Resilience de la construction en terre à Mayotte

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Master en Architecture

RESILIENCE DE LA CONSTRUCTION TERRE A MAYOTTE Opportunités pour un développement endogène

Zoubert Ibrahime a, 2018 a

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Montpellier, Antenne de la Réunion Directeurs de Mémoire : R. Le Roy (ENSAPM) / M. Watin (ENSAM) Année de publication : 2018



Master en Architecture

RESILIENCE DE LA CONSTRUCTION TERRE A MAYOTTE Opportunités pour un développement endogène

Zoubert Ibrahime a, 2018 a

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Montpellier, Antenne de la Réunion



Table des matières Introduction

1

PREMIERE PARTIE

3

1.

CONTEXTE SOCIO-POLITIQUE MAHORAIS

3

2.

ETAT DE LA CONSTRUCTION EN TERRE A MAYOTTE

5

2.1.

SITUATION GEOGRAPHIQUE ET GRANDS TRAITS CLIMATIQUES ET GEOLOGIQUES DE MAYOTTE

5

2.2.

CONTEXTE DE LA CONSTRUCTION EN TERRE A MAYOTTE

8

2.3.

DEVELOPPEMENT DE LA FILIERE D’HABITAT EN BLOCS DE TERRE COMPRIMEE

8

2.4.

PANORAMA DE L’ARCHITECTURE A MAYOTTE

11

2.4.1.

L’UNITE D’HABITATION MAHORAISE : « NYUMBA-SHANZA »

11

2.4.2.

TYPES DE CONSTRUCTIONS INDIGENES

13

2.4.3.

TYPES DE CONSTRUCTIONS ALLOGENES

16

2.4.4.

TYPES DE CONSTRUCTIONS « NEO-TRADITIONNELLES » [15]

18

3.

OBSTACLES ET OPPORTUNITES DE L’ARCHITECTURE EN TERRE

21

DEUXIEME PARTIE

25

1.

25

PROPRIETES DE LA TERRE DE MAYOTTE

1.1.

MATERIELS ET METHODES

25

1.2.

RESULTATS

27

1.3.

DISCUSSION

29

2.

CONSTRUIRE EN BTC A MAYOTTE : LES FREINS PSYCHO-SOCIOLOGIQUES

30

2.1.

METHODOLOGIE :

30

2.2.

RESULTATS

32

2.3.

DISCUSSION

38

CONCLUSION GENERALE :

43

Références bibliographiques

45

Annexe 1 : Listes des figures et illustrations

49

Annexe 2 : Questionnaire à destination des particuliers

51

Annexe 3 : Interview du directeur de la SIM

53

Annexe 4 : Interview de Mme H.

59



Introduction La terre est revenue au centre des discussions à l’échelle planétaire en tant qu’Eco-géo-matériau entre autres grâce au programme d’Architecture de Terre du Patrimoine Mondial de l’UNESCO (2007-2017). Bien avant cela, la France, pionnière en Europe, a initié un mouvement visant à relancer la filière terre crue dans les années 1980 grâce au Centre de Recherche et d’Application – Terre (CRAterre) [1]. Malgré une collaboration active à travers le monde, peu d’informations existent sur son utilisation technique en zone tropicale. De plus, la construction en terre y est souvent mal perçue en comparaison aux constructions dites « en dur » [2]. Dans ce contexte, Mayotte a été un terrain d’étude privilégié [1]. Le développement d’une filière terre a permis la mise en place d’une véritable industrie locale visant à améliorer les techniques de constructions traditionnelles, à répondre aux besoins en logement des habitants tout en respectant le mode d’habiter mahorais. Après 20 années de construction en brique de terre comprimée (BTC), la filière est en passe de disparaître. En effet, après avoir été exemplaire pour la réalisation de bâtiments en terre de grande qualité architecturale [3], la construction en terre à Mayotte est aujourd’hui largement délaissée voire dépréciée. Sans minimiser les réticences sociales et les freins administratifs, les enjeux de pénurie progressive de matériaux de carrière identifiés par le BRGM [4] et la nécessité de mise en place d’un habitat thermiquement confortable et économe en énergie, non dépendant des importations, conduisent à réfléchir à des solutions pour redonner toute sa place à la BTC dans un contexte où il est urgent d’intégrer dans le secteur du bâtiment des méthodes de constructions plus écoresponsables. Pour y contribuer, en complément des démarches menées par l’association Art Terre et guidé par un intérêt et une curiosité personnels, j’ai choisi de m’intéresser à deux questions très peu investies dans la littérature : -

D’une part, quelle est la qualité intrinsèque de la terre mahoraise ? Avoir des éléments objectifs sur ce point permettra en effet de mieux communiquer sur ce matériau local et de s’affranchir des idées reçues qui circulent souvent en l’absence de données ;

1


-

D’autre part, quelles sont les perceptions des habitants et de maîtres d’ouvrage concernant la BTC et pourquoi sont-ils peu enclins à recourir à ce type de matériel en cours de standardisation ?

Pour alimenter ces questions, nous explorerons, dans une première partie, l’état de l’art sur la BTC dans le monde et plus particulièrement à Mayotte, présenterons les différentes techniques de constructions qui se sont établies sur l’île au fil des années et les facteurs qui ont contribué au déclin de cette filière terre. Dans une seconde partie, nous analyserons les résultats de notre recherche, d’une part sur les propriétés intrinsèques de ce matériau local et d’autre part, sur les freins psychosociologiques qui peuvent expliquer le désintérêt observé pour ce type de construction à Mayotte. L’analyse d’un échantillon de terre nous donnera l’opportunité de nous interroger sur la pertinence du choix du BTC comme système constructif sur Mayotte et de discuter de l’intérêt de défendre et maintenir une filière terre dans le contexte mahorais. L’analyse des freins psychologiques permettra d’évaluer l’opportunité de mieux communiquer sur la BTC.

Photos 1, 2 & 3:

Centrale d’achat et chantiers-formation développés dans le cadre du programme habitat

2


Première partie 1. Contexte socio-politique mahorais 1

L’appartenance de Mayotte à la France est ancienne bien qu’encore aujourd’hui, cette île de l’archipel des Comores soit toujours revendiquée par l’Union des Comores. En effet, lors du référendum sur l’indépendance des îles de l’Archipel des Comores en 1974, 3 des îles, Ngazidja (Grande-Comores), Moili (Mohéli) et Ndzouani (Anjouan) votent pour l’indépendance

tandis

que

Mayotte

préfère

rester

française

et

demande

la

départementalisation. La loi du 24 décembre 1976 instaure la Collectivité Territoriale de la République française à caractère départemental (article 72 de la Constitution), statut hybride entre un Territoire d’Outre-Mer (TOM, article 74 de la Constitution) et un Département d’Outre-Mer (DOM, article 73 de la Constitution). Les lois ne s’y appliquaient alors que sur « mention expresse » ; on parlait de « régime de spécialité législative ». Le processus

de

départementalisation

a

finalement

conduit

Mayotte

à

appliquer

progressivement les dispositions en vigueur en France et à être reconnue officiellement comme le 101ème département français le 31 mars 2011 [5] et Région Ultra-Périphérique (RUP) de l’UE depuis le 1er janvier 2014. L’île aux parfums mène une politique de rattrapage se traduisant par une croissance économique rapide et un accroissement du niveau de vie moyen de la population. Pour autant, le nouveau département français ne parvient pas à réduire les criantes inégalités de revenus, de pouvoir d’achat, de conditions de travail et de vie. La société mahoraise présente un double visage : à une économie agraire de subsistance fait face une économie de services, intimement liée au développement des emplois publics (encore majoritairement occupés par des Mzungus, sous-entendu des métropolitains) [6]. En 2011, 84 % de la population mahoraise vivaient sous le seuil de bas revenu métropolitain (soit 959 euros). Un habitant sur trois n’avait jamais été scolarisé et 71 % des plus de 15 ans n’avaient aucun diplôme qualifiant [7].

1

Le sultan d’Anjouan sollicita en 1816 la protection de la France pour faire face à des troubles violents dans

la zone stratégique notamment pour le ravitaillement des navires européens. Mais c’est le sultan Andriantsouli qui céda l’île à la France en 1841, qui, en quête d’un abri maritime sécurisé depuis la perte de l’île de France (Maurice) au profit de l’Angleterre (1814-1815), accepta. Ce protectorat français s’étendit ensuite aux autres îles de l’Archipel : Mohéli, puis la Grande Comores et Anjouan.

3


Le taux d’illettrisme était estimé à 41,6 % en 2012. En 2016, avec un taux de chômage de 27,1 %, Mayotte était le département français avec le taux de chômage le plus élevé, les jeunes étant particulièrement concernés (47,2 %). Par ailleurs, malgré le développement rapide du parc de logements en dur (+ 18 % en cinq ans), un tiers des logements reste des maisons en tôle [8]. En raison de la forte pression démographique, de l’évolution des besoins de la population mahoraise et de la mise en conformité progressive avec le droit commun national, la définition d’une politique du logement intégrant les spécificités culturelles propres à Mayotte est essentielle. Au regard de cet enjeu, le Plan d’aménagement et de développement durable (PADD) a évalué les besoins à environ 2 300 logements nouveaux à construire par an, dont 500 logements sociaux et 600 logements à réhabiliter.

Photo 4 : Commune de Tsingoni, Mayotte

4


2. Etat de la construction en Terre à Mayotte 2.1. Situation géographique et grands traits climatiques et géologiques de Mayotte Mayotte est une petite île de 374 km², située dans l’océan Indien, au nord-ouest de Madagascar dans le canal du Mozambique, appartenant à l’archipel des Comores (Carte n°1).

Carte 1 : Situation géographique de Mayotte

5


Mayotte est soumise à un climat de type tropical, chaud, humide et maritime, caractérisé par de faibles variations de températures journalières et annuelles et d’importantes précipitations (plus de 1500 mm par an en moyenne sur l'île). Les deux principaux régimes de vents intéressant l'île sont le vent de mousson (chaud et humide, de nord à nord-ouest en été austral) et l'alizé engendré par l'anticyclone des Mascareignes (frais et sec, de sud-est en hiver austral). En liaison avec ces 2 régimes de vents, deux principales saisons caractérisent l'année, l'une chaude et pluvieuse : été austral ou "kashkasini" de décembre à mars et l'autre plus fraîche et sèche : l'hiver austral ou "kussini", de juin à septembre ; elles sont séparées par deux intersaisons plus brèves [9]. Le point culminant de l'île est situé dans sa moitié sud au Mont Bénara (680 m). Les autres points hauts sont le Mont Choungui (594 m) également dans la moitié sud et dans la moitié nord le Mtsapéré (572 m) et le Dziani Bolé (472 m) – cf. carte 2. Mayotte est une île volcanique dont les terrains les plus anciens connus à l'affleurement, ont environ 8 millions d'années (Miocène) alors que les derniers phénomènes volcaniques n'auraient que 0,5 million d'année (Pléistocène, voire Holocène). Les 4/5ème des formations géologiques constituant l'île correspondent à des coulées de lave appartenant à une série alcaline fortement sous-saturée ayant subi des phénomènes d'altération plus ou moins importants" (le cinquième restant correspondant à des formations pyroclastiques) [4]. Les formations argileuses présentes à Mayotte peuvent avoir 2 origines : I'argilisation2 en masse des laves volcaniques en climat tropical et I'altération fumerollienne. Les premières couvrent la quasi-totalité de l'île sur des épaisseurs pouvant atteindre la dizaine de mètres alors que les secondes sont circonscrites autour de quelques massifs de phonolites (carte 3).

