aux techniques du slam, ce jongleur de mots concentre dans les seize titres de l’album Être des rencontres géniales et parfois inattendues venues d’Afrique noire en passant par la funk, la soul, le rap… Avec des featuring enregistrés de Kinshasa aux Comores et de multiples collaborations, il pare ses textes travaillés et intelligents de couleurs rutilantes. De passage dans la région aux Voix du Gaou en ce mois de juillet (voir p 34), notre

slameur du monde semble fédérer un genre qui a besoin de sang neuf et d’énergie créatrice. Alors, un petit tour sur l’île du Gaou pour retrouver cet artiste engagé au verbe haut ? on a tous besoin d’une slamothérapie mosaïquée… FRÉDÉRIC ISOLETTA

Être Ahamada Smis Colombe Records Les Voix du Gaou, Six-Fours www.voixdugaou.fr

Piqué au vif Le quatuor grenoblois ne fait qu’Un, en douze titres qui dévoilent au grand jour le concept Ortie. Presque plus noise que rock, le bouquet d’Ortie laisserait volontiers quelques feuilles envahir la planète électro. Il faut dire qu’après le premier essai Zéro aux cinq titres parus en 2009, il fallait laisser pousser et se développer Un, premier véritable album dont la gestation s’est révélée créatrice. Noisy et pourtant jamais confus grâce notamment à une rythmique incisive insufflée depuis la batterie, Ortie est une plante à deux têtes,

deux voix (guitare et batterie), deux voix complémentaires portées par les autres membres du quatuor. Rappelant par moment The Youngs Gods ou Radiohead, Ortie ne se noie jamais dans ses influences et offre un brulot sombre et rageur. F.I.

Un Ortie autoproduction

R.O.C.K Qui a dit que Marseille n’est pas une ville de rock ? La présence dans notre cité de groupes émergents comme The H.O.S.T, trio ayant contracté le virus d’une musique ni world, ni hip hop, ni r’n’b mais bien rock’n roll, est un heureux présage. Love, birth and disillusions, deuxième opus aux treize titres énergiques, annonce une vraie résistance aux envahisseurs ! Sans accent et en anglais : l’identité se forge surtout à coups d’idées et d’influences bien digérées. Mélodieux mais également puissants, habités de riffs bien acérés, les titres enlevés de cet album seront jetés en pâture

sur le Quai du port le 21 juillet prochain dans le cadre de Rock on the beach organisé par le magazine Rock & Folk. De quoi convaincre les sceptiques et les curieux par une découverte live ! F.I.

Love, birth and disillusions The H.O.S.T auto production -The Factory

Vent d’Ouest Sur la scène électro-dub, les nantais du Dub Orchestra se font une place. Les cinq compères venus d’horizons très différents ont façonné leur identité composite, punk-rock, dub et reggae, le sillon du sound-system étant trop étroit à leur gout. Leur Dub Orchestra est un savant mélange instrumental de toutes ces composantes : rock-fusion ou sonorités planantes presque psychédéliques, passant de temps en temps par de simples rythmes syncopés dignes des origines du reggae, les douze titres s’apprécient à la fois par leur unité

et leurs richesses intérieures, n’oubliant jamais un bon drum’bass toujours efficace. Passés par la case Vieilles Charrues, les nantais seraient à coup sur appréciés au Sud, et y poseraient volontiers leurs sound-systems ! F.I.

Sonic deviance Dub Orchestra Mosaïc Music Distribution


ARTS

La Lionne de Marseille Régine Crespin nous a quittés le 5 juillet 2007 à 80 ans. Une exposition au Palais Garnier (à voir jusqu’au 15 août), coproduite par l’Opéra National de Paris et la Bibliothèque Nationale de France, retrace la carrière de celle qu’on surnommait parfois «La Lionne de France»… peut-être pour sa faculté à passer du calme apparent à la sauvagerie… comme dans Tosca ! Dotée de moyens extraordinaires, d’un timbre ample, clair et d’une déclamation noble du français, elle a régné sur la plupart des scènes du monde. Le problème avec la Crespin, c’est qu’on a un peu de mal, après elle, à écouter d’autres cantatrices! À l’occasion de l’exposition, Actes Sud coédite avec l’Opéra de Paris un bel hommage bibliographique : un catalogue de belles

photos chronologiques, clichés de spectacles ou portraits privés, de ses débuts à Nîmes aux triomphes internationaux dans Wagner, Verdi, Puccini, Gounod, Berlioz, Strauss, Poulenc… Jusqu’aux adieux en 1989 après 40 ans de carrière. Un souvenir qui ravit les fans de la diva marseillaise, agrémenté des contributions affectueuses d’André Tubeuf et Hubert Nyssen. JACQUES FRESCHEL

Hommage à Régine Crespin André Tubeuf, Hubert Nyssen, Christophe Ghrisbi Éditions Actes Sud, 29 euros

Belle Troyenne La recréation d’Andromaque de Grétry a marqué les esprits en octobre 2009 au Théâtre des Champs-Élysées et à Bruxelles lorsque l’opus fut donné en version de concert. Alors qu’on assiste aux représentations (enfin !) mises en scène par Georges Lavaudant à Montpellier, on se procure aussi l’enregistrement de la tragédie-lyrique très proche des vers de Racine. Hervé Niquet, le Concert Spirituel, en collaboration avec le Centre de Musique Baroque de Versailles et le Centre de Musique Romantique Française (Palazetto Bru Zane), poursuivent avec Andromaque la redécouverte d’œuvres oubliées du répertoire français. On avait déjà apprécié la parution de livres-disques, dans une très belle édition et fort joliment documentés, consacrés à Callirhoé de Destouches, Proserpine de Lully ou Sémélé de Marin Marais. Andromaque est la seule Tragédie-Lyrique d’André Ernest Grétry (1741-1813), davantage connu pour ses opéras-comiques de

caractère plus léger. Créé en 1780, à l’époque où Gluck quitte la France, l’auteur en appelle au Grand-Siècle, à Racine (1667) et aux origines du genre fondé par Lully. Cependant, cette œuvre regarde aussi vers l’avenir et ce qu’en feront, en France, les Romantiques… jusqu’à une forme d’aboutissement que constituera Les Troyens de Berlioz. La partition d’Andromaque est formidablement servie par Karine Deshayes, veuve d’Hector, sombre tragédienne très musicale, Maria Riccarda Wesseling, mezzo-soprano altière pour la fière Hermione et par le solide ténor Sébastien Guèze (Pyrrhus). JACQUES FRESCHEL

Livre & 2CD, Glossa GES 921620-F Andromaque est représenté au Festival de Radio France à Montpellier les 12 et 13 juillet

Romances sans parole Éminent spécialiste Lisztien, Bruno Moysan s’intéresse ici au genre de la fantaisie, peu étudié et pourtant significatif du monde théâtral qu’est l’Europe de Liszt, où le compositeur virtuose tiendrait naturellement le rôle principal derrière son clavier. Une Europe sans frontière à l’image de la fantaisie pour piano de Liszt paraphrasant de manière poétique et virtuose l’opéra italien de Rossini, Donizetti, Bellini, les contemporains français Auber et Meyerbeer ou encore le déjà célèbre Don Giovanni de Mozart pour une société acquise au bel canto. Ce «lien social» qu’est la fantaisie fait l’objet d’une étude particulièrement soignée sur les années 1830-1848 et la vie parisienne de cet habitué des salons. Ce genre, «fondé sur le plaire» peu prisé des pianistes de nos jours, était pourtant le fer de lance des programmes du héros

romantique si prompt à se placer aux avant-gardes de la société. Les liens invisibles qui nourrissent les inspirations du compositeur et le monde qui l’entoure, social et politique, apparaissent comme évidents à la lecture de Liszt virtuose subversif qui, comme toujours aux éditions Symétrie, propose un regard neuf et une pensée singulière autour ici d’un compositeur pourtant sujet à de nombreux écrits. FREDERIC ISOLETTA

Liszt virtuose subversif Bruno Moysan Ed. Symétrie, 45 euros

La musique du roi soleil Sous la direction de Jean Duron, musicologue et directeur du Centre de Musique Baroque de Versailles, les éditions Mardaga publient Le Prince et la Musique, Les passions musicales de Louis XIV, étude complète et riche en enseignements sur la relation particulière qu’a entretenue toute sa vie le souverain avec la musique. Décliné en quatre grands chapitres composés d’articles d’éminents spécialistes, l’ouvrage, agrémenté de superbes iconographies, aborde «l’héritage et l’éducation du roi, le goût du roi, la mise en scène par l’objet et l’image et la musique : une affaire d’état.» Abondamment documenté et foisonnant de détails et anecdotes, cette étude se parcourt néanmoins avec plaisir et facilité grâce aux changements de focale de chaque

articles. De Versailles et son théâtre quotidien ouvert aux arts, «premier temple de musique du monde moderne», aux «politiques culturelles» menées par le roi soleil où art rime avec goût mais surtout pouvoir, les passions musicales de Louis XIV n’auront plus de secret pour vous. F.I.

Le prince et la musique Jean Duron Ed. Mardaga, 29 euros

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ARTS

Quand Kirikou rencontre Wallace Il y a du Pygmalion dans tout réalisateur de films d’animation ; insuffler la vie à une figurine de papier, de chiffon, de pâte à modeler relève du divin ou tout au moins de la magie, «seule façon sérieuse d’aborder la réalité» selon le tchèque Jan Svankmajer primé à Annecy en 1983. À l’occasion des 50 ans du festival savoyard, les organisateurs publient un beau livre d’images, accompagnées de textes courts en français et en anglais. 50 créateurs plus ou moins connus, de toutes nationalités et de tous âges, ayant participé à l’aventure de cette manifestation internationale, devenue un rendez-vous majeur pour les passionnés du genre, proposent 50 cartes d’anniversaire. Mises en scène de leur création ou de leurs créatures étranges. Voyage visuel rétrospectif. Photo de famille.

On y retrouve le graphisme élégant de Jean-François Laguionie, l’expressionnisme d’Adam Elliot, les facéties de Bill Plympton, les pastels de Florence Miailhe, la noirceur des gravures sur plâtre de Régina Pessoa et 45 autres propositions. Trois questions sont posées à chaque artiste : Quel film, quel auteur vous a le plus inspiré ? Qu’est-ce qui vous a amené à l’animation? Vous et le festival : un souvenir, une anecdote un souhait? Leurs 150 réponses soulignent, outre l’importance des rencontres d’Annecy, la diversité des influences artistiques de chacun. Un livre à feuilleter, à laisser s’ouvrir aux pages qu’on aime et qui donne l’irrésistible envie de se rendre au bord du lac pour la prochaine édition du festival. ELISE PADOVANI

Hommage à l’hexagone Il aura fallu un peu moins de trois ans, de 1973 à 1976, pour construire sur les hauts du Jas de Bouffan à Aix un des symboles des utopies artistiques du XXe siècle : La Fondation Vasarely. L’ouvrage coédité par Images en manœuvre retrace à grands traits et nombre détails (manquent quelques plans, croquis et maquettes) la genèse du projet et sa réalisation, en croisant le parcours exceptionnel de son fondateur avec les témoignages des acteurs non moins prestigieux ou complices de la première heure : Denise René, la galeriste de la première chance, Claude Pradel-Lebar (chargé à l’époque des 42 œuvres monumentales puis directeur du centre architectonique de 1975 à 1982), John M. Cunningham et Adrian Kelly et bien sûr le petit-fils et actuel président de la fondation, Pierre Vasarely. Des photos d’archives privées et de la fondation renforcent ce corpus documentaire. Dans la seconde partie, les photographies com-

mandées intra et extra muros à Xavier Zimbardo alternent avec des citations empruntées à Victor Vasarely, pour s’offrir comme un livre d’images vibrantes entre vues d’ensemble et plans rapprochés, graphismes et couleurs, en écho à la polychromie des intégrations architectoniques. Au final, nous ne tenons entre les mains ni un livre d’architecture ni le catalogue d’une collection, mais une chronique en forme d’hommage évoquant ce que devait être le projet d’un artiste certain de sa responsabilité dans l’espace social. Selon Pierre, Victor Vasarely était communiste, mais ce n’est pas précisé dans le livre. CLAUDE LORIN

La fondation Vasarely de l’op art à la cité polychrome du bonheur édition trilingue français, anglais et hongrois coédition Images En Manœuvres-Fondation Vasarely, 32 euros

Parcours initiatique Quels chemins emprunter après Cézanne pour accéder au mythe de la Sainte Victoire ? Bénéficiant d’une résidence d’un an, Jean-Christophe Ballot a cherché cette fascinante confrontation au gré des quatre saisons. Inspiré notamment des trente-six vues du Mont Fuji d’Hokusaï, le photographe a arpenté le territoire selon différents cheminements : de près et du lointain, du promontoire ou de la vallée, des instants de l’aube au crépuscule, révélant le motif monumental ou ténu entre les frondaisons, sa puissante minéralité ou sa présence évanescente entre les brumes. Ici la figure mythique s’impose ou se laisse entr’apercevoir, comme elle donne aussi à voir ses géographies. 34 photographies couleur alternent avec 22 noir et blanc aux accents parfois pictorialistes. C’est par l’une de ces dernières que le parcours commence comme par nostalgie. La montagne apparaît entre les

écharpes de nuages, sa ligne de crête en profil sculpté versé à l’horizontal. Jean-Christophe Ballot évoque dans sa présentation une forme d’incarnation ; dans la préface, François Barré pointe que le travail de toute variation -plastique ou musicale- est aussi recherche de soi ; tout au long de ce cheminement initiatique des extraits de La Leçon de la Sainte-Victoire résonnent en off des pensées de Peter Handke. L’ouvrage se termine par une petite série plus intime dédiée au site cézannien de Bibémus. On rejoint la poésie du paysage et de son sublime. CLAUDE LORIN

Les trente six vues de la Sainte-Victoire Jean-Christophe Ballot Editions Gallimard, 29 euros

Créateurs et créatures 50 ans de festival international du film d’animation d’Annecy Edité par la CITIA, éd Glénat, 39 euros


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Penser la ville

Grand Prix de l’urbanisme en 2009, François Ascher nous a quittés récemment, laissant derrière lui une pensée urbanistique unique sachant fédérer les savoirs de tous les domaines, alliée à une revendication de liberté pour l’individu et les sociétés qui permet d’édifier une vision nouvelle de la ville. L’ouvrage Organiser la ville hypermoderne, publié aux éditions Parenthèses et dirigé par Ariella Masboungi, est un véritable manifeste pour la recherche urbaine qui prend appui sur les postulats du brillant et inclassable penseur, un entretien, des témoignages riches en enseignements, et une anthologie de précieux documents. Ainsi se dessine l’image de cet esprit impertinent qui aura su interpeller décideurs et

professionnels. Destiné à des spécialistes comme à des néophytes passionnés et curieux, ce livre richement illustré est un outil indispensable pour qui s’intéresse à la ville de demain. Et au projet de société ressortissent de son édification. FREDERIC ISOLETTA

Organiser la ville hypermoderne François Ascher Ed. Parenthèses, 16 euros

Le palais des rois Conçu comme un guide touristique artistique, ce petit guide bilingue saura combler tous les amoureux de Versailles et des richesses inouïes dont regorge ce haut lieu de l’histoire de France. Avec les textes concis et précis de Frédéric Martinez et les superbes photos de Gilles Targat, Versailles Le palais des rois et ses multiples entrées (120 au total) se dévore avec une facilité déconcertante. Le château bien sûr avec sa chapelle royale, son opéra royal, sa cour de marbre, ses jardins, ses bassins, ses groupes de statues ou ses appartements royaux mais également la ville, avec entre autre l’hôtel des Menus-Plaisirs, sont analysés dans leurs moindres détails et enseignent facilement l’histoire de ce théâtre de tous les instants. Promenade

instructive et foisonnante d’érudition au cœur du château le plus célèbre du monde, la lecture de cette petite bible sera à coup sur un allié de poids pour comprendre l’idéal de beauté et de munificence de la monarchie absolue. F.I.

