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Artisanat
Dentelles de papier
Photo : Henri Vogt – 2017
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Dans son atelier de Bischwiller, Michèle Wagner manie le cutter comme un crayon. Ses découpages de papier, inspirés de l’art populaire alsacien, créent de délicats décors qui jouent avec la lumière et enchantent Noël.
L
es fenêtres de l’Hôtel Suisse à Strasbourg, l’Hôtel de la Ferme à Osthouse, l’Ours à Bischwiller (le restaurant de son fils Jean) arborent ses rideaux de papier artistiquement ajourés. Inspirés des motifs traditionnels de l’art populaire alsacien, ces rideaux de Noël apportent un air de fête aux fenêtres, comme un emblème réalisé sur mesure avec une infinie dextérité. Dans l’atelier de l’imagière, cet artisanat dévoile toutes ses facettes et les secrets de fabrication de Michèle Wagner. Lanternes, mobiles, décors de papier, cartes de vœux dessinent un univers empreint de poésie et de finesse. Depuis sept ans, cette dentelière d’un autre genre a posé ses papiers et ses cutters dans ce corps de maison alsacienne joliment rénové. Elle y gagne de l’espace pour travailler, exposer ses créations et donner toute la place à ses créations. «J’ai découvert l’art du découpage en 2005, en devenant marraine et en réalisant un souhait de baptême», confie Michèle avec la modestie qui la caractérise. Cette coutume du Goettelbrief remonte au xvie siècle. Le parrain et la marraine remettaient à l’enfant un document calligraphié, décoré et enluminé, parfois découpé, pour lui rappeler qu’ils seraient là pour veiller sur lui. Très vite, des proches lui commandent d’autres pièces personnalisées. «J’y ai trouvé beaucoup de plaisir, une source d’inspiration et un défi », se rappelle Michèle, qui a toujours aimé dessiner et s’est formée à la calligraphie et l’enluminure. Sollicitée pour diverses expositions et par des musées de la région, elle se lance alors dans des créations géantes pour fenêtres, des décors et des nefs d’église.




Virtuose!
Le matériel requis est bluffant de simplicité: un papier blanc de bonne qualité qui ne jaunit pas avec le temps, un canivet – petit canif très aiguisé qui donne son nom à cette technique –, une mine de crayon et une bonne lumière. C’est dans l’inspiration des décors et dans la main de l’artiste que réside tout le secret. Dessins polychromes, arbres de vie, silhouettes alsaciennes, décors de poutres ou poteaux d’angle de maisons alsaciennes… Michèle pioche dans cette imagerie populaire la plupart de ses motifs. Pour apporter sa vision plus contemporaine à cette tradition, elle puise aussi dans la nature et dans de belles citations ses propres motifs, de plus en plus artistiques. «Je dessine d’abord mon décor avec un trait très fin. La difficulté réside dans la recherche des bonnes proportions et se rapproche de l’art du pochoir, car il faut faire attention à ce qui reste et ce qui disparaît à la découpe.» Tout en discutant, sous nos yeux ébahis, elle manie le cutter, sans plus de difficulté qu’un banal stylo et récolte de minuscules chutes de papier. Pour ce modèle travaillé en symétrie, elle a plié sa feuille et cisèle les deux pans de papier d’un seul geste minutieux, doux mais ferme. « Les gens pensent à tort que le papier est très fragile, mais ça ne demande pas plus d’attention qu’un tableau.» Un petit coup d’œil aux rouleaux de papier sur lesquels elle conserve ses précieuses créations, simplement protégées d’un papier kraft, suffit à nous convaincre. Malgré l’expérience et l’assurance, elle peine encore à estimer le temps nécessaire à chaque création, mais qu’importe, elle aime prendre son temps et semble tirer de cette pratique une source de relaxation et d’apaisement.
Papiers d’identité… alsacienne
Le salon Résonance(s) et la Fédération régionale des métiers d’art d’Alsace (Frémaa), à laquelle elle appartient depuis 12 ans comme imagière, ont donné un coup d’accélérateur à ce qu’elle considérait d’abord comme un simple passe-temps « assez encombrant dans sa petite maison». Vite repérée pour la virtuosité de son trait, Michèle inspire ceux qui travaillent à promouvoir l’image traditionnelle et touristique de l’Alsace et remplissent son carnet de commande. Une exposition sur la nativité pour la Ville de Haguenau en 2018, une lanterne de papier découpé pour l’affiche de «Strasbourg, capitale de Noël» en 2020. Le décor d’une campagne publicitaire pour Noël en Alsace, l’an passé… Aurait-elle un jour imaginé que ses petits papiers l’enverraient à Moscou pour exporter son savoir-faire, lors d’ateliers organisés autour des traditions de Noël en Alsace? Que Larousse traduirait en coréen son ouvrage de référence sur l’art du canivet? Par bonheur, elle aime aussi transmettre son talent aux locaux et ses ateliers d’initiation affichent immanquablement complet. Alors pour partager un peu de la magie de cet art singulier, mieux vaut pousser la porte de la cour du restaurant de l’Ours, qui abrite son atelier merveilleux.
Des origines multiculturelles
L’art du canivet était surtout pratiqué dans les couvents par des religieuses qui découpaient des images pieuses. On retrouve aussi cette tradition du papier découpé en Chine, au Mexique et dans de nombreux pays germaniques, qui pratiquent une découpe aux ciseaux. En Suisse, des artistes ont érigé des scènes de montée aux alpages au rang de véritables œuvres d’art.
BOUTIQUE-ATELIER OUVERTE LES APRÈS-MIDIS DES 10.12 + 11.12, AVEC LA PRESENCE DE L’ARTISTE GUY UNTEREINER ET SUR RENDEZ-VOUS 2, RUE DE LA COURONNE À BISCHWILLER 06 87 61 38 83 MICHELEWAGNER.EU