2

Le climat chaud et humide mahorais provoque la transformation des roches, en particulier au niveau de

la phase vitreuse pour donner des formations argileuses pouvant atteindre des dizaines de mètres d'épaisseur. Les formations argileuses ainsi formées sont le plus souvent riches en smectites (montmorillonite) et la proportion de kaolinite est le plus souvent réduite [10]

6


Carte 2 : Relief de Mayotte

Carte 3 : GĂŠologie de Mayotte [11]

7


2.2. Contexte de la construction en terre à Mayotte L’habitat mahorais est étudié depuis les années 1975-1976 avec notamment les travaux de l’ethnologue Jon Breslar [12]. Un constat dressé à la fin des années 1970 relève la très grande précarité de l’habitat à Mayotte avec plus de 90% de l’habitat identifié comme insalubre [13]. Fort de ce constat, un « programme habitat » est lancé par la Direction de l’Equipement (DE) de Mayotte et la Société Immobilière de Mayotte (SIM), cellule de la DE créée en 1977 et chargée de la conception et de la coordination des programmes d’habitat social. La volonté est alors de favoriser l’utilisation des ressources de l’île tant en terme de matières premières que de mains d’œuvre. De tous les types de constructions indigènes (cf. 2.4.), le plus répandu était le mode Tro tro (treillis de bois recouvert de torchis) qui s’est développé à partir des années 1920 et qui a révolutionné la tradition du bâti. La case Tro tro possède en effet une stabilité supérieure à celle des modèles en végétaux (Raphia, bambou). Elle se prête également davantage aux transformations, très demandées localement par les familles. Ces deux types d’architecture sont issus de l’utilisation des ressources naturelles, facilement accessibles et manipulables. Elles sont également le fruit « d’entreprises communautaires » [14], d’une culture partagée formant une tradition. La terre est ainsi choisie comme matière première pour concevoir une architecture spécifique répondant aux réalités sociales et traditionnelles de Mayotte. Pour progresser dans cette réflexion, il est fait appel au Centre de Recherche et d’Application du matériau Terre de Grenoble (CRATerre-EAG). 2.3. Développement de la filière d’habitat en blocs de terre comprimée Suite au choc pétrolier des années 1973, la France déploie deux stratégies pour remédier à son manque en ressources énergétiques. Elle accélère le processus de développement du programme électronucléaire et développe l’écologie et l’éco-construction [15]. C’est durant cette période que Patrice DOAT oriente sa formation vers la construction en terre crue. Après de nombreuses expériences en France et en Afrique, son équipe et lui mettent en place le Centre de Recherche et d’Application-Terre (CRATerre), centre de documentation et de recherche sur l’architecture en terre. La publication « Construire en terre » [16] en 1979 fait naître l’idée à la SIM ainsi qu’à la Direction de l’Equipement de rentrer en contact avec le centre de recherche de Grenoble. En effet, la terre est suffisamment abondante à Mayotte et il n’était pas « question de proposer des constructions en parpaing de ciments » [17]. Le sable de mer, le bois et la pierre sont écartés afin de ne pas nuire à l’écosystème de l’île. 8


Les premières expérimentations prospectives se sont orientées sur l’amélioration des case Tro tro, ou la conception de brique d’adobe. Néanmoins, le choix de la Brique de Terre Comprimée (BTC) s’est imposé pour répondre aux contraintes normatives du Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB). De plus, la brique peut être industrialisée et contrôlée. Enfin, elle présente de nombreuses qualités constructives et esthétiques. Après que la SIM et CRATerre aient mis en place la première filière de production de BTC, il était primordial de former des artisans et d’ouvrir des centres de productions par village pour favoriser l’autoproduction et réduire les coûts de transport. A cette époque, l’investissement dans des briqueteries était dérisoire face à la mise en place d’une filière béton. L’autoconstruction prônée par Hassan Fathy pour le village de Gourna [18] a trouvé toute sa place au sein de cette démarche. Entre 1980 et 1997, la production de BTC a été de 25 millions de pièces, ce qui correspond à environ 750 000 m2 de murs (ou encore à 225 millions de francs investis dans la mise en œuvre de BTC). En 1997, cette production est assurée par 10 briqueteries sur Grande Terre et 2 sur Petite Terre. Les capacités annuelles de production sont alors supérieures à 4 millions de BTC (estimation basée sur une capacité journalière de 600 pièces par presse, la présence de 28 presses sur l'île et 240 jours travaillés par an) [4].

Photo 5 : Briqueterie de Vahibé (Mamoudzou)

La collaboration entre la SIM et CRATerre-EAG s’est poursuivie en 1994, dans le cadre des activités de recherche et d'expérimentation du Secteur Pilote d'Innovation Outre-Mer [19]. Un programme a été mis en place dans le but de définir les modalités de valorisation et de mise en œuvre de cette technique. Toujours dans cette optique et afin de faire face à la concurrence des matériaux importés, la DE, le SMLAM et la SIM ont signé une convention avec les fabricants de blocs dans l'optique de mettre en place une démarche qualité sur le BTC. 9


Une autre initiative destinée à développer l'emploi des BTC a également été testée en 1998 lors de la construction des bureaux de Mayotte Bâtiment à Kaweni (Mamoudzou). Sur ce chantier, ont été utilisés des blocs pleins de 22 x 22 x 9,5 cm, ainsi que des blocs de béton d'angle de dimensions 29 x 22 x 9,5 cm avec un trou cylindrique de 12 cm de diamètre. Dès 1999, le BTC de 22 x 22 cm sera alors systématiquement utilisé pour la réalisation de tous les logements locatifs de la SIM. Cette technique permet de n'utiliser qu'une brique pour réaliser un mur de 20 cm d'épaisseur alors que 2 briques de 14 cm étaient nécessaires auparavant. Malgré le dynamisme et la compétitivité de cette filière et malgré l’obtention d’une première norme expérimentale sur la BTC [20], les filières briques ont décliné une à une à partir des années 2000 au profit du béton qui dispose de normes reconnues et procure une image sociale importante à celui dont la maison est construite ainsi.

Photo 6 : Mécanisation des équipements montrant l’intérêt des entrepreneurs pour cette production.

10


2.4. Panorama de l’architecture à Mayotte 2.4.1. l’unité d’habitation mahoraise : « Nyumba-shanza »

Figure 1 : le Shanza

L’unité d’habitation à Mayotte est le SHANZA [12]. Il est composé de différents éléments dont une clôture opaque en feuille de coco serrée (technique la plus fréquemment employée) souvent ouverte par une entrée en chicane. Elle délimite généralement avec le NYUMBA un terrain allant de 100 à 200 m². Rappelons que c’est l’espace qui régit les relations entre les membres de la population. Il délimite le domaine privé du domaine public. Cet espace extérieur que nous pouvons qualifier de pièce à part entière contient : 1. KANYA : grenier à riz mis sur pilotis 2. DAO LA KOUHOU : pigeonnier ou poulailler 3. BANGA LAOPISHIA : espace de préparation culinaire 4. MRABA WA SHO : enclos intérieur au SHANZA utilisé pour les soins du corps, de la toilette, etc. * Technique de construction des NYUMBAS

[21]

NYUMBA désigne une case familiale d’au moins deux pièces. Lorsque ce NYUMBA est isolé, il est nommé BANGA, habitation des adolescents qui quittent le cocon familial. Le NYUMBA a une organisation spécifique. Deux pièces se juxtaposent et communiquent entre elles par une simple porte. FUKO LA MTROUBABA (Chambre de l’homme) donne sur le

11


NDZIA, la route, et FUKO LAJOU ou FUKO LA MTROUMAMA (Chambre de la femme) ouvre sur l’arrière-cour. Il existe deux grandes familles de constructions à Mayotte (Tableau I). Constructions

Constructions allogènes

indigènes Cases en terre Cases végétales

Cases en matériaux de construction importées

Cases en maçonnerie Tableau I :

Différents types de construction présentes à Mayotte

Le choix des techniques de construction s’est fait de manière empirique sur une très longue période. Elle a exclu la voûte africaine ou arabe à cause des précipitations abondantes. En effet, les difficultés sont nombreuses et en plus des intempéries (pluie tropicales, cyclone, la boue, forte chaleur) se joignent les rongeurs et insectes en tout genre. Ces NYUMBAS présentent deux points faibles majeurs, le premier étant la couverture en feuilles de cocos qui demande une réfection tous les deux à cinq ans. Le second est relatif à sa structure : le bâti et la charpente. Les arbres de fortes sections demandent un outillage et des moyens de transport difficiles à mobiliser.

12


Cela dit, les NYUMBAS ont subsisté car leur mode de construction rentrait dans un schéma où les types de constructions étaient culturellement intégrés. Ils n’entrainaient pas de modification sociologique du vécu. 2.4.2. Types de constructions indigènes * TRO TRO : Terre

Photo 7 : Case TRO TRO

Ce mode de construction en treillis bois recouvert de torchis est de loin le plus répandu, les cases en feuillages étant le symptôme d’une situation précaire. Avec l’arrivée des travailleurs Anjouanais sur l’île, pour les grandes sociétés agricoles, la préférence s’installe pour une case qui organise différemment la vie sociale. L’implantation et l’organisation des villages ont dû s’adapter. Avec ce type de case, l’ajout d’une pièce supplémentaire est devenu possible et la véranda est devenue un espace à part entière. La structure principale est faite à l’aide de palis reliés horizontalement par des lattes de bambous assemblées par des clous. Trois modèles de charpente existent pour ce type de construction :  le treillis, en se prolongeant jusqu’au faitage, assure le support de la panne faitière,  trois panneaux enfoncés dans le sol soutiennent la faitière en portique,  le treillis s’arrêtant sous l’entrait d’une ferme triangulée. Les cloisons sont faites à base de remplissage par torchis. Celui-ci est fabriqué avec de la terre latéritique rouge, en abondance sur l’île, malaxée à de la paille et de l’eau.

13


Figure 2 : Détails constructifs de cases TRO TRO

14


* BURU

Photo 8 :

Case BURU

Les poteaux viennent soutenir la panne faitière sur le pignon. Cette case a évolué au fil du temps et s’est adaptée à d’autres solutions technologiques comme la triangulation de la charpente ou la tôle ondulée qui a pu remplacer le chaume ou la feuille de coco. La structure principale de la case BURU se décompose en un châssis principal composé de 6 poteaux liés par des sablières et des poutres transversales et en panneaux de remplissage entièrement construits en nervure de raphia. Ce matériau, agréable et propre, est un excellent isolant. Une cloison intérieure vient séparer les pièces et augmenter la rigidité globale de la structure.

Figure 3:

Case BURU à charpente triangulée

15


2.4.3. Types de constructions allogènes * PARAPAN : Parpaing

Photo 9 :

Magasin construit en parpaing

Figure 4:

Case en parpaing

La case en parpaing implantée sur l’île par l’administration française se construit dans un premier temps avec du sable de mer, ce qui en fait des modèles de qualités médiocres. De plus, les programmes accumulent toutes sortes d’erreurs de conceptions. Cependant, sa solidité comparée aux autres types de constructions fait d’elle l’espoir de la population mahoraise et le signe d’un succès social. Les plus aisés font des cases à plusieurs niveaux. La structure porteuse (poteau/poutre/chaînage), le dallage ainsi que la toiture sont entièrement en béton armé.

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* BETON

Photo 10 : Les hauts vallons 3, Koungou

Photo 11 : Résidence Latania, Les Hauts vallons

Les immeubles en béton sont arrivés avec la construction de programmes par les promoteurs immobiliers. Des quartiers entiers sont édifiés, proposant des espaces comme on en trouve en France métropolitaine. Ces constructions se répandent rapidement car les programmes sont vastes comparé à ce qui se fait sur place. Le béton est un matériau normé contrairement à la BTC. Tous ces facteurs réunis, appuyés par une image de robustesse et de réussite sociale, font que le béton a un long avenir devant lui. Cependant, il nie toute relation avec le territoire auquel il appartient.

17


2.4.4. Types de constructions « néo-traditionnelles » [15]

Photo 12 : La case SIM de Mayotte

La filière bloc de terre comprimée (BTC) s’est développée dans les années 80 comme une alternative au béton qui avait déjà fait son apparition sur l’île. La BTC est un pavé rectangulaire constitué de terre, de sable, d’eau et souvent de stabilisant. La case SIM caractérise la politique d’aide au logement sur l’île de 1978 à 2005. Ce logement « en dur » était proposé en grand nombre en accession, subventionné par l’Etat, avec quelques finitions restant à la charge des accédants (enduits et peintures extérieures, électricité, etc.). Il s’agit au départ d’une maison individuelle de deux pièces installée sur le shanza, la cuisine et les communs restant dans la cour comme d’usage. Par la suite, cet habitat évolue de diverses manières (étage, pièces plus nombreuses…) et se décline en une trentaine de modèles différents, tantôt ruraux, tantôt urbains, parfois de plain-pied, à étage, couverts d’un toit à une ou deux pentes, comprenant de deux à cinq pièces [22].

2 pièces

3 pièces

2 pièces/2 varangues 2 pièces et sanitaire

3 pièces, sanitaire, cuisine, varangue

3 pièces, sanitaire, cuisine et extension

Figure 5 : Différents modèles de cases SIM

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Elles sont en quelque sorte la “maison populaire” héritée du banga, celle que tout habitant de l’île connaît immanquablement. Les quartiers ainsi construits sont parfois l’origine de la création d’un village (Tsararano par exemple) et constituent l’impulsion d’une nouvelle forme d’urbanisme à Mayotte qui intègre pour la première fois des aménagements publics (rues, trottoirs, escaliers, etc.). Les bâtiments produits en BTC font désormais partie du paysage physique et social.

Photo 13 : Locaux de l’assurance maladie, Place mariazé

Le produit a toutefois été arrêté en 2005. En effet, il ne répondait plus aux critères de confort attendu par la population ni aux normes de l’habitat moderne [23]. De nouveaux produits seront ensuite créés en 2009 comme le logement en accession très sociale (LATS), le logement en accession sociale (LAS), le logement locatif social (LLS) et le logement locatif très social (LLTS).

