ARCHITECTURE CITOYENNE
Vers une réinterprétation des rôles de l’architecte.
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MALLON, Jérôme
Mémoire présenté à l’Université d’Architecture de Liège, Août 2013.
Promoteur : Bernard Kormoss Co-promoteur : Petra Pferdmenges Coordination : David Tieleman, Stéphane Dawans
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Remerciements : A tous mes enseignants, particulièrement Petra Pferdmenges, pour son soutien et ses références, ainsi que Bernard Kormoss, pour ses conseils avisés. Merci également à ma famille et mes amis, qui ont eu le courage et la force de me supporter, et sans qui ce travail n’aurait peut-être jamais reçu de correction orthographique…
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ARCHITECTURE CITOYENNE Comment une jeune génération réinterprète t’elle le rôle public de l’architecte à travers un engagement social et citoyen ? Médiation |Co-production |Catalyseur |Co-auteur |Rôle public de l’architecte |Citoyen |Processus
THEMATIQUE La mission légale de l’architecte en Europe consiste en la conception des plans d’un projet et le suivi de son chantier. Influencés par les réflexions des utopistes des années 60’ sur l’organisation de la société et sa tendance à la consommation de masse, certains architectes n’ont cessé de s’interroger sur leur rôle social depuis, repoussant les limites du cadre légal de l’exercice. La période actuelle se caractérise, selon les medias, comme une période de profonde « crise » et de récession. Ce climat d’incertitude est un terrain d’exploration intéressant pour les professionnels de l’espace, les obligeant à reconsidérer la manière dont-ils pratiquent la discipline. Les systèmes institutionnels de production de l’espace connaissent leurs limites : trop long à mettre en place, trop couteux, peu efficaces, procédures rigides, tentatives de participation citoyenne rejetée. En parallèle on assiste, grâce aux nouveaux moyens de communications, à l’évolution d’une organisation citoyenne pour le droit à l’espace : une partie de la population se mobilise pour modifier son cadre de vie, l’améliorer, se l’approprier. Différentes appellations qualifient ces démarches : urbanisme « tactique » ou « pop-up », définissant une production spatiale informelle parfois illégale. Cette production spatiale caractérise le besoin d’une architecture sociale, inclusive et égalitaire. Elle se traduit dans l’élaboration d’une architecture citoyenne, dont l’investigation prend racine dans l’espace public. Ce travail de recherche vise à comprendre comment l’architecte peut se positionner par rapport à l’évolution du contexte socio-économique européen et en quoi les méthodes utilisées tendent à redéfinir son rôle en continuité, ou en rupture avec les utopies des années 1960.
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SOMMAIRE PREAMBULE Introduction Méthodologie Etat de la question Limites de la recherche Lexique
CONTEXTUALISATION DE 1960 A AUJOURD’HUI
9 10 11 13 17 18
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Introduction : héritage architectural et démocratie
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1. Les années 1960, berceau des utopistes 1.1 La « Team Ten » : rompre avec l’idéologie moderniste 1.2 Les situationnistes : remise en question du capitalisme 1.3 Cedric Price : donner le pouvoir à l’usager 1.4 Conclusion : de l’architecture pour les architectes
26 26 30 34 38
2. Les années 1980, une période de transition
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3. Les années 1990, émergence d’un « activisme civique » 3.1. City Minde(d) : se réapproprier la ville 3.2. Santiago Cirugeda : « architecture du silence » 3.3. Muf architecture/art : au-delà du bâti en tant qu’objet. 3.4. Conclusion : de l’architecture pour les citoyens 4. Les années 2000, avènement d’une crise 4.1. Une « crise » généralisée 4.2. Le titre d’architecte en Europe : mission, craintes et espoirs 4.3. Manifestations citoyennes pour un droit à la ville 4.4. Conclusion : de l’architecture par les citoyens 5. 50 ans de pratique, évolutions du rôle public de l’architecte
44 44 48 51 55 56 56 58 60 63
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CAS D’ETUDE
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Introduction Critères de sélection
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1. EXYZT 1.1 Présentation 1.2 Projet 1 : « Metavilla » a. Contexte b. Questionner les représentations de l’architecture c. Stratégie : l’architecture comme média 1.3 Projet 2 : « sur la place publique » a. Contexte b. Questionner les méthodes de concertation c. Stratégies de concertations 1.4 Projet 3 : « The reunion » a. Contexte b. Questionner l’utilisation de sites délaissés c. Stratégie : animation d’une friche 1.5 Conclusion
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2. 00:/ « Zero Zero » architectes 2.1. Présentation 2.2. Projet 1 : HUB westminster a. Contexte b. Questionner les lieux d’échange c. Stratégie : créer des plates-formes d’échange polyvalentes 2.3. Projet 2 : « Marylebone Free School » a. Contexte b. Questionner le fonctionnement des institutions c. Stratégie : utiliser les technologies de communication 2.4. Projet 3 : « WikiHouse » a. Contexte b. Questionner la propriété intellectuelle c. Stratégie : utilisation du « web 2.0 » 2.5. Conclusion
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3. Ecosistema Urbano 3.1. Présentation 3.2. Projet 1 : reconfiguration urbaine à Philadelphie a. Contexte b. Questionner les outils d’urbanismes. c. Stratégies : quatre axes de régénération urbaine. 3.3. Projet 2 : DreamHamar a. Contexte b. Questionner les outils participatifs. c. Stratégie : un système de « co-création en réseau » 3.4. Projet 3 : Eco-boulevard a. Contexte b. Questionner l’usage de l’espace public c. Stratégie : 3.5. Conclusion
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4. Comparaison des approches 4.1. Type d’organisation et demandes 4.2. Echelles et lieux d’interventions 4.3. Stratégies & tactiques d’activation citoyenne 4.4. Synthèse
CONCLUSION
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1. Des outils d’action réinterprétés, évolution du rôle de l’architecte
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2. L’architecte en tant que médiateur
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3. L’architecte en tant que coproducteur
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4. L’architecte en tant que catalyseur
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5. Vers une extension des rôles de l’architecte
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146 153
BIBLIOGRAPHIE TABLE DES ILLUSTRATIONS
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PREAMBULE
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INTRODUCTION Le travail de l’architecte ne peut pas se détacher d’un intérêt pour « l’autre », l’humain. C’est cette préoccupation, d’ordre social, qui se présente comme la base de la recherche menée au travers de ce mémoire. Elle se traduit dans l’engagement personnel de praticiens pour donner un maximum de pouvoir aux usagers, et développer par la même occasion une sensibilité et une conscience de l’espace public comme bien commun et lieu d’émancipation. Une nouvelle génération d’architecte met en avant des approches innovantes quant à l’inclusion du public, des usagers, des citoyens, dans les processus de réflexions architecturaux. Ces approches, dites « bottom – up »1 tendent à redéfinir les limites de la pratique architecturale et par extension, le rôle qu’y joue l’architecte. Dans une période où le mot « crise » ne cesse de revenir (crise de l’emploi, crise économique, crise environnementale, crise du logement, crise sociale) il semble que certains redoublent d’inventivité pour faire de la ville un endroit plaisant et partagé. C’est de cet intérêt pour une architecture engagée, citoyenne, parce qu’il s’agit bien d’une responsabilité civique de l’architecte, qu’est née l’envie de faire une recherche sur ces « nouvelles pratiques », jouant avec les frontières de l’architecture. Ainsi lorsque Buckminster Fuller2 en 1963 définit l’architecte comme « la synthèse d’un artiste, d’un inventeur, ingénieur, économiste et stratège »3 il appelle déjà à repousser ces frontières. C’est donc une série de questions qui découle de cette thématique : qui sont ceux qui ont posé les bases d’une approche civique de l’architecture ? Qu’est-ce qui différencie la démarche des précurseurs de celles des praticiens d’une jeune génération ? Comment ces architectes travaillent à mettre en œuvre une « architecture citoyenne » ? Quels rôles y joue l’architecte ?
En français « du bas vers le haut » ; Cela fait référence à une implication des citoyens, habitants, usagers dans la mise en place des projets. 2 Buckminster Fuller (1895-1983) Architecte, auteur, ingénieur, inventeur américain, connu pour ses projets futuristes. 3 Ouvrage : HYDE Rory. (12-10-2012) • Future Practice: Conversations from the Edge of Architecture. Editions Routledge. P19 1
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METHODOLOGIE La thématique sera donc investie à travers 3 parties : une contextualisation, des cas d’études et une synthèse. Chaque partie est riche d’exemples concrets, majoritairement composés d’architectes, mais pas uniquement. Ce qui permet d’avoir un regard élargi sur la perception de l’architecte, tout en ancrant le propos dans des cas d’études concrets. 1- La contextualisation permet de resituer les différents architectes et leurs influences dans le temps, ainsi que de revenir sur les enjeux auxquels est confrontée la jeune génération. . Cette partie reprend donc aussi bien l’historique que le contexte actuel, avec un regard sur la crise économique et la condition légale de l’architecte. Elle permet un ancrage théorique et temporel, auquel il sera possible de comparer les cas d’études pour en distinguer les éventuelles modifications, évolutions, différences… Quatre périodes sont rassemblées : les années 1960, 1980, 1990 et 2000. Ce découpage chronologique regroupe les évènements et les protagonistes les plus importants autour du questionnement de la responsabilité, du rôle public de l’architecte. Le choix des exemples résulte de leurs caractères représentatifs d’un plus grand nombre de praticiens. Le point de départ dans les années 1960’ est dû au fort développement culturel de cette période, caractérisé par une « architecture de papier », un tournant sera pris dans les années 1980, qui constitue toutefois une « période creuse » quant à la production. Puis les années 1990 marquent une forte expansion de démarches citoyennes et également le début d’une révolution des moyens de communication. Enfin les années 2000 regroupent un portrait de la situation socio-politique européenne (esquissé depuis les 10 dernières années à travers les yeux de praticiens). Un retour sur le rôle légal de l’architecte, tel que défini par l’Ordre des Architectes. Et enfin, les démarches de citoyens qui se mobilisent pour agir sur leur territoire. 2- Cas d’études. L’idée est de balayer un spectre d’approches large, représentatif d’un nombre plus important de praticiens jouant sur les frontières du métier, dépassant littéralement la mission légale afin de répondre à la question : comment les architectes remettent-ils en question leur rôle à travers une pratique de l’espace public ? Une liste de praticiens potentiellement intéressants à étudier du point de vue de la qualité et de la diversité des approches mises en place dans leur pratique professionnelle est établie. Trois agences sont retenues pour l’intérêt porté à la citoyenneté (pédagogie, « empowerment ») sur base de différents
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critères : diversité et complémentarité des approches (qui doivent pouvoir représenter un nombre plus grand de démarches), un accès suffisant à l’information, des localisations différentes. Ces « Agences4 » prennent place en Europe géographique et sont toutes créées après 2000. Ce choix est fait car il est important de maintenir la diversité socio-économique afin d’avoir un panel de réponse vaste. Il est certain que les conditions socio-économique en France et en Grèce ou en Espagne et en Angleterre, sont différentes, mais il serait incongru d’isoler chaque pays comme une entité propre, compte tenu des relations internationales que les praticiens mettent en place. Cette partie vise donc à comprendre quels types de stratégies, de méthodes sont mis en place par la jeune génération d’architecte pour agir. Pour résumer, les critères de choix des agences sont donc : leur position géographique, leur date de création, l’investissement sur la scène européenne et l’importance accordée à la redéfinition de la mission de l’architecte à travers leurs projets. D’autres agences auraient pu faire l’objet de cette étude approfondie mais c’est également l’accès aux informations qui a déterminé ce choix. Un contact par mail a été établi avec Exyzt, de nombreuses publications et l’ouverture de 00:/ et Ecosistema Urbano aux médias actuels permettent de renseigner l’étude de projet. 3- La dernière partie est donc la synthèse faite depuis l’approche théorique aux stratégies utilisées à travers 3 différentes définitions du rôle de l’architecte, inspirées par les parties précédentes. Ainsi qu’un « état des lieux » de l’évolution de ce rôle, mettant en relation les jeunes bureaux et le contexte historique. Les rôles sont volontairement inhabituels et ouvrent la porte à une réfléxion sur les limites de la pratique de l’architecture. Les 3 différents rôles définis se caractérisent par le rapport aux différents acteurs, la remise en question de droits d’auteurs, le volontariat et l’initiative.
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Le terme Agence est employé en référence à Spatial Agency, qui rappelle également que l’organisation hiérarchique des cas d’études est différente, toujours dans l’idée de balayer un spectre de pratiques d’architectes complémentaire : Exyzt étant une association à but non-lucratif, 00:/ et Ecosistema Urbano des bureaux d’architectures respectivement inscrit à l’Ordre des Architectes de leurs pays.
PREAMBULE
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ETAT DE LA QUESTION Les ressources qui traitent la thématique peuvent être regroupées en deux types : les ressources principales, et les ressources annexes. Les ressources principales sont celles qui ont forgé la réflexion et orienté la thématique. Trois ouvrages s’imposent comme incontournables en ce sens. L’ouvrage Spatial Agency, other ways of doing architecture5 s’est imposé comme la première référence pour constituer cette recherche. Il regroupe tous les praticiens et les théoriciens qui sont évoqués dans le mémoire, sélectionnés et rassemblés autour d’intérêts communs (politique, pédagogique, sociaux, écologiques). Le site internet (www.spatialagency.net) mis en place permet de disposer de la base de donnée et de l’actualiser, ainsi que de renvoyer vers d’autres ressources. Future Practices6, regroupe les interviews de différentes personnes impliquées dans le domaine architectural. L’objectif étant d’avoir un point de vue sur la redéfinition du rôle que peut jouer l’architecte dans la société, par rapport à l’évolution des demandes. Enfin, « Between the lived and the built »7, par Mélanie Dodd8, qui rappelle que « définir des rôles conventionnels pour l’architecte a toujours été une problématique »9. Découverte en fin de réflexion sur le mémoire, celle-ci a apporté une lecture différente et regard extérieur sur la manière d’exposer le sujet. Elle constitue une référence incontournable, qui présente l’architecte comme porteurs de différents rôles (artiste, politicien, éducateur, agent double, et local). A la différence de la thèse de Mélanie Dodd qui se concentre sur la pratique professionnelle de son Agence pour identifier et définir les rôles de l’architecte, ce travail approche la question dans un ensemble d’exemples diversifiés. Les ressources sont donc différentes selon les parties dont il est question.
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AWAN N, SCHNEIDER T, TILL J (2011). Spatial Agency other ways of doing architecture. Routeledge, NewYork 6 Ouvrage : HYDE Rory. (12-10-2012) • Future Practice: Conversations from the Edge of Architecture. Editions Routledge. 7 DODD Mélanie (2011) • Between the lived and the built: Foregrounding the user in design for public realm. RMIT, presse universitaire. 8 DODD Mélanie (1973-) est docteur en architecture, enseigne au RMIT Melbourne et dirige l’antenne Australienne du bureau Londonien Muf architecture/art. 9 ―A definition of the conventional roles of the architect has always been problematic for architects.‖ DODD Mélanie (2011) • Between the lived and the built: Foregrounding the user in design for public realm. RMIT, presse universitaire.
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Au deuxième plan se trouvent les ressources annexes. Le mémoire faisant appel à un grand nombre de références, et de dates, beaucoup d’ouvrages, d’articles ont été consultés. Ces ressources peuvent être synthétisées dans un développement chronologique. L’historique, qui commence avec la fin de la seconde guerre mondiale et la remise en question du modernisme dans les années 1960 est caractérisé par des groupes porteurs d’utopies tels que les Situationnistes, mouvement de philosophes et d’activistes représentés majoritairement par Guy Debord10. Pour aborder sa position théorique, des extraits de l’Internationale Situationniste (Formulaire pour un urbanisme nouveau11) ont été consulté, ainsi que l’article Les Situationnistes et les nouvelles formes d'action dans la politique ou l'art12, et l’ouvrage sur la Société du spectacle13. Dans l’ouvrage Archigram : Architecture without architecture14 un grand nombre d’information est rassemblé autour de la Team 1015 ainsi que sur les situationnistes, dont le travail a inspiré celui d’Archigram16. Le travail de Cedric Price17 se rapproche énormément de celui de Yona Friedman18, qui a donné plusieurs conférence enregistrée et consultable en ligne, notamment sur son concept de « Ville spatiale ». C’est donc un ouvrage de référence concernant les utopistes. A propos du contexte actuel, les principales ressources ont été les expositions menées récemment telle que l’exposition Re:Architecture au pavillon de l’arsenal à Paris ou la Biennale de Venise 2012, ayant pour thème « common ground » et abordant à plusieurs occasions la « crise » sous ses différents aspects, ainsi que les actions menées pour y répondre au pavillon U.S par exemple, ou à travers la
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Guy Debord (1931-1994) est un écrivain, essayiste, cinéaste et révolutionnaire français. IVAIN Gilles (pseudonyme utilisé par Ivan Vladimirovitch Chtcheglov) (06-1958) • Formulaire pour un urbanisme nouveau. Publié dans le N°1 du périodique l’internationale Situationniste. Edité par les sections de l’internationale Situationniste, dirigé par Guy Debord. 12 DEBORD Guy (1963) • « Les Situationnistes et les nouvelles formes d'action dans la politique ou l'art. » Édition originale trilingue (danois, français, anglais) Destruktion af RSG 6 Galerie EXI, Odense (Danemark). Réédition Mille et une nuits (La Petite Collection, n° 300), Paris, septembre 2000. [en ligne] URL : http://debordiana.chez.com/francais/action.htm (visité le 05-08-2013) 13 DEBORD, G (1967). • La société du spectacle. France : 3e édition des Éditions Gallimard (1992) 14 SADLER, Simon (2005) • Archigram, Architecture without architecture. Edité par MIT Press, Cambridge, Angleterre. 15 Team 10 : groupe d’architectes Européen, tentant de repenser les préceptes modernistes dans les années 6070. 16 Archigram est un groupe d’architecte qui cherche à prospecter les méthodes d’urbanisme. Fortement influencé par Cedric Price, ils manifestent contre la société de consommation. Le groupe se caractérise par la sortie d’une revue publiée entre 1961 et 1974. 17 Cedric Price(1934-2003) est un architecte d’origine Britannique. 18 Yona Friedman (1923- ) Architecte d’origine Hongroise, réputé pour ses projets utopiques. 11
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performance « Spain mon Amour », à laquelle la revue A+U consacre un article dans son numéro sur l’Architecture de post-crise19. Les autres ressources disponibles au sujet des répercussions de la crise sur la profession ont été principalement collectées en ligne, tel que les articles de Mimi Zeiger 20. C’est en réponse à une crise sociale et financière que des citoyens se mobilisent pour modifier leur cadre de vie, c’est le thème développé au pavillon U.S à la biennale de Venise 2012 et c’est également le thème développé dans l’ouvrage Tactical Urbanism21.Ces références posent la question du rôle de l’architecte et de celui du citoyen dans l’amélioration de l’espace public. Pour les études de cas, c’est à travers les sites internet des bureaux étudiés qu’une base d’information a été récoltée. Puis individuellement, des ressources ont été collectées par bureaux. Pour Exyzt, certaines publications sont trouvées au sein de périodiques spécialisés en architecture, mais des interviews sont consultables sur youtube, et le site de la mairie de l’un des projets choisis recoupe un rapport complet à son propos. Le site Métropolitique a mis en ligne un dossier22 sur la participation, lequel correspond bien au travail de recherche mené par le collectif. Leur pratique se référant principalement à l’usage temporaire de sites urbains délaissés, des ouvrages sont consultés sur le sujet tel que Temporary urban spaces23, qui apporte une vision complémentaire à la symbolique et au potentiel des projets abordés par le collectif. Pour le bureau 00:/ c’est à travers Compendium for Civic Economy24, ouvrage de référence publié par le bureau en collaboration avec le « design council CABE »25 et également des conférences en ligne que l’esprit du bureau est approché. Une interview est réservée à Indy Johar à propos de sa vision de la
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A+U (11-2012), NOBUYUKI Yoshida. Architecture in post-crisis + Glass architecture. N°506. Publié par A+U publishing company, Ltd. 20 Mimi Zeiger ( ) est journaliste et critique d’art et architecture. Elle fonde le journal « Loud Paper » aux EtatsUnis en 1997. Elle est directeur de communication à l’université d’architecture de Burbank, en Californie. 21 NextGen ; The StreetPLans collaborative; LYDON, Mike (2012) • Tactical Urbanism : Short term action, long term change Volume 2 22 Article : Collectif Etc (26-09-2012)• « Expérimenter avec les habitants : vers une conception collective et progressive des espaces publics », Métropolitiques. 23 HAYDN, Florian. (2006) • Temporary Urban Spaces: Concepts for the Use of City Space. Editions Birkhauser. N’est plus edité. 24 00:/, NESTA, Design Council CABE (2011) • Compendium for civic economy . Londres editions 00. 25 Commission for Architecture and the Built Environment
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profession d’architecte dans Future Practices26.Des périodiques spécialisés en architecture tels qu’A+U27 ont également publiés leurs projets. Le travail d’Ecosistema urbano28 est également approché à travers leur site internet mais aussi depuis des plate-forme d’échange (web)29 qu’ils ont mis en place pour mener à bien le processus des projets en question, ainsi qu’à travers des rapports européen d’étude auxquels ils ont participé tel que Urbact30. Une recherche d’articles écrits par des personnes ayant participés à leurs interventions ainsi que dans les revues spécialisées d’architectures telles qu’A+t31 permettrons de compléter les ressources. Pour conclure sur la redéfinition du rôle de l’architecte à travers la pratique depuis les différents cas d’étude et sur base de l’approche théorique et contextuelle vue dans les chapitres précédents, deux ouvrages m’ont permis de confirmer et d’approfondir la thématique : Alterarchitecture32, nous donne un aperçu à travers de nombreux projets d’une pratique engagée d’architectes désireux de répondre aux enjeux sociaux et environnementaux, et conclue sur une série de texte, d’auteurs contemporains et du passé sur la question de la ville européenne et de sa place dans le territoire faisant écho à une redéfinition du rôle de l’architecte. Organizing for Change33 publié suite à une série de conférences ayant débutées en 2002 sur l’architecture comme milieu d’échange multidisciplinaire, avec pour objectif principal d’enquêter sur les effets du marché économique sur la pratique des architectes et d’identifier comment le contexte sociétal leur permet de justifier leurs activités.
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Ouvrage : HYDE Rory. (12-10-2012) • Future Practice: Conversations from the Edge of Architecture. Editions Routledge.vf:f: cfv 27 A+U (11-2012), NOBUYUKI Yoshida. Architecture in post-crisis + Glass architecture. N°506. Publié par A+U publishing company, Ltd. 28 http://www.ecosistemaurbano.com/ est un bureau multidisciplinaire d’architecture basé à Madrid. 29 http://www.dreamhamar.org/ 30 http://urbact.eu/ projet de promotion du developpement durable lancé par la commission Européenne, différents acteurs ont pu proposer leur participation, dont ecosistema urbano. 31 A+T (2011), AURORA FERNANDEZ Per, Javier MOZAS. Strategies and Tactics in Public Space N°38 32 Ouvrage : PAQUOT Thierry, MASSON-ZANUSSI Yvette, STATHOPOULOS Marco (2012)• Alter Architectures Manifesto : observatoire des processus architecturaux et urbains innovants en Europe. Editions Eterotopia et Infolio, Paris. 33 Ouvrage : SHAMIYEH Micheal, and DOM Research Laboratory (2007) •Organizing for Change. Editions Birkhäuser, Bâle, Suisse.
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LIMITES DE LA RECHERCHE Concernant l’historique et le contexte actuel, il est important de préciser que le mémoire est une synthèse d’un grand nombre d’information, en ce sens il est impossible d’entrer en profondeur dans le travail de chacun des protagonistes à travers toutes leurs œuvres. Le mémoire n’est donc pas un traité de philosophie ou de sociologie, mais dresse un portrait de tendances actuelles auxquelles sont confrontés les architectes qui les poussent à aborder l’architecture au sens large, en redéfinissant les limites de la profession, notamment à travers la pluridisciplinarité, l’engagement social et la modification des missions attribuées dans le légal. La recherche historique se limitera aux années 1960 avec une brève introduction sur le début du XXème siècle. C’est à partir de cette période que les protagonistes les plus importants apparaissent pour les praticiens dont je parlerai. Par rapport au contexte économique et social contemporain, les aspects de la crise financière seront abordés à travers les yeux d’architectes, je ne rentrerai pas dans les détails des différents facteurs qui ont menés à la crise financière de 2008, le mémoire n’étant pas non plus un traité d’économie. L’actualité du sujet suppose un regard critique qui n’est pas permis par le recul temporel, les conclusions ne sont donc ni des prédictions, ni des définitions au sens propre, elles sont la synthèse de l’étude et l’ouverture sur un rôle qui dépasse la mission légale de l’architecte. Il faut préciser également que certains architectes qui seront cités ont tendance à s’approprier les concepts théoriques de certains philosophes, je n’entrerai pas dans les détails de ces concepts théoriques, qui nécessiteraient de parcourir tous leurs travaux et n’intéresseraient pas la thématique.
PREAMBULE
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LEXIQUE Avant de rentrer dans le vif du sujet, un bref retour sur les termes employés est nécessaire. Leurs définitions pouvant être associées à certaines ambiguïtés ou à un caractère restrictif, il convient de les éclaircir, afin d’en apprécier le sens tel qu’il sera développé au cours de ce travail. Architecture L’architecte, selon le dictionnaire est une « personne qui conçoit le parti, la réalisation et la décoration de bâtiments de tous ordres, et en dirige l'exécution. »34 Cette définition limite la profession à des préoccupations d’ordre esthétique, technique et budgétaire. Mais également associe l’idée de l’architecte à une personne seule, responsable de ces tâches. Or aujourd’hui, l’architecture tend à se décloisonner pour s’ouvrir à des domaines de recherches annexes. Le terme « architecture » semble limité au domaine du construit. Si pour beaucoup, le terme architecture évoque celui du bâtiment, il ne s’y limite pas. On parle par exemple « d’architecture des réseaux », qui fait référence au système d’ « Organisation des divers éléments constitutifs d'un système informatique, en vue d'optimiser la conception de l'ensemble pour un usage déterminé. »35 Cette définition évoque quelque chose d’immatériel, la notion d’organisation. Si l’architecture fait référence au construit, elle peut également faire référence au « vécu » et englobe avec elle les différents processus qui mènent à un résultat. L’idée courante que la pratique de l’architecture se limite à l’acte de construire implique une dépendance aux marchés économiques. On aurait donc tendance à penser qu’elle se limite à celles-ci. Citoyenneté En France par exemple, le citoyen est une personne de 18ans au moins, disposant de droits (vote, accès à la fonction publique) et de devoirs (respect des lois, impôts…) envers l’Etat. La notion de citoyen renvoie donc à celle de nationalité et exclut un grand nombre d’usagers de nos villes : enfants, minorités culturelles, personnes en attente de papiers etc…
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Dictionnaire Larousse [en ligne] URL : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/architecte/5072 (visité le 02-08-2013) 35 Dictionnaire Larousse [en ligne] URL : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/architecture/5078?q=architecture#5053 (visité le 02-082013)
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Pourtant ces minorités sont des acteurs de l’espace public qui, comme tous les êtres humains, selon les droits de l’homme, naissent libres et égaux en droits. L’expression « citoyen du monde » exprime par ailleurs le désir d’en faire un concept universel. La citoyenneté renvoie également à une connotation politique, liée à la démocratie, c’est-à-dire « le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ». Si le droit de vote est la principale expression du pouvoir du citoyen, nous avons parfois tendance à oublier qu’en dehors des élections, nous disposons toujours d’un pouvoir, et d’un devoir d’action. L’accès à la citoyenneté étant limitée par des critères de sélection, revenons à sa définition antique, par Aristote, qui en détermine trois aspects : « la liberté du citoyen, qui lui permet de se déterminer par luimême ; la référence à un « bien commun » de la cité, supérieur aux intérêts des particuliers ; enfin, l'égalité, qui permet à tous les citoyens de concourir à la formation de la loi et les soumet aussi à ses obligations.»36 La référence d’Aristote au « bien commun » fait appel à la notion d’espace public. Le citoyen est donc un acteur politique, et avant tout un usager de l’espace public. Espace public L’espace public est le lieu appartenant à tous les « citoyens ». Lieu d’échange, de vie, de jeu, de culture, chacun est censé y être égal. L’espace public aujourd’hui ne se résume pas à son aspect physique, mais il s’étend également à l’espace public virtuel, compte tenu de l’utilisation abondante des technologies de communications. Rôle public Chacun est investi d’un rôle public. Il s’agit autrement dit d’une responsabilité envers les autres. Chaque citoyen, chaque acteur de l’espace public doit en ce sens respecter un ensemble de règles, de lois. Le rôle public de l’architecte passe donc par sa responsabilité quant à la qualité des bâtiments qu’il propose (sécurité, technique…), mais également envers les usages qu’il peut susciter, développer ou renforcer chez les citoyens, les usagers.
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Encyclopédie Larousse [en ligne]. URL : http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/citoyennet%C3%A9/34196 (consulté le 02-08-2013)
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L’architecte, de par son titre, est donc porteur d’un rôle pédagogique et moral. Ce qui définit ce rôle dans la recherche, c’est l’acte architectural : depuis le processus jusqu’à l’aboutissement, qu’il soit construit, écrit ou immatériel. C’est à travers les processus qui mènent au projet que les différents rôles de l’architecte sont décryptables et qu’il est possible de leur donner une interprétation. Dans l’identification de ces rôles réside une part d’interprétation, dans le sens où ils sont multiples et pourraient être exprimé différemment. La recherche ne se veut pas en cela exhaustive mais tend à comprendre l’évolution que ces rôles ont subis au cours du temps, et comment la génération actuelle leur donne vie à travers des exemples concrets de projets. Architecture citoyenne Nous sommes donc tous « citoyens », utilisateurs de l’espace public, et nous investissons tous au cours de notre vie différents rôles. L’architecte, qui peut jouer différents rôles ne quitte jamais celui de citoyen. De la même manière que la démocratie est faite par le peuple pour le peuple (en théorie), assiste-t-on à l’évolution d’une architecture par les citoyens pour les citoyens ? Ou l’architecture reste-t-elle un domaine qui échappe dans ses fondements aux citoyens ? L’architecture devient « citoyenne » lorsqu’elle transmet les valeurs fondamentales de la démocratie, qu’elle devient le média, le support ou le lieu d’activités qui permettent à chacun de s’épanouir, d’apprendre, de transmettre et donc de « gagner du pouvoir ». L’architecture citoyenne est porteuse de « valeurs qui se trouvent en dehors des termes de références du marché économique, celles d’une justice sociale, environnementale et éthique »37 et un désir « d’empowerment », c’est à dire littéralement de « donner du pouvoir ». L’architecture citoyenne est limitée par la créativité de ceux qui l’initient. Elle se manifeste particulièrement dans l’espace public, elle peut être matérielle ou non.
