INNOVATION / BUSINESS / POLITIQUE NUMÉRO 3 /// NOVEMBRE 2012 / 45 € www.lescahiersdunumerique.fr
3 NUMÉROS PAR AN
DONNÉES PERSONNELLES Le nouveau carburant de l’Internet est-il devenu EXPLOSIF ?
Fleur Pellerin
« Je souhaite qu’une forme de droit au numérique soit garantie » page 8
Télévision
Microélectronique
Le dernier écran à connecter
Les puces n’ont pas fini de sauter
page 12
page 36
DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Jamal Labed
ÉDITO
COMITÉ ÉDITORIAL : Patrick Bertrand, Cegid Valérie Ferret, Dassault Systèmes Romain Hugot, Sage Marc Mossé, Microsoft Laurent Lefouet, SAP Pierre-Marie Lehucher, Berger-Levrault
QUI VEUT LA PEAU DE L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE ?
DIRECTEUR DE LA RÉDACTION : Loïc Rivière RÉDACTEUR EN CHEF : Reynald Fléchaux
DIRECTRICE ARTISTIQUE : Pilar Cortés SECRÉTAIRE DE RÉDACTION : Dominique Friocourt (Agence Edido) JOURNALISTES : Guillaume Barrières Isabelle Bellin Christophe Cayenne Romain Chabrol Pierre-Frédéric Degon Serge Escalé Philippe Richard Jean-Baptiste Su Toute reproduction, représentation, traduction ou adaptation, qu’elle soit intégrale ou partielle, quel qu’en soit le procédé, le support ou le média, est strictement interdite sans autorisation de l’Association Française des Editeurs de Logiciels et Solutions Internet (Afdel), sauf cas prévu par l’article L.122-5 du Code de la propriété intellectuelle. LES CAHIERS DU NUMÉRIQUE sont édités par
Association française des éditeurs de logiciels et solutions Internet (Afdel) - Association loi 1901 Siège : 11-17, rue de l’Amiral Hamelin 75016 Paris SIRET : 489305367 00018 ©2012 AFDEL - Tous droits réservés Dépôt légal : à parution Imprimé en France
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D. PERALDI
CHEF DE PROJET : Fabrice Larrue
On ne transforme pas une industrie basée sur la chimie en une industrie électronique : c’est la principale leçon de la faillite de Kodak qui a logiquement fait les frais de la révolution de la photographie numérique. L’innovation balaie tout sur son passage quand elle est disruptive, quand elle remplace un usage par un autre ou qu’elle en crée de nouveaux. C’est bien ce qui est en train de se passer aujourd’hui dans de nombreux secteurs pour lesquels Internet a créé des usages révolutionnaires. Ces secteurs – audiovisuel, musique, presse, livre, télecoms, etc. – sont donc aujourd’hui vent debout pour dénoncer les « abus » de l’économie numérique ! Pourtant, ceux-là ne sont pas des chimistes et la plupart sont très familiers, voire fournisseurs, de services numériques… Non, leur inquiétude vient d’ailleurs : ils évoluent dans un secteur très régulé – devrions-nous dire protégé ? – qui les a éloignés du risque permanent de l’innovation et leur a assuré parfois de véritables rentes. Il est donc logique d’appeler au secours le régulateur pour que les règles – devrions-nous dire protections ? – soient respectées. LE REDRESSEMENT PRODUCTIF À L’ÉPREUVE DU NUMÉRIQUE ! C’est dans ce contexte que s’inscrit la politique de redressement productif portée par les ministres Arnaud Montebourg et Fleur Pellerin. Mais comment préparer l’avenir tout en garantissant les rentes d’hier ? Comment encourager l’innovation sans bousculer les acteurs établis ? Comment agir localement là où l’économie numérique se joue des frontières ? Reconnaissons-le, l’équation n’est pas simple ! Marier exception culturelle et cloud computing, concilier politique nationale d’aide à l’innovation et conquête internationale, défendre le made in France et la compétitivité extérieure : plus qu’une gageure, un défi politique… Ce défi, le gouvernement semble prêt à le relever. C’est pourquoi trois missions ont été créées, l’une sur la compétitivité, l’autre sur les pratiques culturelles numériques et la troisième sur la fiscalité du numérique. Espérons alors que ces missions auront bien saisi, à l’issue de leurs travaux, que l’excellence numérique française représente un formidable atout qui reste à valoriser (voir le billet d’humeur de Jamal Labed, page 6), que notre exception culturelle doit être repensée totalement à l’aune des nouveaux usages, que la croissance se construit au-delà de nos frontières et que la fiscalité du numérique ne peut se régler qu’au niveau international. Espérons aussi, qu’au-delà des soucis légitimes de recouvrement d’impôt ou d’équité, MM. Gallois, Lescure, Colin et Collin sauront faire taire un temps cette formidable inventivité que nous savons mettre en œuvre en France dans la création de nouvelles taxes. Des taxes pour un Internet à péage (taxe sur la bande passante), des taxes qui veulent « matérialiser » une économie numérique par essence immatérielle (transposition de la taxe sur les surfaces commerciales), des taxes sur le référencement, comme en proposent de façon absurde les éditeurs de presse… Bref, au lieu de réclamer sa part du filon, l’économie traditionnelle ne devrait-elle pas s’engager résolument sur la voie de l’innovation ? L’écosystème numérique français est là qui peut l’y aider ! LOÏC RIVIÈRE
Directeur de la rédaction
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8.
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« Je souhaite qu’une forme de droit au numérique soit garanti » Fleur Pellerin, ministre déléguée aux PME, à l’Innovation et à l’Économie numérique
Quarter Back Télévision, le dernier écran à connecter
SOMMAIRE NUMÉRO 3 /// NOVEMBRE 2012
06. BILLET D’HUMEUR La compétitivité : c’est nous ! 07. I ls ont dit, ils ont twitté, ça a buzzé
LE GRAND ENTRETIEN
08. « Je souhaite qu’une forme de droit au numérique soit garantie » Fleur Pellerin, ministre déléguée aux PME, à l’Innovation et à l’Économie numérique
L’ESSENTIEL
12. Quarter Back Télévision, le dernier écran à connecter 16. L’événement Salon E3, le jeu vidéo rattrapé par le cloud 17. Best of blogs Les médias sociaux, une compétence secondaire Par Bertrand Duperrin 18. Cent jours : la France digitale Arcep-CSA, vers un rapprochement sous conditions
LA VIE DES PÉPITES
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20. T alend, Oodrive 22. Start Up, what’s up Skerou, Clickon, Content-square
LES CAHIERS DU NUMÉRIQUE /// NUMÉRO 3 /// NOVEMBRE 2012
24. Le dossier Données personnelles Le nouveau carburant de l’Internet est-il devenu explosif ?
LE DOSSIER
32. Un business model à la loupe Sites de rencontre : quand on aime, on ne compte pas
24. D onnées personnelles Le nouveau carburant de l’Internet est-it devenu explosif ? 25. La protection des données personnelles : nouvelle frontière de l’économie numérique ? 28. L a confiance, c’est maintenant ! 30. L’Europe face aux nouveaux défis d’Internet
INNOVATION
32. Un business model à la loupe Sites de rencontre : quand on aime, on ne compte pas 34. Business 2.0 Comment fonctionnent les magasins applicatifs mobiles ? 36. La parole à l’innovation Microélectronique : les puces n’ont pas fini de sauter 38. E-Gov E-santé : le dossier médical en état de mort clinique 39. Chronique juridique Faut il se préparer à un marche aux puces du numérique ? Par Jean-Sébastien Mariez
COMMUNAUTÉS
40. Communautés Blogueuses de mode : la fin d’un mythe ? 42. Culture Futur en Seine : un festival de références du numérique 45. Idées Les innovateurs sont les seuls moteurs de la croissance Par Vincent Lorphelin
FINANCEMENT
46. Tendances Financement de l’innovation : le pouvoir de la foule 48. Bourse Des performances contrastées pour les éditeurs de logiciels français 49. Les échos de la Valley Pourquoi l’IPO de Facebook est un franc succès 50. Tableau de bord L’essentiel de l’économie du numérique en chiffres
Illustrations iStockphoto
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© D. PERALDI
BILLET D’HUMEUR LA COMPÉTITIVITÉ : C’EST NOUS ! Le Premier ministre l’a bien compris. Il n’y aura pas de redressement productif sans un « choc de compétitivité », selon l’expression de Louis Gallois qui s’est vu confier la mission d’élaborer des pistes de sortie de crise par le haut. Le constat est sans appel : pour pallier leur faible compétitivité prix et leur positionnement sur des segments de produits très concurrencés, les entreprises françaises ont comprimé leurs marges. Le retour de bâton ne se pas fait attendre : baisse de l’investissement et de l’innovation…
Notre pays ne fait donc plus partie cette année du groupe des vingt pays les plus compétitifs, selon le classement annuel établi par le World Economic Forum. La France pointe désormais à la vingt et unième place (elle était 18e l’an dernier). Ce qui a changé depuis le classement précédent, outre la dégringolade de trois places, c’est que la Corée est passée devant la France. Tout un symbole : un champion des nouvelles technologies surclasse un pays de la vieille Europe… Une nation qui a beaucoup misé sur son système éducatif dépasse un pays dont les conditions d’enseignement, en particulier en premier cycle, n’ont cessé de se dégrader avec le temps. Pourtant, les gisements de croissance et d’innovation sont bien réels en France et le numérique compte, ici comme en Corée, parmi ceux de ces gisements qui créent plus de croissance pour les autres que pour eux-mêmes. Productivité des entreprises, industries de LE NUMÉRIQUE DOIT OCCUPER pointe, e-administration, smart UNE PLACE CENTRALE DANS LE grids, big data, domotique : le numérique en général et le logiciel REDRESSEMENT PRODUCTIF. en particulier sont partout au cœur des processus d’innovation et de création de valeur. La France peut s’appuyer sur une « excellence numérique » reconnue dans le monde entier. C’est pourquoi il n’y a aucun doute : le numérique doit occuper une place centrale dans le redressement productif et permettre à la France de renouer avec la productivité. Des signes prometteurs nous sont venus du gouvernement (CIR Innovation, JEI), d’autres plus inquiétants (nouvelle fiscalité des plus-values de cessions immobilières), mais c’est un véritable plan national qu’il faudra mettre en œuvre en faveur du numérique, un plan qui aille bien au-delà des premières pistes présentées le 15 octobre dernier, un plan coordonné, sur le long terme et ciblé sur des besoins prioritaires. Pour que la France retrouve sa compétitivité perdue et devienne une championne du numérique ! JAMAL LABED
Président de l’Afdel
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LES CAHIERS DU NUMÉRIQUE /// NUMÉRO 3 /// NOVEMBRE 2012
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PATRIMOINE IMMATÉRIEL @Julv_SNJV Julien Villedieu 19-07-12 08:07
DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL DU SYNDICAT NATIONAL DU JEU VIDÉO
À Nantes, Aurélie Filippetti évoque le fait que les succès du jeu video français sont trop souvent oubliés de la culture.
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D. R.
LE GRAND ENTRETIEN
MINISTRE DÉLÉGUÉE AUX PME, À L’INNOVATION ET À L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE
FLEUR PELLERIN
« JE SOUHAITE QU’UNE FORME DE DROIT AU NUMÉRIQUE SOIT GARANTIE » Propos recueillis par Loïc Rivière Votre portefeuille ministériel rassemble les petites et moyennes entreprises, l’innovation et l’économie numérique. Etait-ce l’un de vos souhaits à l’origine, et la cohérence de ces missions se confirme-t-elle dans l’exercice ?
Mon portefeuille ministériel est très cohérent. L’innovation et l’économie numérique sont deux secteurs qui sont intimement liés en raison du caractère évolutif d’Internet, et parce que les entreprises innovantes en France agissent surtout dans le secteur du numérique et des biotechnologies. L’innovation est aussi le moteur de nombreuses petites et moyennes entreprises. C’est la source de leur compétitivité. On oublie d’ailleurs trop souvent que les PME sont plus innovantes qu’on veut bien le dire. En revanche, des efforts doivent encore être menés pour stimuler le développement de la compétitivité hors prix des entreprises recouvrant des facteurs tels que le contenu en innovation, le design, ou encore l’ergonomie. Pour cela, nous réfléchissons à des mesures d’accompagnement renforcé des PME ayant atteint une taille critique pour stimuler l’innovation non technologique dans les entreprises.
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Vous avez récemment mis en place une concertation sur le développement du très haut débit en France. Quels sont les premiers enseignements que vous pouvez en tirer ?
Vous le savez bien, aujourd’hui le numérique devient de plus en plus indispensable dans la vie quotidienne et la sphère professionnelle. C’est pour cela que je souhaite qu’une forme de droit au numérique soit garantie. Dans ce contexte, et comme le président de la République s’y est engagé, le territoire sera couvert en accès à très haut débit dans son intégralité d’ici à dix ans. Pour atteindre cet objectif, le gouvernement reprend en main le pilotage du déploiement des réseaux à très haut débit. Dans le cadre de ce déploiement, j’ai bien sûr tenu à ce que certaines zones soient traitées en priorité : les zones du territoire les moins bien desservies aujourd’hui en haut débit, les principales zones d’activités économiques, les sites publics et les établissements scolaires. Des travaux sont en cours pour préciser les objectifs de couverture et calibrer le financement de ce chantier.
LES CAHIERS DU NUMÉRIQUE /// NUMÉRO 3 /// NOVEMBRE 2012
LOREM IPSUM
LE GOUVERNEMENT REPREND EN MAIN LE PILOTAGE DU DÉPLOIEMENT DES RÉSEAUX À TRÈS HAUT DÉBIT.
Le Conseil national du numérique s’est mis en congé dans le cadre de la refonte globale que vous avez souhaitée. Quelles seront les grandes lignes de cette évolution ?
Pour accompagner l’action gouvernementale, j’ai souhaité que le Conseil national du numérique soit renouvelé, afin de mieux représenter la société et le numérique dans sa diversité et de respecter la parité entre hommes et femmes. Le comité stratégique représentant la filière numérique au sein de la Conférence nationale de l’industrie sera également mobilisé. Dans leur champ d’intervention respectif, ces deux instances consultatives auront pour mission de formuler des recommandations et d’organiser une concertation permanente avec les acteurs concernés. Le modèle de l’exception culturelle française semble connaître de plus en plus de frottements avec le développement de l’économie numérique, en particulier la distribution de contenus numériques. Quelle doit être l’ambition de la mission Lescure, selon vous ?
Les innovations numériques renouvellent les usages et les œuvres. Le numérique peut constituer un formidable outil de régénération et de diffusion de la création artistique, à condition toutefois de pouvoir s’inscrire dans un modèle économique viable pour les artistes et l’industrie culturelle. C’est tout l’enjeu de la mission lancée par le gouvernement pour établir un « acte II » de l’exception culturelle. Certains acteurs transnationaux (dits « over the top ») ont été stigmatisés par la gauche ou par d’autres secteurs économiques, sur les questions de fiscalité notamment. Quel est votre sentiment à ce sujet ?
Il est temps de mettre fin à une forme de naïveté vis-à-vis des « géants de l’Internet ». Je pense ici à ce petit nombre de multinationales extraeuropéennes qui dominent le numérique. Il ne faut pas oublier qu’il y a un véritable enjeu à assurer la sécurité
des réseaux et des systèmes informatiques, la localisation des données, ou encore la capacité des autorités administratives et judiciaires nationales à agir sur les acteurs de ce secteur. C’est une question de souveraineté numérique. Notre modèle fiscal apparaît de moins en moins adapté à la nature des activités économiques en ligne. Il aggrave la distorsion fiscale entre les acteurs en fonction de leur lieu d’établissement. Mais la fiscalité du numérique est un sujet complexe pour lequel j’éviterai toute schématisation hasardeuse. C’est pour cela que le gouvernement a lancé une mission de réflexion pour trouver une réponse à cette situation. Les enjeux sont aussi européens : le développement des services transfrontaliers en Europe et la mise en cohérence des législations sont nécessaires. La France œuvrera pour mobiliser l’agenda numérique européen sur ces questions. Le sujet de la neutralité d’Internet semble faire l’objet d’un affrontement entre les opérateurs telcos et les éditeurs de contenus, souvent qualifiés de « passagers clandestins » des infrastructures par les premiers. Quelle est votre opinion ?
Sur Internet et dans le numérique, la liberté ne doit pas être un vain mot. Je voudrais rappeler que le gouvernement sera attentif à protéger la liberté d’innovation ouverte et décentralisée sur Internet et à faire respecter le principe de neutralité de l’Internet. La question est de savoir comment garantir l’architecture ouverte et décentralisée d’Internet tout en faisant face aux usages sans cesse plus consommateurs en bande passante. L’Acerp vient de remettre au Parlement et au gouvernement son rapport sur la neutralité de l’Internet, après deux années de consultations et de réflexions. L’Autorité de la concurrence vient aussi de rendre une décision importante sur cette question. Les termes du débat sont désormais posés, et le gouvernement va pouvoir avancer sur cette question importante. C’est pourquoi j’organiserai dans les prochaines semaines une réunion de travail ouverte à l’ensemble des acteurs concernés. Son objectif sera de dégager un consensus aussi large que possible.
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LE GRAND ENTRETIEN
2022
Le territoire sera couvert en accès à très haut débit dans son intégralité d’ici à dix ans.
NOTRE MODÈLE FISCAL APPARAÎT DE MOINS EN MOINS ADAPTÉ À LA NATURE DES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES EN LIGNE.
Le président de la République s’est engagé récemment à maintenir les dispositifs d’aide et de financement en faveur de PME. Pensez-vous qu’il soit possible de faire davantage pour les PME dans le contexte actuel des finances publiques ?
La politique mise en œuvre par le gouvernement, dès les premières semaines, a été clairement tournée en faveur des PME. C’est le message qui a été porté, d’une part, dans la loi de finances rectificatives adoptée cet été, mais aussi dans le collectif budgétaire de cet automne. Ainsi, les mesures fiscales qui touchent les entreprises, notamment en matière d’impôt sur les sociétés, ont eu pour but de rééquilibrer les écarts de charges d’imposition entre les grandes entreprises et les PME. Cette orientation claire et volontaire marque une profonde rupture avec la politique menée ces dix dernières années qui a accru les différences de traitement entre les grands groupes et les PME. D’autres mesures fiscales soutiennent spécifiquement les PME. C’est le cas de l’ouverture du crédit d’impôt recherche aux dépenses d’innovation ou de l’annonce du renforcement du statut des jeunes entreprises innovantes (JEI), qui sont des dispositifs visant à soutenir les entreprises de croissance de notre pays. Mais, outre ces mesures fiscales, d’autres mesures de soutien vont être mises en place. ll s’agit notamment du rôle futur de la Banque publique d’investissement dont les fondements sont édifiés en ce moment. Mais je pense également à la promotion du capital risque. Au-delà des problématiques de finances publiques, ces outils vont permettre de mieux flécher des fonds privés vers les entreprises.
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Que va-t-il advenir du grand emprunt pour la partie numérique, en particulier dédiée aux usages ?
Le programme « Investissements d’avenir » (PIA) était initialement doté de 35 milliards d’euros répartis entre programmes thématiques. Les crédits sont le plus souvent délégués pour la gestion à des opérateurs (principalement l’Agence nationale de la recherche, la Caisse des dépôts et consignations, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, Oséo). Il est important de rappeler que le numérique, en plus de ses incidences sur les autres programmes, a été identifié comme programme à part entière. Le Fonds pour la société numérique a donc été créé à cette occasion et doté de 4,5 milliards d’euros. À la création du fonds, trois actions complémentaires ont été identifiées : le soutien au déploiement du très haut débit, le développement des usages numériques et le développement des smart grids. Concernant les fonds restants du PIA, notre méthode sera celle de la concertation entre les acteurs. L’un des axes prioritaires sera celui du développement du cloud pour les grandes filières industrielles et la sécurité des réseaux. Ces dernières années, l’administration a joué un rôle de locomotive sur le marché en lançant de grands projets nationaux (projet Chorus, le DMP). Le gouvernement a-t-il des ambitions en la matière ?
L’administration numérique sera au cœur de la modernisation de l’action publique. Elle vient d’ailleurs de faire l’objet d’un séminaire gouvernemental et donnera lieu à une feuille
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D. R.
