Archistorm n°81 - novembre/décembre 2016

Page 1


Réalisation 3

Lycée international de l'Est parisien à Noisy-le-Grand Ateliers 2/3/4/ Texte : Emmanuelle Graffin Photos : Luc Boegly Le lycée international de l'Est parisien s'exprime dans sa matérialité et sa simplicité : Béton, brique et verre, partition géométrique épurée. Une volonté des architectes de rendre pérenne ce bâtiment imaginé comme une «  place forte  » sur un site paysager qui surplombe le Grand Paris.


49

Réalisation 3

Un site remarquable Le site du lycée international de l’Est parisien se trouve en limite des communes de Noisy-le-Grand et de Bry-surMarne. D’une superficie de 2,5 ha, il se distingue par une implantation exceptionnelle en s’inscrivant en bordure du plateau de Marne-la-Vallée, en balcon sur la Marne et le Grand Paris. Entièrement en pente, il accueillait autrefois des vergers et des jardins particuliers en lanière, abritant de multiples biotopes et une zone humide protégée qui devait être conservée. Autour, le tissu urbain est lâche et hétérogène. L’architecture y est sans qualité, si ce n’est le Palacio Abraxas construit par Ricardo Bofill en 1983, un ensemble de logements de style néoclassique en béton teinté qui a su résister au temps.

Un projet qui s’y inscrit avec justesse Les architectes ont su pleinement tirer parti du lieu avec un projet écrit autour de deux concepts clés : grand paysage et place forte. Si celui du grand paysage s’impose avec évidence en raison du site qui offre une vue à 27 km au loin, celui de place forte est à prendre non pas au sens militaire mais au sens littéral. En effet, ce projet fédérateur structure nettement ce site d’exception avec une architecture forte tout en s’y inscrivant avec justesse « de manière à calmer le jeu des formes dans un contexte urbain hétéroclite », explique Jean Mas, l’un des associés d’Ateliers 2/3/4/.

–^ Plan-masse

1

5

0

10 m

–^ Coupe du lycée montrant les différentes strates verticales et horizontales ainsi que le patio intérieur et les terrasses plantées successives.

Question à JEAN MAS, ARCHITECTE ASSOCIÉ : Avec ce projet, vous évoquez la notion de place forte. Qu’entendez-vous par là ? Jean Mas : Dans l’histoire de France, la place forte fait bien évidemment référence aux ouvrages défensifs conçus par Vauban. La place forte qui se distingue de la citadelle est défensive, mais également fédère et rassemble autour d’elle un paysage souvent agricole. À mon sens, dans un projet de commande publique exemplaire centré sur la question de l’éducation, ici de

–^ Un réseau de pentes douces, d’escaliers et de « pièces extérieures » propose un cheminement ludique et des aires de contemplation à travers le parc.

dimension internationale, la notion de place forte prend un sens littéral. Place : la place est un lieu de rassemblement public. Celle devant le lycée tend à calmer le jeu dans tout ce désordre alentour. Forte : la volumétrie du lycée est très forte. Elle devait « l’emporter » sur les autres géométries concurrentes. Place/forte : nous avions l’ambition à la fois d’un espace public fort et d’une ville ouverte. D’un bâtiment qui s’intégrerait dans le réseau des « places fortes » et fédératrices du grand territoire mais aussi du grand paysage. –^ Vue sur le bâtiment du lycée depuis le parc. Une passerelle de bois franchit la zone humide protégée. Toutes les espèces végétales sont locales et endémiques et poussent librement de manière à donner un aspect naturel au parc.


51

Réalisation 3

Une géométrie épurée Et de fait, dès le parvis d’entrée, le lycée s’impose par sa géométrie épurée, son échelle et sa matérialité. L’édifice est ancré au sol et au quartier grâce à un soubassement en brique sèche dont la couleur terre foncé fait écho au Palacio. Au-dessus, le bâtiment se détache pour créer une faille depuis laquelle, dès l’entrée, comme ensuite en chaque lieu du bâtiment, est révélé à travers de larges panneaux vitrés le grand paysage avec une vue panoramique sur Paris et le ciel. Des colonnes en béton teinté de noir et, au-dessus, des poteaux en béton brut doublés de lames en aluminium anodisé mordoré rythment subtilement la façade tout en lui donnant une échelle imposante, à la mesure d’un programme public d’éducation. Un bâtiment structuré en strates Le complexe regroupe trois entités : le lycée, l’internat et les logements de fonction. Le bâtiment du lycée qui

<- Depuis le hall d’accueil, en se

accueille 800 élèves comprend trois strates verticales et s’étend en terrasses de manière à suivre la topographie du site et bénéficier à chaque niveau de la vue sur le grand paysage et le parc. La strate haute, R+2 et R+3, abrite les espaces d’enseignement. La strate centrale, rez-dechaussée et R+1, est dédiée aux espaces d’accueil et aux fonctions qui y sont liées : vie scolaire, encadrement, service médico-social, CDI, administration, vie scolaire et salle des professeurs. La strate basse, rez-de-chaussée bas et rez-de-jardin, intègre les espaces communs en lien avec les espaces extérieurs et l’internat : demi-pension, enseignement sportif et vie scolaire. Les volumes à l’intérieur sont généreux et dilatés. Des terrasses et patios intérieurs continuent le travail paysager mené dès la genèse du projet avec le pôle paysage de l’agence pour affirmer la place primordiale accordée à la nature et au végétal au bénéfice de la « haute qualité d’usage » revendiquée ici avec force.

retournant, la vue est largement cadrée sur le Palacio Abraxas de Ricardo Bofill, les architectes ayant voulu ainsi rendre hommage au geste architectural fort du Catalan.

