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哲學

Philosophie

Jean-Jacques Ro philosophe Texte : Vincent Carrière Traduction : Wong Yan Tak

L

a France fête cette année le trois centième anniversaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), l’un des plus éminents écrivains du dix-huitième siècle. L’occasion de revenir sur l’histoire de ce personnage hors du commun et de son œuvre universellement reconnue comme fondamentale dans les domaines de la littérature, de la philosophie, de l’éducation et de la science politique.

Jean-Jacques Rousseau, portrait de Maurice-Quentin de La Tour

« Ce sombre énergumène », « cet ennemi de la nature humaine », telle était, en 1767, l’opinion du grand Voltaire sur son contemporain Jean-Jacques Rousseau, tous deux références philosophiques majeures du siècle des Lumières, tous deux morts la même année, en 1778. Voltaire fut le philosophe du progrès et du bonheur, Rousseau celui des malheureux, des pauvres, celui qui, en fréquentant les milieux sociaux les plus divers, a toute sa vie cherché à s’identifier à un lieu référentiel, vivant dans la nostalgie d’une origine floutée par la mort de sa mère en couche. Hypersensible, instable et entretenant des relations interpersonnelles la plupart du temps difficiles, Rousseau passera sa vie à errer, d’une ville à l’autre, d’un métier à l’autre, d’une religion à l’autre, indépendant et solitaire, pour finalement s’éteindre à l’écart de tous, étranger au monde, à l’âge de 66 ans.

Conférence : Jean-Jacques Rousseau Par Alexandra Cook, Professeur de Philosophie, Hong Kong University Spécialiste de la botanique chez Rousseau 8 novembre 2012 Médiathèque de l’Alliance française 51, Jordan Road, Kowloon, Hong Kong

4 PAROLES

Septembre / Octobre 2012

Rousseau naît en 1712 dans l’austère et pieuse Genève calviniste. Très tôt, il se passionne pour la littérature et pour les sentiments qu’elle fait naître en lui. Cette expérience primitive entérine définitivement chez lui la supériorité des passions sur les concepts, la primauté des élans du cœur sur la raison pure. Exilé dès l’âge de seize ans, Rousseau découvre l’amour dans les bras de la généreuse Madame de Warens. Puis il enchaîne différents métiers : laquais, échanson, interprète, secrétaire

d’ambassade, professeur de musique, précepteur… En 1749, Diderot lui confie la rédaction des articles de l’Encyclopédie sur la musique. En 1750, c’est rendant visite à ce même Diderot, alors emprisonné à Vincennes, que la sublime inspiration de Rousseau voit le jour. Alors qu’il chemine vers son ami, il découvre dans un journal le sujet d’un concours organisé par l’Académie de Dijon : « Le progrès des sciences et des lettres a-til contribué à corrompre ou à épurer les mœurs ? ». Il s’arrête en route et commence la rédaction de ce qui deviendra son premier chef d’œuvre, le Discours sur les sciences et les arts. En affirmant que le progrès technique est susceptible d’aller à l’encontre du progrès moral, Rousseau se distingue des penseurs de son temps, progressistes et matérialistes. Mais cette œuvre qui crée le scandale lui permet, de par son succès, de vivre de manière indépendante. En 1754, il publie son « second discours », le Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, dans lequel il soutient que l’homme est naturellement bon et que c’est la société, injuste, qui le pervertit. Comme le premier discours, cet ouvrage suscite une vive polémique mais achève de le rendre célèbre. Critiqué, malade et cynique, Rousseau reprend la route et achève, en 1760, son monumental roman Julie ou la Nouvelle Héloïse. Roman épistolaire reprenant l’ensemble de la théorie rousseauiste, cette œuvre majeure connaît un succès immédiat dans toute l’Europe car elle touche un très large public. Dans l’histoire de la littérature, ce roman, qui dépeint la vie amoureuse de trois personnages, est considéré comme le point de départ du mouvement romantique qui s’épanouira en Europe au 19e siècle. Poursuivant sa réflexion sur l’état de nature, et sachant qu’il est impossible pour l’homme de


年,法國紀念十八世紀傑出的作家讓.雅克.盧梭三百週年誕 辰。借此機會回顧一下這位出類拔萃人物的生平及其為世人公認 的文學、哲學、教育和政治各領域的奠基之著。

ousseau, des lumières

Après la publication du Contrat social et de l’Emile, ouvrage pédagogique préconisant le développement des qualités naturelles de l’enfant au détriment des savoirs livresques, Rousseau doit fuir Paris, Genève puis Berne, et ses livres sont mis à l’index. Face à ces malheurs, et pour tenter de se justifier, le philosophe décide de débuter une œuvre autobiographique. Entre 1765 et 1770, il rédige Les Confessions puis, entre 1776 et 1778, Les rêveries du promeneur solitaire, ouvrages dans lesquels l’auteur se lance dans une quête intérieure, une observation de ses sentiments intimes, en se détachant peu à peu de tout souci de popularité. Cet éloignement volontaire du public, par la relation de son individualité profonde et l’emploi d’un « je » unique, ouvre la voie à l’écriture littéraire moderne telle que nous la concevons aujourd’hui. L’héritage qu’a laissé Rousseau est immense. Philosophe « décalé » des Lumières, adepte de la nature et de la vérité, du verbe vivant et de l’être profond, il a surtout marqué l’histoire de la pensée de deux empreintes indélébiles : d’une part l’invention de la littérature moderne, et d’autre part une réflexion politique et sociale qui a jeté les bases

他十分敏感、變化無常,大部份時間,人際關係都多有阻滯。他過着顛沛 流離的生活,從一個城市到另一個城市,從一種職業到另一種職業,從一 種宗教到另一種宗教。他獨來獨往,寂寞無依,最後,以六十六歲之齡, 遠離眾生,靜靜地死去。

讓.雅克.盧梭 啟蒙運動哲學家

revenir à son état de bonté originelle, il apparaît au philosophe que la seule issue à cette impasse se trouve dans l’invention d’un contrat liant les hommes entre eux et leur permettant de vivre ensemble tout en conservant leur liberté. En renonçant à certaines de ses libertés, l’homme se met au service de la volonté générale, du « moi » commun, en respectant les lois qu’il s’est luimême données. Le Contrat social, publié en 1762, révolutionne la philosophie politique en plaçant le peuple dans son ensemble, et non la somme des intérêts particuliers chère aux penseurs anglo-saxons de l’époque, comme source de la souveraineté.

「這是一個陰鬱的狂人」、「人性的敵人」,這便是偉大的伏爾泰於1767 年對他的同時代人讓.雅克.盧梭所做的評論。他們倆同為啟蒙運動時期 的哲學巨擘,無獨有偶,又同時於1778年謝世。伏爾泰是人類進步和幸福 的哲學家,而盧梭則是不幸和貧窮者的哲學家。他頻繁接觸社會各階層, 終其一生都在竭力融入適合自己的環境。母親生下他後,便離開人世,他 對自己的誕生始終懷着感傷之情。

盧梭於1712年出生在戒律森嚴、虔誠、信奉加爾文新教的日內瓦。他很 早便熱衷於文學,心中激蕩着由此而生的澎湃之情。這最初的經驗從此在 他身上形成了激情超越思想,內心衝動超越純理智的個性。他從十六歲開 始便過着流亡生活,他在華倫夫人的懷抱裡找到了愛情。之後,他做過各 種不同的職業:隨從、司酒官、翻譯、使館秘書、音樂教師、家庭教師等 等。1749年,狄德羅約他為《百科全書》撰寫有關音樂的部份。 1750年,在前往萬塞訥探訪身處囹圄的狄德羅時,他的創作靈感倏然而 至。途中,他在一份報紙上讀到第戎學院公開徵文的啟事,題目是:「科 學與文學促進了風俗的敗壞抑或風俗的淳厚?」他在半路停了下來,着手 寫作後來成為他的第一部代表作的《論科學與藝術》。他聲稱科學技術的 進步可以和道德進步相悖,這使他有別於同時代的進步主義和唯物主義的 哲學家。這篇論文雖引起爭論,但也因其成就,令他可傲然獨立的生活。 1754年,他發表了第二篇論文《論人類不平等的起源和基礎》。他認為人 性本善,只是在社會環境裡才變壞。同第一篇論文一樣,這篇論文也引起 了激烈爭論,並令他一舉成名。 他遭抨擊、疾病纏身、玩世不恭,在創作路上繼續前行,於1760年完成了 小說巨著《茱莉或新愛洛依絲》。這是一部書信體小說,集中反映了盧梭 的整個思想,獲得廣大讀者的喜愛,一夜間紅遍全歐洲。這部描寫三人間 的愛情小說,在文學史上,被視為是盛行於十九世紀歐洲的浪漫主義的嚆 矢。 他繼續對人性作思考,認識到人類不可能返回到原始狀態時的善良本性, 於是他覺得唯一解決的辦法是在人類之間訂立一個契約,令他們可以生活 在一起又擁有個人自由。人類犧牲自己的一些自由,服從總體意志,一個 共同的「我」,遵守自己加在身上的法律。《社會契約論》發表於1762 年,它重視全體人民的利益,而非當時盎格魯.撒克遜思想家們極為珍 惜、視為王權由來的特殊階級的利益。 在發表了《社會契約論》及《愛彌兒》這部主張發展兒童天性,忽視書本 知識、討論教育的哲理小說之後,盧梭離開巴黎、日內瓦,接着是伯爾 尼,他的書被禁止出版。面對這些不幸,他試圖為自己辯護,決定寫一部 自傳。1765年及1770年間,他寫了《懺悔錄》。1776年及1778年間,寫 了《一個孤獨散步者的遐想》。在這兩部著作裡,作者做了內心的審視, 洞察自己最隱秘的感情,漸漸離開了對眾生的關注。這個自覺地遠離世 人、對自我的深度剖析及第一人稱「我」的敘述手法,為現代文學的創作 開辟了新徑。 盧梭留給後人的遺產是豐富的。他是啟蒙運動時代的「異類」哲學家,自 然和真理的信徒,語言生動,思想深刻。尤其是他為人類思想史作了兩個 不何磨滅的貢獻:其一為現代文學開了先河,其次是他以自己對政治和社 會的思考為現代民主奠定了基礎。

de la démocratie.

PAROLES

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展覽

Exposition

En français dans le texte : Les grands

écrivains à travers leurs manuscrits Texte : Thierry Grillet Bibliothèque nationale de France

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Antoine de Saint Exupery

l y a plusieurs manières d’entrer, non pas en, mais dans la littérature. Celle qui consiste à lire les textes, consacrés par la tradition imprimée, c’est l’entrée « classique », c'est-àdire, celle qui est enseignée dans les classes et où la littérature française consiste en ce long chapelet d’œuvres achevées, qui brillent dans leur perfection de chefs d’œuvres ; et puis il y a une autre façon d’y entrer, moins directe, dissimulée du grand public, et qui suppose que l’on ait accès non pas seulement Gustave Flaubert aux œuvres imprimées, telles que les éditions les ont fixées pour la postérité, mais par les « papiers », les « brouillons », les traces annexes et périphériques du grand œuvre : c’ est une manière d’entrer dans la littérature, non par la grande porte, mais par la porte de derrière, celle qui est dérobée, inaperçue et où l’on pénètre dans des espaces moins soignés, moins sociaux, moins bien arrangés, et où traîne un capharnaüm de matériels et d’outils en désordre. Cette porte est réservée aux amis, aux familiers, à ceux que ne rebute pas la part artisanale, et même laborieuse du métier – « travail composé à 5 pour cent d’inspiration, et à 95 pour cent de transpiration », disait Valéry. Voilà la porte qui donne sur l’atelier de l’écrivain. C’est dans ce réduit que l’écrivain, et même le grand écrivain, « bricole » son œuvre. Mais cet accès n’a pas toujours été praticable ni même pratiqué. Il fallait d’abord que les écrivains eux-mêmes aient cultivé le souci des traces et des outils, que le public, savant ou non, ait nourri une curiosité au moins aussi grande pour le « work in progress », pour le travail préparatoire que pour l’œuvre achevée... Pourquoi s’intéresser et conserver à ce qui paraît devoir être périmé dès le moment où l’œuvre est imprimée ? Il y a plusieurs réponses mais il faut en privilégier une qui me paraît constituer le socle de toutes les autres : c’est l’idée qu’en accédant ainsi aux traces, aux tâtonnements, aux tentatives répétées de l’écrivain pour aboutir, on serait en quelque sorte en contact avec le code secret de la création. Dans un texte célèbre, Le Musée de la littérature, Paul Valéry avait ainsi décrit cette part, en quelque sorte miraculeuse du manuscrit : « Le manuscrit est le lieu du regard et de la main de l’écrivain, où s’inscrit de ligne en ligne le duel de l’esprit avec le langage, de la syntaxe avec les dieux, du délire avec la raison... ». Il y a sans doute dans cet aperçu, une conception métaphysique de l’écriture qui concilie la foi de l’Alchimiste - convaincu avec la pierre philosophale d’entrer en contact avec le code secret de la nature - et l’opiniâtreté de l’Archéologue - convaincu que sur ces chantiers ouverts, il est possible de remonter au plus prés du plan premier de l’architecte... Alors qu’est ce qui a conduit les écrivains à se préoccuper ainsi de leurs papiers ? Qu’est ce qui a poussé la société à nourrir une curiosité croissante pour ces documents périphériques à l’œuvre ? Qu’est ce qui, en profondeur, a changé dans notre définition de la littérature pour permettre en quelque sorte la constitution de ce « patrimoine de brouillons » ? de quelle extravagante promesse, ces « brouillons » sont-ils porteurs ?… C’est à ces questions que je tenterai de répondre en vous proposant quelques pistes de réflexion ouvertes à la discussion…

Manuscrit du Petit Prince

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Arthur Rimbaud

Charles Baudelaire

Hector Berlioz

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存有許多方式進入「文學」,而 非處於文學之中,包括閱讀文 本 ─ 它是由傳統的印刷術所提 供的,這就是所謂的「古典」式的進入文 學的方式。換言之,就是在課堂上傳授的 那些文本,而法國文學則有著一大串的完 成作品,讓一些嘔心之作閃閃發亮。在這 之外,還有一種比較不直接的進入方式, 為廣大讀者所不知的,它不只是讓人接 觸到印刷好的作品 ─ 這是出版社事後加 工完成的,而是去接觸一些「紙張」、一 些「草稿」,一些大作品的附屬及週邊痕 跡。這是一種非通過大門的方式,而是通 過後門,它是被隱藏起來的,沒人察覺出 來的。我們可以潛入到另一些空間裡,它 沒那麼細心,沒太多社會考量,沒有精心 安排,那裡是任意擱置材料及工具雜亂不 堪的場所。這一扇門是保留給至親好友, 給那些不會嫌惡目睹手工藝操作者這個辛 勞行業的人士。作家梵樂希(Paul Valéry) 說過,作家這行業5%靠靈感,95%靠汗 水。這就是邁進作家工作坊的大門。正是 在這個隱蔽的陋室,作者-即便是大牌作 家,「拼湊」在他的作品。但是這個通路 並非經常行得通,甚至辦得到的。條件首 要是作者自身重視這個痕跡及工作。其 次,讀者-不管是專家與否,要有一顆好 奇的心-至少要對「邊作邊完工」(Work in Progress) 的情況有著同等的好奇,也 就是對完成的作品和蘊孕中的作品等同重 視……。

文本中的法語:

