/advancedadventures Collection #2 Français

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Franรงais

Adventures Collection /advancedadventures


En revenir à l‘essentiel en vol bivouac. Dormir en s‘enroulant dans le parapente.


Get inspired

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Get inspired

/advancedadventures

C’est avec plaisir que nous t’envoyons le deuxième recueil des /advancedadventures. Grâce au soutien des pilotes et d’athlètes amateurs d’aventures, nous sommes à nou­ veau en mesure de rassembler un mélange stimulant des récits d’aventures de vol du monde entier. Dans une époque où tout va vite, où l’accès à l’information se fait presque exclusivement de façon numérique et où l’expérience se partage surtout par le biais des canaux éphémères des réseaux sociaux, le besoin se fait sentir, plus que jamais, de pouvoir retrouver et lire des récits intéressants, illustrés d’images magni­ fiques, dans un magazine de haute qualité. La réception faite au premier recueil a été exceptionnelle et nous a montré que les aventures plus “faciles” des pilotes de loisir ont suscité au moins autant d’intérêt que les projets plus extrêmes. Nous avons voulu en tenir compte et nous avons donc aug­ menté en conséquence la proportion de ces récits de „monsieur tout le monde“. Les aventures les plus séduisantes commencent parfois devant notre porte. Nous espérons donc encore une fois que ces récits captivants et uniques d’/advanced­ adventures présentés dans ce magazine seront source d’inspiration et d’encourage­ ment pour tes propres projets et micro-aventures. N’oublie pas de raconter et de partager tes expériences personnelles avec le hashtag #advancedadventures. La pro­ chaine parution sera publiée dès que nous aurons rassemblé une nouvelle collection d’exploits en tout genre. Est-ce que ton histoire en fera partie? Peut-être…

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#2


Aventures autour du Monde 7

Danse sur le volcan Premier vol depuis le Nevado del Ruiz en Colombie

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Sommaire

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Volbiv porté par le vent Une aventure à pied et en parapente depuis le pas de sa porte 63

Vol du toit des Alpes

Mont-Blanc - le plus haut décollage des Alpes

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Le défi de la plaine Un jour parfait en Pologne

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Vers l‘ouest L‘aventure c‘est le voyage

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Accéder aux cieux des alpinistes Une boucle en vol-bivouac au coeur du Karakorum

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En route pour la Mongolie Sur la route et au-dessus à travers l’Asie centrale

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Himalayan Tandem L‘aventure est parfois différente

57 Magikistan Volbiv à travers le Tadjikistan

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Fly a Bike Une cascade aventureuse

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Vol sous le soleil de minuit Un voyage de survie sub-polaire à travers l’Alaska

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Sommaire

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#2


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Danse sur le volcan

Key Visual mit Weite. Wirkt das auch im Hochformat gut?

Ce principe de base de l‘alpinisme est essentiel pour un Vol Rando en haute montagne : plus on part tĂ´t, plus on a des chances de rĂŠussir.


#hikeandfly #volcano #colombia

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Danse sur le volcan

Danse sur le volcan Premier vol depuis le Nevado del Ruiz en Colombie

Un volcan de 5.300 m au milieu de la Colombie, une alerte de niveau jaune, et trois pilotes qui étaient attirés par cet endroit réputé inaccessible. Michael Witschi, Tobias Dimmler et Ivan Ripoll ont volé depuis le Nevado del Ruiz. Mais le voyage qui les a menés jusqu’à cet atterrissage réussi a été long. Et les gardes du parc n’avaient pas besoin d’être au courant. Michael Witschi raconte ...

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Danse sur le volcan 8

Les flancs ridés du Nevado del Ruiz font penser à la surface de la lune.

Après mes deux aventures de Hike & Fly en 2017 aux Farallones de Cali et à Citla­te­petl je rêvais de nouveaux vols en Colombie. Les possibilités semblaient bonnes tout d’abord parce qu’il existe huit sommets au-dessus de 5.000 mètres qui n’attendent que nous dans ce pays. Tobias et Ivan voulaient également se joindre à moi mais les obstacles se sont révélés aussi grands que le sommet choi­ si. Un à un les sites possibles de vol se sont volatilisés. Pour certains, les locaux n’avaient aucune donnée, pour d’autres l’activité volcanique pouvait se révéler trop forte, et tous les autres étaient in­ terdits par les autorités. Finalement une seule option s’offrait à nous : le Nevado del Ruiz à 5.200 m. C’est un volcan clas­ sé au niveau de risque jaune « clairement imminent ».

de Manizales, un endroit situé exacte­ ment entre Medellín, Bogotá and Cali. Un court trajet en voiture de location nous a amenés jusqu’à l’hôtel et de là nous nous sommes dirigés vers le parc natio­ nal. Là, les gardes du parc nous ont ren­ seignés sur le parc et nous ont expliqué comment nous devions nous comporter une fois dans ses limites. Nous devions nous déplacer seulement en convoi de façon à permettre une possible évacua­ tion rapide. Nous avons donc vérifié en­ core une fois qu’on attendait de nous un « comportement normal ». Le volcan peut se révéler dangereux à tout mo­ ment. Certes nous étions libres de nous déplacer, mais seulement en-dessous de 4.000 m. Nous avons quitté les gardes du parc assez déçus.

Un paysage lunaire Alerte de niveau JAUNE Frustrés de ne pas pouvoir réaliser au­ cun autre plan, nous avons décidé logi­ quement de tenter notre chance sur le Nevado del Ruiz. On a réservé un hô­ tel aux Termales des Ruiz à 3.500 m et le projet a aussitôt démarré. J’ai retrou­ vé Tobi et Ivan à La Nubia à l’aéroport

La route se dirigeait vers le nord, sur les flancs et dans les vallées du volcan, cha­ cune de nature très différente : la pre­ mière d’un vert généreux, la seconde semblable à un paysage lunaire, avec une odeur désagréable de soufre. On s’est arrêtés pour jouer dans le vent avec nos voiles. Après cela nous sommes

revenus à notre hôtel, nous avons fait quelques recherches sur le sens précis d’une alerte de « niveau jaune » et nous en avons conclu que le risque pour nous était relativement peu élevé. On a donc décidé de faire l’ascension du Nevado del Ruiz par sa face nord - dès le lendemain.

Obstacles inattendus On est partis à 7h30 du matin. On fait par­ ti­culièrement attention parce qu’on ne veut pas tomber sur un garde du parc. La vue est à couper le souffle. On grimpe jusqu’à la première neige à 4.950 m, mais la réa­ lité s’impose à nous pour la première fois. On ne peut pas planer en partant d’ici avec nos ailes légères de 16 m2 parce que la densité de l’air est trop faible et le vent de travers est trop fort. On fait donc de­ mi-tour et on revient sur nos pas. On se retrouve un peu plus tard en plein brouil­ lard. Avec zéro visibilité on marche avec peine dans ce désert lunaire fait de lave, de poussière et de sable. Il n’y a qu’un seul point positif : on peut clairement voir chaque empreinte de pas et donc on peut garder la trace de notre propre itinéraire. Notre conclusion : on va réessayer demain, mais en partant deux heures plus tôt.


Grondements de tonnerre au loin

Danse sur le volcan

Les blocs de rocher au pied du volcan pourraient faire battre plus vite le cœur des amateurs d‘escalade de blocs.

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On part à 5h00 le lendemain matin. On entendait des grondements de tonnerre au loin et on voyait des éclairs, mais on avait une belle pleine lune au-dessus de nos têtes. Aujourd’hui le vent soufflait de l’ouest, comme nous l’indiquaient les nuages de vapeur qui montaient du vol­ can. On a opté pour le versant nord et on a suivi le même itinéraire que la veille, simplement cette fois-ci on est montés plus haut, jusqu’à atteindre une langue de glace sous la couronne du cratère. A 5.120 m au-dessus du niveau de la mer, on déplie nos voiles. Maintenant il nous reste à négocier le décollage : malheu­ reusement la brise est descendante. La combinaison entre un air peu porteur, des ailes de petite surface et une brise descendante n’est évidemment pas un contexte favorable. On recherche une rupture de pente bien raide sans trop de gros blocs de rochers. Comme j’avais la plus grosse charge alaire, j’ai été le pre­ mier à tenter. Comme Usain Bolt à la conquête du record du cent mètres, je me suis élancé vers le vide et j’ai bien­ tôt senti la voile au-dessus de ma tête, mais elle ne me portait pas autant que je l’avais espéré. Finalement, j’ai dû re­ lever mes jambes – j’avais vraiment trop de vitesse – et j’ai espéré, prié, que ma finesse lamentable soit meilleure que la pente du volcan.

Déjà les thermiques du matin Ça s’est passé comme ça. J’ai coupé à haute vitesse les flancs de la montagne, et j’ai bientôt glissé directement dans les thermiques du matin. En fait dès 8h00 du matin, il y a déjà des possibilités de gains importants, si bien que même avec une voile de 16 m2 je monte. En me retour­ nant, je vois Tobi et Ivan, tous les deux en vol en toute sécurité. Je dois rapidement commencer à songer à mon atterrissage. A 4.000 mètres, dans les premiers pâtu­ rages à vaches, je me pose doucement après quelques ressources thermiques – et je ne peux réfréner mon cri de joie. Incroyable! Ça a marché! Nous sommes les premiers à avoir volé depuis la face nord du Nevado del Ruiz. Le volcan a bien voulu de nous et il n’y a eu aucun garde à l’horizon. Les choses n’auraient pas pu mieux se passer.

Est-ce que la voile de 16 m2 pourra planer jusqu‘à la vallée?

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STRAPLESS

About Tobias Dimmler travaille comme p ­ ilote de biplace et photographe professionnel. Michael Witschi est un ancien pilote de compétition et il va souvent en Amérique

On ré-essaiera demain. Michael Witschi

du Sud pour ses affaires. Ivan Ripoll tra­ vaille comme pilote de biplace profession­ nel et comme ­moniteur de parapente.

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Volbiv porté par le vent

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Volbiv porté par le vent

#volbiv #hikeandfly #fromathome

Une aventure à pied et en parapente depuis le pas de sa porte

Melanie et Christian Weber sont frère et sœur. Avec le photographe Adi Geisegger, ils ont entamé un vol-bivouac depuis le pas de leur porte. Ils ont dormi là où les thermiques les déposaient, enroulés dans leurs parapentes. Ils ont découvert de nombreuses choses à proximité de chez eux et se sont étonnés de perdre à ce point la notion du temps et du quotidien.


Volbiv porté par le vent 11 Au fur et à mesure que les pilotes s‘approchaient du Zugspitze, les brises de vallée et les conditions devenaient plus complexes et exigeantes.

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Volbiv porté par le vent 12

Le petit matin est une touche d‘or. Qu‘est-ce qui pourrait être plus beau que de grimper dans cette douce lumière matinale - avec une vue sur tous les sites de décollage?


