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La plongée sous-marine

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du Valais à l’Egypte: 20 ans de passion

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Paolo Marandola, imprimeur à Vissoie, a plus d’un tour dans son sac : son talent ne se déploie pas seulement dans les arrière-salles emplies de rotatives, de dépliants et de brochures de l’imprimerie d’Anniviers. Paolo est aussi un plongeur des profondeurs sous-marines, avec bouteilles d’air comprimé, gilet stabilisateur et ceinture de plomb : un amoureux des balades mouillées en Technicolor et des poissons surgis d’un tableau d’art contemporain.

Cette passion l’a entrainé, voici 18 ans de cela, dans une aventure extraordinaire qui l’a conduit en Egypte et au cours de laquelle il a dû affronter un accident des profondeurs. Alors qu’il venait tout juste d’obtenir son brevet de plongée de deuxième niveau, il tomba, un jour de l’année 2004, sur une alléchante annonce parue dans la revue française Plongeurs International à laquelle il était abonné. Il s’agissait de partir en croisière en Mer Rouge pour tester du matériel de plongée de plusieurs marques différentes et pour attribuer une note à chaque équipement : masques, gilets-stabilisateurs, détendeurs, appareils photos, ordinateurs de plongée… L’évaluation serait ensuite publiée durant plusieurs mois dans la revue pour permettre aux lecteurs-plongeurs de choisir et d’acheter leur matériel en connaissance de cause. Enthousiaste à l’idée de participer à cette aventure hors du commun, Paolo se précipita pour répondre à l’annonce et… il fut sélectionné parmi 587 candidatures dont 20 Suisses et 20 Belges. Dix testeurs furent ainsi engagés, car il fallait constituer pour Plongeurs International un panel complet d’évaluation des équipements. A la fin de l’expédition, 5114 notes avaient été attribuées au matériel de plongée, soit 511 évaluations par testeur, malgré la fatigue et la mer agitée. Afin que chaque lecteur-plongeur

Le lionfish ou poisson-scorpion

puisse trouver le matériel qui convenait le mieux à ses compétences, les évaluations publiées dans la revue devaient être réalisées par des plongeurs de dix niveaux différents, de débutant à instructeur. Paolo, qui ne plongeait que depuis trois ans, devint testeur pour les lecteurs qui débutaient en plongée. Dès l’annonce des résultats des sélections, Paolo fut inondé de courriels envoyés par les autres testeurs : il en reçut 200 avant le départ… signe de l’enthousiasme général et de l’agitation créés par le projet.

C’est parti pour l’Egypte !

