Archistorm n°83 - mars/avril 2017

ArchiSTORM numéro 83

architecture & design

Lascaux Snøhetta BNF Richelieu Atelier Bruno Gaudin Siège du TIGF À Pau 360° TRIBUNE LIBRE Yona Friedman portrait Ateliers 2/3/4/ 8,90 euros mars-avril 17

(Vert) une Architecture ?

Belgique et Luxembourg : 10 euros Suisse : 14 CHF

matériaux : bOIS

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Ateliers 2/3/4/ Texte : Maxime Decommer Photos : Sami Trabelsi et Vladimir Partalo

En 2016, 2/3/4/ a fêté ses dix ans et quatre architectes de l’agence ont rejoint les six associés fondateurs de la société : l’occasion de revenir sur l’histoire de cette entreprise plurielle et collective, mais dont les idées, la taille et les modes d’organisation du travail sont plutôt singuliers dans le champ architectural français.

C’est en fond de cour de deux parcelles typiques de l’ancien faubourg artisanal Saint-Antoine que se déploient les locaux de 2/3/4/ Architecture, urbanisme et paysage. Le choix du quartier n’est pas anodin : Arene & Edeikins, Bolze & Rodriguez-Pagès, et Mas & Roux – les trois agences à l’origine d’Ateliers 2/3/4/ – y étaient déjà installées. Si en 2000, elles se réunissent pour cohabiter sur le site, elles fusionnent en 2006. Dès lors, l’édifice en briques – un ancien pavillon domestique agrandi et surélevé pour servir d’entrepôt de tissus – est mutualisé et réaménagé.

Quelques années plus tard, l’agence investit une ancienne halle de la parcelle voisine et la cour liant les bâtiments est érigée en troisième lieu de travail. En 2015, perpétuant le principe qu’il faut mieux s’unir qu’entrer en concurrence, Ateliers 2/3/4/ fusionne avec Faubourg 2/3/4/ – agence de maîtrise d’œuvre urbaine – pour réunir au sein d'une même structure l'ensemble des compétences (architecture, urbain, paysage, infrastructures). L’année suivante, quatre nouveaux associés – Laure Mériaud, Éric Puzenat, Franck Tillequin et Arnaud Devillers – rejoignent les fondateurs.

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Les 10 architectes associés de l’agence D’une aventure humaine, fondée sur des histoires individuelles, résulte aujourd’hui une agence dont l’ambition, souligne Simon Rodriguez-Pagès, est d’être « une entreprise d’architecture » au sens anglo-saxon du terme, c’est-àdire réunissant « des collaborateurs de haut niveau s’épanouissant selon un autre modèle que celui du travail artisanal ou restreint », prépondérant dans le milieu architectural français. Les associés – dont l’un des points communs est d’être ou d’avoir exercé les fonctions d’architecte conseil de l’État – revendiquent savoir travailler sur tous types de commandes et la riche production de l’agence en est l’illustration. Comme le remarque Arnaud Devillers, l’agence est reconnue pour son savoir-faire en matière de programmes urbains et architecturaux. Elle conçoit tant des logements, du tertiaire, des équipements universitaires, scolaires, sportifs ou hospitaliers, que des commandes industrielles plus atypiques comme la base de maintenance de l’Airbus A380 conçue en 2008 à Roissy ou, plus récemment, la réhabilitation d’infrastructures hydrauliques, à savoir, trente barrages sur la Meuse, et la réalisation des gares Antonypole et Massy Opéra de la ligne 18 du Grand Paris Express.

Dans une entreprise d’architecture d’une centaine de salariés, aujourd’hui codirigée par dix têtes pensantes, comment maintenir les moyens de la réflexion collective, la diffusion interne des idées et, finalement, la définition et la communication d’une direction commune ? Outre la traditionnelle réunion hebdomadaire des

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associés, les architectes ont progressivement construit une méthodologie de travail fondée sur des outils et des dispositifs propres à leur entreprise et incluant, de manières variées, l’ensemble des collaborateurs. Ces outils, relève Éric Puzenat, sont « des vecteurs d’union et de partage entre tous au sein de l’agence ».