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Ouvrage : AWAN N, SCHNEIDER T, TILL J (2011). Spatial Agency other ways of doing architecture P28.
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Figure 1 : « the architect’s new atlas ». Source : pro-toto. [en ligne] : http://pro-toto.eu/ (visité le 05-08-2013) Le bureau d’architecture est représenté par le pôle nord, menacé par le réchauffement climatique. Les pays symbolisent quant à eux les différents domaines qui influent sur le bureau d’architecture. Une île qui semble sortir des eaux constitue une « nouvelle pratique de l’architecture ».
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CONTEXTUALISATION : DE 1960 A AUJOURD’HUI
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INTRODUCTION : HERITAGE ARCHITECTURAL ET DEMOCRATIE Si les années 1960’ s’établissent comme un point de départ de la recherche, c’est en se positionnant contre les principes établis dans l’héritage architectural. La question de l’implication sociale de l’architecte n’a probablement jamais quitté sa propre réflexion mais comment cela s’est-il manifesté ? Le modernisme, ou « mouvement moderne »38 cherche une définition de l’architecture en adéquation avec son temps. Caractérisée par l’essor industriel, et marqué par la guerre, des conceptualisations différentes se rassemblent au sein de ce mouvement, dont le fonctionnalisme. Mettant à profit les nouveaux matériaux à la recherche d’un langage épuré et fonctionnel il est illustré par l’école technique du Bauhaus en Allemagne et des architectes tels que Le Corbusier39. Si les questions soulevées par ce mouvement sont essentiellement d’ordre esthétique et formel, certains interrogent l’architecture comme porteuse de valeurs sociales au même moment. Ces idées dérangent et seront vite évincées. C’est ainsi que se retrouve « rayé de l’histoire » Hannes Meyer40, directeur de 1928 à 1930 de l’école du Bauhaus41, il y apportera des modifications non négligeable dans l’enseignement (ateliers transversaux, ouvertures à des domaines annexes tels que la sociologie) ainsi que l’intérêt qu’il porte à l’avis des habitants et des citoyens quant à leurs besoins dans la mise en place de ces projets. Les CIAMs42 (Congrès Internationaux d’Architecture Moderne), dans lesquels Le Corbusier tient une place importante véhiculent de la pensée fonctionnaliste, selon laquelle l’architecte est une sorte
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Mouvement qui prend naissance dans la seconde moitié du XIXè siècle jusqu’à la moitié du XXème siècle. Le Corbusier (1887-1965) Architecte d’origine Suisse, il posera les 5 critères qui définissent selon lui une architecture moderne. 40 Hannes Meyer (1889-1954) est un architecte d’origine Suisse. Il dérange car il s’intéresse de près aux théories marxistes, qui sont à contre-courant des valeurs occidentales. 41 Le Bauhaus est un Institut des arts et métiers fondé à Weimar (Allemagne) en 1919 par Walter Gropius. L’idée de la création de cet institut relève de l’envie de rassembler les artisans et les artistes autour d’un même établissement pour éviter une séparation de classes sociales. 42 Congrès Internationaux d’Architecture Moderne. Le premier à lieu en 1928, le dernier en 1959 39
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de « directeur artistique » des besoins humains, auquel il est possible de répondre par des « standart » 43. Les CIAMs réuniront les architectes impliqués pour poser les bases d’un urbanisme nouveau, censé répondre au mieux aux besoins de ses usagers et aux problématiques urbaines de l’époque. Ces préoccupations d’ordre sociales font écho au contexte socio-économique avec la naissance des bases de l’Europe que nous connaissons aujourd’hui. Bien qu’il n’ait encore que très peu de pouvoir décisionnel, la création du Conseil de l’Europe en 194944 fait une « spécificité européenne […] de l’enracinement de la démocratie et de l’Etat de droit »45. Cet engouement pour la démocratie et les droits de l’homme vont de pair avec un questionnement sur le rôle public de l’architecte. Apporté par la jeune génération d’architectes, ce questionnement se traduit par une réaction aux principes du fonctionnalisme et sa définition de l’architecture, mettant en avant les droits de l’homme et du citoyen.
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Le Corbusier (1977) Vers une Architecture. Paris : Arthaud. Le Corbusier commet volontairement des fautes d’orthographes pour faire des jeux de mots. P115 44 http://europa.eu/about-eu/eu-history/index_fr.htm A propos de l’histoire de la création de l’Europe. 45 PAQUOT Thierry, (2012) Alter Architectures Manifesto. Paris: infolio, eterotopia. Marie-Hélène Contal: directrice adjointe de l’institut français d’Architecture. P 185
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1. LES ANNEES 1960, BERCEAU DES UTOPISTES C’est dans les années 1960 que l’Europe s’émancipe énormément quant aux droits de l’homme et de l’expression. Des évènements comme la révolution étudiante de Mai 68, critique ouverte contre le capitalisme ayant vite conquis toute la France donne une bonne idée de l’état d’esprit dans lequel la jeune génération de l’époque se trouve, c’est-à-dire la remise en question des systèmes établis, le désir d’une lutte pour ses droits et son devenir, une lutte citoyenne. 1.1 La « Team Ten » : rompre avec l’idéologie moderniste. C’est dans le contexte des CIAM (Congrès International d’Architecture Moderne) que se rencontreront les jeunes architectes qui vont former le groupe de la « Team Ten »46. Après la seconde guerre mondiale se joindront aux CIAM de jeunes et nouveaux membres, alors que ces congrès sont majoritairement dirigés par Le Corbusier. Désireux d’en actualiser les idées et l’organisation, c’est un conflit de génération qui va se créer au sein des CIAM. Ce que remet en question la jeune génération, c’est l’approche rationaliste et techniciste du modernisme47, exprimée entre autre dans la charte d’Athènes. Rédigée en 1933 à la suite des CIAM, la Chartes d’Athènes définit les principes d’un urbanisme nouveau pour la reconstruction des villes : des zonages en fonction des activités différentes (habiter, travailler, se divertir, se déplacer), hiérarchie des voiries (dessertes, voies rapides), espaces nécessaires entre les immeubles. Sans renier ses apports, ils revendiquent une architecture qui vit dans son temps, et qui marque le passage d’une société organisée par l’industrialisation à une société fragmentée par le consumérisme. C’est après le congrès d’Otterlo en 1959 qu’un terme est mis aux CIAM. C’est à ce moment que commencent à se réunir de manière informelle les architectes de la « Team Ten », qui ne se déclarera pas formellement sous ce nom immédiatement.
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La Team Ten (littéralement « groupe de 10 ») n’est pas limité à 10 architectes mais subira des évolutions au cours du temps. Les plus actifs seront : George Candilis (1913-1995), Rolf Guttman (1926-2002), Aldo Van Eyck (1918-1999), Jaap Bakema (1914-1981), Giancarlo De Carlo (1919-2005), Peter (1923-2003) et Alison (1928-1993) Smithson, Shadrach Woods (1923-1973). 47 Alison Smithson (1974), Team 10 Primer, MIT Press (première edition 1962) The aim of Team 10 : « They came together in the first place, certainly because of mutual realization of the inadequacies of the processes of architectural thought which they had inherited from the modern movement as a whole, but more important, each sensed that the other had already found same way towards a new beginning. » [en ligne] URL : http://www.team10online.org/
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« Pour eux « construire » à un sens particulier, qui confère à l’architecte une responsabilité vis-à-vis de l’individu et de la collectivité. Il se doit de prendre en compte l’appartenance à une structure collective et en assurer la cohésion, c’est une priorité absolue. »48 C’est de cet intérêt pour la relation qu’il existe entre une communauté et son territoire qui fait de l’aspect social une spécificité chez eux. Ils s’inspireront chacun de mode d’habiter « différent » des modèles occidentaux à travers leurs voyages (bidonville, habitat nomade, berbère…). L’autre, l’inconnu, c’est ce qui différencie radicalement l’approche de la Team Ten de celle des autres Fonctionnalistes. En effet, « L’autre devient ici un nouvel outil de l’intellectualité. […] c’est par rapport à lui que les acteurs du Team Ten cherchent à produire de l’altérité et de l’alternative. »49 Alison (1928-1993) et Peter (1923-2003) Smithson seront des membres très actifs de la Team Ten, ils seront les membres les plus jeunes et resteront actif jusqu’aux dernières réunions de l’équipe. Alison va officieusement devenir le journaliste du groupe à travers ces publications, incluant l’ouvrage Team 10 Primer50. Tous deux étaient enseignants et cherchaient activement à résoudre des problèmes allant de la mobilité à l’identité individuelle et collective. Ils mirent en place le concept de « human association » dans lequel ils tendent à trouver une définition plus « adéquate à la dimension collective de l’architecture et de l’urbanisme »51. Cette démarche s’illustre dans la grille « urban re-identification » c’est une réinterprétation des principes de la charte d’Athènes qui se réfère à la grille CIAM52 (FIG 2) où les 4 fonctions (habiter, travailler, se recréer, circuler) sont associées à des échelles (la maison, la rue, le quartier, la ville).
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Ibid :« For them 'to build' has a special meaning in that the architect's responsibility towards the individual or groups he builds for, and towards the cohesion and convenience of the collective structure to which they belong, is taken as being an absolute responsibility. No abstract Master Plan stands between him and what he has to do, only the 'human facts' and the logistics of the situation. » 49 BERGER Martine, ROUGE Lionel (2012). Etre logé, se loger, habiter : regards de jeunes chercheurs. Editions L’Harmattan, Paris. P162 50 Alison Smithson (1974), Team 10 Primer, MIT Press 1974 (première edition 1962) 51 http://www.team10online.org/ 52 Grille CIAM d’urbanisme : mise en application de la Charte d’Athènes, Boulogne, Architecture d’Aujourd’hui, 1948.
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Des images d’enfants sont intégrées sur les grilles en ignorant les fonctions (FIG 3). Ces images sont en fait issues de photographies prises dans des quartiers de Londres considérés comme des « slums » (bidonville) qui sont sujets à des observations sociologiques.53 Ces observations mènent à découvrir non pas une population miséreuse et chaotique, mais des valeurs communautaires fortes, une notion de la famille étendue et le sentiment d’appartenir à un territoire. Ce qu’Alison et Peter Smithson perçoivent c’est le contre coup des méthodes d’urbanismes qui sont prônées par les modernistes, uniformisant les uns et les autres sans prendre en considération leur contexte social. S’il faut reloger ces habitants dans une nouvelle forme d’habitat, il convient de prendre en compte leur appartenance à cette communauté et à définir leurs besoins tels qu’ils sont réellement. L’importance de l’habitant, de l’usager, du citoyen est vitale pour faire d’une opération urbanistique une réussite. C’est cette prise de conscience de l’usager comme expert de son territoire qui marque un tournant avec le modernisme. La Team Ten revendique un architecte conscient du contexte dans lequel il construit, conscient de la différence entre les individus. L’ancrage dans le vécu de la ville renvoie aux travaux des Situationnistes, qui ne cessent de rappeler l’importance des actes quotidiens et qui se dressent contre une architecture autoritaire, média de l’image d’une société capitaliste. Paradoxalement, si ils se veulent porteurs d’une architecture « sociale » ils seront eux même victime d’une remise en question par la société avec les révolutions étudiantes de mai 68 qui interrompront la réunion organisée par Giancarlo de Carlo54 pour la triennale de Milan. Cependant la Team Ten ouvre le champ du rôle public de l’architecte : l’implication citoyenne se marque dans le rapport à la collectivité, avec qui des négociations sont menées. Ils s’imposent comme des médiateurs entre le public n’ayant pas de pouvoir sur les décisions urbaines et les institutions décidant des opérations de grandes ampleurs.
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Observations sociologiques réalisées par YOUNG et WILLMOTT, regroupées dans l’ouvrage Family and Kinship in East London (1957). Edité en France sous le nom Le village dans la ville, Paris, CGP, 1983. 54 Giancarlo de Carlo (1919-2005) est un architecte et urbaniste Italien, l’un des membres fondateurs du Team Ten. Pour lui la participation des usagers dans le processus de création et le rôle politique inhérent de l’architecte demeure une préoccupation certaine
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Figure 2 : Grille CIAM d’urbanisme. |Tableau d'exposition (extrait de "Grille CIAM) (1949) | publié par Ascoral", éd. de l’AA.
Figure 3 :« urban re-identification » |Peter et Alison Smithson. | Grille CIAM 9 (1953)| photographies de Nigel Anderson | Fond d’archive Smithson. Sur la même base que le tableau d’origine, les architectes ont introduit des photos d’enfants jouant, qui ne respectent pas les différents « zonages » prévu par la Grille CIAM.
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1.2
Les situationnistes et Henri Lefebvre: remise en question du capitalisme
« Le mouvement Situationniste apparait à la fois comme une avant-garde artistique, une recherche expérimentale sur la voie d’une construction libre de la vie quotidienne […] »55 Situationnisme : « mouvement anarchiste international qui lutte contre les structures actuelles de la société.»56 D’après les deux citations précédentes on peut avoir une idée du débat controversé qui anime la position des Situationnistes, vu par certains comme des anarchistes luttant contre à peu près tout ce qui constitue la société, ils sont reconnus par d’autres comme étant d’avant-garde pour la maturité de leurs questionnement. En 1957, après une semaine de débat entre Guy Debord (1931-1994) et 6 autres jeunes contestataires, l’Internationale Situationniste57 voit le jour. Ce journal positionne la question de l’urbain au centre des préoccupations. Ayant collaboré momentanément avec Henri Lefebvre (1901-1991), leurs perceptions de la ville et la « production de l’espace » se rejoignent sur certains points. Dans son œuvre De l’Etat58, Henri Lefebvre se base sur la vie quotidienne pour comprendre le monde moderne. Prenant conscience de la dépendance de l’homme à la consommation, il cherchera à le libérer. Il se charge donc de mieux comprendre les rapports entre espace et société. L’un des concepts clé de sa (vaste) carrière sera la Production de l’espace59, qui est en quelque sorte la finalité du métier d’architecte (et d’urbaniste). Il refuse les conceptions trop abstraites et met en place une analyse qui part des « pratiques et des contenus sociaux concrets […]»60. Pour lui la solution pour changer la société se trouve également dans la quotidienneté et c’est par l’autogestion généralisée que c’est possible.
55
SIMAY Philippe (2008) Une autre ville pour une autre vie. Henri Lefebvre et les situationnistes. Le Monde, 14 févr. 1968ds Gilb. 1980. 57 Journal dont paraîtrons 12 numéros entre 1958 et 1969 58 LEFEBVRE Henri (1978)• De l’Etat. Paris : Union générale d'éditions, 59 LEFEBVRE Henri (1974) •La production de l’espace, Paris : Anthropos. 60 AJZENBERG Armand (03-2011) • Henri Lefebvre, le retour ? P10 La somme et le reste, 56
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Pour Lefebvre et les Situationnistes, Le Corbusier poursuit « l’entreprise de domestication et de contrôle commencée par Haussman61 »62.Sous-entendu la domestication et le contrôle de l’espace public, qui doit pouvoir à tout prix être gardé sous surveillance, et dont les usages doivent être régis (cfr : chartes d’Athènes). La rue est l’expression de la liberté et doit laisser place à l’inconnu, la rencontre, la surprise, le jeu. C’est dans cet esprit que Guy Debord, développe la Théorie de la dérive en 1958, qu’il définit comme une « technique du passage hâtif à travers des ambiances variées. »63 C’est donc une méthode d’appréhension de la ville en tant « qu’expérience vécue ». A cette démarche exploratoire s’ajoute une phase d'analyse ayant pour but de déterminer les « articulations psychogéographiques »64 de la ville, c’est-à-dire « les effets précis du milieu géographique, consciemment aménagé ou non, agissant directement sur le comportement affectif des individus.»65 (FIG4). C’est ce qui se traduit graphiquement dans une carte de Paris dont les quartiers ont étés découpés et assemblés de manière distincte. Ce concept est une révolution car il appelle à percevoir la ville d’une autre manière que l’urbanisme traditionnel : c’est une approche sensible, qui tente d’évaluer une influence de l’environnement sur les relations entre ses usagers. Cette réflexion appelle donc à réfléchir l’urbanisme en toute conscience d’une réalité locale et du comportement des habitants. En effet l’habitant est considéré comme un agent actif de son territoire, qui doit assumer et prendre en main son rôle de citoyen. Pour permettre à tous d’agir dans l’espace public, l’article formulaire pour un urbanisme nouveau66 fait l’éloge d’une « architecture mobile », qui peut se transformer et évoluer, outil de création de « situations », redonnant goût au citoyen aux plaisirs du quotidien. L’architecture est un moyen « d’articuler le temps et l’espace, de moduler la réalité, de faire rêver »67.
61
Haussman (1809-1891) a dirigé les grandes transformations de Paris sous le second Empire. SIMAY Philippe (2008) Une autre ville pour une autre vie. Henri Lefebvre et les situationnistes. 63 DEBORD, Guy (1958) Théorie de la dérive. Internationale Situationniste n°2, Paris, Fayard, 1997 p51. 64 SIMAY Philippe (2008) Une autre ville pour une autre vie. Henri Lefebvre et les situationnistes 65 DEBORD, Guy (1958) •Théorie de la dérive, Internationale situationniste n°2 (1958-1969), Paris, Fayard, 1997 p 51 66 Internationale situationniste, numéro 1, 1958. « Formulaire pour un urbanisme nouveau ». Paris, Fayard. 67 Ibid 62
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Dans la lignée pour un urbanisme nouveau, Constant Nieuwenhuys68 (1920-2005) a développé le projet « New Babylon » (FIG 5), qui étudie une hypothèse de cité basée sur l’autonomie, la propriété collective des terres et l’abolition du travail qui permettrait de mener une vie libre. Influencée par les styles de vie nomade, son hypothèse est considérée comme la représentation de la ville des Situationnistes. Le projet est envisagé par Constant comme une réelle hypothèse de ville future, il se concentre sur la « construction sociale des espaces, et de tous les aspects d’une ville contrôlée par ses citoyens, qui seraient en mesure de mettre en place de nouvelles atmosphères et situations dans l’infrastructure donnée »69. En tant qu’architecte, Constant imagine donc le citoyen comme maître de l’espace public, qu’il gérerait de son plein gré et sans contrainte, sans être victime d’un contrôle. Ce projet peut faire penser d’une certaine manière à l’approche Marxiste70, dont Hannes Meyer percevait déjà le potentiel dans les années 1930 et pour lequel il fut mal accueilli par ses confrères. Pour synthétiser, la critique de la production de l’espace par les Situationnistes et Henri Lefebvre passe par 3 domaines incontournables : -
des règlements d’urbanisme, qui devraient être plus souples et adaptés une approche locale, prenant en compte la manière d’interagir et de vivre des habitants une remise en question du système économique capitaliste, qui cherche la production effrénée à n’importe quel prix, et qui aliène l’homme à des besoins matériels.
Ils placent l’architecte (en tant que producteur d’espace) au-delà de responsabilités purement techniques et esthétiques, mais lui donnent un rôle d’informateur, il est pour eux le garant de la qualité du vécu des villes. L’architecture « sera un moyen de connaissance et un moyen d’agir »71 . Une architecture mobile, flexible, qui peut être librement appropriée et réinterprétée est un outil d’action qui permet de rendre cela possible.
68
Constant Nieuwenhuys (1920-2005) est l’un des fondateurs de l’International Situationniste. C’est un artiste peintre, sculpteur et architecte d’origine Hollandaise, réputé pour ses projets utopiques.. 69 AWAN N, SCHNEIDER T, TILL J (2011). • Spatial Agency. P 178 70 MARX, Karl (1818-1883) est un théoricien Allemand socialiste et communiste. Il cherche une alternative au système capitaliste à travers le lien communautaire. Il sera très actif pour protéger les droits des classes inférieurs. 71. AJZENBERG Armand (03-2011) • Henri Lefebvre, le retour ? P10 La somme et le reste,
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Figure 4., Guide psychogéographique de Paris | Guy DEBORD | Discours sur les passions de l’amour, pentes psychogéographiques de la dérive et localisation d’unités d’ambiance, dépliant édité par le Bauhaus Situationniste, imprimé chez Permild & Rosengreen, Copenhague, mai 1957. Représentation graphique du détournement d’une carte de Paris en carte « psychogéographique ».
Figure 5. Maquette, New Babylon | Constant NIEUWENHUYS |[en ligne] URL : http://laboratoireurbanismeinsurrectionnel.blogspot.be/2011/05/utopisme-ou-realisme.html (visité le 06-082013) Le projet New Babylon de Constant est imaginé comme pouvant revêtir différentes « peaux » permettant de palier au problème de monotonie du modernisme.
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1.3
Cedric Price: donner le pouvoir à l’usager
Moyen de connaissance, moyen d’agir, c’est également ce que Cedric Price72 (1934-2003) veut propager comme vision de l’architecture. Selon lui, un bâtiment n'est pas fait pour durer, mais au contraire pour évoluer, l’une de ses préoccupations principales est en ce sens la flexibilité. Il trouve futile les préoccupations formelles et remet même en question l’acte de construire qu’il « suspecte d’être trop souvent lié au désir des institutions d’asseoir et de consolider leur pouvoir. »73, il sera d’ailleurs à l’époque le seul architecte Britannique membre de l’Institut Britannique pour les entrepreneurs de la démolition74. Le projet qu’il réalise en 1971 à Kentish en Angleterre, « Inter-action Center » est un manifeste pour une rupture avec l’architecte tel que pensé par les modernistes. Le bâtiment est réalisé en toute conscience d’une durée de vie limitée à 20ans, un manuel sera édité pour permettre sa déconstruction, permettant la réutilisation de sa structure en acier. Cedric Price s’opposera aux conservateurs (qui tentaient de défendre son bâtiment) lorsqu’il s’agira de penser un redéveloppement du site. Il contredit l’intention des modernistes d’inscrire leurs réalisations dans le temps avec des structures lourdes. Il anticipe une société dynamique, changeante, et prévoit l’évolution des besoins des usagers. Le bâtiment sera donc démonté en 2003. L’un des concepts qui caractérise ses recherches est l’idée de « non-plan » qui s’oppose à la politique de gestion de l’espace et aux règlements d’urbanismes fonctionnalistes. Il appelle à un meilleur contrôle citoyen sur son environnement bâti, permettant à la population de s’autogérer. L’idée est développée avec le journaliste Paul Barker75, constatant les effets néfastes des interventions horséchelle, ils proposent de mener une expérience sur différents quartiers en les libérant des contraintes normatives. L’aboutissement et les conclusions de ce projet restent vagues, cependant la vigueur avec laquelle Cedric Price accuse l’Angleterre d’avoir « peur de la liberté » démontre son engagement social. Cedric Price met en avant qu’il est extrêmement difficile de décider de ce qui est bon pour les autres. Le concept de « non plan » pousse à s’interroger sur la forme que l’autogestion prendrait…
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Cedric Price (1934-2003) est un architecte d’origine Britannique, il étudiera à la célèbre école « Architectural Association » de Londres. Bien qu’il n’ait réalisé que peu d’ouvrages, ses travaux comportent des valeurs d’avant-garde. 73 AWAN N, SCHNEIDER T, TILL J (2011) • Spatial Agency other ways of doing architecture. P189 «[…] his suspicion of institutions and their desire to use buildings as a means of consolidating power. » 74 ―Britain’s National Institute of Demolition Contractors‖. 75 BARKER, Paul (1935- ) Journaliste d’origine Anglo-saxonne.
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Le Fun Palace (FIG 6) (dessiné en 1961, il sera retravaillé jusqu’en 1974) est un projet imaginé au cœur de Londres comme un espace de rencontre interdisciplinaire, accessible à tous. Il est dédié à l’accueil du public et au plaisir, le projet n’a pas de client, il est donc initié par l’architecte seul. La technologie animerait la structure et la rendrait modulable par ses usagers, ce qui ferait d’elle une plate-forme d’échange sociale, indéterminée et flexible. Cédric Price explore le potentiel de l'architecture à participer au changement, au développement social, ce qui en fait un projet résolument contestataire sur le plan hiérarchique et par rapport à la tendance à l’individualisme. Si ce projet ne sera jamais réalisé, l’idée de Cedric Price inspirera les architectes Renzo Piano et Richard Rogers, qui inaugureront en 1977 l’ouverture du centre d’art et de culture Georges Pompidou à Paris. (FIG 7) Cette implication sociale de l’architecte se marque également à travers le projet « Potteries Thinkbelt ». Suite à la seconde guerre mondiale, une vaste zone industrielle de Staffordshire se retrouve désaffectée, comportant pourtant un réseau de transport développé, des canaux et des bâtiments existants. Cedric Price proposera pour lutter contre la vague de chômage due à la désindustrialisation, un vaste plan pour convertir cette zone industrielle en campus universitaire et pôle de recherche, promotionnant l’innovation et l’éducation. Ce projet envisageait des partenariats forts entre étudiants, chercheurs et industries. C’est un des projets précurseurs du mouvement de revitalisation de zones post-industrielles (aujourd’hui d’actualité), qui s’opposait à la vision enclavée des universités, conçues comme des éléments indépendants des villes. Ici le projet s’inscrit dans une vision globale de la structure de la ville et répond aux besoins d’une économie en déclin. C’est pour lui un outil de « développement socioéconomique, qui bien que contrôlé resterait flexible et permettrait de catalyser le changement. »76 Il redéfinit le rôle de l'architecte, qu’il qualifie de « anticipatory architect »77 dont la responsabilité serait de prévoir le changement afin de mettre en place des solutions à la disposition de la société, sous forme donc de «bénéfice mutuel». Ce bénéfice mutuel est au cœur de la réflexion sur la citoyenneté puisque il concentre son énergie sur le bien de la communauté. Et toute la communauté, sans exclusion sociales.
76 77
LOBSINGER Mary Lou (2000) • Cedric Price. An architecture of the performance. Daidalos n°74. P22, 23,24 Paul Barker (02-09-2003) Cedric Price : Architect for Life [en ligne] URL: http://www.opendemocracy.net/node/1464
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Figure 6 | Schéma d’intention du Fun Palace |PRICE Cedric| Cedric Price Archive collection | [en ligne] URL : http://www.cca.qc.ca/en/collection/540-cedric-price-archive. (visité le 05-08-2013). Le ―Fun palace‖ est représenté par une structure qui semble temporaire, laissant aux usagers le plaisir de s’approprier l’espace qu’elle engendre
Figure 7 |Schéma d’intention, centre d’art George Pompidou |Richar ROGERS & PIANO Renzo architects| [en ligne ] URL : http://www.richardrogers.co.uk/Asp/uploadedFiles/image/News/99_0449_1_news.jpg (visité le 10-082013) Projet de Renzo Piano et Richard Rogers pour le centre Pompidou de Paris. L’idée de flexibilité et de plateaux appropriable par les usagers transparait.
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1.4
Conclusion : de l’architecture pour les architectes.
De l’après-guerre jusqu’aux années 70, de nombreux praticiens se questionnent sur le rôle qu’ils jouent dans la société. Chez certains, ayant déjà assis leur pouvoir et leur notoriété, cela se manifeste par la nécessité d’instaurer des règles et trouver des « normes », des « stand-arts »78 pour répondre aux besoins de l’homme « à la chaîne » (FIG 8). L’architecture semble faite par les architectes pour les architectes. Ce sont eux qui décident de ce qui est bon pour les habitants de la ville moderne. C’est à eux que l’on s’adresse pour savoir comment urbaniser. Toutefois les réponses qu’ils ont apportées jusque-là sont vivement contestées. L’interrogation sur le rôle public de l’architecte chez ces contestataires se traduit par la remise en questions des principes établis. Plus qu’un simple conflit de génération, c’est un réel conflit d’intérêt qui se met en place. Les idées du fonctionnalisme mettent en avant une vision consumériste de l’homme, tant dis que les exemples précédents donnent au citoyen la valeur d’un acteur, pour lequel il faut adapter les réponses en fonction de la réalité de terrain, non pas d’un zonage préétabli. C’est à travers cette prise de conscience que La Team 10 cherche à faire évoluer les principes du fonctionnalisme. L’architecte joue un rôle d’explorateur de la réalité urbaine qui lui permet d’appréhender différemment les besoins des usagers. Au même moment, Cedric Price défend l’idée que l’architecte doit anticiper les besoins de la communauté, affirmant son rôle de citoyen. Ainsi contrairement à ceux qui cherchent à inscrire leurs « œuvres » dans le temps, il publiera un manuel pour démonter et réutiliser les matériaux de sa production architecturale (Inter-action center, Kentish). C’est l’aspect protestataire qui rend comparable sa pensée à celle du mouvement Situationniste. L’image que Cedric Price veut donner à son architecture, sort l’architecte de sa responsabilité esthétique, pour réduire l’architecture à son essence, c’est-à-dire aux possibilités qu’elle apporte à ses usagers. C’est dans les usages que l’architecture change, en cherchant à offrir des possibilités de création, d’invention de la part de ceux qui la vivent. L’aspect ludique, s’inscrivant dans le quotidien et permettant aux citoyens de se positionner en tant qu’acteur, correspond assez précisément aux enjeux évoqués par les Situationnistes.
78
Le Corbusier (1977) Vers une Architecture. Paris : Arthaud. Le Corbusier commet volontairement des fautes d’orthographes pour faire des jeux de mots. P115
37
Le thème de l’autogestion omniprésent chez Lefebvre et les Situationnistes est également traité par Cedric Price. Cependant si le concept de « non plan » présente des qualités sur le point de vue de la liberté des usagers, il faut avouer que la première chose que les citoyens feraient sans doute serait un « plan » pour mettre en œuvre leurs vision des choses. En effet dans les démarches qui sont répertoriées, les besoins des citoyens sont observés ou consultés. Si les projets comme New Babylon prévoient de laisser la possibilité aux citoyens de s’autogérer, ils ne prévoient pas de moyen d’encadrer, d’évaluer, d’assurer une bonne cohésion au sein de ces communautés. L’architecture reste faite par les architectes, mais pensée pour les citoyens, qui restent donc majoritairement « en dehors » du projet. Les exemples sélectionnés dans cette partie se veulent synthétiser les démarches et la philosophie d’un certain mouvement qui s’établit comme une « alternative ». Une alternative aux démarches institutionnelles et au système économique. On pourrait citer d’autres exemples comme le groupe Archigram79, et ses nombreuses publications ou encore Supersutdio 80 qui produisent énormément de document pour traduire cette envie de « l’esprit nouveau » à leurs manières. Leurs moyens d’actions sont principalement des « projets de papier », des publications, un activisme politique, mais pas seulement. Des démarches exploratoires, telles que « la dérive », sont pensées comme de nouveaux outils d’urbanisme et le jeu comme un média pour l’interaction. L’emploi d’une architecture mobile et temporaire s’établit pour certains comme un moyen de réponse efficace à l’évolution des besoins de la société. L’idée du rôle de l’architecte qui émerge dans les années 1960 est en marge de l’architecte star, qui construit les icones d’une société résolument tournée vers le consumérisme. L’architecte est appréhendé comme un messager politique, mais le Citoyen, l’usager, n’est que peu impliqué dans les processus décisionnels, ou seulement sur le papier.
