ALPINS DE 1918 A 1940

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LES ALPINS DE L~RMIS1: CE DE 1918 À L~RMÉE D~RMISTICE DE 1940 La Grande Guerre s'est terminée pou les troupes alpines avec le statl,lt reconnu de troupes d'élite, chèrement acquis au prix d'un taux de pertes exceptionnel pour des faits d'armes ux aussi hors du commun, accomplis sur tous les fronts de la mer du ord aux Balkans. Le drapeau des chasseurs, qui ne peut tous les citer, porte sur sa soie le seul nom de "Grande Guerre", et tous les bataillo s en sont sortis décorés. Une telle réputation va leur valoir pendant l'.e tre-deux-guerres d'être désignés pour régler les problèmes délicats des séquelles de la victoire de 1918. Comme dans les vingt ans qui suivirent la fin des guerres de décolonisation, on vit bérets rouges et képis lanes gérer les conflits régionaux, les tartes des Diables bleus vont ap araÎtre à partir de 1919 en occupation, intervention ou interposition n Europe et Afrique du Nord. Cette période est également celle du sons des Alpes, et donc l'occasion de lations locales, mais surtout de retro de reprendre leur entraînement et d' technique.

etour des Alpins vers leurs garnirenouer leurs liens avec les popuver les chemins de -la,mo'ntagne, méliorer leur organisation et leur

Troupes d'élite redevenues troupes montrer l'.eHicacité de leurs unités, q si difficile à remporter une victoire en sur le front des Alpes, se révélant aînés de 14-18, et prêtes à contin terrain si propice à la guérilla.

e montagne, elles vont en 1940 i furent les seules en cette période Norvège et à demeurer invaincues insi les dignes héritières de leurs er le combat de l'ombre sur un


Troupes d'élite et soldats de la paix La France sort victorieuse de la guerre mais comme le déclare Clemenceau "gagner la paix sera encore plus difficile". Le grand prestige diplomatique et militaire dont elle jouit à l fin des hostilités va la faire olliciter par de nombreux États créés ou modifiés par les traités de paix qui mettent fin au conflit. La situation est très tendue à la fois en Allemagne 0' la transition entre empire et république se fait difficilement sur fond d'insurrection rév lutionnaire et de guerre civile, mais également dans les jeunes Etats où les minorités s'agitent, où les nationalités ne coïncident pas touj urs avec les frontières artificielles issues de l'idéologie wilsonienne, ce qui entraîne de nombreuses revendications territoriales. P ur tenter de régler ces sources de conflit la France va envoyer des troupes. Elle n'en manque pas en ce début 1919 avec plusieurs millions d'homme sous les armes; mais p ur ce genre de mission il lui faut des soldats à la fois efficaces sur le plan militaire et représentatifs et crédibles sur le plan diplomati ue. Elle va donc utiliser ces troupes d'élite d nt la réputation a été faite par leurs adversaires, habituées à travailler en autonomie, en imerarmes et en interallié, à la tenue à la fois élégante, impressionnante et caractéristique: les troupes alpines.

Entrée du 23" Chasseurs

5 janvier

1919; début de l'insurrection barricades à Berlin.

spartakiste;

Jusqu'à la signature du traité de paix de Versailles, le 28 juin 1919, les différents bataillons et régiments alpins, après s'être assurés que les Allemands aient bien quitté la Belgique, se trouvent en occupation en Allemagne sur la rive gauche du Rhin. Leur présence assure à la fois la garantie d'une signature rapide du traité et le maintien de l'ordre dans une situation insurrectionnelle, qui voit les extrémi tes révolutionnaires tenter de s'emparer du pou oir laissé vacant par le départ de Guillaume II. Ils quittent l'Allemagne durant 1·été. mai après quelques mois consacrés à la garde de prisonniers allemands occupé à déblayer le ruines de la ligne de front, la 46e DI 6e. -e. l3e, 23e, 24e

à Brumath (Alsace) le 26 novembre'

=-~


et 27e BCA) va partir pour une mission nouvelle : l'interposition entre Polonais et Allemands en Haute-Silésie. Le 22e BCA fait la même chose du côté danois au Schleswig ; si pour lui la mission fut accomplie sans trop de difficulté, il n'en fut pas de même en Silésie.