Sur le quai de la gare de Sierre, ses amis plongeurs l’accompagnent : «Ça va aller !» Puis débute un long et épuisant voyage : Lausanne sous le froid et la pluie, le TGV pour Paris , à l’aéroport Roissy Charles de Gaulle, les testeurs se retrouvent, convergeant des 4 coins de la francophonie. Il faut encore aller chercher les 18 sacs de matériel… plus de 800 kg de bagages ! Au comptoir d’enregistrement, le chef intendant déclare qu’il n’y aura pas assez de place pour tout cela dans l’avion. « Patrick (rédacteur en chef du magazine) s’énerve un peu, on verra bien. On attend. Vers 22h30, on enregistre les bagages, sans être sûr de pouvoir embarquer, car si le matériel ne part pas, on ne part pas non plus. Du coup on apprend que l’avion n’est pas encore là. Il atterrira seulement vers minuit, mince alors […] Enfin, le chef de cabine annonce que tout est ok pour le matériel. Tout est chargé, donc on peut partir, et il est 1h10 du matin quand l’avion décolle avec peine. Stephan (pilote d’avion belge) me dit : « il doit être très lourd pour mettre autant de temps pour prendre l’air. » Voilà déjà 15 heures que Paolo est parti de Vissoie . Il se sent crevé et ce n’est pas fini. « On dort un peu, on nous demande d’attacher les ceintures : nous sommes arrivés à Hurghada, ouf ! Il est 6h du matin. On sort de l’avion, un vent fort, mais avec du sable en plus, zut, ça va bouger en mer. » Le voyage est encore long jusqu’au village d’Hamata, à 400 km de là, près de la frontière du Soudan. Une route vide longe la Mer Rouge à travers le désert, immensité aride et rocailleuse balayée par les vents, parsemée de villes sableuses et délaissées, de mines de phosphate et de constructions abandonnées, à moitié terminées. L’horizon sans fin est martien, beige, ocre, rouge et brun, sans aucune trace de vert. Le paysage s’étale à plat, inhospitalier et désespérément sec malgré la présence toute proche de la mer. Après 25h de trajet, Paolo arrive enfin à Hamata. Mais là encore, point de repos : il faut charger tous les bagages sur des pneumatiques pour les amener sur le bateau Nemo, puis grimper à bord. La mer est très agitée, à tel point que le bateau doit modifier ses plans et quitter le site initialement prévu à cause des courants trop violents. La nuit encre déjà les flots et les testeurs sont épuisés. Mais qu’importe, il faut sauter pour la première plongée, ils sont là pour travailler. « Le stress absolu pour tout le monde, on prend le matériel n’importe comment ou presque et on saute à l’eau, de nuit bien sûr. On ne sait pas ce qu’on doit faire, mais tant pis. […] Christoph, le photographe, nous suit et flashe . . . On est déjà des stars. Les lionfishes nous poursuivent à cause de la lumière des lampes. » Le lionfish, ou poisson-scorpion, est dangereux car bardé de longues épines empoisonnées. Même mort, il reste venimeux. Sa beauté lente et majestueuse le fait ressembler à un vaisseau de guerre psychédélique qui hante les récifs de coraux. Les jours suivants, les plongées se succèdent dans des lieux merveilleux. Le mardi matin, réveil par les moteurs du Nemo à 4h. « Dur, dur, plus de deux heures de navigation nous attendent et ça bouge pas mal. On arrive à Abu Ralahim, un récif très particulier, superbe, plein de tunnels dans tous les sens, un vrai labyrinthe. Aucun risque pour les plongeurs, car il y a des ouvertures en surface un peu partout. On rentre sous une grande arche. Au milieu, un immense jardin de corail et des patates géantes. On y plongera trois fois. La première fois, j’ai eu à tester un masque horrible, de la buée, j’ai fait des vidages pendant une heure. » Les trajets entre les sites de plongée sont longs et éprouvants car la mer est souvent mouvementée. Mais la navigation offre aussi des moments magiques. «Tout à coup, en regardant les vagues, on voit une raie manta qui se promène à la surface, juste à côté du Nemo. »

Prêt pour la plongée en recycleur Diplômé à la chaux

Plongée dans une épave : Paolo paolonisé à la chaux

Un après-midi, la troisième plongée de la journée s’oriente sur l’exploration d’une épave. Paolo se voit confier un recycleur à tester. C’est un appareil qui se fixe sur le

Quelques masques prêts pour les tests

dos du plongeur et qui permet de recycler l’air expiré (et donc de le réutiliser en circuit fermé) grâce à un mélange respirable d’air et de chaux sodée. Le recycleur permet de plonger sans être limité dans le temps par la quantité d’air comprimé contenue dans les bouteilles, comme avec un matériel classique. Cet équipement évite aussi de produire des bulles et du bruit, ce qui est un avantage certain pour se déplacer discrètement, pour observer ou photographier la faune sans la déranger et pour se faire accepter par les poissons comme l’un des leurs. Paolo n’a jamais plongé avec un recycleur. A l’époque, ce type de matériel est encore peu utilisé. Celui-là est un prototype. Paolo n’est pas intéressé par la technique et le test parait un peu ambitieux, mais il accepte. « Hum, hum, hum, bon, il faut bien essayer une fois ! Briefing avec Alain, tout est ok. On s’équipe, on part en zodiac au-dessus de l’épave, 3,2,1 bascule arrière et c’est parti. 16 kilos de plomb, on coule ! Il y a du monde car trois bateaux sont sur le même site. On arrive à 4.5 mètres, contrôle du matériel et on continue. Petite épave, on se promène et on lui passe en-dessous. Le recycleur pour le moment ça va, il n’y a pas de bruit, c’est assez stable. Je ne me rends compte de rien. Alain, mon binôme, est toujours à côté de moi et, soudain, à 18 mètres de profondeur, c’est l’accident : je sens un petit goût bizarre. Je pense que c’est une goutte. En une fraction de seconde, pas le temps de réagir, c’est la gorgée de chaux !!! Dégueulasse, horrible, grosse panique respiratoire ! Sans que personne le remarque, le réservoir de chaux s’est rempli d’eau par l’embout, aux pas-