Case SIM

Superficie

2 pièces

30 m2

3 pièces

2

Tableau II :

45 m

Taille du ménage Personne seule M + 3 enfants M + 4 à 6 enfants

Prix de revient Subvention État à

29 000 € 90 % 33 000 €

Types de logement en accession sociale

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Dans le cadre de la mise en place d’une démarche qualité dans la filière BTC, la SIM a travaillé avec CRATerre à l’élaboration d’un document synthétisant les différents systèmes et détails constructifs mis en œuvre à Mayotte depuis l’apparition de la filière BTC [3]. Ces fiches montrent l’existence de trois générations de typologies constructives qui ont évolué suite à des catastrophes naturelles ou pour des raisons normatives. La case SIM encadrée par le savoir-faire, l’intelligence constructive et architecturale de la filière BTC, est un modèle à plus d’un titre. Il s'agit d'un bâti qui constitue aujourd'hui un objet d’étude, d'observation et de retour d'expériences exceptionnel pour la connaissance de la technique, d'autant plus que celle-ci a été largement testée lors de plusieurs aléas naturels majeurs : les cyclones Kamisy 1984, Féliksa 1985, Huda 2000, le séisme de 1993 (5,7 sur l’échelle de Richter) ainsi que d'autres plus petites secousses ayant touché l'île jusqu'à aujourd'hui. La production globale de la SIM jusqu’en 2010 peut être évaluée à 20 000 équivalents logements dont de l’accession sociale (18 000), des locatifs intermédiaires (1 600), des locatifs sociaux (quelques dizaines) et des bureaux ou commerces ou écoles. On peut considérer aujourd’hui que 20 à 25% de la population mahoraise vit dans une construction en BTC. Malgré l’absence de certification, tous les bâtiments construits depuis presque 20 ans ont obtenu des avis favorables au même titre que des constructions dites dans les normes grâce aux conventions établies avec les bureaux d’études et de contrôle. Cependant, pour diverses raisons, la population a du mal à les adopter. Pourtant, il reste à faire face à de nombreux obstacles pour répondre au défi du logement à Mayotte [3] dont les besoins sont estimés à 2 300 logements nouveaux à construire et 600 logements à réhabiliter chaque année [23].

20


3. Obstacles et opportunités de l’architecture en terre A l’heure où l’écoconception se présente comme une réponse aux enjeux environnementaux, on pourrait penser que le matériau terre répond aux attentes contemporaines tout en respectant l’environnement. En effet, l’architecture de terre recèle de nombreux avantages tant sur le plan social et économique que sur le plan environnemental et culturel [24] [25] [26]. La disponibilité du matériau et son faible coût lui promettaient d’ailleurs un large usage qui ont justifié le choix de ce matériau dès les années 80 dans le programme « Habitat » déployé à Mayotte. Les projets pilote qui y ont été développés ont fourni des exemples pour le développement et la diffusion de méthodes et techniques appropriées dans la construction en terre [3] [22] [27]. L’expérimentation a également permis de promouvoir et l’amélioration des savoir-faire dans ce domaine. Le choix de cette filière dans les années 80 se proposait comme une alternative au béton qui avait toutefois déjà fait son apparition. Cette technologie à l'époque, du fait de l’utilisation de sable de mer, menaçait l’équilibre écologique du Lagon. Levier historique du développement de la construction en dur à Mayotte, elle a permis de mettre en place une véritable « industrie » locale, productrice et redistributrice de richesses, avec l’exploitation de carrières, l’activité de production des briqueteries et l’utilisation de la BTC pour les chantiers d’habitat social et la réalisation de bâtiments publics. L’implication de l’architecte auprès du maître d’ouvrage a souvent été déterminante pour l’utilisation de la BTC dans des projets volontaristes voire militants à une certaine époque. Au final, au moins 35 millions de briques ont été posés, une référence quantitative qui doit être rapprochée du travail et de l’emploi induits (4h30 pour un 1 m2 de mur contre 1h30 pour le béton). De plus, ce mode de construction s’avère très concurrentiel tant en terme de prix de revient (cf. Tab. III) qu’en terme de confort thermique

[25].

21


Parpaing

60-70€/m2

+ enduit

20-25€/m2

BTC ep 22

130-140€/m2

ep 14

100-110€/m2

Béton banché

200-210€/m2

Moellon

370-400€/m3

Charpente Tableau III :

1800-2000€/m3

Comparaison des coûts de la construction à Mayotte (chiffres 2010), [27]

En 2009, lors des États généraux de l’Outre-mer organisés à Mayotte, la production locale de la brique a été mise en avant par les professionnels et retenue dans les conclusions comme un des facteurs du développement endogène [28]. Y a été relevé les multiples actions menées que ce soit dans le domaine de la formation des artisans (plusieurs centaines d’artisans formés) ou pour la gestion des ressources en matériaux (mise en place de filières diversifiées : manguier, raphia, bambou, cocotier, pierre basaltique, BTC, parpaing). Au-delà du potentiel positif pour l’économie que revêt ce mode de construction, les enjeux culturels sont également importants. Il ressort des études de l’ethnologue Jon Breslar [12] que la manière d’habiter à Mayotte est le reflet du fonctionnement social et culturel mahorais. La case « SIM » avait alors constitué un grand bouleversement dans l’habitat mahorais. Il était toutefois relatif car les acteurs de cette nouvelle conception architecturale qualifiée aujourd’hui de « remarquable », ont eu à cœur de préserver au mieux le mode d’habiter local. « Des mauvaises langues disaient que c’était trop petit. Mais pour les gens qui avaient cette maison, c’était une fierté. » (Zoubert Adinani, maire de Tsingoni de 1977 à 1994 et ancien président du SMIAM3). Ces maisons reprennent initialement la forme de l’habitat traditionnel, une maison individuelle de deux pièces installée sur le shanza, la cuisine et les communs restant dans la cour, tout le pérennisant avec des matériaux en « dur » et durables. A l’inverse, la construction en parpaing de béton, aujourd’hui plébiscité par les mahorais, constitue une rupture avec la manière traditionnelle d’habiter, de par ses dimensions, ses matériaux et ses fonctions nouvelles.

3

SMIAM : Syndicat Mixte d'Investissement et d'Aménagement de Mayotte chargé

notamment des constructions scolaires du 1er degré. 22


Ce mode de construction, notamment avec la BTC, présente également des avantages techniques : produite localement à base de terre de Mayotte et de pouzzolane, elle reste relativement facile à mettre en œuvre. La BTC est finalement devenue un emblème du patrimoine mahorais. Olivier Poisson, conservateur général du patrimoine, écrira que « le lien qui unit architecture, histoire et développement [à Mayotte] est sans doute une des principales richesses dont l’île peut s’enorgueillir » [22]. La « case dôme », rue saharangué, à Mamoudzou est d’ailleurs en passe d’être inscrite à la liste du patrimoine architectural. Toutefois, malgré ses avantages significatifs, la construction en terre à Mayotte véhicule une image d’habitat précaire qui vieillit mal avec le temps. Les particuliers lui préfèrent souvent la maison en parpaing. La SIM et quelques clients privés étant les principaux porteurs de l’activité BTC, la baisse de commande de la SIM a conduit au déclin de la filière ainsi qu’à un délitement des compétences et des savoir-faire. La tendance actuelle est à l’utilisation de constructions préfabriquées utilisant des produits importés avec de retombées locales de plus en plus faibles. En plus de la perception plutôt négative de ce type de construction qui fait pourtant partie intégrante du paysage mahorais, l’évolution réglementaire consécutive à la départementalisation de Mayotte constitue un frein significatif pour le renouveau du matériau terre à Mayotte. En l’absence de cadre légal pour la mise en œuvre de la BTC, la pérennité de l’utilisation de ce matériau est précaire. Elle dépend de l’avis des bureaux d’étude et de contrôle qui sont de plus en plus réticent à valider ce matériau sur les aspects d’étanchéité et de comportement sismique par exemple. L’utilisation du BTC de 22 cm reste toutefois pertinent pour répondre aux exigences de la réglementation en termes de résistance thermique sans isolation complémentaire. Conscient de l’enjeu majeur que constitue cette normalisation, une première norme a été établie en 2001. Des études ont été conduites par l’association ART.Terre et une demande d’ATEX4, de type A pour les ouvrages en maçonnerie de BTC, parois et murs est en cours afin d’encadrer la mise en œuvre du BTC [25].

4

Appréciation Technique d’Expérimentation 23


En effet, en l’absence de normes, de DTU (Documents techniques unitaires) ou de règles professionnelles, les bureaux de contrôle sont frileux pour émettre des avis techniques favorables, le matériau souffrant encore une image de matériau fragile et peu durable. La mise en place de la garantie décennale en 2012 a également fortement freiné l’utilisation de la BTC (augmentation importante du coût de l’assurance, surprime difficile à intégrer aux marchés « formels »). Afin de mieux comprendre la nature de la dépréciation de la construction en terre à Mayotte, notamment pour savoir si elles sont liées au matériau ou à des facteurs exogènes (normalisation, perception, etc.), il nous a semblé important de s’intéresser au préalable aux propriétés intrinsèques (physiques et mécaniques) du matériau pour lesquelles il existe peu de données. A ce jour, seuls la SIM et CRATerre ont effectué des études connues concernant cette terre [29]. Leurs recherches ont d’ailleurs abouti à une norme AFNOR [20] et se poursuit avec une demande de certification de type ATEx du matériau brique [25]. Dans un second temps, on s’est intéressé aux perceptions des habitants vis-à-vis de ce matériau afin d’objectiver l’impression d’un frein culturel et de nous aider à mieux faire accepter son recours localement en comprenant davantage les réticences éventuelles de chacun.

24


Deuxième partie 1. Propriétés de la terre de Mayotte Les systèmes constructifs dits non industrialisés ont un lourd défi à relever pour devenir compétitif par rapport aux systèmes standardisés dans un monde où la norme fait référence et où les assureurs veulent des éléments fiables pour garantir les ouvrages. Aussi, il convient de valider/déclarer les caractéristiques technique, environnementale et sanitaire des systèmes alors même que ceux-ci font davantage appel à un savoir-faire qu’à une norme. En 2011, CRA-Terre [30] a fait un minutieux travail de recherche collecter, analyser et valider les caractéristiques pertinentes des systèmes constructifs non industrialisés qui soient facilement utilisables par les entreprises et proposer des solutions pour permettre une adaptation des procédures d’évaluation technique. Cette expérience montre que des solutions existent pour répondre aux exigences normatifs, même en système non industrialisé. La terre a la particularité de permettre que plusieurs techniques soient mises en œuvre, le choix dépendant d’une quantité de données d’ordre technologique, économique, climatique ou culturelle [16]. Bien que 30 ans d’expérience sur la BTC à Mayotte ont permis de montrer de manière empirique que la qualité de la terre de Mayotte se prête à ce genre de technique, il s’avère que la littérature est pauvre en données techniques sur ce composant

[29]. Fort ce constat, une étude préliminaire a été conduite

pour objectiver la qualité intrinsèque de la terre de Mayotte, qui est une ressource plus pérenne et recyclable que les carrières de roches et minéraux

[4].

1.1. Matériels et méthodes La terre a été prélevée sur la commune de Tsingoni, situé à l’ouest de l’île, en mars 2017, à plus de 30 cm de profondeur. Les tests suivants ont été réalisés en respectant le protocole expérimental standard publié par CRATerre [31]. * Détermination de la teneur en eau Pour tout échantillon faisant l’objet d'une étude de sol, il est nécessaire d’estimer la teneur en eau. Cet essai détermine le poids de l'eau contenu dans un sol rapporté à son poids sec [32]

25


* Granulométrie L’analyse granulométrique est une étape fondamentale pour la classification d’un sol. Elle consiste à mesurer la dispersion des grains d’un sol suivant leurs dimensions, c’est-à-dire leurs diamètres respectifs. Les tamis normalisés de 4mm, 2 mm, 1 mm, 0,8 mm, 0,63 mm, 0,315 mm, 0,2 mm, 0,125 mm et 0,08 mm ont été utilisés.

Photo 14 : Tamis normalisés

* Sédimentométrie (non réalisé) La sédimentométrie a pour objectif de déterminer la répartition en poids des grains du sol suivant leur dimension pour des fines particules inférieures à 0,09 mm, En effet, lorsque le diamètre des particules est faible, le tamisage ne permet plus d’obtenir des résultats précis. *

Essai de plasticité et de liquidité (limites d’Atterberg) (non finalisé)

Les limites d’Atterberg sont des essais qui permettent de définir des indicateurs qualifiant la plasticité d’un sol, et plus précisément de prévoir le comportement des sols pendant les opérations de terrassement, en particulier sous l'action des variations de teneur en eau. On peut alors, en première approximation, classer les matériaux en fonction de l’abaque de plasticité de Casagrande. * Essai Proctor (non réalisé) L’essai Proctor a pour but de déterminer, pour un compactage d’intensité donnée, la teneur en eau à laquelle doit être compacté un sol pour obtenir la densité sèche maximum. La teneur en eau ainsi déterminée est appelée « teneur en eau optimum Proctor ».