它能調和煉金術的承諾,即確信透過點金 石是能夠與大自然的密碼以及考古學上的 頑強相通,以及確信在這片開放的土地 上,是有可能追溯到這座建築最原初的藍 本……。那麼,到底是基於何故,作家們 關心起他們的手稿?社會湧現對作品及周 邊文獻的極大好奇心?以及,根本上而 言,它改變了我們對文學的定義,從而在 某個層面上,讓我們建構起一種「手稿文 化資產」? 以及更不可思議的去承認這 些手稿是深具意涵的?今天我就試著回這 些問題,並拋出這些開放的思路來一起討 論……。

走近法國文壇巨匠,從他們的手稿開始

為何作品既已印出,還獨衷於這些應當捨 棄的手稿,還特別予以保存呢?箇中的理 由甚多,不過我個人認為最根本的論據在 於,如此一來,便能獲知作家完成其作品 的痕跡。他的躑躅摸索以及不斷重複的嘗 試意圖。因此,就某個層面而言,我們就 與創作的密碼有所接觸了。梵樂希曾描述 手稿所具有某種神跡般的情事:「手稿是 作家手到及眼到的場所,在那兒一行接一 行的敘述著語言與思想的對決、句法與神 祇、忘想與理性的對壘……。」在這樣的 概述中,存在著一種書寫形而上的概念,

Samuel Beckett

Exposition : En français dans le texte / In French in the Original Text A la découverte des grands écrivains français à travers leurs manuscrits… Discover famous French writers through their manuscript… 1-15 Novembre 2012 Hong Kong Central Library, G/F Exhibition Gallery L’Alliance française a le plaisir de vous faire découvrir les manuscrits des plus grands écrivains français. L’exposition est constituée de reproductions de manuscrits rares de la BnF (Bibliothèque nationale de France), datés du moyen-âge à nos jours. L'idée est de porter un regard différent sur de grands auteurs, non pas en lisant leurs textes, mais en découvrant leurs manuscrits, leurs brouillons, leur travail d’écriture. Vernissage/opening : 1 novembre, 18h30, M. Thierry Grillet, Directeur des Affaires culturelles de la Bibliothèque nationale de France fera une visite guidée de l’exposition. Une exposition de la Bibliothèque nationale de France Dans le cadre des Années croisées linguistiques entre la Chine et la France Présentée par l’Alliance française de Hong Kong 世界各地文本中的法語展覽 走近法國文壇巨匠,從他們的手稿開始...... 2012年11月1-15日 香港中央圖書館地下展覽廳 法國文化協會誠邀大家到來欣賞法國文豪的親筆手稿。 展覽的作品來自法國國立圖書館珍藏的一些中世紀到現代的珍貴手稿之複製品。 展覽的目的並不是邀請大家閱讀這些大文豪的作品,而是希望大家透過這些手 稿、草稿,和他們的文章,來以另一種眼光欣賞這些偉大的作家。 本展覽由法國國立圖書館策劃,香港法國文化協會主辦,是中法交流年的其中一 項活動。

Victor Segalen

PAROLES

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視覺藝術

L’univers loufoque de

Arts visuels

Plonk et Replonk

Texte : Jean-François Hans

C

onnaissiez-vous l’inventeur de la clé sous le paillasson ? Et le championnat du monde de flou artistique ? Non ? Alors bienvenue dans le monde de Plonk et Replonk ! L’association Plonk & Replonk Editeurs est un collectif fondé en 1997 par deux frères, Hubert et Jacques Froidevaux, basé à La Chaux-de-Fonds, en Suisse, qui crée principalement des images et plus spécifiquement des photomontages humoristiques souvent diffusés dans la presse, notamment dans Le Temps, distribué en Suisse mais également en France et en Belgique.

L’inventeur de la clé sous le paillasson testant son invention sur lui-même.

Exhibition : Plonk et Replonk 3-31 October 2012 Mediatheque, Alliance française Mon - Fri -12:30-20:00 , Sat 9:00-17:00 52, Jordan Road, Kowloon , HK

10 P A R O L E S

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Ces deux frères se sont distingués par la création de séries de cartes postales anciennes retouchées et détournées, avec un humour absurde de leur sens initial sur des thèmes souvent puisés dans les mythes suisses. En 1997, Plonk & Replonk créent en effet les premières cartes postales déroutantes qui vont faire leur succès, dans une Suisse qui continue à traîner derrière elle une image d'Épinal ou de... carte postale, qu'ils ont tout simplement le génial culot de réinventer. A partir de cartes anciennes provenant d'archives ou de banques, ils conçoivent des photomontages et réalisent leurs propres clichés (dans les deux sens du terme) en y intégrant des photographies personnelles, en les colorisant ou en y ajoutant une kitschissime “Swiss retouch” de non-sens, notamment dans la légende, lapidaire cerise sur le gâteau. Ces cartes postales sont composées et mises en scène à partir de documents photographiques remontant dans leur grande majorité à la première moitié du 20 e siècle. Légendées dans une perspective nonsensique, poétiquement décalées, colorisées ou sépia, elles s’efforcent de donner une vérité documentaire à des situations ou événements plus ou moins absurdes et impossibles.

Rédigées en français soutenu, chaque légende accompagnant les cartes postales, pourrait illustrer une règle du Grevisse. Phrases nominales ou elliptiques : « Vieille famille française de souche » ; « Métiers d’antan – La berceuse de marmottes » ; « Bistrot lyonnais, la paisible attente de l’arrivée du beaujolais nouveau » ; celles-ci malmènent avec humour les images du passé… D’autre images sont plus brèves et s’imposent dans les salons de peinture des images d’autrefois : « L’ouverture de la chasse » ; « le Fantôme de l’Apéro » ; « Flèche perdue ». Dans cet hommage à la langue française, certaines légendes sont comme des incipits incitant le visiteur à faire plusieurs « aller-retour » entre le texte et l’image comme dans Allibert Zeimer, l’inventeur de la clé sous le paillasson testant son invention sur lui-même ou Paris 1889, la pose du troisième étage de la Tour Eiffel… Le texte provoque le rire, l’image déclenche l’hilarité… ou l’inverse. Richesse du vocabulaire, emprunts à des lexiques désuets, (« Travaux et saisons , Retaille et cloutage des langues de bois avant les élections nouvelles » ) alliant le passé et le présent, ( La minute des visites, cliniques pour hyperactifs du Dr Baum…) : toutes les légendes font mouche. Les œuvres peuvent se lire comme une histoire de l’Europe dont le centre serait la Suisse où l’imaginaire prend parfois le pied sur la réalité.

Enfants sages servant le goûter aux petits enfants qui le partagent avec les tous petits enfants.


知道門毯下的鑰匙發明者嗎?朦朧藝術的世界冠軍呢?沒聽說 過?那麼,歡迎來到「嘭,嘭嘭」的世界! 1997年,一對兄弟在瑞士拉紹德峰創立 Plonk & Replonk 出版

家協會,致力於圖畫尤其是趣味合成攝影創作,其作品多次刊登在多家 報刊,特別是《le Temps》對其作品青睞有加,該報刊主要在瑞士,法 國與比利時發行。 Hubert,Jacques Froidevaux 兩兄弟,從瑞士神話中汲取靈感,將荒誕 幽默融入舊明信片中,發揮過人的才華,將其進行加工,創造出嶄新獨 特的作品。 1997年,Plonk & Replonk 協會的處女作問世,從瑞士到法國的影像之 都埃皮納勒,他們的作品大受歡迎,他們不停探索自己的創作路向:明 信片再創造之路,他們將全部的精力和才華傾注於再創造之中。他們從 La minute des visites

嘭,嘭嘭

來自另一個世界的明信片

Retaille et cloutage des langues de bois avant les élections nouvelles.

資料館中或圖片庫中尋找舊明信片,設計重合作品,製作自己的攝影底 片,然後加入個人的攝影作品,將黑白底片填上色彩,注入一些無厘頭 的惡搞,創造出獨一無二的個性作品。 這些明信片大多來自20世紀上半葉,他們一些毫無詩意和沒有特別意義 的背景上加上標題,塗上色彩,給一些離經叛道的荒誕場景和事件加入 一種真實的色彩。

L’économie globale : un monde nouveau, ouvert et créatif

作品的說明都非常精練簡潔,因此,每句的出處可以遡源至葛維思語法 詞典。明信片的標題多為名詞性短語的簡句:「祖先一家」、「酣睡搖 籃曲」、「里昂酒吧 - 靜待伯祖箂斯新酒的到來」等等。這些圖片以幽 默的手法諷刺過時的圖像…… 其他的說明文字更為短小精練,比如說 「狩獵熱身」、「開胃酒幽靈」和「遺失的箭」。 在廣州展出的第三系列展品中,帶着對法語的敬意,作者以他特有的手 法讓圖片展有了雙重意義。一些敘述仿如書的前序一樣鼓勵着參觀者的

L’ouverture de la chasse

目光來回於短文與圖片之間,例如《Allibert Zeimer,門毯下的鑰匙發 明者親自試驗自己的發明》或《1889年巴黎,建造艾菲爾鐵塔的第三 步》,這兩張明信片的文字說明讓人覺得摸不着頭腦,回頭再看它的圖 片,忽然明白了其中的幽默之處,讓人忍唆不禁…… 反過來先看圖再看 文字也會有同樣的效果。 豐富的詞彙,他們借用一些過時的用語(「工作和季節──選舉前夕,磨 尖木質舌頭」)把過去和現在結合(「一分鐘快速參觀」、「Dr Baum 過動 症診所」……):所有的圖解都一語中的。作品展現的是一個以瑞士為中 心的歐洲歷史,讓參觀者浮想聯翩之餘又不會脫離現實。

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當代藝術

Art contemporain

Exposition : Cédric MARIDET Distinct Factures, A Return from Langsdorff 2P Contemporary Art Gallery, Hong Kong G/F, 23 Po Tuck Street Sai Ying Pun, HK. 10 Oct - 30 Nov 2012

Cédric MARIDET

Distinct Factures, A Return from Langsdorff Texte : Caroline Ha Thuc Traduction : Wong Yan Tak

étendues sonores provenaient d’univers similaires sans toutefois être connectés.

Cédric Maridet, latent, still, 2012, vidéo

C

omment décrire un espace ? Qu’est-ce que connaître et comment transmettre une connaissance au-delà du langage verbal? « Ce que nous entendons, ce sont des mots et des sons. Pour leur malheur, les gens s’imaginent (…) que ces mots, que ces sons, leur font saisir la réalité des choses – ce qui est une erreur. » 1 Il s’agit précisément ici d’oublier le langage pour appréhender une réalité sensible, ou tout au moins, d’élargir notre notion de langage vers des modes de communication différents engageant l’individu tout entier. Pour Hong Kong Art Fair 2012, Cédric Maridet, déjà, proposait une alternative au chemin balisé d’exploration d’une foire d’art contemporain grâce à un parcours original : muni de casques, les visiteurs déambulaient dans les lieux d’exposition en écoutant les sons enregistrés dans des galeries et musées du monde entier. Il y avait donc un décalage entre ce que le public entendait et l’espace dans lequel il se déplaçait avec un jeu déroutant de correspondances puisque les

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L’exposition que l’artiste, plasticien sonore et compositeur, présente à la galerie 2P invite à un autre voyage, mental et physique, au cœur de la forêt tropicale. Cédric Maridet - qui vit et travaille à Hong Kong depuis 1999 - réfléchit cette fois aux différentes façons de décrire un environnement particulier, dans une optique écologique. Partant d’un cycle d’enregistrements réalisés dans le Parc National de Penang en Malaisie, il cherche à rendre compte de l’écosystème que ces sons décrivent. Cartes sonores, photographies, vidéo, listes de mots, cabinet de curiosité… tout est là pour transporter le public dans un autre monde, à la fois réel (la forêt tropicale) et imaginaire. L’artiste joue entre les correspondances sensuelles, traduction de sons en lignes, de formes en son pour créer une véritable expérience concrète et greffer à la sphère intelligible celle du sensible. Partant d’une observation précise du territoire malais, il nous donne les moyens, à notre tour, de rassembler et d’ordonner une foule de sensations e t d ’o b s e r vat i o n s, n o u ve a u x o u t i l s d ’ u n e connaissance fondée non plus sur le langage commun mais sur l’expérience personnelle. Ce qu’il souhaite ? Elargir notre perception du monde et nous rendre capable, comme sous le charme d’Orphée, de voir avec les oreilles et d’entendre avec les yeux, et que cette vision soit une source de renouveau. Le titre, « Distinct factures », fait référence à la musique concrète élaborée par Pierre Schaeffer (1910-1995) à la fin des années 40 : « Lorsqu’en 1948, j‘ai proposé le terme de musique concrète, j ’entendais, par cet adjec tif, marquer une inversion dans le sens du travail musical. Au lieu de noter des idées musicales par les symboles du solfège, et de confier la réalisation concrète à des

instrumentistes connus, il s‘agissait de recueillir le concret sonore, d‘où qu’il vienne, et d’en abstraire les valeurs musicales qu‘il contenait en puissance2. » La facture sonore est un critère qualitatif basé sur la perception du son qui concerne son entretien, c'est à dire la façon dont l'énergie est communiquée et se manifeste dans la durée. C'est donc la forme du son (prolongée, répétitive, brève etc.) Ce qui importe surtout n’est donc pas de savoir ce qui produit le son (quelle est sa cause) mais comment il est saisi : on se place ici dans une perspective phénoménologique. Certes le visiteur peut essayer de reconnaître, d’après les matériaux fournis par l’artiste, à quelle réalité il renvoie (en l’occurrence la forêt tropicale), mais il peut aussi se concentrer sur la texture, la formes du matériau, indépendamment de son sens, et voyager alors dans un monde fictif. L’objet de l’étude finit par se confondre avec le sujet immergé et ce sont des territoires personnels que l’on explore. C ’est là qu’inter vient le nom du Baron Von Langsdorff dont Cédric Maridet a utilisé le nom en imaginant une ultime aventure de ce médecin et naturaliste allemand du 19 e siècle. Membre de la grande expédition russe autour du monde de 1803 à 1805, Langsdorff a lui-même monté une expédition d’exploration scientifique dans la forêt amazonienne et en a rapporté de riches informations sur les peuples indigènes du Brésil. Il était accompagné d’Hercule Florence qui aurait inventé la photographie avant l’heure et qui est resté connu pour sa zoophonie, notation musicale capable de traduire les vocalises des oiseaux et les cris des animaux, utilisée plus tard notamment par le compositeur Olivier Messian. Un autre volet important de cette exposition extrêmement riche et dense concerne la description de la biocénose de la forêt malaisienne, c’est à dire de l’ensemble des êtres vivants, espèces animales et végétales, qui y coexistent. L’artiste


Cédric Maridet, Prise de son en forêt amazonienne, Brésil, résidence à Mamori Art Lab, 2008. Photo Marc Behrens

a dressé les listes des noms communs de ces espèces dont la lecture à voix haute, en anglais et en français, a été enregistrée. Ces noms, devenus sons, jettent les bases d’un langage fictif et offrent de nouvelles possibilités de narration et de communication. La biocénose définit avant tout une communauté d’êtres vivants partageant un espace commun et formant un système : elle peut ainsi s’apparenter au langage ou des familles de mots se regroupent pour faire sens et développer un territoire commun. Ce travail peut évidemment s'associer aux différents travaux de poésie sonore de Kurt Schwitters ou d’Hugo Ball. Mais contrairement à Schwitters qui travaille sur le rythme syllabique, cette pièce joue sur une oscillation entre référence et abstraction. De plus, l’enregistrement est diffusé à l’intérieur comme à l’extérieur de la galerie, projection vers le dehors, mais jeux d’échos entre soi et l’autre. Ce va-et-vient entre espace intérieur et extérieur est une constante dans l’œuvre de Cédric Maridet et témoigne de sa volonté de casser la frontière même de la perception délimitant ces territoires subjectifs trop souvent cloisonnés. Son cabinet de curiosité, The Soft Science Cabinet, Apis Cerana, brouille précisément ces limites et nous invite à élargir notre conception du langage. Ancêtre des musées, ces cabinets sont apparus à la Renaissance en Europe et rendait compte des découvertes et des avancées des connaissances de la société. Ici il se présente sous la forme de deux disques en cire d’abeille, moules exacts des disques contenant les enregistrements de ruches d’abeilles. Cédric Maridet s’appuie une fois encore sur les méthodes scientifiques pour construire son travail, cette fois la méthodologie développée dans les années 30 en éthologie consistant à combiner des recherches en laboratoires et de terrain. Karl Von Frish, l’un des pères de cette science étudiant le comportement des diverses espèces animales, est connu pour ses recherches sur les perceptions sensorielles des abeilles et sur leurs modalités de communication. En particulier, il a mis à jour l’existence de danses permettant aux abeilles d’échanger des informations topographiques très précises sur les zones de butinage. Il s’agit d’un langage exceptionnel dans le monde animal et Cédric Maridet, à l’aide d’enregistrements effectués à l’intérieur et à l’extérieur de la ruche tente une remise en question de nos propres moyens de communication. Comme pour les enregistrements de la forêt de Penang, passés au crible d’un sonogramme et retransmis sous la forme de lignes selon les fréquences et l’intensité du son, la composition est ici décomposée en signaux élémentaires, et recomposée différemment, permettant une écoute nouvelle des sons. Aucune fréquence qui n'est pas présente originalement n’est ajoutée. L’hétéroclisme de ce cabinet de curiosité n’est donc qu’apparent. En creux l’infinie possibilité de rendre compte d’un espace et celle, non moins infinie, de le percevoir. 1 2

Tchouang-Tseu, chapitre 13, La Voie du ciel Pierre Schaeffer, Traité des objets musicaux, Paris, Seuil, 1966.

