Memoire:essay

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SimplicitĂŠ ThĂŠodore Szpindel

Strate College 2010-2011





«J’aime les meubles qui ont gardé leurs adaptations utilitaires et la pureté de leurs formes comme la jeune femme qui défend chastement la virginité de son corps et préfère sa simplicité aux artifices et au fard de la courtisane. » Henry Van de Velde, 1909

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SOMMAIRE Introduction

p.9

I. Les débuts II. Après la seconde d’une esthétique guerre mondiale p.27 industrielle p.11

III. Où sont les signes?

A. Une révolution

A. Les Trente Glorieuses

A. Apple - Muji - Monoprix

B. Prémices d’une idéologie partagée

B. Matériaux et processus nouveaux

C. Vers un mouvement moderne international

C. Nouvelle ère, nouveau rapport à l’objet

p.43

B. Jasper Morrison Super Normal C. L’univers des médias

Conclusion p.63 7



Introduction Selon moi “simplicité” résume ce que doit être le design et ce mémoire m’aide à cerner cette idée, comprendre les motivations qui ont poussé les créateurs à s’y intéresser et son évolution dans l’histoire. Je peux grâce à cette approche, ébaucher une philosophie qui va me permettre d’établir une ligne directrice inspiratrice pour mon travail à venir. Je vais m’intéresser aux mouvements, groupes et designers qui ont privilégié le rationalisme, le fonctionnalisme, la sobriété, l’économie, l’accessibilité, le détail, l’usage, l’honnêteté, la modestie, l’expérience et la démocratisation dans leur approche de la conception de produits. Jusqu’aux années 1950, la machine était pour l’homme un outil, un moyen de gagner du temps et d’économiser de l’énergie pour certains, de l’argent pour d’autres. Depuis que la technologie s’est immiscée dans nos vies (téléphone, minitel, ordinateur, internet...) tout est à nouveau bousculé. Cette évolution technologique a eu un impact direct et indirect sur nos vies, générant un rythme toujours plus poussé et une perception de la complexité du monde grandissante.

Dès le milieu du XIXème, le groupe Arts & Crafts jusqu’à aujourd’hui Apple ou Muji, ou encore des designers indépendants comme Jasper Morrison et Naoto Fukasawa, veulent que le « faire simple » soit un moteur de leur création. Et si une des réponses à cette complexité écrasante était de « simplifier » grâce à une approche par le design? Je vais tenter de retracer de façon chronologique, cette quête de simplicité à travers les différents mouvements internationaux.

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I. Les débuts d’une esthétique industrielle

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A. Une révolution En réaction à l’industrialisation de la seconde moitié du XIXè siècle, certains designers de l’époque, comme les britanniques William Morris (1834-1896) et Philip Webb (1831-1915), font valoir l’artisanat, qu’ils estiment affaibli par la mutation industrielle. Ainsi, ils lancent le mouvement Arts & Crafts et prônent le travail manuel et la place de l’homme dans le rouage de création industrielle; d’une certaine manière le retour au modèle des compagnons du XVè siècle, le travail collectif et le savoir faire. Ils louent les formes simples et économiques attribuées aux constructions médiévales. Un mouvement similaire aux Arts & Crafts anglais nait dans les pays scandinaves : le Svenkska slodjforeningen. Une éthique partagée par les designers Scandinaves de l’époque qui, habitués à gérer les ressources disponibles et à les utiliser avec la plus grande efficacité, prônent l’alliance du savoir-faire ancestral et des techniques modernes afin de créer des objets qui répondent à un équilibre entre forme, fonction, longévité et coût. Représentés par Carl Larsson, peintre suédois qui, en 1897 publia un ouvrage donnant des astuces pour aménager son intérieur d’une manière élégante, on y voyait des meubles aux formes simples, conformes à la tradition paysanne. Ces meubles alliaient la tradition scandinave à l’influence des Arts & Crafts, renonçant à l’ostentation décorative et privilégiaient la fonctionnalité.

William Morris

Philip Webb

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En 1851 se tient, à Londres, la première exposition universelle , premier grand rendez- vous de cette nouvelle ère industrielle. Pour accueillir cet évènement Joseph Paxton construit en six mois l’innovation majeure: le Crystal Palace, uniquement composé de panneaux de verre de 1m25 de large, de poutrelles, de boulons et d’écrous, préfabriqués en atelier et assemblés sur place. Au sein de ce bâtiment, les objets exposés reflètent des habitudes ancrées dans le passé, qui poussent le créateur à reproduire mécaniquement ce qui peut être fait à la main, et seule la chaise n°4 des frères Thonet est une véritable innovation par le procédé de bois courbé mais aussi par son système de montage. Elle correspond à une prouesse de simplicité car composée uniquement de 6 éléments numérotés; le client, qui la reçoit en « kit », n’a plus qu’à l’assembler en suivant la numérotation des pièces. Une technique de production, un matériau, peu de pièces démontables et aucun superflu, une exportation aisée et un montage accessible (une douzaine de vis), elles sont alors le premier mobilier industriel prenant en compte l’intérêt de la précision, la simplicité, autant pour le producteur que pour l’utilisateur. Ces chaises, rencontrent un grand succès auprès d’architectes d’avant-garde du début du XXème siècle. Chaise n°4, Frères Thonet


Sir Henry Cole

Théières par Christopher Dresser

Vers 1860, Christopher Dresser, disciple d’Henry Cole, se distingue en dessinant des objets d’un style sobre et audacieux s’inspirant de l’asymétrie et de la décoration des objets japonais. L’économie géométrique et harmonieuse des volumes atteste de son talent. Il préfigure ce que sera le langage du mouvement moderne. En France, en 1865, Pierre-Joseph Proudhon, journaliste, philosophe et sociologue français, demande aux artistes, dans son livre Du principe de l’art et de sa destination sociale, de se mettre d’avantage au service du peuple, dont les besoins en terme de consommation se font ressentir1. Cette conception socialiste prend de l’importance à mesure que se développe la production par l’industrie d’articles bon marché, les efforts d’hygiène et la construction de logements sociaux. L’idéal socialiste se mue ici en fonctionnalisme. Invariablement, la politique influence le design. C’est dans ce contexte, en Europe, qu’un groupe pionnier ambitionne la réunion des arts décoratifs, que sont la peinture, la sculpture et l’architecture, en un art total. Ce sont, à nouveau, les Britanniques qui créent cette nouvelle esthétique. En 1896, Herman Von Muthesius est détaché à Londres pour visiter l’école de Glasgow où se réunit un cercle d’artistes et de designers à partir des années 1870, afin de rencontrer son fondateur, W.R. Lethaby. De retour en Allemagne, il rédige un rapport sur les principes de l’esthétique industrielle et ouvre écoles et ateliers d’artisanat plus tard baptisés “Jugendstil”.

Ecole de Glasgow

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B. Prémices d’une idéologie partagée En 1900, Paris et Vienne sont le théâtre de deux évènements majeurs, l’exposition universelle et la sécession Viennoise (18921906). Evènements dans lesquels Otto Wagner voit certainement une réponse à son manifeste théorique Modern Architektur publié en 1896. Lequel se termine par : « Notre sensibilité doit nous aider à prévoir dès maintenant, dans les formes d’art qui voient le jour et dans celles qui se développeront par la suite, l’affirmation très nette de la ligne horizontale, de la surface lisse, de la simplicité poussée à l’extrême et de l’importance déterminante des techniques de construction et des matériaux. C’est le progrès moderne qui l’exige, ainsi que les nouveaux moyens que nous avons à notre disposition. Il est évident que la beauté avec laquelle l’architecte exprimera les exigences de notre temps devra s’accorder à la mentalité et à la vie de l’homme moderne»2. Charles Rennie Mackintosh et son groupe “The Four” exposent à Vienne et se distinguent comme architectes d’intérieur, créateurs de mobilier et d’objets décoratifs toujours emprunts d’une grande rectitude. Le scandinave Eliel Saarinen qui expose au salon de Paris, met en avant la relation entre architecture et design. C’est dans ce climat de modernisme qu’apparaît le Deutscher Werkbund en 1907, un mouvement qui voit son évolution rythmé par les guerres, fondé par une équipe d’architectes aux qualités multiples tels que Herman Muthesius, Walter Gropius, Peter Behrens, Henry Van de Velde et Josef Hoffmann.

