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ADVENTURES COLLECTION

2 Advanced Adventures
Photo MARIO HELLER

De zéro à 8000 mètres. Ce magazine t’emmène des plages bordées de palmiers des Caraïbes, via Dubaï et Nice, jusqu’aux plus hauts sommets du Karakorum au nord-est du Pakistan.

Nos récits ne pourraient pas être ni plus variés, ni plus stupéfiants. Qu’est-ce qui fait leur unité ? C’est le désir de tenter quelque chose de nouveau. Le parapente permet d’envisager des projets d’une façon complètement différente et peut rendre réel ce qui était auparavant impensable. La combinaison de différents sports devient de plus en plus fréquente. De tels combos réunissent le sport et l’aventure de toutes sortes de façons, de la Grimpe & Vol au Ski & Vol et au Volbiv.

Qu’il s’agisse de terrains de jeux lointains ou d’endroits plus familiers, tout dépend de ta passion et de ta curiosité. Élargis le champ de tes expériences. Développe tes idées, fais le premier pas, sois ouvert à l’aventure. C’est cela qui compte. Parles-en nous sur #advancedadventures. Nous sommes impatients de découvrir ton histoire.

Get inspired
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ÇA C’EST LE CERRO TORRE

Roger Schäli et Mario Heller sont allés en Patagonie. Leur grand projet était de décoller du sommet de la « montagne impossible », le Cerro Torre.

SUMMIT HUNTERS

Tom de Dorlodot et Horacio Llorens ont voulu battre le record d’altitude au K2. Ils ont finalement réalisé une boucle en vol autour de quatre sommets parmi les plus hauts du monde. C’était leur propre Grand Chelem.

La capitale culturelle n’en revient pas ! Roland Brunnbauer a réalisé un vol spectaculaire au château de Leopoldskron, avec un posé sur l’eau.

FLASHBACK DUBAÏ

Chrigel Maurer rapporte les soucis personnels qu’il a rencontrés lors de la compétition de Grimpe & Vol de Dubaï, et la leçon de sagesse qu’il en a retirée.

GIRLPOWER AU SCHRECKHORN

Jusqu’au sommet ou pas ? Pour Caro North et Nadine Wallner, c’est le parapente qui a décidé si elles pouvaient réussir ou non l’ascension de l’exigeant Schreckhorn.

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CONTENU 4 Advanced Adventures

NAVIGUER AU PARADIS

Des plages de palmiers parfaites, des rythmes de bachata et des sites de décollage exigeants attendaient Tom de Dorlodot, Adi Geisegger et Robert Blum en République Dominicaine.

ATTRACTION MONT BLANC

Pour Fred Souchon, la plus haute montagne des Alpes n’est qu’un grand terrain de jeu. Avec toujours de nouvelles idées, il continue de la redécouvrir.

312 KM DE PURE AVENTURE

Aaron Durogati a réalisé un combo de Ski & Vol spectaculaire au Pakistan et a établi un nouveau record de vol de distance au milieu de sommets de 7000 mètres.

LA MAGIE DU CERVIN

Adi Geisegger, Melanie Weber et Michi Maurer ont survolé et photographié ce symbole de la Suisse en paramoteur.

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ÇA C’EST LE

Le Cerro Torre a longtemps été considéré comme la « montagne impossible » – en raison du mauvais temps persistant et des vents violents.

Cette aiguille de granit de 3128 mètres exerce une forte attraction sur les alpinistes. La tour rocheuse spectaculaire située au bord de la calotte glaciaire de Patagonie est considérée comme l'un des sommets à la fois les plus difficiles et les plus beaux du monde. Le trio formé par Roger Schäli, Mario Heller et Pablo Pontoriero ne veut pas seulement escalader cette montagne, mais aussi décoller du sommet.

Rares sont les alpinistes qui n'ont pas entendu parler de la Patagonie. Le célèbre Cerro Torre a longtemps été considéré comme la « montagne impossible ». On parle désormais de l'une des montagnes les plus difficiles au monde - en raison du mauvais temps persistant et des vents violents. Personne n'ose envisager une ascension dans de telles conditions. Quel est le rapport avec le parapente ? Parfois, très rarement, le temps est stable. Le vent tempêtueux habituel s'endort et de plus en plus de para-alpinistes rêvent de voler en Patagonie. C'est le cas du trio formé par deux alpinistes suisses, Roger Schäli et Mario Heller, et le guide de montagne argentin Pablo Pontoriero.

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MARIO HELLER

En tant que pilote de biplace, Mario permet à de nombreuses personnes de réaliser leur rêve de voler. Quand il ne réalise pas ses propres rêves, il filme et photographie ceux des autres.

ROGER SCHÄLI

Roger est un alpiniste de renommée internationale. Outre de nombreuses expéditions dans le monde entier, il est surtout passionné par l'Eiger. Il l'a déjà escaladé plus de 50 fois.

Ça c’est le
& Vol in extremis
Cerro Torre Grimpe
Texte RAPHAELA HAUG Photos MARIO HELLER, ROGER SCHÄLI, CATALINA CLARO
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L’AIGUILLE ROCHEUSE DU CERRO TORRE

En Patagonie, tu dois être patient, dans l’espoir que s’ouvre une fenêtre météo favorable. L’attente peut se révéler plus ou moins longue. « On a une fenêtre de cinq jours qui arrive » annonce Roger, « et j’ai eu un rêve. Serait-il possible de décoller du Cerro Torre ? Est-ce que ça vaut le coup d’emporter les parapentes ? » Comme dans la plupart des rêves, celui-ci commence modestement. « On a fait nos sacs à dos en pensant mettre trois à quatre jours pour atteindre le sommet », résume Mario. Quel est le poids du sac ?

« Je n’ai pas pesé le mien et je ne veux pas vraiment savoir… peut-être un bon 15 kilos ? » Il rit en hochant la tête.

« Heureusement la partie de l’équipement de vol ne fait que 2 kilos et prend peu de place. »

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Est-ce que ça vaut le coup d’emporter le parapente ? Certainement que oui. L’équipement de vol ne pesant que 2 kg, il ne surcharge que peu nos bagages.

– MARIO HELLER –
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Ça c’est le Cerro Torre Grimpe & Vol in extremis

Pour commencer, le paysage est un vrai plaisir, le sentier de randonnée se faufilant le long des baies du sud, toujours en légère montée. De ça, de là, il y a une clairière, parfois même un ruisseau. Au fur et à mesure que le trio progresse dans sa marche, il se rapproche toujours plus du Passo Marconi et donc des glaciers de l’intérieur qui recouvrent plusieurs centaines de kilomètres à travers l’Argentine. Pendant un jour et demi, les trois alpinistes progressent laborieusement

dans la neige pour atteindre le point de départ de leur itinéraire de montée. C’est là qu’ils rencontrent deux cordées argentines, qui veulent également tenter leur chance sur le Cerro Torre, mais sans parapente. Les conditions d’ascension sur la montagne sont très exigeantes. Roger, Mario et Pablo joignent leurs forces à ces deux cordées. Comme dans une seule équipe et à tour de rôle. celui grimpe en tête assure les autres. Les alpinistes se partagent même la nourriture et l’eau de la neige fondue. Ensemble, ces trois cordées qui partagent un objectif commun : le Cerro Torre.

« Je n’ai jamais fait une telle expérience d’esprit d’équipe en montagne. Cela n’arrive pas si souvent en parapente ou en alpinisme », dit Roger.

Je n’ai jamais fait une telle expérience d’esprit d’équipe en montagne. Cela n’arrive pas si souvent en parapente ou en alpinisme.
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ENFIN. LE SOMMET.

Au bout du quatrième jour, les alpinistes atteignent leur but et se trouvent au sommet du Cerro Torre. C’est à couper le souffle ! Sur la droite, c’est le glacier de l’intérieur, il y a de la neige à perte de vue. Sur la gauche, les fameux sommets du Fitz Roy s’élèvent au-dessus de la steppe de Patagonie. Juste devant, bien plus bas, on peut apercevoir leur point de départ de El Chaltén. Et notre trio ? « Nous sommes fous de joie et en même temps nerveux parce qu’un nouveau défi nous attend : le décollage de cette grande tour rocheuse. La voile se sera à peine placée au-dessus de nos têtes qu’on aura sous nos pieds les 1000 mètres de dénivelé vertical de la face est », dit Mario. Étaient-ils nerveux avant le décollage ?

« Oui, complètement. Quand tu te tiens au sommet après presque quatre jours de marche et de grimpe et que le site de décollage ne te permet aucune faute, quand tu ne peux pas jeter un dernier coup d’œil à ta voile… oui tu es un peu nerveux », dit Mario en riant. Pablo est le premier à décoller, suivi par Roger. Mario part en dernier. Leurs autres compagnons de montée ont attendu au sommet qu’on ait décollé tous les trois, avant de commencer leur descente en rappel. Contre toute attente, les pilotes ont profité d’un plané tout en douceur au-dessus d’un paysage à couper le souffle.

