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SONDAGE Les Français plébiscitent les régions L’INVITÉ MARCEL GAUCHET
« Les gens ne veulent plus de l’État à l’ancienne »
COMMENT L’ÉTAT PILOTE SON PATRIMOINE IMMOBILIER À VENDRE
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LES
RENCONTRES DES ACTEURS PUBLICS
2016
ER
RENDEZ-VOUS Le 12 avril 2016 au Conseil économique, social et environnemental
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DATES
INAUGURATION DE L’EXPOSITION
« Habiter durablement nos territoires » Une exposition
organisée en partenariat avec le
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ÉDITO
« LE DÉGEL DU POINT D’INDICE ARRIVERA-T-IL AVEC LE PRINTEMPS ? » Pierre-Marie Vidal, directeur de la rédaction
Le dégel du point d’indice de la rémunération des fonctionnaires arrivera-t-il avec le printemps et la nouvelle ministre de la Fonction publique, Annick Girardin ? L’idée, peut-être imprudemment avancée depuis des semaines par Marylise Lebranchu, d’une augmentation au moins symbolique a-t-elle des chances de prospérer ? Si l’on en juge par le manque de relais et de soutien à l’Élysée comme à Bercy, il semble que l’affaire ait déjà été arbitrée, scellant ainsi le remplacement de la ministre. Même si les syndicats accordent une petite trêve à Annick Girardin, ils peuvent donc imaginer que le temps n’est pas au redoux budgétaire. La première déclaration de la ministre, selon laquelle le dégel du point est très lié aux indicateurs économiques, n’annonce rien de bon en la matière. Un dégel indéfendable vis-à-vis de Bruxelles au moment où la France devra sans doute, à nouveau, plaider la clémence. On s’orienterait plus probablement vers des mesures catégorielles ou des formules de revalorisation de l’indemnitaire, en contradiction avec la démarche soutenue par Marylise Lebranchu au travers du protocole sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations. En tous les cas, tout le monde comprend que si le dégel reste symbolique, le mécontentement sera général, et que s’il devient significatif, il sera budgétairement insupportable. Alors le gouvernement a peut-être opté pour l’idée que, quitte à faire des mécontents, autant faire des économies.
La Fédération hospitalière de France (FHF) dénonce une bureaucratisation extrême de la santé au détriment des acteurs de terrain. Après la suradministration des agences régionales de santé dans le cadre de la loi HPST, la FHF dénonce, cette fois-ci dans le cadre de la loi « Santé », un risque de surréglementation et appelle à une réécriture du projet de décret concernant les groupements hospitaliers de territoire (GHT), dénonçant un projet inadapté aux réalités locales. Un texte accusé tout à la fois de ne pas prendre en compte la réalité et la diversité des situations locales et de mettre à l’écart les acteurs locaux. Une situation qui oppose deux visions. Celle des acteurs de santé, qui y voyaient une opportunité d’initiative locale en matière de construction de projets médicaux partagés, et celle de l’administration. En d’autres termes, une dérive technocratique qualifiée d’usine à gaz et très éloignée de l’esprit de la réforme. En creux, un rappel à l’ordre de la ministre, Marisol Touraine, qui aurait perdu la main sur le projet et à qui la FHF entend rappeler le sens politique du projet. Un grand classique où l’administration reprend d’une main ce que le législatif aurait trop imprudemment ou pas assez précisément consenti de l’autre. Une situation où, souvent de bonne foi, les services transposent les textes en y appliquant des modalités qui en atténuent, voire en dénaturent l’esprit, rendant toute réforme, même votée, partiellement voire totalement inefficiente.
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Acteurs publics www.acteurspublics.com 7 rue Auguste Gervais 92445 Issy-les-Moulineaux cedex Tél. : 01 46 29 29 29 Directeur de la rédaction Pierre-Marie Vidal pmvidal@acteurspublics.com 01 46 29 29 01 Rédacteur en chef Bruno Botella bbotella@acteurspublics.com 01 46 29 29 20 Rédacteurs en chef adjoints Sylvain Henry shenry@acteurspublics.com
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MARS-AVRIL 2016
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Céline Quétier (Biographies) cquetier@acteurspublics.com 01 46 29 29 25 Ont collaboré à ce numéro : Laurence Mauduit, Florence Puybareau Secrétaire de rédaction Laure Berthier Rédacteur en chef technique Marc Bouder mbouder@acteurspublics.com 01 46 29 29 03 Rédacteur graphiste Johnny Tymen Responsable digital Christophe Roisenfeld
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4 ACTEURS PUBLICS MARS-AVRIL 2016 #120
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© L’autorisation d’effectuer des reproductions, par reprographie doit être obtenue auprès du Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC - 20, rue des Grands Augustins-75006 Paris Tél.: 01 44 07 47 70 Fax : 01 46 34 67 19 www.cfcopies.com) Membres adhérents de la et du
Europe : des polices en quête d’une nouvelle articulation local-national
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Groupements hospitaliers : ce qu’attendent les directeurs
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VINCENT BAILLAIS
MARTIN MEISSNER/AP/SIPA
FOTOLIA
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3 ÉDITO 8 L’INVITÉ
Marcel Gauchet : « Nous sommes à la recherche d’un style d’État très différent » 16
60 JOURS
26 L’OBSERVATOIRE DES POLITIQUES PUBLIQUES
Les Français accordent une très large confiance aux régions 32
OPINION
Réforme des administrations publiques espagnoles : un pilotage inédit et réussi 38 L’Union économique d’Afrique centrale doit trouver un nouveau souffle 40 Le « droit gouvernemental », droit des praticiens de l’action gouvernementale 42 « La sécurité est devenue une politique publique transversale et globale » 34
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Le couple immobilier-RH doit encore faire ses preuves 56 Bruno Parent : « Ce qui peut changer la donne, c’est un portage politique puissant » 58 La foncière, un modèle qui ne convainc pas 60 La France fait exception dans la gestion des biens de l’État 54
64 MANAGEMENT PUBLIC 66 Europe : des polices en
quête d’une nouvelle articulation local-national 70 Les fonctionnaires européens font figure de privilégiés 74 Exclusif : ce qu’attendent les directeurs des nouveaux groupements hospitaliers 78 LE CLUB DES ACTEURS DE LA PERFORMANCE PUBLIQUE
ANTOINE DARODES
La fibre numérique
106 RÉSEAU
Antoine Darodes, la fibre numérique 112 La mairie de Paris, vivier naturel pour l’État 108
116 ACTEURS PUBLICS TV 120 RESSOURCES 124 RETOUR SUR…
La crise de la vache folle
122 LIVRES ET POLITIQUES PUBLIQUES
La dérive des grands corps Une politique de la ville sans cap 134 « Le peuple français s’est cru la vedette du monde » 136 Faut-il suivre le modèle allemand ? remporte le Prix EN3S 2016 130
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138 MÉMOIRE 80 LE CLUB DES ACTEURS DES TERRITOIRES DURABLES
Sous le sceau de la « foi publique »
86 LE CLUB DES ACTEURS DE LA SANTÉ PUBLIQUE
DOSSIER
Immobilier de l’État cherche nouveau pilotage
88 LE CLUB DES ACTEURS DE LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE
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SONDAGE Les Français plébiscitent les régions L’INVITÉ MARCEL GAUCHET
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de l’État at à l’ancienne » « Les gens ns ne veulent plus MARCEL GAUCHET HET :
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L’INVITÉ
MARCEL GAUCHET
8 ACTEURS PUBLICS MARS-AVRIL 2016 #120
L’INVITÉ I MARCEL GAUCHET
MARCEL GAUCHET
NOUS SOMMES À LA RECHERCHE D’UN STYLE D’ÉTAT TRÈS DIFFÉRENT Propos recueillis par Bruno Botella et Sylvain Henry Photos : Vincent Baillais
Dans un entretien exclusif à Acteurs publics, le philosophe et historien analyse la nouvelle attente des citoyens vis-à-vis de l’État depuis la vague d’attentats, l’évolution des services publics, la transparence, notre système de nominations… Il dresse un constat d’échec de la « décentralisation à la française », faute de contre-pouvoirs locaux.
La période que nous vivons depuis les attentats de 2015 en France peut-elle recréer un lien de confiance entre les citoyens et leurs responsables publics ? Nous assistons, de la part des citoyens, à une sorte de prise de conscience de la fonction de sécurité publique. Cette dimension s’était diluée avec la disparition de l’horizon de la guerre. Il faut savoir que toute l’organisation publique depuis des siècles s’était définie sur des impératifs constitutifs du pouvoir régalien de la défense nationale. Avec un renforcement de principe avec la Révolution française, car
cette fonction de défense devient aussi celle des citoyens. C’est alors l’affaire de tous. Cela a évidemment été le cas au XXe siècle, avec ses guerres terribles, et jusqu’à une date récente. La grande rupture, c’est la fin de la guerre froide. Et puis, avec la vague terroriste de 2015, la fonction de sécurité retrouve une certaine acuité. Qui s’est d’ailleurs extraordinairement manifestée par le plébiscite de la police et de l’armée, fonctions qui n’avaient plus forcément la cote ces dernières années. La grande nouveauté, c’est la réappropriation de cette nécessité de sécurité. À partir de là, il faut distinguer
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les institutions, les fonctions et leurs titulaires. La fonction régalienne rentre dans l’indiscutable, les institutions qui la manifestent retrouvent une popularité qui peut surprendre et, dans le même temps, est-ce que les dirigeants politiques retrouvent la confiance des citoyens ? Sur le fond, j’ai des doutes…
PARCOURS 1946 Naissance à Poilley (Manche) 1980 Rédacteur en chef de la revue Le Débat (Gallimard) fondée avec l’historien Pierre Nora 1985 Le Désenchantement du monde (Gallimard) 1989 Entre au Centre de recherches politiques Raymond Aron 2002 Signe le « Manifeste pour une pensée libre » après avoir été classé parmi les néoréactionnaires par l’historien des idées Daniel Lindenberg 2007 L’Avènement de la démocratie (tomes 1 et 2, Gallimard) 2010 L’Avènement de la démocratie (tome 3, Gallimard) 2010 Dirige le rapport sur « L’État territorial et les attentes des Français : éléments de réflexion à l’horizon 2025 », commandé par le ministère de l’Intérieur.
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Vous dénoncez souvent l’incapacité ou le manque de volonté des responsables politiques à prendre en compte les évolutions de notre époque. La période sécuritaire que nous vivons peut-elle faire évoluer les choses ? Il est impossible de se prononcer pour le moment, mais la question reste sur la table. Il faut toutefois souligner une contradiction. Le désir de sécurité est grand, mais ses moyens sont mal acceptés. D’un côté, nous avons une situation stratégique inédite avec une menace généralisée aux frontières de l’Europe : la Russie dont les intentions restent floues, la situation en Ukraine, la Turquie, le chaudron moyen-oriental, la crise de succession qui s’ouvre en Algérie, la Tunisie, l’Afrique et en particulier le Sahel… Les armées les plus puissantes comme celle des États-Unis semblent désarmées face la spécificité de la menace terroriste. De l’autre côté, nos sociétés se sont fabriqué depuis vingt ans une sorte de logiciel qui les rend peu capables de faire face à quelque menace que ce soit. Elles tiennent à leur ouverture vers l’extérieur et elles n’aiment pas les contrôles et les contraintes qu’implique la mise en défense. On l’a vu après les attentats de janvier 2015 contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher. Dans un premier temps, il y a eu sursaut, volonté de riposte, puis, au bout de quelques semaines, les mesures ont commencé à ennuyer tout le monde. On a observé le même phénomène quelques semaines après les attentats du 13 novembre. Les mesures sécuritaires sont pesantes, on se pose des questions : a-t-on besoin de l’état d’urgence ? Et nos libertés ? On est vite entré dans la polémique. Jusqu’où faut-il renforcer les moyens de sécurité sans peser sur les libertés publiques ? Les
oppositions se focalisent sur la déchéance de nationalité comme elles s’étaient exprimées après les attentats de janvier 2015 à propos de la loi sur le renseignement. Comment le rapport des citoyens à l’autorité que représente l’exécutif, l’élite administrative, a-t-il évolué ? Cette verticalité est-elle définitivement révolue ? Tout se joue sur la finesse du diagnostic. En gros, vous avez raison quand vous dites « fin de la verticalité », mais est-ce la fin « finale » ? Est-ce l’abolition de la verticalité ou la remise en question de ses modalités traditionnelles ? Ce qui me frappe en France, c’est que la demande d’État continue d’être forte mais les gens ne veulent plus de l’État à l’ancienne, l’État gendarme. Le style caporaliste est terminé ! La dynamique de nos sociétés est double : d’un côté, les acteurs sociaux, les entreprises, les citoyens ont de plus en plus le sentiment d’une compétence accrue dans leur domaine et supportent mal des interférences extérieures, vécues comme la volonté de brimer leur liberté. D’un autre côté, plus cette logique est forte et plus il y a la demande d’une instance qui réponde aux besoins de l’ensemble et qui assure la cohérence. Quel reproche font souvent les chefs d’entreprise, très attachés par ailleurs à leur liberté ? On n’a pas de visibilité, on ne sait pas où l’on va dans le domaine économique… L’État a la capacité de s’occuper du tout et la demande d’action publique se situe à ce niveau. L’État ne sait pas pour vous, il sait pour tous. Il garde toute sa légitimité, mais dans un registre différent. Il continue de servir la cause de la cohérence et du bien collectif, mais les moyens d’autorité traditionnels sont récusés. L’État doit donc exercer son autorité différemment… Nous sommes à la recherche d’un style d’État très différent mais qui n’en annule pas la nécessité. Nous ne sommes plus sous le style de la hiérarchie du commandant, cet héritage « cléricalo-militaire » d’autorité,
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« La demande d’État continue d’être forte, mais les gens ne veulent plus de l’État à l’ancienne. » #120 MARS-AVRIL 2016 ACTEURS PUBLICS 11
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mais nous appelons de nos vœux une instance très spéciale, dont la nécessité n’est plus discutée, qui occupe une fonction décisive dans la vie collective. C’est le besoin d’une instance qui permette aux gens de se réfléchir dans un espace commun. Comment voyez-vous l’évolution du rapport aux services publics ? On dit souvent que l’usager se comporte de plus en plus en consommateur, qu’il veut « en avoir pour son argent », en l’occurrence ses impôts… Le constat n’est pas faux, mais il faut se demander d’où vient cette attitude. Elle résulte largement à mon sens d’une évolution malsaine des services publics eux-mêmes. Au nom d’une haute idée du « public » en général, ils ont eu tendance à oublier leurs usagers en particulier. Le cas bien connu des transports est une caricature à cet égard, en dépit de très modestes efforts d’information. Le résultat est que, face à cette forme de mépris, les gens renoncent à comprendre. Ils adoptent une attitude de protestation et de consommation. Les services publics ne peuvent fonctionner que sur un contrat, c’est-à-dire la mutualisation entre ceux qui l’accomplissent et les usagers. Ce n’est pas commercial. Cela appelle une révision du style de relations sociales. Il n’y a aucune fatalité à cette évolution consumériste. Je crois à l’avenir des services publics et je crois que la manière de les piloter doit changer radicalement. Regardez l’éducation nationale, service public par excellence, qui détermine la trajectoire de vie des gens. Sa nécessité se mesure en fonction d’une idée simple : en termes objectifs de dépenses, c’est ce qui devrait coûter le plus cher aux familles. À un prix de marché, l’éducation serait la charge principale des ménages et non l’immobilier ! Nous aurions alors un bouleversement économique majeur. C’est en mettant une donnée comme celle-là en perspective que l’on voit mieux ce qu’est un service public, assuré de façon quasi gratuite en France jusqu’à l’université. Il faudrait le faire comprendre comme tel.
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Croyez-vous à un modèle qui passerait par la coproduction de services publics, par une plus grande implication des citoyens qui, par ailleurs, en France, plébiscitent le bénévolat et l’engagement associatif ? Bien sûr que cela peut beaucoup évoluer, mais j’émets une réserve sur cette évolution. Au Royaume-Uni, le Premier ministre David Cameron qui a voulu mettre en œuvre le projet de « Big Society » a, en grande partie, échoué car cette politique s’est fracassée sur la notion d’égalité. S’il s’agit d’une offre supplémentaire de services publics, de l’optionnel en quelque sorte, oui, on peut sans doute coproduire avec les citoyens, mais pas sur les fonctions fondamentales comme l’éducation, la fourniture d’eau, d’électricité, d’Internet… Sur ces biens fondamentaux, la valeur égalité est absolument nécessaire. À côté de ce socle, on peut imaginer une offre qui viendrait compléter, enrichir les services publics traditionnels. En réalité, la « Big Society » de Cameron visait à remplacer l’État social par une forme de délégation de service public, l’État se contentant d’apporter les moyens à la société civile. Autour de ce modèle, se pose la question de l’égalité territoriale, que la France a traitée dans les années 1960 sous un biais « aménagement du territoire ». Aujourd’hui, les gens sont très attentifs à cette question, c’est un pur problème de justice. Face à cette aspiration, on ne pourrait déléguer à la société civile des pans entiers de services publics. Quel regard portez-vous sur le mouvement de décentralisation en France ? Est-elle un bon moyen de redonner confiance aux citoyens ? L’idée stupide et démagogique que l’on vend depuis des années aux populations est que, dans la mesure où l’autorité serait plus proche des citoyens, elle serait mieux comprise. Cela ne se vérifie pas. La proximité, c’est un leurre. Un pouvoir municipal peut être parfaitement opaque. La question des contre-pouvoirs est essentielle. Il faut voir qu’en France, pour des raisons historiques, les contre-pouvoirs sont
concentrés au centre dans la mesure où le centre est le lieu du débat politique. On ne le trouve que très faiblement au niveau local. De la même façon, les contre-pouvoirs d’information et de contrôle y sont très peu développés. Du coup, l’implication des citoyens est aussi très limitée, hors de circonstances exceptionnelles. Dans ces conditions, la réforme territoriale est-elle donc vouée à l’échec ? Pour faire une décentralisation crédible, il fallait raisonner en termes de contre-pouvoir. Pas un contre-pouvoir de la périphérie par rapport au centre, qui a toujours existé, notamment par le jeu du cumul des mandats et des élus qui sont à la fois parlementaires et chefs d’exécutif local. La France ne l’a pas fait et, en pratique, la décentralisation s’est traduite par une énorme déception de la population, qui n’y comprend rien et n’y croit plus. La décentralisation a globalement échoué par rapport à ses intentions officielles. Ce mouvement a surtout profité aux métropoles régionales car il y a des territoires qui ont bénéficié de la décentralisation. Le problème est que si cela a apporté du dynamisme à des zones privilégiées, cela a aussi accentué la fracture territoriale. La dernière réforme territoriale a pour ambition de clarifier les compétences. Le résultat est loin d’être à la hauteur. Comment expliquez-vous cette incapacité à simplifier le paysage institutionnel local ? La vérité est que l’obscurité a grandi. Personne ne sait plus qui fait quoi, alors que l’aspiration des gens était effectivement à la simplification et à la clarification… La décentralisation à la française est en réalité un fruit de l’évolution de la Ve République. Au départ, elle se voulait un régime au dessus des partis. En pratique, une fois de Gaulle parti et Pompidou décédé, la Ve République est devenue un régime de partis car il faut une machine puissante pour porter un candidat à la présidentielle. Mitterrand et Chirac l’ont bien compris et ont
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« Les banques paraissent être là pour offrir des débouchés aux inspecteurs des finances ! »
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contribué à cette évolution. Comment faire un parti politique puissant ? En lui assurant un socle territorial. La décentralisation a été faite dans l’idée d’assurer le socle de la vie partisane. La décentralisation est une machine à ancrer la carrière des élus. Dans une époque où l’engagement militant se raréfie, où les forces sociales se désorganisent, il faut créer une machine politique de toutes pièces. La décentralisation a été conçue d’abord au service des élus. D’ailleurs, l’homme qui l’a mise sur les rails est Gaston Defferre, un homme de la IVe République, qui avait son fief à Marseille. Je ne pense pas que le souci de rapprocher les citoyens de la décision politique le guidait prioritairement. Par conséquent, l’État joue-t-il ce rôle de contre-pouvoir face aux élus locaux ? Oui, l’État et ses représentants sont devenus un contre-pouvoir aux pouvoirs locaux parce qu’il n’y en a pas d’autre. C’est un système pervers. Dans la plupart des régions, les préfets veillent à ce que les métropoles n’écrabouillent pas les territoires autour. La protection des petits élus, c’est le préfet qui l’assure face au puissant cacique de la ville ou de la grande ville. Aujourd’hui, la logique des métropoles est purement compétitive. Elle ignore facilement ce qu’il y a autour. Quand on entend Gérard Collomb [sénateur-maire et président PS de la métropole de Lyon, ndlr], on se demande parfois si la France existe ! Quel équilibre doit-on trouver entre les grandes régions et les puissantes métropoles ? C’est la grande question. Comment cela vat-il se passer entre, par exemple, Laurent Wauquiez [président LR de la nouvelle région Auvergne-Rhône-Alpes, ndlr] et Gérard Collomb ? Entre Carole Delga et Jean-Luc Moudenc [respectivement présidente PS de la région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées et maire LR de Toulouse, ndlr] ? Entre Martine Aubry et Xavier Bertrand [maire PS de Lille et président LR de la région Nord-Pas-de-
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Calais-Picardie, ndlr] ? En théorie, nous avons affaire à un système pyramidal où chacun fait son travail à sa place. Mais en réalité, cela ne marche pas de cette manière. Il y a des divergences d’intérêts et il doit y avoir des compromis entre les différents niveaux de collectivités territoriales. Le problème est qu’avec ce schéma, les négociations, les compromis se jouent dans la coulisse alors qu’ils devraient être dans l’espace public. C’est aussi cela qui rend la décentralisation illisible pour les citoyens. La prise de conscience des pouvoirs publics sur la demande de transparence, sur les questions déontologiques peut-elle changer la manière d’exercer les responsabilités publiques ? Cette demande vient de loin. C’est même une aspiration démocratique par excellence, depuis la Révolution. L’article 15 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen est clair : « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. » Mais cette aspiration était contrebattue par l’autorité de l’État et notre fonctionnement politique. La nouveauté est que dans le contexte où nous sommes, les médias ont acquis un pouvoir très important et la capacité d’information des citoyens s’est renforcée. Nous sommes passés pour de bon dans la société de l’information. Je pense que les responsables publics devraient se dire, une fois pour toutes, qu’ils n’ont aucun espoir de parvenir à cacher quelque chose… Désormais, tout peut se savoir. La transparence n’est pas un simple thème à la mode, c’est une donnée de notre société. Dans ce domaine, la vigilance des citoyens et des médias s’accroît avec la défiance visà-vis des responsables politiques… C’est le cas partout en Occident. Prenons les États-Unis : le taux de confiance dans le personnel public dépassait les 70 % au début années 1970. Aujourd’hui, il est tombé autour de 20 %. Les résultats n’étant pas au rendezvous, les gens se posent légitimement des
questions sur leurs responsables. En France, nous avons un système insoutenable, produit, là aussi, de la Ve République. Avec de Gaulle, ont commencé les passages de hauts fonctionnaires dans la vie politique. Avec Mitterrand et les nationalisations, les hauts fonctionnaires sont passés en masse dans la vie économique. Les banques paraissent être là pour offrir des débouchés aux inspecteurs des finances ! Je ne sais pas comment faire techniquement mais, dans ce domaine, je suis partisan d’un aggiornamento radical. Regardez notre système de nominations. Le président de la République, c’est quelqu’un qui nomme des gens ou qui les place indirectement. On l’a vu ces dernières années, le cabinet du chef de l’État sert à désigner les patrons des grandes entreprises françaises. Tout cela ajoute au climat de suspicion qui est délétère pour la vie publique. Vous êtes donc défavorable aux passerelles public-privé, dont le développement est pourtant en vogue dans la haute fonction publique… Mais aujourd’hui, il n’y pas d’aller-retour entre public et privé. Ce sont des allers simples ! On passe de l’autorité de l’État aux affaires et à l’argent. Si on allait chercher des gens dans le privé pour être ministres, pour diriger une agence de l’État, cela ne me dérangerait pas mais, hormis quelques exceptions, nous ne faisons pas cela en France. Vous avez, en gros, 3 000 personnes entre lesquelles se répartissent les postes. C’est un système condamné.
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L’attelage ministériel Baylet-Grelier laisse sceptique Page 23 Annick Girardin : « Préparer la fonction publique du XXIIe siècle » Page 24
60 JOURS JANVIER
15 JANVIER
Le « logiciel fou » remplacé Le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a affiché une sérénité contenue en présentant, le 15 janvier, sur le site parisien de Balard, un point d’étape sur le projet destiné à remplacer le calculateur de la solde des militaires Louvois, qui a engendré d’innombrables dysfonctionnements. Un « logiciel fou », comme l’a appelé le ministre, qui avait luimême acté son abandon en 2013. «D’ici la fin du premier trimestre, un système apte à calculer une solde sera présenté à la qualification, soit moins d’un an après la notification du marché [à la société Soprasteria, ndlr] », a promis Jean-Yves Le Drian, en référence au nouveau logiciel Source Solde, choisi en avril 2015 à l’issue d’un appel d’offres lancé par la direction générale de l’armement. S’ensuivra une phase dite de « solde à blanc », qui durera sept mois à partir de l’été et au cours de laquelle le système calculera des soldes sur de vrais dossiers. Il sera ensuite branché au reste de l’écosystème de solde et en particulier au système d’information RH de la Marine, première armée concernée. Débutera alors une phase de soldes en double, en parallèle de Louvois. Concrètement, la mise en service pour la Marine devrait intervenir au deuxième semestre 2017, en 2018 pour l’armée de terre et en 2019 pour l’armée de l’air. Un calendrier extrêmement ambitieux mais réaliste, a souligné le ministre. « La solde semble devenir particulièrement visible », a-t-il prudemment jugé. L’enjeu de ressources humaines pour le ministère est considérable : retisser un lien humain et de confiance
avec ses soldats grâce à un dialogue de gestion de qualité. Mais d’ici là, il faut compter avec Louvois, générateur de beaucoup de dégâts. En arrivant à la tête du ministère en 2012, Jean-Yves Le Drian avait dû prendre en main la gestion de ce scandale, dont on commençait à peine à déceler l’ampleur. À l’époque, des épouses de militaires s’étaient même affichées sur Internet avec des inscriptions au feutre dans le dos pour dénoncer l’incapacité de la Défense à régler le problème. « C’est bien l’ensemble d’une chaîne qui révélait ses failles, depuis les systèmes d’information de ressources humaines, les SIRH, jusqu’au calculateur Louvois lui-même, en passant par une organisation qui avait décidé trop vite la transformation », a analysé rétrospectivement le ministre. Cette affaire a notamment révélé un manque de vision ministérielle dans l’approche du sujet. Depuis, la direction des ressources humaines du ministère est dotée d’une autorité transversale et fonctionnelle sur les trois armées. La gouvernance de la fonction solde a également été renforcée, avec un comité stratégique mensuel présidé personnellement par le directeur de cabinet du ministre, Cédric Lewandowski. Depuis trois ans, une véritable politique de gestion de court terme a été mise en place pour faire face au désordre généré par Louvois : un plan d’urgence (52 millions d’euros) destiné à rétablir les droits des militaires les plus lésés sous la forme d’avances et l’instauration d’une mission d’assistance fiscale.
26 JANVIER
Un nouvel exécutif pour les régions de France
P. MAGNIEN/20 MINUTES/SIPA
Philippe Richert, président (Les Républicains) de la région Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne, a été élu, le 26 janvier, président de l’Association des régions de France (ARF) par ses pairs, élus comme lui aux régionales de décembre. Ancien ministre des Collectivités territoriales sous la Présidence Sarkozy, Philippe Richert, 62 ans, étiqueté droite modérée, faisait figure de candidat du consensus. Seul candidat dans le cadre d’un accord, il a été formellement élu « par acclamation », selon la présentation faite par l’ARF. Philippe Richert succède, à la tête de l’association, à Alain Rousset (PS), 64 ans, président de la nouvelle grande région Aquitaine-Poitou-Charentes-Limousin, qui dirigeait l’association depuis 2004 et avait annoncé avant même les élections régionales des 6 et 13 décembre qu’il ne serait pas candidat à sa succession. Ultramajoritaire au sein de l’ARF
18 ACTEURS PUBLICS MARS-AVRIL 2016 #120
60 JOURS I JANVIER
durant la mandature 2010-2016, la gauche ne l’est plus après sa défaite lors du dernier scrutin. Le socialiste François Bonneau, réélu à la tête de la région Centre-Val de Loire, devient président délégué de l’ARF. Valérie Pécresse, nouvelle présidente (LR) d’Île-de-France, est première vice-présidente et Marie-Guite Dufay, présidente PS de BourgogneFranche-Comté, est trésorière de l’association. Nom plus « institutionnel » Philippe Richert était le seul président de conseil régional de droite au cours de la précédente mandature (20102015). Juste après son élection, il a annoncé à la presse avoir proposé un premier changement : le nom de l’association. L’ARF, qui représente les intérêts des régions dans les discussions politiques, pourrait s’appeler le « conseil des régions de France ». Une manière de renforcer son image institutionnelle face à l’État alors que la nouvelle carte à 13 régions métropolitaines accroît la visibilité de ces collectivités. « Notre idée est que nous portions bientôt un nouveau nom pour matérialiser le fait que nous sommes une institution », a résumé Philippe Richert. Comme à chaque alternance dans ce type d’association, l’un des enjeux sera de trouver la bonne stratégie vis-à-vis de l’État.« Il faut que l’État mesure l’intérêt que nous travaillions ensemble pour moderniser la France », a jugé Philippe Richert en souhaitant redéfinir ces relations. « La différence, c’est peut être que l’ARF va moins parler à ses petits amis de gauche même si Alain Rousset portait déjà une parole forte », analyse un président de région de gauche.
27 JANVIER
L’intelligence économique reprise en main par Bercy Le ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique, Emmanuel Macron, a présenté, le 27 janvier, une communication en Conseil des ministres refondant le pilotage administratif de l’intelligence économique. Bercy obtient les « pleins pouvoirs » avec la publication très prochaine d’un décret instituant un commissaire à l’information stratégique et à la sécurité économiques. Le texte portera également la création d’un service à compétence nationale dénommé « service de l’information stratégique et de la sécurité économiques (Sisse) ». Le nouveau commissaire, nommé directement auprès du ministre de l’Économie, sera chargé de mettre en œuvre les orientations fixées par un comité directeur réuni à l’initiative
du ministre et composé de représentants de plusieurs ministères. En pratique, ce commissaire sera également placé à la tête du Sisse. Exit donc la délégation interministérielle à l’intelligence économique (D2IE), rattachée jusqu’alors à Matignon et dont la mutation a en réalité été initiée en juin dernier avec l’éviction de sa patronne, Claude Revel. Cette spécialiste de l’intelligence économique – condisciple de François Hollande dans la promotion Voltaire de l’ENA et installée par ce dernier à ce poste un an après son accession à l’Élysée – avait été exfiltrée dans la foulée à la Cour des comptes avec une nomination en qualité de conseillère maître en service extraordinaire. Quelques jours plus tard, un inspecteur général des finances de Bercy et ancien magistrat, Jean-Baptiste Carpentier, jusqu’alors patron emblématique de la cellule de renseignement antiblanchiment des ministères financiers, Tracfin, avait été porté à la tête de la D2IE. S’en est suivi un déménagement des personnels sur le site de Bercy. Ne restait donc plus que la refonte juridique et administrative opérée lors de ce Conseil des ministres du 27 janvier. Le nouveau service regroupera les moyens actuels de la D2IE et du service ministériel de coordination à l’intelligence économique (SCIE). Le nouveau patron ne pourra être nommé qu’une fois le décret publié. Quelle orientation stratégique ? La nouvelle entité constituera un service de la DGE, s’appuiera sur ses moyens, son expertise, et bénéficiera de son réseau déconcentré. Cette réforme « vise en particulier à renforcer l’action menée en faveur de la protection et de la promotion des intérêts économiques, industriels et scientifiques fondamentaux de la Nation, ainsi qu’à assurer les moyens de la souveraineté économique de la France », indique le communiqué du Conseil des ministres. Avant d’ajouter : « Cette nouvelle organisation maintient ainsi la plénitude de la dimension interministérielle des dispositifs précédents. » Ce changement correspond à un retour aux sources administratif dans la mesure où la D2IE – créée en 2009 – dépendait de Bercy jusqu’à une décision de 2013 la rattachant directement au Premier ministre d’alors, Jean-Marc Ayrault. « Le délégué rend directement compte de son action au Premier ministre », précisait le décret pris à l’époque. Il faudra attendre un peu pour connaître les traductions concrètes de ce changement en matière d’orientation stratégique, mais certains parient sur un recentrage sur l’action économique, alors que la D2IE avait pu chercher à investir d’autres terrains, comme l’influence.
#120 MARS-AVRIL 2016 ACTEURS PUBLICS 19
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60 JOURS FÉVRIER
10 FÉVRIER
La Rue Cambon tique sur les prévisions gouvernementales
L
a Cour des comptes a l’habitude de prendre avec des pincettes les prévisions du gouvernement sur les finances publiques. La présentation de son rapport public annuel, mercredi 10 février, n’a pas dérogé à cette règle de prudence et de circonspection… Pour le Premier président, Didier Migaud, la réalisation de l’objectif de réduction du déficit public pour 2016, fixé par l’exécutif, reste « incertaine », notamment en raison d’un risque de dérapage sur les dépenses. Le gouvernement s’est engagé à ramener le déficit à 3,3 % du produit intérieur brut (PIB) cette année après 3,8 % en 2015. Un objectif qui « n’est pas hors d’atteinte », concède toutefois la Cour des comptes, qui évoque « un scénario macroéconomique dans l’ensemble atteignable ». « Cette situation n’autorise aucun relâchement des efforts », prévient Didier Migaud, qui sait que la proximité de l’élection présidentielle rime souvent avec laxisme budgétaire. Côté dépenses, les magistrats de la rue Cambon pointent des risques du côté de l’État, « du fait de la sous-budgétisation chronique de certaines dépenses », mais aussi du côté des administrations de la Sécurité sociale, liés à « la surestimation des économies attendues en 2016 de la nouvelle convention d’assurance chômage », et de celui des collectivités locales. Opex, AAH, prime d’activité… Concernant l’État, « le respect de l’objectif de dépenses sera difficile », souligne le rapport. Sur les 500 millions d’euros d’économies attendus par le gouvernement de la revue des dépenses, « seuls 225 millions sont documentées au titre du durcissement des conditions d’octroi des allocations logement », déplore la Cour, qui enfonce le clou : « Les autres économies annoncées sont censées correspondre à des efforts de rationalisation qui sont peu détaillés et ne jouent pas sur les déterminants structurels de la dépense. » La Cour rappelle aussi que les « dépassements de crédits sont récurrents », par exemple pour les opérations extérieures militaires, tandis que certaines dépenses sociales sont sousbudgétisées (allocation pour adultes handicapés, nouvelle prime d’activité…). Sur la masse salariale, la Cour indique que l’objectif de croissance triennal 2015-2017 sera dépassé
22 ACTEURS PUBLICS MARS-AVRIL 2016 #120
dès 2016, après une quasi-stabilisation sur 2011-2014. En cause, le renforcement décidé des effectifs de défense et de sécurité, qui n’a pas été compensé par des efforts dans les autres ministères. Sans parler des conséquences du dégel annoncé du point d’indice de la fonction publique… Pour tenir les dépenses de l’État, la Cour des comptes sort une boîte à outils que le ministère du Budget connaît bien. La Rue Cambon suggère ainsi « une mobilisation de la réserve de précaution » et des redéploiements de crédits pour financer les dépassements ici et là, les dépenses imprévues et, même si ce n’est pas écrit par la Cour, les mesures préélectorales… La Cour des comptes souligne au passage que le plan pour l’emploi annoncé en janvier par François Hollande, estimé à 1 milliard d’euros par le gouvernement, « ne fait l’objet d’aucun crédit identifié à ce jour ».
12 FÉVRIER
Instabilité chronique à la Réforme de l’État
E
t de quatre ! Dans le cadre du remaniement opéré le 11 février, le président de la République, François Hollande, a nommé un nouveau secrétaire d’État à la Réforme de l’État et à la Simplification, l’écologiste JeanVincent Placé (en photo page suivante) : le quatrième porteur de ces questions au gouvernement depuis l’alternance de mai 2012. Exit donc Clotilde Valter, remplacée rue de Babylone au bout de pas tout à fait huit mois. Le Président avait nommé Clotilde Valter à ce poste en juin dernier en lieu et place du remuant Thierry Mandon, remplacé, lui, avant même d’avoir eu le temps de présenter la revue des missions de l’État qu’il avait pilotée durant son bail de douze mois rue de Babylone. La nomination au gouvernement de Thierry Mandon en juin 2014 marquait une volonté de relance de ces politiques avec un montage administratif différent. La réforme de l’État, confiée depuis 2012 au ministre de la Fonction publique, était alors directement rattachée à Matignon. Discrétion médiatique Depuis le début du quinquennat, cette instabilité gouvernementale s’est traduite au plan administratif par la nomination de 3 secrétaires généraux à la modernisation de l’action publique (SGMAP) : Jérôme Filippini (neuf mois) Julien
WITT/SIPA
60 JOURS I FÉVRIER
Rencki (dix mois). Avec dix-huit mois au compteur, l’actuelle titulaire du poste, Laure de La Bretèche, proche de la directrice de cabinet du Premier ministre, Véronique Bédague-Hamilius, a renversé la tendance. Mais la nomination d’un quatrième ministre confirme, en revanche, cette instabilité au plan politique. Selon certains observateurs, le bilan de Clotilde Valter a pu pâtir d’un manque d’appropriation médiatique et politique de sa fonction, même si des chantiers ont avancé, telles l’élaboration d’un code des relations entre le public et l’administration et l’adoption de la loi sur la gratuité des données publiques.
autant, nous portons une politique de réforme de l’État conçue différemment : plus de démocratie participative, plus de coconstruction des politiques publiques et une stratégie d’aide au pilotage de la transformation, moins bottom-up. » Le gouvernement estime avoir réalisé 7 milliards d’euros d’économie grâce aux réformes réalisées depuis 2012 et s’apprête à lancer de nouvelles évaluations des politiques publiques. L’heure du bilan approche…
« Richelieu des Verts » Rompu aux joutes politiques et aux logiques de rapport de force inhérentes à la vie des partis, le médiatique JeanVincent Placé, surnommé par Daniel Cohn-Bendit le « Richelieu des Verts », serait, selon certains, de nature à assumer de façon « plus incarnée » cette fonction très difficile à tenir du fait de sa visée interministérielle. Sous le quinquennat Sarkozy, la réforme de l’État avait été portée par 3 ministres du Budget successifs (Éric Woerth, François Baroin et Valérie Pécresse) et un seul patron administratif, le directeur général de la modernisation de l’État, François-Daniel Migeon. Mais elle s’appuyait surtout sur un projet bien identifié : la Révision générale des politiques publiques (RGPP). Un projet très contesté, dont l’équipe Hollande a voulu prendre le contre-pied dès son arrivée au pouvoir, sans pour autant fournir de contremessage très clair, entre rupture et continuité. « Nous sommes peut-être dans une stratégie moins médiatique, moins dans “le sang et les larmes” qui plaît en général à l’opinion, assume un très haut fonctionnaire. Pour
17 FÉVRIER
L’attelage ministériel Baylet-Grelier laisse sceptique
L
es associations d’élus sont restées globalement discrètes depuis le remaniement du 11 février et se sont bien gardées de commenter la nomination du ministre de l’Aménagement du territoire, de la Ruralité et des Collectivités territoriales, le PRG Jean-Michel Baylet, et celle de la secrétaire d’État Estelle Grelier, placée auprès de lui et spécifiquement chargée des Collectivités territoriales. Mais tout le monde a bien noté les conceptions divergentes de ces deux élus, parfaits connaisseurs de leurs dossiers. Le premier, fervent départementaliste et ancien président du conseil départemental du Tarn-et-Garonne, a été l’un de ceux qui ont empêché le Premier ministre, Manuel Valls, de supprimer les départements à l’horizon 2021, une mesure annoncée à la tribune de l’Assemblée nationale lors de son discours d’investiture, le 8 avril 2014. La seconde, Estelle Grelier, l’une des grandes voix de l’intercommunalité, favorable à la suppression du département, a fortement influencé les débats autour de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), promulguée à l’été 2015. Elle a notamment porté de nombreux amendements de l’Assemblée des communautés de France (ADCF). Pas de réforme majeure à venir « Nous sommes contents d’avoir un ministre de tutelle qui est un départementaliste convaincu et nous ne doutons pas qu’il saura faire preuve d’autorité à l’égard de sa secrétaire d’État », a réagi l’un des barons de l’Assemblée des départements de France (ADF), qui mène une bataille avec le gouvernement sur la recentralisation du revenu de solidarité active (RSA).