Versailles Palais des rois Frédéric Martinez, Gilles Targat Ed Chêne, 14,90 euros

Une écriture des limites En 2008, la Zip de Barjols avait déjà mené une recherche avec le Foyer Oriane, qui avait donné lieu à une exposition, Autistes Artistes, mots, dessins, objets, pour donner un sens à la dislocation, à l’enfermement… Vouloir comprendre l’autisme nous entraîne dans un monde autre, aux limites de nousmêmes, dans le cycle fermé des répétitions, des mots psalmodiés, au point d’en perdre leur sens, gardant juste, semble-t-il, leur valeur incantatoire. Si «je est un autre», cet autre, comment le rejoindre, l’atteindre ? La belle démarche du poète Guillaume Fayard, en résidence d’écrivain au centre d’hébergement pour autistes à Barjols, tente une approche avec les résidents et le personnel de l’établissement… En émerge un recueil poétique, Sans Bord et Sans Urgence, fondé sur l’observation de l’autre, la reproduction de son langage. Qui a dit qu’il servait à communiquer ? Ici, il se replie sur lui-même, dans la «densité atomique de la répétition». Le texte poétique oscille entre la copie

fidèle de ce qui est, manifestation extérieure de la maladie, et de fulgurantes intuitions. Ainsi, l’autisme dans ses lancinantes répétitions devient rythme cosmique, «le soleil revient tous les jours» affirme le poète. Un texte qui interroge, nous renvoie aussi à nos propres manies. Le poète encore cherche au plus profond de l’inconnu, dans un bel élan altruiste… le lecteur dispose des clés et du sens, et atteint peut être cet autre qui est en lui. MARYVONNE COLOMBANI

Sans Bord et Sans Urgence Guillaume Fayard, introduction Philippe Blanc, psychologue clinicien Editions Plaine Page, collection Résidence, 10 euros

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LITTÉRATURE

Instant-années

Deux hommes, le même quand cette rue roule bord sur bord présent passé et c’est en prose qu’il avance même si ses pas semblent comptés laissant derrière lui son poème.

Parce qu’elle rassemble des moments de vie qui se dérobent à la chronologie, la poésie de Jean-Luc Sarré est au présent, mais la mémoire, la perception mélancolique et inquiète du temps creusent ces instantanés. Ainsi de cet Autoportrait au père absent, construit comme un diptyque sur deux mètres différents, qui place «bord sur bord» présent et passé, père disparu et fils, fantômes bien vivants des souvenirs et présent qui se délite. L’ensemble suggère une autobiographie en pointillés, qui semble fuir par discrétion l’introspection, préférant aux confidences démonstratives une forme de connivence subtile. C’est cette même intensité comme tenue à distance, de celui qui aura «vécu presque, mais jamais un peu», qu’on

retrouve dans les carnets que réunit Comme si rien ne pressait. Les notes rassemblent les croquis au trait précis d’un univers familier, vu depuis une fenêtre. L’attention exacte aux choses et aux mots sait trouver l’éclat d’un «petit monde illimité» : les arbres sous le ciel qui change, la lune en train de fondre, les chantiers et le bureau de tabac, la fatuité irritante des gens sûrs de bien se porter. Formules qui ont la densité d’aphorismes précaires, (auto) dérision féroce mais sans cynisme, mélancolie souriante, élégance et «étrange simplicité» d’une langue singulière, dessinent dans les deux ouvrages un portrait fragmentaire qui a la justesse d’une note musicale et la légèreté grave d’une esquisse. AUDE FANLO

Comme si rien ne pressait, La Dogana, 2010, 22 euros Autoportrait au père absent, Le Bruit du Temps, 2010, 12 euros Jean-Luc Sarré

Crimes sans châtiment

Au pays de Dracula, le crime court les bois ; du temps de Ceaucescu, la terreur court les rues... La Moldavie n’est pas les Carpates, mais le fond des lacs est tapissé de cadavres et le diable mène la danse. Faut bien un peu raconter : Roumanie, fin du XXe siècle ; un village reculé, des bois profonds, et un lac aux sortilèges (la Fosse aux Lions) ; un innocent qui en cache un autre, dépassé par ses pulsions criminelles, trouve la rédemption dans l’Écriture, entouré des élans mystiques de sa mère et de sa sœur ; des âmes pures et des damnés de la vie ; un pope bon et un pope méchant ; les horreurs de l’Ancien Régime et les dévoiements de la démocratie, tout y est et le projet ne manque pas de grandeur. Liliana Lazar, imprégnée de la culture et de l’histoire de son pays natal, et dont c’est le premier roman, a parfois les accents de Victor Hugo pour dire en français la puissance des lieux, la folle poussée des contraires, l’ironie des destins (le criminel devenu écrivain à succès échappe à la justice en se réfugiant dans un monastère) et campe un

personnage singulier : le tzigane Ismaël, figure éternelle de l’esclave dont l’âme possède les clefs de la vie en pactisant avec l’Obscur. Mais l’écriture reste corsetée, paralysée par le tant à dire (transmission méthodique des us et coutumes, réalisme folklorique) ou le convenu d’une certaine langue (celle des romans pour la jeunesse appliquée à signifier). Liliana Lazar peine à s’affranchir de ces «silhouettes cachées derrière les fourrés», de ces «intérieurs modestes mais entretenus avec soin...», ou pire, de ces «humbles demeures» et de cet imparfait flottant qui a englouti plus d’un écrivain ! La phrase trop simple ne permet pas la bonne distance avec une matière aussi prégnante. Mais le roman a plu et les éditions Gaïa ont déjà reçu plusieurs prix pour l’ouvrage ! MARIE-JO DHO

Terre des Affranchis Liliana Lazar Editions Gaïa, 18 euros

Entre deux mondes Une quinzaine de kilomètres seulement séparent le Maroc de l’Espagne… et pourtant, ce sont deux mondes si différents ! Sous la plume alerte de l’écrivaine Najat El Hachmi, auteur de l’essai Moi aussi, je suis catalane, défile la vie d’un Marocain qui devra faire l’apprentissage de l’exil. Et de sa propre vie aussi, lui le Dernier patriarche, qui trimballe un mal être permanent, une lâcheté face à ses vicissitudes et aux tourments qui l’empoisonnent. Lesté par une immense fratrie dont le destin est tracé par les ancêtres. Mimoun, c’est son nom, s’avère être le père de la narratrice qui décrit avec humour son caractère autoritaire et intempestif, ses humeurs et ses crises, son esprit fragile et dérangé. Tenu à distance au début du roman par le ton semi amusé, et parce qu’elle n’écrit jamais «mon père», Mimoun occupe chaque ligne, chaque espace, chaque respiration entre ses phrases courtes, ses anecdotes visuelles, ses répliques presque sonores («paf, la gifle !»). De rebondissements en

errances, à travers la figure du Père en fuite ou omniprésent, c’est toute une culture qu’elle évoque cadencée par le poids de la religion, la prégnance des traditions, l’incohérence des coutumes… De part et d’autre du détroit de Gibraltar ! C’est qu’elle étouffe dans cette vie étriquée, elle qui subit la peur de sa mère au creux du ventre, les maternités subies, le silence de l’adultère, le jugement des deux sociétés. Alors, comment survivre à cela ? En choisissant la fuite, et la vengeance comme un coup de poignard dans le dos de Mimoun… Si ce n’était raconté comme une «histoire imagée», on croirait que Le Dernier patriarche est une «tragédie». MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Le Dernier patriarche Najat El Hachmi Actes sud, 22,80 euros


LIVRES

Pêche miraculeuse

Sur la couverture de la récente édition française, un hameçon ; partout dans le livre, des références aux poissons. Si le 2e roman d’Eugenia Almeida n’a rien d’un manuel de pisciculture, l’écrivaine argentine y file pourtant la métaphore, interrogeant en une fable contemporaine la normalité, la liberté individuelle, nos rapports aux autres également. L’histoire donc se passe dans une ville quelconque de la province argentine. Chacun y évolue à sa place, dans son aquarium. Gare à celui qui s’avise de sauter hors du bocal. Le commissariat et la clinique psychiatrique ne sont pas loin… Certains pourtant, revenus de «l’autre côté du monde», se plantent là dans le paysage ordinaire et le font changer. Ainsi l’inconnu installé sur la place, sorte de vagabond mutique auquel Sofia la serveuse et Frias le policier viennent se confier. Ainsi Elena, médecin psychiatre nouvellement nommée dans

l’hôpital où elle avait été internée adolescente, dont la présence bouleverse hiérarchie et routines. À leur contact, l’existence des autres se modifie, les émotions et les mots reviennent. Le récit ricoche en 60 brefs chapitres, qui multiplient les voix narratives et font remonter à la surface ce que chacun gardait dans sa pièce du fond, deuils et blessures secrètes, rêves et souvenirs. Kaléidoscope fragile, émouvant. Éclats de vie exhumés de la vase, écailles étincelantes restées collées aux doigts. FRED ROBERT

La pièce du fond Eugenia Almeida traduction de François Gaudry éditions Métailié, 18 euros

Ceux de Fridières

Lorsqu’elle répond à la petite annonce de Paul, Annette sait qu’il lui faudra s’acclimater à ce «pays, ramassé sur lui-même, clos et voué à le rester autant par les fatalités de sa géographie et de son climat que par les rugueuses inclinations de ses habitants.» Elle comprend vite qu’«on finirait au mieux par être toléré à Fridières, on n’y serait pas accueilli.» Pourtant, elle laisse le Nord, ses espaces confinés, ses anciennes souffrances et débarque avec Éric son fils de 11 ans, dans un Cantal en pleine gloire de juin, lorsque la «rutilance somptueuse» de la nature laisse les humains sans voix. Il lui faudra faire avec la rudesse des lieux, les orages, les chutes de neige et la nuit qui ne tombe pas mais «monte à l’assaut» et prend «les maisons les bêtes et les gens». Il lui faudra surtout faire avec ceux de Fridières: Nicole, la sœur, d’une efficacité et d’une agressivité redoutables, et les deux oncles, vieux originaux bardés de rituels et de certitudes. Pourtant, peu à peu,

Annette et Eric prendront leur place dans ces lieux, dans cette histoire qui désormais se fera avec eux. Marie-Hélène Lafon relate cet apprivoisement dans une langue vibrante, toujours en quête du mot juste, qui réussit l’alliance du sobre et de l’exubérant, du prosaïque et du recherché. Des taiseux qu’elle met en scène, elle rend l’authenticité et la force. Et l’histoire d’amour qu’elle retrace pudiquement, selon d’habiles navigations temporelles, on aime à croire, comme Paul, qu’elle est «pour vivre et durer». FRED ROBERT

L’annonce Marie-Hélène Lafon éditions Buchet Chastel, 15 euros M-H Lafon a été l’invitée d’Ecrivains en dialogue le 8 juin à la BDP de Marseille

Christine, Antoine, Viviane et les autres

On avait frémi dans la main du diable, suivi pas à pas l’enfant des ténèbres. C’est donc avec délectation qu’on a ouvert le troisième et dernier volet de la saga BertinGalay. Un pavé de quelque 700 pages, paru pile avant l’été, quel bonheur ! À nous les lectures au long cours, les joies du récit feuilletonnesque et les petites histoires dans la grande. Anne-Marie Garat reprend le fil de son «roman séculaire» le 15 août 1963. Pense à demain, titre dont on se gardera bien de donner toutes les clés, met en scène la génération des enfants, autour de Christine, fille de Camille Galay et de Simon Lewenthal. La fiction illustre la thèse récurrente: du passé ne faisons surtout pas table rase. Or, «on aurait dit cette génération des parents privée d’antécédents, ou bien frappée de même amnésie.» Ce 3e opus relate donc la quête par quelques jeunes gens obstinés de la véritable histoire de leurs ascendants. Tout cela sur fond de grèves à la Sorbonne, dans une atmosphère de libération des mœurs et de bouleversements sociopolitiques qui rapprochent les 2 côtés (comme chez Proust !), celui des nantis, des

anciens maîtres, et celui des «gens du Mesnil», dont les enfants, Antoine en tête, refusent désormais le paternalisme pas si débonnaire que ça. Car les temps changent et pour certains l’heure est venue de payer… On retrouve les descriptions minutieuses et les phrases en cascade (encore Proust décidément !), les allées et venues dans l’espace et dans le temps (toujours Proust!). D’où vient alors qu’on n’accroche pas totalement ? Truffées de citations de textes ou chansons célèbres, les phrases pèsent souvent des tonnes. Et que dire de l’épilogue long de presque 100 pages ? Garat semble s’être empêtrée dans la restitution d’une époque qui est celle de sa jeunesse. De foisonnant, le récit devient lassant. Dommage ! FRED ROBERT

Pense à demain Anne-Marie Garat éditions Actes Sud, 24 euros Les 2 volumes précédents sont disponibles dans la collection Babel

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LITTÉRATURE | HISTOIRE

Dans les noirceurs de l’âme Ils ont tout de Robinson ces deux-là, isolés volontaires sur une île hostile, en prise directe avec les éléments, composant au gré des jours une cabane à bois, un fumoir pour le saumon fraîchement péché, un gardemanger pour les jours où tout sera plus rude… Un père, Jim, et son fils adolescent de treize ans, Roy, s’installent sur une île sauvage de l’Alaska, Sukkwan, une année durant. Une île sur laquelle «la végétation [est] certes luxuriante, mais rien qu’une simple végétation», où «les choses étaient crûment ce qu’elles étaient et rien d’autre», et où père et fils vont devoir cohabiter dans «une cabane grise et battue par les vents». Drôle d’endroit pour une rencontre, puisque c’est bien de ça qu’il s’agit : d’un père qui compte faire la (re)connaissance de son fils, dans un face-à-face aventureux, et viril, avec, au menu, chasse, pêche et discussions. Mais surtout survie. Le lecteur va vite se trouver confronté à un insou-

tenable suspense, plongé qu’il est dans un univers paradoxalement étouffant où il ne se passe pas grand chose mais où chaque geste, chaque mot est plombant… Dans un style sobre et dépouillé, David Vann, dont c’est le très prometteur premier roman, promène habilement ses lecteurs de fausses pistes en vrais malaises, en un crescendo habile qui distille dans l’atmosphère une violence latente qui finira par éclater. Jusqu’au point de non-retour –il est tout simplement impossible de dire ici pourquoi ni comment- qui fait basculer le récit dans les méandres insondables de la folie. DO.M.

Sukkwan island David Vann traduction de Laura Derajinski Éd. Gallmeister, 21,70 euros

Fête en fictions La Pensée de Midi fêtait le 1er juillet à l’Alcazar ses dix ans d’existence, en compagnie de Fawzia Ouari, Mustapha Benfodil et Velibor Colic, trois des onze écrivains méditerranéens qui ont été conviés, pour le numéro anniversaire de la revue, à rédiger un récit sur un jour arbitrairement choisi, le 20 janvier 2010. Ce portrait collectif d’une journée s’ouvre sur le silence d’un rite immobile de la pêche à l’anchois en Sicile, et s’achève sur la promesse d’un voyage miraculeux. Le recueil composite, ponctué d’«histoiriettes» proposant une revue de presse internationale et loufoque de cette journée, est donc placé sous le signe du temps, conjuguant les hasards du calendrier, les histoires intimes, l’actualité et l’Histoire, le présent d’un jour et la mémoire qui s’y enfouit, et confie à la fiction, parce qu’elle est douée du don d’ubiquité qui nous manque, le soin de dessiner cet espace méditerranéen, réel et pourtant fuyant, monde en puissance, dont la revue s’emploie depuis sa fondation à esquisser les contours.

