Georges Mathieu_les années 1960-1970

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Georges Mathieu Les annĂŠes 1960-1970





Galerie Templon 8 septembre – 20 octobre 2018

Georges Mathieu Les annĂŠes 1960-1970


L

a toute première fois que je suis allé au Musée

Mathieu était au-delà de ces querelles esthétiques, il

national d’art moderne (aujourd’hui le Palais

incarnait « l’artiste moderne » par excellence.

de Tokyo), en 1965, j’avais vingt ans. En haut

du grand escalier de l’entrée trônait un immense

On ne se souvient plus aujourd’hui de l’engouement

tableau abstrait, violent, lyrique, bouleversant, élé-

considérable que Georges Mathieu a pu susciter dès

gant : c’était Les Capétiens partout ! de Georges

le début de sa carrière. Célébré chez nous comme

Mathieu. Ce fut un vrai choc.

un peintre officiel et largement exposé aussi bien en France et en Europe qu’aux États-Unis, au Japon

Autodidacte, sans formation en histoire de l’art, sans

et en Amérique du Sud, il est, dans les années 1950

préalable éducatif, je découvrais la peinture de façon

et 1960, l’un des artistes les plus connus au monde.

purement instinctive. Le geste de Mathieu était

Le célèbre critique d’art américain Clement Green-

extraordinaire pour moi, dans tous les sens du terme :

berg a même écrit en 1959, dans son ouvrage Art et

la vivacité du trait, la liberté dont il faisait preuve, cette

Culture : « Je le tiens actuellement pour le plus puis-

abstraction déroutante, presque cinétique dans un

sant de tous les nouveaux peintres européens. »1

format spectaculaire pour l’époque et, surtout, ce titre si étrangement anachronique et provocateur. Six mois

Comme beaucoup de grands créateurs, victimes

plus tard, j’ouvrais ma propre galerie, rue Bonaparte.

des engouements de la mode, il a traversé une longue période d’effacement, mais, les années pas-

Je n’ai jamais rencontré Georges Mathieu, mais le

sant, son œuvre fait maintenant l’objet d’une splen-

souvenir si vif de cette confrontation visuelle m’a

dide réhabilitation. Sa conception de la « grande

longtemps poursuivi. Il a modelé ma conception de ce

peinture » historique mais aussi populaire, instinc-

que l’on commençait à appeler « la peinture contem-

tive et cultivée, son geste libre, écriture et signe,

poraine ». En ce milieu des années soixante, Paris se

comme témoignage de la modernité de son époque,

rêvait encore la capitale universelle des arts. La deu-

lui donnent une place originale et majeure dans l’his-

xième « École de Paris » régnait sans partage et les

toire de l’art du 20e siècle.

artistes débattaient obsessionnellement de l’avant1. Clement Greenberg, Art and Culture: Critical Essays, Boston: Beacon Press, 1961, p. 125.

garde, de la supériorité de l’abstraction sur la figu-

C’est avec un immense plaisir que j’expose

ration, et même, déjà, chez certains, les adeptes de

Georges Mathieu dans ma galerie, 52 ans après

l’objet, de la mort de la peinture. Pour moi, Georges

l’avoir découvert.

Daniel Templon

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T

thetic squabbles, he epitomized the modern artist.

he very first time I visited the Musée National d’Art Moderne (now the Palais de Tokyo), in 1965, I was twenty. Towering over the large

The fervent enthusiasm Mathieu sparked right from

staircase in the entrance hall was a huge abstract

the start of his career tends to be overlooked now-

painting, violent, lyrical, overwhelming, elegant: it

adays. Celebrated as a major establishment artist

was Les Capétiens partout ! (Capetians Everywhere!)

in France where his works were extensively exhibit-

by Georges Mathieu. It was a real shock.

ed, as they were throughout Europe as well as in the United States, Japan, and South America, he was

I was self-taught with no training in art history, no

one of the world’s most popular artists in the 1950s

academic background; I learned about painting pure-

and 1960s. The renowned American art critic Clem-

ly instinctively, without any preconceptions. I found

ent Greenberg even wrote in 1960 in Art and Culture:

Mathieu’s gesture extraordinary in every sense of

“Right now I consider him the strongest of all new

the term: the bold exuberance of line, the freedom

European painters.” 1

he displayed, his disconcerting abstraction—almost kinetic in its spectacular scale for that time—and,

Just like many other great artists who have fallen

above all, the strangely anachronistic and provoca-

victim to the shifting winds of fashion, Mathieu

tive title. Six months later, I opened my own gallery

went through a long period when he slipped below

on rue Bonaparte.

the radar, but now, with the passage of time, his work is enjoying a remarkable return to favor. His

I never met Georges Mathieu, but the vivid memory

notion of “great” painting, historical but also popu-

of that visual encounter stayed with me for a long

lar, instinctive as well as cultured, his gesture, wild

time. He shaped my conception of what was starting

and free, both language and sign, bearing witness

to be called “contemporary art”. In the mid-1960s,

to the modernity of his era, guarantee him a place as

Paris still saw itself as the universal capital of the arts.

an original and major figure in the history of twen-

The second School of Paris reigned supreme and art-

tieth-century art.

ists obsessively debated the avant-garde, the superiority of abstraction over figuration and even, already,

I am delighted to be exhibiting Georges Mathieu’s

for aficionados of the object, the death of painting.

work in my gallery, fifty-two years after first dis-

For me, Georges Mathieu transcended these aes-

covering him.

Daniel Templon

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1. Clement Greenberg, Art and Culture: Critical Essays, Boston: Beacon Press, 1961, p. 125.


Georges Mathieu, le pionnier Georges Mathieu, the pioneer Édouard Lombard Directeur du ComitÊ Georges Mathieu

Georges Mathieu devant La Victoire de Denain, 1963

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GEORGES MATHIEU

G

G

eorges Mathieu s’est éteint en juin 2012. Aujourd’hui, il représente toujours une force vive et influente du monde de l’art moderne et contemporain, qui ne pourra que croître à mesure que son importance historique sera étudiée et reconnue par les universitaires, au-delà du récit artistique d’après-guerre actuellement centré sur les États-Unis.

eorges Mathieu passed away in June 2012. He remains today a vibrant and influential force in the world of modern and contemporary art, and his presence will undoubtedly only increase as the historic significance of his work is studied and acknowledged by academics, and as the narrative of post-war art is extended beyond the current focus on the United States.

Les œuvres de Georges Mathieu, représentées dans de très nombreuses collections publiques et privées en France et à l’international, résonnent dans l’esprit du public, tant leur abord intuitif et leur dynamisme sont aisément accessibles.

Georges Mathieu’s works, which are represented in many public and private collections in France and around the world, resonate with viewers due to the fact that their intuitive approach and their dynamic vitality make them so easily accessible.

Flamboyant dans son art, Georges Mathieu ne l’était pas moins dans ses écrits. Il a pleinement participé à la vie des idées, tour à tour organisateur d’expositions, rédacteur en chef d’une revue bilingue1, critique d’art, rendant

A flamboyant artist, Mathieu’s writings were no less so. He was a lively participant in the intellectual life of his time, organizing exhibitions, serving as chief editor of a bilingual journal,1 and contributing his perspective as an art critic—all of which make it impossible to classify him under a single label.

impossible de le résumer à la seule étiquette de peintre.

Recherche fondamentale Dans la seconde moitié des années 1940, Georges Mathieu délaisse rapidement le figuratif pour s’adonner à une recherche fondamentale où il met à l’épreuve toutes sortes de techniques et de langages afin de concrétiser sa volonté de libération de l’art. À une époque où l’Europe devait se reconstruire, l’art pictural devait également traverser une phase de transformation pour transcender les paradigmes du passé.

1. United States Line Paris Review. 2. Discours d’installation à l’Académie des beaux-arts, 1976. 1. The United States Line Paris Review. 2. Georges Mathieu, speech on the occasion of his election to the Académie des Beaux-Arts, 1976.

Fundamental Research In the latter half of the 1940s, Mathieu veered sharply away from figurative subjects to focus on theoretical explorations in which he put to the test a wide range of techniques and pictorial languages in order to give form to his desire to liberate art. At a time when war-torn Europe was seeking to rebuild itself, the art of painting was also undergoing a transformational phase in order to evolve beyond the paradigms of the past.

En établissant que l’abstraction géométrique n’est qu’une étape intermédiaire sur le chemin de l’abstraction, Georges Mathieu ouvre la voie aux formes de création les plus libres. Il fonde ainsi l’Abstraction lyrique, accordant « un droit de cité total à l’improvisation, à la vitesse, à l’inconnu, à l’imaginaire et au risque »2.

By establishing that geometric abstraction was merely an intermediary stage on the path toward abstraction, Mathieu paved the way for the expression of the freest possible creative forms by founding the lyrical abstraction movement, whose objective was to grant “total liberty to

L’Abstraction lyrique, quand la forme précède le sens Le nom d’Abstraction lyrique fut inspiré par l’idée d’un

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L’Abstraction lyrique est un blanc-seing accordé à la forme, une incarnation du signe. Lyrical abstraction gives free rein to form, an incarnation of the “sign”.


GEORGES MATHIEU

abstractivisme lyrique portée par le critique Jean José Marchand. Celui-ci utilise cet adjectif pour qualifier les œuvres de Georges Mathieu exposées en novembre 1947 au quatorzième Salon des surindépendants, quatre mois après avoir remarqué Mathieu au Salon des réalités nouvelles : « Je citerais tout d’abord l’abstrait Georges Mathieu. Ce jeune homme expose deux grandes toiles très lyriques, extrêmement émouvantes, capables, je crois, de toucher le public bien qu’elles ne représentent rien. »

improvisation, speed, the unknown, the imagination, and risk.” 2

Lyrical abstraction, when form precedes meaning The term “lyrical abstraction” was inspired by the idea of “lyrical abstractivism” coming from the art critic Jean José Marchand, who used this terminology to describe the works of Mathieu exhibited at the 14th Salon des Surindépendants in Paris in November 1947: “I would first note the work of abstract artist Georges Mathieu. This young man is showing two large, very lyrical paintings that are extremely moving, and capable, I believe, of touching the viewing public, even though they do not represent anything.”

À l’abstractivisme lyrique, Georges Mathieu préfère alors le terme d’Abstraction lyrique car « le lyrisme abstrait n’est pas un nouvel “isme” susceptible d’épuiser son message en une ou même trois générations »3.

L’Abstraction lyrique nécessite donc que « la concentration supplante la notion classique d’improvisation ». Lyrical abstraction requires that “concentration supplant the traditional notion of improvisation.” Georges Mathieu

Il propose le nom Vers l’abstraction lyrique pour l’exposition réunissant 14 peintres dont Georges Mathieu, qui se tient en décembre 1947 à la Galerie du Luxembourg et finalement intitulée L’Imaginaire.

Mathieu preferred the term “lyrical abstraction,” stating that it was “not a new ‘ism’ that is likely to exhaust its message in one, or even three, generations.” 3 This led

L’Abstraction lyrique est un blanc-seing accordé à la forme, une incarnation du signe, ou signifiant, qui, à l’instant de sa formation, doit précéder le sens, ou signifié, dans un renversement sémiologique révolutionnaire, brèche dans laquelle d’innombrables artistes se sont engouffrés depuis.

him to propose the title Vers l’abstraction lyrique (Toward Lyrical Abstraction) for an exhibition of the work of fourteen painters, including Mathieu, held at the Galerie du Luxembourg, Paris, in December 1947, which finally took the title L’Imaginaire (The Imaginary). Lyrical abstraction gives free rein to form, an incarnation of the “sign,” or “signifier,” which at the moment of its formation must precede meaning, or the “signified,” in a revolutionary semiotic reversal that created opportunities which countless artists have since seized.

Georges Mathieu, qui avait lu et annoté en 1944 un livre dans lequel Edward Crankshaw procédait à une analyse littéraire de Joseph Conrad4, avait eu l’intuition d’étendre au domaine pictural la proposition de l’auteur selon laquelle la valeur d’une œuvre écrite pouvait résider dans son style plutôt que son récit, et que, de façon plus générale, la forme pouvait primer sur le fond, voire le constituer. Georges Mathieu en avait conclu que « la peinture, pour exister, n’avait pas besoin de représenter »5.

Mathieu, who had, in 1944, read and annotated a book by Edward Crankshaw which engaged in a literary analysis of the work of Joseph Conrad,4 had the foresight to extend Crankshaw’s theories to the visual arts—specifically, the idea that the value of a written work could reside in its style rather than its narrative and, more broadly, that form could take precedence over content, and could even constitute it. Mathieu’s conclusion was that “painting could exist without the need to represent.” 5

Dans son premier écrit sur l’art, intitulé La liberté, c’est le vide, daté de 1947 et publié le 22 avril 1948 dans le catalogue de l’exposition H.W.P.S.M.T.B., Georges Mathieu jette les bases d’une « métaphysique du vide »

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3. Conférence de Heidelberg, 1980. in Georges Mathieu, L’abstraction prophétique, Éd. Gallimard, 1984, p. 169. 4. Edward Crankshaw, Joseph Conrad, Some Aspects of the Art of the Novel, Éd. John Lane, The Bodley Head, London, 1936. 5. Georges Mathieu, Au-delà du Tachisme, Éd. Julliard, 1963, p. 12. 3. Georges Mathieu, speech on the occasion of the Heidelberg Conference, 1980, in Georges Mathieu, L’abstraction prophétique, Éd. Gallimard, 1984, p. 169. 4. Edward Crankshaw, Joseph Conrad, Some Aspects of the Art of the Novel, London: John Lane, The Bodley Head, 1936. 5. Georges Mathieu, Au-delà du Tachisme (Beyond Tachism), Paris: Éditions Julliard, 1963, p. 12.


6. Georges Mathieu, Approches de la création pure, discours donné à l’Académie des sciences morales et politiques le 19 janvier 1987. 7. Georges Mathieu, De l’abstrait au possible – Jalons pour une exégèse de l’art occidental, Éd. du Cercle d’art contemporain, Zurich, 1959, p. 15. 6. Georges Mathieu, “Approches de la création pure” (Approaches to Pure Creation), speech given at L’Académie des Sciences Morales et Politiques, Paris, January 19, 1987. 7. Georges Mathieu, De l’abstrait au possible. Jalons pour une exégèse de l’art occidental (From the Abstract to the Possible: Milestones for a Critical Analysis of Western Art), Zurich: Éditions du Cercle d’Art Contemporain, 1959, p. 15.

qui préfigure celle du risque ; il inaugure la feuille de route de l’Abstraction lyrique. « La poésie, la musique, la peinture viennent en effet de se débarrasser des dernières servitudes : le mot, la tonalité, la figuration. »

In his first published text on art in 1948, titled “La liberté, c’est le vide” (Liberty is the void), which appeared in the catalogue for the group exhibition H.W.P.S.M.T.B., Mathieu laid out the basis for a “metaphysics of the void,” heralding the model of the metaphysics of risk and inaugurating a roadmap for lyrical abstraction: “Poetry, music, and painting have, in fact, just released themselves from their last servitudes: words, tonality, and representation.

Georges Mathieu prend conscience qu’une œuvre d’art ne saurait résulter uniquement du jeu du hasard ou d’automatismes, pas plus qu’exclusivement des supports et des techniques employés. L’Abstraction lyrique nécessite donc que « la concentration supplante la notion classique d’improvisation »6. Elle promeut l’appel à la spiritualité, à l’énergie et à l’intuition, plutôt qu’aux méthodes et aux formules, avec in fine l’exigence d’une réelle sensibilité et d’une « ouverture sur le Cosmos »7 de la part de l’artiste.

