D Au premier plan
Des histoires à raconter Pourquoi raconter des histoires ?
e loin, la scène peut sembler chaotique : autour d’une table, des femmes avec des tabliers colorés et saupoudrés de farine pétrissent de la pâte pour en faire des pâtisseries et des quenelles. Elles passent d’une marmite de légumes à la vapeur assaisonnés à celle du riz. Elles remuent au passage les haricots et les pommes de terre qui bouillent, puis jettent un coup d’œil dans le four sur le plat principal – celui avec l’ingrédient secret que seule tante Carmen connaît. Les fruits frais, mijotés et enrobés de miel sont placés sur une grille de refroidissement. On ouvre des placards et on y prend des épices pour assaisonner le ragoût. On ajoute une petite pincée de sucre pour les pâtisseries ainsi qu’un peu de copeaux de noix de coco. Quant aux oignons, qu’il est doux leur grésillement alors qu’on les fait sauter comme un chef ! Rires et conversations remplissent la cuisine. Cependant, la tâche de chaque femme n’est pas ignorée. Trois conversations se déroulent en même temps. Tout le monde peut suivre le rythme de l’évolution de chaque histoire en pétrissant les commentaires, en mélangeant les mots joyeux. Enfant, j’imaginais que tous les plats préparés contenaient des « morceaux » d’histoires cuites au four ou délicatement remuées en utilisant l’observation, la perspicacité, une blague, une pensée profonde, voire un avertissement. Une fois la table mise et le bénédicité fait, je me régalais de ces histoires comme si chaque mot avait été préparé, cuisiné, et servi juste pour moi. Un vrai banquet d’histoires ! Pourquoi raconter des histoires ? Simplement parce qu’elles nous aident à donner un sens à nos vies1. Elles nous engagent dans une communication à un niveau personnel, plus profond, où l’empathie et la compréhension prennent place ; où l’humanité rencontre les fils fins et fragiles des émotions et de la logique ; où l’improbable devient tangible à travers des expériences personnelles partagées2. Je crois que les histoires peuvent combler un fossé et raccourcir la courbe de l’apprentissage ; nous tirons des leçons précieuses des histoires qui ne nous appartiennent pas mais que quelqu’un nous raconte. Dans mon esprit, je repasse ce banquet d’histoires de mon enfance.