Lampes et horloge de Peter Behrens au Deutscher Werkbund Affiche du Deutscher Werkbund, 1914

Charles Rennie Mackintosh

Josef Hoffman


A la différence d’Arts & Crafts, le Deutscher Werkbund s’implique avec l’industrie, dans la volonté de moderniser la création, et de la rendre plus accessible à la classe ouvrière. Il a pour objectif d’« ennoblir le métier d’art par l’action conjuguée de l’art, de l’industrie et de l’artisanat »mais aussi d’ offrir « la liberté aux nécessiteux, et ainsi [ouvrir] la voie au nivellement des classes, en proposant à tous les mêmes objets ». C’est donc une volonté sociale qui anime aussi le groupe en voulant constituer un standard jugé comme « la seule stratégie d’envergure à adopter pour la nation »3. Adolf Loos publie Ornement et crime en 1908, écrit alors qu’il revient des Etats-Unis où la tendance veut que la conception d’un objet ne doit se soumettre qu’au seul critère de fonctionnalité. Il a pu également y suivre le travail de Frank Lloyd Wright qui prône l’utilisation de la machine au service de l’homme. L'ouvrage participe à mettre en place le mouvement moderne, rompant définitivement avec la pensée et la façon de faire du siècle précédent. Des Etats-Unis à la Russie en passant par l’Europe, le mouvement moderne prend de l’ampleur.4

Adolf Loos

Chaise et lampe par A. Loos

Affiche pour une conférence autour d'Ornement et crime, 1913

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C. Vers un mouvement moderne international

Aux Pays-Bas, un courant symboliste et théosophique influence le mouvement moderne avec son goût prononcé pour la légèreté de l’abstraction géométrique ainsi que « pour [un] usage exclusif de l’angle droit en position horizontale, verticale et des trois couleurs primaires auxquelles se joignent les non-couleurs: blanc, noir et gris » comme le suggère Théo Von Doesburg, peintre et éditeur de la revue De Stijl en 1917, accompagné de Piet Mondrian. Militant pour un art et un design épurés, le magazine sera un lieu de débat. Ses membres croient que « la quête de l’honnêteté et de la beauté [doit], à terme, éduquer l’humanité et lui apporter l’harmonie ».5 Par l’ampleur de sa cré ation dans le paysage aussi bien intérieur que urbain, De Stijl a une influence considérable dans l’histoire du design et plus particulièrement dans celle du mouvement Bauhaus qui apparaît deux ans plus tard, en 1919. En Russie en1920 : Lénine met en place les Vkhoutemas, réunion de l’école de peinture, de sculpture et d’architecture de Moscou et l’école des arts appliqués de Stroganov. L’intention est, selon les termes du gouvernement soviétique, de “préparer les artistes principaux aux qualifications les plus élevées pour l’industrie, et les constructeurs et directeurs pour l’éducation professionnelle technique”. Ce sont des ateliers expérimentaux axés sur le constructivisme, le suprématisme et le rationalisme, animés entre autres par

El Lissitzky, Wassily Kandinsky, Alexandre Rodchenko et Kazimir Malevitch. Ils créent du mobilier à usage multiple, aux formes sobres et sculpturales, mais difficilement utilisable. Cette entreprise ne verra pas le jour en raison de son caractère utopique et des difficultés que connaît l’économie soviétique des années 1920. Ses membres comme El Lissitzky et Kandinsky s’exportèrent au Bauhaus.

Composition - Piet Mondrian


Immeuble Carson - L. Sullivan

Motif - L. Sullivan

En Allemagne, Le Bauhaus est créé en 1919 et est présidé par Walter Gropius jusqu’en 1928. C’est le fruit de la fusion de l’Académie des Beaux-Arts et de l’école des Arts Décoratifs de Weimar. Le terme Fonctionnalisme résume la pensée selon laquelle toutes les caractéristiques esthétiques d’un bâtiment ou d’un objet doivent dériver uniquement de sa fonction. “La forme suit la fonction” dit Louis Sullivan au début du XXème siècle, en profond décalage au regard des formes compliquées et anti-fonctionelles pour lesquelles il est connu.7 Dans la même optique que celle qu’il a entreprise avec le Deutscher Werkbund, la motivation de Gropius est de réconcilier l’art et l’industrie. En désaccord avec la pensée politique d’extrême droite arrivée au pouvoir en 1924 dans la région de Weimar, l’école doit déménager à Dessau en 1925. Sa philosophie se clarifie alors et s’affirme comme avant-gardiste: sa production touche la vie quotidienne. En 1928, Hannes Meyer, architecte Suisse, devient directeur de l’école et s’emploie à satisfaire les besoins les plus stricts et rationnels du peuple, prenant en considération les questions économiques en créant des objets du quotidien bon marché.

‘‘ Form follows function ’’ Louis Sullivan

Bâtiment du Bauhaus

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En travaillant en binôme, designers, industriels et fabricants assurent le suivi technique du projet, tel est l’esprit du design selon le Bauhaus. La politisation marxiste de l’école conduit Mies Von Der Rohe à prendre la succession de Hannes Meyer des 1930. Réputé pour ses talents d’architecte et de créateur de mobilier, il utilise essentiellement le métal, le verre et le béton. Il créé des chaises et fauteuils à l’allure légère grâce aux matériaux employés mais aussi grâce au cantilever system (introduit par un de ses collègues du Bauhaus, Mart Stam en 1926) à l’image de la chaise BRNO ou du fauteuil Tugendhat. Mies Von Der Rohe laisse un héritage d’aphorismes tels que “Less is more” et “Dieu est dans les détails”. Il jugule toutefois, les ambitions sociales et culturelles de l’école, ce qui n’empêche pas les nazis de la fermer définitivement en 1933. La démarche fonctionnaliste affirmée par le Bauhaus a eu un impact déterminant sur l’évolution philosophique, et par conséquent la pratique du design industriel que l’on connaît aujourd’hui. En France, plusieurs évènements montrent que le pays commence à prendre part dans ce nouveau mouvement. Tout d’abord, est organisé le salon annuel des arts ménagers à Paris en 1923, y sont exposés des objets utilitaires répondant au désir de confort des foyers. Puis Paulette Bernège crée l’Organisation Ménagère en 1924, inspirée par les travaux de Catharine Beecher de la deuxième moitié du XIXème. Cette dernière est une adepte de la rationalisation domestique sur le modèle du travail en usine. Apparaissent également des revues spécialisées comme Arts ménagers et Mon chez moi en 1927.