Mathieu became aware that a work of art could not result only from the play of chance or automatic reflex, any more than it could result only from the media or the techniques employed. Lyrical abstraction, he stated, requires that “concentration supplant the traditional notion of improvisation.” 6

Il est difficile d’établir une liste définitive et exhaustive des artistes rattachés à ce mouvement, car celui-ci offre une acception assez large et flexible qui l’assimile à une

Lyrical abstraction promotes a call to spirituality, to energy, and to intuition instead of methods and formulae, ultimately requiring a deep sensitivity and an

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Hommage au Connétable de Bourbon, 1959 Huile sur toile, 260 x 600 cm Oil on canvas, 102 7⁄3 x 236 1⁄4 in. Collection privée


GEORGES MATHIEU

L’Abstraction lyrique […] promeut l’appel à la spiritualité, à l’énergie et à l’intuition. Lyrical abstraction promotes a call to spirituality, to energy, and to intuition.

“opening up to the cosmos” 7 on the part of the artist.

invitation ouverte à tous plutôt qu’à un groupe d’artistes réunis autour d’un manifeste. Le travail de théoricien de Georges Mathieu a le plus souvent pris la forme d’une définition des caractéristiques essentielles et des objectifs de l’Abstraction lyrique, ainsi que d’un commentaire de l’évolution des mouvements artistiques classiques ou contemporains, à la manière d’un critique d’art ou d’un historien. Néanmoins, on peut considérer qu’à la différence de bien des attentes de l’art conceptuel contemporain vis-à-vis du public, la connaissance des concepts énoncés par Georges Mathieu est tout à fait facultative pour apprécier ses œuvres, avec lesquelles un contact direct, personnel et sans préjugé est possible.

It is difficult to put together a complete and definitive list of all of the artists connected to this movement as its boundaries are extremely broad and flexible, to the degree that it was envisaged as an open invitation to all rather than defining a group of artists gravitating around a specific manifesto. Mathieu’s work as an art theorist most often took the form of an endeavor to define the essential characteristics and objectives of lyrical abstraction, as well as a commentary on the evolution of mainstream and contemporary artistic movements in the style of an art critic or historian. Nevertheless, we can consider that, unlike the expectations that often accompany contemporary conceptual art and its relationship to its audience, knowledge of the theories developed by Mathieu is not indispensable for appreciating his works, with which it is possible for the viewer to engage in direct, personal, and unprejudiced contact.

Les relations avec les États-Unis Ce n’est qu’au cours des années 1960 que le centre de gravité artistique a basculé d’une rive à l’autre de l’Atlantique, au terme d’une lutte d’influence menée par les institutions culturelles américaines et les critiques d’art de l’époque. Dès la seconde moitié des années 1940, bien avant l’avènement du Pop Art, les Américains avaient opposé à l’Abstraction lyrique européenne un expressionnisme abstrait spécifique à leur continent8. Clement Greenberg, critique d’art le plus influent de l’après-guerre, considérait Georges Mathieu comme « le plus puissant de tous les nouveaux peintres européens »9, mais s’est gardé de mettre en avant cette opinion publiquement, sans doute désireux de préserver la fiction d’une indépendance parfaite visà-vis de l’art européen.

Relations with the United States It was only over the course of the 1960s that the center of artistic gravity shifted from one side of the Atlantic to the other, following a protracted battle for influence that was led in America by the cultural institutions and art critics of the time. From the second half of the 1940s, well before the emergence of pop art, Americans had countered European lyrical abstraction with an abstract expressionist movement that was specific to the American continent.8 Clement Greenberg, the most influential art critic of the post-war period, considered Mathieu to be “the strongest of all new European painters,” 9 but he was cautious not to state his opinion publicly, no doubt motivated by a desire to preserve the fiction of American art’s complete independence from the influence of European art.

Depuis l’attribution à la Biennale de Venise de 1964 du grand prix de peinture au Pop Art de Robert Rauschenberg, on considère que New York a pris la place de Paris. Par conséquent, l’expressionnisme abstrait, cousin transatlantique de l’Abstraction lyrique, l’a dépassé en valorisation et en notoriété internationale. Aujourd’hui, de formidables opportunités de découvertes et de redécouvertes s’offrent aux

When pop artist Robert Rauschenberg won the Grand Prize in Painting at the 1964 Venice Biennale, it was

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8. cf. Serge Guilbaut, Comment New York vola l’idée d’art contemporain, Éd. Jacqueline Chambon, 1983. 9. Clement Greenberg, Art and Culture, Critical Essays, Beacon Press, 1961, p. 125. 8. See Serge Guilbaut, How New York Stole the Idea of Modern Art: Abstract Expressionism, Freedom and the Cold War, Chicago: University of Chicago Press, 1983. 9. Clement Greenberg, Art and Culture: Critical Essays, Boston: Beacon Press, 1961, p. 125.


GEORGES MATHIEU

La Bataille de Hastings, 1956 Huile sur toile, 200 x 500 cm Oil on canvas, 78 3⁄4 x 1965⁄8 in. Collection Les Abattoirs, Toulouse

universitaires, aux amateurs et aux collectionneurs d’art, en amont d’un rééquilibrage qui ne saurait tarder. Georges Mathieu fut d’ailleurs un acteur de premier plan des relations artistiques entre les deux continents, le premier en Europe à révéler l’importance et l’originalité de la nouvelle peinture américaine qu’il travailla à faire connaître et à exposer en France à une époque où Paris était encore la place forte du monde artistique.

generally agreed that New York had supplanted Paris as the center of the art world, with the result that abstract expressionism—the transatlantic cousin of lyrical abstraction—surpassed the European movement in terms of value and international renown. This means that today, academics, art lovers, and collectors have tremendous opportunities to discover and rediscover these artworks in advance of an inevitable restoration of balance. Furthermore, Mathieu was a major player in the artistic relations between the two continents: he was the first in Europe to encourage recognition of the importance and originality of new American painting, and worked to make American artists’ work known and have it shown in France at a time when Paris was still the world’s artistic stronghold.

En octobre/novembre 1948 — peu après l’exposition H.W.P.S.M.T.B. à la Galerie Colette Allendy qui a réuni en avril 1948 Hans Hartung, Wols, Francis Picabia, François Stahly, Georges Mathieu, Michel Tapié et Camille Bryen —, Georges Mathieu organise une exposition à la Galerie du Montparnasse devant rassembler pour la première fois les peintres abstraits lyriques américains et parisiens : Camille Bryen, Willem de Kooning, Hans Hartung, Arshile Gorky, Georges Mathieu, Francis Picabia, Jackson Pollock, Ad Reinhardt, Mark Rothko, Charles Russell, Greta Sauer et Wols. L’objectif de cette exposition « qui ne se réalisa qu’incomplètement »10 sera atteint trois ans plus tard,

In October-November 1948—shortly after the H.W.P.S.M.T.B. exhibition at the Galerie Colette Allendy in Paris held in April that year, which brought together work by Hans Hartung, Wols, Francis Picabia, François Stahly, Georges Mathieu, Michel Tapié, and Camille Bryen—Mathieu organized an exhibition at the Galerie du Montparnasse that aimed to feature, for the first

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GEORGES MATHIEU

en mars 1951 à la Galerie du Dragon de Nina Dausset, dans le cadre de l’exposition Véhémences confrontées, organisée conjointement par Georges Mathieu et Michel Tapié et réunissant Camille Bryen, Giuseppe Capogrossi, Willem de Kooning, Hans Hartung, Georges Mathieu, Jackson Pollock, Jean-Paul Riopelle, Charles Russell et Wols.

« Consciemment, Mathieu, seul, a produit des œuvres vraiment libres, depuis 1945-1946.» “Knowingly, Mathieu, alone, has produced work that is truly free since 1945-1946.” René Guiette

time, both French and American artists working in lyrical abstraction: Camille Bryen, Willem de Kooning, Hans Hartung, Arshile Gorky, Georges Mathieu, Francis Picabia, Jackson Pollock, Ad Reinhardt, Mark Rothko, Charles Russell, Greta Sauer, and Wols. This exhibition’s objective “was accomplished only partially” at the time,10 but was achieved three years later, in March, 1951, at the Galerie du Dragon run by Nina Dausset, as part of the exhibition Véhémences Confrontées (Confronted Vehemences), jointly organized by Mathieu and Tapié, which presented side by side works by Camille Bryen, Giuseppe Capogrossi, Willem de Kooning, Hans Hartung, Georges Mathieu, Jackson Pollock, Jean-Paul Riopelle, Charles Russell, and Wols.

En avril 1952, Georges Mathieu confirme son intérêt critique pour la peinture abstraite américaine en publiant une Déclaration aux peintres d’avant-garde américains. En octobre 1953, il fait paraître dans la revue Art Digest un article intitulé « L’avant-garde américaine est-elle surestimée ? » Il répond à cette question par la négative, tout en insistant sur le rôle prépondérant du peintre Mark Tobey qui en est le « plus grand promoteur », et dont la contribution n’a pourtant pas été pleinement reconnue. Pourtant, Georges Mathieu est encore aujourd’hui tenu à l’écart du récit officiel de l’abstraction d’après-guerre tel qu’il a été diffusé par les Américains et parfois repris par les Européens.

In April 1952, Mathieu confirmed his critical interest in American abstract painting with the publication of his “Déclaration aux peintres d’avant-garde américains” (Declaration to American Avant-Garde Painters). In October 1953, he published an essay in the American journal Art Digest titled “Is the American Avant-Garde Overestimated?” In this essay, he responded negatively to the question, while insisting on the prominent role of the painter Mark Tobey, who was the American avant-garde’s “greatest promoter,” but whose contribution had not been fully acknowledged. In spite of this, Georges Mathieu continues to be excluded from the official narrative of post-war abstraction that has been widely circulated by American critics and, at times, echoed by the Europeans.

Tubisme et dripping En 1945, deux années avant les premiers drippings de Pollock, Georges Mathieu réalise Évanescence : « J’employais les moyens les plus directs pour peindre : le jeu libre de l’essence et de la couleur, c’est-à-dire les coulures, l’arrosage de la toile à l’aide de Ripolin versé à même la boîte d’une certaine hauteur. »11

10. Du fait de difficultés de prêt par les galeries américaines.

Georges Mathieu privilégie très vite le tubisme, technique consistant à utiliser directement le tube de peinture pour peindre la toile, dont il fut l’inventeur. Dans Éternité (1945), il fait pour la première fois cet usage direct du tube. Au-delà de la suppression du pinceau, jusque-là intermédiaire entre l’artiste et sa création, entre la matière et le support, le tubisme participe d’une logique de la vitesse à laquelle Georges Mathieu accorde une grande importance.

Tubism and drip painting In 1945, two years before Jackson Pollock’s first “drip paintings,” Mathieu created a painting titled Evanescence: “I used the most direct means possible to paint: the free play of essence and color—that is to say, dripping, sprinkling the canvas with Ripolin [enamel paint] poured from a certain height right from the tin.”11 Very quickly, Mathieu came to favor “tubism,” a technique he invented consisting of painting directly

Le peintre et critique d’art belge René Guiette

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11. « Cent questions discrètes et moins discrètes », interview réalisée en 1958 par Alain Bosquet et publiée dans la revue Ring des arts en 1960, Zürich, n° 1, p. 84. 10. Due to difficulties encountered in borrowing works from American galleries. 11. “Cent questions discrètes et moins discrètes” (One Hundred Discreet and Less Discreet Questions), interview with Mathieu conducted by Alain Bosquet in 1958, published in the journal Ring des arts, 1960, Zürich, n° 1, p. 84.


GEORGES MATHIEU

onto the canvas from the paint tube. His painting Éternité (Eternity, 1945) is the first example of this technic. Beyond the elimination of the use of the brush, which had until then served as the intermediary interposed between the artist and the work, between the material and its support, the practice of “tubism” contributed to the logic of speed to which Mathieu attributed major importance.

Évanescence, 1945 Huile sur toile, 97 x 80 cm Oil on canvas, 38 1⁄4 x 31 1⁄2 in. Collection Fondation Gandur pour l’Art, Genève

The Belgian painter and art critique René Guiette summarized Mathieu’s pioneering use of these techniques as follows: “Knowingly, Mathieu, alone, has produced work that is truly free since 1945–1946, thereby predating the spurting techniques of Pollock and Wols, producing his technique by directly wielding the tube to draw and paint.” 12

Risk and speed The concept of risk, “this celebration of being,” of which Mathieu was the first theorist and practitioner, is intimately linked to the concepts of liberty and intuition, of which it is the direct consequence. It offers an opportunity for a totally free creative process: “It is this liberty with respect to references that introduces improvisation, and, consequently, speed. Speed thus signifies the definitive abandoning of artisanal methods of painting in favor of methods of pure creation. For is it not the mission of the artist to create, not to copy? Speed and improvisation are the reasons we are able to associate the creative forms of this painting with those of liberated, direct musical forms such as jazz, or with oriental calligraphy.”13

résume ainsi l’usage précurseur de ces techniques : « Consciemment, Mathieu, seul, a produit des œuvres vraiment libres, depuis 1945-1946, devançant ainsi les jaillissements de Pollock et de Wols et créant sa technique en maniant directement le tube pour dessiner et peindre. »12

12. Avant-propos de Blaise Distel, pseudonyme littéraire de René Guiette, in De l’abstrait au possible – Jalons pour une exégèse de l’art occidental, Éd. du Cercle d’art contemporain à Zurich, 1959. 12. Foreword by Blaise Distel (literary pseudonym of René Guiette), in Georges Mathieu, De l’abstrait au possible. Jalons pour une exégèse de l’art occidental, 1959 (note 7). 13. Mathieu, De l’abstrait au possible, 1959, p. 38. 14. Georges Mathieu, “Approches de la création pure” (Approaches to Pure Creation), speech given at the Academy of Moral and Political Sciences on January 19, 1987.

Risque et vitesse Le concept de risque, « cette fête de l’être » dont Georges Mathieu a été le premier théoricien et pratiquant, est intimement lié à ceux de liberté et d’intuition dont il est le corollaire. Il offre l’opportunité d’une création totalement libre.