Je n’aurais jamais cru que l’air en Patagonie puisse être si calme. Un plaisir absolu. Pas un seul frémissement de la voile.
HELLER
Ça c’est le Cerro Torre Grimpe & Vol in extremis 11
Advanced Adventures 12

EQUIPMENT

PI 3

Light Versatility

LES RETROUVAILLES

Après l’atterrissage, les trois alpinistes professionnels en ont presque les larmes aux yeux. La tension des derniers jours est palpable. « C’était un moment d’une incroyable émotion », reconnaît Mario. Décoller dans la neige et se poser dans l’herbe est toujours quelque chose de spécial. Mais pouvoir décoller de ce sommet après une expé de presque quatre jours – et surtout quand on sait qu’il n’y a qu’une poignée de jours par an où le vent en Patagonie permet un tel vol – et parvenir à atterrir tous ensemble Oui, c'est clairement quelque chose de spécial. Un sentiment de parfait contentement. Un pur bonheur.

Nos trois pilotes plient leurs ailes et sont de retour à El Chaltén une heure plus tard. Leurs autres compagnons d’ascension arrivent tard le lendemain. Néanmoins, ils sont tous contents d’être en bas, de retour ensemble au village, pour trinquer à leur succès commun.

ROGER: Un décollage raté ? Hors de question ! L’un dans l’autre, je suis allé au Torre avec un bon pressentiment. J’avais beaucoup d’inquiétude pour le petit spot de décollage, mais pas trop pour l’itinéraire vers le sommet. Mais j’avais tort. Les conditions pour l’ascension n’ont pas été bonnes, le sac à dos était lourd comme tout, et l’ascension une vraie bavante. Ce fut vraiment dur et exigeant, j’ai atteint mes limites ! La cerise sur le gâteau était le défi du décollage. Pablo et Mario sont de meilleurs pilotes que moi. J’étais content qu’ils me laissent partir juste entre eux deux. Une fois que tu as la voile sur la tête, tu ne peux pas revenir en arrière, il n’y a pas de seconde chance. Un décollage raté ? Hors de question ! J’étais d’autant plus soulagé quand je me suis finalement trouvé en l’air. Waow! Ce qui a suivi a été un vol de rêve absolu, dans des conditions incroyablement calmes !

MARIO : Un esprit d’équipe incroyable. On a grimpé comme une équipe, une grande équipe. Nos camarades de cordée qui ne volaient pas, nos amis argentins, nous ont aidé pour le décollage du sommet. C’est complètement différent quand tu sais qu’il y a quelqu’un d’autre qui t’attend là-haut. Si le décollage ne se passe pas bien, tu peux descendre en rappel avec eux. Cela te donne une marge de sécurité. Autant c’était chouette pour nous, autant j’étais désolé pour nos amis. On avait passé un super moment ensemble à la montée, et maintenant ils devaient descendre en rappel sans nous. Le retour du Torre vers la civilisation est long, et ils sont arrivés tard le lendemain. C’est là que tu te rends compte encore une fois combien nous, les pilotes, nous sommes privilégiés d’avoir des voiles si légères et si compactes que tu peux les emporter facilement avec toi.

STRAPLESS 2
Ça c’est le Cerro Torre Grimpe & Vol in extremis 13
Ultralight Mountaineer

JEUX D’EAU À SALZBOURG

UN VOL AU-DESSUS DE LA VILLE DE CULTURE

Salzbourg est un endroit très particulier pour les amoureux de la culture, mais aussi pour les parapentistes. Juste dans les environs de Salzbourg, au-dessus du Gaisberg, on peut admirer du ciel le panorama de la ville. Il convient toutefois d’en profiter généralement à une certaine distance parce que le survol de la vieille ville de Salzburg est normalement interdit. Mais « normalement interdit » ne veut pas dire impossible …

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Cela promet d’être un vol spectaculaire : le pro de l’acro Roland Brunnbauer en est certain. Il voudrait dédier sa prochaine aventure de vol à sa ville d’adoption, Salzbourg. Le château de Leopoldskron est sans nul doute un des joyaux historiques de Salzbourg : voilà donc un site d’atterrissage original tout trouvé. On peut voir le Gaisberg depuis l’étang de Leopoldskron, qui se trouve directement en face du château, et rien ne peut interrompre le cours de ce vol – si ce n’est la zone de contrôle (CTR) au-dessus de la vieille ville de Salzbourg.

UNE MONTAGNE AVEC DES RÈGLES PARTICULIÈRES

Le château de Leopoldskron et le Gaisberg sont tous les deux situés au milieu de la CTR de l’aéroport de Salzbourg. Tout vol dans cette zone réglementée doit donc être approuvé par la tour de contrôle. Vers l’ouest, l’interdiction est permanente – le survol de la ville de Salzbourg n’est donc pas possible sans une permission spéciale. Après moult négociations, la tour de contrôle a autorisé l’ouverture de la CTR pour cet événement inhabituel et le conseil municipal en a défini la fenêtre de temps.

LE CHÂTEAU DE LEOPOLDSKRON EST SANS NUL DOUTE UN DES

JOYAUX HISTORIQUES DE SALZBOURG.

LE JARDIN DU CHÂTEAU

La première reconnaissance des lieux avec l’équipe a soulevé un problème important. L’étang qui se trouve devant le château est entouré d’arbres, ce qui rend tout atterrissage à proximité impossible. « Si je ne tiens pas à atterrir dans un arbre, je suppose que je dois me poser sur l’eau », réalise Roland, qui ajoute : « de préférence avec une spirale au niveau du sol et un toucher de l’eau du bout de l’aile ! » Dans les compétitions d’acro, une spirale au sol est la manœuvre ultime car elle exige beaucoup de compétences différentes. « La difficulté avec cette manœuvre est que je dois prêter attention à beaucoup d’éléments : déclencher la spirale avec suffisamment de hauteur et de réserve d’énergie, calculer précisément les rotations, et relâcher juste au bon moment. Ce n’est qu’avec une parfaite fin de spirale que je vais arriver à toucher l’eau avec mon stabilo. »

Jeux d’eau à Salzbourg Un vol au-dessus de la ville de culture
Texte LEANDRA POSSELT Photos DAVID STEINBACH, ROLAND BRUNNBAUER
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QUE LES JEUX AQUATIQUES COMMENCENT

Le grand jour est arrivé. Quand Roland arrive sur le site du décollage, il croise quelques regards étonnés. Il attend le bon moment. Il ne porte pas les vêtements habituels qui seraient adaptés pour le protéger du froid, mais il est pieds nus et porte un maillot de bain. Un complice en canoé est en position d’attente sur le grand étang plus bas, prêt à déclencher une sorte d’opération de sauvetage aérien en mer. Les jeux aquatiques en parapente peuvent commencer !

Une fois les photographes en position, Roland apparaît dans le ciel. Il n’a pas beaucoup de hauteur au moment où il survole l’étang et qu’il se prépare à engager sa spirale, mais c’est tout de même suffisant pour la déclencher et accumuler de la vitesse de descente. Le bonheur domine lorsque son bout d’aile brosse élégamment la surface de l’eau. C’est tout mouillé mais heureux qu’il regagne le bord avec le canoé.

J’AI ESSAYÉ DE PROFITER DE LA MOINDRE PETITE ASCENDANCE DE FAÇON À AVOIR AUTANT DE HAUTEUR QUE POSSIBLE.

Ce vol est sans doute une belle preuve que ce qui semblait être une entreprise impossible peut se réaliser grâce à une bonne planification et une touche de créativité !

ROLAND BRUNNBAUER

Roland passe tout son temps libre à voler en acro et il a pris la deuxième place au Championnat du Monde de synchro en 2021. De temps en temps il fait aussi des sorties avec son équipement de vol de distance et travaille de surcroît comme assistant social.

EQUIPMENT
IMPRESS 4 Accessible Throne
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SIGMA 11 Ambitious Cross Country
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Jeux d’eau à Salzbourg Un vol au-dessus de la ville de culture
SUMMIT
Texte BEAT RECK
Photos AVEC SES CINQ MONTAGNES DE 8000 MÈTRES ET SES NOMBREUSES DÉCLINAISONS DE 7000, LE KARAKORUM EST UN ENDROIT UNIQUE POUR LES AMATEURS DE DÉCOUVERTES ET D’AVENTURES. SI TU VEUX BATTRE DES RECORDS, C’EST L’ENDROIT OÙ ALLER, ET C’ÉTAIT EXACTEMENT CE QUE LES PILOTES EXCEPTIONNELS QUE SONT TOM DE DORLODOT ET HORACIO LLORENS AVAIENT L’INTENTION DE FAIRE. LEUR PRINCIPAL OBJECTIF : SURVOLER LE SOMMET DU K2. 18
RAMON MORILLAS, HORACIO LLORENS, ANDREY PRONIN Advanced Adventures

HUNTERS

Summit Hunters Aux abords des plus hauts sommets du monde
Tom
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POUR TOUJOURS

Le Karakorum est addictif. Quiconque a volé ne serait-ce qu’une fois dans cet espace montagneux unique veut y revenir. Ainsi Tom de Dorlodot est retourné dans cette lointaine partie du monde pour la septième fois. C’est le lieu des extrêmes – fait pour les pilotes qui veulent battre des records et découvrir de nouveaux circuits. Pour son dernier projet, Tom a réussi à persuader le multiple champion du monde d’acro Horacio Llorens ainsi que le prodigieux pilote Ramon Morillas de l’accompagner. Le clou de l’expédition serait de survoler les 8611 mètres du K2. Le record du monde actuel avait été établi en 2021 sur le Broad Peak voisin. À cette occasion, Antoine Girard avait déjà réussi à atteindre 8407 mètres.