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Volbiv porté par le vent 14

Même avec du matériel léger et compact, le poids total est important pour un volbiv. Un sac de portage confortable est essentiel.

Réduire ses besoins vitaux au strict minimum et compter uniquement sur soi est de nos jours une expérience inestimable. Melanie Weber

«Je ne connais pas d’aéronef plus simple que le parapente», déclare Adi Geisegger. Une fois les suspentes démêlées et l’es­ pace aérien contrôlé, c’est parti. Une simplicité qu’Adi Geisegger et Melanie et Christian Weber comptent bien célé­ brer. Ils ne partent pas à la chasse aux records dans l’Himalaya, mais pour une aventure adaptée à tout pilote de loisir et dont le point de départ se situe sur le pas de leur porte, en Allgäu (Allemagne). «Nous sommes juste partis dans une di­ rection différente que d’habitude depuis ce déco», indique Adi quant au choix de leur itinéraire.

Itinéraire en fonction de la météo Dès la première traversée, le vol devient ainsi une véritable exploration. «Par bon­ heur, notre site de vol ne comporte pas de systèmes de vents de vallée très pro­ noncés et les atterros potentiels sont donc nombreux», explique Adi au su­ jet du vol libre en Allgäu. Un pilote at­ teint rarement ses limites, ici, «même si du point de vue des paysages, le site a beaucoup à offrir.» Ainsi, l’Allgaü convient aussi aux pilotes moins expérimentés. Dès le départ, la météo se montre peu

favorable. Ils avaient prévu de quitter le «Mittag», leur montagne locale située près d’Immenstadt, en direction du lac de Constance, mais le vent d’ouest s’avère trop fort. «Nous avons donc improvisé et fait au mieux», raconte Adi. Au lieu de pester contre les dieux du temps, ils mo­ difient spontanément leur cap : direction l’est – avec, et non contre le vent.

Vol libre Pourtant, les conditions restent moy­ ennes. Le premier jour, nos aventuriers se retrouvent au sol à l’issue même de la première grande traversée en direction du Spieser, près de Bad Hindelang. Le lendemain, des nuages peu rassurants s’étendent vite à la verticale. Les pilotes atteignent néanmoins la base et pour­ suivent vent dans le dos, direction Reutte. La grande cuvette exige alors de prendre une décision : à gauche en direction du lac Plansee, ou à droite vers la vallée de Heiterwang? La décision revient à Adi, le pilote le plus expérimenté du groupe : la val­ lée de Heiterwang semble plus promet­ teuse. Mais le vent de vallée et le vent


Volbiv porté par le vent 15

Un site de décollage parfait avec un vent parfait ne garantit pas un long vol, mais est-ce important? Ce qui compte c‘est l‘expérience, et cela commence au décollage.

suprarégional se mettent en travers de ce projet et les trois pilotes se posent au bord du lac de Heiterwang. «Les mauvaises décisions font partie du vol libre», déclare Adi en riant. «Voilà pourquoi je vole encore après 23 ans.» À chaque survol, un même endroit peut s’avérer totalement différent. La direction du vent, la saison, l’ensoleillement, les couches de l’atmosphère : en fonction d’innombrables variantes, un itinéraire s’avère efficace ou non.

Bivouac et feu de camp Le vol-bivouac, c’est aussi ça : recou­ rir spontanément à un plan B et toujours voir le côté positif des choses. Ainsi, les pilotes malheureux profitent bientôt d’un restaurant au bord du lac de Heiterwang et prennent des forces pour l’ascension de la Kohlbergspitze et les 1.200 m de dénivelé qui les attendent le lendemain. La petite équipe passe ensuite la soirée et la nuit au coin du feu, chacun enroulé dans son parapente. Le lendemain, les thermiques restent tout aussi discrets. Les pilotes changent une nouvelle fois

Des champs et des coulées de neige, des passages avec corde fixe : la montée au Zugspitze n‘est pas de tout repos.

Nous avons improvisé et tiré le meilleur parti de la situation. Christian Weber

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Volbiv porté par le vent 16

Les avantages d‘une aventure en volbiv proche de la civilisation : tu peux passer la soirée autour du feu avec un verre de vin acheté dans une maison d‘hôte.

About Adi Geisegger vole en parapente et en delta depuis le début des années 1990. Ces dernières années, le photo­ graphe et vidéaste se déplace aussi souvent en paramoteur. Melanie Weber a découvert le pa­ rapente il y a six ans. Passionnée de Hike & Fly, elle remplissait toutes les conditions nécessaires pour sa première aventure vol-bivouac. Profiter du silence, être complètement dans l‘ici : la méditation est plus facile que beaucoup pourraient le croire.

Christian Weber Christian pratique le vol libre depuis huit ans. En vol de distance, il apprécie particulièrement

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la concentration lorsqu’il enroule les ­thermiques et cette sensation de liberté infinie lorsqu’il atteint la base. Film

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Volbiv porté par le vent 17

C‘est ces moments avec des conditions de lumière incomparables et la nuit à la belle étoile qui rendent le vol bivouac inoubliable. On en oublie rapidement le froid et l‘humidité.

leurs plans et passent une magnifique journée au Hebeltaljoch. Du temps libre, le silence de la montagne – s’évader du quotidien peut s’avérer tellement simple.

Temps fort à la Zugspitze Le dernier jour du voyage, les prévisions météo finissent par annoncer de su­ perbes conditions de vol. « Nous vou­ lions achever l’aventure par un vrai temps fort », explique Adi. Il pense à un décol­ lage depuis la Zugspitze. Pour atteindre cet objectif, Mélanie, Chrisitian et Adi ont décollé tôt le matin du Hebeltaljochen et se sont posés sur le versant tyrolien au pied du sommet le plus élevé d’Alle­ magne. Le temps pressait et le vent al­ lait se renforcer dans l’après-midi, qui pourrait empêcher de décoller. Après le silence de l’ascension de 2.000m, l’am­ biance de fête de la bière, qui règne à la gare d’arrivée du téléphérique et près du sommet, est un véritable choc. Le trio sa­ voure d’autant plus les derniers mètres jusqu’au déco, un peu plus bas. Entre le glacier, les échelles et les points de fixa­ tion pour les cordes, le calme revient vite. Malgré les puissants déclenchements thermiques qui compliquent le décollage,

Le plus beau, dans le vol libre, c’est qu’on n’a jamais fini d’apprendre. Adi Geisegger

les trois pilotes parviennent à s’envoler en sécurité. Pour Adi, la sensation de pla­ ner au-dessus des gigantesques parois rocheuses de la Zugspitze est indescrip­ tible et constitue une belle récompense après la rude ascension.

Voler, c’est découvrir «Qu’on vole 20 ou 200 km n’a pas vraiment d’importance», résume Adi. L’essentiel, c’est «de découvrir des sec­ tions et des sites qu’on n’avait jamais vus et d’atterrir là où on ne s’était jamais posé avant.» Un objectif pleinement at­ teint par le petit groupe de libéristes au cours de son expédition depuis le pas de sa porte. advance.ch /advancedadventures

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Vol du toit des Alpes 18

Fred a gravi les pentes enneigées du Mont-Blanc de nombreuses fois par de differentes routes, mais l‘émerveillement est toujours présent.


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Vol du toit des Alpes

Vol du toit des Alpes

#hikeandfly #climbandfly #allmountain

Mont-Blanc - le plus haut décollage des Alpes

C‘est le rêve de tout parapentiste de s‘envoler du Mont-Blanc. Fred Souchon l‘a fait de nombreuses fois. Le plus haut sommet des Alpes est sa petite colline à lui. Mais c‘est de suivre les courbes presque sans fin de ses reliefs escarpés et des séracs de ses glaciers qui font de ce vol, pour cet expert du secours en montagne, une expérience unique – à chaque fois.

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Vol du toit des Alpes 20

Fred n‘est pas tout seul à monter au plus haut sommet des Alpes. Par contre, il y est à la descente.

Quand je vois cela, ça me rappelle à chaque fois à quel point on est minuscules et fragiles dans cet océan de neige et de rocher. Fred Souchon

C’est un véritable paysage de carte pos­ à quitter le sol du sommet des Alpes n’en tale. Le soleil est comme suspendu dans est que plus incroyable» dit-il pour la dé­ le ciel à l’est comme un disque d’argent crire. Il continue en expliquant qu’à ce moment-là, il a toujours envie de pous­ luisant, son cercle envoyant des rayons d’aiguilles d’argent dans un ciel bleu vif. ser un cri de joie. Fred Souchon a apprécié bien souvent ce spectacle parce que, en tant que se­ Une suite de paysages grandioses couriste dans le massif du Mont Blanc, il est de sortie sur la plus haute montagne On n’a pas vraiment le temps de profi­ des Alpes ou ses alentours, pratique­ ter de la vue du décollage que déjà de ment tous les jours. Et pourtant, ce mo­ nouveaux panoramas à couper le souffle ment est toujours une expérience unique, t’attendent. Tout de suite après le décol­ même pour lui. C’est à cet instant qu’il lage, on survole des crêtes rocheuses et peut prendre la décision de savoir si le vol des glaciers avec des crevasses béantes. du sommet du Mont Blanc va être pos­ En plus, on peut observer d’en haut sible ou pas. «Jusqu’au tout dernier mo­ de nombreux alpinistes sur les rochers. ment tu ne peux pas dire si tu vas réus­ “Quand je vois cela, ça me rappelle à chaque fois à quel point on est minus­ sir à décoller» explique Souchon. “Cette sensation, quand tes pieds commencent cules et fragiles dans cet océan de neige

et de rocher. C’est ce qui rend ce vol ma­ gique” explique Souchon, dans un sou­ rire rayonnant.

Ascension nocturne de 4.000 m Cette magnifique expérience prend un peu de temps. Le vol de Souchon com­ mence la veille, avec l’ascension jusqu’au sommet à pied. Il n’est pas surprenant que ce secouriste expériementé la fasse sans l’aide du téléphérique : “Je grimpe de Chamonix jusqu’au sommet pendant la nuit. Cela fait près de 4.000 mètres, je pense que c’est vraiment une belle fa­ çon de relier Chamonix et le sommet du Mont-Blanc. Marcher de nuit, voir le lever du soleil au sommet, et ensuite décoller – il n’y a rien de plus beau”. Le sommet du Mont Blanc présente cet avantage que


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Les conditions du décollage à 4.810 m : „monsieur tout le monde“ doit prendre une grande respiration, mais c‘est un jeu d‘enfant pour les habitués bien acclimatés comme Fred.

l’on peut décoller dans plusieurs direc­ tions. Il y a le décollage nord côté fran­ çais, mais également le décollage en di­ rection du sud, vers l’Italie. Après avoir décollé, on peut aller voler vers n’importe quel côté sans problème. Le survol de la zone est interdit tant du côté français qu’italien du 1er juillet au 31 août (pour la France) ou au 12 octobre (pour l’Ita­ lie). “En fait, tu peux aussi décoller vers l’ouest mais ce n’est pas si facile” ajoute Souchon. “Et s’il y a trop de vent au som­ met, tu as toujours la possibilité de par­ tir du dôme du Goûter (4 304 m) ou du Tacul (4 238 m).”