When applied to the creation of works in public, the idea of risk also entailed placing the artist in a potentially hazardous situation—not for sensational purposes, but out of generosity and willingness to share with the public: “The notion of risk confers upon the artist, for the first time, a heroic aspect and, in the most privileged cases, the establishment of a second state, the ecstatic.” 14

« C’est cette liberté vis-à-vis des références qui introduit à la fois l’improvisation et, par là, la vitesse. La vitesse signifie donc l’abandon définitif des méthodes artisanales dans la peinture au profit des méthodes de création pure. Or, n’est-ce pas là la mission de l’artiste : de créer, non de recopier. La vitesse et l’improvisation sont ce qui fait qu’on

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« La vitesse signifie l’abandon définitif des méthodes artisanales dans la peinture au profit des méthodes de création pure. » “Speed thus signifies the definitive abandoning of artisanal methods of painting in favor of methods of pure creation.” Georges Mathieu


La Bataille de Bouvines, 1954 Huile sur toile, 250 x 600 cm Oil on canvas, 98 7⁄8 x 236 1⁄4 in. Collection Musée national d’art moderne-Centre Pompidou, Paris

a pu associer les formes de création de cette peinture à celles de musique libérée et directe telle que le Jazz ou à des calligraphies orientales. »13

In addition to the aspect of risk, the associated concept of speed was introduced for the first time in Western painting by Mathieu. For Mathieu—an artist who scorned conventions—a work of art should be judged on its result, for its inherent qualities, both aesthetic and sensible, and not for the time taken to create it, thus eschewing the traditional bourgeois vision that associates the value of a work with the amount of time spent on its execution: “Nobody in the East has ever thought of rejecting any notion of artistic quality in calligraphy under the pretext that it is produced in a few seconds”.15 In this way, Mathieu connected the notions of rebellion, speed, and risk, culminating in the hitherto unseen opportunity to consider painting as a spectacle.16

Dans le cadre de la création en public, ce concept de risque suppose la mise en danger de l’artiste, non par sensationnalisme mais par volonté de partage avec le public. « La notion de risque confère pour la première fois à l’artiste un aspect héroïque et enfin, dans les cas les plus privilégiés, l’instauration d’un état second, extatique. »14 La notion de vitesse, qui accompagne le risque, est introduite par Georges Mathieu pour la première fois dans la peinture occidentale. Pour lui, qui méprise les conventions, une œuvre d’art doit être jugée en fonction du résultat, de ses qualités propres, esthétiques et sensibles, à rebours de la vision bourgeoise qui identifie la valeur d’un travail au temps passé à le réaliser : « Il ne vient à l’idée de personne en Orient de dénier toute

International tours, public performances, and gigantism Bolstered by the development of his own pictorial language, Mathieu achieved international recognition

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13. Georges Mathieu, De l’abstrait au possible — Jalons pour une exégèse de l’art occidental, Éd. du Cercle d’art contemporain à Zurich, 1959, p. 38. 14. Georges Mathieu, « Approches de la création pure », communication présentée à l’Académie des sciences morales et politiques le 19 janvier 1987. 15. Georges Mathieu, “D’Aristote à l’Abstraction lyrique” (From Aristotle to Lyrical Abstraction), in L’Œil, no. 52, April 1959, p. 32. 16. Georges Mathieu, “Épître à la jeunesse” (Epistle to Youth), 1964, in Georges Mathieu, De la révolte à la renaissance (From Rebellion to Rebirth), Paris, Éditions Gallimard, 1973, p. 353.


GEORGES MATHIEU

qualité artistique aux calligraphies sous prétexte que celles-ci sont faites en quelques secondes. »15 Georges Mathieu met en relation les notions de révolte, de vitesse et de risque, concluant sur l’opportunité, inédite à cette époque, d’envisager la peinture comme un spectacle.16

in the 1950s, traveling around the world to give life to his creations on-site and in public in a revolutionary manner: in Germany, Argentina, Austria, Belgium, Brazil, Canada, Denmark, Spain, the United States, Israel, Italy, Japan, Lebanon, the United Kingdom, Sweden, and Switzerland, among other countries. Placing the work of art “at the crossroads of the object, the act, and behavior,” 17 he was

Tournées internationales, prestations en public et gigantisme

Georges Mathieu met en relation les notions de révolte, de vitesse et de risque. Georges Mathieu connected the notions of rebellion, speed, and risk.

15. Georges Mathieu, « D’Aristote à l’Abstraction lyrique », article paru dans L’Œil, n° 52, avril 1959, p. 32. 16. Georges Mathieu, “Épître à la jeunesse”, 1964, in Georges Mathieu, De la révolte à la renaissance, Paris, Éditions Gallimard, 1973, p. 353. 17. Georges Mathieu, Au-delà du Tachisme, Éd. Julliard, 1963, p. 144. 17. Georges Mathieu, Au-delà du Tachisme, Éditions Julliard, 1963, p. 144.

the first artist to organize performances and happenings, several years ahead of Yves Klein and the American artists. These works include Hommage au Maréchal de Turenne (Homage to the Marshal of Turenne), painted in front of a photographer in 1952, La Bataille de Bouvines (The Battle of Bouvines), and Les Capétiens partout! (Capetians Everywhere!), painted while filmed by a movie camera in 1954, as well as many large-format canvases painted in the street—precursors of urban art—with the finest example being La Bataille de Hastings (The Battle of Hastings), created incognito in a London street in 1956, as surprised onlookers walked by.

Fort de la création d’un langage pictural qui lui est propre, Georges Mathieu atteint dans les années 1950 une renommée internationale. Il voyage à travers le monde pour donner vie à ses créations en public de façon révolutionnaire : Allemagne, Argentine, Autriche, Belgique, Brésil, Canada, Danemark, Espagne, ÉtatsUnis, Israël, Italie, Japon, Liban, Royaume-Uni, Suède, Suisse… En installant l’œuvre d’art « au carrefour de l’objet, de l’acte et du comportement »17, il est le premier artiste à organiser des performances et des happenings, devançant de plusieurs années Yves Klein ou les artistes américains : Hommage au Maréchal de Turenne peint devant un photographe en 1952, La Bataille de Bouvines et Les Capétiens partout ! peints devant une caméra en 1954, de nombreuses toiles de grand format peintes dans la rue – en précurseur de l’art urbain –, le meilleur exemple étant La Bataille de Hastings créée incognito en 1956 dans une rue de Londres, devant des passants surpris. Georges Mathieu se produit dès mai 1956 devant environ 2 000 personnes au théâtre de la Ville-Sarah Bernhardt pour réaliser, dans le cadre de la Nuit de la poésie, une toile de douze mètres par quatre, événement tout à fait inédit pour l’époque, que ce soit par le nombre de spectateurs ou par la dimension de l’œuvre.

Mathieu appeared at the Théâtre de la Ville–SarahBernhardt in Paris in May 1956 before an audience of around 2,000 people, as part of the Night of Poetry festival, to create a canvas measuring 12 x 4 meters— an unprecedented event both in terms of the number of spectators and the dimensions of the work. In 1957, he traveled to Japan where he was warmly

En 1957, il voyage au Japon, où les artistes du groupe Gutai – dont le manifeste affirme en décembre 1956 qu’ils ont « le plus grand respect pour Pollock et Mathieu car leurs œuvres révèlent le hurlement poussé par la matière, les cris des pigments et des vernis » – le reçoivent chaleureusement : « En septembre, je pars pour le Japon où je reçois un

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Hommage au Maréchal de Turenne, 1952 Huile sur toile, 200 x 400 cm Oil on canvas, 78 1⁄4 x 157 1⁄2 in. Collection Musée national d’art moderne-Centre Pompidou, Paris


GEORGES MATHIEU

Ses actes de création peuvent effectivement être qualifiés de précurseurs de l’art en action. His creative acts can clearly be seen as the precursors of action art.

Rakujo, 1957 Huile sur toile, 98 x 150 cm Oil on canvas, 35 5⁄8 x 59 in. Collection privée, Paris

accueil triomphal, exécutant à Tokyo 21 toiles en trois jours dont deux fresques de 8 et de 15 mètres, peintes dans la rue, devant 10 000 personnes recueillies dans un climat de ferveur inconnu en Occident. À Osaka, je peins sur le toit du Daïmaru et sous un ciel sillonné d’hélicoptères un Hommage au Général Hideyoshi d’une violence inouïe. »18

received by the artists of the Gutai group—whose manifesto of December 1956 stated that they had “the greatest respect for Pollock and Mathieu because their works reveal the screaming pushed forth by the material, the crying out of the pigments and varnishes”: “In September I went to Japan, where I received a triumphant welcome and, in Tokyo, executed twenty-one canvases in three days, including two frescoes measuring 8 and 15 meters in length painted in the street before a crowd of 10,000 people who gathered together in a climate of fervor unknown in the West. In Osaka, I painted Hommage au général Hideyoshi (Homage to General Hideyoshi) on the rooftop of the Daimaru department store under a sky crisscrossed by helicopters, a painting of unprecedented fierceness.” 18

Suivent des prestations publiques à Düsseldorf, Vienne, São Paulo. Le 2 avril 1959, Georges Mathieu réalise en 40 minutes Hommage au Connétable de Bourbon, une toile de 2,50 mètres par 6, devant le public du Fleischmarkt Theater de Vienne, scène mythique de l’avant-garde et siège des Actionnistes, au son d’une improvisation de musique concrète de Pierre Henry. Le 24 avril, Georges Mathieu réalise le Massacre de la Saint-Barthélemy sous l’œil des caméras du studio 3 de la rue Cognacq-Jay et en présence du batteur de jazz Kenny Clarke.

This was followed by public performances in Düsseldorf, Vienna, and São Paulo. On April 2, 1959, Mathieu created his painting Hommage au Connétable de Bourbon (Homage to the Constable of Bourbon) in forty minutes on a canvas measuring 2.5 by 6 meters, before an audience at Vienna’s Fleischmarkt Theater—home

Georges Mathieu affirme que l’œuvre picturale est la résultante principale et l’objectif de son travail. Pour

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18. Article dans Le Figaro du 5 juillet 1988, in 50 ans de création, Éd. Hervas, 2003, p. 552. 18. From an article in Le Figaro dated July 5, 1988, quoted in Georges Mathieu, 50 ans de création (50 Years of Creation), Paris: Hervas, 2003, p. 552.


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autant, ses actes de création peuvent effectivement être qualifiés de précurseurs de l’art en action, réalisant le trait d’union entre les productions « privées » de l’Action Painting et celles, publiques, du Performance Art, bien avant les Anthropométries d’Yves Klein (1960). Georges Mathieu y « privilégie l’improvisation mais non le hasard »19.

19. Réponse à Kristine Stiles, in 50 ans de création, Éd. Hervas, 2003, p. 720. 20. Classée aux Monuments historiques depuis 2018. 21. « Cent questions discrètes et moins discrètes », interview réalisée en 1958 par Alain Bosquet et publiée dans la revue Ring des arts, 1960, Zürich, n° 1, p. 91. 22. Malraux fut le premier ministre de la Culture en France lorsque ce ministère fut créé en 1959 par le général de Gaulle, puis continua de l’être sous le président Georges Pompidou jusqu’en 1969. 23. Première exposition personnelle de Mathieu à Paris ; « Hiroshima place Vendôme ! » titrera le critique Jean Caillens. 24. Georges Mathieu, Au-delà du Tachisme, Éd. Julliard, 1963, p.104. 19. Georges Mathieu, response to Kristine Stiles, in 50 ans de création, (50 Years of Creation), Paris: Hervas, 2003, p. 720. 20. The Maison de la Radio was classified in 2018 as a Historical Monument of France. 21. « Cent questions discrètes et moins discrètes » (One Hundred Discreet and Less Discreet Questions), interview with Mathieu conducted by Alain Bosquet in 1958, published in the journal Ring des arts, 1960, Zürich, no. 1, p. 91.

of the Viennese Actionnist artists—to the sound of improvised concrete music by Pierre Henry. On April 24, he created Le Massacre de la Saint-Barthélemy (The Saint-Barthélemy Massacre) while filmed by cameras of television studio 3 in Cognacq-Jay street in Paris, in the presence of the jazz drummer Kenny Clarke. Mathieu claimed that pictorial work was the principal outcome and aim of his work. Nevertheless, his creative acts can clearly be seen as the precursors of action art, providing a link between the “private” practice of action painters and the public productions of performance art, well before Yves Klein created his Anthropométries (Anthropometries, 1960). In these creative acts, Mathieu favors “improvisation, not chance.”19

Outre la toile réalisée au Théâtre Sarah Bernhardt et les fresques réalisées à Tokyo, Georges Mathieu crée le 13 octobre 1963 une fresque de vingt mètres par quatre En hommage à Jean Cocteau exposée à la Maison de la Radio20. Quand le gigantisme est présenté par nombre de critiques contemporains comme un artefact récent de l’art, Georges Mathieu en a posé les premiers postulats : « Dans ces conditions, tous les rapports de force, d’énergie, et par conséquent de vitesse, sont changés. […] J’adore peindre des toiles démesurément grandes, peut-être parce que le risque aussi est plus grand.21 »

In addition to the painting created at the Théâtre SarahBernhardt and the frescoes painted in Tokyo, Mathieu also produced a fresco measuring 20 by 4 meters on October 13, 1963, titled En hommage à Jean Cocteau (In Homage to Jean Cocteau), which can be viewed at the Maison de la Radio in Paris.20 While the notion of gigantic scale is construed by many contemporary art critics as a recent phenomenon, it was Mathieu who laid down the first premises on which this innovation was based: “Under such conditions, all of the connections between strength, energy, and, as a result, speed, are altered. […] I love painting canvases that are disproportionately large, perhaps because the risk is also greater.”21

La nature calligraphique de l’œuvre de Georges Mathieu Georges Mathieu rencontre l’Extrême-Orient lors d’un séjour au Japon, en 1957, durant lequel il découvre la calligraphie et la tradition japonaise. Pourtant, André Malraux22 le qualifiait déjà de premier « calligraphe occidental » lors de l’exposition à la Galerie René Drouin en 195023. À défaut d’être orientaux, les signes créés par Georges Mathieu ne peuvent non plus être qualifiés d’occidentaux si la vitesse de réalisation doit les définir comme tels.

22. André Malraux was the first French Minister of Culture at the time the ministry was created by President Charles de Gaulle in 1959. He continued to serve as Culture Minister under President Georges Pompidou until 1969.

« Les signes de Masson, ceux de Tobey avant 1957, ceux de Hartung sont des signes d’artisan. Ils sont élaborés lentement, dix fois repris (Hartung), composés, rehaussés, cernés, contourés (Masson, Tobey) : ils sont occidentaux. »24

23. This was Mathieu’s first solo show in Paris, in response to which the art critic Jean Caillens ran the headline “Hiroshima place Vendôme!”.

Peut-être ce lien particulier a-t-il interpellé Soichi Tominaga, directeur du musée national d’Art occidental

The calligraphic aspect of Mathieu’s work Mathieu first encountered the Far East during his trip to Japan in 1957, when he discovered calligraphy and the Japanese tradition. However, as early as 1950, André Malraux22 had already described him as the first “Western calligrapher” at the time of Mathieu’s exhibition at the Galerie René Drouin in Paris.23 While they are not oriental, the calligraphic forms created by Mathieu cannot be qualified as Western, either, according to Western criteria concerning the speed

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« J’adore peindre des toiles démesurément grandes, peutêtre parce que le risque aussi est plus grand. » “I love painting canvases that are disproportionately large, perhaps because the risk is also greater.” Georges Mathieu


GEORGES MATHIEU

Les Capétiens partout !, 1954 Huile sur toile, 295 x 600 cm Oil on canvas, 116 1⁄8 x 25 1⁄4 in. Collection Musée national d’art moderne-Centre Pompidou, Paris

à Tokyo, qui affirme que Georges Mathieu est « le plus grand peintre français depuis Picasso ».

of execution: “The signs created by Masson, those of Tobey before 1957, and those of Hartung are the signs of artisans. They are developed slowly, redone ten times (Hartung), composed, enhanced, outlined, contoured (Masson, Tobey): they are Western.”24 Perhaps it is this particular link to Far Eastern calligraphy that motivated Soichi Tominaga, director of the National Museum of Western Art in Tokyo, to proclaim that Georges Mathieu was the “greatest French painter since Picasso.”

Les arts appliqués Reconnu comme le plus grand artiste français dans les années 1960 et 1970, Georges Mathieu a ouvert la voie des arts appliqués. Il affirme que le rôle des artistes est de créer « un style et éventuellement un art de vivre ». Dans les années 1950, il conçoit des bijoux, puis dans les années 1960 à 1980, s’applique à créer ou décorer des publications ou des objets : affiches, médailles, assiettes, timbres, cartons de tapisserie. Il réalise notamment 16 affiches pour Air France en 1967, représentant différents pays ou continents, qui procèdent d’une « stylisation » abstracto-figurative.

