Jean-Luc Douin la troupe des ombres
LA TROUPE DES OMBRES
DU MÊME AUTEUR
COMÉDIENNES D’AUJOURD’HUI , Lherminier, 1980.
WAJDA , Cana, 1981.
LA NOUVELLE VAGUE , VINGT-CINQ ANS APRÈS , Cerf, 1983.
JEAN-LUC GODARD , Rivages, 1989 ; rééd. JEAN-LUC GODARD PAR JEAN-LUC DOUIN, Rivages, 1994
BERTRAND TAVERNIER, CINÉASTE INSURGÉ , Ramsay, 1997 ; Ramsay Poche, 2006.
DICTIONNAIRE DE LA CENSURE AU CINÉMA , puf, 1998.
LES ÉCRANS DU DÉSIR , Chêne, 2000.
LES FILMS À SCANDALE , Chêne, 2001.
LES JOURS OBSCURS DE GÉRARD LEBOVICI , Stock, 2004.
HISTOIRE(S) DE FILMS FRANÇAIS , avec Daniel Couty, Bordas, 2005.
LE PREMIER SOMMEIL , roman, Stock, 2007.
JEAN-LUC GODARD, DICTIONNAIRE DES PASSIONS , Stock, 2010.
LE CINÉMA DU DÉSIR , Joëlle Losfeld, 2012.
ALAIN RESNAIS , La Martinière, 2013.
DICTIONNAIRE DES ÉTRANGERS QUI ONT FAIT LA FRANCE , sous la direction de Pascal Ory, Robert Laffont/Bouquins, 2013.
LE CINÉMA FRANÇAIS , La Martinière, 2014.
DICTIONNAIRE DES SEXUALITÉS , sous la direction de Janine Mossuz-Lavau, Robert Laffont/Bouquins, 2014.
120 ANS DE CINÉMA GAUMONT, La Martinière, 2015.
LES LABYRINTHES , sous la direction de Malek Abbou, Robert Laffont/Bouquins, 2023.
FEMMES MÉMORABLES , sous la direction de Josyane Savigneau, Chantal Bigot, Valérie Cadet et Monique Nemer, Robert Laffont/Bouquins, 2023.
© ACTES SUD, 2024 ISBN 978-2-330-19850-3
JEAN-LUC DOUIN
La Troupe des ombres
Sexe, espionnes et cinéma
ciné-roman
Je filme ce qui se passe derrière les rideaux tirés, derrière les verrous poussés, ce que la politesse et le bon ton veulent qu’on passe sous silence.
Erich von Stroheim
Tout d’un coup, elle coupa toute cette histoire avec six mots : “Je-couche-avec-qui-je-veux !”
Louis Aragon, Les Cloches de Bâle, 1934.
Je suis un mensonge qui dit toujours la vérité.
Jean Cocteau, Opéra, 1927.
Voilà comment j’appris à convoiter en silence, à me cacher, à dissimuler, à mentir et à dérober enfin.
Jean-Jacques Rousseau, Les Confessions, 1782.
Il est acquis que la vérité d’un homme, c’est d’abord ce qu’il cache.
André Malraux, Antimémoires, 1967.