L‘altitude et la neige rendent le décollage plus difficile Même si voler du Mont Blanc a l’air facile quand Souchon en parle, il précise quand même qu’on ne doit pas se lancer dans cette ascension à la légère et sans pré­ caution. Il est important d’être en bonne forme physique, et aussi d’avoir du ma­ tériel adapté. Cela vaut aussi si on choisit de faire l’ascension au départ du téléphé­ rique de l’aiguille du Midi. C’est pourquoi Souchon conseille de prendre un guide. La neige et surtout l’altitude rendent le

Celui qui vole ici a toujours la banane : ça évite les risques de chutes de pierres et les crevasses à la descente.

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La neige et surtout l‘altitude rendent le décollage beaucoup plus difficile qu‘un vol comparable à 1.000 ou 2.000 mètres

Les wingovers devant la langue du glacier Tout de suite après son décollage, Fred Souchon se dirige vers la vallée. Il sur­ vole le Mont Maudit, le Mont Blanc du Tacul et glisse ensuite vers l’Aiguille du Midi et la “Mer de Glace”. Le plaisir par­ ticulier de ce vol le pousse à suivre le relief d’aussi près que possible, le long des crêtes rocheuses accidentées et au-dessus des pentes douces du gla­ ­ cier. La haute vitesse atteinte par sa voile montagne légère rend l’expérience en­ core plus intense. Dès que le glacier de­ vient plus abrupt, et que la glace se brise en énormes séracs suspendus, Fred s’aligne sur le terrain en faisant quelques wingovers au-dessus de la langue du glacier, pour rester bien collé au paysage. Au fur et à mesure que ses vols du Mont Blanc se font plus nombreux, il s’aven­ ture toujours plus près, pour jouer un jeu de défi, tout en cherchant à réaliser une approche parfaite.

Un long plané vers la vallée Après environ 40 minutes de vol, ses pieds touchent enfin le sol de la vallée à l’atterro du Bois du Bouchet. Et tan­ dis que sa voile retombe derrière lui, Fred Souchon se retourne pour un dernier re­ gard vers le sommet qui s’élève majes­ tueusement au-dessus, très haut dans le ciel, sa blancheur éclatante se détachant sur le fond bleu du ciel. Et bien que Fred Souchon puisse profiter de cette vue presque chaque jour, il lui faut souvent autant de temps au sol qu’en l’air pour se remettre de toutes ses émotions !

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Vol du toit des Alpes

Fred Souchon

décollage beaucoup plus difficile qu’un vol comparable à 1.000 ou 2.000 mètres”, prévient Souchon.

D‘énormes glaciers suspendus, des ravins raides de glace, des arêtes de granite dentelées : vu du ciel, on comprend pourquoi Chamonix est la Mecque des alpinistes.


Vol du toit des Alpes 23

D‘abord la montée, puis la partie agréable : presque 3.800 m de plané jusqu‘à la vallée verte de Chamonix.

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PIPACK

About Fred Souchon, alpiniste et parapen­ tiste passionné, est un guide de haute montagne diplômé. Il travaille comme secouriste en montagne à Chamonix. On peut le croiser toute l’année avec son parapente, ou avec ses cram­ pons, sa corde et son piolet autour de ­Chamonix - ou sur d’autres montagnes ailleurs dans le monde.

Dans ce type de terrain, il est absolument essentiel d‘être au top niveau physique et technique et d‘avoir le bon matériel. Fred Souchon

Film youtu.be/uS8XYQwF9tM

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Le dĂŠfi de la plaine 24

Conditions de vol parfaites : des rues de nuages qui se succèdent.

Le vol au treuil rend possibles les records de vol en plaine.


#xcflying #flatlands #winch

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Le défi de la plaine

Le défi de la plaine Un jour parfait en Pologne

Après seulement quatre ans de pratique du parapente, Lukasz Prokop avait déjà battu deux fois le record polonais de vol de distance. Le 4 juillet 2018, il a de nouveau surclassé le record national, pour la troisième fois – avec un vol de 343 km où presque tout a bien marché. Cette aventure aérienne au beau milieu de la Pologne a commencé la veille au soir pour Lukasz.

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#2


Je suis accro au parapente

Rien n’arrête Lukasz Prokop quand les cartes lui prédisent une journée fantas­ tique ; tous ceux qui le connaissent le savent. Si la météo, l’espace aérien, sa vie personnelle et professionnelle le per­ mettent, il ne s’épargne aucun effort. C’est ce qui est arrivé le jour de son der­ nier record. La veille au soir, il a pris le car à neuf heures du soir, en route pour le site de décollage parfait – à 500 kilo­ mètres. Le lendemain à 4h du matin, il est descendu du car à Borowa près de Wrocław et a parcouru à pied les deux derniers kilomètres. Le treuilleur n’arri­ vant qu’à 10:00, il a pu dormir quelques heures avant le grand vol.

Rien ne marche sans soutien Sans le soutien de son entourage il n’arri­ verait pas à battre des records de vol, dit Lukasz. “J’ai un super boss”, dit-il. “Il sait tout de suite ce qui m’arrive si je n’arrête pas de regarder dehors.” Les jours qui présentent un potentiel de record Lukasz peut prendre un congé pour voler. De toute façon, il n’aurait pas la tête à son

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Le défi de la plaine

Lukasz Prokop

Pourquoi se lancer un tel défi? Pour un vol de neuf heures, bien sûr. Pour une distance libre de 343 kilomètres. Pour un record de Pologne. Ce sont toutes de bonnes réponses, mais l’amour du vol est encore plus important. “Je suis accro au vol” dit-il souvent. Au début de sa car­ rière de pilote Lukasz restait souvent en arrière au décollage, même si les condi­ tions étaient volables – mais pas suffi­ santes pour de longs vols. “Et puis très souvent le treuilleur ne travaillait que pour moi et mon ami dingue de vol”, et il sou­ riait en se rappelant ses premiers vols.

Les zones réglementées et les terrains militaires dominent l‘espace aérien au sud de la Pologne.

Une base de nuages assez haute, des cumulus aplatis, une vue magnifique - les conditions comme on les aime.

travail s’il avait à rester au bureau - tel est l’avis de son chef. Sa vie personnelle aussi doit se baser sur la vie des nuages. Quand il s’est marié en 2016, sa lune de miel – à la grande déception de sa femme Aneta et sans doute aussi son inquiétude – pouvait pa­ raître assez anticonformiste. “On s’est mariés un dimanche ; la prévision météo pour le mardi suivant était prometteuse”, se souvient-il. Alors il a quitté sa femme sans délai, deux jours après le mariage, pour partir vers un site de décollage à 200 km de là. Et malgré cela : après que son “vol de mariage de 329 kilomètres” eut battu le record de Pologne pour la deuxième fois, sa femme est venu le ré­ cupérer après son atterrissage. Un tel soutien est indispensable.

Tout doit être parfait Lukasz Prokop est originaire de Świdnik, une petit ville au sud-est des plaines po­ lonaises, où un long vol ne vous tombe pas vraiment tout cuit dans la bouche. Ici, si on veut voler loin, on doit en faire davantage qu’un pilote dans les Alpes. Ce n’est pas simplement une question de topographie ; tu dois contacter tout de suite les contrôleurs aériens : en effet en dehors des couloirs aériens civils un itinéraire de vol de distance croise sou­ vent des zones militaires temporairement interdites. Pour un jour parfait de vol en Pologne on n’a pas seulement besoin de l’aide des dieux du vent, mais il faut aussi avoir les militaires de son côté.

Polish Air Navigation Services Agency | www.amc.pansa.pl

Pour l’amour du vol


Après le plus long vol, la récup la plus rapide : Aneta vient à la rencontre de Lukasz dans son plané final et le retrouve à l‘atterro.

Le défi de la plaine

Ma femme est un soutien incroyablement important pour moi pendant les vols.

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Lukasz Prokop

Le jour parfait en Pologne Même si le vent est faible pour son vol record, et que le décollage est un peu paresseux, Lukasz ne se laisse pas dé­ courager. Après avoir enroulé pendant une heure et demie sous le premier cu­ mulus rencontré, il atteint enfin la base du nuage. “Un plafond à 2.600 m dans les plaines de Pologne, c’est totale­ ment incroyable – ça n’arrive jamais” se souvient-il.

Pendant le vol, Lukasz a trouvé le temps d’envoyer occasionnellement un mes­ sage à sa femme Aneta : “De temps en temps, je lui envoyais ma position ac­ tuelle et mon itinéraire prévu.” Pendant son plané final, Lukasz reçoit tout à coup un SMS d’Aneta. “Coucou chéri, je te vois”, lui disait-elle. Quand elle a vu qu’il volait vers le sud-est elle a décidé d’al­ ler le récupérer. “Aneta était là deux mi­ nutes après mon atterrissage” se sou­ vient Lukasz, “J’étais l’homme le plus heureux du monde”. Après le plus long vol, la récup la plus rapide : on ne peut pas faire mieux.

Mais il ne pense pas encore à un record. Son plan est juste de rester en l’air aus­ si longtemps que possible. Lukasz n’ac­ corde pas trop d’attention aux kilomètres. Mais quand son GPS indique 200 km il Et maintenant? 400 kilomètres. commence à faire attention à son itiné­ “Dès le début de ma carrière de parapen­ raire. Et même à ce stade l’idée d’un re­ tiste, j’ai pris conscience que j’avais une cord ne lui semble pas nécessairement bonne disposition pour le vol de dis­ réaliste. “Ce n’est que quand j’ai pu attra­ tance” ajoute modestement Lukasz lors de son troisième record. Mais ce n’est per le dernier thermique de la journée que je sais que ça suffit”, reconnaît Lukasz. pas seulement le succès qui le motive. Son vol record est en fait non seulement C’est plus l’idée que le but est toujours la plus grande distance mais également, à l’horizon - même quand il paraît inattei­ gnable. Tandis qu’il replie son aile Lukasz avec une durée de neuf heures, le plus long vol d’endurance en Pologne. prend une décision : “400 kilomètres en Pologne, c’est le prochain grand vol.”

About Aneta et Lukasz Prokop se sont mariés en 2016 et habitent dans le sud-est de la Pologne. Pour chacun des trois records de Pologne de Lukasz en 2015, 2016 et 2018, Aneta a fourni le soutien au sol et l’a récupéré sur ses sites d’atterris­ sage. Lukasz est un ingénieur de forma­ tion et vole surtout en Pologne depuis 2012, mais il est également allé deux fois au Brésil dans sa chasse aux kilomètres. Son prochain but : 400 km en Pologne. Equipment

IOTA 2

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Vers l‘ouest

#volbiv #hikeandfly #crosscountry

Vers l‘ouest L‘aventure c‘est le voyage

C‘est par une journée humide d‘hiver qu‘ Olga von Plate s‘est enfin décidée à réaliser un rêve qu‘elle caressait depuis longtemps : partir en vol bivouac avec une amie. Passer trois semaines à traverser la principale chaîne des Alpes autrichiennes pour apprendre à (mieux) connaître les lieux et les gens – mais surtout elle-même : quelle distance elle pourrait parcourir n‘était pas la question pour elle. Cela serait une expérience et par-dessus tout : une aventure, comme l‘explique Olga ...