Cédric Maridet, The soft Science Cabinet, Apis Cerena, 2012, cabinet de curiosité

何描寫一個空間?認識何物及如何以語言之外的手法傳 遞一個知識? 莊子說:「聽而可聞者,名與聲也。悲夫,世人以形色 名聲為足以得彼之情!」 問題非常明顯,在於忘掉語言去理解一個感性世界,或至少,將 我們對語言的概念推廣至個體固有的其他各種不同的溝通方式。 2012年香港藝術節期間,Cédric Maridet通過一個奇妙的歷程, 在探索當代藝術的路途上,為我們提供一個選擇的機會:觀眾戴 着耳機,一邊聆聽在世界各地的畫廊和博物館現場錄得的聲音, 一邊在展覽廳漫步參觀。觀眾聽到的和他們在其中踱步的空間之 間有一個差距,他們感到不協調,有些狼狽,原因是這背景聲音 雖然錄自同類場所,但與現場互不相干。

這位聲學藝術家兼作曲家在畫廊2P舉行的展覽還邀我們深入熱 帶森林,作一次精神和身體的旅行。Cédric Maridet自1999年起 便在香港生活和工作。這次,他欲從生態的角度,思考如何以不 同的方式來描述一個特定的環境。透過於馬來西亞國家檳城公園 製作的一組錄音,他嘗試去說明這聲音由來的生態系統。 有聲圖片、攝影、錄像、詞彙表、收藏室等等,這一切都將觀眾 帶到一個既現實 (熱帶森林) 又虛幻的世界。藝術家做着感覺間的 遊戲,將聲音變成線條,將形象變成聲音,讓你切切實實感受一 場經驗,將感性世界嵌入知性世界。從對馬來西亞土地細緻入微 的觀察出發,他為我們提供了收集、梳理涐們眾多感覺和觀察的 方法,這是一些嶄新的工具,不以普通語言為基礎,而以個人經 驗為依據。 他希望些甚麼呢?他希望的是擴大我們對世界的眼界,如同在俄 爾甫斯琴聲的蠱惑下,用耳朵去看,用眼睛去聽,令這種觀察成 為革新的源泉。 Distinct factures 這個標題,來自Pierre Schaeffer (1910-1995) 於 上世紀四十年代末構思的具體音樂。他說「1948年,我提出具 體音樂這一詞。所謂具體這個形容詞,我將它理解為在音樂創作 中來一個顛倒。一反用樂譜記錄樂思,然後將完成的樂章賦予樂 器演奏,而是採集具體的聲音,不管它來自何方,從中提煉出它 緊抱不放的優美樂音。」尤其重要的不是探明聲音發自何處 (其 原因何在),而是它怎樣被捕捉:這裡,我們是以現象學的角度 看問題。當然,觀眾可依據藝術家提供的材料,嘗試認出這聲音 與甚麼有關 (這裡是熱帶森林)。但他也可以將精神集中於材料的 結構、形式,而不理會其意義,徜徉在虛構的世界中。被探視的 物體最終和潛伏的主題混淆起來,人們探索的是一些個人的天 地。

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Baron Langsdorff 這名字也介入這場展覽。 Cédric Maridet 利用這名字,想像這位十九 世紀德國醫生和博物學家的最後一次冒險。 Langsdorff 是1803年至1805年間一支俄國 世界探險隊的成員,他本人亦曾在亞馬遜森 林作一次探險,帶回有關巴西土著豐富珍貴 的資料。那位也許一早就發明了攝影術的 Hercule Florence 和他作伴同行。這拍檔還以 他首創的動物語言學而知名,這是一種記譜 法,可以傳譯出禽鳥動物的叫聲。後來,法 國的作曲家Olivier Messian還利用它來進行音 樂創作。 這個豐富多采的展覽另一個重要面是對馬來 西亞熱帶森林生物群落的描述,亦即在其中 共處的一切生物,動物和植物。藝術家製作 了這些動植物的名稱表,事前以英法兩種語 言高聲朗讀並錄了音。這些名稱一經變成聲 音,便為一個虛構語言打下基礎,提供了敘 述和交流的新的可能。生物群落首先確定了 那 分 享 同 一 空 間 並 形 成一 個 體 系 的 生 物 群 體:這樣它便和語言相近,又或者同族詞重 新組合顯示出意義,開拓出一個共同天地。

Cedric Maridet, le son de l’art, 2012, marche sonore, Art HK12

在內外空間之間來回擺動是 Cédric Maridet 作 品的永恆主題。這証明他欲打破那劃定主觀 世界的感知的界線,這世界經常是被隔離開 的。

他的收藏室《The Soft Science Cabinet, Apis Cerana》混淆了這些界線,邀我們擴展語言 這個觀念。這些收藏室是博物館的前身,出 現在歐洲文藝復興時期,向人們報告社會的 新知和發現。而在這裡,則是以兩張蜂臘製 成的唱片形式出現,是錄製了蜂巢聲音的唱 片的準確模型。Cédric Maridet 再次利用科 學方法從事自己的創作。這次是運用上世紀 三十年代動物行為學的新方法,即室內研究 和野外研究相結合。Karl Von Frish 是研究各 種動物行為的先行者之一,他以研究蜜蜂的 感覺器官和溝通方式而聞名。尤其是他發現 了蜜蜂的一種舞蹈動作,它們借此互相交換 採蜜環境非常精確的信息。這是動物世界裡 的一種特殊語言,而 Cédric Maridet 借助蜂 巢內外的錄音,試圖重新審視人類的溝通方 式。 如同檳城森林的錄音,透過聲譜儀的檢驗, 根據聲音的頻率和強度以線條的形式重新傳 遞出來,蜂巢內外的錄音亦被分解成一些基 本信號,再以不同的方式重新組合,產生出 一個全新的聲音來。沒有加上現場以外的任 何音頻。 收藏室的雜亂只是表面現象。它間接提供了 解釋空間的無限可能性,以及認識空間的同 樣無限的可能性。

French Kiss Une conférence de Jean-François Picimbon, professeur à l’Académie des Sciences de l’Agriculture du Shandong et Directeur du laboratoire de Génomique fonctionnelle. Exemple de traits culturels, le baiser très romantique des Français, les rituels olfactifs de certaines tribus primitives, mais aussi, chez diverses espèces animales, les comportements qui évoquent le “baiser” (l’écureuil, le chien, le chat, le cheval, le cerf, les reptiles, les batraciens, « ... »), les bases biologiques du “baiser” des animaux, les odeurs ou “phéromones” sexuelles du règne animal, le cas des escargots, des oiseaux, des poissons et des insectes, le cas particulier du baiser du cafard, qu'en est-il chez l’homme? L’importance de l’odeur et de la perception olfactive chez l’homme ? L’odeur du soi, le baiser chez l’homme est-il associé à un échange de phéromone?

French Kiss”, conférence par le Dr. Jean-François Picimbon Hong Kong Museum of Medical Sciences No.2 Caine Lane, Mid-Levels, Hong Kong

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15 novembre 2012 Présenté par l’Alliance française de Hong Kong


電影座談會

Ciné-débat

Le Jour se lève (1939) de Marcel Carné

U

n critique américain commentant le film de Melville Deux hommes dans Manhattan (1959) voit dans un plan de seins nus d’une actrice, que le puritain code Hays aux USA n’aurait pas laissé passer, l’indice de la nationalité française du film ! Estce à dire que le cinéma français est libertin ? Le sens à double entente du titre « La nudité déclinée » pose le dilemme : comment parcourir le nu au cinéma tout en échappant à la complaisance, au voyeurisme ? Fautil pour autant refuser par principe le nu au risque de la pudibonderie ? Godard fait feuilleter à Belmondo un magazine de nus dans A bout de souffle (1960), pour mieux cacher sous les draps le corps de ses héros juste après cet étalage médiatique. Dans N’oublie pas que tu vas mourir (1995), un Xavier Beauvois dérobe

que le nu touche à des questions brûlantes, mêlant inextricablement le privé et le public, l’intime et le social. La séance n’offrira probablement pas « les nus les plus osés du monde » (selon la publicité tapageuse vue à Pigalle dans les 400 coups, 1959) ! Mais elle posera les jalons d’une réflexion sur l’acceptabilité du nu au cinéma (« comme ça et pas autrement », dit malicieusement Michèle Mercier dans Tirez sur le pianiste, 1960), et interrogera le seuil au-delà duquel on bascule dans le pornographique (le procès américain des Amants de Malle ne qualifie finalement pas ainsi le film). Filmer le nu est dangereux puisqu’il touche au sexe : le prix à payer est parfois élevé, Brisseau l’a appris à ses dépens (Les Anges exterminateurs, 2006).

La nudité déclinée Texte : Violaine Caminade de Schuytter

pudiquement à la vue derrière une tombe étrusque la première étreinte amoureuse de ses amants alors qu’il a infligé auparavant au spectateur une longue scène de « débauche » sexuelle : deux poids deux mesures ? Montrer ou ne pas montrer ?

Le Mépris (1963) Godard : “I’érotisme, c’est quand le vêtement bâille” (Barthes)

La Belle Noiseuse (1991) de Jacques Rivette : les tourments de la création

Van Gogh (1991) de Maurice Pialat : une sensualité à la Degas

Faut-il masquer pour ne pas voir, ou juste un peu, et deviner ou jouer la carte de la crudité naturaliste (le cas d’un Dumont) ? La censure sourcilleuse brouille l’image, utilisant le flou. Godard use de filtres de couleur (début du Mépris, 1963). D’autres exploitent les éléments du décor en un dispositif réflexif : une vitre sépare les corps nus dans La Captive (2000) de Chantal Akerman. Dans Les plages d’Agnès (Varda, 2008), un filet de poisson fait écran (métaphoriquement surtout puisque le filet est troué !) mais la nudité physique peut en cacher une autre, plus taboue (révélation de secrets). La jolie suédoise des Doigts dans la tête (1974) de Doillon demande aux deux garçons de se détourner pour qu'elle puisse faire sa toilette. Non contents de se prêter au jeu, ils ferment les yeux dans une complicité délicieusement érotique pour écouter le bruit et savourer ce moment d’imagination. Dans Un long dimanche de fiançailles (2004) de Jeunet, le héros se brûle littéralement à l’apparition presque nue d’Audrey Tautou théâtralisée par les jeux de lumière. Ailleurs, les mots, le langage peuvent servir de parade et offrir un contrepoint au dévoilement (la voilette relevée au début de Les deux Anglaises et le continent, 1971). Le comique aussi peut masquer l’émotion de la nudité comme dans Sex is comedy (2001) de Catherine Breillat dont la fin marque cependant le retour du refoulé, à savoir le sentiment s’exprimant dans les larmes, mise à nu morale. Si la nudité est trop souvent gratuitement racoleuse, elle peut avoir une vertu contestataire. Cela dit, être animé d’une volonté de choquer ne saurait être en soi un gage de valeur artistique. Si la nudité continue de défrayer la chronique, d’être auréolée de scandale, c’est

Car le puits duquel sort la vérité (selon le célèbre hommage face à la beauté d’Arletty) peut se révéler véritable boîte de pandore. Bref, on ne saurait filmer le nu impunément. Le premier exposé est cependant le comédien. Pialat fait tourner Isabelle Huppert dans le plus simple appareil dans une scène de Loulou (1980) alors qu’on ne la voit pas telle à l’écran. Mais cette mise en condition place l’acteur en situation de vulnérabilité. Comprenons « acteur » au sens générique, quoique… En effet une réelle discrimination existe, le nu étant plus souvent féminin que masculin (raison de plus pour saluer l’exhibition provocante et obscène du torse tatoué de Michel Simon dans L’Atalante de Vigo -1934). La peinture et la sculpture nous ont légué leur usage traditionnel du nu. Mais sans l’oeil de Varda, qui prêterait encore attention aux « dites Cariatides » parisiennes (court-métrage de 1984) ? Kechiche (auteur du film de 2010 La Vénus noire, Africaine dont la nudité fut offerte en pâture à un public occidental) fait un usage insolent dans le plan final de La Faute à Voltaire (2001) d’une statue callipyge : allégorie polémique d’une France inhospitalière qui tourne le dos aux exclus. Chacun à leur manière, les grands réalisateurs résistent au constat pessimiste énoncé dans Pierrot le fou (1965) de Godard : « on entre maintenant dans la civilisation du cul. » Si le nu a été banalisé au cinéma, les auteurs savent lui restituer son statut exceptionnel et suggérer un mystère inviolable en faisant trembler les clichés. Ne manquez donc pas cette série de nus, parcourue en presque toute décence cinéphile ! Animé par Violaine Caminade de Schuytter Jeudi 11 Octobre 2012, 19h00 Médiathèque de l’Alliance française 52, Jordan Road, Kowloon, Entrée gratuite En Français. Extraits de films avec sous-titres anglais PAROLES

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歷史

Histoire

Grandes et petite Français de Hong Texte : Gérard Henry 敖樹克 撰文 Traduction : Chiu Chor Bing 招楚冰 翻譯

S

aviez-vous que le premier artiste français venu à Hong Kong était en 1838 le peintre Auguste Borget dont on peut encore voir les œuvres aux Musées de Hong Kong et de Macao, que l’architecte français Hermitte remporta en 1861 le concours d’architecture du premier City Hall de Hong Kong, qu’en 1894, le chercheur Yersin de l’institut Pasteur découvrit le bacille de la peste dans sa paillote de Kennedy Town, que le révolutionnaire et espion français Bruno Crémet, envoyé par le Kominterm, rencontra en secret, déguisé en supporter de Foot, le révolutionnaire vietnamien Hô Chi Minh dans un stade de foot à Kowloon pour fonder le parti communiste vietnamien, ou qu’en 1920, Charles Ricou, inaugura la première liaison aérienne Macao-Hong Kong par un service d hydravions qui amerrissaient sur la plage de Repulse Bay au sud de l’île de Hong Kong ? Hong Kong, Présences françaises est un gros ouvrage richement illustré qui raconte les grandes et petites histoires des Français à Hong Kong depuis les origines de la colonie britannique jusqu’à nos jours. La publication de ce livre célèbre le 150e anniversaire de la création du Consulat général de France à Hong Kong. Mais loin d’être un ennuyeux livre commémoratif, c’est un passionnant livre d’aventures de toutes sortes qui contient d’étonnantes histoires dont beaucoup sont ignorées du public. Ouvrage collectif, c’est la somme de recherches effectuées depuis quelques années à Hong Kong, en Asie et en France, par une petite équipe de chercheurs, d’auteurs, d’historiens, sur les traces des Français ayant vécu ou transité par Hong Kong depuis la création de la colonie britannique. C’est aussi une Histoire des Français au sein de l’Histoire de Hong Kong divisée en plusieurs parties chronologiques : Jusqu’aux années 1860 ; Des années 1860 au tournant du siècle ; De 1900 à 1941 ; De 1941 à 1945 : De 1945 à 1980 ; De 1980 à nos jours. On trouve dans chacune de ces parties les mêmes grands thèmes : politique, commerce, religion, marine, communauté, voyage, science, culture, aviation.

