Depuis 1992, les sœurs du monastère orthodoxe de Solan, dans le Gard, ont entrepris un vaste chantier : transformer en une exigeante expérience d’agroécologie un ancien domaine mis à mal par des années de culture selon les méthodes conventionnelles. Dans cette riche mais fragile mosaïque de parcelles cultivées et de zones sauvages, de vignes et de forêt, de jardin potager et de vergers, tout était à faire: préserver et enrichir la biodiversité, reconstituer les sols, gérer le circuit de l’eau, réaménager la forêt, améliorer les cultures… La théologie orthodoxe supposant la compénétration de la réalité matérielle et de la réalité spirituelle, il était essentiel pour les moniales que les pratiques de la communauté soient en cohérence avec ses valeurs, dans le respect de la création et de la vie. Leur rencontre avec le philosophe-paysan Pierre Rabhi a été déterminante. Ce pionnier de l’agroécologie défend lui aussi un mode de vie plus respectueux de l’être humain et de la terre. La convergence entre son approche et celle de la communauté de Solan a permis de concrétiser cette aventure agroécologique.
Le monastère de Solan Une aventure agroécologique
COUV Solan BAT:Mise en page 1 12/05/11 15:44 Page1
Le monastère de Solan Une aventure agroécologique Thierry Delahaye Préface de Pierre Rabhi
ISBN 978-2-7427-9760-8
ACTES SUD DÉP. LÉG. : mai 2011 29 TTC France www.actes-sud.fr
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ACTES SUD
Rédigé à partir des textes, des témoignages et des propos de membres et d’amis de la communauté, ce livre a pour ambition de retracer la démarche suivie par les sœurs de Solan, de présenter la transformation du domaine et les enseignements qui peuvent en être tirés pour inspirer d’autres expériences.
ACTES SUD
Depuis 1992, les sœurs du monastère orthodoxe de Solan, dans le Gard, ont entrepris un vaste chantier : transformer en une exigeante expérience d’agroécologie un ancien domaine mis à mal par des années de culture selon les méthodes conventionnelles. Dans cette riche mais fragile mosaïque de parcelles cultivées et de zones sauvages, de vignes et de forêt, de jardin potager et de vergers, tout était à faire: préserver et enrichir la biodiversité, reconstituer les sols, gérer le circuit de l’eau, réaménager la forêt, améliorer les cultures… La théologie orthodoxe supposant la compénétration de la réalité matérielle et de la réalité spirituelle, il était essentiel pour les moniales que les pratiques de la communauté soient en cohérence avec ses valeurs, dans le respect de la création et de la vie. Leur rencontre avec le philosophe-paysan Pierre Rabhi a été déterminante. Ce pionnier de l’agroécologie défend lui aussi un mode de vie plus respectueux de l’être humain et de la terre. La convergence entre son approche et celle de la communauté de Solan a permis de concrétiser cette aventure agroécologique.
Le monastère de Solan Une aventure agroécologique
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Le monastère de Solan Une aventure agroécologique Thierry Delahaye Préface de Pierre Rabhi
ISBN 978-2-7427-9760-8
ACTES SUD DÉP. LÉG. : mai 2011 29 TTC France www.actes-sud.fr
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ACTES SUD
Rédigé à partir des textes, des témoignages et des propos de membres et d’amis de la communauté, ce livre a pour ambition de retracer la démarche suivie par les sœurs de Solan, de présenter la transformation du domaine et les enseignements qui peuvent en être tirés pour inspirer d’autres expériences.
ACTES SUD
Depuis 1992, les sœurs du monastère orthodoxe de Solan, dans le Gard, ont entrepris un vaste chantier : transformer en une exigeante expérience d’agroécologie un ancien domaine mis à mal par des années de culture selon les méthodes conventionnelles. Dans cette riche mais fragile mosaïque de parcelles cultivées et de zones sauvages, de vignes et de forêt, de jardin potager et de vergers, tout était à faire: préserver et enrichir la biodiversité, reconstituer les sols, gérer le circuit de l’eau, réaménager la forêt, améliorer les cultures… La théologie orthodoxe supposant la compénétration de la réalité matérielle et de la réalité spirituelle, il était essentiel pour les moniales que les pratiques de la communauté soient en cohérence avec ses valeurs, dans le respect de la création et de la vie. Leur rencontre avec le philosophe-paysan Pierre Rabhi a été déterminante. Ce pionnier de l’agroécologie défend lui aussi un mode de vie plus respectueux de l’être humain et de la terre. La convergence entre son approche et celle de la communauté de Solan a permis de concrétiser cette aventure agroécologique.