C’est à cette entreprise exemplaire que les rubriques rendent aussi hommage : littérature, philosophie, arts, musique, géopolitique, gastronomie, chacun revient sur une œuvre ou un événement qui emblématise la décennie écoulée, suivant un point de vue subjectif et restreint, mais qui ouvre le plus d’horizons. Plutôt qu’une artificielle unité imposée didactiquement, une mosaïque ; plutôt qu’une commémoration, l’invention d’un avenir : ce très beau numéro invite à fêter l’esprit d’une revue cosmopolite et conviviale, qui cherche dans la mobilité et la pluralité des regards une manière humaniste, mesurée et gaie d’être ensemble dans la pensée. AUDE FANLO

Histoires d’un 20 janvier. Récits Sous la direction de Thierry Fabre et Renaud Ego La pensée de midi n° 31, mai 2010 Actes sud, 18,50 euros

Visages de Setif Abed Abidat a parcouru l’Algérie, son appareil photo à la main, pour retrouver les survivants des massacres qui ensanglantèrent l’ancien département français à partir du 8 mai 1945. La participation de Jean-Louis Planche a donné un caractère particulier à cette publication : ce dernier est l’auteur d’un ouvrage fameux sur les massacres de Setif. L’introduction qu’il nous propose est d’ailleurs d’une pugnacité vivace. Le propos scientifique a pu être mis en doute, il y a eu débat sur le nombre de morts… qu’importe : il faut accorder à l’auteur de donner un coup de projecteur nouveau sur des comportements coloniaux de brutalité et d’horreur peu communes. Alors que s’ouvre désormais largement le débat sur l’histoire algérienne de la France, cet ouvrage adopte un point de vue dont l’originalité vient de la photo. On marche avec les témoins des événements et l’on découvre les lieux autant que les personnes. Parfois cela

prend un tour surprenant, avec cette photo de la plaque commémorative de Saad Bouzid, représenté à l’occidentale, tandis que passe, derrière, un homme en djellaba avec barbe longue et coiffe. En donnant à voir ces images complexes, l’auteur alimente le débat de l’histoire et de la mémoire. Peuton se contenter d’une vision univoque proposée par les victimes ? S’il est indispensable d’intégrer l’histoire de la colonisation pour la société française, il est tout aussi indispensable de traiter de la logique de tous les acteurs, passés et présents. Faute de quoi, les plaies ne se refermeront pas. RENÉ DIAZ

8 mai 1945, tragédie dans le Constantinois Sétif, Guelma, Kherrata... Photographies Abed Abidat Images Plurielles Editions, 30 euros


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Connaître son déterminisme Ce livre est la retranscription de cinq entretiens qu’eurent les deux auteurs dans une série d’émissions sur France Culture en 1988. L’historien reçoit le sociologue ! C’est l’occasion de faire le point des grands débats autour de la sociologie et de la place tout à fait particulière qu’y tient Pierre Bourdieu. Cette grande figure de l’univers intellectuel français a été honni autant qu’adulé. Lui a toujours su garder une distance critique face aux joutes dont il était l’enjeu, comme face à son statut d’icône du monde sociologique. Roger Chartier propose une exploration qui est à la fois une introspection dans le monde scientifique de Bourdieu et une lecture de l’histoire au crible de la sociologie. Les entretiens se déroulent sur plusieurs grands thèmes: le métier de sociologue ; l’illusion de la connaissance : les structures et l’individu ; habitus et champ ; Manet, Flaubert et Michelet. Reflet des préoccupations de l’heure, ces sujets sont pourtant d’un intérêt toujours très actuel, et même d’une actualité qui nous fait trop souvent défaut. Comment ne pas voir, au détour des conversations des protagonistes, combien la réflexion sur la société, au travers du regard spécifique des deux scientifiques, tranche avec la disparition des intellectuels sur la scène du politique ? Réflexions

Le sociologue et l’historien Pierre Bourdieu et Roger Chartier Agone, 13 euros

anciennes certes, parfois totalement absorbées par la pensée globale qui nous baigne, mais quel régal de redécouvrir Bourdieu embrochant le monde des intellectuels juchés sur leurs certitudes et leur altérité. Quel plaisir de voir les difficultés qu’il éprouve à ne pas sombrer dans la schizophrénie de la production du discours. Désireux de sortir d’un monde d’aliénation et de domination sociale, nos deux compères cheminent vers le modèle Kantien de distanciation de leurs propres analyses pour déboucher sur une utopie bourdelienne : «nous naissons déterminés et nous avons une petite chance de finir libres.» Condition : se réapproprier la connaissance des déterminismes qui nous assaillent. On trouvera aussi une longue discussion sur l’habitus, définition réélaborée par Bourdieu qui permet de comprendre comment un individu réagit en fonction d’une histoire individuelle et sociale. Comme le constate Roger Chartier, face à son complice : la sociologie de Bourdieu aide les autres sciences à penser. Espérons que ce petit livre atteigne un large public ! RENÉ DIAZ

Une encyclopédie de rêves Le Prix du Livre du Tourisme 2010 a été décerné le 23 juin dernier, sous l’égide d’Hervé Novelli, Secrétaire d’État chargé du Tourisme, à un ouvrage exceptionnel : l’Encyclopédie du littoral, les rivages du Conservatoire, paru chez Actes Sud. L’ouvrage rend compte du travail de titan mené par le Conservatoire du littoral, ses batailles, sa patience de fourmi, sur 1200 kilomètres de côtes, 135 000 hectares ! Comment réussir à évoquer cet énorme ensemble, sans se contenter de la produire un bel objet, simple outil de promotion touristique ? D’abord, oui, le livre est beau en lui-même, couverture crème, bleu délicat, le même bleu destiné aux illustrations et au texte. Pages délicieusement lourdes et souples, offrant au feuilletage un plaisir sensuel, invitant à vagabonder entre les différents chapitres, à s’attarder sur l’esquisse d’une plage, d’un oiseau, d’une plante au nom étrange, l’«obione», le «sténocarpus», l’«astérolide»… Les sternes glissent de page en page, on rencontre des étourneaux en train de gober… des visages, des maisons, des paysages… Finesse du dessin, fulgurance de ces instantanés… même si l’auteur

Encyclopédie du littoral Les rivages du conservatoire Editions Actes Sud/Conservatoire du littoral, 65 euros

change (une trentaine d’illustrateurs a contribué à l’ouvrage), la capacité d’émerveillement devant les immensités, comme devant l’infime perdure. Les différentes voix (50) qui composent cette encyclopédie répondent toutes aux mêmes exigences, écritures fluides, sensibles, rigoureuses et poétiques à la fois. De la côte d’opale à l’Outre-Mer, nous sommes emportés dans un voyage magique et initiatique. Que de découvertes ! Le statut particulier des îles Chaussey, la légende des sept filles de la terre… Et l’île de Tatihou qui ne se trouve pas dans les mers du sud ! Un bonheur de lecture ! Car si l’étude géographique, historique, botanique, géologique est précise, le ton passionné, de ces «mordus de sable et de mer», les anecdotes, le goût du détail juste, apportent à ce genre difficile un charme irrésistible. Souhaitez-vous donc Noël en été, offrez-vous ce monument ! MARYVONNE COLOMBANI


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LIVRES

JEUNESSE

Quelques livres et CD à glisser dans les valises des vacances de vos enfants, et à consommer comme des sorbets subtils dans la chaleur !

Suivre leurs choix Pourquoi pas les livres sélectionnés par les enfants eux-mêmes pour décerner le Prix du livre Jeunesse de Marseille (PLJM) ? De la Maternelle au Collège, ce Prix a été créé pour favoriser la lecture d’ouvrages récents en nouant un contact avec un libraire partenaire et une bibliothèque. Les tout-petits ont élu Au lit tous les affreux ! d’Isabelle Bonameau, album très coloré aux dessins cernés de noir sur des doubles pages très vives. Sufi, le petit chat, partage le sommeil de Zélie et se transforme dans le rêve en bête féroce qui la protège. Fi de l’ogre, du loup et de la sorcière ! Encore des sorcières pour les plus grands qui n’en ont plus peur du tout puisque Catherine Leblanc et Roland Garrigue leur apprennent à les «ratatiner», l’une avec son texte aux sonorités rimées qui pourraient être mises en musique, l’autre par ses dessins. Le monde change : un aspirateur est plus rapide qu’un balai et les enfants sont pleins d’astuces pour les neutraliser...

Les collégiens, eux, préfèrent les fantômes, les morts qui continuent à vivre autour de leurs tombes, dans le roman de Neil Gaiman, auteur anglais connu pour ses comics. Un jeune garçon dont les parents ont été assassinés est recueilli dans un cimetière et y passe son enfance. Roman initiatique plutôt touffu. On sent l’influence des romans fantastiques dont s’est abreuvé l’auteur : atmosphère ténébreuse chez les morts, personnages louches et avides chez les vivants. Mais on trouve aussi les aides qui jalonnent la route du jeune Nobody, les amis morts qui l’initient, quelques vivants aussi dont l’amicale Scarlett. Après moult péripéties et apprentissages au royaume des morts, Nobody choisira la découverte du monde. On comprend que les ados aient craqué pour lui ! CHRIS BOURGUE

Au lit, les affreux ! L’école des loisirs, 13,50 euros Comment ratatiner les sorcières ? p’tiGlénat, 11 euros L’étrange vie de Nobody Owens illustré par Dave McKean, Albin Michel, 13,50 euros

L’ailleurs des tout-petits Léon, l’âne gris de Provence, a assez vu son petit village et décide d’aller voir le monde. Adultes et enfants vont accepter de le laisser partir s’il leur envoie des cartes postales. Prétexte à chansons d’Alain Arsac et du groupe Fatche d’eux, dont une en provençal. Les dessins joliment naïfs de Claire Gandini accompagnent le livre disque. Les très petits doivent découvrir le monde autour de leur berceau, c’est ce que propose le livre d’épais carton de Vincent Bourgeau, Au-delà de moi. Chez le même éditeur, Renaud Perrin propose une alliance astucieuse entre l’alphabet et le Meccano dans un livre ludique qui manie l’acrostiche pour définir et dessiner des objets familiers. Et surtout ne pas oublier le Cahier de Gribouilles, ni ses

crayons et ses feutres ! Alors dès 4 ans l’enfant apprivoisera formes et couleurs dans l’espace des pages et apprendra l’observation. Un livre-cahier avec des papiers-calque, des photos, sur lesquels on intervient en suivant des consignes de jeu. Un livre pour être à l’aise avec les traits, dû à Isabelle Peltier et Christophe Lécullée, formateurs aux CEMEA, et Magali Bardos pour les illustrations. C.B.

Léon, l’âne de Provence, éd. Actes Sud Junior/Tourne-Vire, 23 euros Au-delà de moi et Mécamots, éd. Thierry Magnier, 6,50 euros et14 euros Cahier de Gribouilles, éd. Actes Sud Junior, 17,50 euros

Lycéens : les pieds dans le réel Quant aux lycéens de PACA qui ont choisi leurs lauréats en mai à Martigues (Zib’31), ils ont été très touchés, parfois choqués, par les nouvelles mordantes de Patrice Juiff. Il faut dire que certains prennent à la gorge. L’auteur-caméléon se met aussi bien à la place d’une jeune mère que d’un enfant ou un adulte vieillissant et plonge son lecteur dans un monde qui, s’il n’est pas le nôtre, est notre proche voisin. Il ne nous épargne ni l’alcoolisme, ni les violences conjugales, ni l’abandon, à des moments paroxystiques. Et pour autant on ne sombre pas dans la désespérance. Souvent perdus, à la recherche d’eux-

mêmes et des autres, poussés par le désir de s’en sortir, de comprendre, ses personnages ne baissent pas les bras. Le tout est écrit dans une langue rocailleuse qui s’adresse à nous comme une confidence écrite à la première personne, qui mélange le moment présent et les flashs du passé. Pour la BD, les lycéens et les apprentis ont couronné un album qui parle de la crise irlandaise vue par 2 jeunes français. Juillet 1987 : Christophe et Nicolas, en vacances à Belfast pour perfectionner leur anglais. L’un est accueilli dans une famille protestante, l’autre catholique. Très vite ils s’aperçoivent qu’il y a des soldats anglais partout, mais les gens en ont l’habitude et la vie continue. Malheureusement, un

drame de la bêtise et de la violence éclatera faisant basculer les 2 ados dans la vie adulte. Cette histoire se base sur le vécu de Kris qui en a écrit le scénario et qui s’était promis de témoigner sur le calvaire des catholiques. 20 ans après il tient parole. Un angle de vue intéressant servi par un dessin précis, privilégiant les plans serrés. À noter : un dossier historique et une bibliographie clôturent l’album. C.B.

La Taille d’un ange, Patrice Juiff, éd. Albin Michel, 18 euros Coupures irlandaises, Kris et Vincent Bailly, éd. Futuropolis, 16 euros


Congés chantés Ce sont une douzaine de chansons écrites par Romain Didier que les enfants suivent au fil des illustrations d’Aurélie Guilleret. Du Grand départ au Blues du retour, les saynètes dessinent un thème de saison : les vacances ! Un été de plage et de fête, de camping et de châteaux de sable, de cabanes, de rêveries aux étoiles… Les vacances, c’est aussi un temps pour grandir, apprendre à nager, faire du vélo… Sûr que pitchoun s’y retrouvera à l’écoute des voix tendres de quatre jeunes solistes de 4 à 9 ans, des musiciens jouant sur de

«vrais» instruments (guitare, violon, violoncelle, flûte, clarinette, saxophone et percussions) ! Avec quelques jeux, rebus ou charades en bonus… et toutes les pistes en «play-bac» pour s’y frotter dès 4 ans ! J.F.

Vive les vacances Texte Romain Didier, ill. Aurélie Guilleret Éditions Gallimard Jeunesse, 19,90 euros

Coco pouponne Coco le ouistiti préféré des têtes blondes était le petit roi dans la famille… Jusqu’à l’arrivée d’un bébé, petit frère qui prend beaucoup de place, reçoit des cadeaux et braille la nuit. En plus, il est trop petit pour jouer ! Coco a bien une idée… Cette nouvelle histoire courte (9e opus) de Paule Du Bouchet, avec son livre épais cartonné et les illustrations colorées de Xavier Frehring, est imaginée pour les tout-petits. Marion Stalens raconte cette aventure tirée du quotidien, alors que le récit est accompagné de bruitages et d’une

musique guillerette signée Coralie Fayolle. Elle permet au bambin de se familiariser avec les sonorités du piano, de la clarinette, du cor et de diverses percussions (glockenspiel, grelots, tambour de basque…). J.F.

Coco et le bébé Texte Paule Du Bouchet, ill. Xavier Frehring Éditions Gallimard Jeunesse (dès 18 mois), 11,90 euros

Blog extime Qu’y a-t-il de vraiment intime dans un blog, puisqu’il est destiné à être lu par d’autres ? C’est tout le jeu du «journal intime» publié, que décryptait Tournier dans son Journal extime… La possibilité de lecture par un autrui non choisi, voire indésirable, est le risque encouru par son auteur, c’est à ce thème que s’attache le court roman de JeanPhilippe Blondel, Blog. Une narration à la première personne, le «je» innommé d’un adolescent, avec sa franchise, ses mots bruts et leur conscience aiguë, une sensibilité exacerbée, l’appréhension de l’autre, comme un nouveau remodelage des frontières… Grandir, se heurter à la «trahison» du père : il a lu le blog de son fils ! et ce, non pour l’espionner, mais pour se rapprocher de lui de ses préoccupations… grossière erreur! Ce «viol virtuel», cette intrusion dans l’«espace privé» de notre narrateur,

l’éloigne de son père. Quel moyen trouvera ce dernier pour retrouver son fils ? original et désarmant. Un secret contre un autre ?… Parallèlement à la crise familiale, le jeune garçon, ou plutôt cette chrysalide bientôt jeune homme, raconte sa vie, ses amis, ses amours naissantes. Un très beau roman, à mettre, certes, entre les mains des ados (titre de la collection), mais aussi des adultes, histoire de leur rappeler ce cheminement qui fut aussi le leur, et qui, malgré les apparences, le reste ! Un texte de belle tenue, avec juste ce qu’il faut de vie et vraisemblance. MARYVONNE COLOMBANI

Blog Jean-Philippe Blondel Actes Sud Junior, Romans ADO, 10 euros


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CINÉMA

RENDEZ-VOUS D’ANNIE | PORTRAIT W. BENEDETTO | FILMS

Les rendez-vous d’Annie Les 30 et 31 juillet, le 13e Festival du film court d’Aigues-Vives présente En avant la musique ! orchestre de jazz, buffet à 20h, projection de courts métrages à thème musical à 21h30 aux arènes. Avec, entre autres, le Mélomane de Mélies,

Joséphine Baker, Le p’tit bal perdu de Decoufflé, un brin de Traviata…

Ciné plein-air, programmé par Tilt, continue avec, entre autres, au Théâtre Silvain, le 19 juillet, en partenariat avec La Rue du Tango, Conversaciones con Mama de Santiago Carlos Oves. Avant la projection, à 19h, pique-nique aux airs de tango suivi d’initiations gratuites au tango et d’un petit bal. Le 24 juillet, au Panier, en partenariat avec Amnesty International, Welcome de Philippe Lioret, un film extrêmement touchant qui pose en termes simples le problème des sans papiers. Le 7 août, au Panier, Mascarades de Lyes Salem précédé du superbe court métrage Mon petit frère de la lune de Frédéric Philibert. Ciné Plein Air, Marseille

Du 2 au 14 août, le festival Grandeur nature propose des projections cinéma en pleine montagne et sous les étoiles… dans plusieurs lieux du Queyras. Seront invités, entre autres, autour d’un de leurs films, Tony Gatlif, Marie Jaoul de Poncheville, Jacques Rémy Girerd, Jacques Perrin… Le 2 août à 20h30, à Château Queyras, projection de Liberté de Tony Gatlif, et rencontre avec le réalisateur et les organisateurs du Festival. Le 4 août à 21h à Ceillac, ce sera le superbe Tulpan de Sergey Dvortsevoy.