NOTRE POLITIQUE MARQUE UNE PROFONDE RUPTURE AVEC CELLE MENÉE CES DIX DERNIÈRES ANNÉES, QUI A ACCRU LES DIFFÉRENCES DE TRAITEMENT ENTRE GRANDS GROUPES ET PME.
de route, fin 2012. L’administration numérique offre l’occasion de développer de nouveaux services publics et de promouvoir de nouvelles formes de citoyenneté. La puissance publique se dotera d’une véritable stratégie technologique. Son objectif sera non seulement de simplifier la vie des usagers, mais aussi de faire évoluer des systèmes d’information de plus en plus complexes. L’idée est de transformer la relation avec les citoyens. L’enjeu est simple : nous souhaitons faire émerger un nouveau modèle d’action publique « en plate-forme », qui favorise à la fois la mutualisation et l’innovation décentralisée. Il prendra aussi en compte les dynamiques du numérique comme l’agilité, l’interopérabilité des données et standards ouverts, ou encore du logiciel libre. Les organisations professionnelles du numérique se sont impliquées dans la concertation que vous avez initiée à l’occasion de la présentation du projet de loi de finances pour 2013 et
de la mobilisation des « Pigeons ». Pouvez-vous revenir sur ce mouvement ?
Le gouvernement est mobilisé derrière le président de la République et le Premier ministre pour relever le défi du redressement de nos finances publiques dans la justice. Je voudrais réaffirmer que son objectif n’a jamais été de décourager les entrepreneurs et la prise de risque. À l’occasion de la présentation du projet de Loi de finances pour 2013, nous avons établi un dialogue très constructif avec certains acteurs, comme l’Afdel. Le mouvement des Pigeons a donc été présenté à tort comme un mouvement homogène. Il est important de rappeler que, sur cette question, le patronat a été divisé. Je regrette d’ailleurs que des acteurs comme le Medef aient préféré adopter une position radicale. Enfin, le mouvement devrait faire attention à l’image qu’il renvoie aux Français et à l’étranger, et notamment aux possibles entrepreneurs de demain.
BIO EXPRESS FLEUR PELLERIN Née le 29 août 1973, à Séoul (Corée du Sud), Fleur Pellerin est diplômée de l’Essec, de l’Institut d’études politiques de Paris, et ancienne élève de l’ENA (2000). Elle est conseillère référendaire à la Cour des comptes. Parallèlement à ses fonctions, elle a été auditrice externe pour l’ONU, de 2001 à 2007, en Irak, à New York et à Genève. Elle a été nommée, en 2007, rapporteur de la Commission de déontologie de la fonction publique de l’État (2008-2009).
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QUARTER BACK
TÉLÉVISION : LE DERNIER ÉCRAN À CONNECTER Quasi immobile depuis sa naissance, le monde audiovisuel est à l’aube d’une mutation fondamentale, celle de son rapprochement avec Internet. La noce est déjà prévue, mais le contrat de mariage reste à écrire. par Guillaume Barrières
C
ombien de temps faudra-t-il pour passer de la promesse du téléviseur connectable à l’eldorado de la télévision connectée à Internet dans tous les foyers et sur tous les téléphones ? Difficile, voire impossible, de répondre à cette question tant qu’on n’a pas répondu à une autre interrogation : quels standards vont permettre à la télévision connectée de se généraliser ?« Par certains aspects, nous sommes dans une situation similaire à celle du marché de la micro-informatique avant l’arrivée de l’IBM PC », résume avec humour Olivier Ezratty. Conseil en stratégie de l’innovation et spécialiste reconnu des médias numériques et des métiers de l’image, il s’enthousiasme pour l’immense potentiel que recèle la convergence entre, d’une part, télévision et téléviseurs et, d’autre part, Internet. Une fois réussie, cette fusion fera à coup sûr le bonheur du spectateur internaute qui, selon l’Insee, passe en moyenne deux heures devant la télévision et trente-trois minutes sur Internet, sur les cinq heures de son temps libre quotidien. À ce stade ultime de la numérisation du quotidien se profile un juteux marché publicitaire global, où la dimension de masse de la télévision s’enrichirait de la granularité et de l’interactivité propres aux technologies Internet. UNE REMISE EN CAUSE DU MONOPOLE DES DIFFUSEURS
Adeptes les plus fervents du double écran simultané (téléviseur et ordinateur), les 15-24 ans seront aussi les plus enthousiastes à l’idée de pouvoir profiter de l’immédiateté du direct de l’image
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télévisuelle tout en s’offrant le luxe de l’interactivité, le confort de la programmation à la demande et, aussi, la possibilité d’explorer à l’infini les métadonnées associées aux programmes. Dans ce monde numérique à très haut débit, le téléviseur rejoindra enfin la cohorte du « multiécran » en partageant affichage et navigation avec micro-ordinateur, smartphone et tablette. Mais ce ralliement sonnera aussi le glas de la relation exclusive entre les diffuseurs de contenus audiovisuels et les téléviseurs, relation sur laquelle s’établissent l’équilibre et la rentabilité économique de tout un secteur. C’est également tout l’édifice de la production audiovisuelle, dont le financement repose sur un système complexe et très régulé, qui tremble : les règles comme la chronologie des médias, qui sont déjà dépassées par les usages actuels, ne tiendront plus dans un univers audiovisuel connecté… À la différence de l’IBM PC, concept fédérateur lancé sur un marché quasi vierge par un acteur majeur, l’idée de télévision connectée ne pourra se concrétiser qu’en chamboulant les règles actuelles du monde de la télévision. « Aujourd’hui, constate Olivier Ezratty, c’est un secteur très contrôlé et très régulé, ce qui freine l’innovation. » Un gros handicap dans un environnement où, faute d’un leader naturel, seules des évolutions technologiques d’envergure permettront la généralisation de la télévision connectée. Qui dominera ce nouveau monde, alors que le règne sans partage des chaînes volera en éclat sous l’effet de la fragmentation
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Corbis
LOREM IPSUM
8,7millions
C’est le nombre de téléviseurs vendus en 2011. Grâce au passage au
tout numérique et à la généralisation des écrans plats, les années 2010 et 2011 ont été exceptionnelles en termes de volumes de vente… même si le chiffre d’affaires global a baissé (de 4,3 milliards d’euros en 2009 à 3,8 milliards en 2011). de l’audience, de la délinéarisation (programmes à la demande), de la désintermédiation (accès direct aux contenus) et de la mondialisation de l’offre ? Le haut du pavé sera tenu par ceux qui permettront le contrôle et l’interactivité avec les contenus disponibles. Tandis que le secteur français de l’audiovisuel semble prendre conscience que l’union derrière le standard européen HbbTV (Hybrid Broadcast Broadband TV) pourrait offrir aux téléspectateurs un accès universel et neutre, les fournisseurs d’accès poussent leurs box Internet, et les fabricants de téléviseurs leurs « SmartTV ». Ces deux dernières approches, tout comme les boîtiers que promeuvent Apple et Google, font planer la menace de morcellements et d’incompatibilités qui brideraient les perspectives d’avenir. À ces zones d’ombre techniques s’ajoutent celles nées de l’impérieuse nécessité de faire évoluer un cadre légal frappé d’obsolescence. Un point particulièrement crucial en France où, plus qu’ailleurs, l’univers télévisuel s’est constitué dans d’étroites limites légales. Fin novembre, une mission de réflexion, créée en août dernier, indiquera comment le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) pourraient ne plus faire qu’une seule autorité (voir page 18). Ce sera le point de départ d’un marathon politico-juridique qui s’achèvera, au printemps prochain, avec le vote d’une loi qui a vocation à réformer en profondeur le secteur de l’audiovisuel. Au moment même où ce dernier commence à se fondre dans Internet.
TAUX D’ÉQUIPEMENT DES FOYERS FRANÇAIS*
2007
2010
2011
TNT
19,5
80,5
88,8
MICRO-ORDINATEUR
57,2
70,5
72,7
ACCÈS INTERNET
46,6
65,6
70,6
BOX ADSL
30,1
55,4
60,5
TV ADSL
7,5
21,4
27,0
–
19,7
31,4
14,1
25,3
30,3
TABLETTE
–
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2,4
TÉLÉVISEUR CONNECTÉ
–
–
4,6
SMARTPHONE PVR**
* En pourcentage. ** Personal Video Recorder. Source : Médiamétrie-GfK, 2e trimestre 2011, 2010, 2007.
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QUARTER BACK
///// Samsung-Apple : règlement de comptes à OK Portables Fin août, les neuf membres d’un jury populaire californien ont reconnu Samsung coupable d’avoir imité l’iOS d’Apple dans ses téléphones sous Android. Le coréen, numéro un mondial des smartphones, a été condamné à verser à l’américain plus d’un milliard de dollars de dédommagement. Astronomique pour le commun des mortels, cette somme ne l’est pas pour les deux plaideurs. Pour eux, elle est à comparer, d’une part, aux montants faramineux des contrats de fourniture de composants qui lient Apple et Samsung et, d’autre part, au chiffre d’affaires généré par la vente, chaque année, de centaines de millions de smartphones qui utilisent ces composants. Ce jugement n’est qu’un épisode dans une lutte juridique qui s’étend à près de quinze pays et qui va durer des années. Samsung conteste sa condamnation et contre-attaque en portant à son tour plainte contre Apple pour violation de brevets,
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ciblant notamment le tout récent iPhone 5. La firme californienne, de son côté, tente d’enfoncer le clou, demandant un alourdissement des dommages et l’interdiction à la vente de plusieurs modèles de Samsung. Pour l’instant, sans succès. La violence de l’affrontement entre Apple et les constructeurs partisans d’Android, tel Samsung, est à la hauteur de l’enjeu : la domination du marché des équipements mobiles. Android et iOS ayant relégué l’ancien leader RIM au rang de figurant. Mais, selon IDC, Windows Phone de Microsoft devrait venir jouer les trouble-fêtes. D’après ce cabinet, en 2016, la part de marché de l’OS mobile de Microsoft se sera hissée à la hauteur de celle d’iOS d’Apple, juste sous la barre des 20 %, tandis que les terminaux sous Android atteindront plus de 50 % des ventes. G.B.
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/ Surface, des tablettes signées Microsoft
/ Une doctrine pour la cyber-défense française
Déjà contestée par les tablettes sous Android, la domination de l’iPad d’Apple le sera bientôt par des tablettes fabriquées par Microsoft. L’éditeur a présenté mi-juin deux prototypes sous le nom de code « Surface ». Équipées d’un clavier souple qui sert aussi de couverture à l’écran, ces tablettes se distingueront par la présence de Windows 8, la prochaine version de Windows attendue pour fin octobre. Windows 8 est l’un des paris les plus ambitieux de l’histoire de Microsoft : proposer un système d’exploitation et une interface unifiés pour tous les équipements personnels, du PC à la tablette, en passant par le téléphone.
Rendu public sous le titre « La Cyberdéfense : enjeu mondial, une priorité nationale », le rapport du sénateur Jean-Marie Bockel tire la sonnette d’alarme et préconise un véritable plan de bataille. Le document fixe une dizaine de priorités pour le pays alors que se multiplient les escarmouches numériques entre États (Stuxnet, Flame). Pour la première fois, un rapport officiel français s’interroge : ne faudrait-il pas « formuler une doctrine publique sur les capacités offensives », autrement dit développer des cyber-armes, au lieu de se contenter de réfléchir aux seuls moyens de défense ? Une mission qui pourrait être dévolue à l’Anssi (l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information) que Jean-Marie Bockel recommande de renforcer, tant en termes de moyens que de prérogatives. D’autre part, le rapport milite pour la mise en place d’une politique industrielle active sur le sujet, afin de soutenir les sociétés hexagonales, et notamment les PME spécialisées dans la sécurité.
/ La cyber-guerre est déclarée Les États-Unis et Israël ont-ils ouvert la boîte de Pandore en développant, comme on les en soupçonne, le virus Stuxnet pour ralentir le programme nucléaire iranien ? Dans le courant de l’été, deux nouvelles affaires sont en effet venues confirmer tout le potentiel des cyber-armes. Deux compagnies nationales productrices d’énergie (Saudi Aramco en Arabie Saoudite et RasGas au Qatar) ont été victimes du virus Shamoon. Plusieurs sources soupçonnent l’Iran d’avoir développé cette souche, afin de répondre aux attaques dont il est la victime en déconstruisant un autre virus l’ayant ciblé (Flame). Shamoon est parvenu à détruire des milliers de postes chez Saudi Aramco, obligeant les traders à revenir au fax. La découverte par Kaspersky d’une autre souche, Gauss, présentée là encore comme un rejeton de Flame créé par un État et visant à espionner les transactions bancaires au Moyen-Orient, ne fait que confirmer la réalité du phénomène : plusieurs États se sont probablement mis à développer des cyber-armes. Et, contrairement aux armes conventionnelles, elles sont réutilisables, y compris par celui qui en est la cible.
/ Hadopi : un premier condamné… dix-huit mois après Dix-huit mois après la création de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi), un premier internaute a été condamné pour téléchargement illégal de musique. L’homme, qui a reconnu les faits, a été condamné à 150 euros d’amende pour le piratage de deux morceaux de la chanteuse Rihanna. Il avait déjà reçu plusieurs avertissements de l’Hadopi. Cette première condamnation intervient alors que la Haute Autorité tente de défendre son bilan, après avoir essuyé les critiques de la ministre de la Culture Aurélie Filippeti. Dans un entretien au « Nouvel Obs », début août, celle-ci déclarait : « L’Hadopi n’a pas rempli sa mission de développement de l’offre légale. Sur le plan financier, 12 millions d’euros annuels et 60 agents, c’est cher pour envoyer un million d’e-mails (les courriels d’avertissement de la Haute Autorité, NDLR). »
Soutenu par les deniers du grand emprunt, il est développé par l’École supérieure d’informatique, électronique, automatique (ESIEA), avec le soutien de Qosmos, Nov’IT, DCNS et Teclib’. Basé sur du code ouvert, cet antivirus sera « capable de détecter les variantes inconnues de codes identifiés et de prévenir l’action de codes inconnus ». Plusieurs versions sont prévues. Elles iront de l’exemplaire gratuit pour les particuliers à des variantes très sophistiquées qui intégreront des modules spécifiques pour des opérateurs d’importance vitale.
/ La RATP ralliée en partie à Open Data La RATP a accordé le statut d’« Open Data » à des données en sa possession. Il s’agit d’informations sur la localisation géographique des stations, les correspondances sur ses réseaux ferrés, la qualité de l’air, etc. Ce lâcher de données peut être perçu comme un revirement pour un établissement plutôt connu jusque-là pour revendiquer âprement sa propriété intellectuelle sur ses plans et ses horaires, et également pour ses nominations à répétition aux « Big Brother Awards », prix décernés par Privacy France aux « personnes ou institutions qui représentent le mieux la société décrite par George Orwell dans son ouvrage de référence, “1984” ». Par Guillaume Barrières et Reynald Fléchaux
/ Super antivirus Open Source « made in France » D’ici à deux ans, le projet Davfi (démonstrateur antivirus français et international) aura mis au point un antivirus annoncé comme révolutionnaire.
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L’ÉVÉNEMENT
SALON E3
LE JEU VIDÉO RATTRAPÉ PAR LE CLOUD Le marché du jeu vidéo sur console s’essouffle-t-il… pour mieux se régénérer sur les terminaux mobiles ou dans le cloud ? C’est la question posée par les spécialistes du secteur à la clôture de l’E3, le plus grand salon mondial du jeu vidéo. par Jean-Baptiste Su
Reste que ce cru 2012 du grand salon des jeux vidéo, qui se tenait en juin à Los Angeles, a bien été marqué par le mobile et les jeux en ligne. Un déluge de titres – souvent gratuits – dévoilés pour les plate-formes mobiles et cloud a rythmé l’événement. Alors que, côté consoles, il a fallu se contenter d’une avalanche de « sequels », suites de titres déjà existants. « SOCIAL » : UN INGRÉDIENT DÉSORMAIS INDISPENSABLE
Si Apple et Android sont aujourd’hui les environnements leaders de cette nouvelle génération de jeux pour mobiles (tablettes et smartphones) – en attendant un éventuel effet Windows 8 –, « Sony (avec sa console portable PS Vita, NDLR) est en train de passer à côté », souligne David Helgason, le PDG d’Unity
Technologies, l’éditeur d’un moteur 3D utilisé pour la création de jeux en réseau. L’autre phénomène qui a marqué cette 17e édition de l’E3, c’est bien sûr le « social », propulsé par le succès foudroyant de Zynga et de sa famille de jeux Ville (FarmVille, CityVille ou encore CastleVille). Même si, dans le salon, la présence du numéro un du jeu sur réseaux sociaux est restée très discrète. « Le “social” est devenu un ingrédient désormais indispensable dans le jeu vidéo, et pas seulement pour les jeux de piètre qualité graphique », note David Helgason. Trois tendances de fond qui expliquent l’optimisme de DFC Intelligence. Ce cabinet estime en effet que le marché du jeu vidéo passera de 52 milliards de dollars, l’année dernière, à 70 milliards dans cinq ans. Les jeux dématérialisés représentant alors 66 % du total, tandis qu’à lui seul, le mobile générera 17,5 milliards. À comparer respectivement aux 27,3 et 25,2 milliards de dollars des titres sur PC et consoles, deux segments qui resteront donc les principaux moteurs du secteur, malgré la montée en puissance du mobile. Attention, toutefois, aux effets en trompe-l’œil, car les consoles sont déjà impliquées dans le développement du « cloud gaming » depuis cinq ans. Par ailleurs, le modèle économique du jeu sur mobile reste bien fragile, avec une forte concentration autour de Zynga… tandis que le « cloud gaming » sur console génère un revenu important.
BRUNO UZZAN, COFONDATEUR ET PDG
TOTAL IMMERSION fusionne réel et virtuel Fondée en 1999, Total Immersion est une jeune pousse technologique française dont la direction est désormais basée à Los Angeles. Elle développe une solution dite de « réalité augmentée » qui fusionne à la volée des images réelles avec des éléments virtuels. « Et plus on avance dans la qualité des caméras et de l’intégration, plus il sera
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difficile de vraiment distinguer le réel du virtuel », explique Bruno Uzzan, son cofondateur et PDG. Le salon E3 a été l’occasion pour la start-up de 90 personnes de rencontrer les développeurs de jeux vidéo, afin de pousser son kit de développement, récemment disponible pour le moteur de rendu 3D Unity. « Nous
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D. R.
« Les constructeurs n’ont rien dévoilé de leurs futures consoles de jeux. Il faudra donc attendre au minimum l’automne 2013 avant de voir la prochaine génération arriver sur le marché, explique l’analyste Rob Enderle. Entre-temps, les constructeurs vont essayer de stimuler les ventes en baissant le prix de leurs consoles actuelles. Mais cette tactique ne marchera qu’un temps et les consommateurs risquent d’aller voir ailleurs, comme vers le mobile. » À moins de combiner les usages. Lors de l’E3, Microsoft a ainsi dévoilé son projet SmartGlass qui permet notamment de piloter la console Xbox 360 avec un smartphone ou une tablette. Il sera aussi possible de commencer à visionner un film sur la console, puis de poursuivre de manière transparente sur son smartphone, et vice-versa.
sommes encore au début de la réalité augmentée au sein des jeux vidéo pour mobiles, consoles ou PC. Imaginez un Angry Bird où vous pourriez lancer des oiseaux en peluche à travers une pièce pour les voir apparaître en temps réel dans le jeu. » Une idée qui risque de ne pas plaire à tous les parents !