« Le vol en altitude est une discipline complète en ellemême », déclare Tom, « parce qu’au-delà de 7500 mètres les thermiques s’arrêtent généralement, et alors on a besoin du vent de haute altitude pour s’élever en dynamique au-dessus des sommets. Si le vent est trop fort au K2, il y a le risque que cela t’envoie jusqu’en Chine, en zone interdite. S’il est trop faible, tu ne peux pas monter. De plus, à cause de la faible densité de l’air en haute altitude, la vitesse trimée d’un parapente dépasse les 50 km/h. »

L
E KARAKORUM
« Voler dans la région du Glacier du Baltoro est pratiquement une des poussées d’adrénaline les plus intenses de ma vie. » Horacio 20 Advanced Adventures

CHINA

C AMP DE BASE

AU BALTORO

PAKISTAN

6286m TRANGO TOWERS

Baltoro Glacier Basecamp

8611m K2 8051m BROAD PEAK 8035m GASHERBRUM 2 7932m GASHERBRUM 4

7276m MUSTHAG TOWER 10 km

8080m GASHERBRUM 1

7821m MASHERBRUM (K1)

La région du Karakorum n’a pratiquement à offrir que des superlatifs : non seulement la plus forte concentration des plus hauts sommets, mais également sans doute la plus grande vallée glaciaire au monde. « Les dimensions du Glacier du Baltoro sont inimaginables. Ce n’est qu’en l’air qu’on peut se faire une idée de sa taille », dit Tom. « Le glacier principal fait plus de 60 km de long. Il est plein de crevasses, de séracs et de blocs de glace de la taille d’une maison. Se poser là ? Hors de question ! Notre itinéraire d’approche vers le K2 longe le Baltoro. C’est le ticket d’entrée pour la deuxième plus haute montagne du monde. »

L’équipe de six hommes (trois pilotes, deux guides, un cuistot) a installé son camp de base à Paiju à 3370 mètres, un peu en-dessous des dernières pentes de glace du Baltoro. Une fois installés, leur tâche consistait à trouver un site de décollage acceptable. « Presque impossible – partout c’est raide, rocheux et en partie envahi de végétation », se souvient Tom. Donc les trois pilotes ont commencé par remonter la moraine pendant une heure et demie. « Ce n’est que vers 800 mètres au-dessus de notre camp de base qu’on a trouvé ce qu’on cherchait. Mais il nous fallait encore nettoyer les cailloux et les broussailles. Finalement, ça a tout de même commencé à ressembler à un spot de décollage officiel. »

UN DÉPART PARFAIT

Les pilotes ont commencé par un départ parfait : un beau ciel bleu, des thermiques fiables et amicaux jusqu’à +7 m/s. « Les dix premiers jours ont été un cadeau du ciel. On a pu voler tous les jours et ainsi commencer à connaître la région. On a exploré chaque thermique le long des quelques 40 km jusqu’au K2 et envisagé toutes les options », dit Tom. Au bout du troisième jour de vol, les pilotes avaient tracé la ligne de vol jusqu’au K2 et fait du soaring sur ses faces. À 7200 m cependant, tout s’arrêtait. Il n’y avait pas de vent d’altitude pour porter les chasseurs de records le long de ses faces jusqu’au sommet.

Lors de leurs quatre autres approches vers le K2, les pilotes étaient montés jusqu’à 7500 mètres. « Pour aller au-delà de 7000 mètres, il nous fallait souvent moins d'une demi-heure après le décollage. Cette altitude pousse ton organisme à ses limites car il ne peut pas s’acclimater assez vite. C’est pour cela qu’on était sous oxygène. » Tom sait à quoi ressemble un soudain blackout : « Ça m’est arrivé deux fois dans le passé. C’est pourquoi cette fois-ci on a joué la prudence. »

Summit Hunters Aux abords des plus hauts sommets du monde 21

OMME LES EXPLORATEURS

DU BON VIEUX TEMPS

L’approche vers le K2 est devenue leur trajet quotidien : cela leur faisait survoler sept vallées latérales ou glaciers latéraux jusqu’à l’endroit où les glaciers du Baltoro et de Godwin-Austen se rejoignent. « On se sentait comme les explorateurs du bon vieux temps à la découverte d’un nouveau terrain de vol », dit Tom. « On a traversé un nombre incalculable d’espaces totalement inexplorés et survolé des sommets encore jamais conquis. » Les pilotes ont été stupéfaits quand ils ont vu soudain un aigle enroulant sur les flancs du K2. « Ouah ! Le roi du ciel, à plus de 7000 mètres. Pendant un moment, on a rivalisé avec lui. Puis il s’est éloigné vers la Chine. On a dû décliner l’invitation... »

Sécurité d’abord. C’était notre devise pour tous nos vols. Le caractère infranchissable du terrain et les distances énormes jusqu’au camp de base rendaient effectivement impossible tout atterrissage. Cela est néanmoins arrivé une fois : lors d’un vol de retour du K2, Ramon n’a pas pu raccrocher un thermique. Sa seule option : se poser au camp de base du Broad Peak à 4900 mètres. Les alpinistes l’ont accueilli pour la nuit. Ensuite, il a dû revenir à Paiju à pied : deux jours et demi éprouvants, avec une marche en montagne de plus de 12 heures par jour.

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Après la poussée d’adrénaline des dix premiers jours de vol, sont arrivés les nuages de mauvais temps, et finalement la pluie. Mais l’équipe des pilotes –désormais réduite aux seuls Tom et Horacio – ne s’est pas découragée : « Nous avons tenu le coup pendant une semaine et puis nous sommes descendus au village le plus proche en une journée de marche, pour pouvoir enfin parler avec nos familles et manger des fruits frais ! » Finalement le ciel s’est à nouveau éclairci et il y a eu de bonnes nouvelles : « Des vents de haute altitude modérés avec du beau temps sont annoncés pour les prochains jours. On a pensé qu’on avait encore une dernière chance », déclare Tom.

« On voulait le faire ensemble. C’était un projet d’équipe. C’est toujours bon d’avoir un ami qui peut te soutenir. »
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ToM
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K2 Summit

OUR DE GRAND CHELEM

Quand Tom et Horacio ont jeté un œil hors de leur tente à 6 heures du matin le 19 juillet, ils se sont dit : c’est aujourd’hui ou jamais. Ils ont emporté leur équipement et tous les vivres qui leur restaient : un œuf dur et une pomme de terre à l’eau. Vers midi, ils se sont mis en route en direction du K2. Leur itinéraire les amenait au-delà des imposantes Trango Towers, et comme les conditions étaient tellement bonnes, ils se sont d’abord dirigés vers la Muztagh Tower (à 7273 mètres). C’était une première.

Un peu plus tard l’équipe atteignait le K2. « C’était notre cinquième et dernière tentative. On a à nouveau pu enrouler jusqu’à environ 7500 mètres. Il y avait là-haut un vent de 15 km/h, qui nous a seulement permis de maintenir l’altitude en soaring le long de la face de la montagne. Bien sûr, nous étions un peu frustrés : le jour parfait, le bon vent, le bon endroit –mais il nous a juste manqué le dernier petit morceau de chance. »

« On s’est dit : Ok, on va voler jusqu’au prochain huit mille. » Les deux pilotes ont survolé le Glacier du Baltoro jusqu’au Broad Peak, 10 km plus loin. On était alors en fin d’après-midi. Le vent n’a pas non plus joué le jeu au Broad Peak et l’ascendance s’est arrêtée à 7500m. Alors ils sont allés directement vers le Gasherbrum IV, le prochain huit mille. « Le Gasherbrum était parfaitement aligné pour le vent, mais là non plus on n’a pas pu gagner d’altitude dans un courant dynamique ascendant. »

Les vallées étaient déjà dans l’ombre. Il était temps de rentrer. « De retour au Broad Peak, on a entendu un appel au secours à la radio. Un alpiniste était porté disparu sur le Broad Peak. Depuis le ciel, on a réussi à localiser d’abord son sac à dos puis le montagnard mort. On a transmis à la radio cette triste nouvelle à son groupe. Qu’est-ce qui va arriver à sa famille ? Qu’est-ce que cela veut dire pour ses amis ? Cette expérience nous a beaucoup fait réfléchir. Et nous avons à nouveau réalisé à quel point l’être humain est vulnérable dans cette région si inhospitalière. »

OMEGA XA Challenge Yourself

WEIGHTLESS

Less is More Fun

TOM DE DORLODOT

Avec ses huit participations, Tom est un super vétéran de la X-Alps. Ce Belge a réalisé un nombre incalculable d’expéditions en Vol-Biv. Il parcourt le monde à bord de son voilier et fait le tour des spots de parapente exceptionnels.

