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LE COIN DES LECTEURS 讀者區

Fins du monde et nouveaux lendemains

Texte 文: Hugo Petit

Après une année 2020 inhabituelle à plus d’un titre, les effets dévastateurs du changement climatique et les conséquences de la pandémie nous laissent entrevoir de plus en plus la possibilité d’un bouleversement de la société industrielle et d’un changement radical de nos modes de vie. Autant de thèmes qui ont bien sûr été abondamment traités par la science-fiction. Les littératures de l’imaginaire française et chinoise, qui possèdent elles aussi leurs classiques et leurs grands auteurs, ne sont pas en reste dans ce domaine : elles se sont également emparées du motif de l’effondrement et surtout de son « après ». Pour autant, si la SF nous propose une pléthore de scénarios (post-)apocalyptiques, elle nous offre aussi de nombreuses raisons d’espérer, et de ne jamais cesser de croire au pouvoir de l’imagination. En effet, entre modes de vie alternatifs, solutions technologiques et nouvelles formes de sociétés, elle nous donne à voir l’infinité des possibles, et nous rappelle que le futur (le vrai) reste à écrire…

Stefan Wul, Niourk, Bragelonne, 1957 Auteur de SF malheureusement un peu oublié, Stefan Wul (de son vrai nom Pierre Pairault) a pourtant vu deux de ses romans adaptés au cinéma par René Laloux : Oms en série (à l’origine de la célèbre Planète Sauvage) et L’Orphelin de Perdide (qui a inspiré Les Maîtres du temps). Dans ce livre, lui aussi accessible à tous les publics, un cataclysme d’origine nucléaire a vu les océans s’assécher et les hommes revenir à un mode de vie préhistorique. Les mégapoles en ruine sont désormais autant de sanctuaires mystérieux, abritant les reliquats de technologies incompréhensibles, dans lesquelles les hommes n’osent plus s’aventurer : elles seraient le domaine des dieux. Rejeté à cause de la couleur de sa peau, un jeune garçon noir quitte sa tribu d’origine et part à la recherche du « Vieux », qui n’est jamais revenu de l’un de ces lieux interdits. Dans son périple, qui le conduira jusqu’à Niourk, l’ancienne New York, il se liera d’amitié avec un ours et croisera d’étranges créatures... À partir de 11 ans

René Barjavel, La Nuit des temps, Pocket, 1968 Une équipe internationale de scientifiques reçoit un mystérieux signal émis depuis les profondeurs des glaces du Pôle sud. Ils y découvrent un étrange abri, dans lequel une femme et un homme sont plongés en léthargie. Ceuxci s’avèrent être les deux seuls survivants d’une ancienne civilisation très avancée et florissante, brusquement disparue 900 000 ans plus tôt dans une apocalypse guerrière. À l’origine le scénario d’un film dont le tournage n’eut jamais lieu, ce roman de René Barjavel revisite le mythe de l’Atlantide à l’aune des questionnements de son époque : écrit avant les évènements de Mai-68, il n’en porte pas moins les marques d’une révolte en gestation, de la libération sexuelle, de la guerre froide et de la peur d’une disparition de l’humanité. C’est aussi une histoire d’amour intemporelle. Liu Cixin, Terre errante, Actes Sud, 2020 [2000] L’humanité découvre que notre soleil se transformera en géante rouge plus tôt que prévu et consumera la Terre dans quelques centaines d’années à peine. Plutôt que d’abandonner notre planète, les gouvernements coalisés décident de la transformer en un vaisseau spatial géant, qu’il faudra d’abord arracher à l’orbite solaire. Mais peut-on vraiment mener à bien une telle odyssée, qui s’étalera sur des centaines de générations ? Adaptée au cinéma en 2019, cette « novella » de l’auteur chinois Liu Cixin a enfin été traduite en français l’an dernier. Comme dans la trilogie du Problème à Trois Corps, qui l’a rendu mondialement célèbre par la suite, Liu y déploie déjà une imagination sans limites, démontrant que rigueur scientifique et créativité littéraire débridée ne sont pas forcément antagonistes.

Alexandre Labruffe, Un hiver à Wuhan, Verticales, 2020 Dans son premier roman, Chroniques d’une station-service, Alexandre Labruffe se montrait déjà friand d’ambiances et de références post-apocalyptiques, avec son héros pompiste amateur de Mad Max. Ici, il ne s’agit pourtant pas d’un roman de SF, mais plutôt d’un récit où la réalité dépasse constamment la (science-)fiction, y compris dans ses aspects les plus effrayants et dystopiques (par le truchement de l’imagination et de la paranoïa de l’auteur, mais aussi… de l’actualité). Nommé conseiller culturel à Wuhan à la veille du déclenchement de l’épidémie de Covid-19, le narrateur se retrouve plongé dans le décor dantesque d’une ville mutante en perpétuelle reconstruction, polluée et congestionnée, qu’il ne peut s’empêcher de comparer à Gotham City. Les souvenirs de deux précédents séjours en Chine s’entremêlent au récit, jusqu’au retour dans une France d’abord incrédule, puis entre les murs de l’appartement parisien où l’auteur se trouve confiné. Son humour et son goût pour les situations absurdes quoique réalistes portent ce texte où les microchapitres s’enchaînent, entre gravité et légèreté, et reflètent malgré tout son attachement à la Chine.

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