#120 MARS-AVRIL 2016 ACTEURS PUBLICS 23
Même sentiment mitigé au sein de l’association Villes de France, qui fédère les villes moyennes. « J’ai envie de dire “bof, bof ”, lâche Caroline Cayeux, présidente de l’association. Je regrette le départ de Marylise Lebranchu, avec laquelle nous nous sommes bien entendus et qui avait une position assez équilibrée entre les intercommunalités, les départements et les régions. » « Changer de ministre en pleine application de la réforme NOTRe [Nouvelle organisation territoriale de la République, ndlr], je ne trouve pas cela très judicieux, mais ce sont les arbitrages du Président », ajoute la maire LR de Beauvais, qui se montre perplexe pour la suite : « L’arrivée de Jean-Michel Baylet, pourvu d’une vision totalement différente de celle de sa secrétaire d’État, me laisse dubitative sur les arbitrages qui vont pouvoir être opérés. » Les maires ruraux ont pour leur part salué la nomination de Jean-Michel Baylet, un « bon connaisseur de la ruralité dont les engagements pendant le débat sur la loi NOTRe ont permis sans doute d’éviter un désastre, c’est-à-dire la disparition des départements ». Mais ils n’oublient pas d’ajouter que les maires ruraux seront « extrêmement vigilants quant au mandat de la secrétaire d’État en charge des Collectivités territoriales. Ils défendront l’idée d’une intercommunalité au service des communes et non prémice de leur disparition ». D’ici la fin du quinquennat, les deux ministres n’auront pas de nouvelle réforme législative à porter, mais ils devront déminer ou finaliser quelques dossiers sensibles, tels que la réforme de la dotation globale de fonctionnement ou l’élaboration des nouveaux schémas départementaux de coopération intercommunale.
22 FÉVRIER
Annick Girardin : « Préparer la fonction publique du XXIe siècle »
D
ans une interview exclusive pour Acteurspublics.com, la nouvelle ministre de la Fonction publique, Annick Girardin, détaille sa méthode : « Au-delà des relations que je vais établir et nourrir avec les organisations syndicales et tous les partenaires, je réfléchis à la manière d’être en lien plus direct avec l’ensemble des fonctionnaires, au-delà des seules visites de terrain. Cela peut passer par les outils numériques, mais aussi par des rendez-vous réguliers avec
24 ACTEURS PUBLICS MARS-AVRIL 2016 #120
MARC BOUDER
60 JOURS FÉVRIER
les agents. J’entends utiliser tous les outils à ma disposition au service d’une fonction publique plus moderne. » Celle qui a succédé à Marylise Lebranchu le 11 février développe : « La fonction publique est souvent brocardée et la primaire à droite va immanquablement amener son lot d’attaques injustifiées contre les fonctionnaires. Je défendrai la fonction publique à chaque fois qu’elle sera attaquée à tort. Mais je défendrai aussi une fonction publique exemplaire, qui fait de la place aux jeunes quel que soit leur parcours et quelles que soient leurs origines, qui prend en compte les demandeurs d’emploi de longue durée, et qui travaille à l’égalité des droits entre les femmes et les hommes. » Quelles procédures peuvent-elles être mises en place pour, justement, ouvrir davantage la fonction publique aux jeunes et aux demandeurs d’emploi ? « Une loi sur l’égalité réelle et la citoyenneté est en préparation, dont certaines dispositions concerneront la fonction publique, répond la nouvelle ministre. Comment, par exemple, reconnaître au sein de la fonction publique l’engagement des jeunes ? Il faut développer l’engagement des futurs fonctionnaires en formation initiale et le valoriser dans les parcours professionnels. Nous devons également favoriser, tout en les encadrant, les allers-retours entre public et privé, aujourd’hui trop peu nombreux, parce que ces échanges, s’ils sont bien pensés et organisés, peuvent être une chance pour la fonction publique. Nous devons travailler à une représentation sociologique plus large. » Lire l’intégralité de l’entretien avec Annick Girardin sur www.acteurspublics.com
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L’OBSERVATOIRE DES POLITIQUES PUBLIQUES
Les Français accordent une très large confiance aux régions Une majorité des personnes interrogées par l’Ifop sont favorables au transfert de nombreuses compétences exclusives aux régions. Le doute reste élevé quant à l’efficacité de la nouvelle organisation territoriale et sur le périmètre des nouvelles collectivités.
A
lors que les nouvelles assemblées issues du scrutin de décembre dernier sont en train de s’installer et que les contours redessinés des ensembles régionaux conduisent à un important travail de réorganisation et de mutualisation, l’enquête menée par l’Ifop sur les compétences que les Français souhaitent voir accorder aux régions traduit un véritable enthousiasme. Cet enthousiasme est peut-être lié aux intenses débats politiques ayant précédé la naissance de ces nouveaux territoires et ayant animé les récentes élections régionales. Le premier indicateur de cet engouement pour les régions tient à la part importante (30 %) de personnes interrogées qui citent la région comme étant l’échelon auquel elles font le plus confiance pour assurer le développement économique des territoires et l’emploi. La région arrive ainsi en tête devant les intercommunalités (24 %) et loin devant deux autres échelons de proximité pourtant en général appréciés des Français (départements et communes, mentionnés par respectivement 19 % et 16 %), l’État n’étant quant à lui évoqué que par 11 % des répondants. Nuançons ce résultat en relevant tout de même l’éclatement des réponses et en rappelant que le développement économique est déjà largement associé par les Français aux compétences de la région. 26 ACTEURS PUBLICS MARS-AVRIL 2016 #120
Les résultats de l’enquête sont particulièrement encourageants pour la région quand il s’agit pour les interviewés de dire ou non leur confiance en la région pour qu’elle soit la seule à exercer des compétences, domaine d’action par domaine d’action. Transports, tourisme, routes… Il est d’abord frappant de constater que pour tous les secteurs de l’action publique envisagés, une majorité se dessine en faveur d’une attribution exclusive des compétences à la région ! Les meilleurs scores sont enregistrés au niveau des compétences qui, dans l’imaginaire collectif, relèvent le plus d’une action territoriale ciblée, ou encore qui appartiennent déjà aux prérogatives des conseils régionaux : mobilité et transports (84 % de confiance), tourisme (82 %), aménagement du territoire (81 %), ou encore routes et voiries (80 %). À l’inverse, les domaines pour lesquels les niveaux de confiance sont les plus faibles sont ceux qui appartiennent davantage aux domaines régaliens d’intervention de l’État ou à ceux pour lesquels un risque d’inégalité de traitement entre les territoires –et donc entre les Français – pourrait être identifié : sécurité, 60 %, solidarité, 64 %, santé, 57 %. Sur ce sujet, les clivages politiques s’estompent, le clivage générationnel apparaissant en revanche toujours pertinent. Les plus jeunes, s’agissant notamment des domaines d’action économique, comme
À quel échelon d’acteurs publics faites-vous le plus confiance pour assurer le développement économique des territoires et l’emploi ?
30 %
Aux régions Aux communautés de communes, communautés d’agglomération, communautés urbaines et métropoles
Aux départements
Aux communes
24 %
À l’État
16 % 11 %
19 %
Pour chacun des domaines d’action suivants, feriez-vous confiance aux régions pour qu’elles soient le seul échelon à pouvoir exercer des compétences publiques ? TOTAL OUI
TOTAL NON
50 %
13 % 3 %
16 %
34 %
48 %
15 % 3 %
18 %
27 %
54 %
16 %
3%
19 %
30 %
50 %
17 %
78 %
24 %
54 %
17 %
L’environnement
76 %
25 %
51 %
20 %
4%
24 %
Le logement, l’urbanisme
76 %
24 %
52 %
20 %
4%
24 %
Le développement économique
74 %
La formation professionnelle
71 %
L’emploi
67 %
L’éducation
La mobilité, les transports
84 %
Le tourisme
82 %
L’aménagement du territoire
81 %
Les routes, la voirie
80 %
La culture, le sport, les loisirs
34 %
23 % 23 %
5%
21 %
51 %
20 %
3%
22 %
26 %
5%
29 %
5%
48 %
24 %
20 %
47 %
27 %
6%
33 %
66 %
19 %
47 %
27 %
7%
34 %
La recherche et l’innovation
66 %
19 %
47 %
27 %
7%
34 %
La solidarité, la lutte contre l’exclusion
64 %
48 %
29 %
La sécurité des biens et des personnes
60 %
La santé
57 %
16 % 18 % 15 % Oui, tout à fait d’accord
Oui, plutôt
42 %
31 %
42 %
34 %
Non, plutôt pas
36 %
7% 9% 9%
40 % 43 %
Non pas du tout
À l’avenir, souhaitez-vous que les régions puissent prendre en charge les compétences… … des départements ?
78 %
… de l’État ?
68 %
… des intercommunalités et des métropoles ?
68 %
… des communes ?
58 %
24 %
54 % 20 %
48 %
12 %
56 % 18 %
Oui, totalement
22 %
Oui, en partie
32 % 32 %
40 %
42 %
Non
#120 MARS-AVRIL 2016 ACTEURS PUBLICS 27
L’OBSERVATOIRE DES POLITIQUES PUBLIQUES
Selon vous, la création de grandes régions en début d’année… TOTAL « D’ACCORD » … va éloigner les capitales régionales des territoires ruraux ou enclavés
77 %
… donne naissance à des territoires sans grande cohérence, difficilement gérables
71 %
… va créer une concurrence avec les grandes métropoles
63 %
… donne naissance à des territoires forts qui ont la taille nécessaire pour affronter la concurrence des autres grandes régions européennnes
61 %
… va permettre à des territoires peu favorisés d’être tirés vers le haut
56 %
TOTAL « PAS D’ACCORD »
47 %
20 %
27 %
44 %
26 %
14 %
49 %
31 %
47 %
30 %
30 %
14 % 11 %
Tout à fait d’accord
l’emploi, la formation professionnelle, ou encore la recherche, font montre d’une méfiance bien plus élevée à l’encontre de la région que leurs aînés. Dans ce contexte, il n’est guère surprenant de noter que les personnes interrogées sont systématiquement nombreuses à envisager un transfert des compétences actuellement détenues par différents échelons à la région : 78 % estiment ainsi que celles des départements pourraient aller à la région, 68 % faisant le même raisonnement pour les compétences de l’État ou des intercommunalités. Le taux le plus bas concerne les compétences de la commune, transférables pour 58 % des interviewés. Mais, pour chaque niveau, la part des personnes souhaitant une attribution de l’ensemble des compétences (réponses « oui, totalement ») reste très minoritaire : c’est donc un transfert partiel qui est à chaque fois souhaité par les Français. Éloignement et enclavement Dernier enseignement, et non des moindres, de cette enquête : les conséquences directes de la création des grandes régions en ce début d’année telles qu’elles sont perçues par les Français témoignent de la grande prudence de la population face à un possible renforcement de leur poids politique. Ainsi, 77 % des répondants craignent un éloignement des capitales régionales par rapport aux territoires ruraux ou enclavés, signe d’une inquiétude toujours très prégnante quant à la relégation
Plutôt d’accord
34 %
Plutôt pas d’accord
3% 6% 9% 10 %
29 % 37 % 39 % 44 %
Pas du tout d’accord
de territoires au sein de la République. Une part tout aussi significative (71 %) pointe la création de territoires sans grande cohérence, difficilement gérables. Près de 2 personnes sur 3 (63 %) envisagent en outre le danger d’une concurrence avec les métropoles. Manifestement, si les Français font a priori confiance à l’échelon régional pour tenter de (mieux) régler certains problèmes que les autres niveaux, le doute reste élevé quant à l’efficacité de la nouvelle organisation territoriale pour ce faire, dans un contexte de forte défiance face à la capacité des acteurs publics en général à améliorer le sort du pays et de ses habitants.
Retrouvez l’émission l’observatoire des politiques publiques sur
Damien Philippot, directeur des études politiques au département « Opinion et stratégies d’entreprise » de l’Ifop
Sondage Acteurs publics/Ernst & Young réalisé par l’Ifop pour l’Observatoire des politiques publiques auprès d’un échantillon de 955 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas (sexe, âge, profession de l’interviewé) après stratification par région et catégorie d’agglomération. Les interviews ont eu lieu par questionnaire auto-administré en ligne (CAWI – Computer Assisted Web Interviewing) du 26 au 28 janvier 2016.
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L’OBSERVATOIRE DES POLITIQUES PUBLIQUES
Les Français ont-ils raison de faire confiance aux régions ? L’heure des réformes profondes du fonctionnement, des modes de gestion des compétences régionales, de l’allocation des moyens aux missions a sonné.
A
u lendemain des scrutins régionaux, les Français plébiscitent largement les régions et semblent leur accorder leur confiance pour conduire les politiques publiques concourant au développement et à l’équilibre des territoires. Cette confiance doit donner aux institutions régionales, pour beaucoup en cours de reconfiguration suite à la loi NOTRe, une impulsion forte vers une transformation qui semble incontournable. Ces dix dernières années, les régions ont en effet assez peu évolué dans leur fonctionnement. D’une part parce qu’elles ont ressenti plus tardivement que les autres échelons territoriaux la contrainte budgétaire, mais aussi sous prétexte qu’elles constituent des administrations « jeunes ». S’il est vrai que leur création ne remonte qu’à 1982 – à comparer aux près de 3 siècles d’existence des départements –, l’argument peut difficilement s’entendre dans une société en profonde mutation. Quelle entreprise, de plus de 30 ans d’âge, pourrait aujourd’hui se développer sans faire évoluer ses modèles opérationnels et économiques ? Or les régions, auxquelles cette jeunesse aurait pu conférer une certaine agilité et capacité à se transformer, n’ont que très rarement engagé de véritables plans de modernisation et de simplification. La réforme territoriale, même si elle n’aboutit pas à la simplification nécessaire de la mise en œuvre des politiques publiques, renforce leurs compétences, répondant ainsi aux attentes exprimées par les citoyens. Mais pour être en mesure d’y répondre, les chantiers à engager sont majeurs, et il n’apparaît pas que les régions y soient très préparées. Quelques exemples illustrent ce constat. Affirmées dans leur chef-de-filat en matière de développement économique, les régions interviennent aujourd’hui dans un écosystème d’acteurs
qui demeure extrêmement morcelé : plus d’une centaine d’agences régionales et départementales viennent ainsi compléter les services économiques des régions, mais parfois aussi s’y superposer. S’ajoutent à ces structures les nombreux autres acteurs publics plus ou moins spécialisés dans l’attractivité des territoires, le soutien à l’innovation, au développement international, l’accompagnement et le conseil aux entreprises, les missions d’observatoire… La promotion touristique des territoires, et l’accompagnement des filières économiques des professionnels du tourisme, est exercée par 26 comités régionaux (une région a même deux comités régionaux de tourisme…) et 96 comités départementaux de tourisme, en complément des services dédiés à cette politique aux différents échelons, et des milliers d’offices du tourisme municipaux ou intercommunaux. Dans ces deux domaines, pratiquement aucune rationalisation, par rapprochement ou mutualisation de moyens, n’a été mise en œuvre dans un passé récent, alors même que tous appellent à une simplification qui permettrait d’allouer les fonds publics aux interventions plutôt qu’au fonctionnement des structures. Or les chantiers majeurs qui s’ouvrent, pour 13 régions sur les 26 existant en décembre 2015, vont concerner la fusion des administrations. Partiellement préfigurées dans certains territoires, et très peu dans d’autres, ces fusions sont inévitablement sources de surcoûts ponctuels ou plus pérennes et vont concentrer une part significative du temps des agents théoriquement dédié à la mise en œuvre des compétences. Quand la plupart des nouveaux exécutifs régionaux annoncent la mise en œuvre de plans d’économies de plusieurs centaines de millions d’euros, et ceci pour préserver une capacité d’autofinancement indispen-
sable aux dépenses d’investissement, il est clair que l’heure des réformes profondes du fonctionnement, des modes de gestion des compétences régionales, de l’allocation des moyens aux missions a sonné. Mais il est à craindre que l’effet de ces réformes soit tardif, tant l’élaboration de ces plans de transformation est lente. Pourtant, l’éventail des marges de manœuvre est important, si l’on s’efforce de les considérer de façon structurée et objective : les chaînes de commandement peuvent souvent être considérablement raccourcies, certaines comprenant jusqu’à 7 niveaux hiérarchiques, pouvant conduire à des services de 2 personnes ; les organismes satellites externalisant, de façon plus ou moins maîtrisée, une partie des interventions, peuvent être repositionnés et rationalisés ; les unités dédiées à la production – notamment la restauration scolaire – ou l’occupation du patrimoine immobilier sont également des gisements certains d’optimisation des coûts de fonctionnement, sans dégradation de la qualité du service public. Un mandat de six années est court, l’urgence de la réalisation des économies est grande : la confiance des Français ne pourra être honorée qu’avec une détermination forte des exécutifs régionaux à entreprendre les changements qui s’imposent, avec courage politique et professionnalisme administratif, pour dégager les ressources nécessaires à la conduite de politiques publiques efficaces.
Nathalie van Vliet Nivelon, associée responsable « secteur public » EY
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L’OBSERVATOIRE DES POLITIQUES PUBLIQUES
L’AVIS DE François Patriat, sénateur PS de la Côte-d’Or, ancien président de la région Bourgogne
HAMILTON/REA
« Il y a un véritable travail de pédagogie à faire sur le nouveau rôle des régions »
En tant que président de région sortant, je me réjouis de voir que pour 30 % des sondés, la région demeure l’échelon le plus efficace pour assurer la mission primordiale de développement économique d’un territoire. C’est cette même conviction qui m’a poussé, lors de l’examen des projets de loi Maptam et NOTRe [respectivement loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles et loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, ndlr] au Sénat, à me prononcer en faveur d’une plus grande spécialisation des compétences des différentes collectivités locales, et à défendre – de
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ce fait – la suppression de la clause de compétence générale. En effet, pendant trop longtemps, tous les échelons territoriaux souhaitaient tout faire, et faisaient finalement tout mal. Avec une clarification accrue des conditions d’exercice de certaines compétences des collectivités territoriales, les lois Maptam et NOTRe sont parvenues à simplifier en partie notre millefeuille territorial. Des avancées notables sont à relever. À ce titre, rappelons que sur le plan économique, la région est à présent chargée d’élaborer un schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation – à valeur prescriptive – qui définit les régimes d’aides aux entreprises. Les autres niveaux de collectivités peuvent également intervenir mais uniquement avec l’accord de la région ou directement mais dans des cas spécifiquement prévus par la loi. En somme, une véritable mise en valeur de la région. D’autre part, cette enquête met en exergue le fait que la région reste une strate territoriale à laquelle les Français sont véritablement attachés. En termes d’efficacité économique, d’aménagement du territoire, de développement de la formation professionnelle, l’échelon régional demeure une référence. Avec la mise en place d’une conférence territoriale de l’action publique présidée par le président du conseil régional – rassemblant l’ensemble des exécutifs locaux, un représentant de l’État
ainsi que des délégués des maires et des représentants des communautés de communes –, la loi Maptam a su mettre la région au cœur du développement territorial de notre pays. Au-delà de la plus grande clarification des compétences entre échelons territoriaux, les transferts de certaines compétences, particulièrement du département – et, dans une moindre mesure, de l’État –, vers la région semblent globalement soutenus par les sondés, et je m’en réjouis. Il est important de construire une action publique et plus cohérente. Enfin – et c’est le bémol que j’apporterai à l’élan d’enthousiasme qui est le mien à l’égard de la perception qu’ont les sondés de l’échelon régional –, je regrette sincèrement que la fusion des régions puisse être source d’inquiétudes, voire de confusion chez nos concitoyens. Loin d’éloigner les capitales régionales des territoires ruraux ou de ceux les plus en difficultés, la fusion des régions a pour objectif de clarifier et de simplifier un mille-feuille territorial qui était devenu illisible. En rapprochant des sites productifs ou des pôles universitaires entre eux, la fusion des régions contribue à une plus grande efficacité de l’action publique sur un territoire donné. Il y a un véritable travail de pédagogie à faire dans ce domaine, si l’on souhaite que nos concitoyens prennent pleinement conscience de l’impérieuse nécessité de rationaliser encore bien davantage l’organisation territoriale française.
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OPINION
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38 INTERNATIONAL L’union économique d’Afrique centrale doit trouver un nouveau souffle
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40 INSTITUTIONS Le « droit gouvernemental », droit des praticiens de l’action gouvernementale
« La sécurité est devenue une politique publique transversale et globale »
Les coulisses d’un partenariat inédit
FRÉDÉRIC MAIGROT/RÉA
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34 INTERNATIONAL Réforme des administrations publiques espagnoles : un pilotage inédit et réussi
OPINION I INTERNATIONAL
RÉFORME DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES ESPAGNOLES : UN PILOTAGE INÉDIT ET RÉUSSI Angelina Trigo Portela, directrice du Bureau pour l’exécution de la réforme de l’administration et vice-présidente du gouvernement espagnol
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* Le résumé exécutif du rapport Cora est disponible sur la page Web de la Cora, sur le site internet du Ministerio de Hacienda y Administraciones Públicas (MINHAP) : http://seap.minhap. gob.es/web/areas/ reforma_aapp.html
a situation économico-financière internationale et espagnole, ainsi que la situation de déséquilibre entre emploi public et emploi privé exigeaient d’adopter des mesures urgentes de contrôle des dépenses et de rationalisation du secteur public. En 2012, le gouvernement d’Espagne a décidé de lancer une ambitieuse réforme de l’administration publique, pour réduire et adapter l’administration à la nouvelle situation en rendant son fonctionnement plus efficace et plus transparent ; en définitive, plus proche des citoyens. Le Conseil des ministres, dans son accord du 26 octobre 2012, a approuvé la création de la Commission pour la réforme des administrations publiques (Cora) encouragée par la vice-présidente du gouvernement. Pour qu’elle puisse jouer pleinement son rôle, il était nécessaire de réaliser une étude complète des trois niveaux de l’administration publique espagnole afin d’élaborer des propositions concrètes et de mettre en place la réforme qui lui a été confiée en intégralité. Pour cela, 4 sous-commissions ont été créées au sein de la Cora, chacune correspondant à l’un des 4 axes de la réforme, à savoir : - « Doublons administratifs », qui avait pour objet d’identifier et d’éliminer les doublons et de renforcer les mécanismes de coopération entre administrations de sorte que, dans la mesure où les compétences attribuées à l’administration locale font déjà
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l’objet d’une réforme dans un projet de modification de sa loi régulatrice, les doublons à identifier dans cette étude furent simplement ceux qui se produisent au sein de l’administration générale de l’État (AGE), entre celle-ci et les communautés autonomes. - « Simplification administrative », qui visait l’élimination des entraves bureaucratiques et la simplification des procédures au bénéfice des citoyens. - « Gestion des services et ressources communes », qui s’occupait d’identifier les activités de gestion qui, en étant similaires, peuvent s’aborder de manière centralisée ou commune, en tirant un meilleur parti des ressources publiques. - « Administration institutionnelle », qui a analysé la typologie des entités qui la composent et proposé des modifications générales et des actions ciblées sur des entités concrètes. La Commission a pu compter sur la collaboration de l’ombudsman [médiateur, ndlr], d’associations entrepreneuriales, de syndicats, de chambres de commerce et autres acteurs sociaux, ainsi que sur la participation citoyenne, par le biais du Conseil, dont ils ont fait partie, et de la boîte aux lettres du citoyen ouverte à cette occasion. 2 239 suggestions ont ainsi été recueillies grâce à cette dernière, en matière de doublons et d’élimination d’entraves bureaucratiques, qui ont permis l’identification d’aires d’amélioration de la gestion publique. Ainsi, la Commission a réalisé une étude comparative des
réformes administratives adoptées dans d’autres pays voisins. Tout cela a donné lieu à l’élaboration du rapport de la Commission (rapport Cora) – avec 217 propositions de réforme (222 aujourd’hui) –, qui fut présenté en Conseil des ministres le 21 juin 2013*. Parmi l’ensemble des mesures, 11 sont à caractère général et concernent tous les domaines de l’administration publique ; 120 tendent à éliminer des doublons tant avec les communautés autonomes qu’au sein même de l’administration de l’État ; 44 éliminent les entraves bureaucratiques, simplifient les procédures et facilitent l’accès des citoyens à l’administration ; 39 améliorent la gestion des services et des ressources communes ; et 8 rationalisent l’administration institutionnelle, tant sur le plan normatif que par la suppression et l’intégration d’entités publiques d’État et autres organismes. Pour mener à bien la réforme, le gouvernement a approuvé, par décret du 21 juin 2013, la création du Bureau pour l’exécution de la réforme de l’administration, ayant un statut de soussecrétariat et relevant de la vice-présidence du gouvernement. Par décret d’août 2014, le gouvernement a doté ce bureau d’une structure permanente, en maintenant l’obligation de faire remonter au Conseil des ministres les rapports trimestriels et annuels de suivi du niveau d’exécution des mesures. À ce jour, parmi les 222 mesures Cora, 192 ont été mises en œuvre, attei-
OPINION I INTERNATIONAL
gnant ainsi un pourcentage d’exécution supérieur à 86 %, 50 % de celles-ci correspondent à des actions de suppression de chevauchements et de doublons administratifs, tant dans le domaine de l’AGE qu’entre celle-ci et les communautés autonomes. Un nombre considérable de mesures concernent les communautés autonomes. Parmi celles-ci, en moyenne 84 % ont été exécutées. Cela a nécessité, entre autres actions, la souscription de 381 conventions de collaboration. Par ailleurs, les communautés autonomes ont adopté leurs propres plans de rationalisation et de simplification, visant à améliorer les services proposés aux citoyens. La réforme Cora a nécessité différentes modifications normatives : 3 lois organiques, 23 lois ordinaires, un décret-loi, 8 décrets législatifs, 66 décrets et une multitude d’accords du Conseil des ministres et d’autres normes de rang inférieur. Concernant les mesures destinées au contrôle et à la rationalisation de la dépense publique qui améliorent de manière décisive le fonctionnement et l’efficacité su secteur public, on peut citer la loi organique de stabilité budgétaire et de durabilité financière, qui établit des objectifs concrets de dépense et d’endettement publics et les mécanismes corrélatifs pour en assurer la
réalisation, et la loi de rationalisation et durabilité de l’administration locale, qui a clarifié les compétences municipales pour éviter des doublons, limité les dépenses en augmentant leur contrôle dans ces entités et stimulé l’initiative économique en réduisant le nombre d’autorisations administratives. Grâce à ces propositions normatives, le déficit est passé de 9 % fin 2011 à 4,2 % prévus pour fin 2015. Et la plupart des mairies ont enregistré un excédent.
lions d’euros et, grâce à la vente de bâtiments publics sous-exploités, qui a produit des recettes supérieures à 561 millions d’euros. L’ensemble des mesures de rationalisation a généré la réalisation d’économies supérieures à 30,3 milliards d’euros pour les administrations publiques. La principale préoccupation de la Cora est d’améliorer les relations de l’administration avec les citoyens et les entreprises. En ce qui concerne les mesures destinées aux citoyens, celles qui se développent dans le service public de l’emploi méritent une attention particulière, avec la création d’un portail unique de l’emploi, qui concentre sur une plate-forme unique les offres d’emplois, passant ainsi de 400 offres en 2013 à plus d’1 million aujourd’hui. Dans le secteur sanitaire, les hôpitaux publics disposent des dossiers cliniques numérisés de plus de 25 millions de citoyens et l’ordonnance électronique s’applique dans l’ensemble du pays. Dans l’objectif de simplifier et de faciliter la relation entre les citoyens et les administrations publiques et d’accélérer l’action de l’administration, des systèmes digitaux et des rendez-vous préalables ont été organisés, comme le rendez-vous préalable de
« Grâce à ces propositions normatives, le déficit est passé de 9 % en 2011 à 4,2 % fin 2015. » En matière spécifique de rationalisation du secteur public, diverses mesures adoptées ont limité la croissance de la dépense de l’emploi public et ont restructuré le secteur public administratif, entrepreneurial et relatif aux fondations, ce qui a supposé la suppression de 2 305 entités publiques : 115 dans l’AGE, 754 dans les communautés autonomes et 1 476 au niveau local. Finalement, l’efficacité dans la gestion du secteur public a été améliorée grâce à la centralisation d’achats et d’approvisionnements, qui a déjà permis d’économiser plus de 640 mil-
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OPINION I INTERNATIONAL
RÉFORME DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES ESPAGNOLES : UN PILOTAGE INÉDIT ET RÉUSSI Angelina Trigo Portela, directrice du Bureau pour l’exécution de la réforme de l’administration et vice-présidente du gouvernement espagnol la direction générale de la circulation qui, à ce jour, a traité les demandes de plus de 4 millions de citoyens. De même, des mesures de simplification dans le domaine environnemental et de gestion des déchets ont été prises, entraînant la réduction des charges administratives pour les citoyens et les entreprises. Parmi les mesures visant à améliorer le financement des entreprises, il faut signaler la loi de contrôle de la dette commerciale, qui évitera dans le futur les impayés, et la loi de facture électronique, qui aidera à son application en introduisant des garanties pour le paiement effectif de celles-ci. La création d’un registre de factures électroniques a permis de traiter, à ce jour, plus de 5 millions de factures électroniques, en générant une économie de plus d’1,8 million d’euros pour les administrations publiques et de 500 000 euros pour les entreprises. Les mesures qui concernent des citoyens et des entreprises supposent une économie pour ceux-ci de plus de 3 milliards d’euros. À ces mesures s’ajoutent les mécanismes de financement afin de venir en aide aux administrations publiques. Ainsi, le Fonds de paiement aux fournisseurs a versé plus de 42 millions d’euros pour payer les factures en cours aux fournisseurs des communautés autonomes et des entités locales, tandis que le Fonds de liquidité auto-
nome a apporté plus de 80 millions d’euros aux communautés autonomes, ce qui leur a permis d’obtenir du financement avec des taux d’intérêts plus réduits que ceux qu’ils devraient payer s’ils devaient accéder directement aux marchés des capitaux. La réforme comprend des mesures d’amélioration régulatrice, parmi lesquelles on peut souligner l’élaboration de codes législatifs et la mise en place
entre les citoyens et l’administration. La loi de transparence, d’accès à l’information publique et de bon gouvernement a créé le portail de transparence du gouvernement espagnol en 2014 (http://transparencia.gob.es) et régule, pour la première fois, tant la publicité active des entités publiques de l’AGE que le droit à l’accès à l’information des citoyens, avec les limites signalées dans la loi, tout cela afin d’augmenter le contrôle des citoyens sur les communautés autonomes et d’améliorer sensiblement leur perception de celles-ci. Plus de 1 360 000 registres d’information ont déjà été publiés. Il faut souligner que tout ce processus n’aurait pas été possible sans le soutien déterminant du gouvernement à l’administration numérique, en encourageant le développement de projets technologiques avec comme objectif l’élimination du support papier (y compris dans la justice) et le rapprochement de l’administration avec les citoyens et les entreprises, grâce à l’économie de ressources publiques pour, en définitive, obtenir une administration totalement numérique et plus interactive, transparente et sûre. L’OCDE et la Commission européenne ont évalué positivement le processus de réforme intégrale des administrations publiques en Espagne et plaident pour le caractère permanent du Bureau pour l’exécution de la réforme de l’administration. ■
« L’OCDE et la Commission européenne ont évalué positivement le processus de réforme des administrations. » du « common commencement dates », de telle sorte que les normes [de l’action publique, ndlr] et celles de la sécurité sociale entreront obligatoirement en vigueur seulement deux fois par an. La loi du régime juridique du secteur public régule les relations fonctionnelles et de coordination entre les entités et prévoit un processus d’évaluation ex ante et ex post de celles-ci. La loi de procédure administrative commune des administrations publiques établit un nouveau processus d’élaboration des normes et envisage la participation citoyenne à travers la consultation publique préalable, renforce la transparence dans les procédures et optimise l’utilisation des moyens électroniques dans les relations
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OPINION I INTERNATIONAL
L’UNION ÉCONOMIQUE D’AFRIQUE CENTRALE DOIT TROUVER UN NOUVEAU SOUFFLE Isidore Kwandja Ngembo, politologue
L
a sous-région de l’Afrique centrale, comme le nom l’indique, est située dans une position charnière et stratégique de l’Afrique et constitue l’une des sous-régions les plus riches du continent. Elle regorge d’immenses potentialités humaines et naturelles susceptibles d’impulser le développement économique et social, et ainsi améliorer sensiblement les conditions de vie des peuples qui y habitent. On y trouve notamment d’importantes ressources pétrolières, d’importants gisements de métaux précieux et de minéraux, de gigantesques ressources en eau potable et le potentiel hydro-électrique le plus important du continent. Six pays de la sous-région – Cameroun, Centrafrique, Congo Brazzaville, Gabon, Guinée équatoriale et République démocratique du Congo – ont en commun un massif forestier du Bassin du Congo, seconde réserve forestière, souvent considérée comme le poumon mondial. L’Afrique centrale dispose également d’un important potentiel agricole encore très peu exploité, notamment des terres arables de qualité et les conditions climatiques favorables au développement de l’agriculture industrielle à grande échelle. Cependant et en dépit du fait que la sous-région recèle d’immenses avantages potentiels pour le décollage économique, il y a lieu de constater, malheureusement, que l’Afrique centrale semble accuser beaucoup du retard par rapport aux autres sous-régions
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du continent africain. La Communauté économique des États d’Afrique centrale (CEEAC), organe intergouvernemental qui réunit 11 États de la sousrégion, éprouve encore des difficultés d’attractivité et d’absorption des appuis techniques et financiers extérieurs, comparativement à la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). De toutes les communautés économiques sous-régionales existantes en Afrique subsaharienne – la Cedeao en Afrique de l’Ouest, la CEEAC en Afrique centrale, l’Autorité intergouvernementale pour le développement (Igad) en Afrique de l’Est et la Communauté pour le développement de l’Afrique du Sud (SADC) en Afrique australe –, la CEEAC est la sous-région la moins avancée sur le plan de l’intégration économique. D’où la nécessité pour elle de créer les conditions favorables qui puissent attirer les filles et fils de la sous-région qui ont une réelle volonté de revenir dans la sous-région pour relever les défis importants auxquels elle fait face, notamment de réformer sérieusement l’Organisation et de la doter d’une réelle capacité de coordination des actions d’intégration économique, afin d’accroître non seulement sa visibilité et sa crédibilité, mais aussi de maintenir de bonnes relations avec les bailleurs de fonds internationaux et bilatéraux. Lors de sa création, la CEEAC avait pour objectif de « promouvoir et ren-
forcer une coopération harmonieuse et un développement équilibré et autonome entretenu dans les domaines de l’activité économique et sociale […] en vue de réaliser l’autonomie collective, d’élever le niveau de vie des populations, d’accroître et de maintenir la stabilité économique, de renforcer les étroites relations pacifiques entre ses membres et de contribuer au progrès du continent africain ». L’intégration économique était et demeure encore le leitmotiv de l’Organisation. Mais force est de constater que celle-ci n’arrive pas à produire suffisamment des résultats escomptés. Plusieurs raisons peuvent tout de même expliquer cette situation. En effet, l’Afrique centrale demeure la sous-région la moins intégrée du continent, économiquement, politiquement et même sur le plan sécuritaire. L’Afrique centrale est dramatiquement sous-équipée en infrastructures de base et souffre d’une déficience en interconnexion des réseaux nationaux de transport des biens et des personnes entre les États membres. Ce qui constitue un handicap majeur pour entreprendre, avec succès, des projets intégrateurs mutuellement profitables. Il y a lieu de noter également qu’entre 1992 et 1997, la CEEAC est restée inopérante du fait que plus de la moitié des États membres étaient confrontés à des crises internes et à des conflits armés. Ce n’est qu’en 1998, à l’issue du sommet de Libreville, que la CEEAC avait repris des activités.
OPINION I INTERNATIONAL
En mai 2016, la CEEAC va tenir sa 17e session ordinaire de la conférence des chefs d’État et de gouvernement à Libreville, au Gabon, pays qui abrite le siège de l’organisation. L’un des principaux sujets de discussion sera le renouvellement de l’équipe de la haute direction de la CEEAC, dont le mandat arrive à terme, en tenant dûment compte à la fois du principe de rotation géographique et de représentativité équitable des États membres. Le sujet avait déjà été évoqué lors de la dernière session, qui s’était tenue à N’Djamena (Tchad) en mai 2015. Les chefs d’État et de gouvernement avaient convenu d’attendre d’abord la finalisation de la réforme institutionnelle de la CEEAC, nécessaire pour assurer le bon fonctionnement de l’Organisation, indispensable à la fois pour son existence et pour sa survie. En effet, le renouvellement de l’équipe dirigeante est plus que nécessaire pour insuffler une nouvelle dynamique aux efforts que déploie la CEEAC, au travers de la coopération sous-régionale, pour favoriser le rapprochement entre les États, afin de relever, ensemble, le plus grand défi à l’intégration économique continentale. Les principaux partenaires financiers de l’organisation, notamment l’Union européenne, l’Union africaine, la France, les États-Unis, le groupe de
la Banque mondiale et différentes agences spécialisées des Nations unies qui appuient le processus d’intégration sous-régionale en finançant la majeure partie des programmes prioritaires de la CEEAC, s’attendent également à ce que l’organisation fasse des efforts considérables pour renforcer sa crédibilité à travers l’amélioration de sa gouvernance interne, l’instauration des principes d’imputabilité, la transparence dans la gestion des ressources et ainsi améliorer son image extérieure. De plus, quoique la CEEAC soit un
gadement idéologique, l’extrémisme religieux et l’enrôlement des jeunes dans les groupes armés. Aujourd’hui plus que jamais, la CEEAC doit veiller à étendre sa visibilité internationale pour attirer l’attention des acteurs importants de la coopération internationale au développement, pour améliorer le bien-être des peuples de la sous-région. L’efficacité et la visibilité d’une organisation passe par un choix judicieux des dirigeants qui l’animent. Nous espérons que la conférence des chefs d’État et de gouvernement, autorité ultime de prise de décisions à la CEEAC, tiendra compte de la nécessité de renforcer les capacités institutionnelles et humaines du secrétariat général afin qu’il soit en mesure de faire avancer l’agenda d’intégration sous-régionale. Créée en 1983 par les 6 États membres de l’Union douanière et économique de l’Afrique centrale (Udeac) – l’actuelle Cemac – et les 3 États membres de la Communauté économique des États des Grands Lacs (CEPGL) ainsi que par l’Angola et Sao Tomé-et-Principe, la CEEAC compte actuellement 11 États membres : Angola, Burundi, Cameroun, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Rwanda, Sao Tomé-et-Principe, Tchad.
