L'École d'Escalade du 22ème B.C.A
I 9 6 0
Le Commandant Vuillemey avait légué au Commandant Giraud un quartier déjà largement pacifié, quadrillé de villages érigés en autodéfense, encadrés de harkas opérationnelles, à l’ombre des postes de compagnies.
Lorsque le Commandant Giraud, le 5 novembre I959, a transmis au Chef de Bataillon Maraval de Bonnery le fanion et le commandement du 22ème Bataillon de Chasseurs Alpins, il a lui même pût mesurer le chemin parcouru depuis sa prise de commandement, tant sur le plan de la pacification, que sur le plan strictement militaire.
En cette fin d’année I959, la partie est gagnée sur le plan militaire. L’A.L.N. d’Algérie, asphyxiée par la fermeture des frontières Est et Ouest, est véritablement coupée de ses bases extérieures et de ses sources de ravitaillement.
Le 22ème B.C.A., assuré de la bonne marche administrative du Douar Haïzer, a poussé des éléments légers sur toute la périphérie de son quartier. Un poste de la C.C.A.S. est installé sur le Ras Bouïra, où sont regroupés les isolés du Ras Oubeira.
La 4ème Compagnie en a élevée d’autres pour protéger ses villages de regroupement : Goumgouma, Djadi, Karrouba, Taourirt Amar.
La 3, après avoir remis Irhorat à l’officier chef de la S.A.S. a construit Guendour.
La 1ère Compagnie a entrepris le chantier d’un poste à Innesmane. Ainsi libéré des servitudes locales, le bataillon a pu prendre une part toujours plus importante dans les opérations de secteur, menées dans les quartiers voisins, ainsi qu’aux opérations entreprises par les secteurs limitrophes.
Pourtant, le 22ème B.C.A. continue à construire : nouvelles écoles, infirmeries où les médecins multiplient les séances d’assistance médicale gratuites, hameaux de regroupement des populations isolées. Tous les villages sont, chaque semaine, visités par les équipes d’A.S.S.R.A..
Cette activité de pacification, le Commandant Maraval va encore la développer, sans que pour autant soit réduite l’activité opérationnelle des compagnies et des harkas, tant sur le plan local qu’en renfort des quartiers voisins.
Mais le nouveau patron du 22ème est un Alpin hautement confirmé. Il a dans le sang ce virus qui vous pousse vers les sommets, enneigés, ou non, et, puisque le quartier du bataillon est pratiquement calme, et que, d'autre part, il possède tout ce qui peut permettre la pratique du ski en hiver et l'escalade en été, il considère que ce serait une ‘hérésie de la part d'un Chef de bataillon de Chasseurs Alpins de n'en point largement profiter. Cela va se traduire par la prospection des environs immédiats des postes de Merkalla, Aïn Allouane et Tikjda, et la découverte, à proximité d'Aïn Allouane, d'un superbe "caillou" vertical, haut de cinquante mètres, au lieu-dit "La Grotte aux Pigeons". L'École d'Escalade du 22ème B.C.A. est née, qui va connaître un développement extraordinaire au cours des années I960 et 1961. École... Il en était question depuis longtemps, cela soulevait même au Bataillon des rumeurs que les milieux généralement bien informés prétendaient "diverses". Certains espéraient être rapatriés avant sa mise en route, d'autres se promettaient d'y aller... voir et photographier. De très rares mordus s'inscrivaient comme candidats actifs.
Mais le 22ème Bataillon de Chasseurs comporte le qualificatif d'"ALPIN"...
Il est posé sur le Djurjura dont les falaises calcaires entre la cote I88 et 2100 montrent des abrupts tentants. Tout cela crée des obligations, et pas seulement morales... Une école d'escalade s'imposait donc. La matière première fut trouvée, non sans peine, répondant aux conditions minimales :
- Etre à proximité d'un poste et d'une route, dans un coin relativement sûr et, en tout cas, facile à protéger;
- Offrir des parois verticales et à peu prés propres d'au moins 25 mètres. On fut obligé d'être un peu moins regardant sur la qualité du rocher, assez difficile à pitonner : du calcaire avec des filons de poudingue, bref, le rocher dit de la "Grotte aux Pigeons" fut élu. Un vocable prédestiné... pour les "envols". Un promontoire calcaire dont l'extrémité est une aiguille ronde de 30 à 50 mètres d'à pic sur toutes ses faces.
Une magnifique arche rocheuse rejoint la presque 'aiguille précédente à la falaise.
Une vue et un cadre magnifiques, ce qui n'a jamais rien gâté. L'école choisie, il fallait l'ouvrir, sans compter que le morceau paraissait coriace. Que faire en pareil cas ? Le coup de l'invité s'imposait. Une propagande parlée fut entreprise auprès des écoles d'escalade des alentours d'Alger. Plusieurs dimanches, il fut question de choses alléchantes, de surplombs lisses, de cheminées déversées, de pointes vierges, parmi la gente chaussée de vibram ou de P.A., entre deux parties d'escarpolette à Baïnem ou au Figuier.
Rendez-vous fut pris.