Festival du Film, Aigues Vives (30) 04 66 51 04 78 www.cine-aiguesvives.com

Grandeur Nature, Queyras (05) 06 99 52 55 05 www.festivalgrandeurnature.com

Tilt 04 91 91 07 99 www.cinetilt.org

Le 8 août à 21h 30 au Parc Rambot, les Rencontres Cinématographiques d’Aix-en-Provence proposent Les Instants d’Été, Courts côté jardin, une programmation de cinq courts métrages dont Donde esta Kim Basinger d’Edouard Deluc, grand prix de la compétition nationale au Festival Clermont-Ferrand, et le superbe Carnet de Voyage : Madagascar de Bastien Dubois. Rencontres Cinématographiques d’Aix-en-Provence 04 42 27 08 64 www.festivaltouscourts.com

Du 3 au 16 septembre, les Instants Vidéo Numériques et Poétiques, invités par le Best Of Festival, présentent L’entrée de l’art vidéo en gare de La Ciotat à l’Eden Théâtre de La Ciotat, peut-être la plus vieille salle de cinéma encore existante : «des vidéos qui (re)visitent le cinéma. De films en films.» Projection des Histoire(s) du cinéma de Jean-Luc Godard. Une table ronde réunira philosophe, universitaires et vidéastes. Eden Théâtre, La Ciotat 04 42 08 38 15

Le saut de l’ange Sidi Ifni, une ville au sud du Maroc, la plage, le foot, la belle vie. Pour Louis, 12 ans, le temps de l’insouciance, de la complicité fraternelle s’achève brutalement derrière les volets fermés du bureau de son père maniaco-dépressif qui lui annonce brutalement son suicide imminent, l’enfermant dans une promesse de silence et le condamnant à la solitude du secret. L’eau vivante des jeux d’enfants devient alors, dans des nuits noires et bleues déchirées par un phare, l’eau de mort des noyades et de l’asphyxie. Les amusements innocents s’alourdissent de menaces. D’une syllabe à l’autre, le lien ténu de marabout à bout d’ficelle peine à maintenir la continuité, le désir de poursuivre. La caméra ne lâche quasiment pas l’enfant guettant son père dont il est désormais l’ange gardien. La poitrine serrée, on suit la manipulation perverse de l’adulte aimant et torturant son fils, jusqu‘au dernier plan, insoutenablement vide. Olivier Gourmet, en

Baudelaire récités par Louis, reviennent, lancinants: «Ange plein de bonté, connaissez-vous l’angoisse, la honte, les remords, les sanglots, les ennuis ?...» Frédéric Dumont a mis dix ans à finaliser ce premier film autobiographique, primé dès sa sortie et soutenu par la région PACA. Le temps sans doute de mettre à distance sa douleur d’enfant impuissant face à la folie paternelle, de dominer enfin «ces vagues terreurs de ces affreuses nuits qui compriment le cœur comme un papier qu’on froisse» ÉLISE PADOVANI Un Ange a la mer de Frederic Dumont

père souffrant, tendre, violent, cruel est impeccable. Martin Nissen incarnant Louis, impressionnant de maîtrise et de sensibilité. Un ange à la mer dit l’air et l’eau, le ciel et l’abîme, l’envol et la chute. Le spleen sans l’idéal. Les vers de

Un ange à la mer de Frédéric Dumont a été projeté en avant-première aux Variétés le 25 juin. Sortie en salles le 30 juin

Pathé, pop corn, couscous et mozzarella Salle comble au Pathé Plan de Campagne, le 9 juin, pour la projection, en avant-première, du film d’Olivier Baroux L’Italien, dans le cadre de Cinestival. Par des stridulations admiratives, cornets de pop corn à la main, les fans, chauffés par un animateur digne des plateaux du petit écran, accueillent Kad Merad, la star qu’on voit à la télé, pardonnant son retard, par avance conquis. L’acteur, avenant, cabotin parfois, signe quelques autographes, rejoint la scène où, avec Olivier, il donne un petit show de présentation bien rôdé. Il salue dans le public son papa algérien, sa maman berrichonne qui peinèrent eux aussi pour s’imposer dans la société française comme le Mourad Ben Saoud du film, commercial dans un garage Maserati de Nice sous le nom d’emprunt de Dino Fabrizzi.

La double identité, ressort scénaristique, génère les situations qui se veulent cocasses ou émouvantes. La comédie, pétrie de bons sentiments, vendue sans doute à la Région en leur nom, veut dénoncer la continuité des préjugés sur l’étranger. Rital hier, arabe aujourd’hui. Hélas, le film n’est que clichés. Et sur les Italiens, élégants, volubiles, désinvoltes, embobineurs. Et sur les musulmans dont les pratiques seront redécouvertes par Mourad-Dino dans le livre-programme qu’il potasse pour honorer la promesse faite à son père de suivre le ramadan : l’Islam pour les nuls. N’importe quel beauf raciste se trouverait dédouané de ses mauvais penchants en accordant toute sa sympathie à ce Mourad converti à la religion consumériste, dont les parents vivent dans une belle

villa marseillaise, dont la sœur (Saphia Azzedine) est prof certifiée par l’éducation nationale, qui a un ami juif et une petite amie blonde (Valérie Benguigui) avec laquelle il échange de grotesques rugissements sensés exprimer le désir. Sans oublier les futures répliques cultes ! «Mourad veut dire désir. Eh ! bien éprouves-tu encore un peu de «Mourad» pour moi ? » Il n’est pas ici question d’opposer un cinéma se prétendant populaire et comique à un cinéma d’auteur forcément morose, mais d’affirmer que la qualité est due à tous et ne passe pas par la simplification, la complaisance ou la paresse. ÉLISE PADOVANI


CINÉMA 55

Amina, celle qui aime la France Le 2 juillet a été présenté à l’auditorium de la Région le premier film d’Ariane Ascaride, Ceux qui aiment la France, qui fait partie d’une série de onze films, Histoires de vie, programmée sur France 2 depuis le 4 juillet. À partir du scénario écrit par Baya Kasmi, Ariane Ascaride réalise un film sympathique, porté avant tout par sa jeune actrice Sofia Lassoued, une jeune Parisienne qui sait ce

l’humanité. Je mérite de mourir... Mais je ne meurs pas, ce qui est peut-être une preuve que tu n’existes pas.» Bref, Amina croit en la France et Ariane croit en elle, «l’avenir de la France». Le film sera diffusé sur France 2 à la fin du mois d’août.

qu’elle veut, tout comme son personnage. En effet, Amina, l’héroïne du film, a onze ans et demi, est française, déteste, dit-elle, les Arabes. Sauf sa famille. Et encore, seulement ses parents et ses trois frères. Elle lit Victor Hugo, veut devenir Présidente de la République, parle avec Dieu en qui elle ne croit pas. «Je suis raciste. Je trahis mon père et ma mère. Je suis une honte pour

A.G.

Force de gravité

Nostalgie de la lumiere de Patricio Guzman © Pyramide distribution

Le FID Marseille s’est ouvert avec le dernier film de Patricio Guzman, habitué du festival : Grand Prix en 1992 avec La Croix du Sud, présent en 1996 avec Chili, la Mémoire obstinée, et de nouveau Grand Prix en 2001 avec Le Cas Pinochet. Au Gymnase la salle

comble a manifesté son enthousiasme pour Nostalgie de la lumière, superbe travail qui ouvre un espace-temps ethnographique, politique, poétique et mélancolique. Des astronomes, venus du monde entier, observent un ciel si transparent qu’on pourrait «toucher les étoiles» et recueillent les ondes lumineuses émises il y a des millions d’années, dans le désert chilien d’Atacama, au sol qui ressemble à celui de Mars. Ce sol, «terre damnée pleine de sel» est fouillé inlassablement par des femmes qui espèrent retrouver les restes de leurs proches abattus par la junte de Pinochet, à Chacabuco, une ancienne mine indienne transformée en camp de concentration. Femmes et astronomes ont le même but : aller à la rencontre du passé, le fouiller sans relâche pour

comprendre le présent, et cette métaphore construit le film par rebonds. Le cinéaste fait alterner les paroles des scientifiques et les témoignages douloureux de ces femmes qui cherchent l’apaisement, incarnant la résistance à l’amnésie nationale chilienne ; la jeune femme, élevée par ses grands-parents obligés de dénoncer leurs enfants pour sauver leur petite-fille, est bouleversante ; peut-être le futur du film… Une méditation métaphysique, que favorisent les motifs récurrents du cercle, les images en si gros plan qu’elles en deviennent parfois irréelles. Un film graphiquement superbe, où l’on accepte de se perdre dans le passé, ou ce présent qui «n’existe pas». ANNIE GAVA

Nom : William Benedetto Profession : Directeur de cinéma Signe particulier : se sent très marseillais distributeurs, je me bats pour qu’il y ait des films en sortie nationale. Il est très important de poser une programmation, un mois à l’avance, et d’assumer ses choix. Cela a été le cas récemment pour le jeune public avec Kérity, La Maison des Contes et Pierre et le loup.» William Benedetto © A.G

Né à Tavel, un village du Gard, d’une mère anglaise et d’un père d’origine italienne, William Benedetto est installé à Marseille depuis une douzaine d’années. Après des études d’économie à Montpellier et un DESS de management culturel à Paris, il se «fait les dents» dans un centre socioculturel à Champignysur-Marne, s’occupant d’une programmation jazz et de projets en milieu scolaire. Dès son plus jeune âge il baigne dans le milieu du théâtre -il est le fils d’André Benedetto- et une des façons de s’en démarquer est d’aller voir du côté du cinéma, qu’il a découvert, adolescent, à travers des films grand public comme La guerre des étoiles. Aujourd’hui, c’est à des classiques comme Buster Keaton ou des contemporains comme le Chinois Jia Zhang Ke ou la Française Mariana Otero que vont ses préférences. Recruté à l’Alhambra Cinémarseille pour s’occuper d’un festival Images et science, il a «adopté» ce cinéma, qui correspond à son engagement de par son inscription réelle dans un quartier populaire. Depuis plusieurs années déjà, il programme et a pris officiellement ses fonctions de directeur le 1er juillet, succédant à Jean-Pierre Daniel avec qui il a travaillé étroitement durant une dizaine d’années. «J’ai de la chance car Marseille a peu de salles et je dirige un cinéma indépendant. Même s’il n’y a qu’un écran et si les tarifs sont trop bas aux yeux des

De séances marquantes à l’Alhambra, William en a vécu à la pelle ! La projection de La Commune de Peter Watkins, un film de six heures avec une chorale et une soupe populaire… ; Momo le Doyen de Laurent Chevallier avec les musiciens de Momo Wandel Soumah, venus tout droit de Guinée ; la soirée dégustation de vins autour d’Invictus de Clint Eastwood. Des moments de partage, comme la projection de Khamsa de Karim Dridi avec les habitants du Ruisseau Mirabeau ou la République Marseille de Denis Gheerbrant. Car avec son équipe de dix personnes, il assure quelque 750 séances de cinéma par an et une douzaine de séances en plein air. Des projets ? William espère beaucoup de Marseille-Provence 2013 : il voudrait que cet «autre cinéma du côté de l’Estaque» devienne «l’Alhambra, maison du cinéma», en multipliant les expériences, ateliers, jeux, résidences d’artistes ; et en collaborant avec d’autres structures. «On a tous besoin les uns des autres !» Dans l’immédiat, à la rentrée, il mettra en lumière les documentaires qui ont reçu une aide de la Région. Il ya aussi des échanges prévus ente les lycéens de St Exupéry et des lycéens d’Istanbul, projet coproduit par Marseille-Provence 2013… ANNIE GAVA


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ARTS VISUELS

RENCONTRES D’ARLES PHOTOGRAPHIE

Augures favorables Rencontres de la photographie, festival Voies Off, off du off, Arles pulse comme jamais au rythme de la photographie. Et le phénomène enfle. Le jour et certaines nuits

À la galerie Voies Off: Masato Seto, photographie de la série Binran © Masato Seto.

d’autres expositions : Peter Klasen, François Deladerrière, François Halard, Klavdij Sluban, le laboratoire Picto (60 années de photo depuis 1930, historique !). Un trait marquant de ces rencontres est la place accordée aux talents émergents avec le Prix SFR Jeunes Talents, reGeneration2, la promotion de l’ENSP. Savas Boyraz, Olivia Pierrugues, Liu Xiaofang, George Awde,

François-Régis Durand, Lucia Herrero (dans un esprit Martin Parr plus amusé) ou Virginie Maillard (la singulière série Anamnésie Land déserte de toute âme humaine) se penchent sur leurs contemporains. La sélection de polaroids, le tir forain (Shoot), la collection Karmitz retiennent l’attention mais la présentation des couvertures de Télérama est peu enthousiasmante, comme le sujet des chambres claires. «Mamadou», pouponnière de Bamako, 2009 © Malik Nejmi

Arles amplifie d’une édition à l’autre son statut de pôle international et incontournable de la photo. Même si les rencontres perdent leur qualificatif «internationales» pour devenir plus simplement les RAP (Rencontres d’Arles Photographie), l’enjeu n’en est pas moins majeur pour la ville. Le foisonnement des manifestations off et out-off en nette progression cette année, ainsi que la venue de nouvelles structures telles le Collectif E3, La Vitrine ou Le Magasin de Jouets. La culture et la photographie en appel d’air sous la crise et la canicule sont donc bienvenues ! Surtout si l’on en croit les déclarations de Frédéric Mitterrand lors de l’ouverture : «J’ai choisi de faire de la photographie un chantier essentiel de mon action à la tête du ministère de la culture et de la communication». En attendant, serait bien avisé celui qui pourrait recenser toutes les manifestations qui jalonnent cette édition. Mais l’excitation est bien ici et là. Sans couvert d’une thématique fédératrice (il y eut Vive les modernités !, Réel Fictions Virtuels…), les Rencontres 2010 constituent un festival hétérogène où l’on apprécie entre autres promenades les virulences sud-américaines de León Ferrari (un dénonciateur des égarements du catholicisme sous les croisées d’ogive de l’église Sainte-Anne !) et de Marco Lopez bigarré entre Fellini et Almodovar, comme à l’autre bout de la ville au Méjean, le bel hommage aux éblouissants noirs et blancs de Mario Giacomelli. L’association sœur d’Actes Sud, couple ses publications avec

Off course ! Les indispensables Voies Off menées par Christophe Laloi poursuivent leurs alternatives résistantes pour une «photo sincère et véritable» avec la bonne idée cette année d’accueillir dans leur communication les «expositions indépendantes». La galerie de la rue Raspail offre à Masato Seto sa première expo en France présentant l’acidulée et nocturne série Binran (jeunes filles/poupées vendant une boisson du même nom dans des boutiques de verre et lumières artificielles à Taïwan). Il faut compter aussi chaque année sur les surprises lors

des soirées de projections Cour de l’Archevêché, évènements photographiques et festifs clôturés par la projection de For Intérieur conçu par Michel Poivert et les remises des Prix Voies Off 2010 (1100 dossiers, 60 sélectionnés) et de lacritique.org. Non loin, Jean-Christophe Ballot fait coup double avec une exposition et un livre (voir p 46) consacrés à la montagne Sainte-Victoire à la galerie Huit. Malik Nejmi revient d’Afrique avec une série très humaniste à propos de l’enfance et du handicap, à L’Atelier du Midi. La Vitrine, collectif créé cette année par deux diplômées de l’ENSP, accueille Identity Lab, une sélection assumée par Christian Gattinoni avec L’Evadée, qui interroge subtilement la question de l’identité sexuelle dans les communautés gays et lesbiennes.

