N°95
févrierFévrier 2013 / 6,50€ #103 2014 / 9,80€
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JEAN-MARC SAUVÉ :
« LES DÉCIDEURS PUBLICS DOIVENT PRENDRE DES RISQUES »
ADMINISTRATION : Ces collectivités qui cherchent à séduire les médecins
les femmes prennent LE POUVOIR SONDAGE
LES FRANÇAIS PLÉBISCITENT L’E-ADMINISTRATION
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N OT R E M I S S I O N , VO U S S I M P L I F I E R L E T R AVA I L
ÉDITO
« François Hollande balaye d’un revers de main l’esprit de la MAP. » Par Pierre-Marie Vidal, directeur de la rédaction pmvidal@acteurspublics.com
* Plus de 3 Français sur 4 ont une bonne opinion des fonctionnaires. S’ils les jugent indispensables (76 %), et compétents (74 %), ils sont moins nombreux à les juger efficaces (64 %) et rigoureux (59 %). Lire page 14
De la clarification à la suppression, la clause de compétence générale, tabou absolu pour lequel la gauche s’était opposée à l’adoption de la loi de 2010 sur la réforme des collectivités territoriales, vient de voler en éclats à l’initiative du président de la République. Le Premier ministre reprenant lui-même à son compte l’idée contenue dans ce texte emblématique de la Présidence Sarkozy d’une clause de compétence générale réservée aux communes. En relisant le texte de 2010, on est presque en droit de se demander s’il n’a pas plus inspiré le chef de l’État pour sa dernière conférence de presse que les différents projets avortés depuis 2012. Tout y était : de la simplification à la réduction des structures territoriales, en passant par la spécialisation des compétences des régions et des départements. La loi de 2010 prévoyait même que – dans un souci de renforcement de compétitivité – les grandes agglomérations, les départements et les régions puissent fusionner…
« Trop lourd, trop lent, trop cher. » François Hollande n’a pas mâché ses mots au sujet de l’État devant le gotha de la fonction publique réuni à l’Élysée. Des propos que Jean–Marc Ayrault s’efforce, depuis, d’atténuer en assurant que les 50 milliards d’euros d’économies prévues d’ici la fin du quinquennat ne se feront pas sur le dos des fonctionnaires. Peine perdue, les syndicats de la fonction publique ne croient plus aux promesses d’un gouvernement qui refuse toute revalorisation du point d’indice, pourtant gelé depuis 2010. Car dans le même temps, le ministre du Budget, Bernard Cazeneuve, se félicite publiquement de la diminution de la masse salariale des fonctionnaires de l’État – de 200 millions d’euros en 2013 – grâce à une maîtrise des dépenses liée notamment au gel du point d’indice. Le problème avec les fonctionnaires, c’est qu’ils suivent beaucoup mieux que la moyenne nationale les déclarations publiques de leurs dirigeants…
« Pour être fidèle à luimême, c’est-à-dire à ses missions, à ses valeurs, l’État doit changer pour être utile au pays. » En prononçant cette phrase lourde de sous-entendus, le président de la République trahit son impatience et balaye d’un revers de main l’esprit de la MAP, pourtant présentée comme un modèle de management en rupture avec la RGPP. Mais en disant tout haut ce que beaucoup de fonctionnaires pensent tout bas et que les Français viennent de confirmer dans un récent sondage de l’Ifop*, François Hollande redonne, comme en d’autres temps, un élan politique à la modernisation de l’État. L’annonce de la création d’un Conseil stratégique de la dépense publique, clone du Conseil de modernisation des politiques publiques de Nicolas Sarkozy, venant confirmer, s’il fallait encore en douter que, même éloignée de Bercy, la MAP a pour principal objectif de réaliser plus d’économies que la RGPP. En moins de temps.
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103
SOMM
février 2014
3 8
L’ÉDITO DE PIERRE-MARIE VIDAL ENTREVUE
Jean-Marc Sauvé : « Les décideurs publics doivent prendre des risques » 14 CHIFFRES DU MOIS
76
20 OBSERVATOIRE DES POLITIQUES PUBLIQUES
Les Français veulent davantage d’e-administration 25 IDÉES 26
VINCENT BAILLAIS
VINCENT BAILLAIS
28
8
ENTREVUE JEAN-MARC SAUVÉ
29
RENCONTRE AVEC…
30
> KARINE BERGER 31
Trop d’indemnitaire pour les fonctionnaires ! débat entre Brigitte Jumel et Denis Turbet-Delof Pour un département métropole, par Alain Lambert L’« open data », un enjeu de gouvernance qui nécessite de changer nos pratiques, par Bertrand Pancher Pour une démocratie d’interpellation, par Hélène Balazard Il faut relégitimer l’action publique en Europe, par Françoise Castex et Pierre Bauby
32 DOSSIER
32
36 40 42 44
ARTISTICCO/FOTOLIA
ADMINISTRATION :
Administration : les femmes prennent le pouvoir Le coup d’accélérateur du gouvernement Ayrault Ariane fait décoller la carrière des femmes de la Place Beauvau Les ministères à la manœuvre Portraits : Nicole Klein, préfète, et Hélène Crocquevieille, directrice des douanes Interview de Nathalie Loiseau, directrice de l’ENA
les femmes
46
PRENNENT LE POUVOIR
48 EUROPE
Le drapeau tricolore en berne à Bruxelles 52 SUR LE TERRAIN
Une politique africaine en voie de modernisation 54 Les fonds européens seront mieux fléchés 52
4 ACTEURS PUBLICS FÉVRIER 2014 #103
IAN HANNING/REA
AIRE Le mégaréseau scientifique des territoires 62 La garantie jeunes en « missions » 64 Un plan Cancer contre les disparités territoriales 58
64
69 LES CLUBS 69
LE CLUB DES ACTEURS DE LA PERFORMANCE PUBLIQUE
73
LE CLUB DES ACTEURS DES TERRITOIRES DURABLES
75 LA FRANCE DES POUVOIRS 76
78
81 82
84
Rencontre avec… Karine Berger, députée sous une bonne étoile Trois nouveaux membres au collège de la Haute Autorité de santé Le général Pierre de Villiers, chef d’état-major des armées Valérie Métrich-Hecquet nommée secrétaire générale du ministère de l’Agriculture L’état-major de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique
86 EMPLOI PUBLIC
La masse salariale plonge les universités dans le rouge 90 Une médiation plébiscitée 92 Fuyez les stéréotypes ! 86
94 RESSOURCES 96 LIRE, ÉCOUTER, VOIR 97
Exposition : Auguste Perret, l’homme du palais d’Iéna
98 MÉMOIRE
Quand la laïcité chasse les « signes ostensibles » ABONNEZ-VOUS PAGES 43 et 47 OU SUR ACTEURSPUBLICS.COM
86
Un plan Cancer contre les disparités territoriales
LA MASSE SALARIALE PLONGE LES UNIVERSITÉS DANS LE ROUGE Acteurs publics www.acteurspublics.com 7 rue Auguste Gervais 92445 Issy-les-Moulineaux cedex Tél. : 01 46 29 29 29 Directeur de la rédaction Pierre-Marie Vidal pmvidal@acteurspublics.com 01 46 29 29 01 Chargée de mission Catherine Pennec cpennec@acteurspublics.com 01 46 29 29 12 Rédacteur en chef Bruno Botella bbotella@acteurspublics.com 01 46 29 29 20 Rédacteurs en chef adjoints Sylvain Henry shenry@acteurspublics.com 01 46 29 29 27 Jean-Michel Meyer (International) jmmeyer@acteurspublics.com 01 46 29 29 09 Rédaction Raphaël Moreaux rmoreaux@acteurspublics.com 01 46 29 29 32 Xavier Sidaner xsidaner@acteurspublics.com 01 46 29 29 21 Pierre Laberrondo (Nominations) plaberrondo@acteurspublics.com 01 46 29 29 26
Jean-Bernard Gallois (Europe) jbgallois@acteurspublics.com Gaëlle Gélébart (Biographies) ggelebart@acteurspublics.com 01 46 29 29 18 Ségolène Griffon du Bellay (Biographies) sgriffon@acteurspublics.com 01 46 29 29 15 Céline Quétier (Biographies) cquetier@acteurspublics.com 01 46 29 29 25 Ont également collaboré à ce numéro, Laurence Mauduit et Valérie Segond Secrétaire de rédaction Laure Berthier Rédacteur en chef technique Marc Bouder mbouder@acteurspublics.com 01 46 29 29 03 Rédacteur graphiste Johnny Tymen Abonnements Jean-François Sciarrino jfsciarrino@acteurspublics.com 01 46 29 29 11 Publicité et location de fichiers (France) Pascal Breton pbreton@acteurspublics.com 01 46 29 29 02 Partenariats (France) Bastien Brunis bbrunis@acteurspublics.com 01 46 29 29 24
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CRÉDITS COUVERTURE : VINCENT BAILLAIS - ARTISTICCO/FOTOLIA
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MÉDIA GLOBAL AU CŒUR DES POLITIQUES PUBLIQUES : ÉTAT, COLLECTIVITÉS, HÔPITAL
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ENTREVUE JEAN-MARC SAUVÉ
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ACTEURS PUBLICS FÉVRIER 2014 #103
ENTREVUE I JEAN-MARC SAUVÉ
JEAN-MARC SAUVÉ
« LES DÉCIDEURS PUBLICS DOIVENT PRENDRE DES RISQUES » Propos recueillis par Bruno Botella et Sylvain Henry Photos : Vincent Baillais
Réforme de l’action publique, décentralisation, fonction publique, missions KL S»i[H[ JVUÅP[Z K»PU[tYv[Z ! dans un entretien exclusif à Acteurs publics, le viceprésident du Conseil d’État s’inquiète notamment KL S»PUÅH[PVU UVYTH[P]L « source de lenteur et de paralysie », et de la « frilosité » et la « crainte d’agir » des décideurs publics.
Êtes-vous d’accord sur le diagnostic du président de la République, qui a parlé d’« État trop lourd, trop lent, trop cher » ? Il existe une évidente crise de l’État et des services publics, qui porte atteinte à leur légitimité et menace parfois leur existence. Elle tient en partie à ce que l’État, dans certains secteurs, est « trop lourd et trop lent ». Des redondances entre structures existent et, surtout, la répartition des compétences, au sein de l’État et au niveau des collectivités territoriales, n’est pas assez lisible. Ce qui est sûr, c’est que l’ensemble des administrations publiques doivent être plus efficaces et performantes, spécialement dans le contexte actuel de réduction des déficits publics. Comment en est-on arrivé là ? Le 7 janvier devant le président de la République,
vous avez parlé de « décennies d’insouciance et, parfois même, de frivolité où nous avons inconsidérément vécu au-dessus de nos moyens »… Il est clair que, durant des décennies, la France n’a pas été assez attentive à la question des déficits et de la performance publics. Paradoxalement, lors du passage à l’euro, nous n’avons pas pris conscience de la nécessité d’équilibrer les comptes publics, alors même que les règles prévues par le traité étaient parfaitement claires sur ce point. Sur quoi la refondation de l’action publique que vous appelez de vos vœux doit-elle porter ? Une réduction du périmètre de l’État ? Certains parlent d’un recentrage strict sur les missions régaliennes…
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9
ENTREVUE I JEAN-MARC SAUVÉ
PARCOURS 1949
Naissance à Templeuxle-Guérard (Somme)
1977
Major de la promotion André Malraux de l’ENA
1981
Conseiller technique au cabinet du ministre de la Justice, Robert Badinter
1983
Directeur de l’administration générale et de l’équipement au ministère de la Justice
1988
Directeur des libertés publiques et des affaires juridiques au ministère de l’Intérieur
1994
Préfet de l’Aisne
1995
Secrétaire général du gouvernement
2006
Vice-président du Conseil d’État
2011
Rapport sur la prévention des conflits d’intérêts.
10 ACTEURS PUBLICS FÉVRIER 2014 #103
La réduction des moyens doit aller de pair avec le réexamen des missions. Les mesures générales – gel du point d’indice, non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux… – ont donné des résultats, mais elles ne peuvent être poursuivies de manière aveugle, sous peine de mettre en péril certains services publics. Il est donc indispensable que des choix soient faits, s’insérant dans une vision globale et stratégique de l’action publique. Il ne s’agit pas de dire que l’État doit, dans une vision libérale, se dépouiller de ses missions non régaliennes. Simplement, l’État n’est pas la réponse à tout, ni le seul acteur efficace de la cohésion sociale. Refonder l’action publique implique donc de repenser son périmètre et de s’interroger aussi sur la pertinence de ses interventions et de certains transferts sociaux. La décentralisation, avec le transfert de nouveaux blocs de compétences aux collectivités locales, peut-elle être l’une des solutions ? Il faut d’abord préciser la répartition des compétences entre les différents niveaux de décision, en particulier entre l’État et les collectivités territoriales. Il faut aussi simplifier l’organisation territoriale de notre pays, pas nécessairement de manière uniforme, et donner des responsabilités accrues aux collectivités territoriales en privilégiant les blocs de compétences exclusives. La conception française de la décentralisation conduit schématiquement à déléguer des compétences aux collectivités, tout en conservant le pouvoir normatif au niveau de l’État. Mais il faut que celui-ci accepte de se déposséder complètement des compétences transférées ainsi que du pouvoir réglementaire qui doit accompagner ces transferts. Dans le même temps, tout n’est pas transférable : l’État doit conserver une nécessaire capacité d’action, par exemple pour gérer les situations de crise. L’État doit-il être modeste ? Je n’aime pas ces mots qui ont une connotation marquée. L’État doit assumer toutes ses responsabilités. Les agents publics, pour leur part, doivent être modestes, c’est-à-dire renoncer à
toute forme d’arrogance, mais aussi, ce qui me semble encore plus important, être ouverts, courageux et inventifs. C’est un impératif absolu dans la situation actuelle. La France a-t-elle besoin d’un choc de simplification ? L’excès de normes est-il vraiment source de paralysie ou de lenteur ? L’excès normatif est un symptôme inquiétant. Le Conseil d’État l’a dénoncé et le dénonce toujours avec vigueur. Cet excès a un coût économique – en matière, par exemple, de normes de construction, de sécurité ou d’accessibilité –, coût dont il faut être conscient. Il a aussi un coût démocratique, parce que la complexité des règles et leur effectivité décroissante nourrissent la défiance à l’égard de la puissance publique. Enfin, l’empilement des normes et la superposition des structures sont sources de lenteur ou de paralysie. Il faut donc tailler dans les textes ? L’inflation normative résulte de contraintes objectives – multiplication des sources de droit, émergence de nouveaux champs de réglementation – et de facteurs pathogènes –, utilisation de la norme à des fins médiatiques, poids des lobbies, perfectionnisme excessif et « protectionnisme » des décideurs publics très, voire trop soucieux de prévenir la mise en cause de leur responsabilité. Lutter contre l’excès normatif suppose de travailler à la fois sur le stock et sur le flux. Sur le stock, en procédant à la revue de pans entiers de réglementation pour élaguer et parvenir à une plus grande cohérence. Sur le flux, en étant attentif à ne pas légiférer ou réglementer sans une vision globale des normes déjà applicables et sans une mesure sérieuse des effets des normes nouvelles. Mais le poids des habitudes est là… La simplification passe aussi par l’introduction de la souplesse là où règne la rigidité. Des normes d’orientation des comportements pourraient ainsi, dans de nombreux cas, avantageusement remplacer des réglementations proliférantes. Cela aurait un autre avantage : redonner des marges de manœuvre aux acteurs de terrain, c’est-à-dire une raisonnable capacité d’initiative qu’ils
ENTREVUE I JEAN-MARC SAUVÉ
« IL FAUT QUE L’ÉTAT ACCEPTE DE SE DÉPOSSÉDER COMPLÈTEMENT DES COMPÉTENCES TRANSFÉRÉES. » #103 FÉVRIER 2014 ACTEURS PUBLICS 11
ENTREVUE I JEAN-MARC SAUVÉ
utiliseraient pour mieux s’adapter aux conditions concrètes d’exercice de leurs missions. Le Conseil d’État a fait des recommandations sur ce sujet dans son étude sur « Le droit souple ». Pensez-vous que les acteurs soient actuellement privés d’une telle marge ? Ou les décideurs publics ont-ils peur d’agir ? La question, plus généralement, est celle de l’éthique de responsabilité des acteurs publics qui guide au quotidien leurs comportements. La prudence et la prévoyance sont deux qualités nécessaires dans la prise de décision publique. Mais elles ne doivent pas être dévoyées au point de devenir de la réticence et de la frilosité, voire de la crainte d’agir. La conduite des politiques publiques implique que des risques soient pris et assumés. Or, aujourd’hui, alors que les méthodes de management public reposent sur la performance et l’évaluation, se développent paradoxalement et de manière préoccupante des comportements de plus en plus précautionneux. La société française a de plus en plus soif de justice et de réparation et la responsabilité administrative ou pénale des décideurs doit pouvoir être engagée en cas de faute avérée. Mais cela ne doit pas être facteur d’inhibition : les décideurs publics doivent accepter et dépasser ces contraintes, afin d’assumer pleinement leur rôle, qui implique de prendre des initiatives et, parfois, des risques. En disant cela, je ne stigmatise pas les fonctionnaires, mais j’appelle à une nouvelle synthèse entre le principe de responsabilité et la nécessité d’une action publique efficace. Le statut de la fonction publique est-il un obstacle au changement ? Non. Il n’est pas un obstacle aux évolutions. L’expérience d’autres pays prouve d’ailleurs que le choix d’une autre voie, celle du contrat, n’est pas par lui-même la panacée pour améliorer la performance de l’action publique ou réduire les déficits publics. C’est certes contre-intuitif, mais le contrat est créateur de droits subjectifs contraignants, tandis que le cadre statutaire, avec la séparation du grade et de l’emploi, est
12 ACTEURS PUBLICS FÉVRIER 2014 #103
plus efficace pour conduire des mutations. Plus que les textes statutaires qui valorisent le mérite et donnent des marges d’action aux gestionnaires publics, ce sont les pratiques qui doivent évoluer. Il faut personnaliser la GRH des services publics. Êtes-vous optimiste quant aux conséquences sur la moralisation de la vie publique des lois du 11 octobre ? Les lois du 11 octobre 2013 marquent un très grand progrès dans la prévention des conflits d’intérêts. Le dispositif voté par le Parlement est ambitieux et nous place clairement à l’avant-garde des pays de l’Union européenne et de l’OCDE. Je constate toutefois que dans ce domaine, nous n’avançons que par crises successives. Et encore, une crise ne suffit pas toujours. J’avais, début 2011, remis au chef de l’État un rapport sur la prévention des conflits d’intérêts. Le projet de loi qui en a résulté n’a pas été voté et n’a même pas donné lieu à la désignation d’un rapporteur… Qu’avez-vous pensé du débat sur la publication du patrimoine des parlementaires ? Je n’ai jamais considéré que la publicité des patrimoines fût une condition de l’efficacité des contrôles. L’important, ce sont les moyens de contrôle donnés à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Les lois du 11 octobre constituent un progrès évident, mais elles auraient pu aller plus loin. La commission pour la transparence financière que je présidais avait fait des propositions tirées de son expérience qui n’ont malheureusement pas été retenues, en particulier sur l’accès de la Haute Autorité à l’ensemble des informations détenues par l’administration fiscale sur les 7 500 personnes contrôlées. Qu’en est-il aujourd’hui du « pantouflage » concernant les hauts fonctionnaires ? La situation vous paraît-elle normale ou inquiétante ? La meilleure chose que notre pays ait inventée contre les risques liés aux passages entre le secteur public et le secteur privé, c’est la fonction publique de carrière. Une fonction publique
d’emploi conduirait à des allers-retours constants entre les sphères publique et privée, avec des interrogations sur l’indépendance et la moralité des fonctionnaires. Mais certains prônent davantage de passerelles entre public et privé… Ces passages sont utiles, mais ils ne doivent pas être généralisés au point d’être inquiétants. Je le redis, le dispositif de prévention le plus efficace, c’est la fonction publique de carrière. Ce qui est prévu aujourd’hui par les textes me paraît satisfaisant. L’essentiel est le délai de viduité de trois ans. Il est suffisamment long pour préserver les intérêts publics. La commission de déontologie va voir son rôle renforcé avec le projet de loi sur la déontologie des fonctionnaires. Mais là encore, les nouvelles règles déontologiques ne doivent pas être la source d’un conformisme paralysant. Il faut au contraire qu’elles donnent aux décideurs publics un référentiel leur permettant d’agir plus efficacement dans un cadre professionnel explicite et opposable. En aucun cas cela ne doit conduire au repli ou aux attitudes précautionneuses. ■
ENTREVUE I JEAN-MARC SAUVÉ
« LE STATUT DE LA FONCTION PUBLIQUE EST PLUS EFFICACE POUR CONDUIRE DES MUTATIONS QUE LE CONTRAT. »
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CHIFFRES DU MOIS
2,8 %
200
de baisse des effectifs
Les effectifs des ministères de l’Écologie et de l’Égalité des territoires vont reculer de 2,8 % en 2014, en régions comme en administration centrale. La BasseNormandie, la Picardie, la Bourgogne et le Centre seront les régions plus marquées par les suppressions de postes (- 5 %), selon un docu-
ment interne que s’est procuré Acteurs publics. Le ministère de l’Écologie est particulièrement touché par la chasse aux économies menée pour compenser les créations de postes sur les missions de l’État jugées prioritaires par François Hollande (éducation, sécurité, justice). Son budget 2014 est en
millions d’euros
C’est la baisse de la masse salariale des fonctionnaires d’État en 2013 annoncée mi-janvier par le ministre du Budget, Bernard Cazeneuve, lors d’une audition devant la commission des finances de l’Assemblée nationale.
78 %
DE BONNES OPINIONS
14 ACTEURS PUBLICS FÉVRIER 2014 #103
78 % des Français ont une bonne opinion des fonctionnaires, qu’ils jugent indispensables (76 %) et compétents (74 %), selon un sondage Ifop commandé par Matignon et publié le 23 janvier. Pour près de 7 sondés sur 10, les services publics français sont de meilleure qualité que dans les autres pays européens : la santé publique arrive en tête des opinions positives (80 %) suivie par la Sécurité sociale (75 %), la police et la gendarmerie (70 %) tandis que l’éducation nationale accuse une chute de 14 points par rapport à 2012 avec 63 % d’opinions positives. La justice satisfait quant à elle moins d’un Français sur deux ayant été en contact avec l’institution (75 %). Enfin, deux tiers des Français (65 %) disent préférer vivre dans « une société où les services publics comme la santé ou l’enseignement sont gratuits mais où le niveau des impôts est élevé ».
recul d’environ 6,5 % et il va perdre cette année 522 emplois (équivalents temps plein) au titre de « la participation à la stabilisation des emplois publics ». Retrouvez l’ensemble des baisses d’effectifs, région par région, sur acteurspublics.com
1,6 MILLION D’AGENTS AUGMENTÉS À l’occasion de ses vœux aux fonctionnaires, le 23 janvier à Metz, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a confirmé la revalorisation des rémunérations de 1,6 million d’agents publics de catégorie C au 1er février. Mais pas d’annonce sur le dégel du point d’indice… Pour le Premier ministre, le statut des fonctionnaires est « la condition de la réforme de l’État et des collectivités ». Il s’agit donc de le préserver tout en le modernisant pour répondre aux attentes des usagers au plus près de leurs besoins. Le chef du gouvernement souhaite notamment favoriser les mobilités des agents au sein de mêmes bassins d’emploi, renforcer l’encadrement de proximité et alléger les procédures administratives. Retrouvez l’analyse du discours de Jean-Marc Ayrault et la vidéo de son intervention sur www.acteurspublics.com et Acteurs publics TV.
15
GILLES ROLLE/RÉA
Le rapprochement de collectivités souhaité par François Hollande pourrait entraîner la fusion de certaines régions de métropole, dont le nombre pourrait à terme reculer de 22 à 15. Un scénario rejeté par Alain Rousset (ici avec la ministre de la Décentralisation, Marylise Lebranchu), président PS de la puissante Association des régions de France, qui le qualifie de « vieille idée techno »… Le 2e volet remanié du projet de loi de décentralisation, qui accordera des pouvoirs renforcés aux régions, sera présenté en Conseil des ministres le 2 avril.
CHIFFRES I DU MOIS
4
2,2
MILLIONS D’AMÉRICAINS L’« Obamacare », la réforme de l’assurance maladie qui vise à convaincre les 50 millions d’Américains sans couverture maladie de s’assurer, est entrée en vigueur le 1er janvier. Mais le mécanisme peine à démarrer. Seulement 2,2 millions de personnes avaient souscrit, à la mi-janvier, une
couverture santé dans le cadre de cette réforme, alors que le gouvernement s’est fixé l’objectif de 7 millions d’Américains d’ici la fin mars. La raison ? Healthcare.gov, le site Internet mis en place par l’État fédéral pour permettre aux Américains de souscrire une assurance santé, devenue obligatoire, a rencontré d’importants problèmes infor-
10 000
matiques. Le 10 janvier, le cabinet de conseil Accenture a décroché un contrat d’un an pour améliorer le site. Il succède à CGI Federal, dont le contrat n’a pas été reconduit. Un nouveau contrat évalué à 90 millions d’euros.
Le futur siège du ministère de la Défense, dans 15e arrondissement de Paris, regroupera 10 000 agents avant 2016, a précisé le ministre Jean-Yves Le Drian le 17 janvier.
4
Les salaires des fonctionnaires ne seront pas gelés jusqu’à la fin de la mandature. C’est ce qu’a promis la ministre de la Fonction publique, Marylise Lebranchu, le 16 janvier. Une hausse du point d’indice est donc à prévoir. En 2015 ? Ce n’est pas sûr. Interrogée sur le plateau de BFM TV en janvier, Marylise Lebranchu a botté en touche sur le calendrier, évoquant les suites du rapport Pêcheur sur l’avenir de la fonction publique, remis en novembre à Jean-Marc Ayrault : « Nous sommes en train de réécrire de manière dynamique l’histoire de notre fonction publique. » C’est-à-dire de travailler à l’évolution des parcours professionnels, au développement des passerelles à l’intérieur et entre les trois versants de la fonction publique, aux formations des agents, etc. Dans le cadre de cette réflexion, « il faudra poser la question des traitements et des
Trois femmes et un homme, ministres du nouveau gouvernement d’Angela Merkel, assureront leurs fonctions à temps partiel. Ursula Von der Leyen (Défense), Manuela Schwesig (Famille), Andrea Nahles (Travail et Affaires sociales) et Sigmar Gabriel (Économie) s’accorderont une demijournée par semaine pour s’occuper davantage de leurs enfants. Les quatre ministres entendent par ailleurs travailler une partie de la semaine à domicile. Revendiquer du temps pour sa vie privée est une tendance de fond outre-Rhin. Pour relancer la politique familiale dans un pays où le taux de fécondité n’est que de 1,4 enfant par femme, la nouvelle ministre de la Famille propose de réduire à 32 heures par semaine le temps de travail des jeunes parents.
régimes indemnitaires », a indiqué la ministre. Ministère et syndicats ont rendez-vous mi-février pour signer un accord de méthode sur la concertation relative aux parcours professionnels, aux carrières et aux rémunérations. Les échanges se poursuivront jusqu’à l’été. « Là, je vous dirai ce qui pourra évoluer », a précisé Marylise Lebranchu. Et de souligner que c’est le Premier ministre qui in fine prendra ou non la décision d’augmenter le point d’indice. Par ailleurs, interrogée sur une possible baisse du nombre de fonctionnaires de l’État d’ici la fin de la mandature, Marylise Lebranchu a expliqué : « Je ne suis contre rien à condition que ce soit efficace. J’ai en face (de moi) des syndicats responsables qui ne défendent pas l’emploi pour l’emploi mais l’emploi pour l’efficacité (de l’action publique). »
ANS DE GEL INDICIAIRE
16 ACTEURS PUBLICS FÉVRIER 2014 #103
ministres allemands
DENIS ALLARD/RÉA
50
milliards d’euros d’économies Lors de sa très médiatique conférence de presse du 14 janvier, François Hollande a annoncé un objectif de 50 milliards d’euros d’économies sur la dépense publique entre 2015 et 2017. « Plutôt que des coupes budgétaires aveugles et indifférenciées », le Président privilégie des réformes structurelles. Un nouveau « Conseil stratégique de la dépense » se réunira chaque mois pour évaluer toutes les politiques publiques.