26


1.2. Résultats

Cette terre rouge brune se présente sous forme de grains amassés plus ou moins volumineux. C’est un conglomérat d’argile ayant l’aspect de petits cailloux, qui se réduit facilement en poussière entre les doigts. Elle n’a pas d’odeur particulière * Granulométrie Échantillon Tamis (mm) 4

Pesée (g) 8,26

2

Refus cumulé

%

% cumulé

% refus

8,26

0,83%

0,83%

99,17%

5,52

13,78

0,55%

1,38%

98,62%

1

17,86

31,64

1,78%

3,16%

96,84%

0,8

15,06

46,7

1,50%

4,67%

95,33%

0,63

40,79

87,49

4,08%

8,74%

91,26%

0,315

66,54

154,03

6,65%

15,39%

84,61%

0,2

21,35

175,38

2,13%

17,53%

82,47%

0,125

28,81

204,19

2,88%

20,40%

79,60%

0,08

24,81

229

2,48%

22,88%

77,12%

Fond de cuvette

771,7 g

Tableau IV : Résultats de la granulométrie

% refus

100,00% 90,00% 80,00% 70,00% 60,00% 50,00% 40,00% 30,00% 20,00% 10,00% 0,00% 4

2

1

0,8 0,63 Tamis (en mm)

0,315

0,2

0,125

0,08

Figure 6 : Courbe granulométrique

27


L’analyse granulométrique montre un très faible pourcentage de la fraction des grains grossiers (graviers, sables, silts) 33%. Les 77% restants sont répartis dans les fractions fines argileuses. Le sol organique contient 73 % d’éléments inférieurs à 0,04 mm (400 m). Il appartient ainsi à la famille des sols fins. Tableau V : Limite de plasticité - Limites d’Atterberg

Echantillon 2 tamis (mm)

pesée (g)

0,4

215,61

fond de cuvette 584,39 Masse initiale

800

Cet essai s’effectue avec la fraction « mortier fin » de la terre ( des particules < 0,4 mm). La teneur en eau calculée correspond à la limite de plasticité car le fil est maintenu à 3 mm de diamètre. Les résultats obtenus figurent dans le tableau suivant : Test 1

Test 2

M1 = Masse mouillée

4,55

3,22

M2 - Masse sèche

3,55

2,69

M1 - M2 = M3 - Masse d'eau

1,00

0,53

W - pourcentage d'eau

28,17%

19,70%

Lp - Limite de plasticité

7,93%

7,32%

Lp Moyenne

7,63%

Limite de Liquidité Nbre de coups M1 - Masse mouillée M2 - Masse sèche M1 - M2 = M3 - Masse d'eau

19 12,64 8,08 4,56

W - pourcentage d'eau

56,44%

Ll - Limite de liquidité

54,59%

Lors de la tentative, le sillon s’est refermé à 19 coups. Limite de liquidité : Ll = 54,59 % L’Indice de plasticité : Ip = Ll – Lp = 46,96 %

28


En se référant à la désignation de plasticité, on a une limite de liquidité supérieure à 50 % et on est au-dessus de la ligne A soit un sol At (argile très plastique). * Essai de retrait Échantillon

1

2

Longueur initiale (cm)

13

13

11,1

11,3

14,62%

13,08%

Longueur après 72h de séchage Retrait en pourcentage

A cette méthode, il manque l’essai Proctor qui donne des résultats sur la résistance du matériau face à une soumission de différentes contraintes comme la compression. Cet essai pourra être conduite par la suite, en conditions de laboratoire conformes au standard. 1.3. Discussion Très peu de données ont été publiées sur la qualité de la terre de Mayotte. Seul Vivier en 1986 a publié une analyse granulométrique et minéralogique de cette terre [29]. Des étudiants ont également orienté leur mémoire de recherche sur la filière terre, notamment la BTC [15] sans toutefois s'attarder sur les qualités premières de la terre. La latérite est en grande quantité à Mayotte. Elle est rouge à cause des hydroxydes métalliques qu’elle contient. Ayant une portion importante d’argile, on lui ajoute de la pouzzolane comme dégraissant. Cette dernière limite le retrait au séchage et évite les fissurations. Malgré ses excellentes propriétés d’induration qui lui confèrent une résistance face aux agents météorologiques, les BTC sont stabilisées au ciment. La BTC qui avait été retenue dans les années 80 suite à des tests ad-hoc [15] se confirme donc comme un choix pertinent qu'il reste cependant à objectiver en fournissant des éléments scientifiques attestant de la durabilité de sa mise en œuvre. Au vue des contraintes réglementaires, le retour d'expérience sur 30 ans d'utilisation ne suffit pas. Il faut aller jusqu'à la définition des normes reconnues par la CSTB afin de lever les réticences des professionnels du bâtiment et des assureurs. Un défi reste de réussir toutefois à intégrer ce retour d'expérience dans cette démarche qualité de manière concrète.

29


L’utilisation de techniques plus onéreuses, comme le béton et la brique de ciment s’avère parfois indispensable pour obtenir l’adhésion des populations à certains projets tels que des bâtiments d’habitations ou administratifs. De plus, subsiste l’idée que les conditions géologiques et climatiques sont adverses à ce type de construction à cause des fortes précipitations annuelles de ces zones. A ce sujet, les données d’Annick Daneels et Luis Fernando Guerrero (2011), en prenant l’exemple du site archéologique de la Joya au Veracruz au Mexique sont très importantes car elles démontrent que la terre a été utilisée comme matériau de construction pour édifier des pyramides et des palais durant des décennies. Ainsi, l’étude du style, des différents systèmes et des matériaux de constructions a démontré la viabilité d’une architecture en terre dans une zone fortement exposée à l’humidité. Reste que, comme dans de nombreux pays pauvres ou en développement

[33] [34], on

constate une forte dépréciation des matériaux traditionnels et une idéalisation des matériaux dits ”modernes”. Le chapitre suivant rapporte les résultats de notre enquête auprès d’un échantillon de la population mahoraise visant à connaître sa perception de la BTC.

2. Construire en BTC à Mayotte : les freins psycho-sociologiques Dans son mémoire intitulé « La brique de terre crue compressée : pour une nouvelle tradition à Mayotte?» [15], Julien Ohling explique que la confrontation à un matériau peut engendrer des perceptions différentes. D’après lui, la matérialité ainsi que la perception sont liées et procèdent d'un fait culturel. Il cite quelques freins au développement de la construction en terre à Mayotte en énonçant d’une part la méconnaissance des ingénieurs et des architectes par rapport au matériau et d’autre part une « résistance culturelle face à l’utilisation de la terre ». Pour alimenter cette réflexion qui tendrait à dire qu’il existe un fait « culturel » local freinant le recours à la brique comme technique de construction à Mayotte, une enquête par questionnaire complétée par entretiens semi-directifs a été menée. 2.1. Méthodologie : La méthode d’entretien, par questionnaire, a été retenue pour observer la perception de la population mahoraise concernant la construction en brique de terre compressée et plus précisément pour identifier les différents facteurs ou mécanismes engendrant telle ou telle 30


perception sur ce matériau. En d’autres termes, quels sont les facteurs qui jouent sur l’appréciation ou la dépréciation des mahorais vis-à-vis des maisons en BTC ? Cette approche permet d’analyser des données qualitatives tout en obtenant un résultat scientifique sur les perceptions des individus interrogés. La connotation sociologique et psychosociologique de ce travail qui réclame une approche de type qualitative, n’est pas choisie au hasard ni dans le but unique de comprendre un phénomène. En effet, cette approche permet d’accéder à une certaine authenticité concernant des processus psychosociologiques parfois très complexes. Elle offre une compréhension et une analyse adaptée et pertinente de certains sentiments, représentations ou logiques propres aux enquêtés, tout en contextualisant un phénomène et en lui donnant davantage de caractère scientifique. Un questionnaire directif et systématique (annexe 2) a été envoyé par courriel à 24 personnes, en utilisant Google Forms, une plateforme de Google permettant de réaliser des enquêtes et de saisir les réponses en ligne. Il est composé de deux parties : 1. le profil des enquêtés : emploi, âge, ville de résidence et type d’habitation 2. la perception sur les constructions en brique de terre crue à Mayotte. La rédaction de chaque question s’est voulue rigoureuse avec l’utilisation de termes simples et sans ambiguïté. Il a été testé sur quelques personnes et réajusté pour répondre aux demandes de précision concernant certaines questions qui leur semblaient « vagues » comme le type d’habitation. Cette question est donc devenue à choix multiple pour lever cette ambiguïté sur le type de matériau de construction utilisé. Ce travail a été complété par deux entretiens semi-directifs, un représentant le monde professionnel et l’autre représentant un habitant mahorais, connaissant bien les us et coutumes locales et ayant traversé en l’espace de 40 ans plusieurs phases de changements significatifs ayant façonné sur l’île. Il s’agit d’une part du directeur actuel de la SIM qui a une très grande connaissance de la brique de terre compressée et d’autre part, d’une sexagénaire avec une expérience de vie significative à Mayotte. Les entretiens se sont déroulés par téléphone. Le premier a duré une trentaine de minutes et le second une dizaine de minutes. La conduite de l’entretien s’est adaptée au profil des interviewés. L’enquêtée du second entretien n’ayant pas eu l’opportunité d’aller à l’école, le récit oral est son mode de communication privilégié. Il était alors important de lui laisser la possibilité de parler librement sans trop la diriger. Ces deux entretiens se sont avérés être une plus-value au questionnaire mais également un moyen de récolter des informations complémentaires.

31


2.2. Résultats 24 réponses ont été collectées grâce au questionnaire. Profil des répondants L’âge varie entre 26 et 52 ans avec des profils socioprofessionnels variés : -4 personnes se déclarent sans emploi, 2 sont étudiants, 2 entrepreneurs, 4 agents cadre, 3 techniciens, 6 enseignants, 2 agents de la fonction publique et 1 infirmier. Les enquêtés résident pour la plupart à Tsingoni (16 personnes), 3 personnes sont de Mamoudzou, une personne est de Sada, une personne de Mtsangamouji, une de Dzaoudzi et 2 autres sont sur la commune de Chirongui, un plus au Sud. 100 % des personnes enquêtées résident dans une maison en béton parmi les 3 choix de réponses proposés, à savoir bois, brique ou béton, Perception de la BTC à Mayotte La seconde partie du questionnaire traitait des perceptions sur la construction en terre et plus particulièrement sur la BTC. 75% des enquêtés (18 personnes) précisent qu’elles ont déjà séjourné dans une maison en brique. 15 sur 18 affirment qu’elle est confortable le jour et 13 ajoutent qu’elle est confortable également la nuit.

Figure 7 : Résultats à la question sur le séjour en maison en brique

32


La question suivante n’a recueilli que 22 réponses. Tous ont déjà séjourné dans une maison en béton ou en parpaing, 15 témoignant qu’elle est confortable le jour et 12 la nuit, les autres trouvant qu’elle n’est pas confortable le jour (7) et la nuit (10).

Figure 8 : Résultats à la question relative au maison en parpaing

Ensuite, une question portait sur le fait de vouloir vivre dans une case SIM. 79,2 % des interviewés affirment être prêt à vivre dans une case SIM à condition que celle-ci soit une maison individuelle. Les 20,8 % restants n’envisagent pas du tout la possibilité de vivre dans une case SIM qu’elle soit individuelle ou en immeuble collectif. Certains ajoutent qu’ils ne vivraient pas dans des cases SIM pour des raisons de confort et d’esthétisme et d’autres à cause du programme en lui-même (Logement Très Sociaux).

Figure 9 : Résultats sur l’attractivité de la case SIM

33


70,8 % des répondants soutiennent être prêts à construire leur maison en brique de terre compressée. Parmi les 29,2 % restants (7 / 24), certains invoquent des raisons d’insécurité pour justifier leur choix, une personne parle également de problèmes de confort thermique et une autre précise ne pas être rassurée par l’aspect structurel de l’habitation.

Figure 10 : Résultats sur la perception de la BTC

En dehors du béton, le bois et la brique apparaissent comme les matériaux les plus adaptés, selon les enquêtés, aux conditions locales, environnementales et économiques de Mayotte. 16 personnes envisagent de construire leur maison d’habitation en bois, 4 en brique et bois, 1 en terre et les 3 autres n’ont aucune idée. 1 personne a estimé le prix d’une maison type case SIM de 4 pièces à 135 000 euros. Concernant la représentation mentale de la brique des personnes questionnées, 3 idées principales émergent : -

Matériau démodé.

En effet, certains y voient l’ancien temps, le passé « c’était des maisons que je voyais dans mon enfance, cela m’évoque sans détour le passé ». -

Image de pauvreté, de misère.

-

Écologie : « c’est la beauté d’une construction qui respecte l’environnement ».