Vers l‘ouest 29 Bel endroit pour la nuit avec bain naturel inclus. Malheureusement le temps est trop froid pour piquer une tête - sans parler de la température de l‘eau!

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Vers l‘ouest 30

Vent nul, thermiques faiblard : il va falloir de la patience. La journée sera-t-elle conforme à la prévision météo?

Dans mon journal, j’ai écrit : “Je veux me mettre en route, juste partir. Mettre un pied devant l’autre dans le seul but de marcher. J’ai besoin de réfléchir à ce qui est essentiel dans la vie, pour moi. Quoi manger? Où dormir? Quel temps va-t-il faire? Pas demain : il s’agit d’aujourd’hui; ici et maintenant.”

Si je me crashe et que je me blesse le dos, je ne peux pas en commander un tout neuf sur Internet. Olga von Plate

Les longues marches rendent l’esprit plus clair. A notre époque on peut tout copier ou répéter. On regarde en ar­ rière pour pouvoir tout revoir sur Internet. C’est comme ça partout mais pas ici; et encore moins pour moi, telle est ma de­ vise. Il y a tant de choses qui sont deve­ nues virtuelles : les relations amicales, la connaissance, les souvenirs. Cela peut paraître étrange, mais j’ai soif d’absolu. Être vulnérable aux choses qui n’arrivent qu’une fois, à un endroit dans le monde. Si je suis trempée de pluie, je ne peux pas appuyer sur “cmd+Z”. Si j’attrape des coups de soleil, je ne peux pas ap­ puyer sur le bouton “replay”. Et c’est cela qui rend l’aventure si belle et si unique.

Planification Toutes les aventures commencent d’abord dans la tête, et ce voyage a déjà commencé au printemps. J’écris diffé­ rentes versions de listes de matériel à emporter, je passe en revue les expé­ riences de mes balades bivouac passées, je m’entraîne à des montées raides, à de longues marches et à la réduction de mon matériel. Chacun de ces éléments doit être pesé, repesé mis en question avant d’être approuvé. Les fanatiques du trek ultra-léger suivent une règle d’or : “alléger chaque pièce d’équipement d’un tiers.” Vraiment tout. Ainsi les chaussures de montagne deviennent des chaussures de running, une brosse à dents devient juste une petite brosse, un matelas de couchage devient un demi-matelas. Une tente ultra-légère devient juste la toile de tente, et la toile une toile ultra-légère. Et fi­ nalement j’en viens à moi. A mes propres exigences - juste ce qu’il faut. Je ne veux pas faire de compromis en matière de sécurité et je me décide donc pour un parachute de secours léger de 900 gr et pour la sellette légère EASINESS 2 avec son airbag bien suffisant. Les préparatifs prennent beaucoup de temps. Je passe


Vers l‘ouest 31

Marcher - voler - marcher - marcher. Au bout de quelques jours Olga suit le courant, la tête agréablement vidée.

mes soirées à stocker dans ma mémoire des photos et des topos, à étudier des cartes de températures et des systèmes de vents de vallées.

donc à pied qu’on parcourt les 30 km qui nous séparent du refuge de Bürgl où Moni me fait savoir qu’elle abandonne. Sur le coup, je suis terriblement déçue, puis je décide que je continuerai en solo.

Décollage Enfin, le 7 août, nous voilà parties. On prend un dernier et rapide pain au cho­ colat chez le boulanger et puis mon amie Moni et moi nous nous mettons en marche pour le Königssee. On veut attra­ per le premier bateau. En montant vers Steinernen Meer on se retourne pour je­ ter un dernier regard à Berchtesgaden. Les préparatifs de ces derniers mois et les souhaits de bonne chance de nos amis sont désormais derrière nous et les premiers mètres de la montée nous font un sacré bien. On trouve un endroit pour dormir près de Schmittenhöhe, sur un re­ plat dans une coupe de bois. Après envi­ ron 40 km de marche et plus de 2.000 m de dénivelé, on est fatiguées mais au comble du bonheur. Voilà une superbe première journée! Le lendemain, un fort foehn du sud nous empêche de nous lancer pour un vol de distance depuis Pinzgau - Zillertal. C’est

Poursuivre en solo Et je ne le regrette pas une seconde. Chaque fois que c’est possible, je dors à la belle étoile. Quand il y a de l’orage ou du vent, je me rabats sur un refuge ou une chambre d’hôte. Pour gagner du poids, je saute le petit déjeuner et je dé­ jeune dans les alpages. Ayant ainsi fait le plein d’énergie, j’enchaîne soit par un vol, soit par une marche : c’est ainsi que je passe le col du Gerloss pour entrer dans la vallée du Zillertal. Je continue ensuite par Valser Tal jusqu’au Brenner. En pas­ sant par Gschnitztal, Stubaital et en lon­ geant la crête principale du Stubai en poussant jusqu’à l’Ötztal.

Sur terre, j‘ai absolument tout fait à pied : les téléphériques, les cars, les trains ou les voitures sont tous tabous pendant trois semaines. Olga von Plate

Les jours se suivent, ils ne passent ni vite ni lentement. Le temps n’a plus d’impor­ tance. Au lieu de me poser de graves questions existentielles, ainsi que je m’y attendais, ma tête s’est tout simplement vidée. advance.ch /advancedadventures

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Vers l‘ouest 32

Des animaux comme spectateurs : certains jours comme ici dans les Alpes Stubaï, Olga a rencontré plus d‘animaux que d‘humains (Wildspitze au fond).

Malgré mes intenses préparatifs, les lon­ gues marches et les montées raides im­ priment leurs marques sur mon corps : une ampoule a enflammé ma plante de pied, tandis que les ligaments et tendons montrent des signes d’efforts excessifs. Un atterrissage non voulu dans une pente raide jonchée de cailloux dans les Alpes de Tux m’a déchiré deux tendons dans le pied gauche : mais j’ai continué à mar­ cher et à voler.

En plein flow Maintenant, au bout de deux semaines, je suis parfaitement en phase avec la lu­ mière du jour : généralement je me glisse dans mon “nid bivouac” vers 20h30, et je me réveille avant le lever du soleil. Les premières foulées du matin étaient sou­ vent pénibles, mais dès que je marchais au soleil, ça ne pouvait pas aller mieux. Parfois, la chaleur de la mi-journée me poussait à rechercher l’ombre, d’autres fois les températures négatives et les flocons de neige m’encourageaient à aller un peu plus vite. Au bout d’un moment, je revoyais mes ambitions à la baisse et mes pensées ralentissaient. On ne voit et

on ne ressent alors que ce qui est de­ vant nous. Au bout de trois semaines, je dois mettre un terme à l’aventure. A contrecoeur, je fais du stop jusqu’à Berchtesgaden. Les premiers jours, de retour chez moi, j’ai tout le temps l’impression que quelque chose me manque : le poids du sac sur mon dos. C’était devenu un petit mor­ ceau de chez moi que j’emportais avec chacun de mes pas sur le chemin.

La plupart des pilotes de distance bien entraînés auraient certainement continué à voler encore des jours – mais je dois rester réaliste et bien évaluer les risques en progressant rapidement. Olga von Plate


Vers l‘ouest 33

„Les premiers pas font souvent mal, mais dès que tu marches aux premiers rayons du soleil, ça ne pourrait pas aller mieux.“

About Olga von Plate est une alpiniste chevronnée et une parapentiste passionnée. Cette camerawoman et photographe indépendante allemande est active dans le sauvetage en montagne depuis dix ans. Couchage de luxe sur la paille - garanti sans condensation : l‘équipement n‘a pas besoin de sécher le matin.

Equipment

Dans la vie, on se pose tellement de questions. Pour moi en vol bivouac il n‘y a qu‘une seule réponse : aller toujours vers l‘ouest ! Olga von Plate PI 2

EASINESS 2

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AccĂŠder aux cieux 34

Vu du ciel, Damien et Antoine ont dans leur champ de vision la plupart des sommets sur le total des huit 8.000 m et des soixante-trois 7.000 m du Karakorum.


#volbiv #paraalpinism #karakoram

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Accéder aux cieux

Accéder aux cieux des alpinistes Une boucle en vol-bivouac au coeur du Karakorum

Au cours de leur expédition de six semaines au Pakistan, Damien Lacaze et Antoine Girard ont parcouru plus de 1.500 km de vol, effectué le deuxième vol le plus haut dans l’histoire du parapente, bivouaqué à plus de 6.000 m et tenté l’ascension du Spantik, qui culmine à plus de 7.000 m. Une aventure aux frontières extrêmes de ce qui s’avère humainement possible.

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AccĂŠder aux cieux 36

Vue sur une des nombreuses faces de granite vierges du Karakorum. Le Karakorum met tout alpiniste en extase.


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Accéder aux cieux 38

Les autres doivent en baver pendant des jours pour réussir leur expédition en montagne. Antoine et Damien les survolent.

Quelques suspentes, un bout de tissu, et en quelques tours de thermiques, tu atteins des endroits dont les alpinistes rêvent toute leur vie. Antoine Girard

Le départ de l’expédition près de Skardu, dans le nord du pays, commence très bien pour les deux Français Damien Lacaze et Antoine Girard, aventuriers du vol libre : les conditions de vol sont excellentes. « Nous avons dû faire l’ef­ fort volontaire de ne pas voler à plus de 6.800 m », explique Damien, « sinon, nous n’aurions pas pu nous acclima­ ter à l’altitude extrême. » Le premier vol s’avère quasiment parfait.