CHIFFRES I DU MOIS
159
En finir avec la surchauffe de l’ordre du jour du Parlement. C’est l’appel lancé par le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, en janvier, lors de ses vœux. « L’Assemblée nationale, avec 159 jours de séance pour une durée totale de 1 440 heures,
1
jours de séance à l’Assemblée en 2013
a atteint en 2013 le record d’activité générale sous la Ve République. 121 séances de nuit ont eu lieu, dont 69 au-delà d’1 heure du matin, ce qui est un record absolu », a-t-il détaillé, pour ensuite ironiser : « J’aime assez l’idée que cette assemblée entre dans le Guinness Book des records, mais pas au
L’Île-de-France est la première région française à se doter d’un poste de médiateur, confié au conseiller d’État honoraire Jean-Pierre Hoss, dans le cadre de sa démarche de modernisation de l’action publique.
451 MILLIONS D’EUROS
POUR L’ÉTAT 18 ACTEURS PUBLICS FÉVRIER 2014 #103
La cession de 1 % du capital d’Airbus Group (exEADS) va rapporter 451 millions d’euros à l’État, a annoncé mi-janvier le ministre de l’Économie, Pierre Moscovici. L’opération porte sur environ 8 millions d’actions. Le cours d’Airbus Group s’est apprécié de près de 75 % en un an, profitant notamment de la réforme de sa gouvernance intervenue en 2013. Cette nouvelle gouvernance a rendu la direction de l’entreprise indépendante des trois États présents à son capital, la France, l’Allemagne et l’Espagne. « Comme les récentes cessions de titres détenus par l’État dans Safran, Aéroports de Paris et EADS réalisées ces derniers mois, cette opération s’inscrit dans le cadre d’une politique de gestion active des participations de l’État conforme à la nouvelle doctrine de l’État actionnaire », souligne le cabinet de Pierre Moscovici.
détriment de la qualité du travail parlementaire. » Claude Bartolone a confié une mission « sur la clarté de l’action du législateur » aux députés Thierry Mandon (PS) et Laure de La Raudière (UMP), qui doivent formuler des propositions avant l’été.
50
ANS DE RELATIONS FRANCE-CHINE Pour marquer le cinquantième anniversaire de la diplomatie franco-chinoise, Marylise Lebranchu, ministre de la Fonction publique, s’est rendue en Chine début janvier sur le thème de la coopération entre les deux pays en matière de modernisation de l’action publique. La ministre a signé un accord avec son homologue Yin Weimin, ministre chinois des Ressources humaines et de la Sécurité sociale, pour approfondir la coopération dans le domaine de l’administration « en appui au programme de réforme des autorités chinoises ». Le cabinet de Marylise Lebranchu fait savoir que Yin Weimin a marqué son intérêt pour le modèle de retraites dans la fonction publique française tel qu’il a été réformé en septembre 2013. Le ministre chinois viendra donc prochainement observer « les spécificités françaises ». Souvent décrié, notre modèle va-t-il s’exporter jusqu’en Asie ?
OBSERVATOIRE DES POLITIQUES PUBLIQUES Total en retard : 61 % Statut de l’interviewé
En matière d’administration sur Internet, estimez-vous que la France est en avance ou en retard par rapport aux autres pays développés ?
Total en retard : 61 % Total en avance : 13 %
80
Très en retard
72% 70
13 %
60
Ni en avance ni en retard
66% 57%
50
Salarié du secteur public
26 %
Salarié du secteur privé
indépendant/ employeur
Proximité politique 80
70
Plutôt en retard
48 %
62 %
Très en avance
1%
57%
60
plutôt en avance
50
FDG
62% 64 % 60 % 64 %
PS MoDem UDI UMP
FN
12 %
Les Français veulent davantage d’e-administration Près de 9 personnes sur 10 interrogées par l’Ifop se disent prêtes à faire plus de démarches sur Internet et 61 % estiment que la France est en retard dans ce domaine. L’administration en ligne permettrait de gagner du temps, de simplifier et de réduire le coût des services publics. 20 ACTEURS PUBLICS FÉVRIER 2014 #103
L’administration numérique (c’est-à-dire la possibilité de faire ses démarches administratives en ligne), selon vous, c’est avant tout… ? En premier ? Et en second ?
34 %
Un gain de temps pour les citoyens
19 %
Une simplification des services publics
16 %
Un moyen de réduire le coût des services publics Un synonyme de progrès Des problèmes de sécurité des données personnelles Des services publics plus performants Plus de services pour les citoyens Une amélioration de l’accès aux données publiques (open data) Un rapprochement de l’administration et du citoyen Une personnalisation des services publics Aucune autre proposition (réponse non suggérée)
8%
57 %
36 % 36 %
17 %
7% 12 % 5% 12 % 5% 12 % 3% 7% 2% 7% 1% 2%
En premier Total des citations
2% En partenariat avec
L
e développement de l’administration numérique, ou « e-administration », figure parmi les objectifs maintes fois assignés par les pouvoirs publics aux politiques de modernisation des relations entre les services publics et les usagers. Récemment, dans le cadre du « choc de simplification » impulsé par le président de la République, la fluidification numérique des échanges entre les entreprises et les administrations s’est ainsi inscrite au cœur d’évolutions jugées essentielles. Interrogés par l’Ifop pour Acteurs publics et Ernst & Young, les Français font preuve de jugements particulièrement favorables au développement de l’e-administration, et se montrent disposés à participer à cette évolution fondamentale dans le fonctionnement des services publics. Invités en premier lieu à lister les évocations que leur suggère l’administration numérique, les interviewés se focalisent sur des éléments liés à la rationalisation des rapports entre usagers et services publics. Ainsi, 57 % mentionnent le gain de temps que représente pour les citoyens l’e-administration, alors que 36 % évoquent une simplification des services publics, et une proportion identique, un moyen de réduire le coût des services publics. Économie, simplicité, rapidité : ces trois concepts traduisent une attente forte en termes d’efficacité accrue des services publics, attente qui se comprend d’autant mieux qu’on sait les Français très soucieux de voir l’État et toutes les administrations réduire leurs dépenses, de même que
l’on connaît leur souci d’une amélioration des services rendus aux usagers (qui sont aussi des contribuables), s’agissant notamment de la vitesse à laquelle les services publics sont en mesure de traiter leur situation.
Pas de fracture générationnelle ou territoriale Si ces premiers résultats témoignent d’attentes fortes de la part des usagers, leur regard sur le niveau actuel de développement de l’administration numérique en France s’avère relativement sévère. En effet, 13 % seulement des personnes interrogées estiment que la France est en avance dans ce domaine par rapport aux autres pays développés, et 61 % pensent à l’inverse que notre pays est en retard, 26 % considérant que la France n’est ni en avance ni en retard. Dans le détail des réponses, on note que les proches de la gauche (18 %), mais aussi les cadres et professions libérales (17 %) et surtout les plus jeunes (23 % des 18-24 ans) sont les plus nombreux à noter une avance de la France. Le « retard » français dans la numérisation des échanges entre usagers et services publics est d’autant plus regrettable qu’une très large majorité des interviewés (89 %) souhaiteraient faire davantage de démarches administratives en ligne si c’était possible. 44 % se disent même « certains » de s’y adonner si l’occasion s’en présentait. S’il n’est guère de fracture générationnelle dans cette propension à utiliser de
« Économie, simplicité, rapidité : ces trois concepts traduisent une attente forte en termes d’efficacité accrue des services publics. » Damien Philippot (Ifop)
#103 FÉVRIER 2014 ACTEURS PUBLICS 21
OBSERVATOIRE DES POLITIQUES PUBLIQUES
Oui, probablement
45 %
Si c’était possible, seriez-vous prêt à faire davantage de démarches administratives sur Internet ? Oui, certainement
Non, probablement pas
44 %
9% 2 % Non, certainement pas
Total oui : 89 % Profession de l’interviewé 100
Proximité politique
98%
100
96%
92% 88%
90
Total oui : 89 % Total non : 11 %
95% 89 % 88 %
90
81 %
80
Prof. lib., Profession cadre sup. intermédiaire
CSP -
80
FDG
nouveaux e-services, on observe que les CSP - (ouvriers et employés) se montrent nettement moins promptes que les CSP + à faire davantage de démarches en ligne (40 % versus 58 %). Un écart se révèle aussi entre les zones rurales (43 % de personnes disposées) et les habitants de l’agglomération parisienne (56 %).
L’état civil loin devant S’agissant enfin des domaines dans lesquels il s’agirait de développer l’e-administration, les Français sont prêts à accroître le champ des relations numériques avec les services publics, mentionnent en premier lieu l’état civil et la vie citoyenne, dont notamment le vote en ligne (59 % de mentions). De loin, cet aspect de la vie administrative domine les autres domaines où la numérisation pourrait se renforcer : la santé et la prévention (26 % d’évocations), l’emploi (24 %) ou encore l’action sociale (24 %) sont autant de services moins évoqués, certainement du fait des nombreuses démarches que les usagers ont déjà aujourd’hui la possibilité d’effectuer en ligne dans leurs rapports avec ces services publics. On relèvera toutefois que la hiérarchie n’est pas la même auprès des plus jeunes, qui sont nettement plus nombreux que la moyenne à citer l’emploi comme secteur prioritaire de développement de l’administration numérique (42 % des 18-24 ans évoquent ce secteur). Damien Philippot, directeur des études politiques au département « Opinion et stratégies d’entreprise » de l’Ifop
22 ACTEURS PUBLICS FÉVRIER 2014 #103
PS MoDem UMP
FN
L’expertise d’ Moderniser les administrations publiques passe inévitablement par les usagers, mais également par la mise en place de méthodes et d’outils numériques spécifiques. Arnauld Bertrand, associé responsable des activités secteur public Pierre Borg, directeur associé responsable des activités transformation digitale
Comme le rappelle le comité intermininistériel pour la modernisation de l’action publique (Cimap) du 18 décembre 2013, la Modernisation de l’action publique poursuit sa montée en puissance, en s’appuyant notamment sur le levier numérique. Dans cet effort de modernisation, l’État et les collectivités territoriales sont confrontés à quatre enjeux principaux : améliorer l’offre des services publics ; réduire le coût de ces services ; permettre à tous les usagers d’avoir accès aux services publics par tous les canaux possibles ; placer l’usager au centre de l’innovation des services publics, en lui permettant de partager ses idées. Cette vision d’un service
Dans quel domaine en particulier souhaiteriezvous que l’e-administration se développe ?* En premier ? Et en second ? * Base : ceux qui, si c’était possible, seraient prêts à faire davantage de démarches administratives sur Internet, soit 89 % de l’échantillon.
59 % 12 %
L’emploi
10 %
La santé et la prévention
9%
L’action sociale
La formation professionnelle
6%
La justice
6%
La sécurité publique
6%
L’éducation Aucun autre domaine (réponse non suggérée)
public 2.0, ou e-administration, n’est réalisable qu’au prix d’une véritable transformation numérique, s’appuyant à la fois sur les administrations et les usagers. Le sondage réalisé par l’Ifop le montre clairement, une large majorité des Français (61 %) a conscience du retard de la France dans ce domaine. Plus intéressant, 9 Français sur 10 seraient prêts à faire davantage de démarches administratives sur Internet, confirmant le rôle important que jouent les usagers et leur maturité vis-à-vis du numérique. Moderniser les administrations publiques passe donc inévitablement par eux, mais également par la mise en place de méthodes et d’outils spécifiques.
46 %
L’état civil et la vie citoyenne (vote en ligne)
S’inspirant du phénomène du crowdsourcing, les administrations publiques font ainsi de plus en plus appel à la démocratie participative. Lancé en 2009, le portail « Ensemble simplifions » en est une belle illustration. Le développement de l’eadministration passe également par les réseaux sociaux et les appareils connectés, tels les smartphones et tablettes. En avril 2012 l’administration des finances publiques a lancé une application mobile permettant aux utilisateurs de déclarer directement leurs revenus et de payer leurs impôts via un code flash imprimé sur leur avis d’imposition. Enfin, pour faciliter la vie de ses usagers et soutenir le développement d’initiatives numériques, le gouvernement a lancé le nouveau portail français d’open data
24 % 26 % 24 %
18 % 17 % 16 %
5% 13 %
En premier Total des citations
2%
en décembre dernier. Le site Data.gouv.fr fournit, en libre accès, des millions de données produites par les administrations publiques mais également par des producteurs tiers sur le modèle de licence ouverte proche de Wikipédia, comme JC Decaux sur les données urbaines de transport (Vélib’). Des expérimentations majeures sont par ailleurs en cours dans les domaines de la surveillance, de la gestion urbaine et de la santé. Même si L’éducation reste peu citée dans les attentes numériques des Français, les initiatives lancées par l’État se multiplient avec, par exemple, la création du service public du numérique éducatif et
le lancement en octobre 2013 de France Universités numérique (FUN), première plate-forme publique de MOOC [Massive Open Online Courses], à l’instar des initiatives américaines d’Harvard et Stanford ou, plus proche de nous, en Finlande ou au Royaume-Uni. L’e-administration est dorénavant une réalité que les Français expérimentent au quotidien. Le numérique doit désormais être abordé comme un levier pour révolutionner les services rendus aux usagers et aux entreprises dans une optique de simplification. 2014 débute notamment avec le lancement de 10 initiatives numériques simplifiant la vie des entreprises, telles que le guichet unique pour la création d’entreprise, le développement des téléservices ou la dématérialisation du Ticket-Restaurant.
Sondage Acteurs publics/Ernst & Young réalisé par l’Ifop pour l’Observatoire des politiques publiques auprès d’un échantillon de 1 002 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas (sexe, âge, profession de l’interviewé) après stratification par région et catégorie d’agglomération. Les interviews ont eu lieu par questionnaire auto-administré en ligne (CAWI – Computer Assisted Web Interviewing) du 22 au 24 janvier 2014.
En partenariat avec
#103 FÉVRIER 2014 ACTEURS PUBLICS 23
MÉDIA GLOBAL AU CŒUR DES POLITIQUES PUBLIQUES : ÉTAT, COLLECTIVITÉS, HÔPITAL
ACTEURSPUBLICS.COM
IDÉES
Chaque mois, Acteurs publics donne la parole à des contributeurs extérieurs à la rédaction. Un espace de débats, d’analyse et de réflexion sur les politiques publiques et leur mise en œuvre.
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THIERRY MOREL
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TROP D’INDEMNITAIRE POUR LES FONCTIONNAIRES !
POUR UNE DÉMOCRATIE
Par Brigitte Jumel et Denis Turbet-Delof
Par Hélène Balazard
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POUR UN DÉPARTEMENT
IL FAUT RELÉGITIMER L’ACTION PUBLIQUE EN EUROPE
MÉTROPOLE Par Alain Lambert
D’INTERPELLATION
Par Pierre Bauby et Françoise Castex
29 L’« OPEN DATA », UN ENJEU DE GOUVERNANCE QUI NÉCESSITE DE CHANGER NOS PRATIQUES Par Bertrand Pancher #103 FÉVRIER 2014 ACTEURS PUBLICS 25
IDÉES RÉMUNÉRATIONS
TROP D’INDEMNITAIRE POUR LES FONCTIONNAIRES !
L
les corps, entre les administrations, entre les agents titulaires et les non-titulaires… La construction de la rémunération des fonctionnaires prévoit en effet primes et indemnités, ce qui n’est pas le cas pour les contractuels. Cela crée des problèmes de cohésion entre les équipes et bien sûr des difficultés au moment de la retraite avec un grosse perte de salaire, qui n’est pas totalement compensée par le régime additionnel de la fonction publique. Denis Turbet-Delof : L’indemnitaire est en effet une source d’inégalités très fortes.Certains secteurs de la fonction publique, je pense notamment à l’éducation nationale, prévoient une base indemnitaire très limitée. Par ailleurs, cela
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a part de l’indemnitaire dans la rémunération globale des agents publics ne cesse de croître depuis v i n g t a n s. Q u e l l e s s o n t les conséquences pour les fonctionnaires ? Brigitte Jumel : Cette part a fortement progressé puisqu’elle a pris 11 points dans la fonction publique d’État ces dix dernières années pour atteindre 28 % de rémunération variable. C’est une source d’inégalités de traitement entre les agents, entre
26 ACTEURS PUBLICS FÉVRIER 2014 #103
Propos recueillis par Sylvain Henry
compte au moment de la retraite. Lorsque la réforme des retraites a été débattue voilà quelques mois, certains ont voulu faire croire que les fonctionnaires seraient des privilégiés. Mais quand on met sur la table l’ensemble de leurs revenus, avec cette part d’indemnitaire qui n’est pas prise en compte dans le calcul, on se rend compte que ce n’est en aucune façon le cas ! La fonction publique compte près de 1 800 régimes indemnitaires différents. C’est semble-t-il un frein à la mobilité des agents et à l’attractivité de la fonction publique…
Brigitte Jumel : Il est difficile d’expliquer à un agent pourquoi, sur des postes similaires, certains d’entre eux disposent de régimes indemnitaires distincts. À la CFDT, notre première revendication est de parvenir à un dispositif beaucoup plus transparent et harmonisé pour notamment faciliter la mobilité des agents. S’il est mal expliqué et mal défini, l’indemnitaire peut conduire à des crispations et à des incompréhensions au sein des services. Pour répondre à ce problème, nous demandons d’intégrer très largement l’indemnitaire dans le traitement indiciaire des agents. Denis Turbet-Delof : La partie rémunération n’est pas le seul élément de l’attractivité de la fonction publique. Il y a aussi les conditions de vie au travail, l’atmosphère dans un service, la mission que l’agent exerce…
Brigitte Jumel est secrétaire générale de la CFDT Fonctions publiques
IDÉES I RÉMUNÉRATIONS
Le gouvernement a supprimé la prime de fonctions et de résultats (PFR) pour la remplacer par un dispositif unique. Une indemnité « de fonctions, de sujétions et d’expertise »
devrait couvrir l’ensemble des régimes indemnitaires d’ici 2017. Cette remise à plat est-elle souhaitable ? Brigitte Jumel : À la CFDT, nous sommes favorables à la transparence et à l’harmonisation. Il faut donc clarifier les 1 800 régimes indemnitaires en distinguant bien ce qui relève du temps supplémentaire travaillé, des astreintes particulières. Mais le projet actuel, auquel presque tous les syndicats se sont opposés lors de la présentation du décret au Conseil supérieur de la fonction publique de l’État, n’est pas satisfaisant. Nous avions fortement critiqué en son temps la PFR parce qu’elle privilégiait très largement le mérite. Le système qui nous est proposé aujourd’hui n’est pas beaucoup plus simple. Il ne nous paraît pas donner les garanties de transparence et d’égalité de traitement des agents que nous attendions. Donc il faut clairement reposer ce sujet dans le cadre de la négociation sur les parcours professionnels, les rémunérations et les carrières.
Denis Turbet-Delof : Nous demandons une remise à plat d’une partie des éléments du statut de la fonction publique. Après la remise du rapport Pêcheur [en novembre dernier, ndlr], nous pouvions imaginer que les pistes qui seraient abordées seraient des pistes de progrès social. Mais les annonces politiques gouvernementales basées sur la notion d’austérité ne nous laissent guère espérer de possibles évolutions positives. Monsieur Cazeneuve [le ministre délégué au Budget, ndlr] annonce qu’il faudra se serrer la ceinture jusqu’en 2017. Cela ne nous rassure pas sur les marges de manœuvre dont va pouvoir disposer Madame Lebranchu [la ministre de la Fonction publique, ndlr] pour améliorer les carrières, les parcours, les rémunérations. Alors nous avons quelques doutes sur la pertinence des pistes qui seront explorées… Qu’allez-vous demander au gouvernement dans les prochains mois ?
Denis Turbet-Delof est secrétaire national de Solidaires, délégué adjoint à la fonction publique
Brigitte Jumel : Il faut donner à tous les agents de la fonction publique un signe fort et un signe rapide. Au-delà de ces annonces nécessaires, nous sommes conscients que le travail sur les grilles indiciaires et sur l’architecture statutaire va prendre du temps. Il faut construire quelque chose qui soit durable. Si on ne construit que des éléments partiels, notamment autour de l’indemnitaire, on arrivera à un système qui ne sera ni visible ni attractif. Denis Turbet-Delof : Nous avons demandé à Monsieur Ayrault de répondre à notre exigence du dégel du point d’indice, bloqué depuis quatre ans. Cette demande des fonctionnaires est légitime. Il faut par ailleurs travailler sur les grilles de la fonction publique, leur redonner une lisibilité et une progressivité. Rappelez-vous la réforme Durafour (dans les années 1990) qui avait mis sept ans à aboutir. Donc « banco » pour commencer, mais avec la garantie que cela va aboutir à une avancée pour les agents. Sinon, on va s’épuiser pour pas grand-chose…
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Mais il y a bien un déséquilibre croissant entre la rémunération générale, basée sur un système d’indices et de grilles, et cette partie indemnitaire qui a pris un pas important. Cela s’explique en partie par l’histoire de la fonction publique : des indemnités ont été instaurées en échange de la paix sociale dans certaines administrations. Quand vous ne pouvez pas augmenter tous les fonctionnaires, vous rajoutez une prime pour calmer le jeu… Nous sommes bien sûr très favorables à une harmonisation, qui permettra à tout le monde de s’y retrouver en toute transparence, ce qui n’est pas toujours le cas aujourd’hui.
L’intégralité du débat sur acteurspublics.com/videos
#103 FÉVRIER 2014 ACTEURS PUBLICS 27
IDÉES COLLECTIVITÉS
POUR UN DÉPARTEMENT MÉTROPOLE Par Alain Lambert
DR
N
Ancien ministre du Budget, Alain Lambert est président divers droite du conseil général de l’Orne.
on, le mille-feuille territorial n’est pas fatal. À condition de permettre à chaque territoire de choisir la formule d’association correspondant à sa configuration propre et à ses choix. Depuis des décennies, il est obstinément recherché à marier horizontalement, et contre leur gré, des territoires contigus. Ce qui aboutit, en zone peu peuplée, à éloigner toujours plus les centres de décisions de ceux qu’ils sont supposés servir. Pourquoi n’a-t-on jamais imaginé de procéder à des alliances verticales en rassemblant les nombreuses collectivités d’un même territoire ? L’Orne est un bon exemple. Po u r u n p e u m o i n s d e 300 000 habitants, nous ne comptons pas moins de 505 communes, 29 intercommunalités, un nombre incalculable de syndicats intercommunaux et un conseil général,
28 ACTEURS PUBLICS FÉVRIER 2014 #103
sans parler des services de l’État et des administrations sociales. Soit environ 600 entités publiques. Et si l’Orne devenait département métropole ? Il ne s’agirait cependant pas de laisser cohabiter, comme dans le Rhône, une collectivité départementale avec une métropole, mais précisément de faire du département lui-même l’aire métropolitaine. L’Orne constituerait une collectivité à statut particulier, au sens de l’article 72 de la Constitution, dénommée « département-ville-métropole de l’Orne », par regroupement de toutes les communes et intercommunalités avec le département. Elle s’administrerait librement dans les conditions actuelles des lois régissant les communes, intercommunalités et dépar-
tements. Le préfet continuerait d’exercer les mêmes fonctions qu’aujourd’hui. Le conseil du « départementville-métropole » remplacerait le conseil général actuel et serait composé des présidents des intercommunalités. Ces derniers seraient élus selon le droit commun nouveau, c’est-à-dire par des élus communautaires, élus désormais par scrutin de liste au suffrage universel. Les conseils municipaux resteraient élus selon le droit commun. Les structures élues à l’échelon local agiraient en vertu des délégations de compétences dévolues par le conseil du « départementville-métropole », qui voterait également la fiscalité. Un seul budget regrouperait les comptes des 600 entités actuelles, mais les missions dévolues aujourd’hui à chaque échelon seraient maintenues au niveau actuel avec les moyens nécessaires à leur exercice, tout en favorisant une stratégie forte de mutualisation. Les concours financiers de l’État resteraient ceux actuellement attribués
aux trois échelons existants. Un système de péréquation serait adopté pour éviter des augmentations aux territoires moins fiscalisés, étant précisé que leur fiscalité évoluerait ensuite en fonction des coûts constatés de leur gestion déléguée. Afin de conserver tous les fruits de la démocratie de proximité, le principe de subsidiarité serait la clé de voûte de la gouvernance de cette entité à trois échelons en un. Ainsi, il serait réservé à l’échelon supérieur uniquement ce que l’échelon inférieur ne pourrait effectuer que de manière moins efficace. On ne peut sans cesse dénoncer l’inertie des gouvernements qui tardent à engager les réformes de structures indispensables à la renaissance de la France et rester, nous, blottis dans nos petits territoires, en attendant notre propre asphyxie. C’est par l’offensive et la détermination que nous donnerons l’exemple et que le renouveau s’imposera pour le bonheur de tous. Allons-y pour la fusion de trois échelons en un ! Et pour démentir la légende française sur la prétendue fatalité du mille-feuille territorial.
DR
L Bertrand Pancher est député de la Meuse et président de l’association Décider ensemble.
’ouverture des données publiques va contribuer à changer profondément nos modes de gouvernance et le rapport entre les citoyens et les décideurs*. En effet, l’open data présente de nombreux avantages, notamment celui d’assurer une meilleure information des parties prenantes et de permettre un équilibre des savoirs entre tous les acteurs. L’open data conforte l’expertise citoyenne par l’alimentation en données brutes qui sont réutilisées et retraitées. Le mouvement de
celle-ci n’est pas adaptée aux attentes des réutilisateurs (citoyens, développeurs, ONG et entreprises) ni aux possibilités de traitement qu’offrent les technologies actuelles. Le cadre juridique français** n’encourage pas suffisamment les potentialités de l’ open data. Par sa complexité et ses insuffisances, de nombreuses données restent indisponibles ou difficilement exploitables et les initiatives d’ouverture menées par les acteurs publics se développent sans véritable cohérence.
IDÉES NUMÉRIQUE
De plus, la législation exclut de nombreuses données, notamment les données publiques des Epic, des établissements culturels et des établissements
L’« OPEN DATA », UN ENJEU DE GOUVERNANCE QUI NÉCESSITE DE CHANGER NOS PRATIQUES Par Bertrand Pancher
l’open data s’inscrit bien dans celui plus global de l’ open government. Mais pour que ces potentialités promises se réalisent, il est nécessaire que l’État et le législateur impulsent une dynamique auprès de tous les acteurs (administrations, entreprises, communautés citoyennes, etc.) et adaptent notre législation. En effet,
La législation actuelle n’est pas suffisamment contraignante pour les détenteurs de données publiques. En effet, elle repose sur une logique de demande d’accès, alors que la logique du mouvement Open data vise à proposer aux citoyens les données, sans demande préalable. Trop peu de collectivités locales et d’organismes publics ont mis en place des politiques dans ce domaine à ce jour. Il faut les aider et les accompagner. La mission Etalab devrait voir ses moyens augmenter et sa gouvernance devrait être élargie à tous les acteurs publics. L’open data n’est pas que l’affaire de l’État, c’est une exigence qui doit concerner toutes les administrations.
de santé. Si cela peut se justifier concernant certaines activités commerciales, il n’en est pas de même en ce qui concerne les informations à caractère administratif. Nous devons aussi rappeler solennellement le principe de gratuité de la mise à disposition des données tel que le propose le rapport Trojette.
La transparence est une dimension et une valeur essentielle de la démocratie. L’ open data doit permettre d’alimenter le dialogue entre l’administration et les citoyens, de mieux comprendre l’action publique et de mettre en place des habitudes de coopération au niveau territorial. L’ open data est donc une étape essentielle dans la perspective d’une gouvernance ouverte, facteur de confiance entre les citoyens et l’administration, entre les citoyens et les élus. L’ouverture des données publiques est également une opportunité économique. À l’ère du numérique, les données constituent une matière première pour que des acteurs tiers (start-up, entreprises) puissent développer de nouveaux services (sites Internet, applications pour téléphone portable…) dans des domaines variés : transport, logement, etc. La réutilisation des données publiques est donc un levier de croissance et, potentiellement, de création d’emplois. Enfin, l’open data peut être un outil de modernisation de l’action publique et d’aide à la prise de décisions.
* Voir l’étude de Décider ensemble « Ouverture des données et participation : quels enjeux démocratiques ? » (www.deciderensemble.com). ** La loi « Cada » du 17 juillet 1978 modifiée par l’ordonnance du 6 juin 2005 sur la réutilisation des informations publiques.