The applied arts Recognized as the greatest French artist in the 1960s and 1970s, Mathieu opened up the way for the applied arts, stating that the role of artists was to create “a style and ultimately an art of living.” In the 1950s, he designed jewelry, and, from the 1960s to 1980s, applied himself to the creation, or design, of a range of publications and a variety of objects, including posters, medals, plates,

Il s’intéresse également au domaine architectural, avec l’usine-étoile de Fontenay-le-Comte en Vendée (1969), le plafond de l’hôtel de ville de Boulogne-Billancourt

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24. Au-delà du Tachisme, 1963, p. 104.


GEORGES MATHIEU

(1982), et dessine plusieurs façades d’immeubles. Mais la réalisation qui rend son travail accessible au plus grand nombre est sans conteste sa pièce de 10 francs, sans doute la création d’un peintre français la plus répandue avec plus de 680 millions d’exemplaires mis en circulation entre 1974 et 1987.

stamps, and tapestry cartoons. A notable example is the poster campaign he designed for Air France in 1967, for which he depicted various countries and continents using a “stylized” abstract-figurative approach. He was also interested in the field of architecture, designing the “star-shaped factory” in Fontenay-leComte in Vendée, France (1969), the ceiling of the City Hall in Boulogne-Billancourt, France (1982), as well as a number of building façades. But the design that made his work accessible to the widest audience was unquestionably his 10-franc coin, no doubt the most broadly distributed work by a French painter to date, with over 680 million coins released in circulation between 1974 and 1987.

Aux antipodes du Pop Art, qui utilise la sérialité, vidant les images de leur sens, Georges Mathieu décide de la diffusion « tout terrain » de ses œuvres afin de nouer un rapport avec le public et de « participer de toutes ses forces à la qualité de l’environnement de son pays », voire de donner vie à un style du XXe siècle. Cet aspect de son travail, dont il lui a parfois été tenu rigueur, anticipe la production d’œuvres multiples de certains artistes contemporains – Jeff Koons, Damien Hirst, Takashi Murakami et Olafur Eliasson – qui attirent aujourd’hui toutes les attentions.

Standing in stark contrast to pop art, in which the multiplication of images empties them of their meaning, Mathieu sought an “all-terrain” distribution of his work in order to build a rapport with the public and to “contribute with all his might to the quality of the environment of his country,” and, if possible, to bring to life a style fitting the spirit of the twentieth century.

Un artiste en perpétuel renouvellement

Mathieu décide de la diffusion « tout terrain » de ses œuvres afin […] de « participer de toutes ses forces à la qualité de l’environnement de son pays ».

Sir Herbert Read, l’historien d’art britannique et This aspect of his work—which was, at times, a source of criticism—presaged the production of multiple works undertaken by a number of contemporary artists, including Jeff Koons, Damien Hirst, Takashi Murakami, and Olafur Eliasson, whose work attracts considerable interest today.

An artist in perpetual renewal Sir Herbert Read, British art historian and co-founder of the Institute of Contemporary Arts in London, has pointed out that “Mathieu is inimitable because he doesn’t imitate himself.” Over the decades, Georges Mathieu has treated widely varied subjects that are theoretical and practical, artistic and philosophical, and his oeuvre has undergone major evolutions. Affiche Grande-Bretagne

In the 1940s, he experimented with new techniques, such as “drip painting” and “tubism,” theorized a

pour Air France, 1967

100 x 60 cm

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Mathieu sought an “all-terrain” distribution of his work in order to build a rapport with the public and to “contribute with all his might to the quality of the environment of his country.”


GEORGES MATHIEU

cofondateur de l’Institute of Contemporary Arts, affirmait que « Georges Mathieu est inimitable parce qu’il ne s’imite pas lui-même ». Au fil des décennies, Georges Mathieu a abordé des sujets théoriques et pratiques, artistiques et philosophiques d’une grande variété ; ses œuvres ont connu des évolutions majeures.

Les multiples facettes de Mathieu font de lui un artiste total, libre, sensible, visionnaire. The many facets of Georges Mathieu make him an artist who is total, free, sensitive, visionary.

new artistic movement, and formed a new pictorial language. The 1950s saw him presenting his work internationally in public spaces, blazing a trail for happenings and action painting, and putting into practice the notions of risk and speed. The 1960s and 1970s gave rise to new stylistic experiments as well as the development of an everyday artistic style that was defined by the incursion of fine art into the realm of the applied arts. The 1980s witnessed the beginning of a “cosmic shift” in his work that was followed by his “barbaric period,” therefore, one sees appearing in the canvasses, which correspond even more than ever to the letter of lyrical abstraction, more violent spurts, multiple drippings and explosions, highly contrasting colors, cavernous backgrounds that give a threedimensional quality to the composition.

Dans les années 1940, il expérimente des techniques nouvelles comme le dripping et le tubisme, théorise un nouveau mouvement artistique et forme un langage pictural inédit. Dans les années 1950, Georges Mathieu présente son art en public à l’international, inaugure les happenings et l’Action Painting, met en pratique les notions de risque et de vitesse. Les années 1960 et 1970 donnent lieu à de nouvelles expériences stylistiques, au développement d’un style du quotidien, défini par l’irruption de l’art plastique dans les arts appliqués. Enfin, les années 1980 voient s’amorcer le « tournant cosmique » de son œuvre, suivi par la « période barbare » ; on voit alors apparaître sur les toiles – qui obéissent mieux que jamais à la lettre de l’Abstraction lyrique – des jaillissements plus violents, des explosions et des coulures multiples, des couleurs plus contrastées, des arrière-plans caverneux offrant une qualité tridimensionnelle à la composition.

Elected as a member of the Académie des Beaux-Arts (the French Academy of Fine Arts) in 1975, Mathieu was not content to simply consider his election as mark of honor and decided to use it as a springboard for defending the arts and, above all, for ensuring access for everyone to an aesthetic sensibility. The many facets of Georges Mathieu make him an artist who is total, free, sensitive, visionary, lucid, and more relevant today than ever. Because of his love of risk, his feats of arms and grand gestures, his rejection of comfort and conformity, this “rebel dandy” became the target of harsh criticism. It is high time for us to fully recognize and celebrate—to the same degree as his American counterparts—the heritage of the pioneer of free abstraction.

Élu à l’Académie des beaux-arts en 1975, Georges Mathieu ne se contente pas de considérer cette élection comme une distinction honorifique : il décide d’en faire un levier pour défendre les arts, soucieux avant tout de l’accès de tous à une sensibilité esthétique. Les multiples facettes de Georges Mathieu font de lui un artiste total, libre, sensible, visionnaire, lucide et plus que jamais pertinent. Par son goût du risque, des faits d’armes et des coups d’éclat, son refus du confort et du conformisme, ce « dandy révolté » aura prêté le flanc aux critiques faciles. Il n’est que temps de pleinement reconnaître et célébrer, à la hauteur de ses homologues américains, l’héritage du pionnier de l’abstraction libre.

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La Victoire de Denain, 1963 Huile sur toile, 275 x 700 cm Oil on canvas, 108 1⁄4 x 2755⁄8 in. Collection Georges Mathieu

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Le style des années 1960 et 1970 The style of the 1960s and 1970s Édouard Lombard Directeur du Comité Georges Mathieu

Georges Mathieu devant Jupiter (exposition à la Manufacture Nationale des Gobelins, Paris), 1969

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GEORGES MATHIEU

C

eux qui ont connu les années 1960 et 1970 en France se rappellent sans doute les affiches créées par Georges Mathieu pour Air France, ses assiettes pour la Manufacture nationale de Sèvres, ses médailles pour la Monnaie de Paris, ses timbres postaux, le logo d’Antenne 2 et sa fameuse pièce de 10 francs.

« Le deuxième [rôle de l’artiste] est celui du passage de ce langage dans la vie, afin de tenter l’une des plus hautes aventures : la création d’un style et éventuellement d’un art de vivre. Ce fut de tout temps la plus grande ambition des artistes, de Michel-Ange à David, en passant par Le Brun. » 1 Les incursions, nombreuses, de Georges Mathieu dans les arts appliqués — il s’attache à faire passer dans la vie le style qui lui est propre2 — sont néanmoins périphériques : elles procèdent du langage pictural qu’il continue à développer en parallèle. La peinture reste le cœur du travail artistique de Mathieu.

1. Georges Mathieu, « L’artiste et la création des formes », conférence de Heidelberg, 1980, in L’Abstraction prophétique, Éd. Gallimard, 1984, p. 170. 2. « De tout temps, c’est l’artiste qui a commandé et déterminé les formes de son époque et qui en quelque sorte l’a incarnée. » Georges Mathieu, lettre au conservateur du musée des Arts décoratifs, 1962, in Au-delà du Tachisme, Éd. Julliard, 1963, p. 276.

Mathieu « se permet ce qui peut passer pour la plus périlleuse gageure de notre temps actuel : l’élégance ». Mathieu “allows himself what might pass as the most perilous wager in our times: elegance.” Michel Tapié

La notion du style est abordée très tôt. En janvier 1952, lorsque se tient au Studio Facchetti une des premières expositions personnelles de Georges Mathieu intitulée Le message signifiant de Georges Mathieu, le critique d’art Michel Tapié écrit : « Arriver au “style” en évitant tous les pièges académiques n’est pas la moindre des stupéfactions que nous éprouvons devant les œuvres de Georges Mathieu » et conclut que Mathieu « se permet ce qui peut passer pour la plus périlleuse gageure de notre temps actuel : l’élégance ».

T

hose who were around in France in the 1960s and 1970s will no doubt remember the posters that Georges Mathieu designed for Air France, his plates for the Sèvres national porcelain factory, his medals for the Paris Mint, his postage stamps, his logo for the Antenne 2 TV channel, and his famous 10-franc coin. “The second role [of the artist] is that of bringing this language into life, in order to attempt one of the highest adventures: the creation of a style and, ultimately, an art of living. In all ages this has been the greatest ambition of artists, from Michelangelo to Le Brun to David.” 1

However, these numerous incursions into the applied arts, during which Mathieu sought to introduce his distinctive style2 into everyday life, are nevertheless peripheral: while they arise from his distinctive pictorial language, painting remained the core of his artistic activity, the place where he continued to develop that language.

The notion of style emerged at an early stage. In January 1952, when Mathieu had one of his first solo exhibitions at Studio Facchetti, titled Le message signifiant de Georges Mathieu, the art critic Michel Tapié wrote: “To have attained ‘style’ while avoiding all the academic traps is not the least of the stupefactions that we feel before the works of Georges Mathieu,” and concluded that Mathieu “allows himself what might pass as the most perilous wager in our times: elegance.” Thirteen years later, in 1965, the large-scale exhibition organized by Galerie Charpentier inaugurated a sudden evolution in Mathieu’s pictorial language, in which elegance was reaffirmed in his stylistic approach.

Treize ans plus tard, en 1965, la grande exposition organisée à la Galerie Charpentier inaugure une évolution abrupte du langage pictural de Mathieu, où l’élégance est réaffirmée dans l’approche stylistique.

Mathieu developed and codified new forms of non-

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1. Georges Mathieu, “L'artiste et la création des formes” Heidelberg lecture, 1980, in L'abstraction prophétique, Paris: Gallimard, 1984, p. 170. 2. “In all ages, artists have commanded and determined the forms of their day, and have in a sense embodied it.” Georges Mathieu, letter to the curator of the Musée des Arts Décoratifs, 1962, in Au-delà du Tachisme, Paris: Éditions Julliard, 1963, p. 276.


GEORGES MATHIEU

Georges Mathieu développe et codifie des formes nouvelles de non-représentation dans le cadre d’expérimentations qui répondent autant aux postulats de l’Abstraction lyrique et intuitive qu’a posteriori aux exigences esthétiques du style.3 Il parle de « formes plus sereines, moins agressives et qui gagnent en spiritualité »4. En 1971, dans le catalogue de l’exposition à la Monnaie de Paris, son directeur Pierre Dehaye affirme : « Jamais, depuis plus de vingt ans qu’a commencé l’Abstraction lyrique, l’artiste n’a atteint cette égalité dans l’éclat et l’équilibre tout ensemble. Chaque toile est une fête. »

3. « En ce qui me concerne et d’une façon très générale, le sens de mon évolution a été celui du passage du cri à l’esthétique. C’est une démarche fatale et qui est presque inhérente à toutes les sortes de styles qui évoluent sur une période assez longue. » Georges Mathieu, « L’artiste et la création des formes », op. cit., p. 171 ; cette évolution prend une nouvelle direction avec la période « barbare » qui démarre autour de 1989, dans une forme de retour au « cri ». 4. Georges Mathieu, « L’artiste et la création des formes », op. cit., p. 172. 5. Georges Mathieu, « L’Artiste et la création des formes », op. cit., p. 172 6. Par exemple Foulsapatte (1978), incluse dans l’exposition. 7. Musée de la Poste, 1980. 8. Notamment Arcadie (1975), incluse dans l’exposition. 9. Georges Mathieu, «L’art monétaire : cri ou esthétique ? », novembre 1974, in La Réponse de l’Abstraction lyrique, Éd. La Table ronde, 1975, p. 305.

Des structures rigides servent désormais de substrats aux signes souples et lyriques de l’artiste : « Une nouvelle rigueur s’annonce en même temps que des lignes droites, orthogonales qui ne valent pas en soi, mais comme support des graphismes qui s’y superposent. »5 Puis les signes deviennent sur les toiles de la fin des années 1970 des lignes « intermittentes et discontinues », des réseaux de « supersignes »6 multiples et enchevêtrés. La couleur joue également un rôle de premier plan. Dans un catalogue d’exposition7, on évoque pour certaines œuvres les « plages de couleurs vives [qui] paraissent enchâssées, telles des pierres précieuses dans une monture baroque », tandis que quelques rares autres8

« Jamais, depuis plus de vingt ans […] l’artiste n’a atteint cette égalité dans l’éclat et l’équilibre tout ensemble. Chaque toile est une fête. » Never, in the more than twenty years […] has the artist achieved such equality in brilliance and the equilibrium of the whole. Each canvas is a festival.” Pierre Dehaye

representation in the framework of experiments that reflect as much the postulates of lyrical and intuitive abstraction as they do, a posteriori, the aesthetic demands of style.3 He speaks of “forms that are more serene, less aggressive, and gain in spirituality.” 4 In 1971, in the catalogue of Mathieu’s exhibition at the Monnaie de Paris, the director of that institution, Pierre Dehaye, affirmed that, “Never, in the more than twenty years since the start of lyrical abstraction, has the artist achieved such equality in brilliance and the equilibrium of the whole. Each canvas is a festival.” Rigid structures now served as substrates to the artist’s supple, lyrical signs. “A new rigor is appearing at the same time as straight lines, orthogonals that are of value not in themselves, but as the support for the graphic marks that take place over them.” 5 On the canvases of the late 1970s, the signs became “intermittent and discontinuous” lines, webs of multiple and intertwined “supersigns.” 6 Color also played a leading role. In an exhibition catalogue,7 certain works were described in terms of “swathes of bright color [that] seem inlaid, like precious stones in a baroque mount,” while a few others8 were described as evanescent.

sont qualifiées d’évanescentes. Whereas certain canvases displayed royal finery, others suggested the appearance of cities or even “megacities”. 9 The 1960s and 1970s were the theater of a creative activity that was unprecedented in its variety, a fact reflected in the exhibition held at the Galerie Templon, which brings together some thirty works.