Premier revers dès le début Vient alors le premier atterrissage. Le terrain, un col en pente douce avec quelques blocs de pierre, paraît simple. Mais les pilotes transportent des provi­ sions, de l’eau et de l’équipement, soit plus de 35 kg chacun dans une sel­ lette bondée. Ils dépassent ainsi d’envi­ ron 15 kg la plage de poids homologuée de leur aile et volent à plus de 4.000 m d’altitude. Combinée à une charge alaire élevée, la densité réduite de l’air rend leurs ailes très rapides. « Pour cet atterrissage, comme pour presque la moitié de mes atterris­ sages au Pakistan, j’ai choisi la technique

sur les fesses », avoue Damien sans ciller. À une vitesse de près de 50 km/h à l’at­ terrissage, courir n’est pas vraiment une option. Antoine se pose un peu plus loin, mais il tente de rester debout. Sa cheville ne résiste pas à la charge et il se blesse sévèrement. « Moi, dans cette situation, j’aurais mis un terme à l’expédition », ra­ conte Damien. « J’ai dit à Antoine qu’il ne devait pas continuer juste à cause de moi. » Mais Antoine ne serait pas Antoine Girard s’il avait abandonné dès le premier revers. Alpiniste et détenteur du record d’altitude en parapente, il prend vite une décision : « Je continue. »

Une seule option : voler Antoine ne peut plus marcher et les deux pilotes changent de stratégie. « Nous nous sommes toujours posés en altitude, côté ouest d’un col, par exemple », ex­ plique Damien. Ainsi, le terrain d’atter­ rissage choisi le soir se situe souvent tout près du terrain de décollage pour le lendemain. Dans l’intervalle, le duo bivouaque en général à 5.000 m d’alti­ tude. Les deux pilotes parcourent ainsi des kilomètres sans croiser âme qui vive. « Nous avons souvent commencé à


Accéder aux cieux 39

Atterrissage à plus de 6.000 m sur le Spantik. Ils continuent à pied vers le sommet

chercher un atterro adapté dès 16 h », indique Damien quant à leur tactique. Chaque atterrissage précoce leur permet ainsi de ne pas prendre de risque de se poser en fond de vallée et donc d’éviter les longues heures de marche jusqu’au prochain déco. Mais se poser tôt signifie aussi se poser dans les conditions ther­ miques dynamiques de la haute mon­ tagne, souligne Damien : « Quand une pompe monte à 8 m/s d’un côté de la crête, tu dois pour ainsi dire toujours pas­ ser sous le vent, du côté à l’ombre, pour pouvoir descendre. » Une telle situation exige une concentration maximale et une totale maîtrise de son aile. Damien échoue pourtant une fois à mettre cette tactique en œuvre. Il se pose au fond de la vallée près d’un petit village qu’il a longtemps eu du mal à distinguer depuis les airs. Au sol, il est immédiate­ ment cerné par les habitants, excités par le parapente – ils n’en ont jamais vu et chacun veut toucher au moins une fois ce tissu mystérieux qui lui permet de vo­ ler. Damien finit par replier son matériel et lorsqu’il veut se remettre en chemin pour rejoindre Antoine, qui s’est posé

plus haut, les villageois lui prennent ses bagages des mains et l’accompagnent jusqu’à la crête. « Je n’ai pas eu le droit de porter mon sac à dos sur le moindre mètre », se souvient Damien en riant.

Échapper au Spantik Lorsque les deux aventuriers atteignent Karimabad, la météo change et ils doivent sans cesse reporter leur départ pour le Spantik. Après une semaine d’at­ tente, une fenêtre de beau temps s’ouvre enfin. Bien que la base ne soit pas assez élevée pour aller se poser sur un plateau du Spantik situé à 6.200 m, Damien et Antoine décident de tenter leur chance.

Moi, dans cette situation, j’aurais mis un terme à l’expédition. Damien Lacaze

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#2


Mais la météo se dégrade plus vite que prévu. Tandis qu’ils gravissent le sommet le lendemain, le vent forcit, il se met à nei­ ger et le manque d’acclimatation se fait peu à peu sentir. Les deux pilotes pro­ gressent à peine et décident d’abandon­ ner. Pas question d’envisager un décol­ lage en parapente. Antoine souffre de l’altitude, un possible œdème cérébral. Il doit redescendre quoi qu’il arrive. Les deux acolytes décident donc de décoller le plus vite possible mal­ gré la neige profonde et le brouillard et

préparent leurs ailes pour un vol à l’aveu­ glette. Dès que le vent se présente dans le bon sens, ils s’élancent. Ils ont de la chance : l’épaisseur de la couche nua­ geuse ne fait que 600 m. Antoine se ma­ nifeste bientôt à la radio, il va mieux, l’air plus dense le soulage. Cette fuite précipitée en parapente dure une heure et leur permet de parcourir 35 km. Pour couvrir la même distance, des alpinistes auraient mis une semaine.

About Antoine Girard, alpiniste, aventurier et pilote de parapente, a entre autres fait parler de lui en 2016, lorsqu’il a survolé

Accéder aux cieux des alpinistes

le Broad Peak. En plus du record d’al­

Voilà précisément la fascination que ­suscite le parapente en haute montagne, s’enthousiasme Antoine : « Quelques sus­ pen­tes, un bout de tissu, et en quelques tours de thermiques, tu atteins des en­ droits dont les alpinistes rêvent toute leur vie. »

titude en parapente, il détient aussi le record du vol le plus long au Pakistan. Il a fini troisième du X-Alps 2013 et qua­ trième lors de l’édition 2015. Damien Lacaze est alpiniste et pilo­ te de compétition, de distance et de ­biplace. Pour les X-Alps 2017 il était l‘assistant vol de Benoît Outters. Il a

Une semaine plus tard, Antoine et Damien prennent le chemin du retour, de Karimabad à Skardu. Ils survolent le glacier du Baltoro, longent les tours du Trango, font un peu de soaring au Broad Peak et font signe aux cordées, sous leurs pieds.

aussi fini 1er des Bornes to Fly la même ­année. Son ambition est de participer lui-même comme athlète à la X-Alps – au moins une fois.

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Accéder aux cieux

Les deux pilotes effectuent le vol de 40 km entre Karimabad et le Spantik dans une configuration de vol ultraléger, sellettes strings sans secours à la place de leur cocoon habituel. « Dans des ther­ miques atteignant parfois 13 m/s, ça peut faire peur », commente Damien. Arrivés au pied du Spantik, ils se battent pour refaire de l’altitude. Il ne leur manque que quelques mètres pour pouvoir at­ teindre le seul endroit adapté sur ce pla­ teau à 6.200 m. Ils finissent par y parve­ nir et se posent lourdement dans la neige profonde.

Glacé, inconfortable, isolé : le Karakorum signifie une ascension et un vol dans les conditions les plus extrêmes.


Map Data @ 2019 Google

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Accéder aux cieux

La tente offre une protection contre les vents forts et un certain confort dans cet environnement inhospitalier. Mais on a quand même froid.

Ce qui ressemble à la trace d‘un vol d‘un journée sur la carte est en fait un vol de 1.500 km. au milieu des plus hautes montagnes du monde.

Equipment

Pour presque la moitié de mes atterrissages au Pakistan, j’ai choisi la technique sur les fesses. Damien Lacaze OMEGA XALPS 2 (Damien)

SQR LIGHT

Film youtu.be/G8gvWsQ-p48

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En route pour la Mongolie 42

Un pictogramme en dit plus que mille mots : Alain et Nathalie ont rencontré une excellente infrastructure pour le parapente près de Aralan dans la province d’Azerbaïdjan en Iran.


#roadtrip #culture #landscape

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En route pour la Mongolie

En route pour la Mongolie Sur la route et au-dessus à travers l’Asie centrale

Cinq mois sur la route – de Monaco à la Mongolie. Au milieu du chargement qui remplit le Land Cruiser, tout le matériel léger de parapente de cross se trouve dans un sac à dos compact. Quand Alain et Nathalie Antognelli entreprennent un de leurs voyages aventureux, une chose est sûre : l’ennui n’est pas au programme!

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En parapente, il faut tout prendre en considération. Savoir rester humble et garder des sens affûtés est essentiel. Alain Antognelli

Pour Nathalie et Alain Antognelli la vie c’est une aventure – que ce soit en kayak au Groenland, en deltaplane en Afrique du Sud ou en parapente au-dessus des chutes de Victoria au Zimbabwe. Depuis des années, le couple de photographes monégasques voyage dans le monde entier et publie leurs aventures dans des magazines de voyages. Pendant l’été 2016, alors qu’ils faisaient du vélo en Iran, le genou d’Alain a soudainement perdu la bataille et a lâché, ce qui les a contraints à abandoner leur projet originel - d’aller en kayak de Monaco en Grèce; puis en vélo jusqu’en Mongolie.

“Simplement abandoner n’aurait pas été notre genre”, explique Alain. Alors ils ont gardé un esprit ouvert face à cette nou­ velle situation et ils ont repris la route deux années plus tard. Le but final était le même, mais en suivant un itinéraire différent, et surtout, un véhicule différent! A savoir leur vieux Toyota Land Cruiser, spécialement ressorti de sa retraite. En tant que parapentiste depuis les origines, Alain a immédiatement vu le potentiel

Mais y aurait-il assez de place dans le Land Cruiser plein à ras-bord pour un gros sac de parapente couleur fluo? Nathalie a répondu oui. Les temps ont changé “un matériel complètement fonc­ tionnel ne pesant plus que 8 kilos, c’était quelque chose qu’Alain ne pouvait tout simplement pas refuser”, se souvient-elle avec un sourire.

Respect pour de nouveaux sites de vol Pour sa reprise de pratique, Alain a volé avec sa nouvelle aile sur ses sites fami­ liers comme l’Italie et la Grèce. C‘est en Turquie qu’il a rencontré un premier rap­ pel des problèmes qui peuvent arriver quand on vole seul dans un nouveau site. Avec Nathalie, il est allé sur une mon­ tagne isolée. Au sommet, les conditions

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En route pour la Mongolie

Nouvelle tentative, moyen de transport différent

du changement de leur projet originel. Même après une longue pause dans sa pratique du vol (il a maintenant 59 ans) il n’avait pas du tout perdu son enthou­ siasme pour voler. Pourquoi ne pas em­ porter un parapente et profiter du voyage à vol d’oiseau? Nathalie pourrait le suivre sur la route.

Atterrissage dans la verte steppe à environ 3.000 mètres sur les bords du lac Son Kul au Kyrgyzstan. Des cumulus dans le ciel comme dans les livres.


Fin de la première grande étape en Europe : bienvenus en Turquie, Alain et Nathalie!

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En route pour la Mongolie

étaient parfaites et Alain était rapidement prêt à décoller. Mais soudain le vent a for­ ci si rapidement qu’en moins d’une mi­ nute il n’était plus question de voler. Alain a tout juste eu le temps de mettre sa voile en boule - avec l’aide de Nathalie. Alain s’est rendu compte : “En parapente, il faut tout prendre en considération et toujours garder un oeil sur son environ­ nement – en permanence. Savoir rester humble et garder des sens affûtés est essentiel”.

Un paradis du vol en Iran Ce fut vraiment excitant en Iran. Cet im­ mense pays a développé un milieu du vol très organisé, et les pilotes étran­ gers sont chaleureusement accueillis. “L’hospitalité et la convivialité des locaux sont incroyables”, se souvient Alain. “Et il y a plein de possibilités de vol : cela va du Hike & Fly dans les vertes étendues autour de la mer Caspienne, jusqu’aux longs vols de distance à des altitudes jusqu’à 6,000 mètres dans les paysages désertiques du Kermanshah. C’est là qu’Alain a eu une nouvelle expérience mémorable de vol. Il était parti pour un vol de distance avec un groupe de pi­ lotes iraniens pleins d’enthousiasme. Les conditions thermiques étaient fortes et la progression était rapide. Après environ 50 kms Alain a soudainement subi une grosse fermeture qui s’est rouverte rapi­ dement, avec un gros “bang”. Sa XI conti­ nuait de voler, mais Alain ne sentait plus rien au bout de son frein droit : la poi­ gnée qu’il avait dans sa main n’était plus rattachée à rien! Que faire désormais, au

Magnifique lumière d’ambiance, mais Alain et Nathalie ont aussi rencontré beaucoup de vent en Turquie en mai.