DANS LE PARC D’AVENTURE

En y repensant, Tom résume ainsi la journée du Grand Chelem : « Quand on s’est posés à exactement dix mètres de notre tente après un peu plus de sept heures de vol, on était très fiers et très heureux, malgré notre frustration initiale au K2. Nous avions atteint 7550 mètres, nous avions rallié par les airs quatre des plus hauts sommets et ouvert au passage de nouveaux circuits. On s’était sentis tout le temps bien et en sécurité ! Quel privilège de vivre une telle aventure ! »

Le projet de record de Tom n’est pas abandonné : « Bien sûr, quand tu relèves de gros défis, tu dois accepter d’être déçu. Mais notre expédition fut malgré tout un succès : les images et les histoires que nous rapportons à la maison sont tout simplement incroyables. On y retournera. Les gens de là-bas sont devenus chers à mon cœur. Le Karakorum est un paradis. Et on était les seuls pilotes à y être pendant tout un mois. » Au fait, le deuxième prénom du fils de Tom est Karakorum.

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Summit Hunters Aux abords des plus hauts sommets du monde
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Texte BEAT RECK Photos ADI GEISEGGER

qui l’ont habité lors de l’aventure Marche & Vol à Dubaï en 2021.

CHRIGEL MAURER

Chrigel a déjà gagné sept fois la X-Alps, remporté trois fois de suite le classement général de la Coupe du Monde, et a été champion d’Europe. « L’aigle d’Adelboden » est un nom bien connu de tout pilote de parapente. Il partage son énorme savoir à travers des conférences, par le biais de la X-Alps Academy qu’il a fondée, et en proposant des sessions de coaching personnel aux pilotes et aux talents en herbe.

Flashback Dubaï
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FAIRE DU SOARING BIEN AU-DESSUS DES GRATTE-CIELS DE DUBAÏ A ÉTÉ UN DES MOMENTS LES PLUS ÉMOUVANTS DE TOUTE MA CARRIÈRE. »

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CELA FAIT BIENTÔT UN AN QUE CHRIGEL MAURER A VÉCU UN MOMENT DE GRANDS DOUTES LORS DE CET ÉVÉNEMENT DE TOP-CLASS DU DÉSERT. NON SEULEMENT SES COMPÉTENCES ONT ÉTÉ MISES À L’ÉPREUVE DANS CETTE COMPÉTITION DE TOUS LES SUPERLATIFS, MAIS SA CONSCIENCE ÉGALEMENT. SES FANS ET SES FOLLOWERS ONT COMMENCÉ À LUI POSER DES QUESTIONS CRITIQUES : POURQUOI VOLES-TU LÀ-BAS ? EST-CE QUE TU TE FAIS ACHETER ? OÙ SONT PASSÉS TES PRINCIPES MORAUX ? CHRIGEL A TROUVÉ CELA TRÈS DIFFICILE À GÉRER. QUELLES CONCLUSIONS A-T-IL TIRÉ DE CETTE EXPÉRIENCE ÉPROUVANTE ? VOICI SON ANALYSE PERSONNELLE.

Ceux qui me connaissent savent que je suis un perfectionniste. Je ne vais pas décoller sans avoir une stratégie claire et une préparation méticuleuse, et ma tête doit être absolument prête. Je suis allé au UAE Hike & Fly à Dubaï dans cet état d’esprit, mais personne ne savait exactement en détail comment cette compétition se déroulerait. On savait simplement qu’on grimperait un gratte-ciel et qu’on décollerait du toit. Je trouvais cela excitant ! C’était totalement nouveau ! Il y avait avec moi environ 25 pilotes de haut niveau au départ.

DES IMAGES SENSATIONNELLES

Je n’ai pas été déçu. Depuis le premier jour de la compétition, ce fut une expérience inoubliable : nous avions le droit de grimper les 300 mètres du Address Beach Hotel et de décoller du toit –une première absolue. Comme tout s’est très bien passé, on a demandé s’il était possible de voler encore une fois après l’épreuve. Les conditions étaient parfaites et on a pu monter bien audessus des gratte-ciels de Dubaï à partir de ce bâtiment jusque tard dans la nuit. Mon cœur battait plus vite : ce fut un des moments les plus émouvants de toute ma carrière de pilote. Bien sûr les photos et les films sensationnels sont devenus immédiatement viraux.

L’EFFET BOOMERANG

Mais au lieu de Likes, un orage de critiques s’est abattu comme de la grêle, m’inondant de questions et de doutes : des reproches, des rejets, des accusations. Chrigel, où est ta moralité ? Mon euphorie était en miettes. Tout m’a été renvoyé à la figure comme un boomerang de négativité. Quelques heures plus tôt, j’avais été submergé par une sensation de bonheur. Et peu après, j’étais devenu la cible de critiques. Je n’avais jamais fait une telle expérience auparavant. J’avais bien conscience que tout le monde n’allait pas aimer tout ce que je fais. Mais jusqu’à ce point ? Pourquoi ces commentaires pleins de reproches ? Qu’avais-je fait de mal ?

BIENVENUE SUR LES MÉDIAS SOCIAUX

J’avais déjà participé aux FAI World Air Games à Dubaï en 2016. À cette époque, ma participation à cette compétition n’avait suscité ni question ni commentaire. Mais maintenant, en 2021, c’était complètement différent, et donc je me suis enfermé dans ma chambre d’hôtel et j’ai cliqué sur ces plateformes. J’ai lu tous les commentaires. Je voulais comprendre. Le carrousel de mes pensées commença à tourner dans ma tête : est-ce que j’ai fait quelque chose de mal ? Est-ce que je suis finalement à vendre ? Est-ce que je peux justifier ma participation à cette compétition vis-à-vis de moi-même ? Je n’avais que des questions et des doutes.

Flashback Dubaï 31
Advanced Adventures 32
Flashback Dubaï 33

ET SI JE GAGNE ?

Pour moi, une préparation mentale complète fait partie de chaque entraînement à la compétition. Je consacre beaucoup de temps à la stratégie et j’ai toujours un plan B et un plan C tout prêts au cas où le plan A ne marcherait pas. Mon credo : tout ce qui peut être planifié doit être planifié, de façon à pouvoir mieux réagir aux imprévus. J’essaie de tout analyser de façon rationnelle, mais au bout du compte, je peux seulement me fier à mon instinct. Alors maintenant ? J’étais là dans ma chambre d’hôtel sans plan préparé. Et si je gagne ? Est-ce que je serai l’objet d’encore plus de critiques ? Est-ce que j’en serai puni ? Le carrousel de mes pensées tournait à plein régime.

« MON CREDO : TOUT CE QUI PEUT ÊTRE PLANIFIÉ DOIT ÊTRE PLANIFIÉ, DE FAÇON À POUVOIR MIEUX RÉAGIR AUX IMPRÉVUS. » 34 Advanced Adventures

À LA DERNIÈRE SECONDE, À LA DERNIÈRE

PLACE

La dernière épreuve de la compétition avait lieu sur une colline à la limite du désert d’Al Faya. J’étais en tête au moment du sprint final. La victoire et son prix important en argent étaient directement à ma portée. La chaleur commençait à me gêner, il y avait du sable aussi loin que le regard pouvait aller. J’atteignais mes limites. Et le carrousel de mes pensées continuait à tourner : Cette victoire était-elle justifiée ? Comment gérer les accusations ? À la dernière seconde, j’ai décidé de franchir la ligne en dehors de l’arche d’arrivée. Cela me repoussait à la dernière place dans le classement du jour. J’avais fait cadeau de la victoire. J’ai ressenti un bref moment de paix – mais le conflit n’était pas résolu.

UN BESOIN DE JUSTICE

En tant qu’athlète, tu veux gagner. C’est pourquoi tu vas sur la ligne de départ. C’est l’idée même de compétition. Ne pas vouloir gagner – c’est tout sauf juste. Ce n’est pas moi. Je ne suis pas simplement à vendre. J’ai décidé d’écrire un post à ce sujet. C’était le premier depuis que j’étais à Dubaï. Voici ce qu’il disait : « Je n’ai jamais fait quelque chose comme cela auparavant, et je ne le ferai plus jamais parce que ce n’est pas juste. Je m’excuse auprès des participants, de mes partenaires et des organisateurs. C’était une sorte de trou noir comme je n’en ai jamais eu avant. »

ÉPILOGUE

Le UAE Hike & Fly 2021 m’a emmené vers un nouveau territoire. Une compétition qui propose de nouvelles épreuves : je voulais en être ! Aujourd’hui, lorsque je regarde ces images spectaculaires, je me dis : le vol est une chose, avoir des valeurs en est une autre. Pour moi en tant qu’athlète, être un professionnel au sommet implique également de réfléchir à mes valeurs. Il ne suffit pas d’avoir un Plan A, un Plan B, un Plan C, mais aussi un Plan V (comme Valeurs). Alors, une partie de la préparation à la compétition est aussi de se poser cette question : « est-ce que je peux soutenir moralement cet événement ? »

EQUIPMENT OMEGA XA Challenge Yourself LIGHTNESS XA Ready to Transit Flashback Dubaï 35

Nadine est guide de haute montagne et monitrice de ski. Elle vit à Arlberg, la Mecque autrichienne des sports d’hiver, et elle a gagné deux fois le Freeride World tour. Quand elle ne skie pas, on la trouve dans les airs ou sur les rochers – toujours prête pour une nouvelle aventure.