79
Superstudio est une agence d’architecture fondée en 1966 en Italie (Florence), par Adolfo Natalini et Cristiano Toraldo di Francia. Ils produisent des projets allant de la fiction à la réalité en utilisant des médias comme le photomontage, les séquences illustrées… 80 Archigram est un groupe d’architecte qui cherche à prospecter les méthodes d’urbanisme. Fortement influencés par Cedric Price, ils manifestent contre la société de consommation. Le groupe se caractérise par la sortie d’une revue publiée entre 1961 et 1974.
38
Figure 8. |Le Modulor | LE CORBUSIER | The Modulor, Reprint ed. 2004 (New York: Faber and Faber, 1954), p51 Le ―modulor‖ de Le Corbusier est une transcription des dimensions « idéales » de l’homme, permettant d’adapter son environnement dans des proportions les plus justes. Il tend à uniformiser les réponses architecturales. Ce que doit être l’architecture dépasse l’usager. Ce qui traduit un désintérêt de l’architecte pour les besoins réels de l’usager, même si ses dires ne vont pas dans ce sens.
39
2. LES ANNEES 1980, UNE PERIODE DE TRANSITION Si avant les années 1960, la question de l’avis citoyen sur ce que doit être la ville était peu, voire pas du tout fréquente, les utopistes et leurs projets « de papier » ont favorisé cet engouement pour une ville démocratique. La question devient de plus en plus récurrente à l’approche des décisions urbaines, même si son application dans la pratique n’en est qu’à ses balbutiements. Après la crise de pétrolière de 1973, qui affectera l’Europe, la population oubliera bien vite la nécessité de se tourner vers d’autres ressources. L’impact urbanistique de la production architecturale de masse des années 50 pousse à chercher de nouvelles solutions dans la sécurité. En effet, liée au « babyboom » d’après-guerre et à l’industrialisation, la demande de logement accessible à une population en besoin est très forte. Ainsi « De 1946 à 1975, le parc immobilier français passe de 12,7 millions de logements à 21 millions. »81 Les « cités dortoirs » (grands ensembles de logements dits sociaux, car à bas prix) coupées de la ville, deviennent des lieux sur lesquels peu à peu le contrôle est perdu. La politique de contrôle Haussmannienne (faire de grandes avenues pour nettoyer la ville des habitations insalubres, et pouvoir tirer au canon sur la foule) est peu à peu renouvelée dans un « urbanisme sécuritaire »82. Elle s’appuiera plus tard sur les conclusions de l’étude menée par Oscar Newman83 dans « Defensible space »84 qui tend à démontrer le rapport entre la criminalité et les bâtiments de haute densité, qui serait selon lui liée à un désintérêt pour l’espace collectif, trop impersonnel. L’espace urbain est considéré comme potentiellement dangereux et doit être maîtrisé. Ce contexte se retrouve intimement lié à la situation économique en déclin suite au choc pétrolier. En 1976 les Royaume-Unis empruntent 4 milliards de dollars au Fond Monétaire International. Margaret Thatcher est élue en 1979 faisant campagne contre le socialisme au pouvoir.
81
Annie FOURCAUT, « Les banlieues populaires ont aussi une histoire », Ceras - revue Projet n°299, Juillet 2007. URL : http://www.ceras-projet.com/index.php?id=2384. (visité le 05-08-2013) 82 Expression issue de la publication de 83 NEWMAN Oscar (1935- ) est un architecte Canadien, connu pour ses recherches sur l’urbanisme. 84 NEWMAN Oscar, Institute for community design analysis. (1996) •Defensible space. U.S. Department of Housing and Urban Development Office of Policy Development and Research .Disponible [en ligne] URL : http://www.defensiblespace.com/book.htm
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C’est une grande période de privatisation qui commence pour limiter les déficits publics. Libéralisation des activités bancaires, limitation du pouvoir syndical, du droit de grève, le taux de chômage subira une nette augmentation jusqu’en 1983. Elle se verra forcée de démissionner en 1990. 85 Cette privatisation, et cela ne concerne pas que la Grande-Bretagne, touche par conséquent l’espace public. Réduits à des lieux de circulations, ou vendus pour des commerces. L’espace « du peuple » tend à devenir un espace de consommation, restreint et sécurisé.86 Expression d’un marché capitaliste, il faut pouvoir acheter pour être le bienvenu. C’est donc toute une population qui se trouve marginalisée par la privatisation de l’espace public, lorsqu’au même moment, dans les cités dortoirs les conditions de vies sont à la limite de l’acceptable. Un fossé social et une décohésion s’ancre dans l’urbain. Au même moment, certains pointent du doigt ces problématiques. Le NAM « New Architecture Movement » est fondé en 1975 et remet en cause les conventions liées à la profession. En particulier les structures internes qui régissent la profession et le système de patronage où les échanges entre les créateurs et les usagers sont minimisés et les tâches de conceptions réalisées en autarcie. Ils publieront un journal entre 1976 et 1980 « SLATE » traitant des politiques de logements à l’échelle locale, de l’éducation, de la situation des femmes dans le domaine de la construction. Ce mouvement sera dispersé dans le milieu des années 80 avec la montée du « Thatcherisme », mais sera assimilé par la RIBA (Royal Institute for British Architects, ce qui correspond à l’Ordre des Architectes en Belgique) qui instaurera elle-même le « Community Architecture Working Group », qui encourage la coopération entre les indépendants et les consultants. Dans son essai une architecture élitaire pour tous87, le sociologue Jean-Louis Violeau88 qualifie l’architecte d’animal politique, qui pour travailler, doit être inscrit dans un parti politique.
85
Gérard Vindt (05-2009) Alternatives Economiques n° 280. [en ligne] http://www.alternativeseconomiques.fr/margaret-thatcher-ou-la-dame-de-fer-et-du-laisser-faire_fr_art_834_42844.html (visité le 05-08-2013) 86 SHEARING, Clifford et Philip STENNING. (1983)‖private security. Implication for social control ». Social problems 30(5). P493-506 87 Soline Nivet, Lionel Engrand (dir.), Architectures 80 : une chronique métropolitaine, Editions A&J Picard, Pavillon de l’Arsenal, 2011.
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Les architectes revendiquent leurs droits en tant que citoyens et ceux des habitants, qui sont censés avoir leurs mots à dire. Leurs parti politique est celui d’une démocratie inclusive. Ces idées ont déjà fait un bout de chemin dans la lignée des utopistes des années 1960’pour installer dès 1970 des processus d’inclusion citoyenne dans l’urbanisme. Les méthodes divergent mais l’objectif est le même : renforcer le pouvoir de décision du peuple sur la manière de fabriquer la ville. Le projet mené par l’architecte Belge Lucien Kroll89, dans les années 70, est une recherche sur cette thématique du pouvoir citoyen. « La mémé », à Louvain en Woluwe (Bruxelles), questionne, malgré une certaine densité la notion de l’identité individuelle et la recherche d’une vie en collectivité harmonieuse.(FIG 9) Lucien Kroll se positionne dans ce mouvement comme un précurseur, il définit l’architecte comme « catalyseur d’un processus créatif et d’une dynamique sociale, qui en ce sens doit traduire les relations interpersonnelles dans un espace appropriable. Le processus participatif doit être mis en marche ou tout du moins, l’architecte doit sortir de sa propre personne pour se placer dans celle des futurs résidents.»90 Pour conclure, la période des années 1980 constitue un tournant dans l’exercice architectural, une transition. Transition culturelle : avec une augmentation et un gain d’intérêt pour la mise en place de procédures qui prennent en compte les usagers suite aux échos des mouvements de protestation de Mai 68 et des théories utopistes. Cette transition s’appuie donc sur des mouvements urbains, mais aussi sur les processus qui doivent être mis en place par les architectes au sein des projets, pour chercher à inclure le citoyen.
88
Sociologue Français né en 1969. Architecte Belge, né en 1929. Lucien Kroll est caractérisé par ses recherches sur les processus participatifs. 90 « the architect is the catalyst of a creative process and social dynamic, in respect to which they make their knowledge available for the translation of interpersonal relationships into a suitable space. The participatory process therefore has to be set in motion; or at least, architects must step out of themselves and put themselves in the shoes of future residents. » POLETTI Rafaela (2010). Lucien Kroll : utopia interrupted. Domus 937. [en ligne] http://www.domusweb.it/en/architecture/2010/06/30/lucien-kroll-utopiainterrupted.html (visité le 12-08-2012) 89
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Figure 9 : La mémé |1970-72|Lucien Kroll |Louvain en Woluwe (Bruxelles – Belgique) | source : [en ligne] http://homeusers.brutele.be/kroll/auai-project-ZS.htm A l’image de la singularité des habitants et en faveur d’une vie en communauté, la façade recherche une singularité dans la masse, et les espaces extérieurs privatifs sont traversés par des circulations de secours.
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3. LES ANNEES 1990, EMERGENCE D’UN « ACTIVISME CIVIQUE » On assiste dans les années 90 à la prise de position de certains architectes comme vecteur d’activisme civique à travers des actions directes : certains architectes ne se contentent plus de publier ou de penser des projets « de papier » mais mènent des actions sur le terrain, permettant de faire passer leurs revendications. Les exemples repris ici à travers l’Angleterre, l’Espagne et la Belgique visent à illustrer une démarche plus globale. Ces démarches s’organisent autour de problématiques urbaines : évaluations des besoins, appropriation et équipement de l’espace public, dynamiques de quartier, problèmes sociaux/économiques. 3.1 City Mine(d) Crée en 1997, City Mine(d) est une Organisation Non Gouvernementale, à but non lucratif. C’est une plateforme créative d’interventions urbaines, pour le développement d’une nouvelle forme de citoyenneté luttant pour la réappropriation des espaces publics, aussi bien physiques que virtuels. Ses objectifs sont d’encourager les initiatives pour la stimulation de performances publiques de tous ordres. De viser une réappropriation citoyenne de l’espace public en tant que lieu d’échange social, culturel et artistique à travers des collaborations dynamiques. D’encourager la diffusion du savoir et de l’expérience acquise au cours des interventions urbaines. L’Agence ne regroupe pas seulement des architectes, des professionnels, ce qu’elle regroupe ce sont des citoyens. L’échelle des actions de CityMine(d) est variable. Elle se situe entre des actions urbaines ultra-locales (à travers des projets évènementiels, de la production artistique) à l’échelle communale et des actions à une échelle internationale, européenne via une collaboration entre des acteurs locaux de différents pays et des actions menées en parallèle. L’association questionne les outils de gestion de territoire et les relations de l’individu à la collectivité. L’organisation a évolué depuis sa création et possède aujourd’hui des ramifications à Londres et à Barcelone. CityMine(d) se base sur la pensée que les villes, de par leur densité et leur diversité sont le siège d’un important flux d’idées, de gens, donc d’opportunités, cependant la manière dont la ville est organisée ne permet pas l’égalité des chances, c’est dans cet esprit que leurs actions cherchent à conduire les gens aux frontières, géographiques, frontières des langues, des cultures.91
91
A propos de Citymine(d). [en ligne] URL : http://www.citymined.be/aboutus.php
44
Le projet initié en 1999 « Limite Limite » a changé le besoin urgent d’espace vert dans le brabant wallon de Bruxelles en opportunité pour l’amener dans l’agenda des préoccupations Régionales. En effet le quartier de Schaerbeek était « laissé à l’abandon des autorités communales, ce qui est une technique de la ville pour récupérer l’endroit et en faire un centre d’affaire générant du profit. »92 Prostitution, trafic de drogue, la réputation du quartier n’était pas à son meilleur. C’est à la demande d’une association de quartier que Citymine(d) fait appel à l’architecte Chris Rossaert. Après une réflexion sur les réels besoins du quartier, l’équipe imagine une structure temporaire en bois recouverte de panneaux translucide qui va permettre d’accueillir des expositions, des réunions de quartiers. Le projet est pensé pour générer une action communautaire, en effet aucun espace n’était disponible pour les habitants. (FIG 10) L’occasion de réaliser le bâtiment permis la formation de jeunes en « réinsertion » suite à des démêlés avec la justice. Le projet est donc devenu le support d’un brassage social, des personnes d’un même quartier mais de milieux et d’origines différentes sont amenées à travailler ensemble. Chris Rossaert raconte « si les débuts ont été difficile, avec un certains rejet de la part des habitants, en quelques semaines la perception de l’intervention avait totalement changé, les jeunes s’étaient déjà appropriés la structure avant la fin du chantier. » « En fait nous n’imaginions pas l’ampleur que le projet allait prendre, un véritable engouement s’est créé autour du projet. Des gens venaient le voir, ça a été un véritable élan pour le quartier car l’attention du public était portée sur le quartier, ce qui encourageait à y investir. »93 La tour a dû être détruite en 2004 mais le projet de quartier a perduré, à travers la création d’une nouvelle association de quartier.
92 93
Inteview (10-08-2013).Chris ROSSAERT, Architecte, membre du conseil d’administration de Citymine(d). Ibid
45
Egalement initié en 1999, le projet « Precare » propose de s’interposer « entre des propriétaires de bâtiments temporairement inoccupés et des initiatives artistiques ou sociales à la recherche d’espace 94
de travail. » L’objectif est de stimuler la vie associative et artistique du milieu urbain, en tant qu’activateur de citoyenneté en luttant contre les espaces vacants des villes synonymes d’inactivité. La mise à disposition d’un espace inapproprié à la vente ou à la location permet d’en tirer un profit certain, pour la population, qui a besoin d’espace pour s’organiser dans des activités qui nourrissent la société. Le projet Precare vise à installer un cadre stable et une situation de sécurité suffisante entre les différents acteurs (propriétaires – occupants). Lorsque qu’une convention est passée entre un propriétaire et une association émergente, l’association Citymine(d) apporte son soutien pour la gestion collective du bâtiment ainsi que la structuration du projet. Precare s’organise autour d’un site internet, avec une carte référençant les lieux disponibles, c’est un outil permettant d’introduire des requêtes d’espaces pour la mise en place d’un projet associatif ou autre. (FIG 11) Le site met également à disposition un nombre important d’informations permettant de prendre le devant sur les démarches à suivre : assurances, réglementation, installations des dispositions nécessaires à l’occupation temporaire telles que l’électricité ainsi que des liens vers des recherches ayant les mêmes centres d’intérêts, qui fleurissent en Europe. L’activité du projet a cessé en 2010. Citymine(d) n’est pas composé que d’architectes, il est intéressant de voir que la pluridisciplinarité au sein du groupe crée une richesse quant aux actions et aux outils qui sont mis en places. Ainsi la construction temporaire est employée au même titre que des projets virtuels, les deux ayant pour but de valoriser et apporter une dynamique (sociale et culturelle) à des espaces inexploités. L’architecte au sein de l’association porte différents rôles, tout comme ses partenaires. D’abord celui d’investigateur, puis d’artiste dans une phase de réflexion, et enfin de coordinateur entres les différents acteurs qui se regroupent autour de la construction. Si ces rôles paraissent anodins, la multiplicité permet d’assurer la richesse et l’adéquation des projets avec l’environnement. L’architecte est placé au-devant d’une responsabilité publique qui dépasse les frontières du cadre légal de la profession.
94
A propos du projet Precare [en ligne] URL : http://www.precare.org/Website/Precare/Main.php?Menu=1&O=1
46
Figure 10 : Limite Limite | 1999-2004 | Citymine(d), Chris Rossaert, | Schaerbeek, Bruxelles | Source [en ligne] http://www.citymined.org/projects/limitelimite.php (visité le 12-08-2013) Projet « Limite Limite », la structure réalisée par des jeunes en réinsertion fait l’objet d’une formation en construction. La structure restera en place pendant 5 ans pour accueillir des évènements gérés par une association de quartier.
Figure 11 : « Precare » |1999-2010| Citymine(d) |Bruxelles | Source [en ligne] : http://www.precare.org/Website/Precare/Main.php?color=3 (visité le 12-08-2012) Le site internet fonctionne sur base d’une carte où les lieux actifs et/ou disponibles sont consultables. En cliquant dessus on accède à un plan de fonction du bâtiment répertoriant les activités qui s’y déroulent.
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3.2 Santiago Cirugeda : « l’architecture du silence » D’origine Espagnole, Santiago Cirugeda95 fonde en 1997 le bureau d’architecture « recetas urbanas »96. Sa motivation lui vient du sentiment qu’en tant qu’artiste ou qu’architecte, il est facile d’agir sur l’environnement spatial urbain, de le faire évoluer en obtenant des permis pour des actions temporaires chose qui est de l’ordre de l’impossible en tant que citoyen.97 C’est dans cet esprit que tout au long de sa carrière il va étudier les moyens qu’un architecte peut mettre à disposition des citoyens pour leurs permettre d’agir en démontrant comment il est possible de contourner, ou détourner les règlements et les lois. « La proposition de processus global pour les institutions tente de simplifier et de contrôler tous les comportements et toutes les actions possibles. Ma proposition consiste à redéfinir de manière incessante les systèmes globaux (planification et législation urbanistiques), en cherchant de possibles trous et incertitudes qui permettent aux différents groupes humains d'agir librement. »98 Santiago Cirugeda remet en question la notion de l’architecte en tant qu’unique auteur de projet. Pour lui l’architecture doit être un savoir partagé, c’est dans cet esprit qu’il met à disposition des citoyens des manuels d’utilisateurs, téléchargeable sur son site qu’il considère comme un remède à l’espace capitaliste. En 1997 l’une de ces premières manifestations consiste à tirer profit d’une demande à la ville de permission pour le dépôt d’un conteneur, dont il détaille amplement les procédures et les démarches à suivre pour que la technique puisse être mise à profit par d’autres citoyens. Il utilise ce moyen pour mettre à disposition du public un espace de jeu pour les enfants, dont la commune de Séville avait refusé la demande des citoyens en argumentant l’aspect historique du quartier. Cependant l’engouement pour ce genre d’actions ne stimulera pas la population citoyenne comme l’architecte l’aurait espéré. Une deuxième tactique utilisée par l’architecte consiste à demander au service d’urbanisme de sa ville une autorisation pour repeindre la façade d’un bâtiment cible. Il précise que le degré de classement du bâtiment risque de vous contraindre à employer une certaine couleur !
95
Santiago Cirugeda (1971- ). Né à Seville il dédie son temps à l’activisme urbain, contre un système de contrôle et d’injustice sociale. 96 En français « recette urbaine ». Site internet : www.recetasurbanas.net 97 Ouvrage : AWAN N, SCHNEIDER T, TILL J (2011). P120 98 Article : CIRUGEDA, Santiago (1999) Stratégies d’occupation subversives. L’architecture du silence. Cuadernos de arquitectura y urbanismo n°224. Université de Catalogne. P96
CONTEXTUALISATION
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Figure 12 : Kuvas S.C |1997|Santiago CIRUGEDA| Seville | Source : http://www.recetasurbanas.net/index1.php?idioma=ESP&REF=1&ID=0002 (visité le 12-08-2013) Détournement d’une permission de la ville de Séville pour faire de l’entrepôt d’un conteneur une plus-value pour l’espace public.
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L’étape suivante consiste à obtenir la signature d’un ami architecte pour le projet d’échafaudage. Il indiquera qu’une durée pour les travaux est à préciser, mais qu’il est possible de ne pas cocher la case adjacente pour obtenir un délai indéterminé. Une fois l’échafaudage en place, vous avez tout le loisir de construire votre propre refuge urbain, accolé ou encore encastré dans votre façade. Santiago Cirugeda s’engage également dans une lutte contre la gentrification, c’est à dire l’exclusion d’une population à revenus moyen pour la remplacer par une population aisée dans le centre de Séville. L’architecte va proposer sur base d’un partenariat avec les propriétaires d’immeubles de construire des logements supplémentaires sur la toiture de ceux-ci. Selon un accord passé avec les habitants, les nouveaux locataires participeront aux frais d’entretiens des parties collectives de l’immeuble. C’est donc en s’imprégnant des contraintes reprises dans les règlements d’urbanismes et des problématiques auxquels sont confrontés les « locaux » que Santiago Cirugeda définit les limites de son exercice. Si c’est son nom qui ressort, il n’est pas pour autant seul dans ses démarches. Son activisme passe par la collaboration avec différentes associations et collectifs, et bien entendu sur la collaboration avec les résidents. L’architecte pose un acte contestataire, qui peut paraître marginal en comparaison à l’exercice traditionnel. C’est de cet exercice « transversal » qui se situe entre l’architecture et l’action urbaine temporaire que ressort une vision de l’architecte comme acteur social et politique à part entière, diffusant un savoir et des compétences qui lui sont propre pour permettre aux usagers de s’approprier l’espace, de contourner des règlements, de trouver du plaisir à utiliser l’espace public. Au-delà de l’aspect spatial, les réflexions menées sur le logement amènent à créer de nouveaux partenariats, et donc des relations communautaires qui permettent d’initier des échanges qui n’auraient jamais existés entre différents habitants d’une même « unité d’habitation ». Ce travail donne à l’architecte un rôle de « catalyseur » , qui va donc réunir des acteurs qui n’auraient pas imaginé qu’il pouvait exister entre eux un partenariat, et qu’ils pouvaient s’entraider en dehors des actes permis et proposés par les Institutions. Ces projets invitent à répéter ou s’inspirer de ces actions et remettent également en cause la notion de « propriété intellectuelle » au profit d’un savoir commun.
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3.3 Muf architecture / art : au-delà du bâti en tant qu’objet. Muf est fondé en 1994 à Londres par quatre membres de formations différentes : Liza Fior (architecte), Juliet Bidgood (architecte), Katherine Clarke (artiste), et Katherine Shonfield (écrivain et théoricienne décédée en 2003). En 1997, une antenne se développe en Australie, muf_aus, dirigée par Mélanie Dodd (architecte). Ils décident explicitement de situer leur exercice comme une « alternative » au courant principal. L’intérêt de leurs recherches se focalise sur les aspects sociaux, spatiaux et économiques de la sphère publique. Les réponses apportées aux problèmes soulevés sont situées « entre le vécu et le construit »99, entre l’art et l’architecture. Ce qui est important, ce sont les processus qui mènent à un projet, et les opportunités qui ressortent de ces processus, pour les usagers, pour les instances publiques, pour tous les partis qui constituent et qui font vivre la ville. Muf s’attarde à trouver des schémas d’action plutôt que des actions directement construite. Questionner le programme d’un projet, interroger les partenariats possibles entre acteurs publics et privés, les intérêts communs et individuels. Il n’y a pas d’échelle type pour créer une architecture de qualité ainsi des objets de l’espace public qui paraissent anodins tels que des bancs, des tables ou même le revêtement de sol méritent une attention particulière. En tant qu’éléments familiers de l’espace public, ils représentent un terrain d’expérimentation pour la collaboration et la recherche d’un engagement de la part des utilisateurs. En réalisant le mobilier urbain dans les détails et en attirant l’attention des utilisateurs dessus, l’espace public prend une dimension intime. Par exemple le projet « Shared ground Southwark » (comprenons sol partagé, Southwark étant le nom d’un quartier de Londres) (FIG ). Le banc est mis en œuvre en béton coulé sur place teinté en noir, il créer un appel depuis le trottoir et fait référence au passé industriel. Une cavité, peinte en blanc à l’intérieur du volume du banc prend en compte l’utilisation par des enfants. Un motif en verre est encastré dans le banc, il représente le dessin à la main d’un enfant et mettant en valeur le processus de consultation. En 1998 deux nouveaux bancs sont réalisés à Stoke-on-Trent (Angleterre). Intitulé « The pleasure garden of the utilities » (Jardin des plaisirs de l’usage) les bancs sont constitués de béton coulé sur place et recouverts de mosaïque en porcelaine. La porcelaine provient en fait d’une usine de fabrication d’urinoirs de la région en collaboration avec des ouvriers. Le banc fait référence à une assiette de
99
Traduit de l’anglais « Between the Lived and the built », titre de la thèse de doctorat de Mélanie Dodd,
parue en 2011. Presse universitaire du RMIT.
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porcelaine, surdimensionnée. Les mains de la personne s’asseyant à côté de vous pourraient être celles qui ont fabriqué l’assiette dans laquelle vous dinez. Ce banc est un hommage au savoir-faire local et à la culture de la poterie régionale. (FIG13) Cette approche se caractérise dans leur production par des domaines d’exercices diversifiés, tant du point de vue de l’échelle, que des moyens mis en places pour agir. Les projets vont donc de la réflexion à l’échelle urbaine, à la mise en place de dispositifs artistiques temporaires. Muf ayant été créé à la charnière des années 2000, ce projet de 2003 mérite d’être mentionné pour être représentatif du type de démarches menées par l’agence. « A Horse’s Tale »100 est initié dans la ville de Tilburry, à la demande des habitants et d’élus locaux pour un espace public. L’agence va enquêter sur le passé des lieux pour se rendre compte de l’importance donnée aux chevaux sur ces terres. Elle interroge le passé comme médiateur des usages présents. La culture équestre étant très présente, l’idée d’un espace public communautaire alliant des activités équestres est née. L’hypothèse est d’abord testée en faisant participer les habitants à des activités équestres. En impliquant les enfants, l’intérêt des familles proches est suscité et via le bouche à oreille, l’entourage également, incluant un grand nombre de personnes dans le processus. Un site internet est créé pour reprendre l’histoire des chevaux dans la région et indiquer sur une carte son évolution. Pendant l’été 2004 des enfants des écoles primaires et secondaires seront invités à réaliser des costumes de chevaux pour faire valoir le passé des lieux et attirer l’attention du public. (FIG14) L’agence ne mène pas les projets subjectivement mais fait référence à une histoire, une culture, des besoins ancrés dans la réalité des habitants. La collaboration avec les habitants est un aspect fondamental de la démarche de Muf et c’est dans ce sens qu’il donne à l’architecte un nouveau rôle. Cette collaboration se fait aussi bien avec des enfants que des adultes, et passe souvent par le jeu pour faire référence au contexte socio-culturelle des sites. Le jeu met tout le monde sur un pied d’égalité et permet de donner un aspect ludique aux activités, sur fond de pédagogie.
100
en français, « un conte de chevaux »
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Figure 13 : The pleasure garden of the utilities |1998 | Muf architecture/art |Stoke-on-Trent (UK) | Source :[en ligne ] http://www.muf.co.uk/portfolio/pleasure-garden-of-the-utilities (visité le 12-08-2013) La faïence fait référence au savoir-faire régional. Le banc se veut une extension du domaine privé dans le domaine public.
Figure 14: A Horse’s Tale | 2003-2005 | Muf architecture/art | Tilburry (UK) | Source [en ligne] http://www.muf.co.uk/ahorsestale/ (visité le 12-08-2013) De gauche à droite : réunion des habitants des quartiers. / Voyage à travers la ville avec les enfants et leurs déguisements de chevaux pour susciter l’intérêt du voisinage et des autres résidents.
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La démarche de Muf part du principe que pratiquer l’architecture dépasse la préoccupation du bâtiment en tant qu’objet, ainsi l’architecte représente un acteur politique et social de première responsabilité. Cette responsabilité publique, l’architecte peut l’investir à travers différents rôles. C’est le sujet de recherche auquel s’attèle Melanie Dodd dans sa thèse doctorale101, où elle identifie et répertorie différents rôles que peut jouer l’architecte en se basant sur sa pratique professionnelle (et celle de Muf). Les rôles qu’elle identifie sont volontairement inhabituels et diversifiés, parmi eux : « le local », « l’agent double », « le professeur », « l’artiste » et le « politicien ». Derrière ces différents rôles transparait une architecture qui existe à la frontière entre les choses, dans l’inconnu, le marginal, l’inattendu. Mais surtout un architecte flexible, qui doit pouvoir s’adapter, grâce à des méthodes innovantes à une société en perpétuelle mutation. Cet architecte est avant tout un collaborateur : avec ses propres associés, avec les habitants, les enfants et les institutions. Chaque collaboration renvoie vers l’un des rôles que défini Melanie Dodd.
101
DODD Mélanie (2011) • Between the lived and the built : Foregrounding the user in design for public realm. RMIT, presse universitaire.
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3.4 Conclusion : l’architecture pour les citoyens Chaque exemple repris ici fait d’un exercice social le moteur d’une innovation quant aux processus qui mènent au projet. Lorsque que l’on parle de « projet », la notion de projet en tant qu’objet architectural est balayée par la notion de « projet social », porté par l’architecte et le citoyen, et qui se situe à l’intersection entre « le bâti et le vécu »102. « L’objectif est de faire quelque-chose, mais cette chose n’est pas nécessairement physique. Cela peut-être un moment, un évènement, une vidéo ou quoi que ce soit. »103 L’intérêt de l’acte d’architecture, qui n’est pas nécessairement construit réside donc dans son potentiel de messager : -
vis-à-vis des instances publiques. Par le détournement de règlements, l’utilisation de faille, on pointe du doigt des problèmes sociétaux, on tente de médiatiser des sujets sensibles, ou tabous et de permettre aux citoyens de faire valoir leur potentiel d’action.
-
vis-à-vis des acteurs qui vont se mobiliser autour du projet. Par la réunion des acteurs et/ou des usagers, le projet devient porteur d’une stimulation, d’une activation citoyenne, permettant à des populations parfois marginalisées d’être valorisées, de bénéficier d’aide, ou à de jeunes entrepreneurs de réaliser leurs projets.
La vision de l’architecte en tant que responsable du « design » et de la construction d’un bâtiment est mise de côté pour faire place à celle d’un investigateur de problèmes sociaux. Attention les différentes réponses apportées n’ont pas la prétention de résoudre et d’être le seul moyen d’agir contre les problèmes soulevés, elles ont du moins l’audace d’agir, et l’ambition d’avoir un impact pédagogique. La particularité des exemples repris est leur implication à l’échelle locale et l’attention portée à la population. L’habitant est le point de départ des interrogations et un acteur à part entière dans le projet, aussi bien comme occupant que comme collaborateur. La volonté est celle d’encourager l’usager, l’habitant, à agir en tant que citoyen et l’inclure dans la réflexion. Ce qui caractérise cette période est donc le passage d’une architecture pour les architectes à une architecte pour les citoyens.