Patrick Marchand, rédacteur en chef du magazine, et Guy Martzolff ,un des 10 testeurs, au rapport après la plongée test. Avec Guy on est restés amis, on a réalisé plusieurs croisières de plongée ensemble. On se voit tous les ans.

sages successifs des testeurs. Lors de mon test, a débordé et a refoulé dans le tuyau jusque dans ma bouche. Heureusement un détendeur et une petite bouteille de secours sont prévus en cas de problème. Je prends le détendeur et continue à respirer de l’air. Alain m’attrape immédiatement et me calme. Je reprends ma respiration, je crache, je vomis, on remonte gentiment, ça brûle dans le cou, on arrive à la surface, ouf ! ça me brûle, je vomis encore, je tousse, je crache. Le zodiac nous récupère. Arrivé sur le Nemo, je bois de l’eau et respire à l’oxygène. A côté du Nemo, il y a un bateau de la même compagnie que la nôtre où il y a un médecin qui vient m’ausculter. Ça a l’air d’aller, il faut beaucoup boire. Je respire. Ok. Ma gorge est toute irritée, c’est pas grave, mais j’ai droit à un verre de vinaigre et à une heure d’oxygène. » Paolo se remet rapidement et replonge dès le lendemain. Patrick, le chef d’expédition, crée un nouveau mot en son honneur : paolonisé. Dorénavant, tous les plongeurs qui auront un problème avec un recycleur auront été paolonisés. Il faut encore inventer une expression liée à l’incident, comme le veut la tradition. L’équipe invente Si tu touches à mon caisson, tu boiras de la chaux. L’expression sera intégrée à l’article sur les tests de matériel dans la revue Plongeurs International. Pour terminer le récit de cette aventure, voici la note de la rédaction parue dans le numéro 64 sur les recycleurs: « Paolo a eu la mauvaise idée de sourire pendant son baptême en recycleur et de laisser par conséquent entrer de l’eau dans le circuit d’épuration... Sanction immédiate à l’inspiration suivante : le mélange eau plus chaux sodée, c’est-à-dire quasiment de la chaux caustique, arrive dans l’embout en lieu et place du mélange nitrox. Incident fréquent chez le débutant qui se soigne par deux grands verres de vinaigre (acide plus base = eau plus sel, souvenez-vous de votre quatrième) et une petite heure d’oxygène pour prévenir une éventuelle déficience respiratoire qui n’est pas survenue. » Laissons le mot de la fin à Paolo : « Les recycleurs, je me disais que ça pouvait être sympa, de ne pas avoir de bulles ni de bruit. Je n’avais pas spécialement envie de l’essayer ! Les recycleurs d’aujourd’hui sont beaucoup plus sûrs ! »

Et aujourd’hui ?

Depuis cette aventure égyptienne, 18 ans ont passé. Pour Paolo, la Mer Rouge reste le plus bel endroit où plonger. Il n’a pas été contaminé par la peur suite à l’incident du recycleur. Il a poursuivi sa passion et son apprentissage, allant jusqu’à devenir lui-même Instructeur. Pourtant, ses débuts en plongée furent difficiles : il commença son brevet aux Maldives et arrêta… le jour-même. Lors du premier cours, posé à genoux au fond de l’eau, il fut pris d’une grosse frayeur, ayant le sentiment de ne plus pouvoir respirer. Rentré en Valais, il essaya à nouveau et réussit à surmonter son appréhension. Il retourna l’année suivante plonger aux Maldives, passa tous ses brevets les uns après les autres, instruisit ses deux enfants et plongea en famille, aux Philippines comme ailleurs. Aujourd’hui, il aime la promenade sous-marine, la plongée loisir plutôt que la plongée technique en profondeur pour laquelle il faut faire des paliers de décompression et se vêtir comme un cosmonaute. Il aime observer la vie juste sous la surface des flots car, selon