Force d'interposition La situation est en effet très délicate dans cette région située au Sud-Ouest de la Pologne qui doit décider de son avenir par référendum. C'est un imbroglio caractéristique de l'époque. Les campagnes sont peuplées en majorité de Polonais et les villes d'Allemands et cela depuis fort longtemps. Chacun possède des corps-francs ou de la police, bien armés et décidés à en découdre. La force d'interposition est formée de Britanniques, Italiens, et Français, qui sont les plus nombreux. Le cœur de ces derniers penchait plutôt pour les Polonais que pour les Allemands, leurs adveraires pendant cinq ans. En outre de nombreux officiers français combattent aux côtés des Polonais face aux Bolcheviques à l'Est de la Pologne, ou servent dans une mission militaire chargée de mettre sur pied la nouvelle armée polonaise (qui comporte des troupes de montagne instruites par nous). ils doivent cependant rester impartiaux et empêcher que le populations civiles ne soient les victimes de ces rivalités. La mission va durer jusqu'à l'été 1922 et sera particulièrement difficile. TIfaut se déplacer souvent car le territoire des deux brigades (91 e et 92e) est extrêmement aste et nos alliés un peu moins actifs que nous. Les Alpins doivent s'interposer entre des manifestants,' mater des émeutes, arrêter des meneurs, rechercher des armes, toutes sortes d'opérations auxquelles il ne sont pas préparés. Les résultats du référendum le 21 mars 1921 étant favorable aux Allemands, un oulèvement général des Polonais se produit

Mai 1921; combat entre Polonais et Allemands en Haute-Silésie;

groupe d'insurgés polonais.

Force d'interposition

en Silésie à t'entreînetnent.

en mai, Le chef de bataillon Montalègre qui commande le 27e BCA est assassiné par un Allemand extrémiste le 4 juillet 1921 à Beuthen. Jusqu'à leur départ au cours de l'été 19" 2, les Alpins devront rester sur le qui-vive, . victimes d'attentats et d'un harcèlement permanents. ils quittent la région pour rentrer dans les Alpes en ayant la satisfaction d'avoir rempli leur mission: le baril de poudre qu'ils surveillaient n'a pas explosé, leur présence a évité les massacres que l'on pouvait craindre. Le retour dans les Alpes se fait souvent dans des garnisons qui ne sont plus celles d'avantgu rre, et les différentes réorganisations ne lai sent plus que douze BCA d'active et deux RIA en montagne. ils en repartent encore pour qu lques mois en 1923, en occupation, puis en 19"5 en intervention au Maroc.

De nouveau en occupation En 1923 l'Allemagne, soumise à une 'terrible inflation et à une grave crise économique, sus end le paiement de sa dette de guerre; la France et la Belgique décident alors d'envahir la Ruhr, son poumon industriel. La se D CA fait partie des troupes d'occupation et

11 .envier 1923 ; les troupes franco-belges occupent la Ruhr; entrée des blindés français à Essen.


pendant près de neuf mois va occuper, au sein de la 77e DI, cette région d'usines et de mines. Sa mission est de protéger les exploita ons de minerais et les commissions de réquisition des machines-outils, et de participer égale ent à des opérations humanitaires auprès d'une population hostile, très durement touchée par la crise économique.

Force d'intervention au Maroc C'est pour aller au Maroc, dans la régio 1montagneuse du Rif, que les troupes alpines vont à nouveau quitter les Alpes en interve ttion à la demande du maréchal Lyautey. La évolte d'Abd-el-Krim est en partie enrayée, nais il subsiste encore de larges zones d'ins 'curité tenues par les rebelles, et le maréchal, qui avait eu l'occasion d'apprécier les chasseur alpins en 1912, demande un renfort de BC pour venir à bout des derniers "Rifains". TI obtient cinq bataillons (15e renforcé du 6e, 2~e, 24e, 25e et 27e BCA). Dan le même temps deux autres bataillon (7e et ne) sont envoyés en Tunisie afin de prévenir une agitation possible dans l'autre protectorat. Le terrain se p ête, la aussi, à l'emploi de troupes de mol' tagne.