#103 FÉVRIER 2014 ACTEURS PUBLICS 29
IDÉES SOCIÉTÉ
POUR UNE DÉMOCRATIE D’INTERPELLATION Par Hélène Balazard
relever deux défis. Le premier est celui de l’enrayement du processus qui confère à la puissance économique sa puissance politique. Le second est celui de l’accroissement du pouvoir (empowerment) politique des plus démunis. Un modèle de participation citoyenne propose de relever ces deux défis. Il s’agit de la version progressiste du community organizing dont l’objectif est, sur un territoire donné, de former et fédérer des habitants, notamment parmi les plus défavorisés, afin d’être en mesure d’interpeller les détenteurs des pouvoirs locaux, publics comme privés. Construite sur ce modèle, l’organisation britannique London Citizens se définit comme « l’alliance la plus grande et la plus diversifiée
DR
L
a démocratie est à la fois un idéal – répondre à l’enjeu d’égalité et d’autonomie de la société – et un problème, celui d’une pratique qui n’a jamais pu satisfaire entièrement cet idéal. Depuis plus de vingt ans, l’érosion de la confiance des citoyens dans les institutions politiques et publiques est un lieu commun. Mais cette crise de la démocratie est trop souvent dissociée d’un autre problème, celui de l’accroissement des inégalités socioéconomiques. Or les avantages économiques sont une source essentielle d’avantages politiques, comme en témoigne le rôle croissant des dirigeants économiques dans les décisions publiques, rôle qui n’est pourtant pas démocratiquement contrôlé. En d’autres termes, l’incapacité des plus démunis à influer sur les politiques publiques se paye directement par une aggravation des inégalités sociales. Lutte contre les inégalités sociales et combat pour la démocratie doivent donc être pensés ensemble. Si l’idéal démocratique doit être pris au sérieux, il s’agit donc de
30 ACTEURS PUBLICS FÉVRIER 2014 #103
de la capitale regroupant des citoyens actifs et des leaders d’institutions locales qui s’engagent à travailler ensemble pour le bien commun ». Grâce à sa capacité de mobilisation et du fait de son indépendance, elle arrive à créer un rapport de force et interpelle directement les responsables politiques et économiques sur les sujets qui affectent les conditions de vie de la collectivité. La relation entre London Citizens et le monde politique national et local est rythmée par des assemblées préélectorales. Les différents candidats sont alors invités à répondre aux propositions des « citoyens de Londres » et à s’engager à rendre régulièrement compte
de leurs promesses au cours de leur mandat. Pourtant entièrement maîtrisées par London Citizens, ces assemblées sont un succès auprès des candidats, qui ont alors l’occasion de renouer des relations de confiance avec la partie la moins visible de leur électorat. Les gains obtenus auprès des décideurs économiques se résument pour l’instant à une moralisation des discours et à la modification de quelques pratiques – par exemple en termes de rémunération et de conditions de travail dans le cadre de la campagne pour un living wage (salaire de subsistance) ou en termes de limitation des taux de prêts à la consommation. Pour modestes qu’ils soient, ces résultats posent la question de la possibilité d’une interpellation, par le bas, du système économique mondialisé.
Tenant à sa position de contrepouvoir indépendant, London Citizens se retrouve pourtant régulièrement face au risque de la compromission avec les pouvoirs publics comme privés, du fait de sa fragilité financière. Partant du même constat au sujet d’associations qui jouent des rôles équivalents en France, le rapport BacquéMechmache « Ça ne se fera plus sans nous », remis au ministre de la Ville, François Lamy, propose d’inscrire « un droit d’interpellation citoyenne comme une dimension à part entière du fonctionnement démocratique de la République ». En complément du financement public de la démocratie représentative et des dispositifs de participation institutionnels, ce rapport propose de « dégager les moyens humains et financiers » favorisant la démocratie d’interpellation, et ainsi de créer « les conditions pour une construction plus inclusive de l’intérêt général ».
Hélène Balazard, ingénieure et docteure en science politique, travaille au Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema). Elle est également chercheuse associée au laboratoire Rives, chaire Unesco « Politiques urbaines et citoyenneté ».
IDÉES I EUROPE
IL FAUT RELÉGITIMER L’ACTION PUBLIQUE EN EUROPE Par Françoise Castex et Pierre Bauby
DR
THIERRY MOREL
À
Pierre Bauby, enseignant et chercheur en sciences politiques, et Françoise Castex, députée européenne, président l’Observatoire de l’action publique de la Fondation JeanJaurès et ont coécrit (Re)légitimer l’action publique dans l’Union européenne, téléchargeable sur www.jean-jaures.org.
quelques mois de la fin de la mandature du Parlement européen, il est possible de dresser un bilan de l’action de la Commission Barroso en matière de services publics. Rappelons que le traité de Lisbonne avait généré de nombreux espoirs en la matière, et notamment en ce qui concerne la sécurisation juridique de l’action des collectivités locales au regard du droit européen de la concurrence. Le nouveau traité mentionnait en effet, dans son protocole 26 sur les services d’intérêt général (services publics en langage européen), « le rôle essentiel et le large pouvoir discrétionnaire des autorités nationales, régionales et locales pour fournir, faire exécuter et organiser les services d’intérêt économique général d’une manière qui réponde autant que possible aux besoins des utilisateurs ». Surtout, il ouvrait la voie avec son article 14 à des règlements adoptés en codécision par le Parlement et le Conseil. Or, faute de volonté politique de la Commission, aucun projet législatif n’a été présenté en la matière ces quatre dernières années. De tels règlements sont nécessaires pour mettre les services d’intérêt économique général à l’abri des nombreuses incertitudes résultant d’une application dogmatique du droit européen de la concurrence.
Les règles de la concurrence, proposées et mises en œuvre par la Commission, continuent donc de s’appliquer mécaniquement aux services publics et à faire peser une incertitude importante sur l’action des pouvoirs publics nationaux et locaux. Ceux-ci sont soumis à des règles compliquées et changeantes, et les contentieux devant la Cour de justice sont nombreux. Le paquet Almunia (du nom de l’actuel commissaire à la Concurrence) a permis quelques avancées, notamment en relevant le seuil dit de minimis en deçà duquel l’aide octroyée n’est pas considérée comme une aide d’État. Il a également permis de supprimer l’obligation de notification préalable des aides, et ce quel que soit leur montant, versées à des services répondant « à des besoins sociaux concernant les soins de santé
et de longue durée, la garde d’enfants, l’accès et la réinsertion sur le marché du travail, le logement social et les soins et l’inclusion sociale des groupes vulnérables ». Si l’on peut saluer ces simplifications de procédure, la logique à l’œuvre reste malheureusement la même, les services publics étant toujours systématiquement suspectés d’entraver le bon fonctionnement du marché intérieur. Si l’exemption de notification allège la procédure, elle n’exclut nullement un contrôle a posteriori de la conformité de l’aide versée. Il s’agit pour nous d’un véritable déni de démocratie, puisque d’une part des responsables politiques élus voient leur action entravée par un cadre juridique qui échappe au contrôle du Parlement européen, et d’autre part les dispositions du traité quant au large pouvoir discrétionnaire des autorités publiques ne sont que très parcimonieusement appliquées. Il est donc urgent d’y mettre un terme, en restaurant le primat des finalités d’intérêt général sur des règles de concurrence, qui ne sont que des outils. Des règlements en codécision sont nécessaires pour assurer un salutaire changement de paradigme. C’est dans cette logique que s’inscrit l’action franco-allemande initiée au sein de l’intergroupe « Services publics » du Parlement européen et portée par la Fondation Jean-Jaurès et le Netzwerk Gemeinwohl. Réaffirmant le rôle essentiel des services publics pour la cohésion sociale et territoriale et pour la démocratie, elle vise à promouvoir la relégitimation de l’action publique en Europe.
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ÉGALITÉ
ARTISTICCO/FOTOLIA
DOSSIER
ADMINISTRATION :
les femmes PRENNENT LE POUVOIR 32 ACTEURS PUBLICS FÉVRIER 2014 #103
Soutenues par un discours politique fort et par l’instauration de quotas, les femmes s’imposent dans la haute fonction publique en s’appuyant sur de nouveaux réseaux d’entraide féminins. Les voilà prêtes à fracasser le fameux plafond de verre.
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DOSSIER I ÉGALITÉ
ADMINISTRATION : DR
les femmes PRENNENT LE POUVOIR
emmes de l’Intérieur démarre très fort ! » Une vingtaine de demandes d’adhésions s’étalent sur le bureau de Corinne Desforges, place Beauvau. La haute fonctionnaire adjointe en charge de l’égalité des droits entre les femmes et les hommes au sein du ministère de l’Intérieur semble bluffée par le départ foudroyant de cette jeune association née il y a quelques mois pour accompagner les « femmes en responsabilités ». L’objectif : encourager l’administration à recruter des femmes sur les postes d’encadrement supérieur et multiplier rencontres et échanges. « Le réseau est un mode de progression assez répandu pour les hommes, observe Marie-France Monéger, présidente de Femmes de l’Intérieur et cheffe de l’inspection générale de la Police nationale. C’est un système que les femmes n’avaient pas encore intégré. » Jusqu’à maintenant. Car les choses changent : quelque 400 réseaux professionnels féminins ont été recensés en France en 2013, deux fois plus qu’en 2007. Portées par un discours politique fort et par une législation qui prévoit 40 % de nominations de femmes sur les postes de haut encadrement de l’État d’ici 2017 (lire pages suivantes), elles s’organisent et s’entraident pour accéder aux plus hautes fonctions. Dans le privé et désormais dans le public.
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Décomplexer Créée à la fin des années 1990, l’association Administration moderne est aujourd’hui rejointe par Femmes et diplomatie, Alter égales à la Caisse des dépôts et consignations, Res Femina, Women Work… « Les réseaux n’étaient pas dans la culture de la fonction publique », constate l’inspectrice des impôts Sylvette Dionisi, présidente de Res Femina – une association qui entend contrer l’effacement des femmes du pouvoir. « C’est aujourd’hui un accompagnement vers lequel les femmes se tournent massivement depuis quelques années, souligne-telle. Le réseau, c’est l’avenir ! » Une arme précieuse pour venir à bout du plafond de verre, alors que les femmes représentent 60 % des agents de la fonction publique mais seulement 26 % des cadres dirigeants et supérieurs la fonction publique de l’État et 10 % des plus hauts fonctionnaires. Premier objectif : leur donner envie de postuler. « Les femmes passent moins de temps que les hommes à se mettre en avant », sourit Julia Mouzon. Cette polytechnicienne diplômée de l’École d’économie de Paris a quitté Bercy en 2012, où elle 34 ACTEURS PUBLICS FÉVRIER 2014 #103
« LES FEMMES SE TOURNENT MASSIVEMENT VERS LES RÉSEAUX DEPUIS QUELQUES ANNÉES. LE RÉSEAU, C’EST L’AVENIR ! » Sylvette Dionisi, présidente de Res Femina
travaillait à la direction du Trésor, pour fonder Femmes et pouvoir. « Nous voulons donner de la visibilité aux femmes, détaillet-elle. Beaucoup avaient un a priori négatif sur le réseautage. » Et rechignaient à s’appuyer sur leurs contacts plutôt que sur leurs mérites pour progresser. « C’est complémentaire ! » estime Claire-Marie Foulquier-Gazagnes, présidente de l’association Women Work jusqu’en 2013. Cette jeune femme de 24 ans, diplômée de Sciences-Po Paris et d’HEC, a lancé des groupes de prise de parole en public pour aider les étudiantes désireuses de postuler aux concours de la haute fonction publique. « Les femmes sont peut-être moins à l’aise à l’oral », remarque Christine Demesse, présidente de l’Association des anciens élèves de l’ENA. Un manque de confiance que les hommes parviendraient davantage à masquer. « Nous avons mis en place des binômes pour permettre à une haute fonctionnaire, par exemple une patronne d’administration ou une directrice d’hôpital, d’échanger avec une étudiante, explique Claire-Marie Foulquier-Gazagnes. C’est un coup de pouce, la promotion d’un vrai esprit d’entraide. » L’occasion de diffuser les codes et les bonnes pratiques, de s’informer sur les
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DOSSIER I ÉGALITÉ
L’association Women Work multiplie rencontres et actions de tutorat.
QUELQUES RÉSEAUX FÉMININS
Ci-contre, Manuel Valls entouré des « Femmes de l’Intérieur » lors d’un échange en décembre 2013.
postes disponibles, de partager ses expériences professionnelles. « Pourquoi s’en priver ? » s’interroge Christine Demesse.
Écho jusqu’à l’Élysée « Le but n’est pas de s’opposer aux hommes, mais d’aider nos jeunes collègues à être décomplexées », affirme Isabelle Guilloteau, responsable du pôle « Ressources humaines » au cabinet du directeur général de la police nationale et investie au sein de Femmes de l’Intérieur. « Nous ne sommes pas dans une logique d’opposition, acquiesce Anne-Marie Helleisen, inspectrice générale de l’agriculture et présidente du réseau précurseur Administration moderne. Nous cherchons seulement à faire entrer dans les mœurs les habitudes de nominations de femmes. » Sur son site Internet, Administration moderne détaille les actions menées ces dernières années : rencontre avec l’ancien directeur général de l’administration et de la fonction publique Jean-François Verdier, avec l’ex-patron du secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (SGMAP) Jérôme Filippini, avec un conseiller de la présidence de la République…
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Administration moderne Femmes de l’Intérieur Women Work Femmes et pouvoir Alter égales Femmes et diplomatie
Les réseaux seraient donc un moyen de porter une démarche collective via un intense travail de lobbying. Mais pas seulement. Lorsque Nathalie Loiseau, brillante diplomate étiquetée à droite, est débarquée en 2012 de son poste de directrice générale de l’administration du Quai d’Orsay par Laurent Fabius, l’association Femmes et diplomatie, qu’elle avait dirigée, dénonce un limogeage brutal « sans faute professionnelle, sans préavis, sans nouveau poste ». Quelque mois plus tard, la voilà nommée à la direction de l’ENA, alors même qu’elle ne faisait pas figure de favorite pour ce poste prestigieux. L’Élysée, dit-on, aurait été sensible à l’écho, voire au pouvoir de nuisance de Femmes et diplomatie… « Les réseaux sont un appui individuel, pointe Brigitte Jumel, secrétaire générale de la CFDT Fonctions publiques. Une affaire de solidarité entre personnes, d’arrangements, alors que les syndicats de la fonction publique défendent des garanties collectives pour les agents en général, les femmes en particulier. » Certes, l’entraide apportée par les réseaux est individuelle, mais elle est payante. Se faire la courte échelle permet de grimper bien plus vite… Alors lancez-vous ! Sylvain Henry Avec Raphaël Moreaux et Xavier Sidaner
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DOSSIER I ÉGALITÉ
17 hommes et 17 femmes composaient le gouvernement Ayrault entré en fonction le 16 mai 2012.
LE COUP D’ACCÉLÉRATEUR DU GOUVERNEMENT AYRAULT En nommant des hauts conseillers à l’égalité dans chaque ministère et en anticipant des quotas élevés de femmes dans l’encadrement supérieur, le gouvernement entend instaurer un « État exemplaire » en matière de parité. 36 ACTEURS PUBLICS FÉVRIER 2014 #103
REVELLI-BEAUMONT/SIPA
« LA MISE EN PLACE DE LA LOI SAUVADET DEVRA ÊTRE ÉVALUÉE. »
LUDOVIC/RÉA
Catherine Coutelle, députée PS de la Vienne et présidente de la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale
’image était toute symbolique. Celle du premier gouvernement paritaire de la Ve République – 17 femmes et 17 hommes – posant au printemps 2012 sur le perron de l’Élysée. Dix-huit mois plus tard, les ministres Najat Vallaud-Belkacem (Droits des femmes) et Marylise Lebranchu (Fonction publique) sont à la manœuvre pour doper l’accès des femmes à la haute fonction publique. Au dernier Conseil des ministres de l’année 2013, les deux ministres annoncent que les femmes ont représenté 34 % des nouvelles nominations aux postes de direction d’administrations centrales en 2013, conformément aux objectifs fixés par la loi Sauvadet promulguée en fin de mandat de Nicolas Sarkozy. La prise de conscience du devoir d’exemplarité de l’administration n’est pas à mettre au seul crédit de la gauche au pouvoir. En 2011, le rapport de la députée UMP de Seine-Maritime Françoise Guégot sur l’égalité professionnelle dans la fonction publique pointait la faible part de femmes aux postes de direction de l’État
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(20 %). Il s’était traduit un an plus tard par l’adoption de la loi Sauvadet, qui imposait pour la première fois des quotas dans les nominations de femmes dans l’encadrement supérieur (20 % en 2013, 30 % en 2015 et 40 % en 2018). Un calendrier accéléré par le gouvernement Ayrault, qui s’est engagé à tenir ces objectifs avec un an d’avance. Et ce coup d’accélérateur ne serait que « la partie émergée de l’iceberg », à en croire le cabinet de Najat Vallaud-Belkacem. « La loi nous aide, mais il faut, au-delà, revoir toutes les mécaniques de recrutement en menant des actions structurelles ciblées dans la durée, insiste-t-on. Nous sommes passés du laisser-faire à une politique volontaire. »
Former et sensibiliser Un plan de bataille a été mis en place pour s’assurer que l’ensemble de la pieuvre administrative suive le mouvement… en commençant par les ministres eux-mêmes ! Dès 2012, ils ont été priés de suivre un « stage anti-sexisme », à base de Powerpoint et d’exemples chiffrés, concocté par Najat Vallaud-Belkacem et son équipe. « Plusieurs ministères avaient déjà engagé des démarches, mais nous manquions de coordination pour assurer une cohérence », explique-t-on au cabinet de la ministre. Pour ce faire, un haut conseiller à l’égalité des droits est nommé dans chaque ministère et participe aux « conférences de l’égalité » afin d’établir une feuille de route et un bilan des actions en cours. Une stratégie déclinée en deux axes : un volet « État employeur », qui précise les actions du ministre en tant que recruteur, et un volet « organisateur », qui sert à s’assurer que les questions d’égalité sont présentes dans chaque politique publique engagée. #103 FÉVRIER 2014 ACTEURS PUBLICS 37
Pour chapeauter le tout, un poste clé de déléguée interministérielle à la rénovation de l’encadrement dirigeant de l’État, confié à la haute fonctionnaire Isabelle Roux-Trescases, a été créé sous la direction de Matignon. Sa première mission est de veiller à la présence de femmes dans le vivier des hauts fonctionnaires. « Nous avons mis en place pour tous les ministères un référentiel commun des compétences attendues pour objectiver au maximum les profils et favoriser la diversité. Un système d’information répertorie ensuite ceux qui sont susceptibles de faire l’objet d’une nomination », détaille-t-elle. Une manière de répondre à la nouvelle obligation imposée par le secrétariat général du gouvernement de proposer systématiquement trois candidats par nomination : un de chaque sexe, et une personne du vivier interministériel. En plus de ce repérage, Isabelle Roux-Trescases coordonne des formations ciblées pour « développer les capacités managériales des femmes », qu’elle constate « parfois moins à l’aise à l’oral ». Programmes de « leadership au féminin », actions de mentorat, coaching personnel… 120 candidates ont bénéficié d’une formation complémentaire en 2013.
DATES CLÉS 1946
1995
Inscription dans le préambule de la Constitution du principe d’égalité entre les femmes et les hommes dans tous les domaines
Création de l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes
LUDOVIC/RÉA
DOSSIER I ÉGALITÉ
« LES CHOSES VONT DANS LE BON SENS. » Françoise Guégot, députée UMP de Seine-Maritime
Revoir l’organisation du travail Mais la question de la formation et de la sensibilisation n’est pas le seul gage de l’égalité hommes-femmes. Auteure d’une enquête à paraître pour la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) sur le plafond de verre dans les ministères, la sociologue et chercheuse du CNRS Sophie Pochic insiste sur les problèmes d’organisation du travail. « Dans ces carrières, tout se joue souvent entre 30 et 40 ans, avec des horaires de travail qui permettent rarement de conjuguer vie professionnelle et vie familiale », analyse-t-elle. Un sujet que Marylise Lebranchu a placé au cœur du protocole d’accord relatif à l’égalité professionnelle dans la fonction publique, signé symboliquement le 8 mars 2013, date de la Journée de la femme. Y figure notamment la question des « chartes des temps », inscrites à l’agenda social 2014. « Éviter les réunions qui commencent après 18 heures, arrêter les messageries à 20 heures ou encore développer le télétravail » font partie des 38 ACTEURS PUBLICS FÉVRIER 2014 #103
pistes évoquées par le cabinet de la ministre, qui réfléchit aussi à adapter la mobilité exigée des fonctionnaires : « Nous voulons engager une révision de tous les statuts particuliers et des conditions du passage d’un corps ou d’une catégorie à l’autre ». S’il n’est pas question de remettre en cause le principe de mobilité fonctionnelle qui veut qu’à chaque promotion, le fonctionnaire change de poste, l’obligation de mobilité géographique devrait voir son champ réduit. Mais gare à crier victoire trop vite, tant les préjugés ont la vie dure. Les cabinets ministériels comptent en moyenne seulement un tiers de femmes, avec un carton rouge pour celui du Redressement productif (seulement 11 %) et un bon point pour les Affaires européennes (60 %). Brigitte Grésy, secrétaire
2011
Loi sur l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives
Rapport Guégot sur l’égalité professionnelle dans la fonction publique
2012 12 mars : loi Sauvadet fixant des quotas pour les nominations aux postes d’encadrement supérieur
2013
2014
8 mars : signature du protocole sur l’égalité professionnelle dans la fonction publique
Négociations sur les chartes des temps et les critères de mobilité des fonctionnaires à l’agenda social de Marylise Lebranchu
DENIS ALLARD/RÉA
2007
générale du Haut Conseil à l’égalité professionnelle, estime que la meilleure antidote reste les quotas : « En plus de sensibiliser, il faut compter, évaluer, contrôler et sanctionner si besoin, insiste-t-elle, et pourquoi pas réinventer de nouveaux métiers pour trouver d’autres débouchés ».
Rapport de situation comparée Un point de vue partagé par Françoise Guégot, qui estime que trois ans après son rapport, « les choses vont dans le bon sens », même si elle dit « rester vigilante ». La question de l’égalité professionnelle fait consensus politiquement mais il ne faut pas en rester là : la députée UMP de Seine-Maritime milite pour « moins de déterminisme à l’issue des grandes écoles de la fonction
publique, une plus grande transparence des administrations et un meilleur suivi statistique » de l’évolution des pratiques. Cette question est aussi soulevée par sa collègue socialiste, présidente de la délégation aux droits des femmes à l’Assemblée, Catherine Coutelle, qui compte « proposer au Parlement d’évaluer la loi Sauvadet ». D’ici là, la DGAFP doit publier un rapport de situation comparée sur les inégalités au sein de la fonction publique, attendu au printemps, et un autre sur les écarts de rémunérations, en fin d’année. C’est devenu une évidence : les administrations ont dépassé le stade de la prise de conscience en matière de parité pour contribuer activement à faire voler en éclats le plafond de verre. Mais il reste encore quelques coups de marteau à porter… Raphaël Moreaux
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DOSSIER I ÉGALITÉ
ARIANE FAIT DÉCOLLER LA CARRIÈRE DES FEMMES DE LA PLACE BEAUVAU Le ministère de l’Intérieur a monté un programme spécifique visant à identifier les femmes à haut potentiel. Grâce à un coaching personnalisé, elles peuvent prétendre accéder à des postes à responsabilités.
’est un programme ouvert à des femmes à « haut potentiel » issues des quatre corps du ministère de l’Intérieur – police, gendarmerie, préfectorale, sécurité civile. Le dispositif Ariane permet à des cadres supérieures sélectionnées par leur hiérarchie d’être coachées pour occuper demain les plus hautes fonctions place Beauvau. L’objectif d’Ariane : créer un vivier de 75 femmes à fort potentiel d’ici 2018 pour favoriser leur ascension hiérarchique et répondre aux quotas imposés par la loi Sauvadet de 2012, qui prévoit la nomination de 40 % de femmes sur les postes d’encadrement supérieur d’ici à la fin de la mandature (lire pages précédentes). Car les femmes restent largement sous-représentées aux postes clés du ministère. Et visiblement, le dispositif fait consensus. « Ariane crée de la solidarité entre les femmes et leur donne confiance pour prétendre aux postes les plus élevés », observe Brigitte Grésy, secrétaire générale du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle. L’origine du programme remonte à 2011, lorsque Jean-Martin Jaspers, directeur centre des hautes études du ministère de l’Intérieur (Chemi), propose à ses supérieurs d’ou-
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40 ACTEURS PUBLICS FÉVRIER 2014 #103
vrir un cycle mêlant à la fois formation et coaching. Des séminaires étalés sur six mois faisant intervenir consultants français et étrangers sont imaginés sur les thèmes de « l’affirmation de son ambition personnelle », du « leadership au féminin », de « la place du cadre dirigeant féminin au ministère » et de « la consolidation des réseaux au féminin ». Des cours d’anglais sont également au menu.
Une centaine de sous-préfètes « Ariane est tout à la fois un centre de formation et un think tank », résume Jean-Martin Jaspers. Treize femmes essuient les plâtres en 2012. Elles sont brillantes et prometteuses. Leurs C.V. sont scrutés à la loupe : leur parcours, les compétences acquises au gré de leurs missions… « Elles doivent attester de leur capacité de leadership et d’une reconnaissance de leur hiérarchie », détaille Jean-Martin Jaspers. Conseillère sociale au cabinet du directeur général de la police nationale, la commissaire divisionnaire Isabelle Guilloteau a suivi la première promotion. « J’ai pris confiance en moi, souritelle. Le programme m’a permis de lever certaines barrières que
ELLES ONT ÉTÉ RÉCEMMENT NOMMÉES À L’INTÉRIEUR Mireille Ballestrazzi, directrice de la police judiciaire Isabelle Guion de Meritens, première femme générale de gendarmerie Marie-France Monéger, cheffe de l’inspection générale de la Police nationale Helène Dupif, contrôleuse générale de la police nationale
@CHEMI
Des femmes de la promotion Ariane, répérées pour leur potentiel, en pleine séance de brainstorming lors d’un séminaire au ministère de l’Intérieur.
je m’imposais. » Certaines ont comme elle eu à mettre leur carrière entre parenthèses pour fonder une famille. Car le métier et les missions liées à la sécurité, en préfectorale comme dans la police nationale, exigent une très grande disponibilité. Dans un ministère réputé viril, les femmes ont par ailleurs du mal à se vendre. Autant de facteurs qui expliquent leur faible représentation aux postes à responsabilités. Le corps de la préfectorale est encore essentiellement masculin, avec 15 % seulement de femmes préfètes. Soit un pourcentage similaire à la part des femmes aux postes fonctionnels et d’encadrement dans la police, alors qu’elles sont si nombreuses aux postes de catégorie inférieure… « Les forces de l’ordre doivent être à l’image de la société. Ce qui implique d’accroître la place des femmes et la diversité du recrutement. À tous les niveaux hiérarchiques. C’est cela une institution moderne », avait martelé le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, à l’automne 2013. Une analyse que partage Marie-France Monéger, première femme à atteindre la chefferie de l’inspection générale de la Police nationale (IGPN). Elle estime que « le ministère de l’Intérieur aurait tort de se priver de femmes compétentes ».
Cette prise de conscience tardive s’est traduite par un plan de parité qui doit se décliner dans les prochains mois dans chacune des directions centrales du ministère. En clair, la Place Beauvau cravache dur pour respecter les quotas de la loi Sauvadet, qui impose un palier de 30 % de femmes nommées à de hautes fonctions en 2015. Dans ce cadre, Ariane permettra de constituer un vivier dans lequel les directions pourront puiser. « Les quotas sont un vrai défi car les viviers féminins sont effectivement restreints, observe Jean-Martin Jaspers, mais plus vous augmentez la base du vivier, plus vous rendez l’objectif atteignable. » Les premiers résultats sont très encourageants, à en croire l’inspectrice générale Corinne Desforges, haute fonctionnaire adjointe en charge de l’égalité femmes-hommes à l’Intérieur, qui a fait ses comptes : « Nous avons atteint 43 % de primonominations depuis le début de l’année 2013 », c’est-à-dire davantage que les 40 % imposés à terme par la loi. Mais si la Place Beauvau est en avance, il faut maintenir la pression, confie une haute fonctionnaire. Car au ministère, dit-elle, certains froncent encore des sourcils lorsqu’une femme est nommée à un poste à responsabilités. Xavier Sidaner
Nathalie Colin, directrice des ressources humaines Sophie Thibault, directrice de la modernisation et de l’administration territoriale
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DOSSIER I ÉGALITÉ
LES MINISTÈRES À LA MANŒUVRE Toutes les administrations sont mobilisées pour doper la parité sur les postes d’encadrement supérieur. Avec des résultats variés…
primo-nominations en 2013 », se félicite la directrice des ressources humaines, Michèle Féjoz, contre un taux de 12,8 % en 2007. Mais les principaux postes de directeurs des services déconcentrés des finances publiques et directions des douanes sont encore largement occupés par des hommes. Elles ne sont qu’une quinzaine dans les départements contre 41 % en centrale. Or, au vu du faible nombre de femmes sortant des grandes écoles et qui choisissent les finances, maintenir le vivier et donc respecter les quotas risque d’être compliqué.