Ludwig Mies Von Der Rohe

Chaise BRNO

Ludwig Mies Von Der Rohe

Affiches du Salon des arts ménagers

Revue les arts ménagers


Pierre Jeanneret

Jean Prouvé

Charlotte Perriand

C’est avant tout, en 1929, grâce à la formation de L’Union des Artistes Modernes (l’UAM) par René Herbst, Francis Jourdain, Robert Mallet-Stevens et Hélène Henry, que l’hexagone se fait réellement une place dans le modernisme international. Pierre Chareau, Louis Sognot et Jean Prouvé rejoignent le groupe très rapidement. Ce dernier, designer, architecte et ingénieur a fait son apprentissage à l’école de Nancy qui cherchait à associer l’art et l’industrie. Il fonde, en 1930, la Société des Ateliers Jean Prouvé avec son beau-frère. Tous deux ingénieurs, leurs connaissances leurs permettent de mettre au point des meubles aux formes simples et fonctionnelles grâce aux techniques les plus avancées. Leur objectif premier est d’associer l’utilité, l’usage juste des matériaux et l’économie (pas de gaspillage de matière première et des méthodes de construction simples) aux exigences complexes d’une production en série. Du bureau du patron à la chaise d’écolier, le mobilier de Jean Prouvé a pour particularité d’être d’un grand dépouillement, sobre et solide. Cette même année, l’UAM expose aux Arts Décoratifs aux côtés des oeuvres rationalistes de Charlotte Perriand, Le Corbusier et Pierre Jeanneret. Les années qui suivent reflètent la volonté du groupe d’adopter une approche rationaliste de l’aménagement intérieur et l’utilisation du métal. Ils invitent pendant cette période, des créateurs étrangers aux mêmes valeurs comme Gerrit Rietveld.

Charlotte Perriand

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Il faut attendre la fin de 1931 pour entendre les retours concernant l’austérité des oeuvres “Véritable quakeresse décoratif. Art misérable.” dit la critique, qui accuse aussi le groupe de se laisser influencer, “triomphe d’une esthétique protestante venue de Hollande et de Germanie”.8 Ils se défendent : « Jamais l’adaptation au progrès, qui est une loi vitale, n’a diminué les qualités de la production artistique [...] Nous aimons l’équilibre, le logique et la pureté. Dans les logements nous préférons la lumière à l’ombre, les tons joyeux aux couleurs tristes [...] A côté de l’ancien duo : bois et pierre, que nous n’avons jamais négligé, nous avons essayé de constituer le quatuor : ciment, verre, métal, électricité, quatuor harmonieux dont nous avons voulu déterminer les principes et établir les accords. »9 La seconde guerre mondiale éclate. Disséminé, le groupe doit attendre la libération pour se retrouver. En 1949 l’UAM publie Le manifeste, dans lequel ses membres insistent sur leur volonté d’œuvrer pour un « art de notre temps [commençant par] l’urbanisme pour aller jusqu’au plus humble de nos objets usuels ». Leur exposition de Décembre 1949 aux musée des Arts Décoratifs concrétise cette pensée, sous la direction de René Herbst qui succède à Mallet-Stevens à la tête du groupe. Elle porte comme titre “Formes utiles, objets de notre temps”, mettant l’accent sur des objets du quotidien, choisis pour leur remarquable efficacité.

Pierre Jeanneret Couverture du manifeste de l'UAM

Le Corbusier René Herbst


Aux États-Unis, c’est à la fin du XIXème siècle que les américains font leur entrée dans le monde de la création industrielle. En 1895, dans un domaine plus technique, le designer Frank Brownell popularise l’appareil photographique pour la compagnie américaine Kodak, avec le modèle « Folding Pocket ». Il simplifie totalement la complexité du principe photographique et miniaturise le système afin qu’il tienne dans une poche de veste. L’appareil est vendu pour la modique somme de dix dollars. Brownell rend cet art transportable et accessible à tous. En 1927, Walter Dorwin Teague, l’architecte et designer très prolifique en matière de création, revient d’un voyage en Europe où il a rencontré Le Corbusier, Mallet Stevens et Gropius. Il est alors appelé par Kodak pour réaliser son nouvel appareil photographique. Il réalise le « Baby Brownie » ainsi que son étui vendu à un prix accessible. A ce moment là naît aux États-Unis, le métier de designer industriel, auparavant exercé principalement par des architectes ou des ingénieurs.

Kodak Folding Pocket

En Angleterre, la guerre contre l’Allemagne nazie a commencé et les conséquences se font ressentir rapidement. Les matières premières manquent, la nourriture, le bois, le métal et autres matériaux utilisés dans l’industrie d’armement sont reconsidérés et font l’objet de réaffectations. Les matériaux les plus communs étant devenus précieux, il s’agit de tout rationner allant même jusqu’à interdire l’utilisation de matériaux à des fins décoratives. En 1942, le gouvernement britannique lança le Utility Scheme. Des designers dont John Gloag, Herman Lebus and Gordon Russell sont pressentis pour créer du mobilier à destination des victimes de bombardements ainsi qu’aux jeunes mariés, en utilisant au mieux le peu de bois qui reste.

Logo du Utility Scheme

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Ces créateurs partisans du « good design » voient ce moment comme une opportunité d’imposer ce style rationaliste à la population et adoptent la ligne Arts & Crafts. Le peuple britannique voit dans ce mobilier une froideur et une rigidité qui ne leur ressemble pas. Brimé par la violence du manque, il aspire à un mobilier plus réconfortant, s’en suit un marché noir du meuble ornementé, au même titre que celui des aliments. Cette période a toutefois posée les bases philosophiques du « good design » des décennies qui suivent. Après la guerre et ce, jusqu’à 1952, le gouvernement continue de subventionner les créateurs et régulièrement, de nouvelles gammes de meubles font leur apparition, comme en 1946 pour le salon “Britain can make it”. La dernière de ces gammes, basée sur des dessins du design Scandinave contemporain, a toutefois raison des designers de l’époque.

Mobilier pendant et avant le Utility Scheme

Affiche pour l'exposition Britain can make it, 1946




II. Après la deuxième guerre mondiale

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A. Les Trente Glorieuses Période faste et déterminante de la société de consommation que l’on connaît aujourd’hui. L’expansion démographique et le plein emploi sont les prémices de cette nouvelle ère, qui voit se poursuivre la réduction du temps de travail et naitre une hausse du pouvoir d’achat. Le « vieux continent », par l’essor de la production industrielle et l’apparition de nouvelles technologies, rattrape son lointain voisin américain. Restrictions et besoins se transforment en plaisirs et abondance. Après la seconde guerre mondiale, les Etats-Unis et plus particulièrement le Museum Of Modern Art (MOMA) de New-York, seront les fondateurs d’un nouveau mouvement : Good Design. Les représentants sont Charles et Ray Eames ou encore Eero Saarinen, fils de l’architecte Finlandais.

Tomas Maldonado

En 1950 Edgard Kaufmann Jr., dans son livre What is modern design?, définit le “Good Design”. Selon lui, il faut : « Répondre aux exigences pratiques de la vie moderne; être l’expression de notre temps; profiter des récentes découvertes dans les beaux-arts et la science; se familiariser avec les nouveaux matériaux et techniques utilisés; exprimer clairement la fonction d’un objet; souligner les qualités d’un objet; révéler les méthodes de sa production sans tromperies [...] Un programme qui ne pourra être clos que lorsqu’il aura trouvé une signification claire, et que tout le monde s’accordera sur ce dont il est question. »10

Max Bill

Charles & Ray Eames


Hans Gugelot, rasoir sixtant, 1962

D. Rams, radio & lecteur de vynil TP1, 1959

A la même période en Allemagne, un mouvement voisin commence à naître. Max Bill, un ancien élève du Bauhaus de Dessau inaugure, en 1955 l’école de design d’Ulm avec comme professeurs le peintre argentin Tomas Maldonado (aussi vice-directeur), Joseph Albers et Otl Aicher entre autres. Il s’agit alors de parvenir à une simplicité formelle et fonctionnelle, sobre et harmonieuse, comme l’avait en son temps proclamé Henry Van de Velde, « lutter contre le laid à l’aide du beau, du bon, du pratique » mais il est également question « d’élaborer un standard de production qui ait l’homme pour mesure », comme le souligné Walter Gropius lors de cette inauguration. 11 & 12 Hans Gugelot, architecte hollandais et professeur de l’école est l’une de ses figures principales. Il est aussi l’un des designers de la marque Braun. Entreprise partenaire de l’école qui reconnaît l’importance du design à plusieurs niveaux dans la création industrielle. Sur la couverture de son catalogue de vente il est écrit : « Le design implique que priorité soit donnée à la fonction. La forme des produits Braun doit être moderne, élégante mais simple. La couleur doit s’inspirer d’une certaine neutralité. La beauté d’un produit Braun doit naître de la parfaite adéquation de la forme à l’usage. » La collaboration de Hans Gugelot avec Dieter Rams, ancien élève de l’école, donne naissance au tourne-disque radio Phonosuper SK4, véritable emblème du design néo-fonctionnaliste.