Alors que certaines toiles arborent des atours royaux, d’autres suggèrent l’apparence de villes voire de « mégapolis »9. Les années 1960 et 1970 sont le théâtre d’une création d’une variété inouïe, que l’exposition à la Galerie Templon – qui réunit une trentaine d’œuvres – manifeste.

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Foulsapatte (détail), 1978 Huile sur toile, 97 x 130 cm Oil on canvas, 38 1⁄4 x 51 1⁄8 in.

3. “As far as I am concerned, and in a very general way, the direction of my development has been that of the transition from the cry to the aesthetic. It is an inevitable approach that is almost inherent to all kinds of style that evolve over a rather long period.” Georges Mathieu, “L'artiste et la création des formes,” op. cit. p. 171. This development followed a new direction with his “barbarian” period which began around 1989, in a form of return to the “cry”. 4. Georges Mathieu, “L'artiste et la création des formes,” op. cit., p. 172. 5. Georges Mathieu, “L’artiste et la création des formes,” op. cit., p. 172. 6. For example, Foulsapatte (1978), included in the exhibition. 7. Musée de la Poste, 1980. 8. Notably Arcadie (1975), included in the exhibition. 9. Georges Mathieu, “L’art monétaire : cri ou esthétique ?,” November 1974, in La réponse de l’abstraction lyrique, Paris: La Table Ronde, 1975, p. 305.


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Mathieu vu des États-Unis, des années 1950 à aujourd’hui Mathieu, as Seen from the United States, from the 1950s to Today

AnnMarie Perl Chercheuse et maître de conférence au Département Art et Archéologie à l’Université de Princeton Associate Research Scholar and Lecturer in the Department of Art and Archaeology at Princeton University

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A

O

u cours de la fin des années 1940 et du début des années 1950, le peintre français Georges Mathieu développe le style caractéristique qu’il continuera d’affiner tout au long des années 1960 et 1970. Durant cette période, Mathieu reste fidèle à l’esthétique et à l’éthique de l’abstraction gestuelle d’après-guerre, en dépit de l’arrivée de nouveaux mouvements artistiques, tels que le néo-dadaïsme, le Pop Art, le minimalisme et l’art conceptuel, lesquels détournent l’attention du médium pictural. Mathieu croit en la primauté de la peinture et en la force expressive de l’abstraction, et ce, alors même qu’il ouvre la voie à l’art performatif et cherche à renforcer le rôle de l’artiste dans la société. Ses peintures et performances revêtent un intérêt propre, mais sont également significatives du point de vue de l’histoire comme de l’histoire de l’art, car elles défient nos attentes à plusieurs égards, et nous donnent accès à une autre vision, plus circonstanciée, de l’abstraction d’après-guerre.

Hommage à Grigny, 1970 Huile sur toile, 195 x 97 cm Oil on canvas, 76 3⁄4 x 38 1⁄4 in.

ver the course of the late 1940s and early 1950s, the French painter Georges Mathieu developed the signature style that he would continue to refine through the 1960s and 1970s. During this period, Mathieu remained committed to the aesthetics and the ethics of postwar gestural abstraction, in spite of new artistic movements, like neo-Dada, pop art, minimalism and conceptual art, which altogether turned attention away from the medium of painting. Mathieu believed in the primacy of painting and the expressive power of abstraction, even as he pointed the way toward performance art and sought a greater role for the artist within society. His paintings and performances are inherently interesting but also significant, both art-historically and historically, because they depart in important ways from our expectations and allow us to see postwar abstraction differently and more completely. One way to understand the over half-century-long trajectory of Mathieu is to return to the crucial historical moment in the 1950s, when Mathieu became an artworld star in the United States. By the late 1940s, Mathieu had already established himself in the Parisian art world as an energetic leader and able organizer of the artistic movement of lyrical abstraction, which was then considered the analogue of abstract expressionism in the United States. This short essay will explain how and why Mathieu’s artwork, which was feted for its virtuosity in New York, all of a sudden came to be considered derivative and even dangerous in the minds of American artists. What were the American taboos that Mathieu arguably knowingly violated? And how French was Mathieu’s work? That Mathieu continued upon the same artistic path across continents and for decades in spite of the views expressed by his esteemed American colleagues indicates that even if he had not anticipated their first hostile reaction he was not dissuaded by it. On the contrary, he was emboldened.

On peut comprendre le parcours de Georges Mathieu, qui s’étend sur plus d’un demi-siècle, en retournant au moment crucial de l’histoire des années 1950 qui le vit accéder à la notoriété aux États-Unis. À la fin des années 1940, Mathieu s’impose dans les milieux artistiques parisiens comme un chef de file dynamique et un habile organisateur du mouvement artistique de l’Abstraction lyrique, alors considérée comme l’équivalent de l’expressionnisme abstrait américain. Ce court essai explique comment et pourquoi l’œuvre de Georges Mathieu, d’abord célébrée à New York pour sa virtuosité, fut soudainement considérée comme imitative, et même dangereuse, dans l’esprit des artistes américains. Quels sont les tabous américains enfreints par Mathieu, vraisemblablement en connaissance de cause ? Et dans quelle mesure son œuvre participe-t-elle d’un esprit français ? Que Georges Mathieu ait persévéré sur la même voie artistique, d’un continent à l’autre et des décennies durant, en dépit de ses éminents collègues américains, témoigne du fait que, s’il n’a pas anticipé leur première

What follows provides only a partial explanation for Mathieu’s place within art-historical scholarship at the

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Certaines des analyses de ce texte ont été présentées à la conférence annuelle du College Art Association en février 2018. Je remercie Sabine Eckmann et Angela Miller de m’avoir intégrée à la table ronde “International Abstraction after World War II: The US, France, Germany, and Beyond,” et pour leur retour sur ma contribution. Je remercie également Catherine Fernandez et Victoire Disderot pour leur relecture et leurs commentaires sur les premières versions de cette contribution. Some of the ideas here were presented at the College Art Association’s annual conference in February of 2018. I am grateful to Sabine Eckmann and Angela Miller for including me in their panel, titled “International Abstraction after World War II: The US, France, Germany, and Beyond,” as well as their feedback on my conference paper. I am also grateful to both Catherine Fernandez and Victoire Disderot for reading and commenting on earlier drafts of this essay.


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réaction d’hostilité, il n’en a pas été dissuadé pour autant. Au contraire, il s’en est enhardi.

Arsilda, 1970 Huile sur toile, 100 x 81 cm Oil on canvas, 39 3⁄8 x 31 7⁄8 in.

Ce qui suit n’offre qu’une explication partielle de la place que Georges Mathieu occupe à l’heure actuelle dans le champ de l’histoire de l’art. Il existe d’excellentes études monographiques sur son œuvre, qu’il convient d’explorer de façon plus approfondie, indépendamment ou dans le cadre élargi de l’histoire et de l’histoire de l’art, dans le contexte français ou américain.1 Bien que la production

L’œuvre de Georges Mathieu a beaucoup à nous apprendre sur la mondialisation de l’art dans les années 1950. Georges Mathieu’s work in the art world [has] much to teach us about the globalization of the art world during the 1950s.

artistique française d’après-guerre ait davantage retenu l’attention des chercheurs au cours des vingt dernières années, l’histoire de l’art de l’après-guerre, en tant que discipline, reste dominée par le point de vue américain, ses figures historiques, ses courants artistiques et ses valeurs esthétiques. Pour cette raison, et parce que la réception américaine de Mathieu au milieu des années 1950 a eu un tel impact, c’est le contexte américain qui sera ici mis en avant, plutôt que le contexte français, qui n’en est pas moins important. L’œuvre de Georges Mathieu et ses réalisations dans le monde de l’art ont beaucoup à nous apprendre sur la mondialisation de l’art dans les années 1950, dont l’inversion notoire et déjà bien étudiée du rapport de force entre les milieux artistiques parisiens et new-yorkais ; comment la pratique artistique s’est en partie distinguée de l’objet d’art discret ; ainsi que les origines, le développement et les critères de la peinture abstraite d’un contexte national à un autre.

present. There have been excellent monographic studies of Mathieu’s work, which has yet to be fully explored, either independently or in relation to the broader arthistorical and historical contexts, whether French or American.1 Despite the fact that postwar French art has received more scholarly attention during the last couple of decades than previously, postwar art history as a field remains dominated by American narratives, historical figures, artistic movements and aesthetic values. For this reason, and because the American reception of Mathieu during the mid-1950s was so impactful, the American context is privileged here, rather than the French, which is no less important. Mathieu’s work in the art world and his artworks have much to teach us about the globalization of the art world during the 1950s, including the wellknown and well-studied shift in the balance of power in the art scene from Paris to New York, how artistic practice came to be less centered on the discrete art object and the origins, development and criteria of abstract painting across national contexts.

Le décoratif et le domestique Quand la première exposition personnelle new-yorkaise de Georges Mathieu a lieu à la Stable Gallery, en octobre 1952, il se fait représenter dans le catalogue, non pas en peintre, ni en action – comme le veut alors l’usage, aux États-Unis comme en France –, mais en écrivain et en lecteur, à la façon des portraits d’apparat rococos. Les tableaux de Mathieu étaient accrochés en décoration des murs de son appartement parisien. Par leur forme et leur taille, ils s’insèrent parfaitement dans les surfaces qu’ils occupent, comme si les toiles et les châssis avaient été mesurés en vue des lieux. Les formes

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1. Voir, par exemple : Daniel Abadie, Georges Mathieu (Paris : Jeu de paume, 2002) ; Serge Guilbaut, “Disdain for the Stain: Abstract Expressionism and Tachisme”, in Abstract Expressionism: The International Context, sous la direction de Joan Marter (New Brunswick : Rutgers University Press, 2007), pp. 29-50 ; Ágnes Berecz, “Grand Slam: Histories of and by Georges Mathieu”, Yale University Art Gallery Bulletin (2008), pp. 65-74. Mon livre, intitulé The Integration of Showmanship on Modern Art, explorera les origines, le développement, la réception et l’impact des performances de la peinture dans la période de l’après-guerre, dont celles de Mathieu. 1. See, for example: Daniel Abadie, Georges Mathieu (Paris: Jeu de Paume, 2002); Serge Guilbaut, “Disdain for the Stain: Abstract Expressionism and Tachisme,” in Abstract Expressionism: The International Context, edited by Joan Marter (New Brunswick: Rutgers University Press, 2007), pp. 29-50; Ágnes Berecz, “Grand Slam: Histories of and by Georges Mathieu,” Yale University Art Gallery Bulletin (2008), pp. 65-74. My book, titled The Integration of Showmanship on Modern Art, will explore the origins, development, reception and impact of performances of painting during the postwar period, including those of Mathieu.


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The Decorative and the Domestic

alternativement sinueuses et strictes des peintures répondent en outre à l’ameublement environnant, dont respectivement un bureau à dorures et pieds en cabriole, et un dessus-de-lit rayé. Ces tableaux sont présentés – autour de la figure de l’artiste – comme des réflexions : des signes, marques et manifestations de son érudition et de son intellect, des matérialisations de son esprit, et non le produit de ses mains ou de son corps. Ainsi, un intérieur privé en révèle d’autres : un espace domestique exigu, ordonné, renferme des images conceptuellement autosimilaire de la subjectivité de l’artiste. D’après l’image qu’il donne de lui-même, Mathieu apparaît davantage comme un connaisseur ou un collectionneur qu’un artiste, et présente ses œuvres comme revêtant un caractère intellectuel, délibéré et savant, plutôt que matériel, intuitif et même inconscient. Georges Mathieu, 1952 (cat. The Significant Message of Georges Mathieu, New York, Stable Gallery)

2. Romy Golan, “L’Éternel Décoratif: French Art in the 1950s”, Yale French Studies, No. 98, The French Fifties (2000), pp. 98-118. 3. Harold Rosenberg, “The American Action Painters”, ARTnews, vol. 51, no 8, décembre 1952, p. 49. 2. Romy Golan, “L’Éternel Décoratif: French Art in the 1950s,” Yale French Studies, No. 98, The French Fifties (2000), pp. 98-118.

When Mathieu had his first personal exhibition in New York City at the Stable Gallery in October of 1952, he had himself pictured in the catalogue, neither as a painter, nor in action—as was then the fashion, in the United States, as well as in France—but as a reader and a writer in the genre of the rococo portrait d’apparat. Mathieu’s paintings were displayed as decoration on the walls of his Paris apartment. In their shape and size, they fit the walls where they hung precisely, as if the canvases and stretchers had been measured for the spaces. The alternatively sinuous and stringent forms of the paintings also matched nearby furnishings, including a gilt writing desk with cabriole legs and striped bedclothes, respectively. His paintings were figured—around the figure of the artist—as thoughts: as signs, marks, and expressions of his erudition and intellect, materializations of his mind, not products of his hands or his body. One private interior thus disclosed other ones: a tidy, cramped domestic space contained conceptually self-similar pictures of the artist’s subjectivity. In his self-presentation, Mathieu appeared more like a collector or connoisseur of art than an artist and framed his works as intellectual in character, deliberate and learned, rather than physical, intuitive and even unconscious.

La présentation des tableaux de Georges Mathieu est délibérément décorative, domestique, et donc contraire à l’esthétique du courant de peinture abstraite alors en vigueur aux États-Unis. Tandis qu’en France, comme l’a montré l’historienne de l’art Romy Golan, l’aspect décoratif est apprécié et en vogue, il pose un problème aux jeunes expressionnistes abstraits, compte tenu des dimensions de leurs toiles et de la nature de leurs compositions all-over2. En effet, le

Mathieu’s presentation of his paintings was deliberately decorative, domestic and thus contrary to the aesthetics of the abstract painting then current in the United States. While decorativeness was then valued and fashionable in France, as the art historian Romy Golan has demonstrated, it posed a problem for the young abstract expressionists, given the size of their canvases and the nature of their all-over compositions.2 Indeed, the

décoratif représente un danger que le critique d’art américain Harold Rosenberg a identifié sous le terme mémorable de « papier peint apocalyptique », dans un essai marquant, « The American Action Painters », où il inventa le terme Action Painting3. Pour Mathieu, ça n’a rien d’un danger ; c’est, au contraire, un trait positif. Ces portraits photographiques servirent à introduire et à différencier l’esthétique de Mathieu dans l’esprit du public américain, en particulier son attachement, peu commun, au caractère décoratif de la peinture abstraite, caractéristique que l’on niait ou rejetait fréquemment, ainsi que son approche cérébrale, voire livresque, de l’abstraction gestuelle, à laquelle beaucoup étaient arrivés par le biais de l’automatisme surréaliste. Ces attitudes différencient Georges Mathieu d’autres artistes similaires, et nous permettent d’envisager

decorative represented a danger that was memorably diagnosed as “apocalyptic wallpaper” by the American art critic Harold Rosenberg in his landmark essay, “The American action painters,” in which he coined the term, “action painting.” 3 For Mathieu, this was no danger, but rather a positive value. These portrait photographs served to introduce and differentiate Mathieu’s aesthetic to American audiences: in particular, his unusual embrace

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Tandis qu’en France, […] l’aspect décoratif est apprécié et en vogue, il pose un problème aux jeunes expressionnistes abstraits. While decorativeness was then valued and fashionable in France […], it posed a problem for the young abstract expressionists.