Alpins à l'exercice au Maroc.

L'entraînement des Alpins à évoluer en terrain difficile et escarpé ainsi que leur habitude du combat interarmes et décentralisé vont leur donner une aisance qui fait I'adm.ration des troupes de l'armée d'Afriqu . Plus d'une fois leur intervention par les hauts, soutenue au plus près par des appuis amenés à dos de mulets, surprend les rebelles. Malheureusement les intrigues de la po itique les font retirer du Maroc fin 1925 aprè s plus de six mois de présence, et le. maréchal Lyautey qui doit démissionner g rdera toujours le souvenir de ces troup s qui correspondaient si bien à sa mani' re de commander. En 1930, c'est en pensant à ces bataillons qu'il écrira des lignes célèbres sur "l'esprit chasseur" sur ceux "qui pigent et qui galopent". 1."

Retour vers les sommets A la veille de la Première Guerre mondiale les troupes de montagne françaises avaient atteint un niveau technique en montagne inégalé, même par les alpinistes civils, et découvraient le ski; la Grande Guerre va les éloigner pendant presque dix ans des sommets et éliminer la plupart des cadres qui possédaient cette technique. En 1922 ce sont des troupes d'élite, mais plus des troupes de montagne qui rentrent dans les garnisons. Heureusement le recrutement ramène toujours des montagnards et la réputation des alpins attire des cadres de qualité; il suffit de chefs énergiques et motivés pour retrouver le chemin des montagnes.

Remise à niveau au plan technique Les postes d'altitude sont réoccupés dès le retour dans les garnisons, et le merveilleux terrain montagnard est de nouveau réinvesti par l'encadrement de contact pour organiser l'entraînement physique et militaire; les tirs et les manœuvres en altitude recommencent. Mais c'est sous l'impulsion du général Dosse, qui commande la 52e Brigade d'Annecy à partir de 1927, et d'officiers comme les capitaines Béthouart, Molle, Vallette d'Osia, que cette réacquisition des savoir-faire alpins va se systématiser et s'amplifier. L'entredeux-guerres va être l'occasion d'un véritable renouveau montagnard, à la fois sur le plan physique et technique mais également dans le domaine intellectuel, organisationnel et militaire.


Entreînemeni

au ski.

École d'escalade

Dans le domaine technique l'instruction est organisée en vue de permettre aux cadres et à la troupe de vivre, se déplacer, et combattre en haute montagne en été comme en hiver. A cette fin sont créés dans chaque unité alpine des centres de haute montagne, souvent à partir des postes d'altitude, où sont enseignées les techniques d'alpinisme et de ski. Cet enseignement s'adresse tout d'abord aux cadres et à quelques détachements de spécialistes, puis assez vite (dans les années trente) à l'ensemble de la troupe. Il se concrétise par des raids, des manœuvres sur de grandes distances et en altitude dont le niveau technique et physique impressionne encore de nos jours. Ce n'est donc pas une formation élitiste mais bien une préparation à l'engagement d'unités importantes pour des opérations en montagne.

Les sections d'éclaireurs-skieurs

d'éclaireurs-skieurs.

Caque bataillon ou régiment sélectionne avec soin les personnels des SES parmi les rrontagnards performant,'> et les officiers et sous-officiers les plus brillants, les installe dans un chalet le mieux placé pour peaufiner 1 ur entraînement, les équipe du matériel le p us moderne. TIs'ensuit une émulation dont 1 but n'est pas sportif mais bien opérationnel; l s autres unités essayent de s'élever au n veau des éclaireurs, les cadres souhaitent t us y être affectés.