Dieter Rams et Hans Gugelot, PhonoSuper SK4, 1956

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L’histoire du design connaît alors un bouleversement, l’arrivée en masse de produits électroménagers sur le marché pousse le designer à s’éloigner de plus en plus de l’artisan pour se rapprocher des techniques industrielles afin de concevoir des objets d’une complexité technique grandissante. Victime de dissensions internes et du retrait de subventions, l’école d’Ulm doit fermer ses portes en 1968. Elle diffuse un héritage qui influence la profession cinquante ans plus tard, aujourd’hui. Dieter Rams, lui, reste à la tête du design chez Braun jusqu’en 1995 soit quarante ans au total, pendants lesquelles il formule dix principes qui définissent un bon design.

Dieter Rams, Systeme d'étagères, 1960

Dieter Rams - Radio réveil

Dieter Rams, chaise Programme, 1962 Dieter Rams - Radio SK2, 1955


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- Un bon design est innovant - Un bon design est pratique - Un bon design est esthétique - Un bon design est compréhensible - Un bon design est discret - Un bon design est honnête - Un bon design est durable - Un bon design est précis jusqu’au dernier détail - Un bon design est conscient de l’environnement - Un bon design est aussi peu de design que possible

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Dieter Rams

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Le designer moderne tend, sous l’effet de la rationalisation de la production, à créer de standards beaux et bons pour tous. Imaginée en 1960, la Panton Chair de Verner Panton en est l’un des paradigmes : monochrome, monobloc, mono-matériau, elle est produite en une seule opération qui assure, structure, couleur et finition; elle illustre, en tout cas, cette idée que la logique de standardisation tend irrésistiblement vers le modèle universalisable, donc transposable. Cette logique industrielle de standardisation est contrariée dans les faits par la logique commerciale qui tend à une segmentation de plus en plus fine des marchés auxquels correspondent des gammes de produits de plus en plus étendues. Du yaourt nature au téléphone portable, la logique commerciale oppose diversification et déclinaison de produits à la logique industrielle d’unification. A l’idéal industriel du « produit pour tous », l’idéal commercial préfère « un produit pour chacun ». Toutes ces variables combinées produisent des gammes multi-critères qui peuvent être d’une extrême complexité. Rien ne paraît plus éloigné des débats qui animent le design du dernier quart du vingtième siècle que ce modèle de classification de produits issu du marketing contemporain, confronté à la nécessité vitale d’assurer l’organisation d’une offre de plus en plus complexe et pléthorique pour en garantir la visibilité sur le marché.

Verner Panton, Chaise Panton, 1960

Frank Lloyd Wright - Musée Guggenheim, 1959


B. Matériaux et processus nouveaux Les années 1950-1960 voient sans aucun doute l’avènement des polymères. Bien qu’utilisés depuis des décennies, ce sont avant tout les nouveaux procédés industriels tels que le rotomoulage, la transformation par extrusion ou encore l’injection-soufflage, qui offrent aux créateurs une liberté formelle presque totale. Pour la première fois, l’homme invente des matériaux. Si la matière première ne coûte pas cher à cette époque, le coût des moules utilisés pour la fabrication de pièces en plastique est très élevée, il faut donc produire en grande quantité. Les italiens sont les premiers à utiliser les qualités de ce matériau avec des éditeurs comme Kartell. Cette entreprise spécialisée dans la fabrication de mobilier édite des créations 100% plastique comme la chaise Universale de Joe Colombo en 1965 ou encore le module en ABS d’Anna Castelli Ferrieri en 1963. De nouveaux besoins apparaissent, les objets et pièces de mobilier doivent désormais être pratiques, soit : transportables, démontables, pliables et combinables. Grâce aux produits en plastique, il est possible d’atteindre un niveau de simplicité élevé notamment grâce à l’unicité du matériau, son prix et la rapidité de sa reproduction. L’industrie elle-même a conçu un antidote complémentaire au standard : le système. Le produit-système est sans doute l’une des expressions les plus intéressantes de cette période.

Joe Colombo - Chaise Universale, 1965

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Frank Gherry

Frank Gherry - Série Easy Edge, 1972

Le système vise à produire par combinaisons à partir du plus petit nombre d’éléments possibles, le plus grand nombre de configurations. « Le moins, par combinaisons, répétition et récurrence, donne le plus : L’élémentaire, à la limite le binaire par arrangements et assemblages, restitue le complexe, le variable, le divers. »13 Une idée qui rejoint l’aphorisme “Less is More “ de Ludwig Mies Von Der Rohe. La crise de l’énergie de 1973 a raison de l’utilisation à répétition du plastique, le bois fait alors son retour et l’on réédite des objets des années 1930 ou 1950. On met l’accent sur le mobilier de base comme le soulignent les nombreux fauteuils, tables et chaises au salon du meuble de Milan en 1978. Le recyclable devient un argument de vente et une préoccupation pour certains designers mais aussi une source d’inspiration comme le prouve le designer et architecte canadien Frank Gehry. Après avoir observé le gaspillage qui s’effectue dans le carton d’emballage, il créé les sièges intitulés “ Easy Edge “ en1972. Il plie et colle ces cartons d’emballage auquel il ajoute des feuilles d’Isorel™ sur les deux côtés afin de leur offrir une stabilité et une durabilité supplémentaires. Ces conceptions témoignent de mises en œuvre simples pour des constructions intelligentes à partir de matériaux peu coûteux et recyclables.


Le Japon, comme tous les pays basés sur une économie ancestralement agricole, a du retard sur le monde occidental en matière de conception et d’industrialisation. Misant d’abord sur la quantité plutôt que sur la qualité, la production japonaise se forge une réputation médiocre. Les designers comprennent alors qu’il ne suffit plus de suivre le modèle occidental, il faut se singulariser. Afin de donner une unité et une cohérence à la production, les grandes marques comme Sony mettent en place des équipes de designer et inventent ce qu’on appelle aujourd’hui l’image de marque, l’identité visuelle. Si l’on se réfère à son nom originel « Mujirushi Ryohin » qui signifie « produits de qualité sans marque », l’entreprise Muji n’a pas de logo mais elle a, en revanche, une forte identité. Dès ses débuts en 1980, elle a été le miroir de la conception japonaise de la forme : la sobriété, le dépouillement et le minimalisme en réponse à un monde complexe : « un retour à la simplicité dans la vie quotidienne ».