Que peut-on trouver de mieux après une bonne journée de vol que de reposer au décollage? Ici à Aralan en Iran.

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En route pour la Mongolie 46

C’est cette immensité sans fin qui a particulièrement fasciné Alain et Nathalie, ici dans l’est de la province d’Azerbaïdjan en Iran.

Film youtu.be/JCbcncryyA8

milieu des thermiques les plus puissants du désert sous une rue de nuages à 3.500 m? Alain a décidé de contrôler son aile droite avec l’élévateur arrière droit et il a plané jusqu’au sol, où Nathalie l’a re­ trouvé grâce à sa trace satellite. Après son atterrissage, Alain a inspecté sa sus­ pente de frein et il a conclu qu’elle avait dû être coupée par un caillou pointu au décollage, et qu’elle n’avait pas résisté au choc de la ré-ouverture. Ses compa­ gnons de vol ont atteint 200 kilomètres ce jour-là.

Une vague de méteo difficile Après le voyage depuis l’Iran, le vent et de violents orages en Asie Centrale ont empêché Alain de voler. Il n’a pu se re­ trouver en l’air avec des pilotes locaux

Nulle part on ne démarre une conversation aussi vite que sur un décollager, ici avec le pilote Fatemeh Eftekhari.


En route pour la Mongolie 47

l’Iran – un pays géant, aux facettes innombrables : Alain survole les bois près de la mer Caspienne.

About Le couple de photographes moné­ gasques Nathalie et Alain Antognelli

que près de Dushanbé, la capitale du Tajikistan. Il a pu faire un nouveau vol au-dessus du lac isolé de Sol-Kul au Kyrgyzstan. Là, au bord du lac, Alain et Nathalie ont ensuite été invité par les lo­ caux dans une yourte. Ce fut une nou­ velle expérience mémorable pour tous les deux, et une expérience convain­ cante de l’énorme hospitalité dont ils pro­ fitaient partout. Près d’Almaty, la capitale du Kazakhstan, Alain a trouvé des condi­ tions merveilleuses de vol de distance, même pour une fin d’automne.

Le spectacle doit continuer Pour mieux apprendre à connaître la culture mongole et pour être en mesure de profiter de bonnes conditions de vol au printemps, ils ont décidé de passer l’hiver dans ce pays : dans une yourte mongole, ensemble avec les locaux.

a voyagé dans des parties du monde re­ culées pendant 30 ans. Leur spécia­lité : les documentaires photos de la ­nature, comme par exemple un reportage sur une famille du Groenland. Alain a éga­ lement été un parapentiste depuis les origines. Equipment

XI

LIGHTNESS 2

Le couple a atteint la Mongolie à l’arri­ vée de l’hiver. Durant les cinq mois de leur voyage à travers dix pays, ils ont ren­ contré une incroyable diversité de pay­ sages et ont laissé derrière eux des éten­ dues sans fin de vide. Nathalie et Alain qui étaient déjà des “Amateurs de Vastes Espaces”, en ont certainement eu pour leur argent au cours de ce périple. Les nombreux contacts avec les habitants ont constitué la partie la plus séduisante de leur aventure. Par-dessus tout, c’est l’hospitalité des pilotes locaux et leur pro­ pension à les aider qui les a impression­ nés, encore et encore.

Simplement abandonner n’aurait pas été une option pour nous. Alain Antognelli

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Himalayan Tandem 48

Après un décollage à près de 5.500 m d‘altitude, Aaron a enroulé jusqu‘à 6.200 m. En compagnie du photographe Alessandro d‘Emilia.


#hikeandfly #explore #himalaya

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Himalayan Tandem

Himalayan Tandem L‘aventure est parfois différente

L‘aventure commence là où finit la zone de confort. Pour les athlètes de haut niveau, comme le champion de la Coupe du Monde de parapente Aaron Durogati, ou la conquérante du K2 Tamara Lunger, quitter leur zone de confort signifie entreprendre des projets extrêmes. L‘aventure peut également commencer quand on s‘y attend le moins et ouvrir de nouvelles perspectives.

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Himalayan Tandem 50

Être en mesure de comparer les notes directement en vol était une expérience nouvelle pour Aaron.


Himalayan Tandem 51

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Himalayan Tandem

Avec Tamara, en vol au-dessus d‘un village de montagne isolé.

L’expérience en Inde d’Aaron Durogati et de Tamara Lunger marque une aven­ ture qui est encore plus extrême que la précédente. Pour l’automne 2017, Aaron avait initialement prévu de faire quelque chose au Népal qui le fasse sortir de sa zone de confort de vol déjà très étendue. Mais sa blessure au genou au cours de la X-Alps a obligé le pilote de l’équipe ADVANCE X-Alps à se retirer. Tamara, de son côté, a dû écourter son expédition sur le Kangchenjunga au printemps 2017 pour des raisons de santé. Donc, pourquoi ne pas aller en Inde en­ semble pour réaliser une ascension facile sur un ou deux sommets de l’Himalaya et redescendre en Bi? L’idée s’est vite transformée en actes. Le photographe et caméraman Alessandro d’Emilia s’est joint au team lui aussi, et en octobre, les trois amis ont pris le chemin de leur point de départ dans le nord de l’Inde, Bir, dans l’état d’Himachal Pradesh. Les contreforts de l’Himalaya et les vastes plaines s’étendant vers la zone de vol la plus populaire du sud de l’In­ de peuvent rappeler les environs Bassano en Italie, à une grosse différence près : tout y est, mais à une bien plus grande échelle. Les sommets de l’arrière-pays s’élèvent à 6.000 mètres vers le ciel. Et c’est exactement là qu’Aaron et Tamara voulaient aller : avec une voiture, deux tentes (une pour le camp de base dans la vallée l’autre comme camp avancé si nécessaire) et la voile biplace légère de montagne PI BI. Ils avaient prévu de

rester un mois, dont trois semaines sans connexion internet ni aucune info météo.

De nouvelles expériences qui en rappellent d‘autres Chaque jour la dame des hauts som­ mets et le professionnel du parapente faisaient une ascension différente jusque vers 5.700 m. Pour cela, ils suivaient une voie qu‘ils avaient repérée comme pos­ sible depuis la vallée. Après avoir décollé, ils enroulaient au-delà de 6.200 m puis ils faisaient un cross de deux ou trois heures pouvant aller jusqu‘à 90 kilomètres. “Une fois, quand même, arrivé au sommet, j‘ai décidé qu‘on ne pouvait pas décoller“ se souvient Aaron : Je ne me rappelle pas la dernière fois que cela m‘était arrivé.”


Himalayan Tandem 53 Aaron, Tamara et Alessandro ont toujours été complètement seuls en montagne. „On n‘a pas rencontré un seul être humain“.

Ce jour-là, Aaron dit qu‘il a eu le pres­ sentiment que la situation était dange­ reuse ; même si les conditions avaient l‘air stables et sans danger.“ Cette intui­ tion s‘est révélée juste.“ A 13 h. un orage a soudain éclaté. On ne voyait plus rien parce qu‘on s‘est retrouvés en plein dans le nuage“ se souvient Aaron.

L‘aventure comme retour au point de départ Après des années d’entraînement, et riche de l’expérience d’un parapentiste professionnel avec des ailes extrêmes en conditions extrêmes - et tout cela ancré dans le subconscient d’Aaron -, le pilote de 31 ans n’a pas vraiment besoin en gé­ néral de trop réfléchir à sa façon de voler.

Parfois, j‘avais l‘impression de revenir à mes 17 ans, quand je commençais tout juste à voler en parapente. Aaron Durogati

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Himalayan Tandem 54

Atterrissage au pied d‘un village en montagne. Tamara, Aaron et Alessandro découvrent toujours de nouveaux villages pendant leur voyage.

D‘habitude Aaron et Tamara grimpaient jusqu‘à 5.600 ou 5.700 m d‘altitude. Au début, Aaron a dû se battre avec le manque d‘oxygène.


En Bi tu multiplies les expériences par deux : parce que tu peux les comuniquer en direct. Aaron Durogati

Aaron Durogati sportif professionnel depuis 2009 est l’un des meilleurs para­ pentistes au monde. On croise aussi souvent ce pilote originaire du Tyrol du Sud sous son speedflyer ou sur des skis, en hiver. Tamara Lunger a débuté le ski alpi­ nisme en 2002. En 2010, elle fut la plus jeune femme à gravir le Lhotse, son

Himalayan Tandem

About

En Inde, c’était souvent très différent. Le vol dans une région à la géographie et à la météo inconnues et très exigeantes, sans possibilité de prévoir le temps qu’il fera, et avec la nécessité de décider chaque jour à nouveau où sont les limites du pos­ sible, tout cela ramenait Aaron pratique­ ment à l’époque où il commençait à vo­ ler. Il se trouvait dans des endroits et des situations où il fallait observer, scruter et évaluer tous les indices avant de décol­ ler, aussi bien qu’une fois en l’air, et sur­ tout essayer de trouver à chaque fois la réponse adaptée. Autant d’éléments qui deviendraient plus tard évidents pour un pilote chevronné avec une bonne prévi­ sion météo.

­premier sommet à 8.000 m. Le K2 a

Des expériences inoubliables

Alessandro d’Emilia est moniteur de ski et de télémark, et passionné d’escalade et de highline. Photographe et caméraman professionnel, il a attrapé le virus du parapente il y a deux ans.

Film youtu.be/iByBNlojrQk Equipment

PI BI

PIPACK 2

STRAPLESS & STRAPLESS BI

“C’est super de pouvoir tout partager en l’air quand on vole en Bi”, explique Aaron. “C’était complètement nouveau pour moi. Normalement, la première occasion pour parler de ton vol est à l’atterro, et même quand tu voles en Bi avec un client, ce n’est pas la même chose”. Les vols de distance en tandem étaient pour lui quelque chose de nouveau.

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­suivi en 2014.

Outre cette interaction avec sa passa­ gère, il a particulièrement aimé les expé­ riences partagées. Une fois, ils ont volé en compagnie de 12 aigles. Il le décrit ainsi : “Tamara était complètement en transe! On a enroulé dans le même ther­ mique jusqu’aux barbules, exactement comme dans une grappe de voiles en compétition”. Il y en avait juste un qui per­ sistait à enrouler dans l’autre sens. Dans un virage, cet aigle est passé à moins de cinquante centimètres de la voile. “Cette expérience de vols en Bi, et les fois où je me suis senti redevenir un débutant sont les souvenirs que je garderai toujours de ce voyage en Inde.”