Photo humaniste On saura remarquer, dans ce foisonnement de propositions, la présence récurrente de la figure de l’humain. Qu’il s’agisse du portrait comme de l’autoportrait, mais aussi d’un regard social, nettement humaniste, à visée psychologique ou encore interrogeant la nature identitaire, la présence ou l’absence, la question de la personne et des groupes humains est en jeu dans nombre de ces photographies. À l’heure où l’économique semble devoir décider des crises du monde, est-ce un appel, voire un cri vers l’avenir? CLAUDE LORIN

www.rencontres-arles.com www.voies-off.com

À noter Plusieurs expositions se poursuivent au-delà la première quinzaine du festival

Arles pôle d’attraction ? Le Magasin de Jouets, un nouveau lieu dédié à la photo © Zibeline

Pierre Hivernat en est persuadé en s’installant dans Le Magasin de Jouets qu’il vient de rénover et d’inaugurer en ce mois de juillet au 19 rue Jouvène. De statut privé pour garantir son indépendance, la galerie se consacre essentiellement à la monstration de la photographie contemporaine mais ne s’interdit pas d’autres modes d’expression. Sa première exposition met en dialogue les recherches de Luca Zanier et Thomas Jorion sur les lieux industriels vides ou abandonnés, des clichés impeccables de grand format chargés d’une lourde impression d’étrange vacuité. Quant à Pablo Guidali, il est le premier

photographe sollicité pour le projet «Arles vu par…» appelé à se développer sur la thématique arlésienne et le principe de la commande. Lieu de vente d’art, on peut acquérir ici des œuvres à tirage limité, numérotées et signées- à des prix de départ très démocratiques, ainsi que des ouvrages choisis chez les éditeurs de la région principalement. C.L.

Le Magasin de Jouets 04 90 43 38 92 www.lemagasindejouets.fr


Vénus callipyges Situé au pied du théâtre antique le jardin d’été reçoit chaque année les œuvres d’un sculpteur contemporain. La plupart sont conçues pour l’évènement arlésien. Invité pour cette période estivale, Bernard Lancelle a réalisé avec la collaboration d’une fonderie auxerroise pour la coulée et un atelier de chaudronnerie arlésien pour les finitions, sept créations nouvelles inspirées des formes féminines. Bien que composées de fonte d’acier pesant près d’une tonne,

s’élevant parfois au-dessus de la taille humaine, leurs tournures élancées, callipyges ou ithyphalliques apparaissent bien filiformes et semblent un peu perdues dans les massifs végétaux. Manque d’ampleur regrettable, puisque le dessein du projet Sculptures d’été, qui en est à sa cinquième édition, est de faire se rapprocher l’art contemporain du grand public en lui offrant chaque année lors de ses promenades au jardin une rencontre singulière. D’autres œuvres en céramique en particulier sont à découvrir à la Galerie de Poche et aux Deux Fondus. C.L.

Sculptures d’été 2010 Bernard Lancelle Mémoires archaïques jusqu’au 25 septembre Jardin d’été, Arles 04 90 49 37 40

Sculptures de Bernard Lancelle Arles 2010 © journal Zibeline

Matisse illustre Chez Matisse, les genres et les pratiques artistiques se répondent en des correspondances intimes. Aimé des auteurs et des poètes, il a illustré leurs œuvres. Les dédicaces comme celles d’Aragon, Prévert, Tzara, Roger Martin du Gard rendent hommage à «l’artiste et infatigable chercheur», et René Char le nomme «maître des soleils chanteurs et des silences inextinguibles»… C’est ce que nous lisons sur ces pages aux teintes passées, protégées de vitrines : des lithographies, dont l’émouvant Enterrement de Pierrot, des affiches, des extraits filmés où les techniques d’assemblage et de construction des tableaux sont expliquées, des photographies de l’artiste composent une exposition autour du livre d’art Jazz, commandé au peintre par l’éditeur grec Tériade, une vingtaine de planches autour du monde du cirque. Un ensemble passionnant. MARYVONNE COLOMBANI

Jazz et autres éditions Matisse jusqu’au 3 octobre Galerie d’art du CG, Aix 04 42 93 03 67 Icare Jazz, www.cg13.fr Teriade editeur, Paris 1947 © Succession H. Matisse


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ARTS VISUELS

LA CIOTAT | MARSEILLE | MARTIGUES

Déferlante d’images

Oeuvre de Patrick Charrier © X-D.R

Recentré dans le temps (du 27 juillet au 15 août) et dans sa programmation (5 spectacles et 1 seule vague de 20 plasticiens), le festival Les Arts en chantier de La Ciotat gagne en attractivité. Et renforce son ancrage dans la cité avec trois lieux éclatés : la chapelle des Pénitents bleus qui accueille l’exposition et son parvis comme prolon-

gement nocturne et festif, la cour de l’ancien cinéma mythique l’Eden propice aux interventions pluridisciplinaires, et enfin Sur les Quais, établissement privé friand de musique et de performances. En attendant la livraison en 2012 de l’Ancien hospice rénové doté de 6 salles d’exposition à l’heure où l’Eden, justement, entamera deux ans de réhabilitation si longtemps remise au lendemain… D’un bout à l’autre du port donc, il sera difficile d’échapper au déferlement des artistes -pour la plupart régionaux car le festival souhaite en être la vitrine- dont le rôle est amené à croître rapidement. En effet, Marc Ingoglia, fondateur du festival, a annoncé son retrait progressif car «Les Arts en chantier n’a d’avenir que relayé par les artistes». Il restera le temps de «sa montée en puissance pour réussir l’échéance de 2013» mais partagera désormais la direction avec un autre artiste. Aujourd’hui avec le photographe Philippe Oddoart qui convoque à la Chapelle quatre regards photographiques sur le(s) paysage(s) : Fabien Rigal, Éric Principaud, Patrick Cléret et Céline Constant dont c’est la toute première exposition.

M.G.-G.

Catalogue de la manifestation disponible dès l’ouverture 3e festival Les Arts en chantier, La Ciotat du 27 juillet au 15 août Artistic promotion 06 14 58 56 55

Héritages

Bons bugs

En cherchant dans les détails de l’histoire de l’art, Zhu Hong pousse la peinture hors-cadre

écrans qui se parasitent par moments) ; Itération et Contrôle (photos d’images plus ou moins confuses issues de bugs des systèmes électronumériques) ; Amygdale (basé sur les ultrasons insupportables utilisés pour faire fuir ados agglutinés ou squatters en Angleterre, et deux masques de boxe)… Pourtant l’art du bug, du chaos ou du déchet, du fragment et de la stratification a du bon et du beau : Staccato, enfilant les débris acérés de 888 vinyles pour instruments à cordes sur un câble de huit mètres de long, exhibe ses éclats de diamants charbonneux comme une «onde muette», joyau splendide en introduction de l’exposition. C.L.

Catalogue à paraître aux éditions des Presses du Réel

MU eRikm jusqu’au 21 août Galerie de la Friche de la Belle de Mai, Marseille 04 95 04 95 94 www.sextantetplus.org eRikm, Agmydale, masques de boxe, cpateurs, systeme electronique, 2010 © C. Lorin_Zibeline

Zhu Hong, Prado Madrid II, 2007, huile sur toile © X-D.R

Première expo de l’artiste sonore eRikm, à la Friche, juste en dessous de son atelier. À voir autant qu’à ouïr, forcément Plus connu pour ses performances sonores aux commandes des platines et autres sampleurs, eRikm n’en a pas pour autant délaissé les arts plastiques, sa formation initiale. Coproduite par Sextant et plus et la Co-Opérative/Système Friche Théâtre, MU constitue sa première expo présentant des œuvres de la période 2000 plus cinq conçues pour l’évènement. MU (sans en japonais, en physique un circuit électronique non alimenté) propose un parcours hétérogène dans une pensée très cohérente mixant low et high tech, art pauvre et technologies, un peu chaotique parfois mais fortement impactant : SeQ-L (sculpture rhizomatique faite de bouchons de plastique enfilés sur tubes d’acier) ; Austral, Corner, Correlation I, Frags (dispositif visuel et sonore conçu pour l’espace de la galerie avec 4 vidéos, 4

Qu’il s’agisse des arts visuels ou des arts vivants, tous sont choisis «parce qu’ils sont accessibles et compréhensibles par le plus grand nombre, explique Marc Ingoglia, tout en étant novateur dans leurs techniques». Le public découvrira des installations monumentales et lumineuses, des techniques mixtes et des spectacles où les nouvelles technologies jouent à armes égales avec le stylisme, la vidéo, la musique, le théâtre et la danse… De l’intervention surprise de Caravane Pirate en ouverture le 27 juillet à la performance sonore et visuelle DV Party en clôture le 14 août, le chantier des arts de La Ciotat jouera à ciel ouvert.

En invitant des artistes contemporains dans son contexte patrimonial le musée Ziem poursuit depuis plusieurs années un projet d’une confondante pertinence. Actuellement, dessins et peintures de la jeune artiste d’origine chinoise Zhu Hong invitent à réinventer l’héritage de la peinture occidentale et ses modalités d’exposition. Chaque oeuvre est conçue à partir d’un détail choisi dans les collections des musées européens (Dürer, Caravage, Goya, mais la chaise du gardien fait aussi l’affaire). Aussitôt cette focalisation opérée, Zhu Hong tout en pratiquant des techniques traditionnelles, peinture à l’huile sur toile, crayon graphite- modifie nos relations à cette tradition. Le cadre

disparaît, le format est atypique (long rectangle vertical), l’accrochage devient dépose au sol en appui oblique sur le mur (le tableau est «libéré» façon Support-Surface), les couleurs atténuent les contrastes du détail (comme en photographie une surexposition) à des valeurs de gris, et ces gammes de gris envahissent le support restant en de larges étendues de camaïeux abstraits (condensation des deux grandes entre figuration et abstraction) pour contaminer sol et mur. Le peintre déréalisant ainsi ses références, porte une part importante de l’histoire de l’art vers d’autres formes à se représenter. Les dessins, déclinant d’une facture précieuse l’outil premier de l’artiste -la mainsont directement épinglés au mur. Mais cela est devenu une tradition dans l’art contemporain, comme d’intégrer les choses en marge, la chaise du gardien. Par ce traitement singulier du détail, Zhu Hong met en abyme la peinture, son histoire, l’acte de peindre, sa présentation. Notre regard aussi pour voir différemment les œuvres et le musée. CLAUDE LORIN

Pièce de collection Zhu Hong jusqu’au 19 septembre Musée Ziem, Martigues 04 42 41 39 60 www.ateliermuseal.net


1 PAYSAGES CHAVIRÉS

informations 06 14 25 10 83 www.voyonsvoir.org

CHÂTEAU GRAND BOISE chemin de Grisole 13530 Trets

2 PAYSAGES CHAVIRÉS

EXPOSITIONS DU 29 MAI AU 15 OCTOBRE

DOMAINE DE SAINT SER route Cézanne D17 13114 Puyloubier

ANNE-LISE BROYER BORIS CHOUVELLON FRANCIS DE HITA

3 L’APLOMB D’UN TUTEUR JARDIN DES 5 SENS 220 chemin de Repentance à la forêt

NICOLAS DESPLATS THIERRY GÉHIN CAROLINE LE MÉHAUTÉ FABIEN LERAT

13100 Saint Marc Jaumegarde Aix-en-Provence

DIDIER PETIT


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ARTS VISUELS

AVIGNON | BARJOLS

2006 au Festival d’Avignon : Miquel Barceló et Joseph Nadj composaient leur duo d’argile Paso Doble. Aujourd’hui Miquel Barceló joue en solo une triple exposition de grande ampleur

Barcelo, Gisant du cardinal © Delphine Michelangeli

Trois lieux majestueux forment un puzzle dont toutes les pièces s’imbriquent. Car le morcellement est sa manière de vivre, entre Paris, Majorque et le pays Dogon au Mali, et le mixage sa façon de penser, nourrie de tous les imaginaires et les traditions. «Tout ce qu’il avale et qu’il réutilise à sa manière» explique Éric Mézil, directeur de la Collection Lambert, quitte même à dérouter ceux qui ne parviennent pas à faire le distinguo entre «chef d’œuvre» et «croûte». Les ex-voto de la salle nautique en sont un exemple kitschissime ! «Chauvet, l’Afrique, les natures mortes, les termites, les masques ou les crânes tout est lié…, écrit-il, ce sont des archétypes de l’humanité. Pour moi, c’est mon quotidien, ma matière, ma pensée de chaque jour. Je trace des cartes de géographie qui relient tous ces mondes». À la Collection Lambert donc, place au «grand transformateur», celui dont le geste artisanal s’accapare physiquement toutes les matières : terre, chaux, plâtre, pièces de boubou, termitière, crotte d’âne, pelures d’oignon, huîtres… pour sculpter des bestiaires, cuire des céramiques ou dessiner des portraits. Comme ceux, exceptionnels, de neuf Albinos dont on sait le sort difficile en Afrique : ils s’appellent Moussa, Cheik et leurs visages ravagés apparaissent en négatif sur des papiers noirs «dépeints» à l’eau de Javel. Dans la grande galerie, sculptures et peintures sont traversées par l’Histoire (médiévale de préférence), les mouvements de l’art (depuis Zurbaran jusqu’à l’abstraction), les natures mortes aux titres épicuriens regorgeant de grenades et de courges, les vanités et la géographie méditerranéenne (de Majorque à l’Orient). Des plâtres inédits dévoilent un penchant naturaliste : âne, chimpanzé, chat en vis-à-vis avec des peintures animalières d’une grande cruauté. Il y a même là un Portrait de l’artiste en mammifère marin… À côté de cette métaphore de l’antique Mare Nostrum, le Palais des Papes représente la Terra Nostra,

événement annoncé dès le parvis par sa sculpture L’Éléphant. Neuf tonnes pour la version en bronze et 4 pour le plâtre exposé dans la Grande chapelle ! Miquel Barceló n’en est pas à un paradoxe prêt, qui joue avec le lieu transformé en musée lapidaire, mêle œuvres monumentales au sol et céramiques, plâtres et terres cuites incrustés aux parois. Jusqu’à provoquer la confusion : œuvre contemporaine ? gargouille ou tête de gorgone ?… Moins troublante et plus muséale, l’exposition au Petit palais est le fruit d’une collaboration avec les musées de Majorque. À travers un ensemble d’œuvres gothiques majeures et cinq œuvres de la Série des Termites, l’artiste s’offre un retour aux sources. Hommage à ceux dont il se sent l’héritier ?

Miquel Barcelo au Palais des Papes, Avignon 2010 © Delphine Michelangeli

L’été Barcelógnais

Tout le paradoxe Barceló est là : une œuvre colossale dans ses formes, ses matières et son rayonnement (on pense immédiatement à un autre colosse : Picasso), une mégalomanie assumée (il signe dans le catalogue le texte Miquel Barceló, vu par Miquel Barceló où il évoque son double), une érudition artistique et littéraire immense, une côte extravagante sur le marché de l’art… et une production si prolifique qu’elle se perd parfois ! MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Terramare jusqu’au 7 novembre Palais des Papes, Collection Lambert, Petit Palais, Avignon 04 90 16 56 20 www.avignon-barcelo.com

Brodez, brodez ! Tambour brode, oeuvre de Sophie Menuet, Zip 22, 2010 © Raoul Hebreard

Qui ne se souvient de la délicieuse réplique de Roxane dans Cyrano de Bergerac, lorsque Christian, éperdu d’amour mais si sottement muet l’accable d’insipides «je t’aime» ? «Brodez, brodez !», réclame-t-elle, consciente que le plaisir réside dans la finesse élaborée de l’ornement… Sophie Menuet brode, expose, mais ses travaux d’aiguille entraînent le spectateur dans un monde subtil aux sens multiples. L’action de broder, si «naturellement» attribuée aux femmes, heureuses Pénélopes aux suaves aiguillées, est discrètement détournée. Ces coussins aux carreaux naïfs sont en équilibre instable, ce cadre si traditionnellement ovale contient une esquisse

reprenant le geste répétitif de la brodeuse… Pourquoi ces chaussures informes sont-elles montées sur des passementeries démesurées ? Pourquoi ce gant de satin livre-t-il au regard un stigmate au creux de la main, qui tient de la pince ? Le vêtement évoqué nie l’humain, lui donne des caractéristiques animales, poulpe, crabe, méduse… Un visage se disloque sur une petite desserte, bouche, nez, yeux, éparpillés… Cela tient du conte d’Hoffmann, et met en doute l’intégrité des corps. L’ombre découpée, est-ce un test de Rorschach ou une véritable silhouette ? L’artiste pourtant fait mine d’ignorer le trouble qu’elle suscite, tous les mercredis elle brode avec les dames

du club de couture… «Transmission de mémoire à travers des gestes simples» souffle Sophie Menuet… Simple, comme le cœur dessiné sur la poitrine de son mari dans la vidéo qui accompagne l’exposition… Simple comme un conte fantastique ? MARYVONNE COLOMBANI

Tambour brodé Sophie Menuet jusqu’au 31 juillet Zip de Barjols 04 94 72 54 81 www.plainepage.com


FONTAINE-DE-VAUCLUSE | AVIGNON

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Plus jamais ça À Fontaine-de-Vaucluse, la parole des artistes d’aujourd’hui «fait surgir du réel tragique de la guerre la relève d’une conscience mature et libérée».