Sony - Walkman TPS-L2, 1979

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Renouant avec ses traditions et sa création artisanale les designers de l’époque se sont intéressés aux objets de leurs quotidien et à leur caractère anonyme. Ils ont souhaité mettre cette modicité au service de l’industrie. Le design minimaliste japonais représente la façon dont ce pays aborde les problèmes environnementaux. Leurs intérieurs souvent petits, font l’objet d’une utilisation stratégique de l’espace. L’architecture et le mobilier sont précis, simples et équilibrés. Les matériaux sont choisis pour leur caractéristiques techniques. Ils sont durables, faciles à entretenir et permettent parfois d’économiser de l’énergie comme le verre qui laisse entrer la lumière naturelle. La fin des années 1980 est marquée par un paradoxe. D’une part, l’arrivée en masse de nouveaux matériaux et de nouvelles technologies telles que la puce électronique qui favorise la miniaturisation des objets, pousse les créateurs à s’intéresser à l’immatérialité, comme en témoigne l’exposition “Les immatériaux” au Centre Pompidou en 1985. D’autre part, le retour de l’artisanat provoque un éloignement de l’outil industriel. Produire le mobilier soi-même offre aux designers une grande liberté et une indépendance qu’ils ne trouvent pas avec l’utilisation des nouvelles technologies et des nouveaux matériaux. Ce retour à l’ouvrage bien fait, à l’objet patrimonial, traduit la lassitude des consommateurs à l’égard des produits industriels jetables, consommables et parfois simplement trop compliqués à utiliser. En 2006, une étude américaine a montré que “sur la totalité des produits technologiques renvoyés chez le constructeur, la moitié n’est pas défectueuse, c’est l’utilisateur qui n’est pas capable de le faire fonctionner”.14

Couverture du catalogue Les Immatériaux, 1985

Puce électronique


C. Nouvelle ère, nouveau rapport à l’objet “Le fonctionnalisme correspond à une société machiniste, celle des turbines et des boulons. Les années 1980 sont celles de la communication et du virtuel” . En 1970, 83% des Français ont la radio, 63% la télévision, et y consacrent en moyenne quatre heures quotidiennement. Le numérique fait alors ses premiers pas dans le monde réel, avec le micro-ordinateur Altair 8800 en 1975 ; « Machine of the year » titre le Time, rompant avec son habituel « Man of the year ».15 Cette technologie révolutionne notre rapport au temps et à l’espace, l’information se propage à la vitesse d’un clic dès les années 1990. La communication devient immédiate, instantanée. « La fractalisation du temps toujours plus infinie » écrit Bruno Jarrosson. Chaque précieuse minute devient rentable. La connexion est permanente, répondant immédiatement à la moindre exigence. Une enquête menée par Media watchdog ofcom en 2009 montre que nous passons en moyenne, 45% de notre temps éveillé les yeux rivés sur un écran. Le réflexe-Google symbolise bien cette nouvelle dynamique. A la qualité se substitue parfois la quantité. Les frontières n’existent plus, on pourrait parler de miniaturisation du globe, un message sur la toile met autant de temps à aller de l’autre côté de la rue que de l’autre côté du globe. René Remond résume le monde par ces deux mots : « universalité et simultanéité ».

Rechercher

Couverture du Time, Janvier 1983

Altair 8800, 1976

4h quotidiennement en 1970

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Principe de la 3D

Alice Rawsthorn, éditrice

L’arrivée de la puce électronique fait perdre à l’objet sa qualité d’affordance, il ne révèle plus l’explication visible de sa fonction, au contraire, il la cache. La forme ne suit plus la fonction elle doit la symboliser. Je cite pour cet exemple Alice Rawsthorn, éditrice à l’International Herald Tribune qui souligne la différence entre un produit technologique d’un produit “analogique”: “A l’époque le dicton “la forme suit la fonction” marchait plutôt bien. Imaginez être un martien atterrissant sur terre et que vous n’ayez jamais vu une cuillère ou une chaise, vous avez une vague idée de ce que vous êtes supposé faire avec, s’asseoir dessus ou se nourrir, grâce à la forme qu’il a. Mais tout cela à été annihilé par la puce électronique.”16 La CAO en 3D induit de profonds changements dans le fonctionnement des studios de design. L’ordinateur devient l’outil central du développement et de la modifications des projets. La technique numérique s’oppose à l’approche traditionnelle. Diminution du temps de réalisation, décharge d’une part importante des tâches d’exécution libérant ainsi du temps pour la création. Cette avancée de la technologie crée une distance entre les objets de design de la fin du XXème et les outils du premier âge industriel, souvent caractérisés par leur conformité fonctionnelle.

La cuillère, symbole analogique La miniaturisation du globe


Étymologiquement le terme complexité vient du préfixe cum et du suffixe plexus qui signifie littéralement “avec entrelacement”, il évoque donc un sentiment d’entremêlement, il signifie également “plusieurs fois plié”, donc indistinct. Le terme “compliqué”, exprime davantage de la confusion et en quelque sorte, l’arbitraire. Selon le sociologue Edgar Morin, nous trahissons notre embarras, notre incapacité de décrire d’une façon claire et précise […] Nous voyons des éléments,, nous ne voyons pas les relations. De plus en plus nous disons c’est complexe donc de plus en plus, nous comprenons de moins en moins”.17 Certaines entreprises répondent avec simplicité à la complexité du monde. Elles divisent cette complexité en problèmes isolés auxquels elles tentent de répondre. Comme nous l’avons vu, la création industrielle est en étroite relation avec l’évolution de la société. Comme nous l’avons vu dans la première partie, les différents mouvements de design s’organisent en réponse à une crise, un conflit ou un besoin de la population. Les années 1990 voient la cohabitation du minitel, du tattoo et d’internet : sans aucun doute les débuts d’une nouvelle forme de communication.

Tatoo, 1995

Apple Computer, 1990

Bi-Bop, 1991

Edgar Morin

Minitel, 1982

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Certains problèmes liés à toutes ces nouveautés donnent à l’homme moderne la perception d’un monde complexe. Les nouvelles technologies ont bouleversé notre rapport au temps et à l’espace. Elles ont aussi induites une logique d’immédiateté, tout doit aller toujours plus vite, il est souvent question d’une “génération zapping” qui ne s’intéresse qu’à des bribes d’informations, illustré par le concentré d’informations en 6 minutes diffusé sur M6 ou encore le zapping de Canal+. Il n’est plus indispensable de penser ou d’épeler, car la machine le fait pour nous. L’email rend incapable d’écrire des lettres éloquentes et bien pensées et le texto contracte même les mots les plus simples. Internet est un outil incroyable qui offre un accès à une quantité d’informations et de services sans précédent. Il y a toutefois, un aspect négatif à ce développement : son impact sur nos interactions sociales. En effet, nous n’avons plus la nécessité de nous adresser à des êtres vivants. Avec la production de masse, les machines ont créé l’abondance, souvent au détriment de la qualité comme le montre l’engouement pour les lecteurs Mp3 qui permettent de stocker des milliers de morceaux d’une qualité médiocre. Nous ne pourrions nous passer de ces technologies. Des objets dont on ne pouvait soupçonner l’existence il y a dix ans nous semblent aujourd’hui indispensables : “La technique s’insère dans nos vies sur le mode ambigüe de l’asservissement et de la libération” écrit Bruno Jarrosson.18

La génération "Zapping"

Lecteur MP3, Apple iPod Nano




III. Qui répond à cette complexité et comment?

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Il est désormais difficile de parler de mouvements car il faut un certain recul nécessaire pour les distinguer et comprendre qui les composent. Souvent même le designer se cache au profit d’une enseigne. Les designers d’Ikea ne sont pas au premier plan, ceux de Décathlon non plus ou encore ceux de Nike ou Adidas, la marque prend le dessus. Il est toutefois possible de discerner une mouvance à laquelle des marques et designers indépendants s’attachent. C’est pourquoi, dans ma seconde partie, je me focaliserai sur des marques, des studios et des designers indépendants afin de trouver dans leur travail des réponses aux soucis de notre société. Je me tournerai vers trois marques aux approches différentes, de par les produits qu’elles proposent mais aussi leur positionnement sur le marché. Je m’intéresserai au cas d’Apple, créateur de matériel informatique haut de gamme. Je parlerai également de l’entreprise Muji, spécialiste des objets du quotidien et de Monoprix, commerçant de proximité depuis 1932. Puis je me questionnerai sur l’approche de designers indépendants, parfois proches des grandes marques citées, qui se plient à des contraintes de productivité et de compétitivité différentes.