« L’efficacité et la visibilité d’une organisation passe par un choix judicieux des dirigeants qui l’animent. » outil intergouvernemental, elle pourrait s’avérer beaucoup plus efficace et efficiente, avec des résultats palpables, en impliquant et faisant participer activement la société civile et le secteur privé également, pour impulser l’intégration économique. Ensemble – État, société civile et secteur privé –, ils peuvent relever le plus grand défi du continent, celui de permettre à la jeunesse africaine d’accéder aux emplois stables, productifs et décents, nécessaires pour lutter contre l’embri-
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OPINION I INSTITUTIONS
LE « DROIT GOUVERNEMENTAL », DROIT DES PRATICIENS DE L’ACTION GOUVERNEMENTALE Matthieu Caron, docteur en droit public, professeur agrégé de l’université de Lille-II
A
lors qu’elle s’est beaucoup attachée à comprendre, décrire et analyser la vie interne du Parlement français, la doctrine constitutionnelle s’est assez peu intéressée jusqu’à présent à la vie intérieure du gouvernement et de ses ministères. Là où la discipline du droit parlementaire a fait son entrée de longue date au sein des facultés de droit et des instituts d’études politiques, le chantier du droit gouvernemental de la Ve République n’a vraiment débuté qu’avec la parution d’ouvrages tels que ceux de Jean Massot (Le Chef du gouvernement en France, 1979), de Jacques Fournier (Le Travail gouvernemental, 1987) ou d’Olivier Schrameck (Les Cabinets ministériels, 1995). Il s’agit pourtant d’un chantier de recherche fondamental pour le droit constitutionnel institutionnel. L’édification du droit gouvernemental permettrait, en effet, d’affiner la connaissance de l’organisation et du fonctionnement juridique et politique intérieurs de l’appareil gouvernemental. C’est ce chantier que notre récent travail de thèse s’est proposé d’investir*. En la matière, les résultats de notre recherche intéressent au premier chef les membres du gouvernement d’aujourd’hui et de demain, tout comme les membres des services du Premier ministre, des cabinets ministériels ainsi que ceux de l’administration centrale qui pourront y trouver
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une vue d’ensemble de l’organisation gouvernementale. En retour, les acteurs de l’action gouvernementale ont énormément à apporter dans les prochaines années à la construction du droit gouvernemental car ils pratiquent ce droit in situ là où les chercheurs ne peuvent que l’observer in vitro. L’un des grands architectes du droit parlementaire, le recteur Marcel Prélot, ne soutenait-il pas que « le véritable moyen de connaître le droit parlementaire, c’est de le vivre » ? Tel est également le cas du droit gouvernemental dont le chantier nécessite le concours de nombreux architectes. Aucun chercheur ne saurait à lui seul conceptualiser un droit d’abord et avant tout pratiqué par des acteurs de terrain. Ce que le droit gouvernemental peut apporter aux acteurs gouvernementaux Le droit gouvernemental est un droit spécial régissant les organes, les fonctions et le travail du gouvernement. Ainsi les acteurs gouvernementaux peuvent-ils s’y référer pour connaître dans le détail les dispositions régissant les organes politiques et administratifs du gouvernement : création et structuration d’un nouveau gouvernement, du Conseil des ministres, des conseils interministériels, des comités interministériels, des réunions ministérielles, des réunions interministérielles, des cabinets ministériels, du SGG [secrétariat général du gouvernement,
ndlr], du SGAE [secrétariat général des affaires européennes, ndlr], du SGDSN [secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, ndlr], du SGMAP [secrétariat général pour la modernisation de l’action publique, ndlr] et des administrations centrales en général. Ils pourront également en savoir davantage à propos du statut des membres du gouvernement (nomination, révocation, droits et devoirs, indemnisation, déplacements, etc.) et sur leur propre statut (emplois de cabinets, emplois à la décision, emplois supérieurs fonctionnels, tour extérieur, rémunération, système des primes, logement, etc.). Les acteurs gouvernementaux peuvent également recourir au droit gouvernemental pour mieux saisir le rôle dévolu à chacun des acteurs politiques et administratifs du gouvernement : fonctions du Premier ministre, des ministres de plein exercice, des ministres délégués, des secrétaires d’État (définies spécialement par les coutumes, les décrets d’attribution et de délégation), du Conseil des ministres, des membres des cabinets ministériels (du directeur de cabinet au conseiller technique en passant par le chef du bureau du cabinet), des membres des services du Premier ministre (en particulier du SGG) et de l’administration centrale (du secrétaire général du ministère au chef de bureau en passant par les responsables de programme). Enfin, le droit gouvernemental régit le travail gouvernemental. Sur ce point,
OPINION I INSTITUTIONS
notre travail de recherche est resté sommaire pour deux raisons. D’une part, d’un point de vue formel, une grande partie des règles du travail gouvernemental sont rassemblées dans le guide de légistique du SGG et du Conseil d’État depuis 2005. D’autre part, l’objet de notre thèse a principalement consisté à faire la démonstration de l’autonomie organisationnelle du gouvernement et non de son autonomie procédurale. Cela étant, un ouvrage sur le travail gouvernemental est en cours d’écriture pour parfaire cette dimension processuelle d u c h a n t i e r d u d ro i t gouvernemental. Au surplus, l’approfondissement du droit gouvernemental nécessitera le concours des acteurs de ce droit, qu’on ne peut qu’inviter à relater par écrit leurs savoirs et leurs expériences empiriques dans des revues scientifiques, des essais ou des ouvrages de témoignage. De même peuventils transmettre aux chercheurs tous les matériaux dont ils disposent en vue de prolonger et préciser le droit gouvernemental.
main. Ces documents sont principalement de deux types : soit il s’agit de documents de travail (organigrammes, fiches de postes, lettres de mission, comptes-rendus de réunions, etc.) ; soit il s’agit de sources à caractère juridique ou parajuridique non publiées (circulaires, notes internes, contrats de collaborateurs, documents financiers, préprojets de textes, etc.). Pour un chercheur, nécessairement extérieur à l’action gouvernementale, ces données sont aussi inaccessibles qu’essentielles.
besoin de discrétion sinon de secret. Mais, sur certaines questions, comme celles touchant aux statuts des entourages gouvernementaux, le secret n’est plus de mise dans un État de droit. Aussi, les acteurs gouvernementaux doivent-ils être invités à endosser le rôle de « lanceurs d’alerte » chaque fois qu’ils constatent des zones grises a priori incompatibles avec le respect du droit commun ou impensées par celui-ci. La réflexion des acteurs gouvernementaux peut également s’avérer salutaire pour sophistiquer l’état du droit gouver nemental existant. Ils peuvent tout d’abord contribuer à perfectionner le droit positif en mettant en lumière les incomplétudes, les incuries ou les impérities du droit gouvernemental, de même qu’en signifiant aux pouvoirs constituant, législatif et/ou réglementaire ce qu’il conviendrait de fixer juridiquement par écrit. Ils ont ensuite vocation à communiquer aux chercheurs les inévitables décalages qu’ils observeront entre les illusions de la théorie et la réalité du terrain. Car le droit gouvernemental n’est pas que l’affaire privée des chercheurs, il concerne tous les acteurs des affaires publiques. ■
« Sur certaines questions, le secret n’est plus de mise dans un État de droit. »
Ce que les acteurs gouvernementaux peuvent apporter au droit gouvernemental Sans forcément en avoir conscience, les acteurs gouvernementaux détiennent des documents de première
Les acteurs gouvernementaux ont un rôle à jouer en mettant ces données à la disposition des chercheurs ou, en tout cas, en n’empêchant pas leur transmission lorsque ces derniers les sollicitent (Sur ce point, cf. : Avis de la CADA n° 20132470 du 23 mai 2013 & TA de Paris n° 1312624/52, 16 décembre 2014, Monsieur Matthieu Caron c/Ministre de l’économie et des finances). Mieux, les acteurs gouvernementaux peuvent faire progresser eux-mêmes la transparence gouvernementale ! Entendons-nous bien : l’action gouvernementale a parfois légitimement
* L’Autonomie organisationnelle du gouvernement. Recherche sur le droit gouvernemental de la Ve République, Matthieu Caron, LGDJ, 2015
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OPINION I SÉCURITÉ
« LA SÉCURITÉ EST DEVENUE UNE POLITIQUE PUBLIQUE TRANSVERSALE ET GLOBALE » Anne Wuilleumier est chercheuse à l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ).
L
es coopérations entre acteurs publics sont-elles développées en France en matière de politiques de sécurité ? Je travaille tout particulièrement sur les relations de la police et de la gendarmerie avec des acteurs tiers. En effet, la proximité des missions des policiers et des gendarmes rend leur collaboration compliquée. L’idée d’une fusion de ces deux corps n’a jamais été tout à fait levée et une forme de concurrence demeure, qui freine le développement des actions communes. Cette situation est propre aux pays centralisés disposant de plusieurs forces nationales, alors que les États fédérés parviennent plus facilement à articuler les actions de leur force nationale – fédérale – avec les forces locales, comme j’ai pu l’observer au Canada. Lorsque, par exemple, la Gendarmerie royale du Canada (GRC, force fédérale) travaille avec la Sûreté du Québec (SQ, force provinciale), aucune des deux ne craint pour son autonomie. Quand bien même les gestionnaires en appellent à la réduction drastique des dépenses publiques, ce qui est le cas au Canada dans des proportions bien plus fortes encore qu’en France, l’une comme l’autre sont assurées de perdurer, car leur existence est consubstantielle aux équilibres institutionnels. En France, police et gendarmerie, qui désormais sont rattachées au même ministère de l’Intérieur, redoutent en revanche d’être fusionnées composantes par composantes (à l’une la maîtrise des enjeux technologiques,
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à l’autre la coopération internationale, etc.) et qu’un modèle s’impose sur l’autre terme à terme. Au fond, ils sont trop proches, se ressemblent trop et depuis trop longtemps pour travailler de concert sans arrière-pensée, surtout dans les matières nobles comme la police judiciaire ou l’intervention de crise. Il leur est plus facile de travailler avec des acteurs institutionnels extérieurs au ministère de l’Intérieur. Comment ces collaborations se concrétisent-elles ? Les premières coopérations sont relativement anciennes. Je pense aux collaborations entre police judiciaire et administration fiscale qui se mettent en place dans l’immédiat après-guerre. Une impulsion nationale nouvelle a été donnée à ces stratégies de coopération avec les administrations financières lors de la création, en 2002, des groupes d’intervention régionaux (GIR). Ces regroupements ont été lancés dans un contexte post-électoral où l’action publique de sécurité occupait une place centrale sur l’agenda politique et où il fallait renouveler les réponses apportées à certaines problématiques de délinquance. Il y avait cette idée que les enquêteurs de police et de gendarmerie traitaient habituellement des infractions commises en se centrant sur les individus qui les commettaient mais en délaissant l’analyse des « produits du crime », pour reprendre la terminologie nord-américaine. Les revenus issus des activités illégales restaient également invisibles pour l’administration fiscale,
qui n’avait donc pas davantage de prise dessus. Condamnés par la justice à des peines de privation de liberté, certains trafiquants pouvaient ainsi malgré tout tirer un profit financier durable de leurs activités illégales. La collaboration entre policiers, gendarmes et administrations financières devait permettre de lever cet angle mort de l’action publique. Bien sûr, il y a eu des appréhensions initiales. Les GIR prévoyaient à l’origine des coopérations beaucoup plus larges, notamment avec les caisses de Sécurité sociale, les CAF, l’Urssaf ou la direction du travail – pour intervenir sur le travail dissimulé. Mais ces administrations n’ont pas pu se rapprocher des acteurs de la sécurité publique parce que leurs cultures étaient trop éloignées et les regards des uns et des autres trop saturés de représentations négatives. Les coopérations policières se sont de fait centrées sur les impôts et les douanes. Près de quinze ans plus tard, les GIR font-ils aujourd’hui travailler efficacement ces acteurs – policiers, gendarmes, impôts, douanes et parfois Urssaf –, venus d’administrations distinctes ? Le gros des unités est composé de policiers et gendarmes. Très rapidement, s’est posée la question de savoir qui était légitime pour en prendre le commandement. La police nationale avait revu sa terminologie de corps au milieu des années 1990 et s’était de fait en partie alignée sur celle en vigueur dans la gendarmerie. Il y avait des lieutenants, des
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OPINION I SÉCURITÉ
LA SÉCURITÉ EST DEVENUE UNE POLITIQUE PUBLIQUE TRANSVERSALE ET GLOBALE Anne Wuilleumier est chercheuse à l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ). capitaines et des commandants des deux côtés. Alors il y a eu, au début, quelques recours contentieux de syndicats policiers pour essayer d’établir qu’un commandant de police ne pouvait pas être commandé par un commandant de gendarmerie, qu’il fallait au minimum un colonel… Mais les échelles hiérarchiques se sont interpénétrées, chaque administration ayant fini, par tâtonnements, par déterminer la place qu’elle souhaitait occuper dans la nouvelle organisation. Aujourd’hui, la répartition du leadership territorial est stable entre les deux administrations, chaque GIR est commandé par un binôme de policiers et de gendarmes, qui se partagent les postes de chefs et d’adjoints, et cela fonctionne. De son côté, l’administration fiscale était demandeuse de partenariats. Elle a ainsi envoyé sans difficulté des personnels de haut niveau pour composer ces unités. Du côté des douanes, le contenu de la coopération a été plus difficile à définir, les modalités d’articulation des pouvoirs et savoir-faire des douaniers avec ceux des enquêteurs étant moins évidentes, la complémentarité plus complexe à construire, mais une convention interministérielle a clarifié les choses il y a cinq ans. Les GIR ont été imposés « d’en haut » via des textes réglementaires et ont rencontré certaines réticences, mais finalement, tous les acteurs ont joué le jeu sur le terrain. Ce n’était pourtant pas gagné : cette organisation
nouvelle est un peu bancale d’un point de vue administratif. Il a en effet fallu créer une nouvelle entité tout en maintenant le lien des acteurs qui la composaient avec leur administration d’origine. En effet, à travers le travail commun des agents, ce sont bien les administrations qui coopèrent. A contrario, d’autres collaborations sont nées du terrain, par exemple entre acteurs de la sécurité et acteurs éducatifs… En effet, les établissements scolaires et les acteurs du champ de la sécurité ont initié au début des années 1990 des
parallèle, dans le cadre de territoires et de relations de travail ordinaires et non pas dans un cadre national commun imposé a priori. Quel que soit le modèle d’organisation, la sécurité est donc devenue l’affaire de tous ? En quelque sorte ! On compte très peu de coopérations entre les acteurs de la sécurité publique et ceux de la culture… mais ces coopérations développées au sein du monde scolaire comme au sein des GIR montrent que l’enjeu de sécurité publique est effectivement devenu une affaire commune à une pluralité d’acteurs. Ce n’est plus une politique verticale et cloisonnée qui serait la propriété d’une seule administration mais, au contraire, une politique publique transversale et globale qui s’inscrit dans des logiques d’alliances, pénales ou éducatives, comme celles que j’ai étudiées. Le philosophe Michel Foucault disait que la police agit là où les institutions de discipline ne peuvent intervenir, « disciplinant les espaces non disciplinaires ». Cette formule fait toujours sens. L’action de police s’installe là où le contrôle social ordinaire ne suffit pas à produire les comportements socialement attendus de la part des individus. Les acteurs de la sécurité muent, se transforment, s’adaptent en créant des organisations et des modalités d’intervention nouvelles et en se fixant là où on a besoin d’eux.
« Ce n’est plus une politique verticale et cloisonnée. » coopérations localement, notamment dans le cadre des programmes de lutte contre les usages de drogues. L’ancêtre de l’actuelle Mildeca [mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, ndlr] a financé la formation de policiers et de gendarmes pour leur permettre d’intervenir dans les établissements scolaires et sensibiliser les élèves aux conséquences des consommations de drogues. Ce sont là des individus, et non plus des services ou des organisations, qui ont été formés pour intervenir localement. De fait, il n’y a pas eu de concurrence entre police et gendarmerie, puisque ces initiatives ont été développées par les deux administrations de manière
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Immobilier de l’État cherche nouveau pilotage Dix ans après que le secteur public a pris conscience de l’intérêt d’une gestion pertinente de son parc immobilier, mettant progressivement fin à une gabegie financière, l’État amorce une phase nouvelle. Un pilotage renforcé et une organisation revue vont être mis en œuvre afin de s’adapter à l’évolution rapide de l’action publique. Mais la confusion qui perdure entre État propriétaire et État locataire et les résistances sourdes au changement pourraient freiner cette (r)évolution en marche. #120 M MARS-AVRIL ARS-A AVRIL 2016 ACTEURS ACTEUR CTEU S PUBLICS PUBLIC PUBL PU BL CS CS 47
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ini « la vente des bijoux de famille au plus offrant » pour seule antienne, place à une nouvelle gestion immobilière dynamique, innovante et collant aux réformes rapides de l’action publique. Tel est en substance le changement de doctrine affiché par l’État en matière de gestion de sa politique immobilière. Un nouvel élan, plutôt qu’un virage radical, annoncé en début d’année et dont la déclinaison va tout à la fois s’opérer de manière organisationnelle et politique. De fait, dix ans après avoir (enfin) décidé de faire le ménage dans son patrimoine en cédant ses biens inutiles et en initiant une
Michel Sapin, et le secrétaire d’État au Budget, Christian Eckert. Il n’est pas si fréquent qu’une communication soit ainsi triplement signée, preuve que l’affaire est prise très au sérieux par l’exécutif. D’autant plus qu’elle est intervenue quelques jours après que François Hollande eut promis un coup d’accélérateur en matière de politique immobilière. L’heure est donc à la mobilisation, exigée par le plus haut sommet de l’État. Il faut dire que l’enjeu est d’importance et les sommes en jeu, faramineuses : un parc immobilier valorisé à 112 milliards d’euros (pour l’État ses opérateurs) et près de 10 milliards d’euros de
rattaché à la puissante direction générale des finances publiques (DGFIP), deviendra avant l’été une direction à part entière de cette direction générale. Une « promotion » qui ne va pas jusqu’au rattachement direct au « ministre du Domaine » préconisé par la Cour des comptes et le Conseil de l’immobilier de l’État. « Cette direction s’appuiera localement sur un réseau de chefs de service régionaux disposant d’équipes renforcées et sur les préfets de région », détaille le gouvernement. Ensuite, toutes les procédures de décision seront revues pour être accélérées et la gouvernance interministérielle sera simplifiée : « Une instance
« La valorisation, ce n’est pas seulement la vente. » Jean-Louis Dumont, président du Conseil de l’immobilier de l’État rationalisation de son parc, l’État propriétaire accélère en clarifiant et en renforçant son pilotage tout en affinant ses objectifs. « Il est nécessaire d’ouvrir une seconde étape pour contribuer à la maîtrise de la dépense publique tout en améliorant le fonctionnement des administrations dans un contexte de réorganisation des services déconcentrés », ont affirmé fin janvier dans une communication en Conseil des ministres le chef du gouvernement, Manuel Valls, son ministre des Finances,
dépenses immobilières chaque année (en fonctionnement et en investissement) dont 460 millions d’euros représentant quelque 9 200 postes consacrés à la fonction immobilière – des chiffres détaillés dans le dernier rapport du Conseil de l’immobilier de l’État. Promotion de France Domaine Comment le nouveau souffle voulu par l’exécutif doit-il se traduire ? D’abord, France Domaine, jusqu’alors service à compétence nationale de Bercy
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unique réunira les secrétaires généraux sous le pilotage de la nouvelle direction immobilière de l’État ». Les schémas directeurs immobiliers régionaux seront généralisés pour dépasser une gestion « opération par opération » et la procédure budgétaire intégrera un examen spécifique des dépenses immobilières. Enfin, la part des cessions consacrées au désendettement – 20 % du montant des cessions, soit quelque 100 millions d’euros chaque année – sera réaffectée au patrimoine public pour
notamment permettre de limiter le recours à de coûteux créditsbails immobiliers utilisés pour financer certaines opérations. Ces nouveaux principes seront étendus à l’ensemble de l’immobilier et non plus aux seuls bureaux, avec un travail tout particulier en direction des opérateurs, dont les efforts et l’implication en la matière étaient manifestement à revoir, voire laissaient à désirer. « Le gouvernement envoie un signal fort, c’en est fini de la gestion encore trop cloisonnée des ministères et des opérateurs de l’État qui, en matière d’immobilier, peuvent avoir une vision partielle ne tenant pas compte des contraintes globales », a souligné après ses annonces, pour Acteurspublics.com, le secrétaire d’État au Budget, Christian Eckert, à la manœuvre pour mettre en musique une réforme d’apparence technique mais qui dans les faits devrait bousculer les méthodes des administrations et perturber le fonctionnement de hauts fonctionnaires mis devant leurs responsabilités. C’est tant mieux ! saluent unanimement experts et politiques sur cet enjeu, qui fait consensus entre droite et gauche. S’ils attendent tout de même de voir avant d’applaudir, n’excluant pas une réorganisation cosmétique non suivie d’effets, ils acquiescent au prolongement d’une prise de conscience opérée voilà une quinzaine d’années. Un petit retour en arrière s’impose pour mieux appréhender l’impact et les conséquences de la réorganisation aujourd’hui en marche. « On peut dire qu’au début des années 2000, il y avait une non-
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GILLES ROLLE/REA
Le chantier du futur Palais de justice de Paris, dans le quartier des Batignolles (17e arrondissement), fin 2015.
gestion de l’immobilier de l’État », se souvient le député PS JeanLouis Dumont, actuel président du Conseil de l’immobilier de l’État (CIE). Son prédécesseur à la tête du CIE, l’ancien député UMP Yves Deniaud, raconte, toujours atterré, que les administrations menaient des opérations décousues sans gestion d’ensemble ni fil directeur : « Les ministères ne disposaient d’aucune information ou presque sur l’état de leur patrimoine ! Si tel ministère voulait transférer ses personnels de province dans des locaux plus grands, il achetait sans même prendre le temps de regarder si une autre administration ne disposait pas de locaux
disponibles dans le même secteur géographique. » « Chacun décidait dans son coin sans se soucier de la dépense, insiste-t-il, et les décideurs politiques se désintéressaient totalement de la question. » Le « cas Imprimerie nationale » « Toute gestion active était impossible, observe de son côté l’ancien président de la commission pour la transparence et la qualité des opérations immobilières de l’État, Philippe Dumas, aujourd’hui président de la société PRD Conseil, parce que l’État ne disposait pas des outils juridiques nécessaires ou que ceux à sa portée étaient trop
contraignants. » Impossible par exemple, explique-t-il, de mener des transactions de cession-bail (leaseback) permettant de vendre un actif et de le récupérer en location longue durée du fait du caractère alors incessible des domaines publics. Immeubles occupés à 10 % de leur surface, patrimoines loués à des prix bien inférieurs au marché, propriétés laissées à l’abandon : autant d’illustrations trop nombreuses d’un certain amateurisme en matière de gestion et de pilotage. L’affaire de l’Imprimerie nationale, rachetée en 2007 par le Quai d’Orsay 376 millions d’euros au groupe privé Carlyle quatre ans
après que l’État le lui eut vendue pour 85 millions, a fait date. « La révélation des problématiques immobilières au sein des grandes entreprises n’est apparue que dans le courant des années 1990, relativise Christian Cléret, président de l’Association des directeurs immobiliers, qui regroupe des professionnels des secteurs public et privé, par ailleurs directeur général de l’immobilier du groupe La Poste et de sa filiale Poste Immo. L’évolution de la politique immobilière de l’État s’opère donc en léger décalage avec le monde de l’entreprise. » Jusqu’au milieu des années 2000, l’État est davantage
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préoccupé par des enjeux de construction et de maîtrise de réalisation de projets que par la conscience de la valeur des actifs immobiliers. La bascule se produit dans les années 20022003, lorsqu’une série de rapports dévoile ce que coûte l’immobilier en dépenses de fonctionnement et relève le potentiel de création de valeur qu’il représente. Deux rapports sont ainsi lancés sur le sujet, le premier par l’inspection générale des Finances – Laurent Fabius est alors à la tête du ministère de l’Économie et des Finances – et confié à Philippe Dumas, le second, quelques mois plus tard, après l’alternance de 2002, commandé par Jean-Pierre Raffarin alors à Matignon et piloté par Olivier Debains, un ancien haut fonctionnaire de Bercy. Les préconisations de ce dernier hérissent le poil de quelques administrateurs de Bercy : basculer dans le domaine privé de l’État l’ensemble des immeubles de bureaux, créer une agence des propriétés immobilières de l’État sous la forme d’un établissement public doté d’une comptabilité commerciale ou sous la forme d’une société publique qui serait propriétaire unique de l’ensemble des immeubles de bureaux, imposer des loyers de marché aux administrations utilisatrices. Impossible statu quo Les missions domaniales sont alors du ressort de la direction générale des impôts, bientôt fusionnée avec la comptabilité publique pour former la DGFIP. « Certains refusaient de voir une partie de leur périmètre leur échapper, glisse un ancien du ministère des Finances. Alors ils ont tenté de bloquer
toute évolution. » Le sujet est toutefois désormais sur la table et les articles sur la gabegie immobilière des administrations publiques se multiplient. Le statu quo est impossible. Après quelques hésitations, un pilotage et une organisation se mettent en place sous la houlette du ministre délégué au Budget, Jean-François Copé. Une mission interministérielle de valorisation du patrimoine immobilier de l’État est constituée, qui devient, en 2006, le Conseil de l’immobilier de l’État, structure de conseil associée à toute grande décision
aux secrétaires généraux, fonction qui se crée progressivement. Le temps de la valorisation Dans le même temps, l’État instaure avec ses administrations des loyers budgétaires. « Au début, c’était une opération blanche, rapporte Philippe Dumas, puisque l’État a d’abord attribué aux administrations le montant des loyers demandés. Mais la révision des loyers a été déconnectée de la révision des crédits budgétaires, chacun relevant de sa propre logique : les loyers suivent l’évolution du marché
président du CIE Yves Deniaud, en matière d’information, de gestion prévisionnelle d’utilisation des locaux dans chaque département, de négociation de baux, de rationalisation, de mutualisation… » Mais après dix ans, il est temps, dit-il, de passer à une nouvelle étape et de faire évoluer, à défaut de les révolutionner, la doctrine comme le pilotage de la gestion immobilière de l’État. Car depuis le milieu des années 2000, l’État s’est surtout attaché à multiplier les ventes. Désormais, les opérations les plus juteuses ont été réalisées
« Comme dans les entreprises, les résistances sont très fortes dans les administrations. » Christian Cléret, président de l’Association des directeurs immobiliers
ou opération de politique immobilière, dont les nombreux avis contribuent peu à peu à lever les freins et résistances culturels. France Domaine devient un service de la DGFIP et incarne l’État propriétaire unique. Dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), un compte d’affectation spécial immobilier est créé pour recenser cessions et achats et un inventaire des biens de l’État est mis en place. Des schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI) sont mis en œuvre pour chaque administration alors que, par ailleurs, la gestion immobilière de chaque ministère est rattachée
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quand les crédits peuvent diminuer selon les contraintes budgétaires. » Cette dissociation a contraint des ministères guère enthousiastes à rationaliser leurs occupations immobilières, et ce même si les loyers budgétaires appliqués aux administrations depuis 2010 sont aujourd’hui jugés trop complexes et pourraient être remplacés par de nouveaux dispositifs. Les administrations ont par ailleurs été obligées de tenir compte de l’instauration d’une norme d’occupation de 12 mètres carrés par agent – plutôt 14 mètres carrés dans les faits. « Un très gros travail été accompli en dix ans, résume l’ancien
– les ventes ont certes rapporté quelque 500 millions d’euros l’an dernier – et beaucoup appellent à repenser la stratégie immobilière pour davantage tenir compte, audelà des questions financières, des organisations de travail, des enjeux énergétiques, des problématiques de transport et des synergies à opérer dans le cadre de la réforme des services déconcentrées initiée avec la mise en place de la nouvelle carte régionale. « La valorisation, ce n’est pas seulement la vente, martèle ainsi Jean-Louis Dumont. On peut allier le maintien de la propriété publique, la valorisation culturelle de certains espaces,
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100 millions de m2 : surface utile (SUB) du parc de l’État et de ses opérateurs
112 milliards d’euros : montant de la valorisation du parc de l’État et des opérateurs
90 % : part des biens dont l’État est propriétaire sur le total du parc qu’il contrôle
500 millions d’euros : produit des cessions en 2015 et 2016
10 milliards d’euros : montant des dépenses annuelles consacrées à l’immobilier
14 m2 : c’est en moyenne la surface occupée par agent (la norme prévoit 12 m2)
82 % : les quatre cinquièmes du parc immobilier de l’État sont situés en province (9,73 % en Paca)
52 % des biens de l’État sont composés d’immeubles à usage professionnel spécifique (27 % de bureaux et 16 % de logements)
Source : Conseil de l’immobilier de l’État
l’exploitation économique de surfaces, la mise à disposition au privé… » « Nous avons du mal à être entendus parce que les administrations considèrent l’immobilier d’un point de vue manichéen, prolonge-t-il. C’est soit noir, soit blanc. Mais ces deux couleurs peuvent se conjuguer pour valoriser les biens au bénéfice des administrations et des agents. Une fois qu’on a vendu, c’est trop tard ! » « L’immobilier représente un intérêt stratégique qu’il faut manier avec agilité », appuie le président de l’Association des directeurs immobiliers, Christian Cléret. Maintenir un réseau existant La transformation de France Domaine en nouvelle direction immobilière de l’État pourrait favoriser cette souplesse de gestion. « Si l’actuel service France Domaine valide les opérations immobilières, son contrôle est en grande partie virtuel car ce sont les ministères qui effectuent les études de projet et disposent des financements », glisse un haut fonctionnaire. Et de fait, gardent la main sur leurs programmes, privilégiant des options parfois assez éloignées d’une gestion de bon père de famille. Les prérogatives et le leadership
renforcés de la nouvelle direction immobilière de la DGFIP – dotée d’une puissance administrative accrue – conjugués au poids politique de son secrétaire d’État au Budget pourraient venir à bout des résistances sourdes. Et cela même si la direction immobilière n’est pas une direction autonome directement rattachée à Christian Eckert, ce que demandait le Conseil de l’immobilier de l’État. Bercy avance la nécessité de maintenir un réseau existant (lire pages 56-57). « Déconnecter cette nouvelle direction immobilière de la DGFIP aurait compliqué le travail de coordination », estime le secrétaire général de la CFDT Finances, Damien Leroux. « L’ancrage à la DGFIP est une clarification salutaire », analyse de son côté Vincent Drezet, secrétaire général de SolidairesFinances publiques. Car un autre scénario circulait : celui d’une externalisation du pilotage via un dispositif appelé « foncière immobilière », peu développé dans le secteur public. Pour résumer, il s’agirait de confier la propriété et la gestion de l’ensemble de l’immobilier à une société ou un établissement indépendant de tout ministère, mais dont le capital serait détenu par l’État. C’est un
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modèle de gestion privilégié par l’Allemagne et la Suède et qui se développe en France dans le privé et dans les entreprises publiques : Carrefour, Casino, EDF ou La Poste ont ainsi mis en œuvre des foncières immobilières. « Se doter d’une foncière permet une séparation juridique formelle entre le propriétaire et le locataire et chacun peut exercer la plénitude de ses attributions avec une révélation très objective des coûts et des enjeux, analyse Christian Cléret, qui pilote la foncière de La Poste, baptisée “Poste Immo”. C’en serait fini de la confusion entre l’État propriétaire et les administrations locataires qui dans les faits complexifie certaines décisions. » « Il ne s’agit pas d’une privatisation, détaille Philippe Dumas, mais d’une répartition nouvelle des tâches, la foncière discutant chaque année des loyers avec les locataires. » Montrer l’exemple Un scénario proposé par le Conseil de l’immobilier de l’État en 2013, mais pour l’heure catégoriquement rejeté (lire page 58). Les réticences sont triples : la crainte d’une gouvernance au sein de laquelle le politique aurait moins de prise, le « risque » de créer un organisme trop puissant, l’appréhension pour
les administrations de voir une prérogative très importante de leur périmètre leur échapper, agents et budgets compris. Le pas semble pour l’heure trop important à franchir et la confusion entre État propriétaire et administrations locataires risque donc de perdurer. Reste que le chemin accompli depuis dix ans est immense. « Comme dans les entreprises, les résistances sont très fortes dans les administrations et il faudra beaucoup de volonté politique pour les surmonter », observe Christian Cléret. Au-delà de la mise en œuvre de la nouvelle organisation, ce sera aussi aux membres du gouvernement de montrer l’exemple. Le ministre et son cabinet dans un hôtel particulier des beaux quartiers de l’hypercentre parisien et son administration disséminée doivent être considérés comme un modèle qui a vécu, martèle le président du CIE, Jean-Louis Dumont. Voir un ministre, ses équipes et son administration s’installer au-delà du périphérique – le développement du Grand Paris offrira des perspectives immobilières – serait un moteur pour promouvoir une véritable culture de l’efficacité immobilière. Chiche ? Sylvain Henry
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DOSSIER I IMMOBILIER
Le couple immobilier-RH doit encore faire ses preuves Conjuguées aux effets de la réorganisation de l’État régional et aux nouveaux usages de travail, les évolutions en matière immobilière pourraient améliorer le bien-être au travail des agents. Les syndicats attendent de voir.
L
’immobilier va doper les nouveaux modes d’organisation du travail et favoriser le bien-être professionnel des agents. C’est du moins ce qu’affirment – ou veulent croire – les décideurs publics à la manœuvre en matière de politiques immobilières, soulignant les effets vertueusement conjugués de plusieurs réformes actuellement en cours. D’abord celle du pilotage de l’immobilier, annoncée début janvier, même si l’exécutif est resté vague sur les effets possibles en matière de ressources humaines. Ensuite celle des services déconcentrés, initiée dans le cadre de la réforme de la carte régionale et qui sera mise en musique jusqu’en 2018. « L’immobilier est un sujet central de cette réforme même s’il n’apparaît pas comme tel
en première lecture », soulignait le préfet Jean-Luc Nevache, coordonnateur de la réforme des services déconcentrés, rattaché à Matignon, lors d’un colloque organisé par le Conseil de l’immobilier de l’État dans le cadre des annonces gouvernementales de fin janvier. Travail en sites distants Enfin, une dernière réforme est en marche, celle des organisations de travail, en partie consécutive à la révolution numérique : le décret instaurant la possibilité d’exercer en télétravail dans la fonction publique a été publié mi-février, permettant aux agents de travailler à distance jusqu’à trois jours par semaine. Par ailleurs, de nouveaux usages se développent, tel le coworking – les bureaux des agents sont partagés.
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Chacune de ces trois réformes nourrit les autres et ensemble, elles invitent à repenser l’utilisation de l’immobilier. « Sans être en soi une grande opération immobilière, la réforme territoriale est l’occasion d’une réorganisation assez profonde et systémique », explique Jean-Luc Nevache, évoquant notamment les enjeux de mobilité et d’accessibilité. Ainsi, un projet de regroupement des services régionaux est sur les rails à Besançon, préfecture de l’ancienne région Franche-Comté. Le site retenu n’est plus du côté de l’hypercentre-ville, difficile d’accès, mais a contrario autour de celui de la gare, ce qui permettra en outre plus facilement aux agents de rejoindre Dijon, capitale de la nouvelle région Bourgogne-
Franche-Comté – un projet similaire est évoqué à Amiens, dans des locaux universitaires là encore proches de la gare. La région Bourgogne-FrancheComté est également le théâtre d’une expérimentation grandeur nature : quelque 170 agents ont initié le « travail en sites distants » – déjà baptisé « TSD » –, une initiative prévue sur trois ans proposant une alternative aux mobilités géographiques ou fonctionnelles forcées, même si in fine les personnels concernés pourraient être amenés à migrer. Le travail en sites distants, qui est à différencier du télétravail également expérimenté en Bourgogne-Franche-Comté, pourrait concerner de « l’ordre de 80 % à 90 % des postes de chaque service régional », selon un premier rapport présenté aux organisations
Franchir le périphérique Si les sièges régionaux migrent vers les capitales, les services se regroupent donc localement et investissent des bâtiments plus « humains » et plus utilitaires, prêts à en changer rapidement, car les suppressions de postes dans les services déconcentrés vont pour les deux tiers concerner l’échelon régional d’ici 2018. Si ces réorganisations de province pèsent lourd, puisque plus de 80 % du parc immobilier de l’État est situé en dehors de la capitale, un mouvement est également esquissé dans le cadre le mise en œuvre du Grand Paris. Une recommandation forte du Conseil de l’immobilier de l’État et de son président, Jean-Louis Dumont, qui propose de réfléchir « sur ce que pourraient être les implantations ministérielles à échéance de dix ou vingt ans
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syndicales. Autant d’enjeux RH qui seront suivis de près par les deuxièmes adjoints au préfet de région, des postes créés dans les régions depuis le 1er janvier – dépendant des secrétariats généraux aux affaires régionales – qui consisteront à œuvrer à l’optimisation des moyens de fonctionnement des administrations locales et aux conditions de travail de leurs agents. dans le cadre du Grand Paris ». S’installer au-delà du périphérique ? Les avantages seraient budgétaires, mais revêtiraient aussi une forte dimension « RH », avec la diminution des temps de transport. L’essor du Grand Paris serait ainsi l’occasion d’en finir avec le maintien à tout prix d’une implantation dans le cœur de Paris qui, s’agace Jean-Louis Dumont, « paraît être l’alpha et l’oméga des ministères en matière de réflexion immobilière ! » « Je pousse au maximum à étudier tous types d’implantation, confiait le secrétaire d’État au Budget, Christian Eckert, après les annonces de janvier. Pour les opérateurs, les directions, les services de l’État, je n’ai aucun dogme, aucun a priori. Oui, on peut franchir le périphérique parisien, surtout quand cela
permet d’améliorer la qualité de vie des agents. » « Le nouveau métropolitain autour de la capitale prévoit un tracé de 200 kilomètres, 68 gares et 144 kilomètres d’espaces urbains à aménager, soit autant que la surface de Paris », a détaillé Catherine Perenet, membre du directoire de la Société du Grand Paris lors du colloque du CIE. Certes, explique-t-elle, tous ces espaces n’ont pas des potentiels identiques, mais ils ont la capacité d’accueillir des services publics et administrations importants. À Paris comme en province, le changement est donc en marche. Reste que l’on ne parle de ces réorganisations « immobilièreRH » et de ces nouveaux modes de travail que comme de projets et d’expérimentations. Le changement est seulement initié et non définitivement installé. En matière de télétravail, la fonction
publique française est ainsi à des années-lumière des Pays-Bas, où plus du tiers des agents travaillent à distance. Quant à la réforme des services déconcentrés, les syndicats FO, CGT, FAFP, FSU et Solidaires dénonçaient récemment des réorganisations menées « dans une grande opacité », des mobilités et des réaménagements immobiliers ayant été décidés avant que les nouveaux organigrammes ne soient arrêtés, et une réforme globalement menée au pas de charge. Prudents, ils perçoivent ces évolutions immobilières d’abord sous une volonté d’optimisation des administrations. À ces dernières de convaincre, en développant des outils et des espaces pleinement adaptés à l’exercice des missions des agents. S. H.