BEST OF BLOGS
LES MÉDIAS SOCIAUX, UNE COMPÉTENCE SECONDAIRE
Les entreprises sont à la recherche de personnes maîtrisant médias et réseaux sociaux. Mais connaître les outils n’a aucune valeur en soi. La connaissance métier reste indispensable. Lu sur le blog
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BIO EXPRESS BERTRAND DUPERRIN 2010 Il mène des missions de conseil en stratégie et management au sein du cabinet Nextmodernity. Son champ d’intervention se situe aux confluents du management, des rapports sociaux internes et externes et des technologies collaboratives dites « sociales ». 2005 Il rejoint un éditeur de solutions collaboratives aux premières heures de l’« enterprise social software ». Au cours de sa carrière il a accompagné des entreprises telles que BNP Paribas, La Poste, la SNCF, Finaref, Pernod, la Société Générale, AXA, etc.
http://www.duperrin.com
es médias sociaux ont semé la panique dans la sphère professionnelle en attendant, peut-être un jour, de la révolutionner. Incroyable de voir à quel point les entreprises peinent à trouver le ou les profils dont elles ont besoin pour avancer, cadrer ou recadrer les choses. Leur erreur ? Ne voir que la partie émergée de l’iceberg et rechercher à tout prix le fameux expert en médias sociaux. Car, en procédant ainsi, on donne une prime à la connaissance des outils et de leur utilisation. Ce qui, en soi, est a priori un indispensable prérequis. Mais on se rend vite compte que savoir utiliser ne signifie pas comprendre les rouages cachés, parfois vicieux, qui se dissimulent derrière chaque outil. On voit également qu’une utilisation dans un contexte personnel ne présume en rien d’une maîtrise des usages dans un contexte professionnel (partager un LOLcat avec ses amis est très différent de gérer une crise ou de mettre en place une communauté de pratiques). Si je regarde mon entourage professionnel, je me rend compte – et c’est normal, vu nos âges – que les médias sociaux ont été pour nous une sorte de compétence apprise après, et en plus d’un socle de base. Les uns en marketing, d’autres en RH, certains en management… On a découvert ces outils et ces médias dès leur émergence et on a essayé de voir comment ils permettaient de faire mieux, différemment, comment ils pouvaient supporter de nouvelles approches ou plans d’action dans le cadre de notre métier. Bref, malgré l’ampleur des transformations qu’ils génèrent, les médias sociaux
sont en quelque sorte un élément qu’on a appliqué à une pratique métier existante pour la faire évoluer. Maintenant, avec le temps et le renouvellement des générations, on voit arriver des personnes ayant une pratique native de ces outils, pain bénit pour les entreprises qui y voient la solution à leurs soucis. Ce qui me rappelle un peu la discussion sur le digital et le numérique entendue pendant la présidentielle. On va créer un « bac digital », faire une épreuve de « numérique ». Mais tout cela n’a de valeur qu’appliqué à quelque chose d’existant. Digital et économie, digital et philosophie, réseaux sociaux et RH, réseaux sociaux et marketing. D’ailleurs, plus que réseaux sociaux je dirais « principes sociaux » ou « principes 2.0 appliqués à », afin de sortir du carcan de l’outil. On le voit, d’ailleurs, dès que le besoin est un peu critique : il est plus simple d’apprendre à un professionnel de la relation et du service client à twitter qu’apprendre à un « twitto » compulsif la complexité des règles métier et lui inculquer le recul nécessaire. Plus simple… et surtout beaucoup moins dangereux. Les risques de cette focalisation sur l’outil ? Faire croire à toute une génération que son utilisation native des outils constitue un bagage suffisant pour aborder le marché du travail. Et faire croire aux entreprises que savoir utiliser Facebook suffit à régler ce qui est au départ une accumulation de problématiques à la fois stratégiques, organisationnelles et, in fine, métier.
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CENT JOURS : LA FRANCE DIGITALE
ARCEP-CSA : VERS UN RAPPROCHEMENT, SOUS CONDITIONS par Pierre-Frédéric Degon Le possible « rapprochement » du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) souhaité par le président de la République a été accueilli avec une grande méfiance par de nombreux initiés du secteur. En son temps déjà, le gouvernement précédent, en souhaitant imposer la présence d’un commissaire du gouvernement au sein du collège de l’Arcep, s’était attiré l’hostilité du secteur face à une atteinte pressentie à l’indépendance de cette autorité, en particulier, et des autorités administratives indépendantes (AAI), en général. Si ce rapprochement n’est pas si bien accueilli, il n’en reste pas moins que de nombreux rapports d’experts appellent à une réduction du nombre des AAI et à ce que, en outre, les secteurs concernés soient sujets à une convergence fonctionnelle et économique croissante. Ouvrir un chantier sur la gouvernance et la régulation du secteur s’apparente donc à une bonne option, si le législateur respecte quelques principes simples. – Si ces autorités relèvent bien du pouvoir exécutif, elles n’en sont pas moins « indépendantes », et donc soustraites au contrôle gouvernemental. Leur légitimité et leur force viennent de cette indépendance politique (et économique) garantie par plusieurs critères, que le législateur se devra de respecter. Or, les usages et les pratiques dans les secteurs de l’audiovisuel et des télécoms ne semblent pas répondre aux même exigences. Le législateur devra donc se demander si la mission qu’il souhaite confier à cette nouvelle autorité répondra à une exigence réelle, en relation avec le statut d’indépendance. – La diversité des missions des deux autorités devra être analysée également, au risque de créer un « rapprochement de façade » et qu’en réalité les deux autorités coexistent dans le cadre de deux « collèges », par exemple. Si l’on compare avec leur homologue américain, la Federal Communications Commission ne dispose pas d’une mission aussi vaste que le CSA et l’Arcep réunis. Dès lors, un rapprochement se traduira-t-il par la suppression de certaines compétences ? La question reste entière.
– La limite des compétences et des pouvoirs assignés à cette autorité devra également être clarifiée. L’Arcep dispose de nouveaux pouvoirs depuis la transposition du Paquet télécoms en 2011, et le CSA détient aussi un pouvoir de sanction. Il faudra donc être vigilant quant à l’exercice de ces compétences quasi juridictionnelles, et à ne pas les étendre au-delà du strict nécessaire. La convergence des règles et des pratiques sectorielles qui justifient le rapprochement sera aussi un point central de la discussion (montant des amendes, typologie des sanctions, justifications, etc.). – Enfin, le législateur devra garantir l’autonomie administrative et financière de cette autorité et s’assurer qu’elle disposera des moyens suffisants pour mener à bien ses missions. En période de crise des finances publiques et de difficultés de financement du secteur des télécommunications et de l’audiovisuel (émergence de nouveaux acteurs, suppression de la publicité dans le service public audiovisuel, etc.), la question de l’autonomie budgétaire devra être étudiée, et certains évoquent déjà une éventuelle contribution des secteurs concernés ! Dans ce cas, on peut se demander si une fonction de puissance publique telle que celle assurée par les autorités administratives indépendantes peut, ou non, être financée par les entreprises contrôlées. La Commission européenne veillera de toute façon à ce que ces autorités en ressortent renforcées, comme elle l’avait déjà exprimé en 2012, lors de la tentative de réforme de l’Arcep. Vigilance et prudence, donc.
CIR : VERS UN RÉÉQUILIBRAGE ET PLUS DE SIMPLIFICATION ? Le projet de Loi de finances pour 2013 devrait modifier les contours du crédit impôt recherche (CIR). Premier dispositif d’incitation fiscale pour l’État (6 milliards d’euros) et instrument de la compétitivité française, le CIR a fait l’objet, ces derniers mois, de plusieurs déclarations de François Hollande, favorable à un rééquilibrage de ce dispositif envers les PME. Lors d’une audition devant le Parlement en juillet, Fleur Pellerin a rappelé que le CIR « devrait être maintenu dans son principe, dans un cadre le plus stable possible pour les entreprises et les investisseurs, avec un recentrage sur les PME, sans perdre de vue les grands comptes ». Le député de l’Essonne Michel Berson avait quant à lui remis un certain nombre de propositions, cet été, à la ministre de la Recherche Geneviève Fioraso. Le casse- tête n’aura pas été de longue durée puisque le président de la République a annoncé à la rentrée la création d’un volet
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innovation dans le CIR, pour une enveloppe estimée à 300 millions d’euros, uniquement pour les PME. Un distingo sera appliqué en fonction de la taille de l’entreprise (moins de 250 salariés), alors que des observateurs rejetaient toute différence. Mais les difficultés vont commencer lorsqu’il sera question de définir l’innovation, surtout pour le numérique. L’article 55 du projet de Loi de finances précise qu’il s’agit des frais liés au prototypage de nouveaux produits et les installations pilotes. Qu’en sera-t-il pour le numérique ? Les ministère du Redressement productif, de la Recherche et du Budget devront s’entendre dans le cadre de la discussion parlementaire et, tout particulièrement, lors de l’élaboration de la doctrine fiscale applicable. On voit déjà que de nombreux contentieux pourraient poindre à l’horizon… La loi de finances promet donc d’âpres discussions sur ce mécanisme plébiscité par l’ensemble des acteurs économiques.
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RÉVISION DU PLAN NATIONAL TRÈS HAUT DÉBIT POUR LA FIN DE L’ANNÉE Après plusieurs semaines d’écoute et de rencontres faisant suite à leurs nominations, Cécile Dufflot, ministre de l’Égalité des territoires, et Fleur Pellerin avancent leurs propositions pour revoir les modalités du plan national très haut débit. Un activisme estival parlementaire important, une table ronde avec l’ensemble des acteurs et une mobilisation des élus à l’occasion de l’appel de Valence ont ainsi convaincu les ministres de modifier les modalités pratiques du déploiement du THD en France et d’apaiser les relations entre État, collectivités locales et opérateurs télécoms. C’est ainsi qu’à l’occasion de l’université d’été du Parti socialiste à La Rochelle, la ministre Fleur Pellerin a annoncé une loi avant la fin de l’année, qui visera notamment à fournir le haut débit pour tous, d’ici à 2017, sur la base d’un mix technologique adapté aux différentes situations géographiques. Le VDSL2, dont les limites ont été cependant soulignées à plusieurs reprises, pourrait être ainsi mobilisé pour les boucles locales
cuivre et fibre optique. La ministre souhaite également intégrer l’engagement des opérateurs privés à utiliser tout ou partie des infrastructures des réseaux d’initiative publique, lorsqu’elles existent, pour déployer leurs propres réseaux, afin d’éviter des doublons et une superposition inutile. La question d’un mécanisme de péréquation pour soutenir les investissements dans les territoires pourrait être résolue par une taxe sur le cuivre, encore à l’étude. Enfin, la création d’une structure de pilotage et d’assistance à la maîtrise d’ouvrage pour assister les collectivités dans la mise en œuvre de leurs schémas départementaux d’aménagement numérique (SDAN) pourrait voir le jour, avec « une petit équipe », indique-t-on dans l’entourage de la ministre. Début septembre, celle-ci a en outre annoncé le haut débit pour tous (3 Mbs) à l’horizon 2017, une mesure qui ne figurait pas dans le programme de campagne de François Hollande et qui vise les zones blanches.
LA NEUTRALITÉ DU NET REVIENT LA NEUTRALITÉ DU NET REVIENT SUR LE DEVANT DE LA SCÈNE SUR LE DEVANT DE LA SCÈNE Conformément à la demande du Parlement lors de la transposition du Paquet télécoms en 2011, l’Arcep s’est pliée à l’exercice de rédaction d’un rapport à destination des parlementaires et du gouvernement sur la neutralité de l’Internet. Deuxième livrable de l’autorité en matière de neutralité, après la publication de ses dix propositions en 2010, ce rapport devrait permettre à Fleur Pellerin de nourrir ses réflexions et une potentielle proposition de loi, comme elle l’a évoqué cet été. Concept à la dimension « technico-économique » de plus en plus marquée, comme le note l’Arcep, la neutralité d’Internet concerne l’ensemble de l’écosystème des acteurs du secteur alors que son trafic au niveau mondial croît à une vitesse exponentielle, que les infrastructures de réseaux sont sous tension et que les business models évoluent
rapidement. La qualité des services, le marché de l’interconnexion, la transparence ou encore la gestion du trafic sont au cœur des préoccupations de l’Arcep, qui dispose de certains pouvoirs en matière de régulation du secteur. La Commission européenne est également très attentive à ce sujet et consulte en ce moment les acteurs, afin de publier des lignes directrices en la matière en 2013 et dont les contours sont encore incertains. Dans un contexte où les opérateurs historiques, représentés par l’ETNO (European telecommunications Network Operators) militent pour le développement d’offres « premium » par la mise en place d’accords commerciaux entre les opérateurs et les éditeurs de contenus, le débat devrait s’intensifier dans les prochains mois.
FACTURE ÉLECTRONIQUE : LE PROJET DE TRANSPOSITION RENDU PUBLIC Une petite révolution pourrait avoir lieu le 1er janvier 2013, avec l’entrée en vigueur en France de la directive Facture électronique. Le texte de loi français, qui transposera la directive européenne du 13 juillet 2010, aura pour but de stimuler l’utilisation de la facture électronique dans les entreprises. Le texte prévoit notamment une stricte égalité entre facture papier et facture électronique et permettra à l’assujetti de choisir la manière qui lui convient le mieux pour garantir l’authenticité de l’origine et l’intégrité du contenu des factures électroniques. Le ministère du Redressement productif
et l’administration fiscale travaillent à cette transposition depuis plusieurs mois autour des acteurs représentatifs des fournisseurs de solutions et des utilisateurs, afin de proposer le texte le plus adapté au contexte comptable et fiscal français. La directive ne donne en effet qu’un cadre général que chaque État doit adapter en fonction de ses contraintes locales. La France a encore du chemin à parcourir puisqu’on estime que seulement 4 % des entreprises utilisent complètement les fonctionnalités d’un dispositif de factures électroniques.
TÉLEX______________________________________________________________________________________________________ Fiscalité du numérique : la mission Collin et Colin rendra ses conclusions en décembre – CNNum : nouvelle composition attendue d’ici novembre – Taxation du cloud : le CSPLA publiera ses premiers travaux à l’automne – Arcep : l’autorité de régulation organise son colloque annuel sur les territoires du numérique – Hadopi : la mission Lescure lancera ses travaux sur l’avenir de la Haute Autorité cet automne – Nomination : Alain Crozier a pris la direction de Microsoft France. – Plan numérique : une feuille de route sera présentée en février, au cours d’un séminaire intergouvernemental.
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LA VIE DES PÉPITES
TALEND DÉMOCRATISE L’INTÉGRATION Spécialiste des problématiques d’intégration, la société est l’un des fleurons de la vague Open Source en France. par Reynald Fléchaux
C
e qui est probablement la plus belle histoire du logiciel hexagonal, Open Source commence, il y a environ sept ans, sur un constat partagé par deux collègues de travail. À l’époque, Bertrand Diard et Fabrice Bonan travaillent en SSII sur des projets d’ETL (synchronisations massives d’une base de données à une autre). Des technologies coûteuses, complexes et peu flexibles, selon les deux cofondateurs de ce qui deviendra Talend. Ils décident donc de développer leur propre logiciel, afin de démocratiser l’intégration de données. L’approche pour percer ? Ce qui se passe alors dans les logiciels d’infrastructure, où d’autres sociétés parviennent à bousculer l’ordre établi grâce à l’Open Source. Sur la base de prototypes encourageants, les deux compères se lancent dans la finalisation de leur produit, supportée par une première levée de fonds au printemps 2006. « La priorité consistait à créer avant tout le meilleur produit, car le modèle Open Source est ainsi fait que vous n’avez pas de seconde chance pour démontrer l’efficacité et la qualité de la technologie, explique le vice-pré-
Avec un modèle économique resté inchangé depuis : Talend fournit une version Open Source gratuite et pleinement fonctionnelle mais les fonctions avancées, nécessaires à une entreprise pour exploiter la plate-forme en production sur des projets critiques, sont, elles, réservées à une version payante. « Tout l’enjeu réside dans les arbitrages entre ce qui va être développé pour la version Open Source, en téléchargement libre, et ce qui restera l’apanage de la mouture commerciale, souligne Yves de Montcheuil. Si la version gratuite n’est pas assez riche, elle n’est pas adoptée par les utilisateurs. Si elle l’est trop, faire du business devient difficile et la croissance de la société en pâtit, ainsi que sa capacité à supporter la communauté toute entière. » Au départ focalisée sur l’intégration de données, la société a, depuis, élargi son offre via des développements (gestion de la qualité des données), des rachats (gestion des données maître, bus applicatif) ou des partenariats (avec BonitaSoft). « Nous avons construit une plate-forme rapprochant les logiques d’intégration de données de celles d’intégration
Tout l’enjeu réside dans les arbitrages entre ce qui va être développé pour la version Open Source et ce qui restera l’apanage de la version commerciale. sident marketing Yves de Montcheuil. Ce n’est qu’après la sortie de la version 1, en octobre 2006, que Talend va monter ses opérations commerciales. »
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applicative », précise le dirigeant. Sans oublier un engagement fort vers le Big Data, avec un premier produit sorti au mois de mai dernier.
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62 millions de dollars
C’est la somme totale que Talend est parvenu à réunir en cinq levées de fonds. Aujourd’hui présent dans huit pays et employant 400 personnes, Talend reste avant tout une aventure… franco-américaine. « Dès la naissance de la société, il était convenu qu’un des deux cofondateurs irait s’installer aux États-Unis. Talend est née internationale. » Dès 2007, Bertrand Diard pose donc ses valises dans la Silicon Valley. Un choix payant. En 2010, pour sa quatrième et plus importante levée de fonds (34 millions de dollars), Talend séduit un des fonds américains vedettes dans les technologies, Silver Lake… après avoir déjà convaincu Balderton Capital et fait entrer l’ex-BO Bernard Liautaud à son conseil d’administration. Aujourd’hui, au moment d’aborder la prochaine étape de son développement – l’introduction en Bourse –, Talend lorgne d’ailleurs plutôt la place de New York que celle de Paris pour se frotter aux investisseurs. WWW.TALEND.COM
3 500
C’est le nombre de clients de la version commerciale de Talend (à comparer au
1 million d’utilisateurs de la version gratuite).
14 500
C’est le nombre de clients professionnels répartis dans plus de 90 pays.
LE DISQUE DUR SUR INTERNET N’EN FINIT PAS DE GROSSIR Récompensé par différents prix, cet éditeur confirme sa place de leader européen des fournisseurs de services sécurisés de gestion de fichiers en mode SaaS. par Philippe Richard
L
es données sont le carburant de l’économie. Mais les entreprises doivent à la fois partager, en interne comme en externe, des documents de plus en plus volumineux tout en contrôlant parfaitement la sécurité de ces échanges. Face à un tel dilemme, de plus en plus de sociétés (TPE, PME et grands comptes dont plus de 60 % du CAC 40) retiennent les solutions développées par Oodrive. Créé en 2000, cet éditeur est l’un des leaders européens des fournisseurs de services sécurisés de gestion de fichiers en ligne à destination des professionnels. À l’origine de cette start-up, un constat : les limites des messageries électroniques. En 2000, les trois futurs fondateurs d’Oodrive (Stanislas de Rémur, Édouard de Rémur, Cédric Mermilliod) doivent se retrouver le week-end pour s’échanger des versions de plus en plus volumineuses de leur business plan. « Nous nous sommes dit qu’il y avait un besoin de créer un disque dur sur Internet », se rappelle Stanislas de Rémur, PDG d’Oodrive. Ils décident d’abandonner leur projet initial (dans la logistique) pour développer une solution de partage de fichiers. À l’époque, ce genre de service est inexistant en France où l’on se contente des CD-ROM et du protocole FTP. La création d’Oodrive rencontre un vif intérêt auprès des entreprises. « Rapidement, nous avons signé des contrats importants avec Universal Music, Areva, LVMH, etc. Malgré notre
petite taille, ces entreprises nous ont fait confiance car notre service répondait à un réel besoin », explique Stanislas de Rémur.
d’avoir « toujours une innovation d’avance sur un marché devenu plus concurrentiel », avance le PDG.
Aujourd’hui, le pionnier du mode SaaS (« Software-as-a-service ») en France pro-
Enfin, le groupe a réussi sa diversification. D’abord via la verticalisation de son offre
Nous nous sommes dit qu’il y avait un besoin de créer un disque dur sur Internet. pose des solutions adaptées aux exigences de ses clients. Sa gamme AdBackup (solutions de sauvegarde en ligne) est même numéro un en Europe. Oodrive fait d’ailleurs partie des cinq « pure players » du SaaS avec les plus fortes croissances en 2011, d’après l’Afdel. Quatre raisons principales expliquent cette reconnaissance. Premièrement, « nous avons toujours fait attention à notre trésorerie car il était difficile, dans les premières années de la société, de lever des fonds », insiste Stanislas de Rémur. Deuxièmement, le développement à l’international n’a pas été précipité : Oodrive a attendu d’être fort en France avant de s’attaquer à l’international. Le groupe possède aujourd’hui quatre bureaux implantés en Europe du Nord et du Sud (Espagne) et en Asie pour couvrir l’ensemble du marché (90 pays). Troisième facteur essentiel : un département R & D qui représente près de la moitié des effectifs. Cet investissement permet à Oodrive
de partage dans le domaine des appels d’offres dématérialisés en intégrant, en 2011, les produits d’Omnikles. Ensuite, en augmentant la valeur ajoutée de ses services via le rachat cette année de CertEurope, expert dans la sécurisation des échanges numériques. Autant de fondations solides pour se lancer dans ce qui est aujourd’hui l’objectif affiché de la société : l’accélération du développement à l’international. WWW.OODRIVE.COM
7,5 millions d’euros
C’est la levée de fonds réalisée par Oodrive auprès de Time Equity Partners, en 2011. Oodrive avait déjà levé 4 millions d’euros auprès d’Iris Capital, en 2007. Illustrations : Sophie Nathan
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LA VIE DES PÉPITES
par Isabelle Bellin
what’s
SKEROU ÉCRIT LA LISTE DE COURSES 2.0 Un ticket de caisse est une mine d’informations… Pour l’exploiter, deux jeunes ingénieurs, Grégory Thurin et Ludovic Galabru, ont fondé Skerou et créé une application gratuite pour iPhone : à partir d’une simple photo du ticket, elle interprète son contenu et l’archive pour vous. Et après ? Cela vous permet de suivre votre budget courses mais, surtout, de vous aider à préparer vos prochaines listes. Liste que vous pouvez compléter en écrivant, en scannant ou en naviguant dans les rayons virtuels de l’application. Enfin, elle vous propose des promotions exclusives, remboursées directement sur votre compte. Lancée en mai dernier en version bêta, l’application a mobilisé l’équipe (cinq personnes aujourd’hui) pendant plus d’un an pour mettre au point traitement d’images, reconnaissance de caractères, puis gestion des données de ces précieux petits bouts de papier. La communauté d’utilisateurs enrichit progressivement l’identification des produits selon leurs libellés, pas toujours explicites. Et les idées de services à suivre ne manquent pas.