CARO NORTH

Caro est une guide de haute montagne et une alpiniste professionnelle. À 16 ans, elle se tenait déjà au sommet des 6961 mètres de l’Aconcagua en Amérique du Sud. Depuis, elle a participé à de nombreuses expéditions en Patagonie, dans l’Himalaya indien, en Iran, en Arménie, en Alaska, et dans la vallée du Yosemite.

Texte RAPHAELA HAUG Photos J.HELLINGER/EUROPEAN OUTDOOR FILM TOUR NADINE WALLNER
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GIRL POWER AU SCHRECKHORN

Rendu possible grâce à une grosse pièce de tissu

La traversée des 4078 mètres du Schreckhorn est une randonnée alpine exigeante. D'importantes chutes de neige avaient tout d’abord interrompu le projet de Caro North et Nadine Wallner, mais les deux alpinistes professionnelles se sont soudainement retrouvées avec des skis de randonnée aux pieds au beau milieu de l’été. Et l’utilisation de leurs parapentes a permis de décider si cet ambitieux projet pouvait ou non se réaliser.

Girlpower au Schreckhorn Rendu possible grâce à une grosse pièce de tissu
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On est début juin et il a neigé jusqu’à 2000 mètres. Le risque d’avalanche dans les Hautes-Alpes est élevé. L’arrivée d’une fenêtre météo de haute pression est de bon augure pour cette randonnée prévue de longue date, mais l’approche directe est tout sauf sûre. Que faire ? « Pourquoi ne pas tout simplement survoler les pentes dangereuses ? » propose soudain Caro, un large sourire éclairant son visage. En un rien de temps Caro et Nadine ont bouclé leur sac avec leur équipement d’escalade, de ski et de parapente et sont montées à bord du train de la Jungfraujoch. C’est un détour pour leur itinéraire, mais il est inévitable.

Le parapente comme sac à merveille

D’abord, chargées comme des mules, elles se dirigent en ski de randonnée de la Jungfraujoch vers le refuge du Mönchsjoch. C’est là que Caro et Nadine passent leur première nuit. Leur destination pour la prochaine étape est un site de bivouac au pied du Schreckhorn, mais entre les deux se dresse un bloc de glace qui domine un mur vertical de 1000 mètres de dénivelé, au bout d’un vaste glacier inaccessible. Son nom : la Mer de Glace. Leur parapente devrait les aider à surmonter ces embûches. Ce qui semble simple se révèle souvent plus compliqué, et le vol en haute montagne exige beaucoup d’expérience : souvent le vent est trop fort, le plafond de nuages trop bas, ou c'est tout simplement la météo qui n’est pas favorable.

«
38 Advanced Adventures
En dehors de notre équipement de ski de randonnée, d’alpinisme et de bivouac, on a également pris nos PI 3 avec nous. Nos sacs nous donnent l’impression de partir en expédition. »

La magie du matin

Les premiers rayons du soleil éclairent les sommets, et un peu plus tard toutes les montagnes alentour brillent dans la lumière du matin. Un nouveau jour se lève et avec lui Caro et Nadine quittent le refuge en direction du Fieschersattel. Elles voudraient décoller sur la face est du Grosses Fiescherhorn à près de 4000 mètres. La météo et le vent sont parfaits. Un dernier coup d’œil, un rapide « bon vol » et Caro décolle. Nadine la suit. Leur performance en termes de finesse est difficile à évaluer avec leurs voiles lourdement chargées et leurs skis aux pieds, aussi espèrent-elles toutes deux qu’elles arriveront avec assez de hauteur de l’autre côté. Leur sourire est d’autant plus large quand elles se posent à peine plus bas que leur site de bivouac. Leur plan a marché et elles se trouvent même plus haut qu’elles ne l’auraient espéré. Génial !

« Le décollage exige de l’attention. Il est exposé. Immédiatement devant elles, la falaise plonge de 1000 mètres de façon abrupte dans de sombres profondeurs. Quel vol impressionnant au milieu de sommets de 4000 mètres de l’Oberland bernois. »

GIRLPOWER
Girlpower au Schreckhorn Rendu possible grâce à une grosse pièce de tissu 39
AU SCHRECKHORN

Le succès au sommet …

Cette nuit sous la tente a été froide. Nadine et Caro se mettent en route quand il fait encore sombre pour grimper l’arête entre le Lauteraarhorn et le Schreckhorn. Partant de là, les deux amies prévoient d’atteindre le sommet du Schreckhorn. L’ascension commence par une traversée très raide, et ensuite c’est une arête très exposée qui les attend. Les derniers mètres jusqu’au sommet sont franchis dans la neige. C’est exténuant, fatigant, mais une fois au sommet la vue est tout simplement extraordinaire. Les deux femmes tombent dans les bras l’une de l’autre, rayonnantes de joie. Quel moment formidable. « Nous profitons de cet instant avant d’entamer la descente du Schreckhorn par la voie normale, qui est encore bien en neige par endroits, et on retrouve notre site de bivouac », nous raconte Nadine. À ce moment, les parapentes entrent à nouveau en jeu pour le vol de retour dans la vallée …

... n’est pas le même que le succès en parapente

Malheureusement, les dieux de la météo ne montrent aucune pitié pour les deux alpinistes. Les nuages arrivent vite, plus vite que Caro et Nadine. Quand elles retournent à leur site de bivouac, elles se trouvent déjà en plein voile blanc. Avec une visibilité maximum d’un ou deux mètres, voler est hors de question. Et donc elles patientent, dans l’attente et l’espoir que le ciel va à nouveau s’ouvrir. « On avait le mauvais pressentiment d’avoir à passer une autre nuit dans notre bivouac si la couverture de nuages ne se levait pas », rapporte Caro. Mais l’espoir fait vivre. Finalement, quelques heures plus tard et quelques centaines de mètres plus bas, elles ont trouvé une ouverture dans le nuage. Elles ont sauté sur l’occasion, décollé et se sont posées peu après à Grindelwald, débordant de joie.

« C’est incroyable que le plan ait marché jusqu’à la fin. La combinaison parfaite entre le vol et l’alpinisme », dit Caro rayonnante.
EQUIPMENT PI 3 Light Versatility STRAPLESS 2 Ultralight Mountaineer 40 Advanced Adventures

SCHRECKHORN

Merci à Lucien Caviezel et à Roger Schäli pour leur soutien. Il y a un film sur toute la course dans le 20ème EOFT.
GIRLPOWER
Girlpower au Schreckhorn Rendu possible grâce à une grosse pièce de tissu
AU
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NAVIGUER AU PARADIS

Tom de Dorlodot a traversé l’Atlantique avec son voilier puis il s’est mis en route pour explorer le potentiel de cross de la République Dominicaine. C'est là qu'il a retrouvé le photographe Adi Geisegger et son copain Robert Blum. Des plages avec des palmiers sauvages, de la musique bachata typique, et des sites de décollage vraiment exigeants les attendaient. Y compris une montée jusqu'à un décollage éloigné à dos de mule.

Adi Geisegger s’est affalé sur son lit puis s’est immobilisé. Juste au-dessus de lui, une tarentule pendait sans bouger du plafond de sa chambre d’hôtel bon marché. « Là on fait quoi ? » demanda-t-il nerveusement à l’attention de son voisin de chambre. Le conseil de Robert fut simplement « Dormir ! »

Ils avaient atterri à Punta Cana quelques heures plus tôt. On était à la mi-janvier, c'était l’hiver en Europe. Ils s’étaient organisés pour rencontrer le pilote professionnel avide d’aventures Tom de Dorlodot. Le Belge de 37 ans venait de traverser l’Atlantique dans son bateau à voile et leur plan à tous les trois était de voler sur l’île. La mission d’Adi était de prendre des photos de la nouvelle voile légère cross, la IOTA DLS. Adi n’avait pas beaucoup dormi de la nuit, mais Robert

42 Advanced Adventures

et lui avaient tout de même retrouvé Tom le lendemain matin à Santo Domingo, la capitale. Tom était accompagné d’un pilote de parapente local qui avait déjà réservé le chauffeur et le véhicule pour les trois invités. « C’est maintenant le meilleur moment pour voler, allons-y tout de suite », leur dit-il.

« Il y a définitivement ici du potentiel pour le cross. Le record de l’île est d’environ 200 kilomètres : ça donne une idée. »

Les trois amis se sont vite trouvés en l’air. Ils ont fait du soaring sur une plage, ont exécuté des wingovers, faisant des virages à seulement quelques centimètres de la cime des arbres dont le manteau épais couvrait les pentes. La couleur turquoise

de la mer scintillait en-dessous d’eux. Soudain, ça s’est mis à monter de partout et de magnifiques cumulus ont commencé à se former parallèlement à la côte. C’était une zone de confluence qui leur a permis à tous les trois de voler loin vers la pleine mer. Après avoir parcouru plusieurs kilomètres, ils se sont posés sur la plage au moment du coucher du soleil. Le son des rythmes de la musique bachata s’est fait entendre pendant tout le week-end sur cette île des Caraïbes. Tout en buvant du lait revigorant de noix de coco, ils ont fait des plans pour les jours suivants. En chemin vers le centre de Jarabacoa, qui est l’épicentre de la scène dominicaine du parapente, Tom, Robert et Adi ont traversé une haute vallée où, selon le pilote local, se trouvait un site de décollage difficile d’accès. C’était le point de départ idéal pour un vol de distance.