Claudel, Segalen, Cocteau, Morand ou Malraux sur les chemins hongkongais Les Hongkongais pourront y retrouver par exemple l’histoire de la création au début du 20e siècle de certains de leurs collèges et écoles comme par exemple Saint Paul par les sœurs de Chartres, le collège Saint Joseph, ou le collège La Salle en 1930. On y retrace l’histoire des Missions étrangères de Paris dont la procure était le vieil immeuble de briques rouges à Central, aujourd’hui siège de la Cour d’appel final. Ces pères missionnaires construisirent à Pokfulam le sanatorium de Bethany et son église néogothique (aujourd’hui l’école de cinéma de Hong Kong) et à côté Nazareth, qui abrita la plus grande imprimerie d’Asie, imprimant dictionnaires, bibles, romans et autres ouvrages en plusieurs langues. Il contient aussi de nombreux récits de voyage de journalistes ou d’écrivains qui au cours de ces 150 ans sont passés par Hong Kong. Paul Claudel, qui ne rejoindra jamais son poste de consul général à Hong Kong, préférant rester en Chine où il vit une histoire d’amour mais fera cependant de son poème Hong Kong l’avant-propos de son recueil sur la Chine Connaissance de l’Est. Victor Segalen qui, arrivant de

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s histoires des Kong nuit le 25 mai 1909, envoie une lettre magnifique à sa femme : « Hong Kong est une chose splendide. Première vision de Chine, car ces monts hautains, aux lignes élégantes et nobles, drapes de brousse verte voile parfois à mi-seins de collines de l’ombre de nuage, cela, c’est de la terre chinoise, malgré la possession anglaise… » Paul Morand lui est moins enthousiaste quand il fait escale à Hong Kong en 1925, car il trouve un Hong Kong au port bloqué par les grèves et les conflits sociaux. « Hong Kong se rouille » écrit-il dans son récit de voyage Rien que la terre publié chez Gallimard. En 1926, André Malraux viendra se procurer des caractères à l’imprimerie de Nazareth pour le journal Indochine. Les journalistes et grands reporters Marc Chadourne et Andrée Viollis, font dans les années 30 un portrait remarquable plus détaillé de la société hongkongaise. Quant à Jean Cocteau, il y arrive à 8h00 du soir en tout hâte le 9 mai 1936, tentant de refaire l’exploit de Phileas Fogg du Tour du Monde en 80 jours de Jules Vernes. A ses yeux Hong Kong n’est autre qu’un gigantesque opéra « La magnificence sordide et la pompe théâtrale de Hong Kong l’emportent sur le spectacle des villes chinoises de la péninsule. Hong Kong, c’est le dragon. Il ondule, se cabre, plonge et s’enroule de tous ces boulevards de rues adjacentes, de bazars qui sont des ruelles, d’impasses borgnes et d’escaliers à pic… » Plus tard, ce sera le beau livre de Joseph Kessel, Hong Kong et Macao (1957). Le livre contient d’ailleurs une belle photo de Kessel vu de dos, marchant dans les rues de Hong Kong au début des années 50. Ce livre, c’est surtout l'image d'une société humaine riche en aventures et en destins personnels souvent étonnants. Il se lit comme un véritable roman, car ces destins ne sont pas toujours exemplaires, qu’ils soient entrepreneurs, banquiers, écrivains ou même espions, escrocs ou prostituées. On y trouve aussi l’histoire d’institutions culturelles comme l’Alliance française créée en1953, ou le Lycée français international Victor Segalen. La culture n’y est pas absente, notamment avec l’influence du cinéma français à Hong Kong, de belles rencontres, comme celles de la critique hongkongaise Ada Loke avec François Truffaut, ou avec les films français qui ont été tournés sur le territoire et des anecdotes avec de grands acteurs comme Belmondo, ou les Charlots venus tourner leur film dans la ville. Un morceau d’histoire française certainement mais surtout d’histoire hongkongaise, car on y croise de nombreux portraits de Hongkongais qui ont entretenu dans le domaine commercial ou culturel d’étroites relations avec ces Français. Il faut ajouter aussi que l’ouvrage est d’une grande qualité éditoriale, qu’il contient de nombreux nouveaux documents visuels retrouvés et encore inédits. Hong Kong, Présences françaises va ainsi d’époque en époque, du XIXe siècle à nos jours, traversant les deux guerres mondiales, la révolution moderniste des années 60, les années 80 qui voient l’essor de la communauté française de Hong Kong, de ses entreprises et de sa programmation culturelle avec le French Cinepanorama, le magazine Paroles, le French May. Il apporte une précieuse contribution à l’Histoire de Hong Kong.

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家知否,首位來香港的法國藝術家是1838年到來

的畫家博爾傑 (Auguste Borget)?他的作品至今仍

可在香港和澳門的博物館中看到,又知否是法國

建築師Hermitte於1861年贏得了香港首座大會堂的建築設 計比賽的?還有,知否是法國醫學研究員耶爾辛 (Alexandre Yersin) 於1894年在香港堅尼地城分離出鼠疫桿菌;是共產 國際派遣法國革命家兼間諜 Bruno Crémet 假扮成一個名叫 何智明的越共借支持足球運動為名,在九龍的一個足球場成 立一個越共組織;又或者,是法國人Charles Ricou 於1920 年為第一條以水上飛機連接香港-澳門的空中航線主持開幕 禮,水上飛機是在港島南面淺水灣的海灘上著陸的?

居港法國人的大小歷史事件

《Hong Kong, Présences françaises》是一本圖文並茂的巨 著,內容詳盡地介紹了自英國殖民時代初期至今日,法國人 在香港的大小歷史事跡。這本書的出版是為慶祝香港駐港總 領事館成立150週年誌慶。但它絕對不是一本沉悶無聊的紀 念冊,而是一本有關各種引人入勝的人生歷程的著作,當中 包括一些使人意想不到,很多更是鮮為人知的故事。這是一 本集體著作,是一個小團隊經過多年努力的成果,這小團隊 的成員包括學者、作家和歷史學家。他們在香港、亞洲以及 法國搜集了一些自香港成為英國殖民地開始曾在香港生活或 定居的法國人的資料。 這亦是法國人在香港歷史中的一段歷史,書中按年代將這段 歷史劃分為幾個階段:直至1860年;由1860年起到世紀交 替的年代:1900年到1941年;1941年到1945年;1945年 到1980年;1980年到今日。而每一個階段都有幾個相同的 大題目:政治、商業、宗教、海軍、社群、旅遊、科學、文 化、航空。

克洛岱爾、謝閣蘭、高克多、莫朗或馬爾羅的香港 之旅 香港人可以在書中找到部份於二十世紀初成立的書院之歷 史,例如由沙爾德女修會創辦的聖保羅書院,聖約瑟書院, 或1930年創辦的喇沙書院。我們也可以在書中重溯巴黎外方 傳教會的歷史痕跡,他們的財務管理處便是位於中環的一座 舊紅磚建築物,即現在終審法院的所在地。巴黎外方傳教會 的傳教士在薄扶林興建了伯大尼療養院和一間新哥德式教堂 (現為香港電影學院),而旁邊的納匝肋印書館是亞洲最大型 的印書館,專門印刷字典、聖經、小說和其他不同文字的著 作。 書中還記錄了不少記者或作家在這150年間到訪香港的小品 文。保羅.克洛岱爾 (Paul Claudel) 並沒有到香港上任香港 駐港總領事的職位,為了愛情,他寧願留在中國大陸,然 而,他以一首題為《香港》的詩作為他的詩集《認識東方》 (Connaissance de l’Est) 作序。域多.謝閣蘭 (Victor Segalen) 於1909年5月25日半夜抵達香港,他寫了一封精彩的信給他 妻子:「香港是燦爛的。這是中國的第一個印象,因為那些 線條素潔優雅,點綴着一叢叢綠色灌木叢的高山……,這 些,都是中國的土地,雖然被英國佔領了……」 保羅.莫朗 (Paul Morand),當他1925年在香港作短暫停留 時就沒有那麼興奮了,原因是他看到的香港正因為罷工和 勞資糾紛而港口被封鎖。在伽里瑪替他出版的小品文《Rien q u e l a t e r re》中他這樣寫道:「香港正在生銹」。1926

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年,為了他的遊記《Indochine》,安德烈.馬爾羅 (André Malraux) 來港到納匝肋印書館希望取得一些印刷用的中文排 版字粒。記者和著名的通訊員 Marc Chadourne 及 Andrée Viollis 在三十年代以出色的手法對香港社會作出了較詳盡的 描寫。至於上尚.高克多 (Jean Cocteau),他於1936年5月9 日晚上八時到港。他嘗試重溯法國作家凡爾納 (Jules Vernes) 的小說《八十日環遊世界》中主人翁 Phileas Fogg 的旅程。 在他的眼中,香港只不過是一齣巨型的歌劇。稍後,於1957 年,Joseph Kessel 出版了一本精美,題為《香港和澳門》 的書。書中的其中一張照片是從背後拍攝Kessel走在五十年 代初期的香港街道上。 這本書其實是一群富冒險精神的人和一些使人意想不到的個 人經歷的寫照。它像一本小說般引人入勝,因為不管這些人 是企業家、銀行家、作家,甚至間諜、盜賊或妓女,他們的 命運往往都不是典型的。書中還介紹了一些文化機構的歷 史,如1953年成立的香港法國文化協會,或是香港法國國 際學校。書中也有講述文化方面的,特別是法國電影對香港 的影響,介紹了一些使人津津樂道的交流,如香港女影評人 陸離與法國電影導演杜魯福之間的友誼,或是一些在香港拍 攝的法國電影和一些著名影星如尚保羅貝蒙多在港的趣聞軼 事,又或是 Les Charlots 樂隊來港拍片。這無可置疑是一段 法國歷史,但亦絕對是香港的歷史,因為當中有不少香港人 的寫照,他們在商業或文化領域上與法國人有着緊密的關 係。還必須補充的是這著作的編輯工作非常出色,書中包括 了不少重新獲得或從未公開過的圖像文件。 《Hong Kong, Présences françaises》從一個時代到另一個 時代一直到我們今天,跨越了兩次世界大戰,介紹了六十年 代的摩登改革,八十年代法國社群在香港的迅速發展,法國 商業機構及法國文化節目如法國電影節、雜誌《東西譚》及 法國五月藝術節都為香港歷史作出貢獻。

Version française : Hong Kong, Présences françaises - Du XIXe siècle à nos jours English version : Hong Kong, French Connexions - From the 19th Century to the Present Day Une initiative de Christian Ramage Un projet du Consulat général de France (Arnaud Barthélemy, Agnès Humruzian) Publié Par Bonham Media LTD, Hong Kong 2012 , ISBN 978988197116 Mise en page de Marc & Chantal Design Auteurs : François Drémaux (Direction éditoriale), Paul Clerc Renaud, Gérard Henry, Alain Le Pichon, Christian Ramage En vente à Parenthèses (version française) et dans les librairies hongkongaises (version anglaise)

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週年紀念

Anniversaire

La librairie Parenthèses : 25 ans de passion pour Texte : Gérard Henry 敖樹克 撰文 Tranduction : Chiu Chor Bing 招楚冰 翻譯 Photos : Copyrights Marc Progin et Librairie Parenthèses

P

2008, Juliette Binoche entourée de l’équipe de Parenthèses au complet, Jenny, Emmanuelle et Madeline

arenthèses, tous les amoureux de la

développer son fonds de littérature en langue

littérature francophone connaissent cette

française. En 1997, elle est rejointe par Emmanuelle,

petite niche dissimulée dans le quartier

une jeune femme française spécialisée en droit

de Central au 2 e étage du 14 Wellington Street.

social, et à elles deux, passionnées et dynamiques,

Elle est aussi fréquentée par tous les étudiants

elles vont faire de cette librairie un vrai foyer de

hongkongais qui apprennent le français et s’y

culture et de rencontres littéraires. Pour cela, elles

aventurent à la recherche d’une méthode ou d’une

sont aidées par diverses institutions comme par

grammaire. Bien d’autres curieux encore viennent

exemple l’Alliance française et le magazine Paroles

s’y flâner dans ses piles de livres à la recherche

avec laquelle elles ont une longue et fructueuse

d’un journal ou magazine de langue française, de

collaboration, en ce qui concerne notamment les

chansons ou musiques françaises, ou simplement

rencontres d’écrivains.

pour bavarder un peu avec les libraires, célèbres elles aussi pour leur bonne humeur et leur accueil chaleureux. Parenthèses, c’est l’unique librairie française de Hong Kong et l’une des meilleurs d’Asie qui attire le public de Hong kong et de Chine du sud. Parenthèses fête à la fin d’octobre ses 25 ans ! Un exploit quand on sait la difficulté de survivre pour les petites libraires de Hong Kong, victimes de la spéculation immobilière, obligées souvent de se réfugier dans les étages de vieux bâtiments sans 2010, Michel Houellebecq et Madeline Progin

ascenseur à Mongkok ou Wanchai. La première librairie française a été créée en 1987, par un Belge qui ouvrit une boutique dans laquelle cohabitaient sa boite de chasseur de têtes, une épicerie fine avec saucissons et foie gras, un journal économique et les livres. En 1987, arrive alors une Suisse romande, Madeline Progin, qui décide de racheter le fonds des livres et, laissant les saucissons de côté, crée La librairie Parenthèses. Très vite, elle trouvera heureusement un moyen de survivre avec la vente des livres

Jin Yong, (Louis Cha), le grand romancier d’arts martiaux chinois

d’école du lycée français et des manuels d’études de langue française pour les étudiants de l’Alliance française, des universités et des écoles chinoises. Ce commerce lui permettra de faire vivre et