J’enrage
Je suis une femme de l’ombre, une parmi des dizaines d’autres, une espionne dévouée, une espionne modèle, bien sous tous rapports, à la conscience professionnelle irréprochable, aux va-et-vient discrets, je n’ai jamais rechigné à ouvrir mon corsage pour amadouer quelqu’un, je n’ai jamais trahi mon pays, ni fait passer l’amour avant le devoir, je ne me suis jamais dérobée aux interrogatoires insidieux de mes supérieurs, j’ai accepté la cuisine du service, je suis passée à la casserole chaque fois que c’était nécessaire bien que je ne sois pas nymphomane, je n’ai rien à reprocher à mes parents, mon père ne m’a pas violée à l’âge de huit ans, ma mère ne m’a jamais empêchée de lire Freud, je considère le strip-tease comme un art, je ne suis ni une mangeuse d’hommes ni une ingénue perverse, j’ai quarante-cinq ans putain, j’apprécie de prendre un bain seule, le job accompli, en songeant à la lumière diffuse d’une fin d’après-midi dans la clairière d’une forêt, parfums d’humus et brumes violettes, ceux qui savent de quoi ma bouche est capable m’adorent, je connais le métier sur le bout des doigts, je maîtrise le morse, la sténo, l’émetteur radio, le pistolet, le poignard, le geste sado, je sais trafiquer des documents avec des encres sympathiques, poser des micros, suivre un suspect, m’inventer un accent, ancrer ce que j’ai vu dans
ma mémoire, le numéro d’immatriculation d’une voiture, le nombre de marches dans l’escalier qui monte à la porte d’entrée, je repère quand une femme se promène pour la première fois avec des vêtements qu’elle n’a pas l’habitude de porter, ou quand un homme attend un rendez-vous avec quelqu’un qu’il n’a jamais vu, j’ai appris à crocheter une serrure, fouiller un bureau, photographier des documents, voler, mémoriser des données, à faire des choses dont je ne peux parler à personne et pour lesquelles je serai à peine remerciée, j’apprécie d’être prise pour quelqu’un d’autre, je me méfie de tout le monde, voisin, collègue, ami, mendiant, médecin, commerçant, conjoint, j’ai une capsule de cyanure dans la doublure de mes gants, je reste nuit et jour aux aguets, lors d’une étreinte sexuelle j’interdis à mon corps de s’abandonner à l’impuissance, on m’a dit le fantasme de toutes les femmes de se trouver avec un espion, j’ai lu Robert Musil et j’ai découvert “la magique possibilité d’excuser des plaisirs interdits en leur assignant une mission supérieure”.
J’enrage, oui j’enrage, de ce contresens que constitue la vie de certaines, passées à la postérité au lieu de rester anonymes comme le stipulait leur contrat, propulsées stars parfois sans avoir déniché le moindre secret, ou même sans avoir existé. La vérité peut s’avérer trompeuse. À cause de la claironnante Pauline Carton, qui se fit un nom en jouant les soubrettes au cinéma, en particulier chez Sacha Guitry, on peine à croire à l’existence de Pauline Carton de Wiart, homonyme à rallonge, et pourtant si, cette mère de sept enfants, épouse du ministre de la Justice belge, aida courageusement la population bruxelloise à survivre en créant des associations caritatives, et tint tête à l’occupant allemand, réceptionnant du Havre où son mari était
en exil des documents sur la zone libre. Elle n’en est pas star pour autant ! Cette femme bien née rejoint la liste de toutes celles, nobles ou grandes bourgeoises élevées dans le respect de la morale, qui deviennent espionnes en tout bien tout honneur, ne considérant pas indigne le don provisoire de leur corps à un homme venu violer la patrie. Par contre, je reste confondue par le culot de Mary Lindell, d’une famille aisée d’Angleterre, qui publiera un livre flagorneur sur ses exploits. Cette grande bourgeoise mythomane a réellement conduit un convoi d’ambulances de la Croix-Rouge durant la débâcle, aidé des officiers anglais à traverser la Manche, sonné à la porte de Madeleine de Gaulle pour s’infiltrer là où il était flatteur d’être. Quoi qu’elle ait écrit, elle n’a jamais été mariée avec le comte de Milleville (il l’est déjà, père de trois enfants, leur union ayant été illégalement célébrée en cachette à Varsovie, sans doute n’a-t-elle été séduite que par son titre car elle parle de lui comme d’une “petite merde”), pas plus que n’a existé le réseau d’évasion Marie-Claire qu’elle s’honore d’avoir créé. Arrêtée et déportée à Ravensbrück, elle entre au service de Percival Treite, médecin ss . L’invention de mensonges au profit de cette avidité de reconnaissance est efficace : héroïne d’une série télévisée britannique, elle se voit consacrer un film, où elle est interprétée par Judy Davis. Le générique de One Against the Wind (Seule contre le vent, 1991) de Larry Elikann fait entendre la chanson d’Édith Piaf : “Non, rien de rien, non, je ne regrette rien.” J’enrage, vous dis-je !
La princesse Wiszniewska, dite Jeanne-Marie Solange, a posé sa candidature au 2e Bureau, sans suite, mais Émile Massard qui pointe aux services secrets français et aime enjoliver le réel en fait dans ses livres une
redoutable espionne. Qui a inventé Helene Benton, l’Américaine pro russe, et Marjorie Switz, la blonde anglaise communiste, fille d’un chauffeur de taxi londonien, épouse d’un aviateur américain, prétendument passée des services secrets russes (réseau Lydia Stahl) à Scotland Yard, et qui aurait inventé l’usage de la dent creuse pour cacher un microfilm ?