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DOSSIER I IMMOBILIER
Bruno Parent
« Ce qui peut changer la donne, c’est un portage politique puissant » Pour le directeur général des finances publiques, la future direction de l’immobilier de l’État devra améliorer l’offre de services et apporter des solutions aux administrations. Pourquoi la nouvelle direction de l’immobilier de l’État restera-t-elle au sein de la direction générale des finances publiques (DGFIP), comme France Domaine ? Cette question a fait l’objet d’un débat. Par exemple, la Cour des comptes préconisait une autre solution. Le gouvernement a préféré maintenir cette nouvelle direction au sein de la DGFIP, notamment parce que la politique immobilière de l’État repose sur des compétences au niveau central, mais aussi au niveau déconcentré. Fallait-il
fragiliser ce réseau et consacrer du temps et de l’énergie dans des restructurations administratives ? Recréer un réseau en dehors de la DGFIP aurait en outre été une solution coûteuse. La future direction immobilière de l’État continuera de bénéficier des fonctions supports de la DGFIP. Enfin, même si ce n’est pas un argument essentiel, si la future direction avait quitté le giron de la DGFIP, certains agents de France Domaine n’auraient peut-être pas voulu suivre. Or s’appuyer sur les compétences existantes est important pour aller vite.
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À quelle échéance cette direction sera-t-elle opérationnelle ? Nous avons à cœur de faire vivre cette nouvelle direction le plus vite possible, c’est-à-dire bien avant la fin de l’année 2016. Les textes l’instituant sont d’ores et déjà en cours de mise au point. Pourquoi le service France Domaine devait-il être transformé ? Attention à ne pas réduire la politique immobilière de l’État au seul service France Domaine. La politique immobilière de l’État, ce sont aussi les préfets
de région, qui en sont chargés dans leur territoire, les secrétaires généraux et les directions immobilières des ministères, une gouvernance à simplifier… Aujourd’hui, cette politique fait l’objet d’un portage politique fort avec la volonté de lui donner un nouveau souffle. Nous allons améliorer la capacité d’expertise et cela passe notamment par l’ouverture d’un certain nombre de postes à des fonctionnaires autres que ceux de la DGFIP, à des contractuels. Nous allons aussi poursuivre le recours à des prestataires privés, comme nous
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P. VEDRUNE
immobilière de l’État, mais elle interroge les missions de France Domaine et donc de la future direction. Il y a une réflexion en cours qui vise à recentrer l’activité des évaluateurs du domaine au profit de ce qui est d’enjeu significatif pour les collectivités locales, mais aucune décision n’est encore prise. Des échanges ont été entamés avec les associations d’élus.
l’avons déjà fait pour l’évaluation ou la révision des baux. Comment peut-on améliorer l’évaluation du patrimoine immobilier de l’État et disposer d’une cartographie enfin précise ? Les progrès de ces dernières années sont considérables mais, c’est vrai, il existe des marges de progression. L’instrument principal pour améliorer la connaissance du parc immobilier de l’État, ce sont les schémas directeurs immobiliers régionaux (Sdir) qui, après expérimentation, ont été élargis par décision du
Premier ministre à l’ensemble des régions, sous la houlette des préfets. Nous devons aussi améliorer les outils, par exemple progresser sur le coût complet des immeubles (fluides, entretien…), d’où l’utilité de la montée en puissance de la comptabilité analytique des immeubles. La direction de l’immobilier de l’État continuera-t-elle à évaluer les opérations immobilières des collectivités locales, une mission qui occupe beaucoup les agents de France Domaine ? Oui, bien sûr. Cette tâche est sans rapport direct avec la politique
Le dernier rapport du Conseil de l’immobilier de l’État (CIE) avance le chiffre de 600 000 mètres carrés de bureaux de l’État vacants. Pouvez-vous confirmer ce chiffre et comment utiliser au mieux ces mètres carrés ? Les 600 000 mètres carrés avancés par le CIE, rapportés aux 18 684 687 mètres carrés de bureaux que l’État occupe, ne représentent que 3,25 %. Ce chiffre est fluctuant par nature, car les raisons de la vacance sont diverses : locaux en prévision de vente, en attente de réaffectation, en rénovation… Les mètres carrés inoccupés ont de toute façon vocation à être réaffectés ou vendus. Il y aura toujours de la vacance, c’est même le signe d’un immobilier qui bouge, conformément aux objectifs de la politique immobilière de l’État. Certains pays ont créé une foncière publique pour la fonction immobilière de l’État. Le groupe La Poste l’a fait aussi pour gérer ses 12 000 bâtiments. Cette solution est-elle envisageable ? Ce n’est pas ce qui a été décidé. Il faut d’ailleurs se garder de comparaisons rapides avec d’autres pays car il existe une
spécificité française. L’État est, par exemple, souvent propriétaire de ses bâtiments alors que dans d’autres pays, il est davantage locataire. Et puis, il y a en France une dimension patrimoniale avec de nombreux bâtiments historiques. Les « clients » de France Domaine sont multiples : ministères, autorités administratives indépendantes, préfectures, services déconcentrés, opérateurs… La situation de La Poste est différente. L’un des objectifs de la nouvelle politique immobilière de l’État est-il d’empêcher les ministères de faire leurs opérations seuls dans leur coin et de se considérer comme propriétaires ? La mutualisation est l’un des aspects sur lesquels il faut progresser, mais il ne faut pas caricaturer. Aujourd’hui, ce qui peut changer la donne tient d’abord au portage politique puissant, nécessaire pour que les choix, opération par opération, intègrent le plus possible les objectifs de la politique immobilière de l’État, pour que la rationalité économique et financière prenne le pas sur la symbolique. Rien ne peut se faire sans collaboration étroite avec les différentes administrations. L’ambition de cette nouvelle direction est aussi d’améliorer l’offre de services et d’accompagnement qui leur est faite et de leur apporter des solutions. Enfin, nous devons développer des mécanismes incitatifs à la gestion dynamique de l’immobilier. Propos recueillis par Bruno Botella
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DOSSIER I IMMOBILIER
La foncière, un modèle qui ne convainc pas Évoquée depuis dix ans, la gestion du parc de l’État via un pilotage externalisé est rejetée par les administrations et les pouvoirs publics. Définitivement ?
L
a création d’une ou plusieurs foncières immobilières à laquelle ou auxquelles seraient confiées la propriété, la gestion et l’exploitation de tout ou partie des biens immobiliers de l’État est un scénario évoqué depuis plus de dix ans, souhaité par de nombreux acteurs publics, mais dont la perspective fait aujourd’hui figure de casus belli en interne à Bercy. Ce modèle de pilotage consiste à externaliser la valorisation et les cessions en les transférant à un établissement public ou à une société eux-mêmes propriétés de l’État. Une piste évoquée dans un rapport de 2003 commandé par Matignon à Olivier Debains, actuel président de la Société de valorisation financière et immobilière (Sovafim), société de droit privé créée en 2006 pour commercialiser les actifs immobiliers inutiles de Réseau ferré de France (RFF) et seule entité à fonctionner comme une foncière dans le secteur public. En 2013, le Conseil de l’immobilier de l’État (CIE) suggère également de transformer France Domaine,
service de la direction générale des finances publiques incarnant l’État propriétaire, en un organisme de gestion autonome. Le CIE écrit notamment qu’une externalisation « serait plus efficiente que le développement en interne d’une véritable fonction d’administration de biens à l’échelle du parc immobilier de l’État ». « Pas à l’ordre du jour » Non, répond le ministre de l’Économie et des Finances de l’époque, Pierre Moscovici, très clair sur le fond : cette « autonomisation » serait « périlleuse » puisque « le service nouveau ne pourrait compter que sur sa propre légitimité et non plus sur celle du ministre, qui a l’habitude de faire valoir les intérêts de l’État propriétaire face aux occupants ». Il est donc exclu de couper le cordon politique au profit d’une foncière immobilière, quand bien même l’État en aurait la tutelle et disposerait du pouvoir de nomination de ses dirigeants. Et quand bien même, dans la réalité, l’État ne fait pas toujours – et même loin de là ! – « valoir ses intérêts » au
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mieux. Créer une foncière ? « Ce n’est pas à l’ordre du jour », a balayé fin janvier le secrétaire d’État au Budget, Christian Eckert, évoquant uniquement le projet de mise en place d’un établissement de type foncière par la Caisse des dépôts, destiné à faire du portage foncier et à favoriser la construction de logements. Annoncé par François Hollande mi-janvier, ce nouvel établissement serait distinct d’une quelconque externalisation de France Domaine. « Il avait été envisagé la création d’une foncière pour les propriétés de l’État français à l’étranger, se souvient Philippe Dumas, ancien président de la commission pour la transparence et la qualité des opérations immobilières de l’État. Cette société aurait loué au Quai d’Orsay ses biens. Mais le ministère a réfléchi à une société de gestion et non de propriété. » Et de raconter cette rencontre avec un ambassadeur français, à qui il avait cité l’exemple de l’Allemagne et de la Suède, qui disposent de foncières immobilières. « Mais ces pays ne sont pas membres
du Conseil de sécurité de l’ONU, m’avait-il répondu, sourit Philippe Dumas. Ils n’auraient donc pas à proposer le même niveau de représentation diplomatique. » C’est-à-dire un parc immobilier de très haut standing qui ne devrait pas être concerné par les enjeux de rationalisation… De son côté, le président du CIE, le député PS Jean-Louis Dumont, se dit réservé sur l’instauration d’une grande foncière et suggère plutôt de confier « un rôle plus important » à la Sovafim, dont les missions ont aujourd’hui dépassé la seule gestion des biens de RFF. Seulement voilà : ces dernières années, la société s’est faite deux fois épingler par la Cour des comptes, qui suggère tout simplement sa dissolution en pointant notamment une absence de perspectives et des relations « malaisées » avec des administrations décidément pas très emballées par le modèle « foncière ». Le président de la Sovafim vante pourtant les mérites de sa structure et se dit prêt à la faire intervenir sur tous les projets des administrations… S. H.
DOSSIER I IMMOBILIER L’ancienne résidence des hôtes étrangers à Bonn a été transformée en hôtel grâce à un investissement de l’agence fédérale chargée de gérer les biens de l’État allemand, la Bima.
La France fait exception dans la gestion des biens de l’État GPU au Royaume-Uni, Bima en Allemagne ou Agencia del domanio en Italie : dans tous les pays d’Europe, un organisme gère les biens de l’État. À la différence de la France, ils privilégient la valeur marchande des biens.
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aloriser le parc immobilier de l’État. À travers un service, un établissement public, une agence ad hoc ou une direction spécifique rattachée à une administration, en général celle des finances, la plupart des pays européens – Royaume-Uni, Allemagne, Italie, Belgique, Suède, Autriche, PaysBas, etc. – se sont dotés d’un outil spécifique tourné vers cet objectif. La France, si elle n’échappe pas à la règle, cultive une spécificité. « Nous n’avons pas la même façon que nos voisins d’évaluer les biens immobiliers d’État. Ces derniers retiennent davantage la valeur commerciale, alors qu’en France, nous retenons la valeur historique. Ce qui rend impossible l’évaluation commerciale d’un bien : Versailles ou l’obélisque sont ainsi valorisés
1 euro. En outre, cette approche ne permet pas d’évaluer les moyens nécessaires à l’entretien d’un bien, qui sont donc en général sous-évalués », souligne SamuelFrédéric Servière, du think tank libéral Ifrap, auteur en 2012 d’un rapport intitulé « Immobilier de l’État : évaluation des organismes de gestion. Tour d’horizon européen et suggestions pour la France ». Référentiel de géolocalisation Une approche française toute différente, par exemple, de celle du Royaume-Uni. Peut-être influencée par les pratiques de la City, la vision britannique privilégie un concept market to market, qui favorise la valeur financière et marchande des biens de l’État. Une démarche sans cesse
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peaufinée. Pour coller au plus près à la valeur commerciale d’un bien appartenant à l’État, un référentiel de géolocalisation sert désormais à évaluer le prix de chaque immeuble, appartement, etc., par rapport à son environnement. Une stratégie mise en place depuis l’arrivée au pouvoir de David Cameron, en 2010, avec la création de la Government Property Unit (GPU), structure intégrée dans le cabinet du Premier ministre. Jusque-là, la gestion de l’immobilier était déléguée aux ministères et aux organismes publics. « Le gouvernement est déterminé à mettre en œuvre une gestion efficace et efficiente de l’immobilier d’État pour créer de la valeur pour le contribuable, réduire notre impact sur l’environnement, transformer la manière de travailler
des fonctionnaires et contribuer à la croissance », expose le dernier rapport de la Government Property Unit, daté de 2013. Chargée de gérer, vendre ou louer les biens de l’État – bureaux, laboratoires, prisons, tribunaux, hôpitaux, aérodromes, etc. –, la GPU a contribué à réduire les frais de fonctionnement du parc immobilier de l’État de 625 millions de livres par an (823 millions d’euros) de mai 2010 à mars 2014, détaille ce même rapport. Les cessions d’actifs ont généré 1 milliard de livres (1,31 milliard d’euros), tandis que les ministères ont engrangé 1,4 million de livres (1,84 million d’euros) de recettes immobilières (baux) sur la même période. La priorité du GPU est de réduire les surfaces immobilières, avec
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l’objectif de ménager un espace de bureau de 10 mètres carrés en moyenne par fonctionnaire. Ce qui doit diminuer les surfaces immobilières de 2 millions de mètres carrés, permettant à l’État d’économiser 830 millions de livres par an en 2020 (plus d’1 milliard d’euros). Transfert progressif en Allemagne Au-delà de l’exemple britannique, les agences de nos voisins européens dans ce domaine « sont arrivées à maturité », selon Samuel-Frédéric Servière. Le 2 septembre 2015, en Allemagne, la Bima (Bundesanstalt für Immobilienaufgaben), l’agence fédérale chargée de la gestion immobilière du patrimoine de l’État, a célébré en grande pompe
ses dix ans d’existence, dans l’ancienne résidence des hôtes étrangers de l’Allemagne, dans l’hôtel Petersberg, près de Bonn. L’agence est très implantée localement. Son siège est à Bonn, mais elle dispose de 9 directions centrales, à Berlin, Dortmund, Erfurt, Fribourg, Coblence, Magdebourg, Munich,
Potsdam, Rostock, et de plus de 120 antennes locales. La Bima gère un total de 25 000 bâtiments, environ 490 000 hectares de terrain, dont 360 000 hectares de forêts, et 38 000 appartements. Des actifs immobiliers dont la valeur a atteint 22,4 milliards d’euros fin 2014, contre 10,5 milliards d’euros fin 2008.
« En France, nous retenons la valeur historique, ce qui rend impossible l’évaluation commerciale d’un bien. » Samuel-Frédéric Servière, du think tank libéral Ifrap
Car depuis sa création, en 2005, la Bima a bénéficié du transfert progressif de l’ensemble des biens détenus auparavant par les ministères. L’opération s’est achevée au 1er janvier 2012. « En dix ans, nous avons évolué avec nos 6 500 employés pour devenir un fournisseur de services efficace et moderne pour le patrimoine immobilier fédéral », a expliqué Jürgen Gehb, le P.-D.G. de l’établissement public, à l’occasion de l’anniversaire de l’agence. « La plupart des propriétés de la Bima ne sont pas à vendre. Mais avec nos partenaires, nous développons des solutions personnalisées et des concepts individuels. Ceci est l’un des facteurs de réussite de la Bima », a complété l’un des trois autres dirigeants de l’agence, Axel Kunze.
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DOSSIER I IMMOBILIER
En fait, cette agence fonctionne comme une société foncière, soit une société commerciale qui exploite et gère son portefeuille immobilier. En 2014, la Bima a encaissé pour 3,1 milliards d’euros de loyers des propriétés fédérales en location. L’armée, la police fédérale et les douanes sont ses principaux « clients ». Elle gère ainsi 1 217 contrats de location (sur un total de 4 380 baux conclus) pour l’armée allemande (150 000 hectares de terrain, des logements, 14 zones d’entraînement militaire, etc.). La Bima loue, par exemple, 66 000 hectares de terrains militaires ainsi que des logements de fonction à des forces armées internationales, comme l’Otan. Soit l’équivalent « de 90 000 terrains de football », précise l’agence. Agence de location des bâtiments de l’État fédéral ou de gestion des logements des ministères, exploitant forestier, concepteur de projets immobiliers,
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Un ancien centre de formation du ministère de l’Intérieur allemand, reconverti en centre d’accueil pour les réfugiés, à Berlin.
dépollueur d’anciens terrains militaires, promoteur des énergies renouvelables dans la réhabilitation d’anciens bâtiments publics… La Bima est sur plusieurs fronts. En octobre 2014, elle a ainsi piloté la construction du nouveau siège du ministère
Toutefois, l’agence n’a pas qu’une vocation financière. Elle contribue au développement des infrastructures : elle a financé l’installation de plus de 500 000 kilomètres de câbles dans la seule agglomération de Berlin. Sa mission est également sociale,
« Nous sommes devenus un fournisseur de services efficace et moderne pour le patrimoine immobilier fédéral. » Jürgen Gehb, P.-D.G.de la Bima, agence fédérale allemande fédéral de l’Éducation et de la Recherche, à Berlin : le premier partenariat public-privé (PPP) pour la construction d’un bâtiment fédéral. Ou encore, propriétaire de 200 blockhaus, elle en a vendu 24 pour 51 millions d’euros
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puisque l’agence a mis 30 000 logements à la disposition des réfugiés arrivés en Allemagne. Autre pays européen très dynamique dans ce domaine, l’Italie. Depuis 2001, deux agences s’y partagent la gestion de l’immobilier public. Et il revient
à l’Agencia del domanio (l’agence des domaines) de gérer les biens de l’État, à l’exception de ceux de la défense, qui en conserve la maîtrise. L’agence, qui emploie plus de 1 000 salariés, est divisée en 16 bureaux régionaux, avec une direction générale basée à Rome. Elle est à la tête d’un patrimoine de plus de 32 000 propriétés et de 14 000 terrains pour une valeur estimée à 59 milliards d’euros. En 2013, la conclusion de 1 805 baux et la concession d’actifs lui ont rapporté environ 40 millions d’euros. Misant sur l’open data pour valoriser le patrimoine de l’État italien et assurer la transparence, l’agence des domaines a ouvert, le 7 janvier dernier, un portail numérique, OpenDemanio (dati. agenziademanio.it), qui permet la géolocalisation de tous les biens. « Avec plus de 20 000 visiteurs en deux semaines, c’est un grand succès », s’est félicitée l’agence dans un communiqué. Jean-Michel Meyer
LES
RENCONTRES DES ACTEURS PUBLICS
2016
DATES
THÉMATIQUES
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MANAGEMENT PUBLIC
GEERT VANDEN WIJNGAERT/AP/SIPA
MARTIN MEISSNER/AP/SIPA
66 EUROPE Des polices en quête d’une nouvelle articulation local-national
70 INTERNATIONAL Les fonctionnaires européens font figure de privilégiés
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74 Exclusif : ce qu’attendent les directeurs des nouveaux groupements hospitaliers
MANAGEMENT PUBLIC I EUROPE
Avant les agressions du Nouvel An à Cologne, des réflexions étaient en cours pour réduire les 47 forces de police régionale du Land de Rhénanie du NordWestphalie à 12, pour des questions financières et d’efficacité.
Des polices en quête d’une nouvelle articulation local-national Confrontées au risque terroriste et à un surcroît de travail, les forces de police européennes se réorganisent. Avec deux objectifs : développer la collaboration avec les autres acteurs de la société et entretenir un contact étroit avec les populations.
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« mix » spécifique de police nationale et de bases locales, de contrôle et d’autonomie. D’un côté, elles sont le bras armé de l’État et du gouvernement central, de l’autre, elles tentent d’être de plus en plus sensibles aux besoins locaux des communautés. Aux Pays-Bas, la réduction de 25 forces de police régionales à une force nationale organisée en 10 unités régionales a commencé en 2013 et devrait être achevée, avec deux ans de retard, en 2019. Une petite révolution dont l’objectif est de faire disparaître les barrières entre les forces régionales, qui étaient devenues des États dans l’État sans guère de volonté de coopérer. « La principale question qui se pose est l’organisation au niveau des municipalités, explique Lex Cachet, universitaire spécialiste de la police néerlandaise. De nombreuses villes ont créé leur police municipale depuis des années, une expérience qui fonctionne bien. Reste à savoir si la police nationale sera capable, elle aussi, de faire du bon travail de police locale. » Préoccupations locales Pour cela, la nouvelle organisation de la police néerlandaise stipule que ses objectifs nationaux sont déterminés tous les quatre ans à partir des remontées du terrain, et basés avant tout sur les préoccupations de sécurité locales. En théorie, le maire et le procureur général exercent leur autorité sur la police locale. Cependant, dans le nouveau schéma, près de la moitié des maires craignent de ne plus l’exercer. Comme près d’un tiers des commissariats (250 sur 700) va fermer, les citoyens sont inquiets de savoir si la police aura des effectifs suffisants pour
MARTIN MEISSNER/AP/SIPA
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e considère que le pacte de sécurité l’emporte sur le pacte de stabilité. » Dans son discours face au Congrès réuni à Versailles, le 16 novembre dernier, François Hollande a défini ses priorités, trois jours après les tragiques attentats parisiens de novembre 2015. S’affranchissant de la rigueur budgétaire prônée par la Commission européenne, le chef de l’État a annoncé la création de 5 000 emplois supplémentaires de policiers et de gendarmes d’ici deux ans et de 1 000 postes supplémentaires pour les douanes. Il a aussi promis qu’il n’y aurait aucune diminution d’effectifs dans la défense jusqu’en 2019. En première ligne depuis les attentats de 2015, les forces de sécurité françaises sont en surchauffe, d’autant qu’elles ont connu une réorganisation importante ces dernières années avec le rapprochement police-gendarmerie. Sans l’exprimer publiquement, elles estiment que leurs difficultés ne sont pas toujours prises en compte. Une lettre adressée par les syndicats de policiers au ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, datée du 1er janvier 2016, regrette « l’absence de la plus élémentaire attention et le manque de considération à l’égard des policiers de tous corps et de tous grades, à l’heure où l’on parle de gestion des ressources humaines rénovée, de mobilité et de prévention des risques psycho-sociaux ». Ailleurs en Europe, les forces de l’ordre connaissent les mêmes préoccupations. Bien entendu, chaque culture policière est fondée sur une histoire nationale unique, mais les forces de l’ordre des Pays-Bas, de l’Italie, du Royaume-Uni et de l’Allemagne possèdent toutes un
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intervenir en urgence. Et le management au niveau des unités de base s’en ressent. Certes, les formations se sont multipliées depuis la réorganisation régionale mais, avec un officier de police communautaire pour 5 000 habitants, les policiers ne saisissent pas toujours comment s’articulent le travail répressif et le dialogue local. Pour rapprocher davantage la police des populations, des réflexions sont en cours pour créer des « structures pour des consultations de la communauté ». La même préoccupation est à l’ordre du jour en Italie. Quelques jours après les attentats de novembre, le Premier ministre italien a tranché : « Je vais demander aux commandants de police d’augmenter fortement la présence dans les rues en diminuant celle dans les bureaux. » Une majorité des 110 000 policiers devront patrouiller. Pour cela, Matteo Renzi a promis un investissement de 50 millions d’euros afin de renouveler le matériel des forces de l’ordre, en début de réorganisation. En Allemagne, le grand thème des dernières années est la collaboration des polices de différents Länder, les municipalités et les sociétés de sécurité privée. Historiquement bâtie autour de deux forces de police fédérale et d’une force de police propre à chacun des 16 États fédérés, les forces de l’ordre allemandes ont longtemps fonctionné en silos. « Depuis janvier 2007, un nouveau modèle de management a été introduit, basé sur les économies d’échelle et des réorganisations qui ont permis une plus grande efficacité », indique Bernhard Frevel, professeur à l’université de Munster. Jusqu’ici, les réformes de la police n’intéressaient qu’un cercle étroit d’hommes politiques et de conseillers. Mais depuis, le traumatisme des centaines d’agressions sexuelles sur des femmes à Cologne le soir du Nouvel An a déclenché toutes sortes de réflexions. Le chef de la police locale a été licencié et les forces de l’ordre critiquées. Avant ces agressions, des réflexions étaient en cours pour réduire les 47 forces de police régionale de l’État fédéré de Rhénanie du Nord-Westphalie à 12, pour des questions financières et d’efficacité.
traumatisés par les événements du Nouvel An », estime Bernhard Frevel, spécialiste de la Rhénanie du Nord-Westphalie. La réflexion commence par l’introduction de plus de diversité. Alors que seuls 100 agents sur 40 000 policiers étaient issus de minorités entre 1993 et 2009, un appel est lancé pour attirer ces populations, ainsi que davantage de femmes. Le micro-management est en train d’être repensé au sein des commissariats pour raccourcir la chaîne de commandement sans surcharger les officiers. Par ailleurs, le rapprochement avec les communautés locales sera élargi ; chaque année, les bureaux de police locale interrogeront les citoyens sur leur perception de leurs actions. Représentants « en charge du crime et de la police » Le terrain est le mot d’ordre des forces de l’ordre britanniques depuis 2007, avec la création du community policing. L’objectif est que chaque quartier possède sa propre équipe locale de policiers. « Cette approche se fonde sur l’hypothèse qu’une présence visible est essentielle au sentiment de sécurité, explique Trevor Jones, expert en criminologie à la Cardiff School of Social Science. La population doit être impliquée à la fois dans l’identification des problèmes et dans les actions entreprises, et surtout, la police doit centrer son activité autour des problèmes apparaissant comme les plus cruciaux. » Les « autorités responsables » ont désormais l’obligation légale de travailler avec d’autres organisations locales – pompiers, services locaux de santé, services de secours et municipalités – pour lutter contre la délinquance et les comportements « antisociaux ». Un audit fondé sur les statistiques des arrestations doit être effectué tous les trois ans et soumis aux habitants. À partir des données et des consultations, les autorités formulent une stratégie pour lutter contre la délinquance. Poussant cette idée plus loin, certains conservateurs évoquent même la possibilité d’élire des représentants « en charge du crime et de la police » qui relaieraient les préoccupations locales. Selon les études auprès des citoyens, les résultats sont positifs. De quoi changer la perception de la police et faire évoluer son management ? Volontiers avant-gardiste, Trevor Jones n’hésite pas à prédire l’apparition d’un système policier dédoublé, « où les infractions les plus graves sont l’apanage d’organisations nationales et centralisées, et où la délinquance quotidienne et les désordres ainsi que la patrouille en uniforme seraient le domaine de prédilection de partenariats locaux plus réactifs, au sein desquels la police publique serait un élément parmi d’autres. »
« La population doit être impliquée à la fois dans l’identification des problèmes et dans les actions entreprises. »
Raccourcir la chaîne de commandement Désormais, la police en Rhénanie du Nord-Westphalie est sommée d’améliorer sa réactivité par rapport aux attentes des citoyens, de leurs besoins et de peaufiner rapidement une stratégie des différents risques : crimes, terrorisme, extrémisme. Une situation très mal vécue au sein d’une police habituée à une hiérarchie historique et qui doit maintenant se réformer sous le coup d’événements dramatiques. « Il faut un management moderne au lieu d’une hiérarchie classique, ce qui est très compliqué à mettre en place au sein des commissariats, 68 ACTEURS PUBLICS MARS-AVRIL 2016 #120
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Les fonctionnaires européens font figure de privilégiés Depuis le 1er janvier, le salaire des fonctionnaires européens a augmenté de 2,4 %. Une décision qui ne fait pas l’unanimité parmi les 28 États membres, qui devront débourser 100 millions d’euros supplémentaires pour financer cette hausse.
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n toute discrétion, Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, en poste depuis un an, a commencé l’année 2016 en offrant un cadeau de choix aux 55 000 fonctionnaires et agents assimilés des institutions européennes. Depuis le 1 er janvier, ceux-ci bénéficient d’une augmentation de salaire de 2,4 %. Désormais automatique, cette hausse sera calculée en fonction de l’inflation et du salaire des fonctionnaires nationaux, sans que les députés européens ne puissent plus intervenir pour en limiter la progression. Ce geste représente une enveloppe supplémentaire de plus de 100 millions d’euros en 2016, à la charge des 28 pays membres, sommés, de leur côté, de contenir la dépense publique. Sous la pression de la Commision, la plupart d’entre eux imposent ainsi à leurs fonctionnaires un gel du point d’indice depuis des années. Du côté de la Commission, on explique que la hausse du salaire des fonctionnaires européens succède à deux ans de gel. Des salaires qui n’ont d’ailleurs progressé que de 1 % sur les cinq dernières années, tandis que la charge de travail n’a cessé de croître dans le même temps. « En effet, la Commission européenne a beaucoup travaillé, mais l’ensemble des États membres travaillent pour tenter de sortir de 70 ACTEURS PUBLICS MARS-AVRIL 2016 #120
la crise et tout le monde n’a pas eu une telle augmentation », a souligné, sur le site de RTL en Belgique, Charles de Marcilly, responsable du bureau bruxellois de la fondation Robert Schuman. Mesures d’économies Pour calmer le jeu, la Commission ajoute que les salaires de l’administration européenne ne représentent qu’à peine 3 % du budget de l’Union. Et sur une plus longue période, les institutions de l’UE rappellent également que les fonctionnaires européens ont eux aussi consenti des efforts pour se mettre au diapason de l’austérité en Europe, avec une chute de leur pouvoir d’achat de 7,6 % entre 2004 et 2011. De plus, une réforme de 2004 a eu pour effet de faire baisser de 20 % les salaires de début et de fin de carrière au sein des institutions européennes. En 2012, la Commission européenne a aussi proposé de compléter cette réforme par de nouvelles mesures d’économies qui doivent s’étaler jusqu’en 2017 : diminution de 5 % du personnel, augmentation de la durée du travail hebdomadaire de 37 à 40 heures sans compensation salariale, relèvement de l’âge de la retraite de 63 à 65 ans. Ce qui doit représenter à terme 1 milliard d’euros
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Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker – ici en janvier dernier – vient d’accorder une augmentation aux fonctionnaires après deux ans de gel des salaires.
d’économies pour l’Union européenne. Rien n’y a fait. La décision prise en catimini par la Commission en janvier a gonflé la voile des critiques. « C’est encore une fois essayer de tendre un petit peu le dos pour se faire taper dessus alors que l’on n’a pas besoin de ça. On a plutôt besoin de savoir de quoi sera faite l’Europe de demain… Vous avez un ensemble de dossiers en 2016 qui sont primordiaux. Est-ce qu’augmenter les fonctionnaires était urgent ? Je pense qu’on pouvait un peu attendre », renchérit Charles de Marcilly. Risque de « Brexit » (départ du Royaume-Uni de l’UE), espace Schengen sous tension et en danger d’explosion, crise de l’accueil des réfugiés, tensions avec la Grèce, chômage massif, frictions avec la Pologne, doutes autour de l’accord de coopération avec l’Ukraine, etc. Les euroseptiques ont saisi la balle au bond pour stigmatiser la crise au sein de l’UE et dénoncer la générosité du président de la Commission à l’égard des fonctionnaires européens, alors que les problèmes s’accumulent sur leurs bureaux.
bénéficient d’une rémunération supérieure à celle du Premier ministre britannique, David Cameron. L’histoire se répète-t-elle ? Après une manifestation à Bruxelles des fonctionnaires européens en février 2013, craignant des baisses de salaires, voire des licenciements, David Cameron les avait accusés de vivre « dans un monde parallèle ». Quelques mois plus tôt, c’était le quotidien allemand Die Welt qui lâchait « 4 365 fonctionnaires européens gagnent plus d’argent que la chancelière ». Pour calmer le jeu, la Commission rappelle sur son site Internet que l’échelle des traitements de base s’échelonne d’environ 2 300 euros par mois pour un fonctionnaire AST/SC (grade des assistants/secrétaires) nouvellement recruté à quelque 16 000 euros par mois pour un fonctionnaire comptabilisant quatre années d’ancienneté au grade le plus élevé (AD 16, le plus haut pour les administrateurs). Ce à quoi s’ajoute une indemnité de dépaysement équivalente à 16 % de du traitement de base. À Bruxelles, on explique également que maintenir un niveau de salaire élevé pour les fonctionnaires européens, c’est aussi le meilleur rempart contre la corruption et l’assurance de pouvoir recruter des experts compétents. Mais consciente que l’opacité des décisions prises à Bruxelles peut nourrir l’europhobie, la nouvelle commissaire au Budget et aux Ressources humaines, la Bulgare Kristalina Georgieva, a promis de rendre enfin transparente la politique financière des institutions européennes. Un vœu pieux ? Jean-Michel Meyer
« C’est un peu tendre le dos pour se faire taper dessus alors que l’on n’a pas besoin de ça. »
Mieux payés que des chefs de gouvernement Outre-Manche, la presse britannique s’est empressée de relever que « la bureaucratie européenne » avait augmenté ses effectifs de 60 % en dix ans quand, à l’inverse, la Commission exige des 28 États membres qu’ils réduisent le nombre de leurs fonctionnaires nationaux. Et, crime de lèse-majesté : 10 000 fonctionnaires européens 72 ACTEURS PUBLICS MARS-AVRIL 2016 #120
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Exclusif : ce qu’attendent les directeurs des nouveaux groupements hospitaliers Acteurs publics dévoile les grandes lignes d’une première enquête nationale sur la transformation du métier de directeur d’hôpital alors que l’arrivée des groupements hospitaliers de territoire fait bouger les lignes sur les compétences et les postes.
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taux de Marseille, comprend ce message d’alerte. « Dans les CHU, nous sommes plus nombreux et la stabilité des équipes n’est pas menacée par les regroupements qui s’annoncent dans les territoires. L’organisation des équipes de direction et la répartition des moyens vont devenir un sujet beaucoup plus sensible dans les hôpitaux de petite taille, où les directeurs expriment aujourd’hui leur isolement alors qu’ils font déjà face à des missions très transversales. Un même directeur peut piloter les finances et la gestion des risques. Ces missions sont naturellement mieux identifiées dans les hôpitaux de plus grande taille », analyse-t-elle. Défi managérial Aucune routine à redouter cependant et les directeurs d’hôpital s’attentent même à quelques évolutions. À l’avenir, ces fonctions s’annoncent moins diversifiées, stratégiques et politiques et sans doute plus territoriales, managériales et financières. Un phénomène que la constitution des GHT devrait encore accélérer. D’ailleurs, si 60 % des dirigeants interrogés s’attendent à une réduction de leur autonomie, près de la moitié d’entre eux sont prêts à transformer l’essai, voyant dans cette réorganisation territoriale une opportunité unique de développer une dimension plus managériale. « Cette ouverture plus partenariale va probablement rompre avec un cloisonnement totalement dépassé, permettant de regrouper des fonctions logistiques. Les organisations hospitalières sont appelées à évoluer rapidement et les directeurs d’hôpital l’ont déjà compris », confirme Christian
FOTOLIA
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u moment où les contours des groupements hospitaliers de territoire (GHT) se dévoilent, les directeurs d’hôpital font corps et s’interrogent sur l’avenir de leur métier. Acteurs publics s’est procuré les résultats de la première enquête sur l’évolution et la transformation du métier de directeur d’hôpital menée par l’Association des directeurs d’hôpital (ADH), à laquelle près de 700 d’entre eux ont spontanément répondu en quelques jours. Une mobilisation inattendue qui a surpris la vice-présidente de l’ADH, Florence Arnoux, coordonnatrice de cette étude aussi fouillée que prospective. « Soudés, les directeurs d’hôpital expriment aujourd’hui un très fort sentiment d’appartenance à notre corps, relève-t-elle, et les deux tiers recommanderaient la profession à un plus jeune. Une satisfaction qui ne masque cependant pas quelques inquiétudes. Si 80 % se déclarent satisfaits, voire très satisfaits de leur travail, la moitié d’entre eux redoute aussi que leur métier devienne moins épanouissant. » De fortes préoccupations exprimées en particulier par les plus jeunes, puisque 54 % des répondants à cette enquête cumulent moins de quinze ans d’ancienneté. Alors, comment voient-ils l’avenir ? Quelles sont leurs satisfactions et leurs sources d’inquiétude ? Qu’attendent les directeurs d’hôpital à l’avenir ? La confiance des dirigeants les plus isolés en centre hospitalier spécialisé se fissure, puisque 61 % des répondants à l’enquête estiment que leur fonction devient moins épanouissante et 79 % d’entre eux voient se multiplier les difficultés dans un avenir proche. Florence Arnoux, qui dirige aussi le contrôle de gestion à l’Assistance publique-Hôpi-
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Paire, qui a tenu les rênes des CHU de Rouen et de Montréal, après avoir longtemps dirigé les ressources humaines de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris. La création des directions fonctionnelles territoriales, plébiscitées par la moitié des directeurs dans l’enquête de l’ADH, suscite espoirs et inquiétudes. Redoutant principalement « un éparpillement des responsabilités et une dilution des énergies », les jeunes directeurs d’hôpital craignent la mise en place « de superstructures ralentissant les décisions, déresponsabilisant et divisant les équipes ». Un risque à éviter à tout prix, rétorque Jacqueline Hubert, directrice générale du CHU de Grenoble, au terme d’une mission sur la mise en place des GHT réalisée avec Frédéric Martineau, président de CME du centre hospitalier de la côte Basque. Leurs propositions, désormais sur le bureau de la ministre en charge de la Santé, Marisol Touraine, visent à ne pas multiplier ces GHT « pour éviter de créer de la bureaucratie supplémentaire et échapper aux risques de déshumanisation ». Une crainte partagée par les directeurs d’hôpital, qui entendent bien rester maîtres du jeu sur le terrain. « Pas question de rejoindre une agence régionale de santé, l’avenir de notre métier s’écrit dans les établissements de soins », poursuit Jacqueline Hubert. Par contre, les directeurs d’établissement estiment ne pas avoir toutes les cartes en main. Plus de la moitié d’entre eux s’estiment insuffisamment formés en matière de pilotage et de gestion territoriale. Cette révélation qui émerge de l’enquête de l’ADH traduit d’abord un malaise visà-vis des agences régionales de santé (ARS), que 40 % des dirigeants hospitaliers interrogés jugent « trop silencieuses, pas assez accompagnatrices ». Ce constat traduit aussi des attentes colossales en matière de formation initiale et continue. Pour s’adapter aux évolutions, les dirigeants hospitaliers plébiscitent, entre autres, le coaching. Très attachés à ces accompagnements individuels par leurs pairs, les directeurs d’hôpital mettent par exemple en avant l’organisation de séminaires de direction à l’échelon régional. Ils misent sur l’échange et le retour d’expérience, plébiscitant la force de leur réseau professionnel, de leurs syndicats en s’appuyant sur l’ADH. Une confiance qui, au fil des réactions, se transforme en défi.
souvent réservés, le manque de publicité ne leur permettant pas de se porter candidats dans les temps. Ces transferts de compétences aboutissent pourtant à de belles réussites. À la préfecture de l’Hérault, Guillaume Saour, 36 ans, est encore dans les cartons. Nommé depuis quelques semaines directeur de cabinet du préfet Pierre Pouessel, il se souvient de son premier poste au centre hospitalier d’Évreux avant de rejoindre Didier Houssin, alors directeur général de la santé, pour gérer les crises sanitaires. Un premier poste en administration centrale qui l’a guidé vers le ministère de l’Intérieur puis la préfectorale. Aujourd’hui, il mesure ses atouts opérationnels pour mettre en place les mesures de sécurité, être le bon interlocuteur de la police, de la gendarmerie, des pompiers et de la sécurité civile, pour aider aussi à la permanence des soins et faciliter les relations avec l’ARS. Sa formation de directeur d’hôpital facilite selon lui cette approche pour capter les enjeux et proposer des arbitrages rapides. « Un dialogue permanent qui repose sur la compréhension et la confiance », assure Guillaume Saour. Brassage des compétences On assiste aussi à des transferts très réussis vers le corps des directeurs d’hôpital. Au tour extérieur 2016, pas moins de 5 directeurs de soins, une inspectrice principale de l’action sanitaire et sociale, un colonel, des ingénieurs hospitaliers, une sagefemme cadre supérieur et un cadre supérieur de santé ont rejoint les rangs de celles et ceux qui pilotent les établissements de santé. À l’heure où il est question de renforcer les parcours de santé des patients, les parcours professionnels deviennent un enjeu crucial pour mettre en œuvre les politiques publiques. Le brassage des compétences d’hommes et de femmes d’horizons différents peut faciliter les réformes sur le terrain à condition d’actionner l’indispensable levier de la formation tout au long des parcours professionnels. Aujourd’hui, la moitié des directeurs d’hôpital réclame un suivi individuel et un accompagnement plus fort du Centre national de gestion (CNG), l’organisme chargé de la formation et du recrutement des cadres hospitaliers, et la FHF n’est pas en reste. Pour son délégué général – jusqu’au 15 février dernier –, Gérard Vincent, la gestion des ressources humaines est la clé de la réussite. « Nous allons proposer des formations en lien avec la réforme territoriale pour préparer les directeurs de site, faciliter le pilotage des établissements support car le ministère de la Santé ne se mobilise pas dans ce domaine », déplore-t-il. Dès cette année, la fédération proposera une boîte à outils pour renforcer les compétences afin de faciliter la mise en œuvre des groupements Laurence Mauduit hospitaliers de territoire.