Année de création :
2011 Localisation :
Paris Chiffre d’affaires 2011 : N.C. Chiffre clé :
600 000 euros levés en 2012
HTTP://SKEROU.COM
CLICKON AUTOMATISE L’INTERACTIVITÉ DES PUBS TV
Année de création :
2011 Localisation :
Neuilly-sur-Seine Chiffre d’affaires 2011 : N.C. Chiffre clé :
24 à 48 heures pour créer une publicité interactive
Il faut plusieurs mois et entre 100 000 et 150 000 euros pour créer une publicité TV interactive qui permette d’acheter en ligne un produit évoqué. Baptiste Brunin et Pierre Figeat, amis d’adolescence, ont bien l’intention de bouleverser ces pratiques : ils ont développé (et devraient bientôt breveter) un logiciel de reconnaissance automatique d’images vidéo par « fingerprinting », une technologie utilisée notamment pour la gestion de copyrights. Installée en régie, elle analyse le flux vidéo en continu, détecte une publicité partenaire en quelques millièmes de secondes et ouvre en transparence sur l’écran TV du téléspectateur une des trois applications développées par l’équipe (quatre personnes) : l’achat de produits, l’envoi d’échantillons, de bons de réduction ou l’envoi d’informations complémentaires. Ces applications sont pilotables simplement en quelques clics, à partir de la télécommande des télés à la norme européenne HBBTV qui donne la possibilité de diffuser des contenus additionnels. La technologie de ClickOn sera vendue aux régies sous licence, à partir de fin 2012. Les annonceurs rémunéreront ClickOn en fonction des ventes WWW.CLICKON-BUY.COM
CONTENT-SQUARE OPTIMISE L’ERGONOMIE DES SITES L’ergonomie des sites est devenue un facteur essentiel pour augmenter les ventes et les abonnements en ligne. Jonathan Cherki, lorsqu’il était encore étudiant à l’Essec, a eu l’idée de réunir un panel d’internautes (300 000 personnes en France aujourd’hui) pour tester les sites, leurs campagnes de publicité, les bannières, vidéos, etc. Depuis, avec la dizaine de personnes de ContentSquare, il a surtout développé une gamme de huit technologies de test basées sur des statistiques, comme le suivi de déplacement de la souris des vrais utilisateurs d’un site, l’analyse des éléments déclenchant l’achat ou la prise de contact, la mesure en direct de l’impact de différentes versions d’une même page Web, mais aussi des services d’amélioration de ces parcours. De quoi multiplier par deux le temps passé sur les pages. Ses clients : Microsoft, Oscaro.com, Bouygues Telecom ou encore Accenture. WWW.CONTENT-SQUARE.FR
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LES CAHIERS DU NUMÉRIQUE /// NUMÉRO 3 /// NOVEMBRE 2012
Année de création :
2008 Localisation :
Paris Chiffre d’affaires 2011 : N.C. Croissance 2012 : 300 % Chiffre clé :
+ 15 à 100 % de ventes et téléchargements grâce au test et à l’optimisation des pages Web
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LeDossier DONNÉES PERSONNELLES LE NOUVEAU CARBURANT DE L’INTERNET EST-IL DEVENU EXPLOSIF ? Exploiter à plein les données des internautes ou protéger au maximum la vie privée des individus au risque de tuer dans l’œuf une économie encore naissante ? Entre ces deux extrêmes, l’industrie cherche toujours le bon compromis. Dossier coordonné par Reynald Fléchaux et Loïc Rivière, avec Pierre-Frédéric Degon, Serge Escalé et Philippe Richard
ÉDITO LA DONNÉE : NOUVEAU FILON OU MIRAGE ?
P
rès de 50 % de chute. En quelques semaines, l’action Facebook s’est écroulée en Bourse. En cause, les attentes démesurées des investisseurs pour lesquels le Web « social » était synonyme de nouvelle ruée vers l’or, vers un marketing plus efficace car collant aux goûts de chaque consommateur. En pratique, le filon est plus difficile à exploiter que prévu. Ne serait-ce qu’en raison des tactiques employées par une fraction grandissante des utilisateurs pour échapper à une radioscopie de leur vie privée. Pour Facebook, la tentation grandit d’exploiter sans limite les données à sa disposition pour rassurer les marchés : la société envisage ainsi de publier de la publicité sur des marques dans les fils d’actualité des utilisateurs, même quand ceux-ci ne sont pas fans desdites marques. Au risque d’épuiser le filon prématurément ? REYNALD FLÉCHAUX © D. PERALDI
Rédacteur en chef
Sommaire 25. La protection des données personnelles : nouvelle frontière de l’économie numérique ? 27. L es profils des internautes : principale source de revenus pour Facebook 28. L a confiance, c’est maintenant ! 30. L’Europe face aux nouveaux défis d’Internet
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LES CAHIERS DU NUMÉRIQUE /// NUMÉRO 3 /// NOVEMBRE 2012
LA PROTECTION DES DONNÉES PERSONNELLES : NOUVELLE FRONTIÈRE DE L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE ? Avec les systèmes de partage et d’échange d’informations, de plus en plus de données circulent sur les réseaux, se jouant des frontières. Conjuguer le développement de ces usages innovants et la protection des données personnelles est devenu un enjeu crucial de l’essor de l’économie numérique.
D
’une part, une véritable « économie de la donnée » s’est structurée autour des moteurs de recherche, réseaux sociaux ou plates-formes qui analysent finement ces profils et ces données pour les monétiser auprès de tiers, et d’autre part, l’évolution du cloud computing accélère le transfert de données hors les murs de l’entreprise ou des services publics. Côté utilisateurs, on constate que des millions de personnes n’hésitent pas à exhiber leur vie privée sur Internet… Mais à la stricte condition – tacite – de garanties élevées de confidentialité. Ce « privacy paradox » appelle donc un compromis innovant qui nous dessinerait une nouvelle frontière du numérique. L’INTERNAUTE TRACÉ À SON INSU ?
Chaque jour, le Web social enfle : 2 millions de vidéos ajoutées sur YouTube, 5 millions d’images téléchargées sur Flickr, 1,5 milliard de données envoyées sur Facebook, 140 millions de tweets publiés sur Twitter. Des chiffres qui montrent combien les réseaux sociaux font aujourd’hui partie du quotidien de centaines de millions de personnes qui n’hésitent pas à y placer des informations à caractère personnel. D’ici à 2016, plus d’un tiers de leurs contenus digitaux seront hébergés par des services de cloud computing pour le grand public, selon les prévisions de l’institut d’études Gartner. Une évolution rapide des comportements car, en 2011, cette pratique ne concernait encore que 7 % des données domestiques. Profitant de l’engouement pour les échanges de photos et de vidéos par le biais des smartphones et des tablettes, ce secteur est promis à une forte croissance. Selon le même cabinet, la quantité moyenne de données stockées par foyer passera ainsi de 464 gigaoctets en 2011 à 3,3 téraoctets en 2016. Mais ce dynamisme s’appuie sur l’apparente gratuité de ces services innovants, dont le modèle économique repose en fait sur la commercialisation des données collectées ou, du moins, de leur analyse. Il y a quelques mois, Twitter a ainsi accordé une licence d’exploitation (pour environ 250 millions de dollars) à deux compagnies britanniques (Gnip et Datasift), licence portant sur les messages archivés par ses membres depuis deux ans. Leur analyse très poussée permettra aux marques et aux entreprises (plus de 700 sont demandeuses de ces informations, selon Datasift) de déceler des tendances quant aux comportements et préférences de leurs clients. Plus récemment, des chercheurs en sécurité ont découvert que certaines applications présentes sur les terminaux mobiles d’Apple récupéraient et transmettaient des données
sans le consentement des utilisateurs. Ces dernières pouvant contenir des noms, des informations personnelles ou professionnelles sensibles, des coordonnées, etc. L’attitude ambivalente de certains internautes, qui n’hésitent pas à publier des informations personnelles sans aucune retenue, facilite l’exploitation des données. Aux États-Unis, une étude rendue publique cet été par Education.org révèle par exemple qu’un tiers des personnes inscrites sur un réseau social ne contrôlent pas la confidentialité de leur profil et n’ont pas mis en place de barrières protégeant leurs contenus privés. Cette attitude aurait pour cause le besoin de reconnaissance et de partage d’émotions, selon une enquête menée par l’université de Pennsylvanie. Dans un billet de blog paru en 2011, Pierre Bellanger, fondateur et PDG de Skyrock (donc de la plate-forme Skyblog), voyait en Facebook « la plus grande exportation d’intimités de tous les temps », à laquelle des millions d’utilisateurs dans le monde entier se prêtent « avec une confondante naïveté ». Certains parlent même de génération sacrifiée pour désigner ceux qui « essuient les plâtres » de la « privacy » sur Internet. Si ces comportements persistent, de nombreux autres internautes ont pris conscience des risques potentiels d’un partage sans frein de leurs données personnelles. Une enquête, publiée en juin 2011 par TNS Opinion & Social, indique que deux Européens sur trois craignent que les entreprises s’échangent leurs données à caractère personnel sans leur consentement. La très grande majorité des Européens (9 sur 10) souhaite que les mêmes droits en matière de protection des données s’appliquent partout sur le Vieux Continent. LA RESTITUTION DES DONNÉES PERSONNELLES
Un souhait entendu par la Commission européenne qui a décidé de renforcer la protection de ces données et d’instituer un régime de divulgation obligatoire des atteintes à leur sécurité. Le champ d’application de ce texte reste pour l’heure limité aux fournisseurs de « services de communications électroniques accessibles au public ». Mais, à terme, il pourrait s’appliquer à d’autres secteurs. Pour certains industriels, ces obligations règlementaires pourraient se révéler incompatibles avec le développement de ce secteur. « Nous sommes à la croisée des chemins. D’un côté, le respect de la vie privée est indéniablement un facteur de croissance économique, car il permet de créer de la confiance d’une manière nouvelle et novatrice, génératrice de richesse pour l’entreprise. D’un autre côté, les normes sont extrêmement contraignantes
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LE DOSSIER
et ont parfois des effets négatifs sur les entreprises », déclarait Jon Hoak, vice-président de HP et responsable de l’éthique, lors de la 3e conférence internationale sur la protection des données personnelles organisée à Strasbourg, fin 2008. Presque quatre ans après ce constat, la situation continue d’interpeller les régulateurs. Cependant, certains acteurs industriels revendiquent une politique de confidentialité renforcée de leurs utilisateurs, à l’instar de Microsoft qui a mis en place l’anonymisation systématique des données collectées et réduit leur conservation à six mois. Selon Marc Mossé, directeur des affaires publiques de Microsoft France, « l’avenir d’Internet passe par la définition d’un nouveau contrat de confiance avec l’internaute. Il faut que le citoyen internaute ait le pouvoir de décider par lui-même, une sorte de droit à l’autodétermination informationnelle ». Le débat autour du désormais fameux droit à l’oubli s’inscrit évidemment dans cette logique. Porté par la CNIL pendant de longs mois, ce sujet figure dans le projet de règlement européen relatif à la protection des données personnelles présenté au printemps dernier par Viviane Reding au nom de la Commission européenne (voir encadré). En parallèle, des initiatives voient aussi le jour, qui proposent de restituer leurs données aux utilisateurs selon une logique d’open data. En 2011, les gouvernements américain (mémorandum Smart Disclosure) et britannique (projet MiData) ont exprimé leur volonté que d’importantes organisations partagent les données personnelles qu’elles détiennent avec leurs clients. « Nous souhaitons libérer plus de données dans des formats réutilisables sur la santé, la sécurité et l’environnement parce que l’information, c’est le pouvoir. Notre rôle est d’aider les gens à prendre des décisions éclairées et les entrepreneurs à transformer les données en de nouveaux produits pour créer des emplois », a ainsi déclaré le président Obama , en 2011. Reste que ce nouvel équilibre, encore au stade d’ébauche, tarde à se concrétiser. PROTECTION DES DONNÉES, CHOIX INDUSTRIELS ET RELATIONS INTERNATIONALES
Cette définition d’un nouvel équilibre s’impose tout autant lorsqu’il s’agit d’entreprises ayant recours à l’informatique en nuages pour leurs données, y compris lorsqu’il s’agit de gérer les boîtes mails de leurs salariés. Ces entreprises – et encore plus lorsqu’il s’agit d’entités publiques – sont légitimement attentives à la façon dont leur prestataire gère les données ainsi transférées. Et lorsque des « data » sortent de l’Union européenne, tout le monde mesure qu’il est fondamental que les règles de
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sécurité et de protection soient équivalentes à celles applicables en France et en Europe. De nombreuses études montrent que les chefs d’entreprise envisagent le cloud tout en s’interrogeant sur les garanties associées. Le groupe de travail Article 29, regroupant les autorités de protection des données personnelles dont la CNIL, s’est emparé de ce sujet majeur et a tout récemment rendu des avis et recommandations importantes à cet égard 1. Un des axes importants suggérés consiste à prévoir dans les contrats des stipulations protectrices, comme les « clauses contractuelles types » sur la base de celles élaborées par la Commission européenne, en 2010. Certains prestataires, à l’instar de Microsoft, ont déjà fait le choix de s’y conformer d’emblée. Les régulateurs européens promeuvent aussi les BCR (« binding corporate rules ») en plaidant pour que les entreprises se dotent de règles internes validées par les autorités, afin d’assurer des standards élevés de protection pour les individus comme pour les entreprises ou les administrations. Au-delà des débats philosophiques, cette question de la vie privée et de la gestion des données personnelles rencontre désormais des choix industriels pour les éditeurs et des arbitrages pour les clients qui sont, le plus souvent, responsables du traitement des données au sens de la loi... Certains éditeurs de logiciels impliqués dans le cloud ont compris cet enjeu et souhaitent se différencier aussi via une approche responsable en la matière (voir la position de l’Afdel page 31). Ceux qui ont un modèle fondamentalement basé sur la monétisation des données, y compris du contenu des mails, plaident évidemment davantage pour un changement de paradigme qui refuserait désormais de sanctuariser la vie privée… Il sera sans doute très intéressant de voir comment les différents acteurs du secteur se positionneront à l’avenir sur le sujet. D’autant plus que derrière ces équations économiques à résoudre sont présents des principes essentiels. Ces tensions entre différentes approches montrent que la mondialisation des données oblige à concevoir de nouveaux équilibres où l’Europe doit prendre toute sa place (voir page 30). D’ailleurs, il est intéressant de se rappeler que les conclusions du G8 de Deauville, en mai 2011, dans la continuité de l’eG8, avaient pointé la nécessaire réflexion et coordination entre États sur le sujet des transferts de données. Cela était sans doute passé relativement inaperçu mais avait révélé que les régulations en ce domaine sont évidemment multipolaires et requièrent une harmonisation internationale. Décidément, la protection de la vie privée constitue bien une nouvelle frontière pour affermir la confiance dans le numérique. 1. Le groupe Article 29 dans son avis du 1er juillet 2012, et la CNIL dans sa recommandation du 25 juin 2012.
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LA PROTECTION DE DONNÉES PERSONNELLES
DROIT À L’OUBLI : INCONTOURNABLE, MAIS FORCÉMENT RAISONNABLE…
Comment effacer toutes les traces nous concernant ? La tâche semble ardue, voire irréaliste, à certains dont de nombreux industriels qui relèvent que le modèle décentralisé du Web rend difficile la suppression définitive de nos empreintes numériques. Tel qu’il est conçu par le règlement, le droit à l’oubli imposerait aux sociétés non seulement d’effacer, dans certains cas, des données à caractère personnel à la demande de la personne concernée mais, également, lorsque les données en question ont été communiquées, d’informer tout tiers qui traiterait ces données de la demande de suppression de toute copie de ces données ou de tout lien qui permettrait d’y accéder. Or, les données numériques sont aujourd’hui souvent dupliquées rapidement sur l’Internet, sur des
systèmes et serveurs situés dans le monde entier, sans forcément que cela se traduise par des relations techniques ou juridiques formelles entre les différentes parties. Par exemple, de nombreux moteurs de recherche et agrégateurs de contenus utilisent des informations accessibles au public sur l’Internet aux fins de cataloguer et d’élaborer d’importants caches de données sans accord contractuel explicite avec l’éditeur initial de l’information. Ces caches sont des outils qui permettent aux internautes de trouver rapidement des informations lorsqu’ils font une recherche sur Internet. Pour autant, le droit à l’oubli revisite légitimement les principes de consentement, de finalité du traitement et de droit d’accès et de rectification. La question est alors de savoir comment le rendre
praticable, compatible et efficace avec l’architecture de l’Internet. D’où la proposition de certains que le règlement cible le droit à l’oubli sur les données « détenues par et sous le contrôle » du responsable de traitement et « raisonnablement accessibles » dans le cadre de ses activités habituelles, et soit applicable uniquement aux données propres de l’utilisateur. Par commodité pour l’utilisateur, les fournisseurs de services pourraient également être autorisés à conserver des données pour une durée limitée, afin de permettre aux utilisateurs d’utiliser de nouveau le service dans l’hypothèse où ils en feraient expressément la demande. Même adapté aux réalités, on peut parier que ce droit à l’oubli contribuera aux nouveaux équilibres.
LE PROFIL DES INTERNAUTES : PRINCIPALE SOURCE DE REVENUS POUR FACEBOOK En avril dernier, juste avant son entrée en Bourse, Facebook a annoncé un chiffre d’affaires de 1,058 milliard de dollars au premier trimestre 2012. La part de la publicité dans ses recettes diminue régulièrement, passant de 98 % en 2009 à 82 % début 2012. À l’inverse, les revenus générés par Facebook Payments (sa filiale créée en mars 2011) ne cessent d’augmenter, pour atteindre 186 millions de dollars au premier trimestre. Cette filiale assure la gestion de sa monnaie virtuelle, les « Facebook Credits ». Utilisée dans un premier temps par les éditeurs de jeux vidéo,
cette monnaie permet de payer pour des contenus en ligne et du e-commerce. Malgré cette évolution, la publicité ciblée reste toujours aussi efficace. Selon une enquête de ComScore, il y a une corrélation entre le fait d’être fan d’une marque et le fait d’acheter un de ses produits. À titre d’exemple, l’étude indique que les annonces de Starbucks sur Facebook ont entraîné une incidence d’achat supérieure de 38 % chez les fans de Starbucks et leurs amis, dans les quatre semaines d’exposition.
milliard de membres actifs par mois. %
c'est millions
en moyenne le nombre d'amis par utilisateur de
ok en 2011 avec de la monnaie Facebo ont acheté des biens virtuels
millions c'est
M. facebook Source : Facebook, septembre 2012.
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LE DOSSIER
LA CONFIANCE, C’EST MAINTENANT ! La collecte massive d’informations parfois confidentielles inquiète les défenseurs du respect des droits des personnes. Face aux contraintes règlementaires qui se profilent, seuls les plus solides des acteurs du numérique tireront leur épingle du jeu.