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En reference à la Thèse de DODD Mélanie (2011) • Between the lived and the built : Foregrounding the user in design for public realm. RMIT, presse universitaire 103 Interview de Melanie Dodd. HYDE Rory. (12-10-2012) • Future Practice: Conversations from the Edge of Architecture. Editions Routledge p76
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4. De 2000 à aujourd’hui, avènement d’une crise Les années qui vont suivre 2000 constituent indéniablement un tournant pour l’exercice de la profession d’architecte, en Europe et ailleurs. En cause, la grande crise économique de 2008. Bien sûr ce n’est pas à cause de la crise économique uniquement, d’ailleurs cet évènement est le produit de siècles d’économie et de politiques. Bien que les répercussions ne soient pas les même dans tous les pays Européens, chacun ayant un contexte propre, de grandes tendances ressortent tout de même, surtout dans l’Europe de l’Ouest et en Angleterre. Si l’histoire se compose de période de crise et d’accroissement, il semble que celle-ci soit un point de non-retour pour l’Europe, et ses architectes. Dès lors il est vital pour ces praticiens de repenser la manière dont ils abordent la profession, et d’en repousser les limites pour continuer à pratiquer dans un monde qui évolue sans arrêt. 4.1. Une « crise » généralisée Ce qui a marqué le paysage économique des dernières années est sans conteste l’éclatement de la bulle économique crée autour du marché de la spéculation aux Etats-Unis. Cette crise financière, sans précédent dans l’histoire de l’économie se marque concrètement en Europe par la fermeture de nombreuses firmes industrielles. Parmi les conséquences, une augmentation du chômage, une diminution des investissements publics dans le secteur de la construction et la fuite des investisseurs privés vers d’autres terrains. Si cependant la construction de logements reste en très faible augmentation en France après une forte baisse depuis 2008, le marché reste dominé par les promoteurs immobiliers et le nombre d’emplois dans ce secteur ne cesse lui de diminuer.104 A la crise économique s’ajoute les répercussions des politiques d’urbanisation menées jusqu’aux années 1990, aujourd’hui considérées comme hérétiques. Si les conséquences sur l’environnement sont importantes (augmentation des distances parcourues, accroissement de l’émission des gaz à effets de serre, homogénéisation socio-professionnelle, appauvrissement de la biodiversité) ce ne sont pas les seules.
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Chiffres d’après l’Insee, chiffres de la construction en 2011. [en ligne ] http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?reg_id=0&ref_id=T13F184
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En ville la tendance est au marché de la peur. C’est sous le signe de la sécurité que certains habitants préfèrent mettre leurs familles à l’abri de la « jungle urbaine » dans des copropriétés coupées de l’espace public par des barrières physiques, c’est le phénomène des « gated communities » (communautés fermées). D’autre part on assiste dans les centres urbains à une forte gentrification, par lequel on remplace une population à revenus moindre par une population plus riche pour « dorer » les centres villes et attirer, par contagion une population aisée. Ceci renforce dans l’ensemble la scission riches / pauvres, alimentant une décohésion sociale. En parallèle se développent des moyens de communications plus performants, plus accessibles, qui réduisent la notion de proximité entre les habitants. C’est la culture « Web 2.0 », qui permet donc à chacun sans connaissance technique développée d’explorer, de participer, de s’approprier internet comme un espace public, un lieu de libre-échange. Cette société de libre accès au savoir, prend le pas sur une ère post-industrielle, pour faire place à une montée de l’industrie créative. C’est-à-dire une industrie de la culture qui fait la part belle aux arts, à la recherche et aux métiers de l’artisanat. La crise s’accompagne également d’un mouvement parallèle qui se veut « alter-mondialiste », répondant à une globalisation du monde. Une population en quête de sens et d’identité. Ce mouvement se caractérise par des approches radicalement différentes de la vie en société et la mise en avant de la citoyenneté des individus. Mais quelle est la place de l’architecte dans ces démarches ?
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4.2. La profession d’architecte en Europe : mission, craintes et espoirs Architecte : « personne qui conçoit le parti la réalisation et la décoration de bâtiments de tous ordres, et en dirige l'exécution. »105 En Europe, de manière générale, le titre d’architecte est protégé par un Ordre, le diplôme est donc reconnu au niveau Européen et il est possible d’avoir une reconnaissance mondiale, le statut d’architecte connait des nuances au niveau de l’exercice et des droits selon les différents pays (y compris en Europe). Par exemple, actuellement en France, pour l’habitat, seule les constructions dépassant une emprise au sol de 170m² se doivent d’être confiées à un architecte. En Belgique, l’architecte est systématiquement requis pour toute nouvelle construction ou construction nécessitant un permis d’urbanisme. La mission légale de l’architecte, telle que décrite par l’Ordre des Architecte comprend deux phases : la conception des plans d’exécution, et le suivi du chantier. 106 En Espagne, depuis 2008 le nombre de construction est passé de 800.000 à 80.000. Les fonds d’investissements publics dans les projets de développements urbains ont été gelés. En 2011 c’est la moitié des bureaux à Madrid et à Barcelone qui ont fermé.107 En Espagne le nombre de diplômés est actuellement de 50.000 et ce sont environs 3000 nouveaux architectes qui sont formés chaque années. Si les jeunes peuvent s’exporter sans trop de difficulté la situation est bien différente pour ceux qui ont un bureau « dans le rouge », une famille à nourrir et un emprunt à rembourser. Excepté ceux qui peuvent compter sur le revenu fixe d’une profession d’enseignant complémentaire, la plus part des architectes travaillant « sous le radar » ont de grandes difficultés à trouver des marchés.
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Défintion selon Larousse, dictionnaire [en ligne] URL : http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/architecte/22673 106 Selon l’Ordre des Architectes de Belgique. Mission légale : cette mission correspond à toutes les tâches nécessaires à l’introduction des autorisations officielles et au contrôle de la conformité des travaux avec les prescrits de celle-ci. Mission architecturale complète (recommandée par l’Ordre des Architectes) : ce sont les tâches nécessaires et recommandées par l’Ordre des Architectes dans le cadre d’une mission permettant d’assurer l’accomplissement de l’œuvre et sa bonne exécution. [en ligne] URL : http://www.ordredesarchitectes.irisnet.be/WebOAfr/documents/documents-du-cfg-oa/mission-ethonoraires/Larchitecte%20et%20ses%20missions%20-%2020111219.pdf (visité le 12-08-2013) 107 A+U (11-2012), NOBUYUKI Yoshida. Architecture in post-crisis + Glass architecture. N°506. P8
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C’est sur ce sujet qu’était exposée la situation de de l’Espagne pendant la biennale de Venise 2012 au travers de la mise en scène « Spain, mon amour », retraçant par le biais de nombreuses maquettes et d’étudiants masqués, l’anonymat et la très grande quantité de travail que représente une main d’œuvre jeune et exploitée (lorsqu’elle trouve un emploi). Selon l’étude menée par « PowerHouse Company » et présentée au cours de l’exposition « Shifts »108 seul 5% de la production mondiale de l’environnement bâti est sous l’influence d’architectes. Il en va de soi qu’il est impossible pour les architectes d’exercer une influence réel sur le monde de la construction, qui dépend bien trop de facteurs extérieurs. 109 La dérégulation des marchés financiers n’a que diminué cette influence en diminuant le nombre de marchés contractés. Le travail de l’architecte relève donc de la marginalité. Selon une étude Française de l’Insee, le chiffre d’affaires généré par les agences d’architecture est l’avant dernier plus faible dans le domaine de la construction, loin derrière les études liées aux techniques spécialisées, à l’ingénierie etc... 110 Au-delà d’enjeux sociétaux, l’architecte est donc confronté à des problématiques intrinsèques à sa situation. La formation qu’il reçoit lui confère un savoir généralisé, qui ne rivalise pas avec les savoirs de plus en plus spécialisés, détenus par les acteurs de la construction (ventilation, électronique, stabilité, énergies etc…). L’architecte se retrouve sur un marché où il doit faire valoir un savoir. « Il existerait donc une menace de « déprofessionnalisation » qui pèserait réellement sur les architectes, incapables de préciser la nature de leur compétence face à la concurrence des autres métiers. »111 Ce serait donc le profil « généraliste » de l’architecte et la difficulté à définir concrètement en quoi sa mission peut apporter une plus-value comparée à celle d’autres professionnels de la construction qui lui feraient défaut. En contrepartie « loin d’être démunis dans la défense de leur position, les architectes possèdent une capacité et une force de positionnement et repositionnement fondée justement sur le caractère indéterminé de l’expertise. »112 Dès lors une question se pose, si la demande diminue, comment va s’occuper une jeune génération d’architectes prometteuse… et nombreuse ?
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Exposition organisée par Powerhouse Company, Hans Ibelings en collaboration avec The Architecture Foundation à Londres (2012) « Shifts : The economic crisis and its consequence for architecture ». 109 A+U (11-2012), NOBUYUKI Yoshida. Architecture in post-crisis + Glass architecture. N°506. P13 « Shifts and Stagnation ». 110 CHADOIN Olivier, (14-10-2011) • « Profession architecte », Métropolitiques, source : [en ligne] URL : http://www.metropolitiques.eu/Profession-architecte.html (visité le 13-08-2013) 111 Ibid 112 Ibid
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4.3. Manifestations citoyennes pour un droit à la ville La « crise » au sens large, si elle inquiète et touche de plein fouet les architectes, elle est également un facteur d’évolution. C’est à tous les praticiens qui sortent des sentiers battus de la mission traditionnelle de l’architecte telle que décrite précédemment que différents auteurs s’intéressent. Si il n’est pas possible de classer ce phénomène comme un courant de pensée, ou un mouvement, car il n’a pas été « théorisé », de nombreuses expositions, des agences travaillent à recenser et à faire valoir de telles actions. En 2008, au Canadian Center for Architecture, l’exposition « Action comment s’approprier la ville » présente 99 projets, initiés par des architectes, des artistes, des collectifs autour de thèmes tels que le jeu, le jardinage ou encore le recyclage qui ont généré un engouement de la part d’acteurs extérieurs, de citoyens et créer des transformations dans le vécu de l’espace urbain. Comme l’évoque Zardini (directeur de publication de l’exposition) dans la presse, «cela révèle l’existence d’un monde rempli d’imagination, étranger à nos modes de consommation contemporains. Ces actions proposent un mode de vie alternatif, réinventent nos vies quotidiennes et réoccupent l’espace urbain avec de nouveaux usages » 113 En 2012 l’ouvrage « Tactical urbanism »114, recense dans le même esprit différentes actions menées à travers les Etats-Unis. L’expression « Tactical urbanism » fait référence aux « tactiques utilisées dans les mouvements de résistance sociaux et les transferts au domaine de l’urbanisme »115. L’urbanisme tactique est donc par essence lié à « l’immédiat » et l’objectif de ces actions de courte durée est de provoquer un changement sur le long-terme, comme le rappelle l’ouvrage « Tactical Urbanism ». Selon Mike Lyndon116, l’importance et la croissance de ces actes de citoyennetés, sont dues à différents facteurs : l’évolution démographique et l’augmentation d’une population jeune, la période de récession et le développement des moyens de communications, de rassemblement et de diffusion de
―They reveal the existence of a world rich in inventiveness and imagination, alien to our contemporary modes of consumption. These actions propose alternative lifestyles, reinvent our daily lives, and reoccupy urban space with new uses.‖ Mirko Zardini, Communiqué de presse, ―Actions: What You Can Do With the City”, Canadian Center for Architecture,( 26-11-2008) 114 LYDON Mike, NextGen, The StreetPLans collaborative (2012) • Tactical Urbanism : Short term action, long term change Volume 2. [en ligne ] http://www.cnu.org/cnu-news/2012/03/tactical-urbanism-20 . New-York, soumis en ligne le 03-02-2012. 115 A+T (2011), AURORA FERNANDEZ Per, Javier MOZAS. Strategies and Tactics in Public Space N°38, automne . Espagne. Editions a+t architecture publishers. P12 116 LYDON Mike est un urbaniste d’origine Américaine. 113
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l’information telle qu’Internet. Les acteurs impliqués sont très diversifiés et les actions vont de l’illégal au légal. Les actions recensées balayent un spectre on ne peut plus large « d’interventions ». De la pose illégale de peinture sur le sol pour constituer des pistes cyclables ou des passages piétons aux endroits où les autorités publiques ne le font pas à l’utilisation d’espaces dédiés aux parkings, la piétonisation temporaire de rue, l’organisation de comités de quartiers, ou encore la mise en place de commerces informels. Une distinction s’établi dès lors entre les termes « tactique » et « stratégie ». Les deux font références à des raisonnements employés pour mener à bien un but, une mission. Et les deux termes font référence au domaine militaire. « « J’appelle ―stratégie‖ le calcul des rapports de force qui devient possible à partir du moment où un sujet de vouloir et de pouvoir [une entreprise, une armée, une cité, une institution scientifique] est isolable d’un environnement ». La tactique, comme un tour de passe-passe, permet de s’introduire par surprise dans un ordre. Il y a mille manières de « faire avec » : ruses silencieuses et subtiles, pratiques réfractaires, mécanismes de résistance, mobilités manœuvrières, trouvailles poétiques ou jubilatoires. Il existe un art d’utiliser les produits imposés, de les faire fonctionner sur un autre registre. Ce sont des opérations d’appropriation et de réemploi, des pratiques de détournement économique comme la « perruque ». Cet art de combiner est indissociable d’un art d’utiliser, il forme un mixte de rite et de bricolage. Une forme de braconnage. »117 Pour Michel De Certeau118 la différence réside donc dans l’aspect informel et non-conventionnel de la tactique, là où la stratégie fait référence à une manœuvre « normalisée ». La biennale de Venise 2012, le pavillon Américain qui s’intitule « Spontaneous intervention » nous fait part d’une jeune génération d’architectes, d’artistes et de designers qui cherchent à générer de nouvelles opportunités pour le public et de s’attaquer à des problématiques urbaines. Le nombre d’appellations pour qualifier ces interventions est aussi élevé que la diversité des moyens mis en
BEDIN Véronique et FOURNIER Martine (dir.)( 2009) •, « Michel de Certeau », La Bibliothèque idéale dessciences humaines, Editions Sciences humaines,. URL : www.cairn.info/la-bibliotheque-ideale-dessciences-humaines-article-78.htm. (visité le 16-08-2013) 118 De CERTEAU, Michel [1925-1986]. Philosophe et historien de l’art Français. Il est proche du mouvement Situationniste par son intérêt et ses réflexions sur le quotidien, pour l’individu en tant que porteur de marginalité, de militant. 117
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places pour y parvenir : urbanisme « spontanée, tactique, « Do-it-Yourself », guérilla, participatif, nonplanifié, informel, open-source ». Le choix des candidats à l’exposition met à l’honneur l’inventivité et la diversité. De plus elles présentent un intérêt à être reproduites, exportées, adaptées à d’autres endroits. Les actions sont répertoriées selon une dizaine de thématiques s’adressant à des problèmes liées au contexte socioéconomique : désinvestissement de la ville, insécurité, abandon et inutilisation, inoccupation, manque d’équipements, mobilité défaillante, pollution, exclusion sociale, privatisation de l’espace public, inutilisation de l’espace. Bien que chaque problème soit unique, attaché à son contexte (géographique, historique, etc…) ils se retrouvent partout dans le monde, et sont du ressort des architectes, qui ont tout intérêt à y consacrer leur exercice. Il semble donc que le contexte actuel de récession, au-delà des inquiétudes et du climat de pessimisme qu’il engendre, motive de nombreuses personnes à s’impliquer et à investir l’espace public comme milieu d’exercice, s’adressant d’avantage à des solutions locales valables pour un modèle global. C’est-à-dire qu’agir localement dans un contexte où tout est extrêmement relié grâce aux nouveaux médias revient à agir globalement. Si les actions et les publications relatées précédemment se réfèrent aux Etats-Unis et au Canada, il faut préciser qu’elles contiennent des exemples issus du contexte Européen. Ces formes d’activismes ne manquent pas en Europe, mais l’ouvrage et les deux expositions citées permettent d’avoir une vue d’ensemble d’un panel d’acteurs et d’actions qui peuvent être menées, et qui doivent stimuler les architectes aujourd’hui à élargir le champ de pratique et la vision de la profession pour répondre à une demande qui n’est peut-être pas là où l’on attend.
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4.4. Conclusion : «Crise économique, crise sociale, crise de la démocratie, crise énergétique, crise de l’éducation, crise du logement… nous sommes aujourd’hui entrés dans une situation de crise généralisée, globale. Et c’est peut-être notre meilleure chance ! »119 Comme rappelé dans l’exposition « Shifts & stagnation » qui stipule 5% des bâtiments à travers le monde sont réalisés par des architectes, il va de soi que l’enjeu principal pour les architectes dépasse les « limites » dictées par la profession. Cependant ce que rappelle Cedric Price c’est que la construction n’est pas le seul outil d’action de l’architecte. Si le nombre de marchés privés et publics diminue en Europe, ce que mettent en valeur les « tactiques urbaines » exercées par les habitants, c’est qu’il est possible avec peu de moyens et de l’imagination (contrairement à la construction, qui met toujours en jeu des sommes considérables) d’agir sur son environnement, non seulement physique mais aussi politique. Puisque de nombreuses actions ont eu des répercussions dans la gestion de l’espace public. L’esprit du « tactical urbanism » est de s’imposer là où les politiques ne le font pas, ou trop lentement. Il ouvre la porte à repenser la manière dont les architectes peuvent pratiquer et agir sur leur environnement, autrement qu’en dessinant des maisons pour des particuliers… Ce type d’urbanisme informel propose des alternatives à un système qui pousse à la production effrénée par la prise de conscience d’un pouvoir d’action sur une échelle locale. Les citoyens deviennent acteurs de leur territoire. Nous sommes passés d’une architecture faite par les architectes pour les citoyens à une architecture faite par les citoyens. Si ces démarches ne nécessitent pas forcément la présence d’un architecte, elles font preuve d’une grande inventivité et de ressources exploitables comme base de réflexion. L’avantage de l’architecte est le regard extérieur qu’il peut apporter aux « locaux », un regard neuf sur une problématique existante. Après tout… l’architecte est aussi citoyen.
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Collectif Etc p227 AlterArchitecture
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5. 50 ans de pratique, évolutions du rôle public de l’architecte 5.1 L’architecte dans le temps Dans les années 60 l’exercice d’un courant qui cherche une approche plus « sensible » se caractérise par une « architecture de papier ». C’est à dire des concepts utopistes, des villes imaginaires (New Babylon de Constant Nieuwenhuys). C’est le moyen pour l’architecte de s’affirmer avant tout comme un acteur politique, avec une responsabilité sociale. A ce titre la Team 10 réagit aux principes du fonctionnalisme, qui pense pouvoir solutionner les problèmes de logements par une uniformisation et une tabula rasa du passé. Percevant le danger de cette position, le groupe imagine une architecture plus contextualisée, proche de ses usagers, promettant une évolution de la charte d’Athènes. Au même moment des précurseurs tels que Cédric Price mettent en pratique ces idées plaçant l’intérêt des usagers au cœur de son « Inter-action center », qui propose une aide à l’insertion pour une population marginalisée. « L’anticipatory architecte » doit prévoir les besoins de la population. Une architecture souple, « mobile », permet de répondre à une société en évolution permanente. L’architecte mène un combat politique et social mais en marge du grand public, qui reste extérieure aux processus de réflexion. Les années 60 sont donc le passage d’une architecture faite par les architectes pour les architectes en faisant table rase de l’existant à une architecte faite par les architectes pour les citoyens. C’est une idéologie ouverte et inclusive de la ville qui se développe. Les années 80 sont un tournant vers une architecture qui s’ouvre aux outils digitaux, un monde interconnecté, qui prend racine dans le milieu des années 90’ pour se développer exponentiellement jusqu’à aujourd’hui. Ces nouveaux outils portent la démocratie car ils permettent à une plus grande majorité d’échanger librement et d’exprimer ses opinions. Mènent des praticiens à utiliser des « tactiques » qui les positionnent en marge d’un courant plus traditionnel, par leurs revendications sociales. En cela Santiago Cirugeda cherche à contourner et utiliser les failles des procédures urbanistiques pour intervenir dans la rue et répondre à une demande. On retrouve chez lui la pratique du « détournement » prônée par les Situationnistes. Chez l’association Citymine(d) et chez muf architecture/art, c’est via des analyses urbaines et une très forte implication du publique dans les processus de recherche et d’élaborations des projets 2- que l’on questionne les problématiques urbaines et que l’architecte peut s’engager socialement. C’est aussi en ce sens qu’il efface les limites d’un cadre, de règles qui définissent son exercice.
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Le contexte actuel, caractérisé par les différentes « crises » auxquels il est impossible d’échapper frappe de plein fouet la jeune génération d’architecte, nombreuse et non pas moins innovante. Et c’est dans une pratique plus informelle, des actions locales, par des moyens peu couteux et rapide à mettre en place que l’architecte peut affirmer son engagement et son rôle social, et toujours repousser les limites de la profession. 5.2 Des limites repoussées L’exercice de l’architecte seul est aujourd’hui menacé, compte tenu de l’évolution des techniques spécialisées et des normes de plus en plus poussées. Pour répondre à une demande diversifiée et complexe ce sont aujourd’hui des agences regroupant des compétences transdisciplinaires et faisant places à partenariats multiples voir qui s’ouvrent à des domaines plus large que « l’architecture » en tant que tel qui persistent. L’architecte se doit de repousser les limites de la profession pour répondre aux enjeux de la situation socio-économique actuelle. Il outrepasse la mission initiale prévue par l’Ordre des Architectes (conception, suivi de chantier) pour générer de nouveaux projets, ce qui passe par : -
Faire appel à différentes formes d’organisation, aussi bien en interne qu’avec le « public ».collaboration avec les citoyens, associations, ONG, partenaires privés, institutions.
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Rassembler différentes disciplines pour compenser son statut de « généraliste ».
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Cumuler différent statuts voir emplois pour pouvoir exister, voir survivre dans l’économie de marché actuelle (enseignement, recherche).
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Mettre à profit les nouveaux outils disponible pour échanger, diffuser, s’inspirer des exemples qu’il existe déjà.
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Penser au-delà du cadre légal prévu par les institutions
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Considérer l’exercice de l’architecture non pas comme purement défini et limité par les contraintes et l’objectif de construire, mais comme une pratique réflexive permettant d’aborder toute sorte de problématiques.
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5.3 Evolution du rôle public Les différents exemples observés dans ce premier chapitre nous permettent de retracer l’évolution et la traduction d’un engagement social dans la pratique concrète d’architectes, son rôle public à travers différents rôles. Ces rôles ne définissent pas précisément le passage d’une « ère » à une autre, mais c’est plutôt le reflet d’une évolution de la perception des activités de l’architecte, ils se cumulent et évoluent. Avant 1960 l’architecte est le « directeur artistique » (Le Corbusier) de l’occupation de la ville. Il cherche à régir par des règlements les usages et à donner des réponses standardisées en accord avec l’industrialisation. Se développe en parallèle une vision alternative de l’architecte en tant qu’ « investigateur social ». C’est-à-dire qui au lieu de faire table rase cherche à comprendre la ville à travers son métissage, son ensemble de cultures différentes, Ce rôle s’appuie sur la « théorie de la dérive » des Situationnistes qui rappellent que la ville se caractérise par des atmosphères et un vécu. Puis dans les années 1990 l’investigateur social devient également un « informateur ». Qui tente d’apporter des informations aux citoyens pour permettre d’agir, ou de mener des opérations pédagogiques. Après 2000 c’est l’image d’un architecte avant tout un citoyen qui émerge : l’architecture se fait par les citoyens, pour les citoyens. Tout le monde a le « droit à la ville » («Tactical Urbanism»). Les processus de planification « Top – down » c’est-à-dire des autorités publiques vers la population font de plus en plus de place à des processus « bottom-up » (du bas vers le haut) c’est-à-dire de la population vers les instances publiques. L’urbanisme tactique permet pour une faible prise de risque d’utiliser l’espace public comme terrain d’expérimentation et de recherche (« Research by design »). Ce qui va différencier l’architecte de tout autre citoyen c’est qu’il peut apporter un point de vue extérieure a des problématiques locales, et fort d’une expérience qu’il a acquis, imaginer des solutions auxquels les locaux n’auraient peut-être pas pensé. Les théories des années 60 trouvent-elles encore aujourd’hui écho dans la pratique de certains architectes ? C’est en analysant plus spécifiquement les méthodes et les processus qui sont mis en places par de jeunes Agences pour les mener au « projet », qu’il est possible de comprendre en quoi et comment l’architecte se différencie du citoyen lambda à travers son rôle pour générer une Architecture Citoyenne.
CONTEXTUALISATION
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CAS D’ETUDES
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INTRODUCTION Comme nous l’avons vu, il est impossible de dissocier les agences actives d’un contexte international, surtout depuis internet qui permet d’établir de vastes réseaux d’échange. C’est dans un esprit représentatif d’une variété de démarches possibles que sont choisis les cas d’étude. Chaque agence propose des outils pour « activer » la citoyenneté, et place donc l’architecte dans une position spécifique, qui n’est pas celle du « designer », qui décide d’une forme ou d’un concept. Il semble que l’architecte soit le pilier autour du quel gravitent les différents acteurs, permettant d’établir la communication entre eux. L’intérêt des exemples choisi réside dans le fait qu’ils sont représentatifs d’un désir, et d’un besoin collectif, chez une jeune génération, de se positionner en opposition au système de « star-chitecte », en revendiquant, de la même manière que leurs prédécesseurs une position et une implication politique forte. Il en résulte des démarches inhabituelles, dont il est enrichissant de prendre connaissance. Ce que nous chercherons d’abord à comprendre, c’est comment ces démarches sont menées à bien, afin de les aborder sous un regard critique par après. Comprenons que ce qui importe dans les recherches de ces jeunes praticiens n’est pas un résultat fini, figé dans un objet architectural, mais c’est le processus par lequel le projet est mené à bien. « Le procédé normal pour un architecte est d’ajouter quelque chose de physique au monde ; […] dans l’esprit de Cedric Price, l’addition d’un bâtiment n’est pas nécessairement la meilleur solution à un problème spatial […]. »120 C’est dans cet esprit que nous approcherons les différents projets étudiés.
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AWAN N, SCHNEIDER T, TILL J (2011) • Spatial Agency : Other Ways Of Doing Architecture .p31
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CRITERES DE SELECTION A propos du choix des agences : celui-ci a été effectué en considérant un accès suffisant aux informations relatives aux projets, à l’organisation interne et la philosophie de l’Agence. L’actualité du travail des agences est importante car elle se situe dans une période de crise et répond donc à des besoins spécifiques. Elles ont toutes été créées après 2000 et ont des relations sur la scène internationale, ancrant leurs travaux dans le contexte européen, voir mondial. Toutes ont un intérêt pédagogique dans leurs démarches, qu’il se manifeste à travers des expositions, conférences ou des processus d’engagement citoyen. Les projets sont liés à l’intérêt publique c’est-à-dire la gestion du bien commun qu’est la ville. Cela passe donc par l’action dans l’espace public, qu’il soit matériel ou virtuel. Aucun projet d’intérêt privé n’est traité ici. La mise en place des projets, si elle est parfois stimulée par des appels d’offre ou des concours, ne se limite pas à cela, ni à l’attente d’un potentiel client. Les projets sont lancés sur l’initiative personnelle des architectes et parfois basés sur des fonds propres. Les échelles et les formes des projets sont variées : allant du concours d’idée au projet d’aménagement public réalisé en collaboration avec les habitants d’un quartier en passant par la mise à disposition de ressources virtuelles. Le choix de la diversité des projets résulte de l’intérêt porté aux différents moyens mis en œuvre par les architectes pour générer une « Architecture Citoyenne ». Ce sont ces moyens, ces processus, qui permettent d’avoir une lecture du rôle de l’architecte. Leurs analyses passent donc par un regard sur le contexte c’est-à-dire sa situation temporelle, géographique et politique, dans quel cadre et pour quel client intervient le projet ? De là est tiré la problématique du projet, à laquelle l’Agence répondra par une stratégie. Cette partie retrace donc les méthodes employées par l’Agence pour répondre à la question. Ce qui permettra dans la synthèse, de comprendre en quoi ces méthodes répondent au contexte actuel (et historique ?).
71
1.
EXYZT
« Fort de l’idée qu’une communauté d’usagers actifs et habitant leur environnement urbain est la clé pour générer une « ville vibrante », nous voulons militer pour ce parti politique en se basant sur le travail de situations existantes pour créer des lieux de communautés riches d’engagement culturel. » 121 1.1
Présentation
Né en 2003 sous l’impulsion de 5 architectes122, Exyzt, basé à Paris, est une plateforme de création pluridisciplinaire regroupant aujourd’hui une vingtaine de personnes, d’origines et de formations différentes : graphistes, vidéastes, photographes, dj, botanistes, artisans. La particularité du collectif est d’intervenir dans un territoire donné avec des structures auto-construite pour une courte durée, les projets sont donc de l’ordre de l’évènementiel. Selon eux, c’est le contexte qui oriente le projet, chaque intervention vise à créer un terreau fertile au tissage de nouveaux liens avec les acteurs locaux à travers la culture, la rencontre et l’échange. « « Action, vie et échange » sont les trois mots clés pour aborder l’approche du collectif. Concevoir une architecture à travers l’action ou des actions, charger l’architecture de la vie, d’usages multiples et divers et utiliser l’architecture elle-même comme médium, afin de promouvoir des rencontres et de l’échange. »123 Exyzt explore le domaine des collaborations transdisciplinaire à travers l’auto-construction et les réseaux de communications, dans des domaines différents, allant de l’art à l’architecture construite. L’architecture est donc employée comme média d’expérimentation questionnant les lieux investis, ainsi que le contexte actuel.
121
Manifeste du collectif. [En ligne] http://www.exyzt.org/about/ François Wunschel, Pier Schneider, Philippe Rizzoti, Nicolas Henninger et Gilles Burban (architectes Français). 123 Manifeste du collectif. [En ligne] http://www.exyzt.org/about/ 122
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Si l’approche du collectif relève de l’évènementiel, il convient ici de la qualifier de temporaire c’est-à-dire « offrant ses propres qualités, qui peuvent être intéressante tant du point de vue de la planification que de l’économie aussi bien que pour des groupes d’usagers n’ayant d’habitude que peu d’intérêt pour l’urbanisme que de l’économie à une échelle plus large. » 124 Lors d’une interview deux membres du collectif qualifient la démarche « d’Architecture sociale »125, qui serait donc faite par les gens, pour les gens. Le projet vit, grandit comme une plante, avec la ville et les gens, et évolue en fonction de l’échange entre le collectif et la population. Selon eux la ville doit se construire ensemble. Un aspect fondamental du travail d’Exyzt, que l’on retrouve souvent dans leurs démarches est l’importance qui est accordée au fait de résider sur place. En effet pour le collectif c’est en habitant les lieux des projets que l’on peut se les approprier et tisser des liens avec les locaux, nouer des amitiés. L’approche d’Exyzt à travers ses projets auto-construits, réversibles en structures légères peut couteuse et construites rapidement est très comparable à la réflexion menée par le l’agence Anglo-saxonne Muf, dont le travail est abordé dans le premier chapitre.