(SES)

Dès 1930, en complément des unités importantes, des petites formations de spécialistes particulièrement entraînés ont créées : les sections d'éclaireurs-skieurs. Forces spéciales et commandos- avant l'heure, elles ont avant tout une destination militaire: intervention par des itinéraires inattendus, par météo défavorable, pour des coups de main, des actions de renseignements .ou pour préparer l' engagement d'unités plus importantes. TI leur faut donc un entraînement physique et technique plus poussé dans le domaine de l'alpinisme et du ski, mais aussi militaire avec formation en topographie, tir, transmissions, ecourisme.

École de ski à Chamonix.

'École de haute montagne 1 faut donc former tous ces cadres qui rêvent 'emmener leurs sections et leurs compagnies s r les plus hauts sommets en toute sécurité. Aussi, en 1932, est créée à Chamonix l'École de haute montagne (EMHM aujourd'hui) ont le général Dosse (1) est à l'origine. Le (.) TIcommandera la 27e DIA et le XIVe corps à Lyon.


Entreînement

des cadres à /'EHM, sous 16 contrôle du capitaine Pourchier (pho 0 de d

- e en haut).


commandement en est confié au capitaine Pourchier du 27e BCA qui va y rassembler l'élite des montagnards militaires détachés de leurs régiments et bataillons comme instructeurs. Un très haut niveau sportif est rapidement atteint. L'équipe militaire de ski est formée à partir des instructeurs de cette école. En 1936, aux Jeux Olympiques d'hiver de Garmisch, c'est le lieutenant Faure du l3e BCA détaché à l'EHM qui est porte-drapeau de la délégation française. L'école ne se charge pas seulement de l'entraînement sportif des alpins, elle a aussi une mission d'expérimentation des matériels de montagne. C'est ainsi que l'on doit au capitaine Pourchier la création de matériels de secours en montagne mais surtout d'un équipement complet de combattant en altitude à la pointe du progrès (anorak réversible, chaussures Vibram, sac Bergam, etc.), qui fera ses preuves en 1940 en Norvège. Cette période ne se caractérise pas seulement par un renouveau sportif et technique, mais également par un important mouvement d'idée dans le domaine du combat en montagne. En moins de vingt ans tous les règlements sur ce sujet sont refaits deux, voire trois fois : les règlements techniques sur le ski et l'escalade pour suivre les évolutions des matériels et les règlements d'emploi tactique au gré des études faites sur les enseignements tirés des opérations en montagne pendant la Grande Guerre, ou prenant en compte la menace italienne.

Nouvelle menace sur les Alpes L'Italie de Mussolini commence dès 1930 à devenir inquiétante; elle réarme, crée des unités nouvelles, affiche des prétentions territoriales sur Nice et la Savoie. Le front des Alpes devient donc une préoccupation pour le gouvernement français qui décide d'y construire une ligne de fortifications comme dans le Nord-Est (la force de dissuasion de l'époque). Il n'est pas question, pour des raisons de crédits et de terrain, d'un front continu, les ouvrages sont des ouvrages anciens modernisés (Vauban, forts sardes, Séré de Rivières) ou des ouvrages type Maginot à construire. Les travaux commencent en 1931 et le plus gros sera terminé en 1935. Mais dans certains secteurs on travaillera jusqu'à l'entrée en guerre en complétant souvent le dispositif par des fortifications de campagne. L'artillerie lourde reçoit dans les régiments d'artillerie de position (RAP) un complément

AI in d'un bataillon de forteresse

entretenant

son arme.

d dotation alpine : tarte, raquettes et vêtements pour vivre et combattre en altitude, mais également un train muletier pour s' y déplacer. Pour armer les ouvrages il est créé le 1er octobre 1935 des bataillons alpins d forteresse (BAF) à partir de bataillons issus d RIA. De sept en 1935 ils seront vingt-trois el' 1940. Organisés en compagnie d'équipages d'ouvrages et compagnies d'intervalle, plus m biles, ce sont de vrais Alpins, avec leurs SES chargées de les renseignerau plus loin par d s patrouilles sur les crêtes. Equipés comme le' RIA en tenue moutarde avec la tarte, frappée de l'insigne des unités de forteresse (l' embrasure d'ouvrage et la devise "on ne passe pas"), ils sont encadrés par des officiers alpins. La troupe, de recrutement local, reçoit u e instruction montagne appropriée. Leur mission les rend plus statiques que les BCA et RIA, mais leur permet d'avoir une bien m illeure connaissance du secteur qu'ils s rveillent. lis démontreront en 1940 leur effic cité et les mêmes qualités que les unités plus ar.ciennes. . À l'été 1940 les troupes des Alpes sont donc à nouveau prêtes à affronter n'importe quel ennemi sur le terrain montagneux et enneigé qu'elles connaissent bien. Elles sont remarquablement bien entraînées, équipées et encadrées par des officiers et sous-officiers d'élite, mais surtout leur moral est au plus haut. Elles vont vite confumer dans ce deuxième conflit mondial ce que le premier avait révélé: leur caractère d'authentiques troupes d'élite.