A la question : « Que pensez-vous de la case SIM d’un point de vue esthétique et environnemental ?», plus de la moitié des enquêtés disent qu’elles ne sont pas belles et qu’elles ne sont pas adaptées au contexte local. On peut lire des réponses comme « Je trouve que les cases SIM sont souvent petites, étriquées et manquent d’un certain d'esthétisme. On dirait que les architectes de la Sim n'ont qu'une seule manière de concevoir les maisons » ou encore « Pas très confortables ni sécurisées ». Une petite minorité partage l’idée qu’elles sont « visuellement agréables », « mignonnes » et « s’adaptent à l’environnement et au contexte local ». 34


Lorsqu’on demande quels sont les changements qu’il faudrait opérer aux cases Sim selon eux, à l’unanimité, ils parlent de la spatialité intérieure en disant « le plan de construction » ou « les espaces chambres un peu plus grands » et de l’aspect extérieur en répondant « l’architecture extérieure ». La dernière question interrogeait sur les raisons de la diminution de la construction en brique à Mayotte. Les réponses sont éparses mais avec des tendances qui sont, dans l’ordre : -

L’effet psychologique dû soit à la mondialisation, soit au manque de connaissance du matériau. « Effet psychologique en rapport avec la matière utilisée comparé à ce que les mahorais voient ailleurs (Métropole / Réunion). »

-

Un signe de pauvreté : « Parce que, pour la population, la brique n’est pas signe de richesse ». Un des enquêtés dit en parlant des maisons SIM, image de l’architecture en brique à Mayotte : « elle me fait penser à la misère de Mayotte (maison pour nous sortir de la pauvreté) ».

-

« Pour des raisons de sécurité »

-

Un manque d’offre, « je cherche et je n’en trouve pas »

-

« Une volonté des pouvoirs publics »

Les entretiens semi-directifs avec le directeur de la SIM et la sexagénaire ont été retranscrits afin de nous en faciliter l’analyse (cf. annexes 3 et 4). Le second entretien a été traduit du shimaoré. Ils nous ont permis de dégager 3 points majeurs. *L’évolution de l’habitat mahorais Le premier point est l’évolution de l’aménagement du territoire et de la construction en particuliers à Mayotte. 2 types d’évolutions ont été opérés ces dernières décennies : -

Évolution de l’habitat en tant que produit.

Passé d’une politique de Résorption de l’Habitat Insalubre (RHI) aux Zones d’Aménagement Concertées, la SIM a fait évoluer ses produits en passant du LALTS (logement d’accession très social) au LLS (logement locatif social) qui était anciennement réservé aux expatriés. Ces évolutions ont vu le jour grâce à la départementalisation de Mayotte qui a permis l’intervention de la caisse de dépôt sur l’île afin d’aider au financement des logements locatifs sociaux.

35


Le directeur de la SIM dit que « *…+ jusqu’en 2009/2010 par exemple le code de la construction et de l’habitation ne permettait pas à la caisse de dépôt d’intervenir sur un territoire comme Mayotte parce qu’on n’était pas encore un département etc. Il se trouve que ce code qui régit tout ce qui touche au locatif social, notamment aux modalités de financements (il faut savoir que la caisse de dépôt a l’exclusivité pour financer le locatif social), une fois qu’il a été retouché, la caisse a été autorisée à intervenir sur Mayotte, les choses se sont faites naturellement. » -

Évolution de la conception des logements en général.

D’une case de deux chambres où les toilettes et la cuisine étaient à l’extérieur, l’habitat s’est modernisé et toutes les fonctions désormais sont réunies à l’intérieur des maisons. Mme H. nous informe en parlant des anciennes maisons que « ces dernières n’avaient pas autant de chambres comme les maisons d’aujourd’hui avec dix pièces ou neuf. Elles avaient seulement deux pièces parfois trois avec un « calbano5 ». Les toilettes étaient à l’extérieur. Nous n’avions pas comme aujourd’hui les salles d’eau à l’intérieur de la maison. Ou bien elles étaient accolées à la maison avec une porte donnant sur la varangue comme c’est le cas pour la maison de ma petite sœur. Ses toilettes sont aménagées dans une pièce au bout de la varangue.*…+ On retrouve encore ce type d’habitat dans le quartier de Hadoumé à Tsingoni. » La construction dense, les logements collectifs prennent la place des maisons individuelles du fait de l’augmentation constante de la démographie. Enfin, les problèmes d’insécurité ont contribué à faire évoluer l’extérieur des maisons avec l’apparition des outils de surveillance. Elle explique qu’« on est obligé de construire d’une certaine manière pour se protéger et non plus construire à notre guise. On installe des alarmes, des caméras de vidéosurveillance. » *Les freins à la BTC Le second point porte sur les éléments qui ont contribué à la dépréciation voir à l’abandon de la brique de terre compressée. Ces derniers sont de 2 types selon les entretiens : -

L’aspect normatif :

La départementalisation de Mayotte a nécessité une mise à jour des textes réglementaires s’appliquant sur l’île. La Société Immobilière de Mayotte a « levé le pied » sur la construction en BTC lorsque les assurances « dommages ouvrages » ont dû s’appliquer à 5

Glissement du mot français « cabanon » vers le shimaoré 36


Mayotte. A ce sujet, le directeur de la SIM dit qu’« à un moment donné dans les années 2010/2012, un certain nombre de textes commençaient à s’appliquer à Mayotte *…+, on a été contraint à souscrire à des dommages ouvrages puisqu’avant ce n’était pas obligatoire *…+ Il se trouve que la brique de terre n’était pas normée, pas scientifiquement normée. C’était un produit local qui était utilisé depuis des années, ça marchait, mais ce n’était pas légalement normé. C'est à dire comme le parpaing, comme le béton.» Les entreprises et les maîtres d’ouvrages ont dû s’assurer et assurer les bâtiments. La brique n’étant pas normée, les assureurs ne veulent pas assurer les logements de la SIM et les entreprises n’obtiennent pas la garantie décennale. -

L’aspect psychosociologique :

D’une part, Mme H. m’a fait part de sa vision de l’aspect sécuritaire non pas de la brique de terre crue mais des maisons en béton. « Par rapport à ce qui se passe aujourd'hui avec les cambriolages et la violence ? Je pense que ce sont les maisons actuelles qui sont le mieux. ». Avec toutefois un bémol, car elle ajoute que « ça ne les dissuade pas complètement pour autant. Leur système devient rodé et évolue en même temps que nos systèmes de protection », en parlant des voleurs. D’autre part, le directeur relève un rejet de la population face au matériau dû à une dépréciation et un manque de connaissance de ce dernier. Il signale « *…+ il y avait quelques idées reçues, des gens qui considéraient effectivement que c’est un matériau de pauvre.» Le manque de connaissance est sous-entendu à travers des phrases comme « *…+ On éduque les gens.» Enfin, apparait au fil des entretiens des problèmes liés à la communication. Les manques de communication observés sont de 2 types : -

Le manque de communication auprès de la population pour informer sur le matériau. Le directeur de la SIM souligne en ces termes : « Ben, il y a une nécessité de communiquer là-dessus parce que dans le passé on a produit en masse les cases SIM etc. sans vraiment peut-être, … parce que bon il n’y avait pas la connaissance qu’il y a aujourd’hui sur ce produit donc ça n’a pas beaucoup communiqué. Mais là l’idée quand on va relancer ce produit, on va beaucoup communiquer bien entendu avec les moyens de communication actuels. Pour un peu enlever de la tête des gens ces idées reçues que c’est un produit de basse qualité. »

37


-

Le manque de communication au sein même de la population. En effet, Mme H. affirme que « les gens ne se voient plus comme avant. Avec les cuisines en extérieur, moi je cuisinais dehors, ma voisine en faisait de même, on se voyait puis on se retrouvait directement sur les vérandas pour manger. Donc, je dirais que nous sommes plus protégés par les nouvelles maisons mais en même temps, elles nous ont éloigné les uns des autres ».

2.3. Discussion L’éloignement géographique de Mayotte a conduit à recourir à des moyens modes de communications modernes tel internet pour diffuser le questionnaire. Cela a d’emblée déterminé un groupe d’individus sachant lire et écrire et ayant accès à internet ce qui peut constituer un biais de sélection dans notre perception des résultats. Toutefois, Mayotte étant bien desservie par l’internet et au vu de la variété des profils socioprofessionnels, ce biais reste limité. Une autre limite à notre étude est la taille assez faible et le mode de sélection de notre échantillon qui ne nous permet pas d’arrêter des résultats chiffrés avec un intervalle de confiance mais dresse essentiellement des tendances et des premières pistes pour aller plus loin. A la lumière de ces données, on peut en effet préconiser d’élargir l’échantillon et faire de l’entretien téléphonique ou du face-à-face, sur la base du questionnaire, pour l’élargir aux zones plus rurales et tenir compte du fait que 42% d’adultes entre 16 et 64 ans sont en situation d’illettrisme (INSEE, 2012). La poursuite de ce type d’entretiens est d’autant plus souhaitable qu’elle participe également à la pédagogie autour du matériau et pourrait valablement être intégré à un plan de communication autour de la BTC. A la lumière des résultats, les facteurs psychosociologiques se confirment comme des freins réels, qui, s’ils ne peuvent pas expliquer à eux seuls le déclin de la filière terre à Mayotte, sont importants à considérer pour relancer la filière. D’autres freins entrent également en jeu comme l’aspect normatif du matériau qui crée une diminution de l’offre et le manque de communication vis-à-vis de la population qui donne une image erronée du matériau. Aussi, il ne suffira pas de lever les freins administratifs ni de restructurer la filière pour lui redonner toute sa place au-delà des programmes de logements sociaux

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Malgré l’hétérogénéité des profils socioprofessionnels des enquêtés, il ressort une certaine homogénéité dans les réponses apportées. La construction en terre crue semble faire actuellement l’objet d’un rejet net par la population mahoraise. Le béton a pris le monopole des modes de construction bien qu’il soit très peu adapté à l’environnement tropical. D’ailleurs, la totalité des enquêtés vivent eux-mêmes dans des maisons en parpaing/béton. Ils restent cependant prêts à construire une maison individuelle en brique. Les cases SIM sont le reflet d’un passé lointain qui rappelle la misère. La RHI et les programmes tels que les LATS n’ont pas aidé à changer ces perceptions. L’imaginaire collectif du « construire en dur » comme signe d’une ascension sociale, les images des constructions des pays du Nord, la perception de matériau peu solide qui elle-même renvoie à l’idée d’insécurité sont autant d’idées préconçues contribuant à reléguer la BTC au rang de matériau indésirable et rendant ces logements inappropriés pour la jeune population grandissante. Une phrase dite lors d’une discussion m’a beaucoup marqué : « Jana de raka vavo, mana trini outsahao ri réguyé houlé ralawa ? » ce qui signifie « Il y a quelques temps, nous étions là, pourquoi veux-tu que nous revenions en arrière ? ». Cette phrase montre à quel point le passé est encore très présent, mais surtout qu’il ne s’est pas écoulé assez de temps pour créer une autre perception, une autre « visibilité » de ce matériau. Dans son ouvrage « l’ornement en série. Architecture, terre cuite, carton-pierre » [35], Valérie Nègre met en exergue le constat que la perception d’un matériau change au fil du temps. En effet, elle explique qu’à l’âge classique, la brique était jugée comme un matériau « inférieur » et était parfois associée à l’idée d’une construction grossière et « mesquine », contrairement à la pierre, unanimement considérée comme un matériau luxueux. Parallèlement, on peut lire un article sur le site « Brique apparente terre cuite » [36], publié en 2017, un article intitulé « Le grand chic, c’est la brique » qui nous fait l’éloge de la brique. Ces exemples nous montrent que, dans un même pays, à deux époques différentes, les perceptions peuvent évoluer vers l’appréciation ou la dépréciation d’un même matériau. D’autant plus qu’à l’échelle mondiale, ce matériau est largement plébiscité pour relever le défi de la transition écologique. Ainsi, Museo Editions réédite en ce début d’année son livre sur l’architecture en terre d’aujourd’hui [37] où une quarantaine de projets en terre d’une exceptionnelle qualité esthétique et technique sont présentés comme éveillant l’intérêt des médias et de la profession. Ce livre invite ainsi à la redécouverte d’un matériau abondant et bon marché, dont la transformation demande peu d’énergie, sous l’impulsion d de la chaire UNESCO « Architectures de terre ». 39


La solidité du béton face aux éventuels cambriolages s’oppose à la fragilité perçue des maisons en brique qui reflète l’insécurité en tout point. Cette idée-reçue de sécurité du béton, se trouve pourtant mis à mal par un « système » de cambriolage qui fait fi des systèmes de sécurité les plus évolués. Notons aussi que les nouvelles constructions dites plus « sécurisées » engendrent d’autres tendances qui sont liées à de nouvelles pratiques sociales notamment la privatisation des espaces avec la résidentialisation et de fait, la diminution des relations sociales. Parmi les démarches à entreprendre, on peut suggérer de redonner à ce type de construction une image plus moderne, plus fonctionnelle et plus rassurante. Le directeur de la SIM dit : « aujourd’hui on sait qu’il y a pleins de pays où cette brique de terre est utilisée sur des constructions de valeur » ce qui montre bien qu’une certaine catégorie de la population reconnait en ce matériau des points positifs. L’association ART.TERRE fait partie de ces institutions qui cherchent à valoriser le matériau ainsi que la construction en BTC en partenariat avec la SIM et d’autres organismes sur le territoire national. Une nouvelle exploration dans la conception de l’habitat en brique de terre crue, comme elle avait été faite dans les années 80 par une équipe pluridisciplinaire et qualifiée redonnerait peut-être un autre souffle de vie au matériau. « Il y a besoin de faire comprendre aux gens qu’on doit passer à un système de construction plus moderne, avoir des permis de construire, tenir compte des aléas en termes de risques etc. ». « Tout cela nécessite qu’il y ait des gens qualifiés dans tous ces domaines quoi. On éduque les gens. Donc quand les gens sont techniciens, en même temps maitrisent le shimaore, c’est beaucoup plus facile. Parce qu’on a beaucoup de gens ici qui ne maitrisent pas le français. Non mais ça c’est une nécessité. D’où le besoin que tous les jeunes qui se forment en ce moment à un moment donné qu’il y ait au moins une partie qui rentre pour essayer de ... Chacun apporte sa pierre à l’édifice. » Finalement, d’un côté se dessine l’idée que la population se fait de la brique et de l’autre, se trouve la réalité du matériau et de ses enjeux face aux défis d’aujourd’hui. Entre les deux, il manque un chainon qui s’explique notamment par un manque de connaissance sur ce dernier. Il convient de contrer chaque idée reçue, une à une, comme « pas solide », par des faits objectivés et observables. C’est l’objet d’une partie de ce mémoire, qui a montré la certaine pertinence de l’utilisation de la terre à Mayotte.