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APPLE

Jonathan Ive, designer des produits Apple

Apple est après Braun l’une des premières entreprises à avoir compris l’importance du design global, comme le souligne Dieter Rams lui-même. Reconnus pour leur simplicité d’utilisation, les produits Apple connaissent un succès grandissant. La firme fait, en effet, de la simplicité son créneau à tous les niveaux : de la communication à la mise en service en passant par l’acte d’achat. L’histoire formelle des Macintosh est révélatrice de la société de consommation. Lorsque la marque sort son premier iMac en 1998, la technologie informatique est alors encore nouvelle pour les consommateurs. Jonathan Ive, designer des produits de l’entreprise, offre à l’ordinateur une coque translucide afin de montrer, au sens littéral du terme, toute la technologie qui est mise à disposition du client. Dix ans plus tard, les mentalités ont évolué et avec elles le design des ordinateurs Apple. Aujourd’hui, le fonctionnement de la machine intéresse peu l’utilisateur, la technologie ne l’impressionne plus, il veut aller directement à l’essentiel. S’en suit alors, un changement radical, la technologie n’est plus montré, bien au contraire, elle est cachée, offrant à l’utilisateur des surfaces lisses et des interfaces intuitives afin de faciliter l’usage. Alain Berthoz appelle cela la “simplexité” , l’art de dissimuler la complexité (la technologie en l’occurrence) derrière une interface simple.19 Répondant à ce besoin d’immédiateté, il faut comprendre tout de suite et ne pas s’encombrer de choses inutiles.


L’entreprise ne propose que très peu de produits par rapport à ses concurrents, seulement six ordinateurs portables et six de bureau alors que Sony, non spécialiste dans ce secteur, en propose trentequatre au total. Il y a donc une volonté de restreindre le choix pour le consommateur. C’est par la suite, grâce à une série de services que la marque va permettre à l’utilisateur d’assouvir son besoin d’acquisition, répondant à l’abondance initiée par le rythme de la production industrielle. L’utilisateur peut acquérir des millions de morceaux pour iPod et des milliers d’applications pour iPhone. De cette manière l’entreprise répond à deux problèmes inhérents à l’Homme moderne : l’hyper-choix et l’abondance. Elle offre donc une solution au premier et un service afin d’assouvir le second. Apple a également compris qu’il faut se démarquer et tenter de retenir l’attention, dans un monde où le client est perpétuellement sollicité. Au même titre que ses produits, la campagne de publicité du groupe est d’un grand rationalisme. A la télévision, les spots sont généralement tournés sur fond de couleur uni, généralement du blancs, faisant apparaître uniquement le produit et une main servant en quelque sorte de mode d’emploi. Les créations de Jonathan Ive sont fortement inspirées du design des produits Braun conçus par Dieter Rams dans les années 1960. Il suffit de mettre côte à côte, la radio de poche T3 de Braun et le premier iPod, les enceintes LE1 et le nouvel iMac ou encore l’émetteur infra-rouge d’Erwin Braun et le dispositif iSight, pour constater que la ressemblance est frappante. Ce n’est pas la seule ressemblance qui rapproche les deux designers. Ils se retrouvent également sur le fait que l’arbitraire n’a pas sa place dans la création industrielle.

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Enceinte LE1, 1959

iMac, 2004

iPod, 2001

Radio T3, 1958

Emetteur infra-rouge, 1988 iSight, 2004

Radio T1000, 1968

Calculatrice ET66, 1987

iPhone, 2007

Power Mac G5, 2003


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Steve Jobs lors d'un keynote pour l'arrivée du MacBook Air

Selon Ive : “Quand il n’y a pas de formes arbitraires, ca nous paraît presque inévitable, non-conçu” lorsque Rams dit “Ce qui me dérange aujourd’hui, c’est l’arbitraire, le manque de réflexion avec lequel beaucoup de choses sont produites et mises sur le marché”.20 Dans la presse, la publicité que l’on retient tout particulièrement représente des ombres d’hommes et de femmes sur fonds de couleurs, dansants avec leurs écouteurs blancs dans les oreilles. Retenir notre attention passe aussi par le fait que Steve Jobs, reconnu pour ses capacités oratoires, a le sens de la mise en scène. Il organise des “Keynotes”, conférences à l’occasion desquelles il donne les résultats financiers de l’entreprise, suivis par la présentation des nouveautés. Ces évènements, qui sont suivis et attendus par un large publique, crééent ainsi une sorte de communauté, offrant à la foule une identité commune. Apple a une identité forte, un langage formelle commun à tous les produits de la marque, reconnaissable parmi ses concurrents. L’utilisation de certains matériaux, certaines couleurs et formes, de la même manière que l’on reconnaît une Porsche ou une Lamborghini.

iMac, 1998

iMac, 2010

iPhone 4, 2010

iPad, 2010



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MUJI Les produits Muji ont été créés au début des années 80 et résultent d’une nouvelle mode réclamant un retour à la simplicité dans la vie quotidienne. Leur but était de fournir aux clients dans le monde entier les choses essentielles dont ils ont besoin pour s’adapter à la vie mouvementée, moderne et urbaine d’aujourd’hui. Sous la direction de Naoto Fukasawa, il est écrit “Ces choses doivent être composées de matériau bon et sain sans fioritures ni fantaisie inutile et vendues à un prix raisonnable.”, dans le catalogue de la marque en 2010.21 Leurs fournitures doivent être pratiques et leurs articles ménagers faciles à utiliser. La marque présente ses produits dans le plus simple emballage, s’il y en a un. En règle générale, les produits sont enfermés dans une pochette en plastique transparente, donc très proche du “what you see is what you get” (wysiwyg) utilisé en informatique et qui traduit un besoin du consommateur, celui d’être rassuré, rassuré de ne pas se “faire avoir”. Ces dernières années le monde du packaging aussi connaît une “cure de simplicité” comme on peut le voir dans les titres de journaux.22 Selon, Sophie Waymel, directrice générale de l’agence People from Design, “cela répond à un besoin de transparence des consommateurs qui se méfient du “discours” marketing. Les marques reviennent au basique, utilisant les codes du luxe, lequel n’a jamais cédé à la surenchère”.

La chaise Thonet revisitée par Muji, 2009


Comme nous l’avons vu avec la marque Muji, l’emballage est réduit à sa plus grande simplicité, le nom même de la marque n’y figure pas. Des grands noms se sont aussi risqués à un tel exercice comme Absolut Vodka qui a lancé une bouteille entièrement dénuée de graphisme ou encore coca-cola qui a édité une canette sans aucune couleur. Le magazine L’entreprise édite un article intitulé “Vive le basic business!”, dans lequel il estime que le client recherche désormais “une offre claire et lisible, un produit ou un service facile d’accès et d’usage […] rassure dans un monde complexe”.23 Lecteur CD, 2004

2006

2008 Logo

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Monoprix L’abondance de choix a trouvé sa limite, désormais le client se perd et ne sait plus quoi choisir. Monoprix a décidé de répondre à ce malaise. Au début du mois de Novembre 2010, le groupe Monoprix a décidé de totalement changer l’image de marque de ses produits en lancant la campagne “Non au quotidien quotidien”. Il répond au souci de clarté, nécessaire dans les rayons de supermarchés, lieux de consommation de masse par excellence. Les nouveaux packagings proposent une communication très directe, où l’essentiel est écrit sur l’emballage. Le graphisme peut paraître secondaire mais à regarder de plus près, il a son importance dans la hiérarchisation de l’information. Son inspiration presque frappante renseigne sur le but que cherchent à atteindre ses créateurs. L’utilisation répétées des bandes de couleurs rappellent les compositions des peintres hollandais du début du siècle qui travaillaient pour la revue De Stijl. Le groupe était à la recherche de légèreté et de simplicité formelle, se focalisant sur des signes simples et universels. La typographie évoque, par sa graisse mais surtout par son absence d’empattement un aspect dépouillé et minimal, une inspiration qui vient de la Suisse des années 1950. La typographie y est utilisée comme élément structurel d’une mise en page, ce qu’on repris les créateurs de la nouvelle campagne de Monoprix. Cette création du groupe Havas City inspirée par deux courants du XXème siècle qui prônent le rationalisme, la clarté et la lisibilité, nous éclaire sur le message qu’il essaie de faire passer.