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Septembre / Octobre 2012

Plus de cent auteurs se sont assis dans l’unique et célèbre fauteuil de cuir de la librairie, privilège de l’écrivain Le plaisir de cette petite librairie est de s’y assoir sur un tabouret, coincé entre deux piles de livres et d’y écouter un de ces écrivains, acteurs ou artistes de passage lire une de ses œuvres. La première rencontre dont je me souvienne est celle en 1992, du grand poète mathématicien français Jacques Roubaud. Extraordinaire lecteur, il captivait ses auditeurs : « je pense que c’est une nécessité pour la survie de la poésie que d’exister oralement » disait-il. Depuis beaucoup d’autres poètes sont passés, notamment de grands poètes chinois comme Yu Jian ou le hongkongais Leung Ping Kwan (Yesi), qui vint avec son célèbre « compagnon de voyage », un melon amer (kugua). Car Parenthèses est aussi un lieu pour les écrivains chinois et hongkongais, surtout lorsqu’ils sont traduits en français, comme Yesi, Jin Yong (Louis Cha), Dai Sijie, Yu Hua, Mo Yan et le prix Nobel de Littérature Gao Xingjian ou des auteurs de Bande dessinée comme Stella So, Chi Hoi. On trouve à Parenthèses une large sélection de bandes dessinées chinoises et françaises. On y


les livres

Trondheim, Philippe Frank (Largo Winch) et en 1998, Moebius, invité par l’Alliance dans une expo à City Hall. Ce fut l’un des plus beaux moments de la librairie, quand une foule d’admirateurs chinois, jeunes et vieux, vinrent faire signer leurs albums, certains datant des années 1970, par le grand maître mondial de la BD, Moebius. Ce noble fauteuil au cuir lissé a connu de nombreuses célébrités littéraires comme Philipe Claudel, Camille Laurens, Pascale Roze, Catherine Lovey, J.Philippe Toussaint, Guillaume Musso, et bien sur Michel Houellebecq qui, avant de s’assoir timidement dans le fauteuil, fit la veille, une magistrale lecture de ses poésies dans le Makumba, le seul bar africain de Hong Kong. Mais à coté des écrivains, le fauteuil a prêté son vieux cuir au cuisinier Pierre Gagnaire, aux chanteurs Hugues Aufrey et Gérard Lenormand et, autre grand succès populaire de la librairie, la célèbre comédienne Juliette Binoche venue signer son livre de portraits du cinéma.

歐陸圖書公司:廿五載書香情

a d’ailleurs rencontré les bédéistes français Lewis

1996 Gao Xingjian signant La Montagne de l’âme

2007 La Romancière Suisse Catherine Lovey signant L’Homme interdit

陸圖書公司 (Parenthèses),所有熱愛法語文學的人士都會知道這家隱藏在中環 威靈頓街14號二樓的小書店。它同時亦是所有學法語的香港學生找尋輔助教科

書或學習工具書的好去處。亦有不少好奇的人士到來閒逛,有的在一堆堆的書中翻找 心愛的法文報紙雜誌,或是法文歌曲的音樂 CD,亦有的只是前來與那些出名友善熱 情的店員聊天。 歐陸圖書公司,它是香港唯一的一家法文書店,亦是亞洲區最具規模的法文書店之 一,它的顧客來自香港和南中國。今年十月份歐陸圖書公司將慶祝成立二十五週年紀 念!這是值得表揚的功績,因為大家都知道香港的小型書店因受到房地產市場投機的 影響,生存十分困難,為了躲避昂貴租金,很多時被迫設在旺角或灣仔的一些沒有升 降機的舊建築物的樓上。 第一家法文書店由一名比利時人於1987年創辦,他開了一間店鋪,一邊是高級食品 店,專賣野味鑵頭、香料、香腸和鵝肝醬,另一邊賣一份經濟日報和書籍。1987 年,Madeline Progin,一位來自瑞士法語區的女士來到香港,她決定不要香腸,只收 購該批書籍來開辦歐陸圖書公司。沒多久,她便幸運地找到了生存的途徑,就是向法 國學校、法國文化協會、大學及本地學校提供法文課本和教材。這方面的業務讓她得 以維持並擴充法語文學著作的收藏。1997年,持有社會法律專業資格的 Emmanuelle 成為她的合作夥伴。充滿幹勁熱情,她們兩人合力讓這書店成為名副其實的文學和文 學交流之家。在這方面,她們獲得了不同的機構協助,如法國文化協會和《東西譚》 雜誌與書店已建立了長久的合作關係,特別是合作邀請作家來港作交流。

Pour son 25 e anniversaire, Parenthèses prévoit des festivités pour ses lecteurs, ses écrivains et annonce le lancement de son site internet, un nouveau logo, de nombreux concours et d’autres activités non encore annoncées. Elle a invité deux écrivains, le romancier Jacques Baudoin (Shanghai Club) et le Grand prix du Festival de bande dessinée d’Angoulême 2012, Guy Deslile, l’auteur de Shenzhen, des Chroniques birmanes et des Chroniques de Jérusalem. Dédicaces 31 Octobre : Guy Deslile, l’auteur de Shenzhen 1er Novembre : Jacques Baudoin, l’auteur de Shanghai Club Parenthèses Bookshop 2/F, Duke of Wellington House 14, Wellington Street, Hong Kong

2012 Bartabas, l’homme qui parle aux chevaux, entouré de jeunes admirateurs

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作家的特權,超過一百名作家曾坐過書店中著名及唯

2007 Philippe Claudel avec Gérard Henry et Jean Pierre Dumont de L’Alliance française

一的皮製安樂椅

知名人士,如 Philipe Claudel、Camille Laurens、

這小書店的樂趣就是擠在兩排書架之間,坐在小圓凳

Pascale Rose、Catherine Lovey、J. Philippe

上聆聽那些來訪的作家、演員或藝術家們誦讀他們的

Toussaint,當然不能忘記 Michel Houellebecq,

作品。我記得第一次這類活動是1992年,法國著名

在他腆腼地坐在這張安樂椅之前的一天晚上,他

數學家兼詩人 Jacques Roubaud 的精彩朗誦,他完

在香港唯一的非洲酒吧 Makumba 內慷慨激昂地

全將聽眾迷住了:「我認為詩歌若要生存就必須要以

朗讀了他的詩作。

口頭傳達。」

除了這些作家外,這安樂椅也接待過法國名廚

之後有不少詩人曾經來訪,例如華裔著名詩人于堅或 香港詩人梁秉鈞 (又名也斯),他還帶着他著名的「旅 伴」,一個苦瓜。因為歐陸圖書公司亦歡迎中國和香 港的作家,特別是當他們的作品被翻譯成法文,如也

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Lenormand 及著名影星茱麗葉庇洛仙 (Juliette Binoche),她來港為她的電影肖像畫冊舉行簽名 會。 為了這次二十五週年紀念,歐陸圖書公司特別為

高行健,或是一些漫畫家如蘇敏怡、智海。在歐陸圖

讀者、作家預備了一些慶祝節目,並宣佈推出

書公司中我們可以找到大量中文和法文的漫畫。我們

書店的新網址和商標,還舉辦多項比賽和一些稍

曾在那兒見過法國漫畫家 Lewis Trondheim、Philippe

後才公佈的活動。書店邀請了兩位作家來港:小

F r a n k《L a r g o W i n c h》以及1998年應法國文化協

說《上海會所》(Shanghai Club) 的作者Jacques

會邀請來港出席假香港大會堂舉辦的歐洲漫畫展的

B o u d o i n和2012年安古林國際漫畫展的大獎得

Moebius。那是書店值得紀念的一次活動,一大群有

主,漫畫《深圳》(Shenzhen)、《Chroniques

老有幼的漫畫迷帶着他們的漫畫集 (有些甚至是七十

birmanes》及《Chroniques de Jérusalem》的作

年代出版的) 前來要求 Moebius,這位世界著名漫畫

者Guy Deslile。

2007, Le célèbre journaliste et critique de la Radio Suisse Romande, Patrick Ferla, interviewant Madeline Progin pour son émission culturelle “Presque rien sur Presque tout”

Pierre Gagnaire,歌手Hugues Aufrey、Gérard

斯、金鏞、戴思傑、余華、莫言及諾貝爾文學獎得主

家簽名留念。

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那張高雅光滑的皮安樂椅曾接待過無數文學界的


詩詞

Poésie

Leung Ping Kwan, écrivain Texte : Gérard Henry 敖樹克 撰文

Leung Ping Kwan lisant ses poèmes à Hong Kong dans une soirée avec l’écrivain français Michel Houellebecq (2010) Ph. Alliance française de HK

C Une soirée avec Leung Ping Kwan (Poésie et musique) An evening with Leung Ping Kwan (Poetry and Music) (In French and in Cantonese) 25 October 2012, 7:30 pm Médiathèque, Alliance française de HK 52, Jordan Road, Kowloon, HK En collaboration avec la Librairie Parenthèses

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’est dans les cafés, les restaurants, autour d’un verre ou d’un plat que l’on refait le monde, que les idéologues s’affrontent, que les révolutions prennent leur envol. Ou plus simplement, c’est dans ces antres souvent bruyants et enfumés que les cœurs s’ouvrent, que les chemins de vie se croisent, que les langues se délient. Le poète Leung Ping Kwan l’a bien compris, lui qui nous livre à travers ses œuvres, le journal de ses pérégrinations culinaires et géographiques allant de Hong Kong à Toronto en passant par Londres, Berlin, Paris, Bruxelles ou Tokyo, explorant dans chaque cité une spécialité culinaire qui révèle le pays qui se cache derrière, mais aussi des pans d’histoires hongkongaises. La nourriture n’est jamais innocente. A chaque bouchée, à chaque gorgée, les paroles rompent le silence, les souvenirs remontent, permettant à la

vie quotidienne de s’installer à la table des dîneurs. Surgissent alors des images de la ville : Hong Kong dans son passé, son présent, son futur. La clé de ce voyage à la fois réel et intérieur en est à chaque fois un plat : l’oignon dans ses nombreuses couches révèle la complexité de l’identité hongkongaise, le Ying-yang, le fameux « Café-Thé-Lait », l’unique boisson proprement hongkongaise, montre le déchirement entre Orient et Occident de la cité. Pour Leung Ping-kwan, la cuisine et l’art sont intimement entrelacés. Les parfums, les goûts, les saveurs ouvrent les puits de la mémoire et le poète nous convie à un voyage ou l’histoire intime se mêle à la grande histoire. Dans l’un de ses poèmes Voyager avec une citrouille amère, notre poète emmène en effet comme compagnon de voyage, une courge chinoise. Ce curieux légume a un goût que l’on ne saurait oublier. Il ressemble à un poivron vert bosselé et poilu. Sa saveur est trompeuse. Elle séduit par une légère suavité qui devient douce amertume et s’amplifie soudainement jusqu’à vous mordre la langue. Inutile de dire que cette riche palette de saveurs qui va de la douceur à l’amertume vaut largement pour ce poète chinois la madeleine de Proust. L’un des poètes les plus connus de Hong Kong, il appartient à la première génération de ces écrivains nés ou éduqués à Hong Kong après la deuxième guerre mondiale dont l’œuvre se nourrit directement d’une expérience hongkongaise. Cette génération d’intellectuels hongkongais aujourd’hui entre la cinquantaine et la soixantaine étonne par son éclectisme. Leung Ping kwan, tout en ayant une culture chinoise solide, est tout aussi familier avec le nouveau roman français, la poésie underground américaine de la Beat génération qu’avec les grands romanciers sud-américains. C’est aussi un grand connaisseur du cinéma français, en particulier de la Nouvelle Vague qu’il découvrit à l’Alliance française. Il enseigne d’ailleurs la littérature et le cinéma à l’université de Lingnan où il est professeur. Leung s’intéresse à la complexité


hongkongais de l’année

A côté d’essais sur la culture hongkongaise et le cinéma, Le poète a publié de nombreux recueils de poésies et de nouvelles, certains traduits en français, comme chez Gallimard, Îles et continents, qui rassemblent des nouvelles écrites avant la Rétrocession de Hong Kong à la Chine. Hong Kong n’est-elle point une île face à de nombreux continents, proches ou lointains, réels ou imaginaires, qui ont, chacun à leur façon une influence profonde sur la vie de cette cité. La Chine tout d’abord, dont l’ombre, omniprésente, est parfois écrasante. Et puis les autres, Amérique, Australie, Europe, tour à tour selon les aléas de l’histoire, terres d’exil, de refuge, de voyages ou plus prosaïquement terrains d’affaires : « Partir à la recherche des souvenirs est peine perdue ; je pensais autrefois que l’on pouvait tout expliquer, tout régler dans le temps et l’espace, mais j’ai découvert que c’est une illusion. L’histoire fait bloc. Nous nous adressons à l’actualité à travers des fentes. » Cette dernière phrase résume parfaitement l’œuvre de Leung Ping Kwan, qui explore le thème de l’individualisme de l’homme moderne, plongé dans une société en mouvement constant, qui ne semble avoir aucune assise certaine et un futur quelque peu prévisible. Leung Ping Kwan (nom de plume Yesi ) a publié plus d’une trentaine d’ouvrages et est traduit en anglais, allemand, français, japonais, norvégien. Œuvres en français Îles et continents (Gallimard 2001, traduit par Annie Curien), City Poetry ( Hong Kong 2001, 4 poèmes, Trad. Sonia Au Kalai et G. Henry) De ci, de là des choses (Editions You-Feng, Paris, 2006, Trad. Annie Curien, Sonia Au Ka-lai et G. Henry,) En ces jours instables, 2012, Editions mccmcreations, Hong Kong, trad. Camille Loisier )

梁秉鈞,香港年度作家

des relations entre colonialisme, post colonialisme, histoire et traditions chinoises face à la modernité : « A Hong Kong, nous n’avons pas été élevés dans deux cultures, mais plutôt parmi des cultures hybrides et fragmentées » dit-il.