Le mauvais temps y était. Quelques grimpeurs intrépides aussi. D'autres, par la faute du temps, de temps, ou l'absence de permission, ne purent venir. Mais l'école fut quand même ouverte dans le brouillard et parfois la pluie, avec la neige toute proche.
Pendant ce week-end de rentrée des jeunes classes grimpeuses, quatre voies, allant de P.D., à T.D., furent mises en service.
Que les initiateurs en soient remerciés (Claude Jaccoux et Leblanc, du Bataillon de Joinville, en service en Algérie); Un médecin ,vierge d'escalade, conquit une cime qui l'était à peine moins. Il y a encore du travail de pionnier, mais maintenant le départ est pris. Avec le beau temps d'autres voies seront ouvertes, d'autres invités viendront, les "mathieux" du 22ème B.C.A. mettront à leur tour la main à la prise, le pied à l'étrier.
Et ce printemps, dans les faces grandeur nature de l'Akouker, des cordées de chasseurs du 22ème se livreront à des exercices d'application, faisant leur la devise du C.A.F. : "Pour la patrie, par la Montagne".
MAI 1962
Le 20 mai, débute à Tikjda le 1er stage* de montagne de la 27ème D.I.A..
Les stagiaires, trois officiers, sept sous-officiers et cinquante - trois chasseurs, appartiennent aux 7ème, I5ème et 27ème B.C.A. Dés le lendemain, ils sont à l’œuvre dans le Massif du Reynier.
* Stage de dix jours : technique individuelle et collective de l’escaladetravail des Sections d’Éclaireurs de Montagne démonstrations de sauvetage - étude de la technique par films de l’E.H.M. de Chamonixascensions et bivouacs en montagne..
Quelques jours avant le début des stages, le Lieutenant Monange, qui en est le directeur, effectue, ce qui est sans doute une première, l’escalade, de nuit, de la Directe du Reynier. Le deuxième stage débute le 3 juin, avec les S.E.M. des 27ème B.C.A et 11/93ème R.A.M.. Fin du stage le I2 juin
Juillet 1962
Les travaux de cantonnement, l’instruction du tir a toutes les armes, l’école d’escalade, plus spécialement pour la 3ème Compagnie, et les raids en montagne, deviennent l’activité quotidienne des compagnies. Grande journée d’escalade le I5 : deux cordées à la petite Aiguille de la Main du Juif, deux autres à la Voie Molbert.
Le I6/07, une section de la 3 bivouaque au sommet du Lalla Khedidja. Une patrouille au Chalet du C.A.F. constate que celui-ci, tout comme son voisin, a été récemment pillé.
Le 22/07, deux cordées de la 3°Cie escaladent la Voie Guillotot et l’Arête des Chasseurs dans le Massif du Reynier.
Le 28/07, cinq cordées escaladent le Reynier, trois par la “Directe”, et deux par le ”Z”, tandis que cinq autres cordées gravissent la Main du Juif.
Quatre cordées dans la Main du Juif le 29/07.
Août 1962
Un détachement du 27ème B.C.A., en nomadisation, passe à Tikjda le 2 août, et en profite pour escalader le Reynier et l’Akouker les jours suivants.
Le 4/08, le Général Le Ray, commandant la Z.E.A., visite la 3ème Compagnie à Tikjda, où il demeure quelques jours.
Il assiste, le 6/08, à une démonstration d’escalade par la 3ème Compagnie.
Une section de marche, mise sur pied par la C.C.A.S., est dirigée, le 7/08, sur Tikjda, afin de suivre l’entraînement en montagne jusqu’au I3 août.
Le I5/08, six cordées de la 3°Cie opèrent à la Main du Juif et au Reynier. Le 26/08, six cordées se retrouvent à la Main du Juif.
Septembre 1962
Une section de la 1ere Compagnie commence, le 10 septembre, à Tikjda, le stage d’instruction montagne.
La liaison est prise avec une compagnie du I5ème B.C.A., en nomadisation jusqu’au I4/09 dans la région de Tikjda.
Le Lieutenant Monange, commandant la 3ème Compagnie, et directeur de l’Instruction Montagne, qui effectuait devant des stagiaires une démonstration d’escalade, le I8 septembre, fait une chute de 4 ou 5 mètres. Souffrant de contusions multiples et d’une luxation de l’épaule, il est évacué sur l’hôpital de Tizi Ouzou pour en revenir immédiatement après plâtrage de l’épaule.
Les uns après les autres, les cadres officiers et sous-officiers de chacune des compagnies passent par Tikjda pour y apprendre, les uns, les rudiments de l’escalade, les autres, les techniques plus élaborées qui feront d’eux de véritables “araignées de roche”.
Il en est de même pour les sections.
Les stages d’école de montagne continuent en novembre: stages de cadres des unités de la division, stages de sections pour les compagnies du 22°BCA
Octobre 1962
Le général commandant la 27ème D.I.A. visite le centre de Tikjda et assiste aux démonstrations d’escalade de la Main du Juif par deux cordées, et de l’Azerou Gougane par six cordées.
Novembre 1962
Le 7ème stage d’instruction montagne débute le 6 novembre, ce jour-là, au Chalet du C.A.F..
1963
L’Ecole d’Escalade du Bou Zegza fonctionne à plein.