NICOLAS CHAUVEAU/SIPA
t La Culture en progrès… dans les régions
Au ministère des Affaires étrangères, une commission paritaire veille à ce que les cadres supérieures soient bien représentées aux postes de direction.
t Quai d’Orsay, le bon élève Depuis le printemps 2012, 40 % des nominations à la tête des ambassades se sont portées sur des femmes. Hors ambassades, les cadres féminines sont également très bien représentées dans les directions centrales. Une politique portée par la commission paritaire, qui fin 2012 a décidé de promouvoir un nombre important de cadres « A » femmes. « Il faut veiller chaque année, à compétences égales, à ce que le nombre de femmes promues soit supérieur ou égal à leur part dans le vivier des agents éligibles à une promotion », selon le ministère des Affaires étrangères. En parallèle, pour faciliter les allersretours entre la France et l’étranger, le ministère va travailler à faciliter la mobilité de ces « agentes ».
t Des ministères des Finances en mal de vivier Les femmes prennent une place grandissante dans les ministères économiques et financiers. « Nous avons atteint 28 % de 42 ACTEURS PUBLICS FÉVRIER 2014 #103
Au sein du ministère de la Culture et de la Communication, les femmes sont sous-représentées dans les directions centrales. On ne compte qu’une femme, en la personne de Laurence Franceschini. Elles sont toutefois plus nombreuses dans les seconds rangs de l’organigramme. En revanche, la situation dans les services déconcentrés, décrite en 2012 comme « très mauvaise » par Nicole Pot, haute fonctionnaire en charge de l’égalité, connaît une inflexion depuis un an. Pour la première fois, « nous sommes à parité dans les nominations pour les postes de directeurs régionaux », se réjouit-elle.
t Seulement 5 directrices d’ARS Sur les 26 agences régionales de santé (ARS), seules 5 étaient dirigées, fin janvier, par des femmes (Franche-Comté, MidiPyrénées, Pays de la Loire, Languedoc-Roussillon, La Réunion), soit moins de 20 %. Un chiffre qui s’approche des inégalités également observées dans la fonction publique hospitalière, où l’on compte 76,6 % de femmes mais seulement 16 % parmi les chefs d’établissement. Xavier Sidaner et Raphaël Moreaux
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DOSSIER I ÉGALITÉ tre une femme, est-ce difficile pour faire carrière dans la haute fonction publique ? » Lorsque l’on pose la question à Nicole Klein, préfète de Seine-et-Marne depuis juillet 2012, elle répond : « Ce sont les autres qui se posent la question pour vous… Moi, j’ai toujours eu envie de faire le métier que j’exerce. » À 25 ans, elle se découvre un net penchant pour la préfectorale après un stage en préfecture dans le cadre de sa formation à l’ENA. Issue de la promotion Fernand Braudel (1987), elle est la seule femme sur les 25 qui se côtoient alors sur les bancs de la prestigieuse école à choisir de sortir dans le corps préfectoral. Une décision qui suscite l’étonnement de ses camarades de promotion. « On m’a demandé pourquoi je n’allais pas plutôt rejoindre le tribunal administratif », s’amuse-t-elle. Préfète et mère de famille, voilà un profil qui semble incompatible avec la disponibilité qui sied à ce genre d’activité professionnelle. Malgré tous les préjugés, Nicole Klein prend son premier poste dans le Gard comme directrice de cabinet du préfet.
Ê
Nicole Klein
LA PRÉFECTORALE PAR VOCATION
MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR – DÉLÉGATION À L’INFORMATION ET À LA COMMUNICATION/JEAN-LUC ZIEGLER
Préfète de Seine-et-Marne, Nicole Klein a réussi à concilier vie privée et carrière professionnelle, non sans avoir à affronter quelques préjugés.
Mobilité Sur ce poste par nature sensible et exposé, elle évite les critiques d’autoritarisme que l’on adresse parfois aux femmes. Car elle sait qu’elle n’a pas droit à l’erreur. Et dresse ce constat : « Lorsque vous êtes une femme, on vous demande de faire preuve de vos compétences dès l’entrée dans vos fonctions, ce qui n’est pas forcément le cas pour un homme. » Elle mène de front vie de famille et vie professionnelle, s’octroyant une pause dans une carrière qui semble toute tracée pour suivre son mari à Washington en 1993, consentant avoir choisi cette mobilité pour « raisons personnelles et familiales » car « c’est parfois compliqué ». Forte de cette expérience outre-Atlantique, Nicole Klein revient dans la préfectorale deux ans plus tard, comme sous-préfète de Carpentras. Secrétaire générale de préfecture à Nantes, elle décroche son premier poste de préfète dans les Hautes-Alpes en 2008, après des passages au ministère de l’Intérieur, en administration centrale, et au ministère de l’Écologie, ex-Équipement. « Si j’étais restée au ministère de l’Intérieur, je serais peut-être allée plus vite dans ma progression », admet-elle. Qu’importe, car sa fonction de préfète de Seine-et-Marne, qu’elle a prise en juillet 2012, elle la vit comme un poste « important et passionnant ». Xavier Sidaner
BIO EXPRESS 1987
Directrice de cabinet du préfet du Gard
2008
Préfète des Hautes-Alpes
2009
Directrice générale de l’agence régionale de santé d’Aquitaine
2012
Préfète de Seine-et-Marne.
44 ACTEURS PUBLICS FÉVRIER 2014 #103
ÉGALITÉ I DOSSIER
BIO EXPRESS 1992
Débute sa carrière à l’Insee
2009
DRH au ministère de l’Écologie
2013
Directrice générale des douanes.
n général, les femmes se portent candidates à un poste à responsabilités parce qu’elles sont convaincues qu’elles peuvent l’assumer. Alors que les hommes postulent souvent par défi. » Tel est le constat amusé d’Hélène Crocquevieille, 47 ans, directrice générale des douanes et des droits indirects depuis février 2013. Polytechnicienne, diplômée de Sciences-Po Paris, cette mère de deux filles a fait l’essentiel de sa carrière à la direction du budget de Bercy, avant de piloter la direction des ressources humaines du ministère de l’Écologie entre 2009 et 2013. Un très riche parcours dans le secteur public qui lui a permis d’observer de près l’évolution de la haute fonction publique vers davantage de parité : « Les femmes ont longtemps accédé à des postes élevés sur des missions support : RH, administration, comptabilité. Aujourd’hui, elles assument au plus haut niveau des fonctions opérationnelles. » Ainsi, dit-elle, c’est sur ses compétences et non sur son « statut » de femme qu’elle a été jugée capable de diriger une administration de quelque 16 000 agents douaniers majoritairement masculine.
HAMILTON/RÉA
E
Hélène Crocquevieille
Pas de réunions tardives
LA PREMIÈRE PATRONNE DES DOUANES Pour Hélène Crocquevieille, directrice générale des douanes depuis 2013, la culture de la fonction publique évolue vers davantage de parité.
« Le plafond de verre me semble moins marqué dans la fonction publique que dans le secteur privé, estime Hélène Crocquevieille. La loi a instauré des quotas, obligeant les services gestionnaires à fournir des candidats de chaque sexe sur les postes à responsabilités. Cela contribue à changer la culture du secteur public. » La patronne des douanes veille à ne pas organiser de réunions en soirée pour permettre à ses troupes d’assumer un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. « Mais ce n’est pas une nouveauté, assuret-elle. L’époque du cadre masculin qui se faisait un honneur de ne pas prendre ses congés est dépassée. Les RTT ont changé la donne. » Par ailleurs, les nouvelles technologies modifient les conditions de travail. « Il m’est arrivé de travailler à distance, glisse-t-elle. Cela peut permettre de combiner ses responsabilités familiales et professionnelles. » Hélène Crocquevieille est la première femme à diriger les douanes en France. À l’écouter, elle ne sera pas la dernière. Sylvain Henry #103 FÉVRIER 2014 ACTEURS PUBLICS 45
DOSSIER I ÉGALITÉ
NATHALIE LOISEAU
Quelles actions avez-vous menées pour atteindre 45 % d’admises au concours en 2013, un résultat inédit ? À l’ENA, il était déjà difficile d’avoir 40 % de femmes parmi les candidats. Il fallait lutter contre cette autocensure, aller dans les universités, les ins-
Retrouvez l’intégralité de l’interview acteurspublics.com
Avez-vous aussi sensibilisé le jury ? Oui, nous avons insisté auprès des membres du jury pour qu’ils considèrent l’épreuve de l’entretien oral comme un vrai recrutement. Une réflexion a été menée en amont sur les compétences que l’on recherche pour construire une grille
témoin d’exercices d’éloquence. Que pensez-vous de la montée en puissance des réseaux ? C’est une très bonne chose, à la fois pour développer les actions de tutorat et de mentorat, mais aussi pour faire émerger une s o l i d a r i t é n o u ve l l e.
« Le monde professionnel est fait de relations, de discussions, de partage d’expériences. » tituts d’études politiques… Nous avons aussi organisé un colloque, où des femmes de la haute fonction publique étaient invitées à s’exprimer pour être plus visibles et parer au cliché du haut fonctionnaire en costume-cravate…
46 ACTEURS PUBLICS FÉVRIER 2014 #103
de critères objectifs loin des préjugés plus ou moins conscients. Le jury, qui comprenait cette année un spécialiste des ressources humaines, a notamment préparé des « mises en situation » afin d’éviter d’être seulement le
Certaines femmes ont un a priori négatif sur les réseaux, mais le monde professionnel est fait de relations, de discussions, de partage d’expériences.
D’abord qu’il est possible d’être une femme haute fonctionnaire. Il faut saisir les opportunités sans se censurer a priori. Mais c’est loin d’être facile, la question des choix de vie demeure un vrai sujet. Je l’ai vu en tant que chargée des ressources humaines au Quai d’Orsay. Parce qu’elles
DR
INTER VIEW
La directrice de l’ENA explique la réussite historique des femmes au concours 2013.
sont peu nombreuses et qu’on les attend au tournant, les femmes ve u l e n t ê t re e x e m plaires et réussir mieux que les autres, avec le risque d’exploser en vol. Propos recueillis par R. M.
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EUROPE INFLUENCE
LE DRAPEAU TRICOLORE EN BERNE À BRUXELLES La France peine à faire entendre sa voix au sein des institutions européennes, pas seulement en raison de la baisse du nombre de ses fonctionnaires à Bruxelles. La représentation permanente tente de reprendre la main.
ébut janvier, Philippe Étienne, ambassadeur de France auprès de l’Union européenne, recevait à sa table plusieurs hauts fonctionnaires français de Bruxelles. Un rituel de déjeuner bien huilé. Au menu, des échanges sur les dossiers en cours et des discussions plus informelles sur les listes de fonctionnaires à pousser pour tel ou tel poste. Commentaires sur les C.V., le parcours et les postes ciblés… Les débats, traditionnels au cours d’un mandat de la Commission, deviennent plus fouillés à l’approche des élections. À quelques semaines du scrutin européen, la représentation permanente française à Bruxelles monte en pression. Forte de 200 agents, comme ses collègues britannique et allemande, la « RP » hexagonale est devenue l’un des maillons centraux pour pousser les intérêts nationaux dans la capitale de l’Europe. Membre fondateur de la Communauté européenne, la France demeure une place forte. Avec ses 3 082 fonctionnaires à Bruxelles, elle constitue la deuxième nation la plus représentée après l’Allemagne. Ses effectifs ont baissé de 5 % comme ceux des autres pays, suite aux coupes générales dans les effectifs. Mais longtemps, l’influence française n’a été perçue qu’à l’aune des postes prestigieux. Tout ce qui brille était d’or, et on ne dénombrait que le nombre de directeurs généraux et de membres de cabinet.
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48 ACTEURS PUBLICS FÉVRIER 2014 #103
De ce point de vue, les Français sont assez bien lotis dans la Commission Barroso II. Certes, ils ne comptent que 5 directeurs généraux (sur un total de 33 directions générales) et 2 directeurs généraux adjoints, mais on trouve 31 directeurs français et une vingtaine de membres de cabinet, au coude à coude avec les Britanniques et les Allemands. Ces chiffres masquent cependant une forêt plus dépeuplée. « Les Français ont toujours voulu verrouiller l’agriculture parce que c’était le seul secteur où la France disposait d’un retour quasiment complet sur ses subventions, lâche un vieux routier des couloirs du Berlaymont, le bâtiment de la Commission. Ils voulaient également tenir le budget. En contrepartie, ils ont laissé au fil des ans d’autres postes aux Britanniques et aux Allemands, qui en ont profité pour placer des hommes à tous les niveaux hiérarchiques. »
Allemands et Britanniques Et à force de ne lorgner que sur les sommets de l’organigramme, on en oublie de muscler les niveaux de management intermédiaires. Bref, derrière les directeurs généraux (DG) français – dont 2 partent bientôt en retraite –, il y a peu de réserves. D’autant moins que les postes de chefs d’unité sont dans le viseur des nouveaux États membres. « Comme un DG ne voit que le sommet de l’iceberg, les véritables postes d’influence sont ceux qui préparent les décisions, au cœur de la machine. On a encore de nombreux Français aux postes de support, aux ressources humaines, à la gestion des moyens, des lieux plus éloignés du centre », commente Stéphane Desselas, fondateur du cabinet de lobbying européen Athenora. Et au petit jeu du mercato de la Commission, tous les cinq ans, les Allemands et les Britanniques sont les plus forts. « Ces derniers ont deux excellents représentants : Jonathan Faull, le directeur général de la DG “Marché intérieur et services” et Robert Madelin, le directeur général de la DG “Connect” (réseaux de communication, contenu et technologies), explique
EUROPE I INFLUENCE
JEAN MICHEL CLAJOT/REA
À force de ne lorgner que sur les sommets de l’organigramme de la Commission européenne, la France a oublié de muscler les niveaux de management intermédiaires, pourtant essentiels.
un haut fonctionnaire français à Bruxelles depuis dix ans. Ils coachent toutes les jeunes pousses anglaises qu’ils ont repérées et les assistent dans leur ascension avec une grande finesse. Ce sont les rois des coups à trois bandes. » Le noyautage britannique en douceur opposé à une franchise toute française ! Un cliché supplémentaire sur les caractères nationaux ? « C’est clair que nous avons dans notre attitude une sorte de transparence visible dans nos actions, sourit un fonctionnaire français récemment parti à la retraite. Il m’a fallu du temps pour comprendre quel comportement adopter. À la Commission, j’ai appris à adapter mon langage pour que ce que je disais ne soit pas disqualifié d’office parce que j’étais français. » Pessimisme ou sagesse ? L’une de ses jeunes collègues confirme en soupirant : « Ce qui est français est aujourd’hui considéré comme un peu ringard. Il faut le dire, nous ne sommes plus un modèle, nous n’avons pas une image dynamique en tant que pays. Et cette étiquette colle à nos compatriotes, qui sont pourtant de grande qualité. » Le drapeau tricolore a donc perdu de ses couleurs à Bruxelles. À tel point que des fonctionnaires ont enfoui leur passeport dans leur poche et entendent être plus européens que nature… Certains espèrent même faire carrière contre leur État membre
tant ils estiment que la voix de la France a du mal à porter à l’étranger. « Depuis 2008, le pouvoir économique de notre pays est en berne, constate un haut fonctionnaire qui regarde du côté du privé. Le pouvoir politique également. Nos alliés sont perturbés quand ils voient les différences d’appréciation européenne entre Pierre Moscovici, qui souhaite une intégration plus importante, et Laurent Fabius, prônant une certaine souveraineté. On en discute durant les pauses des réunions. À ce compte, l’objectif est de jouer l’influence, pas la puissance, poursuit-il. Nous sommes entrés dans la période des hommes plus dans l’ombre, brillants et qui maîtrisent parfaitement les rouages de l’influence internationale. »
Réfractaire aux réseaux de lobbying Parmi les personnalités emblématiques citées, Pierre Sellal, secrétaire général du Quai d’Orsay et ancien numéro un de la représentation permanente (RP), ou Philippe Léglise-Costa, désormais conseiller pour l’Europe de François Hollande, qui a été numéro deux de la RP à Bruxelles. Tous deux ont joué un rôle crucial lors de la Présidence française de l’Union en 2008. #103 FÉVRIER 2014 ACTEURS PUBLICS 49
EUROPE I INFLUENCE
FREDERICK FLORIN/AFP
LES BONNES FILIÈRES DE LA COMMISSION
Le renouvellement, tous les cinq ans, de l’organe exécutif de l’Union européenne, dirigé par Jose Manuel Barroso depuis dix ans, est l’occasion d’un mercato pour les postes de fonctionnaires dans les différentes directions générales.
Tous les cinq ans, les jeunes fonctionnaires européens, voire français, se demandent quelle filière embrasser pour réussir une belle carrière. « Il y a trente ans, la filière reine à la Commission européenne était la DG1, qui était chargée de l’élargissement, note un diplomate retraité. Beaucoup de brillants fonctionnaires sont passés par l’école du textile et de la négociation. » Et aujourd’hui ? « La direction de la concurrence constitue une belle école car c’est une compétence exclusive de la Commission, répond un fonctionnaire aguerri. L’énergie est promise à un bel avenir et les services juridiques sont une solide machine, où l’on peut disposer d’une influence certaine. » D’autres observateurs citent l’agriculture, un bastion traditionnellement français (« à condition d’en sortir ») et la fiscalité, « un des grands thèmes futurs avec l’évasion fiscale… D’autant plus intéressant qu’il permet de se reconvertir très facilement dans les cabinets d’audit ».
Les observateurs louent également le travail effectué l’an dernier par l’ambassadeur Philippe Étienne et par Hervé Jouanjean, le directeur général « Budget », pour préparer le cadre pluriannuel du budget européen. Ils ont investi beaucoup de temps à Paris pour écouter le point de vue français et expliquer la position européenne, contribuant ainsi à ajuster les positions françaises. À l’heure où l’intergouvernemental est plus actif que jamais, la RP tend à être une courroie de traduction des positions entre la Commission et le gouvernement français, et aussi entre Paris et Berlin via Bruxelles. Ce qui donne, résumé par un membre de think tank : « la RP prépare le terrain de la décision avec les politiques français pour que les dirigeants puissent adopter les textes sans trop de dépit. »
Manque de culture Mais la RP cherche à peser davantage. Prise en tenailles entre une culture administrative historiquement réfractaire aux réseaux de lobbying et des « gouvernements qui ont sauté la case Commission », dixit un diplomate, elle a fort à faire pour accroître l’influence française. Elle actionne désormais sans relâche ses réseaux pour influer sur les textes et convaincre. Bruxelles, deuxiè me capitale mondiale du lobbying après Washington D.C., compte 15 000 spécialistes en tous genres. « La porte de la RP nous est ouverte sans aucun problème, explique l’un d’eux. Ils nous écoutent, posent des questions, n’hésitent jamais à nous rappeler pour préciser un point ou tout simplement échanger. Ils prennent le pouls. » 50 ACTEURS PUBLICS FÉVRIER 2014 #103
Les think tanks, délaissés à Paris, essentiels à Washington D.C., constituent une espèce montante à Bruxelles. « La Commission est une petite administration comparable à celle de Paris, qui ne peut pas avoir d’expertise absolue sur tous les sujets, poursuit notre lobbyiste. Elle fait tester les sujets par des think tanks avant de lancer un livre blanc qui pourrait déboucher sur une proposition. Ces groupes d’idées orientent la manière dont la Commission travaille. Et je vois les conseillers de la RP française de plus en plus souvent dans les réunions organisées par les think tanks. Elle déniche des experts et n’hésite pas à les faire intervenir. » Certains observateurs y voient la volonté de la RP de piocher des idées afin de projeter cette image claire qui fait défaut à la France. Beaucoup plus délicate sera la tâche de la RP auprès des eurodéputés. Car le manque de culture des Français est historique en la matière. « Les partis politiques méprisent le Parlement européen, dans leur grande majorité, et parachutent des politiques en attente d’un poste ministériel, lâche, amer, un bon observateur. C’est dévastateur pour l’image de la France et c’est une double erreur car le rôle du Parlement s’est accru depuis le traité de Lisbonne… Et parce que nos députés n’ont pas le temps de s’impliquer. » Trois fois moins représentés que les Allemands et les Britanniques aux postes de coordinateurs des commissions parlementaires, les députés français peinent à se faire entendre. Les élections européennes changeront-elles la donne ? Pas sûr du côté du Parlement européen. Peut-être davantage à la Commission. Réponse après son renouvellement, en novembre. Jean-Bernard Gallois, à Bruxelles
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SUR LE TERRAIN INTERNATIONAL
Une politique africaine en voie de modernisation La France perd des parts de marché sur le continent africain. Pour inverser la tendance, un rapport du Sénat propose de réformer l’appareil d’État qui gère le développement et la coopération.
’Afrique décolle. Et la France risque de passer à côté de cet envol économique. « Sommes-nous en train de rater un tournant stratégique ? » s’inquiète Jean-Marie Bockel. Avec son homologue PS du Loir-et-Cher Jeanny Lorgeoux, le sénateur UDI du Haut-Rhin a présidé à la Haute Assemblée un groupe de travail de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, qui a rédigé un rapport au titre évocateur : « L’Afrique est notre avenir ». Publié le 29 octobre 2013, ce document de 500 pages recense pas moins de 10 priorités et 70 mesures pour réorganiser et relancer, notamment au plan économique, l’action publique de la France en Afrique. « Après avoir été l’un des seuls pays à avoir eu, après les indépendances, une politique africaine, la France semble être aujourd’hui dépourvue de stratégie cohérente et ambitieuse à long terme sur ce continent », pointe Jean-Marie Bockel. À l’inverse, note l’ancien ministre de la Coopération de Nicolas Sarkozy, « les Chinois, les Indiens, les Brésiliens, les Américains, les Marocains, les Turcs ont défini des stratégies africaines qu’ils mettent méthodiquement en œuvre. »
L
5,5 % de croissance par an Depuis les années 2000, l’Afrique surfe sur une progression moyenne du produit intérieur brut (PIB) de 5,5 % par an. Et la moitié des 30 pays de la planète qui ont connu la plus forte croissance en 2013 sont situés sur ce continent, a répertorié le Fonds monétaire international. Bien sûr, l’Afrique se compose de 54 pays qui ne connaissent pas un développement homogène. Les fruits de la croissance sont également très mal partagés : plus de la moitié de la population vit avec moins de 2,5 dollars par jour. Mais en parallèle, une classe moyenne évaluée à plus de 300 millions d’habitants est avide de consommation. Avec 650 millions d’abonnés 52 ACTEURS PUBLICS FÉVRIER 2014 #103
à la téléphonie mobile, le continent se place déjà devant l’Europe et les États-Unis ! Certes, l’Afrique représente à peine 4 % de la richesse mondiale. Mais elle en produira 7 % en 2030 et 12 % en 2050, d’après la Banque mondiale. Elle pèsera alors les deux tiers de la richesse des États-Unis et de l’Europe réunis. Parce qu’à 14 kilomètres de l’Europe, de l’autre côté de la Méditerranée, le continent « oublié », la « dernière frontière » des investisseurs internationaux, doublera sa population d’ici 2050 pour compter alors 2 milliards d’habitants. Et autant de consommateurs. Et la France pendant ce temps-là ? Sa part de marché s’estompe. Et son poids politique s’étiole, malgré les actions militaires actuelles au Mali et en Centrafrique. « La France a longtemps hésité entre indifférence et ingérence. Il faut que nous développions nos atouts », fustige le sénateur alsacien. Avec l’économie en objectif majeur. « L’Afrique est en croissance constante, ce qui est profitable à notre propre économie. Il suffit d’être là où il faut quand il faut pour saisir les opportunités », souligne Jean-Marie Bockel.
Ministère de plein exercice Dans ce but, la sixième priorité du rapport préconise de « moderniser » l’action publique, avec pas moins de 14 propositions. « Je propose un nouveau dispositif pour l’appareil d’État français avec un ministère du Développement international qui regroupe à la fois ce qui est aujourd’hui à la Coopération, donc aux Affaires étrangères, et à Bercy, où il y a des budgets très importants et des politiques quasi autonomes en matière de développement », détaille Jean-Marie Bockel. Créer un ministère de la Coopération de plein exercice, doté d’une administration propre, consisterait à revenir à ce qui existait avant la réforme Jospin de 1998. « Il ne s’agit pas de créer des moyens supplémentaires. L’époque ne le permet pas. Mais de concentrer, de mutualiser et de porter une action politique étatique plus forte et plus visible », justifie l’ancien ministre de la Coopération. Une réorganisation qui pourra demander jusqu’à dix ans, estiment les sénateurs… Même avec des moyens renforcés, un tel ministère devra batailler pour trouver sa place, entre les puissants ministères des Affaires étrangères et de l’Économie et des Finances, sans compter l’Élysée, qui a toujours son mot à dire sur les questions de développement et sur l’Afrique en particulier. « Les Britanniques ont été capables de le faire avec leur ministère des Finances et le Foreign office qui a au moins autant de traditions que le Quai d’Orsay. Et les Allemands l’on fait aussi, dans un système un peu différent. Donc c’est possible », assure le sénateur du Haut-Rhin.
CHRISTOPHE ENA/AP/SIPA
François Hollande accueille le Président du Burkina Faso, Blaise Compaoré, lors du Sommet de l’Élysée pour la paix et la sécurité en Afrique, le 6 décembre 2013.
RETOUR SUR UN PARCOURS ATYPIQUE
Auteur : Jean-Marie Bockel Éditeur : Alpharès Nombre de pages : 208 Prix : 18 €
Les critiques ont surtout retenu les portraits au vitriol de Bernard Kouchner et de Michèle Alliot-Marie dépeints par Jean-Marie Bockel dans Trajectoire plurielle, publié le 16 janvier aux éditions Alpharès. Le sénateur se défend d’avoir pris la plume pour régler des comptes, mais dit avoir souhaité s’expliquer sur son parcours atypique, qui l’a mené des rangs socialistes à la droite, comme ministre de Nicolas Sarkozy et aujourd’hui en tant que vice-président de l’UDI. L’ancien maire de Mulhouse s’attarde également sur son limogeage du ministère de la Coopération en mars 2008 pour avoir voulu signer « l’acte de décès de la Françafrique ».
Et à ce nouveau ministère du Développement international d’orienter et de négocier les programmes majeurs de l’Agence française de développement (AFD), l’autre grand chantier identifié par les sénateurs. « L’AFD est une réussite française, due en partie à un certain degré d’autonomie », explique Jean-Marie Bockel. Le rapport du Sénat propose d’aller plus loin et de renforcer les fonds propres de cet opérateur qui est le bras armé de l’État en matière de développement, de poursuivre les transferts de compétences opérationnelles amorcées depuis 1998, de supprimer le plafond des effectifs d’un organisme qui finance ses activités grâce à son résultat bancaire, d’imposer la tutelle unique du ministère de la Coopération, etc. Grâce à la capacité de l’AFD à générer des recettes par ses activités bancaires, cette évolution de l’institution vers plus d’autonomie ne coûtera pas un centime d’euro à l’État, assure le groupe de travail du Sénat.