Exemples des nouveaux packagings

Affiche de la campagne

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Jasper Morrison Designer britannique contemporain, son moteur de création est de “produire des objets de tous les jours à l’usage de tous, faire des choses plus légères et non pas plus lourdes, plus tendres et pas plus dures, qui incluent et non pas excluent, qui génèrent de l’énergie, de la lumière et de l’espace.” Il admet avoir une profonde fascination pour les dissidents modernes et paie une attention particulière au modernisme des années 20 et 30 aux oeuvres de Eileen Gray, Marcel Breuer, Pierre Chareau et Jean Prouvé. « J’ai toujours pensé que mon travail devait être une continuation du mouvement moderne et que mon but était de faire du design industriel. » dit-il. Il défend un design équilibré accompagné d’une sorte de retour à la morale. « la quête de simplicité est un état d’esprit, une philosophie de la vie. Je ne suis pas intéressé dans la recherche de nouvelles formes, ou de formes en général, en fait si vous pensez que la forme n’est pas si importante vous pouvez développer une sensibilité différente qui vous permette d’apprécier d’autres qualités d’un objet. J’aime les idées comme le normal, le doux, le confortable et le facile d’utilisation. N’oubliez pas que ces personnes doivent vivre avec ces objets que nous concevons. Nous avons besoin de comprendre comment ils peuvent être utilisés et penser à la vie de tous les jours. Le design est quelque chose de réel. »24

Air Chair, 1999


Jasper Morrison

Low pad, 1999

Air armchair, 2002

Il est aussi très sensible à l’atmosphère d’un espace et s’est rendu compte que le designer a un rôle à jouer dans la réalisation de cette ambiance. A ses yeux, le design doit être démocratique car selon lui “Les meilleures atmosphères et les plus belles choses peuvent être trouvées dans les situations de tous les jours”. L’idée de luxe ne l’intéresse donc pas, elle a été “inventée pour les gens qui ne peuvent pleinement profiter de la vie que s’ils se sentent supérieurs aux autres”.25 C’est l’utilité qui justifie la présence de l’objet. Le pratique, le confort et l’adaptation à l’usage dictent sa production. “La forme devrait être la conséquence visuelle comme naturelle d’une idée, d’un processus, d’une matière, d’une fonction ou d’une sensation. Et même alors elle pourrait s’exprimer sous une forme empruntée ou sous l’apparence volée d’un objet qui existe déjà”.26 Pour Vitra en 1990, Morrison créé une chaise et une table réduites à leur plus simple expression : “un pictogramme en trois dimensions”. La forme est évidée et les masses sont gommées. Mais elles sont plus complexes qu’il n’y paraît. La légère courbure de l’assise, la découpe des piétements de la table nécessitent une technique sophistiquée pour plus de confort et une approche sensuelle du matériau. Le travail sur le détail donne aux pièces du designer toutes leurs justifications. Dans le mobilier Universal System créé en 1991 et édité par Cappellini, une trouée en guise de poignée met en valeur un geste simple : ouvrir avec son doigt.

La tourette chair, 1998

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Couverts et service de table, 2004

Universal system, 1991

Un an plus tard, ses créations pour la gamme Progetto/Ogetto de la même firme sont, selon Jeanne Quéheillard, critique d’art : “utiles et modestes, simples et fonctionnels […] Sans bavardage aucun, ils font revenir une quotidienneté discrète faite de tous ces gestes habituels que l’ont feint d’ignorer”.27 Ce qui compte c’est l’usage. La banalité des matériaux, la simplicité du dessin, la sobriété des volumes, l’efficacité des fonctions et le raffinement des réalisations permettent à l’objet de faire parler “les qualités invisibles des objets”, par le biais de peu de matière et des petits riens. Selon lui, “L’objet super normal tire sa qualité d’un refus de l’originalité au profit d’un respect de l’histoire longue qui a façonné sa typologie et s’expérimente comme tel dans son usage et son environnement d’élection. C’est pourquoi il ne privilégie pas la forme et corrolairement la vue, contrairement aux objets design”. ll oppose au narcissisme des designers qui recherchent leur propre promotion plutôt que le bien-être de l’utilisateur et se plient donc au format médiatique en vigueur.

Poignée de porte, 1990



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Super Normal Naoto Fukasawa et Jasper Morrison, ont traduit une nouvelle approche du design par une exposition au salon de Milan en 2007 intitulée Super Normal. Cette notion trouve son origine dans une discussion entre Takashi Okutani et Jasper Morrison, pendant l’édition 2005 de ce même salon, au sujet d’ustensiles de cuisine dessinés par Naoto Fukasawa. Morrison ne trouva d’autre mot que “normal” pour exprimer à quel point il les trouvait remarquables et Okutani ajouta... “super normal”. La différence entre l’objet normal et l’objet “super normal” tient à ce que ce que le premier serait le produit anonyme de l’histoire, tandis que le second serait le fait d’un designer tentant consciemment de faire normal.28 Selon Fukasawa “les designers d’aujourd’hui ne pensent pas à concevoir l’ordinaire. Bien au contraire, ils vivent dans la peur que les gens disent que leur conceptions n’ont rien d’extraordinaire […] Plutôt que d’essayer de se fondre dans la masse, la tendance des designers est de tenter de faire des “déclarations” ou de “stimuler”. Le “normal” est donc poussé à signifier une conception “nonstimulante” ou “ennuyeuse.”29 Il est important de noter l’influence du design japonais, où la beauté d’un objet réside davantage dans son interaction avec son utilisateur plutôt que dans sa réalisation formelle. “Une forme qui embellit l’attitude et l’action” dit Fukasawa. L’usage rend l’objet beau car il lui offre une présence, et dégage donc une certaine atmosphère. On parle davantage de beauté fonctionnelle que de beauté formelle.

Quelques objets sélectionnés pour l'exposition

Naoto Fukasawa & Jasper Morrison


Quelques objets sélectionnés pour l'exposition

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Dans l’univers des médias John Maeda, professeur au M.I.T. de Boston, propose dix lois pour trouver un équilibre entre la simplicité et la complexité dans l’univers du design, des affaires et de la technologie.30 Il y explique que c’est dans la nature humaine d’en vouloir toujours davantage mais qu’une étude récente montre que les gens veulent des services et des produits simples, non compliqués. Selon lui simplifier passe par :

1- REDUIRE en taille et en nombre, miniaturiser et cacher certaines fonctions d’un produit. 2- ORGANISER. L’organisation permet de clarifier. Il faut “apporter une structure au chaos.” 3- LE TEMPS. Lorsqu’une interaction avec un produit ou un service est rapide, on attribue à cette efficacité la perception d’une expérience simple. 4- APPRENDRE. Lorsque l’on sait, tout nous paraît plus simple. Il faut donc créer une expérience intuitive en travaillant avec ce que l’utilisateur sait. 5- DIFFERENCES. La simplicité et la complexité ont besoin l’un de l’autre. Dans un marché complexe une offre simple se distingue.