SQR 220 TANDEM

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#2


Magikistan 56

Explorer des vallées reculées avec le parapente : ici à 2.500 mètres près de Garm.


#volbiv #crosscountry #tajikistan

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Magikistan

Magikistan Volbiv à travers le Tadjikistan

Christina Kolb et Alain Lehoux, son partenaire dans la vie, ont entrepris un voyage vol-bivouac de deux semaines à la découverte du Tadjikistan. Au cours de cette aventure, ils ont atteint leurs limites – en tant que pilotes, mais aussi en tant que compagnons de route. L’immense potentiel de la région pour le vol libre, le pays et ses habitants n’ont pourtant pas manqué de les captiver. Malgré toutes les épreuves, ils ont bien l’intention de retourner au pays des Tadjiks. Christina raconte...

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#2


Magikistan 58

Exercice au sol avec le parapente à 3.000 mètres à Navobod : Alain s‘amuse dans la brise du soir

Beaucoup de bagages

Incroyable à quel point un beau vol peut modifier n’importe quelle perspective. Christina Kolb « Je rêvais depuis longtemps de voyager à travers des pays lointains et inconnus avec mon parapente. Nous avons fini par choisir le Tadjikistan. Surtout parce que le pays se compose à 90 % de montagnes, mais aussi parce que la vallée de Racht, qui s’étend d’est en ouest à travers tout le pays, promettait un immense potentiel pour le vol libre. Avec Alain Lehoux, mon conjoint, nous avons commencé à planifier le projet. Tandis qu’Alain a entamé l’aventure de manière plutôt spontanée, j’avais pas­ sé plus d’un an à me renseigner sur le pays et ses habitants. De plus, je voulais m’assurer qu’au cours de notre aventure, nous n’aurions pas à nous nourrir exclu­ sivement de viande de mouton et de lait de jument caillé.

Nourriture pour un trekking de deux se­ maines, vêtements, bâtons de marche, panneaux solaires, appareils photo, télé­ phones, chargeurs, batteries, tout un tas de câbles et, bien sûr, nos Omega X-Alps 2 neuves : au total, nous avons emporté environ 26 kg de bagages par personne. Nous avons vite compris que notre pé­ riple n’aurait rien d’une partie de plai­ sir, chargés comme nous l’étions. Pour pouvoir enfiler nos sellettes, nous de­ vions nous mettre à quatre pattes avant de nous redresser en poussant sur les jambes. Un exercice épuisant.

Nouvelles perspectives Une fois en l’air, les efforts finissaient pourtant par payer. Au Tadjikistan, notre premier thermique nous a vite déposé à 3.500 m et il nous a fallu prendre une dé­ cision : tenter la voie directe par les cols escarpés de la vallée de Racht ? Ou choi­ sir l’option plus sûre par le sud et des collines plus douces ? Partie devant, j’ai opté pour la trajectoire la plus sûre, au grand désarroi d’Alain ; une trajectoire qui finira par nous coûter deux journées

potentielles de vol, comme nous nous en rendrons après-coup. Mais Alain et moi avions décidé de rester ensemble tout au long du voyage et nous avons donc mis le cap sur les collines.

L’inattendu, souvent… Le Tadjikistan allait nous réserver quelques surprises. Souvent, ce qui res­ semblait à une marche de deux heures en toute détente finissait par se trans­ former en mission pénible d’une jour­ née entière à travers des couloirs pro­ fonds et des collines interminables. Et malgré la présence d’oiseaux enroulant les thermiques au-dessus de nos têtes, les pompes s’avéraient en général trop faibles pour nous permettre de monter de manière fiable. Nous avons donc ac­ cumulé plus d’atterrissages au fond des vallées que prévu. La météo locale aussi constituait un casse-tête. Souvent, les thermiques ne s’élevaient pas côté sud de notre déco, par exemple : là, nous ne pouvions que constater la formation de tout pe­ tits nuages formés par les rotors, tan­ dis que de l’autre côté de la vallée, de


jolis cumulus ornaient les flancs nord. Un phénomène météo resté mystérieux pour nous jusqu’à la fin de notre périple.

Thermiques de rêve et bivouac par mauvais temps Nous avons pourtant eu quelques belles surprises, aussi. Deux jours après notre premier long vol, après avoir enfin décol­ lé du bon endroit au bon moment, nous avons pu enrouler jusqu’à 4.200 m dès la première pompe avant de filer vers l’est, toujours le long de la vallée de Racht. Nous avons même profité de thermiques d’une incroyable douceur et j’avais du mal à croire mon vario, qui affichait 6 à 7 m/s. Des conditions dont nous aurions volontiers profité encore un peu. Enrouler au-dessus des crêtes sans fin des Monts Hissar près de la capitale Dushanbe.

Il a fallu nous rendre à l’évidence : nous n’allions pas pouvoir aller aussi loin que nous l’avions prévu. Après ce long bivouac sous les intempéries, nous n’avions plus le temps, mais au bout du compte plus non plus la force ni le cou­ rage d’entamer un vol spectaculaire à tra­ vers le massif du Pamir : quand on vole ici, il faut pouvoir décoller tôt le matin et rester en l’air jusqu’à la tombée de la nuit.

Entre les deux, le vent s’avère trop fort pour envisager de se poser.

Magikistan

Nous reviendrons C’est justement parce que le Tadjikistan nous a réservé tant de surprises, bonnes et mauvaises, que nous reviendrons. Les habitants font preuve d’une incroyable chaleur et d’une grande ouverture d’es­ prit, les paysages sont absolument fan­ tastiques – et les vols aussi, quand on fi­ nit par pouvoir décoller. »

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Il n’en fut rien : le lendemain, nous nous sommes réveillés au centre d’un sys­ tème tempétueux qui nous a bloqué près d’une semaine au bivouac installé sur le déco suivant. Pas de quoi donner le mo­ ral, mais nous avons tenu bon. Pour finir, le jour où nous aurions dû redescendre parce que nous avions épuisé nos provi­ sions, le temps a enfin changé.

About Dans le milieu du parapente, ­C hristina Kolb doit sa renommée au titre de Championne du monde d’acro obtenu en 2016. Instructrice de vol libre, pilote de biplace, elle est aussi l’une des rares athlètes à maîtriser l’Infinity Tumbling. Pilote de parapente depuis 1995, Alain Lehoux dirige l’école Gypaètes depuis l’an 2000. Instructeur de vol, il organi­ se des voyages de vol libre, des stages pour débutants et des stages SIV.

Film youtu.be/RjAu76WAzBc Equipment

Le temps pluvieux crée non seulement des paysages bien verts, mais également un merveilleux effet de lumière.

OMEGA X ALPS 2

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#2


Objet volant non-identifié aperçu à La Clusaz (France). Ce n‘est pas souvent qu‘on rencontre un passager de tandem sur un vélo.

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Fly a Bike

#action #stunt #flyingbike

Fly a Bike Une cascade aventureuse

Eliot Nochez a réalisé une nouvelle vidéo spectaculaire avec « The stunt is back/bike ». Dans cette séquence de trois minutes, il embarque le cycliste Kilian Bron comme passager. Après un court instant Eliot le dépose sur le sol, s’en suit une course endiablée entre le parapente et le vélo. Dans cet entretien Eliot explique d’où lui est venue cette idée et quelles difficultés ils ont rencontrées.


Eliot, combien de temps t’a-t-il fallu pour préparer le tournage de « The stunt is back/bike » ? C’est une idée que j’avais eue depuis longtemps déjà. Je n’arrêtais pas de me demander si cela était possible, et com­ ment s’y prendre pour réussir. Quand les préparatifs du tournage se sont confir­ més, il nous restait trois jours pour ré­ péter le premier saut, et ensuite la récu­ pération de Kilian. De même que nous n’avions qu’une journée pour faire les re­ pérages un peu en détail sur les lieux du tournage, et ensuite deux jours de tour­ nage. Enfin il nous a fallu une semaine pour couper et monter la vidéo.

Comment t’est venue l’idée de transpor­ ter un VTT et son rider sous un parapen­ te ? Cela remonte à l’hiver dernier. J’ai fait la première cascade avec le skieur Pierre Guyot. Dans la vidéo, Pierre était mon passager de biplace et je le lançais au-dessus d’une piste de ski. Et puis j’ai rencontré Kilian au festival « Montagne en Scène », où il montrait un film. Après, il m’a demandé si ce serait également possible pour moi de le soulever en l’air puis de le relâcher. Du coup on a essayé. C’était loin d’être facile, mais ça a mar­ ché. A partir de là, l’idée est devenue un film. Quel a été le plus gros défi à relever pour cette cascade ? Le plus gros défi a été de ne pas se cas­ ser le cou dans sa réalisation (rire). Plus sérieusement : dans la scène où je re­ viens pour raccrocher Kilian, je devais vo­ ler avec un degré de précision incroyable. Il s’agissait de réussir à l’accrocher en toute sécurité, puis de repartir en vo­ lant avec lui. Tout devait se faire pendant que moi je volais et que lui pédalait. Je ne voulais pas de trucage. Mais c’était aussi difficile de le relâcher correctement au début. Il était censé retomber sur les

roues et continuer à rouler de façon fluide. Cette scène était réellement très dange­ reuse, car la hauteur devait être exac­ tement parfaite. Ça a été les deux plus grands défis. Est-ce qu’il y a quelque chose qui s’est mal passé pendant le tournage ? Mal passé? Non. Mais je suis très perfec­ tionniste et je gardais toutes les options possibles présentes à l’esprit comme une priorité. Le temps météo et le timing ne nous ont pas été généralement favo­ rables, mais nous sommes très heureux avec le résultat final.

Fly a Bike

Vous aviez besoin d’être combien dans l’équipe ? Nous étions très peu. Il y avait Kilian et moi, deux cameramen, un pilote de drone et un chauffeur. C’est tout.

La partie la plus dangereuse de cette cascade était de détacher et de poser le cycliste exactement au bon moment.

About Eliot Nochez vole en parapente depuis environ 14 ans ; depuis 2016 il

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Où s’est fait le tournage ? On l’a fait à La Clusaz en France, une sta­ tion de ski dans le massif des Aravis de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

appartient à l’équipe d’acro ADVANCE. Ce triple champion de France et vainqueur de la Coupe du Monde en 2015, non seulement relève les défis de l’acro mais consacre également beaucoup de temps à mettre ses idées

Quelle a été la chose la plus difficile à réa­ liser dans cette cascade ? C’était certainement de parvenir à une bonne coordination. Ici, on mélange deux types de sports. Il faut que tu saches exactement comment l’autre fonctionne, que tu arrives à synchroniser les deux vitesses et par-dessus tout, à avoir une confiance totale l’un dans l’autre. Par exemple, si je l’avais relâché d’une trop grande hauteur, ça aurait été la fin pour lui, sans l’ombre d’un doute. C’est pour­ quoi à ce point je voudrais remercier Kilian, une fois encore, pour sa confiance. Un grand merci à toi pour cet entretien, Eliot. On attend avec impatience ton pro­ chain projet !.

en film. Kilian Bron est le capitaine de l’équipe du fabricant français de Mountainbike et de BMX “Sunn”, et est célèbre dans le monde entier pour ses descentes spectaculaires. Ce grand maître de l’endurance préfère explorer les chemins moins courus dans des paysages extraordinaires.