LA SYNTHÈSE L’Afrique a un PIB en croissance de 5,5 % par an depuis les années 2000 Sa classe moyenne compte 300 millions de consommateurs Le continent produira 12 % de la richesse mondiale en 2050 contre 4 % aujourd’hui
Toutefois, cette nouvelle mécanique de l’action publique en matière de développement ne pourra fonctionner que si elle bénéficie de relais efficaces sur le terrain. Ce qui n’est pas vraiment le cas. Il faut « mettre fin à l’hémorragie des services économiques en Afrique », alerte le rapport. « Quand vous voyez le Mozambique en plein boom grâce à la découverte d’immenses gisements de gaz, ce n’est pas le moment de supprimer le conseiller économique dans ce pays au prétexte que nos intérêts économiques y sont moindres qu’en Côte-d’Ivoire », regrette le sénateur alsacien. Enfin, entre Ubifrance, les missions économiques, les CCI en France et à l’étranger, les conseillers du commerce extérieur, Oséo, la Coface, Pacte PME, etc., le rapport insiste pour que davantage de clarté et de coordination s’imposent dans le maquis des interlocuteurs publics français sur le continent africain. Une véritable révolution ! Jean-Michel Meyer
#103 FÉVRIER 2014 ACTEURS PUBLICS 53
SUR LE TERRAIN RÉGIONS
Les fonds européens seront mieux fléchés Les nouvelles exigences de la Commission européenne pour l’allocation des fonds structurels imposent aux régions une gouvernance extrêmement stricte appuyée sur une vision stratégique très fine de leurs atouts. Problème : la complexité du dispositif…
vos marques ! Prêts ?… Partez ! La nouvelle programmation des fonds structurels européens, portant sur la période 2014-2020, vient de s’ouvrir. Les dossiers d’investissements pourront donc être présentés dès la fin de l’été aux conseils régionaux. Car cette fois, ce sont les régions qui sont aux avant-postes, totalement ou presque. Comme dans la plupart des autres pays européens, elles ont enfin récupéré le rôle d’autorité de gestion de ces fonds, rôle pleinement assumé jusque-là, en France, par l’État. Une évolution somme toute logique pour une collectivité qui assume, depuis la première loi de décentralisation, la responsabilité du développement économique des territoires. Ce sont donc les régions qui vont assurer la gestion intégrale du Fonds européen de développement régional (Feder) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader). En revanche, elle ne gèreront qu’à 35 % le Fonds social européen (FSE), le gouvernement ayant in fine voulu conserver la haute main sur ce fonds dédié à l’emploi et à la formation pour financer sa coûteuse politique de l’emploi. En clair, l’État ne sort pas vraiment du jeu, contrairement à ce que certains avaient cru ou même seulement espéré. La Datar, ainsi que quelques ministères, comme celui de l’Emploi, assurent la coordination de ces fonds sur l’ensemble du territoire. Sans oublier que l’État assume le rôle d’interlocuteur privilégié de la Commission européenne, qui a exigé que chaque État, dans le cadre d’un document contractuel appelé « accord de partenariat », s’engage véritablement
À
54 ACTEURS PUBLICS FÉVRIER 2014 #103
sur les grandes orientations de l’utilisation des fonds européens. Un document nettement plus contraignant que l’ancien cadre de référence stratégique national (CRSN), que la France avait adopté en 2007. Un véritable contrat avec l’Europe, en somme. Néanmoins, même si l’État ne se désengage pas tout à fait, c’est au sein des conseils régionaux que s’opèrent désormais les grandes manœuvres. C’est le président de région qui négocie avec l’Europe son programme d’investissement pour les sept prochaines années, qui nécessite l’approbation de la Commission. Un programme là encore très contraignant, puisque les projets qui n’entreront pas dans ce cadre ne pourront plus bénéficier d’aides européennes. C’est encore le président de région qui recevra désormais les demandes d’aides des chefs d’entreprise et les transmettra à l’Europe.
Stratégie d’excellence Mais gare aux projets qui lui seront soumis : les exigences européennes pour consentir ses financements dans le cadre des fonds structurels sont plus grandes et plus ciblées que jamais. Avec la programmation 2014-2020, l’Europe a voulu marquer une rupture avec les pratiques passées, rupture nourrie par une vision du développement régional qui s’est beaucoup affinée avec le rapport Barca*. Plus question de financer des chapelets de ronds-points, des réfections d’églises ou d’improbables médiathèques ou espaces verts en pleine campagne : « Avec
STÉPHANE AUDRAS/RÉA
Les programmes d’investissement des conseils régionaux, pour lesquels ils sollicitent une aide de l’Europe, doivent cadrer strictement avec les exigences de la stratégie Europe 2020 définie par les États membres de l’Union européenne.
la programmation 2014-2020, les fonds européens sont désormais concentrés sur les facteurs de compétitivité de l’économie régionale et eux seuls », dit un membre de l’Association des régions de France (ARF). Et plus précisément sur la stratégie Europe 2020 – prononcez « Europe vingt vingt » –, la stratégie d’excellence définie par les membres de l’Union en mars 2010, axée sur le développement de l’innovation par la recherche, de la croissance verte et de l’emploi par la formation. Ce que la Commission a appelé une stratégie de croissance « intelligente, durable et inclusive. » Certes, il ne s’agit pas d’une rupture totale avec les pratiques en cours jusquelà. « Le changement de stratégie était perceptible dès la programmation 20002006, explique-t-on à l’ARF. Et le fléchage des fonds sur les objectifs de la stratégie de Lisbonne pour la croissance et l’emploi avait été amplifié dans la programmation 2007-2013. Mais cette fois, l’Europe a franchi un pas de plus : les fonds ne peuvent être employés que pour financer des projets s’inscrivant dans les objectifs Europe 2020. » Le fléchage revêt désormais un caractère impératif, obligatoire, et strictement contrôlé. « C’est une toute autre approche, si l’on pense à la politique de cohésion qui a prévalu en Europe pendant quinze ans, et qui visait à la fois à aider les nouveaux entrants à combler leur retard de développement et les zones rurales en déclin à mener leur reconversion », explique Marjorie Jouen, conseillère à la fondation Notre Europe et grande spécialiste de la mécanique des fonds européens.
Même si le changement de cap vers la compétitivité date en vérité de l’an 2000. Dès la programmation précédente, 2007-2013, à la suite de la stratégie de Lisbonne qui fait émerger « la recherche de l’excellence » comme nouvel objectif, les régions se devaient d’avoir une « stratégie régionale d’innovation ». « Elles s’y sont d’ailleurs toutes pliées », assure-t-on à l’ARF.
Logique de résultat Seulement, ces stratégies ont eu des mailles trop larges, leur permettant d’orienter les fonds européens sur des investissements au retour douteux. Ce qui a conduit l’Europe à définir le concept de « région en transition » et surtout à nettement resserrer ses exigences vis-à-vis des régions, invitées à définir de manière rigoureuse leurs avantages compétitifs respectifs, pour fixer une « Smart Specialization Strategy », alias S3. En un mot, dit aujourd’hui l’Europe aux régions, « concentrez toutes vos ressources sur les secteurs où vous avez un avantage comparatif clair ». Relisez l’économiste David Ricardo**… Et croisez de la manière la plus fine possible cette analyse sectorielle et votre diagnostic territorial, sur les grands indicateurs macro-socioéconomiques. S’il y a une révolution dans la programmation qui s’ouvre aujourd’hui en Europe, elle est là : dans l’obligation faite aux régions de se doter d’une stratégie microéconomique pour leur territoire qui soit pertinente. Une révolution qui, si elle est menée à la lettre, devrait imposer une stricte gouvernance des fonds : « Après #103 FÉVRIER 2014 ACTEURS PUBLICS 55
SUR LE TERRAIN I RÉGIONS
QUI EST ÉLIGIBLE AUX FONDS STRUCTURELS ? Pour qu’aucune région ne se désintéresse de la politique de cohésion européenne, la Commission a voulu que toutes puissent en bénéficier, même si le montant des aides reçues dépend du niveau de développement et de compétitivité de chacune. Même les régions riches peuvent y prétendre, pour peu qu’elles aient des poches de pauvreté, comme l’Île-de-France avec les départements de la Seine-SaintDenis, du Val-de-Marne et du Vald’Oise, la cohésion étant évaluée entre régions comme au sein d’une même région. Le seul fonds auquel la France n’est pas éligible est le fonds de cohésion.
« LES RÉGIONS VONT DEVOIR PRÉSENTER DES OBJECTIFS DE RÉALISATION ET MONTRER À L’EUROPE COMMENT ELLES VONT Y ARRIVER EN S’APPUYANT SUR LEURS SECTEURS LES PLUS FORTS. »
avoir posé un diagnostic de leurs problèmes, les régions vont devoir présenter des objectifs de réalisation, comme par exemple une baisse chiffrée du taux de pauvreté, et montrer à l’Europe comment elles vont y arriver en s’appuyant sur leurs secteurs les plus forts », résume Marjorie Jouen. Vaste programme…
Emballage marketing Car si la définition de leur 3S les a toutes conduites à établir leurs priorités, en sélectionnant quelques domaines d’excellence, et à les croiser avec leur diagnostic territorial, les régions doivent encore se fixer des objectifs chiffrés en fonction des 11 objectifs thématiques qui composent la stratégie Europe 2020, objectifs sur lesquels elles devront tôt ou tard rendre des comptes à la Commission. « L’Europe se montre désormais très exigeante non seulement sur les procédures, sur leur capacité à faire ce qu’elles [les régions] annoncent, mais aussi sur ce que l’argent donné a permis de réaliser et sur ce que cela a donné comme résultat, explique Marjorie Jouen. Aussi, les régions vont-elles devoir mesurer la performance de leurs dépenses dans une logique de résultat à laquelle elles ne sont pas toujours habituées. » Enfin, les régions doivent identifier les fonds qu’elles peuvent solliciter et s’adresser à la bonne direction à la Commission. Pour, dès l’été prochain, commencer à choisir ceux qui, parmi les chefs d’entreprise de la région, bénéficieront dans les sept prochaines années de leur soutien et de celui de l’Europe. Puisqu’à chaque euro d’aide publique apporté par l’Europe, la région devra en apporter autant de 56 ACTEURS PUBLICS FÉVRIER 2014 #103
Marjorie Jouen, conseillère à la fondation Notre Europe
son côté. On le voit, l’objectif de simplification qu’avait claironné la Commission en soumettant tous les fonds territoriaux à un même règlement général défini en 2011 est plus que jamais un vœu pieux ! En tous cas, ce redoutable casse-tête européen pour les régions n’est guère plus lisible pour les chefs d’entreprise aux prises avec la réalité du terrain. « Les porteurs de projet qui vont solliciter des fonds sont très éloignés de ce cadre d’exigences », explique, un brin sceptique, David Duval de l’ARF. Il ne leur reste qu’à concevoir autour de leur projet un emballage marketing bien ficelé, histoire de le faire entrer dans les clous d’Europe 2020. Pour cela, ils trouveront sans peine l’aide d’un expert chevronné, une kyrielle d’anciens banquiers d’affaires et de consultants s’étant créé une spécialité de la chasse aux fonds européens. Mais « le dispositif est si complexe que beaucoup se découragent et préfèrent y renoncer », dit le géographe François Taulelle, de l’université Jean-FrançoisChampollion, à Albi. Valérie Segond * « An Agenda for a Reformed Cohesion Policy », Fabrizio Barca (directeur général au ministère italien de l’Économie et des Finances), publié en avril 2009. ** Théoricien de l’avantage comparatif au XIXe siècle, auteur des Principes de l’économie politique et de l’impôt (1817).
SUR LE TERRAIN RÉORGANISATION
Le mégaréseau scientifique des territoires Né de la fusion, en janvier, de 11 organismes publics des ministères de l’Écologie et de l’Égalité des territoires, le Cerema est le nouvel interlocuteur des collectivités en matière d’expertise scientifique. Sa stratégie doit être affinée.
nze directions et établissements publics fusionnés en une seule structure. Le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) est officiellement né le 1er janvier pour piloter les principaux services d’expertise technique des ministères de l’Écologie et de l’Égalité des territoires. Un « monstre » administratif placé sous la double tutelle de ces deux ministères et qui regroupe 3 100 agents, répartis dans une trentaine d’implantations pour un budget de 250 millions d’euros. Dans le détail, le Cerema, c’est le regroupement de 8 centres d’études techniques de l’équipement, les « Cete », qui deviennent des « directions territoriales ». Ces bureaux d’études et d’ingénierie publique fournissent des prestations de conseils et d’assistance à maîtrise d’ouvrage en matière d’urbanisation et d’infrastructures. Ces 8 Cete fusionnent avec le Centre d’études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques (Certu), le Centre d’études techniques, maritimes et fluviales (Cetmef) et le service d’études sur les transports, les routes et leurs aménagements (Setra). Pour résumer, Cerema = Cete + Certu + Cetmef + Setra. Moins de sigles barbares pour un nouveau « monstre » administratif et scientifique chargé de piloter ou d’accompagner les services de l’État et les collectivités
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58 ACTEURS PUBLICS FÉVRIER 2014 #103
locales sur des projets de transport, de voirie ou d’ouvrages d’art. La fusion était envisagée depuis déjà plusieurs années et paraissait logique, tant les ingénieurs des différents établissements et directions menaient des actions complémentaires sur tous ces sujets. Elle visait initialement à regrouper les 8 Cete en une seule entité. Le projet n’ayant jamais été mené à son terme, seules les missions de ces centres ont été redéfinies en 2008, dans le cadre d’un plan d’évolution visant à élargir leur champ d’intervention au-delà du domaine routier. Un premier virage rendu définitif par le transfert des routes aux conseils généraux en 2004 et par les orientations tirées du Grenelle de l’environnement quatre ans plus tard.
Projet réactualisé par NKM Depuis 2008, les effectifs des centre techniques de l’État ont reculé à toute allure dans le cadre de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) et de la Réforme de l’administration territoriale de l’État (Réate). « Les Cete servaient de variable d’ajustement pour rendre des postes, d’où une situation très anxiogène pour les agents », se souvient Freddy Hervochon (CFDT). En 2011, la ministre
de l’Écologie Nathalie Kosciusko-Morizet réactualise le projet de fusion des organismes scientifiques du ministère. Un préfigurateur est nommé pour piloter ce lourd chantier, Bernard Larrouturou. Cet X-Ponts, devenu aujourd’hui le patron du Cerema, est alors chargé – une mission qui se poursuit aujourd’hui – de réfléchir à « la stratégie, aux missions et au périmètre » du futur organisme. Les consultations s’enchaînent. Si le Certu se montre hésitant, les Cete et le Setra offrent moins de résistance. « Le Cerema était une nécessité », affirme Éric Le Guern, ex-directeur du Setra, qui met en avant le lien existant sur le territoire entre ces entités. Même les syndicats, un temps réfractaires, sont partants. « Sinon, ces services auraient continué de subir les effets de la suppression de l’ingénierie publique concurrentielle et des réductions d’effectifs », estime Philippe Garcia (CGT Équipement). Il faut tout de même deux protocoles pour que l’ensemble des représentations syndicales avalise les choix de la ministre et de son cabinet. L’enjeu des négociations : l’avenir des agents, sur lequel veillent de très près les syndicats, et le statut du futur organisme. Service central ou établissement public ? Entre les deux, les parties hésitent avant de trancher finalement en faveur d’un établissement public. Si l’alternance politique du printemps 2012
et l’arrivée de Delphine Batho à la tête du ministère retardent quelque peu le processus, la fusion n’est pas remise en question.
Recul de l’État Avec le statut d’établissement public, une partie du réseau scientifique du ministère est certes amaigrie, mais il est préservé dans la sphère de l’État. Une perspective qui réjouit Yves Krattinger, président PS du conseil général de Haute-Saône, qui a suivi pour l’Assemblée des départements de France le dossier de bout en bout. Une nécessité : les départements, mais aussi les villes petites et grandes ont eu recours à l’expertise de l’État et de son réseau technique. Imaginer une rocade, construire un rond-point ou penser l’aménagement des entrées de villes : partout l’État mettait sa pierre à l’édifice, produisant au passage quantité de guides techniques pour les collectivités. Un réseau indispensable, souligne Yves Krattinger. Sans lui, les collectivités seraient impuissantes à mener certains projets. Certes, la décentralisation a rebattu les cartes. Et les grandes collectivités ont compensé le recul de l’État en créant des agences techniques, notamment au #103 FÉVRIER 2014 ACTEURS PUBLICS 59
CACCHIA/SIPA
Les routes ont constitué le plus gros de l’activité des services de l’État avant le transfert aux départements, en 2004, d’une grande partie du domaine routier.
SUR LE TERRAIN I RÉORGANISATION
Les techniciens du Cerema apportent une grande expertise dans l’aménagement urbain, tout comme pour la construction d’ouvrages d’art.
LE CEREMA, C’EST…
3 100 AGENTS
11 SERVICES FUSIONNÉS, DONT 3 DIRECTIONS TECHNIQUES ET 8 DIRECTIONS TERRITORIALES
29 SITES RÉPARTIS DANS 26 DÉPARTEMENTS
17 LABORATOIRES DE RECHERCHE
niveau des conseils généraux. Des antennes départementales qui accueillent dans leurs rangs bon nombre d’ingénieurs issus de l’État. En ce sens, le retard à l’allumage du Cerema, une création supervisée par trois ministres en quelques mois, aurait aussi pu amplifier les départs des agents de l’État, inquiets pour leur avenir. Pour mémoire, le Cerema devait voir le jour, selon le calendrier fixé dans le premier protocole, le 1er janvier 2013. Un décalage qui n’a toutefois pas engendré de fuite massive des cerveaux du ministère, à en croire bon nombre d’observateurs. La grande majorité a fait le choix de rester dans le giron de ce nouvel établissement dont une partie de l’activité sera orientée vers les besoins des collectivités. Mais dans quelle proportion ? On ne le sait pas encore. Les agences techniques des conseils généraux devraient être un interlocuteur privilégié du Cerema. De leur côté, les plus petites communes pourraient trouver avec cette nouvelle instance un bon relais pour assurer les missions d’assistance 60 ACTEURS PUBLICS FÉVRIER 2014 #103
technique (Atesat) qui ont été délaissées par les services de l’État. Parce que les ministères de l’Écologie et de l’Égalité des territoires peinent à établir une doctrine claire en matière d’interventions dans les territoires, le service rendu par l’État se fait un peu à la carte, ce qui désole bon nombre d’élus. Le Cerema permettra-t-il alors de combler les attentes des petites collectivités dans le besoin ? Pas sûr. « C’est encore un peu le flou », admet un haut cadre du ministère de l’Écologie. Il est pourtant écrit noir sur blanc, concernant le champ de compétence du Cerema : « Assurer, dans le cadre de la solidarité nationale, des missions d’assistance aux collectivités territoriales, à la demande d’un service de l’État. » Mais il ne faut pas espérer un quelconque retour en arrière, aux belles heures où l’État était à la disposition des collectivités. « Nous ne sommes pas là pour réinventer l’ingénierie publique concurrentielle », assène Éric Le Guern, l’ancien patron du Setra. « Le Cerema n’est pas une réponse directe à la réforme de l’Atesat, mais
SEVGI/SIPA
SUR LE TERRAIN I RÉORGANISATION
DES AGENTS EN PERTE DE MOBILITÉ « Avec le Cerema, il sera plus difficile de demander une affectation au sein d’un autre service déconcentré du ministère en région », estime Gérard Costil, de la Fets-FO. En cause : la création d’un budget propre au Cerema. Le nouvel établissement gère désormais ses effectifs en lieu et place des Dreal. Autrefois responsables de programme budgétaire, ces directions régionales du ministère de l’Écologie devront respecter leur plafond d’emploi à l’unité près. Confrontées aux baisses d’effectifs ministériels, les Dreal mettront des barrières, réservant leurs postes aux agents relevant de leurs zones de gouvernance. Un agent du Cerema en poste à Lyon qui voudrait rejoindre la direction régionale Rhône-Alpes ou la direction des territoires du Rhône aura, par exemple, beaucoup de mal demain à concrétiser sa mobilité même si cela est cohérent avec son parcours professionnel. « On balkanise la gestion RH », conclut un fonctionnaire sous couvert d’anonymat.
c’est un moyen d’apporter aux collectivités une autre forme de soutien », affirme Bernard Larrouturou, l’ancien préfigurateur devenu directeur. En clair, les directions interministérielles du territoire seront le premier interlocuteur des petites collectivités et le Cerema interviendra en appui ou en back-office, le cas échéant.
Deux ans à moyens constants Mais tout cela reste à affiner. Une chose est sûre : le Cerema ne sera pas cantonné à cette mission de solidarité. La lecture des alinéas du décret du 27 décembre 2013 le prouve. « Construire la doctrine », « diffuser les bonnes pratiques », « concourir à l’élaboration de normes techniques »… Telles seront plus largement les missions conduites par les 3 000 agents du Cerema. « Nos approches territoriales, très centrées sur l’urbain et les grandes métropoles, vont s’élargir aux territoires ruraux et périurbains », prédit Christian Curé, directeur de
l’ex-Certu. Les moyens seront-ils à la hauteur de l’ambition affichée dans les textes ? La question est pour l’heure en suspens. L’ensemble de ces missions sera accompli à moyens constants durant deux ans, selon l’engagement arrêté dans le protocole signé avec les représentants syndicaux. Mais après 2015, l’avenir reste à écrire, et il est à parier que le Cerema, comme d’autres établissements, n’échappera pas aux restrictions budgétaires. D’ici là, des choix stratégiques clairs devront être arrêtés. « Ils devraient l’être très prochainement, avec l’aval des représentants des collectivités », affirme Bernard Larrouturou. Car c’est l’une des particularités du Cerema : le statut d’établissement public ouvre les portes du conseil d’administration et des instances de gouvernance – comité d’orientation et conseil stratégique –, aux élus locaux, qui ne devraient pas manquer de solliciter son intervention auprès des collectivités. Xavier Sidaner
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SUR LE TERRAIN INSERTION
La garantie jeunes en « missions » Un nouveau dispositif est expérimenté pour faire reculer le chômage des jeunes adultes dans une dizaine de territoires. Les conseillers des missions locales doivent s’adapter. ncore un dispositif pour les jeunes ! Après les emplois aidés – contrat unique d’insertion, contrat d’avenir… –, les moins de 25 ans bénéficient depuis le début du mois d’octobre d’un nouveau contrat d’accompagnement destiné à favoriser leur entrée sur le marché du travail : la garantie jeunes. Prévu par le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, ce dispositif s’adresse à des adultes sans emploi ni formation en situation de grande précarité. La garantie jeunes est aujourd’hui expérimentée dans 10 territoires choisis après un appel à projets et retenus par le ministère du Travail pour leur savoir-faire en matière d’insertion sociale. Si l’initiative est louable sur le fond, sa mise en œuvre n’est pas si simple. Dans les missions locales, on parle d’un dispositif « d’accompagnement renforcé vers l’emploi et l’autonomie », la formule avancée par le ministère pour prévenir toute confusion avec le revenu de solidarité active (RSA). Certes, l’accompagnement prévoit une allocation équivalente au RSA versée pendant douze mois par les services de la préfecture. Mais la comparaison, dit-on, s’arrête là. Formalisée par un contrat d’engagement signé entre le jeune, l’État et les missions locales, la « garantie » est « avant tout conçue comme un levier vers l’emploi », souligne Serge Esteban, directeur de la mission locale de Carcassonne (Aude).
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Suivi personnalisé À écouter ce directeur, cette nouvelle stratégie d’intervention a, semble-t-il, dans un premier temps quelque peu perturbé les acteurs sociaux. Ce n’est donc pas un hasard si Jean-Marc Ayrault a adressé un message de soutien aux missions locales le 24 janvier, soulignant à quel point « il est compliqué d’aller chercher les jeunes les plus en difficultés ». Pôle emploi, les services de la protection judiciaire, etc., chacun a sa propre approche de l’insertion. Daniel Iché, président
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du centre intercommunal d’action sociale de Carcassonne, reconnaît ainsi qu’il a fallu « un certain temps » pour assimiler les contours et les objectifs de la garantie jeunes. Elle entraîne un « bouleversement du métier des conseillers des missions locales », prolonge Laurent Gaillourdet, directeur de la mission locale de Bobigny, en Seine-Saint-Denis. Les conseillers des missions locales, formés aux nouveaux outils pédagogiques d’accompagnement, suivent les jeunes durant six semaines via des groupes de travail collectif. Au programme : remise à jour des compétences clés et définition des profils professionnels des uns et des autres sur la base de leur savoir-faire. Des modules qui doivent les aider en amont à mieux se connaître pour mieux pouvoir « se vendre » auprès des chefs d’entreprise. À ces ateliers de groupes s’ajoute un suivi très régulier du jeune par l’un des conseillers de chaque mission locale. Ces conseillers leur consacrent la totalité de leur activité pour, là encore, faire naître et appuyer leur projet professionnel. « Ce lien avec l’entreprise est nouveau pour nos agents », précise Laurent Gaillourdet. De nouvelles tâches qui imposent de former les personnels, voire d’en recruter de nouveaux. À cela s’ajoutent encore des contraintes matérielles telles que la location de nouveaux locaux ou l’achat de fournitures (ordinateurs…). Ce qui explique pourquoi toutes les missions locales ne sont pas encore opérationnelles. Les contraintes sont variables selon le nombre de jeunes à prendre en charge. Le gouvernement s’est fixé un objectif de 20 000 jeunes couverts par le dispositif et répartis sur chacune des missions locales en fonction de critères purement statistiques. Si Carcassonne doit intégrer environ 166 jeunes, Bobigny devra en accueillir 450. « On s’est organisés en fin d’année pour se mettre en ordre de marche », affirme le directeur de Bobigny, Laurent Gaillourdet. Une mission délicate pour ses 7 conseillers, qui vont gérer une quarantaine de jeunes. Xavier Sidaner
Le gouvernement s’est fixé un objectif de 20 000 jeunes couverts par le dispositif de la « garantie jeunes » dans les 10 territoires pilotes.
DR
Mises à part l’Allemagne et l’Autriche, où les taux plafonnent respectivement à 7,7 % et 8,7 % – les niveaux les plus faibles –, le chômage des jeunes est très élevé partout en Europe. Et plus particulièrement en Espagne, en Italie et en Grèce, où plus de la moitié des moins de 25 ans sont sans emploi. Avec 26 % de jeunes sans emploi, la France se situe entre ces deux extrêmes. Des pays qui espèrent bénéficier des 6 milliards d’euros promis par Bruxelles lors du sommet européen de novembre dernier pour les aider à financer leurs politiques de soutien à l’emploi. La France entend ainsi bénéficier de plusieurs centaines de millions d’euros alloués aux régions les plus touchées. Une partie de ces fonds devrait participer au financement de la garantie jeunes, via le Fonds social européen (FSE).
NICOLAS TAVERNIER/RÉA
L’AIDE DE BRUXELLES
HAMILTON/RÉA
« LA GARANTIE JEUNES ENTRAÎNE UN BOULEVERSEMENT DU MÉTIER DES CONSEILLERS DES MISSIONS LOCALES. » À gauche, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, lors d’une visite à la mission locale de Bondy, en Seine-Saint-Denis.
Laurent Gaillourdet, directeur de la mission locale de Bobigny
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SUR LE TERRAIN SANTÉ
Un plan Cancer contre les disparités territoriales Le combat contre les inégalités territoriales face à la maladie est au cœur des nouvelles mesures du plan Cancer 2014-2018. Un traitement de choc qui fait passer la prévention et le dépistage au premier plan et repositionne l’Institut national du cancer (Inca) par rapport aux agences régionales de santé.
e top départ du 3e plan Cancer, qui devait être donné début février par François Hollande, met l’accent sur la prévention et le dépistage en insistant sur la lutte contre les inégalités et la nécessité d’une organisation plus simple et plus fluide des soins. Une feuille de route fixée jusqu’en 2018. « Des objectifs qui ne resteront pas des vœux pieux », promet le professeur Jean-Paul Vernant, hématologue à l’université Pierre-et-Marie-Curie, auquel le président de la République a confié la préparation et la mise en œuvre de ce plan de bataille qui doit simplifier et renforcer l’efficacité des prises en charge. Ce nouveau plan, copiloté par les ministères de la Santé et de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, doit aussi remettre un peu d’ordre dans les prises de décision et faciliter les coordinations. L’institut national du cancer (Inca), imaginé lors des états généraux du cancer lancés par Lionel Jospin en 1999 et voulu par Jacques Chirac en 2004, est sur le point de reprendre les commandes en assurant un pilotage national. « Nous voulons sortir du malaise par rapport aux structures dédiées aux cancers qui avaient plus ou moins pris leur autonomie, qu’il s’agisse des cancéropôles, des réseaux régionaux, des structures de gestion dans lesquelles l’Inca n’avait plus son rôle depuis l’arrivée des agences régionales de santé », détaille le professeur Agnès Buzyn, présidente de l’Inca. Pour harmoniser les pratiques, les missions et les résultats de la prise en charge des cancers sur le territoire, l’Inca s’appuie, entre autres, sur un travail étroit avec les réseaux. « La façon dont les ARS [agences régionales de santé, ndlr] se sont emparées de la coordination de la prise en charge des cancers
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conduit à l’hétérogénéité aujourd’hui constatée », déplore Agnès Buzyn. C’est précisément l’équation que ce 3e plan veut résoudre, tant les disparités sont devenues étonnantes. Pour mettre un peu d’huile dans les rouages, Jean-Paul Vernant a imaginé la création d’un niveau intermédiaire afin de mieux articuler les réseaux régionaux et territoriaux. Un rôle de synchronisation qui pourrait revenir aux 7 cancéropôles qui ont su tisser des liens avec les collectivités territoriales engagées dans le soutien de la recherche et sa valorisation. Cette articulation interrégionale des réseaux devra rapidement apporter la preuve de son efficacité pour convaincre les professionnels, qui attendent des solutions concrètes, attentes clairement exprimées dès le 4e congrès national des réseaux de cancérologie, le 21 novembre dernier.