Les troupes alpines pendant la campagne de 1939-1940 La défense des Alpes

Bloc 2 de l'ouvrage Maginot du Barbonne' secteur fortifié des Alpes-Maritimes.

Rencontre

;

A la mobilisation, c'est la VIe Armée (général Besson) qui est chargée de la défense des Alpes. Elle comprend: - Trois corps d'armée (XIve, XVe et XVIe) englobant: • onze divisions, dont sept de montagne (27e, 28e, zs-, 30e, 31e, 64e et 65e DIA) ; • deux divisions de type Nord-Est (63e et 65e DI) ; • deux divisions d'infanterie coloniale; • une brigade de Spahis. - Les trois secteurs fortifiés : Savoie, Dauphiné, Alpes-Maritimes avec chacun l'effectif d'une division. C'est un total de 550 000 hommes, minutieusement préparés pour les opérations en montagne, qui est en place. Quand la guerre éclate le 3 septembre 1939, nous sommes en paix avec l'Italie qui multiplie les gestes de bon voisinage avec les troupes des Alpes. Aussi, un tel effectif ne semble plus se justifier, tant et si bien qu'au cours de l'hiver le commandement retire peu

entre Alpins el Alpini au col du Mont-Cenis

(automne

1939).


à peu les DIA pour renforcer le front du NordEst. C'est ainsi que tous les BCA et RIA d'active quittent la montagne en laissant cependant leurs SES. La 6e Armée devient alors "Armée des Alpes" avec moins de 200 000 hommes. Placée sous les ordres du général Oiry elle regroupe les crois "secteurs fortifiés" (Savoie, Dauphiné, Alpes-Maritimes) avec chacun une division de érie B (réserve), 64e, 6se, 66e DI, et quatrevingt-deux sections d'éclaireurs-skieurs, soit environ 90 000 combattants de première ligne. Au cours de l'hiver les fortifications sont renforcées et une activité intense de patrouille d'observation est déployée sur la frontière Sud-Est. Les Italiens n'apparaissent pas menaçant jusqu'au printemps. Les divisions envoyées, dans le Nord-Est y vivent la "drôle de guerre", monotone, entrecoupée de patrouilles et coups de mains du corps franc de chaque bataillon entre les lignes. Cependant tous les Alpins ne vont pas rester sur la ligne Maginot ou sur les crêtes des Alpes; une fois de plus ils vont être engagés hors de France, et subir le baptême du feu en orvège.

Une victoire sous le soleil de minuit (1) Les troupes de montagne sont d'abord prévues pour intervenir en Finlande attaquée par (1) Cahiers n06 - Septembre