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De plus, si on se réfère à la demande d’Atex faite par l’association ART.TERRE qui est en voie d’acceptation auprès de la CSTB (ART.TERRE, 2017), nous pouvons aisément montrer toutes les qualités tant techniques qu’esthétiques de ce matériau. Cette appréciation technique d’expérimentation est d’autant plus importante car elle lève la barrière normative qui fait partie des freins majeurs évoqués plus haut. Le directeur de la SIM met un point d’honneur à la reprise de la construction en BTC dès l’obtention de cette ATex. Ceci augmentera sans doute l’activité de la brique et logiquement l’offre des professionnels face à la population. Une meilleure communication sur le matériau, à destination des particuliers mais aussi des professionnels du bâtiment et des collectivités aboutirait probablement à une perception plus positive et opérationnelle. Elle peut passer par des supports écrits (flyers, site web, etc. ) mais également en testant la mise en œuvre dans un projet pilote dans le cadre du programme de l’ANRU de Kawéni, par exemple, qui projette de mettre en avant l’autoconstruction. A ce sujet, la SIM est « prête » et « impatiente » d’utiliser tous les outils de communications modernes afin de relancer la filière. « C’est quand même notre marque de fabrique » soutient le directeur.

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Conclusion générale :

En synthèse de cette recherche, on observe une perception stéréotypée de la maison individuelle en béton et une certaine dépréciation de la terre par une partie de la population vivant à Mayotte. Cette tendance se retrouve également dans des pays africains comme le Burkina Faso, le Togo etc. Les normes introduites par la départementalisation de Mayotte, les freins d'ordre culturel et/ou psychologique ainsi qu'à un manque de connaissance de la BTC se conjuguent et contribuent à la dépréciation nette de la construction en BTC à Mayotte. Toutefois, cela n'a pas toujours été le cas et la perception de la brique est passée par différentes phases au gré des évolutions du bâti mahorais : d’abord appréciée et perçue comme moderne par rapport aux cases tro-tro ou Bourou, elle est aujourd'hui ressentie comme un retour en arrière, la population plébiscitant largement les bâtiments en béton et la maison individuelle, la case SIM faisant figure déjà de « vieille » architecture. Les principales causes du rejet du matériau terre et les différentes démarches proposées en vue de vulgariser les BTC auprès des mahorais ne sont pas uniques. Elles invitent plutôt à une réflexion globale sur les changements qu’il faudrait opérer dans la politique du logement à Mayotte afin de promouvoir les matériaux locaux auprès de la population en montrant qu’ils sont fiables, durables, efficaces, esthétiques et bon marché. Cette réflexion a d’ailleurs déjà été engagée lors des États généraux de l’Outre-Mer. Elle s’inscrit plus généralement dans la résolution d’un des problèmes majeurs du 21e siècle : assurer un habitat décent et adapté à leur mode de vie et aux conditions climatiques pour la population en contribuant au développement d’une filière d’économie locale dans le domaine de la construction. Il est donc urgent de donner une meilleure image à la BTC à Mayotte, qui a fait figure d'exemples dans plusieurs programmes de relance de ce matériau à travers le monde. Ce travail a déjà été entamé par ART.TERRE et la SIM au travers d’expositions, de colloques et de publications. Ces initiatives restent cependant dans des cercles de personnes le plus souvent déjà convaincues par cette autre façon de construire. Il convient désormais de convaincre aussi les plus sceptiques.

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La mise en place d’un chantier-pilote d’autoconstruction serait l’occasion de démontrer, en conditions réelles, les qualités de la BTC en terme de solidité, de résilience, de modernité mais également comme espace fonctionnel où il fait bon vivre, tant par la préservation des modes de vie que par l'adaptation aux conditions bioclimatiques. Cette démarche pourrait s’inscrire dans les opérations ANRU de Kawéni Mamoudzou. Ce serait également l’occasion de tester et d'éventuellement adapter les normes pour une mise en œuvre plus facile de ce matériau sur l’île. L’élaboration d’un livret, initié au courant de ce semestre, et d’un guide valorisant de manière très visuelle la BTC à Mayotte seraient des outils complémentaires pour renverser les idées reçues et vulgariser la connaissance autour de cet atout local que la population doit se réapproprier. Cela supposera de travailler en parallèle à relancer la formation sur ces techniques de construction. Un vaste chantier qui s'inscrit pleinement dans la transition écologique souhaitée par le gouvernement français.

Remerciements J’adresse mes remerciements aux personnes qui m’ont aidé dans la réalisation de ce mémoire. En premier lieu, je remercie mon directeur M. Michel WATIN, professeur à l’ENSAM Réunion, qui m’a donné des solutions pour avancer. La passion qui l’anime et le temps qu’il m’a consacré m’ont été d’une aide précieuse pour finaliser ce mémoire. Je remercie aussi M. Robert Le Roy, professeur à l’ENSA Paris Malaquais qui m’a encadré pour le début de ce travail. Je remercie le Laboratoire de Recherche des Monuments Historique (LRMH) qui m’a facilité l’accès à ses locaux ainsi qu’à son matériel, sans quoi je n’aurai pas pu effectuer les analyses de l’échantillon. Je remercie également Ann BOURGES de m’avoir encadré tout au long cette recherche. Elle m’a apporté une expertise et une aide certaine. Je souhaite particulièrement remercier deux personnes qui m’ont épaulé. Mme Fabienne COROLLER pour ses longues nuits passées à lire et à corriger ce mémoire. Mme Siti-Marie ATTOUMANI pour son investissement sur le volet social. Les enquêtes n’auraient jamais vu le jour sans son aide. Pour finir, un grand merci à tous les enquêtés sans qui ce travail n’aurait pas pu aboutir.

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Annexe 1 : Listes des figures et illustrations Liste des figures Figure 1 :

le Shanza................................................................................................................ 11

Figure 2 :

Détails constructifs de cases TRO TRO .................................................................. 14

Figure 3:

Case BURU à charpente triangulée ........................................................................ 15

Figure 5:

Case en parpaing .................................................................................................... 16

Figure 6 :

Différents modèles de cases SIM .......................................................................... 18

Figure 7 :

Courbe granulométrique ....................................................................................... 27

Figure 8 :

Résultats à la question sur le séjour en maison en brique ................................... 32

Figure 9 : Résultats à la question relative au maison en parpaing .......................................... 33 Figure 10 : Résultats sur l’attractivité de la case SIM .............................................................. 33 Figure 11 : Résultats sur la perception de la BTC ..................................................................... 34 Liste des photos Photos 1, 2 & 3: Centrale d’achat et chantiers-formation développés dans le cadre du programme habitat ........................................................................................ 2 Photo 4 :

Commune de Tsingoni, Mayotte ............................................................................. 4

Photo 5 :

Briqueterie de Vahibé (Mamoudzou) ...................................................................... 9

Photo 6 :

Mécanisation des équipements montrant l’intérêt des entrepreneurs pour cette production. ............................................................................................................ 10

Photo 7 :

Case TRO TRO ........................................................................................................ 13

Photo 8 :

Case BURU ............................................................................................................. 15

Photo 10 : Magasin construit en parpaing.............................................................................. 16 Photo 11 : Les hauts vallons 3, Koungou ................................................................................ 17 Photo 12 : Résidence Latania, Les Hauts vallons .................................................................... 17 Photo 13 : La case SIM de Mayotte ........................................................................................ 18 Photo 14 : Locaux de l’assurance maladie, Place mariazé...................................................... 19 Photo 15 : Tamis normalisés ................................................................................................... 26

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Liste des tableaux : Tableau I :

Différents types de construction présentes à Mayotte ...................................... 12

Tableau II : Types de logement en accession sociale ............................................................ 19 Tableau III : Comparaison des coûts de la construction à Mayotte (chiffres 2010), [27] ...... 22 Tableau IV : Résultats de la granulométrie ............................................................................. 27 Tableau V : Limite de plasticité - Limites d’Atterberg............................................................ 28

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Annexe 2 : Questionnaire à destination des particuliers Profil Particulier I. Identification de l’enquêté Nom : Commune: Type d’habitations : II. Perceptions des constructions en terre crue, notamment BTC Avez-vous déjà séjourné dans une maison en brique ? Était-elle confortable ? Le jour : Oui Non La nuit : Oui Non Avez-vous déjà séjourné dans une maison en béton / parpaing ? Était-elle confortable ? Le jour : Oui Non La nuit : Oui Non Vivriez-vous dans une case SIM ? Individuelle Immeuble Non Si non, pourquoi ? Seriez-vous prêts à construire votre maison en Brique de Terre Ccompressée ? Si non, pourquoi ? Connaissez-vous le prix de construction d’une maison type case SIM de 4 pièces ? Quel autre matériau en dehors du béton envisageriez-vous pour votre habitation ? Quel autre matériau serait adapté selon vous aux conditions locales, environnementales et économiques en dehors du béton ? Que représente la Brique pour vous ? Que pensez-vous des cases SIM - d’un point de vue esthétique ? - d’un point de vue environnemental ? D’après-vous, que faut-il changer des cases SIM ? D’après-vous, pourquoi la construction en brique à diminuer à Mayotte ?

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Annexe 3 : Interview du directeur de la SIM Retranscription de la conversation du 22/12/17 avec Mondroha Ahmed, directeur de la SIM. I : Bonjour, je suis Zoubert Ibrahime, étudiant en 5e année à l’école d’architecture du Port à la Réunion. Dans le cadre de mon mémoire portant sur la résilience de la filière terre à Mayotte, je souhaiterai vous poser quelques questions, êtes-vous d’accord ? A : Oui, bien sûr, allez-y. I : Quel est votre rôle au sein de la Société Immobilière de Mayotte ? A : Je suis directeur de la SIM et je m’occupe essentiellement du volet financier. I : Est-ce que la politique de la SIM a évolué depuis les années 1980 et si oui dans quel sens ? Je veux dire par là en moyens humains, en moyens matériels et en outils de communication. A : Halala, il y a beaucoup de choses qui ont évolué. Il faudrait une demi-journée pour dire tout ce qui a changé par rapport aux années 1980. En fait la société s’est modernisée comme toute société. On a fêté nos 40 ans cette année, mais il s’est passé beaucoup de choses en 40 ans. Déjà au niveau produit, on ne produit plus la même chose. A l’époque, on faisait la case Sim, le programme s’est arrêté en 2006. Il y a un nouveau produit d’accession qui s’appelle le LATS, un peu l’équivalent du LES dans les autres DOM. Le processus n’est pas le même et le produit n’est pas le même. Il répond plus aux normes de l’habitat moderne. Ensuite, c’est un produit qui se finance autrement, il y a tout un montage financier propre à ce nouveau produit LATS. Ça , c’est au niveau de l’accession. Et depuis 6-7 ans, nous avons commencé à faire du locatif social. Malheureusement, ce n’est pas très connu ailleurs parce que jusqu’en 2010, ici à Mayotte on ne faisait que de l’accession sociale. A l’époque, on ne faisait que de l’accession, la fameuse case SIM LATS. C’est à compter des années 2010 qu’on a commencé le locatif social un peu comme ce que vous voyez ailleurs les HLM ou autres. Ça aussi c’est quelque chose de complètement nouveau à Mayotte et c’est le futur car aujourd’hui toute notre programmation est essentiellement basée sur le locatif social. Il y a d’autres choses qui ont évolué en termes d’aménagement, car nous avons également des activités d’aménagement. Il y a quelques années, on faisait que des RHI et maintenant on fait des ZAC (zones d’aménagements concertés). Ce sont des outils qui sont partout ailleurs, mais à Mayotte ça a mis du temps à venir. En tout cas, disons que ces 20 dernières années la SIM a beaucoup évolué. Après, il y a toute la partie ingénierie, informatique, etc. enfin beaucoup de choses ont évolué. Comme aujourd'hui, avec un effectif de 135 personnes à peu près, dans les 135, il y a beaucoup de gens qui sont arrivés ces dernières années, des chargés d’opération, des architectes, des financiers, enfin il y a un peu de tout. Je ne sais pas si ça répond à votre question sur l’évolution mais effectivement la société a beaucoup évolué. I : Vous dites justement que le type de logement a changé par rapport à avant. Est-ce que vous pensez que la population mahoraise est favorable à cette nouvelle façon de construire ou est-ce que vous rencontrez des difficultés par rapport à ce nouveau produit ? A : Non, non, il y a aucune difficulté. Il est vrai qu’au départ quand on a commencé à réfléchir sur ces nouveaux produits notamment le locatif social, il y avait beaucoup d’appréhensions. On pensait que le mahorais traditionnel, il avait l’habitude de vivre dans son petit chez soi, sa petite cour etc. Mais on s’est très vite rendu compte qu’en fait le mahorais comme tout un chacun s’adapte à son environnement tout simplement. Quand on offre un produit, celui qui existe a besoin d’arguments, il s’adapte. La preuve en est que tous les mahorais qui vivent en extérieur, en France, à la Réunion ou partout ailleurs sont locataires dans le social. Cela ne pose aucun problème, les gens s’adaptent.