« La moitié redoute que leur métier devienne moins épanouissant. »
Passerelles interfonctions publiques Près de la moitié des directeurs d’hôpital expriment leur frustration face au manque de perspectives de carrière qui leur sont offertes en dehors de leur corps. Ils semblent nombreux à rêver d’un enchaînement de carrière d’administrateur civil en préfecture ou dans la magistrature. « Nous avons besoin de réelles passerelles interfonctions publiques », réclame l’un d’entre eux. La Fédération hospitalière de France (FHF) mesure la difficulté. Des postes certes publiés, mais 76 ACTEURS PUBLICS MARS-AVRIL 2016 #120
Santé et Prévoyance
Catégorie responsabilité sociétale
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Pour favoriser le maintien à domicile des personnes accidentées, fragilisées ou en perte d’autonomie
récompensée pour sa démarche d’innovation
Catégorie qualité de service et relation adhérents
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Pour accompagner et soutenir tous nos adhérents en cas de cancer pendant et après la maladie
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Pascal Beaubat* pour avoir permis au modèle mutualiste d’oser, d’agir et d’exprimer ses valeurs auprès des générations d’avenir *Président Intériale et Groupe Intériale
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Intériale mutuelle
LE CLUB DES ACTEURS
DE LA PERFORMANCE PUBLIQUE
RENCONTRE Le Club organise tout au long de l’année des rencontres informelles entre ses membres et des acteurs publics de premier plan.
ÉCHANGE D’EXPÉRIENCE En toute indépendance, acteurs et observateurs de premier niveau y débattent du contenu et des effets de l’action publique.
RETROUVEZ LE CLUB DES ACTEURS DE LA PERFORMANCE PUBLIQUE sur acteurspublics.com/club/Club-des-Acteurs-de-la-Performance-publique LES MEMBRES DU CLUB
ACTION Véritable laboratoire où s’analysent les initiatives d’aujourd’hui et les stratégies de demain, le Club est une base pour l’action. VOTRE CONTACT : CATHERINE PENNEC AU 01 46 29 29 12 cpennec@acteurspublics.com
VINCENT BAILLAIS
Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil)
LA CNIL, INCONTOURNABLE AIGUILLEUR DU CIEL NUMÉRIQUE La conseillère d’État Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), a reçu, le 19 janvier, les membres du Club des acteurs de la Performance publique. L’occasion de revenir sur les nombreux enjeux du numérique.
Au centre de toutes les attentions, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) négocie un virage important en cette année 2016 marquée par le vote de la loi sur le numérique, ainsi que par les négociations internationales et européennes. C’est dans ce contexte que sa présidente, la conseillère d’État Isabelle Falque-Pierrotin, a reçu au siège parisien de la Cnil, le 19 janvier, les membres du Club des acteurs de la Performance publique. Dans un ciel du numérique agité, la Cnil se place de plus en plus au centre du jeu avec plus de 2 200 décisions rendues en 2015, contre 300 six ans plus tôt. Cette institution devrait bénéficier de certaines dispositions prévues dans le projet de loi « pour une République numérique », qui devrait renforcer son pouvoir de
31 mars Les prochains déjeuners du club
sanction. Mais la Cnil ne joue pas qu’un rôle de gendarme : elle travaille aussi en étroite collaboration avec les acteurs de la société en amont des décisions, pour mieux éviter les écueils de la modernité. C’est le cas, par exemple, avec EDF, entreprise désireuse de concevoir une nouvelle génération de compteurs intelligents Linky, qui ne suscite pas la méfiance ni les critiques de ses clients une fois le produit mis sur le marché. La présidente de la Cnil a aussi longuement détaillé aux membres du Club les enjeux internationaux actuels en matière de réglementation, en abordant notamment les conséquences d’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 6 octobre dernier annulant le « Safe Harbor », un système destiné à encadrer les transferts de données des citoyens européens vers les États-Unis.
6 avril
Henri Verdier, directeur interministériel du numérique
Bruno Delsol, préfet et directeur général des collectivités locales (DGCL)
Ouverture des données, systèmes d’information des ressources humaines, innovation numérique… Henri Verdier, le directeur interministériel du numérique et du système d’information et de communication de l’État (Dinsic), sera l’invité du Club le 31 mars.
Le préfet Bruno Delsol, directeur général des collectivités locales, sera l’invité du Club le 6 avril. L’occasion d’évoquer la baisse des dotations aux collectivités, les schémas départementaux de coopération intercommunale, réforme de la dotation globale de fonctionnement...
et du système d’information et de communication de l’État (Dinsic)
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LE CLUB DES ACTEURS DES TERRITOIRES DURABLES
RENCONTRE Le Club organise tout au long de l’année des rencontres informelles entre ses membres et des acteurs publics de premier plan.
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LES DÉJEUNERS DU CLUB I FRANCIS ROL-TANGUY
VINCENT BAILLAIS
Francis Rol-Tanguy, secrétaire général des ministères de l’Écologie et du Logement
LA TOUR DE CONTRÔLE DES ADMINISTRATIONS DE L’ÉCOLOGIE ET DU LOGEMENT Francis Rol-Tanguy, secrétaire général des ministères de l’Écologie et du Logement, était l’invité du Club des acteurs des Territoires durables. L’occasion de détailler les enjeux budgétaires et de ressources humaines de son administration.
À la tête du secrétariat général commun au ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie et au ministère du Logement, de l’Égalité des territoires et de la Ruralité depuis un an et demi, Francis Rol-Tanguy a détaillé, lors du déjeuner du Club des acteurs
Le prochain déjeuner du Club
des Territoires durables, le 25 janvier, l’actualité de ces administrations, en particulier en matière de ressources humaines. Ce haut fonctionnaire expérimenté a notamment rappelé la nécessité, pour les administrations de ces deux grands ministères qui emploient de nombreux ingénieurs, d’entretenir un dialogue plus fourni avec les collectivités sur les enjeux de construction des carrières, alors que les missions d’ingénierie sont de moins en moins importantes au sein de l’État. Francis Rol-Tanguy a également fait un tour d’horizon de la situation des
services déconcentrés. Après avoir rappelé les grandes lignes de la stratégie budgétaire des deux ministères, cet ingénieur général des Ponts, des eaux et des forêts est également revenu sur les sujets d’importance, tel celui des territoires à énergie positive pour la croissance verte (TEP-CV). Ce programme, qui octroie sous certaines conditions une aide de 500 000 euros à chaque collectivité engagée dans la réduction des besoins en énergie de ses habitants, dans des constructions ou des activités économiques, peut, dit-il, constituer « un effet de levier ».
23 mars François Pupponi, député-maire (PS) de Sarcelles et président de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) Logement social, construction, mixité, réglementation, projets d’envergure, métropole du Grand Paris… François Pupponi, député-maire (PS) de Sarcelles et président de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), sera l’invité du Club le 23 mars. #120 MARS-AVRIL 2016 ACTEURS PUBLICS 81
LE CLUB DES ACTEURS DES TERRITOIRES DURABLES I TRANSITION ÉNERGÉTIQUE
L’ÉNERGIE PHOTOVOLTAÏQUE, UNE ÉNERGIE DE TERRITOIRE
Le solaire photovoltaïque offre un potentiel de développement considérable à l’échelle mondiale dans les décennies à venir. Son accessibilité à presque tous, la révolution numérique et la montée en régime des générations Y et Z vont contribuer à transformer progressivement notre regard sur l’énergie, changer nos modes de vie et contribuer à réduire les émissions de gaz à effet de serre conformément aux engagements de la COP21 face aux enjeux climatiques de la planète. Trois leviers du changement sont aujourd’hui en voie d’alignement. Des technologies solaires en pleine mutation. La baisse du coût des systèmes photovoltaïques, l’amélioration des conditions de financement : tout concourt à faire baisser le prix de l’électricité solaire pour qu’elle soit compétitive sans subvention sur de plus en plus de géographies et d’applications.
82 ACTEURS PUBLICS MARS-AVRIL 2016 #120
L’évolution des comportements. En 2020, 40 % de la force de travail émanera des générations Y et Z, adeptes de tous les outils numériques mais aussi de ce qu’ils rendent possible : l’économie de partage, l’économie circulaire, l’intermédiation… La transformation est en marche, mais elle sera longue, sur plusieurs décennies. La transition énergétique s’inscrit dans des temps longs alors que le temps politique s’exprime sur quelques années et que les entreprises investissent sur des temps pouvant aller jusqu’à vingt ans avec souvent des contraintes court terme imposées par les réalités économiques. Il y a là un défi considérable pour rendre les temps compatibles, en évitant que des contraintes trop différentes dans les diverses zones géographiques ne conduisent à délocaliser l’industrie plutôt qu’à réduire les émissions de gaz à effet de serre. L’accélération du changement est toujours source d’inquiétude mais c’est aussi une formidable source d’opportunités. Il y a là deux forces antagonistes qui arbitreront la trajectoire d’équilibre de la transformation : d’un côté les freins du monde établi, les conservatismes et les difficultés à mettre en place les réformes et à définir des mécanismes de régulation adaptés à une transformation longue, de l’autre les nouveaux métiers, les nouveaux modèles d’affaire, la force des consommateurs notamment sous l’impulsion de la génération de nos enfants et petits-enfants. Arnaud Chaperon est directeur « Prospective et relations institutionnelles énergies nouvelles » de Total, membre du conseil d’administration de SunPower, un des leaders mondiaux de l’industrie solaire, du Syndicat des énergies renouvelables et de l’association européenne du photovoltaïque SPE.
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ITESTRO / FOTOLIA
La convergence électricité – Télécoms/numérique. Deuxième des leviers du changement en cours, la transformation numérique du monde de l’électricité est en marche avec l’émergence de nouveaux métiers et modèles d’affaires autour de ce vecteur énergétique. Les compagnies d’électricité classiques sont impactées avec de forts risques d’intermédiation.
LE CLUB DES ACTEURS DES TERRITOIRES DURABLES I TRANSITION ÉNERGÉTIQUE
État des lieux et perspectives
La Cité municipale de Bordeaux : 100 % d’autoconsommation
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L’énergie solaire est abondante et massive : en 90 minutes, la quantité de lumière du soleil qui frappe la Terre peut suffire à satisfaire les besoins de la planète pour une année entière.
Développée en partenariat public-privé avec la ville de Bordeaux, la Cité municipale de la capitale girondine livrée en 2014 est un bâtiment à énergie positive qui autoconsomme 100 % de l’électricité photovoltaïque qu’il produit. Une prouesse architecturale pour ce bâtiment de huit étages et de 21 000 m² en plein centre historique de Bordeaux sous contrôle des architectes des Bâtiments de France, car les modules photovoltaïques devaient être totalement invisibles. Grace au partenariat Domo Helios/SunPower, le projet de cité municipale a pu disposer des tout premiers modules 345Wc fabriqués sur Toulouse par SunPower, permettant par là-même d’obtenir une empreinte carbone très faible. Résultats : la production annuelle de 304 MWh couvrira les besoins électriques du bâtiment estimés à 171 MWh. Avec la totalité de l’électricité autoconsommée, le raccordement au réseau d’ERDF ne serait plus forcément d’actualité. Ce qui fait dire à certains que des bâtiments publics à l’hypermarché, l’avenir du solaire photovoltaïque est dans l’autoconsommation !
L’énergie solaire est de plus en plus compétitive : les modules PV à base de silicium ont fait ces dernières années des progrès technologiques importants et leur prix a été divisé par cinq en cinq ans. L’énergie solaire est une énergie de territoire, accessible par beaucoup sur les toitures, les terrains vagues ou en friches, en bordure de villages, une énergie propice à l’autoconsommation ou à différents modes de mutualisation. Le parc installé mondial de solaire photovoltaïque dépasse les 220 GW à fin 2015 pour une production électrique de 250 TWh, soit 1 % de la production électrique mondiale. Le parc mondial photovoltaïque devrait franchir le cap des 2 TW installé entre 2030 et 2035 (facteur 10 en vingt ans). En 2035, le solaire PV représenterait un peu moins de 20 % de la puissance installée mondiale et couvrirait environ 8 % de la production électrique mondiale.
À Nanterre, une école zéro carbone L’architecture du groupe scolaire Abdelmalek Sayad, dans la nouvelle Zac Sainte-Geneviève proche du centre-ville de Nanterre, rappelle, avec son toit en dents de scie, le passé industriel du site sur lequel il est construit. Avec ses façades qui portent la devise républicaine en 40 langues, l’école est devenue une école à énergie positive et exemplaire du point de vue environnemental grâce à sa centrale photovoltaïque assurant une production d’énergie renouvelable supérieure à sa consommation.
La démarche, qui met en œuvre une ingénierie environnementale globale, a permis d’atteindre des performances énergétiques et environnementales qui font du bâtiment un véritable exemple avec des performances qui dépassent tous les standards. Ce sont les équipes d’ENERPUR qui ont réalisé la toiture photovoltaïque de l’édifice, répartie autour de 2 centrales SunPower : l’une de 100 kWc destinée à la revente de la production au réseau ERDF, et l’autre de 12 kWc permettant d’alimenter en permanence les auxiliaires du bâtiment.
Résultat : l’école aura un impact global sur la planète pratiquement nul. Ce bâtiment zéro carbone sera exceptionnellement économique dans son exploitation. Sa volumétrie, l’utilisation des panneaux photovoltaïques, le choix résolu du bois naturel en structure et en bardage, l’utilisation des matières colorées donnent au groupe scolaire une image à la fois sobre, contemporaine et environnementale. Au final un bâtiment généreux en matière d’espace, de fonctionnalité, de convivialité et de lumière. #120 MARS-AVRIL 2016 ACTEURS PUBLICS 83
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LE CLUB DES ACTEURS DES TERRITOIRES DURABLES I GUILLAUME DE RUSSÉ
POUR UNE NOUVELLE DYNAMIQUE RURALE
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a notion d’espace rural en France recouvre des situations très contrastées, de territoires isolés très peu denses à des communes de densité moyenne proches des grandes villes. Comment promouvoir le dynamisme économique de cette ruralité diverse, forte de plus de 15 millions d’habitants ? Le CESE préconise en premier lieu d’en renforcer l’accessibilité en optimisant les réseaux routiers et ferroviaires existants ou encore en développant des platesformes de mobilité : les expériences de TAD (transports à la demande), par exemple, sont concluantes. Il est également impératif d’en finir avec la fracture numérique territoriale, d’autant que la généralisation des outils numériques offre de nouvelles pistes de création d’emplois en milieu rural (télétravail, vente à distance, etc.).
84 ACTEURS PUBLICS MARS-AVRIL 2016 #120
Par ailleurs, une gamme diversifiée de « services au public » est un gage de maintien de la population dans le rural (commerces multiservices, mairies regroupant des services publics, maisons médicales, télémédecine…). Il est également urgent de mettre fin au maquis des aides, à la logique du saupoudrage et à la jungle des normes pour améliorer l’attractivité économique : la fusion de dispositifs redondants est indispensable. En revanche, l’accès des PME aux marchés publics doit être conforté en renforçant des critères de proximité et de qualité (logique du mieux-disant). L’emploi et la formation doivent quant à eux être améliorés par la montée en qualification de la main d’œuvre, notamment des jeunes via l’alternance : à cet égard, l’exemple de la région Pays de la Loire, qui finance en partie une deuxième APL pour les jeunes
en alternance, est une piste à suivre. Sur un autre registre, enfin, le renforcement de la préservation des sols et la qualité de l’urbanisme sont des facteurs de maintien de la population, voire de son augmentation dans une ruralité où « il fait bon vivre ». Le transfert des permis de construire aux communautés de communes permettrait certainement une meilleure gestion du foncier. Les espaces ruraux sont une richesse pour notre pays. Encore faut-il que l’État favorise le dynamisme naturel des acteurs ruraux en accompagnant leur volonté de développement.
Guillaume de Russé, conseiller départemental de la Vienne, rapporteur de l’avis du CESE « Comment promouvoir le dynamisme économique des espaces ruraux ?»
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SONDAGE Les Français plébiscitent les régions L’INVITÉ MARCEL GAUCHET
« Les gens ne veulent plus de l’État à l’ancienne »
COMMENT L’ÉTAT PILOTE SON PATRIMOINE IMMOBILIER À VENDRE
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LE CLUB DES ACTEURS DE LA SANTÉ PUBLIQUE
RENCONTRE Le Club organise tout au long de l’année des rencontres informelles entre ses membres et des acteurs publics de premier plan.
ÉCHANGE D’EXPÉRIENCE En toute indépendance, acteurs et observateurs de premier niveau y débattent du contenu et des effets de l’action publique.
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LES MEMBRES DU CLUB
ACTION Véritable laboratoire où s’analysent les initiatives d’aujourd’hui et les stratégies de demain, le Club est une base pour l’action.
VOTRE CONTACT : CATHERINE PENNEC AU 01 46 29 29 12 cpennec@acteurspublics.com
LE CLUB DES ACTEURS DE LA SANTÉ PUBLIQUE I PASCAL BEAUBAT
TÉLÉMÉDECINE ET TERRITOIRES
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Intériale Mutuelle, le Club de réflexion sur l’avenir de la protection sociale (Craps), et le docteur Pierre Simon, ancien président de l’Association nationale de télémédecine (SFT-Antel), organisent un colloque* sur ce sujet le 7 mars au Sénat à partir d’une étude conjointement réalisée, consacrée à la « perception de la télémédecine dans les territoires ». La cabine connectée de télésanté Consult Station, lauréate du concours modial de l’innovation 2030.
SYLVAIN CAMBON
Rencontre avec… Pascal Beaubat, président d’Intériale Mutuelle Pourquoi avoir réalisé cette étude sur la perception de la télémédecine dans les territoires ? La vocation d’une mutuelle comme la nôtre est d’aider à préserver le capital santé de nos adhérents et nous devons donc être en permanence à l’écoute de leurs attentes. C’est pourquoi nous les consultons régulièrement. Au sujet de la télémédecine, qui prend de plus en plus de place dans notre secteur, il était important de mesurer leur niveau de connaissance, l’usage qu’ils en font déjà et leurs attentes. C’est une évidence, nous avons en France un problème d’accès aux soins dans certains territoires, il faut y réfléchir et cette enquête va nous y aider. Vous expérimentez déjà une solution de télésanté avec la solution « Consult Station ». Quels sont les premier retours d’expérience ? Dans le cadre de notre stratégie d’innovation, nous nous sommes associés à la
société française H4D et sa cabine de télésanté Consult Station. Cette solution vise à faciliter l’accès aux soins en luttant contre l’exclusion d’origine géographique ou sociale. Cette cabine permet un dépistage plus régulier des pathologies avec par exemple, des tests audio-visuels, d’hypertension ou bien de rythme cardiaque. Depuis janvier 2016, la cabine est installée dans une de nos agences à Paris et nos adhérents peuvent bénéficier d’un bilan santé gratuit en 10 minutes avec suivi anonyme, sécurisé et confidentiel. La consultation en visioconférence avec des médecins sera bientôt valable. Nous sommes persuadés qu’il s’agit d’une des solutions porteuses d’avenir pour les déserts médicaux et les zones de médecine tendues. L’innovation semble être une tradition chez Intériale… Notre démarche innovation date effectivement de plusieurs années. Elle est
marquée par des projets concrets, positifs et accessibles au plus grand nombre. L’innovation doit sortir des laboratoires pour intégrer les foyers ou les lieux de travail de nos adhérents. Nous soutenons tout ce qui va dans ce sens. C’est ce que nous avons fait avec le projet de robot Kompaï pour l’assistance et le maintien à domicile, développé en partenariat avec l’hôpital Broca, l’association Robosoft et Inter-mutuelleassistance. Ce robot, véritable « accompagnateur du quotidien » pour les personnes âgées en perte d’autonomie, permet de compenser certaines de leurs capacités fonctionnelles défaillantes, de lutter contre l’isolement en créant une présence, de sécuriser médicalement le maintien à domicile et de favoriser le contact avec le monde extérieur. Lorsque ce robot sera produit de façon industrielle, nous en ferons profiter nos adhérents les plus fragiles. *Inscription : colloquetelemedecine@interiale.fr
#120 MARS-AVRIL 2016 ACTEURS PUBLICS 87
LE CLUB DES ACTEURS DE LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE
RENCONTRE Le Club organise tout au long de l’année des rencontres informelles entre ses membres et des acteurs publics de premier plan.
ÉCHANGE D’EXPÉRIENCE En toute indépendance, acteurs et observateurs de premier niveau y débattent du contenu et des effets de l’action publique.
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LE CLUB DES ACTEURS DE LA SÉCURITE INTÉRIEURE I MICHEL MERCIER
Ce qu’en dit… Michel Mercier, rapporteur spécial du comité de suivi
MIGUEL MEDINA/AFP
de l’état d’urgence de la commission des lois du Sénat
Les prochains déjeuners du club
Quelles sont les finalités du contrôle parlementaire de l’état d’urgence ? Notre but n’est, bien entendu, pas de nous substituer au contrôle juridictionnel effectué par le juge administratif ou d’apprécier la pertinence des motivations ayant conduit les autorités de police à procéder à telle ou telle perquisition ou d’assigner tel individu à résidence. Il nous appartient en revanche d’être vigilants sur les risques d’utilisation « tous azimuts » des prérogatives renforcées dont disposent les autorités administratives pendant l’état d’urgence et de nous assurer qu’elles sont utilisées de manière proportionnée et adéquate. Quel premier bilan peut-on tirer de l’application de l’état d’urgence ? Force est de constater que les autorités de police utilisent massivement les facultés que ce régime leur offre. Il faut notamment souligner le fait que ces procédures permettent d’acquérir des renseignements, cet aspect des perquisitions étant cependant particulièrement malaisé à évaluer pour des raisons évidentes de confidentialité. Certes, cette interprétation extensive des mesures de la loi de 1955 a été validée par le Conseil d’État dans sa décision du 11 décembre dernier. Pour autant, cette question sera au cœur des réflexions du législateur dans les
prochaines semaines, aussi bien avec le projet de révision constitutionnelle qu’avec le second projet de modification de la loi du 3 avril 1955 qui pourrait encore développer les pouvoirs de police dont disposent les autorités administratives en cas d’état d’urgence. Quelles sont les prochaines étapes du comité de suivi ? La question qui va se poser rapidement à nous est celle de la sortie de l’état d’urgence. On ne saurait durablement fonder la prévention du terrorisme sur des procédures dérogatoires à nos règles habituelles de prévention des troubles à l’ordre public et de répression des infractions à la loi pénale. Il m’apparaît exclu, au risque de fragiliser les fondements de notre État de droit, de procéder durablement à des perquisitions hors du contrôle de l’autorité judiciaire ou de maintenir sur le long terme des personnes en assignation à résidence, alors même qu’aucun élément ne permettrait de les renvoyer, en vertu de nos règles relatives au procès équitable, devant une juridiction de jugement. Ce débat nous renvoie donc aux moyens humains, matériels et juridiques dont disposent les pouvoirs publics pour lutter contre le terrorisme et la criminalité organisée en dehors du cadre de l’état d’urgence. Propos extraits d’une interview donnée à Sénat.fr
17 mars Michel Mercier, sénateur UDI du Rhône et ancien garde des Sceaux Gestion de l’ordre public et de la sécurité depuis les attentats de novembre, lutte contre le terrorisme, réforme pénale, grogne des magistrats... Michel Mercier, sénateur UDI du Rhône et ancien garde des Sceaux, sera l’invité du Club des acteurs de la Sécurité intérieure le 17 mars.
#120 MARS-AVRIL 2016 ACTEURS PUBLICS 89
LE DOSSIER I CYBERSÉCURITÉ
90 ACTEURS PUBLICS MARS-AVRIL 2016 #120
LE DOSSIER I CYBERSÉCURITÉ
CYBERSÉCURITÉ : COMMENT LA FRANCE EST PASSÉE À LA VITESSE SUPÉRIEURE Depuis 2013, la France a renforcé ses moyens humains et matériels face aux cybermenaces. Les enjeux sont considérables car toutes les organisations, privées et publiques, sont aujourd’hui concernées.
LOLLOJ / FOTOLIA
P
as une semaine ne se passe sans qu’une grande organisation, publique ou privée, ne soit victime d’une cyberattaque. Récemment, c’est même l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi), chargée de lutter contre ce fléau, qui a vu son site attaqué par les Anonymous. Il ne s’agit là que d’un cas parmi d’autres. Tant dans le secteur privé (Sony,
Target, Gemalto…) que dans le public (ministères de l’Économie et des Finances, ministère de la Défense…), le nombre de cyberattaques ne cesse de croître : une augmentation de 51 % en un an dans l’Hexagone, selon une récente étude du cabinet PricewaterhouseCoopers. Et encore, beaucoup de ces sinistres restent ignorés. En moyenne, il faut entre quatre et huit mois pour détecter une anomalie #120 MARS-AVRIL 2016 ACTEURS PUBLICS 91
BERTRAND GUAY/AFP
LE DOSSIER I CYBERSÉCURITÉ
Le Premier ministre, Manuel Valls, a présenté, le 16 octobre 2015, la stratégie nationale pour la sécurité du numérique.
et plusieurs jours avant que le système ne soit complètement nettoyé. L’autre phénomène, apparu ces dernières années, est la gradation de ces cyberattaques. De la propagation d’un virus émanant de quelques hackers malveillants, nous sommes aujourd’hui entrés dans l’ère de la destruction provenant de groupes organisés et internationaux : « L’exemple de TV5 Monde montre qu’il y a une volonté de saboter, de détruire. Et plus aucune entreprise ni organisation publique n’est désormais à l’abri », rappelle Guillaume Poupard, le directeur général de l’Anssi. Face à cette croissance des menaces, la France s’est peu à peu organisée. Le livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008 mettait en exergue l’impact potentiellement très fort de telles attaques sur la vie de la nation et invitait l’État à en faire une priorité majeure de son dispositif de sécurité nationale. C’est à cette époque que fut créée l’Anssi – rattachée au secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale –, qui a vu depuis ses effectifs multipliés par cinq. La publication d’un autre livre blanc en 2013 et la promulgation de la loi de programmation militaire (LPM) sont venues compléter et renforcer les dispositifs 92 ACTEURS PUBLICS MARS-AVRIL 2016 #120
mis en place, avec notamment la responsabilité pour l’État d’assurer une sécurité suffisante des systèmes critiques des opérateurs d’importance vitale (OIV). Enfin, point d’orgue de cette stratégie, la présentation, le 16 octobre dernier, par le Premier ministre, Manuel Valls, de la stratégie nationale pour la sécurité du numérique. Beaucoup d’acteurs dans la « cyber » « La lutte contre les cybermenaces est une priorité des pouvoirs publics. Cela s’inscrit dans une démarche européenne et internationale car la cybercriminalité est mondialisée et sans frontières », souligne Myriam Quemener, conseillère juridique auprès du préfet en charge de la lutte contre les cybermenaces, Jean-Yves Latournerie. Pour Nicolas Arpagian, directeur scientifique du cycle « Sécurité numérique » à l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice et auteur du « Que Sais Je ? » sur la cybersécurité, l’intervention de Manuel Valls est même un tournant : « La cybersécurité est vraiment devenue une stratégie du gouvernement, estime-t-il. Nous avons dépassé le stade uniquement policier et militaire ». Le texte vise cinq objectifs, dont le renforcement de « la sécurité des infrastructures critiques » et
la lutte « contre les actes de cybermalveillance affectant les systèmes d’information de l’État, des entreprises et des particuliers ». Des lignes directrices qui viennent s’ajouter à un ensemble de plus en plus étoffé de mesures nationales et internationales auquel participe un nombre croissant d’acteurs : Anssi, Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC), Centre de lutte contre les criminalités numériques (C3N), Brigade d’enquête sur les fraudes aux technologies de l’information (Befti), sans compter les différentes directions et sous-directions de la gendarmerie et de la police nationale qui ont désormais un volet « cyber » dans leur activité. Mais cette profusion ne risque-t-elle pas de nuire à l’efficacité ? S’il appelle à une plus grande coopération, Guillaume Poupard rejette l’idée d’une entité unique « car il faut rester en lien avec le métier de chacun ». À l’instar de Guillaume Poupard, tous les experts reconnaissent que la coordination est indispensable à l’heure où la cybercriminalité se diversifie et se complexifie : « Il faut faire coopérer des acteurs, civils et militaires, qui jusqu’alors ne travaillaient pas ensemble », explique Nicolas Arpagian.
LE DOSSIER I CYBERSÉCURITÉ
Importance de la coopération internationale Ainsi en avril 2015, a été mise en place une plate-forme de « bonne conduite » avec les grands opérateurs du Net dont Google, Facebook, Twitter, destinée à lutter contre le cyberterrorisme. De même, le ministre de l’Intérieur a nommé un délégué aux industries de sécurité, Thierry Delville, dont la mission est de conduire le dialogue entre les services du ministère et les entreprises des industries de sécurité. Au niveau européen, la directive NIS (Network Security and Information) et le règlement sur la protection des données personnelles vont obliger les États membres à élever encore davantage leur niveau de sécurité. Avec ces dispositifs et des effectifs en croissance, la France est-elle désormais parée pour se protéger des cybermenaces et est-elle capable, si le cas se présente, de répliquer, voire d’attaquer ? Les experts le savent, le risque zéro n’existe pas, surtout face à des criminels de plus en expérimentés et déterminés. Outre les infrastructures vitales (centrales nucléaires, réseaux électriques, d’eaux…) qui sont particulièrement surveillées, chacun guette maintenant la survenance d’une possible attaque terroriste : « Les organisations terroristes utilisent quotidiennement les
ALPHASPIRIT / FOTOLIA
C’est l’une des tâches qui ont été assignées à Jean-Yves Latournerie, nommé en mai 2015, par le ministre de l’Intérieur, préfet en charge de la lutte contre les cybermenaces. Depuis à peine un an, le « cyberpréfet » n’a pas eu le temps de chômer, tant au niveau national qu’international : « Les services du Premier ministre et les ministères régaliens – Défense, Intérieur, Justice, Affaires étrangères, Économie – sont plus particulièrement concernés par cette priorité de sécurité nationale, détaille Jean-Yves Latournerie. Chacun d’entre eux dispose d’un coordinateur ministériel pour la cybersécurité, et mes collègues et moi-même sommes en contact permanent pour la mise en œuvre opérationnelle de la stratégie nationale. Une étape a donc été franchie. Le choix de la transition numérique fait de la sécurité numérique un enjeu de sécurité nationale. »
« Les services du Premier ministre et les ministères régaliens – Défense, Intérieur, Justice, Affaires étrangères, Économie – sont plus particulièrement concernés par cette priorité de sécurité nationale. » Jean-Yves Latournerie, préfet en charge de la lutte contre les cybermenaces
moyens de communication électroniques pour la diffusion de leur propagande ou pour la préparation de leurs actions. Cependant, aucun cyberattentat terroriste n’a été constaté ni revendiqué à ce jour. Pour autant, on ne peut pas l’exclure », précise Jean-Yves Latournerie. Tandis que pour Nicolas Arpagian, nous sommes déjà
entrés dans cette ère du cyberterrorisme, « si l’on considère que le terrorisme est d’instiller la terreur chez l’adversaire en mettant à disposition sur Internet des images violentes comme par exemple des décapitations ». La lutte est loin d’être terminée… Florence Puybareau
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LE DOSSIER I CYBERSÉCURITÉ
PIERRE GLEIZES/REA
Les obligations réglementaires auxquelles sont soumis les «OIV», comme les entreprises du secteur énergétique, sont prises en charge à leurs propres frais.
Les opérateurs d’importance vitale particulièrement surveillés Depuis la loi de programmation militaire votée en 2013, les systèmes critiques des opérateurs d’importance vitale (OIV) ont vu leur niveau de sécurité rehaussée. Une décision coûteuse et contraignante pour les organisations concernées.
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ls sont 218 : 218 opérateurs d’importance vitale (OIV) qui ont été désignés comme tels car ils ont un rôle primordial pour le fonctionnement de la nation. Si la liste n’est pas publique, une grande partie de ces organisations sont néanmoins connues. On y retrouve en effet de grandes entreprises du transport (RATP, SNCF), de l’énergie (EDF), des opérateurs télécoms (Orange), des hôpitaux… autant d’acteurs dont la mise à mal, notamment de leur système d’information, porterait un coup dur à la France. Depuis la loi de programmation militaire votée en 2013, la sécurité des OIV a été placée sous la responsabilité de l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information (Anssi), qui a commencé à émettre une série de règles de sécurité. Car être un OIV n’est pas seulement un statut. Cela entraîne beaucoup d’obligations, à tel point que certains essayent de circonscrire le périmètre : « Le cahier des charges est lourd. Il oblige à une remise à plat des processus. Il faut
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faire des audits, des mises à jour permanentes. C’est pourquoi certains OIV essayent de ciseler les points d’importance vitale afin de limiter l’impact », souligne Nicolas Arpagian, directeur scientifique du cycle « Sécurité numérique » à l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ). Car si l’État accompagne les OIV, les obligations sont prises en charge aux seuls frais des concernés. Mesures sans négociation possible La loi et le décret d’application fixent plusieurs mesures « minimales » : interdiction de connecter certains systèmes à Internet ; mise en place de systèmes de détection par des prestataires labellisés par l’État (l’Anssi s’en occupe directement lorsque l’OIV est une administration de l’État) ; vérification du niveau de sécurité des systèmes d’information critiques à travers des audits. Par ailleurs, Il y aura obligation pour l’OIV de déclarer les incidents aux autorités compétentes. En cas de crise majeure, le Premier ministre pourra imposer une liste de mesures sans négociation possible. Des sanctions pénales sont prévues en cas de non-respect des obligations. Reste maintenant à connaître les modalités d’application des obligations et les délais dont disposeront les OIV pour répondre à ces contraintes. Cela fera l’objet d’arrêtés qui devraient être publiés dans les prochains mois. Mais d’ores et déjà, l’Anssi a mis en place 18 groupes de travail – un par grand secteur d’activité – pour avancer avec les organisations concernées et les industriels. « C’est un travail de coconstruction extrêmement utile pour nous, même si la relation est parfois compliquée, rappelle le directeur général de l’Anssi, Guillaume Poupard, car il n’est jamais facile d’imposer davantage de réglementation. Mais c’est très positif car cela instaure un lien de confiance avec les OIV, développe leur culture interne et élève significativement leur niveau de sécurité. » F. P.
LE DOSSIER I CYBERSÉCURITÉ
LE « BIG DATA » AU SERVICE DE LA PROTECTION DES BIENS ET DES PERSONNES Les acteurs de la cybersécurité s’intéressent de plus en plus aux mégadonnées pour détecter les fraudes et les malversations, voire tenter de prédire des actes criminels. l’étude des comportements criminels. Un choix qui, selon les autorités, semble s’être avéré utile, puisque dans certains quartiers de Los Angeles, le taux de criminalité aurait baissé de 20 %. Investissements et formation La France est également aujourd’hui sur les rangs et la gendarmerie nationale utilise depuis fin 2014 des logiciels pour prédire des tendances en matière de criminalité. Les solutions françaises s’enrichissent aussi des données
venant de l’Insee ou de Météo France. D’où la nécessité de renforcer la collecte des données au sein des systèmes d’information. Intervenant récemment dans une conférence sur l’analyse des données au service de la sécurité publique, le lieutenant-colonel Patrick Perrot, chef de la division « Analyse et investigations criminelles » du service central de renseignement criminel de la gendarmerie nationale, expliquait que cette stratégie était même devenue essentielle : « Nous voulons déterminer le “où” et le
JIJOMATHAI / FOTOLIA
L
e big data (mégadonnées) est aujourd’hui sur toutes les lèvres. Mais quand on évoque cette technologie des 3 V (volume, vélocité et variété) qui consiste à traiter de gros volumes de données, très variées et très vite, on pense souvent à des opérations marketing, commerciales ou à des expériences scientifiques. Aujourd’hui pourtant, le big data intéresse de plus en plus les acteurs de la cybersécurité qui, à l’instar de l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information (Anssi), recrutent des spécialistes (des data analysts) capables d’analyser les données, mais aussi d’en tirer des conclusions, voire de tenter de prédire des actes plus ou moins criminels. Les États-Unis, le Royaume-Uni, mais aussi les pays scandinaves – notamment après la tragédie d’Utoya en Norvège en 2011 – ont été les pionniers pour mener différentes expériences afin d’accompagner la police dans ses opérations de terrain. L’objectif étant de prévenir les crimes plutôt que d’intervenir une fois qu’ils ont eu lieu. Aujourd’hui, par exemple, le logiciel PredPol (Predictive Policing) a conquis les villes américaines. Il s’agit d’analyser les données spatio-temporelles agrégées par la police sur le terrain grâce à un algorithme simple issu de
La gendarmerie française utilise des logiciels permettant de prédire les tendances en matière de criminalité.