Jackson Pollock, Autumn Rhythm (Number 30), 1950 Peinture émail sur toile, 266,7 x 525,8 cm Enamel on canvas, 105 x 207 in. George A. Hearn Fund, 1957

4. James Thrall Soby, “Younger European Painters”, The Saturday Review, 2 janvier 1954, p. 61.

La peinture all-over aux entrelacs onduleux de Pollock semble s’étendre en profondeur et en largeur… Pollock’s interlacing, undulating, allover painting appears to expand in depth and breadth…

l’histoire de l’abstraction d’après-guerre sous un autre angle.

of abstract painting’s decorativeness, which was a quality that was oftentimes dismissed or denied, as well as the cerebral, even bookish way in which he approached gestural abstraction, which many had arrived at through surrealist automatism. These stances set Mathieu apart from other similar artists and allow us to revisit the history of postwar abstraction from another perspective.

Peinture : « Jackson Pollock est-il aussi doué que Georges Mathieu ? » En 1954, le fameux collectionneur, conservateur et critique James Thrall Soby s’interroge dans The Saturday Review : « Jackson Pollock est-il aussi doué que Georges Mathieu ? »4. Envisagée aujourd’hui, la question est frappante et révélatrice. Elle convoque un moment de l’histoire essentiellement oublié et négligé du milieu des années 1950, quand ces deux artistes – tous deux à l’avant-garde de l’abstraction gestuelle d’après-guerre – étaient comparés dans la critique.5 C’est l’exposition Younger European Painters, alors à l’affiche du musée Guggenheim de New York, qui est à l’origine de la question de Soby. Peinture, réalisée par Georges Mathieu en 1952, figure parmi les œuvres exposées. Le Guggenheim en fait l’acquisition pour ses collections à l’occasion de l’exposition, et l’œuvre décide Alfred Barr, du Museum of Modern Art, à acheter un tableau de Mathieu pour sa propre institution6. Alors que l’exposition

Painting: “Is Jackson Pollock as talented as Georges Mathieu?” In 1954, the prominent American collector, curator, and critic James Thrall Soby asked in The Saturday Review: “Is Jackson Pollock as talented as Georges Mathieu?”4 From the perspective of the present, the question is striking and illuminating. It recalls a largely forgotten and neglected historical moment in the mid1950s when these two artists—both leaders of postwar gestural abstraction—were compared in art criticism.5 Soby’s question was prompted by the exhibition of Younger European Painters, which was then on view at the Guggenheim Museum in New York. Mathieu’s Painting of 1952 was among the works exhibited. The Guggenheim acquired this painting from the exhibition for its collection, and the work persuaded Alfred Barr of the Museum of Modern Art to purchase a painting by

est toujours en cours, Mathieu signe un contrat avec le galeriste américain Samuel Kootz7. De façon significative, à ce moment de sa trajectoire artistique,

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5. Ayant cité la remarque de Soby susmentionnée, l’historienne de l’art Sarah Wilson affirme : « La relation de Mathieu et de Jackson Pollock, en ce qui concerne les études sur la guerre froide, est occultée et d’une importance cruciale... ». Voir Sarah Wilson, “Georges Mathieu: Between France and Japan. Gesture and Performance Session”, communication présentée au Congrès de l’Association internationale des critiques d’art, Macao-Hong Kong-Canton, septembre 1995, pp. 5, 1. 6. Lettre d’Alfred H. Barr à Samuel Kootz, 22 mars 1954, Alfred Hamilton Barr papers, [ca. 1915-1983]. Archives of American Art, Smithsonian Institution. 7. Samuel Kootz envoya un contrat à Mathieu le 26 janvier 1954, que l’artiste lui renvoya le 18 février (Archives Georges Mathieu, Paris). Je remercie Édouard Lombard de m’avoir permis de poursuivre mes recherches dans ces archives. 3. Harold Rosenberg, “The American Action Painters”, ARTnews, vol. 51, no. 8, December 1952, p. 49. 4. James Thrall Soby, “Younger European Painters,” The Saturday Review, January 2, 1954, p. 61. 5. Citing the aforementioned remark by Soby, the art historian Sarah Wilson argued: “Mathieu’s relationship with Jackson Pollock in terms of cold war studies is extremely important and overlooked.” See Sarah Wilson, “Georges Mathieu: Between France and Japan. Gesture and Performance Session,” Paper presented at the Congress of the International Association of Art Critics, Macao-Hong Kong-Canton, September 1995, pp. 5, 1.


GEORGES MATHIEU

Mathieu for his home institution.6 While the exhibition was still underway, Mathieu signed a contract with the American gallerist Samuel Kootz.7 Significantly, at this point in the trajectory of his artistic development, Mathieu had yet to stage one of the performances of painting in public for which he would soon afterwards become famous in France as well as in the United States. The focus of such American critics, curators, and gallerists was thus necessarily and exclusively on Mathieu’s paintings. It is important to note in advance the open-mindedness of these art-world actors, whose desire to advocate for contemporary American art did not predispose them against Mathieu’s painting, which they appreciated and supported publicly and concretely.

Georges Mathieu n’a pas encore réalisé les performances picturales en public pour lesquelles il deviendra célèbre peu de temps après, en France et aux États-Unis. De ce fait, les critiques, conservateurs et galeristes américains ne pouvaient s’intéresser qu’aux toiles de Georges Mathieu. Il est important de souligner par avance l’ouverture d’esprit de ces acteurs du monde de l’art qui, s’ils entendent faire la promotion de l’art contemporain américain, n’en retirent pas de préjugé envers la peinture de Mathieu, qu’ils apprécient et soutiennent ouvertement, par des actes concrets. Peinture (1952) se prête à des comparaisons avec le style de peinture accompli iconique de Pollock 8. De grande

8. Mes remerciements à Carmen del Valle Hermo pour m’avoir permis de voir ce tableau dans l’entrepôt du musée Guggenheim à Manhattan en 2012. Peinture a été référencée plus tard sous le nom de Peinture noire à tache noire ou Black Spot: Voir Mathieu, Musée d’art moderne de la Ville de Paris, Paris, Presses Artistiques, 1963, n.p. et Mathieu, 50 ans de création Paris, Hervas, 2003, p. 48. 6. Letter from Alfred H. Barr to Samuel Kootz, March 22, 1954, Alfred Hamilton Barr papers, [ca. 1915-1983]. Archives of American Art, Smithsonian Institution. 7. Samuel Kootz sent a contract to Mathieu on January 26, 1954, and Mathieu returned it to him on February 8, 1954. Georges Mathieu Archives, Paris. I am grateful to Édouard Lombard for allowing me to conduct research in these archives.

dimension, le tableau présente lui aussi un fort contraste, une palette restreinte, il est linéaire dans ses formes, évidemment gestuel et abstrait, dans l’application et dans le style, et, conformément au titre de Mathieu, se confronte au médium pictural. La comparaison de Soby sert à préciser ce qui différencie le style individuel de chaque peintre, à savoir des compositions, mouvements, factures, rapports figure-fond et impacts visuels de nature diamétralement opposée : la peinture all-over aux entrelacs onduleux de Pollock semble s’étendre en profondeur et en largeur, tandis que l’accent dramatique de la peinture de Mathieu porte tout entier sur une figure fortement concentrée et cependant centrifuge, sur un fond d’un contraste saisissant, surnaturellement désert. Les coulées et les projections de peinture de Pollock s’en remettent à la gravité et au hasard et possèdent la grâce et l’inévitabilité de ces forces, tandis que les tableaux de Mathieu contiennent et endurent des déflagrations agressives et spasmodiques qui semblent essentiellement résulter d’une intervention humaine : hautement contraintes et artificielles, non naturelles.

Painting (1952) lends itself to comparison with Pollock’s much-celebrated mature style of painting.8 It is also large in size, high contrast, reduced in palette, linear in its forms, gestural and abstract, of course, in application and style and, as per Mathieu’s title, selfconsciously engaged with the medium of painting. Soby’s comparison served to clarify what was most distinctive about each painter’s individual style, namely, their diametrically opposed types of composition, movement, facture, figure-ground relations and visual

Un nationalisme néanmoins manifeste : « Si Pollock était français » Malgré l’esprit d’internationalisme qui règne alors sur les milieux artistiques parisiens et new-yorkais, les années 1950 connaissent une montée du nationalisme

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… tandis que l’accent dramatique de la peinture de Mathieu porte tout entier sur une figure concentrée. … while the dramatic focus of Mathieu’s painting is fixed entirely within a centralized figure. Peinture, 1952 Huile sur toile, 200 x 299,7 cm Oil on canvas, 783⁄4 x 118 in. Solomon R. Guggenheim Museum, New York


GEORGES MATHIEU

Malgré l’esprit d’internationalisme qui règne alors sur les milieux artistiques parisiens et new-yorkais, les années 1950 connaissent une montée du nationalisme. Despite the spirit of internationalism that reigned in the art worlds of New York and Paris, there was a rise in nationalism over the course of the 1950s.

qui finit par affecter les relations entre artistes français et américains, et contribue même à façonner durablement le mouvement artistique. Les artistes et les critiques en viennent à considérer comme emblématique du caractère national la peinture qui jusqu’ici a été valorisée pour son orientation internationaliste. Alors que des Américains comme Soby, Barr et Kootz exposent et achètent des œuvres de Mathieu et d’autres artistes français, en France, de la fin des années 1940 au début des années 1950, Georges Mathieu fait la promotion des travaux d’artistes américains, dont Jackson Pollock. C’est dans ce même esprit qu’une exposition des tableaux de Pollock est organisée en mars 1952 au Studio Facchetti à Paris, par des proches de Mathieu. Fait parlant, la contribution au catalogue du commissaire d’exposition, critique et marchand d’art Michel Tapié s’intitule : « Jackson Pollock avec nous »9.

impacts: Pollock’s interlacing, undulating, all-over painting appears to expand in depth and breadth, while the dramatic focus of Mathieu’s painting is fixed entirely within a highly centralized and yet centrifugal figure on a dramatic, eerily empty, contrasting ground. Pollock’s pourings and drippings channel gravity and chance and contain the gracefulness and inevitability of these forces, while Mathieu’s paintings contain and sustain aggressive and spasmodic outbursts that appear essentially man-made, indeed, highly forced and artificial—not natural.

Nationalism nevertheless: “If Pollock were a Frenchman” Despite the spirit of internationalism that reigned in the art worlds of New York and Paris, there was a rise in nationalism over the course of the 1950s that eventually impacted social relations between French and American artists and even helped to durably shape the artistic movement. Painting that had been valued for its internationalist orientation came to be seen as symbolic of the national character by artists and critics. While Americans, such as Soby, Barr, and Kootz, exhibited and purchased works by Mathieu and other French artists, Mathieu promoted the work of American artists, including Pollock, in France throughout the late 1940s and early 1950s. It was in the same spirit that an exhibition of Pollock’s paintings was organized in March of 1952 at the Studio Facchetti in Paris by Mathieu’s close collaborators. Tellingly, the French art critic, curator, and dealer Michel Tapié’s essay in the catalogue was titled, “Jackson Pollock avec nous.” 9

Il y a donc des Français, au premier rang desquels figure Mathieu, qui soutiennent Pollock, mais si Pollock lui-même avait été français, d’après le critique d’art américain Clement Greenberg, il aurait été davantage soutenu par les conservateurs, collectionneurs et critiques américains. Au début de 1952, Greenberg, sur la défensive quant à son propre soutien à Pollock, écrit dans The Partisan Review : « Si Pollock était français, je suis sûr que je n’aurais aujourd’hui plus besoin d’attirer l’attention sur ma propre objectivité quand je fais son éloge ; on l’appellerait déjà « maître » et on spéculerait sur ses tableaux. Dans ce pays, les directeurs de musées, les collectionneurs et les critiques de journaux s’obstineront encore longtemps – par crainte si ce n’est par incompétence – à refuser de croire que nous avons enfin produit le meilleur peintre de toute une génération ; et ils s’obstineront à tout croire excepté leurs propres yeux. »10

There were thus Frenchmen, Mathieu prime among them, supporting Pollock, but had Pollock himself been a Frenchman, the American art critic Clement Greenberg argued, he would have been better supported by American curators, collectors and critics. In early 1952, defensive about his own advocacy of Pollock, Greenberg wrote in the Partisan Review: If Pollock were a Frenchman, I feel sure that there

Greenberg expliquera plus tard que son plaidoyer nationaliste, dont il maintient qu’il est correctif, avait été rendu nécessaire par l’existence, aux États-Unis,

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9. Michel Tapié, “Jackson Pollock avec nous,” in Jackson Pollock, Alfonso Ossorio, et Michel Tapié, Jackson Pollock (Paris : Paul Facchetti, 1952), s. p. 10. Clement Greenberg, “Art Chronicle”, Partisan Review, vol. 19, no 1 (janvier-février 1952), p. 102. Italiques en français dans le texte. 8. My thanks to Carmen del Valle Hermo for granting me the opportunity to view this painting in the Manhattan warehouse of the Guggenheim Museum in 2012. Painting was later referred to as Peinture noire à tache noire and as Black Spot: See Mathieu, musée d’Art moderne de la Ville de Paris (Paris: Presses Artistiques, 1963), n.p. and Mathieu, 50 ans de création (Paris: Hervas, 2003), p. 48. 9. Michel Tapié, “Jackson Pollock avec nous,” in Jackson Pollock, Alfonso Ossorio, and Michel Tapié, Jackson Pollock (Paris: Paul Facchetti, 1952), n.p.


11. Greenberg cité dans Clement Greenberg et Charles Harrison, “A conversation with Clement Greenberg Part II”, Art Monthly (mars 1984), p. 10. 12. Deirdre Robson, “The Market for Abstract Expressionism: The Time Lag Between Critical and Commercial Acceptance”, Archives of American Art Journal, vol. 25, no 3 (1985), pp. 18-23. 13. Cité dans Francis V. O’Connor, Jackson Pollock (New York: Museum of Modern Art, 1967), p. 47. 10. Clement Greenberg, “Art Chronicle,” Partisan Review, vol. 19, no. 1 (January-February 1952), p. 102. French in italics in original text.

d’un préjugé en faveur des artistes français et contre les artistes américains : « À propos des Européens ! Je n’ai fait la distinction entre les Européens et les Américains qu’au début des années 1950, quand j’estimais que nos peintres s’amélioraient. Je réagissais à la situation, parce que le Modern Museum, à l’époque, était plus enclin à faire l’acquisition d’un Mathieu que d’un de Kooning. Et au passage, je pense que Georges Mathieu a du talent, et qu’il est sous-estimé. Il a décliné dernièrement, je sais, mais quand il était bon, il était sacrément bon. Mais pendant un certain temps, il y avait cette tendance, au Museum of Modern Art, à accepter un Européen plus rapidement qu’un Américain, et je réagissais à cela. »11

would be no need by now to call attention to my own objectivity in praising him; people would already be calling him “maître” and speculating in his pictures. Here in this country the museum directors, the collectors, and the newspaper critics will go on for a long time—out of fear if not out of incompetence— refusing to believe that we have at last produced the best painter of a whole generation; and they will go on believing everything but their own eyes.10 An American bias against American artists and for French artists, Greenberg later explained, necessitated his nationalistic advocacy, which was corrective, he maintained: About Europeans! I made the distinction between Europeans and Americans only in the early 1950s when I thought our painters were getting better. Saying that was a reaction to circumstance, because the Modern Museum was then readier to buy a Mathieu than it was a de Kooning. And I think Mathieu is good by the way, and underrated. He’s fallen off lately, I know, but he was damn good

Au début des années 1950, l’émergence aux États-Unis d’un consensus autour de leur importance suscite parmi et autour de ces artistes un sentiment d’accomplissement grisant. Cependant, comme l’a montré l’historienne de l’art Deirdre Robson, les expressionnistes abstraits américains ne connaissent le succès commercial qu’à partir du milieu des années 195012. De ce fait, Pollock

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L’élection de Charles Quint, 1971 Huile sur toile, 250 x 601 cm Oil on canvas, 98 3⁄8 x 236 5⁄8 in.