6- CONTEXTE. L’environnement à une grande importance. 7- L’EMOTION. La simplicité n’est pas juste minimaliste et fonctionnelle, on peut grâce à elle véhiculer beaucoup d’émotions. 8- LA CONFIANCE. En simplifiant l’usage et l’acte d’achat on inspire confiance. 9- L’ECHEC. Certaines choses ne peuvent être simplifiée, comme une symphonie de Beethoven par exemple. 10- LA REGLE. Il faut soustraire ce qui est évident et ajouter ce qui a du sens. John Maeda




Conclusions La simplicité n’est pas synonyme de pauvreté, c’est l’élimination du superflu dans le but de faire de la place à ce qui fait sens. C’est se concentrer sur peu de choix, mais de qualité. Travailler avec approche humaine et intuitive, centrée sur l’utilisateur. Il s’agit de cerner les besoins et d’y répondre avec précision. Produire une expérience dans la vie de tous les jours en utilisant les outils du design de service au design de produits. Utiliser la logique qui, contrairement à l’arbitraire, rend une interaction simple car prévisible. Ce mémoire m’a permis d’identifier des axes directionnels, comme l’utilisation rationnelle des matériaux et la focalisation de besoins essentiels de l’utilisateur. Comprendre qu’une utilisation simple est le résultat d’une analyse exhaustive sur la mise en place d’une expérience pour l’utilisateur. C’est une ébauche de philosophie que j’ai mis en forme à travers ce mémoire. Une approche qui se précisera au fil du temps et des expériences et me permettra de définir parallèlement, ma vision de la simplicité et celle de mon métier.

A B K L

CD MN

EF OP

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GH QR

I J ST



Notes de bas de page 1. Proudhon P-J, Principe de l’Art , éd. Garnier Frères, Paris 1865 2. Modern Architektur, O. Wagner, 1896 3. Le Bauhaus, http://archive. chez.com/ 4. Adolf Loos, Ornement et crime, 1908 5. Mondrian, G. Maldonado, ed. Hazan 7. Louis h. sullivan «The Tall Office Building Artistically Considered» 1896 article 8. René Herbst : Pionnier du mouvement moderne, G. Delaporte, Flammarion 2004 9. Pour l’art moderne, cadre de la vie contemporaine, l’UAM avec la collaboration littéraire de Louis Cheronnet

21. Catalogue Muji Life 2010 22. LSA de Décembre 2009 23. Etienne Gless, L’entreprise, 19 Février 2010 24. Morrison, Charles Arthur Boyer & Federica Zanco, ed. dis voir 1999 25. Ibid p.34 26. The Unimportance of form, Jasper Morrison 1991 27. Ibid p.34 28. Lestudioblog.blogspot.com 7 Février 2008 29. Super Normal, N. Fukasawa & J. Morrison, ed. Lars Müller 30. The Laws of Simplicity, John Maeda, 2009 ed. The MIT Press

10. What is Modern design? E. Kaufman, ed. Moma 11. Joseph Beuys et le passé allemand, Thierry de Duve, 2010 12. L’œuvre architecturale de Henry van de Velde par Léon Ploegaerts,Pierre Puttemans 13. - & + le design dans la collection du fonds national d’art contemporain, CNAP & M. Baverey 14. Le temps des magiciens, Bruno Jarrosson, ed. Mélétè le pommier 15. Capital, HS Nov-Dec 2010, M. Carquain 16. Objectified, G. Hustwit, 2009 17. Conférence de Edgar Morin enregistrée le jeudi 18 mars 2010 à Reims (France) dans le cadre des “Troisièmes Assises Françaises de Sexologie et de Santé Sexuelle”. http://vimeo. com/10958508 18. Ibid p.36 19. La Simplexité, A. Berthoz, ed Odile Jacob 2009. 20. Ibid p.38

Portraits p.60 A. William Morris 1834 - 1896 B. Philip Webb 1831 - 1915 C. Sir Henry Cole 1808 - 1882 D. Eliel Saarinen 1873 - 1950 65

E. Walter Gropius 1883 - 1969 F. Henry Van de Velde 1863 - 1957 G. Josef Hoffmann 1870 - 1956 H. Adolf Loos 1870 - 1933 I. Frank Lloyd Wright 1867 - 1959 J. Piet Mondrian 1872 - 1944 K. Ludwig Mies Van Der Rohe 1886 - 1969 L. Le Corbusier 1887 - 1965 M. Max Bill 1908 - 1994 N. Tomas Maldonado 1922 - present O. Dieter Rams 1932 - present P. Jonathan Ive 1967 - present Q. Steve Jobs 1955 - present R. Naoto Fukasawa 1956 - present S. Jasper Morrison 1959 - present T. John Maeda 1966 - present



Bibliographie Livres - The laws of simplicity, John Maeda, ed. The MIT Press - La simplexité, Alain Berthoz, ed. Odile Jacob, 2009 - - & + le design dans la collection du fonds national d’art contemporain, CNAP & M. Baverey, 2003 - A human touch, Droog Design, ed. Droog, Amsterdam - Nendo, ed. Daab, 2006 - Histoire du design de 1940 à nos jours, Raymond Guidot, ed. Hazan, 2004 - The new scandinavian design, Katherine Nelson, ed. Chronicle books, 2001 - Le temps des magiciens, Bruno Jarrosson, ed. Mélétè le pommier 2009

Donald Norman, 2007 - Affordances, Coventions and Design, Donald Norman - Simplicity, David Van Voorhees - The search for simplicity: A fundamental cognitive principle?, Nick Chater - Simplicity, the ultimate sophistication, Joshua Porter - Le packaging entame une cure de simplicité, Sylvie Leboulenger, 2010 - Vive le basic business, Etienne Gless, 2010 - Simplexité ou la complexité rendue accessible, L’Entreprise no 286, 2010 - L’année sera simple et flashy, LSA n°2072, 2010 - Simplicity by design, Lisa Winand

- Design Introduction à l’histoire d’une discipline, Alexandra Midal, ed. Pocket - Jean Prouvé, objets et mobilier, ed. Le Moniteur - The paradox of choice, why more is less, Barry Schwartz, ed. Harper 2004 - Design handbook, ed. Taschen 2002 - Super Normal, N. Fukasawa & J. Morrison, ed. Lars Müller - Design, miroir du siècle, ed. Flammarion

Articles - Présentation, Catalogue MujiLife 2010 - Living with complexity, Donald Norman, 2007 - Time for designers to get back to basics, 2005 - Simplicity is not the answer, Donald Norman, 2006 - Le design comme valeur de refuge, Jean-Jacques Larrochelle, le Monde, 2010 - Simplicity is highly overrated,

Sites internet - Minimalisme (Art), Wikipédia - Minimalisme, http:// fr.academic.ru - Vers un art conceptuel 67

et minimaliste, http:// henrikaufman.typepad.com/ - Simplicity is highly underrated, blog - Why wouldn’t you want an Apple Ipad on your coffee table, blog - Getting to less, blog

Vidéos - Objectified, de Gary Hustwit - Design, ed. Arte Vidéos - Conférences sur TED.com - Conférence de Edgar Morin enregistrée le jeudi 18 mars 2010 à Reims (France) dans le cadre des “Troisièmes Assises Françaises de Sexologie et de Santé Sexuelle”.

Illustrations Illustrations redessinées à la main d'après modèles trouvés sur internet et dans les livres de la bibliographie.



ThĂŠodore Szpindel Theodore.Szpindel@hotmail.fr

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