Naviguer au paradis Puis s’envoler
Texte SÉBASTIAN LAVOYER
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Photos ADI GEISEGGER, BENOIT DELFOSSE

« Dans toutes mes aventures, que ce soit en l’air ou sur la mer, il s’agit avant tout de savourer l’instant au maximum, jusqu’au bout. »

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paradis Puis s’envoler 45
Naviguer au

Par une chaleur étouffante de 30 degrés avec plus de 90 % d’humidité, ils se sont mis en route à dos de mule. Quand ils ont atteint le sommet, les trois pilotes se sont regardés, très perplexes. Le prétendu spot de décollage offrait tout juste assez de place pour étendre une voile, avec devant un espace d’à peine dix mètres comme piste d’envol. Le décollage, s’il était tout simplement possible, n’était envisageable qu’avec du vent. Mais au bout d’un court moment, une brise se leva – comme une invitation pour un vétéran de la X-Alps comme Tom pour lever sa voile et se trouver en l’air après quelques pas. Adi et Robert l’ont suivi.

Les thermiques étaient forts, les propulsant immédiatement jusqu’aux barbules du nuage. Un début fulgurant pour le premier véritable vol de distance. En suivant une chaîne vers le nord, ils ont survolé des pentes couvertes de champs de coton qui scintillaient, dorés dans la lumière du soleil. Les conditions de vol étaient impressionnantes, la vitesse élevée. Après environ 40 kilomètres ils ont fait demitour. Comme c’est souvent le cas dans les Caraïbes, un mur de cumulus se dressait devant eux, bientôt suivi par les premières averses dans le lointain. Ce fut la conclusion prématurée d’un vol de distance qui avait duré presque trois heures.

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« Il y a peu de spots de vol officiels, mais ils proposent des sites de décollage relativement bons et de bonnes conditions de vol. Si tu recherches davantage d’aventure, tu peux aussi trouver des endroits moins courus. »

Deux jours plus tard, Adi et Robert ont retrouvé Tom et son voilier au port de Samana. C’était déjà la fin de l’après-midi lorsque les trois Européens ont mis la voile sur la mer des Caraïbes. Tom a initié ses visiteurs à l’art délicat de la navigation à voile. Il passe plusieurs mois par an sur son bateau, et il est toujours à la recherche d’un nouveau territoire exotique pour le parapente.

La nuit a été courte, avec Tom dans sa cabine de capitaine et ses invités dans leur B&B. Ils se sont mis en route très tôt vers le nord, en direction de Playa Rincon. Ils sont montés à pieds par un chemin raide parallèle à la côte jusqu’à un plateau. Là, ils ont rencontré un fermier à qui ils ont demandé quel était le décollage recommandé par les locaux. Ils étaient inquiets de voir qu’il y avait une clôture au milieu, mais le fermier se fit un plaisir de la coucher pour eux.

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Naviguer au paradis Puis s’envoler

Mais même après cela, le décollage restait un défi. L’endroit était légèrement sous le vent, et le courant n’était pas parfaitement laminaire. Une fois en l’air pourtant, ils ont pu faire du soaring au-dessus de l’eau cristalline de la baie et de la plage déserte bordée de palmiers. Sur le côté, il y avait le Cap de Playa Rincon avec sa végétation de jungle à couper le souffle. Dans un mélange de thermiques et de brises de mer, ils ont fait des allers-retours le long de la côte, toujours plus haut au-dessus de ce paysage paradisiaque. Ce fut le point final de leur aventure commune dans les Caraïbes.

TOM DE DORLODOT

Avec ses huit participations, Tom est un super vétéran de la X-Alps. Ce Belge a réalisé un nombre incalculable d’expéditions en Vol-Biv. Il parcourt le monde à bord de son voilier et fait le tour des spots de parapente exceptionnels.

ADI GEISEGGER

Adi vole en parapente et en deltaplane depuis le début des années 90. Autrichien de naissance, il est l’un des photographes de parapente les plus reconnus. Il vole aussi en paramoteur.

ROBERT BLUM

Ce natif de l’Allgäu est un ancien du parapente. Il a établi plusieurs records d’Allemagne de vols de distance et a vécu de nombreuses aventures de Vol-Biv, y compris dans des massifs comme le Haut Atlas, l’Himalaya Népalais et le Caucase.

EQUIPMENT IOTA DLS Start a New Era WEIGHTLESS Less is More Fun 48 Advanced Adventures
au paradis Puis s’envoler 49
Naviguer
LE MONT BLANC EST LE CENTRE DE LA VIE DE FRED SOUCHON, MAIS L’EXPÉRIENCE Y EST À CHAQUE FOIS DIFFÉRENTE. EN TANT QU’ALPINISTE ET QUE MEMBRE DES SECOURS EN MONTAGNE, IL CONNAÎT CE MASSIF COMME SA POCHE. IL A DÉJÀ FAIT SON SOMMET, LE PLUS HAUT DES ALPES, PLUS DE TRENTE FOIS. COMME PILOTE DE PARAPENTE PASSIONNÉ, IL LE REDÉCOUVRE À CHAQUE FOIS, METTANT AINSI EN PRATIQUE SA DEVISE DU « PLAISIR SANS LIMITE ». MONT FRED SOUCHON ET LA MONTAGNE DE SA VIE ATTRACTION BLANC Advanced Adventures 50

DE LA MER AU SOMMET

Le Mont Blanc ne se fait pas nécessairement depuis Chamonix : pourquoi ne pas le gravir depuis le niveau de la mer, et ensuite le descendre en vol ? Ce défi une fois posé, Fred Souchon et Tom Jeanniot ont préparé leur équipement de Vol-Biv et se sont mis en route pour Nice. La Méditerranée murmurait doucement, il y avait une forte odeur de sel dans l’air, mais ici l’air était trop stable pour voler. Les pilotes ont loué deux vélos de la ville de Nice pour s’économiser une marche de 10 km. Ils ont pu tout de même réaliser un vol 30 kilomètres pour ce premier jour.

LES DÉFIS DU VOL-BIV

Comme cela arrive souvent avec le vol bivouac, c’est tout le voyage qui est une aventure. Les différents vols variaient entre un vol de 100 kilomètres et un simple plouf. « Les conditions étaient changeantes, bien sûr : parfois des orages, parfois des vents violents, parfois des conditions trop stables » , précise Fred. « On devait choisir entre rejoindre Chamonix plus tôt pour avoir une chance de décoller du sommet du Mont Blanc, ou bien le faire par nos propres moyens… sans le sommet du Mont Blanc. »

sa vie
Attraction Mont Blanc Fred Souchon et la montagne de
Texte BEAT RECK
Photos
FRED SOUCHON, FARNORTH_PRODUCTION « GÉNÉRALEMENT JE FAIS MES VIRÉES EN VOL-BIV PAR MES PROPRES MOYENS, MAIS CETTE FOIS-LÀ ON A FAIT UN PEU DU STOP. » 51
GENÈVE
MONT BLANC NICE

LE BUT : 4809 MÈTRES AU-DESSUS DU NIVEAU DE LA MER.

Le matin du sixième jour, le Mont Blanc est apparu à l’horizon et avant le soir, Fred et Tom ont finalement atteint Chamonix. Devaient-ils se mettre directement à grimper ? Avec les prévisions de vent, c’était tentant, mais après une brève discussion ils ont suivi un plan plus sage : d’abord dormir puis monter à pied jusqu’à Planpraz (2000 m), décoller de là puis enrouler des thermiques pour essayer de se poser aussi près que possible du refuge de la Tête Rousse (à 3187 m). Il ne leur resterait plus que 1622 mètres à gravir jusqu’au sommet. Pour l’ascension (par la voie normale) Fred et Tom ont changé leur équipement de vol de distance pour la PI 3 et la STRAPLESS 2, qu’ils avaient planquées à l’avance dans le refuge. Fred : « Quand on est arrivés au sommet, de façon assez incroyable, le vent du sud ne soufflait qu’à 5 km/h – des conditions parfaites ! On débordait de gratitude, et tandis qu’on se laissait glisser jusqu’à Chamonix, on en oubliait presque tous les efforts de cette exigeante semaine de Vol-Biv. »

«
Advanced Adventures 52
QUAND ON EST ARRIVÉS AU SOMMET, DE FAÇON ASSEZ INCROYABLE, LE VENT DU SUD NE SOUFFLAIT QU’À 5 KM/H. ON DÉBORDAIT DE GRATITUDE. »

IL FAUT QUE CE SOIT LE SOMMET

Le Mont Blanc est plus qu’une montagne. C’est un paradis, un terrain de sport, une source d’idées, un magicien et un séducteur. Et donc, après cette virée « de la mer au sommet » , trois mois ne s’étaient pas écoulés avant que Fred ne se soit embarqué dans sa nouvelle aventure au Mont Blanc. Cette fois-ci, c’était un projet de vol de distance – mais que serait une aventure au Mont Blanc sans faire l’expérience du sommet ? Fred et ses amis sont partis à 2h du matin du refuge des Cosmiques (3613 m). Ils ont atteint le sommet principal en passant par les flancs escarpés du Mont Blanc du Tacul. Le vent au sommet était une fois encore parfait, et Fred a pu se poser à Chamonix à 9 h, juste à temps pour un second petit-déjeuner. Cela n’était qu’un « petit » prélude au vol des trois nations qui allait suivre.