L
es données personnelles comme les informations sur la navigation recueillies sur un site sont très convoitées par les sociétés de marketing. Il s‘agit des renseignements collectés via les formulaires, des informations géolocalisées via un mobile (après consentement de l’utilisateur), des comportements de navigation sur un site Web, des mots-clés utilisés, etc. Outre leur utilisation commerciale, ces éléments ne sont pas toujours à l’abri de la copie frauduleuse de leurs bases de données. En 2010, des millions de données personnelles issues de comptes Facebook étaient proposées par un pirate russe pour 5 dollars les 1 000 si le compte piraté comportait plus de 10 contacts.
De nouveaux venus dans le domaine des réseaux sociaux tels Pinterest tentent de simplifier l’utilisation de leurs offres en proposant le partage facile d’images et de photos sur un tableau virtuel. Les réseaux les plus récents, comme Branch ou Medium, ne sont accessibles que sur invitation pour mieux garantir la confidentialité de leurs utilisateurs. Dans le secteur des réseaux sociaux, les positions sont loin d’être pérennes et la réussite n’est jamais acquise, comme le montrent les exemples de Myspace ou de Second Life, aujourd’hui marginalisés... COMPORTEMENTS MODIFIÉS
À LA RECHERCHE DE LA BONNE FORMULE
Face à la méfiance grandissante des internautes concernant l’utilisation de leurs données, les réseaux sociaux tentent de s’adapter en modifiant les paramètres et leurs options, de sorte à les rassurer. Les réseaux sociaux ont ainsi tendance à modifier leurs règles de confidentialité en proposant plusieurs profils d’utilisation et, parfois, près de 200 options pour gérer les services et produits. Cette profusion de réglages déroute cependant les utilisateurs puisque, selon le Consumer Report, un institut d’analyse des comportements des consommateurs, seulement 37 % d’entre eux modifient les paramètres de confidentialité.
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Dans les pays occidentaux, les premières vagues de désinscription de certains réseaux sociaux ont été observées, en 2011, aux États-Unis, au Canada et en France. Dans l’Hexagone, une étude de Lightsped Research, en 2011, indique que trois inscrits sur dix ont réduit leur temps d’utilisation de Facebook et que 10,5 % d’entre eux ont quitté le réseau. Les raisons invoquées ? En premier lieu, la lassitude pour 43 % d’entre eux, mais également la crainte de voir leurs données personnelles (textes, images, préférences, goûts, etc.) utilisées à leur insu à des fins commerciales ou autres chez 23 % des utilisateurs. Le baromètre de la confiance des Français dans le numérique, datant d’octobre 2011,
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En 2010, des millions de données personnelles issues de comptes Facebook étaient proposées par un pirate russe pour 5 dollars les 1 000 si le compte piraté comportait plus de 10 contacts.
confirme l’installation de ce climat de suspicion chez une frange des utilisateurs : un Français sur trois émet ainsi des doutes sur l’efficacité de la politique de confidentialité des sites Web. Pour pallier le risque de divulgation de leurs données personnelles, nombre d’inscrits sur les réseaux sociaux adoptent un profil privé et ne diffusent leurs informations confidentielles qu’à leurs amis, préjudiciant ainsi au modèle économique d’un site comme Facebook. Une étude universitaire de Dannah Boyd et
Eszter Hargittai aux États-Unis montre que ce sont les femmes et les utilisateurs les plus expérimentés qui modifient majoritairement les paramètres avancés de confidentialité sur Facebook, afin de mieux protéger leur vie privée. Cette nouvelle géographie des rapports entre utilisateurs et réseaux sociaux n’échappe pas à quelques paradoxes. Ainsi, 72 % des inscrits sur Facebook choisissent un mot de passe simple, l’accès au compte étant pourtant la clé essentielle de la confidentialité des données…
IR : CHOIS ité un C QUE F U E isir a éd D o E h C IC T e C u A tes à la FC Q L AIRE F R LE… teurs U internau avril, a s m FORMU REZ TOUT SU le m o r s e AU des con pour sensibilis à la date du 6 un VOUS S défense it, via r,
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D. R.
TROIS QUESTIONS À... CÉDRIC MANARA, PROFESSEUR ASSOCIÉ À L’EDHEC BUSINESS SCHOOL
« LE RÈGLEMENT EUROPÉEN ? Un impact direct sur la rentabilité des réseaux sociaux » Quelle est la valeur marchande des données personnelles sur les réseaux sociaux ?
La pertinence des informations recueillies sur un site tel que Facebook est très importante car les abonnés sont en confiance vis-à-vis de leurs pairs qui font partie du réseau d’amis ou de la famille. Un site très connu de mise en relations s’est vu proposer une somme de plusieurs milliers d’euros par mois pour fournir des données de navigation.
1à 3%
Les données recueillies via les formulaires sont-elles vraiment intéressantes pour les sites marchands et les annonceurs ?
De manière classique, ce type de données a un retour très faible de la part des internautes, de l’ordre de 1 à 3 %. Encore faut-il distinguer les formulaires émis par les sites marchands qui ne sont pas correctement renseignés, et ceux qui figurent sur des sites tels Meetic où il est de l’intérêt des utilisateurs de bien répondre.
C’est la proportion d’internautes qui remplit les formulaires en ligne.
Le règlement européen en cours de préparation sur la protection des données personnelles et le droit à l’oubli peut-il avoir une influence sur les grands acteurs, comme Facebook et Google ?
L’application de ce règlement aura un impact direct sur la rentabilité des sites et des réseaux sociaux. Seuls les sites à très forte audience auront les moyens de respecter cette législation. Les start-up, dont la viabilité économique est très dépendante des données personnelles des utilisateurs, iront se domicilier dans des pays où la loi est plus conciliante dans ce domaine.
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LE DOSSIER
L’EUROPE FACE AUX NOUVEAUX DÉFIS D’INTERNET Soucieuse d’adapter le cadre règlementaire à l’évolution des usages et technologies pour construire le cadre renouvelé d’une « confiance numérique » entre fournisseurs et utilisateurs, l’Europe prépare une réforme de la directive européenne de 1995 sur la protection des données personnelles.
«
Il y a dix-sept ans, moins de 1 % des Européens utilisaient Internet. À l’heure actuelle, de grandes quantités de données à caractère personnel sont transférées et échangées d’un continent à l’autre et dans le monde entier, en quelques fractions de seconde », constate Viviane Reding, vice-présidente de la Commission et commissaire chargée de la justice. Cette évolution met-elle en péril la vie privée des internautes ? Lors d’une interview à CNBC en 2009, Eric Schmidt, PDG de Google à l’époque, avait tenté de balayer cette inquiétude : « Si vous souhaitez que personne ne soit au courant de certaines choses que vous faites, peut-être ne devriez-vous tout simplement pas les faire. Mais si vous utilisez des moteurs de recherche, vous devez savoir que vos informations personnelles, comme votre historique de recherche, peuvent être vues par d’autres. » UNE COLLECTE D’INFORMATIONS TROP COMPLEXE ?
Depuis mars dernier, Google a unifié la collecte de données sur ses 60 services, les coiffant de conditions similaires résumées dans un document unique. « Cette fusion rend impossible la compréhension des données personnelles collectées », considère la CNIL, qui représente dans cette affaire le groupe Article des 29 (ou G29 regroupant les « CNIL » européennes). Sa
décision est attendue. Ce sera un test sur la capacité des autorités européennes à se faire respecter 1. Au mois de septembre, la CNIL a publié sur son site une liste de quelques réseaux sociaux qui appliqueraient des règles protégeant la vie privée définies par le G29 (anonymisation, droit de suppression, règles pour les mineurs, etc.). Mais la législation en vigueur est-elle adaptée ? La très grande majorité des sites français seraient ainsi dans l’illégalité et risqueraient des sanctions financières pouvant aller jusqu’à 300 000 euros à cause des cookies installés. Découlant de la transcription du Paquet télécoms en 2011, la réglementation imposerait, selon la CNIL, « d’informer la personne de la finalité du cookie, puis lui demander si elle accepte qu’un cookie soit installé sur son ordinateur en lui précisant qu’elle pourra retirer à tout moment son consentement ». Cette règlementation visant exclusivement les cookies de suivi comportemental pourrait porter un préjudice très important au secteur du e-commerce et à ceux qui développent des outils de publicité comportementale (« retargeting »). Reste que le flou entourant la question de la mise en œuvre a laissé à ces derniers la possibilité de se reposer sur les réglages des navigateurs, là où la CNIL défend au contraire une approche « par défaut », en écho au débat « privacy by default/privacy by design » qui sous-tend les discussions en cours (voir encadré ci-dessous).
« PRIVACY BY DEFAULT » VERSUS « PRIVACY BY DESIGN »
La privacy, soit le respect de la vie privée, doit-elle être simplement proposée comme une option possible ou activée par défaut aux utilisateurs ? Depuis que la commissaire européenne Viviane Reding a parlé, en 2011, de privacy by default comme un des principes de la refonte de la législation européenne, le sujet fait débat. Cette protection par défaut voulue par l’UE vise à éviter les difficultés rencontrées par les utilisateurs pour définir les paramètres de protection de leurs données personnelles. Le consentement explicite de la personne doit ainsi être demandé pour chaque traitement de données. Mais, du côté des industriels, on souhaite que la privacy by default soit cantonnée aux données sensibles et on met plutôt en avant le principe de la privacy by design. Une notion qui substitue aux réglages d’anonymat par défaut l’accès à des fonctionnalités, simples et préexistantes, d’anonymat au sein des logiciels et services Web utilisés. Dans un cas comme dans l’autre, on entre dans le domaine du techno-juridique, où l’on comprend bien qu’établir une norme en l’absence de tout protocole de validation scientifique pourrait conduire loin du résultat escompté...
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LES CAHIERS DU NUMÉRIQUE /// NUMÉRO 3 /// NOVEMBRE 2012
Dans ce contexte, d’aucuns doutent de la capacité d’autorégulation du secteur. « Une charte n’a jamais remplacé le droit, une législation », affirme Françoise Castex, rapporteur de la Commission des affaires juridiques du Parlement européen. Les autorités européennes ont donc décidé d’élaborer un règlement obligatoire, directement applicable dans chaque État membre. Ce texte concerne toutes les sociétés proposant leurs services en Europe, y compris celles basées en dehors du continent. Présenté en juin dernier au Conseil justice et affaires intérieures, le projet de règlement du 29 novembre 2011 apporte des changements majeurs en matière de protection des données. Parmi les nouveautés les plus marquantes, notons : — les principes de transparence et de limitation des traitements de données traitées au « minimum nécessaire » ; — la clarification des conditions de recueil du consentement au traitement de ses données personnelles par la personne concernée ; — l’accroissement du nombre d’informations à faire figurer dans les mentions, avec l’ajout de la durée de conservation notamment, ou encore le droit de déposer plainte auprès des autorités de protection des données. Mais, selon Béatrice Delmas-Linel, avocate chez de Gaulle, Fleurance et associés, « chacun se doit de procéder tant à l’inventaire critique des types de données concernées et de leur
degré de sensibilité qu’à l’analyse des garanties offertes par le prestataire de services cloud pour leur sécurité. Aucune avancée technologique ni aucun cadre règlementaire protecteur ne pourra exonérer le propriétaire ou le responsable des données personnelles de ses responsabilités ».
L’AFDEL PUBLIE SES POSITIONS EN MATIÈRE DE DONNÉES PERSONNELLES
l’émergence d’un secteur numérique européen, et notamment du cloud computing, comme le souhaite la Commission européenne. Cette réforme doit être l’occasion non pas de stigmatiser le cloud computing mais, au contraire, de valoriser ce nouveau mode de consommation du numérique, du logiciel, et d’en tirer parti pour la compétitivité de l’économie européenne. Les consommateurs et les entreprises clientes européennes recherchent en effet, en plus de la confiance, de la transparence sur la territorialité dans la gestion de leurs données, les deux étant liées. Enfin, les éditeurs soulignent le besoin de coopération et de dialogue permanent avec les autorités de contrôle, notamment dans la perspective de la réorganisation du rôle de ces autorités en Europe que porte le projet de réforme européen. Les éditeurs accueillent positivement le souhait de la CNIL de travailler avec des « relais » pour encourager les entreprises à utiliser les outils de protection des données : codes de bonne conduite, bonnes pratiques, chartes, labels, pack de conformité, correspondants Informatique et Libertés.
En toile fond, la position européenne semble se heurter à une conception plus libérale défendue outre-Atlantique. En attendant son application, le dossier Google permettra, selon les observateurs, de suivre l’évolution du rapport de force. « La grande inconnue est de savoir si Google acceptera ou non de faire évoluer ses règles, ce qui, compte tenu de son activité, revient en quelque sorte à faire évoluer son modèle pour se plier aux exigences du G29. C’est tout l’enjeu d’un dossier qui va nous permettre de mesurer le véritable poids des autorités de protection des données à caractère personnel de l’Union européenne », constate maître Michaël Jaskierowicz, avocat au barreau de Paris et au barreau de New York. 1. La CNIL avait prononcé une amende de 100 000 euros en 2011 contre Google, du fait de la captation des données Wi-Fi. Cet été, le géant du Web a admis qu’il avait conservé ces informations…
D. R.
L’ouverture du chantier de la révision de la directive du 24 octobre 1995 sur la protection des données personnelles (directive 95/46/CE) par la Commission européenne a incité l’organisation représentante des éditeurs de logiciels à faire valoir le point de vue des industriels sur le sujet. En France, depuis la loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978, les éditeurs de logiciels ont acquis une expérience et une expertise dans leur pratique professionnelle en veillant à « ne pas porter atteinte ni à l’identité humaine, ni aux droits de l’homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques » (art.1 de la loi Informatique et Libertés). Un des grands enjeux de la réforme européenne est le développement d’une confiance numérique. Le projet européen devra notamment choisir une voie médiane entre un arsenal juridique préventif et punitif et une voie qui demande aux industriels un engagement et une responsabilité en faveur de la construction de la confiance. Une réglementation adaptée, « business friendly », favorisera
LE CAS GOOGLE : UN TEST POUR L’EUROPE
QUESTION À... ISABELLE FALQUE-PIERROTIN, PRÉSIDENTE DE LA CNIL
« RÈGLEMENT EUROPÉEN : nous allons faire une contre-proposition » La Commission européenne souhaite harmoniser les règlementations concernant la protection des données personnelles. Quelle est votre opinion ?
De prime abord, nous sommes favorables à l’objectif général du projet de règlement qui consiste à renforcer les droits des citoyens et la capacité de l’Europe à faire appliquer son propre droit vis-à-vis des entreprises étrangères. Mais ce projet comporte aussi des points
qui, comme la plupart des autres CNIL européennes, nous inquiètent. En effet, le critère de l’établissement principal a été présenté comme une simplification du dispositif. Sur le papier, ce projet est séduisant mais, en pratique, il présente des risques à la fois pour les citoyens et les entreprises. Pour le citoyen, son autorité nationale (comme la CNIL pour les citoyens français) ne sera plus compétente dans
de nombreux cas, car ce sera l’autorité du pays de l’organisme qui aura commis une infraction qui traitera les plaintes éventuelles. Enfin, ce projet ne convient pas aux entreprises, à part aux géants du Web qui souhaitent que leurs filiales conservent une responsabilité sur leur propre traitement. Nous allons donc présenter prochainement une contre-proposition élaborée avec nos homologues européens.
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UN BUSINESS MODEL À LA LOUPE
SITES DE RENCONTRE : QUAND ON AIME, ON NE COMPTE PAS Quinze ans après la création du pionnier Netclub, la fréquentation des sites de rencontre s’est banalisée. Près d’un célibataire sur cinq cherche à faire des rencontres sur le Web. Donnant naissance à un secteur économique à part entière. par Philippe Richard Quel est le principe ?
Version moderne et plus « clean » du Minitel rose, les sites de rencontre permettent à des célibataires de multiplier les contacts afin de trouver l’âme sœur. Ils fonctionnent tous de la même façon : après avoir créé un profil en précisant certaines informations (sexe, date de naissance, ville, passions, etc.), l’internaute peut contacter d’autres personnes inscrites. Pour éviter les abus et les dérives, des sites s’appuient sur des solutions logicielles et des équipes de modérateurs chargés de détecter les images et propos déplacés. Certaines plates-formes ont mis en place un système de validation des inscriptions par SMS et/ou parrainage, afin de limiter les faux profils, élaborés notamment par des sociétés basées en Afrique ou dans les pays de l’Est. Qui sont les pionniers ?
Match.com a été lancé par la société américaine IAC/InterActiveCorp, en 1995. Créé en 2001 par Marc Simoncini, Meetic est tellement connu dans l’Hexagone qu’on en oublie presque le pionnier, Netclub. Apparu en 1997, il a intégré, trois ans plus tard, le groupe Trader Classified Media (éditeur du magazine de petites annonces La Centrale). Il a disparu fin 2009. Quel est le modèle économique ?
Le plus répandu est l’abonnement. L’inscription et la création d’un profil sont gratuites. Mais pour communiquer avec d’autres membres et consulter par exemple des photos d’albums personnels, il faut souscrire à un abonnement. Les tarifs d’un forfait annuel varient entre 10 euros (pour Cum.fr) et 20 euros par mois (pour Attractive World). Quelquesuns proposent à la fois un concept et un
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modèle économique originaux (voir l’encadré sur Gleeden et NetDatingAssistant). Sur ce marché très encombré, attirer les célibataires peut revenir très cher. En 2011, les dépenses en marketing de Meetic ont atteint 92 millions d’euros. Soit près de 90 euros pour acquérir un nouvel abonné. Afin d’éviter de telles dépenses, des plates-formes font appel à des petits éditeurs qui créent de nombreux sites très spécialisés. Les inscrits sur ces services de niche sont ensuite redirigés, sans le savoir, vers un site plus gros. Une entourloupe qui permet de faire chuter les coûts d’acquisition (aux environs de 6 euros) ! Quant aux plates-formes gratuites, elles misent sur l’audience pour attirer des annonceurs ou constituer un fichier d’inscrits suffisamment important pour proposer des services payants (navigation sans publicité). Le principe du « freemium » (fonctionnalités de base gratuites) se développe. Quel est le poids économique du secteur ?
Selon l’étude Le Marché des célibataires en France publiée en mars 2012 par le groupe Xerfi, le secteur de la rencontre amoureuse en ligne est estimé entre 150 et 200 millions d’euros. Meetic, qui a racheté en 2009 les activités européennes de Match.com (avant d’être lui-même l’objet d’une OPA de l’américain IAC, éditeur de Match.com), domine en France et en Europe, avec un chiffre d’affaires de 172,6 millions d’euros en 2011. Mais les bénéfices ne sont pas toujours au rendezvous. Même pour un poids lourd comme Meetic : pour le premier trimestre 2012, il a annoncé 3,4 millions d’euros de bénéfices contre des pertes de 3,2 millions d’euros l’an passé, à la même période.
LES CAHIERS DU NUMÉRIQUE /// NUMÉRO 3 /// NOVEMBRE 2012
40 % C’est le pourcentage de personnes disposées à
faire appel à un site de rencontre en 2012, soit une proportion trois fois supérieure à celle mesurée par l’IFOP il y a huit ans (14 %). Sondage IFOP pour Femme Actuelle, janvier 2012.
© Andy BARTER
90€ c’
est le montant que Meetic
dépense pour acquérir chaque nouvel abonné.
DEUX BUSINESS MODELS À LA LOUPE GLEEDEN
Fondateurs de ce site en 2009, les frères Ravy et Teddy Truchot se sont positionnés sur une niche : l’extraconjugalité. Autre particularité : Gleeden propose quatre « packs » de crédits. « Découverte » (compte crédité de 25 crédits) permet de découvrir les services en ligne (chat, messagerie et book privé). Il y aussi « Séduction » (100 crédits), « Tentation » (400 crédits) et « VIP ». Ce dernier est en réalité un forfait de six mois permettant notamment aux membres d’adresser des messages gratuitement. Un moyen d’avoir davantage de contacts car, sur Gleeden, tous les services sont payants : 4 crédits pour envoyer un premier message à un membre, 4 crédits à partir de la première réponse d’une session de chat, etc. Ce site annonce environ 1,3 million d’inscrits. NET DATING ASSISTANT
Un concept sans perdants ?
La création d’un site de rencontre étant facile (grâce à des solutions proposées en marque blanche) et la France comptant 16 millions de célibataires, de nombreux sites apparaissent et… disparaissent chaque année. Mais la disparition la plus étonnante a été celle de Smartdate. Fondé en 2010 par Fabrice Le Parc, le site a fermé à la
fin de 2011. Lancé en six langues dans plus de dix pays, il avait rapidement convaincu 4,5 millions de personnes et levé 5,5 millions d’euros auprès d’investisseurs comme 360 Capital Partners, puis de stars de l’Internet comme Pierre Kosciusko-Morizet. Un désaccord entre les actionnaires et le fondateur serait à l’origine de cette fermeture.
