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Brusques éblouissements
Alternance du jour et de la nuit
Elle a su qu’elle partait pour l’Allemagne Elles l’ont toutes su à Romainville
Elle ne sait rien de la distance ni de la durée du voyage
Arrêts brefs
Portes ouvertes aussitôt closes dans un fracas de ferrailles
À un moment on passe la frontière forcément
Avant ou après que la tinette plein de pisse roule dans la paille déjà souillée
Avant ou après que Mila somnole contre le dos de Lisette le ventre hypertendu par-dessus l’utérus minuscule
Avant ou après que Mila ne puisse plus fermer la bouche par manque de salive
Juste après le papier jeté sur les rails
Les décélérations du train annoncentl’Allemagnepotentiellement
Alors les femmes chantent
Ou gueulent qu’elles ne descendront pas chez les boches
Ou prient ou prédisent bientôt un débarquement
Certaines épuisées se taisent D’autres frappent
L’Allemagne ça ne peut pas passer inaperçu Rien ne marque la frontière
On ne les fusillerait pas elles étaient déportées
En elle nul désir d’héroïsme et si possible ne pas mourir
L’Allemagne plutôt qu’une balle dans le coeur
Peu le alorsregrettaient sauf quelques-unes
Fusillée comme un soldat un ennemi du Reich au mont Valérien pensez-donc
Mila avait fait son devoir comme on cède la place a une vieille dame dans l’autobus
L’Allemagne c’est Hitler les Nazis le Reich Y sont captifs des prisonniers de guerre
On y tue des Juifs On tue les malades et les vieillards par piqûre et par gaz
Elle n’est ni Juive ni vieille ni malade
Elle est enceinte
Elle ne sait pas si ça compte
Mila n’a jamais vu Brigitte
Toutes les deux sont au secret
Ton enfant te protège j’en sûre.suis
Pendant des semaines
Brigitte n’a été qu’un son mais un son tendre et fidèle au rendez-vous du soir
... viene el viento y las levanta
Un jour elle lui a fait passer laine et petites aiguilles
Las hojitas de los arboles se caen...
y se ponen a bailar
Brigitte chante une berceuse dans le boyau de plomb pour l’enfant de Mila
L’ignorance de Mila est sans limite
En elle laaugrossesse devant l’Allemagne
Fürstenberg c’est nulle part
Insituable sur une carte mais c’est l’Allemagne
Ça sonne Allemand il n’y a pas de doute
Dans la valise
la photo de son frère arrêté vingt-deux ans en janvier
La photo de son père devant l’établi rue Daguerre parmi les ciseaux les racloirs les alènes
Les restes d’un colis un chandail une culotte une chemise deux barboteuses tricotées en prison
Elle serre la poignée de la valise et la main de Lisette
Il manque des femmes
Les vivantes se mettent en marche
On les compte comme à Romainville
Quelqu’un tombe Un fouet claque
Se confondent hurlements martèlement des souliers et aboiements
L’estomac brûle sous la bile pure
Mila inspire expire inspire encore vomissant chien dans les mollets
La violence des spasmes brise toute volonté
Marcher c’est tout Garder le cap Ne pas trébucher Suivre les pas des femmes devant derrière
ÉTOILE DANS LE DOS
Des sapins des pins sûrement des aulnes
Parce que son père est menuisier Mila connaît les arbres
Ne pas se laisser emporter par l’odeur du bois coupé de l’atelier
La nuit caviarde le paysage déjà flouté par le sommeil la faim la soif
Puis une trouée