Equipment

BIBETA 6

OMIKRON

Film youtu.be/hnms-QS6A9E

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#2


Vol sous le soleil de minuit 62

L’ascension des White Mountains commence de nuit – sur les traces des ours et des élans.


#hikeandfly #outback #beavercreek

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Vol sous le soleil de minuit

Vol sous le soleil de minuit Un voyage de survie sub-polaire à travers l’Alaska

Dans leur tentative de réaliser les premiers vols dans les White Mountains, Felix Wölk et Thomas Bing ont voyagé pendant trois semaines à travers une nature sauvage loin de tout ; à bord d’un canoé pliable sur la Beaver Creek.

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#2


Vol sous le soleil de minuit 64

Dans la fôrêt de l’Alaska, les seuls moyens pour se déplacer sont les rivières – ou l’air.


Vol sous le soleil de minuit 65

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Vol sous le soleil de minuit 66

Un feu de camp, un pot de café et une gorgée de whisky. Voilà ce qui constitue la vraie liberté.

Quand Sam, le soldat des forces spéciales à Fairbanks, nous a demandé si nous aurions besoin d’une arme, j’ai un peu pensé que nous aurions dû dire oui. Felix Wölk

Il est minuit, et le soleil brille sur l’hori­ zon. Sur un bras de la Beaver Creek on progresse dans notre odyssée ma­ gique mais clairement tortueuse, vers les plaines du Yukon. Le ciel nocturne rose se reflète dans l’eau calme et plate comme de l’huile. Un paradis de silence. On ne dit pas un mot. Tommy et moi, nous sommes depuis dix-huit jours en route dans cette nature sauvage sans présence humaine. Mon esprit repense à l’ours brun qui a détruit ma tente, à la tempête qui a emporté notre campement, et au vol en parapente fantasmagorique à la lumière du soleil de minuit.

Vers la nature sauvage Notre aventure juste au sud du cercle po­ laire a commencé le 24 juin. Notre canoé pliable peut emporter une charge jusqu’à 360kg. Les vivres, l’équipement de sur­ vie, les parapentes, et le matériel pho­ to. Notre objectif est de réaliser le pre­ mier vol depuis les Tanana Hills dans les White Mountains, ainsi que dans le mas­ sif Victoria – des sommets qu’on ne peut atteindre en été qu’en suivant le cours de la “Beaver”, dont les méandres pénètrent dans la partie sub-polaire de l’Alaska

pendant 300 kilomètres. Au cours de ces trois semaines, nous n’aurons aucun contact avec le monde extérieur, pas de possibilités de secours – parce que nous avons décidé de nous passer de télé­ phone satellite. Nous devons survivre ex­ clusivement dans et avec la nature : en utilisant l’eau, l’air et la force musculaire. C’est le printemps en Alaska. La Beaver Creek présente une scène de désolation. Tommy est un canoéiste expérimenté et notre skipper, à la recherche du bon iti­ néraire. Il comprend le système du ‘cône visuel’ – une diminution en eau calme qui indique sa profondeur. Mon rôle est de pagayer fort et d’être le veilleur à la proue. En un rien de temps, nous formons une équipe bien coordonnée. Dans les ra­ pides, la communication devient brève et pleine de sens. “Racines à onze heures : vingt mètres!” “Pigé.” “Entonnoir à droite. Puis tronc d’arbre à droite!” “Pagaie!!” On est sur l’eau neuf heures par jour. Au bout de cinq jours nous atteignons les collines au pied des White Mountains. Dans la lumière nordique, le rocher de ces montagnes paraît pâle et comme


Vol sous le soleil de minuit 67

Epuisés par le vent. Felix et Thomas ont tous les deux perdu cinq kilos sur la Beaver Creek. Toujours à portée de main : le vaporisateur au poivre.

légère traction sur les avants et la calotte sans vie. On monte notre campement sur un rivage sablonneux de la rivière, s’élève au milieu des sapins miniatures. ce sera notre camp de base pour notre Je laisse l’aile prendre le vent, lance un première tentative de vol. On attend “Go” à Tommy et fais trois grandes foulées. On décolle. On est en l’air en Alaska! On dans une météo sans vent. Pendant des heures et des jours, on observe les for­ ne sait pas où exactement : cette mon­ mations nuageuses dans ce ciel polaire. tagne n’a pas de nom. On plane au-des­ sus d’une nature sauvage et déserte. La L’humidité après une averse transforme vallée est dans l’ombre. Sous nos pieds immédiatement notre campement en nid le cours argenté de la Beaver Creek brille à moustiques. Seul le feu, qui brûle jour dans une forêt noire. Le seul signe de ci­ et nuit, nous apporte un soulagement. vilisation est une tache verte sur la rive – le tapis de sol de notre “abri”. Au mi­ La nuit devient jour lieu de cette vaste étendue, ce minus­ Après un jour de tempête on s’attaque à l’arête vers 9 heures du soir, en mon­ cule “chez nous” semble une tentative pitoyable de domination humaine. tant d’abord vers le sommet à travers une forêt envahissante très raide en sui­ La nature sauvage contrevant la trace des animaux. Le bois mort attaque se brise comme des allumettes. Sur le bois mort, les excréments et les crottes Au pied de la montagne Victoria la si­ d’élans témoignent de la présence des tuation devient sérieuse. Un ours brun animaux dans les parages. Au sommet adulte est en train de fourrager autour de de l’arête le vent souffle en rafales, ac­ notre campement. C’est, comme le dit compagnant la baisse du surdéveloppe­ Tommy : “quand on s’y attend le moins ment nuageux. On attend patiemment. qu’ils arrivent.” On sort nos vaporisa­ Dans l’espace qui sépare l’horizon d’un teurs au poivre pour essayer de l’éloigner. mur sombre de nuages, le soleil darde Tandis qu’il s’éloigne, son odorat l’attire vers nos tentes, à 150 mètres de là. Le ses rayons oranges sur la blancheur des duvet d’oie. Il déchire ma tente et éventre rochers. Il est une heure du matin. Une

On attaque ce soir. Du parapente à la mode militaire : un tir, un mort. Felix Wölk

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Vol sous le soleil de minuit 68

Le coucher de soleil polaire éclaire les rochers décolorés des White Mountains tandis que nous continuons à chercher un site pour décoller.

mon sac de couchage et mon matelas de camping jusqu’à les rendre mécon­ naissables. Je ne me sens pas très bien – c’est un pur coup de chance que je ne me trouve pas à l’intérieur. Une morsure dans la jambe, le goût du sang; j’aurais pu devenir son dîner. Un ours peut très bien revenir vers cette aubaine de festin, alors on se met à la recherche d’un nou­ veau refuge. Les nuits sont devenues un peu plus difficiles à partir de là, avec seu­ lement un sac de couchage.

au-dessus de nos têtes comme des fils. Le vent fouettait Beaver Creek, laissant des traînées sur l’eau. Deux tentatives de vols de ces montagnes ont échoué. Au bout des trois semaines nous avons atteint notre point de récupération. On ressent un sentiment étrange quand le pilote de la brousse gronde au-des­ sus de nos têtes dans son vieil engin à hélices. Dans ces lieux isolés, l’activité humaine nous était devenue étrangère. Quand on a pris notre petit déjeuner au “Sven‘s Guesthouse” à Fairbanks, le bruit Aucune chance sur la montagne environnant de la civilisation résonnait Victoria comme un chaos bruyant. J’aspirais au La massif de Victoria s’est révélé tempé­ vent dans les bois, au murmure de la ri­ tueux. Des nuages de tourbillon formaient vière et au kaléidoscope des cris des ani­ des rues, des nuages de glace passaient maux.

About Thomas Bing est un canoéiste pas­ sionné, un pilote de parapente et un glo­ betrotter. Fidèle à sa devise “When the going gets tough, the tough get going” (Quand les conditions deviennent diffi­ ciles, les durs s’engagent), il a acquis une grande richesse d’expérience de survie dans les régions inhospitalières. Felix Wölk est un pilote de parapente et de deltaplane, un parachutiste et un

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praticien enthousiaste des sports de montagne de la vieille école. Il est recon­ nu depuis plus de vingt ans comme un photographe de parapente de renom­ mée mondiale.

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Vol sous le soleil de minuit 69

Au-dessus d’un tronçon de la Beaver. Pendant le vol qui nous ramène au bateau, le murmure familier du courant devient plus fort.

Le chemin du campement au pied des pentes peut rapidement devenir une aventure.

Le pilote de brousse comme assurance-vie.

Garde le feu sacré. Thomas Bing

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Éditeur : ADVANCE Thun AG, Uttigenstrasse 87, 3600 Thun, Schweiz Idée & concept : Simon Campiche Rédaction : Mirjam Hempel Mise en page : Bänz Erb Cartes & rendus d’image : Mark Oertig Coordination : Tobias Rusterholz Traduction : Lazare Paupert, David Fouillé Relecture : Joanna Di Grigoli Photo de couverture : Felix Wölk Get inspired | Photo: Olga von Plate Danse sur le volcan | Texte: Michael Witschi | Photos: Tobias Dimmler (toutes) Volbiv porté par le vent | Texte: Hannes Tscherrig | Photos: Adi Geisegger (toutes) Vol du toit des Alpes | Texte: Christian Mörken | Photos: Alex Buisse (P. 18, 20, 21), Fred Suchon (P. 21, 22, 23) Le défi de la plaine | Texte: Hannes Tscherrig | Photos: Lukasz Prokop (P. 24, 26, 27), Aneta Prokop (P. 24) Vers l‘ouest | Texte: Olga von Plate, Mirjam Hempel | Photos: Olga von Plate (toutes) Accéder aux cieux des alpinistes | Texte: Hannes Tscherrig | Photos: Antoine Girard (P. 34, 36, 39, 40, 41), Damien Lacaze (P. 38, 40) En route pour la Mongolie | Texte: Simon Campiche | Photos: Nathalie & Alain Antognelli (toutes) Himalayan Tandem | Texte: Mirjam Hempel | Photos: Alessandro d‘Emilia (toutes) Magikistan | Texte: Hannes Tscherrig | Photos: Christina Kolb & Alain Lehoux (toutes) Fly a Bike | Texte: Christian Mörken | Photos: Pierre Emilio Medina Vol sous le soleil de minuit | Texte: Felix Wölk | Photos: Felix Wölk (toutes) Printemps 2019 © ADVANCE


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