GEORGES MATHIEU

Pour les artistes de l’époque, […], les meilleures perspectives de vente se trouvent aux États-Unis . For artists then, […] their best prospects for sales were in the United States.

vit dans la précarité longtemps après avoir été salué, y compris par Mathieu, comme « le plus grand peintre américain vivant »13. En France, l’économie, et par conséquent le marché de l’art contemporain, sont encore plus fragiles. Pour les artistes de l’époque, tels que Mathieu et Pollock, les meilleures perspectives de vente se trouvent aux États-Unis. Au début des années 1950, alors que Georges Mathieu, depuis la France, aspire à un soutien réciproque et défend la coopération, Greenberg se représente un combat difficile, un jeu à somme nulle où les artistes français, comme Mathieu, triomphent injustement et accaparent l’attention qui revient de droit à d’autres.

when he was good. But there was this tendency at the Museum of Modern Art for a while to accept a European quicker than an American and I was reacting to that.11 During the early 1950s, there was an exhilarating feeling of accomplishment among these artists and around them, with a consensus around their importance emerging in the United States. Yet, as the art historian Deirdre Robson demonstrated, commercial success for the American abstract expressionists only arrived in the mid-1950s.12 Pollock thus suffered from economic insecurity long after he had been hailed, including by Mathieu, as “the greatest living American painter.” 13

Jackson Pollock disparaît dans un accident de voiture en 1956, et ne verra jamais, ni ne profitera, à la fin des années 1950, de l’essor du marché de l’art contemporain qu’il a contribué à créer. Georges Mathieu, quant à lui, va prospérer sur ce marché, du moins jusqu’à l’explosion du Pop Art. Ce succès lui sera plus tard reproché, dans les années 1960 et 1970, lorsqu’un nombre croissant de critiques et d’artistes influents verront dans le marché de l’art une force de corruption capitaliste à neutraliser, au moyen, notamment, d’une révolution de la production artistique en elle-même. Pour cette nouvelle génération d’intellectuels de gauche, non seulement les idées royalistes de Mathieu sont conservatrices, mais son esthétique l’est aussi : tout moderne que soit son style pictural, Mathieu reste fidèle au médium traditionnel de la peinture, dont l’un des principaux travers, aux yeux de cette génération, est son potentiel commercial. Bien que Georges Mathieu croie par-dessus tout à l’importance de la peinture, il n’en contribue pas moins à mettre en lumière les possibilités artistiques de la performance, dont il s’est emparé, et qu’il a explorée, à la différence de ses pairs aux États-Unis, dont Pollock.

In France, the economy and thus the market for contemporary art were even weaker. For artists then, such as Mathieu and Pollock, their best prospects for sales were in the United States. During the early 1950s, whereas Mathieu, from France, sought reciprocal support and espoused mutuality, Greenberg saw an uphill battle and a zero-sum game, in which French artists, like Mathieu, were winning unfairly and taking away the attention that rightfully belonged to others. Pollock would die in an automobile accident in 1956 and not live to see and enjoy the boom in the contemporary art market during the late 1950s that he helped to create. But, Mathieu would thrive in this market, at least until the explosion of pop art. This would later count as a stroke against him, when, during the later 1960s and 1970s, the art market came to be seen by an increasing number of prominent critics and artists as a corrupting, capitalistic force to be negated, including through a revolution in artistic production itself. For this younger generation of intellectuals of the left, not only were Mathieu’s royalist politics conservative, but so were his aesthetics: Even as his style of painting was modern, Mathieu nevertheless remained committed to the traditional medium of painting, prime among whose faults, for the younger generation, was its marketability. Although Mathieu believed in the importance of painting above all, he nevertheless helped to reveal the

Le performatif : « Mathieu Paints a Picture » C’est un article de fond publié sur Mathieu en 1955 dans la revue ARTnews qui influence durablement

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14. Michel Tapié de Céleyran, “Mathieu Paints a Picture”, ARTnews vol. 53, no 10 (fév. 1955), pp. 50-53, 74-75. 11. Greenberg quoted in Clement Greenberg and Charles Harrison, “A conversation with Clement Greenberg Part II,” Art Monthly (March 1984), p. 10. 12. Deirdre Robson, “The Market for Abstract Expressionism: The Time Lag between Critical and Commercial Acceptance,” Archives of American Art Journal, vol. 25, no. 3 (1985), pp. 18-23. 13. Quoted in Francis V. O’Connor, Jackson Pollock (New York: Museum of Modern Art, 1967), p. 47.


GEORGES MATHIEU

artistic possibilities of performance, which he embraced and explored, unlike his American peers, like Pollock.

The Performative: “Mathieu Paints a Picture” What durably determined the American reception of Mathieu was a feature article published on him in ARTnews in 1955.14 In “Mathieu Paints a Picture,” Michel Tapié recounted how Mathieu had created his painting, titled La Bataille de Bouvines, in 1954: There was first a costumed group excursion to the village of Bouvines, near the Belgian border, in which Mathieu and his friends played fictional roles relating to the historic French medieval battle; in a separate costume, Mathieu created the painting itself, working in a rented film studio in Paris before a small, invited audience; finally, the painting was paraded through the streets of Paris and delivered on a horse-drawn cart to the Salon de Mai, where it was exhibited to the public. These were theatrical acts—with costumes, fictional roles, live audiences. The reaction among American artists, including Clyfford Still and Barnett Newman, was immediate and furious. The American view is significant, including for what it reveals about the American artists’ discomfort with the performative dimension of abstract expressionism. In the United States, there was a long-standing bias against theatricality that did not exist in France.

Méru, 1965 Huile sur toile, 116 x 65 cm Oil on canvas, 45 5⁄8 x 25 5⁄8 in. 14

15. Clyfford Still, lettre à l’éditeur, ARTnews, vol. 54, no 2 (avril 1955), p. 6. 14. Michel Tapié de Céleyran, “Mathieu paints a picture,” ARTnews vol. 53, no. 10 (February 1955), pp. 50-53, 74-75. 15. Clyfford Still, Letter to the editor, ARTnews, vol. 54, no. 2 (April 1955), p. 6.

sa réception aux États-Unis . Dans « Mathieu Paints a Picture », Michel Tapié relate comment Mathieu réalise le tableau de La Bataille de Bouvines en 1954, à commencer par une excursion costumée au village de Bouvines, près de la frontière belge, où Mathieu et ses amis incarnent des personnages fictifs en relation avec la bataille médiévale historique ; dans un autre costume, Georges Mathieu peint le tableau lui-même dans un studio de cinéma loué à Paris, devant un petit parterre d’invités ; pour finir, la toile parade dans les rues de Paris et est livrée en charrette au Salon de mai, où elle est montrée au public. Ce sont de véritables spectacles – avec des costumes, des rôles fictifs, en présence de spectateurs. La réaction des artistes américains, dont Clyfford Still et Barnett Newman, est immédiate et violente. Le point de vue des États-Unis est significatif, notamment en ce qu’il trahit la gêne des

Still penned a stinging letter to the editor of ARTnews, castigating Mathieu and the journal as well for running the article.15 He interpreted Mathieu’s work as a parody of the American abstract expressionists. This was arguably due to a combination of Still’s prior knowledge of Mathieu’s earlier artistic practice and the special context in which this article appeared. For those, like Still, who were familiar with Mathieu’s first personal exhibition at the Stable Gallery in New York only a few years earlier, the extravagance of this theatricalized performance of painting was at odds with his earlier sedate and sedentary self-presentation. It is true that, before the creation of La Bataille de Bouvines, Mathieu was experimenting with

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Il existe aux États-Unis un préjugé de longue date envers la théâtralité, qui n’avait pas cours en France. In the United States, there was a longstanding bias against theatricality that did not exist in France.


GEORGES MATHIEU

Georges Mathieu invente et élabore une variation particulièrement française du style international de l’abstraction gestuelle. Georges Mathieu invented and elaborated a particularly French variety of the international style of gestural abstraction.

artistes américains à l’égard de la dimension performative de l’expressionnisme abstrait. Il existe aux États-Unis un préjugé de longue date envers la théâtralité, qui n’avait pas cours en France. Still adresse une lettre cinglante à la rédaction d’ARTnews, fustigeant Mathieu, ainsi que la revue pour avoir publié l’article15. Il voit dans l’œuvre de Georges Mathieu une

painting in front of the camera, but these experiments were not public or publicized as such and so were largely unknown. “Mathieu Paints a Picture” was by contrast published in ARTnews as the latest edition of an important and influential series that had debuted in 1951 with “Pollock Paints a Picture,” including the celebrated photographs of Pollock at work by Hans Namuth.16

parodie des expressionnistes abstraits américains, ce qui s’explique probablement par la connaissance préalable qu’il a de la pratique artistique antérieure de Mathieu, à laquelle s’ajoute le contexte particulier dans lequel l’article paraît. Pour ceux qui, comme Still, ont connu la première exposition personnelle new-yorkaise de Mathieu, organisée à la Stable Gallery seulement quelques années auparavant, l’extravagance de cette performance picturale théâtralisée entre en contradiction avec l’image impassible et sédentaire qu’il a précédemment donnée de lui. Il est vrai que Georges Mathieu a déjà conduit des expériences picturales devant l’objectif avant de créer La Bataille de Bouvines, mais elles n’ont pas été publiques, ni divulguées en tant que telles, et, de ce fait, ne sont pas véritablement connues. « Mathieu Paints a Picture » en revanche, lors de sa parution dans ARTnews, est le dernier volet en date d’une série influente et marquante commencée en 1951 avec la publication de « Pollocks Paints a Picture » et des célèbres photographies de Pollock au travail par Hans Namuth16. Du point de vue des artistes américains, tels que Clifford Still, dans « Mathieu Paints a Picture », Mathieu se livre à une caricature mesquine et dégradante de leur mouvement17.

From the perspective of American artists, such as Still, in “Mathieu Paints a Picture,” Mathieu was making a malicious, humiliating mockery of their movement.17 Mathieu’s work was also explicitly nationalistic. This provoked a nationalistic response in American artists. Mathieu asserted the increasingly nationalistic character of what had been for all involved the essentially internationalist movement of gestural abstraction. At the same time, he contradicted the evermore common claim that abstract expressionism was essentially American in its origins and character. The art critic and historian Dore Ashton has persuasively recounted and analyzed the ambivalence with which American abstract expressionists experienced this rise in nationalism.18 With unusual honesty and articulateness, Mathieu addressed this issue in a missive that he sent to twenty-five leading American artists in 1952: First, I have to state that it is going to be difficult for me to avoid being nationalistic and immodest. I am going to be both because you could not have any respect for an artist who would claim he is not both. I would not. Moreover I happen to be one of the most nationalistic Frenchmen, which also means one of the less democratic. The great respect which I have for you, American painters, is derived from the fact that you are also very nationalistic and that your attitude is bound to be less democratic than the attitude of most Americans.19

L’œuvre de Georges Mathieu est par ailleurs explicitement nationaliste, ce qui provoque en retour une réaction nationaliste chez les artistes américains. Mathieu affirme le caractère de plus en plus nationaliste de ce qui aux yeux de tous est le mouvement essentiellement internationaliste de l’abstraction gestuelle. Parallèlement, il contredit l’affirmation, de plus en plus répandue, selon laquelle l’expressionnisme abstrait est fondamentalement américain dans ses origines et son esprit. L’historienne et critique d’art Dore Ashton a retracé et analysé de façon convaincante l’ambivalence avec laquelle les

Mathieu traveled widely during the later 1950s, including to the United States and Japan, and took pride in his cosmopolitanism, even as he foregrounded his French identity in his self-fashioning and the presentation of his painting. In a paradox that has since become familiar

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16. Robert Goodnough, “Pollock Paints a Picture”, photographies de Hans Namuth, ARTnews, vol. 50, no 3 (mai 1951), pp. 38-41, 60-61. 17. Romy Golan avançait « que cet article avait été conçu comme une provocation en réaction à deux articles précédents de la revue : “Pollock Paints a Picture” de Robert Goodnough, le premier de la série de photoreportages, et le désormais célèbre “ The American Action Paintings ” de Harold Rosenberg, paru dans ARTnews en 1952 ». Voir Golan, p. 109. 18. Dore Ashton, “Implications of Nationalism for Abstract Expressionism”, in Abstract Expressionism: The International Context, pp. 19-28. 16. Robert Goodnough, “Pollock Paints a Picture,” photographs by Hans Namuth, ARTnews, vol. 50, no. 3 (May 1951), pp. 38-41, 60-61. 17. Romy Golan has argued: “that that article was conceived as a defiant response to two previous essays in the magazine: Robert Goodnough’s ‘Pollock Paints a Picture,’ the first in the photo-essay series, and Harold Rosenberg’s now famous ‘The American Action Paintings,’ published in ARTnews in 1952.” See Golan, p. 109. 18. Dore Ashton, “Implications of Nationalism for Abstract Expressionism,” in Abstract Expressionism: The International Context, pp. 19-28.


GEORGES MATHIEU

expressionnistes américains vivent cette montée du nationalisme18. Dans une missive adressée en 1952 à vingtcinq artistes américains de premier plan, Mathieu aborde ce sujet avec une franchise et une éloquence rares : « En premier lieu, je dois dire qu’il me sera difficile d’éviter de me montrer nationaliste et immodeste. Je vais être les deux, parce que vous ne pourriez pas respecter un artiste qui prétendrait n’être ni l’un ni l’autre. Je ne le pourrais pas. Il se trouve en outre que je suis l’un des Français les plus nationalistes qui soient, et donc l’un des moins démocrates. Le grand respect que j’ai pour vous, les peintres américains, provient du fait que vous êtes vous aussi très nationalistes, et que votre attitude est nécessairement moins démocrate que celle de la plupart des Américains.19 »

19. Georges Mathieu, “Declaration to the American Avant-Garde Painters,” oct. 1952, p. 1. The Bradley Walker Tomlin papers, 1910-1967, Archives of American Art, Smithsonian Institution. 19. Georges Mathieu, “Declaration to the American Avant-Garde Painters,” October 1952, p. 1. The Bradley Walker Tomlin papers, 1910-1967, Archives of American Art, Smithsonian Institution.

to us: with successive waves of globalization comes the need, which is economic, social, and even psychological, to relocate and reassert the national, local, or otherwise particular identity, which has been unmoored as a result. Internationalism was one of the main reasons for the appeal of gestural abstraction for modern artists, such as Pollock and Mathieu. And yet, as this artistic style spread and nationalism spiked in the context of the cold war and decolonization, differentiation, especially along national lines, became essential to it. From the late 1940s through the 1950s, and in the following decades, Mathieu invented and elaborated a particularly French variety of the international style of gestural abstraction. It was decorative aesthetically, performative, even theatrical and celebrated, with the nostalgia of a royalist, the glorious medieval past, and monarchy of France.