Alexandre Nicolas, Adolf foetus, Serie des Predestines © X-D.R

Là où s’exposent les traces de la Seconde guerre mondiale, les œuvres de 16 artistes conviés par Christine blanchet, commissaire de l’exposition …Que nuages…, évoquent les conflits d’hier et d’aujourd’hui dans un acte collectif de résistance. Liban, Bagdad, Gaza, Kosovo, Kaboul… Même si comme l’écrivait René Char «Le monde de l’art n’est pas le monde du pardon». En façade déjà, Pablo Garcia donne le ton et camouffle les parois de verre d’un treillis noir mat dehors, brillant dedans. Lui qui encore photographie le Camp Joffre de Rivesaltes en 2008 et tire des multiples distribués gratuitement aux visiteurs. Mémoire, devoir de mémoire : acte de résistance là encore et retour à l’histoire familiale pour Carole Challeau qui intervient in situ après s’être longuement imprégnée du lieu. À plusieurs reprises elle s’immisce dans les vitrines, entre les objets et les reconstitutions : Le Spectre, caché entre les rideaux, symbolise la mort tandis qu’une sculpture en tissu accrochée au mur met «ses tripes à l’air» pour signifier «la peur au ventre». Si la guerre de 14 n’a pas été la «der des der» comme l’espéraient les Poilus, les armes ont donc de beaux jours devant elles… comme le dénonce le Collectif LP LT qui, armé de sa seule imagination, combine dans sa Pièce-trophée «deux chars montés

l’un sur l’autre, immobilisés, et comme fossilisés, en pleine copulation». Sauf que les feuilles d’or qui la recouvrent s’effritent sous la moisissure… Même ton satirique et férocement provocateur chez Alexandre Nicolas qui glisse parmi sa Série des Prédestinés, aux côtés d’un Superman moulé dans

Lumière tamisée

Projet Georges Rousse croquis © X-D.R

Si l’exposition de Georges Rousse à la Chapelle Saint-Charles d’Avignon emprunte son titre à la formule du lux, unité de mesure de la lumière, celle-ci manque cruellement d’éclat. On s’attendait à une œuvre irradiante, presque céleste sous cette voûte magnifique… quand on découvre une proposition en demi-teinte ! Une photographie du Georges Rousse

photographe qui restitue les lieux en dédoublant le sujet de la représentation (effet «deux en un» réussi) et une installation du Georges Rousse plasticien qui tient plus de la cabane que de la cathédrale en bois même si elle allie monumentalité et fragilité. Là où Ernest Pignon-Ernest et Anne et Patrick Poirier avant lui s’étaient laissé porter par le souffle sacré de cette chapelle du 18e siècle, Georges Rousse n’a pas su trouver le bel équilibre. On ne pourra jamais aller au bout de son «chemin de bois», ni le traverser jusqu’à l’autel, ni même avoir suffisamment de recul pour voir surgir de l’espace son cercle peint en blanc. Il reste l’œuvre photographique pour reconstituer tous les morceaux du puzzle.

la résine comme les hippocampes, un embryon d’Hitler. Farce tragique que son Adolf fœtus à faire frissonner l’échine ! Loin de la protection qu’offre le rire distancié, Jean-Marc Cerino présente quatre dessins À des amis qui nous ont manqué qui, par leurs traces légères sur papier japon nacré, évoquent l’absence de ceux qui ne sont jamais revenus des camps. Une finesse du trait et une subtilité de la pensée que l’on retrouve dans les gravures de l’Américain Robert Morris très engagé contre la guerre du Vietnam notamment. Et puis il y a ce drôle de titre …Que nuages… emprunté à un poème de William Butler Yeats, lui même repris par Samuel Beckett et évoqué par Gilles Deleuze, pour dire le ciel, les tirs de roquette, l’absence, les météores. Et les artistes qui réactivent sans cesse la mémoire, même la plus terrible. MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Édition d’un catalogue bilingue français-anglais gratuit réalisé par l’artiste Didier Tallagrand

…Que nuages… Histoire et propos d’artistes jusqu’au 4 octobre Musée d’histoire Jean Garcin : 39-45 L’Appel de la Liberté, Fontaine-de-Vaucluse 04 90 20 24 00 www.vaucluse.fr

Cocooning Discret derrière sa haute façade, le musée Louis Vouland à Avignon cache dans les salons de l’hôtel de Villeneuve-Esclapon une «charmante» exposition, Intimités provençales, ambiances retrouvées autour des aquarelles de Louis Montagné (1879/1960). La conservation aurait pu accrocher de manière traditionnelle un florilège d’œuvres de celui qui fut L’Alcôve rose, L. Montagné © F. Lepeltier

jusqu’à sa mort conservateur du Musée de Villeneuve les Avignon et directeur de l’École des beaux-arts de la Cité des Papes. Justement non, ce qui aiguise notre curiosité ! Car en contrepoint aux Portraits d’intérieurs de cet aquarelliste hors pair, le scénographe Philippe Renaud a intégré dans leur jus ces chroniques de la société avec un sens du décor et de la mise en scène presque théâtral. Dans une alternance de murs aux tons vifs, mobiliers, vaisselles, tissus, candélabres, globes en verre, lit à baldaquin reconstituent l’univers quotidien de la fin du 19e siècle, modestes intérieurs ou vastes demeures de maîtres, dans une espèce de réalité retrouvée qui rend les scènes aquarellées presque nostalgiques… M.G.-G.

M.G.-G.

Installation de Georges Rousse jusqu’au 17 octobre Chapelle Saint-Charles, Avignon 04 90 16 10 51 www.vaucluse.fr

Intimités provençales, ambiances retrouvées autour des aquarelles de Louis Montagné jusqu’au 3 octobre Musée Louis Vouland, Avignon 04 90 86 03 79 www.vouland.com


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AU PROGRAMME

ARTS VISUELS

Penchants naturels Plagier, manipuler, scénographier, s’inspirer, contrefaire, s’immerger, célébrer, distancier, théâtraliser, détourner, brutaliser, méditer, poétiser… mais que diable ! De quoi sont donc capables vingt-sept plasticiens et designers contemporains lorsqu’il s’agit de nature ? De LA nature. À découvrir de dedans et en dehors du château, parc et dépendances. C.L.

D’après nature patrimoine et création contemporaine en Camargue jusqu’au 31 octobre Domaine départemental du château d’Avignon, Les Saintes-Maries-de-la-Mer 04 90 97 58 60 www.cg13.fr

Anne Laure Sacriste, Paravent, production Domaine departemental du chateau d'Avignon © Claude Lorin/Zibeline

Nus féminins Quel peut être le lien entre Cross, Van Rysselberghe, Courmes, Arène, Giacobazzi, Troin, Pescadère ? Ou encore Manguin, Maillol, Renoir, d’Espagnat, Sérusier, Chabaud, Monticelli, Friesz ? Ou enfin Plagnol, Alliou, Bert, Dufresne, Molinéris ? Le nu féminin, dans tout son éclat ! Cette féminité portée à son zénith par Cézanne dans ses Baigneuses… Grâce aux prêts du Musée de l’Annonciade, de la Fondation Regards de Provence et de collectionneurs privés, le Réseau Lalan donne à voir un florilège de représentations à travers le temps et les styles. M.G.-G.

Baigneuses du 2 septembre au 17 octobre vernissage le 1er septembre à 18h30. Musée arts et histoire, Bormes-les-Mimosas 04 94 71 56 60 Baigneuse à Cavalière, H. Manguin, Musée de l’Annonciade, St-Tropez © X-D.R

Le fil d’Ariane Deux événements en un à la Fondation Blachère à Apt ! Le premier, l’exposition Textiles qui dévoile le travail de 8 artistes africains issu de la collection et réunis par d’inventives créations de matières autour de la figure centrale Nnenna Okore qui tisse «les matériaux de la vie courante comme le papier journal»… Le second, l’installation Arbres à bleus du plasticien et designer Aboubakar Fofana qui fait habituellement voleter ses indigo dans l’air malien…

Gala Yiriniw, Arbres à Bleus à la Fondation Blachère, 2010 © X-D.R

M.G.-G.

Textiles Fondation Blachère, Apt jusqu’au 10 octobre 04 32 52 06 15 www.fondationblachere.org Judith Bartolani, peinture © X-D.R

Voyages intérieurs Longtemps accolé à Claude Caillol, le nom de Judith Bartolani navigue seul depuis 2004… et si sa réputation de sculptrice n’est plus à faire, celle de peintre reste à écrire. On peut en découvrir les derniers développements dans une série troublante où tout est mémoire : villes, ports d’attache, destinations, citations… «Mémoire héroïque quand ces noms portent les échos de l’histoire, les vertiges des diasporas» selon Michel Enrici, invité par l’association L’Art prend l’air à préfacer son exposition. M.G.-G.

Voyage en Bartolani Judith Bartolani jusqu’au 2 août Domaines Bunan, La Cadière d’Azur 04 94 98 58 98 www.bunan.com


ARTS VISUELS 63 Collection double Depuis 2004, l’Espace culturel du Lavandou est signalé par la sculpture de Marcel Van Thienen, Hélisolaire. Cet été, la ville expose quelques-unes de ses pièces majeures en regard de celles de son épouse le peintre Lalan décédée en 1995, dans un jeu de miroir pictural et amoureux. Une longue histoire lie le couple à la station du Lavandou… qui organise également son 1er Concours de sculpture : 15 œuvres exposées à l’Hôtel de ville seront soumises au vote du public (remise des prix le 30 juillet 18h30). M.G.-G.

Lalan - Van Thienen, La collection du Lavandou jusqu’au 12 septembre Espace culturel, Le Lavandou 04 94 00 41 72

Exposition Lalan VanThienen © X-D.R

Bucoliques ?

Le paysage reste en questions cet été lors des résidences d’artistes conçues par Voyons Voir : Francis de Hita au Jardin des Cinq Sens à Saint Marc Jaumegarde ; Anne Lise Broyer, Thierry Gehin, Nayoungim et Grégory Maass, Didier Petit au Domaine de Saint Ser, Catherine Melin à la Grande Bauquière, Noël Ravaud à Grand Boise et Vincent Bonnet en itinérance entre Aix, Trets et Puyloubier. Un colloque clôturera le tout en beauté les 13, 14 et 15 oct à Aix. C.L.

Du vignoble au jardin / traversées du paysage jusqu’au 15 octobre www.voyonsvoir.org Michel Stefanini, Paysage ordinaire 1, épreuve pigmentaire sur papier Hanemuhle Digital Fine Art, 109x109cm

Thierry Gehin, Verso, faire face à la montagne Sainte Victoire - domaine de St Ser 2010 © X-D.R

Photographismes À l’occasion de la parution chez Critères éditions du livre Paysages ordinaires de Michel Stefanini, la médiathèque de Miramas expose une sélection de tirages photocalligraphiques de l’artiste ainsi que plusieurs sculptures. L’œuvre de Michel Stefanini est déjà présente dans les collections de l’artothèque, dont une sculpture monumentale installée à demeure dans le patio. C.L.

Paysages ordinaires jusqu’au 29 juillet Médiathèque intercommunale, Ouest Provence 04 42 11 27 23 www.mediathequeouestprovence.fr


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HISTOIRE

ARCHIVES DÉPARTEMENTALES | MUSEON ARLATEN

L’exposition proposée aux Archives départementales éclaire les pratiques festives en Provence d’un regard neuf La particularité de cette exposition tient à la nature du matériau principal employé pour réaliser la trame du parcours : des lettres, résultant d’une enquête organisée par le préfet Villeneuve-Bargemon pour dresser «la Statistique» du département… Deux questionnaires ont été envoyés aux maires des communes pour dresser un état des lieux des fêtes. Ce témoignage officiel est forcément le reflet des élites locales mais il atteste aussi du statut des manifestations festives. Récoltés à partir de 1820, ces documents, accompagnés d’objets en partie récoltés par Mistral, donnent une vision différente des traditions rapportées par la littérature du XIXe siècle.

D’où viennent nos fêtes, et que célèbre-t-on ? les rogations, centrées sur les rites de fécondité, ou la Toussaint et la fête des morts du 1er et 2 novembre, finalement liées. Il faut ajouter que les communautés et les métiers ont leur propre calendrier festif célébrant leurs protecteurs. Les fêtes votives, enfin, correspondent à un vœu public : à Marseille, la fête du Sacré Cœur de Jésus, célébrée le vendredi qui suit la Fête-Dieu, rappelle le vœu de l’évêque Belsunce lors de la peste de 1720. Ajoutons encore les pèlerinages des petits sanctuaires locaux ainsi que les rites de passage : baptême, mariage, mort.

Noël en Provence Catégories de fêtes Le parcours proposé aux Archives par le Museon Arlaten (musée départemental d’ethnographie) reprend les grandes catégories de fêtes élaborées par le questionnaire préfectoral. Il met toutefois l’accent sur deux thèmes principaux : les temps et lieux de fête; l’organisation et les modes d’expression des acteurs. Dans la première salle se trouve le portrait du préfet Villeneuve, aristocrate modéré, ayant survécu à la Révolution, nommé par la royauté en 1815 pour apaiser les fortes tensions politiques de la région. Audelà de l’évaluation des ressources pour l’État, son entreprise ressemble à une tentative d’unification locale. Des lettres du maire de Trets, en 1805, et de Maillane, en janvier 1806, incitent au retour des fêtes. Il faut dire que la Révolution avait interrompu la grande organisation héritée de la société d’Ancien Régime. Le rétablissement du calendrier grégorien (1 janvier 1806) et le concordat signé par Napoléon (15 Juillet 1801) ont permis de renouer les fils anciens. Dans le calendrier liturgique on trouve deux groupes : le temporal, il commémore la vie de Jésus de Noël jusqu’à Pâques ; le sanctoral, il concerne la vie de la vierge et des Saints. Pour le calendrier traditionnel, ce sont les solstices qui sont fondamentaux : ils célèbrent la nativité du Christ, le 25 décembre, et celle de saint Jean Baptiste, le 24 juin. Entre ces deux temps forts, des fêtes comme carnaval, au caractère facétieux,

Les «fêtes générales» sont celles de la communauté catholique. Le parcours propose au visiteur l’exposition d’une charrette de pastrage, en bois, qui s’inscrit dans un moment particulièrement important lors des fêtes de Noël : la messe de minuit. Recouverte de fleurs, enfermant un agneau, le prêtre y dépose les offrandes. Un bélier tire la voiture, entouré de bergers et bergères. Le maire d’Alleins, en 1825, parle de la célèbre bûche de bois («cache feu») glissée dans la cheminée la veille de Noël. Il rapporte l’adage fameux : «cache feu ven, tou ben ven, dieou nous fague la graci de veire l’an que ven.» La lettre du magistrat de Cuges (1825) instruit plus largement sur le déroulement domestique de Noël. Cela commence par des échanges de présents dans la famille. À l’heure du gros souper, autour du chef de famille, le blé de sainte-barbe et d’autres objets décorent la cheminée. On allume aussi la lampe de carême devant la crèche. Celle-ci est une espèce de niche, en bois ou à même le mur, dans laquelle une image de la naissance du Christ est placardée. On y

glisse ensuite une figurine de la Sainte vierge ou un Saint-Antoine en plâtre. Le jour de Noël, on poursuit avec le repas autour de la dinde, ou du bœuf à la daube, du gâteau sucré au beurre ou à huile, des fruits secs et des nougats. Si la tradition a bien rapporté ces usages, il faut noter que les «félibres» -la renaissance provençale- ont arbitrairement fixé les desserts au nombre symbolique de 13. Une délicieuse Nativité de la dernière partie du XVIIIe siècle montre l’arrivée des rois mages. Les crèches, les «belen», sont souvent le fait, au XVIIIe, de religieuses, carmélites ou augustines qui se consacrent depuis la contre-réforme catholique à la dévotion de l’Enfant Jésus. Il faut noter là une évolution importante issue de l’initiative marseillaise : la Révolution ayant fermée les églises, la célébration de la nativité gagna la sphère privée. Avec «la quarantaine de Noël» qui fixe la terminaison de la fête à la Chandeleur, le 2 février et non à l’épiphanie, les grandes crèches se développent. En 1803 est organisée à Marseille la première foire aux santons !