Délais de prise en charge variables Le professeur Jean Lacau Saint Guily, président d’Oncorif, le réseau régional de cancérologie d’Île-de-France, estimait par exemple que « les réseaux doivent continuer à faciliter le retour à la vie, limiter le recours à l’hospitalisation, anticiper les sorties, mais aussi faciliter le retour à l’hôpital lorsque cela s’impose, et les établissements hospitaliers qui n’ont pas encore parfaitement intégré le fonctionnement des réseaux doivent en devenir partie prenante ». Car les incompréhensions aboutissent à de curieuses disparités régionales en matière de délais de prise en charge et c’est précisément ce à quoi s’attaque le nouveau plan.
IAN HANNING/RÉA
Le 3e plan Cancer met l’accent sur la nécessité de développer les politiques de prévention, comme les programmes de dépistage du cancer du sein.
Le délai d’accès au diagnostic en cas de suspicion d’un cancer du côlon permet à lui seul de prendre conscience des écarts actuels. En Auvergne et en MidiPyrénées, les patients sont fixés en l’espace de trois jours, mais en Lorraine, ils doivent patienter plus de dix jours en moyenne pour bénéficier des examens qui en permettent le diagnostic. Ces différences se creusent encore davantage au niveau du délai d’attente pour bénéficier de l’intervention chirurgicale rapidement indiquée dans ce type de cancer, programmée, selon les régions, en moins de deux semaines ou en plus d’un mois. Si les deux premiers plans Cancer ont instauré une forme d’équité au niveau de la qualité des soins, ce nouveau plan cible donc les inégalités territoriales qui se creusent à l’entrée et à la sortie du système de soins. Malgré des situations territoriales très différentes pour les principaux facteurs de risque que constituent le tabac, l’alcool ou la nutrition, les inégalités en matière de prévention sont pour la première fois mentionnées dans un plan. Les ARS et les acteurs centraux de lutte contre les inégalités territoriales seront plus clairement mis à contribution. L’équation de la prévention reste complexe, mais les milieux scolaires et la médecine du travail sont appelés à prendre toute leur part pour aller à la rencontre des publics à risque ou les plus fragiles. D’abord, la prévention dite primaire, qui s’appuie sur les deux instruments majeurs que sont l’information et l’épidémiologie, sera encouragée, notamment à travers le renforcement de campagnes de dépistage systématique en particulier pour les cancers du sein et du côlon.
La lutte contre le tabac dans les écoles devra par exemple être constamment relancée en passant d’une prévention prescriptive fondée sur les interdictions à une prévention éducative et les collectivités territoriales doivent jouer plus concrètement leur rôle dans ce domaine. Mais le plan insiste aussi sur la nécessité d’inciter les publics les moins avertis, au premier rang desquels les femmes non participantes ou économiquement défavorisées, à s’inscrire dans les programmes de dépistage du cancer du sein. La suppression du reste à charge pour les examens complémentaires suivant une mammographie réalisée dans le cadre du dépistage organisé est envisagée. Des solutions sont avancées, mais les services de l’État sont aussi invités à peaufiner leur organisation pour relever ces nouveaux défis.
Vers un « choc de prévention » De nombreuses collectivités territoriales ont mis en place des structures de proximité de type « ateliers santé ville » (ASV) ou des centres de santé, appelés à travailler ensemble de façon plus visible et plus structurée. Des initiatives prometteuses qui doivent encore développer plus de liens avec les médecins généralistes pour simplifier les parcours et l’organisation des dépistages. Liliane Cappelle, adjointe au maire de Paris, chargée des seniors et du lien intergénérationnel, qui multiplie les « accueils cancer » dans la capitale, l’a déjà compris : « Nous allons ouvrir ces centres de ressources aux médecins libéraux, pour aider les professionnels dans leurs recherches de solutions ou de structures de prise en charge pour leurs patients », confie-t-elle. #103 FÉVRIER 2014 ACTEURS PUBLICS 65
PHILIPPE HUGUEN/AFP
SUR LE TERRAIN I SANTÉ
Dr Éric Bauvin, président de l’Association des coordinateurs de réseaux en cancérologie (Acoresca) 66 ACTEURS PUBLICS FÉVRIER 2014 #103
Ces structures innovantes font partie des efforts à poursuivre, comme le Haut Conseil de santé publique le mentionnait dans un avis rendu l’an dernier : « Ce dispositif impulsé au niveau national, les ASV implantés au niveau communal ou intercommunal dans le cas d’une approche territoriale des problèmes de santé jusqu’à l’échelle d’un quartier permettent de développer des programmes de santé publique en s’appuyant sur des dynamiques et des réseaux d’acteurs locaux. » DR
« Nous disposons d’excellents réseaux régionaux et territoriaux qui sont encore appelés à évoluer. Ce nouveau plan Cancer est une occasion unique de faire un diagnostic territorial et d’accompagner localement l’évolution des différentes structures existantes qui s’articulent bien. Nous avons besoin que toutes les agences régionales de santé investissent les réseaux régionaux de cancérologie et nous attendons une impulsion claire au niveau national, y compris en termes de financement. Les réseaux apportent des solutions concrètes et deviennent les opérateurs de ce plan, mais les enveloppes qui les financent ne sont plus fléchées dans les fonds d’investissement régionaux et la grande liberté laissée aux ARS dans l’utilisation de ces enveloppes ne nous rassure pas vraiment. Car pour qu’un réseau joue pleinement son rôle dans la dynamique du premier recours partout en France, les seuls moyens humains ne suffisent pas. »
500 décès par jour Malheureusement, en dehors de quelques expérimentations, le professeur Vernant estime que ces structures restent à l’heure actuelle peu mobilisées autour de la prévention ou de l’incitation à la participation aux dépistages organisés. Il est pourtant grand temps de coordonner des actions phares dans ce domaine. Chaque année, un cancer est découvert chez plus de 350 000 personnes et 500 en meurent chaque jour. Le risque de mourir d’un cancer entre 30 et 65 ans est deux fois supérieur chez les ouvriers par rapport aux cadres et aux professions libérales. Des inégalités auxquelles s’ajoute une hétérogénéité d’approches territoriales que ce plan ambitionne de corriger d’ici 2018. L’annonce présidentielle de la réduction de ces inégalités face au cancer devient donc une priorité nationale pour faciliter aussi le quotidien des malades, dont le parcours de soins ne doit plus être celui du combattant. Désormais, un patient sur deux survit à son cancer et c’est aussi le retour à la vie quotidienne, au travail, à la capacité de contracter un emprunt, l’accès aux assurances qu’il faut être en mesure de faciliter. Un accueil individualisé des enfants qui ont manqué l’école pour suivre un traitement est également au programme et il appartient aux décideurs publics de veiller à la bonne mise en œuvre de ces mesures pour limiter les pertes de chances… dans tous les domaines. Laurence Mauduit
LE CLUB DES ACTEURS DE LA SANTÉ PUBLIQUE Un Club de la rédaction d’Acteurspublics pour associer experts et observateurs à la réflexion sur la rénovation du secteur de la santé et des affaires sociales Pour toute information sur le Club Santé publique et ses activités, contactez Bastien Brunis au 01 46 29 29 24 ou par e-mail : bbrunis@acteurspublics.com
LE CLUB DES ACTEURS DE LA PERFORMANCE PUBLIQUE
RENCONTRE
ÉCHANGE D’EXPÉRIENCE
Le Club organise tout au long de l’année des rencontres informelles entre ses membres et des acteurs publics de premier plan.
En toute indépendance, acteurs et observateurs de premier niveau y débattent du contenu et des effets de l’action publique.
RETROUVEZ LE CLUB DES ACTEURS DE LA PERFORMANCE PUBLIQUE sur club.acteurspublics.com LES MEMBRES DU CLUB
ACTION Véritable laboratoire où s’analysent les initiatives d’aujourd’hui et les stratégies de demain, le Club est une base pour l’action. VOTRE CONTACT : BASTIEN BRUNIS AU 01 46 29 29 24 BBRUNIS@ACTEURSPUBLICS.COM
LA PAROLE AUX EXPERTS
Retrouvez chaque mardi les tribunes des membres du Club des acteurs de la performance publique dans La Newsletter d’Acteurs publics et sur www.acteurspublics.com La plus jeune des trois types de fonctions publiques, la territoriale, née en 1982, a régulièrement évolué au fur et à mesure des réformes de l’État et de ses collectivités,
FTP : NOUVELLES COMPÉTENCES, NOUVEAUX BESOINS
Concur, leader mondial des services intégrés de gestion des frais professionnels, rejoint le Club des Acteurs de la performance publique. Dans un contexte de maîtrise des dépenses publiques et de dématérialisation, Concur permet d’optimiser la gestion des dépenses liées aux déplacements des agents. Ainsi depuis 2011, la solution Concur est déployée dans le cadre d’un projet interministériel piloté par l’Agence pour l’informatique financière de l’État (AIFE) auprès de tous les ministères, ce qui représente près de 2 millions d’états de frais par an, collectivités et établissements publics rejoignant progressivement la démarche. Concur sera représenté par Bruno Sireyjol, directeur commercial France. Pour en savoir plus sur Concur : http://www.concur.fr
FRED MARVAUX/RÉA
lui donnant de nouveaux visages et compétences. À la veille de la mise en œuvre d’un éventuel « acte III de la décentralisation », quelles sont les lignes de force qui peuvent être identifiées pour ces métiers ? Alors que le pouvoir administratif cherche à se rapprocher toujours plus des citoyens, les collectivités locales éprouvent encore des difficultés à recruter. Les DRH évoquent spontanément le manque de candidatures pour les postes (18 %) et les « profils non adaptés aux postes » (17 %) pour expliquer leurs freins à l’embauche. Pourtant, nombreux sont les nouveaux profils à pourvoir. Le poste de « chargé de communication » s’est systématisé dans les années 2000 dans les villes de plus de 50 000 habitants, de même que la recherche de profils TIC avec l’effort de numérisation de l’administration engagé par les collectivités. L’acte III de la décentralisation, qui redistribuera les compétences entre les collectivités territoriales et placera la région en tant que cheffe de file économique, devrait simplifier les besoins. En tant que gestionnaires d’une partie des fonds européens, selon la promesse du chef de l’État en 2012, leurs besoins en gestionnaires de projets devraient augmenter à partir de 2014. De plus, la gestion de la politique des transports par les échelons locaux (région et département) entraîne des besoins dans un domaine autrefois réservé aux services de l’État ou aux entreprises publiques. La numérisation de la vie publique et les nouvelles compétences des collectivités locales sont les deux vecteurs centraux des changements dans la fonction publique territoriale. Loin d’être figée, cette catégorie de l’emploi public est au contraire aujourd’hui au centre des évolutions des missions de l’administration. Gilles Cavallari, directeur général de Monster France, Espagne, Belgique et Luxembourg Gilles.cavallari@monster.fr Candidats et recruteurs du secteur public se retrouvent sur http://public.monster.fr/
La Dila et le G-Cloud Avec l’expérimentation interministérielle menée par la Dila en lien avec la Disic, le cloud est devenu une réalité au sein l’administration en France. Cette initiative de modernisation des infrastructures techniques de l’État, à laquelle Accenture a contribué, est une première brique permettant de répondre aux besoins croissants de l’administra-
tion en matière de services numériques. Pour Nicolas Monsarrat, responsable « Europe » du conseil en technologie pour les services publics d’Accenture, « le moment est venu de faire du G-Cloud une réalité plus forte qui aidera l’administration à rationaliser ses opérations et à fédérer ses ressources ».
MAGANN/ FOTOLIA
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Concur, nouveau membre du Club
#103 FÉVRIER 2014 ACTEURS PUBLICS 69
LA PAROLE AUX EXPERTS
TKACCHUK/FOTOLIA
LA POSTE SLOVÈNE, OPÉRATEUR DE « CLOUD COMPUTING » Comme dans de nombreux autres pays, le volume des envois postaux subit une décroissance inexorable. Pour compenser cette perte de revenus dans son cœur de métier, la poste slovène a fait le pari de développer de nouveaux services. Son patron, Boris Novak, déclare : « Nous avons l’objectif ambitieux de devenir un acteur majeur dans le domaine des services informatiques en Slovénie, et dans les pays voisins. » La décision a été prise en juillet dernier d’ouvrir des services de cloud computing à destination des petites et moyennes entreprises slovènes dans un premier temps, puis vers des entreprises plus importantes – privées et publiques. La poste dispose d’avantages indéniables pour réussir ce pari. C’est un acteur évidemment crédible et reconnu, disposant d’une importante base naturelle de clients potentiels pour des services de cloud, qui plus est, délivrés depuis des data centers sur le territoire national, argument important pour la souveraineté des données de ses clients. Les premiers services proposés par la poste seront de l’infrastructure as a service (fourniture de puissance de calcul, d’espace de stockage à la demande, facturés à l’usage). Mais la poste fait également le pari d’attirer sur sa plate-forme de cloud un grand nombre d’éditeurs de logiciels locaux, qui pourront développer des applications et enrichir en quelque sorte l’AppStore de la poste slovène. Pour créer son cloud public, la poste slovène s’est entourée des compétences d’HP pour l’accompagner tout au long du projet, déployer l’infrastructure cloud et les logiciels permettant la création du portail de services, et l’automatisation des opérations. L’ouverture commerciale du cloud est prévue durant le premier semestre 2014, avec un objectif en chiffre d’affaires de 6 millions d’euros dès la première année d’exploitation. Adressons nos meilleurs vœux à la poste slovène pour que 2014 voie les récompenses de ce défi de transformer cette grande entreprise publique en un leader de l’économie numérique. Philippe Roux, responsable « marketing cloud », HP France philippe.roux@hp.com
70 ACTEURS PUBLICS FÉVRIER 2014 #103
Les atouts du stockage « open source » À l’instar d’autres domaines d’activités, les données générées par le secteur public sont en train de connaître une croissance sans précédent. La maîtrise de ce nouvel afflux d’information pose aux DSI de 2014 un réel défi. Ces données doivent être stockées de manière pérenne, mais elles doivent aussi pouvoir être échangées et diffusées entre les services publics ainsi qu’avec les différents partenaires français et européens. Concernant la recherche scientifique, par exemple, cet enjeu a même fait l’objet, en novembre 2012, d’une circulaire interministérielle visant notamment à « empêcher [...] la fuite d’informations » et à « prévenir le détournement d’informations scientifiques ou techniques sensibles ». La recherche française fonctionnant de manière collaborative et distribuée sur le territoire, ce point est crucial. Ainsi, l’utilisation de
solutions de partage grand public, hébergées dans le cloud, n’apporte absolument pas les garanties de confidentialité et de sécurité nécessaires à la protection des travaux de recherche fondamentale ou appliquées. C’est de solutions professionnelles, flexibles et pérennes, que les institutions publiques ont besoin. En matière de stockage, l’offre est classée en deux catégories : les offres propriétaires et les solutions open source. Toutes deux sont aujourd’hui bien sécurisées et offrent de bonnes garanties de confidentialité. En revanche, les solutions open source possèdent deux énormes avantages : elles évitent l’enfermement technologique (important sur l’archivage à long terme) et réduisent les coûts. Il est en effet simple d’acheter un serveur standard du marché et d’y faire tourner une solution de stockage open source, tandis que les
HAMILTON/RÉA KEBOX/ FOTOLIA
CHOC DE SIMPLIFICATION : CHICHE !
offres propriétaires ne fonctionnent qu’avec le matériel d’un fournisseur défini. Lorsque l’institution fait face à de nouveaux besoins, il est de fait compliqué et coûteux de faire migrer ses données stockées par des solutions propriétaires. Le coût limité et non lié à la quantité de données stockées permet d’utiliser les solutions de stockage open source comme celle de notre entreprise dans de nombreux contextes : hébergement d’infrastructures cloud, archivage à valeur probante, stockage de données de recherche, stockage des données des administrés… Le choix du stockage open source apporte donc non seulement une réponse immédiate et concrète au problème de l’explosion des données, mais promet aussi un déploiement harmonieux du cloud dans les années à venir, au service des institutions, des administrations et des citoyens. Jean-Christophe Siouffi, Sales Manager, Red Hat France jsiouffi@redhat.com
« La réforme administrative est à l’ordre du jour ; elle y restera. » C’est par ces mots que le Pr. Rivero aimait, dit-on, introduire auprès de ses étudiants la question de la modernisation du service public. Un esprit malicieux pourrait en dire de même pour la politique de simplification administrative, dont tous les fins observateurs de la vie publique pourraient témoigner de l’actualité brûlante, depuis au moins vingt ans. Mais les résultats sont loin d’être à la hauteur des attentes et des besoins. L’une des raisons de cette situation réside dans la permanence de l’inflation normative. La taille du Journal officiel est passée de 15 000 pages par an dans les années 1980 à 23 000 ces dernières années. Le code général des impôts comporte, quant à lui, près de 3 500 pages. En sommes-nous mieux administrés pour autant ? Les politiques publiques en sont-elles plus efficaces ? C’est pourquoi on ne peut que saluer la promotion de l’objectif de simplification au rang de priorité politique de premier plan. En annonçant, en mars 2013, un « choc de simplification » visant à réduire la complexité administrative et réglementaire qui pèse sur les particuliers et les entreprises, le président de la République a placé la simplification au centre de la modernisation de l’action publique. Et il a confirmé cette priorité en jan-
vier 2014, en ajoutant que l’OCDE chiffrait à plus de 60 milliards d’euros le coût de la complexité administrative et fiscale en France ! L’objectif sera difficile à atteindre. Il y faudra une attention politique de tous les instants, pour « faire simple et pas seulement simplifié ». L’enjeu est d’éviter que le flux des nouvelles normes et des nouvelles règles n’ait pour effet d’annihiler le travail sur le stock des règles existantes. Pour lutter contre l’inflation normative, pourquoi ne pas imposer, en amont de toute nouvelle mesure législative ou réglementaire, un « test de simplicité », permettant d’écarter les mesures générant trop de complexité ? Pourquoi ne pas envisager des approches plus radicales encore, comme la fixation d’objectifs quantitatifs d’allègement de la réglementation, à l’image du Reinventing Government de Bill Clinton et Al Gore, qui avaient donné pour objectif aux départements ministériels de diviser par deux la taille des différents codes ? Il est heureux que le chef de l’État se soit saisi de cette question et en ait fait un axe fort de sa politique. Reste à traduire cette décision en baisse effective de la complexité pour les usagers et les entreprises. Un choc de simplification ? Chiche ! Marc Schwartz, associé, responsable du secteur public de Mazars marc.schwartz@mazars.fr
Colloque 2014 de la MFP « Quels défis pour la protection sociale des agents publics ? » Le 13 février 2014 de 9 h 00 à 13 h 30, sous l’égide de la Mutualité fonction publique (MFP), les employeurs publics, les agents et leurs représentants syndicaux s’interrogeront sur l’avenir de la protection sociale des fonctionnaires (État, territoriaux et hospitaliers) au moment où le gouvernement décide de
généraliser la complémentaire santé obligatoire en entreprise. Un colloque clôturé par Marylise Lebranchu, ministre de la Réforme de l’État, de la Décentralisation et de la Fonction publique. Amphithéâtre de la MGEN – 3 square Max Hymans, 75015 Paris Renseignements et inscriptions : colloqueMFP20141@mfp.fr ; site www.mfp.fr
#103 FÉVRIER 2014 ACTEURS PUBLICS 71
RENCONTRE AVEC
VINCENT BAILLAIS
Bernard Cazeneuve
VINCENT BAILLAIS
UNE MÉTHODE POUR REDRESSER LES FINANCES PUBLIQUES Le ministre du Budget, Bernard Cazeneuve, a esquissé devant les membres du Club des Acteurs de la performance publique ses orientations pour redresser les comptes publics.
En toute première ligne pour imaginer et mettre en œuvre les réformes structurelles profondes voulues par François Hollande, le ministre délégué au Budget, Bernard Cazeneuve, a présenté au Club des Acteurs de la performance publique sa méthode pour œuvrer au redressement des finances publiques de la France. L’occasion d’un échange très riche entre ce poids lourd du gouvernement et les membres du Club, réunis le 14 janvier à l’Hôtel des ministres de Bercy. Le ministre du Budget multiplie les rencontres avec l’ensemble des forces vives du pays : élus, organisations syndicales, acteurs
LE PROCHAIN RENDEZ-VOUS DU CLUB 72 ACTEURS PUBLICS FÉVRIER 2014 #103
publics et privés. Une concertation qu’il juge indispensable à l’heure de l’accélération des réformes et de la recherche d’économies. Personnalité respectée et consensuelle de la scène politique française, Bernard Cazeneuve se refuse à couper de manière brutale et aveugle dans les budgets publics : il faut évaluer les politiques publiques, mesurer leurs effets et les affiner au plus près des attentes et des besoins des usagers. Et ne pas hésiter à supprimer ou à faire évoluer les dispositifs inefficaces pour concentrer les moyens sur les politiques les plus porteuses d’emploi et de développement économique.
Il faut aussi mutualiser pour alléger le fonctionnement des administrations et les rendre plus réactives. L’ancien député PS de la Manche a montré l’exemple, au début des années 2000, lorsqu’il a activement contribué à la fusion des municipalités d’Octeville – dont il a été le maire – et de Cherbourg. Ces rapprochements entre collectivités locales sont aujourd’hui fortement encouragés par le gouvernement, à l’heure où l’État et les acteurs publics redessinent les contours de leurs interventions dans les territoires en veillant à préserver les services publics locaux. Un défi pour le gouvernement et son ministre du Budget.
Pascal Faure, directeur général de la compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS)
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Bernard Cazeneuve, ministre chargé du Budget
À l’heure où le chef de l’État entend remettre la production au cœur de sa politique économique, Pascal Faure, directeur général de la compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS), principale administration d’Arnaud Montebourg, sera l’invité du Club le mercredi 5 février.
LE CLUB DES ACTEURS DES TERRITOIRES DURABLES Quelles actions pour un développement durable des territoires ? Quels modèles ? Quelles perspectives et quelles solutions pour l’avenir ? Pour l’imaginer et en débattre, Acteurs publics a créé le Club des acteurs des Territoires durables. Pour toute information sur le Club des acteurs des territoires durables et ses activités, contactez Bastien Brunis au 01 46 29 29 24 ou par e-mail : bbrunis@acteurspublics.com
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PIERRE GLEIZES/REA
DE LA NÉCESSITÉ DE RÉFLÉCHIR ENSEMBLE À LA DÉMOCRATIE DE DEMAIN
Alors que le gouvernement va ouvrir une nouvelle ère de la rénovation urbaine avec le projet de loi Lamy, Michel Delebarre, sénateur, ancien ministre et président de l’Anru depuis mai 2013, sera l’invité du Club le mardi 4 février.
Si la démocratie est considérée en France comme un acquis, les records d’abstention observés sur la plupart des scrutins, et plus largement la défiance exprimée par les citoyens à l’égard des responsables politiques, témoignent d’un désenchantement croissant vis-à-vis de son fonctionnement. Même si les principes fondamentaux de ce régime ne sont pas remis en cause, les processus décisionnels qui lui donnent corps semblent en crise car ils ne parviennent plus à produire des décisions politiques perçues comme légitimes et efficaces. Dans cette perspective, un élément paraît déterminant : celui de la temporalité. Préparer l’avenir en relevant démocratiquement ces principaux défis impose de s’y consacrer dès maintenant afin d’échapper au diktat de l’urgence. Pour ce faire, adapter le rythme de la décision semble indispensable, en prenant le temps nécessaire à la réalisation de chacune des étapes du processus décisionnel, gage d’acceptabilité et d’efficacité à long terme. L’étude du CESE « Réfléchir ensemble à la démocratie de demain » met en avant cinq pistes de réflexion ayant pour objectif de : – redonner du sens à la décision et lui permettre de mieux concilier objectifs de court et long terme, en conditionnant notamment la qualité d’une décision politique au temps consacré à définir son sens et ses objectifs, et à développer une vision prospective des enjeux auxquels elle doit répondre ; – organiser le débat en amont pour enrichir la décision, en passant d’une « démocratie intermittente » limitée essentiellement aux élections pour fonder sa légitimité, à une démocratie plus continue organisée sur un flux d’échanges constant entre pouvoir et société ; – mieux identifier les lieux réels de décision pour développer une culture de la responsabilité, en développant les procédures d’accountability – concept anglais qui consiste à une obligation de rendre compte de l’exercice d’une fonction élective ; – renforcer le pluralisme des élus pour mieux légitimer la décision et améliorer son acceptabilité, en recherchant, par exemple, une mixité entre les modes de scrutin majoritaire et proportionnel pour les élections législatives ; – suivre la mise en œuvre de la décision et évaluer son impact pour davantage d’efficacité, en faisant de l’open data un vecteur d’évaluation démocratique, en confortant le rôle évaluatif du Parlement. Loin de prétendre clore le débat, cette étude vise au contraire à l’ouvrir et à le faire partager, pour qu’une véritable réflexion associant largement la société civile soit menée.
Mélanie Gratacos, rapporteure de l’étude du Conseil économique, social et environnemental « Réfléchir ensemble à la démocratie de demain »
melanie.gratacos@lecese.fr #103 FÉVRIER 2014 ACTEURS PUBLICS 73
CHAQUE JOUR LA FRANCE
DES POUVOIRS
SUR TOUS VOS ÉCRANS
ACTEURSPUBLICS.COM 74 ACTEURS PUBLICS FÉVRIER 2014 #103
VINCENT BAILLAIS
XX > KARINE BERGER
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L’INSPECTEUR ADMINISTRATIF DE L’ÉDUCATION
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Un trentenaire à la Cnil
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Trois nouveaux régulateurs de la santé
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Rubrique réalisée par Pierre Laberrondo
LA PATRONNE DE L’AGRICULTURE
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Le nouveau chef de l’administration de la jeunesse
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UN NOUVEAU PATRON POUR LES ARMÉES
#103 FÉVRIER 2014 ACTEURS PUBLICS 75
LA FRANCE DES POUVOIRS RENCONTRE AVEC
> KARINE BERGER 76 ACTEURS PUBLICS FÉVRIER 2014 #103
VINCENT BAILLAIS
lle reçoit dans son bureau parisien après un déjeuner avec le banquier Michel Pébereau, puis un entretien avec l’un des dirigeants de Réseau ferré de France. La députée PS Karine Berger, élue pour la première fois au Palais-Bourbon dans la « vague rose » de 2012, appartient à cette catégorie de parlementaires issus de la haute fonction publique qui connaissent parfaitement l’importance de la machine administrative dans le processus politique. Et qui savent l’utiliser. Cette polytechnicienne diplômée de Sciences-Po Paris a pu intégrer la prestigieuse commission des finances dès son premier mandat et enchaîner les missions de
E
DÉPUTÉE SOUS UNE BONNE ÉTOILE Ancienne économiste de l’Insee, la députée PS Karine Berger est l’une des figures montantes de la majorité parlementaire.
premier plan : rapporteure de la loi bancaire, coauteure d’un rapport pour le gouvernement sur l’épargne financière. Il faut dire qu’elle n’arrive pas de nulle part lorsqu’elle entre au Palais-Bourbon en 2012. Voilà douze ans que cette économiste de l’Insee navigue dans les eaux socialistes. D’abord initiée en 2000 à la section PS du ministère des Finances, elle a ensuite poursuivi son engagement socialiste sur sa terre familiale des Hautes-Alpes. Le bouillant Arnaud Montebourg la repère et l’embarque dans son aventure de la Convention pour la sixième République en lui confiant le rôle de trésorière de son association. Un engagement payé au prix fort L’année 2006 marque un tournant : alors que Montebourg choisit Royal pour la présidentielle qui s’annonce, elle préfère StraussKahn. Formée aux jeunesses communistes, Karine Berger glisse presque naturellement
Chargée de la synthèse des projections macroéconomiques pour la France à la direction de la prévision à Bercy
Responsable des questions économiques et financières à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes
Cheffe de la division « Synthèses conjoncturelles » à l’Insee
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vers la social-démocratie. Parallèlement, cette fille d’un couple d’enseignants en mathématiques enchaîne pendant dix ans les postes au ministère de l’Économie – elle a notamment eu la responsabilité de la note de conjoncture de l’Insee. Bercy le jour, le PS la nuit. « C’est bizarre et ça coûte très cher. J’ai été bloquée pour un poste de cheffe de bureau à la direction du Trésor par le directeur du cabinet d’un ministre de droite, compte tenu de mon engagement politique. C’est fou de se dire que la politisation commence au niveau de chef de bureau* », juge cette députée qui se déclare pas très fan d’« un spoil system qui ne dit pas son nom ». Karine Berger ne va pas pour autant s’éloigner de la politique, au contraire. À l’approche des législatives de 2007, le désistement de la candidate du PS dans l’une des circonscriptions hautes-alpines lui fournit une rampe de lancement. Avec un score de 48 % en pleine vague sarkozyste, tous les espoirs semblent permis pour la suite. Un an plus tard, Karine Berger cède à l’appel du privé. Pas dans une grande banque, le symbole serait trop gênant. Ce sera le numéro un de l’assurance crédit : Euler Hermes, société spécialisée dans le financement de la trésorerie des petites entreprises. Avec un salaire d’abord multiplié par deux. « Je m’étais dit dès le départ que de toute façon si je gagnais beaucoup d’argent, cela ne pouvait être que temporaire et qu’il ne fallait pas que je m’y habitue. Je crois que j’ai eu raison ! » lâche, dans un éclat de rire, cette cadre de la rue de Solférino, après avoir précisé qu’en accédant à la députation, elle a vu son salaire divisé… par trois. Sans le moindre regret, assure-t-elle : « J’ai toujours voulu être élue un jour. » Bombardée secrétaire nationale du PS à l’économie après la présidentielle, la jeune députée reste prudente sur la suite de sa carrière, sans dissimuler son ambition : « Je pense à tout. » À quarante ans, elle peut se le permettre. Pierre Laberrondo
* Le premier poste dans l’encadrement supérieur de l’administration centrale, avant sous-directeur, chef de service, puis directeur.