124
HAYDN, Florian. (2006) • Temporary Urban Spaces: Concepts for the Use of City Space. « […] interesting for both planning and the economy as well as for groups of users who usually have little to do with planning or economy on the large scale » P 17 125 Interview de Philippe Rizotti architect et Gonzague Lacombe à l’occasion de l’exposition Yona Friedman au Ludwing Museum, Budapest, 2011. http://www.youtube.com/watch?v=6mzARqDJn_E
73
1.2
Projet 1 : Metavilla « mets ta vie là ».
a.
Contexte
C’est avec ce projet, réalisé en 2006 à l’occasion de la Xème Biennale de Venise, sur le thème « ville, architecture et société » que le collectif va beaucoup faire parler de lui. Les questions posées par la biennale concernent les capacités et le rôle des architectes et de l’architecture à construire une démocratie et un environnement durable en lien étroit avec la politique. Ils sont initialement invités par Patrick Bouchain
126
pour réaliser ce travail.
La finalité du projet n’est pas dans l’action construite ou dans son exposition. C’est l’acte de construire qui est le réceptacle de la vie quotidienne laissant la trace d’une expérience dans le quotidien de chacun, ouvrant les portes de la rencontre à l’inconnu. b.
Questionner les représentations de l’architecture
Le collectif veut remettre en cause les représentations de l’architecture à travers la sur-médiatisation de la Biennale. Ce qu’ils pointent du doigt, c’est que lors de la biennale de Venise, l’architecture à tendance à se limiter à son graphisme que l’on « consomme ». Elle est le lieu de rencontre entre une architecture voulue sociale et une société de consommation de masse, réservée à ceux seuls qui peuvent y mettre le prix. C’est un évènement de renommée internationale qui fait connaître de jeunes talents mais également affirme la suprématie de noms bien installés dans le domaine de l’architecture. Les projets sont traités comme des images, icones de puissance, illustrées par des prouesses techniques ou des idées souvent démesurées. c.
Stratégie : l’architecture comme média
Pour occuper le Pavillon Français, le collectif décide, de proposer un aménagement permettant à n’importe qui d’habiter la villa : cuisine, chambres, mini-piscine, le pavillon se transforme en véritable « auberge », lieu de rencontre et d’échange.
126
Né en 1945 à Paris, Patrick Bouchain est architecte et scénographe. De 1974 à 1983, il a enseigné dans plusieurs écoles telles l’école Camondo, les beaux-arts de Bourges et l’École nationale supérieure de création industrielle, qu’il a fondée.
74
L’architecture mise en place occupe le pavillon, tel qu’on peut occuper un pays en tant de guerre. Ici l’intervention se manifeste par une structure légère, en échafaudage s’immisçant dans les pièces du pavillon en générant la répartition programmatique. Ici le projet n’est pas monté par les visiteurs de la biennale de Venise mais bien par l’équipe, qui fut assistée dans le travail de scénographie par un artiste : Daniel Buren. Il s’occupa de la mise en scène de l’entrée du pavillon garnie de panneaux d’accueil, traduits dans différentes langues, pour symboliser l’ouverture du pavillon à tous les publics. La verrière du pavillon était traversée par un échafaudage qui prend de la hauteur pour dépasser la cime des arbres et offrir une vue panoramique sur la lagune. Cet espace en toiture sera lui mis en scène par l’artiste botaniste Liliana Motta. Pendant 3 mois l’équipe va donc habiter le pavillon, de septembre à novembre 2006. Un programme d’interventions, d’activités, de projections, conférences, d’invités, de workshop est établi pour la durée de l’exposition. L’architecte Lucien Kroll fut notamment invité. Le pavillon est devenu un foyer culturel et l’installation un acte politique et pédagogique. A l’intérieur on pourra assister entre autres choses à la projection de vidéos sur la pratique urbaine de Patrick Bouchain127, mettant un point d’honneur à la dimension sociale de ses projets. Le pavillon est donc devenu, le temps de la biennale un intermédiaire entre l’auberge de jeunesse et le squat d’artistes. Si c’est en habitant que l’Agence remet en question la représentation de l’architecture, elle n’en oublie pas pour autant de nous cultiver à travers ses workshops, et surtout elle devient un point de rencontre qui permet d’établir des réseaux, de faire des rencontres informelles, souvent à l’origine de futurs projets. Le pavillon aura toutefois été critiqué sur le fait que lorsque certains se préoccupaient des problèmes de densités et de gestion de la ville à grande échelle, d’autres ne se préoccupaient justement de rien, ou plutôt de faire la fête… Si chacun à son point de vue, l’acte d’occupation aura le mérite de provoquer des échanges, et un débat.
127
BOUCHAIN, Patrick ( 1946 - … ) est un architecte et scénographe français. Il s’attache autant à la création de « situations », que de bâtiments. Il s’investi dans différents rôles tels que celui de développeur, conseiller politique, artiste, investisseur.
75
Figure 15 : Metavilla | 2006 | Exyzt | Venise | Source [en ligne] : Exyzt.org Schéma d’installation des échafaudages occupants l’espace dans le Pavillon Français de la Biennale de Venise.
Figure 16 : Metavilla | 2006 | Exyzt | Venise | Source [en ligne] : Exyzt.org Salle de repas dans la métavilla.
76
1.3
Projet 2 : « sur la place publique »
a.
Contexte
L’objectif de l’opération est de « stimuler une approche active et créative des espaces publics de la commune, en s’appuyant sur des actions concrètes et participatives dans l’environnement quotidien », 128
de la commune de Saint-Jean-en-Royans menées sur un quartier résidentiel.
. Ceci pour accompagner des transformations physique
La commune présente la particularité, d’avoir un passé industriel fort, de ce fait elle a connu des opérations immobilière visant à accueillir une population ouvrière, majoritairement issue de l’immigration (asiatique, maghrébine, portugaise). Aujourd’hui la génération « ouvrière » fait place à une jeune génération. La majorité des sites industriels ont fermés leurs portes, laissant la place à des friches, et les HLM construits ont besoin d’être rénovés, ne répondants plus aux normes d’hygiènes actuelles. C’est dans c’est dans ce contexte que l’association De L’Aire, chargée du pilotage de l’opération et de la médiation locale par la mairie de la commune font appel à Exyzt, l’action se déroule entre 2009 et 2011, en quatre étapes, chacune prévue sur une période initiale de deux semaines. b.
Questionner les méthodes de concertation
De nos jours, la concertation apparaît comme essentielle dans la mise en place et la transformation des espaces publics, ce qui n’était pas le cas avant les années 60. Cependant « l’encadrement législatif reste relativement lâche et les acteurs de l’aménagement tentent chacun dans leur territoire, avec des résultats souvent mitigés, d’inventer des techniques ad hoc qui favorisent l’implication des habitants tout en préservant les prérogatives décisionnelles des élus et la légitimité technique des services municipaux.»129. C’est-à-dire que souvent, ces processus sont réalisé seulement par obligation, qu’ils ne sont pas nécessairement représentatif des besoins et des désirs d’une population. Le collectif cherche donc des moyens d’établir des relations avec les habitants de la commune afin de mener à bien dans un premier temps l’analyse du site, la détermination de ses besoins et la proposition d’action.
128
Commune du Vercors, dans la Drôme. France. FLEURY, Antoine ;TONNELAT, Stéphane (19-09-2012) • « Espaces publics urbains et concertation», Métropolitiques. URL : http://www.metropolitiques.eu/Espaces-publics-urbains-et.html (visité le 13-082013)
129
77
c.
Stratégies de concertations
Etape 1 : Chaud devant. Les acteurs mettent en place un « point chaud », plate-forme mobile qui va accueillir un four à pain, à pizza, pour s’ancrer dans le contexte et aller à la rencontre des habitants. Après avoir investi les rues de Saint-Jean-en-Royans, avoir établi une première approche de la population, l’équipe met en place une exposition dans La Halle de la commune. La discussion avec les visiteurs permettant d’alimenter l’étude. Ces deux premières actions sont menées pendant 2 mois. Etape 2 : Parcours culturel et urbain, exposition. Pendant trois semaines, le collectif occupera quatre lieux différents afin de rencontrer les habitants et de consigner les idées de chacun par rapport à l’espace public, en vue d’avoir une vision d’ensemble des besoins et des attentes des habitants et poser les bases d’une réflexion pour l’équipe municipale. Cette action qui devait se dérouler initialement dans un bâtiment en friche a finalement été menée à différents endroits symboliques : la salle communale, la salle de paroisse, l’office du tourisme et un des immeubles dont la destruction est projetée par la ville. Utiliser des lieux de rencontres communs aux habitants et diversifiés permet d’augmenter le nombre de rencontres. Le collectif se greffe aux associations locales pour engager des échanges et faire émerger une proposition d’action concrète, en recueillant des idées à travers des soirées et l’investissement des différents lieux. L’équipe tente de démystifier l’urbanisme et de rendre la réflexion sur les espaces communaux ludique et accessible à tous, chacun étant considéré comme expert de son territoire. Etape 3 : Chantier sur le quartier HLM Les chaux. La destruction de la barre d’immeuble implique un réaménagement de l’espace public, extérieur mais aussi intérieur. L’idée étant de restructurer des espaces collectif et de leur donner une raison d’être : dans l’usage (jeunes, âgés, occupation quotidienne ou évènements ponctuels, fêtes…). Et également d’aider à l’appropriation de ces nouveaux lieux par le biais de la participation. Dans ce cadre, le collectif propose la création d’un mobilier urbain, fabriqué en collaboration avec les habitants pendant deux semaines. De nombreuses activités s’articulent autour du chantier avec les habitants et les associations : des repas collectifs, un « fanzine » avec des histoires est rédigé, un DVD retraçant l’aventure est disponible gratuitement.
78
Etape 4 : Construction d’un Kiosk. Des différents ateliers et rencontres est ressortis le besoin pour les habitants de disposer d’un lieu de rencontre, de loisir, de rassemblement pour les habitants du quartier. Avec l’aide d’habitants et de collégiens et avec une majorité de matériaux récupérés de la démolition de l’immeuble, Exyzt a inauguré le 30 septembre 2011 le Kiosk destiné aux habitants. Dans ce projet, le collectif s’établit comme un tampon entre les habitants et les autorités locales, l’initiative du projet relevant des autorités communales. Grâce à la collaboration avec des associations et des acteurs locaux, l’équipe génère des outils inventifs et des stratégies pour établir un contact avec la population. La médiation passe par la fabrication d’un mobilier urbain et l’appropriation de lieux dédiés à la commune. L’agence utilise des méthodes peu chère et rapide à mettre en place pour souder la population autour d’actes de la vie quotidienne : manger, célébrer, discuter. L’investissement de l’action est de 92500 euros sur deux ans, plus environ 20000 euros pour la construction, ce qui représente un cout considérable. On peut également soulever la question de la pérennité de l’aménagement proposé et de son adéquation aux besoins réels des habitants, la réponse architecturale proposée ne permettant pas une grande flexibilité d’usages. Si le projet fini n’est peut-être pas la réponse idéale, le projet aura eu pour avantage de réunir habitants et élus locaux autour d’un projet commun, et de responsabiliser ceux-ci vis-à-vis de leur environnement.
79
Figure 17 : Sur la place publique| 2009-2011 | Exyzt | Saint-Jean-en-Royan, France | Source : Association « De l’aire » [en ligne] : http://www.delaire.eu/coordination-de-projets/sur-la-place-publique-vercors Différentes phases de la mise en place du projet collectif. De haut en bas : réalisation du fourneau pour aller à la rencontre des habitants. Réunion de quartier, discussion sur l’existant. Création d’un magazine. Réalisation des pavillons urbains.
80
1.4 a.
Projet 3 : « The reunion » Contexte
En 2008, à l’occasion du Festival d’Architecture de Londres, Exyzt en collaboration avec Sara Muzio130 avaient créé le « Southwark Lido », inspirés des bains romains au cœur de la ville. En 2012 le collectif est de nouveau invité à investir l’espace, toujours en friche, dans le quartier Londonien de Southwark. Le terrain, qui appartient à un promoteur immobilier, est longé par une voie ferrée, il est situé dans l’hyper-centre Londonien, à proximité de la gare. Quatre ans auparavant, l’objectif était de tester des solutions de « régénération urbaine », basé sur l’idée qu’une communauté habitant un site et l’activant était la clé pour créer un contexte urbain agréable, « vibrant ». S’il est vrai que pendant la période d’occupation du site, son potentiel de « catalyseur urbain » est immuable, l’objectif n’a apparemment pas su s’ancrer dans son contexte géographique et initier du changement, vu qu’après le Festival d’Architecture de Londres en 2008, le site n’a pas connu d’occupation permanente dédiée au quartier. Cependant, il a accueilli temporairement en 2010 un verger urbain, rempli de différentes espèces d’arbres fruitiers impliquant une centaine de volontaires, puis en 2011 de nouveau un jardin urbain, ayant pour thématique les plantes médicinales. Les deux évènements faisant intervenir des artistes et des évènements ouverts au public. b.
Questionner l’utilisation de sites délaissés
En investissant une friche le collectif pose la question de l’usage des sites délaissés en milieu urbain. Comment peut-on tirer profit des sites laissés pour compte ? Comment leur donner un rôle urbain plutôt que de laisser dormir leur potentiel ? Cela sans pour autant compromettre les projets de ses détenteurs. Un récent article traite la question des sites urbains inutilisés ou abandonnés. En 2012, plus de 2 millions de bâtiments sont répertoriés comme inhabités. A Amsterdam, 18% des surfaces dédiées bureaux sont inutilisées, soit environ 1.300.000m². La situation est comparable à Londres et à Berlin, si
130
Sara Muzio (????-) est réalisatrice, artiste, écrivain. Elle concentre principalement ses travaux autour de la thématique urbaine, privilégiant une approche transdisciplinaire aux problématiques culturelles, sociales, et de développement économique.
81
toutefois le pourcentage à Berlin est légèrement en baisse.131 Paradoxalement, en France, depuis 2001 on répertorie une augmentation du nombre de sans-abris de 50%.132 Au-delà de la question de la friche urbaine, par ses interventions temporaires, le collectif questionne les outils Institutionnels de gestion des espaces vacants. c.
Stratégie : animation d’une friche
Inspiré cette fois-ci par le « Beer Act » de 1830, loi promulgué par le gouvernement pour libéraliser la production de bière artisanale et sa vente (modifié en 1993), le collectif propose cette fois de promouvoir le breuvage de micro-brasseurs Anglais. Autour d’un bar, d’une auberge et d’un minisauna, mais aussi de jardins d’activités, permettant de toucher un public le plus large possible. L’accès aux différentes activités étant gratuit. La stratégie ne consiste pas simplement en l’occupation festive du site vacant, mais la promotion d’une économie locale, en permettant à des brasseurs régionaux de vendre et de faire valoir leurs propres produits. Le collectif souhaite à travers son action donner du crédit à un commerce alternatif et durable et tester son impact sur le long-terme. Tout comme dans la métavilla, l’animation de la friche passe par des activités culturelles et festives, permettant d’échanger avec d’autres, de provoquer des rencontres informelles, offrant une expérience inattendue aux habitants et visiteurs du quartier. Mais elles intègrent en plus des paramètres économiques qui enrichissent le projet. Promouvoir une économie et des producteurs locaux est un signe d’engagement politique contre la globalisation. Ce sont ces paramètres qui distinguent « The Reunion », plus modeste que l’intervention précédente, « Southwark Lido », qui ne faisait place qu’à des activités récréatives. Si l’on compare « Southwark Lido » avec « The Reunion », on peut noter que la deuxième intervention est nettement plus modeste et semble intégrer des paramètres économiques et locaux en plus des paramètres récréatifs.
131
FRANKEN Christina (05-03-2013)• Abandoned: the draw of vacant site in the US and EU. Publié sur UrbanTimes 132 Ined, Insee, enquête auprès des personnes fréquentant les services d'hébergement ou de distributions de repas 2012.[en ligne] URL : http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1455#inter1
82
Figure 18 : Site de Southwark lorsque il est inoccupĂŠ | Source [en ligne] exyzt.org
Figure 19 : Southwark Lido | 2008 | Exyzt | Londres (Angleterre) | source : [en ligne]: exyzt.org
Figure 20 The Reunion | 2012 | Exyzt | Londres (Angleterre) | Source : [en ligne]: exyzt.org
83
1.5
Conclusion
Le collectif tire clairement son inspiration des utopistes des années 60. Lorsque la Team 10 évoquait au sujet de l’architecte que sa responsabilité était d’assurer la cohésion de la collectivité, on peut dire que c’est l’objectif principal qui ressort des actions d’Exyzt pour qui « l’acte fondateur d’une communauté 133
serait le bâtir ensemble »
.
Dans les procédés, on peut également faire le parallèle entre les constructions temporaires du collectif et les représentations des villes imaginaires auto-construites de Constant Nieuwenhuys, ou les structures imaginées par Cedric Price permettant un usage libre, évolutif selon les usagers. Exyzt axe ses projets autour du vécu des usagers et de leur implication, avec des médias simple : les repas, des activités culturelles, des fêtes. Ils font de leurs interventions des « brèches momentanées » dans la ville. Ils créent des « situations » au sens où l’entendent les situationnistes, pour qui la révolution passe par les actes du quotidien et la ville se définit comme un parcours d’atmosphères. La critique de la société de consommation, et de l’architecture comme « bien de consommation » à la Biennale de Venise à travers la Metavilla s’apparente bien aux idéaux du groupe des années 60’. Dans leurs projets réside une dimension contestataire, critique. Si les projets étudiés sont tous entrepris dans la légalité, certains ont été lancés sur leur propre initiative dans les limites de la loi, dont Santiago Cirugeda est un expert. Enfin la dimension transdisciplinaire et participative qu’ils donnent à leur pratique est comparable à celle entreprise par Muf architecture/art, mélangeant différents médias pour nourrir l’essence des projets. Tout comme les nombreuses actions spontanées rassemblées au pavillon Américain de la Biennale de Venise. Le jeu, la nourriture et l’évènementiel reste leur terrain de prédilection. Si tous les projets sont porteurs d’enthousiasme et d’optimisme, il est néanmoins impossible de ne pas avoir un regard critique par rapport à certaines prises de positions. Par exemple dans les deux projets ayant eu lieu à Londres, sur le site de Southwark, c’est-à-dire la « Southwark Lido » et « The Reunion », on peut dire que les objectifs d’initier une amélioration à long-terme sont plus que douteux, sachant que le site n’a pas changé de statut depuis la première occupation en 2008, et qu’il ne connait une « vie » qu’à l’occasion d’évènements organisés pendant l’été, alors qu’il pourrait être mis à disposition pour une période plus longue, sachant qu’il reste en attente d’un projet futur.
133
D’ARCHITECTURES 192, JUIN/JUILLET 10, P8
84
De plus si la venue d’artistes, de « performers » et les activités choisies font des heureux, elles ont aussi leurs lots de mécontents. En effet, certains dénoncent le fait que les subventions allouées par la ville et la « Architecture Foundation » pour le Festival d’architectures de Londres sont en fait dilapidées dans des évènements temporaires n’ayant aucuns effets à long terme. L’argent pourrait être investi dans la rénovation d’équipements de quartiers qui en ont besoin (et il y en a) : lorsque les journaux ventent la mise en place d’une piscine (Lido en anglais), c’est en fait une pataugeoire de 20cm qui est sur le site, alors que la piscine locale aurait besoin d’être rénovée. De plus, l’action, qui se veut dédiées aux locaux, récolte en fait beaucoup de plaintes de ses voisins proches, causant entre autre des nuisances sonores. Dès lors on peut se poser plusieurs questions. Est-ce que ce type d’interventions ne décrédibilise pas les architectes, sachant que la crise économique frappe tout le monde et que l’on se permet de « gaspiller » des ressources dans des évènements temporaires ? Ou ces évènements apportent-ils une réelle plus-value à ses usagers et des retombées bénéfiques sur le long terme. Une deuxième question que l’on pourrait se poser serait de savoir si l’opération n’est pas uniquement axée sur l’aspect commercial et publicitaire dans l’intérêt des détenteurs du site, qui le mettent généreusement à disposition, faisant ressortir son potentiel urbain, sa position, et attirant d’éventuels investisseurs ? Si les réponses aux deux questions précédentes ne peuvent être éclaircies, elles dépassent par ailleurs l’engagement social d’Exyzt qui n’est responsable ni de la gestion du site, ni de celle de l’argent publique. Cependant ils sont responsables des choix qui guident le projet, et si l’on peut toujours trouver des critiques, l’initiative de promouvoir un commerce « alternatif », local, et de réunir les habitants est déjà porteuse de convictions respectables, ayant un potentiel de répercussions positives certaines.
CAS D’ETUDES
85
2.
« ZERO ZERO » Architects
« Une économie civique est en train de naître, à la fois ouverte et sociale. Une économie fusionnant la 134 culture Web 2.0 avec une intention citoyenne » 2.1
Présentation
Fondé en 2005 par Inderpaul Johar et David Saxby, architectes. Ils définissent leurs travaux comme étant à la fois d’intérêt écologique et social. Leurs bâtiments recherchent aussi bien la performance énergétique qu’un bilan carbone le plus proche de zéro, leurs travaux de régénération urbaine sont basés sur la création de micro-entreprises à travers des commerces de petites échelle et des formes d’échanges non monétaires, tel que le troc. Cette approche stratégique vise à la création de liens sociaux, dans des espaces qui laissent libre court aux échanges informels. Les architectes, qui sont aussi auteurs et conférenciers, ont voulu rédiger un manifeste reprenant une variété d’initiatives, de projets, de collaborations, menant une réflexion sur des façons de réagir à la crise économique. Une économie civique est celle « qui combine l’esprit d’entreprise et l’aspiration à un renouvellement 135,
civique »
« l’important est que l’économie civique ne soit pas exclusivement réservée au domaine
de l’économie, mais au contraire, qu’elle installe des ponts entre le public, le privé et organise le 136
secteur tertiaire en y introduisant le public »
Ce que 00:/ veut développer, c’est l’idée que l’architecte soit le coordinateur entre les différents partis, qu’il alimente avec son réseau celui de ses partenaires. Il ne doit pas attendre que le client propose une commande, il doit identifier le potentiel de partenariats qu’il est possible de réaliser et prendre l’initiative d’activer les différents partenaires.
134
―A civic economy is emerging, one which is fundamentally both open and social. It’s an economy which is fusing the culture of Web 2.0 with civic purpose‖ p7, Publié par 00:/ Londres, en association avec NESTA et Design Council CABE. 135 Ibid, preface p3. 136 « The central point here is that the civic economy is not the exclusive domain of any particular sector of the economy, instead, it bridges across the public, private and organized third sector as well as including the public at large » Murray, Robin. (2009) ―Danger and Opportunity – Crisis and the New Social Economy‖ London: Young Foundation & NESTA.
CAS D’ETUDES
86
2.2
Projet 1 : HUB Westminster
a.
Contexte
L’idée de « Hub » émerge en 2005 à Londres. L’équipe met en place la première « pierre de l’édifice », en plein cœur du centre d’affaires de Londres. Le Westminster est l’endroit où le « pouvoir politique » de la Grande Bretagne a décidé de s’installer. S’y trouvent le Parlement Britannique et le célèbre « Buckingham Palace » où réside la famille royale. Depuis, c’est une trentaine de Hub qui ont vu le jour, dans des villes d’intérêt économique majeur, sur les 5 continents, réunissant une communauté de plus ou moins 5000 membres. Les HUBS sont pensés par l’Agence comme des foyers de culture et de rencontre entre des entrepreneurs potentiels. Pour eux il faut favoriser l’accès à l’information, l’échange et la rencontre entre les partenaires potentiels à l’élaboration de projets innovants, ayant attrait à l’économie. b.
Questionner les lieux d’échange
La proposition d’implanter des HUB dans différentes ville questionne l’accès suffisant à des foyers de réflexion, d’innovation, d’échange et de culture, où peuvent se produire des rencontres informels. En effet, permettre à tous d’avoir accès à l’information paraît comme incontournable dans la société actuelle. Mais également de rencontrer des partenaires pour mener à bien des projets d’intérêts général, ou personnel… c.
Stratégie : créer des plates-formes d’échange polyvalentes
La stratégie employée par cette Agence pour mettre en place ce réseau, censé servir le développement et la mise en place d’une économie « locale », décentralisée et sociale, est d’implanter dans les villes de foisonnement économique et intellectuel, des espaces disponibles à la location et à l’organisation d’évènements. L’agence 00:/ propose en fait de louer et d’assurer une logistique quant à l’organisation d’évènements dans leurs locaux. Mais au-delà de s’implanter dans des villes importantes, il s’agit de s’implanter aux bons endroits. 00:/ semble avoir une préférence pour les hauts lieux des affaires et les quartiers « chics ». Le HUB Bruxelles par exemple, était implanté sur l’avenue Louise (l’une des plus chères de Bruxelles), mais après 3 ans d’ouverture, il a aujourd’hui fermé ces portes.
87
L’usager a besoin d’un espace de travail ou cherche à enrichir son réseau avec de nouveaux partenaires, investisseurs, créateurs potentiels. Le HUB est un point de rencontre dans lequel des espaces de travail et de détente peuvent être loués pour permettre des rencontres plus ou moins informelles, des formations, séminaires, réunions, conférences y sont également données, c’est un « centre d’activation » à l’entreprenariat. Le bâtiment initial, à Londres, héberge également le bureau d’architecture de l’Agence, il est voulu multifonctionnel. Les hubs mettent également en place des stages, des workshops, des formations, des cours pour les personnes désireuses de recevoir des conseils et des informations quant à l’entreprenariat. Pour l’inscription à ces stages, aucun prérequis ou diplôme est apparemment nécessaire. La communauté HUB en ligne se présente un peu comme un journal, mettant en valeur les dernières innovations, créations, partenariats qui ont été mis en œuvre. Lorsque l’on regarde la liste des Entreprises partenaire des Hub, on ne trouve que des grandes firmes, internationales, par exemple Virgin. Le concept représente un intérêt certains mais il présente également un caractère aléatoire, des personnes de milieux tout à fait différents peuvent se retrouver autour d’un « brainstorming » (remueméninges), chacun ayant sa propre méthodologie, des conflits peuvent également se créer. Mais c’est ce qui fait d’un autre côté la richesse des débats…
88
Figure 21 : HUB | 2005 – aujourd’hui | 00:/ | Londres (Angleterre) | Source : http://westminster.the-hub.net/ Liste des prix pour l’inscription à la communauté « HUB » lorsqu’on effectue la démarche en ligne. Plusieurs formules sont possibles : du membre virtuel au « HUB illimité ». Cet abonnement comprend l’accès au réseau ainsi que des réductions sur la location d’espaces de travaux…
Figure 22 : HUB | 2005 – aujourd’hui | 00:/ | Londres (Angleterre) | Source : http://westminster.the-hub.net/ Schémas de principe pour l’organisation et la gestion des Hub. L’argent est entièrement reversé à l’association et réinvesti dans l’organisation et le lancement de nouveaux projets pour les Hubs.
89
2.3
Projet 2 : « Marylebone Free School
a.
Contexte
La proposition d’action se passe dans un quartier de Londres, très loin d’être défavorisé. Le quartier de Marylebone présente une forte densité résidentielle et commerciale et est stratégiquement connecté à l’hyper-centre Londonien. La population de 11-18 ans représente environ 700 jeunes étudiants, et il n’y a qu’une seule école secondaire. Compte tenu de la densité du quartier, 00:/ argumente qu’il n’y a que difficilement moyen de construire un second bâtiment d’extension de l’école, dès lors, une analyse poussée des atouts et potentiels du quartier est menée. Considérant la taille du quartier, il est conclu qu’un étudiant peut parcourir en peu de temps l’espace qui sépare un bout à l’autre. Dès lors, un inventaire des bâtiments qui présente un potentiel d’usage inexploité est répertorié : maison de maître, rez-de-chaussée inoccupé, édifices religieux etc… Si les édifices sont parfois occupés, il ne faut pas négliger qu’ils ne le sont pas nécessairement tout le temps. b.
Questionner le fonctionnement des institutions
Le projet questionne le fonctionnement de l’institution scolaire : pourquoi construire des bâtiments lorsqu’il existe en ville des bâtiments non utilisés? En effet, compte tenu des rapports sur les bâtiments inoccupés qui existent dans les centres urbains à haute pression financière, on peut s’interroger sur leur usage. De plus, questionner des faits établis comme le fonctionnement cloisonné des écoles soulève des points intéressants : autonomie des étudiants, intégration et utilisation des équipements publics déjà existants, réduction des coûts, dynamique de quartier pour les différents commerces. L’institution scolaire est établie depuis de nombreuses années. Hors aujourd’hui, certains revendiquent que les programmes et les modes de fonctionnement ne sont plus adaptés à la société dans laquelle nous vivons. Le système de notation, le fonctionnement cloisonné en différentes classes, la culture d’un mode d’éducation favorisant l’individualisme au lieu de travail en équipe… Autant de questions qui sont considérées comme immuables, que le fait de s’intéresser à cette problématique remet en cause.
90
Figure 23 : Marylebone scale-free school |2013 |00:/ |Londres (Angleterre) |Source : [en ligne] www.marylebonefreeschool.co.uk Schéma de principe : l’école est disséminée à travers le quartier, utilisant des locaux inexploités pendant certaines. heures.
Figure 24 : Marylebone scale-free school |2013 |00:/ |Londres (Angleterre) |Source : [en ligne] www.marylebonefreeschool.co.uk Schéma du matériel scolaire et des outils mis à disposition de l’école. Smartphone avec GPS et calendrier évolutif, carte d’étudiant permettant l’accès aux locaux, uniformes pour créer un sentiment de communauté…
91
c.
Stratégie : utiliser les technologies de communication
L’idée que l’Agence propose est de créer une école « libérée de son échelle ». C’est-à-dire de décloisonné les lieux d’apprentissage, en profitant de la proximité urbaine et des potentiels que proposent certains bâtiments inoccupés, ou sous-occupés. C’est autour de 3 thèmes que s’axent les différentes stratégies, clés du concept : -
Les infrastructures : les classes sont disséminées dans le quartier, à l’aide de « smartphones » fournis par l’école, les étudiants sont maintenus en permanence au courant des endroits de cours via un GPS, une sonnerie, un emploi du temps dynamique. Les ordinateurs portables, grâce à des filtres internet deviennent des manuels de cours, contenant les différents tests et exercices. Enfin, un simple projecteur et des nœuds wifi permettent de créer des « pop-up » classes, c’est-à-dire des classes « improvisées », n’importe où. Le port d’un uniforme rend les étudiants d’une même école identifiables et leur permet de se reconnaître en cas de problème. Les différentes infrastructures sont connectées par le réseau de voiries existant et les transports en commun.