Processions et fêtes Un tableau de Jean Roch Isnard montre une porte décorée avec une bannière de Saint Jean, un reposoir rempli de fleurs placé devant une statuette en niche de la Vierge à l’Enfant : c’est une étape de la procession de Pâques qui parcourt la ville. Autre cheminement sur le territoire : les Rogations. À Lançon, pendant les trois jours précédant le Jeudi de l’Ascension, on déambule dans une volonté de protéger les récoltes. La Fête-Dieu commémore, 57 jours après Pâques, l’institution de l’Eucharistie. À Aix, elle aurait été instituée par le roi René, désireux d’assurer le triomphe du Christianisme. Elle est l’occasion de voir la profusion et la richesse des costumes mais aussi des manifestations grotesques, symboliques des forces souterraines. Dans une vitrine on peut voir un masque de la Mort, crâne énorme, ou un autre de diable, avec ses grandes cornes. On peut voir aussi une crécelle (roue crantée qui fait claquer une lame) ou une claquette de Saint Jacques (deux plaques de bois amovibles qui frappent une troisième centrale). C’est que pendant la

Cheval de la Saint Éloi © Collection du Museon Arlaten


Semaine Sainte les cloches sont muettes jusqu’au Jeudi Saint. La Saint Eloi est une célébration surtout agricole. Une belle bannière de la confrérie des ménagers (paysans) de Thor représente une charrette décorée de fleurs tirée par des chevaux disposés en file et richement décorés. Le maire de Saint-Andiol (1825) nous décrit la fête. Vers 6h du matin on garnit la charrette de branches de peuplier ou d’orme. On l’attèle d’une quinzaine ou une vingtaine de chevaux ou mules. L’harnachement est très soigné (voir la vitrine). On amène la charrette devant l’église. Là, après la messe, le prêtre sort, avec les marguillers, portant le buste de Saint Eloi. Il fait le tour de la charrette puis la bénit ainsi que tous les animaux et le peuple assemblés. On sort ensuite du village et l’on fait courir l’attelage à grand train. On s’en revient et chacun prend une branche de la décoration pour la donner à manger aux bestiaux présents. La chandeleur et le carnaval sont aussi des fêtes particulièrement typiques. Une énorme tête de paille évoque Carnaval, brûlé en place publique. Le maire de Marseille produit, lui, un arrêté pour mettre en garde contre les débordements et ceux qui profitent de la mascarade pour commettre des abus. À la Saint Jean, le premier magistrat de Salon rapporte que l’on jette de l’eau sur les passants. On prépare aussi le feu qui, allumé vers 9 h du soir au son des tambours et trompettes, déclenche la joie de toute la population.

Les fêtes patronales, un remerciement protecteur Aux Saintes-Maries-de-la-Mer, on célèbre Marie Jacobée et Marie Madeleine. À Marseille, la dévotion pour le Sacrécœur donne lieu à une immense procession illustrée par le rouleau de Monheim de J.J Schnell, remarquable illustration de la communauté urbaine. À Cassis, un romérage célèbre St Pierre, le 29 juin, par des joutes nautiques, des courses et exercices de natation. À Tarascon, une grande tête de Tarasque, fabriquée en 1840, après de très graves inondations, affirme le caractère votif de la fête. Cette bête effrayante apparaissait pendant la Pentecôte mais, selon le sous-préfet, à la Sainte Marthe, le 29 juillet, elle était domestiquée par la Sainte et déambulait pacifiquement dans les rues.

Une vie festive laïcisée Les jeux, la danse et la musique sont essentiels. Un ex-voto de 1825 dépeint le rond de charrettes : rangées en cercle, elles forment une sorte d’arè-

ne où sont lâchés des taureaux... et les razeteurs. L’«abrivado» (l’amenée des taureaux), ou la «ferade» (marquage des bêtes) sont accompagnés de réjouissances. À Berre, au soir de la récolte des amandes, chaque participant se lance dans un concours de chant avec ses convives. Un «pego» exposé, un lampion, illustre, avec une gravure, la danse des quenouilles pratiquée par les bergères. Le mat à cordelettes, lui, permettait aux danseurs de fabriquer (ou de défaire) en dansant une tresse multicolore. Le maire d’Istres évoque les danses : jarretières, bergères, moresques, épées... À ces occasions, les jeunes célibataires se rapprochent, ce qui favorise le choix du conjoint contre l’arrangement familial. De même, les jeux valorisent certains groupes et relativisent la contrainte sociale liée au mariage. La chromographie d’une aubade rappelle qu’il faut quêter pour payer les musiciens dont les instruments traditionnels (le galoubet, le tambourin, le bachas (grosse caisse), le hautbois, les cymbalettes ou le violon) sont exposés. Indispensables encore, les organisateurs. En premier lieu les pénitents, héritiers d’une longue tradition de sociabilité. Un costume présenté rappelle qu’ils étaient vêtus d’une longue robe à cagoule. Blancs ou gris, ils défilent, avec bâton et croix, pour une procession ou pour un enterrement de pauvre. Les prieurs et les abbés de jeunesse sont, eux, des proches du corps municipal. Ils récoltent des fonds pour les musiciens ou pour les prix distribués aux jeux. On notera qu’à la fin du XIXe siècle, les cabaretiers, conscients des profits produits par les fêtes, devinrent des organisateurs patentés. Si l’on regrette une répartition des objets un peu décousue, dans l’ensemble le travail présenté est extrêmement intéressant : à l’évidence les documents administratifs donnent une vision originale de la fête. RENÉ DIAZ

Jours de fête en Provence Archives départementales des Bouches-du-Rhône, Marseille jusqu’au 23 décembre 04 91 08 61 00 www.archives13.fr


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PATRIMOINE

MÉMOIRE ET ARTS VIVANTS

Attention : l’été détourne les pierres ! Ces bâtiments qui s’éloignent de leur fonction première, quelle étrangeté direz-vous, mais quelle merveille aussi que ce supplément d’âme apporté à la modernité par une mémoire tangible qui tisse des liens subtils entre notre monde et l’ancien… La région regorge ainsi de surprises, les lieux qui se métamorphosent avec génie, et quoique loin de leur fonction première continuent de nourrir nos réflexions et nos sens. Regardez, cette habitation n’en est plus une, mais un centre d’exposition, ce cloître dévoué aux prières s’enflamme de musiques profanes, ce conduit d’eau devient décor de théâtre… Un petit voyage au cœur de ces détournements ?

Archéologie expérimentale Premier détournement, le vôtre : abandonnez vos habitudes, immergez-vous activement dans des réalités reconstituées !

Monuments antiques revisités Plus de sang de gladiateurs dans les arènes d’Arles, de Nîmes, d’Orange, mais des Festivals ! Qui doivent beaucoup à l’architecture antique Les arènes de Nîmes reçoivent pour leur festival ZZ TOP, Gossip, Dutronc, Chedid… Orange accueille ses Chorégies dans le théâtre antique le mieux conservé. La Tosca, Mireille, concert lyrique et concert symphonique vous attendent… Acoustique exceptionnelle… un Le Pont dans tous ses Etats © Thierry Nava - Groupe F

Village prehistorique de Quinson © X-D.R.

Le village préhistorique de Quinson reproduit les habitats qui se sont succédés dans la préhistoire, les siècles ici se juxtaposent, et vous pouvez apprendre l’un des premiers gestes fondateurs de l’humanité : créer le feu ! À Beaucaire, l’association ACTA vous entraîne dans des reconstitutions antiques ou médiévales, parfaitement documentées. Vous vous habillez, vous battez, mangez comme vos ancêtres ! Au mas des Tourelles, juste à la sortie de Beaucaire, c’est la vigne et son traitement à l’antique, d’après les agronomes de l’époque qui vous emporte dans un voyage dans le temps… Le vin à l’eau de mer ? pas si mal !

incontournable ! Arles voit son théâtre antique dédié aux musiques actuelles par l’intermédiaire du Cargo de Nuit (du 26 au 29 juillet)… Le sublime théâtre antique de VaisonLa-Romaine danse du 8 au 27 juillet… Unique ! D’autant que vous pouvez faire précéder le spectacle par la visite du site archéologique… Fréjus vous attend dans son théâtre romain Philippe Léotard, pour les nuits Auréliennes, (du 13 au 29 juillet) et une belle programmation théâtrale… Le Pont du Gard a renoncé à sa fonction d’aqueduc et s’illumine en de superbes spectacles chaque été. Cérémonies dans lesquelles le feu et l’eau se conjuguent… Ne pas oublier de passer par le musée !

Les châteaux ouvrent leurs portes Le temps d’une soirée, nous devenons châtelains, ambiances de charme, convivialité… Château de l'Emperi © R. Cintas-Flores-Ville de Salon

Le festival des Suds d’Arles s’égare au Château d’Avignon. Les jardins du Palais Longchamp à Marseille se plongent dans le festival jazz des cinq continents du 19 au 24 juillet… Les cours du château de l’Emperi de Salon, résonnent tout l’été de musiques éclectiques, variété, opéra, musique classique, théâtre classique, théâtre contemporain… tandis que le château lui-même est devenu un extraordinaire musée d’histoire militaire… Le château de Lourmarin accueille tout l’été des concerts classiques de belle qualité. Le château de Trets vit toute l’année,

avec des expositions de photographies, de peintres, des thèmes divers, comme la belle expo sur le bois, ou les manifestations d’ARTESENS. Les concerts y connaissent une belle acoustique et la danse ne dédaigne pas de s’y attarder ! Le château de la Tour d’Aigues connaît une belle exposition, Secrets de compagnons, et prendra des airs de jazz du 11 au 14 août… Le Musée Vouland, à Avignon, accueille les soirées théâtrales Siècle des Lumières jusqu’au 25 juillet et les soirées Musique dans le jardin Évocations de Frédéric Chopin les 24, 26 et 28 août


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Les heures sereines Églises et abbayes consacrées à Orphée ! Les lieux sacrés résonnent de musiques : c’est que l’été, ils ajoutent à belle acoustique l’avantage de la fraîcheur, et l’abri du vent. Bien sûr il y a les anciens entrepôts de la Seita, devenus une friche d’artistes, féconds en évènements artistiques dans tous les domaines… Les Tanneries de Barjols ont connu avec bonheur la même évolution. Cet été, dans le cadre d’un bel échange avec des artistes de Cologne, elles reçoivent l’exposition Chantiers Mobiles, du 7 août au 5 septembre… Un rendez-vous à ne pas manquer ! Les carrières des Baux ont trouvé une voie nouvelle d’expression, leurs murs troglodytes devenant le support d’extraordinaires expositions. Cette année, n’oubliez pas celle qui est consacrée aux Aborigènes !

Les lieux industriels se reconvertissent Une mémoire plus récente, habitée de grands-parents connus, et plus populaires Abbaye de Sylvacane © Xavier Antoinet

Du 18 au 25 juillet, aura lieu le 20e festival de Musique Médiévale du Thoronet. Sylvacane accueille des concerts du festival de piano de la Roque d’Anthéron, et certains concerts du festival Durance Luberon. Les 17e soirées musicales de l’Abbaye de la Celle, du 18 juillet au 6 août, présentent un programme varié qui va de Bach, Chopin au tango nuevo entre autres… 4e édition du festival d’orgue de Bouc-Bel-Air a lieu en l’église Saint André… La merveilleuse Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon se consacre quant à elle pleinement au théâtre… rachetant un peu les auteurs et acteurs excommuniés et enterrés en fosse commune ! Quant au Palais papal de l’autre côté du Rhône, il reste visité même durant LE Festival… Loin de nous engluer, ce patrimoine détourné, dont cette liste n’est qu’un avant-goût, nous pousse vers de nouvelles formes, des questionnements. La réussite de ce réinvestissement du patrimoine réside sans doute aussi, au-delà de leur intérêt propre, dans la sensation de filiation, d’appartenance à un trajet intellectuel, artistique, humain, qui nous détermine et nous dépasse. Passez-y un bel été ! MARYVONNE COLOMBANI

Terre de festivals www.laregie-paca.com

Optimiste ? Horas non numero nisi serenas, je ne compte que les heures sereines… affirme le cadran solaire de la façade. Et pourtant, combien de drames se sont joués autour des murs du château de Roussan, ou plutôt de la bastide de Roussan, reprendrait avec humour son propriétaire, M. Roussel, guide de ces lieux qu’il affectionne et auxquels il se consacre totalement. Est-ce que le charme secret vient du premier propriétaire connu, le Capitaine Chevalier Bertrand de Nostredame, (2e partie du XVIe siècle), le frère même, vous l’avez deviné, du savant et visionnaire Nostradamus ? Ou est-ce le fantôme désolé de Diane de Joannis, surnommée la Belle Provençale ? Son portrait dans le grand escalier en rappelle la beauté qui subjugua le Roi Soleil en personne ! L’attention royale à laquelle la Belle ne répondit pas lui coûta cher, la fin de son époux, écarté par le roi, et son retour en Provence qui s’acheva tragiquement… Laissez-vous raconter cette histoire, lors d’une promenade dans le parc, délicieusement désordonné. La bignone s’enlace à l’aubépine. Les plates-bandes s’égarent, quelques fleurs sauvages se glissent parmi les mousses, d’étranges statues émergent d’une végétation excentrique, nymphes, Bacchus joufflu, divinités champêtres qui semblent garder les eaux du grand bassin dans lequel on distingue quelques carpes ; un étrange batracien à la chevelure dénouée domine la scène… on a envie de se perdre dans la bambouseraie, et l’on se retrouve face à une serre monumentale du XIXe, parcourue en son centre par un petit canal. Jeux de la lumière qui se diffracte… rencontre avec dame cygne, altière et noble sur les brochures, véritable oie du Capitole, espiègle et gourmande, fétiche du parc ; les visiteurs la réclament, elle se livre à un cabotinage endiablé, attendant probablement l’arrivée de nouveaux compagnons… Puis revenez doucement vers le château, la façade théâtrale, avec son balcon

d’apparat bien centré oppose ses lignes régulières et harmonieuses à cette nature faussement sauvage et négligée. Il a fallu toute la patience et l’amour de M. Roussel pour remettre en état le bâtiment qui avait été occupé par les Allemands pendant la deuxième guerre mondiale ; dégradations, pillage… tout était à reprendre, à reconstituer. Travail minutieux pour retrouver les couleurs, les formes, les moulures, les gypseries, les sols, la patine, l’atmosphère des différentes parties du château, celles du XVIIIe, et celles du XIXe… Découvertes de secrets, qui pourrait imaginer sous les lambris du couloir des plafonds «à la française» ? Énigme de ce petit meuble orné de têtes de chiens, en fait un meuble à cigares, avec ses claies, son réservoir d’eau… approchez-vous de ces ombrelles en abat-jour, objets de collection elles servaient aux élégantes du XVIIe, voyez leur manche d’ivoire délicatement ouvragé… une foule de détails, d’objets nous interrogent. Rien de tape-à-l’œil, pas de grandes pièces, l’intérieur est bourgeois, aisé, raffiné, discret. Quant à la bibliothèque aux larges baies ouvertes sur les Alpilles, elle est enchanteresse : vastes vitrines incluses dans les murs, chacune surmontée du buste d’un philosophe, Platon, Socrate, D’Alembert, Montesquieu, Diderot, Rousseau… Livres rares, mais aussi le cours de géométrie de Louis Roussel qui semble avoir été oublié négligemment sur une table, cours de 1852 ! Gentilhommière à vivre, le château est un hôtel, mais cherche également à animer ses murs de culture : ainsi il a abrité cette année un festival de jazz et participe à la première édition du Festival d’Art Contemporain AP’ART. Un lieu vraiment exceptionnel, à découvrir absolument. MARYVONNE COLOMBANI

Château de Roussan Saint-Rémy-de-Provence 04 90 90 79 00 www.chateauderoussan.com Château de Roussan © X-D.R


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PATRIMOINE

CHÂTEAU D’AVIGNON

Architecture et développement durable vation du patrimoine, le site de Glanum, la chapelle du fort Saint-Jean de Marseille, le château des Baux, la Cité Radieuse du Corbusier. Réemploi des matériaux, prise en compte de la dimension sociale, avec création de travail, ingéniosité de certains travaux réversibles…

Histoire d’un domaine

Pourquoi durer ?