FRED SOUCHON

Fred Souchon vit dans la Mecque des montagnes françaises qu’est Chamonix. Il y travaille comme guide et secouriste en montagne. Il a pu voler bien plus de 10 fois du Mont Blanc et a entrepris plusieurs expéditions de Vol-Biv comme dans l’Himalaya ou le Caucase.

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Attraction Mont Blanc Fred Souchon et la montagne de sa vie

EN FAIRE TOUT LE TOUR

Quelques heures plus tard, Fred était déjà sur le site de décollage à côté de Planpraz, cette fois avec son équipement de vol de distance. L’objectif était de faire en vol un tour complet du massif du Mont Blanc en un seul vol. L’itinéraire franchissait trois frontières nationales ainsi qu’un grand nombre de vallées reculées et de glaciers. Les conditions de vol pour le premier septembre étaient prometteuses, avec un plafond qui montait à plus de 4000 m durant l’après-midi.

UNE EXPÉRIENCE ÉNORME

Les 67 kilomètres que Fred a couverts en vol ce jourlà sont difficiles à battre en termes d’expériences accumulées en presque quatre heures passées dans un paysage d’une beauté à couper le souffle. Fred aurait pu voler encore plus loin, mais il était trop fatigué. En effet, il était déjà monté à pied au sommet à 2h du matin ! Le tour complet du massif du Mont Blanc s’est parfaitement bien passé. Ce n’est pas une distance qui va faire le haut du classement quotidien dans le XContest, mais l’expérience est difficile à battre. Quand tu as comme récompense une aventure de vol aussi parfaite, que peux-tu demander de plus ?

« J’AURAIS PU VOLER PLUS LONGTEMPS CE JOUR-LÀ, MAIS J’ÉTAIS FATIGUÉ. J’AVAIS ATTEINT MON OBJECTIF ET J’EN AVAIS ÉTÉ MERVEILLEUSEMENT RÉCOMPENSÉ. »
MONT BLANC CH IT
CHAMONIX FR 54 TRIENT Advanced Adventures

TOUT EST DANS LE MÉLANGE

La variété est le sel de la vie. Les Français sont passés maîtres dans l’art de mélanger différentes disciplines. Ils appellent ce genre de projets combinés des « combos ». Les possibilités de combo sont presque sans limite, tout comme leur valeur en termes d’expérience. Quelle nouvelle idée ou nouveau rêve Fred va-t-il nous proposer la prochaine fois ? Une chose est déjà certaine : sa source d’inspiration sera le Mont Blanc.

PI 3 Light Versatility STRAPLESS 2 Ultralight Mountaineer EQUIPMENT OMEGA XA Challenge Yourself LIGHTNESS 3 Ready to Transit
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Attraction Mont Blanc Fred Souchon et la montagne de sa vie

de pure aventure 312km

Chaque vol de distance a sa propre histoire. Le triangle de 312 km d’Aaron Durogati dans le décor pakistanais, au milieu des sommets de 7000 mètres était vraiment spécial. Le plus long triangle de vol FAI parcouru en Asie est venu simplement du fait qu’il était impossible de se vacher sur le parcours. Dans le Karakorum, tout est quelque peu différent.

« Voyons ce qui est possible. Essayons de trouver ce qui va marcher. » Quand Aaron Durogati et ses trois compagnons Fabi Buhl, Will Smith et Jake Holland sont finalement arrivés à Karimabad au bout de 20 heures de conduite sur le Karakorum Highway, ils se sont d’abord sentis dépassés par la puissance brute de ces hautes montagnes. Ils étaient entourés par des sommets de sept-mille mètres, avec des huit-mille à l’arrière-plan : des montagnes célèbres comme le Rakaposhi, le Nanga Parbat, le K2 et bien d’autres.

C’était le premier voyage d’Aaron dans le nord-est reculé du Pakistan. Quand il est parti pour cinq semaines dans le Karakorum au début du mois de mai 2022, le champion du monde, le concurrent de la X-Alps et le pilote exceptionnel qu’il est, n’avait aucun projet de battre des records. Tout ce qu’il voulait, c’était se sentir libre dans sa tête… et faire ce qu’il sait faire : du parapente et du ski. Pratiquer les deux dans une autre dimension. D’où son long périple jusqu’à la vallée du Hunza et Karimabad. Ça devait être « l’expérience d’une vie » à tous points de vue.

Texte BEAT RECK Photos JAKE HOLLAND, FABI BUHL, AARON DUROGATI
« Tu peux multiplier tout par 10 : dans le Karakorum, tout est plus haut, plus grand, plus long, plus difficile. C’est ça le défi. »
Compétence, courage et curiosité dans le Karakorum
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312 km de pure aventure Compétence, courage et curiosité dans le Karakorum
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« Quand on est arrivés, le temps était instable.

On a eu des orages avec des vents allant jusqu’à 80 km/h. Donc, on s’est concentrés sur l’acclimatation : attendre une fenêtre météo, monter à pied et redescendre avec la PI 3. » L’objectif était de s’acclimater à des altitudes dépassant les 5000 mètres. Bientôt, Aaron et son équipe avaient compris suffisamment bien les conditions pour pouvoir se lancer dans leurs premiers combos de Ski & Vol. Le glacier du Hunza (à environ 5000 m) leur offrait d’excitantes pentes raides, et quand le temps s’est finalement amélioré, le Barbara Peak (5520 m) s’est prêté à des expériences très cool de freeride. La première impression d’Aaron : « C’est merveilleux, mais très exigeant avec un terrain parfois trompeur. Ce n’est plus du sport, c’est une aventure. »

Enfin, au bout de vingt jours, la météo s’est améliorée et des vols de distance sont devenus possibles. « Le premier vol de distance, un triangle à plat de 200 km, a été un succès. » L’air plus léger à des altitudes allant jusqu’à 6500 m leur garantissait de la vitesse et le vol leur a pris moins de six heures. « Mon intention était de voler aussi loin que possible et de voir autant de choses que possible. »

Comme site de décollage pour ses vols de distance, Aaron avait choisi un versant orienté à l’est au-dessus de Karimabad. Avant chaque décollage, il a dû monter à pied 1000 mètres de dénivelé. Son second vol XC a été un triangle FAI de 285 km, qui se révéla être une expérience très enrichissante : un fort vent catabatique – de l’air froid qui descendait des gros glaciers et qui contrait les thermiques – lui a mis des bâtons dans les roues. À 5000 m d’altitude, l’objectif du Karimabad apparaissait comme possible à atteindre en plané, mais quelques minutes plus tard, Aaron a été contraint de se poser dans une vallée perdue. Il a dû marcher plusieurs heures pour en sortir.

Et à peine le vol de distance avait-il réellement commencé que l’estomac d’Aaron se mit à se plaindre : « La nourriture pakistanaise n’est pas mon truc. Je suis italien, et j’ai donc toujours eu un peu de mal avec ce régime. Quand on s’est mis en route pour l’aventure suivante, le Barbara Peak, je me suis soudain senti vraiment mal. Ça a bousculé nos plans et retardé notre programme. Il fallait que j’aille mieux, que je guérisse de cette intoxication alimentaire et que je prenne un jour de repos avant de pouvoir continuer ces combos de Ski & Vol. »

Tout commence par l’acclimatation
312 km de pure aventure Compétence, courage et curiosité dans le Karakorum 59
Encore et encore, toujours plus d’aventure

Mon Combo de Ski & Vol le plus impressionnant

Pendant que mes deux amis Fabi et Will sont partis à l’assaut des 5810 mètres encore invaincus de la Gulmit Tower, j’avais un plan différent mais pas moins aventureux : décoller avec l’OMEGA XA de Karimabad (2800 m), poser sur l’épaule de la Gulmit Tower (5650 m) et ensuite descendre à ski jusqu’au glacier. Le vol jusqu’à l’épaule m’a pris un peu moins d’une heure, et comme j’avais chaussé mes skis en vol, j’ai pu me poser en toute sécurité dans la neige ! La descente du couloir fut une expérience de première classe, et comme tout était d’une beauté indescriptible, j’ai décidé de décoller du glacier et de remonter en vol pour répéter la descente. « Ce fut sans doute mon combo de Ski & Vol le plus impressionnant à ce jour! » Pour rendre cette journée parfaite encore plus parfaite, mes deux amis ont bel et bien réussi la première ascension de la Gulmit Tower.

« »
DUROGATI 60 Advanced Adventures
AARON

Aaron est un pilote de talent absolu à tous les niveaux. Il est à l'aise dans toutes les disciplines du parapente – XC, VolBiv, Speedflying ou Climb & Fly. L'ancien vainqueur du classement général de la Coupe du monde a déjà participé cinq fois aux X-Alps et a remporté de nombreuses compétitions.