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Il est vrai au départ que tout le monde avait peur que le produit n’ait pas de succès. Mais les gens se sont très vite adaptés puis tout le monde a compris que nous sommes sur un petit territoire, on ne va pas chacun avoir sa petite maison, à un moment donné avec la démographie ça ne marchera pas. On est obligé de construit en hauteur. On est obligé d’être en collectif comme partout ailleurs, on n’invente rien. Donc là-dessus il y a aucun souci. Les premiers produits qu’on a mis sur le marché, on a très peu de vacances dans les logements sociaux, ils sont occupés. Là on a une programmation de presque 300 logements par an, et encore, même cela ne répond pas complètement à la demande. Il y a beaucoup plus de demandes mais bon ça c’est par rapport à notre capacité de production. Là-dessus on a aucun souci, on est convaincu maintenant que c’est l’avenir. I : La mise en place de ce produit est-elle passée au travers d’experts, comme vous dites d’architectes, d’ingénieurs, ou bien on est parti sur un produit qui répond juste à une demande de besoin de se loger ? A : Quand on parle de nouveau produit, ce n’est pas le produit physique en lui-même. Parce que faire du logement, des petits immeubles en collectifs, ça on savait déjà faire. Jusque-là, ce type de logement c’était des logements intermédiaires ou libres qu’on louait ou qu’on loue jusqu’à maintenant à des expatriés, des fonctionnaires de passage. Notre rôle n’a pas été que seulement loger ou faire du social. On a beaucoup construit pour loger dans les années 1980 les fonctionnaires qui arrivaient à Mayotte parce qu’à l’époque il n’y avait rien. Donc construire des logements collectifs, ça on sait le faire, pas à grande échelle, à l’époque on n’en n’avait pas beaucoup. Mais après ce qui a changé c’est l’ingénierie financière parce que le locatif social ne se finance pas comme n’importe quel produit. Il y a toute une ingénierie financière derrière. Donc on a dû faire comme les autres. Il n’y a pas eu besoin de faire venir des experts mais nous-même on a été chercher la connaissance. Et ça, ce n’est pas compliqué. C’est juste des montages financiers à faire après on est rentré dans le moule comme toutes les sociétés d’outre-mer notamment qui produisent du locatif social. Donc, là-dessus, la transition n’a pas été compliqué. À un moment donné ce qui changé c’est juste qu’on a eu les autorisations juridiques. Parce que jusqu’en 2009/2010 par exemple le code de la construction et de l’habitation ne permettait pas la caisse de dépôt d’intervenir sur un territoire comme Mayotte parce qu’on n’était pas encore un département etc. Il se trouve que ce code qui régit tout ce qui touche au locatif social, notamment aux modalités de financements (il faut savoir que la caisse de dépôt a l’exclusivité pour financer le locatif social), une fois qu’il a été retouché, la caisse a été autorisé à intervenir sur Mayotte, les choses se sont faites naturellement. C’est vrai que dans le paysage mahorais c’est en train de changer parce qu’on voit des petits immeubles ici et là, essentiellement dans la zone urbaine pour le moment c’est à dire Mamoudzou, Koungou, Petite-Terre. Mais de plus en plus on va aussi construire en brousse comme on dit ici. I : Mayotte a été un exemple par rapport à cette architecture en brique. D’ailleurs, d‘autres pays de la région, si je ne me trompe pas, venaient puiser ce savoir-faire. La case SIM a formé tout le paysage architectural mahorais jusqu’aujourd’hui. D’une vingtaine de briqueterie, nous sommes passés à 2 ou 3. Est-ce que la SIM a mis en place des choses pour se réapproprier ce produit-là ou elle part sur autre chose, sur des matériaux … ? A: Il y a eu quelques événements qui ont fait qu’à un moment donné la SIM a été contraint de lever un peu le pied sur le mode de construction en brique de terre. À un moment donné dans les années 2010/2012, un certain nombre de textes commençaient à s’appliquer à Mayotte notamment ce qu’on appelle « la dommage ouvrage », les assurances dommage ouvrage, les entreprises ont été contraintes à s’assurer et nous-même en tant que maitre d’ouvrage, on a été contraint à souscrire à des dommages ouvrages puisqu’avant ce n’était pas obligatoire. Ce qui dit dommage ouvrage, c’est à dire, on va vers un assureur pour lui demander de nous assurer, assurer nos bâtiments etc. C’était obligatoire. Il se trouve que la brique de terre n’était pas normée, pas scientifiquement normée.

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C’était un produit local qui était utilisé depuis des années, ça marchait, mais ce n’était pas légalement normé. C'est à dire comme le parpaing, comme le béton. Enfin, il y a toutes ces choses-là. Et du coup, les assureurs qu’on avait démarchés ne voulaient pas s’engager à assurer quelque chose qui n’était pas scientifiquement normé. Et ça commençait à poser problème. Au dehors on devait trouver des assureurs en métropole qui acceptaient d’assurer les bâtiments, mais c’était atrocement cher. Ce qui fait que ça déséquilibrait un peu nos opérations parce que nous avant de lancer une opération, on fait quand même un certain nombre de calculs, il faut que ça soit rentable. [ . . . à perte quoi ]. Les assureurs exigeaient des prix tellement élevé qu’on arrivait plus à suivre. Donc on a dû mettre ça de côté. On construisait avec des parpaings etc. Parallèlement à Mayotte il existe une association qui s’appelle ARTERRE, qui travaillait sur ces briques de terre. Et là, aujourd'hui, avec les quelques années de recherches qu’il y a eu en collaboration avec un bureau d’études basé à Toulouse, on est en train de normer cette brique de terre. Donc elle va être certifiée bientôt. Et à partir de là, on va commencer à reprendre la production. Par rapport à cela, nous on se réadapte. À partir du moment où cette brique de terre va être certifiée, il est évident qu’on va reprendre ce mode de production parce qu’en fait il y avait toutes les filières qui suivaient. Déjà les fabriques de brique de terre, tous les artisans qui pouvaient travailler ce produit etc. Donc effectivement nous on parie que dans l’avenir ça va être … Nous c’est notre savoir-faire la brique de terre. Mais il est vrai que les dernières opérations qu’on a construit ces dix dernières années, on avait un peu … enfin … on en utilisait de la brique de terre, mais juste en … comment dire ça … pas en structure mais juste en remplissage, en décoration. [Intervieweur: donc en façade ou juste en décoration …+ I : La SIM parie-t-elle qu’avec l’obtention de l’Atex, cet avis technique de la CSTB, la brique va être remise en route pour la construction à Mayotte ? A : Ah oui c’est certain. Nous on est parfaitement prêts d’autant qu’on a encore les techniciens qui ont travaillé dans le temps sur ce produit qui sont encore là. Donc on a les équipes qu’il faut. On n’a pas besoin de recruter de nouvelles personnes (rire) ou même de … Il faudra juste relancer un peu la nouvelle filière quoi. Non, non, nous on est prêt là-dessus ! On est vraiment impatient parce qu’à partir de là, il y aura plus de raison de pas faire puisque même les assureurs vont suivre. I : Par rapport à la population, aujourd’hui on entend que la brique c’est un matériau pauvre, comme il n’y avait pas d’avis technique, je ne sais pas si c’est l’ambiance générale qui dit cela. Donc c’est un matériau qui est fragile. Matériau pauvre dans le sens où il y a un matériau de riche et un matériau de pauvre. Donc socialement c’est … A : Non mais là après c’était des idées reçues. Aujourd’hui, on a eu l’occasion de faire quelques démonstrations ici, quelques conférences, on s’est dit qu’il y a quelques caractéristiques très intéressantes sur ce produit mais après il y avait quelques idées reçues, des gens qui considéraient effectivement que c’est un matériau de pauvre. Aujourd’hui on sait qu’il y a pleins de pays où cette brique de terre est utilisée sur des constructions de valeur. Les gens commencent à comprendre. Parce que là effectivement ce sont des idées reçues. Ce sont des maisons qui ont été construites depuis plus de vingt ans et qui se tiennent vraiment bien quoi. Par rapport à la brique là justement on vient de sortir un bouquin il y a un mois. À l’occasion de nos quarante ans, on a beaucoup … d’ailleurs il faudrait que vous m’envoyiez votre adresse par sms, je vous ferez envoyer cet ouvrage où vous avez toute l’histoire de la brique de terre dans cet ouvrage. Vraiment vous avez tout ce qu’il faut comme information. C’est un bouquin d’une centaine de pages. On parle des quarante ans de la SIM. On parle beaucoup de la brique de terre. Vous m’envoyez votre adresse, je vous ferai parvenir le bouquin mardi ou dès demain.

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I : Volontiers. Quand on discute, on va dire certaines personnes de la population mahoraise, la génération passée, peut-être même la génération avant vous, ils disent « mais hier on était sur cette façon de construire et aujourd’hui on a envie d’aller vers l’avant », donc il y a une certaine image de passé qui réside par rapport à ce type de construction. Est-ce que la SIM a une politique ou c’est juste les bâtiments qui montrent que ce n’est pas un matériau du passé ? A : Ben, il y a une nécessité de communiquer là-dessus parce que dans le passé on a produit en masse les cases SIM etc. sans vraiment peut-être, … parce que bon il n’y avait pas la connaissance qu’il y a aujourd’hui sur ce produit, donc ça n’a pas beaucoup communiqué. Mais là, l’idée quand on va relancer ce produit, on va beaucoup communiquer bien entendu avec les moyens de communication actuels. Pour un peu enlever de la tête des gens ces idées reçues que c’est un produit de basse qualité. Parce que scientifiquement aujourd’hui on peut prouver le contraire en termes d’acoustique, en termes de … enfin pleins de caractéristiques au niveau environnemental etc., donc en termes thermique. Donc ce qui fait qu’on va lancer un programme de communication bien sûr en collaboration avec le tissu des artisans, avec un certain nombre de partenaires. Mais ça c’est certain qu’on va… euh … c’est dans notre intérêt de toute façon. C’est quand même notre marque de fabrique. I : Dans le cadre de la fin des études et surtout pour l’avenir, en fait, j’ai commencé à faire un outil de communication, mais c’est un début, une prémisse, qui justement montre tous ces aspects techniques et ensuite esthétiques, parce qu’aujourd’hui il y a une seule façon, même si la technique a beaucoup évolué par rapport à la construction en brique puisqu’on vient renforcer avec du béton, on vient, … Je veux dire Mayotte est exemplaire là-dessus. Beaucoup le savent. Mais il y a d’autres façons de construire avec cette brique qui n’ont pas du tout été exploré sur l’ile. Donc il y'a cet outil de communication … A : Là, ce que je peux vous proposer sur votre dossier c’est peut-être avoir un entretien avec un de nos archi qui connait bien ce produit. Vous aurez toutes les parties, un peu la partie technique, un avis technique, parce que moi je suis plutôt financier. Donc par contre la comme on est en weekend, à partir de mardi, mercredi. Ça serait plus pertinent d’échanger avec quelqu’un qui connait le produit, enfin l’aspect esthétique du produit. I : Encore deux petites questions, et on a fini. Est-ce que faire une auto-construction est un mode, est-ce que c’est un produit qui pourrait aussi avoir son avenir à Mayotte ? Parce qu’à l’époque avec la Musada … A : Il y a déjà des réflexions en cours là-dessus. Nous, on n’est pas encore dedans parce qu’on est en train de voila … de … de … déjà on est assez occupé avec ce qu’on fait. Mais, il y a des structures qui se créent à Mayotte notamment une structure qui s’appelle SOULIA, qui existe un peu dans tous les DOM, où là ils vont un peu dans ce schéma de l’auto-construction. Mais il y a aussi une nécessité là-dessus parce que ça fait aussi parti des produits modernes en termes d’habitat social l’auto-construction. C’est quelque chose qui est en démarrage à Mayotte. Nous on n’est pas encore dedans parce qu’on est dans le locatif, on est dans l’accession, on est dans l’aménagement mais c’est quelque chose qui commence à se développer à Mayotte effectivement. Peut-être à l’avenir on s’intéressera à ça mais pour le moment on est largement occupé par ce qu’on essaye de faire. I : Est-ce que vous pensez que la SIM a toujours sa place à Mayotte ? A : Ah ben oui, nous on est plus qu’une société ici. Nous on est une institution. Il se trouve qu’on est seul dans notre domaine donc on est incontournable. Maintenant on a eu à travers l’histoire des périodes très compliquées en 2003/2005, il y a eu des crises, récemment en 2013/2014 également on a eu des crises financières, là on sort la tête un peu de l’eau, on n’est pas complètement guéri