Leung Ping Kwan, Ph. Gérard Henry

變世界的決策很多時候都是由那些理想家在咖啡座、餐館邊吃邊喝之時作出 的,他們手執一杯啤酒或餐酒,面對一桌子的佳餚,在一輪針鋒相對後,終 於作出決定,無數革命就是如此這般的爆發了。或是較簡單的,在這些龍蛇 混雜、噪吵及煙霧瀰漫的氣氛中,人們較容易說出心中話、不受語言障礙地作生命的 交流。梁秉鈞深明此道,並透過他的作品,一本食事地域誌帶我們經由香港到倫敦、 柏林、巴黎、布魯塞爾或東京,沿途探索各地的特色美食,除了藉當地的飲食文化來 認識隱藏背後的國家和城市外,更述說一段段香港的歷史故事。

食物從來都不是簡單的一回事。每吃一口都能喚起記憶,閒話家常打破沉默,散落滿 餐桌的是用餐者的日常生活。這城市的影像一幅幅浮現出來:香港的過去,現在和將 來。這些旅程既是現實又是心靈的,而其中的關鍵是每一次都配以一道菜式:洋蔥, 剝開一層又一層,喻意港人複雜的身份,著名的「鴛鴦」是一種典型的香港飲品,它 代表了香港中西混雜的文化。就梁秉鈞而言,美食與藝術是息息相關的。色、香、味 能喚起深藏的記憶,梁秉鈞邀請我們作一次交織着個人經歷與歷史的旅程。在他的其 中一首詩作《帶一枚苦瓜去旅行》中,我們這位詩人的確帶著一個苦瓜,把它當作旅 伴一起出遊。這個奇特的瓜有一種讓人難以忘懷的滋味,它外表像一個綠色的甜椒, 凹凸不平,毛茸茸的。它的味道欺人,開始,它以一種微微的甘甜誘惑你,接著便成 一種甜中帶苦的滋味,突然間又變得苦不可擋,直刺你的舌頭。對這位華裔詩人來 說,這種由甜到苦而變化多端的滋味,毫無疑問可媲美普魯斯特的瑪德萊娜蛋糕。 梁秉鈞是香港最著名的詩人之一,是第一代於二次世界大戰後出生或是接受教育的香 港作家,其作品的題材都是來自直接的生活體驗,他們這一代已是五十多六十歲的文 化界人士,對文化藝術的興趣範圍十分廣泛。除了本身有着深厚的中國文化根基外, 對法國新派小說、美國新一代的地下詩或是美國南部的著名小說家同樣熟識;他亦是 一位電影發燒友,而自從他在香港法國文化協會欣賞過法國新浪潮電影後更愛上了這 類電影風格。他現任香港嶺南大學中文系比較文學講座教授,專門教授文學與電影。 梁氏特別關心殖民主義、後殖民主義、中國歷史和傳統文化面對現代化改革所衍生的 複雜關係:「與其說我們是在兩種文化中長大,不如說是在一些混雜和破碎的文化中 成長更為恰當」他這樣表示。 除了一些有關香港文化和電影的小品文之外,梁氏也出版了多本詩集和短篇故事,部 份更被翻譯成法文,例如伽利瑪出版社的《島和大陸》,當中收錄了一些他在香港 回歸中國前所作的短篇故事。香港正好就是一座面對多個大陸的小島,無論是遠的或 近的,真實的或想像的,這些大陸均各自以不同的方式對這座城市的生活作出深遠的 影響。首先是中國,它無處不在的影響力籠罩着整個香港,有時頗有太山壓頂之勢。 而其他如美洲、澳洲、歐洲等大陸則視乎歷史事件的影響,相繼成為香港人移民,避 難,旅遊或世俗一點,從商的地方。「追記的故事總沒法追上眼前的現實,眼前的事 又不斷修改我的記憶。追逐過去是徒勞的,以前我老想甚麼事都可以交代,都可以時 空順序,後來發覺這只是一個幻象,歷史黏在一起,我們在隙縫間向現在發言。」 最後的這句話正好完美地概括了梁秉鈞的作品。其作品的主題主要是探討現代個人主 義在一個動盪不安,沒有肯定基礎並且前景不明的社會中如何自處。 梁秉鈞 (筆名也斯) 出版了超過三十本著作,並被翻譯成英文、德文、法文、日文和挪 威文。

PAROLES

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攝影

Photographie

Hong Kong Internatio Photo Texte : Gérard Henry 敖樹克 撰文 Photos : Provided by Hong Kong International Photo Festival

L

ancé il y a deux ans sous forme de biennale par la Hong Kong Photographic Culture Association, le Hong Kong International Photo Festival revient à Hong Kong avec six expositions majeures et un

grand nombre d’activités qui visent les jeunes photographes et le public. « Nous espérons créer un festival dans lequel chacun peut participer, dit Le photographe Leong Ka Tai, son président, non seulement les amateurs de photographie mais aussi les gens ordinaires qui ne connaissent pas la photographie mais la considère comme une part de leur vie. » Le festival a organisé avec le HK Jockey Club Club et Art Promotion Office un projet dénommé « Eye to Eye » qui implique un vaste éventail de groupes sociaux, de de minorités ethniques, de nouveaux immigrants, dans un ensemble d’ateliers de photos qui ensuite leur permettra de documenter leur propre vie, avec l’aide de photographes hongkongais. Le but est d’arriver à un vaste projet documentaire social sur la vie de la société hongkongaise. Les programmes du festival sont très nombreux, nous en présentons 尼泊爾中四學生Dipti 拍攝她的同學們 工作坊期間作品 Secondary school Nepali girl Dipti took this picture of her schoolmates

seulement les grandes expositions.

年前由香港攝影文化協會創辦,以雙年展的形式舉行的香港國 際攝影節今年以六個大型展覽和大量以青年攝影者和公眾為對 像的活動再度舉辦。攝影節的主席梁家泰說:「我們希望舉辦

一個所有的人,不單只是攝影愛好者,而是一些不懂攝影,只視攝影為他 們生活的一部份的普通人都能夠參與的攝影節。」攝影節與香港賽馬會及 藝術推廣辦事處合作舉辦一個名為「另眼.相看」的社會紀實攝影巡迴展 覽,從基礎工作坊、公開招募到展出作品,展覽集合了35種不同閱歷, 有小數民族的,新移民的,他們以不同目光看世界,交織出城市的多彩多 姿。 攝影節的活動非常之多,我們只可在此介紹幾個大型的展覽。

大學生Dennis 拍攝記憶力衰退的爺爺 工作坊期間作品 University student Dennis Man tried to retain memory for his 90-year-old grandpa with his camera.

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nal Festival 自拍像 釧路 北海道1971 森山大道 “auto-portrait” Kushiro, Hokkaido 1971 Daido Moriyama

向日葵 東京 1990 森山大道 “Sunflower” Tokyo, 1984 Daido Moriyama 2

香港國際攝影節

« L’Esthétique photographique de Daido Moriyama » 《森山大道的攝影美學》 Texte : Sonia AU Ka-lai

文:歐嘉麗

Daido Moriyama, souvent dénommé le « Cartier Bresson du Japon » et «le Maître du Snapshot », invité pour la première fois à Hong Kong par le Festival International de la Photographie, est venu le 18 Août rencontré son public hongkongais, lors d’un séminaire intitulé « Between the Whites and Blacks, Blacks and Whites of Daido Moriyama » à la Bibliothèque centrale. Son pas décidé, la forte stature de son dos, sa chevelure encore épaisse, ne laissaient deviner à personne son âge de presque 74 ans. Arrivé en retard, il a calmement répondu à toutes les questions, les retournant vers des pensées qui allaient même bien au-delà. Influencé par la photographie de William Klein, Daido a toujours l’appareil à la main lorsqu’il flâne dans les rues, comme un chien sauvage à la recherche de sa proie, saisissant sur le vif les paysages mouvants de la cité, en flous, en contrastes noirs et blanc très prononcés, en images à gros grain : « La première étape de la photographie urbaine, c’est de descendre dans la rue, regarder tout objet quel qu’il soit et le photographier, suivre son intuition et mâchonner la ville jusqu’à en sentir l’atmosphère et le parfum. »

被譽為「日本布烈松」和「街拍大師」的森山 大道, 獲2012年度香港國際攝影節之邀首次來 港,在8月18日從觀眾席上大步跨進中央圖書館 《森山大道的虛虛實實、實實虛虛》攝影講座 裏。他那健碩的的背部線條配合了依然濃密的頭 髮, 讓誰都猜想不到他已近74歲的高齡。姍姍來 遲的他,氣定神閑地回答所有問題,又柔和地把 問題帶到問題以外的思考上。總揹著相機浪蕩街 頭的森山,深受 William Klein 攝影作品的影響, 喜歡如野狗追尋獵物般,以模糊、晃動、脫焦、 高反差和粗粒子的黑白照片,捕捉城市生活裏種 種瞬間呈現的動態風景:「拍攝城市的第一步, 就是走上街頭,看到什麼,拍什麼,以直覺和感 觀去嘴嚼城市的氣味。」

La photo est le pinceau par lequel Moriyama exprime ses émotions, la ville est la mer et la forêt qui nourrit son œuvre. Quant à utiliser quel objectif, angle de vue, sujet, à ce genre de questions, il répond par cette sensibilité qui lui fait saisir des sujets originaux et les transformer selon une esthétique qui brise leur nature jusqu’à les rendre étrangères à l’original. : «Être photographe, c’est mitrailler, mitrailler sans raison préméditée. Un objet photographique riches en couleurs, le contraste du noir et blanc, peuvent produire une atmosphère de rêve. En réalité dans la prise de vue, noir et blanc ou couleur, ne font pas de différence. Manuel ou numérique sont tout aussi bons, tout ce qui peut prendre une bonne chose est un bon outil. Je prends principalement des Snapshots de rue, je ne sais pas comment photographier le corps féminin. La femme, je la photographie au hasard des rencontres, s’il ya des modèles, je suis trop timide. » A vrai dire, la seule chose, en dehors de la mort, qui peut l’empêcher de prendre une photo est la rencontre à Shinjuku, des acteurs de Kabuki, c’est l’unique moment où il ne peut pas appuyer sur le déclencheur de l’appareil : « J’ai un grand désir de les photographier, mais la timidité m’en empêche. » Moriyama est très ami avec un grand maître de la photographie japonaise, Araki, ils ont couru les rues ensemble, la caméra à la main : « Notre style et nos sujets sont très proches mais Araki est plus détendu, il peut faire venir un groupe de filles et les photographier comme il veut, quant à moi, je suis comme un voleur, me cachant pour prendre la photo secrètement ! »

照片是森山表達情感的畫筆,而都市,則是孕育 他作品的大海和森林,至於用什麼鏡頭、角度、 風格和主題拍攝等問題,他以異化物像原形的拍 攝感性和「破題」的美學角度回答:「作為一個 攝影師,就是拍,不想原由地拍攝。色彩照片 的對比層次比較豐富,而黑白的,卻可以呈現出 夢幻的心態。其實在拍攝時,黑白的,彩色的, 沒什麼差別。手動也好,數碼也好,能拍到好東 西的,就是好工具。我以街頭快拍為主,不懂得 如何拍攝女性身體。女性是偶遇的主題,偶上便 拍;要是有模特兒在場,我卻很害羞。」他誠然 除了死亡後不能拍照以外,遇上新宿歌舞伎的 剎 那,就是他唯一無法按下快門的時候:「我 很想拍,但怕羞。」森山與日本另一為攝影大師 荒木經惟為好友,常常一起跑到街上拍照:「我 們在拍攝的題材和風格上雖然都很接近,但荒木 拍得比較輕鬆,找來一群女孩子,就可以盡情拍 照;我嘛,就如賊一般,躲起來偷偷的拍。」

Reflextion and Refraction Daido Moriyama 6 October-4 November 2012 ArtistTree, 1/F Cornwall House Taikoo Place

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Photographie de Vincent Boisot

影像編者 伍啟豪 “Image Editor” Roger Ng Kai Ho

La photo de presse mondiale 2012

Post-Straight : Photographie contemporaine de Hong Kong

世界新聞攝影展2012 Ce concours photo de la presse mondiale est né en 1956 en Hollande, il est devenu le concours le plus prestigieux parmi les photographes de presse. Chaque année plus de 10000 photographes y participent. Il permet de revoir l’actualité d’une année et reflète la culture humaine à une époque donnée. C’est la première expo en Asie de l’Edition 2012. 這新聞攝影比賽於1956年在荷蘭誕生,它現今已成為新聞攝影界最具權威 的比賽。今年的參賽攝影師超過十萬人。這些參賽照片帶我們重溫去年的 世界大事,從而反省人類今天面對的各種問題。 World Press photo 2012 7 October- 20 october D-mart, Hong Kong Design Institute 3, King Ling Rd, Yseung Kwan O, NT

後直:當代香港攝影 Les derniers développements de la photographie de Hong Kong des années 90 à nos jours à travers les photos de 17 photographes. Les nouveaux outils photographiques ont permis à la jeune génération de s’aventurer dans de nouveaux domaines, les frontières entre photographie et art plastique sont brouillées, de nouveaux styles ou genres apparaissent. 這展覽透過十七位攝影師的作品展示由九十年代到今日,攝影在香港的最 新發展趨勢。新的攝影工具令年輕一代的人更容易探索新的領域,攝影和 造型藝術的界限變得模糊,湧現出一些嶄新的風格和流派。 Post-Straight : Contemporary Hong Kong Photography 12 October-5 November, Coutyard Sideway, 1/F, HK Heritage Museum, Shatin

陳步墀與友人 Chen Pu-chi and His Friends 蔡經仁藏 Collected by Tsai King Yan

“Testus 032” Digital C Print, 2010. Park Seung Hoon 朴昇勳

Visions parallèles : photogaphie contemporaine coréenne et japonaise

L’album photo du Marchand poète Chen Pu-chi

平行視野:日韓當代攝影展

乾泰隆儒商 陳步墀相簿

Cinq jeunes femmes japonaises reflètent l’état d’esprit de la jeune génération. Huit photographes coréens montrent un style plus poétique, près de la fiction littéraire.

L’album privé de Chen Pu-chi (1870-1934)n’est pas seulement au sujet de sa personne. Il reflète la vie d’une classe sociale particulière, celle des lettrés hong kongais au début du siècle dernier. C’est une rare collection de photographies

五位日籍女攝影師以照片反映日本青年一輩的心態。八位韓國攝影師展示 韓國當代攝影一種較為詩意,更富「文學性」的攝影風格。

dont les négatifs seront aussi exposés.

Parallel Visions: Japan and Korea Contemporary Photography Exhibition 13 October-14 November, Pao Galleries, HK Arts Centre, 2 Harbour Road, HK

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陳步墀(1870-1934年)相簿留下的不僅是個人記憶,更是上世紀初香港文人 的生活寫照。這些照片的珍貴玻璃底片亦將會同時展出。 Poet Merchant of Kin Tye Lung Chen Pu-Chi 26 Oct-3 December, Hong Kong heritage Discovery Centre, TST, KL Park


藝術與歷史

Art et Histoire

Entre le 17e et le 18e siècle en Chine, splendeur sans décadence Texte : Frank Vigneron 韋一空 撰文 Traduction: Wong Yan Tak 王人德 翻譯

Théorie de la peinture individualiste – Les « Huit Excentriques de Yangzhou » (1) *Left: Jin Nong 金農(16871764), Paysages et personnages 《山水人物冊》, page d’album, encre et couleur sur papier, 26.1 x 34.9 cm. Musée de Shanghai. *Right: Jin Nong 金農 (16871764), Paysages et personnages 《山水人物冊》, page d’album, encre et couleur sur papier, 26.1 x 34.9 cm. Musée de Shanghai.

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armi ceux qui développèrent le plus l’idée d’une expression personnelle, on trouve un groupe d’artistes qui allaient donc être nommés les « Huit Excentriques de Yangzhou ». Cette expression apparut en fait pour la première fois en 1871 dans un ouvrage composé de biographies critiques écrit par Li Yufen 李玉 棻 (Ouboluoshi shuhua guomukao《甌缽羅室書畫過目

考》). Il existe, dans d’autres histoires de la peinture de la même période, de nombreuses listes différentes de ces « excentriques », la plus souvent retenue étant la suivante : Zheng Xie 鄭燮 (1693-1765), Jin Nong 金農 (1687-1763), Luo Pin 羅聘 (1733-1799), Li Fangying 李方膺 (1695-1755), Wang Shishen 汪士慎 (1686-1759), Gao Xiang 高翔 (16881753), Huang Shen 黃慎 (1687-1766) et Li Shan 李鱓 (16921762). Encore une fois, ce groupement n’a pas tant de rapport avec leurs styles qu’avec le fait qu’ils ont tous été actifs dans la ville de Yangzhou. Cette liste comporte treize noms dans d’autres listes établies au 19e siècle et nous verrons un exemple de chacun de ces treize artistes dans cette section.