L’emploi du temps des PDG et des cadres supérieurs ne permet pas de passer des heures sur les plates-formes de rencontre. D’où l’intérêt de Net Dating Assistant. « Nous proposons un service personnalisé avec, notamment, la sélection du bon site, la création d’un profil attrayant, mais aussi le repérage et la “drague” des profils intéressants », explique Vincent Fabre, son fondateur. Les tarifs vont de 120 à 560 euros pour une à six rencontres « garanties » dans « un délai de trente jours ». Comme les sites américains proposant ce genre de services depuis deux ans, Net Dating Assistant fait appel à huit dating assistants « spécialistes en séduction » (avec un objectif de 20 d’ici à la fin 2012), qui touchent environ 60 % du coût de la prestation. « En cumulé, nous avons eu une centaine de clients », indique Vincent Fabre.
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BUSINESS 2.0
COMMENT FONCTIONNENT LES MAGASINS APPLICATIFS MOBILES ? Avec 25 milliards d’applications mobiles téléchargées en 2011 et près de 2,5 milliards d’euros de revenus, ils suscitent l’enthousiasme des utilisateurs. Mais quel est leur principe de fonctionnement pour les développeurs ? par Christophe Cayenne Le succès des magasins d’applications mobiles ne se dément pas. L’an passé, près de 25 milliards d’applications auraient été téléchargées sur les différents magasins applicatifs du marché (voir tableau ci-dessous) pour un total de près de 2,5 milliards d’euros de revenus, selon les estimations de Flurry. Il faut dire que les quatre principales places de marché mobiles (Apple, Google, Microsoft et RIM, rejoints récemment par Facebook et Amazon) totalisent ensemble près de 1,5 million d’applications mises à la disposition des internautes mobiles. Le principe de ces places de marché est assez simple et s’inspire du modèle original défini par Apple, même si le système de la plate-forme en ligne de téléchargement d’applications venant enrichir un environnement logiciel existait déjà dans le monde professionnel (notamment avec le App Exchange de Salesforce. com, ouvert dès 2005). Dans un premier temps, les développeurs d’applications s’enregistrent sur la place de marché de leur choix, afin de pouvoir y déposer leurs applications. Ce processus d’enregistrement est en général peu coûteux (de 0 à 99 dollars). Les applications passent par un processus de validation plus ou moins sévère selon le magasin applicatif : vérification de l’intégrité de l’application, de son bon fonctionnement, de la conformité aux règles édictées par le magasin applicatif (pas de pornographie, respect des préconisations en matière de sécurité, charte graphique, etc.). Le développeur fixe également librement le prix de son application, qui peut varier selon les pays. Si l’application est approuvée par le magasin, elle est mise en ligne sur le Store au tarif fixé par l’éditeur. Tous les magasins prélèvent une commission de 30 % sur le prix
de vente des logiciels. Cette commission s’applique sur le prix de vente et sur les revenus additionnels générés par les achats « in-app ». La plupart des magasins proposent également des mécanismes de rémunération via l’insertion de publicités dans les applications. Tous permettent la distribution d’applications gratuites, sans coût. Il faut noter à ce propos que le nombre d’applications gratuites est en forte hausse dans les magasins. Les éditeurs misent en effet de plus en plus sur les achats « in-app » pour compenser la gratuité frontale de leurs créations, ce qui est notamment le cas pour les fournisseurs de contenus ou pour les éditeurs de jeux. Face au succès des Stores et à leur business model, qui laisse encore perplexes de nombreux éditeurs, l’un des défis actuels pour un développeur est d’arriver à pouvoir valoriser son application. Chaque magasin dispose de mécanismes intégrés de recherche, mais aussi de promotions (affichage des applications les plus populaires, classement intégré, programmes commerciaux de mise en avant des applications, etc.). L’avenir passe également, sans doute, par des mécanismes de recommandation et de mise en avant d’applications automatisés. Apple a ainsi récemment acquis Chomp, un moteur de recherche permettant de cibler des applications adaptées au profil de chaque utilisateur. L’enjeu est d’importance : le succès d’une place de marché repose en effet sur sa capacité à satisfaire ses clients, mais aussi à rémunérer les développeurs pour leurs applications. Sous peine de voir le catalogue mincir, et donc l’intérêt des clients s’amenuiser…
ÉDITEUR MAGASIN OS SUPPORTÉ NOMBRE D’APPLICATIONS PRIX D’INSCRIPTION
AppStore
AppStore
BlackBerry App World
Play
Windows Phone MarketPlace
Nokia Store
Android
iOS
BlackBerry
Android
Windows Phone
Symbian, Series 40, Java, Flash, MeeGo…
31 000 (mars 2012)
650 000 (juin 2012)
Environ 100 000 (juin 2012)
500 000 (juin 2012)
100 000 (juin 2012)
65 000 (juin 2012)
99 dollars (gratuit pour l’instant)
99 dollars (iOS Developer Program)
gratuit
1 euro
gratuit
gratuit Sources : données éditeurs et Afdel.
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LES CAHIERS DU NUMÉRIQUE /// NUMÉRO 3 /// NOVEMBRE 2012
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LA PAROLE À L’INNOVATION
MICROÉLECTRONIQUE : LES PUCES N’ONT PAS FINI DE SAUTER Le développement des semi-conducteurs au cours des cinquante dernières années a transformé les sociétés modernes. Mais les technologies à base de silicium semblent atteindre leurs limites. Les recherches se multiplient pour préparer l’ère de l’après-silicium. Par Christophe Cayenne
D
epuis l’invention du premier circuit intégré en 1958, le nombre de transistors dans un processeur a globalement doublé tous les ans. Une progression connue sous le nom de loi de Moore (du nom du cofondateur d’Intel) qui a théorisé cette progression dans un article de recherche datant de 1965. Depuis, la loi de Moore a servi de repère à l’ensemble de l’industrie, mais elle touche aujourd’hui à ses limites. PAS DE RALENTISSEMENT DANS LA COURSE À LA MINIATURISATION
Au cours des cinquante dernières années, les processus de fabrication ont toujours su évoluer pour permettre la conception de circuits plus puissants – les dernières puces Intel sont ainsi gravées en 22 nanomètres (nm). Mais, aujourd’hui, les technologies à base de silicium semblent atteindre leurs limites au fur et à mesure que l’on approche de la barre des 10 nm. Les géants du secteur prévoient de graver leurs premières puces en 10 nm vers la fin 2015 et ont commencé à parler du 8 nm, mais ces niveaux de finesse en matière de lithographie vont nécessiter des investissements massifs tant en fabrication et en R & D qu’en termes d’évolution des procédés de gravure. Au-delà, c’est pour l’instant l’inconnu du fait des limites des processus actuels de fabrication de composants en technologie CMOS (Complementary Metal Oxide Semiconductor) à base de silicium, la technologie qui a dominé l’industrie au cours des quarante dernières années. L’ÈRE DES NANOTECHNOLOGIES
Pour continuer à satisfaire les besoins d’applications toujours plus gourmandes (calcul scientifique, visualisation 3D, vidéo HD, reconnaissance vocale, etc.) manipulant des volumes de données en pleine explosion, tous les grands de l’industrie travaillent aujourd’hui sur des matériaux alternatifs au silicium, à
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commencer par le carbone et ses dérivés. Certaines recherches s’orientent ainsi vers les nanotubes de carbone ou vers les circuits à base de graphène. D’autres laboratoires et industriels s’intéressent aux applications de l’électronique de spin (technique visant à exploiter cette propriété quantique intrinsèque associée à chaque particule pour stocker des informations). La miniaturisation croissante des composants et l’accroissement de leurs performances posent également la question du développement de nouveaux systèmes d’interconnexion entre circuits et composants et celle du packaging. Tous les géants des semi-conducteurs travaillent ainsi sur des technologies de packaging 3D, et des sociétés comme Intel, IBM et HP ont considérablement investi dans la recherche sur les interconnexions optiques, afin de permettre la communication à très haut débit entre des composants électroniques empilés les uns sur les autres. Autant de défis qui, s’ils sont résolus (tant du point de vue technique qu’économique), pourraient assurer la continuation de la loi de Moore. EN SAVOIR PLUS La « roadmap » technologique internationale de l’industrie des semi-conducteurs : http://www.itrs.net/
7e mondial
C’est la place du franco-italien STMicroelectronics sur le marché mondial des semi-conducteurs, avec
un chiffre d’affaires de 9,8 milliards de dollars en 2011. Intel, numéro un, a réalisé un chiffre d’affaires de 49,7 milliards de dollars en 2011, devant Samsung (29,2). Source : classement iSupply des fabricants de semi-conducteurs.
LES CAHIERS DU NUMÉRIQUE /// NUMÉRO 3 /// NOVEMBRE 2012
D. R.
ROLAND MORENO, LE PÈRE DE LA CARTE À PUCE
Roland Moreno est décédé le 29 avril dernier à Paris, à l’âge de 66 ans. Né en juin 1945 au Caire, cet inventeur de génie est surtout connu pour avoir créé la technologie et les brevets de base qui ont donné naissance à l’industrie de la carte à puce. Autodidacte, curieux et passionné de technologies, Il s’est par la suite illustré en imaginant de multiples applications à la carte à puce, dont le parcmètre PIAF ou la technologie du billet électronique sans contact Calypso (notamment utilisée à Paris pour le pass Navigo). En 1972, Roland Moreno a fondé la société Innovatron, qui a déposé l’essentiel des brevets définissant la carte à puce (à l’époque, la carte à mémoire). Cette dernière allait notamment devenir populaire chez les opérateurs télécoms pour le paiement dans les cabines téléphoniques, avant de faire une entrée en fanfare dans les domaines bancaire (carte de paiement), des télécoms (carte SIM) ou de la sécurité (identifiants électroniques, cartes d’identité et passeports sécurisés, etc.). Innovatron, qui a fourni sous licence ses technologies à tous les géants de l’époque, dont Bull, Philips, Schlumberger, Siemens, etc., a également contribué au développement de l’industrie française de la carte en investissant 3 millions de francs (soit 5 % du capital), en 1988, dans la création de Gemplus (aujourd’hui Gemalto).
USINES DE FABRICATION : LA COURSE À LA PERFORMANCE
CROCUS TECHNOLOGY RÉORIENTE LA MÉMOIRE
Fruit d’un essaimage du Spintec, un laboratoire partagé de l’INPG et du CEA, Crocus Technology est l’une des start-up nées des travaux de recherche sur l’électronique de spin à Grenoble. Crocus, qui a levé près de 250 millions d’euros en France et en Russie, conçoit des mémoires MRAM, mémoires non volatiles qui ont des propriétés très supérieures à celle de la Flash équipant nos clés USB. Combinant performance, rémanence et très faible consommation, les MRAM sont aussi rapides que des mémoires vives et sont insensibles aux rayonnements ionisants. Des caractéristiques qui ont déjà séduit des clients comme Dell, Gemalto et Safran (qui les utilisent pour remplacer la Flash dans des contrôleurs de cartes à puce). Les MRAM ont aussi un gros potentiel dans le monde des terminaux nomades, où l’autonomie constitue un facteur clé.
La réduction de la finesse de gravure des composants électroniques modernes se traduit par une inflation galopante des investissements requis pour rester un acteur de fabrication des semi-conducteurs. Selon GlobalFoundries, une « fab » (site de production de processeurs) capable de graver des puces en 22 nm devrait coûter entre 4,5 et 6,5 milliards de dollars. Une facture dont seules quelques sociétés peuvent encore s’acquitter. Intel, STMicroelectronis et Samsung ont ainsi été capables d’investir dans des unités de production en 22 nm (IBM devrait suivre prochainement). Tous les autres géants des composants logiques – ce qui exclut les fabricants de mémoire – sont aujourd’hui « fabless » (sans site de production). Autrement dit, ils conçoivent leurs puces mais en externalisent la production à des spécialistes comme GlobalFoundries (l’ex-division fabrication d’AMD, rachetée par le fonds souverain d’Abu Dhabi) ou TSMC (14,5 milliards de dollars de chiffre d’affaires). PRIX D’UNE « FAB » EN FONCTION DE LA FINESSE DE GRAVURE Seuls quelques acteurs majeurs du secteur pourront investir massivement pour graver des puces de plus en plus fines. Les premières en 10 nm sont prévues vers la fin 2015.
~4,5 à 6,5 milliards de dollars
~3,5 à 4,5 milliards de dollars ~2,5 à 3 milliards de dollars
90/65 nm
45/32 nm
AUGMENTATION DU NIVEAU DE FINESSE
22/12 nm Source : GlobalFoundries.
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E-GOV
E-SANTÉ : LE DOSSIER MÉDICAL EN ÉTAT DE MORT CLINIQUE Pronostic vital engagé ? En tout cas, le dernier rapport de la Cour des comptes sur le dossier médical personnel ne fait que confirmer l’extrême fragilité du projet. Et le dérapage budgétaire. par Guillaume Barrières
O
fficiellement né en 2004, le dossier médical personnel (DMP) paraît définitivement mal en point. Pensé à l’origine pour permettre à tous les intervenants médicaux d’accéder à l’ensemble des données médicales de plus de 63 millions d’assurés sociaux, le DMP n’existe aujourd’hui que pour seulement 158 000 personnes. Alors que la plupart des dossiers existants sont quasi vides, on est très loin d’avoir atteint l’objectif des 500 000 créations.
déplore que la plupart de ses recommandations précédentes soient restées lettre morte. De même, il y a fort à parier que lorsque les rapports qui vont être commandés aux Inspections générales des finances (IGF) et des affaires sociales (IGAS) seront publiés à leur tour leurs conclusions soient du même ordre que celles déjà connues.
Cet échec patent se double d’une impressionnante dérive financière. Intitulé « Le coût du dossier médical personnel depuis sa mis en place », le troisième rapport de la Cour des comptes sur le DMP, qui souligne l’opacité qui règne autour de ce sujet, estime toutefois à 210 millions d’euros les sommes consacrées au DMP, depuis son lancement effectif en 2005. Mais la facture, honorée principalement par la CPAM, grimpe à 500 millions d’euros si l’on prend en compte les autres efforts de numérisation de données médicales annexes au DMP, comme les dossiers médicaux dans les hôpitaux et les dossiers pharmaceutiques (traçabilité des prescriptions). La Cour dénonce à la fois l’absence de suivi de ces dépenses par l’assurance maladie et le déficit de gouvernance politique.
C’est, selon la Cour des comptes, le coût total du DMP, y compris l’informatisation des dossiers dans les hôpitaux, depuis son lancement en 2004.
UN « BESOIN IMPÉRIEUX »
Le pire dans l’état actuel du DMP réside sans doute dans le fait qu’aucun des symptômes n’a été analysé. Car toute une série de rapports accablants ont déjà été publiés en 2007 et 2008. Au terme de son inspection à la fin de 2011, la Cour des comptes
158 000
C’est le nombre de DMP ouverts à ce jour, bien loin des objectifs affichés (500 000 fin 2011). 38
Un demi-milliard d’euros
L’idée initiale du DMP était pourtant excellente : profiter de la numérisation des informations médicales pour contribuer à la continuité, à la coordination et à la qualité des soins. « C’est un besoin impérieux que de pouvoir faire circuler l’information autour des patients », souligne Pierre-Marie Lehucher, PDG de Berger-Levrault, un éditeur qui compte 4 000 clients parmi les établissements publics hospitaliers et médicosociaux. Hélas, aujourd’hui, à peine un quart des 200 logiciels médicaux utilisés en France sont compatibles avec le DMP. De même, lorsque sont apparus les médecins traitants et le parcours de soins coordonnés, la CPAM n’a rien fait pour inciter les médecins à s’intéresser à la constitution d’un dossier médical partagé. Bien au contraire, serait-on tenté de dire, puisque le DMP est exclu des certificats d’amélioration des pratiques individuelles des médecins (CAPI), qui peuvent rapporter plusieurs milliers d’euros aux praticiens. Un autre exemple pour enfoncer le clou : la norme technique d’interopérabilité des téléservices adoptée l’an dernier par la CPAM… n’est pas compatible avec le DMP. Pour Gérard Bapt, député socialiste très actif dans le domaine de la santé, il faut « remettre les choses à plat ». Une nouvelle fois.
LES CAHIERS DU NUMÉRIQUE /// NUMÉRO 3 /// NOVEMBRE 2012
D. R.
CHRONIQUE JURIDIQUE
FAUT-IL SE PRÉPARER À UN MARCHÉ AUX PUCES DU NUMÉRIQUE ? par Jean-Sébastien Mariez
À
l’heure où la dématérialisation de la distribution de logiciels et de contenus culturels, via le cloud notamment, semble en passe de s’imposer comme le mode de consommation susceptible de réconcilier usages, innovations et droits de propriété intellectuelle, l’émergence d’un marché de l’occasion numérique pourrait bien venir brouiller les cartes des modèles économiques qui y sont associés. La question centrale qui sous-tend le développement d’un marché aux puces du numérique est de savoir si le premier d’un logiciel, LA QUESTION EST DE SAVOIR acquéreur d’une chanson ou d’un SI LE PREMIER ACQUÉREUR film, via une plate-forme de téléchargement, a D’UN LOGICIEL A LA la possibilité ou non de le revendre, comme il POSSIBILITÉ OU NON le ferait pour le même contenu acquis sur un DE LE REVENDRE. support matériel (DVD, CD, etc.). En termes juridiques, le débat se focalise sur l’applicabilité de la règle de l’épuisement du droit de distribution aux biens immatériels commercialisés sous forme de téléchargement. En vertu de cette règle, le titulaire des droits ne pourrait interdire la revente d’occasion et ce, en dépit de clauses contractuelles insérées à cet effet dans la licence ou les conditions d’utilisation.
JEAN-SÉBASTIEN MARIEZ AVOCAT DE DE GAULLE, FLEURANCE ET ASSOCIÉS
L’impact économique du développement potentiel d’un marché de l’occasion porte à s’intéresser de près aux développements jurisprudentiels en la matière. S’il faut signaler qu’une décision attendue aux États-Unis devrait prochainement intervenir à propos d’un service cloud commercialisant des fichiers musicaux d’occasion 1, c’est la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui a récemment mis un coup de projecteur sur les conditions de commercialisation d’occasion des licences rachetées aux clients de l’éditeur de logiciel Oracle. Dans un arrêt du 3 juillet 2012, la CJUE considère qu’« un créa-
teur de logiciels ne peut s’opposer à la revente de ses licences “d’occasion” permettant l’utilisation de ses programmes téléchargés via Internet ». En bref, la Cour analyse la directive Logiciel et qualifie les licences en cause de « ventes», pour juger que les règles de l’épuisement du droit de distribution s’appliquent indifféremment aux logiciels commercialisés sur support matériel ou depuis une plate-forme de téléchargement en ligne. Reste à la pratique de déterminer la portée exacte de cette nouvelle interprétation du droit européen, qui soulève de nombreuses questions. D’ores et déjà, l’application de la solution aux offres ne répondant pas aux critères de la CJUE pour retenir la qualification de « vente » – droit d’usage illimité dans le temps et règlement d’un prix forfaitaire – semble exclue. Ainsi, les modèles d’abonnement, de location ou de téléchargement temporaire seraient épargnés, au même titre que certains modèles cloud. De plus, pour la CJUE, la revente d’occasion est soumise à certaines conditions. On peut citer : premièrement, l’impossibilité de scinder la licence originelle ; deuxièmement, la nécessité de rendre inutilisables les copies téléchargées ab initio. Autre interrogation, la solution doit-elle être étendue aux contenus du type jeux vidéo, livres numériques, musique ou audiovisuel ? La dichotomie traditionnelle posée par la directive droit d’auteur plaide en ce sens ; elle tend en effet à écarter l’épuisement des droits aux services en ligne et aux biens immatériels. Cette analyse devra cependant résister à la tendance qui, de plus en plus, fait pencher la balance en faveur des principes de libre circulation plutôt que de la protection du droit d’auteur.
1. Le site ReDigi, qui propose un service cloud permettant de mettre en vente des fichiers musicaux Itunes de seconde main, invoque aussi l’épuisement des droits, dans le cadre de l’action en contrefaçon initiée par Capital Records dont il est l’objet.