La revue de projet offre par exemple à chaque équipe en charge d’une commande l’opportunité de partager ses réflexions avec l’ensemble des associés, de se prêter à l’exercice de la communication des idées et de débattre. Dans l’idéal, trois rendez-vous rythment la conception de chaque projet : le premier expose une analyse des problématiques programmatiques, urbaines ou architecturales et les stratégies possibles ; le second argumente sur le parti-pris retenu ; le dernier initie la réflexion sur le dialogue avec l’environnement et la matérialité. Organisés une fois par mois dans le hall à l’attention de l’ensemble de l’agence, « Les cafés du jeudi » proposent à qui le souhaite, dans une ambiance plus informelle, de présenter un projet ou une thématique inhérente au travail en cours. Enfin, par l’intermédiaire d’un dialogue compétitif pour l’aménagement du « Quadrilatère des piscines » à Tourcoing, l’agence a dernièrement initié la pratique du mini-concours interne ou workshop, proposant aux architectes volontaires et disposant de temps de s’organiser en équipes de deux à trois personnes pour, durant deux journées, mener une réflexion sur un projet ou type de programme.

© 2/3/4/

Le hall de l’agence accueille aussi « Les cafés du jeudi », réunion mensuelle de présentation d’un projet

Si ces dispositifs consolident l’esprit collaboratif, l’agence assure aussi la cohérence de ses productions par les supports qui la structurent, et notamment l’atelier de conception et de fabrication des maquettes, et le pôle images. À l’heure du développement accru du numérique, les architectes défendent une utilisation mesurée des représentations 3D et leur élaboration par un collaborateur interne, œuvrant pleinement à la co-conception du projet représenté. L’état d’esprit est identique en ce qui concerne les maquettes, conçues et réalisées par un architecte – et non un maquettiste –, maniant un répertoire de représentations très étendu. Déplorant la disparition des maquettes parmi les demandes des maîtres d’ouvrage préférant « la course à l’image », l’agence assume ses prises d’initiative et les prestations supplémentaires qu’elles peuvent engendrer. Tout d’abord, car les maquettes – théoriques ou de rendu – demeurent les meilleurs outils pour exprimer tous les aspects liés à la question de l’intériorité – chère à l’agence –, et vérifier la juste mesure et les rapports d’échelle et de densité qu’entretient tout projet architectural ou urbain avec son environnement. Ensuite, comme le rappelle Simon Rodriguez-Pagès, car il s’agit « d’un outil de communication remarquable avec les maîtres d’ouvrage », permettant de leur faire comprendre au mieux la philosophie de l’agence et la spécificité du travail des architectes.

L’ensemble de ces dispositifs poursuit finalement peut-être l’objectif – simple et évident en apparence, mais de plus en plus ardu à maintenir – de continuer à réfléchir

en faisant du projet. Autrement dit, que le fond du temps reste animé par la recherche et la définition des valeurs et des notions conceptuelles et opératoires de l’agence, et non par le simple traitement d’affaires. Par sa taille et l’équilibre des rendements des commandes variées qu’elle traite, l’entreprise peut supporter les coûts supplémentaires engendrés par ces outils de travail.

Les associés les considèrent aussi comme des moyens d’investissement et de capitalisation intellectuels, stimulant les appétits à la théorisation d’une pratique collective.

Progressivement, les revues de projet et les cafés du jeudi traitent par des approches transversales de types de programmes ou missions de maîtrise d’œuvre : les équipements tertiaires, le logement, les gares, la coordination urbaine, ou encore les IGH, suite aux récents succès de l’agence à La Défense pour la réhabilitation de la tour CB3 et la construction de la tour des jardins de l'Arche (hôtel et bureaux).

Patiemment, c’est tout un répertoire de mots – l’adossement plutôt que la mitoyenneté, l’intervalle plutôt que le vide –, de notions – la mesure, la discrétion –, voire de concepts – l’intériorité ouverte, les places fortes – qu’élaborent et partagent les architectes, une sorte de langage propre à l’agence. Dans un futur proche, l’un des objectifs est de fabriquer ce projet écrit. À valeur testamentaire pour les uns – comme le relève avec malice Simon Rodriguez-Pagès – et fondatrice pour les autres, il serait le garant de la transmission réussie de cet outil de travail élaboré depuis plusieurs décennies par les architectes associés.

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2/3/4/… une suite comme logo pour ouvrir les possibles futurs

Dans l’ancien entrepôt de tissu, premier bâtiment du site investi, les bureaux en open space sont adaptés à la taille des équipes de projet

La fête donnée à l'occasion des 10 ans de l'agence

Le pôle maquettes dirigé par l’architecte Tae-Hyung Kim

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