Zheng Xie 鄭夑 (1693-1765), Une paire de pins《雙松圖》, rouleau à suspendre, encre sur papier, 201 x 101 cm. Musée Provincial du Shandong.

Profitant de l’atmosphère de liberté intellectuelle qui régnait dans cette ville, ils choisirent de s’exprimer par des techniques et des compositions complètement insolites. De telles pratiques les mettaient clairement en opposition aux principes des écoles orthodoxes, comme l’école de Loudong ou de Yushan qui étaient fermement enracinées à la capitale et dans d’autres centres artistiques de cette

période. Tandis qu’ils changeaient la prépondérance accordée au paysage en faveur de la représentation des « Quatre Gentilshommes » (Si Junzi 四君子, c’est-à-dire la fleur de prunier, l’orchidée, le chrysanthème et le bambou), et dans certains cas la peinture de personnages, ce ne fut pas tant dans leurs choix de sujets que dans leur traitement novateur de thèmes traditionnels que les Excentriques s’illustrèrent. Lettrés-officiels ou artistes professionnels, la plupart d’entre eux avaient été formés aux méthodes des lettrés mais étaient aussi en position de recevoir des commandes de leurs mécènes. La culture hétérogène de Yangzhou encourageait ainsi la diversité des goûts et créa un climat très ouvert dans lequel des peintres aux expériences et aux cultures très différentes pouvaient montrer leur indépendance et leur esprit d’aventure. Encore de nos jours le plus célèbre des Excentriques, Zheng Xie 鄭燮 (1693-1765) fut un poète, un essayiste, un calligraphe et un peintre de tout premier ordre. Connu aussi pour son sens du devoir, il remplit ses fonctions d’officiel avec un zèle dont ses lettres sont encore les témoins aujourd’hui (on pourra lire les lettres que Zheng Xie envoya à sa famille et où il fait montre d’une efficacité et d’une bonté qu’on ne pouvait pas voir très souvent de la part de ces fonctionnaires. Voir Zheng Banqiao : Lettres familiales (traduction et notes de Jean-Pierre Diény), Paris : Encre Marine, 1996). La pauvreté dans laquelle il vécut fit de lui un dénonciateur des inégalités de la société chinoise de

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son époque et c’est dans cette attitude que sa réputation d’étrangeté trouva sa première source. En fait, il faut bien constater que le terme d’Excentrique accordé à ces peintres venait aussi souvent d’un jugement sur leur comportement que d’un jugement sur leur style de peinture. Autre signe étrange de sa part dans cette société où les lettrés faisaient encore profession de mépriser l’argent (bien que la réalité ait été fort différente), après s’être retiré de ses fonctions, et fatigué d’avoir à peindre quelque chose pour quiconque le lui demandait, il afficha une liste de tarifs sur sa porte, cet acte faisant de lui le premier des peintres lettrés à demander ouvertement paiement pour une œuvre. Ses peintures, généralement de bambous ou d’autres « gentilshommes », sont faites de coups de pinceau rapides et élégants. Très célèbre en son temps, on trouvait déjà de nombreux faux de ses peintures de bambou de son vivant. Comme Zheng Xie, Jin Nong 金農 (1687-1763) fut un lettré accompli. Fin connaisseur d’inscriptions bei et tie, il ne commença à peindre qu’à la cinquantaine, n’ayant jusque-là pratiqué que la calligraphie. Il ne

Zheng Xie 鄭夑 (1693-1765), Un buisson de bambou《叢竹圖》, rouleau à suspendre horizontal, encre sur papier, 91 x 170 cm. Musée du Palais de Shenyang.

connut d’abord aucun succès et en fut réduit parfois à vendre des lanternes pour survivre. Sans même passer l’examen, il lui fut accordé le prestigieux titre de « Lettré au vaste savoir », position qui aurait pu lui assurer confort et stabilité s’il ne l’avait pas refusée, de peur d’avoir à compromettre ses idées sur les « recherches textuelles ». Comme Zheng Xie, les « Quatre Gentilshommes » furent ses sujets de prédilection, quoiqu’il se soit essayé parfois à la peinture de personnages dans son style étrange qui fait parfois penser, comme j’essaierai de l’indiquer plus tard, à la peinture naïve d’Europe. Malgré la gloire de ces deux artistes, c’est pourtant Li Shan 李鱓 (1692-1762), qui n’eut pas vraiment de succès de son vivant, qui eut le plus d’influence sur les peintres du 20e siècle. Mêlant certains aspects de la tradition académique des Song, en particulier dans le choix de ses sujets, à un emploi du pinceau-encre plus « abstrait », il développa une façon très neuve de représenter les animaux et les fleurs. Huang Shen 黃慎 (1687-1766), quant à lui, provenant d’une famille pauvre et décidant de demeurer peintre professionnel, se spécialisa dans la peinture de personnages, dans une veine à la fois très individuelle et populiste. Peintre professionnel lui aussi et pauvre toute sa vie, Wang Shishen 汪士慎 (1686-1759) se spécialisa dans la pratique de la calligraphie et d’une peinture dans laquelle il essaya de réanimer les choix stylistiques de la grande peinture lettrée des Yuan. Li Fangying 李方膺 (1695-1755), sans doute celui qui continua la tradition de Bada Shanren de la façon la plus fidèle, fut aussi fasciné par l’étude

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des inscriptions bei et tie. Cet intérêt se retrouve aussi dans les calligraphies de Gao Xiang 高翔 (1688-1753) qui, en tant que peintre, aima mêler une interprétation libre de la peinture d’architecture à la peinture de personnages. Pour finir, Luo Pin羅聘 (1733-1799), le plus jeune des Excentriques qui étudia sous la direction de Jin Nong (pour qui il exécuta de nombreuses peintures que son maître devait signer), préféra consacrer une grande partie de sa production aux portraits et aux images de fantômes qui le fascinaient. Hua Yan 華喦(1682-1756) n’est généralement pas inclus dans la liste des Excentriques, mais sa présence à Yangzhou et la richesse de son style, bien que celui-ci ne soit pas aussi ouvertement original que celui des autres puisqu’il aimait recréer certains des choix des peintres de l’académie des Song du Sud à travers le style du peintre orthodoxe Yun Shouping, lui ont toujours donné l’occasion d’être mentionné avec les autres artistes de cette liste. De même Gao Fenghan 高鳳 翰(1683-1748), quoiqu’ami des huit Excentriques que nous venons d’énumérer, n’a été inclus que dans la liste de treize Excentriques et n’est parfois même pas considéré comme un des leurs par les historiens de l’art du 19e siècle car son séjour à Yangzhou a été relativement court. Son style, dérivé de celui de Shitao, a pourtant eu une influence considérable sur les autres Excentriques et en particulier Li Shan. Cette liste allongée comporte aussi des peintres de personnages, inspirés par le style de Huang Shen, comme Min Zhen 閔貞 (1730- ?), des peintres de fleurs et d’objets comme Bian Shoumin 邊壽民 (1684-1752), Chen Zhuan 陳撰(1675-1758) ou Shangguan Zhou 上官周 (1665- ?). Mais, bien évidemment, aucun de ces peintres ne se spécialisa exclusivement dans un de ces genres et ils continuèrent à pratiquer d’autres genres, bien que minoritairement, tels que le paysage. Au même moment et dans la même ville, d’autres peintres continuèrent des styles entièrement différents et parfois beaucoup plus proches des œuvres de l’ancienne école de Zhe, avec son professionnalisme qui avait été méprisé des lettrés de la dynastie Ming et du début de la dynastie Mandchoue, ou même de la peinture de cour. Cai Jia 蔡嘉(actif 18e siècle) fut un peintre de paysages et de personnages, ami de Wang Shishen et Gao Xiang. Les deux frères Yuan Jiang 袁江 (actif 18e siècle) et Yuan Yao 袁耀(actif 18e siècle) se spécialisèrent dans une peinture paysagiste incluant de nombreux détails et des structures architecturales, très proche de la grande tradition descriptive des Song du Nord. Un peu plus tardivement, on compte à Yangzhou des peintres comme Ni Can 倪璨(1764-1841) et Zhang Cining 張賜寧 (1743- c. 1817) dont la renommée dans les annales de l’histoire de l’art fut assez injustement éclipsée par l’importance des Excentriques. De même, leur respect affiché de la tradition orthodoxe les rendit moins intéressants aux historiens du 20e siècle qui voyaient dans leurs travaux un regrettable retour en arrière. Avec ces peintres moins connus, on peut achever un portrait artistique un peu plus complet de cette extraordinaire ville de Yangzhou où la recherche littéraire était encouragée ainsi que tous les genres de peinture possibles. Le fait que des styles plus personnels y aient été plus visibles (surtout aux yeux d’une histoire de l’art encore hantée par l’exigence d’originalité datant du modernisme) ne doit pas nous faire ignorer d’autres artistes tout aussi actifs et qui préférèrent se tourner vers la longue tradition de la peinture. Cette versatilité dans le choix de thèmes et de styles est cependant une chose qu’il est possible de trouver aussi relativement souvent dans des centres plus anciens de production artistique.


十七、十八世紀之間的中國:興盛不衰

Huang Shen 黄慎 (1687-1768), Vieillard portant de fleurs《捧花老人圖》, rouleau à suspendre, encre et couleur sur papier, 154.3 x 63 cm. Musée des Arts Populaires de Shanghai.

揚州八怪(一)

Huang Shen 黄慎 (1687-1768), Vieux pêcheur avec sa femme《漁翁漁婦圖》, rouleau à suspendre, encre et couleur sur papier, 118.4 x 65.2 cm. Musée de Nanjing.

個人風格的理念發展至盡的非後來

偶爾亦嘗試作些人物畫。他古拙簡括的風格

人們稱之為「揚州八怪」的一群畫

令人想起歐洲的童趣畫,這我稍後將另作介

家莫屬。這稱謂始於1871年,在李

紹。和上述兩位相比,李鱓在生時成就不

玉棻的畫家評傳《甌缽羅室書畫過目考》一

大,但他對二十世紀的畫家卻影響至深。他

書裡初次出現。在同一時期的其他一些畫史

將宋代宮廷院畫的一些方面,尤其是題材的

裡,這些被人稱「怪」的畫家名錄亦多有不

選擇上,與「抽象」的筆墨運用相融合,創

同。一般是指鄭燮(1693-1765)、金農(1687-

造了全新的花鳥畫表現手法。黃慎則出身寒

1763)、羅聘(1733-1799)、李方膺(1695-

微,矢志做一名專業畫家,專攻人物畫。他

1755)、汪士慎(1686-1759)、高翔(1688-

的畫極富個人特色亦十分通俗。汪士慎亦為

1753)、黃慎(1687-1766)及李鱓(1692-1762)

一名專業畫家,一生清貧,書畫兼長。他在

等八人。我再說一遍,這個畫家群體與其風

畫中竭力再現元代偉大文人畫的風貌。李方

格抑或他們同時活躍於楊州這一事實並無太

膺可謂八大山人風格的最忠實傳人,他亦醉

大關係。十九世紀時,一些名單更擴大至

心於碑帖研究。高翔的書法亦有碑帖的韻

十三人,在此,我們將逐一予以介紹。

味,作為畫家,他愛將描寫亭台樓閣的繪畫

利用瀰漫於揚州城的思想自由的空氣,他們 在畫技及在構圖佈局上極盡標新立異之能 事。這些藝術實踐把他們置於正統派的對立 面,諸如深深植根於京城及其他地方的婁東 派或虞山派。他們熱衷於繪製「花中四君

隨意散漫地融入人物畫中。最後是羅聘,八 怪中最年輕的一位。他師學金農,常越俎代 庖,代師傅製作許多畫,並由師傅落款署 名。他的作品大都為人物肖像及令他痴迷的 魑魅魍魎。

子」,即梅、蘭、竹、菊,有時也作些人物

華喦(1682-1756)一般而言不包括在「八怪」

畫,改變了傳統文人畫以山水為尚的風氣。

名單內,由於他喜以正統派畫家惲壽平的風

他們之所以揚名於世,不在於對繪畫題材的

格再現一些南宋宮廷畫家的作品,個人風格

選擇或對傳統題材處理手法的創新。文人士

不如其他畫家突出,但因他長住揚州以及繪

大夫或專業畫家,他們大多數人均在文人精

畫風格多樣化這點,令他有幸常與「揚州八

神的薰陶和哺育下成長,但亦樂於接受藝術

怪」畫家一起被人提及。高鳳翰(1683-1748)

資助者的索畫。揚州城文化的多樣性刺激並

雖為「揚州八怪」的朋友,但他的名字只出

催生了各種脾胃好尚,創造了一種開放氣

現在另一份十三人的名單上。由於他居停揚

氛,以致人生經驗、文化素養各異的畫家均

州的時間相對較短,十九世紀的畫史家並不

能在其中一展各自的獨創精神。

把他歸入「八怪」的行列。他的畫風師承石

鄭燮在今人眼中依然是八怪中最負盛名者。 他集詩人、散文家、書法家和一流畫家於一 身。他為官清正廉潔、忠於職守,這在其家 書中可見一斑(可讀《鄭板橋家書》,他在家 書中透露出的才幹和善心,在官場中實為罕 見。該書有Jean-Pierre Diény 翻譯並註釋的法

濤,對「揚州八怪」尤其是李鱓的影響頗 大。這個加長了的名單裡還包括深受董慎畫 風影響的人物畫家閔貞(1730-?)、花鳥畫家邊 壽民(1684-1752)、陳撰(1675-1758)及上官周 (1665-?)。但顯然,他們之中沒有一人局限於 一格,均嘗試其他題材,如山水畫的創作。

