Junon colérique : quelle action dans l’Énéide ? Romane F. Auger, Université de Montréal Abstract Dès le proème de l’Enéide, Virgile présente la colère de Junon comme la source des malheurs d’Enée (« saeuae memorem Iunonis ob iram », Aen. I.4). Ainsi la déesse apparaît-elle comme le double virgilien du Poséidon de l’Odyssée ; dramatis persona de premier plan, elle est la puissance divine dont l’action se situe à l’origine des événements et autres actions du récit (Della Corte : 1980). Cependant, bien que le premier chant de l’Enéide se rapproche fortement de l’Odyssée (Williams : 1963), il ne faut pas se contenter de voir en Junon la simple héritière de la colère et du rôle de Poséidon. L’évocation minutieuse et plus nuancée qu’il n’y paraît de la colère de la déesse par le poète latin amène notre étude à s’interroger sur ce qu’elle nous apprend des modalités de l’action de Junon. C’est en particulier le monologue que Virgile lui prête – non sans modèle homérique en tête, au début du récit qui permet de mieux comprendre dans quelle mesure Junon et sa colère agissent dans le récit. L’examen de l’Enéide, principalement du premier chant, ainsi que des modèles homériques d’Héra dans l’Iliade et de Poséidon dans l’Odyssée, révèle une dimension proprement virgilienne à la figure de Junon : la frustration d’une vengeance que, malgré sa puissance, elle ne peut assouvir elle-même. Comment alors résoudre le paradoxe d’une déesse si active et pourtant si dénuée d’efficacité propre au point qu’elle apparaîtrait, à certains égards, passive ? Notre étude se propose de montrer que, malgré l’apparente importance de sa colère, la puissance de Junon est celle
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