Directrice des études économiques d’Euler Hermes
Chargée des questions macroéconomiques dans l’équipe de campagne de François Hollande
Députée des Hautes-Alpes.
2008
2011
2012
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OUTRE-MER
Inspecteur général des finances, Bruno Parent a été nommé à la présidence du conseil d’orientation de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
L’UMP Patrick Karam, exdélégué interministériel à l’outre-mer, s’est vu confier la présidence du nouveau Conseil représentatif des Français d’outre-mer.
DR
ILS BOUGENT
FINANCES
ASSEMBLÉE NATIONALE
LA FRANCE DES POUVOIRS I NOMINATIONS
MODERNISATION La présidence du Conseil de la simplification pour les entreprises a été confiée au député PS Thierry Mandon et au chef d’entreprise Guillaume Poitrinal.
UN CONSEILLER DE VINCENT PEILLON PART À L’INSPECTION DR
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Un trentenaire à la Cnil e président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, vient de nommer une nouvelle personnalité qualifiée qui siègera à la Commission nationale de l’informatique et des
78 ACTEURS PUBLICS FÉVRIER 2014 #103
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L
libertés (Cnil) : Nicolas Colin. Il remplace l’UMP Dominique Richard. Trentenaire, Nicolas Colin, haut fonctionnaire, a déjà une riche carrière derrière lui. Formé sur les bancs de l’École nationale supérieure des télécommunications de Bretagne, il est aussi un ancien élève de l’ENA. À sa sortie de la promotion Simone Veil, en 2006, il rejoint l’inspection générale des Finances. Il a été corapporteur de la mission « Création et Internet » (2010) et a publié un ouvrage intitulé L’Âge de la multitude, entreprendre et gouverner après la révolution numérique (2012). Nicolas Colin a aussi remis en janvier, à la demande du gouvernement Ayrault, un rapport sur la fiscalité de l’économie numérique. En octobre dernier, il a cofondé sa propre entreprise, la société Thefamily.
romotion pour Daniel Assouline. Ce proche conseiller de Vincent Peillon au ministère de l’Éducation nationale vient d’être promu inspecteur général de l’éducation nationale. Daniel Assouline, frère aîné du sénateur PS David Assouline, conseille le ministre Vincent Peillon sur l’orientation, les enseignements professionnel, technologique et agricole et sur la formation continue des adultes. Ce haut fonctionnaire était, depuis 2011, inspecteur d’académie-inspecteur pédagogique régional (sciences physiques et chimie) après avoir officié durant neuf ans dans le corps des inspecteurs de l’académie de Paris, supprimé en 2011 par le gouvernement Fillon. Daniel Assouline, ancien professeur certifié, avait été nommé dans ce corps en mai 2002, durant les derniers jours du gouvernement Jospin, dont il a été l’un des directeurs de cabinet. Il a dirigé, en 2002, le cabinet de Jean-Luc Mélenchon au ministère délégué à l’Enseignement professionnel après avoir officié au sein de ce cabinet comme conseiller technique (2000), puis comme directeur adjoint de cabinet (20012002). Cet ancien élève de l’École nationale supérieure d’ingénieurs du génie chimique (ENSIGC), agrégé de physique appliquée, a débuté sa carrière en 1976 dans l’enseignement. Daniel Assouline a aussi mené une carrière politique. Conseiller de Paris dans le 11e arrondissement depuis 2008, il a siégé au conseil national du Parti socialiste de 1997 à 2003.
LA FRANCE DES POUVOIRS I NOMINATIONS
AGRICULTURE
La présidence de l’Observatoire interministériel de l’accessibilité et de la conception universelle a été attribuée à la sénatrice PS Claire-Lise Campion.
Gilles Burban devient le secrétaire général du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux, l’organe de conseil technique du ministère.
Promotion à la DGAFP
A
ncien professeur agrégé
d’histoire, Laurent Crusson, ancien élève de la promotion République de l’ENA (2007), vient d’obtenir son premier poste de sous-directeur. Actuel conseiller du ministre de l’Éducation nationale, Vincent Peillon, il vient d’être nommé sous-directeur des rémunérations, de la protection sociale et des conditions de travail à la direction générale de l’administration et de la
DÉFENSE
JÉRÉMY BARANDE/EP
SOCIAL
Conseillère régionale (PS) d’Île-de-France, Marie Richard accède à la présidence du Centre d’information et de documentation jeunesse (CIDJ).
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JEUNESSE
Haut fonctionnaire du ministère de la Défense, Jean-Charles Fischer prend le poste de secrétaire général de l’École polytechnique.
fonction publique (DGAFP), la « DRH de l’État ». Une direction que Laurent Crusson connaît déjà puisqu’il y officiait, jusqu’à son entrée au cabinet de Vincent Peillon, comme chef du bureau de l’encadrement supérieur (février 2011-janvier 2013). Depuis un an, il suivait, rue de Grenelle, les dossiers liés au premier et au second degré, ainsi qu’au décrochage scolaire. Laurent Crusson, 40 ans, a rejoint la haute fonction publique en 2007, à sa sortie de l’ENA, et a intégré l’administration de l’éducation nationale comme adjoint au chef du bureau, puis chef du bureau de
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l’expertise statutaire et indemnitaire à la direction des affaires financières (2007-2009). Il a aussi officié comme chef du bureau des lycées d’enseignement général et technologique à la direction générale de l’enseignement scolaire de ce même ministère (2009-2011). Titulaire d’un Capes et d’une agrégation d’histoire, Laurent Crusson a débuté comme enseignant au collège Sévigné à Nantes, en 1996. Professeur au lycée Van Gogh à Ermont-Eaubonne en 1998, il enseigne aussi au lycée Voltaire à Wingles (2000-2002), puis au lycée ÉvaristeGalois à Sartrouville (2002-2003).
PHILIPPE DEVERNAY
a Haute Autorité de santé (HAS) vient de voir son collège partiellement renouvelé, le mandat de 4 de ses 8 membres étant arrivé à échéance. Le Pr Jean-Michel Dubernard, ancien député UMP, a vu son mandat renouvelé. Membre du collège de la HAS depuis 2008, il dirigeait précédemment le service d’urologie et de chirurgie de la transplantation de l’hôpital Édouard-Herriot à Lyon. Il a aussi été député du Rhône de 1986
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à 1990, puis de 1991 à 2007. De son côté, Yvonnick Morice, nouvel entrant, est le directeur général du CHU de Lille depuis 2011. Ce haut fonctionnaire, formé sur les bancs de l’École nationale de la santé publique de Rennes, a notamment dirigé le centre hospitalier de Cherbourg (1985-1993), celui de Saint-Nazaire
(1993-2003), puis le centre hospitalier universitaire d’Angers (2003-2011). Autre entrant, Jacques Belghiti, professeur à l’université Paris-VII, dirige, lui, le service de chirurgie et de transplantation hépatique de l’hôpital Beaujon à Clichy (AP-HP) depuis 1995. Enfin, nouveau lui aussi, le Pr Loïc Guillevin, professeur à l’université Paris-V, est le chef de pôle de médecine interne de l’hôpital Cochin (AP-HP). Les syndicats CFDT, CFTC et S.P-HAS ont déploré l’absence de femmes dans ces nouvelles nominations, de même que l’absence d’économistes de la santé ou de représentants des usagers.
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TROIS NOUVEAUX RÉGULATEURS DE LA SANTÉ
#103 FÉVRIER 2014 ACTEURS PUBLICS 79
DÉFENSE
NUCLÉAIRE
DIPLOMATIE
Le gouvernement a nommé un ancien pilote de chasse, Gratien Maire, au poste de major général des armées (numéro deux).
Conseiller diplomatique au cabinet du ministre de la Défense, Nicolas Roche rejoint le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) comme directeur de la stratégie, au sein de la direction des applications militaires.
La direction des affaires internationales, stratégiques et technologiques au secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale a été confiée à Jean-Louis Falconi.
Un nouveau fossoyeur pour Fessenheim
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Un espion dans le privé
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irecteur technique de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) depuis 2006,
Bernard Barbier devient conseiller spécial pour la cybersécurité et la cyberdéfense de Sogeti, filiale à 100 % du groupe Capgemini. Ce centralien a débuté sa carrière au Commissariat à l’énergie atomique (CEA), à la direction des applications militaires (DAM) en 1977, avant de rejoindre une première fois la DGSE, où il dirige successivement, durant treize ans, le service de cryptologie, puis le département « Étude technique ». De retour au CEA en 1996, Bernard Barbier devient chef du département « Systèmes » au sein du laboratoire d’électronique et de technologie de l’information Leti (1996-2000) à Grenoble. Promu directeur des systèmes d’information au CEA en 2000, Bernard Barbier est ensuite directeur du Leti au CEA de Grenoble (2003-2006).
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L’INSPECTEUR ADMINISTRATIF DE L’ÉDUCATION
e gouvernement vient de nommer un nouveau délégué interministériel à la fermeture de la centrale et à la reconversion du site alsacien de
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Fessenheim : Jean-Michel Malerba. Cet X-Ponts va remplacer Francis Rol-Tanguy, qui a pris la direction du cabinet du ministre de l’Écologie, Philippe Martin. Fessenheim, exploitée par EDF, est la seule des 19 centrales nucléaires françaises (58 réacteurs au total) dont la fermeture a été annoncée par le Président Hollande, pour la fin de l’année 2016. En service depuis 1977, Fessenheim est dotée de deux réacteurs d’une puissance de
irecteur adjoint du cabinet de Geneviève Fioraso au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, JeanRichard Cytermann, par ailleurs inspecteur général de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche depuis 2002, a été nommé chef du service de cette inspection générale.
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80 ACTEURS PUBLICS FÉVRIER 2014 #103
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ILS BOUGENT
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LA FRANCE DES POUVOIRS I NOMINATIONS
Passé par le cabinet de Claude Allègre sous l’ère Jospin, Jean-Richard Cytermann, 61 ans, a occupé de nombreux postes aux ministère de l’Éducation nationale et de la Recherche. À sa sortie de l’ENA, en 1976, cet ancien d’HEC est nommé chef de bureau au service statistique du ministère de l’Éducation nationale. Il devient responsable de la sous-direction des moyens
900 mégawatts chacun. Elle est très décriée par les écologistes, qui réclament sa fermeture en mettant notamment en avant des risques sismiques et d’inondation. Jean-Michel Malerba est membre du Conseil général de l’environnement et du développement durable depuis 2011. Ce haut fonctionnaire a été le directeur général des services départementaux du conseil général des Yvelines de 2003 à 2011. Il a aussi dirigé l’établissement public d’aménagement de la ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines de 1996 à 2003.
de la recherche universitaire au ministère de la Recherche en 1982. Sous-directeur de la programmation et des contrats à la direction de la programmation et du développement universitaire au ministère de l’Éducation nationale en 1989, Jean-Richard Cytermann conseille la Première ministre Édith Cresson en 1991. Chef du service des établissements à la
LA FRANCE DES POUVOIRS I NOMINATIONS
SÉCURITÉ
SÉNAT
FINANCES
Directeur de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative au ministère de la Jeunesse et depuis six ans, Yann Dyèvre se voit nommé inspecteur général de la jeunesse et des sports.
La direction du bureau d’enquêtes et d’analyses (BEA) pour la sécurité de l’aviation civile vient d’être confiée à Rémi Jouty.
Le président du groupe centriste UDI-UC du Sénat, François Zocchetto, vient d’embaucher un nouveau secrétaire général : l’ex-préfet de la Mayenne Éric Pilloton.
Secrétaire général de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), André Laurent Michelson en devient le caissier général.
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JEUNESSE
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L Auparavant, Jean-Michel Malerba a débuté dans les services déconcentrés de l’État. Chef du groupe « Planification des activités équipements collectifs, commerce » à la direction régionale de l’équipement d’Îlede-France en 1978, Jean-Michel Malerba rejoint ensuite la direction départementale de l’équipement des Yvelines, d’abord comme chef de l’arrondissement territorial de Saint-Germain-en-Laye (1981-1984), puis comme chef de l’arrondissement opérationnel des routes (1984-1987). Il a ensuite officié comme directeur général adjoint des services du département du Val-d’Oise (1987-1989).
direction générale des enseignements supérieurs, chargé du budget de l’enseignement supérieur au ministère de l’Enseignement supérieur en 1993, il intègre ensuite, au poste de conseiller, le cabinet du ministre de l’Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie Claude Allègre en 1997. Directeur adjoint de ce cabinet de 1998 à 2000, il est nommé directeur de la
UN NOUVEAU PATRON POUR LES ARMÉES
programmation et du développement au ministère de l’Éducation nationale en 2000. Adjoint au directeur général de la recherche et de l’innovation au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche de 2007 à 2010, il a ensuite été pendant deux ans responsable du groupe « enseignement supérieur » à l’inspection générale de l’Administration de l’éducation nationale et de la recherche.
ACTEURSPUBLICS.COM
e Président François Hollande et le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, ont nommé le général
Pierre de Villiers chef d’état-major des armées françaises (Cema), en remplacement de l’amiral Édouard Guillaud. Frère de Philippe de Villiers, le fondateur du Mouvement pour la France, le général de Villiers, 57 ans, a notamment servi au Kosovo et en Afghanistan. Il était, depuis mars 2010, major général des armées et à ce titre l’un des responsables de la mise en œuvre des grandes réformes de la défense. Officier de l’armée de terre, Pierre de Villiers a alterné les fonctions opérationnelles à la tête d’unités blindées et les passages à l’état-major des armées. De 2008 à 2010, il a été chef du cabinet militaire du Premier ministre François Fillon. Ce saint-cyrien a aussi été l’adjoint au chef du cabinet militaire du Premier ministre Dominique de Villepin en 2005 et 2006, avant de commander la 2e brigade blindée (2006-2008), puis le Regional Command Capital de Kaboul (Afghanistan) dans le cadre de la Force internationale d’assistance et de sécurité (Fias/Isaf). Avec cette nomination, l’exécutif opte pour une forme de continuité à la tête des armées, au moment où la défense se prépare à de nouvelles réformes. La loi de programmation militaire (LPM 2014-2019) votée fin décembre prévoit en particulier la suppression de 34 000 nouveaux postes et la mise en place d’un nouveau modèle d’armée. Le nouveau Cema devra également gérer le déménagement, prévu en 2015, du ministère de la Défense à Balard, dans le 15e arrondissement de Paris. En septembre dernier, le gouvernement avait par ailleurs modifié par décret les attributions respectives du ministre de la Défense et du chef d’état-major des armées. Une réforme qui s’apparente à un renforcement des pouvoirs du ministre face à la hiérarchie militaire, en matière d’emploi des forces armées et de renseignement extérieur et d’intérêt militaire.
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TRANSPORTS
CONSEIL
Chef de cabinet et conseiller spécial de Benoît Hamon à Bercy, Jérôme Saddier a pris la direction générale de la Mutuelle nationale territoriale.
La fondation du groupe RATP a embauché une secrétaire générale au profil très politique, Marylène Courivaud, jusqu’alors cheffe du service de presse de l’Élysée.
Conseiller chargé des PME au cabinet de la ministre Fleur Pellerin à Bercy, François Perret a rejoint le cabinet de conseil Kurt Salmon comme directeur au sein de la branche « Santé et protection sociale ».
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La patronne de l’agriculture
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e président de la République, François Hollande, vient de nommer au poste de secrétaire générale du ministère de
l’Agriculture Valérie Métrich-Hecquet . Cette ingénieure en chef du génie rural, des eaux et des forêts conseillait François Hollande depuis son arrivée à l’Élysée. Valérie Métrich-Hecquet, 50 ans, a réalisé l’essentiel de sa carrière dans les services du ministère de l’Agriculture. Cette ancienne élève de l’Institut national agronomique (INA), qui a conseillé le Premier ministre Lionel Jospin en 2000 sur l’agriculture et la pêche, a officié au ministère de l’Agriculture comme cheffe de service, directrice adjointe des exploitations, de la politique sociale et de l’emploi en 2002. Directrice générale adjointe chargée de l’emploi et des territoires à la direction générale de la forêt et des affaires rurales l’année suivante, cette haute fonctionnaire a également officié comme directrice générale adjointe, cheffe du service de la production agricole à la direction générale des politiques agricoles (2008-2009), puis comme cheffe de service, adjointe au directeur général de la prévention des risques à la direction générale de la prévention des risques au ministère de l’Écologie de 2009 à 2011. Elle a ensuite occupé les fonctions de directrice départementale des territoires des Yvelines, en 2011-2012.
82 ACTEURS PUBLICS FÉVRIER 2014 #103
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SANTÉ
LE NOUVEAU CHEF DE L’ADMINISTRATION DE LA JEUNESSE a ministre des Sports, de la Jeunesse, de l’Éducation populaire et de la Vie associative, Valérie Fourneyron, a nommé l’un de ses conseillers, Mikaël Garnier-Lavalley, à la tête de la direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et la vie associative. Il
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remplace dans cette fonction Yann Dyèvre.
HERVE HAMON
ILS BOUGENT
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LA FRANCE DES POUVOIRS I NOMINATIONS
Mikaël Garnier-Lavalley est en outre nommé sur le poste nouvellement créé de délégué interministériel à la jeunesse (DIJ). La création d’une coordination interministérielle permanente, pilotée par un DIJ, était une annonce du premier comité interministériel de la jeunesse, présidé par le Premier ministre. Le DIJ veille à la « cohérence des actions des différents ministères dans la prise en compte et la concrétisation de la priorité jeunesse fixée par le président de la République ». Titulaire d’une maîtrise en droit public et d’un DEA en droit de la communication, Mikaël Garnier-Lavalley, 38 ans, s’est engagé très tôt dans les mouvements de jeunes. Membre du Conseil national de la jeunesse en 2000, il a également participé à la production du rapport « Jeunesse le devoir d’avenir » en 2001, rédigé par le commissariat général au Plan. Mikaël Garnier-Lavalley a notamment été délégué au Forum européen de la jeunesse de 2001 à 2006, et délégué général de l’Association nationale des conseils d’enfants et de jeunes (Anacej) de 2004 à 2012. Il était, depuis mai 2012, conseiller « jeunesse, éducation populaire et vie associative » au cabinet de Valérie Fourneyron.
LA FRANCE DES POUVOIRS I NOMINATIONS
FINANCES
SOCIAL
Chargé de l’intérim de la DRH des ministères sociaux en 2013, Philippe Sanson dirige désormais le Centre des liaisons européennes et internationales de Sécurité sociale.
Directrice des affaires financières et du contrôle de gestion à la Cour des comptes, Brigitte Sablayrolles a été nommée contrôleuse générale économique et financière.
Directeur du cabinet de la ministre déléguée à la Famille, Philippe Ranquet prend la direction des affaires juridiques au secrétariat général des ministères sociaux.
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e département « Secteur public » d’EY (ex-Ernst & Young) vient de procéder au recrutement d’un inspecteur général des finances (IGF) : Philippe Rambal. Cet énarque de 43 ans, qui aura le titre d’associé, accompagnera « le développement de l’ensemble des activités d’EY en France auprès du secteur public, notamment sur les problématiques de transparence financière et comptable », fait savoir le cabinet d’audit financier.
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LE PILOTE DES ARS
XLAHACHE
SOCIAL
Conseiller technique à Matignon, Guilhem de Robillard prend la sous-direction de l’ingénierie du soutien au service parisien de soutien de l’administration centrale au ministère de la Défense.
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DÉFENSE
ACTEURSPUBLICS.COM
Un IGF part dans le conseil Philippe Rambal a évolué dans les cabinets ministériels du gouvernement Fillon. Il a notamment conseillé Éric Woerth sur les relations sociales et la modernisation au ministère du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique en 2007 et simultanément Christiane Lagarde au ministère de l’Économie. Ce haut fonctionnaire a ensuite été promu sur son premier poste de directeur d’administration
à Bercy. Il a ainsi officié comme directeur, adjoint au directeur général des finances publiques, en charge du pilotage du réseau et des moyens, de 2008 à 2013. Auparavant, cet ancien élève de l’IEP de Paris et de l’École supérieure de commerce de Paris, a débuté à l’inspection générale des Finances, à sa sortie de la promotion Marc Bloch de l’ENA, en 1997. Quatre ans plus tard, Philippe Rambal rejoint la direction générale de la comptabilité
hef du pôle « Santé publique et sécurité sanitaire » au cabinet de la ministre des Affaires sociales et de la Santé, Marisol Touraine, depuis mars dernier, le docteur Olivier
Obrecht quitte le cabinet pour revenir au secrétariat général des ministères sociaux au poste de responsable du pilotage du réseau des agences régionales de santé (ARS). Ce praticien hospitalier de 51 ans connaît bien le secrétariat général pour y avoir travaillé pendant trois ans (2010-2013). Il a ainsi suivi les dossiers relatifs au déploiement des nouveaux outils de l’offre de soins dans le cadre de la mise en place des ARS. Auparavant, cet ancien interne du CHU de Besançon a notamment été chargé de mission à la direction de la prospective et de l’information médicale de l’Assistance publique-Hôpitaux
publique comme chargé de mission auprès du sous-directeur des études, de la coordination et du réseau, puis comme chargé de mission « expertise économique et financière » (20032005). Il a ensuite dirigé la mission commune accueil de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique (2005-2007).
de Paris, en 1993. Médecin responsable du service de médecine en milieu pénitentiaire des maisons d’arrêt de Fleury-Mérogis en 1996, il conseille Dominique Gillot au secrétariat d’État à la Santé, puis au secrétariat d’État aux Personnes âgées et aux Personnes handicapées (1999-2001). Conseiller technique au cabinet du ministre délégué à la Santé Bernard Kouchner en 2001-2002, Olivier Obrecht dirige ensuite le service « Études et développement » de l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (Anaes) en 2002. Chef du service « Affections de longue durée et accords conventionnels » à la Haute Autorité de santé en 2005, ce médecin travaille ensuite comme contrôleur, délégué du contrôleur général des lieux de privation de liberté, de 2008 à 2010.
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LA FRANCE DES POUVOIRS ÉTAT-MAJOR
La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique La PIERRE-LOUIS Haute Autorité pour la BRAS, transparence
JEAN-LOUIS NADAL, PRÉSIDENT
de la vie publique estGÉNÉRAL entrée en action SECRÉTAIRE
en début d’année. Encore en rodage, cette nouvelle instance annoncée dans la foulée de l’affaire Cahuzac, va traiter les déclarations d’intérêts et de patrimoine de l’élite politico-administrative. À la différence de sa prédécesseure, la Commission pour la transparence financière de la vie politique (CTFVP), la Haute Autorité bénéficie du statut d’autorité administrative indépendante (AAI), qui la place hors de l’autorité hiérarchique d’un ministère. Elle sera au quotidien animée par un secrétaire général, le magistrat de l’ordre judiciaire Guillaume Valette-Valla, venu du cabinet du ministre des Relations avec le Parlement, Alain Vidalies, et présidée par l’ancien procureur général près la Cour de cassation Jean-Louis Nadal, classé à gauche. Huit autres membres siégeront à ses côtés. Le Parlement y a placé deux de ses hauts
PHOTOS : WITT/SIPA – JB EYGUESIER/CONSEIL D’ÉTAT/DIRCOM – LUDOVIC/RÉA – COUR DES COMPTES/DIRECTION DE LA COMMUNICATION
fonctionnaires fraîchement retraités : Alain Delcamp et Danièle Rivaille. Deux autres grands corps ont aussi leurs représentants. Le Conseil d’État – qui avait jusque-là la haute main sur la CTFVP – a pour sa part désigné Catherine Bergeal et Pierre Forterre. De son côté, la Cour des comptes « envoie » Jean-Luc Lebuy et Marie Pittet.
CATHERINE BERGEAL
ALAIN DELCAMP
JEAN-LUC LEBUY
PIERRE FORTERRE
DANIÈLE RIVAILLE
GRÉGOIRE FINIDORI
MARIE PITTET
Enfin, les magistrats Marie-Thérèse Feydeau et Grégoire Finidori arrivent, eux, comme le président Nadal, de la Cour de cassation.
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84 ACTEURS PUBLICS FÉVRIER 2014 #103
MARIE-THÉRÈSE FEYDEAU
COMMUNIQUÉ
Les politiques publiques dÊcryptÊes en un seul volume Tous les candidats prÊparant des concours de la fonction publique sont dÊsormais interrogÊs, à l’Êcrit ou à l’oral, sur les politiques publiques. De nouvelles Êpreuves sont apparues dans les concours de recrutement des attachÊs, comme une composition sur la place des pouvoirs publics et leur rôle dans les grands domaines d’intervention publique. Les traditionnelles Êpreuves de culture gÊnÊrale ou de note de synthèse s’orientent de plus en plus en ce sens.
Les politiques publiques 2013, La Documentation française Collection  Formation administration concours 
240 pages, 21 x 27 cm RĂŠf. : 9782110094315 19 â‚Ź En vente en librairie et sur ladocumentationfrancaise.fr Â
L’ouvrage de La Documentation française sur les politiques publiques a ÊtÊ conçu pour aider les candidats à aborder ces questions, jugÊes souvent GLIÀFLOHV /¡RXYUDJH est collectif, rÊdigÊ par des praticiens des politiques publiques qui participent ou ont participÊ aux dÊcisions publiques et qui ont WRXV O¡H[SpULHQFH de la prÊparation de concours à un haut QLYHDX
ComposÊ de 33  dossiers , il balaie un champ large : institutions HW RXWLOV GH O¡DFWLRQ publique (rÊforme de O¡eWDW FKRL[ ÀVFDX[ politiques sectorielles (Êducation, dÊfense, retraites, protection de O¡HQYLURQQHPHQW HWF ou transversales (lutte contre la pauvretÊ, JHVWLRQ GHV ÀQDQFHV SXEOLTXHV ÀQDOLWpV HW YDOHXUV GH O¡DFWLRQ publique (dÊmocratie sociale, lutte contre OHV GLVFULPLQDWLRQV Il fait aussi une place aux relations DYHF O¡(XURSH et à la politique internationale de la )UDQFH
L’objectif est pÊdagogique : donner au lecteur les clÊs pour comprendre, de manière synthÊtique et simple mais en Êvitant tout VFKpPDWLVPH &KDTXH dossier contient une prÊsentation de la politique concernÊe – avec si nÊcessaire une perspective historique –, de ses acteurs, des mesures prises (dont les SOXV UpFHQWHV GHV FKLIIUHV VLJQLÀFDWLIV EUHI GH O¡HVVHQWLHO des connaissances à possÊder avec, souvent, des comparaisons LQWHUQDWLRQDOHV
L’ouvrage comporte de multiples encadrÊs, illustrations, tableaux et graphiques et, pour ceux qui veulent aller plus loin, de courtes bibliographies indiquent les rÊfÊrences des quelques ouvrages RX UDSSRUWV HVVHQWLHOV $X ÀQDO XQ RXYUDJH très riche, à la fois sÊrieux et critique, qui reste cependant accessible à un large SXEOLF
EMPLOI PUBLIC GESTION
La masse salariale PLONGE LES UNIVERSITÉS
dans le rouge Les universités peinent à maîtriser l’augmentation de la masse salariale. Un effet pervers de la loi « LRU » de 2007 qui place même certaines facultés tout près de la faillite.
uasi-cessation de paiement » à Versailles-SaintQuentin, menace de fermeture d’une antenne à Montpellier-III, irruption d’étudiants et de personnels à Paris pour protester contre des mesures d’austérité… Dans une quinzaine d’universités françaises, la situation financière et sociale est tellement critique que les votes des budgets 2014 ont été reportés. Une situation inédite ! En cause, l’impuissance de nombreux établissements à maîtriser l’augmentation de leur masse salariale, un effet pervers de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) de 2007 qui, dans le cadre du passage aux « responsabilités et compétences élargies » (RCE), impose le transfert aux facultés de la gestion de leurs personnels. Cette autonomie renforcée est visiblement très difficile à appréhender. « De nombreuses universités se trouvent clairement dans une impasse », observe Laurent Willemez, président de l’Association des sociologues enseignants du supérieur (Ases) et enseignant-chercheur à Versailles-Saint-Quentin.