Le monastère de Solan Une aventure agroécologique
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Le monastère de Solan Une aventure agroécologique Thierry Delahaye Préface de Pierre Rabhi
ISBN 978-2-7427-9760-8
ACTES SUD DÉP. LÉG. : mai 2011 29 TTC France www.actes-sud.fr
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Rédigé à partir des textes, des témoignages et des propos de membres et d’amis de la communauté, ce livre a pour ambition de retracer la démarche suivie par les sœurs de Solan, de présenter la transformation du domaine et les enseignements qui peuvent en être tirés pour inspirer d’autres expériences.
ACTES SUD
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Une pratique de l’agroécologie
Depuis 1992, les sœurs du monastère orthodoxe de Solan, dans le Gard, ont entrepris un vaste chantier : restaurer et mettre en valeur un ancien domaine agricole, mis à mal par des années de culture selon les méthodes conventionnelles. Pour y parvenir, elles ont fait le choix de l’agroécologie : une pratique ou plutôt un ensemble de pratiques au premier rang desquelles figurent le respect de la structure du sol, la fertilisation organique, le choix d’espèces et de variétés locales reproductibles, la gestion de l’eau, l’utilisation de l’énergie animale, le recours aux savoir-faire traditionnels… Au-delà cependant d’une simple alternative pratique, l’agroécologie est un manifeste politique et écologique, basé sur le respect des écosystèmes, la protection de l’environnement et la recherche d’un développement agricole de qualité, qui combine les approches économique, sociale et environnementale. Pierre Rabhi en est le penseur et le militant le plus actif, soucieux de promouvoir une conception humaniste qui n’oublie pas les premiers concernés : les paysans. Telle est donc la voie qu’ont expérimentée les sœurs de la communauté orthodoxe de Solan, de façon pragmatique et raisonnée et, pour tout dire, exemplaire. Car ce choix ne résulte pas d’un simple calcul économique, ni d’un effet de mode, encore moins d’un souci de facilité. Il leur permet depuis vingt ans de réaliser leur projet d’unir la liturgie et le travail de la terre. Leur démarche est tout à la fois spirituelle et agricole. Ainsi, préserver, voire enrichir la biodiversité du domaine permet d’obtenir des produits de qualité (vin, fruits, légumes…) mais témoigne aussi et avant tout d’une exigence de respect de la vie. De même, parvenir à une autosuffisance alimentaire et énergétique relève d’une préoccupation d’ordre vivrier, mais reflète aussi une option fondamentale de sobriété et de rejet d’une logique productiviste. Ces principes sont bien évidemment en cohérence avec la religion orthodoxe et sa conception de la place de l’homme dans la nature – ou, comme les sœurs de Solan préfèrent le dire, dans la création. A cet égard, la rencontre entre les moniales et Pierre Rabhi a été déterminante. Il les a aidées à concrétiser leurs valeurs par l’étude des potentiels du domaine et la mise en œuvre de pratiques agroécologiques, avec une immense curiosité qui les a menées, au-delà de leur ancrage théologique, vers une dimension écologique partagée par les nombreux intervenants, sympathisants et amis qui les accompagnent dans leur cheminement. Le monastère et sa terre nourricière, vus du sud-est.