AARON DUROGATI Gulmit Tower 5810 m
Ski Décollage Atterrissage
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312 km de pure aventure Compétence, courage et curiosité dans le Karakorum

Nouveau record pour l’Asie

Une fois que l’estomac d’Aaron s’est remis à fonctionner normalement, le nouveau revers fut un atterrissage brutal. « Pour une fois, je n’avais pas mis le protecteur pour ce vol, et mon dos a pris un choc. » Malgré la douleur, Aaron est remonté jusqu’au site de décollage avec son OMEGA XA 4. « J’avais remarqué que mon dos allait mieux quand j’étais dans la sellette. » Et c’est ainsi que commença l’aventure d’Aaron pour battre le record d’Asie.

Jusqu’au premier point de contournement, Aaron a progressé très rapidement, mais ensuite il a rencontré des portions difficiles quand il a dû gratter pour gagner de l’altitude à 200 mètres au-dessus d’un fond de vallée perdue, enroulant dans des ascendances d’à peine 0.1 mètre par seconde. « Chaque mètre de gain valait son pesant d’or parce que se vacher et revenir au pas de course n’était pas une option possible. Le terrain était beaucoup trop difficile, et de toute façon, avec mon dos je ne pouvais pas courir. J’aurais été totalement perdu. » La dernière partie du vol se passa à nouveau bien. Grâce à de bons thermiques, Aaron a pu contourner les 7800 m du Rakaposhi pour atteindre le point de contournement final. L’aventure du record d’Asie s’est finalement terminée par un grand succès : 312 kilomètres en 10 heures et demie.

« Au niveau des thermiques, le vol est comparable au vol dans les Alpes. Mais quand on est dans le Karakorum, on ressent tout dans une dimension différente. Tu gagnes plus d’altitude et tout est dix fois plus gros que chez toi : les glaciers, les crevasses, les séracs. Et par-dessus tout, tu es totalement livré à toi-même dans un terrain très difficile. C’est la grosse différence. » Aaron avait connu ce genre de situations plusieurs fois au cours de ses vols. « Il n’y a pas d’hélicoptère pour te récupérer. Là, tu pars pendant des jours avant de revenir, si tu arrives à revenir. » Cela exige autant de confiance en soi que d’intuition : « Pendant ces cinq semaines, j’ai appris à faire confiance à mes tripes. Quand j’ai eu à prendre une décision, si je n’avais pas écouté ma voix intérieure, je n’aurais pas pu battre le record. »

Une dimension complètement différente

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« Le vol de distance dans le Karakorum n’est plus un sport, c’est une aventure. »
EQUIPMENT
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MAGIE DU

CERVIN

Ce gracieux monolithe représente les Alpes suisses, et son image orne même les boîtes de Toblerone. Le photographe Adi Geisegger a franchi son sommet de 4478 m en paramoteur, avec Melanie Weber et Michi Maurer devant son objectif. Adi nous offre ici un compte rendu d’un vol unique au sein d’un environnement écrasant.

Il existe de nombreux sommets dans les Alpes, mais peu d’entre eux possèdent autant de charisme que le Cervin. En tant que ‘photographe volant’ je ne pouvais pas renoncer à mon rêve d’une fois voler en parapente au-dessus de ce géant avec une bonne lumière ! Quand j’ai parlé à Michi Maurer de cette idée, le Suisse a été immédiatement convaincu : « Si tu veux tenter le coup, tu peux compter sur moi ! »

PRÉPARER LE SUCCÈS

Si nous voulions bénéficier d'une belle lumière sur cette montagne géante, il nous fallait décoller tôt le matin. Comme on ne pouvait pas s’attendre à trouver des thermiques aussi tôt, nous avions besoin de la puissance d’un paramoteur pour nous aider à monter. Une question fondamentale restait cependant en suspens : serions-nous capables de monter au-delà de 4500 m avec le paramoteur ?

On a procédé à des vols d’essai et on a fait de nombreuses améliorations pour trouver la meilleure configuration possible. Aussi, en tant que pilotes, nous avons utilisé de l’oxygène portable, parce que voler à une telle altitude sans acclimatation nous rend rapidement sujets au mal des montagnes.

LE VENT COMME FACTEUR DÉCISIF

Trouver la bonne fenêtre météo représentait le plus gros défi. Avec une

puissance du paramoteur de seulement 14 CV, on devait faire un gain d’altitude de plus 4000 mètres. Cela ne pouvait marcher qu’avec l’aide d’un vent adapté sur le flanc de la montagne. Nous avons passé des heures devant des cartes isobares et des prévisions de vent. Au bout de trois mois, un puissant anticyclone des Açores s’installa, apportant avec lui les conditions de vent espérées. Une brise légère de sud-est remontait au-delà de 4500 mètres avec des températures d’environ moins 23 degrés. Les conditions étaient parfaites pour notre projet.

LE JOUR TANT ATTENDU

Le vol motorisé n’est pas autorisé en Suisse. Cela rendait notre projet plus difficile et rallongeait considérablement le vol pour atteindre le sommet. Comme le Cervin se trouve juste sur la frontière entre la Suisse et l’Italie, nous avons décidé de partir de la vallée d’Aoste, et nous avons trouvé un site de décollage convenable près de Saint-Vincent. Peu après 7 heures du matin, il était temps de partir. Avec les réservoirs pleins, trois couches de vêtements et peu de vent, notre course d’envol était exigeante. Décoller du sol et nous retrouver simplement en l’air était déjà un motif de joie et de soulagement. Avec nos moteurs qui ronronnaient, nous avons pris peu à peu de l'altitude.

Texte LEANDRA POSSELT Photos ADI GEISEGGER
Advanced Adventures 64

MELANIE WEBER

Melanie a découvert le parapente il y a huit ans. En tant que pilote de Marche & Vol, de paramoteur et de vol de distance, elle aime explorer de nouveaux domaines de vol.

ADI GEISEGGER

Adi vol en parapente et en delta depuis le début des années 1990. Depuis on peut fréquemment croiser en l'air ce photographe et réalisateur de film avec son paramoteur.

MICHI MAURER

Le parapente est la profession de Michi. Il est un pilote de compétition expérimenté et dirige l’équipe de test chez ADVANCE.

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Magie du Cervin Vol au-dessus du symbole de la Suisse
EQUIPMENT EPSILON 9 True Friendship
Advanced Adventures 66
AVEC UN PARAMOTEUR DANS UN MONDE DE GLACE ET DE NEIGE
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Magie du Cervin Vol au-dessus du symbole de la Suisse

DES HAUTEURS GIGANTESQUES ET DES TEMPÉRATURES GLACIALES

Et tout soudain, alors que nous survolions ses premiers contreforts, le Cervin s’est élevé devant nous comme un géant de neige et de glace. J’en ai eu la respiration coupée pendant un moment : j’avais devant moi l’énormité et l’attrait de la montagne qui m’avait accompagné dans mes rêves depuis tant d’années. Au même moment, Melanie et Michael se sont positionnés avec leur parapente devant la montagne géante encore lointaine et j’ai pris la première photo – un accès mystique dans un monde de rochers, de glace et de neige.

LE NIVEAU MAGIQUE DES 4000 MÈTRES

Les sommets tout autour de nous faisaient tous plus de 3000 mètres et on se sentait tout petits dans ce monde de montagnes imposantes. Le vent nous a aidés comme prévu, et on s’est élevés le long des faces rocheuses escarpées de Punta Budden et Punta Lioy en suivant la frontière italosuisse jusqu'au passage magique des 4000 mètres. Je gardais un œil sur le

viseur de mon appareil photo et l’autre sur le GPS, pour surveiller notre position et éviter ainsi d’entrer dans l’espace aérien suisse.

VERS LE SOMMET

La vue était époustouflante. Tout le secteur du Mont Rose, avec les plus hauts sommets de Suisse, s’étalait devant nous. Le Breithorn (4164 m) et la pointe Dufour (4634 m) brillaient contre le soleil. Je prenais des photos en rafale, et soudain nous étions au-dessus du sommet du Cervin. Le rêve devenait réalité. L’altimètre indiquait 4525 mètres : on avait réussi. L’air était glacial, mais sans aucune turbulence. On a profité de cet instant dans un silence complet tandis que nous planions tous les trois au-dessus du sommet. La vue à cette heure du jour et à cette altitude était presque sans limite. Pendant cet instant magique, j’ai pensé à la fameuse formule de Walt Disney: « Si tu peux le rêver, tu peux le faire! »

Advanced Adventures 68
Infos éditeur
ÉDITEUR ÉDITEUR Advance Thun AG, Uttigenstrasse 87, 3600 Thoune, Suisse IDÉE & CONCEPT Simon Campiche MISE EN PAGE 3DELUXE RENDUS D‘IMAGES Mark Oertig COORDINATION Tobias Rusterholz, Raphaela Haug TRADUCTION Lazare Paupert RELECTURE Martine Medici PHOTO DE COUVERTURE Adi Geisegger ÉTÉ 2022 ©ADVANCE
INFOS
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