Il tient son nom de la famille qui l’a bâti au XVIIIe. Mais c’est à la fin du XIXe que le négociant en spiritueux Louis PratNoilly l’acquiert et le transforme, ajoutant au cœur du vaste jardin à l’anglaise, dépendances, chaufferie, château d’eau, usine (jonction entre le Petit-Rhône et le domaine, station de pompage et lieu de production électrique), lavoirs construits en matériaux nobles et modernes, bassins de décantation… Visionnaire, patron paternaliste convaincu par les nouvelles thèses scientistes et hygiénistes, membre du comité de l’exposition universelle de 1900, Louis Prat-Noilly avait orchestré dans cet espace une sorte de cité idéale, avec une organisation proche de celle des phalanstères pour ses ouvriers, auxquels il avait accordé une protection sociale du berceau à leur mort et le même confort que celui dont il bénéficiait : baignoires, toilettes modernes, chambres spacieuses, chauffage central, eau courante… et ce, à la fin du XIXe ! La fée électricité y fit son apparition 30 ans avant l’éclairage public ! Déjà, l’organisation mise en place reposait sur les trois piliers du développement durable : économie (fonction industrielle et agricole du château), société, nature (projet paysager du parc dont subsistent de nombreuses essences, comme la bambouseraie). Racheté par le Conseil Général 13 en 1984, le domaine départemental a été classé au titre des monuments historiques en 2003. Établissant une belle continuité avec l’esprit des lieux, le château abrite aujourd’hui des expositions (voir p 62), et des conférences débats qui posent les problèmes de la modernité, de la manière dont les générations futures doivent occuper l’espace, l’environnement…

Françoise Hélène Jourda reprend le discours en insistant sur la question essentielle des matériaux. Il n’y a pratiquement plus de sable ou de carrières en France, on doit en importer d’autres pays, et les transports accentuent l’effet de serre. Provocatrice, elle interroge : pourquoi vouloir rebâtir ce qui est disparu, sur quels critères décide-t-on de ce qui appartient à l’héritage patrimonial ? Et pourquoi construire si ce n’est pour y vivre ? Pourquoi tel château plutôt que de donner à manger au Burkina Faso ? Il ne faut plus construire pour laisser orgueilleusement son nom traverser les siècles par l’intermédiaire de construction… Il faudrait renoncer à laisser des traces, aller à l’encontre de l’ego des architectes et des politiques. Réhabiliter, oui, conserver ce qui peut avoir de l’usage, bien sûr, mais d’abord là où il y a des gens en situation fragile. Cessons d’entretenir la fracture sociale avec des villes musées pour des gens riches ! Philippe Madec renchérit en suggérant que tout est patrimoine, l’air, l’eau… le patrimoine immatériel des poètes aussi… Est-il si grave que des pans de notre patrimoine ne soient pas durables ? L’objectif primordial est de trouver une autre manière de vivre ensemble sur terre. La technique ne constitue pas l’essentiel, mais son utilisation. Faut-il donc garder tels quels des lieux tabous, pourquoi ne pas transformer une église déserte en terrain de basket ? Le patrimoine est culturel, donc relatif et non immanent… Questions cruciales qui amènent, lors du débat, à formuler un nouveau postulat : les architectes doivent entrer en politique au sens noble du terme ! Remarque profonde aussi, dans le cadre du développement durable : préférer l’art de la sieste à la clim ! Les stridulations insistantes des cigales tendaient vraiment à leur donner raison…

Empreinte écologique Les 12 et 13 juin derniers, les journées du Domaine des Possibles confrontaient les pratiques des professionnels aux attentes du grand public, et interrogeaient le développement dura-

Le Château d'Avignon lors des journees du Domaine des possibles © X-D.R.

Le château d’Avignon, malgré son nom, ne se situe pas dans la cité des papes et du théâtre, mais se dresse en Camargue, à quelques encablures des Saintes-Maries-de-la-Mer

ble. Quelles utopies rêver pour arrêter les choix qui détermineront nos lendemains ? Françoise Hélène Jourda (agence JAP), Philippe Madec (ENSA Lyon), François Botton (architecte en chef des Monuments Historiques), Pascal Urbain (ENSA Marseille), ont su avec intelligence et clarté, expliquer les axes de réflexion qui leur permettent d’articuler leurs recherches. Du domaine des possibles, la causerie débute par l’analyse du domaine des nécessaires. Si le partage était équitable, il y aurait sur terre et par habitant 2 hectares par habitant moins 0,8 pour les forêts primaires, donc 1,2 hectares d’empreinte écologique par habitant (l’empreinte écologique, c’est la surface du monde que chacun exploite). En Europe, l’empreinte écologique est de 5 hectares par habitant… Comment donc laisser à nos descendants un monde convenable ? À 5

hectares, nous ne laisserons qu’un champ de ruines…

Préserver ou laisser mourir ? François Botton enchaîne sur les propos de Pascal Urbain : la question de pérennité se présente dans le domaine du patrimoine. Deux théories s’opposent : un bâtiment est un organisme vivant qui, donc, meurt ; ou bien, tout bâtiment doit être absolument préservé… Au-delà du coût que représente la lutte contre l’obsolescence, se pose aussi la question de l’utilisation du bâti patrimonial, qui peut différer de sa fonction initiale. Et la question des nouveaux patrimoines se pose : les matériaux modernes sont moins pérennes. Il est aussi difficile et aussi cher de réparer du béton que des constructions anciennes ! F. Botton présente quelques exemples de réno-

MARYVONNE COLOMBANI



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RENCONTRES

AIX-EN-PROVENCE Ecritures Croisées – 04 42 26 16 85 Rencontre-lecture avec Annie Barrière pour Vallier sous le tilleul ou les fins de la peinture (éd. K-livres) présentée par Evelyne Artaud et lue par Michaël Lonsdale. Le 29 juillet à 19h30 à l’Atelier Cézanne. AVIGNON Association H/F - http://h.f.idf.free.fr L’association H/F a pour but de lutter contre les discriminations femmes/hommes dans les domaines de l’art et de la culture. Quatre rencontres sont organisées durant le Festival d’Avignon : Table ronde organisée par H/F Rhône-Alpes pour présenter une Saison I paritaire pour 2011-2012 qui associe des lieux et structures culturelles lyonnaises, le 17 juillet à 10h30 sur la péniche de la Région Rhône-Alpes ; Débat, animé par la journaliste Anne Quentin, sur le Manque de visibilités des créatrices dans les programmations : pour combien de temps encore ? avec H. Archambault, co-directrice du Festival d’Avignon, G. Fraisse, philosophe et historienne de la pensée féministe, R. Prat, inspectrice générale de la création, des enseignements artistiques et de l’action culturelle, S. Mongin-Algan (H/F Rhône-Alpes), M. Bouhada et M. Cochet (H/F Île-de-France), M. Guerrero (H/F Languedoc-Roussilllon), D. Stéfan (SFA Marseille), le 17 juillet à 16h dans la cour du Cloître Saint-Louis ; Table ronde sur la Parité dans le spectacle vivant : comment ? quand ? avec S. Mongin-Algan, metteuse en scène, codirectrice du Nouveau Théâtre du 8e à Lyon et Présidente de H/F Rhône-Alpes, F. Barret, comédienne-auteure-conteuse, Théâtre dire d’étoile, H/F Rhône-Alpes, B. Pélissier, comédienne-traductrice, présidente H/F Île-de-France, M. Bouhada, auteure-metteuse en scène, H/F Île-deFrance, A. Courel, metteuse en scène, directrice du Centre Culturel Théo Argence à Saint-Priest, Scène Régionale, membre H/F Rhône-Alpes et engagée dans la Saison 1 / Égalité Hommes-Femmes, le 19 juillet à 14h dans le village du Off ; Mensuel gratuit paraissant le deuxième mercredi du mois Edité à 30 000 exemplaires imprimés sur papier recyclé Edité par Zibeline SARL 76 avenue de la Panouse | n°11 13009 Marseille Dépôt légal : janvier 2008 Directrice de publication Agnès Freschel Imprimé par Rotimpress 17181 Aiguaviva (Esp.) photo couverture BARCELO © Delphine Michelangeli Conception maquette Max Minniti Rédactrice en chef Agnès Freschel agnes.freschel@wanadoo.fr 06 09 08 30 34

AU PROGRAMME | ADHÉRENTS

Rencontre publique d’information H/F Île de France dans le lieu de la Région Île de France, le 20 juillet à 10h30 à la Chapelle du Miracle. Festival d’Avignon - 04 90 27 66 50 Dans le cadre du Festival, le Théâtre des idées aborde des thématiques abordées par les propositions artistiques du Festival par le biais d’interventions dialoguées d’intellectuels : L’exercice du pouvoir conduit-il nécessairement à des abus de pouvoir ? avec Mathieu Potte-Bonneville, philosophe, et Sophie Wahnich, historienne, le 16 juillet ; Fragile humanité ? avec Marc Augé, anthropologue, le 17 juillet ; Ironie de l’histoire ? avec Jacques Bouveresse, philosophe, le 20 juillet ; Comment surmonter les crises ? avec Christophe Dejours, psychiatre et psychanalyste, Susan George, politologue et Roger de Weck, écrivain et journaliste, le 21 juillet ; Comment peut-on être musical ? avec Rodolphe Burger, compositeur, musicien et chanteur et Pascal Dusapin, compositeur, le 21 juillet ; Quel avenir pour le futur ? avec Bruno Latour, sociologue, philosophe et commissaire d’exposition, le 24 juillet. Les rencontres ont lieu à 15h au Gymnase du lycée Saint-Joseph et sont modérées par Nicolas Truong. Les Lectures d’écrivains ont lieu au Musée Calvet : Pierre Guyotat lit un extrait de son livre Arrière-fond (Gallimard, 2010), le 20 juillet à 19h ; Anne Portugal lira des extraits de son livre Définitif Bob (POL, 2002) et Pascalle Monnier Bayart (POL, 1995), le 21 juillet à 11h ; Frédéric Boyer lira Techniques de l’amour (POL, 2010), son dernier ouvrage, le 22 juillet à 11h ; Laurent Poitrenaux lira Respirations et brèves rencontres de Bernard Heidsieck (Al Dante, 1999), le 23 juillet à 11h ; Pierre Michon donnera lecture de quelques extraits de son œuvre (dernier ouvrage paru Les Onze, Verdier, 2009), le 24 juillet à 11h. FUVEAU Association Les écrivains en Pce - 04 42 68 13 03 21e Salon littéraire Les écrivains en

Secrétaire de rédaction spectacles et magazine Dominique Marçon journal.zibeline@gmail.com 06 23 00 65 42 Secrétaire de rédaction Jeunesse et arts visuels Marie Godfrin-Guidicelli m-g-g@wanadoo.fr 06 64 97 51 56 Société Chris Bourgue chris.bourgue@wanadoo.fr 06 03 58 65 96

Provence, sous la présidence d’honneur d’Edmonde Charles-Roux ; 14e rencontres Ces lettres venues d’ailleurs, pays invité l’Allemagne. Du 2 au 5 septembre. GARDANNE Mairie - 04 42 65 79 00 Les Fiestas de l’été, dans le quartier de Biver : la médiathèque propose des contes itinérants animés par Marie Ricard (du 20 au 23 juillet) ; concours de chant ouvert à tous intitulé Les talents de demain, à partir de 15h le 30 juillet, place de l’église ; Fiesta de la vieille-ville avec repas de quartier à 20h et projection de Looking for Eric en extérieur le 24 juillet. L’ARGENTIÈRE–LA-BESSÉE Service culturel de la Mairie - 04 92 23 04 48 9e festival du livre sur le thème La montagne, monde imaginaire et fantastique ; de la transmission orale à l’écrit, avec l’écrivain Édouard Brasey. Spectacle de conte avec Marie Ricard, conférence sur les êtres fantastiques et imaginaires de la montagne. Du 4 au 6 août. LURS Rencontres internationales de Lurs info@rencontresdelure.org Futileutile, semaine de typographie : la typographie entre plaisir et devoir. Du 22 au 28 août. Association Appel d’Art - 04 92 87 07 48 8e édition de Blues et polar sur le thème Le Polar et la Mer. Du 23 au 28 août. MARSEILLE Espace Villeneuve-Bargemon - 04 91 14 58 80 Dans le cadre du Festival Jazz des 5 continents, exposition Regards de Jazz, 1re édition : 130 photographies en N&B de Martine Montégrandi, Serge Mercier & Christian Ducasse. Jusqu’au 15 août. Maison Blanche/Mairie des 9e et 10e arr. – 04 91 14 63 50 Dans le cadre du Festival Jazz des 5 continents Dessins de textes : Jean Pelle à la plume, Michel Morosoff au pinceau ou

Musique et disques Jacques Freschel jacques.freschel@wanadoo.fr 06 20 42 40 57

Histoire et patrimoine René Diaz renediaz@free.fr

Frédéric Isoletta fredisoletta@gmail.com 06 03 99 40 07

Polyvolantes Maryvonne Colombani mycolombani@yahoo.fr 06 62 10 15 75

Cinéma Annie Gava annie.gava@laposte.net 06 86 94 70 44

Delphine Michelangeli d.michelangeli@free.fr 06 65 79 81 10

Élise Padovani elise.padovani@orange.fr

quand l’union du verbe et du trait enfante le swing d’une smala colorée de jazzmen. Jusqu’au 4 septembre. Archives Municipales – 04 91 55 33 75 Exposition Marseille au Moyen Âge, La ville oubliée, en partenariat avec l’Inrap, de 9h à 12h et de 13h à 17h du mardi au vendredi, de 13h à 17h le samedi, jusqu’au 27 novembre. MARTIGUES Musée Ziem - 04 42 41 39 50 Exposition Pièce de collection de Zhu Hong. Jusqu’au 19 septembre. ROGNES Comité des fêtes - 04 42 50 13 36 8e Festival des Carrières en Rognes : Cabaret Circus le 16 juillet, Jean de Florette par la cie César Choisi le 19 juillet, concert de Cœur de Pirate le 21 juillet, les Bazarettes le 24 juillet. SALON Service culture - 04 90 56 00 82 Festival Scènes d’ici au Château de l’Emperi: des artistes et groupes locaux se produisent le 27 août dès 19h dans la Cour Renaissance, Greg Fontaine, Alain Ortega, Clan D, Kobalt et Oh ! Tiger Mountain ; concert européen de musique classique avec l’Orchestre de chambre de Jeunes Européens dirigé par Sébastien Boin sur une création d’une œuvre originale de Thomas Keck, le 8 août à 19h dans la Cour Renaissance ; spectacle de la cie Les Grooms, La Baronnade, le 14 août à 21h place des Centuries ; concert hommage à Pink Floyd, Best of Floyd, le 20 août à 21h dans la Cour d’honneur. SOLLIÈS-VILLE Association Littérature Enfantine - 04 94 28 78 13 Le 22e festival de BD aura comme invités d’honneur Art Spiegelman (Maus) et Françoise Mouly. Festival majeur, il donne l’occasion de rencontrer des auteurs prestigieux, parmi lesquels Jiro Taniguchi (Quartier Lointain), Jean-Pierre Gibrat (Le Sursis), Marcel Marlier (Martine), Julien Neel (Lou !). Du 27 au 29 août.

Marie-Jo Dhô dho.ramon@wanadoo.fr

Arts Visuels Claude Lorin claudelorin@wanadoo.fr 06 25 54 42 22

Philosophie Régis Vlachos regis.vlachos@free.fr

Maquettiste Philippe Perotti philippe.zibeline@gmail.com 06 19 62 03 61

Livres Fred Robert fred.robert.zibeline@free.fr 06 82 84 88 94

Sciences et techniques Yves Berchadsky berch@free.fr

Ont également participé à ce numéro : Dan Warzy, Yves Bergé, Susan Bel, Aude Fanlo, Christophe Floquet, Jean-Mathieu Colombani, Pascale Franchi

Photographe : Agnès Mellon 095 095 61 70 photographeagnesmellon.blogspot.com Directrice commerciale Véronique Linais vlinais@yahoo.fr 06 63 70 64 18 Attachée commerciale Nathalie Simon nathalie.zibeline@free.fr 06 08 95 25 47


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résas obligatoire auprès d’Audrey Grisoni au 06 60 51 23 36 ou audrey.grisoni@live.fr Auto Partage Provence Vous offre 6 mois d’abonnement gratuit d’essai vous disposez d’une voiture quand vous le souhaitez, à réserver par téléphone ou Internet, 24h/24, 7j/7, selon vos besoins. 04 91 00 32 94 www.autopartage-provence.com La Minoterie tarif réduit pour toutes les représentations 8 € au lieu de 12 € 04 91 90 07 94 Les Bancs Publics 1 place offerte pour 1 place achetée pour tous les spectacles 04 91 64 60 00 L’institut culturel italien vous offre 3 adhésions annuelles d’une valeur de 32 €, cette «carte adhérent» vous donnera accès à tous les services de

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