96

l'armée soviétique durant l'hiver 39-40 ; une brigade de haute montagne est mise sur pied à elley sous les ordres du colonel Béthouart, gland spécialiste de la Finlande et de la rvège, auteur du "livre de l'Alpin" et brillant officier alpin. Cette BHM est compos 'e de la se demi-brigade de chasseurs alpins (DBCA) (13e, 53e, 67e BCA) et 27eDBCA (6e, 12e et 14e BCA), elle est remarquablement é uipée du matériel mis au point par le c pitaine Pourchier de l'EHM, ses hommes ont été triés en écartant les plus âgés, les inaptes à la montagne et les moins sûrs politiquement (il s'agirait d'affronter les Soviétiques ... ). Le Il mars au moment d'emb quer à Brest on apprend que la Finlande vi nt de signer un armistice avec l'URSS. L'intendance fait immédiatement réintégrer les paquetages spéciaux de la BHM ... Le 4 avril les Allemands envahissent la N rvège afin de contrôler la "route du fer", c'est-à-dire l'approvisionnement en minerai de fer suédois qui se fait par le port situé au nord de la Norvège à Narvik. Un corps e péditionnaire franco-britannique est alors mis sur pied, la BHM va en faire partie. L~ Corps expéditionnaire français en Scandinavie aux ordres du général Audet c mprend en effet la 1re Division légère de chasseurs (se et 27e DBCA), la 13e demibrigade de Légion étrangère et une brigade r


Mise en batterie d'une pièce d'artillerie

à Biervik.

polonaise de chasseurs de montagne. Une fois rééquipée et après un long périple maritime, la se DBCA va débarquer à Namsos pour renforcer les Britanniques qui n'arrivent pas à déboucher à Trondheim. Alors ue tout est prêt pour la dernière offens ve, les Britanniques, qui n'ont pas de troupes spécialisées, décident de rembarquer et le 3 mai sont repartis ... La deuxième phase se déroule à Narvik plus au Nord face aux Gebirgjâger du général Dietl. Le 28 avril le commandement britannique très hésitant (les erreurs des Dardanelles en matière de débarquement les inhibe t) fait

Appui-feu

débarquer le 6e BCA très au Nord, sans une partie de ses matériels. Le général Béthouart reçoit le commandement et organise avec brio la prise de arvik en coordonnant les feux des navires de la flotte anglaise, les attaques terrestres des BCA et des Polonais et un débarquement de la Légion sur l'objectif. Le 29 mai la ville est prise et les Allemands sont repoussés loin du port ; malheureusement la conduite générale de la guerre prime, et sous la pression des Britanniques qui ont besoin de leurs bateaux à Dunkerque, le corps expéditionnaire rembarque le 6 juin. En cette période particulièrement noire pour les armes de la France, le CEFS aura remporté une victoire incontestable due en grande partie à l'esprit de décision du général Béthouart, à la qualité des hommes qui le composent, bien entraînés, habitués au combat interarmées et décentralisé, bien commandés. Les mêmes qualités vont produire les mêmes effets dans les Alpes.

Les Diables bleus de 40 Si le CEFS n'a pas été renforcé par les 2e et 3e divisions légères de chasseurs constituées à partir de BCP et RIA, c'est que l'offensive allemande du 10 mai enfonce le dispositif français à Sedan et contournent la ligne Maginot en passant par la Belgique. Il n'est

de la Home Fleet sur Narvik.


L'armée des Alpes invaincue

Le chef de bataillon Soutiras, commandant tué au combat le 6 juin 1940.

le 7" BGA,

plus alors question d'envoyer des troupes en Norvège; le commandement les jette immédiatement dans la bataille pour essayer d'enrayer la percée des Panzer. Une fois de plus, comme durant la Grande Guerre, les troupes alpines sont employées connne troupes de choc pour colmater les brèches là où les autres unités lâchent prise. Les divisions alpines qui avaient été envoyées dans le N ord- Est à l'automne 39 également sont rapidement ramenées vers les plaines de la Somme et de la Picardie, et même la se DBCA de retour de Namsos est relancée dans la fournaise en Normandie. Engagés par demibrigades dans un terrain qui n'a rien de montagnard, les Alpins vont accumuler les faits d'armes alors que beaucoup d'unités sont désorganisées. Certains jours de début juin des unités complètes disparaissent avec un taux de perte équivalent à celui des grandes batailles de la guerre 14-18. Les troupes allemandes reconnaissant en eux les dignes héritiers des "Schwarze Teufel" des Vosges de 1915, et leur rendront même les honneurs en plusieurs circonstances. Citons parmi les principaux théâtres de leurs exploits Pinon pour le 7e BCA, La Fère en Tardennois pour le Il e BCA, Fouches (2Se BCA), Liomer (13e BCA), Artonges (lSge RlA).