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LE DOSSIER I CYBERSÉCURITÉ
“quand” de l’évolution criminelle mais aussi le “pourquoi” et le “comment”. L’objectif est de trouver les facteurs de la criminalité afin d’apporter des leviers d’action aux chefs opérationnels. Nous ne pouvons plus rester sur des méthodes a posteriori. C’est pourquoi nous avons développé des expérimentations pour tenter de savoir où et quand devraient arriver certaines infractions. » Bien sûr, cette stratégie nécessite de nombreux investissements et une formation des intervenants. Ainsi, les policiers de la police métropolitaine de Londres disposent-ils désormais de tablettes pour envoyer directement les informations en ligne. En France, plus de 13 millions d’euros vont être investis dans le projet Neogend, qui vise également à équiper les gendarmes en tablettes et smartphones afin de faire remonter plus rapidement les informations. Le ministère de l’Intérieur travaille aussi sur la détection de cyberréseaux criminels, en croisant des données afin de faire ressortir des filières.
Florence Puybareau
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« Il y a encore des gains à obtenir par une meilleure coopération des services »
PATRICK GAILLARDIN / PICTURETANK
Potentiels comportements terroristes L’autre apport du big data : permettre de repérer des comportements « anormaux ». L’outil analyse un certain nombre d’historiques d’événements et va mettre en exergue certaines informations qui seront comparées à un comportement normal. Les alertes sont générées en temps réel même si l’intervention humaine sera nécessaire pour les analyser. Enfin, aujourd’hui, beaucoup de questions se posent sur le recours au big data dans la lutte contre le terrorisme. L’utilisation de ces outils peut-elle aider à détecter de futures actions ? Beaucoup le pensent et, en France, la nouvelle loi sur le renseignement, qui va faciliter la collecte et l’analyse des données afin de rechercher de potentiels comportements terroristes, va dans ce sens. Mais la plupart des experts mettent en garde contre cette approche, car les algorithmes ignorent le hasard. Le caractère versatile de l’être humain permet très difficilement de déceler ses intentions. Sans compter les risques d’erreur importants au vu de la population visée. Si le big data peut certainement aider les forces de l’ordre dans leur travail, il n’est qu’un outil – certes perfectionné – qui doit s’intégrer dans une stratégie plus générale de surveillance.
GUILLAUME POUPARD, directeur général de l’Anssi
LE DOSSIER I CYBERSÉCURITÉ
L’État et le gouvernement font de la cybersécurité un sujet majeur. Mais qu’en est-il au sein des administrations ? Il y a une grande hétérogénéité d’une administration à l’autre. Les messages de sensibilisation ne passent pas toujours de la même façon dans les ministères car parfois les moyens donnés à l’IT ne sont pas suffisants. Et cela même si les gens sont vraiment de bonne volonté. C’est pourquoi nous travaillons en étroite collaboration avec la Dinsic [direction interministérielle du numérique et des systèmes d’information et de communication, ndlr], dirigée par Henri Verdier. L’objectif est de prendre en compte la sécurité dès le début des projets. Il faut fixer les règles mais aussi les expliquer car autrement, cela ne marche pas. C’est ce travail que nous faisons partout, dans le public comme dans le privé auprès de différentes catégories de personnes dont le travail n’est pas la sécurité. Attention, cela a un coût, car faire de la sécurité demande des investissements mais ceuxci seront moins importants s’ils sont envisagés au plus tôt. Les organisations publiques ayant à traiter des données sensibles comme les données des citoyens, cela accélère-t-il la prise de conscience ? Absolument. Lorsque l’on parle avec les administrations, elles comprennent la gravité de se faire voler des données sensibles. En revanche, certaines ne réalisent pas toujours à quel point elles sont des cibles. La prise de conscience est en cours, mais l’Anssi ne va pas tout faire. Nous avons besoin de relais. C’est pourquoi, en ce qui concerne les administrations territoriales par exemple, nous
avons nommé un référent par région qui va aller voir les différents réseaux afin de diffuser les messages. Nos relations avec les organisations publiques sont assez différentes de celles que nous avons avec les entreprises privées, et notamment les OIV [opérateurs d’importance vitale, ndlr] . La logique économique n’est pas la même. Si le système de production d’une entreprise privée est détruit, c’est souvent considéré comme très grave au sein même de l’entreprise, en raison des répercussions économiques directes d’une telle attaque sur son activité. En ce qui concerne les organisations publiques, les impacts d’attaques informatiques destinées par exemple à voler des données sensibles peuvent être plus difficiles à évaluer et moins immédiats : la prise de conscience est en cours mais doit être renforcée. Lorsque l’on regarde le nombre d’acteurs publics susceptibles d’intervenir sur les sujets de cybersécurité en France, on est un peu perdu. Cela ne risque-t-il pas de nuire à l’action ? Il y a beaucoup de bonne volonté, beaucoup d’intervenants et en effet, il y a un besoin de coordination. Nous pourrions être plus efficaces avec les mêmes ressources et le fait d’avoir des ressources ne nous exempte pas de cette recherche d’efficacité. Il y a encore des gains à obtenir par une meilleure coopération des services. Au niveau interministériel, l’Anssi a un rôle de communication et de sensibilisation, mais également ses missions propres liées à la cybersécurité, de même que les ministères : il faut chercher des synergies. Au ministère de l’Intérieur, la création d’une délégation interministérielle avec à sa tête le préfet
Jean-Yves Latournerie va dans ce sens. Ce travail de coordination nécessaire ne retire pas aux services de la gendarmerie, de la police et de la DGSI [direction générale de la sécurité intérieure, ndlr] leur rôle propre. Comment l’Anssi peut-elle être le catalyseur de cette action ? L’Anssi a toujours un rôle interministériel constructif. Nous avons des relations directes avec les différentes entités qui traitent de « cyber » au sein des ministères de l’Intérieur, de la Défense, de l’Économie, des Affaires étrangères. C’est un bon modèle qui évite de faire des erreurs. Nous avons un écosystème qui se constitue avec beaucoup d’acteurs. Mais ce n’est pas un morcellement. Créer une entité unique ne fonctionnerait pas, car il faut rester en lien avec le métier de chacun. En quoi les attentats de janvier puis novembre 2015 ont-ils fait évoluer la stratégie « cyber » ? Les événements de janvier 2015 n’étaient pas une crise « cyber ». Il y a eu essentiellement des défigurations de site Web. Notre grande préoccupation est la protection des OIV, mais le travail fait depuis un an avec ces entreprises est très positif. Notre espoir est qu’il ne se passe rien et pour l’instant, ça va. Il n’y a pas de drames comme dans certains pays. Mais les attaquants sont là. L’exemple de TV5 [la chaîne TV5 Monde a été victime d’une cyberattaque les 8 et 9 avril 2015, ndlr] montre qu’il n’y a plus aucune limite. Tout le monde peut se faire frapper. Tout le monde devient une cible. Propos recueillis par Florence Puybareau
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JIM WALLACE
LE DOSSIER I CYBERSÉCURITÉ
Philippe Devins,
« C’est l’association de compétences pointues, de différentes technologies et de rigueur dans la gestion des processus qui permet de lutter efficacement contre les cybermenaces », soulignent Pierre Mirlesse, VP Secteur public EMEA de Hewlett Packard Enterprise, et Philippe Devins, directeur Secteur public de Hewlett Packard Enterprise France.
DR
« LA SÉCURITÉ INFORMATIQUE N’A JAMAIS ÉTÉ AUSSI CRITIQUE »
directeur Secteur public de HPE France
Pierre Mirlesse, VP Secteur public EMEA de HPE
La sécurité informatique est entrée dans une La sécurité telle que nous la connaissions pour la ponibles et très efficaces. L’analyse de signaux nouvelle ère. Les cyberattaques ne visent plus protection des données bancaires, la protection faibles peut également trahir de potentielles seulement les entreprises et administrations dans virale de nos ordinateurs et plus globalement de attaques (détournement de petites sommes répél’unique but de découvrir des secrets industriels, nos data centers et nos réseaux informatiques tées sur différents comptes bancaires, emplois de détourner de l’argent ou encore de paralyser les prend aujourd’hui une nouvelle dimension. mots ou d’expressions hors contexte dans la sursystèmes d’information. Ces nouvelles attaques Ayons en tête qu’un virus met en moyenne plus veillance et l’analyse de réseaux sociaux, etc.). Nous traitons chaque jour davantage d’informavont aujourd’hui beaucoup plus loin car elles sont de 240 jours avant d’être détecté ! beaucoup plus organisées, structurées et utilisent Cependant, les technologies numériques (logiciel tions et de nouveaux outils d’analyse permettent des outils à la pointe de la technologie dans un et matériel) introduisent également de nouveaux par exemple d’utiliser les flux vidéo des caméras dessein cybercriminel. outils de lutte contre les « hacktivistes », ou cyber- de surveillance (données non structurées) afin de détecter automatiquement des comportements Nous constatons aujourd’hui que des organi- criminels, de toutes origines. sations criminelles cryptent les données per- Les principes de sécurité énoncés au début des inhabituels de passagers sur un quai de gare sonnelles d’établissements, puis une rançon années 1980 avec l’arrivée des premiers ordina- ou dans un hall d’aéroport, de remonter autoest ensuite demandée par les cybercriminels en teurs personnels (PC) sont toujours d’actualité. Il matiquement des alarmes en cas d’abandon de contrepartie du recouvrement des données chif- faut bien entendu et plus que jamais former le bagages ou de colis et d’être plus efficace dans frées et rendues inutilisables par les organismes personnel à utiliser un mot de passe complexe et les interventions de sécurisation des lieux. La attaqués. Dans le même esprit, imaginez les dan- à le changer régulièrement, garder ses systèmes reconnaissance digitale, palmaire, iris ou faciale gers associés à la prise de contrôle à distance des d’exploitation et logiciels à jour, faire des sau- s’est également considérablement enrichie pour sécuriser l’accès de lieux nouveaux objets connecdits sensibles pour les pertés (Internet des objets) « Les pertes financières liées à des incidents sonnes autorisées uniquetelle qu’une pompe à de cybersécurité sont estimées à 3,7 millions ment ou, dans le cas de insuline ou un pacemaker la reconnaissance faciale, qui deviendraient de la d’euros par entreprise en France. » suivre une personne dans monnaie d’échange à la survie d’un patient. On estime aujourd’hui à vegardes régulières, éviter d’ouvrir des e-mails une foule compacte. Enfin, ce sont les analyses 5 milliards le nombre d’objets connectés et à avec des pièces jointes provenant d’expéditeurs des réseaux sociaux en temps réel et de façon 25 milliards, voire 50 milliards d’ici 2020. Avec inconnus, protéger son Wifi, ne pas utiliser de clé automatisée qui ont permis d’assurer une meill’expansion de ces objets connectés, les menaces USB d’origine inconnue, etc. En plus de ces prin- leure sécurité des visiteurs lors des derniers jeux potentielles liées à la faible protection de ces cipes de base, les entreprises et les administra- Olympiques de Londres. Les alertes étaient alors derniers sont autant de failles de sécurité que les tions doivent mieux protéger leurs applications remontées aux services concernés afin de désahackers prennent pour cible. La sécurité informa- (80 % des attaques), analyser les comportements morcer une fausse rumeur ou une action terrosuspects grâce aux nouveaux outils logiciels dis- riste en préparation. tique n’a jamais été aussi critique. 98 ACTEURS PUBLICS MARS-AVRIL 2016 #120
FOTOLIA
LE DOSSIER I CYBERSÉCURITÉ
Les budgets liés à la cybersécurité sont estimés à 3 % de la dépense informatique globale, soit environ 100 millions d’euros par an pour l’administration centrale de l’État à ce jour. Quand on observe les différentes attaques informatiques de ces derniers mois, il y a lieu de prendre les menaces au sérieux. Nous nous souvenons des attaques du ministère des Finances, de TV5 Monde en avril dernier, de Sony Picture fin 2014 ou de la première cyberattaque au niveau d’un pays en 2007 et de la Géorgie en 2008. Selon un récent rapport de PWC, le nombre de cyberattaques a progressé de 38 % dans le monde en 2015 et de 51 % en France. Chaque année, ces attaques progressent en nombre et en gravité et les pertes financières liées à des incidents de cybersécurité sont estimées à 3,7 millions d’euros par entreprise en France. Nous le voyons bien, il n’existe pas une solution universelle pour adresser les problématiques
de sécurité. C’est l’association de compétences pointues, de différentes technologies et de rigueur dans la gestion des processus qui permet de lutter efficacement contre les cybermenaces. Chaque entreprise et chaque administration ayant sa propre signature, il faut construire la stratégie de défense adaptée à chaque profil et la suivre au quotidien. HPE (Hewlett Packard Enterprise) publie chaque année un ouvrage de référence, « HPE Cyber Risk Report », qui permet aux directions informatiques de comprendre et identifier les menaces actuelles et la manière dont les hackers utilisent les failles de sécurité. Force est de constater que les menaces liées à un monde globalisé, avec des flux d’information en croissance exponentielle, nous obligent à enrichir nos centres opérationnels de sécurité adaptés à la prévention avec de nouvelles approches curatives, c’est-à-dire qu’il faut gérer une attaque
constatée et en limiter les effets en proposant des outils d’aide à la décision. L’information, le partage des informations, l’accès en tout lieu et à n’importe quel moment aux données constituent le socle de nos échanges mondiaux, qu’ils soient économiques ou sociaux. La fusion d’Etalab et de la direction des systèmes d’information de l’État en souligne l’importance. En parallèle, le fort développement de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi), rattachée au secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, démontre que les deux activités sont intimement liées. Protéger l’information c’est protéger notre communication, préserver le développement de notre économie et défendre nos libertés. Pierre Mirlesse, VP Secteur public EMEA HPE, et Philippe Devins, directeur Secteur public HPE France
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BAPTISTE FENOUIL/RÉA
LE DOSSIER I CYBERSÉCURITÉ
Pour le sénateur et auteur en 2012 du rapport « Cybersécurité : un enjeu mondial, une priorité nationale », le bilan des mesures prises depuis ses travaux est positif, même si de nombreux points restent à améliorer.
Jean-Marie Bockel
« La formation est aujourd’hui un enjeu essentiel » « En France comme à l’étranger, les attaques contre les systèmes d’information se sont multipliées ces dernières années. Détournement des objets connectés, recrudescence des demandes de rançon, multiplication des attaques par e-mail : les méthodes utilisées par les hackers – État, groupes militants ou mafia – pour “casser” les systèmes informatiques sont de plus en plus sophistiquées. Ces attaques, qu’elles soient intrusives ou simplement parasites, menacent notre défense et notre sécurité nationale. Un risque dont l’opinion publique doit prendre conscience. C’est pourquoi le livre blanc de 2013 et la loi de programmation militaire 2014-2019 ont fait de la cyberdéfense une priorité nationale, conformément aux recommandations de mon rapport du Sénat de 2012. Un plan de
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route complété par d’autres mesures – “Pacte Défense cyber”, Stratégie nationale pour la sécurité du numérique, plan “Cybersécurité” de la Nouvelle France industrielle, etc. Pour renforcer notre posture globale de cyberdéfense, des moyens financiers – 1 milliard d’euros consacré d’ici 2019 – et humains conséquents ont ainsi été alloués au sein des armées, de la DGA et des services spécialisés. Au sein de ce dispositif, l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information (Anssi) tient une place de choix. Comme je l’avais préconisé : ses moyens, ses effectifs, ainsi que ses compétences technologiques et de recherche ont été renforcés de manière significative pour en faire un organisme interministériel de premier ordre. Enfin, des mesures normatives novatrices ont été mises en
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JAKUB BORATYNSKI, directeur de l’unité « Trust & Security » à la Commission européenne
DR
place pour renforcer la sécurité informatique des systèmes critiques des opérateurs d’importance vitale (OIV). Ces mesures ont permis une montée en puissance de la France sur les enjeux cyber, faisant de nous un “champion” européen. Nous pouvons anticiper une attaque, nous défendre et y répondre, avec une capacité de riposte à la fois “cyber” et classique. Pour autant, beaucoup reste à faire. En ce sens, la formation est un aujourd’hui enjeu essentiel. Le marché de la cybersécurité est en pleine croissance, mais il existe peu d’ingénieurs spécialisés dans la protection des systèmes d’information. C’est pourquoi ces profils sont très courtisés par les géants mondiaux du numérique, l’administration étatique et les PME, qui doivent se battre pour les recruter. Conséquence : de plus en plus d’entreprises externalisent leurs équipes de cyberdéfense auprès de sociétés spécialisées. Il est donc essentiel de développer les liens avec les universités et les centres de recherche. En octobre dernier, le gouvernement a annoncé la formation d’un groupe d’experts pour améliorer les formations dans l’enseignement supérieur. C’est un premier pas, mais il est impératif d’aller plus loin. Je pense notamment à la cryptographie, dont l’enseignement se limite actuellement aux écoles spécialisées dans l’informatique et qui pourrait être élargi à d’autres écoles d’ingénieurs.Plus largement, nous devons mettre l’accent sur la sensibilisation du grand public et des postes à responsabilités aux enjeux “cyber”. Dans notre société hyperconnectée, ces questions nous concernent tous et touchent à la protection de nos intérêts vitaux. Si chacun adopte un comportement prudent, la majorité des risques peuvent être limités ou éliminés au niveau d’une communauté nationale. Cela passe par le respect de règles d’hygiène informatique élémentaires – trop souvent perçues par les utilisateurs comme des contraintes – qui permettent de se protéger de 90 % des attaques et des problèmes. Chacun de nous est une cible potentielle et il en est de même pour les personnes avec lesquelles nous échangeons. Il est temps d’en prendre conscience. »
« Une première législation européenne sur la cybersécurité en mai » Comment la coopération européenne sur la cybersécurité fonctionne-t-elle ? Jusqu’à présent, la coopération a été essentiellement informelle. La Commission a tenu plusieurs réunions des États membres au sein du Forum européen, où les autorités de cybersécurité de différents pays peuvent échanger leur expérience. Au sein du Conseil, existe un groupe de travail appelé « Les amis de la présidence », qui traite plusieurs fois par an des questions de cybersécurité à partir de différents points de vue : politique internationale, cybercriminalité, cyberrésilience. Certains pays, comme la France, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et l’Allemagne, ont une coopération bilatérale très intensive.
centraux de cette stratégie est que nous avons besoin de renforcer la confiance et la sécurité afin que les entreprises et les citoyens aient confiance pour effectuer des transactions en ligne. Cette stratégie comporte deux actions spécifiques. La première est de proposer un partenariat avec l’industrie européenne de la cybersécurité dans le domaine des technologies et des solutions pour augmenter la sécurité du réseau en ligne. Notre deuxième action est de réviser cette année la directive « Vie privée et communications électroniques » pour renforcer la confiance et la sécurité dans les services numériques, y compris le traitement des données personnelles.
Quel est le rôle de la Commission européenne pour améliorer cette coopération ? Nous avons franchi une première étape très importante avec l’adoption de la stratégie européenne pour la cybersécurité, présentée par la Commission et le haut représentant en 2013. Cette stratégie couvre des aspects cybersécuritaires du marché intérieur, de la justice, des affaires intérieures et de la dimension internationale. Une deuxième étape est l’adoption, probablement en mai, de la première législation européenne sur la cybersécurité jamais signée, qui devrait améliorer la sécurité des réseaux et de l’information dans l’Union européenne. Elle prévoit que les services essentiels dans des domaines tels que l’énergie, les transports, la santé et les finances doivent prendre des mesures pour gérer les risques pour leurs réseaux et d’informer les autorités des incidents graves. Sinon, ils devront payer des pénalités. Troisième étape, la Commission a adopté, le 6 mai 2015, une stratégie visant à achever le marché unique du numérique en Europe grâce à 16 initiatives. L’un des thèmes
Les États sont-ils conscients et équipés pour combattre les attaques contre leurs systèmes d’information ? Oui, les États membres sont très conscients du fait que la cybersécurité est un élément stratégique et donc une priorité en termes de développement de l’économie. Cependant, il existe d’énormes différences entre les capacités de chaque État. Certains pays, dont la France, ont assez bien investi dans ce domaine. Avant l’adoption de la législation européenne, chaque pays dispose déjà de sa propre législation, comme la loi de programmation militaire française, qui comprend des textes sur la cybersécurité et les infrastructures. D’autres pays sont en train de mettre en place les stratégies et le renforcement des capacités nationales. La Commission, à travers son programme « Mécanisme pour l’interconnexion en Europe », va investir des dizaines de millions d’euros pour soutenir la coopération entre les équipes d’intervention d’urgence (CERT) au niveau national et gouvernemental et renforcer leurs capacités. #120 MARS-AVRIL 2016 ACTEURS PUBLICS 101
LE DOSSIER I CYBERSÉCURITÉ
Frédéric Demongeot
DR
« Traiter et analyser des milliards de données d’origines diverses » Nous recherchons toujours à mieux comprendre le comportement des personnes avec lesquelles nous interagissons. Que la visée soit commerciale ou sécuritaire, l’analyse des comportements est aujourd’hui d’une importance majeure. Les entreprises cherchent à mieux cerner leurs clients afin d’identifier et cibler leurs besoins futurs. Au sein des entreprises, les services en charge de la sécurité, quant à eux, souhaitent analyser le comportement des personnes physiques, morales ou même virtuelles. Cette compréhension permet dans le premier cas d’optimiser l’expérience utilisateur (la navigation, l’ergonomie) dans le but de mieux servir le client et bien entendu pour l’entreprise d’accroître son chiffre d’affaires. Dans le second cas, il s’agit d’identifier tout comportement suspect et cela passe par une acquisition
de données structurées (données informatiques standard) et non structurées (image, voix, vidéo). Suit un apprentissage par des outils complexes pour comprendre rapidement les motivations, le moment de l’action, à quelle fréquence, et surtout de prévenir les actions à venir afin de déclencher les alertes en amont. L’évolution et l’utilisation des modes de communication ont incroyablement évolué au cours de ces vingt dernières années (environ 70 millions de cartes SIM en France, plus de 2 millions d’utilisateurs actifs sur Twitter). Par conséquent, le volume de données échangées via ces canaux a également augmenté de manière exponentielle. Les informations liées au comportement des personnes ne passent évidemment pas uniquement par les communications téléphoniques
ou Internet, mais aussi par ce qui peut être décelé par la vidéosurveillance. Plusieurs milliers de caméras sont déployées dans les gares françaises ou dans nos villes. Repérer les comportements suspects Analyser le comportement d’une personne requiert un arsenal d’outils très varié. Par exemple, pour interpréter une suite de clics sur un site Web, on pourra analyser les métadonnées – données non visibles à l’écran mais comportant beaucoup d’informations sur la date, le lieu géographique, adresses IP, etc. – des pages visitées. Le volume d’information combinée à la diversité des formats requiert des technologies d’analyses spécifiques afin d’identifier les personnes dont les comportements nécessitent une attention particulière.
Empreintes digitales et palmaires : un traitement accéléré des informations en Italie
CHEGE / FOTOLIA
Les impératifs de sécurité des personnes et des lieux nécessitent la création de bases de données centralisées permettant une exploitation efficace et rapide des informations. Ceci est particulièrement vrai pour les autorités judiciaires et policières, qui possèdent des millions de casiers judiciaires. Ces derniers reposent sur des systèmes informatiques performants offrant la visibilité et le partage nécessaires. En Italie, ce système a été mis en place au sein de la police scientifique pour centraliser les différents dossiers d’empreintes digitales et palmaires provenant des commissariats de police du pays. Ce système d’identification automatisé permet 102 ACTEURS PUBLICS MARS-AVRIL 2016 #120
aux autorités de recevoir les informations existantes liées au profil identifié via les empreintes biométriques. À la clé, un traitement plus rapide des données et un traitement accéléré des enquêtes policières. Les besoins des autorités italiennes étaient d’être capables de gérer plus de 12 millions de dossiers (profils/enregistrements) contenant divers types d’informations et de les rendre consultables par le biais d’une base de données centralisée. Le ministère de l’Intérieur italien a aujourd’hui la capacité d’identifier les personnes sur la base de données non structurées (empreintes palmaires et digitales) qui sont converties en données
LE DOSSIER I CYBERSÉCURITÉ
Frédéric Demongeot, Architect Big Data HPE
numériques et de les associer à une identité unique dans un format immédiatement exploitable par les autorités. Ce système a été personnalisé pour répondre aux besoins dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité en respectant les lois du pays sur le partage et le stockage de données biométriques. Cet outil est conçu pour gérer et conserver de manière sécurisée les données collectées par les autorités italiennes mais également pour faciliter le transfert d’informations en collaboration avec les autres pays. Un format standardisé rend plus facile le partage avec les pays ayant signé les traités de lutte contre le crime organisé. La centralisation des bases de données et les systèmes d’identification automatisés a déjà démontré une efficacité accrue dans la lutte contre le crime en Italie.
Général Marc Watin-Augouard
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Une fois le comportement suspect isolé, les outils vont tenter de comprendre les dits comportements qui représentent la partie la plus complexe. Dans les domaines liés à la cybersécurité, les pages Web contiennent rarement les métadonnées nécessaires à une analyse exhaustive du profil suspect. Il s’agira alors d’analyser les contenus de ces pages pour comprendre les thématiques qui y sont évoquées sur la base de textes souvent multilingues, de photos ou de vidéos. La richesse des résultats obtenus est corrélée à la puissance de nos outils d’analyses et à leur capacité à analyser extrêmement rapidement des volumes de données gigantesques. Concernant le domaine de la vidéosurveillance, nous pouvons repérer des comportements suspects mais aussi détecter qu’un objet déposé par une personne n’est plus dans son périmètre acceptable. Le traitement et l’analyse de ces milliards de données d’origines diverses en temps réel représente aujourd’hui l’épine dorsale du big data sécurité.
« Les acteurs régaliens devront agir en concours avec une offre privée » « La cybercriminalité est la criminalité du XXIe siècle. Le prédateur, qui ne manque pas d’intelligence, a compris que l’espace numérique offre désormais le meilleur rapport gain escompté-risque pénal. À chaque mutation économique de la société, il a fait des arbitrages. Au commencement, lorsque dominait le secteur primaire agricole, il ne pouvait s’en prendre qu’aux personnes, sauf à voler un œuf ou un bœuf… L’apparition du secteur secondaire a favorisé la diffusion des biens manufacturés, donc le vol ou le recel, moins sanctionné pénalement et pouvant être impuni selon la règle « pas vu, pas pris ». Avec le développement du secteur tertiaire des services, banques, assurances, le délinquant s’est orienté vers une délinquance économique et financière (fraudes, blanchiments, escroqueries, etc.) plus difficile à contrer en raison des mécanismes complexes qui la matérialisent. Aujourd’hui, l’espace numérique est porteur d’une nouvelle économie qui annonce l’émergence d’un nouveau secteur : le secteur quaternaire. Il est dominé par la donnée, qui est souvent qualifiée de « nouvel or noir ». Cette donnée, structurée ou non, personnelle ou anonymisée, prend de la valeur. Elle est un élément essentiel de l’identité des personnes, de la compétitivité des entreprises et de la souveraineté des États. Elle est extraite comme une matière première, stockée dans les data centers, traitée par les algorithmes, vendue notamment par des data brokers et, bien sûr, dérobée. Cible principale des cyberdélinquants, son acquisition et son exploitation leur permettent de s’en prendre d’une manière indirecte aux personnes (dans leur intégrité physique ou psychique), aux biens (en privilégiant les atteintes au patrimoine immatériel
ou financier) et aux services (notamment bancaires). Organiser des partenariats public-privé inédits Dans ce contexte, jamais le prédateur n’a été aussi proche de sa victime, car Internet abolit les distances ; jamais, aussi, il n’a été aussi loin de son juge, pour peu qu’il agisse depuis un État « cybervoyou », peu regardant ou complice, en profitant de l’anonymat et de la furtivité qu’offre le « réseau des réseaux ». Dans les quinze ans à venir, un transfert massif des phénomènes criminels du monde réel vers l’espace numérique va s’opérer. Si la communauté internationale ne réussit pas à s’entendre sur des standards communs, si la politique de cybersécurité n’est pas à la hauteur des enjeux, si les citoyens, les entreprises et les États n’en prennent pas conscience, l’avenir sourira aux « nouveaux barbares ». L’heure est donc à la prise de responsabilité, à la mobilisation de tous et de chacun. Il est encore temps ; demain, il sera trop tard. La cybercriminalité sera contenue dans ses manifestations et conséquences à condition d’organiser des partenariats public-privé inédits. Cette nouvelle forme de criminalité ne pourra, en effet, être combattue par la seule puissance publique. Les acteurs régaliens devront désormais agir en concours avec une offre privée de cybersécurité qui connaît un rapide essor. Les paradigmes changent, il est urgent que les mentalités et les pratiques épousent le nouveau siècle. » Marc Watin-Augouard, général d’armée (2S), fondateur du Forum international de la cybersécurité (FIC), directeur du Centre de recherche de l’école des officiers de la gendarmerie nationale (CREOGN), président du Centre expert contre la cybercriminalité français (CECyF)
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LE DOSSIER I CYBERSÉCURITÉ
Le PNR, un outil de lutte contre le crime et les attaques terroristes
ERIC TSCHAEN/REA
Les attaques terroristes sont devenues de plus en plus coordonnées et organisées. Toutefois, l’évolution de nouvelles technologies devrait nous permettre de mieux nous protéger contre ces actions. L’utilisation et l’exploitation du PNR (Passenger Name Record) en est un très bon exemple. Qu’est-ce que le PNR ? À l’origine, il s’agit d’une base de données contenant les informations sur le voyage d’un individu. Ces données sont échangées et partagées à travers les systèmes de réservation et les différents acteurs de l’industrie du voyage et du tourisme et doivent être communiqués depuis 2006 à la police nationale et à la gendarmerie. Les données principales contenues par un PNR sont les dates de voyage, l’itinéraire, le contact, le moyen de paiement… Les aéroports recueillent aujourd’hui une quantité
Comment renforcer la sécurité des objets connectés
LIA
DENYS RUD
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Il y a quatre habitudes que les entreprises et les administrations doivent adopter pour se protéger contre les hackeurs.
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L’inflation du nombre d’objets connectés (smartphones, montres, bracelets, etc.) aux systèmes d’information représente un risque majeur dans la sécurité de nos équipements informatiques. Il y aura 50 milliards d’objets connectés d’ici quatre ans (transport, bâtiments, objets personnels, etc.) et nombre de ces objets seront interfacés avec les équipements informatiques d’entreprises. L’exigence de rapidité de mise sur le marché dictée par la demande impose aux concepteurs de négliger quelque peu la sécurité de ces produits. Elle doit donc
être assurée sur le récepteur de cet objet connecté, généralement un ordinateur ou un datacenter dans le cloud. Les informations confidentielles résidant dans l’objet connecté sont donc laissées sous la responsabilité du propriétaire et il est important de comprendre qu’elles sont facilement accessibles. De plus, cet équipement offre aux hackeurs une porte d’accès au réseau en liaison avec l’objet connecté. Un réfrigérateur connecté devient sur ces principes une porte d’accès à l’ensemble de votre réseau personnel, tout comme votre smartphone est de fait le
point d’accès potentiel à votre entreprise. Culture de sécurité plus robuste Des études montrent qu’il faut en moyenne 243 jours avant qu’une société ou une administration se rend compte que leurs systèmes ont été violés, et en moyenne encore 30 à 46 jours pour remédier à ces impacts. L’approche traditionnelle de mettre en place une bonne sécurité en déployant seulement un pare-feu autour des données ne suffit plus sachant que 84 % des infractions se produisent à la couche de développement et l’application.
LE DOSSIER I CYBERSÉCURITÉ
La menace sournoise des APT importante d’informations numériques pouvant aider à combattre le crime organisé. Les États membres de l’Union européenne (UE) souhaiteraient partager le PNR des compagnies aériennes afin de détecter, prévenir, enquêter sur des actes terroristes ou criminels. Interpeller avant l’acte terroriste En ce sens, les aéroports offrent des données en temps réel concernant la localisation de l’individu surveillé (arrivée ou départ d’un territoire) grâce au système combinant les informations transmises par le passager lui-même au cours de son voyage (e-mails, SMS, réseaux sociaux, caméras de surveillance, achats, etc.). La solution mise en place permet aujourd’hui d’analyser les informations issues de la base de données du PNR. L’analyse de ces données pointant sur le ou les individus surveillés à l’aéroport permet donc de les interpeller avant qu’ils puissent entreprendre une quelconque activité criminelle. Les avantages d’un tel système ? Il permet, pour les services de police, de localiser et extraire les informations liées à un suspect en temps réel, mais aussi de comparer les données récupérées par les aéroports avec des données
En effet, les hackeurs se spécialisent et se concentrent sur les données qu’ils peuvent monétiser (les renseignements personnels, les données de cartes de crédit, la propriété intellectuelle, etc.). Au lieu de compter uniquement sur la technologie afin de garantir la sécurité des données d’entreprise, il faudrait renforcer cette dernière avec des procédures et du personnel qualifié capable de contrer ces attaques. C’est un élément essentiel pour établir une culture de sécurité plus robuste dans la société. Il y a quatre habitudes que les entreprises et les
provenant d’autres sources policières : FPR (fichier de personnes recherchées) et SIS (système d’information de Schengen). Enrichir les données existantes Valider l’identification du passager et de ses informations de vol, rechercher des suspects via des données non structurées (photos ou vidéos), tracer et identifier des routes fréquentées par les réseaux terroristes : ces données sont précieuses pour les autorités gouvernementales. Le système permet également de créer les liens entre les suspects et les voyageurs qui les accompagnent afin d’enrichir les données existantes. « Il est plus que jamais nécessaire que l’Europe adopte le texte sur le PNR », avait déclaré Manuel Valls, le 19 novembre 2015 à l’Assemblée nationale. Le Premier ministre avait ajouté qu’il s’agissait d’une « condition de notre sécurité collective. » Le projet de PNR européen, dans les tuyaux depuis des années, fait toujours l’objet d’un blocage par le Parlement européen. Ce système mis en place dans un grand pays européen sera généralisé à l’ensemble de l’UE très prochainement.
administrations doivent adopter pour se protéger contre les hackeurs. D’abord faire de la sécurité une priorité et l’intégrer dans la phase de développement. Les équipes de sécurité doivent revoir en continu et comprendre toute la chaîne logistique pour identifier toutes les vulnérabilités existantes et potentielles et les corriger rapidement. Avant et après le déploiement, il faut anticiper les comportements de l’utilisateur final qui va interagir avec les objets connectés afin de prévenir tout comportement anormal. Il s’agit aussi de déployer une stratégie de correction
globale, complétée par des technologies de collecte de renseignements pour identifier, mettre en corrélation, prioriser et fournir un contexte d’actions et en évaluer l’impact. Enfin, il est nécessaire de créer et tester régulièrement le plan de « cyberrésilience » pour comprendre et réduire les effets et améliorer le temps de remise en état. Et s’assurer que l’ensemble du personnel ou des agents sait quel est le rôle de chacun au cours d’une cyberattaque grâce à des tests de sécurité réguliers, des évaluations de la vulnérabilité et de formation de sensibilisation des utilisateurs.
Les APT (Advanced Persistent Threat, ou menace persistante avancée) sont de redoutables organisations, faisant partie d’une économie de l’ombre basée sur la monétisation du vol d’informations. Avec les APT, la question n’est plus de savoir si l’intrusion aura lieu mais quand. L’attaque commence par la collecte d’informations sur la cible : son système d’information au travers des salariés ou des agents ayant des accès privilégiés. L’étape suivante est souvent le « hameçonnage visé » : un e-mail ciblé, menant la personne à récupérer et actionner à son insu un contenu malicieux, sous un prétexte paraissant parfaitement recevable comme le document PDF d’un collègue. Ce contenu est conçu pour être indétectable par les défenses en place. Une fois actionné, il fournit aux attaquants un premier point d’accès au système d’informations. Ce dernier est alors compromis. Ensuite, les attaquants s’étendent dans l’ensemble du système et établissent une présence persistante. Ils déploient et utilisent des outils supplémentaires pour explorer et récupérer les informations. Une fois la mission accomplie, des moyens pour revenir si besoin plus tard, sont laissés sur place. La compromission du système peut être obtenue par d’autres moyens comme parvenir à rediriger l’utilisateur vers un site-leurre, lui faire divulguer ses identifiants d’accès ou bien infecter un équipement mobile (ordinateur, smartphone), qui ensuite se connectera au réseau interne. Les APT utilisent, en particulier, les vulnérabilités dites « 0 day », c’est-à-dire des failles de logiciels permettant une intrusion, mais qui ne sont pas encore corrigées par leurs éditeurs. Comment faire face à ces APT ? • Limiter les informations disponibles aux attaquants en amont. • Détecter et bloquer le contenu malicieux via une analyse dynamique à l’aide d’outils avancés, en l’activant dans un environnement contrôlé et observant son comportement. • Détecter et investiguer les comportements anormaux dans le système d’informations : l’analyse et la corrélation automatique des traces d’activité et d’autres informations est incontournable, avec les outils du marché, mais il faut aussi employer l’intelligence humaine. L’outil n’alertera qu’en fonction des règles prédéfinies, or les APT inventent constamment de nouvelles façons d’agir. • Rendre l’accès aux informations sensibles plus difficile en les isolant et protégeant dans des compartiments du système d’informations. • Avoir un dispositif de réaction rapide et efficace en cas d’intrusion. Et bien sûr, ne pas négliger les bonnes pratiques habituelles : éducation des utilisateurs, application des correctifs de sécurité, contrôle d’accès robuste, gestion rigoureuse des accès privilégiés, chiffrement. #120 MARS-AVRIL 2016 ACTEURS PUBLICS 105
RÉSEAU
VINCENT BAILLAIS
108 La fibre numérique
La mairie de Paris, vivier naturel pour l’État
KENZO TRIBOUILLARD/AFP
112
RÉSEAU I NUMÉRIQUE
ANTOINE DARODES
La fibre numérique
S
PARCOURS
on pin’s à l’effigie de la FrenchTech – un coq en origami rose fuchsia – fièrement épinglé sur sa veste, Antoine Darodes pilote depuis juillet 2015 l’Agence du numérique. Cet ancien responsable du plan France Très Haut Débit a élargi ses fonctions autour du phénomène French Tech et de la délégation aux usages de l’Internet, désormais tous trois réunis sous une seule bannière : celle de l’Agence du numérique. Instituée par décret du Premier ministre en février 2015, elle est, à Bercy, rattachée au directeur général des entreprises et
2004 Rapporteur à l’Autorité de la concurrence
est chargée de l’impulsion, de l’animation et de l’accompagnement des projets et des initiatives numériques développés dans les territoires par les collectivités publiques, les réseaux d’entreprises, les associations et les particuliers. Quand s’est créée l’Agence du numérique, la question s’est posée de savoir qui allait la piloter. « J’ai candidaté, parce qu’il y avait une vraie possibilité de faire bouger les lignes ; j’avais envie de mener des actions opérationnelles et concrètes », se souvient Antoine Darodes. « Emmanuel Macron et Axelle Lemaire nous incitent à être
2009 Chargé de mission auprès du directeur général de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep)
108 ACTEURS PUBLICS MARS-AVRIL 2016 #120
2011 Directeur de la régulation des marchés du haut/très haut débit et des relations avec les collectivités à l’Arcep
disruptifs », affirme-t-il, lui qui, à 37 ans, est de la même génération que le ministre de l’Économie et sa secrétaire d’État au Numérique. Il glisse : « Pouvoir oser et prendre des risques est quand même rare dans un grand ministère. » L’Agence du numérique, ce sont aujourd’hui près de 50 personnes, « des équipes jeunes ». Avec « un rôle d’amorceur, l’Agence conduit les grands chantiers du numérique en s’appuyant sur des acteurs locaux et des partenariats public-privé », détaille-t-il. L’homme, qui définit sa structure comme un « ovni administratif », en est persuadé : « Il y a toute une énergie dormante en France qu’on peut réveiller grâce au numérique. » Défi du très haut débit Directeur de la régulation des marchés du haut et très haut débit et des relations avec les collectivités territoriales à
2012 Directeur de la mission Très Haut Débit
l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) en 2011-2012, Antoine Darodes prend le pilotage du plan France Très Haut Débit l’année suivante. Lancé en février 2013, ce programme entend couvrir intégralement le territoire en très haut débit d’ici 2022. Un enjeu majeur : si l’accès à Internet à très haut débit est une priorité pour les populations rurales, « un sentiment d’abandon » a encore été exprimé par l’Association des maires ruraux de France (AMRF) en début d’année. « La priorité des priorités, c’est le développement du très haut débit parce que ça touche à tous les domaines de l’activité humaine », martèle son président, Vanik Berberian. L’AMRF, insatisfaite, demande la prise en compte d’urgence « des territoires où résident plus de 30 % des Français » en développant notamment « des actions rapides concernant la
2015 Directeur de l’Agence du numérique VINCENT BAILLAIS
Directeur de l’Agence du numérique depuis l’été dernier après avoir œuvré au sein de l’Autorité de la concurrence et à l’Arcep, Antoine Darodes porte (déjà) dans ses bagages une longue carrière dans les infrastructures télécoms.