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« Nous avons été lâchés dans la nature ! » s’emporte Rachid El Guerjouma, le président de l’université du Mans, qui prévoit un déficit de 400 000 euros sur un budget de 9 millions pour l’exercice 2014. Lors de son passage aux RCE en 2011, une « charte de transition » avait pourtant été signée pour maîtriser les embauches. « Il a fallu se réorganiser et recruter une directrice des ressources humaines venue du rectorat, avec des conséquences budgétaires que le précédent gouvernement avait complètement sous-estimées », s’agace-t-il. Au cœur du problème, la prise en charge du « glissement vieillesse technicité » (GVT), c’est-à-dire l’évolution automatique de la masse salariale des établissements liée à la progression des carrières et des rémunérations des personnels. Une dépense « subie » qui n’est contrebalancée par aucune compensation, alors que la loi LRU était fondée sur un glissement vieillesse technicité globalement nul. « Au Mans, le GVT représente environ 500 000 euros annuels, soit presque l’équivalent de notre déficit », explique Rachid El Guerjouma. Depuis deux ans, le ministère
LE MOINE MICHEL/SIPA
Le campus de l’université de Versailles-Saint-Quentin-enYvelines (UVSQ), à Guyancourt (Yvelines ).
de l’Enseignement supérieur prend en charge la moitié du GVT des universités. Une dépense qui s’élève à 29 millions d’euros en 2013, la même somme restant à la charge des établissements.
La paye des personnels creusant déjà les déficits, c’est de fait toute la politique d’embauche qui est remise en cause. Ce qui amène Rachid El Guerjouma à qualifier de « poudre aux yeux » les annonces de la ministre de l’Enseignement supérieur, Geneviève Fioraso, sur la création de 1 000 postes dans les universités en 2013. « En réalité, les facs gèlent ces postes et récupèrent les crédits du ministère pour équilibrer leurs budgets ! » dénonce-t-il. Un gel auquel l’université de Cergy-Pontoise a été contrainte en raison d’un budget déficitaire d’1 million d’euros en 2010, un an après son passage aux RCE. « Cela a été un électrochoc qui a permis une prise de conscience générale, confie son président, François Germinet. Nous avons gelé 40 postes et renforcé notre service financier. » Aujourd’hui, près d’une dizaine d’employés
« NOUS AVONS ÉTÉ LÂCHÉS DANS LA NATURE ! » Rachid El Guerjouma, président de l’université du Mans
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UNIVERSITÉ DU MAINE
Gel des embauches
EMPLOI PUBLIC I GESTION
DIDIER CHAMMA
« Si les situations des universités sont très diverses, le constat se pose partout dans les mêmes termes : des budgets en baisse face à des missions qui ont augmenté. En plus de gérer leur masse salariale, les facultés doivent prendre en charge les actions sociales, les contributions au redressement des finances de l’État, les titularisations imposées par la loi Sauvadet, le financement des élèves boursiers… Les présidents défilent alors un par un chez Geneviève Fioraso [ministre de l’Enseignement supérieur, ndlr] pour sauver leur établissement de la banqueroute par la négociation et même parfois par la menace ! Il manque un accompagnement global. » Marc Neveu, cosecrétaire général du Snesup-FSU
travaillent à la direction des ressources humaines et à la comptabilité pour gérer 1 400 fiches de paie mensuelles. Une lourde tâche assumée par le ministère avant la loi LRU… « L’image de l’État providence s’est éloignée et la question du modèle économique de l’université publique n’est plus un gros mot », constate le président, pour qui « nécessité fait loi ». Sa faculté fait désormais figure de bonne élève, mais il se garde de donner des leçons à ses pairs. « Ce qui est faisable à Cergy ne l’est pas forcément partout. Nous faisons partie des universités les mieux dotées et malgré cela, nous devons être très vigilants », reconnaît-il. Comment reprendre la main sur une masse salariale qui asphyxie les budgets et prive les facultés de marges de manœuvre ? Un groupe de travail chargé de plancher sur le GVT a été lancé en novembre dernier par le ministère de l’Enseignement supérieur, en lien étroit avec la confédération des présidents d’université (CPU). « Nous nous dirigeons vers un accompagnement triennal sur 2015-2017 avec une dotation qui pourrait absorber la moitié des GVT de chaque établissement », précise le cabinet de Geneviève Fioraso. Le dispositif doit cependant rester exceptionnel. « Il s’agit d’une phase de transition nécessaire pour gérer les ressources humaines, mais le but reste qu’à terme, les universités absorbent leur GVT », prévient-on. La crise financière des universités ne serait-elle qu’une transition, fût-elle douloureuse ? « Un discours faux et dangereux ! » pointe Marc Neveu, cosecrétaire général du Snesup-FSU, syndicat de l’enseignement supérieur. À l’écouter, l’austérité budgétaire était largement prévisible : « L’objectif est de faire supporter aux universités le travail de suppression des filières, de réduction d’activités
essentielles à nos missions de service public. » À elles d’assumer la basse besogne alors que le ministère tente de faire valoir des crédits « sanctuarisés », avec un budget en hausse de 0,5 % pour la mission interministérielle recherche et enseignement supérieur (Mires). « Pure communication, tacle Marc Neveu. Car en tenant compte de l’inflation, il s’agit d’une baisse de 0,7 %. »
Inégalités accentuées Quant à la loi Fioraso promulguée en juillet dernier, qui incite les regroupements d’établissements pour mutualiser les coûts, « elle risque d’accentuer les inégalités », estime Laurent Willemez, de l’Association des sociologues enseignants du supérieur, qui développe : « Les universités en bonne santé préfèrent se retirer de pôles où elles ont tout à perdre économiquement. Celles qui restent ne font que partager le même marasme financier. » Comment sortir de l’impasse ? « Rediriger un dixième des 6 milliards d’euros offerts aux entreprises par le crédit impôt recherche serait une vraie bouffée d’oxygène », fait valoir le sociologue, qui regrette les « deux fronts » qui s’opposent aujourd’hui dans les conseils d’administration des universités : « la logique démocratique et la logique managériale ». C’est l’un des scénarios qui inspire le plus de craintes : que les « managers » l’emportent et amènent l’université française vers un modèle à l’anglo-saxonne, braqué sur ses impératifs économiques. L’autonomie pourrait alors être poussée jusqu’à la libéralisation des droits d’inscription, qui signerait la fin du principe d’égalité d’accès aux études supérieures. C’est tout l’enjeu de la gestion de la masse salariale… Raphaël Moreaux
EN CHIFFRES
49 milliards d’euros BUDGET DU MINISTÈRE DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR EN 2014 (3e budget de l’État)
88 ACTEURS PUBLICS FÉVRIER 2014 #103
12,128 milliards d’euros MOYENS ALLOUÉS AUX UNIVERSITÉS POUR 2014 (+ 0,9 %)
1 000 NOUVELLES CRÉATIONS DE POSTES
2 200 TITULARISATIONS D’EMPLOIS PRÉCAIRES
[aktoer pyblik] n. m. Média qui décrypte, commente et analyse les politiques publiques.
EMPLOI PUBLIC POLICE
UNE MÉDIATION plébiscitée Un an après sa création, agents et syndicats saluent l’efficacité du médiateur de la police nationale. Une démarche à promouvoir.
LES CHIFFRES DE LA POLICE
477 SAISINES DU MÉDIATEUR EN 2013
umaniser et individualiser la relation humaine au sein des services. » C’est la mission du médiateur de la police nationale, Frédéric Lauze, responsable d’une instance indépendante qui a fêté en janvier son premier anniversaire. Avec succès, puisque le médiateur a fait l’objet en 2013 de 477 saisines. « Ma prévision était de 100 à 120 saisines », souligne Frédéric Lauze. Cet inspecteur général décrit un dispositif innovant qui a trouvé toute sa place dans la gestion des ressources humaines de l’institution et de ses 143 000 agents. « Lorsqu’un policier attaque son administration en justice, cela se traduit par
une procédure très longue qui in fine conclut souvent sur un point de droit sans tenir compte des aspects humains et professionnels, détaille-t-il. Et cette procédure entraîne une moindre motivation de l’agent. » Il s’agit donc de faire émerger rapidement une solution. Les saisines portent sur des sujets juridiques, techniques, indemnitaires, statutaires, relationnels… Un agent dénonce par exemple la mauvaise notation dont il a fait l’objet, qui nuit à l’avancée de sa carrière. Un autre pointe les relations tendues qu’il entretient avec son supérieur. Un dernier rejette une mutation. Le médiateur écoute les deux parties et tranche en faveur de l’agent ou de l’administration. Il est épaulé par une petite équipe de spécialistes des ressources humaines, de policiers et de magistrats chargés de l’éclairer sur des points de droit et s’appuie par ailleurs sur des délégués nommés dans les zones de défense et de sécurité – des commissaires divisionnaires en retraite.
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143 000 POLICIERS EN FRANCE
Personnalité consensuelle
Frédéric Lauze, médiateur de la police nationale.
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Retrouvez l’intégralité de sa biographie
Pratique encore peu développée dans les administrations, la médiation s’impose donc dans la police, un service public cloisonné entre de nombreuses directions, très hiérarchisé et fortement syndiqué. « Les situations de tension peuvent nuire à la vie de tout un service, observe Philippe Capon (Unsa). La médiation permet de trancher rapidement les différends. » « Cela rejaillit sur les conditions de travail, acquiesce Emmanuel Roux, du syndicat des commissaires. C’est un cadre qui facilite l’échange et le dialogue. » Nommé par le gouvernement Ayrault, Frédéric Lauze, 50 ans, pourrait paraître marqué politiquement après ses cinq années passées au cabinet du Premier ministre François Fillon comme conseiller technique pour les questions de sécurité. « Il connaît bien la maison pour y avoir fait toute sa carrière, nuance Patrice Ribeiro (Synergie officiers). Sa personnalité fait consensus pour ce poste sensible. » À écouter les syndicats, les administrations publiques auraient donc tout intérêt à développer la démarche de médiation, pratique aujourd’hui trop peu développée dans la gestion RH de la fonction publique. Sylvain Henry
MÉDIA GLOBAL AU CŒUR DES POLITIQUES PUBLIQUES : ÉTAT, COLLECTIVITÉS, HÔPITAL
ACTEURSPUBLICS.COM
EMPLOI PUBLIC CARRIÈRE EN CHIFFRES
304 DOSSIERS DE CANDIDATURE
26 CANDIDATS RETENUS
13 FEMMES
39 ans RYANKING999/FOTOLIA
D’ÂGE MOYEN
40 % VENUS DE BERCY
FUYEZ LES stéréotypes ! Les candidats aux postes d’administrateurs civils doivent exprimer leur personnalité. C’est la recommandation du comité de sélection pour la procédure du tour extérieur.
are aux clichés et autre présentations récitées. Dans son rapport 2013, le comité de sélection pour la procédure du tour extérieur des administrateurs civils invite fortement les aspirants à sortir de l’écueil du formatage. Ce processus, qui permet aux fonctionnaires de catégorie A d’accéder sans concours au corps des administrateurs civils, se déroule en deux phases : une sélection sur dossier, puis une audition de 30 minutes auprès d’un jury. Pour les auditions, le comité déconseille vivement aux candidats les « présentations du parcours professionnel trop stéréotypées, au détriment de la mise en valeur de leur personnalité ». La même remarque vaut d’ailleurs pour les dossiers de candidature. « La lettre de motivation est souvent rédigée de façon stéréotypée », ou « dans un style dithyrambique », « toutes formes qui ne donnent pas au comité de sélection de justifications pertinentes sur la démarche du candidat ».
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92 ACTEURS PUBLICS FÉVRIER 2014 #103
Comment présenter au mieux sa candidature ? D’abord en portant un regard « objectif sur son rôle dans l’action administrative, sans forfanterie et avec le sens critique adéquat ». Il convient également de mettre à jour ses connaissances sur l’organisation des pouvoirs publics, la Constitution, les principales institutions européennes et leurs missions. « La méconnaissance de ces principes [ …], ou encore l’absence d’un minimum de connaissances économiques, révèlent une impréparation des candidats qui a parfois surpris le comité de sélection », pointe le rapport. Enfin, il ne faut pas hésiter à faire valoir sa différence : « La préparation à l’oral ne doit pas enfermer les candidats dans un schéma qui les prive d’exprimer leur opinion, et doit aussi éviter l’écueil de l’expression de positions trop générales, qui masquent leur personnalité. » Le jury veut évaluer la capacité à argumenter, à écouter, à nuancer … Raphaël Moreaux
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LE BOOM DES « APPLIS » EN INDE Fin 2013, les quelque 250 applications relatives aux services publics locaux et nationaux présentées sur le site d’applications mobiles du gouvernement indien (apps.mgov.gov.in) avaient entraîné 1,2 milliard de téléchargements. Le gouvernement entend s’appuyer sur les services mobiles, notamment par SMS, pour développer les services publics dans les zones rurales. L’Inde compte près de 900 millions d’abonnés à la téléphonie mobile.
RESSOURCES Par Sylvain Henry
techniques : réformes récentes, innovations…
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Absentéisme
février 6-8
Pilotage
Organisateurs : FHF, FHP, Anap, hôpitaux du Québec et de Montréal… – Lieu : Québec – Site : www.fhf.fr
Quelque 150 décideurs du monde de la santé débattront sur les évolutions récentes de la gestion des hôpitaux publics à l’occasion des premières rencontres franco-québécoises sur l’ingénierie des recompositions hospitalières. Le pilotage des hôpitaux français doitil s’inspirer des pratiques des pays anglo-saxons ?
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Cadres
Organisateur : FHF – Lieu : Montrouge – Site : www.fhf.fr
La rencontre annuelle des cadres hospitaliers abordera les enjeux d’organisation et de management des établissements de santé et détaillera certains sujets
Organisateur : Inet – Lieu : Paris – Site : www.evenements. cnfpt.fr/mercredisdelinet
« Être ou ne pas être au travail » : tel est le thème de cette journée d’échange de l’Institut national des études territoriales pendant laquelle seront évoquées les problématiques de l’absentéisme, du présentéisme, de l’organisation du travail des agents dans les collectivités et de leurs conditions de travail.
mars 12
Communication
Organisateurs : IGPDE et Ifore – Lieu : la Défense – Site : www.institut.minefi.gouv.fr
L’Institut de la gestion publique et du développement économique (IGPDE) et l’Institut de formation de l’environnement (Ifore) proposent une journée d’échange sur le thème de la « communication responsable ».
+ d’événements sur acteurspublics.com 94 ACTEURS PUBLICS FÉVRIER 2014 #103
SANTÉ Le nouvel espace Internet du ministère des Affaires sociales et de la Santé dédié à la stratégie nationale de santé détaille les enjeux de la future loi de santé 2014. www.social-sante.gouv.fr, « Stratégie nationale de santé ».
PREMIÈRE GUERRE MONDIALE Le Sénat vient de numériser et d’ouvrir à la consultation publique ses fonds d’archives relatifs à la Première Guerre mondiale. Ils montrent, souligne la Haute Assemblée, « l’intense » activité du Sénat pendant le conflit. www.senat.fr
QUOTIENT FAMILIAL La commune du Kremlin-Bicêtre lance un outil de calcul du quotidien familial en ligne présenté comme une première en France. Plus besoin de se déplacer en mairie. www.kremlinbicetre.fr
STATIONNEMENT « MOBILE » La ville de Paris va expérimenter à partir du mois de mars, dans quatre arrondissements, le paiement par téléphone portable du stationnement sur la voie publique. La municipalité entend déployer ce nouveau service dans tout Paris à partir de 2015. Le système retenu permet de régler le stationnement « au quart d’heure près » via une application mobile ou par serveur téléphonique. www.paris.fr
Étudiants Le ministère de l’Enseignement supérieur a repensé son portail d’admission post-bac pour faciliter les inscriptions des futurs étudiants, qui ne sont désormais plus confrontés aux 1 800 intitulés de licence générale, mais peuvent choisir parmi 45 mentions. La fin, peut-être, d’un casse-tête qui avait conduit 12 % des 754 000 élèves ayant constitué en 2013 un dossier électronique à abandonner la procédure.
LES CHIFFRES DE L’EMPLOI TERRITORIAL Auteur : le CNFPT, avec la DGAFP et la DGCL
Téléchargement : www.cnfpt.fr, puis « Tableaux de bord des effectifs territoriaux »
En partenariat avec l’Insee, la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) et la direction générale des collectivités locales (DGCL), le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) vient de développer un outil en ligne de présentation des effectifs territoriaux. Ces tableaux de bord s’appuient sur une nouvelle source statistique de l’Insee, le « système d’information sur les agents du secteur public » (SIASP), pour détailler finement les effectifs via une douzaine d’indicateurs : type de collectivité, tranche d’âge, statut, etc. Le lecteur apprend notamment que 75 % des agents territoriaux sont titulaires, que 60 % d’entre eux sont des femmes mais que les femmes n’occupent que 34 % des postes de directeur général des services. Un outil d’analyse précieux alors que se multiplient les critiques, comme celles encore récemment formulées par la Cour des comptes, sur la forte croissance des effectifs territoriaux constatée depuis le début des années 2000.
www.admission-postbac.fr
Recrutements Le conseil général de l’Essonne (4 700 agents) expérimente le C.V. anonyme pour ses recrutements. Le patronyme, le sexe ou l’âge sont rendus invisibles sur le logiciel de dépôt de candidatures. www.essonne.fr
Laïcité
L’APPORT DE LA CULTURE À L’ÉCONOMIE DE LA FRANCE Auteurs : inspections générales des Finances et des Affaires culturelles – Nombre de pages : 390
QUEL POIDS POUR
LA CULTURE DANS L’ÉCONOMIE FRANÇAISE ?
À en croire le rapport sur « l’apport de la culture à l’économie en France », commandé par les ministères de l’Économie et de la Culture, les activités culturelles « pèsent » 57 milliards d’euros, soit 3,2 % du PIB et représentent 670 000 personnes salariées. Une manière de défendre l’impact des politiques publiques culturelles à l’heure de la chasse aux économies… Le rapport détaille trois enjeux : le développement du secteur numérique, la culture dans la croissance et « culture et territoire ».
L’Observatoire de la laïcité, instance rattachée à Matignon, met en ligne un guide librement téléchargeable sur le respect de la laïcité dans les collectivités locales, à destination des élus locaux et des agents publics. Un « rappel à la loi » et des cas concrets sont détaillés. www.gouvernement.fr, recherche : « observatoire laïcité »
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Pages réalisées par la rédaction d’Acteurs publics
LIRE Auteure : Élisabeth Chavelet Éditeur : Éditions du Moment Nombre de pages : 186 Prix : 16,50 €
Auteur : Michel Goya Éditeur : Tallandier Nombre de pages : 272 Prix : 20,90 €
Auteure : Soazig Quéméner Éditeur : Lattès Nombre de pages : 252 Prix : 18 €
SOUS LE FEU
RACHIDA NE MEURT JAMAIS
NKM PRÉSIDENTE
Que vivent les soldats au combat, en faceà-face avec l’ennemi, sur des terres qu’ils ne connaissent peut-être pas ? Comment appréhendent-ils le danger, alors que la mort peut parfois être l’issue la plus fatale de ce métier pas comme les autres ? Ce sont ces questions, cette « forme de vie près de la mort », que Michel Goya aborde dans un ouvrage sur le comportement des hommes au combat. Issu des troupes d’infanterie de marine, ayant lui-même côtoyé le danger en Afrique et dans les Balkans, son expérience permet de mieux comprendre ce qui se passe de l’intérieur « au ras du sol », dans l’esprit des soldats.
Un temps désavouée par Nicolas Sarkozy, exilée au Parlement européen, impuissante à s’opposer à la candidature de NKM à Paris, Rachida Dati n’est pas morte politiquement. C’est le constat d’Élisabeth Chavelet, rédactrice en chef à ParisMatch, dans cette enquête minutieuse sur l’incroyable parcours de l’ex-garde des Sceaux. Jouant de ses charmes et de ses réseaux, l’ultramédiatique Rachida Dati est prête à tout pour se maintenir sur le devant de la scène politique. Une personnalité parfois « déconnectée », comme lorsqu’elle « emprunta » le portable de François Fillon pour envoyer quelques SMS osés à des députées.
La candidature de Nathalie KosciuskoMorizet à la mairie de Paris est scrutée de très près par ses concurrents de l’UMP dans l’optique de la prochaine présidentielle. NKM deviendra incontournable si elle l’emporte et restera dans le jeu si elle concède une défaite honorable. Voilà donc le portrait intime et familial de cette polytechnicienne quadra, écolo et brillante. Celle que Jacques Chirac qualifia d’« emmerdeuse » – une sorte de compliment – et que Nicolas Sarkozy adore, qui a pris des cours de théâtre pour gommer son cheveu sur la langue, ne lâchera rien à ses rivaux masculins...
« Les partenariats public-privé, un marché de dupes ? » En Allemagne aussi, le mirage des partenariats public-privé (PPP) commence à s’estomper. Dans cette enquête, quatre PPP des deux côtés du Rhin sont observés à la loupe : la philharmonie de l’Elbe à Hambourg, le chantier d’un tronçon d’autoroute en Basse-Saxe, la LGV Tours-Bordeaux (photo) et la future cité judiciaire des Batignolles à Paris. Malfaçons, retards, factures qui s’allongent… Ces partenariats, censés soulager les finances publiques – en contrepartie de longues concessions –, pourraient au final s’avérer ruineux pour l’État.
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AGENDA MEDIA
VOIR Le 11 février à 22 h 35 Reportage (Allemagne, 2013) Durée : 1 h 15 Réalisateurs : Stefan Aust et Thomas Ammann
ÉCOUTER « SERVICE PUBLIC » : LOBBIES À TOUS LES ÉTAGES Les lobbies menacent-ils la démocratie ? C’est l’angle de cette émission diffusée le 13 janvier, après l’entrée en vigueur en début d’année de nouvelles règles de transparence à l’Assemblée nationale. Non, s’évertuent à démontrer les deux lobbyistes invités, chacun ayant une façon différente d’appréhender son rôle. « Nous défendons certes des intérêts particuliers, mais nous participons au débat, pas à la décision qui suit. Elle appartient aux politiques », analyse Fabrice Alexandre, secrétaire général de l’Association française des conseils en lobbying, qui approuve la réforme. Thierry Coste, directeur de Lobbying et stratégie, au langage beaucoup plus « cash », la juge « stupide » et semble regretter le temps où les représentants d’intérêts circulaient dans le Palais-Bourbon avec des badges de collaborateurs bénévoles.
Émission de débat Durée : 51 minutes Présentateur : Guillaume Erner Invités : Vincent Nouzille, journaliste, Thierry Coste, lobbyiste, Fabrice Alexandre, lobbyiste, Noëlle Lenoir, déontologue de l’Assemblée nationale
COUP DE CŒUR
EXPOSITION AUGUSTE PERRET, L’HOMME DU PALAIS D’IÉNA
LIRE
OMA
Auteurs : David Revault d’Allonnes et Laurent Borredon Éditeur : Robert Laffont Nombre de pages : 288 Prix : 19,50 €
Le bâtiment qui abrite le Conseil économique, social et environnemental, place d’Iéna, fut d’abord, de sa construction en 1937 jusqu’à 1954, le musée des Travaux publics. L’exposition qui y est présentée jusqu’au 19 février rappelle cette vocation première. Elle est surtout un hommage à son concepteur, l’architecte Auguste Perret, théoricien de « l’ordre du béton armé », et à 8 de ses créations majeures, dont le palais d’Iéna. Plus de 400 documents originaux – dessins, photos, maquettes analytiques, lettres, livres, revues… – permettent ainsi d’appréhender partiellement l’apport d’Auguste Perret à l’architecture du XXe siècle. Ce fils d’un tailleur de pierre fut à la tête, avec ses deux frères, d’une agence de réputation internationale avant la Seconde Guerre mondiale. Le béton armé, matériau innovant au début du siècle dernier, est à la base de toutes ses créations, fondées sur la perfection des proportions.
Reconnu par ses pairs bien que souvent mal compris du public – ses édifices, sans aucun revêtement, offrent la matière « crue » et grise du béton armé –, Auguste Perret acquit l’essentiel de sa renommée avec son immeuble de la rue Franklin (1903), le théâtre des Champs-Élysées (1913) et l’église du Raincy (1923). Il est aussi l’auteur du bâtiment du Mobilier national (1931) et l’architecte en chef de la reconstruction du Havre après la guerre. La version virtuelle de l’exposition sera mise en ligne en février-mars par la Cité de l’architecture et du patrimoine, qui a prêté une partie des documents exposés au palais d’Iéna.
OMA
MATIÈRE « CRUE »
Auguste Perret, huit chefs d’œuvre !/? Lieu : palais d’Iéna, 9 place d’Iéna, Paris 16e Dates : jusqu’au 19 février 2014, tous les jours de 11 h 00 à 18 h 00 Tarif : accès libre et gratuit Visites commentées gratuites tous les samedis et dimanches à 11 h 30
Valls à l’intérieur Bien sûr qu’on pense à Nicolas Sarkozy en refermant ce livre : même goût pour la transgression, même ambition, un passage par le ministère de l’Intérieur… Mais de la place Beauvau à l’Élysée, « il n’y a que quelques mètres, mais un océan politique », rappellent les auteurs, deux journalistes du Monde, l’un spécialisé en politique, l’autre en sécurité. Le livre alterne donc les chapitres détaillant le parcours et le positionnement politique de Manuel Valls et un volet très « Beauvau ». Ce dernier est sans doute le plus intéressant car il relate les difficultés à investir une telle place forte après dix années d’influence « sarkozienne ». Faute d’avoir mené une purge au sein du ministère, faute aussi d’un vivier suffisant de hauts fonctionnaires proches de la gauche, le ministre doit faire confiance. Sa surface médiatique et sa popularité lui permettent d’incarner la fonction de premier flic de France, au point d’être le ministre le plus en vue.
DVD Homopoliticus,
50 ans de combat pour l’égalité des droits Ce film de 2 heures, réalisé par Aleksandar Dzerdz et écrit avec Jean-Luc Romero, revient sur le long combat mené en France pour les droits des homosexuels, considérés il y a peu encore comme des malades mentaux. Il donne la parole aux acteurs politiques, mais aussi associatifs et médiatiques de cette lutte. Disponible sur www.boutique.ina.fr (11 euros).
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MÉMOIRE SOCIÉTÉ
QUAND LA LAÏCITÉ CHASSE LES « SIGNES OSTENSIBLES » Il y a dix ans, les députés votaient la loi sur les signes religieux à l’école.
L
uc Ferry, ministre de l’Éducation nationale en 2004 (en arrière-plan sur la photo), n’y était a priori guère favorable. Interdire purement et simplement le port de tout signe religieux à l’école risquait, estimait-il, de créer « des difficultés », voire d’engendrer « des martyrs ». Pourtant, après plus de six mois de débats enflammés, la loi « encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics » fut votée à l’Assemblée nationale, le 10 février, à une majorité écrasante : 496 voix contre 36. Elle serait promulguée le 15 mars suivant.
Un long titre pour une loi dont l’essentiel du contenu tient en deux phrases : « Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit », énonce l’article 1, qui précise ensuite que toute procédure disciplinaire doit être précédée d’un dialogue avec l’élève. Une concision inversement proportionnelle aux torrents d’articles et de déclarations provoqués à l’époque par la polémique née de diverses « affaires », principalement liées au port du voile islamique dans les établissements scolaires.
PATRICK KOVARIK/AFP
27 propositions
En juillet 2003, ces tensions, récurrentes depuis la fin des années 1980, avaient amené le président de la République Jacques Chirac à créer une commis sion de réflexion sur la laïcité. Présidée par le médiateur de la République Bernard Stasi (à droite sur la photo, dialoguant
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avec le président du Conseil français du culte musulman Dalil Boubakeur) et composée de 22 membres, elle remit six mois plus tard au chef de l’État un long rapport censé servir de base à une future loi. Parmi ses 27 propositions, dont celle de décréter les fêtes religieuses du Kippour et de l’Aïd el-Kebir jour fériés dans les écoles, une seule fut
donc finalement retenue. Loin de calmer les débats, le rapport Stasi puis la loi qui s’ensuivit les ravivèrent, la dispute se cristallisant autour du terme « ostensible », vite décliné en « ostentatoire ». La rentrée 2004 s’annonçait mouvementée. Laure Berthier
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