Cepe dant dans les Alpes la guerre n'a toujo rs pas commencé ; le Duce fait des prép atifs : il accumule les unités d'élite, Alpini et chemises noires, face à la petite armé des Alpes au moral intact : - Deux armées (1 re et 4e) ; - Le corps alpin (4 divisions d'infanterie alpine) ; - Cinq corps d'armée (20 divisions d'infanterie) ; - Huit divisions de 2e échelon. ilatt nd d'être sûr de la défaite française face aux Allemands pour attaquer. Le 10 juin, pensant obtenir une victoire facile sur des troupes qu'il croit démoralisées, il déclare la guerre espérant atteindre le Rhône sans trop de di' cuités. Les e: ploits des éclaireurs, des artilleurs et des chasseurs des bataillons alpins de forteresse lutta t à un contre trois, ainsi que la brillante manœuvre de la bataille de Voreppe, feront l'obj t des prochaines éditions des "Cahiers des troupes de montagne" (nOS 20 et 21). A la signature de l'Armistice la seule armée française à ne pas avoir été battue est l'Armée des Alpes: les Allemands n'ont pas pénétré son s cteur et surtout les Italiens sont restés cloués sur la frontière avec des pertes sévères. Le bilan est lourd pour eux, 460 tués et 4 800 blessés (dont beaucoup par gelure dues au stationnement imprévu en altitude par des cond.tions météorologiques extrêmes); nous 'avons eu que 40 tués et 84 blessés à déplorer. L'armée du général OIry mérite bien son titre "d'Armée invaincue". De' plus, elle a épargné aux populations du massif alpin l'humiliation d'une occupation étrangère de 1940 à 1942 et facilité l'émergence de la Résistance.

Déploiement

des forces italiennes avec leur artillerie.


Les Alpins de l'armée d'armistice Malgré leurs exploits en orvège, durant la campagne de France et sur les A.pes, .l~s Alpins doivent subir le sort des autres urntes de l'armée française et réduire leurs effectifs en proportion de ceux de l'armée de 100 000 hommes imposée par l'occupant. Il e reste à l'automne 1940 que six BCA, le 15ge et le 43e 'RIA, le 4e Génie et le 2e RAM Toutes les garnisons proches de la frontiê re sont abandonnées et toutes les unités de forteresse dissoutes. Les fortifications dé. armées sont occupées par des unités de gar iennage rattachées aux bataillons restants, le cadres d'active sont également ventilés en su nombre dans ces corps. Cette Armée d'armistice est formée d'engagés souvent de la zone occupée (Parisiens, Alsaciens) et de cadres alpins n'ayant souvent pas connus la défaite. Bien équipés en matériel individuel, bien habillés, sur ncadrés, ils sont animés d'un moral exc llent et alternent entraînement intensif et cérémonies patriotiques. Pendant deux ans ils menent de pair cet entraînement, en tournant souvent les interdictions de pénétrer en zone frontalière

Défilé du

se BGA

par des déplacements en civil, afin de ne pas attirer l'attention. Tous les chefs de corps essayent en permanence de camoufler du matériel à la commission d'armistice pour préparer de quoi équiper de futures unités. Une bonne partie échappera aux recherches et servira effectivement à équiper les maquis alpins dont cadres et chasseurs fourniront une partie notable des effectifs. Après avoir envisagé de résister à l'envahissement de ~a zone libre, les unités des Alpes doivent obéir aux ordres de Vichy. Elles sont dissoutes, mais les chefs de corps dans leurs adieux leur donnent rendez-vous pour reprendre le combat.

Conclusion En moins de vingt ans de "réalpinisation", les troupes alpines françaises sont redevenues de véritables spécialistes du combat en montagne. Elles ont confirmé leur statut de troupe d'élite en remportant les seules victoires de la campagne de 1939-1940. Leur participation significative à la Résistance témoianera de leur patriotisme et de leur ~apacité à surmonter les situations les plus imprévues.

Lieutenant-colonel

à Grenoble en 1941.

Benoît Deleuze


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