lui, les plus belles choses à découvrir se situent entre zéro et dix mètres, alors que dans les profondeurs il fait nuit et froid. Il ne voudrait pas tenter la plongée sous iceberg, même si ce doit être magnifique ; il rêve plutôt d’aller plonger en Polynésie. Il voudrait aussi apprendre l’apnée, pour maîtriser la respiration.

Peut-on faire de la plongée sousmarine en Valais ?

Le Valais est plus connu pour ses cimes que pour ses récifs coralliens, et pourtant… on peut s’y amuser en plongée sous-marine ! De nombreux clubs parsèment le Valais romand : Sierre, Sion, Saxon, Martigny, Monthey… Et, étonnamment, beaucoup de Valaisans pratiquent la plongée sousmarine. Rien que le club de Martigny, avec lequel plonge Paolo, compte environ 150 plongeurs. Plusieurs lacs se prêtent à la plongée. Il est par exemple possible d’explorer la gouille du Rosel à Martigny. Le plan d’eau est divisé en deux, avec une partie réservée aux windsurfers et l’autre aux plongeurs. Le club y a construit un parcours avec 13 statues immergées, un bar sous-marin, un bateau et même une bulle. Un plan est à disposition pour faciliter l’orientation. Le plongeur peut suivre une ficelle installée sur tout le parcours ou s’exercer à utiliser sa boussole. La gouille permet au plongeur de s’entrainer, tout en profitant du plaisir de la promenade sousmarine, et aussi d’observer la faune aquatique : des perches et un ou deux grands silures d’un mètre cinquante. Un autre lieu prisé se situe aux Iles à Sion. Le lac de 40 mètres de profondeur regorge de poissons. On y rencontre de grands brochets, mais aussi des nains de jardin, des tonneaux, un totem, un vrai tronc d’arbre englouti toujours enraciné, un ordinateur, un téléphone, ... Dans ce lac, on peut même tomber nez à nez avec un silure, le plus grand poisson d’Europe, qui peut dépasser la centaine de kilos, ce qui alimente parfois les terreurs des nageurs. Il y a quelques années, une dame a déclaré qu’un silure lui avait happé le mollet aux Iles à Sion ; pourtant, le silure n’a pas de dents et, s’il peut aisément gober des poissons, il craint les humains et les fuit. Le lac de la Brèche à Grône est aussi une belle destination : on peut y descendre une vertigineuse falaise de 35 mètres et y trouver des écrevisses, des brochets, des perches et de magnifiques myriophylles (plantes aquatiques). Le lac de la Corne, par contre, est moins intéressant depuis que des travaux l’ont rempli de terre. Quant au lac de Géronde à Sierre, il est peu recommandé du fait de son manque total de visibilité.

Est-il possible de plonger dans des lacs de montage ? Celui de Moiry, trop risqué, est interdit aux plongeurs : on n’y voit pas à deux mètres car l’eau blanchâtre est saturée de sable. On peut en revanche plonger dans le lac de Champex, nettoyé chaque année. Pour ceux qui sont prêts à aller un peu plus loin, le lac Léman compte une quarantaine d’épaves : des bateaux, des avions, des wagons, et même un village englouti. En Valais, les lacs ne sont pas très encombrés par les déchets, mais ils sont froids : le plongeur ne reste habituellement pas plus d’un quart d’heure vers 15 mètres (ça dépend de la combinaison utilisée), où la température avoisine les 10 degrés, pour ensuite remonter vers la surface, plus chaude. La faune de nos lacs n’est pas dangereuse et, avec une combinaison épaisse, on peut plonger en Valais en toute sécurité: le risque est bien plus grand de se blesser sur un bout de ferraille que de rencontrer un animal aquatique menaçant !

Pauline Archambault

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