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«Je suis exigeante avec moi-même»

«Je suis très exigeante avec moi- même»

Katen Gaillard, lauréate du Young Driver Challenge et de la Filière Endurance au Mans, la jeune Fribourgeoise se hisse parmi les espoirs du sport automobile suisse. Par Mario Liuni

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Elle a à peine 20 ans, elle a démarré tardivement, elle ne fait pas parler d’elle, elle court relativement peu mais toujours avec d’excellents résultats : Karen Gaillard, retenez bien ce nom. Comme pour tant d’autres jeunes, l’exemple est venu d’en haut : «Je suis née dans ce milieu», ditelle, «mon papa courait en kart, je l’ai accompagné, et c’est là que ça m’est venu. J’avais 10 ans, et j’ai attrapé le virus. La passion ! Mais je n’ai commencé à rouler que vers 15-16 ans, d’abord sur des karts de location, à Payerne, puis à 17 ans en championnat de Suisse, catégorie X30 Senior, et dans le Trophée Vega. J’ai fait ça deux ans, en apprentissage. Je débutais, je ne connaissais pas grand-chose, face à des adversaires qui roulaient déjà depuis longtemps…»

C’était assez, cependant, pour viser plus haut. Et le faire avec intelligence : en 2019, Karen s’inscrivait ainsi au Young Driver Challenge de Fredy Barth et Nico Müller, une opération réservée aux amateurs de 16 à 21 ans, destinée à repérer de jeunes pilotes prometteurs. « Au départ, il y avait quelque 1500 inscrits, on avait deux mois pour faire un chrono sur une piste de son choix, partout en Suisse. Je suis allée à Payerne tout au début, j’ai fait un chrono pas trop mal, que je pensais améliorer, mais je me suis cassé la main et je n’ai pas pu y retourner ! Heureusement, le chrono a tenu. J’étais la seule fille dans le top 40 retenu pour la 2e étape de la sélection, cette fois sur des karts Rotax de compétition à Wohlen. Les 10 meilleurs pouvaient accéder à la 3e sélection, à l’Anneau du Rhin, sur des SEAT Leon Cupra de route puis sur la Cupra TCR de course. Trois pilotes étaient alors choisis pour participer à une manche de la Coupe ADAC TCR Allemagne. Pour moi, c’était au Nürburgring… »

AU COUP PAR COUP

Et c’est Karen Gaillard qui était finalement désignée, en novembre 2019, comme lauréate du Young Driver Challenge, au terme d’une évaluation dépassant le cadre de la piste, les candidats étant aussi jugés sur toutes les aptitudes nécessaires pour réussir : capacité physique, mentale, maîtrise de l’anglais, comportement avec les médias, les sponsors, connaissance des réseaux sociaux, etc. : «Je n’avais aucune idée de mon niveau, j’ai juste essayé de donner le meilleur de moi, en me disant : on verra bien si ça marche. Quand Fredy Barth a annoncé mon nom, à la soirée finale, c’était beaucoup d’émotion !»

Cela valut à Karen de participer à deux manches des 24 Heures Séries 2020, les 12 Heures de Monza et les 16 Heures de Hockenheim, ses vrais grands débuts. Par son père, elle entrait alors en contact avec Vortex, constructeur des machines du même nom, propulsées par un gros V8 Chevrolet Corvette 6,2 l de 450 Ch : «Ils n’avaient pas de jeune pilote et pas de femme, je les intéressais...» Leur première course ensemble à Navarra se terminait par une solide 2e place de catégorie, dans un peloton de Lamborghini Huracan, Porsche GT3 Cup, KTM X-Bow ou encore Ferrari 488 Challenge. L’expérience se prolongeait en 2021 sur d’autres épreuves des 24 Heures Séries, au coup par coup : les 24 Heures de Dubaï, les 12 Heures de Mugello et les 24 Heures de Barcelone, chaque fois avec de bons résultats : «2e de la catégorie GTX à Dubaï, 3e au Mugello, 5e à Barcelone, malgré quelques soucis techniques».

AVEC LA FILIÈRE ENDURANCE

En parallèle, la jeune Fribourgeoise découvrait aussi l’Ultimate Cup lors des meetings de Dijon et du Castellet, en endurance (course de trois heures) et

«Je suis très exigeante avec moi- même»

«JE N’AVAIS AUCUNE IDÉE DE MON NIVEAU, J’AI JUSTE ESSAYÉ DE DONNER LE MEILLEUR DE MOI.»

en sprint (25 minutes). Là encore, avec de remarquables performances : 3e en endurance au Castellet, mais surtout une première pole position et trois victoires en quatre sprints. «Je voulais voir ce dont j’étais capable seule dans la voiture, et ça m’a bien plu !» rigole-t-elle. Bien que n’ayant participé qu’à deux des cinq week-ends, elle terminait vice-championne ! «Mais on n’était pas beaucoup dans la catégorie, donc ça ne m’enchante pas plus que ça…» précise-t-elle avec une rare honnêteté. Ajoutant : «Je suis très exigeante avec moi-même, si je ne gagne pas, ça ne va pas !»

Cerise sur le gâteau, en 2021, Karen remportait encore une autre sélection, celle de la Filière Endurance au Mans, «seule fille et seule étrangère du groupe», relève-t-elle joyeusement. «D’après le coach, c’était moi la mieux préparée physiquement, même devant les pilotes de la Filière. J’en ai fait beaucoup depuis le kart, pour moi c’est super-important : quand tu n’as plus à te préoccuper des capacités de ton corps, le cerveau peut se concentrer à 100 % sur le pilotage…» La récompense ? 350 heures de cours réparties sur une année, touchant préparation physique, mentale, diététique, sophrologie, mécanique, communication, etc., le tout agrémenté d’une bourse de 30 000 euros. Une victoire de plus pour ce jeune talent qui accepte sa réussite avec une simplicité déconcertante.

«ROULER, ROULER, ROULER…»

Visiblement, il y a là un talent naturel qu’il lui faut maintenant développer dans un contexte encore plus compétitif, et plus régulièrement. Fin novembre, Karen a participé à la finale (hors championnat) de la série Mitjet à Nogaro, au sein du Team Racing Spirit of Leman de Patrick Barbier (ex-Cool Racing), avec une belle 7e place à la clé. Un galop d’essais en vue d’une possible saison 2022 en Championnat de France : «je ne veux pas brûler les étapes» confirme-t-elle, «je n’ai jamais participé à un championnat complet, je sais que je peux aller vite, mais je manque de métier. Je dois rouler, rouler, rouler. Le Championnat Mitjet est intéressant, financièrement accessible, avec 35 à 50 voitures identiques, et du niveau : à Nogaro, au terme des 4 Heures, les quatre premiers se tenaient en 2 secondes !» La jeune Fribourgeoise sacrifie tout à ses objectifs, partageant son temps entre l’entraînement physique, la recherche de sponsors, qu’elle démarche elle-même, et une formation de… mécanique, dans le garage familial à Pont-la-Ville «pour bien comprendre tout ce qui se passe dans la voiture quand je roule. Mon objectif est de devenir pilote professionnelle. J’aimerais aussi participer aux 24 Heures du Mans. Et j’aime le sprint. Le DTM par exemple, est un rêve lointain. Je sais que je suis « vite » , et une fille qui va vite, c’est un peu recherché actuellement. Ça devrait aller !»

Une belle expérience Nogaro pour clôturer la saison.

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