Les raconteurs d’histoires sont suspects. En toute bonne foi, personne ne peut affirmer que Marie Cuvillier, devenue veuve Maria Koudacheva après son mariage avec le prince Serge Koudachev (mort du typhus en Crimée), puis Mme Romain Rolland quand elle épouse l’écrivain français en 1939, fut une espionne. Elle a certes des contacts étroits avec le mystérieux Willi Münzenberg lié aux services secrets du Kremlin, elle semble suivre une stratégie quand elle entame avec Romain Rolland une correspondance, sans l’avoir rencontré, mais cette poétesse qui adore mélanger la réalité et la fiction se marie-t-elle en service commandé, ou défend-elle aveuglément la cause communiste en Occident par conviction, agent d’influence bénévole, membre de la cohorte des “idiots utiles” pour reprendre le mot de Lénine ?
La trajectoire de Madeleine Corabœuf, qui se rebaptise Magda Fontanges, est pathétique. Elle se dit actrice, c’est vite dit ; juste un court métrage où elle n’a pas un rôle majeur, euphémisme. Suffit-il d’avoir fait du cinéma, au sens propre, pour être estampillée espionne ? Elles sont coupables, inconscientes, irresponsables, ensorcelées, traîtres, salopes, mais pas espionnes. L’Allemande Hildegard Knef eut une liaison avec Ewald von Demandowsky, patron de la firme Tobis Films et bras droit de Goebbels. Elle n’a résisté qu’à David Selznick qui voulait la faire changer de nom. “À Hollywood, tu
t’appelleras Gilda Christian ! – Non !” Dans la famille Goebbels, la Française Michèle Alfa choisit le neveu, Bernhardt Rademecker, qu’elle avait connu avant la guerre à Pigalle, comme trompettiste. Il dirige la section cinéma à la Propagandastaffel sur les ChampsÉlysées, Berlin ne lui pardonne pas la fréquentation de l’actrice, il est expédié sur le front russe. Le Boche a la réputation d’être antinazi sur les bords, n’empêche, il a réquisitionné l’appartement et le coffre-fort d’un Juif réfugié aux usa pour se vautrer avec sa belle. Josseline Gaël quitte son mari, l’acteur Jules Berry, pour mener grande vie au Claridge, maîtresse d’Antonin Saunier, un des membres de la Gestapo française de Lyon. Entendant son fils l’informer qu’il va rejoindre les rangs de la Résistance, Mary Marquet demande à des amis de l’armée allemande de le décourager, provoquant l’arrestation et la déportation du fiston à Buchenwald. Dita Parlo est bannie par les Allemands pour avoir tourné La Grande Illusion de Jean Renoir, puis inquiétée en France pour avoir accordé ses faveurs au baron collabo Lionel de Wiet et tenté d’aider Henri Lafont à faire du cinéma, acceptant d’être sa partenaire pour quelques essais tournés par Jean Mamy dans des entrepôts du faubourg Saint-Antoine, avant de se rendre compte que le tortionnaire de la Carlingue a une voix épouvantable, et de le voir, dépité, tout casser. Dans le fichier des amantes de Lafont figure aussi Yvette Lebon, qui a débuté avec Marc Allégret (Zouzou) , Max Ophüls (Divine), Pierre Caron (Marinella, avec Tino Rossi), couché avec Sacha Guitry et Jean Luchaire, terminé sa carrière par une participation à un documentaire télé titré L’Occupation intime. La famille Luchaire, parlons-en. Le père patron de presse fricote avec les Boches, la fille comédienne fait bombance avec de jeunes officiers au
Shéhérazade, la boîte à la mode. Corinne Luchaire, qui a fait engager sa copine de classe Simone Kaminker, alias Simone Signoret, comme secrétaire chez son père, épouse un affairiste frayant avec le duo Bonny-Lafont de la rue Lauriston. Enceinte d’un officier allemand, elle file à Sigmaringen avec son père, Céline, Rebatet et Robert Le Vigan. Et Mireille Balin, bon sang ! Cette vamp de casino, hypnotique par sa grâce provocante, dont Pabst ne se souvenait jamais du nom et qu’il appelait Mireille Beaulieu, destituée pour s’être éprise de Birl Desbok, jeune officier viennois de la Wehrmacht. Que dire de cette Marga d’Andurain, née Jeanne Amélie Marguerite Clérisse à Bayonne (son père y est magistrat, sa mère présidente des Dames royalistes) et