-
Les programmes : l’école occupant des locaux appartenant à différentes associations/ firmes/ institutions, augmente son réseaux d’acteurs extérieurs, qui peuvent interagir avec les étudiants et leur faire part de leurs expériences. L’école oriente son programme sur les langues, les sciences et les nouvelles technologies. Afin de donner une expérience concrète de l’utilité de l’école, l’apprentissage scolaire est orienté sur le développement de projet réel, ce qui permet de prendre conscience de son propre impact sur le monde extérieur.
-
Les institutions sociales : des « assemblées scolaires », où sont présentées les actualités permettent de générer un sentiment d’appartenance à une communauté. Des espaces polyvalents mis à disposition des étudiants permettent de pousser à l’initiative personnelle. Instaurer un système de mentors plus âgés permet aux plus jeunes de bénéficier d’aide. Encourager un suivi des hobbies et pousser à leur exercice.
L’école s’organiserait donc autour des nouvelles technologies, avec un remaniement de ses structures, jusqu’à aujourd’hui jamais reformulées. Si l’initiative présente des difficultés quant à son application dans la réalité, elle met à l’honneur l’innovation et décomplexe la vision de l’apprentissage scolaire. La question posée est particulièrement d’actualité dans un monde où les diplômes ne sont plus gage de sécurité professionnelle. D’ailleurs on peut l’élargir à l’apprentissage de l’architecture,
92
2.4
Projet 3 : « WikiHouse »
a.
Contexte
A l’heure d’aujourd’hui, beaucoup d’intérêt est porté aux techniques qui permettent de mettre soi-même en œuvre ce dont on a besoin. Toutes sortes de manuels nous aident à cela, du manuel de cuisine au manuel « d’urbanisme tactique », déjà abordé dans la première partie. L’objectif est de créer un projet « open-source ». C’est-à-dire que les utilisateurs pourraient le faire évoluer et qu’il serait largement distribuable, appropriable. Le savoir est ouvert, mis à disposition de l’autre. La Wikihouse pourrait selon 00:/ être utilisée, en cas de catastrophe naturelle par exemple, comme abri urbain et l’équipe cherche à tester son potentiel pour du logement. b.
Questionner la propriété intellectuelle
L’Agence questionne la propriété intellectuelle du savoir-faire architectural en basant son projet sur l’évolution qu’il est possible d’apporter. Ceci étant à la portée de quiconque sait utiliser le programme de dessin assistée par ordinateur « Sketch-up ». c.
Stratégie : utilisation du « web 2.0 »
L’idée proposée est potentiellement intéressante car elle permet aux utilisateurs d’enrichir le projet, en tant que « co-designer » mais la réalisation des pièces structurelles reste extrêmement difficile d’accès : elle nécessite des découpes très précises sur des pièces de bois composite. Ces découpes sont généralement effectuées sur imprimantes laser. Un « guide pour les designers » est publié par les architectes, qui mettent à disposition les recherches déjà effectuées. Dans ce projet l’architecte, en tant que technicien, comme ses collaborateurs, est le point de départ d’une idée qu’il laisse à la sphère publique pour qu’elle puisse y contribuer librement et se l’approprier. La portée sociale et « low-cost » est pourtant limitée par le fait même que le projet fini soit d’un niveau technique élaboré.
93
Figure 25 : Wikihouse | 2012 |00:/ |Projet virtuel |Source : [en ligne] : wwww.wikihouse.cc Etapes de fabrication du projet, depuis la mise en ligne du projet jusqu’aux finitions.
94
2.5
Conclusion
Les 3 projets analysés présentent des similitudes quant à leur aspect innovant. Tous cherchent à initier de nouvelles relations entre usagers et espace public. C’est par le biais de deux moyens principaux que l’Agence opère : la pédagogie dans un premier temps, et l’usage des possibilités offertes par les nouvelles technologies, dans un deuxième temps. L’agence argumente beaucoup sur ses valeurs « altermondialistes », sa vision du développement ainsi que le retour à des systèmes économiques locaux, répondant aux intérêts de la population et prenant le contre-pied d’un système qui prône la consommation de masse. On peut comparer ces valeurs à celles portées par les utopistes des années 60, comme les situationnistes par exemple, pour qui l’espace est la clé d’une « révolution » sociale. Si les concepts portés par l’Agence sont vecteurs d’idéologies alléchantes, très vendeuses auprès du grand public aujourd’hui, on peut se questionner quant à leur mise en place par 00:/. Ainsi, pour pouvoir bénéficier des services des Hubs, voulu d’intérêt « social », plusieurs possibilités existent. La première solution est de se rendre directement dans l’un des centres, l’autre est la possibilité de s’inscrire à la « communauté » HUB sur internet. Evidemment, les tarifs pour devenir membre de la communauté ou pour louer des espaces travaux ou de réunions sont loin d’être si accessibles. Par exemple le plus petit espace de travail, permettant de se réunir à 6 personnes, coûte environ 30 £ pour une heure. Donc, par exemple, si vous désirez travailler une journée avec vos partenaires, il vous en coûte 300 £ pour une journée, pour plus ou moins 10 m². Par mois, cet espace de travail social coûterait donc aux alentours de 9000£ ! Autant louer un appartement… ! Certes vous aurez le privilège d’être à proximité des hautes instances britanniques ! On ne peut pas dire que ce prix ouvre la possibilité à n’importe qui d’utiliser les espaces proposé par l’Agence. Le projet Wikihouse possède lui aussi les mêmes failles, puisque malgré les ouvertures qu’il offre à tout designer de créer aisément et de s’approprier le travail initier par l’agence, au bénéfice de la communauté utilisant l’application, il faut tout de même disposer de moyens techniques avancés (découpeuse laser de grand format) ce qui est probablement rarement le cas dans les pays défavorisés, victimes de catastrophes naturelles. Le projet peut dès lors être vu comme un « coup de publicité », en présentant une image positive et impliquée socialement de l’Agence. Toutefois, les concepts de base sur lesquels repose « l’économie civique » sont intéressants et porteurs d’espoirs quant à la mise en place de micro-économies locales.
95
3
Ecosistema Urbano
« Nous avons longtemps vécu dans un monde d’excès. Ces dernières années, les architectes se sont concentrés sur leur créativité, l’originalité et des géométries complexes. Ils devraient se sentir plus concernés par leur environnement, l’énergie, les déchets, et bien sûr les usagers. Nous ne devrions pas oublier que nous avons une responsabilité sociale […].» 137 3.1
Présentation
Crée en 2000 à Madrid, le bureau est fondé par Belinda Tato et Jose Luis Vallejo l’agence est composée d’architectes et d’urbanistes et explore des solutions situées entre l’ingénierie, l’architecture et le paysage. Depuis sa création, elle participe à de nombreux concours, nationaux et internationaux auxquels elle a déjà récolté plus de 15 récompenses. L’agence opte pour une pratique de l’architecture transversale envisageant des échelles d’action allant du mobilier à la stratégie urbaine de grande échelle. Si l’aspect de la technologie et de l’écologie est fortement mis en avant dans ce bureau, ce qui nous intéresse précisément ici, c’est la régénération d’espaces urbains à travers l’activité sociale. Les clés du travail d’Ecosistema Urbano sont définies par les concepts suivants : « urban social design »138 : travailler dans un contexte urbain, avec une approche sociale et utiliser l’architecture comme un moyen d’action, d’intervention, un outil de transformation. Pour l’équipe, comprendre les types de comportement, d’interactions à différents niveaux (entre les gens, avec l’environnement…) est crucial pour réussir à mener à bien les projets. « creativity is a network »139 : envisager la création non pas comme un domaine propre (réservé à l’architecte) mais au contraire comme un bien partagé, auquel tout le monde devrait avoir accès et qui est ouvert, dans un monde qui tend à une globalisation.
137
« We’ve been living in a world of excess for a while. In the last few years architects were just focused on their creativity, originality and complex geometries. Architects should be more concerned about the environment, energy, wastes and of course users. We should not forget we have a social responsibility[…] » Paru sur archi-ninja [en ligne] (27-09-2010) Interview with Belinda Tato, Ecosistema Urbano.URL : http://www.archininja.com/interview-with-ecosistema-urbano-belinda-tato/ 138 [en ligne] http://ecosistemaurbano.com/portfolio/about/ 139 ibid
96
« community first » ou encore « going glocal »140 : partir du constat que la ville est entretenue et pensée par les habitants pour les habitants, l’aménagement urbain n’a de sens que s’il provoque l’intérêt de ses usagers. Ecosistema Urbano cherche à dynamiser les communautés à travers des projets qui concernent les résidents pour garantir un impact social positif. L’agence se démarque également par une approche contestataire, critiquant la politique actuelle dite de « représentation » à laquelle les citoyens n’ont comme seul moment de participation que les élections. Ils n’ont aucune autre possibilité de manifester leur intérêt pour les affaires publiques, qui sont entre les mains des politiciens141. Ecosistema Urbano cherche donc à travers l’utilisation des technologies à disposition aujourd’hui des alternatives d’implication directe des citoyens dans la fabrique de la ville. On l’aura compris, le message politique est fort, ce n’est pas pour autant que l’agence ne s’implique pas dans des projets menés par les institutions, au contraire, la participation au programme de recherche mené par l’union européenne « URBact » le démontre. C’est un programme « d’échange et d’apprentissage promotionnant le développement urbain durable »142. L’agence croit en des solutions qui permettent d’être rapide et d’économiser des fonds et de l’énergie, reposant sur des réactions citoyennes. L’architecte n’est pas l’auteur de projet a grands coûts cherchant la prouesse pour la prouesse, mais il met en avant une compréhension globale d’un système local dans lequel il intervient et devient assistant du citoyen à la conception, c’est une ressource que le citoyen peut consulter.
140
Ibid « En los pais con sistemas de gobierno basados en la democracia representativa, los ciudadanos ostentan la titularidad del poder politico y designan a sus representantes para que asuman la gestion politica y administrativa. A partir de ese momento, ellos gobiernan y los electores permanecemos inactivos hasta la siguite oportunadad de accion. La elecciones constituyen, de este modo, la unica ocasion para expresarnos y participar en la toma de decisiones sobre la esfera de lo publico. » TATO Bellinda, VALLEJO Jose. (2011) Reconquistando la ciudad. Propuestas alternativas de participacion urbana. Architectura Viva N°136. 142 regroupe 7000 participants dans 500 villes et 29 pays, le programme est financé par les Fonds Européens de Développement Régional. [en ligne] http://urbact.eu/en/about-urbact/urbact-at-a-glance/urbact-in-words/ URBact 141
97
3.2 a.
Projet 1 : reconfiguration urbaine à Philadelphie Contexte
Le projet est réalisé dans le cadre du concours « Urban Voids » (vides urbains) lancé par l’institut Van Alen143. L’objectif est de trouver une stratégie d’utilisation sur le long terme qui appréhende la problématique des délaissés urbains. Les critères de sélection étaient basés sur le concept, la clarté de l’idée, et l’approche sensible au contexte culturel, urbain et naturel de Philadelphie. La ville de Philadelphie ayant un passé industriel fort, plus de 40000 parcelles vacantes sont recensées en faisant d’elle la ville des Etats-Unis comportant le plus de friches144. Entre 1950 et 1999, ce sont 400 000 habitants qui quitteront le centre pour rejoindre la périphérie, encouragés par la politique immobilière du gouvernement, ce qui explique l’intérêt pour cette « ressource ». Ecosistema Urbano n’a pas gagné ce concours, mais la solution proposée mérite une attention pour l’aspect synthétique des différents processus employés, qu’on retrouve chez Exyzt et 00:/ et d’autres agences. b.
Questionner les outils d’urbanismes.
Outre la problématique apparente des vides urbains laissés par un passé industriel fort et un exode urbain, Ecosistema Urbano soulève un problème adjacent, qui est la capacité des règlements d’urbanisme à gérer ces délaissés urbains. c.
Stratégies : quatre axes de régénération urbaine.
Deux axes de développement sont prévus. S’appuyant sur l’existence d’une association locale, les architectes proposent de revaloriser les vides urbains, c’est avant tout une phase d’analyse contextuelle qui va permettre d’identifier les réseaux existants de transports et les ressources disponibles : sites
143
L’institut Van Alen est une association à but non-lucratif, indépendante, dont l’intérêt est de promouvoir et d’enquêter sur les processus qui déterminent la fabrique de l’espace public des villes. 144 « Today Philadelphia has the highest per capita vacancy rate in the country. As of the 2000 census, almost half (45%) of the residential street segments in Philadelphia contained some kind of abandoned property and more than one third (36%) contained at least one vacant residential structure, totaling approximately 26,000 vacant residential structures and nearly 3,000 vacant commercial and industrial structures—more than 40,000 vacant parcels to date. » www.vanalen.org/urbanvoids/index.php?option=com_content&task=view&id=86&Itemid=58
98
vacants, espaces publics, réseaux de gestions des eaux… Dans un deuxième temps, l’agence envisage la création d’ « éco-boulevards », qui vont structurer la ville, ceci étant réalisé en 4 phases : Phase 1 : Reconfiguration des rues à l’aide d’intervention à faible coûts. Stimuler la vie piétonne en augmentant la place dédiée aux piétons et promouvoir l’utilisation de transports doux tels que le vélo en greffant de nouvelles voies cyclables et en replantant les allées d’arbres. Phase 2 : Utiliser les sites vacants avec des actions temporaires à faible coût. Les sites sont utilisés non pas en tant que lieux ponctuels, mais considérés dans un ensemble formant un réseau qui permet d’enrichir la biodiversité de la ville (approche « glocal ») Phase 3 : Les bâtiments sous-utilisés ou abandonnés sont reconvertis en lieux d’activation citoyenne polyvalente, comme la création du « Jonction Center » décrit comme catalyseur urbain d’activité citoyenne, ouvert à tous, siège d’interaction sociale mais aussi de développement économique. L’action permettant de créer une identité de quartier, le réseau écologique s’agrandit. Phase 4 : Complément des éco-boulevards, des équipements sont ajoutés pour enrichir le réseau d’énergie renouvelable tel que des turbines à vent, panneaux solaires.
Le projet s’articule donc autour de 3 intentions : Générer des éco-boulevards, qui rassemblent la production d’énergies renouvelables, la promotion des déplacements peu polluants et l’activité civique à travers la valorisation des zones vacantes comme sites d’expérimentation et d’appropriation pour les citoyens, regroupant des activités telle que le jardinage, l’apiculture, des ateliers pour les enfants. Les sites vacants deviennent le vecteur d’une citoyenneté auto-organisée. Mettre en place des transports de nouvelle génération « vélos taxis » qui vont permettre de parcourir les éco-boulevards. Créer des « catalyseurs urbains », centre où peut se regrouper différentes sortes d’activités dédiées au public, constituant un repère urbain dans le paysage. Pour Ecosistema Urbano, la revitalisation de Philadelphie ne peut pas être appréhendée par le seul domaine de la construction, elle nécessite de prendre en compte différents facteurs écologiques, économiques et sociaux. Pour cela, elle s’appuie sur le tissu urbain existant afin de générer des mécanismes qui seront le point de départ de reconstruction de la ville sur elle-même, par et pour ses citoyens, enrichissant leur potentiel d’action à travers la ville.
99
Figure 26 : « Urban Voids » concours | 2006 | Ecosistema Urbano | Philadelphie |source : [en ligne] : http://europaconcorsi.com/projects/17865-Philadelphia-Urban-Voids (consulté le 14-08-2013) Les « Eco boulevards » connectent les sites vacants sur lesquels la ville peut se reconstruire sur base d’initiatives citoyennes, en jouant sur des usages communautaires de ces friches.
Figure 27 : « Urban Voids » concours | 2006 | Ecosistema Urbano | Philadelphie |source : [en ligne] : http://europaconcorsi.com/projects/17865-Philadelphia-Urban-Voids (consulté le 14-08-2013) Les « catalyseurs urbains » sont pensés comme des tours, repères dans le paysage urbain, dédiées au publique, mettant à disposition des espaces de loisirs flexibles et optimisant les énergies renouvelables, reliées au réseau de la ville.
CAS D’ETUDES
100
3.3
Projet 2 : DreamHamar
a.
Contexte
C’est dans le cadre d’un concours international lancé en 2010 par les autorités communales pour « une œuvre d’art sur la place publique » que l’idée de « DreamHamar » est née. Hamar, située en Norvège, compte environ 27000 habitants dans une région où la majorité des terres est dédiée à l’agriculture. La municipalité a voulu promouvoir une approche démocratique rendant aux citoyens le pouvoir de décider de leurs espaces publics en leurs donnant l’occasion de participer à une réflexion sur l’approche qui donnera naissance au projet. Stortorget, la plus grande place de la ville (8000m²), est actuellement utilisée principalement comme lieu de parking. Initialement nommé « One Thousand Square », le projet sera réalisé par une équipe d’Ecosistema Urbano en relation avec Lalaland, un bureau d’architectes locaux ainsi que Lars Kjemphol. L’idée est reprise parmi 78 équipes, ce que propose Ecosistema Urbano, c’est de « manager » la co-création de l’espace public en impliquant un maximum de participant. Ne pas se contenter des citoyens habitants la ville de Hamar mais d'inclure également d’autres participants, des universités, écoles, des particuliers qui voudraient se réunir autour de ce projet collectif. Une phase de recherche préliminaire est établie en 2011 et se verra fixée en juin 2012. Une phase de réalisation devrait être finalisée en décembre 2013. b.
Questionner les outils participatifs.
Ce projet initié par la municipalité pose différentes questions qui remettent en cause le rôle sous-jacent de l’architecte. Comment réussir à faire collaborer les citoyens dans la gestion des espaces publics, quels sont les outils qu'il est possible de mettre en place pour impliquer un maximum d’usagers ?
CAS D’ETUDES
101
Figure 28 : |Dream Hamar | 2010-2013| Ecosistema Urbano | Stortorget, Norvège| Source [en ligne ] Source : Propriété de Lluis Sabadell Artiga + Ecosistema Urbano Archdaily URL : http://www.archdaily.com/122860/onethousandsquare-lluis-sabadell-artiga-ecosistemaurbano/esquemas3/ Schéma représentant l’idée initiale qui a démarqué la position de l’équipe d’architectes pour se voir attribuer la responsabilité du projet. « One Thousand Square » deviendra par la suite « DreamHamar », l’idéologie de base restant la même.
102
c.
Stratégie : un système de « co-création en réseau »
Avant d’entrer dans la méthodologie d’approche de la problématique, il convient de revenir sur le terme « co-création en réseau » traduit peut être un peu brutalement de l’expression anglaise « network design » employée entre autre dans l’article de Francesco Cingolani dédié à Dreamhamar, dans lequel il différencie cette approche de l’approche traditionnelle participative dans le sens où : « le Network Design ne vise pas à obtenir un consensus de la communauté autour d’une solution architecturale, mais il cherche plutôt à: construire et renforcer une communauté d’intérêt connectée à l’espace physique animer un débat sur le futur de cet espace modifier de manière créative la perception de l’espace, afin d’alimenter un sentiment d’appartenance de la communauté à cet espace. » 145 La méthode de travail mise en place par Ecosistema Urbano se compose de plusieurs phases. Une phase de recherche préliminaire est d’abord mise en place, qui aboutira à la publication d’un livret 146 qui constitue une base de connaissance pour tout citoyen, de Hamar et d’ailleurs. Ce livret, réalisé par une équipe d’architectes et d’urbanistes se divise en 2 chapitres : « Cartographie»147 qui va reprendre une analyse de la situation existante en nous donnant un nombre important d’informations à propos de la relation entre la place et la ville de Hamar ainsi que son environnement : histoire, climat, usages, circulations… Ce chapitre est divisé en deux sous-parties, qui reprennent l’échelle de la ville, et l’échelle du quartier
145
CINGOLANI Francesco, (14-11-2012) • « Dreamhamar: Construction d’une communauté autour d’un espace physique et gestion des systèmes complexes en architecture participative », Publié sur DNArchi.fr [en ligne]. 146 Consultable en ligne à l’adresse suivante : http://fr.scribd.com/doc/66921715/Booklet-Preliminary-DesignEng 147 Ibid - Sommaire
103
« Nouvelle stratégie urbaine pour Stotorget»148 s’organisant autour de thèmes pour définir les principes autour desquels des questions peuvent s’articuler pour générer un processus de réflexion sur l’espace. Il est donc divisé en trois sous parties qui vont donner aux usagers les outils nécessaires pour réfléchir à la problématique :les concepts ( usagers, environnement, activités, technologies, stratégies saisonnières ), les dessins à l’échelle qui définissent les atmosphères urbaines. Le Booklet met à disposition une matière suffisante pour aborder la thématique de l’espace urbain avec une compréhension suffisamment pertinente des paramètres régissant l’espace public. Des exemples sont mis en place dans le livret qui permettent de donner des idées à ses lecteurs et ainsi éviter le « syndrome de la page blanche », sans pour autant les enfermer dans des exemples finis, pour « les soumettre aux choix de la communauté, ni de fournir un support à compléter par les citoyens (comme le promeut la méthodologie de Open Ended Design élaborée par John Habraken). »149 L’équipe d’Ecosistema Urbano se rendra sur place du mois d’août à décembre 2011 pour rentrer en contact et mettre en place le processus de « brainstorming », constituant la 2ème phase de mise en place du projet. Deux approches ont été menées simultanément sur place afin d’accomplir l’objectif qui est de concerner, non seulement les habitants, mais également une communauté plus large, à l’échelle internationale : le DIGITAL LAB, est un espace dédié à la gestion et la coordination d’une communauté virtuelle, internationale, composée majoritairement d’étudiants en architecture, de designers et d’écoles, et le PHYSICAL LAB, espace aménagé en bureau temporaire qui donne sur la place, qui servira de plateforme d’échange et d’action avec la population locale. Différents systèmes de communications sont mis en place : des workshops et conférences ouvertes sur le site, animés par des actions urbaines sur la place alors que des workshops menés en ligne sont parallèlement animés avec un réseau académique par des sessions hebdomadaires. Ces activités ont deux objectifs : piquer la curiosité et promouvoir l’action citoyenne pour éveiller une réflexion et développer des propositions pour l’aménagement de la place.
Le budget qui était prévu initialement à une œuvre d’art permettant de provoquer le débat entre les citoyens a donc été utilisé pour financer du temps et de l’énergie. Toutes les données collectées au fur et à mesure des workshops, réunions, expositions ont été réunies dans une base de données, publique
148 149
Ibid - Sommaire Article : CINGOLANI Francesco, (14-11-2012).
CAS D’ETUDES
104
et accessible. Et pour conclure, le bureau identifie les « récurrences, « idées émergentes », pour leur capacité à imposer de manière autonome leur « évidence », selon un comportement caractéristique des systèmes complexes et distribués. »150 Ce que veut dire par là Francesco Cingolani, c’est qu’il faut donner une cohérence à l’énergie investie à travers les choix qui vont déterminer le projet pour Stotorget. Le rapport de l’expérience collective est publié dans l’ouvrage Future Hamar book151, il constitue un retour détaillé sur toutes les étapes du processus de participation et des différents intervenants et conclut sur de nombreux points qui forment une sorte de programme. Sachant que la finalité est une mutation physique de l’espace urbain, le but est de garder « les choses en mouvement », le processus et les outils de participation mis en place ont été générateurs d’interactions, d’échanges, de débats, et c’est en cela que l’approche est intéressante, elle devient moteur d’échanges sociaux. La proposition finale, parue en 2013, est en cours de réalisation. Elle propose d’intégrer différentes activités sur la place : une serre, qui fera office de marché aux graines et de café. De la végétation, qui permet d’avoir de l’ombre et de se protéger en été. Un abri en bois, qui sert à la fois de point de vue sur le quartier, de jeu pour les enfants, de protection en cas d’intempéries et d’assise pour des piqueniques urbains. Enfin, un amphithéâtre extérieur permet lui d’accueillir des petites représentations ou des activités et se transforme pendant l’hiver en patinoire. (FIG 29) Tout le processus de récolte d’information (FIG 30) a donc permis de réunir un maximum d’envie, d’attentes et de propositions de la part de citoyens. Aussi bien locaux « qu’étrangers » à la ville. Tout le monde avait potentiellement l’occasion de participer et donner son avis sur ce que devait accueillir la place. Il en résulte un projet qui réunis des caractéristiques diverses dans une proposition cohérente.
150 151
Ibid. Visionnable [en ligne] URL : http://issuu.com/noawork/docs/future_hamar#
105
Figure 29 : |Dream Hamar | 2010-2013| Ecosistema Urbano | Stortorget, Norvège| Source [en ligne ] URL :http://3.bp.blogspot.com/_8Lufw3c2g4I/TUa6H57xYwI/AAAAAAAAZPE/OJu_XSBdXpU/s1600/Lluis+Saba dell+.+Ecosistema+Urbano+.+One+Thousand+square+.+Hamar+%25282%2529.jpg (visité le 13-082013) La place intègre le climat comme une occasion de renouveler les usages. Usages qui sont déterminés à l’aide des habitants pour générer un brassage social et un sentiment d’appartenance à une collectivité.
106
Figure 30 |Dream Hamar | 2010-2013| Ecosistema Urbano | Stortorget, Norvège| Source [en ligne ] URL :http://3.bp.blogspot.com/_8Lufw3c2g4I/TUa6H57xYwI/AAAAAAAAZPE/OJu_XSBdXpU/s1600/Lluis+Saba dell+.+Ecosistema+Urbano+.+One+Thousand+square+.+Hamar+%25282%2529.jpg (visité le 13-082013) Schéma résumant les différentes étapes du processus de DreamHamar.
107
3.4 Projet 3 : Eco-boulevard a.
Contexte
A proximité de Madrid (Espagne), était la ville de Vallecas. Rattachée à Madrid en 1950 elle compte aujourd’hui environ 250.000, habitants, ce qui en fait une des zones de périphérie les plus densément peuplée. Durant les années 1960 de nombreux Espagnols immigrent vers la capitale pour y trouver du travail et résident à Vallecas, en faisant l’un des plus grands bidonvilles autour de Madrid. Le quartier fut réputé pour opposer une grande résistance au dictateur Franco152 lors de son passage au pouvoir. Ces dernières années la ville de Vallecas a vu naître 25.000 nouveaux logements (FIG31). Cette croissance rapide nécessitait un besoin urgent d’espace public de qualité. C’est pour cette raison qu’un concours a été lancé par les instances publiques (communale et régionale), remporté en 2004 par l’Agence Espagnole. Le projet se verra complété en 2007. b.
Questionner l’usage de l’espace public
L’idée de base de ce projet questionne les usages de l’espace public. De quoi a-t-on besoin dans un espace public ? « Les espaces publics appartiennent à tous et les projets proposés doivent agir comme supports pour un nombre d’activités, au-delà de ce qui pourrait être planifié, de façon à donner la possibilité aux citoyens d’agir librement et de manière spontanée. »153 L’agence apporte deux pistes de réflexion. La première est d’ordre social. Un espace public doit permettre de stimuler l’échange et les activités spontanées. Il a donc besoin d’être polyvalent. Polyvalent selon ses usagers et polyvalent par rapport à des conditions climatiques.
152
Francisco Franco (1892-1975). Général et chef d’Etat Espagnol, il sera à la tête d’une dictature de 1939 à 1975. 153 Ecosistema Urbano (2009) LUP : Laboratoire Urbain Participatif n°19. Parution ponctuelle de l’Atelier d’Architecture Autogérée. Paris 20è. Source [en ligne] URL : http://www.urbantactics.org/documents/LUP14.pdf (visité le 13-08-2013)
108
Figure 31 : Ecoboulevard |2004-2007 | Ecosistema Urbano | Madrid | Source [en ligne] URL : http://ecosistemaurbano.com/portfolio/eco-boulevard/ (visité le 13-08-2013) Cette vue aérienne met en évidence le développement très rapide de la périphérie urbaine de Madrid avec 25.000 logements supplémentaires.
Figure 32 : Ecoboulevard |2004-2007 | Ecosistema Urbano | Madrid | Source [en ligne] URL : http://ecosistemaurbano.com/portfolio/eco-boulevard/ (visité le 13-08-2013) Schéma explicatif du fonctionnement du projet, la référence à l’arbre transparait, tout en intégrant des critères environnementaux.
109
La seconde est d’ordre environnemental, un espace public se doit de stimuler notre relation et notre respect par rapport à la nature, à l’environnement. L’espace public est par excellence un lieu d’apprentissage et d’expérience qui doit transmettre cet intérêt. c.
Stratégie : la technologie au service de l’environnement
L’idéale pour les espaces publics, surtout dans les pays chaud, est d’avoir de la végétation pour se protéger du soleil et pouvoir profiter des espaces extérieurs. Mais avant qu’un arbre puisse apporter suffisamment d’ombre pour créer un espace agréable et faire profiter de leurs qualités, plus d’une dizaine d’années doivent s’écouler. L’idée est donc de trouver un moyen de profiter immédiatement des qualités de la végétation. Des qualités à la fois environnementale et sociale. L’agence décide donc plutôt de proposer un bâtiment ou un simple aménagement d’espace public de procéder en deux phases. La première consiste à identifier les endroits qui constituent des nœuds dans le maillage urbain, ils permettront de poser les bases d’un renouvellement urbain. Trois nœuds sont identifiés et vont accueillir chacun un pavillon nommé « arbre d’air frais »154. Ces pavillons bioclimatiques vont donc jouer le rôle d’espaces polyvalents, pouvant accueillir différentes activités (concerts, jeu, théâtre etc…). Construits sur base d’une structure en acier qui va accueillir une végétation qui pousse rapidement, un système de production d’énergie est couplé avec ces « arbres » pour réinvestir l’argent de la production d’énergie dans l’entretient des structures. La deuxième phase consiste donc à planter les boulevards qui relient les différents « nœuds » et adapter les voiries à des circulations plus douces. Les « arbres d’air frais » ayant été pensés pour être démontés, une fois que les boulevards seront peuplés d’arbres, ces espaces deviendront des clairières dans la végétation.
154
« air-tree – social dynamizer » source : [en ligne ] URL : http://ecosistemaurbano.com/portfolio/ecoboulevard/ (visité le 13-08-2013)
110
Figure 33 Ecoboulevard |2004-2007 | Ecosistema Urbano | Madrid | Source [en ligne] URL : http://ecosistemaurbano.com/portfolio/eco-boulevard/ (visité le 13-08-2013) Projection des « arbres d’air frais » au centre du boulevard en attendant que l’allée plantée prenne forme.
Figure 34 Ecoboulevard |2004-2007 | Ecosistema Urbano | Madrid | Source [en ligne] URL : http://ecosistemaurbano.com/portfolio/eco-boulevard/ (visité le 13-08-2013) Espaces polyvalents, différentes activités peuvent y prendre place, ici un concert en extérieur.