文譯本《Zheng Banqiao : Lettres familiales 》

在同一時期同一個城市裡,其他畫家繼續創

巴黎E n c re M a r i n e出版社,1996年)。他生

作風格迥異的繪畫,有時極近浙派風格,帶

活貧困,令他對當時中國社會的不平等作鞭

着早已為明代和清初文人所鄙視的匠氣,甚

韃揭露,這是他博得「怪」稱譽的初因。事

至創作一些宮廷畫。蔡嘉(活躍於十八世紀)是

實上,把這些畫家稱作「怪」還來自他們的

山水人物畫家。袁江、袁耀兄弟(活躍於十八

乖戾行為及繪畫風格。鄭板橋之所以被稱為

世紀)長於界畫樓台亭閣,工致細膩,有宋法

「怪」還在於這一事實,即在一個文人仍自

遺風。稍晚些,活動於揚州的畫家尚有倪璨

詡鄙視金錢為高尚的社會裡(雖然事實並非完

(1764-1841)和張賜寧(1743-c.1817),他們的

全如此),他在辭官退隱後,由於疲於為求畫

聲譽在藝術史裡,為「揚州八怪」的光芒所掩

者作畫,竟在自家門上張貼出畫的價目,這

蓋,甚為不公。此外,由於他們對正統派傳統

令他成為公開鬻畫的文人畫家第一人。他的

的恪守,致使二十世紀的藝術史家對他們失去

繪畫題材多為蘭、竹、菊,尤其擅長墨竹,

興趣,並在他們的畫作中看到了令人扼腕的倒

他以迅疾優雅的方式完成。他名揚天下,在

退。我們連帶介紹了上述幾位不太知名的畫

世時,冒充他墨竹的贗品已然充斥市場。和

家,這樣,對揚州這座奇特城市的畫壇便有了

鄭燮一樣,金農是一位傑出的文人,他精於

一個較完整的描述。在揚州城文學藝術流派紛

碑帖,專事書法,遲至五十歲才開始作畫。

呈、爭妍鬥麗、各放異彩。個人風格突出的繪

他生活困頓,有時被迫賣燈籠維生。他雖科

畫固然備受關注(這在仍信奉現代主義視創意

考落第,但仍被舉為「博學鴻詞」,若他不

為圭臬的藝術史家的眼裡更是如此),但不應

擔心因而破壞了他「鑒古」的雅興,欣然接

忽略那些一樣活躍但更注重傳統的畫家。這種

受,這榮銜本可令他過一個舒適安定的生

繪畫題材與風格的千變萬化景觀在世界其他更

活。和鄭燮一樣,他亦偏愛「四君子」,但

古老的藝術創作中心亦時有所見。

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詩詞

Poésie

José Ensch, Texte : Bernard Pokojski 波高斯基 撰文 Traduction: Wong Yan Tak 王人德 翻譯 Illustrations : © Iva MRÁZKKOVA

ai José Ensch

Mer

«

é

c r i re e s t u n exe rc i ce a s cé t i q u e, j e m’astreins à rester pure, certes c’est un luxe mais écrire c’est donner, la langue est moyen de communication et, plus encore, moyen de communion. » (José Ensch) « D’où viennent les abeilles qui hantent l’œuvre de José Ensch ? Naissent-elles des cadavres, comme chez les Grecs, ou des larmes d’un dieu, comme chez les Egyptiens ? » (Jalel El Gharbi) Mais avant il y aurait encore cette question : d’où vient José Ensch ? Elle est simplement cette Luxembourgeoise qui publie, pour reprendre Alain Bosquet, « l’une des œuvres les plus accomplies de ces dix dernières années... Une langue parfaite, une musicalité sans faille et une construction savante mais fluide (...) « Pareille séduction, pareille immersion dans le rêve, pareille aisance dans l’inconnu ou l’inconnaissable, ne devraient pas passer inaperçues. José Ensch est un grand poète ». (Figaro du 8 janvier 1998) José Ensch est née le 27 octobre 1942 sous le nom de Marie Josèphe Jeanne à Luxembourg et fut professeur de Langues et de Lettres au lycée Robert

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Schuman de cette ville où la maladie l'emporta le 4 février 2008. Comme sa ville de naissance dont les fortifications furent louées par Gœthe dans Campagne de France, elle fut profondément elle-même et très ouverte sur l’autre, même si la vie ne s’est pas toujours montrée très tendre pour elle. Poète, elle était dotée d’une voix singulière et d’un souffle aux accents quasi bibliques qui faisait de sa poésie une manière de célébration et de prière. C’était aussi pour elle une école de vie, apprise dans la fréquentation du surréalisme que lui fit découvrir Gisèle Prassinos, la grande amie. Ses poèmes parus d’abord dans de nombreuses revues poétiques étaient soumis à une extrême exigence et le fruit de remaniements qui en faisaient chatoyer le sens et le rythme. Douée pour la dramatisation, elle savait aussi interpréter ses textes et mettre en valeur leur beauté particulière. Gisèle Prassinos déclarera même que « José Ensch, à quinze ans, était déjà poète. Mais pour elle seule... » Et c’est en 1984 qu’elle publiera son premier recueil poétique Ailleurs... c’est certain, recueil très charnel où se


lleurs c’est certain Autobio

pressent des images hardies et péremptoires qui prennent le pas sur tout essai de communication. Son écriture y explose en des métaphores de lumière qui nous projettent vers cet ailleurs du titre. Au sommet du souvenir dans ses hautes frondaisons la crête des vagues la mer à pleins poumons avec tes beaux cheveux sur l’écume et le poids des épis d’autrefois. Mais cependant « tout se résorbe dans la simplicité d’une rose ». L’année suivante, ce sera L’arbre et il faudra attendre dix ans pour qu’elle nous donne Le Profil et les ombres. Sa poésie y deviendra fortement tellurique tant elle s’efforcera d’y célébrer les objets les plus humbles tels que la pomme, le verre d’eau, un morceau de pain, matières élémentaires et authentiques dégagées alors de tout exotisme. Gisèle Prassinos parlera aussi de poésie fluviale dans un Midi où les jeux d’ombres et de lumières dessinent dans un climat absolu « des espaces à la fois géométriques et consolants » pour reprendre Frank Wilhelm. Elle dira aussi ses colères, ses regrets et transparaîtra une nostalgie de l’enfance perdue. Une obsession à travers le recueil : un certain désarroi existentiel qui en fera déjà une sorte de bilan où les métaphores abruptes engagent le lecteur à aller « jusqu’au faîte de l’apnée. » En 1997, elle nous donnera Dans les cages du vent, entreprise folle pour enfermer la poésie dans des cages, mais mystique aussi afin d’arracher le langage à sa trivialité et de produire « des haleines tressées ». Le pouvoir des mots, l’enfance, le temps y seront explorés malgré un monde en déshérence dans un Midi incandescent, avec aussi des images de volcan et des métaphores marines. Véritable quête qui se transformera en une descente aux enfers « où tonitruent et rutilent les mots », le lecteur en sortira ébloui... La virtuosité poétique de José Ensch la rapproche de grands noms tels que Rimbaud,

Breton, Saint-John Perse ou encore Supervielle qui surent nous faire entrer dans le labyrinthe de la langue et des choses. Prédelles pour un tableau à venir en 2006, aura les mêmes exigences mais ici une voix s’adresse à un destinataire que l’on peut identifier comme le surréaliste Mario Prassinos, parti à la fleur de l’âge. Les mots sont puisés à un certain vocabulaire religieux et astrologique, des noces se préparent mais l’image centrale est celle du roi pêcheur Aminfortas, atteint d'une blessure inguérissable. Le gardien du Graal, sur sa couche, attend l’arrivée d’un chevalier qui pourrait redonner paix à son âme. Il n’y a qu’un pas à faire pour voir le poète en attente de salut dans un monde « d’étoiles mortes » et de « cosmos exténués »... Son recueil L’Aiguille aveugle paraîtra peu de temps après sa mort et aura en exergue ces mots de René Char « Le monde jusqu’ici toujours racheté, va-t-il être mis à mort devant nous, contre nous ? Criminels sont ceux qui arrêtent le temps dans l’homme pour l’hypnotiser, pour perforer son âme. » Le temps n’existe plus et le rien le remplace qui se colore de moire chavirée terre et mer confondues Ne cherche pas les dieux gardent le secret quel que soit leur nom Il faut tourner les pages qui restent riches de deuil et d’étonnement tels les oiseaux condamnés et les fleurs qui haussent la tête pour te voir et t’examiner. Après sa mort, paraîtra le recueil Les Façades qui rassemble des poèmes inédits écrits entre septembre 2007 et janvier 2008. Dans la préface, Michèle Nosbaum nous livre cet instantané dérobé lors du dernier été « José assise dans le soleil du

matin semble regarder vers un ailleurs dont elle a naguère déjà parlé (...) Mais c’est toujours le chant et l’opulence des images, souvent dans une écriture simplifiée, comme une nouvelle intimité. » José Ensch aura aussi juste le temps de consulter les premiers feuillets d’un album entrepris à l’initiative du poète tunisien Jalel El Gharbi et illustré par la Tchèque Iva Mrazkova, De l’amande... au vin. Il s’agit d’un glossaire qui reprend les termes préférés de José Ensch et allie commentaires, interprétations et réflexions poétiques tout en mettant en œuvre l’idée très chère à José Ensch qu' «on ne peut parler du poème que poétiquement ». José Ensch s’en est donc allée, nous laissant une œuvre assez hermétique mais très forte et je ferai appel à Jalel El Gharbi qui écrivait que « la grandeur d’une œuvre se mesure à l’espace laissé à l’interprétation, au décryptage. Et il y a toujours dans un texte ce qui se dérobe à la lecture et qui, en premier chef, interpelle le lecteur. Parce que lire, c’est se pencher non pas sur le sens, mais sur l’illisible ». Mais, d’où viennent les abeilles ?... Dans les cages du vent et L’Aiguille aveugle existent aux Editions Phi (www.phi.lu) Les façades et Prédelles pour un tableau aux éditions Estuaires (Luxembourg) José Ensch : Glossaire d’une œuvre De l'amande... au vin, Editions de l’Institut Grand-Ducal (Luxembourg)

Elle est grande et blonde elle traverse les trains sans chavirer la mort Elle est droite comme un chant sérieux et belles sont ses œillades d’oiseau choisissant parmi les voyageurs assis celui qui la suivra sans le savoir Parfois elle ferme les yeux tout en avançant comme la vigne vierge sur les façades Parfois elle tambourine aux vitres là où personne n’est assis puis elle chante avec des voix si multiples qu’elle rejoint Mozart et Bach (L’aiguille aveugle, p 38)

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若澤.恩斯克,沒錯,在他鄉別處

Chevelure

作是一種艱苦的練習,我強制自己保持純潔,這當然是 一種奢侈,但寫作亦是一種奉獻,語言是一種溝通方 式,更是一種彼此相融的方式。」(若澤.恩斯克) 「那圍繞着若澤.恩斯克作品團團轉的蜜蜂來自何方?是否像 古希臘人說的,來自死屍?又或者如古埃及人所言,來自神的 眼淚?」(Jalel El Gharbi)

但首先還有這一問:若澤.恩斯克究竟來自何方?她是盧森堡 人,發表了這樣一部著作,借用 Alain Bosquet 的話說:「一部 近十年來最完美的作品。語言優美,無懈可擊的樂感,結構巧 妙流暢…… 「如此的誘惑,如此深沉的夢境,在未知和不可知裡如此的從 容,這些豈容錯過。若澤.恩斯克是一位偉大的詩人。」(《費 加羅報》,1998年2月4日) 若澤.恩斯克1942年10月24日出生於盧森堡,取名瑪麗.約瑟 夫.苒娜 (Marie Josèphe Jeanne)。她在這座城市的羅貝爾.舒 曼中學教授語言和文學,2008年2月4日因病去世。 歌德在他的《法蘭西鄉村》一書裡對盧森堡城的堅固讚不絕 口,而她也和這座她出生的城市一樣,對自己堅信不移,對他 人胸懷坦蕩,即使生活對她不總是一帆風順。作為詩人,她擁 有一種特殊的語言及如聖經般的氣息,令她的詩歌成為一種祝 聖和祈禱。詩歌亦是她的人生課堂,Gisèle Prassinos 這位摯 友引導她發現超現實主義詩人,在頻繁 閱讀他們的詩歌之後, 她學會了寫詩。她的詩歌最初發表在一些詩歌雜誌上,極下功 夫,是反覆推敲的果實,節奏優美,詩意盎然。她極具誇張的 稟賦,善於遣辭造句,發掘出語言特有的美。Gisèle Prassinos 甚至說:「若澤.恩斯克十五歲時已經是個詩人。但這只是對 自己而言……」1984年,她發表了第一部詩集《沒錯,在他鄉 別處》(Ailleurs... c’est certain),詩集極富情慾,充斥着大膽、果 斷的形象,超過其他任何溝通嘗試。詩中那些精彩的隱喻把我 們引向書名中的他鄉別處。 在枝葉繁茂的回憶之巔 在浩瀚大海的浪尖 你的秀髮在浪花中飄蕩 那昔日濃濃的青絲。 然而「一切都在那一朵簡約的玫瑰花中消失」。 翌年,詩集《樹》(L’arbre) 出版問世,十年之後,她為世人奉 獻了另一部詩集《側面和影子》(Le Profil et les ombres)。在這 部詩集裡,她的詩歌變得極富大地氣息,她盡情歌頌一些極平 凡的事物,如蘋果、一杯水、一塊麵包以及一些具異國情調的 基本和真實的事物。Gisèle Prassinos也談及法國南部流暢的 詩歌。在南方,在完美的氛圍中,光和影交錯,相映成趣,引 用 Frank W ilheim 的話說,是「一些似幾何圖形又撫慰人的空

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Septembre / Octobre 2012

間。」她也寫自己的憤懣、悔恨,流露出對失落童年的感傷。 詩集中貫穿着一種揮之不去的情懷:對生存的惶恐,那突兀的 隱喻令讀者喘不過氣來,「達至屏息的頂點」。1977年,她寫 了《在風籠中》(Dans les cages du vent),這是一個瘋狂的舉 措,欲把詩歌囚禁籠中,但亦玄妙,企圖將語言從平庸中解放 出來,發出「編織成的氣息」。儘管在熾熱的南方貧困的世界 裡,字詞的力量、童年、時間仍被探索着,還有火山的形象, 海的隱喻。一個真正的尋覓幻變成向地獄的沉淪,詞語在其中 「轟鳴閃耀」,讀者讀罷,一陣眩暈。若澤.恩斯克的詩才可 與一些大詩人嫓美,諸如蘭波、布勒東、聖-瓊佩斯或蘇佩維埃 爾,他們的詩歌把我們帶入語言和事物的迷宮中。《祭壇裝飾 屏畫》(Prédelles pour un tableau) 於2006年問世,創作手法一 樣嚴謹,詩集獻給某人,顯而易見是獻給英年早逝的超現實主 義詩人Mario Prassinos。詩的語言採用了宗教和天文學的一些詞 匯。婚禮已準備就緒,但中心畫面卻是身負致命傷的漁夫之王 Aminfortas。 聖杯的守護者躺在床上,等待一個騎士的到來,給他的靈魂 以安慰。只需跨出一步,便可見到等待救助的詩人身處一個 「星星熄滅」、「疲憊不堪」的世界。詩集《瞽針》(L’Aiguille aveugle) 在她死後不久出版,勒內.沙爾(René Char)為詩集寫了 這樣的題詞:「直到目前為止,世界總在被拯救中,它是否將 在我們面前違反我們的意願被置於死地?那些為催眠人類、鑽 探其靈魂而阻止時間前進的人都是一些罪犯。」 時間不復存在, 虛空代替了它, 它泛着波紋閃光, 大地和大海混為一體。 勿需尋我, 眾神守着秘密, 不必理會祂們的稱謂。 應翻開 那充滿哀傷和驚奇的書頁, 正如那些囚於籠中的鳥兒 和抬頭看你審視你的花朵。 她死後,詩集《門面》(Les Façades) 出版問世,這本詩集收錄 了她自2007年至2008年所寫的未曾發表的詩作。在序言裡, Michèle Nosbaum 這樣寫道:「若澤.恩斯克坐在晨曦中,彷 彿注視着不久前她提及的他鄉別處…… 她總是在吟哦謳歌,意 境萬千,常常是文筆簡約,彷彿是她的一個新秘密。」 若澤.恩斯克所幸還來得及翻一翻由突尼斯詩人 Jalel El Charbi 發起為她編纂的紀念冊,由捷克人 Iva Mrazkova 插畫,畫冊取 名《由杏仁到美酒》(De l’amande... au vin)。這是一種匯編,收 集了若澤.恩斯克喜愛的詞語以及她有關詩歌的評論、解釋和 思考,運用了她極珍惜的思想,即「只有以詩的方式方能談論 詩」。 若澤.恩斯克已走了,留給我們相當晦澀又強勁有力的作品, 且讓我借用 El Gharbi 的話來結束本文:「評論一部作品是否偉 大,應以其留給人詮釋、 破解的空間的大小而定。 在一篇文章裡,總有一些 逃過我們閱讀的東西,而 這正是吸引讀者的所在。 因為閱讀之義,不在於其 明明者,而在其不可解讀 之處。」然而,蜜蜂又來 自何方? José Ensch photo©Wolfgang Osterheld







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