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LE CHOIX DE LA TERRE
“La terre, c’est l’avenir !” Dès son arrivée à Solan, la communauté a décidé de ne pas abandonner la terre, mais au contraire d’en restaurer l’harmonie et la fécondité. “L’occasion nous fut donnée, écrivent les moniales, avec cette terre dont nous nous sentions plus responsables que propriétaires, de faire des choix nouveaux qui soient cohérents avec ce que nous sommes (...). L’occasion aussi, dans le monde d’aujourd’hui, tellement à la recherche de ses racines spirituelles, d’ouvrir un chemin qui témoigne d’une vision spirituelle chrétienne de la matière (…). Aujourd’hui nous sommes seize, de sept nationalités différentes, et c’est dans la foi que nous puisons la conviction que l’homme n’a pas été placé par Dieu dans le monde pour le dominer, à la recherche d’un profit sans limites, mais que sa fonction est d’y être comme le liturge et le chef de chœur d’une création faite pour chanter la gloire de son Auteur.” Le père Placide insiste également sur le fait qu’“on ne peut séparer l’économie agricole d’une spiritualité sans risquer de s’enliser dans le système actuel dont nous souffrons tous, celui d’une civilisation entièrement dominée par le profit, dont la terre autant que les cultivateurs sont victimes. Aussi la conjonction d’une recherche spirituelle et d’une recherche dans le domaine agricole quant aux méthodes de culture, de gestion, peut-elle être extrêmement féconde.” Les sœurs sont arrivées à Solan dans un contexte difficile pour l’agriculture ; il leur a fallu faire face aux réalités du monde rural, avec des questions d’ordre économique (comment vivre de la terre, avec quelles productions ?) et d’ordre éthique (quelle qualité alimentaire pour les produits que le monastère vendrait ?). Certains de leurs amis, en économistes chevronnés, leur ont suggéré d’arracher toutes les cultures et de choisir une activité plus rentable : l’artisanat, l’ouverture d’un lieu d’accueil ou de formation… D’autres les ont encouragées à se tourner vers l’agriculture biologique, ce qui était pour les sœurs une évidence puisque leur petit jardin du Vercors était déjà cultivé ainsi, mais elles ne savaient pas par quel bout prendre les choses. En outre, il leur semblait déraisonnable de se lancer dans une ferme à échelle familiale, à l’heure où toutes les petites exploitations disparaissaient ou étaient absorbées par les industriels de l’agriculture. C’est à l’époque de ces dilemmes, en octobre 1993, que les moniales ont rencontré Pierre Rabhi. “Il a osé nous dire : « La terre, c’est l’avenir ! » et nous a fortement conseillé de persévérer. Et nous nous sommes lancées.” Pierre Rabhi leur a suggéré d’inventorier les ressources existantes du domaine, puis de partir de cet inventaire pour construire leur projet de valorisation des terres. “Ces paroles ont guidé notre orientation. Nous sommes parties à la rencontre du domaine, avec ouverture, avec beaucoup de curiosité, et avec amour aussi. Evidemment, ces conseils allaient à contre-courant de tout ce que nous avions entendu jusqu’alors. Il nous fallut un peu de temps pour les faire nôtres. Le résultat de cette recherche différente, où l’on part de l’existant et non de la théorie, est passionnant.” Le potentiel de Solan réside dans sa diversité, qu’il
Par moments, chaque sœur quitte son emploi et la communauté se rassemble pour certains travaux qui demandent beaucoup de bras.
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LE CHOIX DE LA TERRE
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LE MONASTÈRE DE SOLAN
L’Eglise orthodoxe et l’écologie L’Eglise orthodoxe, qui a gardé la foi professée en commun au cours des dix premiers siècles, est la forme la plus ancienne du christianisme. Elle se caractérise par son attachement à l’enseignement des premiers maîtres spirituels, par son sens du sacré, par la beauté de ses rites liturgiques et de ses icônes, et accorde une grande importance à l’ascèse et à la prière incessante. Principalement implantée dans l’Est de la Méditerranée, dans les Balkans et dans les pays slaves, elle est également présente en Europe occidentale, et notamment en France. L’Eglise orthodoxe plaide en faveur de la protection de la nature. Tour à tour, les patriarches de Constantinople qui se sont succédé ont souvent insisté auprès des instances internationales sur l’importance du problème écologique et ont organisé depuis 1995 des colloques réunissant des scientifiques et des théologiens de tous les pays pour étudier la situation de zones menacées : la mer Egée, la mer Noire, le Danube, l’Adriatique, le Mississippi, l’Amazonie, le Groenland. Dès 1989, le patriarche Dimitrios déclarait : “L’emploi abusif par l’homme contemporain de sa position privilégiée dans la création (…) a déjà amené le monde au bord de l’autodestruction apocalyptique, soit sous forme de pollution de la nature, soit comme extermination d’un grand nombre d’espèces animales et végétales (…). Face à une telle situation, l’Eglise du Christ ne peut rester indifférente. C’est un dogme fondamental de notre foi que le monde a été créé par Dieu le Père, confessé dans le credo de notre foi comme Créateur du ciel et de la terre, de toutes les choses visibles et invisibles (…). L’homme, selon les Pères de l’Eglise, est le prince de la création et du monde spirituel. Comme tel, il est créé dans le but d’élever la création vers son Créateur.” “Notre démarche, explique mère Hypandia, s’inscrit dans une recherche spirituelle où la création, don de Dieu pour la subsistance et la contemplation des hommes, est respectée et protégée, pour devenir une véritable offrande liturgique.” C’est dans cet esprit qu’est organisée chaque année à Solan une journée pour la Sauvegarde de la création, durant laquelle un office d’intercession est suivi de conférences. (Pour en savoir davantage, voir, en fin d’ouvrage, “L’Eglise orthodoxe en France” et “Le sens de la création selon la tradition orthodoxe”.)