111
3.5
Conclusion
Ecosistema Urbano approche l’architecture comme un domaine faisant le pont entre différentes spécialités et autour duquel les personnes se rassemblent. « Nous entendons le rôle de l’architecte et de l’urbaniste comme subissant une transformation sans précédent, due aux nouveaux besoins de la société. Ce qui nous force à développer un nouveaux « panel d’outils » pour être capable de rencontrer ses nouveaux besoins et de relever les défis. C’est sous le titre « rêvez votre ville » que nous exprimons ces nouveaux outils et la manière dont nous pensons que le « network design » peut être appliqué la fabrique de l’espace des villes. »155 Dans la reconfiguration urbaine de Philadelphie, les « catalyseurs urbains », ces antennes dans lesquelles siègent des activités publiques, sont une métaphore du rôle de l’architecte dans cette Agence. Il va permettre d’organiser les idées de différents participants en mettant en place des systèmes innovants, pour provoquer l’envie de partager et créer un échange « aux sources ouvertes », répondant le mieux possible aux attentes des citoyens. C’est une approche qui stimule à travers différentes activités (agriculture urbaine, apiculture, sports, évènements, cours) un engagement citoyen. Cet engagement se traduit par une cohésion sociale du public qui se mobilise autour de ces évènements. Tout comme une pierre qui tombe dans l’eau, après l’acte, des ondes se propagent. Ces ondes sont l’expression d’une dynamique de responsabilité vis-àvis de l’environnement et de la collectivité, qui perdure après la mise en place du projet. Le projet « Dreamhamar » symbolise le mieux la redéfinition du rôle de l’architecte par la mise en places des différents dispositifs qui permettent d’intégrer un maximum d’usagers et de paramètres dans le processus, il faut cependant rester critique sur le fait qu’il va en résulter une action construite. Le projet étant actuellement en cours de construction, personne ne sait s’il répondra aux attentes des habitants. Toutefois il a déjà fait des mécontents, en particulier ceux qui sont arrivés 2 ème au concours d’idées, Krüger et Hagens, architectes Suédois et Danois, qui accusent Ecosistema Urbano de plagiat dans un journal local.156 Quoi qu’il en soit la proposition reste différente et enrichie comparée à l’équipe perdante.
155
Ecosistema Urbano (26-09-2012). Dream Your City: Dreamhamar at Venice Biennale of Architecture 2012. Journal HA (28-03-2012) Mener Ecosistema har plagiert forslag (croyez-vous qu’Ecosistema a plagié). Source [en ligne ] : http://ha.no/Nyheter/Nyheter/tabid/72/articleView/true/moduleid/156615/Default.aspx#.UgqRtG28Obo (visité le 1308-2013)
156
112
Il est également possible de s’interroger sur le profit d’une telle opération pour Ecosistema Urbano : en effet disposer d’un nombre considérable de personnes pour la réflexion sur le projet est certainement un gain de temps pour l'agence. Une amorce de réponse peut déjà être donnée, en réalité ces approches « bottom-up » sont couteuses pour les agences car elles demandent un grand investissement de temps et d’énergie pour mener à bien les différents processus de récolte d’informations (workshop, expositions, réunions). Ce ne sont donc pas des opérations « rentables » pour les agences, mais elles ont le mérite de se vouer à une architecture riche de sens et adaptée. Si l’on considère les projets passés en revue comme un ensemble, on peut appréhender l’importance de la dimension sociale dans le travail d’Ecosistema Urbano dans des propositions qui mettent toujours en valeur l’usage citoyen des espaces publics. La notion de jeux et l’appréhension de la ville comme lieu d’apprentissage, de découverte et de collaboration renvoi inévitablement aux travaux des situationnistes, qui considèrent le jeu comme vecteur de richesse en milieu urbain. Henri Lefebvre, qui a collaboré avec Guy Debord pour rédiger en 1958 la Déclaration d’Amsterdam entendait poser « un nouveau mode d’organisation : l’urbanisme unitaire. Celui-ci y est défini comme « la théorie de l’emploi d’ensemble des arts et techniques concourant à la construction intégrale d’un milieu en liaison dynamique avec des expériences de comportement ». Concrètement, il s’agit de refonder le cadre social en utilisant tous les arts et les technologies disponibles, de créer des ambiances inédites permettant la construction de situations, c’est-à-dire des moments de vies à la fois singuliers et éphémères. »157 Utiliser toutes les technologies et les arts disponibles, pour faire de la ville un prétexte à la rencontre et l’échange, c’est ce qui transparait des projets.
157
SIMAY Philippe (2008) • « Une autre ville pour une autre vie. Henri Lefebvre et les situationnistes ».
CAS D’ETUDES
113
4
COMPARAISON DES APPROCHES
Chez chacune des agences choisies, l’architecte n’est pas appréhendé comme porteur solitaire d’une responsabilité d’ordre esthétique et fonctionnelle. L’objectif de chaque groupe est au fond similaire : promouvoir une architecture accessible à tous, qui cherche à reconnecter entre elle une population touchée par la décohésion sociale, parfois stigmatisée et mise à l’écart. Pour atteindre le même objectif, chacun des « Agents spatiaux »158 choisi sa propre voie et développe des outils qui permettent de s’adapter aux changements connus par la société. Pour tous, le mot d’ordre est l’action dans « l’espace public ». L’espace public, dont il est fait mention ici, n’étant plus le même « espace public » d’avant les années 1990.
4.1 Type d’organisation et demandes Dans les cas d’étude, deux types d’organisation d’agence sont repris. Il va de soi, que l’architecte n’a pas qu’une seule manière de manifester son engagement social. Souvent cette implication seule n’assure pas d’être rémunéré, ce qui nécessite d’exercer d’autres activités. Le type d’organisation, dans laquelle les architectes évoluent, détermine de manière générale des outils d’action et une relation particulière au « client », ou plutôt au citoyen. Chez Exyzt, qui est une association à but non-lucratif. Leurs actions suivent deux orientations : soit les projets sont initiés en autonomie, soit ils sont invités pour une mission et sont donc subventionnés par des partenaires. Chez Ecosistema Urbano et 00:/, qui sont à proprement parler des « bureaux d’architectures », les procédures d’élaboration des projets sont de 4 types. Il s’agit soit de concours, d’une approche venant d’un client privé/public, de projets financés sur fonds propre ou encore de recherches. Les recherches menées par les cabinets sont, pour ces cas d’études, financées par des Institutions ou des ONG/associations, mais elles peuvent également être autofinancées. Dans tous les cas, l’exercice de l’architecture ne se cantonne plus au savoir de l’architecte seul mais s’établit en relation étroite avec d’autres spécialistes et s’ouvre à un champ d’usagers plus général.
158
En référence à l’ouvrage: AWAN N, SCHNEIDER T, TILL J (2011) • Spatial Agency : Other Ways Of Doing Architecture. Angleterre, édition : Routledge.
114
La notion de spécialiste ne concerne pas uniquement les domaines liés aux techniques spéciales de construction, d’ingénierie, mais de champs qui n’ont pas attrait directement à « l’architecture » en tant qu’acte de construction. Il s’agit de sociologues, de démographes, d’économistes, de graphistes, et bien sûr d’habitants. Ce que la pratique de ces Agences enseigne : c’est que l’architecture se doit d’être décloisonnée et de surcroît d’être ouverte à tous les types de partenariats possibles, elle se doit d’initier elle-même des projets et non d’attendre qu’un client sonne à sa porte. C’est la responsabilité publique de l’architecte vis-à-vis de la collectivité.
4.2 Echelles et lieux d’interventions Chaque Agence aborde différemment la notion d’échelle, qui semble intimement liée à son mode organisationnel. On retrouve pour les deux bureaux d’architectures une variation des échelles allant de la planification et la mise en place de stratégies urbaines à l’échelle de ville, voir inter-villes, jusqu’à la création de mobilier, ceci certainement dans un désir de répondre à un maximum de demandes possibles. Si l’emploi de stratégies se veut local, elles sont toutefois crées dans une perspective de possible généralisation, d’application à d’autres contexte. Chez Exyzt les actions réalisées se focalisent sur la petite échelle, celle d’un ilot, d’un quartier tout au plus. Une attention particulière est portée au vécu, à l’expérience que les projets peuvent engendrer. Les projets se basent sur l’échange direct et interculturel. Les stratégies employées s’immiscent dans des logiques locales et restent purement temporaires, ce qui caractérise leur travail. Cependant il est important de noter que toutes les Agences travaillent intensivement en milieu urbain. Cette démarche vient certainement de la prise de conscience des enjeux dont la ville est porteuse et des répercussions de l’étalement urbain. La situation urbaine est le lieu idéal pour l’expérimentation, de par sa densité, qui génère des enjeux sociaux importants (conflits interculturels, stigmatisation de groupes ethniques ou sociaux, profit d’une situation d’instabilité par certains partis politique extrémistes… pour n’en citer que quelques-uns). Les villes sont les lieux de foisonnement artistiques et culturels, lieux de rencontres, elles concentrent et multiplient les activités.
115
4.3 Stratégies & tactiques d’activation citoyenne Il ne faut pas confondre « activation citoyenne » et participation. En effet rares sont les praticiens cités dans ce travail qui font référence au terme de « participation ». Celui-ci étant associé à des notions trop vague et faisant polémique. C’est pourquoi l’expression « activation citoyenne » a été choisie. Quant aux moyens de parvenir à cette activation, ils peuvent diverger, s’orientant soit vers la tactique, ou vers la stratégie. Dans un cas comme dans l’autre, du processus nait souvent un mélange entre stratégie et tactique : officiel et informel, normatif ou marginal. « Je suis toujours un peu horrifiée quand les gens interprètent ce type de démarche comme une sorte de participation « chacun pour soi », mais ce n’est pas ça du tout, il s’agit de prendre conscience d’une variété d’opinions différentes […] et de voir comment on peut éviter d’avoir une réponse qui fait la « moyenne d’un schéma communautaire » en ayant une sorte de présence collaborative. Or […], c’est un processus continuel d’allé et de retour, une route à deux sens entre le praticien et les partis intéressés »159. Ce témoignage de Mel Dodd de l’Agence Muf (chapitre 1) résume la méfiance avec laquelle le terme « participation » doit être utilisé tout en donnant une définition de l’activation citoyenne. L’activation citoyenne réside dans l’implication, la rencontre et la stimulation de personnes extérieures. A ce titre, Ecosistema Urbano, lors de son projet Dreamhamar, a réalisé un schéma synthétisant les différentes places que le citoyen peut occuper lors de ce processus (FIG 35). Le bas de l’échelle reprend le rôle d’observateur, extérieur à l’action il reçoit tout de même une information. En haut de l’échelle l’organisateur, il initie le réseau qui interagira, dans ce cas-ci c’est par le « digital Lab » et le « local lab », qui permettent à la fois d’impliquer les gens sur place et sur le web. C’est l’interaction de ce réseau qui constitue l’essence de « l’activation citoyenne. » Chaque Agence a sa propre identité et des « types » de stratégies majoritairement utilisés. Ce sont ces « typologies » d’actions qui sont relatées ici comme instruments d’actions et de rassemblement. Ce sont à travers ces moyens d’actions, porteurs de questionnements, de motivations, et d’intérêts que les Agences existent et réinterprètent le rôle de l’architecte. On peut voir ces stratégies comme des « interfaces » avec les usagers, des outils. Ces outils sont pour certains contemporains, ils s’inscrivent dans leur temps et répondent au contexte qui a été décrit au fil des chapitres précédents. Quelques-uns sont encore considérés comme marginaux mais présentent un intérêt car ils sont amenés à se développer.
159
HYDE Rory. (12-10-2012) • Future Practice: Conversations from the Edge of Architecture. Editions Routledge. P 78 – Interview de Mel DODD ( Muf architecture/art) Traduit de l’anglais
116
Figure 35 : |Dream Hamar | 2010-2013| Ecosistema Urbano | Stortorget, Norvège| Source [en ligne] URL : http://www.dreamhamar.org/2011/08/how-to-transform-ideas-into-action-participation-profiles/ (visité le 13-082013) Schéma qui synthétise les différentes possibilités d’interactions et d’implication citoyenne dans le processus de recherche de Dreamhamar.
117
Publications Les traces écrites sont le moyen le plus ancien de communiquer ses opinions, ses réflexions et restent d’actualité avec l’apparition d’autres moyens de communications. De la BD de quartier éditée occasionnellement pour impliquer (Fanzine réalisé par les habitants du quartier des Chaux avec Exyzt) ou rendre compte d’une investigation financée par l’union européenne (UrbAct – Ecosistema Urbano), l’échelle n’a pas de limite. Publier, c’est exister et faire perdurer dans le temps les actions menées à titre d’exemple. De plus en plus de manuels sont édités par les Agences et disponibles gratuitement (à condition toutefois de bénéficier d’une connexion internet) pour partager le savoir et permettre à n’importe qui de reproduire chez lui les expérimentations menées. Ainsi tous les projets étudiés ici ont fait l’objet de publication, leur diffusion dans l’espace public permet d’informer, de nourrir les réflexions des autres. Le savoir n’est pas un objet que l’on confine et que l’on garde précieusement pour soi, c’est précisément ce que l’on cherche à partager. On retrouve cet outil d’action politique et de diffusion d’information dans les années 1960 avec la revue publiée par le groupe Archigram, ainsi que l’Internationale situationniste, cités dans le premier chapitre. Conférence, workshops, expositions Permettant de regrouper pour informer et de laisser libre court à l’imagination des participants, de critiquer et d’ouvrir le débat, ces méthodes « plus communes », utilisées depuis longtemps font l’objet d’une réinterprétation par Exyzt et Ecosistema Urbano. Chez Exyzt, le workshop prend la forme d’activités animées par un (ou plusieurs) coordinateur sur site, où il s’agit de la construction même des structures temporaires, qui deviennent objet de cohésion entre les intervenants. Les réunions de quartiers sont présentées sous la forme de débats ou de discussions plus informelles initiées avec les acteurs désireux de s’y impliquer. Chez Ecosistema Urbano, la démarche est menée au-delà du site et dans différents espaces publics en parallèle : le domaine physique et le domaine virtuel sont investis simultanément pour augmenter le nombre de personnes impliquées. L’équipe arrive à impliquer plus qu’un simple réseau d’acteurs locaux mais également des intervenants à l’échelle internationale. Enfin chez 00:/ différents utilisateurs sont mis en relations, soit par les HUBs, soit via la plate-forme internet créée à l’occasion du projet Wikihouse.
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Dans tous ces cas, initier un dialogue est indispensable et constitue un outil à part entière. Toutes ces activités semblent permettre et renforcer ce dialogue. Comme le rappellent les Situationnistes, le « jeu », les actes du quotidiens, sont un moyen de renseigner, de découvrir, d’explorer la ville. Actions spontanées : Cette « méthode » d’urbaniser fait appel à la tactique. Le pavillon Américain de la biennale de Venise (chapitre 1 / manifestations citoyennes pour un droit à la ville) retrace l’essor de ces démarches les dernières années. Elle caractérise des outils largement utilisés par les activistes en tout genre et de jeunes agences pluridisciplinaires et offre énormément de flexibilité. Pour la biennale, les actions spontanées étaient définies par des catégories (information, accessibilité, communauté, économie, écologie, loisirs), que l’on retrouve comme des intérêts généraux dans tous les exemples qui constituent cette recherche. Il est possible de définir l’action de manière synthétique selon deux critères, qui font parties du titre : La spontanéité : ce sont des actions qui répondent à un problème donné sans attendre la mobilisation d’instances publiques, mais sur l’initiative citoyenne. L’action : l’espace public constitue le terrain d’expérimentation. Les méthodes employées ne nécessitent pas d’investissements financiers lourds et permettent de tester des hypothèses de situations dans l’espace public sans prise de risque. C’est donc par un travail de terrain intensif que l’action est menée à bien. Elle reste un moyen sûr de toucher directement une population locale. Elle permet d’agir dans des délais brefs avec des budgets qui peuvent être très restreints. Il est parfois nécessaire d’établir des relations de confiance avec les habitants pour faire avancer une réflexion ou motiver une implication ou un projet, l’action spontanée reste un des moyens les plus sûrs pour garantir l’interaction car elle assure un contact direct avec l’autre et permet d’appréhender les réalités du terrain. Selon l’opération elle va revêtir un caractère légal, illégal ou subversif, c’est-à-dire joué sur les limites et les vides laissés par les lois. L’action spontanée peut revêtir différentes formes (graphique, média, activité, jeu) et est un outil opérant principalement à une échelle locale : rue, ilot, quartier. L’action spontanée est principalement utilisée dans les cas d’études par Exyzt et Ecosistema Urbano. Mais celle-ci trouve un écho dans les références citées au premier chapitre, par exemple chez Santiago Cirugeda, qui prend plaisir à exploiter les failles de règlements d’urbanisme pour l’investir avec des
119
propositions surprenantes. A la croisée entre l’art et l’architecture, l’action spontanée peut revêtir toutes sortes de formes, elle est par essence indéfinie, et c’est ce qui en fait sa force. Occupation temporaire : Dans le cadre de bâtiments existants, cet outil reste également majoritairement utilisé par des associations et des activistes plutôt que par des bureaux d’architectures, malgré les potentialités qu’il offre étant donné la situation actuelle et le nombre de bâtiment qui restent vacants. Il semble qu’une certaine crainte soit véhiculée par ce type d’occupation, et un manque d’encadrement législatif à cet égard. L’occupation temporaire tend vers la tactique mais certaines agences comme Ecosistema Urbano cherchent à l’introduire dans des stratégies plus globales (Philadelphie). Dans la pratique actuelle cette méthode reste considérée en Europe comme marginale mais donne lieu à un nombre croissant d’études depuis les années 2000. L’usage temporaire est défini dans l’étude « Urban catalyst »160 par un « saut temporel […] entre la fin d’un usage précédant et le début d’un nouveau […] qui laisse l’opportunité d’activités nouvelles, non planifiée. […] Les usages temporaires sont souvent associés à une période de crise. »161 : L’occupation temporaire constitue majoritairement la réponse d’une population citoyenne non « conventionnelle » (clandestins, sans-papiers, sans domiciles) au système de planification capitaliste. Cette technique est également utilisée par des architectes et des regroupements d’individus divers. Par exemple, pour Exyzt l’utilisation temporaire d’un bâtiment (Biennale de Venise 2006) ou d’une friche urbaine reste le moyen de prédilection pour générer des actions spontanées et permettre la rencontre, qui est envisagée par le groupe comme point de départ de cohésion sociale. En effet cette méthode constitue « l’envers » de la pièce de monnaie institutionnelle. L’occupation temporaire n’existe par définition que s’il existe une appropriation possible de l’espace. Il n’est pas réellement possible de réglementer ce phénomène, il est toutefois possible de l’encourager sous des formes qui peuvent apporter un bénéfice citoyen mutuel. Par exemple l’occupation temporaire peut donner naissance à des partenariats entre propriétaires privés et d’autres citoyens (associations de quartier, artistes, étudiants…) pour donner vie à des espaces
Urban Catalysts. (2003)• Strategies for temporary uses – potential for development of urban residual areas in European metropolises. Berlin. 161 Ibid P4-5 160
120
momentanément inoccupées. Permettre ces usages peut encourager des commerces locaux, alternatifs, promouvoir l’art, développer le micro-entreprenariat… « Open source », « co-création » : Mettre à disposition de tous des ressources appropriables et des réseaux évolutifs, semble être une tendance actuelle, particulièrement manifestée dans la pratique de 00:/ et d’Ecosistema Urbano. Cette tactique est envisagée aussi bien à travers l’espace public virtuel que matériel, elle offre une flexibilité par la rapidité permise dans les échanges d’informations. Remettant en question la notion de propriété intellectuelle, elle est représentative d’une « architecture citoyenne ». Cette méthode ne considère pas la création comme la propriété intellectuelle d’une seule personne, mais comme l’aboutissement d’un désir collectif de production qui peut sans cesse être modifié, et évoluer. A travers son projet « Wikihouse » l’Agence 00 :/ illustre ce concept autour d’une application téléchargeable, qui permet de rendre reproductible dans un autre contexte un mode constructif. Seulement cette stratégie, qui se met en place à l’échelle virtuelle pour être ensuite réalisée, concerne une population ayant accès à des moyens techniques évolués et ne résout pas le problème des contraintes d’ordre administratif liée à la construction, mais ce n’est pas là son but. Cette méthode représente une société du partage et de l’essor culturel. Où le symbole © représentatif des restrictions associées aux droits d’auteurs (copyrights), fait place au sigle « CC » pour « creative commons »162, qui cherche une alternative raisonnable aux droits d’auteurs. Le but ? Encourager l’échange et le partage pour stimuler la créativité et tirer un bénéfice commun pour tous les usagers, les citoyens.
162
Creative Commons est une organisation à but non lucratif qui propose une alternative à ceux qui veulent décharger leurs œuvres des droits de propriété intellectuelle et des droits de copies. Crée en 2001.
121
4.4
Synthèse :
Bien que les méthodes (tactiques / stratégies) mises en place par chaque agence et les échelles d’interventions diffèrent, l’objectif est toujours le même : avoir un impact social fort en permettant à un maximum d’individus de s’impliquer dans les démarches. Fondamentalement, la vraie différence qui existe entre l’exercice des utopistes des années 60 et les 3 agences étudiées, réside dans l’apparition de l’internet. Leurs revendications sont similaires (être plus proche de l’usager, tenter de résoudre des problèmes spatiaux en y incluant les usagers de manière active, faire prendre conscience au public de l’impact qu’il peut avoir sur son environnement…). Si les temps changent, les idéaux sont restés les mêmes : le combat contre les inégalités et le « droit à la ville » comme bien commun à tous les citoyens. Le rôle de l’architecte n’est pas perçu chez ces agences comme pur « auteur de projet » mais plutôt comme « co-auteur ». Rien n’est la propriété intellectuelle d’une personne seule mais le projet s’établit comme bien commun à tous, les architectes sont les co-auteurs de l’espace public, avec tous ses usagers, c’est également leur message pédagogique. Les tactiques qui sont mises en places par les agences viennent compléter et répondre à des « vides » laissés dans le système de production et de gestion de l’espace public. Elles permettent par exemple à un nombre plus important de personnes de s’impliquer dans une gestion collective de l’espace public. Les agences remettent en question des principes hiérarchiques sur lesquels se basent l’organisation de la société au nom de partenariats implicites. Cependant il ne faut pas oublier que « l’architecture » reste un milieu de la communication, de l’exposition, de la représentation, du « marketing ». Si les agences auxquelles il est fait référence dans cette recherche remettent en questions certains de ces principes, le regard porté sur leurs démarches ne doit pas être dénué d’un aspect critique. Ainsi les actions temporaires initiées par Exyzt sur base de fonds publics auront-elles un réel aspect positif sur la vie des habitants ou sont-elles la preuve d’une mauvaise gestion par l’Etat de son budget ? Les mesures prises pour intégrer la réflexion de nombreux étudiants et habitants garantissent-elle la réalisation d’une place qui réunira ces attentes ? N’est-elle pas l’occasion de « profiter » d’une main d’œuvre gratuite et inventive ?
122
Le lancement d’un projet « open-source » pour des régions ayant subi des catastrophes n'est-il pas plutôt un geste promotionnel ? L’exercice de ces 3 agences révèle que la profession d’architecte évolue avec son temps, deux composantes font que l’architecte adopte des rôles auparavant inexistants : -
La production de l’espace étant de plus en plus revendiquée comme un droit, l’architecte se doit de trouver des moyens de répondre à cette demande lorsque les pouvoirs publics se trouvent incapable d’agir (question d’argent, stratégie « commerciale » ou politique…).
-
En parallèle, l’acte de construire est remis en cause en tant que « remède » spatial pour plusieurs raisons : il coûte chère, il faut limiter l’expansion des villes, et il y a une tendance à la privatisation de l’espace public.
La pratique de l’architecture était déjà étendue à des domaines allant de l’urbanisme au mobilier, d’après les exemples passés en revues on peut dire qu’elle est indissociable de toutes les composantes de son contexte, elle se doit de rassembler et d’unir un maximum de médias, d’outils et de disciplines différentes pour s’adapter à ce nouveau type de demande. Chaque Agence invite « l’autre », l’étranger, à partager son savoir pour élaborer une « architecture citoyenne ». L’architecte n’est pas uniquement une personne qui exerce son métier pour des raisons financières mais pour défendre des opinions. Impliqués par passion, ils défendent les intérêts de la collectivité. Exercer plusieurs activités en afin de « gagner leurs vie » (au sens financier) est souvent un besoin qui se révèle vital.
123
124
CONCLUSION
125
Déjà depuis l’apparition du Modernisme, les préoccupations d’ordre social étaient installées dans la réflexion des architectes. Son expression la plus marquante se retrouve dans le fonctionnalisme avec Le Corbusier. Elle se traduit à l’époque dans une uniformisation des individus et de l’espace public, qui passe par la charte d’Athènes (zonage, plans types). Pourtant déjà dans les années 1930 l’intérêt et la recherche pour des modes alternatifs de fabrication de la ville s’exprime, à travers l’expérimentation et l’enseignement du Bauhaus avec Hannes Meyer. Et à partir des années 1970 un réel engouement pour l’inclusion des citoyens dans les projets se manifeste. Cette tendance continue à prendre de l’ampleur et dans les années 1990, c’est à travers des démarches d’un urbanisme « par le bas » (« bottom-up »), qu’on retrouve cette évolution. La mutation des systèmes de communication et l’engouement pour un « alter-mondialisme » dans les années 2000 continuent à renforcer ces démarches citoyennes, modifiant la manière dont il est possible d’agir, de s’impliquer, d’accéder et de transmettre des informations. La technologie évolue et modifie la manière dont l’architecte exerce mais on remarque que les revendications politiques, sociales et environnementales sont comme restées « suspendues » dans le temps, depuis les années 1960. Stimulés par les enjeux politiques, environnementaux, sociaux et économiques, les architectes ont donc vu les rôles qu’ils pouvaient jouer se démultiplier. De l’architecte porteur d’une image, messager du pouvoir à un architecte de terrain enquêtant pour faire de la ville un endroit vivable pour tous. Le domaine de l’architecture s’est donc vu adressé d’abord à une élite, expression de puissance et de pouvoir, les architectes étaient considérés comme des visionnaires, porteurs d’une science unique qui devait régir les principes d’urbanismes. L’architecture n’était pas vue comme un domaine accessible à des néophytes, c’était de l’architecture pour les architectes. Puis peu à peu certains ont porté le drapeau d’une architecture faite pour les citoyens, dont ils étaient les représentants, avec le mouvement participatif dans les années 70 et avant avec quelques précurseurs.
126
Et enfin l’idée d’une architecture faite par les citoyens a émergé avec les moyens de communications. L’architecte étant également un de ces citoyens, il cumule différents rôles au cours de son exercice. Pour reprendre l’expression de Mel Dodd, l’architecte est une sorte « d’agent double ». « L’agent double comprend et utilise les avantages de l’organisation comme un outil architectural qui opère (à des moments différents) dans les méthodes contradictoires de l’activisme, de l’entrepreneur et de l’activateur. L’agent double a un comportement ambiguë entre les normes conventionnelles de la profession (client – budget – mission) et celles d’une culture de la résistance familière à « l’étranger » (provocatrice, controversée et antiautoritaire). L’agent double se trouve des deux côtés de la barrière. »163 La définition de Mel Dodd exprime bien le fait que l’architecte, comme tout citoyen, ne joue jamais qu’un seul rôle. Le portrait de l’architecte qui est dressé ici, celui dont l’implication sociale est l’intérêt, se voit obliger d’adopter des rôles différents et contradictoires, afin de faire le lien entre l’aspect normatif et conventionnel de l’architecture, et les intérêts citoyens, une approche plus informelle et « sous terraine ». Comme nous l’avons vu dans le chapitre sur la contextualisation, le nombre de « production spatiale » concernée par les architectes étant restreint (5%), les architectes ne pèsent pas réellement de poids sur le marché de la construction. « La discussion possible à propos de nouveaux modèles de pratique architecturale mène inévitablement à la même complainte : on ne peut pas changer la manière dont nous pratiquons sans changer les contrats »164 Cette question du contrat, entre l’architecte, l’habitant, l’expert, et l’espace public, le bien commun, est indissociable de la pratique professionnelle et revêt dans chaque mission, un caractère différent pour construire une architecture citoyenne.
163
DODD Mélanie (2011) • Between the lived and the built : Foregrounding the user in design for public realm. RMIT, presse universitaire. P12
« The Double Agent understands and utilizes the powers of agency as an architectural design tool, and one that operates (at various times) across the apparently contradictory modes of activist, entrepreneur and enabler. The double agent behaves ambiguously across the conventional norms of the profession (client, brief, budget) and also in the cultures of resistance familiar to the outsider (provocation, controversy, antiauthoritarianism). The double agent sits on both sides of the fence. » 164
HYDE Rory. (12-10-2012) • Future Practice: Conversations from the Edge of Architecture. Editions Routledge. P113
127
C’est toute cette évolution, de rôles et de moyens d’actions que les architectes ont mis en place au fur et à mesure du temps qui permet d’en donner une lecture, une réinterprétation grâce à la mise en perspective de plusieurs générations. Pour donner une relecture du rôle public de l’architecte par une jeune génération, dans un engagement social et politique à travers l’espace public, la conclusion s’organise autour de 3 thèmes : 1-
La réinterprétation des outils du passé, c’est-à-dire les différences et les points communs entre la jeune génération et les exemples précédant, depuis les années 1960.
2-
La définition de 3 rôles que joue l’architecte (médiateur, catalyseur, coproducteur), qui constitue la synthèse d’une pratique architecturale dont les limites sont repoussées pour répondre aux enjeux actuels.
3-
L’ouverture de la thématique sur les questions qu’elle pose et un regard critique sur l’approche
128
1.