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COMMUNAUTÉS
BLOGUEUSES DE MODE : LA FIN D’UN MYTHE ? Les blogs de mode se sont installés durablement dans le paysage médiatique. Au point de susciter l’intérêt des marques. Et de voir s’estomper une large part de ce qui faisait leur originalité. par Romain Chabrol
L
a blogueuse de mode est l’un des profils emblématiques de la Toile, aux côtés du « gamer » professionnel ou du « twitto » politique compulsif. Au départ, en 2007 pour la France, son propos était de montrer comment mixer avec style « fast fashion » (Zara, H&M, etc.) et pièces de créateur, et comment se composer de vrais looks avec des moyens limités. Une testeuse « outsider », en somme. Le tout en jouant à l’apprenti mannequin en « autoshooting », sous le regard de lectrices passionnées. UNE DIZAINE DE PROS
En développant des univers propres en l’espace de quelques mois, certaines de ces blogueuses ont réuni autour d’elles de vastes communautés de lectrices et très vite… suscité l’intérêt des marques. Billets sponsorisés, vêtements offerts, liens affiliés et, pour les plus célèbres, créations en partenariat ont alors peu à peu changé la donne. Parmi ces blogueuses, on compte aujourd’hui en France une dizaine de professionnelles et environ 70 qui en tirent des revenus substantiels (entre 1 000 et 5 000 euros par mois). Si les blogs de mode sont parvenus à créer la surprise, leur inflation (plus de 1 500 en langue française) et leur dimension commerciale désormais assumée – la volonté d’en vivre, de recevoir des vêtements, d’être conviée aux événements et de côtoyer des célébrités est parfois très explicite – semblent parfois tuer dans l’œuf toute originalité. Ainsi, chez les débutantes, la fraîcheur n’est pas forcément au rendez-vous ; quant aux professionnelles, elles se livrent avec brio à une vraie recherche esthétique et journalistique, mais font désormais le même travail qu’un magazine de mode. Propositions de looks et découvertes de bons plans restent toutefois les signatures de la blogueuse de mode, qui demeure testeuse dans l’âme. Mais plus tout à fait « outsider ».
LES BLOGS DE MODE FRANÇAIS LES PLUS INFLUENTS
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Garance doré (n° mondial) The Cherry Blossom Girl (n° 13) Le blog de Betty (n° 29) A Shaded View on Fashion (n° 65) Pandora (n° 75) Source : Classement établi à l’automne 2012 par Signature 9 à partir des critères suivants : liens, visites uniques, mentions twitter, Facebook, pagerank, google blog links. http://www.signature9.com
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THE BRUNETTE
5 000 visiteurs uniques par jour et 13 000 pages quotidiennes pour ce blog qui monte, tenu en français et en anglais par Émilie, une parisienne de 24 ans qui travaille également comme « community manager » dans le milieu de la mode. De nombreux liens affiliés témoignent d’une dimension professionnelle et commerciale revendiquée. « Il m’arrive de faire des billets sponsorisés sur ce blog en échange desquels je suis payée. Je précise que si le sujet ne me plaît pas, je refuse la proposition. Et, bien sûr, tous les billets sponsorisés sont clairement mentionnés comme tels, il n’y a pas de publicité masquée. » WWW.THEBRUNETTE.FR
LES CAHIERS DU NUMÉRIQUE /// NUMÉRO 3 /// NOVEMBRE 2012
PRINCIPALES SOURCES DE REVENUS DES BLOGUEUSES DE MODE*
Google Adsense : 49 % Affiliation : 36 % Billets sponsorisés : 15 % * Concerne les blogueuses qui dépassent les 5 000 visiteurs par jour. Source : « Elles vivent de leurs blogs », J. Bouchet-Petersen, A. Rabejoro, Biba, mars 2012.
GARANCE DORÉ
La star des blogueuses de mode française est d’origine corse et vit maintenant à New York. Elle a 37 ans. Un très beau blog aux photos, vidéos, looks et illustrations extrêmement léchés et qui se permet le luxe de ne pas comporter un seul lien sponsorisé. Garance Doré a toutefois collaboré avec Gap pour la création de t-shirts, à l’occasion de l’anniversaire de l’enseigne. « J’ai ouvert mon blog en juin 2006. J’étais alors illustratrice, un peu frustrée par le travail de commandes, et notamment par le manque de contact avec les lecteurs des magazines pour lesquels je travaillais. Je voulais faire quelque chose de plus libre, de plus spontané. J’ai commencé par publier quelques dessins puis, très vite, sont venus s’ajouter des petits textes. » WWW.GARANCEDORE.FR
LE BLOG DE BIG BEAUTY
Looks, voyages, beauté, vêtements dans ce blog très travaillé, tant au niveau du texte que des photos, tenu par une Parisienne qui œuvre également dans le milieu de la mode. « Je m’occupe principalement de mon blog, et je bosse également sur différents projets en tant que styliste free lance. Je fais également un peu de consulting. » L’univers original de femme enfant en fait l’un des blogs de mode les plus influents du moment. Selon ses détracteurs, Cherry Blossom symbolise toutefois ces blogueuses devenues stars dont l’univers ne se différencie plus guère des grands journaux de mode.
La démarche polyvalente de Stéphanie Zwicky, blogueuse mais aussi comédienne, mannequin et chroniqueuse pour la télé, tourne autour de la mode grande taille. « Le style n’est pas une taille, mais une attitude. » Des billets presque quotidiens en français et en anglais sur les accessoires, boutiques et marques spécialisées, ces dernières finançant la démarche avec de nombreux liens. « Je suis mannequin grande taille depuis 2003 et c’est une styliste qui m’a découverte sur Internet. Tout s’est enchaîné très rapidement. » En 2010, Big Beauty a notamment mis en place une collection de vêtements de grande taille pour La Redoute.
WWW.THECHERRYBLOSSOMGIRL.COM
WWW.LEBLOGDEBIGBEAUTY.COM
© Fotolia
THE CHERRY BLOSSOM GIRL
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D. R
CULTURE
UN FESTIVAL DE RÉFÉRENCES DU NUMÉRIQUE Pour sa 3e édition, ce festival désormais annuel s’est installé dans le paysage. Un foisonnement d’innovations a été présenté dans la nef du Centquatre (Paris), cet été. Une centaine de manifestations partenaires ont ensuite eu lieu dans toute l’Ile-de-France. par Isabelle Bellin
«
Avec ce festivalpar gratuit, nousBellin offrons aux entreprises, notamPropos recueillis Isabelle et Loïc Rivière ment aux PME et aux start-up, l’occasion de présenter leurs technologies (plus de 80 prototypes et objets innovants), de se confronter tant aux professionnels qu’au grand public, de tester leurs idées », se réjouit Patrick Coquet, délégué général de Cap Digital, le pôle de compétitivité dédié aux contenus et services numériques, organisateur du festival Futur en Seine. Soutenu par la région Ile-de-France et la ville de Paris, cet événement unique réunit des innovations issues de grands groupes, comme Dassault Systèmes, Thales ou Microsoft, mais surtout de nombreuses PME, start-up ou de travaux d’étudiants, sans oublier les créations numériques de designers et d’artistes conçues dans des laboratoires dédiés, comme le Cube, digitalarti ou la Nouvelle Fabrique (voir ci-contre, les exemples de projets). Plus de 10 000 visiteurs ont découvert ces prototypes ou projets en cours au Centquatre. Depuis l’an dernier, certains sont soutenus par la région Ile-de-France : « Une quinzaine cette année, précise Patrick Coquet, à hauteur d’environ 80 000 euros par projet, dont les retombées seront bientôt évaluées. » Parmi les technologies émergentes, beaucoup de projets de robotique, d’objets communicants, comme ce babyfoot numérique qui
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permet de partager ses résultats sur le Web ou d’envisager un tournoi délocalisé ; des démonstrations d’environnements 3D utilisant notamment la Kinect, ce périphérique de jeux vidéo qui permet la détection de mouvements ; de nombreuses applications de partage de données comme Idact, qui aide les malvoyants à se déplacer avec un iPad, ou OpenDataWare, une plate-forme participative en ligne pour rassembler les développements disséminés ; beaucoup de projets autour de la ville comme Smart Grid 3D, une carte interactive 3D pour comprendre l’impact d’un Smart Grid (réseau de distribution d’électricité intelligent) ou Evolving Cities (voir ci-contre). Le festival a aussi été l’occasion de conférences sur les enjeux du numérique comme levier d’innovation pour la ville, dans l’éducation, sur l’importance de la qualité des données, etc. Paola Antonelli, personnalité reconnue du design, de la création et de l’innovation, directrice du département Design et Architecture de Musée d’art moderne de New York, a fait salle comble. Le public a aussi pu partager la vision des chercheurs, entrepreneurs, créateurs, au cours de plusieurs ateliers sur le numérique à l’école, dans la création musicale ou les nouvelles pratiques collaboratives.
LES CAHIERS DU NUMÉRIQUE /// NUMÉRO 2 /// MARS 2012
KINECT CONCEPTION
© ENSCI – Les Ateliers
Une exposition de projets d’étudiants de l’École nationale supérieure de création industrielle (ENSCI, Paris) qui résonne comme un avant-goût des ateliers du XXIe siècle, où les gestes, captés par Kinect, permettent de définir des volumes, dessiner leur texture pour créer des objets singuliers fabriqués ensuite par des machines-outils pilotées par ordinateur. Réalisés lors du FabLab « Kinect Conception » en partenariat avec Microsoft (projet ManuAdManum), ils montrent les étonnantes possibilités de ces nouvelles modalités de conception à partir de la matière numérique.
L’ÉTABLI NUMÉRIQUE
© Le Cube
Actuellement en test à Issy-les-Moulineaux, l’établi numérique sera peut-être bientôt dans les classes maternelles. Ce meuble interactif mobile relié à Internet est un espace d’apprentissage qui peut être mutualisé entre enseignants, un support de création, une plate-forme de contenus pédagogiques avec des ressources graphiques, mathématiques, du langage, des arts plastiques, etc.
L’ARBRÉOLE
© Alexis Prasit
Une création numérique poétique, esthétique, avec pour vocation d’aider à créer du lien social : ces lampions à accrocher dans un arbre ou dans le mobilier urbain d’un quartier génèrent une animation lumineuse et musicale lorsqu’on passe en dessous. Invitation à la rencontre, ils s’adaptent selon l’ambiance, de façon autonome mais cohérente avec une grande variété de situations.
DIGITAL TRAINERS
LES INDIVIDUS, COMME LES ORGANISATIONS, PERÇOIVENT À LEUR MANIÈRE LA COMPLEXITÉ DE LA VILLE.
Alain Renk est un architecte urbaniste atypique. Passionné de technologies numériques, il a vite compris l’intérêt de croiser les mondes virtuels et réels pour inventer des outils d’urbanisme profitant de l’intelligence collective, permettant à la société civile d’entrer vraiment dans le débat. « Les individus, comme les organisations, perçoivent à leur manière la complexité de la ville, explique-t-il. Ils ont à dire tant du point de vue de la mémoire que de l’innovation. » Alain Renk a cofondé UFO en 2010, start-up portée par le Fonds européen de développement régional (Feder), les pôles de
compétitivité Cap Digital et Advancity. Les sept architectes, plasticiens et designers d’interface qu’elle abrite développent trois plate-formes logicielles, des outils qui permettent aussi de faire collaborer urbanistes, paysagistes, spécialistes de l’ingénierie des réseaux, sociologues… : Urban dash pour évaluer l’impact d’un projet d’infrastructure sur la qualité de vie urbaine, en test à Brooklyn ; Villes sans limites, plate-forme pour recueillir l’imaginaire des citoyens pour la programmation d’un quartier, en test dans des quartiers de Montpellier et Rennes, à Rio (Brésil) et Sendaï (Japon) ; Evoving
© V. Perocheau
PORTRAIT... ALAIN RENK, ARCHITECTE
D. R.
Contrairement aux pilotes de ligne qui s’entraînent sur un simulateur de vol, les chirurgiens opèrent directement les patients. Simuler en temps réel une opération chirurgicale reste une gageure. D’où l’intérêt de ce logiciel, développé depuis 2004 dans les laboratoires de réalité virtuelle de l’Institut de recherche contre les cancers de l’appareil digestif (Ircad, Strasbourg) puis soutenu dans le cadre d’un projet européen. Il permet de simuler en temps réel une opération de l’œil, une chirurgie cœlioscopique, une amniocentèse, etc., en ressentant le contact avec le patient virtuel.
cities, soutenu par Futur en Seine, pour la co-conception de projets, en test à l’École nationale supérieure d’informatique pour l’industrie et l’entreprise (ENSIIE) d’Évry pour créer une extension de 3 000 mètres carrés de l’école où se côtoieront recherche, enseignement, formation. Evoving cities ressemble à une plateforme massivement multijoueurs, où chacun possède son avatar et fait évoluer le projet à partir de son ordinateur ou de sa tablette en étant à l’intérieur de la maquette numérique ou à l’extérieur. Chacun peut aussi voir ce que proposent les autres et échanger.
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CULTURE
LA THÉORIE DE L’INFORMATION AURÉLIEN BELLANGER, éd. Gallimard, 488 p.
L
a théorie de l’information et son père fondateur, le mathématicien Claude Shannon, forment la trame de ce roman érudit, foisonnant et passionnant. Ce récit dessine, avec précision, la fresque historique du destin croisé des télécommunications et de l’industrie informatique française sur les traces du personnage central, Pascal Ertranger. Les lecteurs familiers du numérique reconnaîtront sans peine la figure incontournable du fondateur de Free Xavier Niel, qui a bousculé avec succès la position de l’opérateur historique France Telecom. Le rôle éminent de l’État après 1945 sur tous les secteurs économiques est ici exposé de manière claire et didactique. Au fil des pages, le lecteur croise les pensées de Leibniz, Deleuze, Foucault et d’illustres scientifiques comme Maxwell, Pascal ou Turing. L’ouvrage, très dense et captivant, s’achève sur un récit d’anticipation autour de la mise en application de la théorie de l’information par Pascal Ertranger, à l’échelle du globe. Une étrange fin à découvrir.
Par Serge Escalé et Reynald Fléchaux
/ L’École, le numérique et la société qui vient,
/ L’Âge de la multitude,
Denis Kambouchner, Philippe Meirieu et Bernard Stiegler, éd. Mille et une nuits, 204 p.
Nicolas Colin et Henri Verdier, éd. Armand Colin, 286 p.
Ce petit livre est un dialogue très dense entre trois universitaires reconnus sur les enjeux cruciaux de la révolution numérique à l’école. Promesse d’une profonde démocratisation de l’accès au savoir, Internet et les technologies du numérique posent un défi considérable à l’enseignement, du primaire à l’université. La force considérable de ces nouveaux outils impose un nouveau paradigme qui tienne compte de leurs atouts et de leurs faiblesses.
À l’heure d’Internet et de la multitude, à savoir les millions de contributeurs qui créent, partagent et interagissent sur la Toile, les États, administrations et entreprises de toutes tailles doivent impérativement s’adapter. Ce livre ouvre des pistes pour entreprendre et gouverner après la révolution numérique en analysant les causes du succès des plates-formes Apple, Facebook, etc. Accepter la compétition, mais aussi l’échec, s’ouvrir à l’international, bien utiliser les réseaux sociaux, tel est le message des auteurs.
/ L’Atout numérique, Éric Boustouller, éd. JC Lattès, 177 p. Positivez ! C’est en somme le message qu’adresse Éric Boustouller aux Français. Dans un essai nerveux, émaillé de références, cet ancien dirigeant de la filiale hexagonale de Microsoft, promu récemment à des fonctions au niveau international, tente de tordre le cou aux fantasmes sur le numérique, pour mieux libérer le potentiel – qu’il juge extraordinaire – du pays sur le sujet. Une lecture rafraîchissante pour balayer les idées noires (le numérique favorise l’isolement, il uniformise, il met en danger notre vie privée, etc.).
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/ La Troisième Révolution industrielle, Jeremy Rifkin, éd. Les liens qui libèrent, 380 p. Face aux défis énergétiques du futur, Jeremy Rifkin propose des solutions connues, comme la transition vers les énergies renouvelables et le passage aux véhicules électriques ou à pile à combustible. Surtout, il envisage la transformation du parc immobilier mondial en microcentrales énergétiques. Grâce à Internet, cette production locale serait partagée sur le réseau électrique de tous les continents. Une utopie ou une vision prospective réalisable ?
LES CAHIERS DU NUMÉRIQUE /// NUMÉRO 3 /// NOVEMBRE 2012
IDÉES
LES INNOVATEURS SONT LES SEULS MOTEURS DE LA CROISSANCE par Vincent Lorphelin
D. R.
Quand on évoque la Belle Époque, le Paris 1900, l’aventure du cinéma, de l’automobile, de l’aviation, du métro, de la mode, de la publicité ou des impressionnistes, on pense avec nostalgie à cette France prospère et rayonnante, capitale mondiale des arts, des lettres et de la haute technologie.
BIO EXPRESSVINCENT LORPHELIN Dirigeant-fondateur de Venture Patents, consultants en brevets d’usage. Aide les entreprises innovantes à protéger leurs inventions d’usages et de nouveaux modèles économiques grâce au brevet. Auteur du livre Le Rebond économique de la France, aux éditions Pearson, qui élabore avec 85 coauteurs, pour l’essentiel dirigeants de PME innovantes, la vision du rebond grâce à l’innovation. Ancien directeur adjoint de BNP Paribas Audiovisuel, premier prêteur européen du secteur audiovisuel, medias interactifs et Internet.
On oublie en revanche qu’elle sortait à peine de la Grande Dépression. La France était en effet malade depuis deux décennies d’une longue cascade de crises. Crise immobilière, puis boursière, bancaire, économique. Ratage des deux révolutions, de la vapeur et de l’électricité. Chômage de masse, perte de compétitivité par rapport à l’Allemagne. Invasion commerciale de la puissance émergente, l’Amérique. Dette écrasante de l’État, plans inefficaces de relance ou de rigueur. Défaillance de la Grèce et du Portugal. Corruption politique, terrorisme anarchiste. Entre la Grande Dépression et la Belle Époque, la France rebondit donc de manière spectaculaire. Que s’est-il passé ? Rien du côté de l’État, enlisé dans l’impuissance et le pessimisme, surendetté et sans vision. Peu du côté des grands groupes qui, lorsqu’ils ne s’effondrent pas, se délitent face à une concurrence mondialisée. Tout, en revanche, du côté des innovateurs qui inventent, essaient, échouent, recommencent, dans un foisonnement d’initiatives brillantes ou pratiques, laborieuses ou fulgurantes, individuelles ou collectives. Leurs projets sont illisibles, les professionnels sont sceptiques, les réussites sont rares, les capitaux sont maigres, le public ne s’intéresse qu’au spectaculaire, et la vibration collective est indétectable par les capteurs économétriques. Qu’importe ! Les innovateurs s’approprient rapidement les technologies étrangères et développent de nouveaux usages. Eastman envahit le monde avec son Kodak ? Les frères Lumière associent la pellicule photo et
le mécanisme saccadé des machines à coudre pour inventer le cinéma. Les moteurs sont allemands ? Les Français combinent moteurs et calèches pour inventer l’automobile. La production électrique est américaine ? Les Français inventent l’électrométallurgie et deviennent les leaders de l’aluminium. La mécanisation du textile provoque le chômage de masse des couturières ? Paris devient la capitale mondiale de la mode, de la grande distribution et de la publicité. Les États-Unis envahissent l’Europe avec leur production de masse ? La France devient la marque du bon goût et de l’art de vivre.
COMME EN 1889, LA PLUPART DES INNOVATEURS SONT INVISIBLES. De même, aujourd’hui, nous déplorons l’absence d’un Apple ou d’un Facebook français. Mais nous avons des innovateurs, formés, à la pointe de la technologie, entreprenants, motivés, nombreux, connectés. La plupart d’entre eux sont invisibles, comme en 1889, mais le regain d’énergie est palpable dans les réseaux et les clubs. Le monde qui vient est porté par des tendances sociétales de fond : le souci de l’environnement, de l’autonomie des personnes âgées, de la demande de santé, d’une vie sociale plus connectée et mobile, de la gestion du travail et du savoir. Dans ce contexte, la culture et les talents français sont des atouts considérables : art de vivre, de bien vieillir, santé, gestion de l’eau et de l’énergie, transports, patrimoine culturel. En inventant pour ces secteurs des nouveaux usages grâce aux technologies numériques, le dynamisme des innovateurs français a la capacité de transpercer le pessimisme ambiant, de catalyser les initiatives et de faire rebondir l’économie en quelques années. On peut leur faire confiance !