� Dans une salle de classe, de grandes

ouvertures proposent là encore une échappée visuelle sur le grand paysage.

« Et de fait, dès le parvis d’entrée, le lycée s’impose par sa géométrie épurée, son échelle et sa matérialité. »

–^ Les colonnes de béton teinté en noir qui scandent la façade principale du lycée apportent une dimension imposante au bâtiment,

dictant ainsi sa fonction de « temple de l’éducation ». Dès l’entrée, en transparence, s’ouvre une large perspective sur le Grand Paris, en arrière-plan.

Deux échelles de paysage L'espace paysager extérieur, ou « paysage de poche », s’inscrit également dans la topographie du site pour ouvrir sur la vue lointaine, le grand paysage. Le premier se caractérise par la présence forte des végétaux et son échelle humaine, le second est celui de la géographie humaine. Incrustés dans la pente, les cheminements se développent en éventails face au paysage. Composés d’escaliers aux larges marches, terrasses, rampes accessibles aux PMR en béton balayé, ils proposent de multiples possibilités de parcours et de « pièces » extérieures propices à la flânerie. La traversée de la zone humide se fait par une passerelle en bois sur pilotis, passage obligé pour accéder à l’internat.

Toutes les espèces plantées sont locales et endémiques. Complétant celles déjà présentes (arbres fruitiers, chênes remarquables, etc.), elles ont été choisies semées par graine en pépinière pour pousser plus librement, en cépée. Que ce soit la gestion de l’eau, le choix des arbres, des plantes et des fleurs, ou la protection de la faune, le projet paysager a bien sûr été pensé en termes écologiques mais également de paysages, extérieur et intérieur, proche et lointain, rythmés par le spectacle des saisons, de la lumière naturelle mais aussi de la ville et des ciels toujours en mouvement. Ils se déroulent là, depuis les bâtiments et le parc, constituant le fil(m) directeur d’un projet où architecture, paysage et territoire sont intimement mêlés.


Réalisation 3

Question à AGATE MORDKA, DIRECTRICE DU PÔLE PAYSAGE : Quelle place a eu le paysage dans ce projet ? Agate Mordka : Il n’y a pas eu de projet paysager proprement dit. Le travail sur le paysage fait partie du même lieu, de la même cohérence que l’architecture. Les espaces entre intérieur et extérieur sont fluides. Les architectes ont ouvert des vues et j’ai demandé d’en ouvrir d’autres. Le projet a ainsi été dessiné à deux mains.

Le pôle paysage existe au sein de l’agence pour permettre justement de développer une telle approche. Les bâtiments intègrent dès l’esquisse une réflexion globale sur le paysage. La hiérarchie des espaces en fonction de l’extérieur se brode au fur et à mesure du projet. Architecte au départ, j’ai toujours travaillé sur une architecture du sol de concert avec le bâtiment en espérant que les usagers vivent ensuite cette continuité et cette fluidité entre intérieur et extérieur.

JUSQU’AU 31 MAI 2017

–^ Côté parc, la dalle de béton coulé sur place qui supporte les étages supérieurs sert de préau, véritable belvédère permettant de contempler le grand paysage.

Fiche technique : Maître d’ouvrage : Région Île-de-France Mandataire : SAERP Maître d’œuvre : Architecte : Ateliers 2/3/4/ Jean Mas, architecte, associé Concours (APS) : Laure Mériaud, Émilie Bernard Études : Samuel Rose, Sylvain Rauzier, Mathieu Ribaud, Adrien Petit Chantier : Samuel Rose, Derk Sichtermann, Nathalie Befve, Daphnée Boyer Paysagiste : Ateliers 2/3/4/ Agate Mordka, directrice du pôle paysage Équipe : Juan Francisco Seage, Élise Ratcliff, Sébastien Roussel BET et Économie : Mizrahi (TCE) ; BE HQE, Éléments Ingénieries ; Acousticien : Peutz et Associés Entreprises : CBC – GTM (gros œuvre étendu), Balas (plomberie, chauffage, ventilation), Blanchard (courants forts, courants faibles), Solstyce (panneaux photovoltaïques), Kone (ascensoriste), Ragueneau (cuisiniste), Roussel (plantations) Surfaces : terrain : 2,5 ha ; 13 800 m2 SDP (lycée : 8 986 m2 ; internat : 3 764 m2 ; logements de fonction : 1 052 m2) Coût : 35 M€ HT

Le trophée béton Pro est organisé par les associations Bétocib et CIMbéton avec le soutien du Ministère de la Culture et de la Communication.


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.