#120 MARS-AVRIL 2016 ACTEURS PUBLICS 109
RÉSEAU I NUMÉRIQUE
ANTOINE DARODES
La fibre numérique fracture numérique et la couverture téléphonique ». Antoine Darodes, qui laisse poindre en creux son envie de faire bouger l’administration pour y infuser un « esprit startup », témoigne d’un optimisme à toute épreuve. « On sous-estime aujourd’hui les ressources de nos administrations. Peut-être faut-il expérimenter de nouvelles méthodes pour les mobiliser ». Il dit encore avoir toujours « travaillé pour un projet ». Le voilà même décrit comme « le promoteur du numérique » par Sébastien Soriano, actuel président de l’Arcep. « Il a un engagement fort dans tout ce qu’il fait et il est très attentif aux gens avec lesquels il travaille », répète ce dernier. Normalien et agrégé d’économie-gestion Entre 2012 et 2014, Sébastien Soriano, alors directeur de cabinet de Fleur Pellerin au ministère délégué aux PME, à l’Innovation et à l’Économie numérique, se souvient que la mise en place du plan France Très Haut Débit avait été laborieuse et les équipes un peu découragées : « Alors, sur l’idée d’Antoine Darodes, un grand “goûter” avait été organisé dans le bureau de Fleur Pellerin pour remonter le moral des troupes. » Et ce en présence de la ministre elle-même. Un goûter, et c’est reparti…
Antoine Darodes a atterri sur les bancs de Normale sup’ Cachan « un peu par hasard » après que ses professeurs lyonnais, détectant son potentiel, lui eurent conseillé de passer le prestigieux concours. C’est alors qu’il commence « à envisager la fonction publique et à [s]’institutionnaliser ». Également agrégé d’économiegestion et titulaire d’un DEA de
être a-t-il par la suite voulu s’inspirer du parcours de son père, ancien cadre à France Télécom ? « On m’a déjà expliqué que mon engagement actuel est en quelque sorte une volonté de tuer le père », s’amuse-t-il. Marié, sans enfant, Antoine Darodes n’aime pas « l’eau tiède » et observe que la paternité est pour l’instant « difficilement conciliable » avec ses fonc-
« Il y a toute une énergie dormante en France qu’on peut réveiller grâce au numérique. » droit, il confie que la clé de sa motivation, c’est de « se lever le matin et travailler pour un métier qui fait sens, de s’engager pour l’intérêt général ». Pourtant, enfant, ce n’étaient pas les arcanes de l’administration qui le faisaient rêver. « Quand j’étais petit, je préférais accompagner mon grand-père agriculteur dans ses activités que de lire des livres… Plus tard, à l’adolescence, c’est l’entrepreneuriat qui m’a intéressé. » Peut-
110 ACTEURS PUBLICS MARS-AVRIL 2016 #120
tions, tellement chronophages. Aujourd’hui, c’est avec envie qu’il trace sa route dans la haute fonction publique. Quand on lui demande si la France et son secteur public sont suffisamment en phase avec l’évolution du numérique, Antoine Darodes se montre, encore une fois, résolument optimiste : « On ne choisit pas le rythme du numérique mais on doit l’anticiper et il y a une véritable révolution qui est en marche dans nos admi-
nistrations… même si ça ne se voit pas forcément. » Pour lui, nous vivons « le quinquennat de l’émergence du numérique ». Rencontres avec les élus de province De ses diverses expériences, Antoine Darodes préfère se souvenir de ses rencontres (nombreuses) avec les élus ruraux. « Je pense que les plus belles rencontres que j’ai pu faire sont celles dans les milieux ruraux, assure-t-il. Cette foi républicaine des élus locaux dans leur mission et leur implication pour leur communauté m’a marqué. Encore aujourd’hui, je m’impose un déplacement par semaine en province. J’y puise mon énergie. » Mais si vous voulez vraiment faire plaisir à Antoine Darodes, dites-lui que l’Agence du numérique est « une association » et non une administration. Comme s’il balayait ainsi les clichés sur la lourdeur et le prétendu manque de réactivité d’un secteur public qui serait en décalage avec le monde numérique et son innovation permanente. Quant au style du patron, il est très éloigné du stéréotype des directeurs d’administration. Pas de costume-cravate-gris, mais un col mao qui lui donne les faux airs d’un Steve Jobs à la française. Wassinia Zirar
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RÉSEAU I MERCATO Le Premier ministre, Manuel Valls, et sa directrice de cabinet, Véronique Bédague-Hamilius, ancienne secrétaire générale de la ville de Paris.
La mairie de Paris, vivier naturel pour l’État Dans la lumière lors de l’alternance de 2012, les mouvements de cadres supérieurs entre la ville de Paris et l’État se poursuivent depuis trois ans. Le résultat de logiques politiques autant qu’institutionnelles.
O
n avait cru à un épiphénomène, mais à y regarder de plus près, les ressorts sont bien plus profonds. Le transfert de hauts cadres de l’ancienne équipe de Bertrand Delanoë à la mairie de Paris vers le sommet de l’État, déjà à l’œuvre lors de l’alternance socialiste de 2012 et à l’époque très commenté par la presse, continue trois ans plus tard d’alimenter – dans les deux sens – la chronique des nominations. Dernier gros transfert en date : l’arrivée, en décembre, du directeur de cabinet du secrétaire d’État au Budget, Christian Eckert, Guillaume Robert, au poste très convoité de directeur des finances et des achats de la ville. Un contractuel qui aurait eu du mal à obtenir une position
similaire dans une administration d’État où les recrutements à ce niveau sont plus corsetés par les corporatismes. Quelques semaines auparavant, dans l’autre sens, c’était au tour du directeur adjoint de cabinet de la maire, Anne Hidalgo, Aurélien Rousseau, un membre du Conseil d’État, de franchir la Seine et de devenir le numéro deux du cabinet de Manuel Valls à Matignon, dirigé depuis avril 2014 par Véronique Bédague-Hamilius, l’ancienne secrétaire générale de l’Hôtel de ville sous le second mandat de Bertrand Delanoë. Filière Bédague-Hamilius Depuis son installation rue de Varenne voilà deux ans, « VBH », à l’origine de nombreuses réformes au sein de l’administration pari-
112 ACTEURS PUBLICS MARS-AVRIL 2016 #120
sienne, a attiré vers elle quelquesuns des cadres de son ancienne équipe de la ville, notamment pour renforcer trois fonctions support de l’État qu’elle jugeait prioritaires : modernisation, ressources humaines et achats. Première à être débauchée, dès le mois de juillet 2014 : Laure de La Bretèche, à l’époque directrice de l’action sociale, de l’enfance et de la santé de la ville depuis 2012 et issue à l’origine de l’État. Cette inspectrice générale des affaires sociales est alors propulsée à la tête du secrétariat général à la modernisation de l’action publique (SGMAP), l’administration chargée de piloter la sensible réforme de l’État et placée sous l’autorité de Matignon. Deux mois plus tard, en septembre, le directeur des achats
de la ville, Michel Grévoul, un contractuel, débarque à Bercy pour ériger le service des achats de l’État en véritable direction interministérielle. En octobre de la même année, enfin, c’est Thierry Le Goff, ancien secrétaire général adjoint de la ville mais également ancien directeur des ressources humaines du ministère de l’Éducation nationale, qui devient numéro deux de la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP). Avant d’être promu un an plus tard, en octobre 2015, au poste de numéro un, avec pour mission de conforter le positionnement de DRH de l’État. Avant eux, d’autres hauts fonctionnaires, au cœur de l’étatmajor de la mairie de Paris sous l’ère Delanoë – parfois des
HAMILTON/RÉA
RÉSEAU I MERCATO
anciens des cabinets du gouvernement Jospin – et issus à l’origine de l’État, leur avaient emboîté le pas dès les premiers mois de l’alternance de 2012 : Nicolas Revel, Jean-François Collin, Élisabeth Borne, François Poupard, Vincent Jechoux, JeanPaul Albertini. Et la liste n’est pas exhaustive. En coulisse, tous ces transferts ne surprennent guère. « Il s’agit d’un phénomène relativement classique », relativise un conseiller du Président Hollande.
« Entre 2002 et 2012, soit une demi-génération, développe ce dernier, beaucoup de hauts fonctionnaires de l’État dotés d’une sensibilité de gauche, expérimentés pour certains, moins pour d’autres, se sont retrouvés dans l’orbite de la ville de Paris, la plus grande collectivité de France. C’est devenu, un peu par la force des choses, un vivier naturel. » Et ce conseiller élyséen de remonter dans l’histoire et de se remémorer quelques noms de
hauts fonctionnaires emblématiques de la « chiraquie » qui ont partagé dans les années 1980 et 1990 leur carrière entre la mairie de Paris et l’État : Alain Juppé (avant sa carrière électorale), Maurice Ulrich, Camille Cabana ou même Patrick Stéfanini… Un mini-Matignon En 2014, le choix de Manuel Valls de confier la direction de son cabinet à Matignon à l’ex-secrétaire générale de la ville est venu
confirmer la puissance et l’expérience de la « machine mairie de Paris ». « En toute modestie, la ville est un mini-Matignon », analyse Mathias Vicherat, le directeur de cabinet d’Anne Hidalgo, qui pointe l’analogie entre les structures de gouvernance de Paris et celle de l’État : des adjoints au maire chacun doté de cabinets, des directions au sein de la ville qui se rapprochent, pour certaines, des directions d’administrations centrales.
#120 MARS-AVRIL 2016 ACTEURS PUBLICS 113
RÉSEAU I MERCATO
La mairie de Paris, vivier naturel pour l’État « Il n’existe pas de meilleur exercice, avant de rentrer à Matignon, estime Mathias Vicherat, que de servir à la Ville car les deux organisations présentent des logiques interministérielles très proches. » Le format très étatique de l’organisation fonctionnelle de l’hôtel de ville plaide aussi pour une acclimatation facile, voire naturelle, des hauts fonctionnaires issus de l’État. Empreinte de l’État « La ville reste très marquée par son héritage préfectoral, avec cette double compétence villedépartement, un secrétariat général extrêmement puissant, transversal, plus proche du secrétariat général du gouvernement que d’une direction générale des services d’une commune », relève Emmanuel Grégoire, adjoint de la maire Anne Hidalgo, chargé des ressources humaines, et ancien chef de cabinet de Bertrand Delanoë à l’hôtel de ville, puis de Jean-Marc Ayrault à Matignon. Le statut de Paris a d’ailleurs été grandement inspiré, jusqu’en 1975, par la loi du 28 pluviôse an VIII (17 février 1800) instituant un préfet pour l’administration et un préfet pour la police. Ce n’est qu’en 1977 que l’élection d’un maire de Paris au suffrage universel a entraîné la suppression des fonctions municipales assumées par le préfet pour l’administration.
Avec ses 8 milliards d’euros de budget et ses 50 000 agents, la ville reste un terrain de jeu alléchant pour les hauts fonctionnaires de l’État désireux d’effectuer une mobilité en collectivité, tout en restant parisiens. Et la municipalité sait vendre ses atouts. « La ville présente une double échelle très attractive : une échelle qui permet d’avoir des réflexions stratégiques donnant un peu de relief à votre action et en même temps l’échelle locale, qui permet de
corps, en particulier ceux de l’État. Selon un décompte effectué mijanvier par Acteurs publics, 12 des 26 plus hauts postes de l’administration centrale de la ville étaient occupés par des hauts fonctionnaire de l’État et 8 par ceux de la ville. Le mode de recrutement des AVP porte d’ailleurs lui aussi l’empreinte de l’État. Ce petit corps de 135 membres recruté à 69 % à la sortie de l’ENA est chaque année irrigué par l’arrivée de deux ou trois hauts fonctionnaires frais émoulus de la célèbre école de
« Il n’existe pas de meilleur exercice, avant de rentrer à Matignon, que de servir à la Ville. » suivre des process très concrets », détaille Mathias Vicherat, énarque et lui-même issu de la fonction publique de l’État. Savants équilibres La sociologie de la haute administration résulte d’ailleurs d’un savant dosage entre les hauts fonctionnaires des corps « maison » – notamment celui des administrateurs de la ville de Paris, (AVP) – et ceux issus d’autres
114 ACTEURS PUBLICS MARS-AVRIL 2016 #120
Strasbourg. « Nous sommes très attachés à ce corps car il assure la continuité de la haute fonction publique à la ville de Paris. Le système actuel permet un enrichissement mutuel », juge Emmanuel Grégoire, qui a lui-même choisi de confier la direction de son cabinet à une jeune inspectrice des finances. Plus bas dans la hiérarchie, les AVP se voient garantir par le statut, en principe, 50 % des postes de sous-directeurs.
« L’administration peut parfois être tentée par une stratégie de l’optimisation », grince un AVP qui décrit un mécanisme simple permettant de maintenir la proportion d’administrateurs ville au niveau de 50 % : l’intégration au corps des AVP d’administrateurs en détachement juste avant leur nomination sur un emploi fonctionnel de la ville… Mais les échanges s’effectuent dans les deux sens : 33 % des AVP évoluent ainsi en détachement ou en mobilité. Ils tentent notamment de s’exporter au sommet de l’État. Avec un résultat moins flamboyant que celui qu’obtiennent au sein de la ville leurs concurrents de l’État. La présence des AVP est plus notable en cabinet ministériel qu’à la tête des administrations centrales… Ainsi Nicolas Bouillant a-t-il dirigé le cabinet du secrétaire d’État chargé de la Réforme territoriale André Vallini jusqu’au remaniement de février. Hugo Bevort conseille, lui, le Premier ministre, Manuel Valls, quand Sophie Duval a officié au cabinet de l’exministre du Logement Sylvia Pinel. Et le directeur de cabinet de JeanMichel Baylet, nouveau ministre de l’Aménagement du territoire, de la Ruralité et des Collectivités territoriales, le préfet Fabien Sudry, est lui aussi, à l’origine, un haut fonctionnaire de la ville… Pierre Laberrondo
w
L’essentiel du management public sur Acteurs publics TV LES DÉBATS DE LA RÉDACTION
Les nouveaux acteurs de la formation des fonctionnaires Si la formation aux enjeux de l’action publique n’est plus le monopole des écoles du service public, les nouveaux acteurs de la formation apportent une complémentarité avec les établissements « historiques ». C’est l’enjeu de l’échange organisé par Acteurs publics TV entre Yann Algan, directeur de la nouvelle École des affaires publiques de Sciences-Po, Renaud Dorandeu, ancien directeur de la formation de l’ENA, aujourd’hui responsable de l’Executive doctorate in public affairs de l’université Paris-Dauphine, et Pierre-Henri Vray, directeur de l’institut régional d’administration de Lyon. http://bit.ly/1SPLEj0
Lâchons la bride aux managers publics
Le dialogue social dans la fonction publique est-il utile ?
Faut-il déconcentrer la gestion des fonctionnaires ?
« Il faut constituer une DRH de l’État interministérielle très forte au niveau déconcentré », juge le magistrat de la Cour des comptes Jérôme Filippini, dans un débat avec le conseiller d’État Bernard Pêcheur consacré au pilotage des ressources humaines dans la fonction publique de l’État. Il intervient alors que le gouvernement travaille à une gestion « RH » du secteur public.
Invités à débattre sur le plateau d’Acteurs publics TV, Jean-Paul Guillot, président de l’association Réalités du dialogue social et auteur du livre En finir avec les idées fausses sur les syndicats et le dialogue social, Brigitte Jumel, secrétaire générale CFDT Fonctions publiques, et Denis TurbetDelof, délégué général de Solidaires Fonction publique, soulignent l’intérêt de la négociation développée dans le secteur public depuis les accords de Bercy en 2008 sur tous les sujets touchant au quotidien des agents. À condition que cette négociation débouche ensuite sur des avancées concrètes.
Dans un deuxième débat organisé par Acteurs publics TV, le conseiller d’État Bernard Pêcheur et le magistrat de la Cour des comptes Jérôme Filippini jugent que les freins à l’amélioration du pilotage des ressources humaines dans la fonction publique de l’État tiennent plus à une centralisation des décisions RH par les administrations centrales qu’au statut des fonctionnaires.
http://bit.ly/1R7FDe1
http://bit.ly/1opdd6c
116 ACTEURS PUBLICS MARS-AVRIL 2016 #120
http://bit.ly/1RMqf97
Les émissions L’OBSERVATOIRE DES POLITIQUES PUBLIQUES Accédez à toutes nos émissions sur votre mobile
Les Français et l’avenir de la protection sociale Alors que la Sécurité sociale vient de fêter ses 70 ans, comment se porte notre système de protection sociale ? Comment le réformer ? Comment le financer ? Comment le simplifier ? Comment anticiper les attentes et les besoins pour les prochaines années ? L’émission consacrée à l’Observatoire des politiques publiques décrypte les résultats du sondage réalisé par l’Ifop pour Acteurs publics et EY, avec nos deux invités, Julien Damon, professeur associé à Sciences-Po, et Hervé de La Chapelle, associé chez EY. http://bit.ly/1PSflhd
LA PAROLE AUX EXPERTS Le numérique à l’école : les nouveaux usages Il change nos pratiques quotidiennes, transforme nos façons de travailler, de communiquer. Le numérique a aussi profondément modifié les manières d’enseigner et d’apprendre. Le ministère de l’Éducation nationale a lancé il y a quelques mois son plan Numérique à l’école. Les détails de ce plan avec Imad Bejani, directeur du pôle « Éducation et recherche » chez Microsoft France.
http://bit.ly/1TnFxB3
Comment développer une place de marché public-privé plus vertueuse ? Une étude du cabinet PwC en collaboration avec la médiation des marchés publics montre qu’une grande majorité des entreprises privées souhaiteraient travailler avec le secteur public, mais que plusieurs freins les en empêchent. Quels sont ces freins ? Comment y remédier ? L’éclairage d’Isabelle Carradine, directrice spécialiste des achats chez PwC, et de Jean-Lou Blachier, médiateur national des marchés publics. http://bit.ly/1RMtk9t
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Sur
RETRANSMISSIONS
LA FRANCE DES POUVOIRS Chaque semaine, Bruno Botella, rédacteur en chef d’Acteurs publics, et Pierre Laberrondo décryptent et analysent les coulisses des nominations dans la haute fonction publique.
Le directeur de la CDC devant la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale Pierre-René Lemas, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), était entendu le 20 janvier par les membres de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale sur les activités et le rôle de son groupe. http://bit.ly/1oJ5K1Y
Après le remaniement, les « dircabs » entrent en poste Suite et fin du remaniement avec l’arrivée de nouveaux directeurs de cabinet aux commandes, un nouveau directeur des libertés publiques et des affaires juridiques place Beauvau, un petit jeu de chaises musicales à la culture. http://bit.ly/20SpRqa
Premiers départs chez les directeurs de cabinet À quelques mois de l’élection présidentielle, les départs s’accélèrent dans les cabinets ministériels ; en Île-de-France, Valérie Pécresse organise son équipe ; la Rue de Valois recrute un nouveau secrétaire général adjoint. http://bit.ly/1p02xuT
Une nomination consensuelle rue de Montpensier La secrétaire générale de l’Assemblée nationale en route vers le Conseil constitutionnel, un nouveau président pour le Conseil national du numérique, un ancien recteur qui va plancher sur le sujet sensible du recrutement des recteurs d’académie. Retrouvez les coulisses des nominations dans la haute fonction publique. http://bit.ly/1Q0WZdR
Louis Schweitzer entendu par la commission des affaires économiques de l’Assemblée Le commissaire général à l’investissement, Louis Schweitzer, a été auditionné le 10 février par la commission des affaires économiques, du développement durable et des finances de l’Assemblée nationale sur la question des investissements d’avenir et sur celle du plan d’investissements de l’Union européenne. http://bit.ly/1PQdTZ2
Corinne Luquiens entendue par la commission des lois de l’Assemblée nationale Corinne Luquiens, ex- secrétaire générale de la présidence de l’Assemblée nationale, a été entendue le 18 février par la commission des lois de l’Assemblée nationale dans le cadre de sa nomination au Conseil constitutionnel. Nomination finalement approuvée à l’unanimité. http://bit.ly/1RYulLz
118 ACTEURS PUBLICS MARS-AVRIL 2016 #120
Bercy tente un nouveau portage de l’intelligence économique Au sommaire de cette France des pouvoirs, Bercy reprend la main sur l’intelligence économique, la maire du 5e arrondissement de Paris écartée de la direction générale de la Grande Halle de la Villette, un ex-conseiller de Bernard Kouchner devient conseiller diplomatique du P.-D.G d’EDF. http://bit.ly/1PEUzQC
Hollande promeut son ancienne directrice de cabinet Une nomination très politique à la tête de la Réunion des musées nationaux (RMN), la conseillère « énergie et transports » de l’Élysée part pour Washington, Pierre Mathiot nommé délégué ministériel aux parcours d’excellence. Retrouvez comme chaque semaine les coulisses des nominations dans la haute fonction publique. http://bit.ly/1QkA3bi
Remaniement au sommet de la SNCF Au sommaire cette semaine, une série de nominations à la SNCF à la tête des filiales Mobilités, Immobilier et Ressources humaines, le départ commenté de Laurence Boone de l’Élysée et le passage éclair du directeur général de l’administration du Quai d’Orsay. http://bit.ly/1J6vq1C
L’essentiel du management public sur Acteurs publics TV
COLLOQUE SUR L’IMMOBILIER DE L’ÉTAT Comment la réforme territoriale peut-elle être mise à profit pour optimiser le parc immobilier d’un service public en mutation ? Deuxième table ronde du colloque du 26 janvier consacré à l’immobilier de l’État. Parmi les thèmes abordés : réforme de l’État et réforme territoriale, quel impact pour l’implantation des services publics ? Le schéma directeur immobilier régional (Sdir), un outil pour une approche globale au service de la rationalisation.
Discours de Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du Budget Retrouvez le discours de Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du Budget, lors du colloque consacré à l’immobilier de l’État le 26 janvier dernier et intitulé « La fonction immobilière, vecteur d’économies, de performance et d’innovation du service public ». http://bit.ly/1XxiUKY
http://bit.ly/1Q10KQm
Comment l’immobilier peut-il accompagner les mutations du service public ? Troisième et dernière table ronde du colloque consacré à l’immobilier de l’État. Trois thèmes abordés : quelles solutions immobilières pour répondre aux nouveaux modes d’organisation du travail ? L’immobilier comme vecteur d’innovation et les outils d’aide à la décision d’implantation des services. http://bit.ly/1PF19qj
Discours de clôture de Jean-Louis Dumont, président du Conseil de l’immobilier de l’État
Quelle contribution de la fonction immobilière au programme de redressement des finances publiques ? Première table ronde du colloque consacré à l’immobilier de l’État organisé le 26 janvier dernier. Son thème : « Cinquante milliards d’euros d’économies : quelle contribution de la fonction immobilière au programme de redressement des finances publiques ? » http://bit.ly/1VmEkJx
Retrouvez le discours de Jean-Louis Dumont, président du Conseil de l’immobilier de l’État, député de la Meuse, rapporteur spécial sur la politique immobilière de l’État à la commission des finances de l’Assemblée nationale, qui a conclu le colloque consacré à l’immobilier de l’État le 26 janvier dernier. http://bit.ly/1QI7SNH
#120 MARS-AVRIL 2016 ACTEURS PUBLICS 119
Par Sylvain Henry
Administrations
Participation
Ouverture
Les pouvoirs publics ont lancé ces dernières semaines plusieurs sites institutionnels destinés à informer les citoyens. Avec le portail www. observatoires-des-loyers.org, le ministère du Logement entend éclairer propriétaires et locataires sur les prix des loyers. Même souci d’information du côté de Bercy, avec le nouveau comparateur de tarifs bancaires développé par le ministère des Finances (www.economie. gouv.fr). Volonté similaire de transparence du ministère des Affaires sociales qui, sur le site www.pour.les.personnes. agees.gouv.fr, publiera courant 2016 le prix des prestations proposées par les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). À noter le succès du simulateur de la prime d’activité de la CAF, qui a enregistré en fin d’année 1,5 million de connexions en 24 heures (www.caf.fr).
Après la consultation en ligne sur le projet de loi pour une République numérique qui, à en croire Bercy, a initié « une piste prometteuse qui mène à un exercice complémentaire d’expression démocratique », le ministère du Travail décline cette démarche jusqu’alors inédite via un débat participatif sur le « compte personnel d’activité », dont l’animation est confiée à France Stratégie (www.strategie. gouv.fr/cpa). Les citoyens ont la possibilité, jusqu’au 20 mars, d’être partie prenante de cette réforme sociale. De son côté, la ville de Paris a invité ses habitants à s’investir dans la mise en œuvre d’une partie du prochain budget sur le site www. budgetparticipatif.paris.fr
Le répertoire de l’Insee recensant l’ensemble des entreprises françaises sera disponible en accès ouvert et gratuit à partir de janvier 2017, a annoncé le gouvernement. Il sera alors possible pour tout particulier ou entreprise de réutiliser les contenus de la plus grande base de données existante sur l’état civil des entreprises françaises, dixit la secrétariat d’État au Numérique. Ce répertoire « Sirene » recense l’ensemble des entreprises, autoentrepreneurs, organismes du secteur public et associations qui ont déclaré leur activité en France. C’est une petite révolution puisque l’Insee est aujourd’hui l’un des principaux bénéficiaires, notamment avec l’IGN, des redevances payées au titre de l’ouverture des données publiques. www.insee.fr
Qualité de l’air
L’administration américaine de l’aéronautique et de l’espace (Nasa) a mis en ligne une carte satellite à très haute résolution accessible sur tout support détaillant la qualité de l’air via la détection de dioxyde d’azote que produisent les voitures, les centrales et autres activités industrielles. Principal enseignement : les États-Unis, l’Europe et le Japon semblent mieux maîtriser la pollution que la Chine, l’Inde et le Moyen-Orient. http://svs.gsfc.nasa.gov/12094
120 ACTEURS PUBLICS MARS-AVRIL 2016 #120
Vie étudiante
Le Crous et le ministère de l’Éducation nationale viennent de lancer un portail numérique destiné à accompagner les étudiants dans toutes leurs démarches et services : études, droits, restauration, transports, santé, etc. Il est adapté à tous les usages : mobile, tablette, ordinateur. Les demandes de bourses et logements peuvent être déposées sur ce site, qui se substitue à trois anciens portails (cnous.fr, portail-vie-etudiante.fr et enseignementsup-recherche.gouv.fr). www.etudiant.gouv.fr
RESSOURCES
LE RAPPORT DE L’ADMINISTRATEUR DES DONNÉES Dans son premier rapport annuel sur la gouvernance de la donnée en 2015, l’administrateur général des données annonce son intention de travailler à la constitution, cette année, d’une cartographie collaborative ouverte à toutes les administrations « qui souhaiteront y participer et en bénéficier ». Créé en septembre 2014, l’administrateur général des données – rattaché au secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (SGMAP) – coordonne l’action des administrations « en matière d’inventaire, de gouvernance de production, de circulation et d’exploitation des données », rappelle le rapport. Un pilotage assumé par Henri Verdier, par ailleurs directeur interministériel du numérique et du système d’information et de communication de l’État (Dinsic). L’administration française est la première, en Europe, à avoir créé cette fonction. Parmi les pistes d’amélioration nécessaires, alors que les éléments d’information relatifs aux données publiques restent globalement insuffisants, il s’agit donc de dresser un état des lieux précis. Et le rapport de souligner la difficulté de toute approche « qui se voudrait linéaire, centralisée et exhaustive ». La Disic (devenue Dinsic) et la mission Etalab ont rencontré quelques difficultés en la matière. Ce projet de cartographie aura tout le soutien du gouvernement, a laissé entendre la secrétaire d’État en charge de la Réforme de l’État, Clotilde Valter, qui a souligné une avancée qui devrait être accompagnée d’infrastructures de systèmes d’information adaptées « dès leur conception, à l’objectif de libération des données ».
Le classement Bloomberg de l’innovation Dans le monde des idées, la Corée du Sud est reine. Devant l’Allemagne, la Suède, le Japon et la Suisse. C’est le classement établi par l’agence économique et financière Bloomberg dans le cadre de son rapport annuel « The Bloomberg Innovation Index 2016 ». Les ÉtatsUnis sont huitièmes, la France dixième, la Tunisie 46e et le Maroc 48e – ce sont les deux seuls États africains présents dans le top 50. Ce classement repose sur 7 critères : l’intensité de la recherche et du développement, la valeur ajoutée manufacturière, la productivité, la densité de la haute technologie, l’efficacité du secteur tertiaire, la concentration de chercheurs et la capacité à déposer des brevets. www.bloomberg.com
Un « Grand tour » culturel Une quarantaine d’étapes, de la Nuit des idées au Quai d’Orsay au festival d’Avignon, en passant par la Folle journée de Nantes ou les Eurockéennes de Belfort, rythmant l’année culturelle 2016 pour contribuer à l’attractivité de la France à l’étranger : telle est l’ambition du « Grand Tour », inauguré en janvier par le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, et destiné à doper l’attractivité de la France à l’étranger. Le Quai d’Orsay, qui invite le réseau et les opérateurs du ministère à s’approprier « cet élément de valorisation de leur action en France et à l’étranger », sera à la manœuvre le 9 mars lors du forum France made in culture, à l’occasion duquel des mesures destinées à structurer les activités culturelles de la France et contribuer à la croissance seront présentées. Le tourisme est clairement devenu une problématique stratégique de la diplomatie française. www.diplomatie.gouv.fr
Pas assez de femmes sur les enjeux climatiques ! L’Unesco a relevé le déséquilibre de représentation entre les femmes et les hommes, aux dépens des premières, lors de la récente COP21 organisée fin 2015 en France. La sous-représentation des femmes est un frein à l’action pour sauver les populations des bouleversements liés au changement climatique, alerte l’Organisation, qui s’appuie sur son récent rapport sur « la science vers 2030 ». Pour résumer, le fait que les femmes ne sont pas suffisamment représentées de manière paritaire sur les postes supérieurs des principaux secteurs liés au changement climatique – à la différence de secteurs tels que la santé ou l’agriculture – est tout sauf anodin puisque cela entraîne des prises de décision parfois partiellement déconnectées des réalités vécues par les populations. La COP21 est trop dominée par des hommes (« COP21 is too male dominated and has male priorities ») avait ainsi pointé l’envoyée spéciale du secrétaire général de l’ONU pour les changements climatiques lors de sa venue à Paris. www.unesco.org
https://agd.data.gouv.fr/
#120 MARS-AVRIL 2016 ACTEURS PUBLICS 121
RESSOURCES
GESTION PUBLIQUE Dix ans après la publication de son rapport sur la dette publique, l’ancien inspecteur des finances et ancien patron de BNP Paribas Michel Pébereau observe le « niveau record » de la dépense publique, établi fin 2014 à 57,2 % du PIB, et constate que « nos déficits diminuent plus lentement qu’ailleurs » malgré un recours accentué aux prélèvements obligatoires. Une analyse publiée dans l’édition 2016 de Sociétal, l’ouvrage référence de l’Institut de l’entreprise regroupant les écrits d’une trentaine de contributeurs de premier plan. Il porte cette année sur le thème : « Numérique et emploi, lost in transition ? ». Michel Pébereau observe les avancées de la RGPP, « trop souvent perçue comme l’instrument du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, ce qui est réducteur », et de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf). Il faudrait désormais que le Parlement consacre bien davantage de temps, relève-t-il, à l’analyse de l’exécution des dépenses et à la mise en œuvre des rapports critiques de la Cour des comptes…
ÉLITES TRANSNATIONALES
DANS L’INTIMITÉ DE LA « PP »
Il paraît urgent de mettre en œuvre une évaluation « systématique de l’échelle, de la portée et du caractère » des pratiques de surveillance contemporaine, « tant du point de vue des justifications que des controverses qu’elles entraînent ». C’est ce que relève un collectif de chercheurs dans une analyse sur les conséquences de l’affaire Snowden – cet Américain qui a révélé nombre d’informations sur les pratiques de la NSA – en matière notamment de sécurité nationale, de droits de l’Homme et de démocratie. Elle est publiée dans un ouvrage, Élites transnationales, qui se penche sur plusieurs enjeux de la gestion des politiques publiques à l’international. Ces universitaires s’interrogent notamment sur « le fossé permanent » entre techniques de surveillance de masse et portée mondiale de l’Internet. Si l’affaire Snowden a eu un retentissement mondial, les États n’ont manifestement pas encore transformé leurs organisations en conséquence.
Institution deux fois centenaire créée sous Napoléon, la préfecture de police (PP) recèle bien des secrets, lieux insolites où résonnent le souvenir des heures sombres de l’occupation bientôt balayées par celles tumultueuses de la Libération, sépultures médiévales et autre « caverne d’Ali Baba » – une salle mystérieuse qui abrite des tableaux et des objets de décoration. Enrichi de visuels pour certains inédits, le dernier magazine – un numéro spécial – de la préfecture de police raconte les lieux secrets de la « PP ». Liaisons s’invite notamment dans le cabinet du préfet de police, une quinzaine de salles tout à la fois élégantes, utilitaires et équipées pour suivre en permanence, sur des écrans de vidéosurveillance, la vie parisienne et intervenir immédiatement en cas d’accident, agression, événements divers. Plus étonnant, ce billard sur lequel a été signé en août 1944 la reddition des forces allemandes occupant Paris.
Auteur : Institut de l’entreprise Éditeur : Eyrolles Nombre de pages : 320 Prix : 25 euros
Auteurs : collectif Éditeur : L’Harmattan Nombre de pages : 198 Prix : 21,50 euros
122 ACTEURS PUBLICS MARS-AVRIL 2016 #120
Auteur : Préfecture de police Nombre de pages : 92 Prix : 8 euros
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Jean-Marc Bournigal était conseiller technique en charge des questions sanitaires au cabinet du ministre de l’Agriculture Philippe Vasseur de 1995 à 1997.
« La crédibilité de la parole publique était en jeu » En 1996, une maladie animale mortelle s’avère transmissible à l’homme. Les pouvoirs publics sont au pied du mur. Au ministère de l’Agriculture, Jean-Marc Bournigal a vécu l’évolution de cette crise qui a bouleversé les pratiques de sécurité alimentaire.