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TENDANCES
FINANCEMENT DE L’INNOVATION : LE POUVOIR DE LA FOULE Le financement participatif (« crowdfunding »), qui permet à tout un chacun d’investir dans un projet, a fait ses preuves. Des plates-formes dédiées tentent d’utiliser ce modèle pour financer des entreprises innovantes. État des lieux. par Isabelle Bellin
L
es plates-formes de « crowdfunding » (littéralement financement par la foule), qui mettent en ligne des projets à financer, se multiplient depuis quelques années. En France, en deux ans, 15 000 porteurs de projet ont ainsi collecté 6 millions d’euros. Aux États-Unis, ce sont un milliard de dollars en un an qui sont passés par ce système, avec un record de 8 millions de dollars réunis autour de Kickstarter pour un projet de montre. C’est surtout le financement de projets artistiques (production musicale, cinéma, édition) ou d’artisans et d’auto-entrepreneurs qui se développe, à l’instar de Friendsclear en France qui soutient des projets jusqu’à 25 000 euros sur la base d’un prêt remboursé par le porteur du projet.
à financer des projets type cloud, réseaux sociaux, portails Web, tandis que Finance Utile ou Smart Angels reconnaissent manquer d’expertise pour les projets de biotechnologies. Solution émergente, le « crowdfunding » aurait surtout besoin d’une législation adaptée, comme la législation américaine qui permet désormais un financement en capital d’un million de dollars avec un maximum de 10 000 dollars par personne. Finpart, association qui regroupe une vingtaine de plates-formes françaises (dont les quatre dédiées au financement d’entreprises innovantes citées plus haut), milite notamment pour une procédure simplifiée pour les investissements de moins de 10 000 euros par personne. Et espère bien être entendue par la nouvelle Assemblée nationale.
Quatre plates-formes dédiées au soutien d’entreprises innovantes ont ainsi été créées dans l’Hexagone, dont la pionnière mondiale Wiseed. Leur but ? Combler ce qu’on appelle l’« equity gap », ce no man’s land du financement qui sépare l’activité des business angels de celle des « venture capitalists ». Des levées de fonds entre 100 000 et 1 million d’euros qui ont du mal à trouver preneurs auprès des acteurs traditionnels. La plupart des plates-formes récoltent des dons ou des prêts et proposent en échange une participation au capital. En général, en créant une holding de « microbusiness angels », sinon en direct (c’est le cas de Smart Angels), et sur la base d’une rémunération éventuelle, lors d’un rachat, de l’entrée d’un investisseur ou d’une introduction en Bourse de l’entreprise..
Intuilab a levé 1,2 million d’euros
Le besoin d’une législation adaptée
Pour éviter de faire un appel public à l’épargne, trop contraignant dans le cadre du « crowdfunding », deux solutions : soit limiter le nombre d’actionnaires à 150, avec des tickets moyens autour de 2 000 euros ; les entreprises peuvent récolter quelques centaines de milliers d’euros en moins de trois mois. Soit, seconde solution retenue par Wiseed, limiter l’investissement à 100 000 euros et miser sur l’impact de la « présélection » opérée par la communauté d’investisseurs de la plate-forme pour inciter les business angels à mettre au pot. Wiseed parvient ainsi à lever jusqu’à 800 000 euros. Et pratique aussi, parfois, un « crowdfunding » ciblé (voir tableau). La trentaine de projets soutenus par ces quatre plate-formes est issue d’entreprises en croissance, avec des technologies brevetées ou ayant un fort impact sociétal. Wiseed admet avoir du mal
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Cette PME toulousaine (36 personnes), créée en 2002, édite des applications tactiles et interactives pour la vente ou la présentation. Elle a collecté 1,2 million d’euros en deux fois (décembre 2010 et septembre 2011), dont 550 000 euros en appel privé à l’épargne via Wiseed, qui a créé une holding d’une quarantaine de « microbusiness angels ». « Cela nous a permis de développer nos lignes de produits et de renforcer notre réseau commercial, notamment à l’étranger, source de 40 % de nos revenus, explique Vincent Encontre, PDG d’Intuilab. Le “crowdfunding” est un moyen rapide de lever des fonds. C’est une excellente alternative de financement à l’amorçage pour les start-up ou pour le développement des PME. En revanche, nous n’attendons pas d’accompagnement de ces investisseurs. Certes, ils ont eu un coup de cœur pour notre projet, mais ils cherchent surtout une réduction fiscale. »
LES CAHIERS DU NUMÉRIQUE /// NUMÉRO 3 /// NOVEMBRE 2012
ILS ONT EU UN COUP DE CŒUR POUR NOTRE PROJET. VINCENT ENCONTRE, PDG D’INTUILAB
LES PLATE-FORMES FRANÇAISES DE FINANCEMENT PARTICIPATIF D’ENTREPRISES INNOVANTES PLATE-FORME
DATE DE CRÉATION
PROJETS EN RECHERCHE DE FINANCEMENT
PROJETS DÉJÀ FINANCÉS
FINANCEMENT PAR PROJET
TOTAL DES PROJETS FINANCÉS
SITE WEB
Wiseed
juin 2009
4
20
50 à 100 000 euros 550 000 euros (Intuilab)
2 millions d’euros
wiseed.fr
Finance Utile
juin 2010
9
12
50 à 500 000 euros
2,5 millions d'euros
financeutile.com
Smart Angels
mars 2012
2
1
500 000 euros
500 000 euros
smartangels.fr
Anaxago
mai 2012
3
0
0
0
anaxago.com
Source : Cahiers du numérique, juin 2012.
L
e numéro un français du logiciel poursuit sa stratégie de diversification en rachetant le canadien Gemcom, leader mondial des logiciels de modélisation et de simulation géologique pour le secteur minier. Montant de la transaction finalisée en juillet dernier : 360 millions de dollars canadiens (277 millions d’euros). Pourquoi ce secteur ? « L’approvisionnement en matières premières et la disponibilité à long terme des ressources naturelles constituent une des préoccupations majeures de notre société », répond Bernard Charlès, directeur général du groupe français qui, du même coup, a créé une nouvelle marque, Geovia, dédiée aux ressources naturelles. Dassault Systèmes cible ainsi un secteur en croissance rapide et élargit ses marchés au Canada, à l’Australie, l’Afrique, l’Amérique du Sud, la Russie, etc.
AVEC GEMCOM, DASSAULT SYSTÈMES S’ATTAQUE AU SECTEUR MINIER Gemcom, créé en 1985, compte parmi ses clients les principales compagnies d’exploitation minière. Ses huit produits phares sont utilisés sur 4 000 sites dans plus de 130 pays. « Les technologies de modélisation et de simulation permettent aux ingénieurs et aux géologues de modéliser et de visualiser les ressources en 3D, mais également d’améliorer durablement la productivité des mines », explique Rick Moignard, directeur général de cette société à capitaux privés, dont la croissance est constante ces dernières années. Gemcom affirme investir environ 20 % de son chiffre d’affaires (90 millions de dollars en 2011) en recherche et développement. Rick Moignard devient directeur général de la marque Geovia, tandis que les 360 employés de Gemcom, ainsi que la direction, restent en place.
LEVÉE DE FONDS RECORD POUR DEEZER Après les 24 millions d’euros levés par le réseau social Viadeo, l’Internet français a battu un nouveau record avec Deezer. Le site d’écoute musicale, créé en 2007, a engrangé par moins de 100 millions d’euros. Et enregistre l’arrivée à son capital du fonds Access Industries, contrôlé par le milliardaire américanorusse Len Blavatnik, propriétaire du numéro trois mondial du disque, Warner.
L’opération valorise Deezer aux environs de 500 millions d’euros. La société a connu une croissance de 30 % de son chiffre d’affaires (environ 70 millions d’euros) et compte quelque 2 millions d’abonnés à ses offres payantes. Deezer s’est lancé dans un ambitieux plan d’internationalisation (200 pays prévus en 2012). La levée de fonds doit lui permettre de contrer son grand rival Spotify, qui avait levé 100 millions de dollars en 2011.
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BOURSE
DES PERFORMANCES CONTRASTÉES POUR LES ÉDITEURS DE LOGICIELS FRANÇAIS Désamour ? Depuis juillet 2011, le cours des éditeurs de logiciels français s’est en moyenne dégradé plus vite que le CAC 40. Au point que ceux-ci ne comptent plus aujourd’hui sur la Bourse pour se développer. Par Pierre Marty, associé PwC
A
u cours des six derniers mois (de mars à septembre), avec en moyenne une baisse de 2,36 %, les éditeurs de logiciels ne se sont pas distingués par leur performance boursière. Dans le même intervalle, le CAC 40 progressait de 2 % quand le Nasdaq creusait l’écart, enregistrant une croissance de près de 9 %. Sur une plus longue période, les tendances sont les mêmes. Ainsi, depuis juillet 2011, date depuis laquelle nous suivons cet indice, les cours des éditeurs de logiciels se sont en moyenne davantage détériorés que le CAC 40 (- 13 % contre - 10 %) et ont très nettement décroché par rapport au Nasdaq, en progression de près de 26 %. Il est intéressant de constater un certain effet amortisseur : le cours des éditeurs a en moyenne mieux résisté que le CAC 40 de mars à juin mais, à l’inverse, lorsque ce dernier retrouvait des couleurs entre juin et août, leur progression était nettement moins favorable. Bien entendu, tout n’est pas négatif. Dans le détail, les performances sont loin d’être homogènes. Les 12 sociétés sur les 27 éditeurs cotés à la Bourse de Paris dont le cours a progressé ces six derniers mois ont en moyenne connu une hausse de 16 % ; tandis que celles dont le cours a baissé affichent en moyenne une chute de 17 %. Par rapport à la taille, si le leader Dassault
Systèmes poursuit son ascension (+ 22 %), les petites entreprises (chiffre d’affaires inférieur à 30 millions d’euros annuels) font un peu mieux que la moyenne des éditeurs (- 1,45 %), quand les entreprises de taille intermédiaire (chiffre d’affaires supérieur à 100 millions d’euros) font nettement moins bien (- 12 %). L’analyse est cependant compliquée pour ces dernières, pour lesquelles une proportion significative de leur activité est en dehors de l’édition pure (les services notamment). Ces performances contrastées peuvent s’interpréter comme le reflet d’une certaine difficulté à faire progresser à la fois le revenu et les marges opérationnelles. Mais, pour beaucoup d’éditeurs, les faibles valorisations observées reflètent aussi un manque de visibilité auprès des investisseurs. En conséquence, alors que le logiciel est un secteur d’avenir nécessitant des investissements significatifs, notamment en R & D, les éditeurs ne font plus appel à la Bourse pour se développer, la dernière introduction sur la cote remontant à 2007. TOP 10 DES CAPITALISATIONS BOURSIÈRES DES SOCIÉTÉS NUMÉRIQUES EN MILLIONS D’EUROS
SOCIÉTÉ
TOP 5 DES CAPITALISATIONS BOURSIÈRES DES ÉDITEURS DE LOGICIELS EN MILLIONS D’EUROS
SOCIÉTÉ
CAPITALISATION BOURSIÈRE AU 1ER SEPTEMBRE 2012
DASSAULT SYSTEMES
9 660
AXWAY
228
48
CEGEDIM
220
LECTRA CEGID S.A.
ÉVOLUTION DU COURS DE BOURSE (MARS-SEPTEMBRE)
CAPITALISATION BOURSIÈRE AU 1ER SEPTEMBRE 2012
FRANCE TELECOM
28 174
DASSAULT SYSTEMES
9 660
ILIAD (FREE)
7 059
CAP GEMINI
4 913
ATOS
4 148
STMICRO-ELECTRONICS
4 054
ALCATEL-LUCENT
2 163
UBISOFT
608
134
SOPRA GROUP
465
126
GROUPE STERIA
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LES CAHIERS DU NUMÉRIQUE /// NUMÉRO 3 /// NOVEMBRE 2012
ÉVOLUTION DU COURS DE BOURSE ( MARS-SEPTEMBRE )
LES ÉCHOS DE LA VALLEY
POURQUOI L’IPO DE FACEBOOK EST… UN FRANC SUCCÈS Des dizaines de milliers d’investisseurs s’en mordent les doigts. Et pour cause. Une action Facebook achetée en mai dernier à 38 dollars en vaut moins de la moitié aujourd’hui. Mais d’autres ont toutes les raisons de se réjouir de l’opération. par Jean-Baptiste Su, correspondant à San Francisco
UNE BELLE RÉUSSITE... POUR FACEBOOK
Pourquoi ? Tout simplement parce que cette deuxième plus grosse introduction en Bourse de l’histoire, tous secteurs confondus, est en réalité un succès faramineux. Elle a permis à Facebook de lever plus de 10 milliards de dollars, à une valorisation indécente et au dépens de la majorité des investisseurs qui, eux, ont perdu des milliards en l’espace de quelques semaines. Ce qui explique en grande partie que Mark Zuckerberg ait conservé son poste. L’autre raison est qu’il détient encore la majorité des votes au sein de son empire. « On voyait déjà Facebook atteindre le milliard d’utilisateurs et devenir le prochain Google qui dominerait aussi bien les interactions humaines que commerciales sur Internet. C’est ce “hype” énorme qui a contribué à l’euphorie générale. Et tout le monde était prêt à payer n’importe quoi pour faire partie de la fête », explique Rob Enderle, un analyste réputé
AVIS D’EXPERT ROB ENDERLE, ANALYSTE À ENDERLE GROUP « L’introduction en Bourse de Facebook continue d’être un cauchemar pour les investisseurs qui ont cru pouvoir réaliser une belle plus-value dans les premiers jours de cotation. Ce qui est commun dans la grande majorité des IPO où le prix de l’action s’envole à l’ouverture, pendant plusieurs jours, semaines, mois, avant de revenir à un prix proche de son
de la Silicon Valley. Au point que Facebook a dû augmenter plusieurs fois le nombre d’actions mises en vente, 420 millions au total, pour répondre à la forte demande. Même les puissants systèmes informatiques de la Bourse du Nasdaq ont plié devant la charge. Ils ont mis jusqu’à plusieurs heures pour gérer les millions d’ordres, d’achats et de ventes qui leur sont parvenus à l’ouverture des marchés. Causant une panique générale. Initialement prévue à 28 dollars l’action, les dirigeants de Facebook ont réussi à faire grimper le prix d’introduction à 38 dollars, tout en augmentant le nombre d’actions vendues. « Du coup, le groupe a empoché des milliards de dollars supplémentaires. Alors que d’autres entreprises, dont Google, auraient été moins réactives, laissant ainsi de l’argent sur la table pour le plus grand bonheur des investisseurs qui auraient empoché des plus-values faramineuses », ajoute l’analyste. Facebook, lui, n’a laissé aucune chance aux spéculateurs. C’est pourquoi, même si l’effondrement de l’action Facebook est un fiasco pour les investisseurs et les employés de l’entreprise récemment embauchés – leurs actions ne valent plus rien –, cette IPO restera exemplaire dans le monde des startup. Pour tout dire, un exemple à suivre.
FACEBOOK A SURFÉ SUR LA VAGUE SPÉCULATIVE.
introduction. Au lieu de cela, avec Facebook, nombre d’investisseurs s’en sont sortis avec de lourdes pertes, tandis que d’autres continuent à investir pour réduire leurs pertes, dans l’espoir de voir l’action remonter. Un long chemin en perspective. Selon moi, il faudra un an ou plus à Facebook pour revenir à son niveau le plus haut. D’abord, parce que le réseau social a su
D. R.
En moins de quatre mois, la valorisation du plus grand réseau social de la planète est passée de plus de 104 milliards de dollars à tout juste 40 milliards. Une dégringolade qui aurait coûté la tête de n’importe quel patron d’entreprise cotée en Bourse. Mais pas celle du cofondateur de Facebook et désormais milliardaire Mark Zuckerberg.
maximiser sa valorisation en surfant sur la vague spéculative. Ensuite, parce que Facebook n’a toujours pas prouvé la viabilité de son modèle économique basé sur la publicité, notamment sur le mobile. Ce qui explique ses récentes acquisitions de start-up, comme Instagram, Tagtile, Glancee, Lightbox et Karma, pour renforcer son offre mobile.
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TABLEAU DE BORD
///// L’essentiel de l’économie du numérique en chiffres Chaque trimestre, « Les Cahiers » sélectionnent les indicateurs qui font l’économie du secteur. / Les tablettes triomphent en France
/ La valeur des entreprises est numérique à plus de 49 %
Tablettes qui rient, PC qui pleurent : voilà à quoi ressemble le marché français 2012, selon GfK. Alors que, sur l’ensemble de l’année, les ventes de tablettes devraient bondir de 140 % pour atteindre 3,4 millions d’unités, celles des micros grand public devraient baisser d’environ 12 %, à un peu plus de 5,7 millions d’unités. GfK explique le bond des ventes de tablettes à la fois par la maturation technique de l’offre et par la baisse des prix, de 13 % par rapport à 2011.
Les informations numériques représentent 49 % de la valeur totale des entreprises, telle est la conclusion la plus marquante d’une enquête conduite par Symantec auprès de 4 500 entreprises dans le monde entier. Le principal bémol à ce résultat vient de l’Hexagone, où les 38 entreprises françaises interrogées estiment que leurs informations numériques ne représentent en moyenne « que » 30 % de leur valeur totale. En termes de volume, les PME stockent en moyenne 563 To, et les grands comptes 100 000 To.
/ En 2015, plus de musique numérique que de disques
/ Dassault Systèmes et les 99 premiers éditeurs français
En 2012, l’achat de musiques au format numérique augmentera de près de 18 %, pour générer un chiffre d’affaires de 8,6 milliards de dollars au niveau mondial. À l’inverse, les ventes de supports physiques baisseront de 12 %. Si ces derniers représentent encore 61 % du marché dans le monde, ils devraient, selon Strategy Analyst, se faire dépasser par les formats numériques en 2015. Ce basculement se produira aux États-Unis, dès la fin de cette année.
En 2011, le chiffre d’affaires des cent premiers éditeurs français a progressé de 12 %. Dassault Systèmes pèse à lui seul 34 % du total. Les cinquante plus petits éditeurs du classement, dont le chiffre d’affaires est égal ou inférieur à 16 millions d’euros, ne représentent que 12 % du total. Disparates par leur taille, les premiers éditeurs français partagent le même dynamisme, avec sept champions dont le taux de croissance dépasse largement les 50 %.
/ La facture mobile baisse à 23 euros par mois Le montant moyen de l’abonnement mobile a continué de baisser au cours du premier trimestre 2012. Avec une diminution estimée à 9 % par l’Arcep, il s’est établi à 23 euros hors taxes. À l’inverse, l’autorité de régulation a constaté une augmentation des minutes consommées (+ 5,2 %). L’effet de l’arrivée de Free Mobile sur le marché se constate aussi au travers de la hausse de plus de 200 % du nombre de demandes de portage de numéros, qui ont atteint le chiffre record de 2,6 millions. En forte croissance, la part du nombre d’abonnements libres d’engagement s’établit désormais à 27 % du parc total.
/ Le e-commerce français pèse 3,4 % du commerce de détail Avec un chiffre d’affaires 2011 estimé à 12,5 milliards d’euros par Forrester Research, le e-commerce français pointe à la troisième position européenne, derrière la Grande-Bretagne et l’Allemagne. Ce chiffre d’affaires, qui représente 3,4 % du commerce de détail national, est généré principalement par l’électronique grand public (28 %), le prêt-à-porter (17 %), les ventes d’ordinateurs (10 %) et le mobilier (6 %).
/ Les économies du cloud au détriment de la sécurité Alors que la moitié d’entre eux transfère déjà des données sensibles dans le cloud, plus de 1 500 des 4 000 grands comptes interrogés pour Thalès par Ponemon reconnaissent que l’adoption du cloud se traduit par une réduction des mesures de sécurité. Ce sondage montre également que deux responsables en entreprise sur trois déclarent ne pas savoir comment leurs prestataires en nuage protègent les données qui leur sont confiées.
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LES INDICATEURS CLÉS DU NUMÉRIQUE TYPE
MONTANT
VARIATION
SOURCE
Marché du logiciel en France (2011)
9,7 milliards
Baromètre CockpitSoftware, Afdel
Nombre de PC vendus en Europe*
13,6 millions
Gartner Group
Nombre d’e-acheteurs en France*
31,7 millions
Médiamétrie
Nombre de téléphones portables vendus dans le monde*
419 millions
Gartner Group
Nombre de smartphones vendus dans le monde*
153 millions
Gartner Group
*Au deuxième trimestre 2012.
LES CAHIERS DU NUMÉRIQUE /// NUMÉRO 3 /// NOVEMBRE 2012