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entre guillemets mais ça va, ça va beaucoup mieux donc voilà. Essentiellement ce sont des soucis d’ordre financiers mais qui se règlent. Après là on est sur une programmation plus ambitieuse pour l’avenir quoi. I : Dans l’environnement de la construction mahoraise, bon je pense peut-être que c’est une idée reçue aussi, parce qu’étant loin on ne voit pas forcement ce qui se passe. Il manquerait fortement des techniciens, je veux dire de ce type là, mais qui connaissent le langage du pays, le shimaore ou le shibushi pour pouvoir approcher cette population-là. Est-ce que vous pensez que ce paramètre serait une plus-value ? A : Bien-sûr c’est toujours une plus-value parce qu’il y a besoin d’éduquer les gens ici justement par rapport aux idées reçues. Il y'a besoin de faire comprendre aux gens qu’on doit passer à un système de construction plus moderne, avoir des permis de construire, tenir compte des aléas en termes de risques etc. Il y a une actualité en ce moment ici par exemple dans des villages entiers comme Mtsamboro où les gens se rendent compte qu’ils ont construits dans des endroits très très dangereux parce qu’il y'a des glissements de terrain. Tout cela nécessite qu’il y ait des gens qualifiés dans tous ces domaines quoi. On éduque les gens. Donc quand les gens sont techniciens, en même temps maitrisent le shimaore, c’est beaucoup plus facile. Parce qu’on a beaucoup de gens ici qui ne maitrisent pas le français. Non mais ça c’est une nécessité. D’où le besoin que tous les jeunes qui se forment en ce moment à un moment donné qu’il y ait au moins une partie qui rentre pour essayer de voila quoi. Chacun apporte sa pierre à l’édifice. I : Juste pour terminer, vous avez dit que vous pensez lever les idées reçues et surtout cette sensation de matériau pauvre, cette façon de voir un matériau du passé, comment vous pensez lever ces idées reçues et par quels moyens de communication ? Est-ce que ça sera juste des réunions, ou est-ce que c'est vraiment une campagne … A : Non, on utilise tous les moyens qu’il y a, tout ce qui dit réseaux sociaux, la télévision, la presse écrite, enfin tout. Aujourd'hui quand on veut communiquer on passe par tous les canaux. On participe à des conférences. On était pendant les vacances à des conférences, on participe au niveau des mouvements sportifs, de temps en temps on organise des réunions, enfin tous les moyens sont bons pour communiquer. En plus, on a la change d’être sur un petit territoire. Apres on travaille également avec des réseaux d’associations des choses comme ça. Il y a pas une façon de communiquer du moment qu’on lance une campagne. Apres c’est une question de budget. On se dit là prochainement par exemple, on va participer à une campagne avec le comité de tourisme donc on va prendre une page dans un magazine qu’ils vont sortir. Ce sont des choses qui existent partout, je veux dire on invente rien là. Mais il n’y a pas un mode de communication. Si on doit passer par des réunions dans des villages, on le fait. Parce qu’on a toute une équipe ici d’accompagnement, qui fait de l’accompagnement social. On s’adapte en fait dans notre environnement, il y a aucun souci par rapport à ça. I : Donc vous êtes fortement partenaires avec les associations comme Arterre, de tout façon c’est la seule je crois … ? A : Ah oui oui. On sponsorise, euh… Là on va le faire, en début d’année là on sponsorise Arterre, justement pour les aider à terminer ce chantier de brique de terre. Voilà on participe. Il y a … il y a un intérêt pour nous, il y a un intérêt pour le pays, ça semble évident. Parce que nous on a aussi une dimension sociale, on n’est pas là que pour faire de l’entreprenariat. I : Bon ben pour moi c’était très instructif, mais les questions se terminent là. A : OK vous m’envoyez votre adresse par texto et dès que je reprends mardi matin je vais demander à notre coursier de vous envoyer en DHL le bouquin, où vous avez tout ce qu’il faut en termes d’informations sur la brique de terre, en tout cas sur l’histoire de la brique à la SIM.

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I : D’accord, super ! A : Ok ça marche. I : Merci beaucoup, je vous recontacterais peut-être d’ici d’ici 6 mois parce que le dossier m’intéresse beaucoup. C’est pour essayer d’en savoir un peu plus et surtout par rapport à cet outil de communication, ces outils de communication là. A : Ok ça marche I : Merci, au revoir, bonne journée

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Annexe 4 : Interview de Mme H. L’évolution de l’habitat à Mayotte vue par une sexagénaire mahoraise vivant dans le centre de l’île. H : Auparavant lorsque les gens dormaient, on n’avait pas de brasseur d’air, on ouvrait les fenêtres. Le vent circulait à notre convenance et la chaleur dans les maisons diminuait. Mais maintenant, les gens ont peur. Même lorsque nous dormons, les portes sont fermées, on installe des grilles aux fenêtres pour nous protéger. Ce n’est qu’ensuite que l’idée des brasseurs d’air s’est installée. Avec la peur, la population mayonnaise n’ose même pas ouvrir les fenêtres ou les baies vitrées (nacot) pour prendre l’air lorsque la chaleur envahit les maisons. Et même avec ça, nous ne sommes pas en sécurités car les voleurs les enlèvent. Néanmoins, les personnes qui ont les moyens installent un système de climatisation chez eux tout en gardant leurs grilles de sécurité. Les brasseurs d’air sont devenus un moyen par défaut. Mais avant, il n’y avait pas tous ces problèmes ; ce n’est pas tout le monde qui avait ces ventilateurs ; leur ventilateur se résumait à pas de cambriolages donc on ouvre les portes pour s’aérer chez soi. On dormait les portes ouvertes le soir sans appréhension car il n’y avait pas de cambriolages. Moi-même je dormais la fenêtre ouverte avant jusqu’au petit matin. Une fenêtre qui donnait dans la cour de coco [sa mère]. Je n’avais pas chaud et je n’avais pas besoin de ventilateur. I : De ce fait, ces cambriolages et ce qui se passe à Mayotte modifient votre manière de vivre et d’habiter ? H : Oui. On est obligé de se protéger. On est obligé de construire d’une certaine manière pour se protéger et non plus construire à notre guise. On installe des alarmes, des caméras de vidéosurveillance. Mais bon, ça ne les dissuade pas complètement pour autant. Leur système devient rodé et évolue en même temps que nos systèmes de protection. Mais nos constructions dans le temps étaient des cases SIM. Ces dernières n’avaient pas autant de chambres comme les maisons d’aujourd’hui avec dix pièces ou neuf. Elles avaient seulement deux pièces parfois trois avec un « calbano ». Les toilettes étaient à l’extérieur. Nous n’avions pas comme aujourd’hui les salles d’eau à l’intérieur de la maison. Ou bien elles étaient accolées à la maison avec une porte donnant sur la varangue comme c’est le cas pour la maison de ma petite soeur. Ses toilettes sont aménagées dans une pièce au bout de la varangue. Avant comme les toilettes étaient construites en extérieur, et pour deux maisons, nous avions une salle d’eau à partager. Puis petit à petit les choses ont changé. Lorsqu’on nous construisait une case SIM, nous avions nos toilettes individuelles au bout de la varangue. On retrouve encore ce type d’habitat dans le quartier de Hadoumé à Tsingoni. I: La nouvelle manière de construire les maisons à Mayotte modifie-t-elle la façon de vivre de la population et avec elle une nouvelle manière d’éduquer ? H : Oui. Maintenant tout est à l’intérieur, que ce soit la cuisine, les toilettes, tout se trouve à l’intérieur des maisons en béton. Il n’y avait pas d’éviers, de gazinières mais les gens cuisinaient à l’extérieur. Seules les pièces à coucher étaient à l’intérieur des maisons.

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I : D’après vous, qu’est-ce qui est le mieux ? H: Par rapport à ce qui se passe aujourd'hui avec les cambriolages et la violence ? je pense que ce sont les maisons actuelles qui sont le mieux. On n’a plus besoin de se lever et aller en extérieur pour aller aux toilettes. Il n’y a plus le risque de croiser quelqu’un qui risque de t’assommer avec un bâton ou te couper la tête. Les enfants vont en toute sécurité aux toilettes et n’ont plus besoin de venir te réveiller pour les accompagner au dehors. Ils se lèvent, allument la lumière et vont aux toilettes. C’est aussi un certain confort pour les parents qui jouissent du même confort. Se lever pour aller dehors au milieu de la nuit, qui sait ce qu’on va rencontrer ? Alors qu’on sait tous qu’ils sont là dehors à roder pour voler ce qui s’y trouve. Une personne qui va à l’extérieur, comment ceux qui sont à l’intérieur sauront qu’il lui est arrivé quelque chose ? Ceci est à double tranchant. Parce que d’une part, on est protégé par cette commodité, le fait d’avoir tout à proximité et nul besoin de sortir en cas de besoin. Mais d’un autre coté l’immensité des nouvelles maisons attire la convoitise et par la même occasion les cambriolages. Il y a aussi le coté où on vit tranquillement chez soi de nos jours mais en même temps, un certain éloignement se fait ressentir. Les gens ne se voient plus comme avant. Avec les cuisines en extérieur, moi je cuisinais dehors, ma voisine en faisait de même, on se voyait puis se retrouvait directement sur les vérandas pour manger. Donc, je dirais que nous sommes plus protégés par les nouvelles maisons mais en même temps, elles nous ont éloigné les uns des autres. Les gens ne se voient plus. Lorsqu’on sort du travail, on rentre chez soi avec sa voiture, puis on y reste et on ne se voit plus. On entend seulement les voisins vivre chez eux, cuisiner, jouer avec leurs enfants mais on ne les voit plus. C’est comme en France Métropolitaine, on vit comme en France. On ne fait que se croiser dehors « salut, salut » ou bien « as salam anlaykoum, anlaykoum salam » puis chacun monte dans sa voiture et s’en va vaquer à ses occupations. Mais avant, il y avait presque cette obligation de se voir à cause des cuisines en extérieur etc.

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Master en Architecture RESILIENCE DE LA CONSTRUCTION TERRE A MAYOTTE Zoubert Ibrahime a, 2018 a

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Montpellier, Antenne de la Réunion

ABSTRACT Raw earth is one of the most widely used materials in the world to build. Each soil is a mixture of grains of different sizes (pebbles, gravels, sands, silts and clays) in varying proportions. Raw earth is one of the most widely used materials in the world to build. Each soil is a mixture of grains of different sizes (pebbles, gravels, sands, silts and clays) in varying proportions. Today, the earthen architectural heritage is universally spread on all the inhabited continents. While in the imagination of the «general public» of Western Europe this traditional and alternative material is becoming a «material for the future» which is an economically and viable response to the global housing crisis, it remains, in Mayotte, the symbol of a past that one wants to overcome and depreciated by the Mahorais. This article aims to understand why, after Mayotte was the field for the launch of a dynamic and exemplary raw earth industry, this product is abandoned in favor of imported material. An analysis of the Mayotte earth is also conducted to assess its quality and to provide elements to defend its use for construction in Mayotte where housing needs are considerable. Indeed, the up-to-date use of earth and local materials in general is both a credible alternative to build quality housing and an important way for local development that promotes employment and wealth creation. RESUME La terre crue est un des matériaux les plus utilisés au monde pour bâtir. Chaque terre est un mélange de grains de différentes tailles (cailloux, graviers, sables, silts et argiles) en proportions variées. Aujourd’hui, le patrimoine architectural en terre est universellement répandu sur tous les continents habités. Alors que dans l’imaginaire du “grand public” d’Europe occidentale ce matériau traditionnel et alternatif est en passe de devenir un « matériau du futur » en étant une réponse économiquement viable face à la crise mondiale du logement, il reste, à Mayotte, le symbole d’un passé que l’on veut dépasser et est déprécié par les mahorais. Cet article vise ainsi à essayer de comprendre pourquoi, après que Mayotte ait été le terrain du lancement d’une filière de terre crue dynamique et exemplaire, ce produit est délaissé au profit de matériau importé. Une analyse de la terre de Mayotte est également conduite pour apprécier la qualité de cette terre et apporter des éléments pour défendre son usage pour la construction à Mayotte où les besoins en logement sont considérables. En effet, l’usage actualisé de la terre, et des matériaux locaux en général, constitue à la fois une alternative crédible pour bâtir un habitat de qualité et un levier important pour le développement local favorisant l’emploi et la création de richesses. Mots clés : terre, construction, architecture, écoconception, vernaculaire


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