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L’invité

Robin Mercier

Un voyageur qui préfère rester dans nos montagnes

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Robin a beaucoup voyagé avec ses parents jusqu’à l’âge de 13 ans, mais il ne se souvient pas de la moitié, car il était trop petit. La famille a parcouru le Ladakh à pied : arrivés à Leh à 3500 mètres d’altitude, il leur a fallu s’acclimater avant de franchir des cols à 5000. Un autre été, ils ont exploré le Kirghizistan à cheval et dormi dans des yourtes. Souvent, les habitants tuaient un mouton à leur arrivée. C’était un peu la fête car les touristes étaient rares. Robin garde un mauvais souvenir d’un voyage au Vietnam, lorsqu’il était enfant avec ses longs cheveux blonds et que les Vietnamiens essayaient de le toucher pour voir s’il était un garçon ou une fille.

Les parents choisissaient les destinations, sauf pour leurs 14 ans où les enfants ont pu décider : Jimmy a choisi le Canada, et Robin a voulu que toute la famille aille passer ses vacances à … Moiry ! Les parents espéraient bien partir un peu plus loin, mais ils ont respecté son choix et loué donc une tsigière à Moiry pendant deux semaines. Après ses 14 ans, Robin a préféré rester dans la vallée qu’il aimait tant, ou du moins ne plus faire de grands voyages à l’autre bout de la terre chaque année : « J’ai de la chance que ma copine Sandra adore la montagne autant que moi. Cela nous permet de profiter de faire les choses que l’on aime dans les Alpes, à proximité de chez nous, certes avec un peu moins de dépaysement, mais avec des paysages tout aussi beaux, sans trop de déplacement ». Il y a quelques années, il est parti néanmoins en Islande avec Sandra et des amis. Ils ont loué un véhicule et se sont aventuré à l’intérieur des terres sur d’improbables routes même pas dessinées sur les cartes. Ils ne savaient plus où ils étaient, ni s’ils se trompaient de chemin, craignant de manquer d’essence ou de devoir faire demi-tour pour parcourir en sens inverse tout ce qu’ils venaient de traverser. Il faisait jour tout le temps. Ils dormaient sous tente dans l’interminable lumière du soleil de minuit : « Au début, tu attends la nuit, tu as envie qu’elle arrive, et puis après quelques jours tu t’adaptes, tu vis en étant complètement décalé et tu dors en fonction de la météo.»

De l’apprenti au chef d’exploitation

Avant 2006, les remontées mécaniques ne proposaient pas d’apprentissage spécifique. Elles engageaient des personnes de différents horizons (des électriciens, des serruriers, des mécaniciens, …) mais aucune formation ne regroupait toutes ces compétences. Les chefs techniques risquaient de manquer à l’avenir et il était difficile d’attirer des jeunes pour assurer la relève dans ce métier. Les remontées mécaniques décidèrent donc au niveau fédéral de créer la formation de mécatronicien, avec deux centres de formation, un en Suisse alémanique et un autre à Sion pour la Suisse romande. Marc Solioz fut le premier apprenti mécatronicien à Grimentz, et Robin le deuxième, l’année suivante, en 2007. Il choisit cet apprentissage car il cherchait un métier qu’il pouvait faire en restant au village. Il n’avait pas envie de descendre en plaine. Il fit deux ou trois stages, ça lui plut, une place était libre et il a commenca aux remontées mécaniques de Grimentz. Et il ne le regretta pas ! Robin a terminé brillamment son apprentissage de mécatronicien en 2011, puis fut employé par Garaventa un été au montage sur un télésiège aux Crosets. Il revint ensuite à Grimentz et travailla trois saisons comme dameur sur le domaine skiable. Il aima beaucoup cette période. Le travail de nuit lui laissait du temps pour skier. En 2017, il obtint un brevet de spécialiste de transport à câble qui lui permettait d’être chef technique. Lorsque Jean-Pascal Solioz est parti à la retraite en 2021, Robin est devenu chef d’exploitation pour les remontées mécaniques de Grimentz-Zinal. Il trouve ce métier très varié et pas monotone. Grâce à l’alternance des saisons, ce n’est pas toujours le même travail tout au long de l’année. L’ambiance est clairement différente en été et en hiver: « A la fin de l’hiver, on est content d’être de nouveau seul, et au début, content que les gens reviennent. » C’est parfois un peu difficile au printemps quand la neige traîne

trop longtemps en haut : cette année, les employés circulaient encore en dameuse au mois de juin. Il vaut mieux alors ne pas descendre en plaine, l’été donnerait trop envie !

Robin aime particulièrement s’occuper du téléphérique de liaison : «Tu es plus haut et la vue est splendide. Tu travailles en regardant les chamois en dessous, ou un gypaète qui vole juste à côté de toi. En automne, les cerfs brament et tu vois plein de choses qui passent, c’est tout un univers. » Il faut travailler sur le câble au-dessus du vide, sur un petit chariot, par exemple pour contrôler ou déplacer les cavaliers entre les pylônes. Chaque outil est attaché avec une cordelette pour ne pas le perdre s’il tombe. « On s’habitue. Au bout d’un moment, on travaille comme si on était à terre. Quand on est occupé sur les pylônes, on ne redescend pas forcément à midi et on piquenique sur le toit de la cabine, suspendus au-dessus du vide. » Robin rêverait de relier Grimentz à Vercorin, pour pouvoir créer un joli domaine où le skieur pourrait partir de la plaine et rejoindre le fond de vallée à Zinal. « En même temps, ce qui fait le charme de notre station, c’est de ne pas être comme certains domaines où la montagne est défoncée au bulldozer et où il y a des remontées mécaniques partout. Les gens viennent aussi ici parce qu’il y a de la nature sauvage et de beaux espaces pour le ski de randonnée. Il faut garder cet esprit-là … mais deux ou trois télésièges en plus, sans démonter les montagnes, ce serait quand même sympa ! »

Un chasseur et un skieur passionné

Robin ne vient pas d’une famille de chasseur. Pourtant, il a attrapé tout de suite le virus lorsqu’il a pu se joindre à des copains qui chassaient. Il a passé son permis dès qu’il en a eu l’âge et depuis lors, il chasse chaque année avec grand plaisir avec une équipe de copains. « Ce que j’aime le plus, c’est traquer le chamois, faire des approches. Quand tu te poses au poste dans une forêt à attendre, tu vois des choses que tu ne verrais pas autrement : quelquefois juste un écureuil qui t’émerveille toute la soirée, ou un cerf qui arrive. J’aime l’ambiance, se retrouver deux semaines entre amis à vivre en cabane, manger ensemble le soir, se raconter les histoires de la journée de chasse, sortir boire une bière dehors et regarder les étoiles. »

Robin est aussi un skieur talentueux et passionné. Ses deux parents et son frère sont profs de ski. Il a donné lui-même quelques cours avant son apprentissage et a fait de la compétition. Après ça, il a commencé la peau de phoque et le freeride : « J’ai du plaisir à aller faire deux ou trois couloirs quand j’ai congé. » Il a participé à la petite et à la grande patrouille des glaciers. « J’aime bien aussi aller tout seul dans la nature. Je suis quelquefois un solitaire, par exemple à la pêche. » Mais il est heureux aussi avec sa petite famille, Sandra et leur fille Maya âgée de 10 mois. « Un enfant, ça change la vie ! »

Pauline Archambault

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