morte à Tanger ? Elle n’a pas froid aux yeux certes, épouse à dix-sept ans un cousin, comte croisé sur la plage de Biarritz, puis devient propriétaire d’un hôtel à Palmyre. Qu’elle prenne comme amant un officier britannique la désigne-t-elle comme espionne ? Aventurière assurément, lorsque, déterminée à être la première femme européenne à entrer à La Mecque, elle fait un mariage blanc avec le Bédouin Suleyman, qui meurt brutalement après l’avoir accusée de l’avoir empoisonné. De là à affirmer que le crime a été téléguidé par les services secrets britanniques, on est en plein roman ! Innocentée à l’issue d’un procès, elle se remarie en Syrie avec Pierre d’Andurain, qui est poignardé peu après, vengeance de la famille de Suleyman suppose-t-on. Le temps de fréquenter le consul de France local et de déniaiser son fils, elle se retrouve en France, entre Nice et Paris, convertie aux trafics de bijoux, de tableaux et d’opium, traînant sa réputation de nymphomane, droguée, agent double, “comtesse aux vingt crimes”. Tous les forfaits qu’on lui prête en
disent long sur les fantasmes français de l’époque. Durant la guerre elle fréquente la Résistance (via son fils Jacques, et c’est avec son 6,35 qu’un Allemand est tué en 1941 sur le quai du métro Barbès par un militant communiste) autant que la Gestapo (les affaires sont les affaires). On prétend qu’elle est la maîtresse d’Henri Lafont (elle aussi ?), l’associé truand collabo de Bonny, est-ce la raison pour laquelle elle file se faire oublier un moment à Alger, chez Emmanuel d’Astier de la Vigerie ? En 1945, elle est accusée d’avoir empoisonné son filleul Raymond Clérisse. Bizarre, bizarre. Incarcérée quelques jours, elle est absoute. Elle réapparaît sur un yacht croisant en Méditerranée. Coupable de contrebande ? Le 5 novembre 1948, elle se volatilise dans la baie de Tanger. Sans doute jeté à la mer par ses assassins, son corps n’est jamais retrouvé. Un couple de ses serviteurs est jugé coupable du meurtre. La vie est un roman, non ? Tenez parole, de tout ce que je vous ai dit motus. Sinon, j’enrage, je punis, j’élimine.
La petite Mimi
Blottie dans l’un des fauteuils de velours rouge, les doigts crispés sur une poupée de chiffon, une gamine trouve sa voie dans un cinéma où on projette un film qui n’est pas de son âge. Peu importe comment cette petite bonne femme a réussi à s’infiltrer dans cette salle obscure déconseillée aux mineures. La môme est délurée, ses parents se pâment lorsqu’elle mime Mistinguett, les mains sur les hanches, entonnant d’une voix éraillée qui flâne et chante faux ce refrain susurré à la radio : “Toujours au turbin, / Du soir au matin, / Moi
j’en ai marre…” Elle a ce zeste d’insolence joyeuse qui rend irrésistiblement séduisant tout enfant mal élevé mais n’ayant rien de mauvais dans le cœur. Le spectacle auquel assiste cette Mimi gavroche est de ceux qu’elle n’oubliera jamais, dans le silence hypnotique à peine troublé par le cliquetis du projecteur. La naissance d’une vocation.
Elle voit un homme au visage effrayant qui incite une femme à trinquer, lui tendant une flûte à champagne au pied de laquelle est accroché un collier de perles précieuses. “Dans le sang de qui dois-je tremper mes lèvres ?” dit la dame, qui rechigne à avaler le sombre breuvage autant qu’à accomplir la mission que le machiavélique tentateur attend d’elle. Elle est tombée amoureuse de celui qu’elle est censée berner, compromettre, éliminer. “Dans le sang de qui…” : la réplique est écrite sur un carton, le film est muet. Un piano accompagne certains passages, dramatisant les scènes les plus palpitantes, rassurant en même temps des spectateurs angoissés par le ballet d’ombres menaçantes sur l’écran. Car il en est, parmi eux, qui paniquent de voir des lèvres bouger, une cloche tinter, une assiette se fracasser en tombant sur le sol, sans entendre le son qui va avec, les mots prononcés, la sonnerie déclenchée, le bris cinglant de porcelaine fragmentée. Le cinéma est une invitation aux ténèbres.