E
ncéphalopathie spongiforme bovine : cette maladie, aussi barbare que son nom le laisse penser, fait irruption dans le quotidien des consommateurs français au printemps 1996. En même temps que des images d’animaux amaigris et titubants, ils découvrent que manger de la viande de bœuf est potentiellement très dangereux pour leur santé. C’est une annonce faite par le ministre de la Santé britannique le 20 mars qui a mis le feu aux poudres : 8 personnes sont décédées d’une nouvelle variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ), résultant probablement de la transmission de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) à l’homme. En France comme dans toute l’Europe, les pouvoirs publics sont pris de court. En première ligne, le ministre de l’Agriculture, Philippe Vasseur. Alors conseiller technique en charge des questions sanitaires à son cabinet, JeanMarc Bournigal – aujourd’hui président de l’Institut national de recherche
124 ACTEURS PUBLICS MARS-AVRIL 2016 #120
en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (Irstea) – se souvient de la nécessité de réagir vite dans un climat d’incertitude quasi totale : « Le manque de communication initial du gouvernement britannique ne nous permettait pas d’appréhender ce qui se passait exactement. En même temps, il fallait trouver le moyen de circonscrire la maladie, sachant que cela concernait des quantités de produits en circulation. Ce genre de décisions n’est prévu nulle part dans les textes… » note cet inspecteur en chef de la santé publique vétérinaire. Sur le pied de guerre, le cabinet en réfère à Matignon et à l’Élysée et, au lendemain de l’annonce britannique, la France est le premier pays à mettre en place un embargo sur la viande bovine en provenance du Royaume-Uni. Elle est suivie par d’autres États européens puis, après de fortes tensions, par la Commission européenne. Connue depuis le milieu des années 1980, l’ESB était jusqu’alors considérée et traitée « comme une maladie purement animale et assez circonscrite
MARIE-LOUISE DEGAUDEZ – IRSTEA
RETOUR SUR… LA CRISE DE LA VACHE FOLLE
FLORENCE DURAND/SIPA
Dès les premiers jours suivant l’annonce d’une possible transmission de la maladie de la vache folle à l’homme, les ventes de viande bovine s’effondrent. Ci-contre, le marché de Rungis fin mars 1996.
au Royaume-Uni », relate Jean-Marc Bournigal. Même si en France, un premier cas était apparu en 1991 dans les Côtes-d’Armor. Des mesures visant à éviter la propagation de la maladie parmi les animaux avaient déjà été mises en place, à l’échelle nationale comme européenne, notamment l’interdiction des farines animales dans l’alimentation des bovins. Un premier embargo décidé sur la viande britannique en 1990 avait même valu à la France l’ire des autorités bruxelloises, à l’aube de l’ouverture du marché unique. Mais en mars 1996, les tergiversations ne sont plus de mise, d’autant, rappelle l’ancien conseiller de Philippe Vasseur, que tous les acteurs publics ont en tête un précédent de fraîche date : le scandale du sang contaminé, « qui avait traumatisé la haute fonction publique quant à la façon dont on pouvait traiter les risques ». Communication gouvernementale Assurer la protection de la population est donc la priorité, mais il faut aussi, parallèlement, la rassurer face à l’emballement médiatique qui se déchaîne sur la « vache folle ». Philippe Vasseur, qui assume dès le début un rôle central dans la communication gouvernementale – le Premier ministre, Alain Juppé, n’intervient médiatiquement pour la première fois que fin juin 1996 – annonce en mars la mise en place d’un label « Viande française » permettant de garantir aux Français, sur l’étiquette, l’origine de ce qu’ils consomment : une première. Cette mesure prend, là encore, effet très rapidement : « Il se trouve, explique Jean-Marc Bournigal, que l’interprofession [de la filière bovine, ndlr] avait déjà réfléchi, en interne, à la mise en place d’un label de valorisation. Nous avions donc un dispositif sous-tendu par une capacité réelle de traçabilité jusqu’au consommateur. Heureusement, car on ne crée pas un tel système du jour au lendemain. » Il s’agit, dans le même temps, de traiter l’autre aspect de la crise qui se
profile, son volet économique. Car la consommation de la viande de bœuf s’effondre inévitablement et les professionnels du secteur – éleveurs, mais aussi abatteurs, transformateurs, distributeurs – sont autant inquiets pour leur avenir que les consommateurs le sont pour leur santé. Le cabinet Vasseur, où un autre conseiller technique, Yves Berger, en charge des questions liées aux productions animales, gère le dossier « vache folle » avec Jean-Marc Bournigal, devient « une cellule de crise permanente », se souvient ce dernier. Parallèlement à ces discussions et à celles qu’il poursuit avec les instances de Bruxelles pour faire évoluer la réglementation sanitaire européenne, le cabinet doit s’atteler, avec le concours de la DGCCRF sur le terrain et de la direction générale de l’alimentation, à retirer du circuit alimentaire tous les produits potentiellement contaminés. Or si l’origine de la contamination commence à être connue – le prion, une protéine contenue dans les farines animales consommées par les bovins –, on ne sait pas encore précisément dans quelles parties de l’animal elle se diffuse. « Nous nous sommes même demandés, à un moment donné, au vu de l’extension progressive de la liste des tissus à risque, si nous ne devrions pas retirer la viande bovine de la consommation, se souvient Jean-Marc Bournigal. La connaissance de la maladie avançait de façon très progressive, ce qui rendait l’exercice très difficile à gérer. » Au risque de donner une image de confusion dans la conduite de l’action publique, car les services de l’État font la chasse aux ingrédients d’origine bovine partout où ils peuvent se trouver : conserves, surgelés, plats préparés… « Il nous fallait rapidement trouver une crédibilité dans le discours scientifique qui permettrait à l’État de dire “Je prends des mesures en fonction de risques identifiés et quantifiés”. À l’époque, il n’y avait que le Conseil supérieur d’hygiène publique de France, qui n’était manifestement pas
#120 MARS-AVRIL 2016 ACTEURS PUBLICS 125
RETOUR SUR… LA CRISE DE LA VACHE FOLLE
prêt à traiter un sujet aussi émergent que les risques liés au prion. C’est ce qui a motivé la création du “comité Dormont” ». Éminent spécialiste des maladies à prion, Dominique Dormont était chef du service de santé des armées et chef de service au CEA. Le comité de scientifiques qu’il préside rend un premier rapport au Premier ministre en mai, qui permet au gouvernement et aux administrations, sinon de rétablir pleinement la confiance de l’opinion, du moins de redonner de la crédibilité à la parole publique. Alors que le regard sur les pratiques agricoles est en train de changer dans la société, les travaux et les préconisations du comité Dormont font émerger une réflexion de fond sur la question de la sécurité sanitaire des aliments. « C’est à ce moment-là qu’est apparu le discours selon lequel il fallait séparer l’évaluation du risque de la gestion du risque, témoigne Jean-Marc Bournigal. La gestion doit évidemment relever des États, dont c’est la responsabilité. En contrepartie, on se doit de mettre en place une évaluation digne de ce nom pour éclairer les décisions publiques. Pour qu’elle soit crédible, il fallait créer des établissements indépendants, avec des missions propres, des capacités d’auto-saisine, de veille et surtout, de consultation systématique. » C’est sur cette base que la loi du 1er juillet 1998 a créé l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) – dont les missions sont aujourd’hui assurées par l’Anses – et l’Institut national de veille sanitaire. Agence européenne Le modèle français a essaimé dans les autres pays européens ainsi qu’au niveau communautaire avec la création de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) en 2002. Un modèle qui aujourd’hui, selon JeanMarc Bournigal, « limite très fortement le débat public autour de la pertinence et de l’ampleur des décisions » malgré les attaques dont il fait encore parfois l’objet autour de possibles conflits d’intérêts.
126 ACTEURS PUBLICS MARS-AVRIL 2016 #120
MARIE-LOUISE DEGAUDEZ – IRSTEA
« On se devait de mettre en place une évaluation digne de ce nom pour éclairer les décisions publiques. » De la crise de la vache folle, l’ancien conseiller technique, devenu par la suite directeur général de l’alimentation, puis directeur de cabinet d’un autre ministre de l’Agriculture (Bruno Le Maire), retient la certitude d’avoir travaillé avec comme préoccupation première la protection de la population – « Nous n’avons protégé personne », souligne-t-il – et la satisfaction de constater sur la durée que le niveau de contamination et le bilan humain annoncé – « On avait envisagé des pics allant jusqu’à des dizaines de milliers de morts » – ne soient pas devenus réalité*. Retombées judiciaires Cette crise, qui connut un rebondissement dans les années 2000, avec notamment un débat sur la réglementation sur les farines animales, a eu, concernant la pertinence de l’action publique, des répercussions tardives… et contradictoires. Après une plainte de familles de victimes de la MCJ reprochant justement à l’État d’avoir protégé des intérêts économiques au détriment de la santé humaine, les ministres de l’Agriculture successifs ont été appelés à s’expliquer devant la justice et devant une commission d’enquête sénatoriale, de même que leurs anciens conseillers, dont Jean-Marc Bournigal. « Cela fait partie de ce que doivent intégrer les acteurs publics aujourd’hui : être capable de justifier ses décisions et ses actes », analyse-t-il. Les poursuites ont abouti à un non-lieu. Mais en 2010, le Conseil d’État laisse entendre que l’on est au contraire allé trop loin dans le principe de précaution : il condamne l’État à payer 10 millions d’euros d’indemnités pour avoir interdit – après avis de l’Afssa – la vente du ris de veau en 2000. Comment être sûr de faire le nécessaire sans pour autant en faire trop : c’est l’éternelle question que doit trancher l’État en matière de sécurité sanitaire. Laure Berthier * Selon l’Institut de veille sanitaire, 27 personnes sont décédées de la variante de la MCJ en France depuis 1996 (chiffres arrêtés à février 2016). Au Royaume-Uni, la National CJD Research & Surveillance Unit recense 177 décès dus à la même cause depuis 1995.
Tous les papiers se recyclent, alors trions-les tous.
C’est tellement simple que même un homme peut le faire.
La presse écrite s’engage pour le recyclage des papiers avec Ecofolio.
LIVRES ET POLITIQUES PUBLIQUES 128 ACTEURS PUBLICS MARS-AVRIL 2016 #120
Rentiers d’État
La politique de la ville
de Yvan Stefanovitch
d’Emmanuel Heyraud
130 Grands corps
132 Une politique de la ville sans cap
La gabegie n’est pas éradiquée au plus haut niveau de certaines institutions, dénonce ce livre pointant la présence de « flemmards ou tire-au-flanc » ici ou là. Certes, ils ne sont qu’une petite minorité. Mais leur présence indispose au sein d’administrations où les agents croulent parfois sous le travail.
Clarifiée et précisée depuis quelques années, la politique de la ville reste malgré tout morcelée et son pilotage incertain, observe le spécialiste Emmanuel Heyraud, qui appelle à des actions enfin menées dans la durée et non sans cesse remises en cause.
Quai d’Orsay, cinq siècles d’histoire et de diplomatie sous la direction d’Emmanuel de Waresquiel
134 Archives Quand le Quai d’Orsay dévoile ses archives secrètes, le lecteur revit cet échange très riche entre le général de Gaulle et le chancelier Adenauer, en 1958, où il est question d’Europe, mais aussi du peuple français qui ne se résout pas à son déclin.
134 Les lauréats du Prix EN3S 2016 Faut-il suivre le modèle allemand ?
Voilà un livre utile et nécessaire qui interroge la pertinence d’un modèle économique et social allemand peut-être pas si exemplaire que cela. Un ouvrage fort justement récompensé par le prix de l’École nationale supérieure de sécurité sociale (EN3S).
DR
De Christophe Blot, Odile Chagny et Sabine Le Bayon
#120 MARS-AVRIL 2016 ACTEURS PUBLICS 129
LIVRES ET POLITIQUES PUBLIQUES I BONNES FEUILLES
La dérive des grands corps
Rentiers d’État Auteur : Yvan Stefanovitch Éditeur : Éditions du Moment Nombre de pages : 288
« Prix : 19,95 euros
Habitué aux livres chocs sur le fonctionnement de nos institutions, Yvan Stefanovitch s’attaque dans son dernier opus aux « rentiers d’État », ces hauts fonctionnaires « fantômes » qui présentent au moins deux inconvénients : coûter cher aux contribuables et surcharger leurs collègues de boulot. Ambassadeurs et préfets sans affectation, inspecteurs généraux, souvent nommés au tour extérieur… Ce livre n’épargne personne et surtout pas le Conseil économique, social et environnemental, qui fait l’objet d’un traitement spécial sur un tiers de l’ouvrage !
Le Conseil d’État n’aime pas les flemmards. Nettement moins agréables qu’à l’IGF ou à la Cour des comptes, les conditions de travail au Conseil d’État incitent ses membres à fuir leurs locaux du Palais-Royal. Les 232 conseillers d’État, maîtres des requêtes et auditeurs en service (sans prendre en compte les 118 autres en détachement dans l’administration, au gouvernement, au Parlement comme élu ou en disponibilité dans le privé) sont quasiment tous censés travailler à la bibliothèque de l’institution ou chez eux. Explication : seul le vice-président du Conseil d’État (le président étant théoriquement le Premier ministre) et les six présidents de section ont droit à un bureau et à une voiture de fonction avec chauffeur. Rien ne pousse leurs 225 subordonnés à devenir des stakhanovistes pour un traitement de 6 000 à 10 000 euros net par mois. Leur première mission : aidés de 390 autres fonctionnaires, ces sortes de moines bénédictins (inamovibles en fait) donnent des avis au gouvernement, en fait le conseillent notamment avant le dépôt au parlement d’un projet de loi ou la publication d’une ordonnance ou d’un
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décret. Deuxième mission : ils tranchent en ultime recours les litiges liés à l’administration de l’État, territoriale ou hospitalière. Une double fonction qui doit éviter les multiples conflits d’intérêts entre le rôle de conseil de l’État et de juge de ce même État. Les flemmards ou tire-au-flanc sont plutôt mal accueillis au Conseil d’État qui croule sous le boulot, les contentieux avec l’État se multipliant inexorablement. Rien qu’en 2014, le nombre d’affaires jugées par cette cour suprême en matière administrative a battu tous les records avec un total de 12 252 arrêts. Ce qui représente une augmentation de 26,5 % et 18 % respectivement par rapport à 2013 et 2009 ! Durant la même année 2014, cette juridiction a rédigé 1 160 avis pour le gouvernement, soit une hausse respective de 16 % et 21 % par rapport à 2013 et 2009. Pendant ces six années, les membres du Conseil d’État ont vu leurs effectifs grossir de 8 % passant de 322 à 350. Les détachements et mises en disponibilité ont grimpé eux à la même époque de 109 à 118, soit une augmentation de 7 %. En un mot, les effectifs du Conseil ont à peine augmenté en six ans, alors que le nombre d’affaires jugées et d’avis au gouvernement a lui explosé. Chacun des membres du Conseil ploie de plus en plus sous la charge de travail. Les chiffres le prouvent à l’évidence. En 2014, entre les arrêts et les avis pour le gouvernement, le Conseil d’État a produit un total de 13 412 documents. Chacun des 232 membres actifs du Conseil a rédigé donc plus de 57 de ces mêmes documents, soit un peu plus d’un par semaine. Les cadences du Conseil d’État apparaissent infernales comparé au rendement de chacun des 231 conseillers à la Cour des comptes et des 39 inspecteurs généraux des finances. On l’a vu, en 2014, les premiers ont pondu chacun 5,3 rapports, et les seconds 2,7. Sans commentaires… Pour échapper à ces cadences infernales, les flemmards et tire-au-flanc du Conseil d’État n’ont que deux solutions. La première consiste
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à essayer de se faire oublier en ne mettant plus les pieds au Palais-Royal. Une stratégie assez difficile à appliquer face à la fermeté courtoise, mais inébranlable, des patrons du Conseil d’État. Contrairement aux mauvaises habitudes de la Cour des comptes, de l’IGF et de la quasi-totalité des services d’inspection ou de contrôle de l’Hexagone, le Conseil d’État tolère très rarement les paresseux et ceux de ses membres qui multiplient occupations ou titres. Tout simplement parce que sa surcharge s’alourdit sans cesse proportionnellement aux contentieux avec l’administration qui augmentent de manière exponentielle. C’est pourquoi les bosseurs bénéficient d’une rémunération en large partie “au mérite” : leurs 40 % de primes dépendent beaucoup du nombre et de la difficulté des dossiers traités. La seconde solution, pantouflage ou voie de garage, reste la meilleure alternative pour les grands paresseux. Qui fixe les règles de ces “pantouflages” dans toute la fonction publique ? Le Conseil d’État, la femme de César étant au-dessus de tout soupçon… Le scandale de ces mises à disposition dans le privé et détachements dans l’administration, au gouvernement ou à l’Élysée, n’est pas un secret. Premier rouage de l’institution du Palais-Royal, les maîtres de requêtes en activité au service diminuent d’année en année. En 2014, ils étaient 64 seulement contre 55 en service à l’extérieur. 118 membres de l’institution travaillent aujourd’hui à l’extérieur du Palais-Royal, les trois quarts sont détachés dans l’administration et un quart en disponibilité dans le privé. Des absences qui ne peuvent excéder 6 ans en détachement et 10 ans en disponibilité (l’État ne les paye plus, mais ils gardent ancienneté et avancement) sans retour à la maison mère, avant un nouveau départ. Au passage, ce grand corps y gagne une stratégie d’influence dans l’administration comme dans les multinationales du CAC 40. Besoin d’un chargé de mission pour un ministre ? D’un conseiller technique ? D’un ministre ? D’un Pdg pour Radio France ? D’un président pour l’Opéra de Paris, le château de Versailles ou le Conseil de la concurrence en passant par le secrétariat général du gouvernement et celui du Conseil constitutionnel ? D’un secrétaire général pour Total, la BNP ou de gros cabinets d’avocats ? Passez commande ! Dans la journée, un maître des requêtes ou un conseiller d’État peut ainsi être aux ordres. Et souvent plus rapidement que ses collègues de l’IGF ou de la Cour des comptes. Le plus scandaleux : de nombreux conseillers d’État et maîtres des requêtes sont en disponibilité, le plus légalement du monde, dans les plus gros cabinets d’avocats parisiens accrédités au Conseil d’État et à la Cour de cassation. Pas question d’y chercher le moindre conflit d’intérêts.
C’est une pratique curieusement légale… Initiée sous François Mitterrand, l’évolution du tour extérieur vers une politisation accrue a permis à de nouvelles catégories d’individus d’atterrir au Palais-Royal, sans la moindre formation juridique ou expérience des tribunaux administratifs. Les 232 membres du Conseil d’État en activité au Palais-Royal ne sont pas tous sortis dans les 15 premiers de l’Ena, la “botte” ou voie impériale pour le Conseil d’État, où débutent chaque année 6 ou 7 auditeurs. Au grade suivant, 3 maîtres des requêtes sur 4 sont des anciens auditeurs et le quatrième est nommé au tour extérieur de manière totalement discrétionnaire par le président de la République. Au dernier grade, celui de conseiller d’État, 3 sur 4 également sont d’ex-maîtres des requêtes et le quatrième est désigné au tour extérieur. Ce recrutement monarchique à 25 % permet de repêcher les recalés de l’Ena, de récupérer les compétences très utiles des juges de tribunaux administratifs et offre sur un plateau une belle
« Les flemmards ou tire-au-flanc sont plutôt mal accueillis au Conseil d’État. » situation aux amis du prince qui ont quelquefois perdu la leur. Pour devenir ainsi maître des requêtes d’un coup de baguette magique, il faut avoir 30 ans, mais 15 de plus pour être parachuté conseiller d’État. Aucune autre obligation pour ces heureux élus, sauf pour ceux issus de la fonction publique, qui doivent avoir 10 ans d’ancienneté au minimum. Ce privilège régalien récompense ou console aussi les “amis” du président de la République et du parti majoritaire. Ou encore, ce sont des avocats que les joies du barreau n’amusent plus ou des médecins que la vue d’un malade plonge dans un état dépressif. Ils ne sont pas d’une grande utilité, d’autant plus qu’il faut compter des années pour s’habituer à l’institution. Ces hauts fonctionnaires quittent le plus souvent le Conseil d’État au bout de 2 ou 3 ans ou se font mettre en disponibilité ou détachement avant de revenir polluer la vie de leurs collègues ou de démissionner. Ces rentiers absolument débordés y ont gagné une carte de visite supplémentaire et une assurance chômage. Les tâches qu’ils ne peuvent ou ne veulent pas exécuter incombent à leurs collègues qui se trouvent écrasés sous une avalanche de dossiers de plus en plus nombreux. Ambiance…
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LIVRES ET POLITIQUES PUBLIQUES I BONNES FEUILLES
Une politique de la ville sans cap
La politique de la ville Auteur : Emmanuel Heyraud Éditeur : Berger Levrault Nombre de pages : 464
« Prix : 45 euros
Voilà un ouvrage complet et précieux qui, dix ans après les émeutes de 2005, détaille tous les dispositifs relatifs à la politique de la ville. Son auteur, Emmanuel Heyraud, directeur du développement urbain à l’association France urbaine, se penche notamment sur le manque consternant de cap dans le pilotage de cette politique pourtant clé en matière de cohésion sociale.
S’il existe, parmi les acteurs et professionnels de la politique de la ville, une demande récurrente, c’est bien celle de pouvoir travailler sur des bases stabilisées, qui permettent d’engager des actions sur la durée, sans remise en cause permanente, selon les nouvelles majorités ou l’arrivée d’un ministre ou secrétaire d’État souhaitant marquer son passage du sceau d’une nouvelle politique, avec les dispositifs inhérents. En effet, faute de légitimité institutionnelle forte, la politique de la ville a été souvent l’objet de fluctuations, d’accélérations succédant à de longues pauses. Malmenés et souvent désorientés, les praticiens de la ville doivent ainsi s’adapter à de nouvelles injonctions, sans savoir si cellesci seront maintenues et pérennisées, au-delà du prochain remaniement ministériel ou des résultats d’élections locales et/ou nationales. Il en découle souvent une forme de scepticisme, teinté d’incrédulité, qui nourrit le désabusement et le découragement des acteurs. Il importe que les politiques de la ville s’inscrivent dans le moyen et long terme et ne cèdent pas à la dictature de l’urgence. C’est une politique volontariste et durable qui apparaît aujourd’hui nécessaire, qui ne doit pas dépendre des soubresauts de l’actualité et qui doit transcender les alternances politiques.
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Le programme de rénovation urbaine a lancé, en 2004, une dynamique intéress ante et reconnue par tous comme positive, au service de la requalification des quartiers. Des sommes importantes ont pu être dégagées, sur une période longue (2004-2013), affichant la volonté de l’État de prendre à bras-le-corps ces enjeux urbains. De même, le lancement d’un deuxième programme national de renouvellement urbain 2014-2024, doté d’une enveloppe de 5 milliards d’euros, va dans la bonne direction et correspond à une demande répétée de nombreux élus et bailleurs sociaux. Il est toutefois regrettable que des incertitudes sur le financement des programmes ANRU par Action logement (ex-1 % logement) après 2017-2019 fassent, aujourd’hui encore, planer un doute sur le maintien et la consolidation à terme de cette politique, dont l’utilité est quasi unanimement reconnue. Par-delà des orientations claires et lisibles, il importe que l’État simplifie son organisation, de telle sorte qu’elle soit compréhensible par les acteurs locaux et associatifs mais aussi, si cela peut s’envisager, par les habitants des quartiers pour lesquels, officiellement, les politiques de la ville sont pensées et mises en œuvre (…). Une des principales faiblesses institutionnelles de la politique de la ville est son manque de relais et de reconnaissance, auprès des ministères dits “de droit commun”. On en revient au débat Mitterrand/Rocard, au début des années 1990, sur la nécessité de rattacher ou non la politique de la ville au Premier ministre. La solution finalement retenue d’avoir un ministre, ministre délégué ou secrétaire d’État, s el on l e s c onte x te s , e n charge du dossier semble, vingt ans après, avoir montré quelques limites.
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« Le peuple français s’est cru la vedette du monde »
Quai d’Orsay, cinq siècles d’histoire et de diplomatie Auteurs : sous la direction d’Emmanuel de Waresquiel Éditeur : L’iconoclaste Nombre de pages : 644 Prix : 24,90 euros
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Une équipe d’historiens et de chercheurs a exploré pendant près de trois ans quelque 110 kilomètres d’archives du ministère des Affaires étrangères, relevant des documents exceptionnels qui racontent les coulisses de la diplomatie et de l’histoire de France. Acteurs publics vous propose ce « morceau choisi » : la rencontre entre Charles de Gaulle, trois mois après son retour au pouvoir, en septembre 1958, et le chancelier allemand Konrad Adenauer. Une conversation franche et directe organisée le 14 septembre « de 16 heures à 18 h 30 » à Colombey-les-Deux-Églises, où il est question de la relation franco-allemande, colonne vertébrale d’une Europe en construction, mais aussi du peuple français…
Le général de Gaulle “Je voudrais que nous parlions d’homme à homme des charges qui nous incombent vis-à-vis de nos deux pays et à l’égard du monde. Comment pouvons-nous nous aider ? Que pensez-vous de la situation mondiale ?” Le chancelier Adenauer “Il en est des peuples comme des hommes. Ils ont de bonnes et de mauvaises qualités. L’Allemagne a connu un écroulement. Cet écroulement a engendré la détresse qui, à son tour, a donné naissance à certaines forces. De vastes milieux allemands ont reconnu le danger que constituait le national-socialisme, cette doctrine athée. C’est pourquoi nous avons créé mon parti, ce qui a été une performance particulièrement délicate en face d’une population composée pour moitié de protestants et pour moitié de catholiques. La
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suspicion régnait dans les deux camps. Elle a disparu grâce au bien-être matériel, mais il a été difficile de maintenir la base spirituelle. C’est là une des tâches qui devra marquer notre activité à l’avenir (…).” Le général de Gaulle “Le peuple français a traversé une grave maladie. Il a été un très grand peuple. Il s’est surtout cru très grand. Il s’est cru la vedette du monde. Il est vrai qu’il l’a été bien souvent. Mais il ne s’est pas adapté à la situation réelle. Il ne se console pas de ne plus être cette vedette. C’est pourquoi nous avons le communisme et l’anarchie intellectuelle dans beaucoup de milieux. La France doit trouver un nouvel équilibre moral, fondé sur des réalités nouvelles, pour redevenir une nation cohérente. La situation est meilleure aujourd’hui qu’auparavant. Il existe maintenant, en France, une bonne volonté, une sincérité à l’égard de soi-même et des autres. Il est vrai que la situation actuelle en Europe, et surtout en Allemagne, offre au peuple français de nouvelles perspectives. La France s’est toujours sentie menacée. Elle ne l’est plus, sauf par le danger qui vient de l’Est. Ce nouvel état de choses peut susciter en France une évolution qui n’aurait pas été possible il y a vingtcinq ans. Le peuple français n’a pas d’illusions quant à la bienveillance ou la bonne volonté des autres, notamment pour ce qui concerne le bloc soviétique, bien qu’il n’ait pas renoncé à la Russie. Il n’a pas d’illusions non plus en ce qui concerne la bienveillance et l’habileté des États-Unis. Les Américains restent les Américains. Je ne parle pas de l’Angleterre qui constitue un problème secondaire et qui reste une île. Il existe en Europe pour la France un partenaire p ossible, voire s ouhaitable, l’Allemagne, l’Allemagne nouvelle. C’est là un miracle historique, mais ce n’en est pas moins un fait.
LIVRES ET POLITIQUES PUBLIQUES I BONNES FEUILLES
On a dit de moi, en Allemagne, lorsque j’étais aux Affaires, que je poursuivais une politique de grandeur, de puissance, de vengeance, contre l’Allemagne. Je peux vous fournir des preuves du contraire. J’ignorais, à la fin de la guerre, le chemin qu’allait emprunter cette Allemagne. Je devais, en 1944 et 1945, protéger mon peuple contre les réactions éventuelles de la colère allemande. Je voulais que l’Allemagne ne retrouve plus jamais ses moyens d’invasion, mais non point par hostilité, et vous vous souviendrez, à cet égard, que, déjà pendant la guerre, j’ai déclaré que l’Europe devait se faire et que ce n’était pas possible sans l’Allemagne. Et maintenant, pour nos deux pays, il n’y a pas d’autre chemin que celui que nous devons prendre ensemble. C’est un chemin très difficile. Il y a chez vous quelque chose qui gêne cette marche en commun ; il en est de même chez nous. Pour vous, il y a votre séparation territoriale. La Russie tient une partie de votre territoire. On ignore par quel moyen vous pourrez obtenir la réunification de votre pays à laquelle nous sommes d’ailleurs favorables. Mais faut-il pour cela une guerre universelle ? Nous n’en sommes pas certains. Ce qui nous gêne, pour nous, dans cette marche en commun, ce sont nos obligations, nos charges lointaines, en Afrique à Madagascar, au Pacifique, dans les îles américaines et même sur le continent américain. Le problème est plus difficile pour nous, car tous vos intérêts se trouvent en Europe. Il existe des forces centrifuges qui nous poussent, vous vers la Prusse, et nous vers l’Afrique. Mais nous savons que le danger véritable, c’est l’Asie. Raison de plus de faire revivre l’Europe face à l’Asie. Nous devons étendre la paix vers l’Est, vers la Pologne, par exemple, qui ne doit pas rester dans des mains asiatiques. Cela est vrai aussi pour la Tchécoslovaquie, pour la Hongrie, pour la Roumanie, et même – pourquoi pas ? – pour la Russie d’Europe. Nous devons coopérer sans être l’instrument de l’Amérique, et nous devons le faire dans un cadre plus large que celui qui nous unit seulement à l’Italie et aux pays du Benelux. Nous devons attirer à nous d’autres pays. Je souhaite établir avec l’Allemagne des contacts permanents.
J’y suis disposé, pour l’avenir de l’Europe, donc pour le vôtre comme pour le nôtre. Il s’agit de faire toute l’Europe, ou bien il n’y aura pas d’Europe. […]” Le chancelier Adenauer “Il n’est question pour personne de vouloir la réunification de l’Allemagne par la guerre. C’est exclu. Mais il y a le problème psychologique : il faut éviter que cette réunification ne fournisse à l’URSS un moyen d’agir sur l’opinion publique allemande, en se servant de la zone orientale
« La France doit trouver un nouvel équilibre moral, fondé sur des réalités nouvelles, pour redevenir une nation cohérente. » comme d’une monnaie d’échange pour obtenir, en contrepartie, autre chose. La réunification, les problèmes polonais, hongrois, tchécoslovaque, roumain et peut-être bulgare, peuvent être réglés par une détente, grâce au désarmement contrôlé. Nous pourrions offrir à la Russie, en échange, une aide économique. En ce qui concerne la Pologne, il y a de longues années déjà que j’ai déclaré que l’Allemagne réuni fiée entretiendrait les meilleures relations avec ce pays. Il ne s’agit pas de faire une politique prussienne contre la Pologne. Moi non plus, je ne veux pas que nous soyons un instrument des États-Unis. J’ai eu même des controverses avec M. Dulles sur la politique qu’il pratiquait à l’égard de l’URSS, mais, tant que le danger existe et qu’il n’y a pas de désarmement, nous devons rester unis avec les États-Unis. Ce serait une chose terrible que les États-Unis, eux, se dissocient de l’Europe. Cependant, il faudra toujours leur dire franchement ce que nous pensons de leur politique.”
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LIVRES ET POLITIQUES PUBLIQUES I PRIX
Politique de santé, réussir le changement Auteur : Frédéric Bizard Éditeur : Dunod Nombre de pages : 256 Prix : 23 €
« Faut-il suivre le modèle allemand ? » remporte le Prix EN3S 2016 L’École nationale supérieure de sécurité sociale (EN3S) distingue chaque année par un prix un ou deux ouvrages dans le champ de la protection sociale. Parmi les 7 livres présélectionnés, l’un, consacré au modèle social outre-Rhin, a recueilli les suffrages du jury. Le Prix EN3S 2016 a ainsi été attribué à Christophe Blot, Odile Chagny et Sabine Le Bayon pour leur ouvrage Faut-il suivre le modèle allemand ? La cérémonie de remise de cette distinction s’est déroulée le 18 février dans les locaux de France Stratégie, partenaire du prix, en présence du jury et des auteurs.
Cinq axes d’action et 40 mesures. C’est le traitement proposé dans cet ouvrage par l’économiste Frédéric Bizard pour guérir le système de santé et le faire entrer dans le XXIe siècle. Face aux évolutions mondiales de l’ordre démographique, épidémiologique et technologique, la politique de santé semble malade et s’essouffle, malgré les remèdes successifs déjà proposés par les différents ministres.
La fin des préretraites et européanisation des politiques de retraite en France et en Allemagne Auteure : Lou Mandin Éditeur : L’Harmattan Nombre de pages : 424 Prix : 40 €
xxx Auteurs : xxxx Éditeur : xxxx Nombre de pages : xx Prix : xxx
De gauche à droite : Jean Pisani-Ferry, Christophe Blot, Sabine Le Bayon, Odile Chagny et Dominique Libault lors de la remise du Prix EN3S 2016.
Faut-il suivre le modèle allemand ?
Auteurs : Christophe Blot, Odile Chagny et Sabine Le Bayon Éditeur : La Documentation française Nombre de pages : 168 Prix : 7,90 €
Les trois économistes Christophe Blot, Odile Chagny et Sabine Le Bayon interrogent l’exemplarité du modèle économique et social allemand. Une croissance de 1,7 % en 2015, un taux de chômage à 6,3 % en décembre dernier, une compétitivité importante… À contre-courant, les trois auteurs mettent en lumière les zones d’ombre de cette économie aux résultats performants. Accroissement des inégalités salariales, hausse de la pauvreté, vieillissement démographique : le modèle allemand connaît aussi quelques défauts.
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À travers une démarche comparative entre la France et l’Allemagne, Lou Mandin propose une analyse de l’instrument des préretraites pour lutter contre le sous-emploi des seniors. Le dispositif s’institutionnalise et la France, notamment, a des difficultés à rompre avec ce système, contrairement à l’Allemagne, qui réussit à développer l’emploi pour les seniors. L’impact de l’européanisation des politiques sociales va permettre un rapprochement des modèles.
LE JURY • Dominique Libault, directeur de l’EN3S • Julien Damon, conseiller scientifique de l’EN3S • Thomas Fatome, directeur de la Sécurité sociale
LIVRES ET POLITIQUES PUBLIQUES I PRIX
Ce modèle social que le monde ne nous envie plus Auteur : Jean-Olivier Hairault Éditeur : Albin Michel Nombre de pages : 165 Prix : 16 €
Refonder le système de protection sociale, pour une nouvelle génération de droits sociaux Auteurs : Bernard Gazier, Bruno Palier et Hélène Périvier Éditeur : Presses de Sciences-Po Nombre de pages : 220 Prix : 14 €
Augmentation des dépenses sociales, chômage de masse, système d’allocations n’incitant pas au retour à l’emploi, la France n’apparaît plus comme un modèle social à suivre. Pourtant, Jean-Olivier Hairault fait des propositions pour développer le potentiel de croissance de la France. Il envisage de développer les conditions du retour à la croissance et propose de passer d’une logique de protection de l’emploi à une logique de protection de l’entreprise.
Protection et promotion sociale pour tous. C’est l’idée défendue par les trois auteurs de cet ouvrage, qui reviennent sur les limites de la protection sociale française et son inadéquation avec les évolutions socioéconomiques. Ils proposent une refonte du système à travers une nouvelle génération de droits sociaux autour de 3 exigences : émancipation des individus, accompagnement des carrières professionnelles et investissement social en amont sur la scolarisation des jeunes.
Inégalités d’accès aux soins, acteurs de santé et territoires
La Gouvernance par les nombres, cours au collège de France (2012-2014)
Auteure : Joy Raynaud
Auteur : Alain Supiot
Éditeur : Economica
Éditeur : Fayard
Nombre de pages : 192
Nombre de pages : 512
Prix : 19 €
Prix : 22 €
Joy Raynaud, docteure en géographie et aménagement du territoire, étudie l’accès aux soins de manière plurifactorielle. Ainsi, elle présente des concepts et des outils pour analyser les perceptions des patients et des médecins pour identifier les zones en difficulté dans leur offre de soins. Objectif : déterminer les conditions favorables pour le développement d’un accès aux soins qualitatif et durable sur les territoires.
Alain Supiot, professeur au Collège de France, propose une analyse centrée sur les causes profondes de la crise au niveau institutionnel. La gouvernance par les nombres se rapporte à la rationalité par le calcul qui bouscule les cadres juridiques, la loi, la démocratie et l’État. Un nouvel idéal normatif émerge avec l’idée de réaliser des objectifs mesurables plutôt que d’obéir à des lois justes. La loi cède la place au programme et la réglementation à la régulation.
• Bertrand Fragonard, président du Haut Conseil pour la famille
• Mireille Elbaum, présidente du Haut Conseil du financement de la protection sociale
• Anne-Marie Brocas, présidente du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie
• Marie-Claire Carrère-Gée, présidente du Conseil d’orientation pour l’emploi
• Pierre-Louis Bras, président du Conseil d’orientation des retraites
• Selma Mahfouz, commissaire générale adjointe de France Stratégie
Dominique Libault, directeur de l’EN3S, président du jury
« Créer un pont entre le monde universitaire, celui de la recherche et celui des acteurs de la protection sociale » « L’École nationale supérieure de Sécurité sociale (EN3S) a créé il y a trois ans le “Prix EN3S” en partenariat avec France Stratégie. À travers cet événement, il s’agit de mettre en lumière des ouvrages de référence parus durant l’année écoulée dans le champ de la protection sociale afin de contribuer à sa promotion, aux débats qu’elle suscite et aux analyses qui sont développées sur sa place dans la société française, en Europe ou dans le monde, sa relation avec les sujets de croissance, d’emploi, de finances publiques, de santé, de solidarité… Le jury est composé, outre les représentants de l’EN3S et de France Stratégie, des présidents de tous les hauts conseils travaillant dans la sphère protection sociale (COE, COR, HCAAM, HCF, HCFIPS) et du directeur de la Sécurité sociale. C’est enfin et surtout une possibilité offerte de réunir des acteurs très variés gravitant au sein du champ de la protection sociale, de créer un pont entre le monde universitaire, le monde de la recherche et celui des acteurs mettant en œuvre au quotidien ces politiques publiques au sein des organismes de protection sociale. »
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MÉMOIRE INSTITUTIONS
A CH
ARCHIVES CAISSE DES DÉPÔTS
A SIP U/ EA UV
SOUS LE SCEAU DE LA « FOI PUBLIQUE » Créée sous Louis XVIII, la Caisse des dépôts célèbre, fringante, ses 200 ans.
O
n peut être une très vieille dame et se porter comme un charme. La Caisse des dépôts, qui fête en 2016 son bicentenaire, en fait la démonstration. Lors du lancement des festivités commémoratives, en janvier dernier, le Président François Hollande ne s’est pas contenté d’égrener les réalisations passées de cet établissement financier public, il a donné l’impulsion de missions ambitieuses pour son troisième siècle d’existence, dressant en creux le portrait d’une institution française parmi les plus solides et dynamiques. Charles de Gaulle l’avait en son temps qualifiée de « source capitale de progrès ». La Caisse des dépôts et consignations, Napoléon Ier en avait rêvé, mais c’est
Louis XVIII qui l’a faite. Après la restauration de la monarchie, la France est lourdement endettée par les guerres napoléoniennes. Nommé ministre des Finances en septembre 1815, le comte d’Empire Louis-Emmanuel Corvetto, un Génois naturalisé français, suggère au roi, qui a fixé le redressement de l’économie comme priorité absolue, de créer un établissement public utilisant les dépôts et les consignations des notaires pour acheter la dette publique. Corvetto ne pense pas seulement au court terme – éponger la dette –, il entend créer un instrument pérenne de gestion de l’épargne nationale. La loi sur les finances du 28 avril 1816 instaure une Caisse des dépôts
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et consignations, établissement indépendant, placé « sous la surveillance et la garantie » du Parlement par le biais d’une commission de surveillance où siègent un sénateur (pair de France), deux députés et des magistrats. La loi établit l’autonomie du directeur général de la Caisse, nommé par l’exécutif mais non soumis à lui. Il prête en contrepartie le serment de « garantir l’inviolabilité des fonds qui lui sont remis en garde ».
Transformer l’épargne en investissements Car au fondement de la Caisse des dépôts est la « foi publique », devise qui demeure gravée à son fronton depuis deux cents ans. Rien de
religieux dans cette notion, qui est un héritage du droit romain : fides publica est à comprendre au sens de « confiance dans l’État ». Impossible en effet de redresser les finances publiques sans recourir à l’épargne, donc à la confiance des citoyens. Faute de soulever des montagnes, cette « foi publique » a permis, notamment par la création du livret A (en 1822) et des caisses d’épargne, de transformer le contenu des bas de laine en précieux investissements : infrastructures, transports, électrification au XIXe siècle, reconstruction et logement social au XXe et déjà, pour le XXIe siècle, très haut débit, villes intelligentes, logements à énergie positive… Laure Berthier
VINCENT BAILLAIS
A l’occasion de la cérémonie des Victoires des acteurs publics le 16 décembre 2015 à l’Assemblée nationale, Guillaume Pontnau, directeur commercial de Monster France remettait à Philippe Bélaval (à gauche), président du Centre des monuments nationaux, le Prix spécial RH pour la mise en place de son système de gestion des talents dématérialisé.
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Un crédit vous engage et doit être remboursé. Vérifiez vos capacités de remboursement avant de vous engager. (1) Le Livret BFM AVENIR est un compte d’épargne à vue proposé et géré par la Banque Française Mutualiste. • (2) Taux nominal annuel brut promotionnel valable 3 mois (soit 6 quinzaines complètes), à compter de la quinzaine suivant la date d’ouverture du livret. Offre réservée à tout client particulier agent du secteur public pour une première ouverture de Livret BFM Avenir effectuée entre le 01/03/2016 et le 30/04/2016, jusqu’à 20 000 € inclus (au-delà de 20 000 € taux nominal annuel de 0,85%). Les intérêts sont calculés par quinzaine et crédités sur le livret chaque année en janvier, et génèrent eux-mêmes des intérêts. Intérêts versés soumis à l’acompte de 24 % et aux prélèvements sociaux de 15,5 % (sauf dispense du contribuable) puis imposés au barème progressif de l’impôt sur le revenu. Hors période promotionnelle : taux nominaux annuels bruts de 1,35 % jusqu’à 3 000 € épargnés puis 0,85 % au-delà de ce montant en vigueur au 01/03/2016, susceptibles de variations.
Un Conseiller SG/BFM vous accueille dans chaque agence Société Générale. Du lundi au samedi de 9 h à 18 h
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