DES OUTILS D’ACTIONS REINTERPRETES, EVOLUTION DU RÔLE DE L’ARCHITECTE
On retrouve, à travers le travail de chaque Agence un ancrage laissé par les revendications et les expérimentations de leurs prédécesseurs. L’architecture, en tant que domaine de recherche transdisciplinaire rencontre dans les exemples la vie quotidienne des citoyens. Ainsi la thématique qui tient tant à cœur aux Situationnistes et à Henri Lefebvre, celle de l’urbain, se retrouve actualisée dans les projets des multiples praticiens abordés aujourd’hui. La ville devient tantôt un terrain de jeu, un lieu de revendication et d’expression, tantôt elle donne à ses citoyens les outils et les informations pour agir sur leurs territoire. Pour Henri Lefebvre, « il importe de faire renaître le désir au cœur de la ville, d’y introduire des vertiges et des troubles insoupçonnés, d’y inventer des formes de vie inédites et de lui offrir l’événementialité dont elle est aujourd’hui dépourvue. »165 Finalement les revendications émises par les groupes des années 1960 et celles d’aujourd’hui sont les mêmes : plus d’équité sociale, un urbanisme juste et inclusif, une remise en question des systèmes établis en rapport avec la société. Il est possible en ce sens de comparer certains concepts qui se trouvent être très similaires. Par exemple le projet de Cedric Price « Potteries Thinkbelt », qui propose de redéfinir les relations entre la ville et l’université, trouve écho dans les réflexions de 00:/ sur « Marylebone scale free School ». En effet, les deux projets cherchent à revisiter les relations qui peuvent exister entre la ville et l’université. Ces relations étant de deux ordres : physique et social. Physique, car les deux projets portent des arguments de réflexion sur l’implantation urbaine, la proximité à la ville, l’enclavement des pôles éducatifs. Ajouté à cela les deux projets passent par un remaniement et une utilisation différentes des modes de transports et du bâtit : dans le projet de Cedric Price l’université devient mobile en utilisant le réseau industriel de voies ferrées pour transporter mais aussi donner des cours (FIG 36). Dans le projet de 00:/ ce sont les étudiants qui deviennent mobile et la ville qui fournit des locaux « mobiles » (car temporaires) pour l’éducation, ce qui évite de construire de nouveaux locaux qui se retrouveront inoccupés la moitié du temps. (FIG 37)
165
SIMAY Philippe (2008) Une autre ville pour une autre vie. Henri Lefebvre et les situationnistes.
129
Figure 36 : |Potteries Thinkbelt| 1964|, Cedric Price|Staffordshire, England|Source : Cedric Price: Potteries Thinkbelt Une université reliée à la ville, basée sur les réseaux de voies ferrées existants. Les classes deviennent mobiles, la relation à la ville directe, générant un capital social et la possibilité de partenariats accrue.
Figure 37: Marylebone scale-free school |2013 |00:/ |Londres (Angleterre) |Source : [en ligne] www.marylebonefreeschool.co.uk Inutile de construire de nouveaux bâtiments si l’école peut profiter des bâtiments déjà existants dans le quartier. La ville fusionne avec l’institution scolaire.
130
Social, car les deux projets visent une refonte de la manière dont on donne cours, dont on établit le programme scolaire et dont les partenariats entre éducateurs / monde professionnel sont générés. Cela se traduit chez 00:/ par des cours à distance, des professeurs qui sont spécialisés car appartenant au milieu professionnel concerné, et chez Cedric Price par la fusion entre l’université, l’industrie et la recherche. On peut dire que les idées de Cedric Price sont aujourd’hui appliquées car les universités cumulent désormais ces différents statuts. Cedric Price défendait l’idée qu’une réponse construite n’est pas nécessairement la meilleure solution à un problème spatial. Indy Johar ( 00:/ ) confirme cette affirmation lors de son interview dans Future Practice : « oui nous faisons de l’environnement construit mais ce n’est pas le but. Le but c’est le résultat, et nous construisons seulement si c’est nécessaire »166. Ce résultat, ce sont les conséquences et les aboutissements qui découlent de l’acte de construction. Ils peuvent être d’ordre social, politique ou économique. Toutes les agences mettent en avant l’idée de l’augmentation du pouvoir des citoyens. En favorisant l’implication de ceux-ci dans leurs projets, ou en basant leurs projets sur le capital à apporter aux citoyens. Ce capital, les citoyens et les architectes peuvent en profiter dans un bénéfice mutuel (politique, économique, social, environnemental), c’est donc une « Architecture Citoyenne ». Les revendications actuelles sont donc globalement les même que dans les années 1960, ce sont les outils qui permettent leurs mises en œuvre qui ont évolués. Et cette évolution se traduit, dans la pratique des architectes, par l’investigation de nouvelles méthodes de réflexion et de travail qui modifient leurs statuts vis-à-vis de leurs partenaires. Ces outils, abordés au cours des différents exemples, font ressortir différents rôles, d’une nouvelle génération, que prend l’architecte dans la mise en place des projets (qui ne sont pas que « ses » projets, mais aussi ceux des citoyens).
166
HYDE Rory. (12-10-2012) • Future Practice: Conversations from the Edge of Architecture. Editions Routledge. P113 « Yes we do built environment –we think built environment is key- but that’s not the focus of it. The focus is the outcome, and we happen to do built environment if that’s what’s required. »
131
2.
L’ARCHITECTE EN TANT QUE MEDIATEUR
Dans les différents exemples observés, l’architecte se positionne comme un intermédiaire, une personne relais et de confiance, soit entre les autorités publiques et la population, soit entre différents partis au sein même de la population concernée. Il prend donc le rôle de « médiateur ». Les stratégies et tactiques de concertations et d’implications du public se « démocratisent » et deviennent de plus en plus incontournables. Cependant il faut être conscient que des questions restent en suspens quant à l’utilisation des données recueillies auprès des habitants puisque les décisions ne sont que rarement de leurs ressorts. C’est sans doute ce qui différencie l’architecte du citoyen lambda : la formation et le bagage personnel sont censés permettre de synthétiser l’information dans un projet concret. L’inventivité de ceux qui les mettent en place tente de rendre les processus efficaces. Dans tous les cas elles ont le mérite d’éveiller une conscience citoyenne et de générer une cohésion sociale, par le simple fait de réunir les habitants et de provoquer des échanges autour d’actions collectives, pas seulement de concertations où les acteurs peuvent donner un avis ou répondre à un débat (urbanisme top-down). Les processus d’implications passent par l’action, le « research by design ». Le fait de proposer d’agir permet de trouver un moyen détourné pour que le citoyen prenne conscience de son pouvoir et se sente impliqué. Pour que le contacte puisse s’établir et fonctionner il est toutefois important que l’architecte n’impose pas un rapport de hiérarchie avec la population et ne l’envisage pas comme « ayant besoin d’aide », mais que ce soit une relation d’égal à égal. La création de « modules d’échange » tel que le four à pain d’Exyzt (projet sur la place publique) ou les jeux de rôles et les mises en scènes artistiques de Muf (« The Horse’s Tale ») sont un bon exemple de la diversité des actions qui peuvent servir de « ciment » à l’implication citoyenne. Si le projet « DreamHamar » a permis de rassembler un nombre impressionnant de participants, on peut se questionner sur les limites du modèle participatif. Ce processus peut-il fonctionner pour des projets d’ampleur urbanistique, à l’échelle de ville, de quartiers entiers ? Ou se doit-il de rester dans des échelles restreintes, localisées ? De plus il faut pouvoir transcrire le nombre et la diversité des opinions dans une synthèse cohérente de toutes les données.
132
Figure 38 : Le médiateur| 2013 | J. Mallon |Source iconographie : BBC – GEL
133
Il faut noter que les actions réunies dans le mémoire ne concernent pas de projets urbanistiques de grande ampleur mais une majorité d’actions locales. Le médiateur travaille à cette échelle car elle s’établi par définition en marge d’un système de globalisation. La quête de l’identité individuelle et le désir d’en finir avec un contrôle oppressant de la part d’institutions encouragent le travail à une échelle réduite, celle du quartier en général. Toutefois l’action locale du médiateur doit s’inscrire dans une logique d’ensemble et une cohérence globale qu’il est plus difficile d’aborder pour le citoyen n’ayant pas de formation nécessaire à l’appréhension de cette échelle. Ce rôle d’architecte, qui transparait dans les actions menées par les agences tels que Muf, Exyzt, Ecosistema Urbano, Citymine(d) ou encore Lucien Kroll pour remonter un peu dans le temps, correspond assez bien aux définitions de certains rôles de Mel Dodd. La notion d’architecte en tant que médiateur regroupe celle « d’agent-double »167, qui doit tenir compte d’un côté de contraintes administratives ancrées dans la société, et d’un autre côté nouer avec un terrain plus informel et indéterminé. Et la notion de « local »168 qui doit s’imprégner du milieu dans lequel il agit et penser comme un utilisateur. D’autre part l’exercice de l’architecte médiateur se trouve limité dans l’effort humain et temporel qu’il constitue. Pour être pleinement assuré ce rôle demanderait une relecture du métier dans une démarche de compréhension et/ou d’accompagnement locale, qui pourrait donner naissance à une nouvelle définition de la profession. Là où par exemple pour lutter contre les incivilités les autorités publiques mettent en place des « médiateurs urbains »169, ayant un rôle ambigu entre police de quartier et amis avec la population. Ce que permet l’acte d’implication, c’est d’avoir une compréhension locale d’un site, d’y confronter les différents points de vue qui le caractérisent, de dépasser la frontière du « relevé » purement objectif et fonctionnel, pour pouvoir appréhender les problèmes qui y sont liés et formuler une réponse adéquate.
167
DODD Mélanie (2011) • Between the lived and the built : Foregrounding the user in design for public realm. RMIT, presse universitaire. 168
Ibid.
169
MAILLARD Jacques, (16-01-2013) « Réguler les espaces publics : le rôle ambivalent des nouveaux métiers », Métropolitiques. [en ligne] URL : http://www.metropolitiques.eu/Reguler-les-espaces-publics-le.html (visité le 15-08-2013)
134
3.
L’ARCHITECTE EN TANT QUE COPRODUCTEUR
Remettre en cause la propriété intellectuelle pour permettre à tous de mettre à profit le savoir acquis, c’est un type de projet que développent certains architectes. Si les méthodes utilisées par 00:/ font appel à des techniques très évoluées (projet Wikihouse), on peut trouver un grand nombre de manuels qui permettent de s’approprier et d’utiliser les trouvailles de nombreux architectes, collectif, anonymes, dans la thématique « do-it-yourself ». Cet aspect du rôle de l’architecte s’est fortement développé depuis l’avènement du Web 2.0 où les utilisateurs, sans avoir besoin d’une spécialisation, ont commencé à pouvoir façonner internet à leur image. C’est-à-dire échanger, partager et diffuser l’information comme ils l’entendent. Ce qui a permis de diminuer la notion de distance et de pouvoir profiter de l’expérience de millions d’autres internautes. Ce sont les moyens d’agir que diffusent les « spontaneous actions » du pavillon Américain à la biennale de Venise ou encore l’exposition « What you can do with the city ». L’essence et la force de ces projets réside dans le fait qu’elles n’ont pas de propriétaire, les idées développées ne seront jamais brevetées, au contraire tout est fait pour qu’elles soient abondamment copiées, répliquées, appropriées. L’architecte devient le partenaire de l’ensemble des citoyens à travers ces démarches. Il a une responsabilité publique quant au fait d’initier des projets porteurs de valeurs morales. Dans cette position, l’architecte prend la place d’un partenaire citoyen, pour la mise en place d’un projet, qu’il soit d’ordre public, privé, physique, virtuel ou social. Les projets contiennent le message suivant : chaque acte posé est fait pour le bien de la communauté, et il est réalisé en collaboration entre les acteurs. L’acte de co-production implique une ouverture d’esprit de la part de l’architecte, invite à la rencontre entre différentes disciplines qui peuvent sembler ne rien avoir en commun. Le coproducteur fait appel à la notion de « co-authorship » c’est-à-dire de partage de droits d’auteurs. Ce qui appelle à l’ouverture et un partage plus grand et plus rapide des informations. Ce type de création est porteur d’enthousiasme car il appel à créer des projets dont le retour est un « bénéfice mutuel », partagé par les utilisateurs. La force du concept réside dans le fait que chacun peut faire évoluer l’idée du précédent, donc le projet peut évoluer de manière proportionnelle au nombre d’utilisateurs impliqués et renvoyer un bénéfice commun à tous.
135
Figure 39 : Le co-producteur| 2013 | J. Mallon |Source iconographie : BBC – GEL.
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C’est le principe de base d’échange « peer to peer » (de personne à personne). La force de l’idée de co-création, de co-production est celle de faire les choses ensemble. Au-delà du résultat, elle permet de créer entre les personnes un sentiment d’appartenance à une communauté, un respect collectif et une entraide. C’est donc un capital social que cette idée porte mais la co-production renforce l’idée d’une alternative au système de globalisation en se basant sur un système d’échange collectif pour le bien communautaire. Là où le médiateur est chargé de la communication entre différents intervenants, le coproducteur réalise avec ses associés un projet en commun. C’est un système d’aller - retour qui se crée entre les protagonistes. Le coproducteur encourage une « économie civique, dont l’idée se base sur la manière dont la technologie et un profond processus démocratique permettent de trouver de nouveaux moyens d’organisation locale pour les gens, mais également de créer des institutions et des associations qui se concentrent sur des actions civiques. Elles peuvent être à but lucratif ou non, cela n’a pas vraiment d’importance. C’est une nouvelle méthode citoyenne d’organisation de micro actions créant un cercle vertueux, social, environnemental et économique »170.
170
HYDE Rory. (12-10-2012) • Future Practice: Conversations from the Edge of Architecture. Editions Routledge. P50 Interview de Indy Johar ( 00:/ ) « […] the Civic Economy is an idea about how technology and a deep democratisation of process is liberating a new way for people to organise themselves locally, and to actually create institutions and organisations which are fundamentally focused on a civic purpose. They can be for-profit, non-profit, it doesn’t really matter. It’s a new citizen method of organizing micro acts which can create virtuous social, environmental and economic cycle..»
137
4.
L’ARCHITECTE EN TANT QUE CATALYSEUR
Le rôle de catalyseur est motivé non pas par l’aboutissement à un acte construit mais par la création de relations interpersonnelles et d’échanges qui peuvent naître d’un projet. Le catalyseur va mettre ses connaissances au profit des répercutions générées sur le court terme ou le long terme pour la société. Le catalyseur porte les intérêts, comme les autres rôles d’une proposition d’architecture citoyenne. Cette métaphore est employée car un « catalyseur » rassemble des énergies en un même point. Ce rôle est caractérisé par trois aspects principaux, des « thèmes » interconnectés autour desquels il va agir : Le catalyseur économique. Résoudre un problème spatial peut être abordé par une approche économique de ce problème au lieu de chercher à solutionner par une action construite. Cette démarche peut se caractériser par les principes de micro-investissements permettant de stimuler des « starts-ups » (jeune entreprise) et de « massive crowd funding ». Le « crowd funding » littéralement « financement populaire » est un principe qui permet de faire financer ses projets par une communauté en ligne, sur base d’un dossier élaboré par l’utilisateur. C’est en encourageant le financement de petites entreprises par les communautés, qu’elles pourront en retour faire bénéficier la communauté de leurs services, ainsi que réinvestir à leur tour l’argent dans d’autres « starts-ups ». Différents sites internet de « crowd funding » existent déjà et ont prouvé leur efficacité. En récompense de son investissement, le participant reçoit différents bénéfices de la part de l’entreprise. L’organisation Citymine(d), à laquelle il est fait référence dans la première partie, née au milieu des années 90’, à aujourd’hui vu son activité évoluer sur différents fronts. Elle a entre autre mené le projet « micronomics » dont l’un des aboutissements est un marché local. D’autres alternatives permettent d’encourager un développement économique, comme par exemple l’autorisation de vente dans l’espace public de nourriture ou de biens réalisés par des particuliers. Cela favorise un commerce de proximité et génère un capital social. Le système de troc et d’échange (de biens ou de services) peut également être considéré comme un moteur économique communautaire.
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Des projets comme le « Southwark Lido », encourageant des brasseurs locaux à vendre leurs propres bières encouragent ces démarches qui permettent un commerce plus équitable, sans passer par une industrie de production massive basées sur le profit.
Le catalyseur spatial. Le but est d’utiliser le potentiel des espaces déjà existants ou projetés. En activant un site, par des actions temporaires comme celles menées par Exyzt sur un site vacant par exemple, a pour effet d’attirer l’attention sur son existence mais aussi de lui donner une vie. Le catalyseur spatial peut, pour mener à bien sa mission, utiliser la méthode du « mapping » pour constituer des bases de données de ces espaces, qui doivent être renseignées avec les propriétaires et les différents acteurs impliqués dans la gestion de ces sites. Cela permet d’en identifier le potentiel pour l’activer à travers des projets, qui nécessiteront forcément des autorisations. Le catalyseur spatial doit donc penser en termes de contrats et de négociations. Ainsi le projet « Precare », initié par le collectif Citymine(d), proposait d’activer des espaces inutilisés. Il en résulte une analyse qui détermine les potentialités, des négociations avec les propriétaires et l’identification des usages qu’il est possible de leur donner. Le catalyseur spatial renvoie aux deux autres « thèmes », catalyseur économique et social, car l’espace catalysé devient le foyer de ces énergies. Le catalyseur social Le but recherché est de générer des réseaux sociaux qui permettent aux acteurs d’y trouver un intérêt. Qu’ils soient virtuels ou physiques, ces réseaux s’organisent autour de bénéfices mutuels. Ces bénéfices peuvent être d’ordre pédagogique, culturels, environnementaux par exemple. Dans cette configuration l’architecte met en relation des acteurs qui vont trouver un intérêt à constituer une Agence. Une fois que l’architecte a rempli son rôle de catalyseur, plusieurs possibilités apparaissent. Soit il reste et a toujours été extérieur au réseau. Soit il sort du réseau et le laisse devenir autonome, celui-ci peut donc continuer à évoluer ou rompre l’association. Soit encore l’architecte reste partie prenante dans le réseau créé et y contribue.
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Figure 40 : Le catalyseur | 2013 | J. Mallon |Source iconographie : BBC – GEL.
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En conclusion, le rôle de l’architecte en tant que catalyseur peut revêtir différentes formes et objectifs qui vont s’articuler autour de stratégies et de tactiques différentes. Les différentes thématiques autour du Catalyseur sont interconnectées, l’une pouvant mener à l’autre, et vice-versa. Le projet « Limite Limite » initié par Citymine(d) en collaboration avec Chris Rossaert est parti du constat d’un manque d’espaces verts pour aboutir paradoxalement à une action construite. L’utilisation de cet espace vacant comme lieu d’action pour un édifice temporaire a activé son potentiel spatial (rôle de catalyseur spatial) pour aboutir sur des bénéfices sociaux (rôle de catalyseur social): identité de quartier renforcée, sentiment de collectivité, développement d’une association de quartier active. Ce qui dans le même mouvement a entrainé un enthousiasme économique (catalyseur économique) en attirant le regard des autorités publiques, qui ont réinvesti dans ce quartier. Même si les effets engendrés sont parfois inattendus ou imprévisibles, le rôle du catalyseur est de d’activer par son initiative l’un des rouages (spatial – économique – social) en mobilisant les outils à sa disposition, ses contacts, son savoir. S’ensuit ou non, un effet d’engrenage avec les domaines parallèles. Le projet architectural au sens large (construit / vécu), par extension le rôle de l’architecte, est relayé au plan « d’activateur » de citoyenneté par les usages et les rencontres qu’il peut générer.
141
5.
VERS UNE EXTENSION DES RÔLES DE L’ARCHITECTE
Le terme « Agence » a été régulièrement utilisé tout au long du mémoire. Car celui-ci ne désigne pas particulièrement un bureau d’architecture, mais il caractérise un regroupement d’acteurs. L’architecture a toujours été une discipline décloisonnée, touchant à toutes sortes de domaines, en passant des techniques constructives les plus poussées à la philosophie et la sociologie. L’architecte a toujours porté différentes casquettes : conseillé politique, expert pour des assurances, fonctionnaire, négociateur… Aujourd’hui plus que jamais, la profession est menacée par tous les acteurs qui se divisent les tâches autrefois uniquement réservées aux architectes, et par l’augmentation considérable du nombre d’architectes formés chaque année, et le contexte économique. Il est primordial dès lors d’aborder l’architecture, dès la formation, comme décrite ci-dessus, c’est-àdire décloisonnée. Elle ne peut pas être dissociée de l’économie, de la sociologie, des technologies. Certaines écoles déjà prennent le parti de mélanger les hautes études d’économie et les facultés d’architecture, comme l’université de Marylebone, en Angleterre, faisant de la formation en économie des architectes une spécialité. L’architecte doit être capable pour survivre d’être à la fois entrepreneur, économiste, artiste, sociologue et artisan. Sans parler des procédures juridiques qu’il doit connaître et des responsabilités lourdes qu’il doit assumer. C’est en ouvrant le champ de ses compétences et en collaborant à la fois avec la population, les instances publiques, les maîtres d’œuvres, l’administration comme le font toutes les agences citées que leurs idées peuvent se concrétiser, franchissant pas à pas les obstacles qui se présentent devant elles. C’est en cumulant les expériences, les savoirs, les ressentis, et les outils des différents intervenants et experts que l’architecte peut affirmer sa responsabilité publique et repousser les limites de la profession, et espérer poser des actes répondant aux enjeux sociaux, environnementaux et économiques qui sont d’actualité en mettant en œuvre une « Architecture citoyenne ». « L’agent-double » de Mel Dodd, renvoie à cette variété de rôles que doit jouer l’architecte pour assumer sa responsabilité publique, en tant qu’architecte mais aussi en tant que citoyen. C’est un multipliant les rôles et les casquettes que l’architecte peut s’adapter à un monde en perpétuelle évolution. Promouvoir une architecture citoyenne réside dans l’enrichissement mutuel des utilisateurs de l’espace public. Elle est surtout un combat et demande un militantisme sans faille, pour se frayer un chemin à contre-courant d’un système économique où la productivité et le rendement à moindre coût sont les maîtres mots.
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L’architecture citoyenne trouve ses principes dans l’équilibre entre des approches conventionnelles et plus informelles. Dans ce sens, l’urbanisme « bottom-up » est à l’urbanisme « top-down » ce que la tactique est à la stratégie. L’un ne peut pas exister sans l’autre. Ces méthodes reposent chacune sur des bases différentes et complémentaires. Il n’existe pas de solution dans l’absolu, comme l’ont pensé les fonctionnalistes, avec Le Corbusier. C’est dans l’infinité de rôles et d’outils qu’il est possible d’imaginer ensemble la définition d’une Architecture citoyenne. L’architecture citoyenne révolutionne la production de l’espace et l’expérience urbaine par des actes du quotidien : apprendre, informer, aider, jouer, manger, se divertir, dormir, créer, cultiver. Toutefois les démarches entreprises pour promouvoir une telle architecture ont tendance à s’opposer par définition au système capitaliste, elles nécessitent donc de trouver des moyens de financement.
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TABLE DES ILLUSTRATIONS Figure 1 : « the architect’s new atlas ». Source : pro-toto. [en ligne] : http://pro-toto.eu/ (visité le 05-08-2013) ................................................................................................................. 21 Figure 2 : Grille CIAM d’urbanisme. |Tableau d'exposition (extrait de "Grille CIAM) (1949) | publié par Ascoral", éd. de l’AA. ......................................................................................... 29 Figure 3 :« urban re-identification » |Peter et Alison Smithson. | Grille CIAM 9 (1953)| photographies de Nigel Anderson | Fond d’archive Smithson. ............................ 29 Figure 4., Guide psychogéographique de Paris | Guy DEBORD | Discours sur les passions de l’amour, pentes psychogéographiques de la dérive et localisation d’unités d’ambiance, dépliant édité par le Bauhaus Situationniste, imprimé chez Permild & Rosengreen, Copenhague, mai 1957...................................................................................................... 33 Figure 5. Maquette, New Babylon | Constant NIEUWENHUYS |[en ligne] URL : http://laboratoireurbanismeinsurrectionnel.blogspot.be/2011/05/utopisme-ou-realisme.html (visité le 06-08-2013) ....................................................................................................... 33 Figure 6 | Schéma d’intention du Fun Palace |PRICE Cedric| Cedric Price Archive collection | ...................................................................................................................................... 36 Figure 7 |Schéma d’intention, centre d’art George Pompidou |Richar ROGERS & PIANO Renzo architects| [en ligne ] URL : http://www.richardrogers.co.uk/Asp/uploadedFiles/image/News/99_0449_1_news.jpg (visité le 10-08-2013) ................................................................................................................. 36 Figure 8. |Le Modulor | LE CORBUSIER | The Modulor, Reprint ed. 2004 (New York: Faber and Faber, 1954), p51 ....................................................................................................... 39
Figure 9 : La mémé |1970-72|Lucien Kroll |Louvain en Woluwe (Bruxelles – Belgique) | source : [en ligne] http://homeusers.brutele.be/kroll/auai-project-ZS.htm ............................ 43
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igure 10 : Limite Limite | 1999-2004 | Citymine(d), Chris Rossaert, | Schaerbeek, Bruxelles | Source [en ligne] http://www.citymined.org/projects/limitelimite.php (visité le 12-08-2013) ........................................................................................................................................ 47 Figure 11 : « Precare » |1999-2010| Citymine(d) |Bruxelles | Source [en ligne] : http://www.precare.org/Website/Precare/Main.php?color=3 (visité le 12-08-2012) ........... 47 Figure 12 : Kuvas S.C |1997|Santiago CIRUGEDA| Seville | Source : http://www.recetasurbanas.net/index1.php?idioma=ESP&REF=1&ID=0002 (visité le 12-082013)............................................................................................................................... 49 Figure 13 : The pleasure garden of the utilities |1998 | Muf architecture/art |Stoke-on-Trent (UK) | Source :[en ligne ] http://www.muf.co.uk/portfolio/pleasure-garden-of-the-utilities (visité le 12-08-2013) ...................................................................................................... 53 Figure 14: A Horse’s Tale | 2003-2005 | Muf architecture/art | Tilburry (UK) | Source [en ligne] http://www.muf.co.uk/ahorsestale/ (visité le 12-08-2013) ......................................... 53 Figure 15 : Metavilla | 2006 | Exyzt | Venise | Source [en ligne] : Exyzt.org ...................... 76 Figure 16 : Metavilla | 2006 | Exyzt | Venise | Source [en ligne] : Exyzt.org ...................... 76 Figure 17 : Sur la place publique| 2009-2011 | Exyzt | Saint-Jean-en-Royan, France | Source : Association « De l’aire » [en ligne] : http://www.delaire.eu/coordination-deprojets/sur-la-place-publique-vercors ............................................................................ 80 Figure 18 : Site de Southwark lorsque il est inoccupé | Source [en ligne] exyzt.org ............. 83 Figure 19 : Southwark Lido | 2008 | Exyzt | Londres (Angleterre) | source : [en ligne]: exyzt.org........................................................................................................................... 83 Figure 20 The Reunion | 2012 | Exyzt | Londres (Angleterre) | Source : [en ligne]: exyzt.org ........................................................................................................................................ 83 Figure 21 : HUB | 2005 – aujourd’hui | 00:/ | Londres (Angleterre) | Source : http://westminster.the-hub.net/.......................................................................................... 89 Figure 22 : HUB | 2005 – aujourd’hui | 00:/ | Londres (Angleterre) | Source : http://westminster.the-hub.net/.......................................................................................... 89
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Figure 23 : Marylebone scale-free school |2013 |00:/ |Londres (Angleterre) |Source : [en ligne] www.marylebonefreeschool.co.uk ............................................................................. 91 Figure 24 : Marylebone scale-free school |2013 |00:/ |Londres (Angleterre) |Source : [en ligne] www.marylebonefreeschool.co.uk ............................................................................. 91 Figure 25 : Wikihouse | 2012 |00:/ |Projet virtuel |Source : [en ligne] : wwww.wikihouse.cc ........................................................................................................................................ 94 Figure 26 : « Urban Voids » concours | 2006 | Ecosistema Urbano | Philadelphie |source : [en ligne] : http://europaconcorsi.com/projects/17865-Philadelphia-Urban-Voids (consulté le 14-08-2013)................................................................................................................... 100 Figure 27 : « Urban Voids » concours | 2006 | Ecosistema Urbano | Philadelphie |source : [en ligne] : http://europaconcorsi.com/projects/17865-Philadelphia-Urban-Voids (consulté le 14-08-2013)................................................................................................................... 100 Figure 28 : |Dream Hamar | 2010-2013| Ecosistema Urbano | Stortorget, Norvège| Source [en ligne ] Source : Propriété de Lluis Sabadell Artiga + Ecosistema Urbano Archdaily URL : http://www.archdaily.com/122860/onethousandsquare-lluis-sabadell-artiga-ecosistemaurbano/esquemas3/ ......................................................................................................... 102
Figure 29 : |Dream Hamar | 2010-2013| Ecosistema Urbano | Stortorget, Norvège| Source [en ligne ] URL :http://3.bp.blogspot.com/_8Lufw3c2g4I/TUa6H57xYwI/AAAAAAAAZPE/OJu_XSBdXpU/s 1600/Lluis+Sabadell+.+Ecosistema+Urbano+.+One+Thousand+square+.+Hamar+% 25282%2529.jpg (visité le 13-08-2013) .......................................................................... 106
Figure 30 |Dream Hamar | 2010-2013| Ecosistema Urbano | Stortorget, Norvège| Source [en ligne ] URL :http://3.bp.blogspot.com/_8Lufw3c2g4I/TUa6H57xYwI/AAAAAAAAZPE/OJu_XSBdXpU/s 1600/Lluis+Sabadell+.+Ecosistema+Urbano+.+One+Thousand+square+.+Hamar+% 25282%2529.jpg (visité le 13-08-2013) .......................................................................... 107
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Figure 31 : Ecoboulevard |2004-2007 | Ecosistema Urbano | Madrid | Source [en ligne] URL : http://ecosistemaurbano.com/portfolio/eco-boulevard/ (visité le 13-08-2013) ......... 109 Figure 32 : Ecoboulevard |2004-2007 | Ecosistema Urbano | Madrid | Source [en ligne] URL : http://ecosistemaurbano.com/portfolio/eco-boulevard/ (visité le 13-08-2013) ......... 109 Figure 33 Ecoboulevard |2004-2007 | Ecosistema Urbano | Madrid | Source [en ligne] URL : http://ecosistemaurbano.com/portfolio/eco-boulevard/ (visité le 13-08-2013) ......... 111 Figure 34 Ecoboulevard |2004-2007 | Ecosistema Urbano | Madrid | Source [en ligne] URL : http://ecosistemaurbano.com/portfolio/eco-boulevard/ (visité le 13-08-2013) ......... 111 Figure 35 : |Dream Hamar | 2010-2013| Ecosistema Urbano | Stortorget, Norvège| Source [en ligne] URL : http://www.dreamhamar.org/2011/08/how-to-transform-ideas-into-actionparticipation-profiles/ (visité le 13-08-2013) ................................................................... 117 Figure 36 : |Potteries Thinkbelt| 1964|, Cedric Price|Staffordshire, England|Source : Cedric Price: Potteries Thinkbelt ................................................................................................. 130 Figure 37: Marylebone scale-free school |2013 |00:/ |Londres (Angleterre) |Source : [en ligne] www.marylebonefreeschool.co.uk .......................................................................... 130 Figure 38 : Le médiateur| 2013 | J. Mallon |Source iconographie : BBC – GEL .............. 133 Figure 39 : Le co-producteur| 2013 | J. Mallon |Source iconographie : BBC – GEL. ........ 136 Figure 40 : Le catalyseur | 2013 | J. Mallon |Source iconographie : BBC – GEL. ............. 140
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