Au chaudron, de fil en aiguille, la main à la pâte, au repas : chaque geste de la moniale est une offrande de son être.
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DU VIGNOBLE AU CHAI
vieilles vignes, entre 1958 et 1975, réparties en quatre cépages, que sur les trois hectares de nouvelles plantations qui ont introduit trois nouveaux cépages (voir p. 77). Après leur arrivée, les sœurs réalisent rapidement que la parcelle plantée en Aubun, située près de la maison dans ce qui deviendra plus tard le nouveau jardin, est beaucoup trop productive – au détriment de la qualité. Par ailleurs, une parcelle de Carignan située dans un “trou” est un foyer d’oïdium, et une moitié de parcelle de Cinsault est difficile à travailler, car plantée sur un terrain très argileux. Dès 1995, elles arrachent donc ces parcelles problématiques, réduisant le vignoble à cinq hectares. Restant le plus possible à l’écoute de leur terre, et aidées notamment par des sommeliers et des vignerons, les sœurs ont mis en place un traitement par microparcelles des cépages et des terroirs, pour les vendanges, faites à la main en petites caisses, comme pour la vinification effectuée en cuves séparées. “Constatant la diversité et la richesse de nos sols, nous avons fait le choix de produire des vins de terroir et d’assembler les différents cépages, comme cela s’est toujours fait traditionnellement dans notre région. Ainsi nos vins, tout en étant classés en « vin de pays des Cévennes », n’ont pas un caractère de vin de pays prononcé, où la tendance est aux vins de cépage ou aux vins technologiques, mais sont produits selon des modes de vinification et d’assemblage axés sur l’expression du terroir.” Chaque assemblage correspond à une cuvée et est porteur d’un “esprit” ; les proportions des différents cépages en sont définies chaque année en fonction du millésime. Si, pour une raison climatique, les raisins ne permettent pas de réaliser un assemblage, les sœurs préfèrent renoncer à la réalisation de la cuvée pour lui conserver cet esprit (le cas s’est produit, notamment, pour la cuvée Saint-Porphyre qui, de par sa complexité aromatique, exige des conditions particulières de maturation). D’un point de vue économique, l’extension du vignoble de cinq à onze hectares avait été conseillée aux sœurs dès l’an 2000. Fidèles à leur démarche, elles se sont appuyées sur l’expérience acquise pour rechercher quels vins produire, à partir de quels cépages, afin d’élaborer une stratégie de commercialisation cohérente et efficace sur un marché en cours de saturation. En 2001, les diverses techniques de plantation sont étudiées en détail pour retenir celles qui assurent un bon enracinement tout en laissant la possibilité de mécaniser le travail. Il leur faut encore trouver les porte-greffes de qualité adaptés aux différents types de sols. En 2002, l’analyse du marché international du vin et du travail fait à Solan, avec la qualité et l’intensité des soins prodigués aux sols et aux ceps, ainsi que la prise en compte des techniques manuelles de vendanges et de tri pour le vin passerillé, conduisent les moniales à la prudence : le vignoble ne dépassera pas huit hectares, soit trois de plus que le vignoble existant, et la surface plantée en Clairette, utilisée pour le vin passerillé très exigeant en manipulations, ne sera pas augmentée malgré ses bons résultats économiques.
Vendange. Chaque grappe est triée sur place, pour n’encuver que des raisins parfaitement sains.
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DU VIGNOBLE AU CHAI
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LE MONASTÈRE DE SOLAN
Page de gauche : avant l’office, une sœur allume les veilleuses à huile dans la chapelle. Ci-dessus : les bouteilles sont stockées sans habillage, et l’étiquetage se fait à mesure des besoins. Le travail est ainsi réparti tout au long de l’année.