Sur l’écran, Les Espions de Fritz Lang oppose l’espionne russe Sonja Baranikowa à l’espion allemand 326, qui d’adversaires deviennent complices. Elle, conquise par la dextérité du mâle à se métamorphoser de vagabond en dandy. Lui, subjugué par l’exubérance des émois de la traîtresse, ses chapeaux cloches, ses robes Années folles, sa façon de fumer en tirant sur ses cigarettes comme une locomotive. Scènes homériques,
mines expressionnistes, d’une banque tentaculaire à une fumerie d’opium en passant par l’Orient Express, par un cabaret où les convives dansent autour d’un ring de boxe. S’y illustrent un officier autrichien à la moustache de Salvador Dalí, un diplomate japonais à grosses lunettes poussé au hara-kiri, et Haghi le tyran, cerveau des services secrets russes, un type grimaçant, condamné au fauteuil roulant, banquier arborant sa haine et son appât du gain auquel les auteurs ont fait la tête de Lénine.
Les Espions (1928) dépeint l’Allemagne d’après la Première Guerre mondiale, pourrie “de troubles et de confusion, d’hystérie, de désespoir et de vices”, dit Lang, une Allemagne où sont palpables anticommunisme et antisémitisme. Le film s’inspire d’une découverte par la police anglaise en 1927 : le siège de la représentation commerciale soviétique à Londres était truffé d’espions. Le suicide forcé du colonel autrichien Jellusic (l’homme à la moustache excentrique) fait allusion à l’affaire Alfred Redl, pareillement démasqué.
Citée dans la longue liste des actrices qui font tourner la tête de Joseph Goebbels, la blonde aux yeux bleus choisie pour incarner Sonja est l’athlétique Gerda Maurus, que Fritz Lang envoie sur la Lune dans son film suivant et dont il fait par ailleurs sa maîtresse. Elle lui fera don d’un singe en peluche qui rejoindra le cinéaste dans son cercueil.
Subjuguée, la toute jeune spectatrice sort de la salle en chantonnant un autre succès de Mistinguett qu’elle connaît sur le bout des doigts : “Il m’a vue nue, toute nue, plus que nue…”
LE POINT DE VUE DES ÉDITEURS
Est-ce parce qu’on regarde les lms dans le noir que le cinéma a produit autant d’agents secrets ? Toutes les actrices sont-elles des espionnes ? Et si, quoi qu’on cherche à cacher, le grand écran était la meilleure des couvertures ? Circulant sans entrave entre documentation rigoureuse et imagination débridée, sur une période qui navigue de la Première Guerre mondiale à la guerre froide, l’auteur prend en lature, à l’image comme à la ville, une kyrielle de femmes fatales (forcément fatales) en mission, aux destins xxl et aux fréquentations troubles, qui ont pour noms, véritables ou inventés, Mistinguett, Mata Hari, Marlene Dietrich, Coco Chanel, Greta Garbo, Edwige Feuillère, Susan Swinton, Leni Riefenstahl, Joséphine Baker… mais aussi les messieurs qui les ont crues. Ce casting trois étoiles qui constitue sa pétillante Troupe des ombres révèle les dessous de souvenirs collectifs ainsi ravivés, le cinéma éclairant la réalité pour mieux faire parler ses mystères (et vice versa). Kaléidoscopique dans sa forme, un livre vif, drôle, savant et malicieux.
Critique littéraire et de cinéma, Jean-Luc Douin est un cinéphile averti à la plume acérée. Il a publié des livres sur Bertrand Tavernier, Jean-Luc Godard, Alain Resnais et Gérard Lebovici, mais il est aussi l’auteur, notamment, d’un Dictionnaire de la censure au cinéma (PUF, 1998) qui a fait date.
Illustration de couverture : © Paul urlby
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DÉP. LÉG. : OCT. 2024 / 22,50 € TTC France