Georges Mathieu voyage beaucoup à la fin des années 1950, notamment aux États-Unis et au Japon, et s’enorgueillit de son cosmopolitisme, tout en mettant son identité française en avant dans la présentation de sa peinture et l’élaboration de sa propre image – paradoxe qui nous est depuis devenu familier : aux vagues consécutives de la mondialisation succède le besoin économique, social, et même psychologique de rétablir et de réaffirmer son identité propre, nationale, locale ou autre, dont les amarres ont été rompues. L’internationalisme de l’abstraction gestuelle représente l’un de ses principaux attraits aux yeux des artistes modernes tels que Pollock et Mathieu. Pourtant, tandis que se diffuse ce style artistique et que survient une forte résurgence du nationalisme sur fond de guerre froide et de décolonisation, la différenciation, en particulier selon les frontières nationales, devient essentielle. À partir de la fin des années 1940, tout au long des années 1950, et durant les décennies suivantes, Georges Mathieu invente et élabore une variation particulièrement française du style international de l’abstraction gestuelle : une esthétique décorative, performative, voire théâtrale qui célèbre, avec la nostalgie d’un royaliste, le glorieux passé médiéval et monarchique de la France.

Verberie, 1965 Huile sur toile, 97 X 162 cm Oil on canvas, 38 ¼ x 63 ¾ in.

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Œuvres

– Works 41


Ecartèlement de François Ravaillac, assassin du Roi de France Henri IV, 1960 Huile sur toile, 250 x 400 cm Oil on canvas, 98 3⁄8 x 157 1⁄2 in.

42


Port Royal, 1964 Huile sur toile, 65 x 116 cm Oil on canvas, 25 5⁄8 x 45 5⁄8 in.

43


Nemours, 1964 Huile sur toile, 89 x 116 cm Oil on canvas, 35 x 45 5â „8 in.

44


Agave, 1964 Huile sur toile, 65 x 115 cm Oil on canvas, 25 5⁄8 x 45 1⁄4 in.

45


Gomène, 1965 Huile sur toile, 180 x 60 cm Oil on canvas, 70 7⁄8 x 23 5⁄8 in.

46


Méru, 1965 Huile sur toile, 116 x 65 cm Oil on canvas, 45 5⁄8 x 25 5⁄8 in.

47


Verberie, 1965 Huile sur toile, 97 x 162 cm Oil on canvas, 38 1⁄4 x 63 3⁄4 in.

48


Torque, 1965 Huile sur toile, 65 x 116 cm Oil on canvas, 25 5⁄8 x 45 5⁄8 in.

49


Athys, 1970 Huile sur toile, 89 x 146 cm Oil on canvas, 35 x 57 1â „2 in.

50


Virium, 1967 Huile sur toile, 97 x 195 cm Oil on canvas, 38 1⁄4 x 76 3⁄4 in.

51


Faucigny, 1969 Huile sur toile, 60 x 180 cm Oil on canvas, 23 5⁄8 x 70 7⁄8 in.

52


53


Arsilda, 1970 Huile sur toile, 100 x 81 cm Oil on canvas, 39 3⁄8 x 31 7⁄8 in.

54


Niais de Sologne, 1970 Huile sur toile, 97 x 162 cm Oil on canvas, 38 1⁄4 x 63 3⁄4 in.

55


Hommage à Grigny, 1970 Huile sur toile, 195 x 97 cm Oil on canvas, 76 3⁄4 x 38 1⁄4 in.

56


Alcyone, 1970 Huile sur toile, 97 x 162 cm Oil on canvas, 38 1⁄4 x 63 3⁄4 in.

57


Forez, 1970 Huile sur toile, 60 x 180 cm Oil on canvas, 23 5⁄8 x 70 7⁄8 in.

58


Composition, circa 1970 Huile sur toile, 130 x 73 cm Oil on canvas, 51 1⁄8 x 28 3⁄4 in.

59


Composition, 1971 Huile sur toile, 65 x 100 cm Oil on canvas, 25 5⁄8 x 39 3⁄8 in.

60


Rupture promise, 1973 Huile sur toile, 73 x 100 cm Oil on canvas, 28 3⁄4 x 39 3⁄8 in.

61


Composition, 1974 Huile sur toile, 73 x 100 cm Oil on canvas, 28 3⁄4 x 39 3⁄8 in.

62


Arcadie, 1975 Huile sur toile, 97 x 195 cm Oil on canvas, 38 1⁄4 x 76 3⁄4 in.

63


L’Astre du jour, 1976 Huile sur toile, 73 x 116 cm Oil on canvas, 28 3⁄4 x 45 5⁄8 in.

64


Hommage à Ortega y Gasset, 1976 Alkyde sur toile, 194 x 131 cm Alkyd on canvas, 76 3⁄8 x 51 5⁄8 in.

65


Hommage à Vélasquez, 1976 Huile sur toile, 130 x 162 cm Oil on canvas, 51 1⁄8 x 63 3⁄4 in.

66


La nuit obscure, 1976 Huile sur toile, 114 x 146 cm Oil on canvas, 44 7⁄8 x 57 1⁄2 in.

67


Composition, 1976 Huile sur toile, 73 x 92 cm Oil on canvas, 28 3⁄4 x 36 1⁄4 in.

68


Foulsapatte, 1978 Huile sur toile, 97 x 130 cm Oil on canvas, 38 1⁄4 x 51 1⁄8 in.

69


Manucodie, 1979 Huile sur toile, 81 x 100 cm Oil on canvas, 31 7⁄8 x 39 3⁄8 in.

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Brinxeuls, circa 1979 Huile sur toile, 81 x 100 cm Oil on canvas, 31 7⁄8 x 39 3⁄8 in.

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Biographie

– Biography 72


GEORGES MATHIEU

Expositions personnelles et sélection d’expositions collectives Solo Exhibitions and selection of Group Exhibitions

Librairie Dutilleux,

1942 Douai.

Deuxième Salon des réalités

1947 nouvelles, Paris.

14e Salon des surindépendants, Paris. L’Imaginaire, exposition collective, Galerie du Luxembourg, Paris.

Galerie du Shirokiya, Tokyo. Galerie du Daïmaru, Osaka. Kootz Gallery, New York. Galleria del Naviglio, Milan. Galerie Helios Art, Bruxelles. Galerie Selecta, Rome. Kootz Gallery, New York.

Galerie Schmela, Düsseldorf.

1958 Galerie Art Latin, Stockholm.

Exposition collective, Perspective

Galerie René Drouin,

1959 Atelier Riehentor, Bâle.

White and Black, exposition collective, Galerie des Deux Îles, Paris. Exposition collective, Galerie du Montparnasse, Paris.

1949 Gallery, New York.

Kunstverein, Cologne.

1950 Paris.

27 janvier 1921 (Boulogne-sur-mer) 10 juin 2012 (Paris)

Palais des Beaux-Arts, Bruxelles.

Galerie Grange, Lyon. Galerie Chichio Haller, Zurich. Kunst Museum, Bâle. Galleria Castelnuovo, Ascona. Galerie internationale d’art contemporain, Paris. Musée des Beaux-Arts, Liège. Galerie Rive Droite, Paris.

H.W.P.S.M.T.B., exposition collective,

1948 Galerie Colette Allendy, Paris.

Georges Mathieu

1957 Galerie Kléber, Paris.

Véhémences confrontées, exposition

1951 collective, Galerie Nina Dausset, Paris. Signifiants de l’Informel, exposition collective, Studio Paul Facchetti, Paris.

Studio Paul Facchetti, Paris.

1952 Stable Gallery, New York. Galerie Marcel Évrard,

1953 Lille.

Kootz Gallery, New York.

1954 10e Salon de mai, Paris. Galerie Rive Droite, Paris. Arts Club, Chicago.

Alexander Iolas, New York.

1955 Kootz Gallery, New York.

Kootz Gallery, New York.

1956 Galerie Rive Droite, Paris. Galerie Pierre, Paris. Institute of Contemporary Art, Londres. Kootz Gallery, New York. Art from France, exposition collective, San Francisco Museum of Art, San Francisco.

73

Galleria San Babila, Milan. Galerie Alexander Iolas, New York. Galleria del Cavallino, Venise. Haus Lange Museum, Krefeld. Musée des Beaux-Arts, Neuchâtel. Galerie San Stephan, Vienne. Kootz Gallery, New York. Musée de l’Athénée, Genève. Galerie Jacques Dubourg, Paris. Galerie internationale d’art contemporain, Paris. Musée d’Art moderne, Rio de Janeiro. Galerie Bonino, Buenos Aires.

Musée d’Art moderne, São Paulo.

1960 Kootz Gallery, New York. Galerie internationale d’art contemporain, Paris. Galleria del Cavallino, Venise. Galerie Notizie, Turin. New London Gallery, Londres. Ateneo, Madrid.

Palais de la présidence de la

1961 République, Beyrouth.

Galerie Schmela, Düsseldorf.


GEORGES MATHIEU

Galerie Rive Droite, Paris. Galleria del Naviglio, Milan. Galerie Jacques Dubourg, Paris.

Galerie Hilt, Bâle.

1962 Bezalel Museum, Jérusalem. Neue Galerie im Kunstlerhaus, Munich. Galleria Boussola, Turin. Galleria l’Ariete, Milan. Galleria La Loggia, Bologne. Musée de Tel Aviv, Tel Aviv.

Dominion Gallery, Montréal. 1963 Palais des Beaux-Arts, Bruxelles. Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, Paris. Galerie Arts et Culture, Genève.

Galerie Argos, Nantes.

1964 Galerie Parti-Pris, Grenoble. Galerie Gimpel Fils, Londres. Galerie Arditti, Paris.

Galerie Gimpel & Hanover, Zurich. 1965 Galerie Schmela, Düsseldorf. Court Gallery, Copenhague. Galerie Bleue, Stockholm. Galleri Kaare Berntsen, Oslo. Dominion Gallery, Montréal. Galerie Charpentier, Paris. Galleria del Milione, Milan. Galerie Saqqâran, Gstaad.

Musée des Gobelins, Paris.

Galleria La Loggia, Bologne.

Saint-Paul-de-Vence. Galleria d’Arte dell’A.A.B., Brescia. Musée des Beaux-Arts, Nantes.

Galerie Argos, Nantes. 1967 Kölnischer Kunstverein, Cologne. Musée national d’Art moderne, Paris.

Galerie Kontakt, Anvers. 1968 Galerie Gimpel & Hanover, Zurich. Galerie des Bastions, Genève. Musée des Beaux-Arts, La Chaux-de-Fonds. Galerie Air France, Londres. Galerie Gimpel & Fils, Londres. Galerie Air France, New York.

Wildenstein, New York.

1979 Galerie Dominion, Montréal.

Galerie Rive Droite, Paris. Arts Council of Northern Ireland, Belfast. Galerie Argos, Nantes. Galerie Dominion, Montréal. Galleria Il Cancello, Bologne. Musée des Beaux-Arts, Rennes.

Galerie Protée, Toulouse.

Galerie Veranneman, Bruxelles.

1971 Hôtel de la Monnaie, Paris. Galerie Rive Droite, Paris. Galerie Kontakt, Anvers. Galerie Stadler, Paris. Galleria La Boussola, Turin. Galerie Argès, Bruxelles. Lalikata Academy, New Delhi.

Galerie Suzanne Egloff, Bâle.

1972 Galerie Lambert-Monet, Genève. Centre d’art, Beyrouth. Gimpel Fils Gallery, Londres. Galerie Tallien, Saint-Tropez. Galerie du Triangle, Paris.

Galerie Verbeke, Paris.

1973 Opéra de Berlin, Berlin. Dominion Gallery, Montréal.

Galerie Beaubourg,

1974 Paris.

Musée Picasso, Antibes.

1966 Galerie La Vieille Échoppe,

1969 Galleria del Milione, Milan.

1976 Galerie Beaubourg, Barcelone. Dominion Gallery, Montréal.

Galeria Punto, Valence.

1977 Galeria Ruiz-Castillo, Madrid. Galeria Valera, Bilbao. Kursaal, Ostende. Bodrum Kat, Festival International, Istanbul. Château de Simiane, Valréas.

Grand Palais, Paris. 1978 Festival d’Art lyrique, Aix-en-Provence. Galerie de la Prévôté, Aix-en-Provence. Galerie Ducastel, Avignon.

74

Galerie Lauter, Mannheim.

1980 Galerie Art contemporain, Foire de Bâle, Bâle. Musée de la Poste, Paris.

Galerie Protée,

1981 Fiac, Paris.

Hôtel Méridien, Tunis.

1982 Galerie Jade, Colmar.

Regency Intercontinental Hotel,

1983 Bahreïn.

Château de Vascœuil, Vascœuil. Galerie Pro Arte Kasper, Morges.

Hôtel Méridien, Singapour.

1984 Théâtre municipal, Brive.

Galerie Alain Moyon-Avenard,

1985 Nantes.

Wally Findlay Galleries, New York. Palais des Papes, Avignon. Galerie Rue Calvin, Genève.

Wally Findlay Galleries, Palm Beach.

1986 Galerie du Luxembourg, Luxembourg. Galerie Protée, Paris.

Wally Findlay Galleries, New York.

1987 Galerie Semiha Humber, Zurich. Galerie Sapone, Nice. Galerie de Bellecour, Lyon. Galleria Tedia, Milan. Galerie Protée, Toulouse. Galerie Guy Peters, Gand. Galerie Dominion, Montréal. Galerie La Loggia, Bologne.

Fondation d’Angelo, Maddaloni.

1988 Galerie Narciso, Turin.

Galerie De Crescenzo, Rome. Galerie Mischkind, Lille. Galerie Biniano, Finale Ligure. Galerie Guy Peters, Knokke-le-Zoute. Galerie Protée, Paris.


Galerie Protée, Fiac, Paris.

1989 Art Valley ’88, Forte dei Marmi. Abbaye des Cordeliers, Châteauroux.

Galerie Mucciaccia,

2013 Rome.

Georges Mathieu, vers l’Abstraction

1990 Elleni Galleria d’arte, Bergame.

2014 lyrique, château-musée

Galleri Östermalm, Stockholm Art Fair.

de Boulogne-sur-Mer. Galerie Applicat-Prazan, Fiac, Paris.

Galleria Arte 92, Milan.

1991 Musée Léon Dierx, Saint-Denis, La Réunion.

Château-musée 1992 de Boulogne-sur-Mer.

Galleria Dellupi Arte, Milan.

2016 Hartung et les peintres lyriques, exposition collective, Fonds Hélène et Édouard Leclerc pour la culture, Landerneau.

Le geste et la matière, une abstraction

Exposition-documents La France de 1994 Mathieu, galeries de Saint-Germain, Saint-Germain-en-Laye.

Autour de La Bataille de Hastings,

2017 “autre”, Paris, 1945-1965, exposition collective, Centre Pompidou/Fondation Clément, Martinique.

Les années 1960 et 1970,

1995 Espace d’Art moderne et

2018 Galerie Templon, Paris.

contemporain de Toulouse et MidiPyrénées, Toulouse.

Le grand Œil de Michel Tapié, exposition collective, Galerie Applicat-Prazan, Fiac, Paris.

Rétrospective, Galerie nationale

2002 du Jeu de paume, Paris.

Exposition-documents Pour un art de

2003 vivre, palais Bénédictine, Fécamp. Rétrospective, salle Saint-Georges et cathédrale Saint-Paul, Liège. Rétrospective, Galleria Gruppo Credito Valtellinese, Milan.

Versailles, Petite Écurie du château

2006 de Versailles, Versailles.

Espace d’Art contemporain Fernet Branca, Saint-Louis.

Espace Georges Mathieu,

2008 château-musée de Boulogne-sur-Mer.

Galerie Bailly Contemporain,

2009 XIIIe Pavillon des arts et du design, jardin des Tuileries, Paris.

Galerie du Centre culturel

2011 français de Milan.

Galleria Agnellini Arte Moderna, Brescia.

Art of Another Kind,

2012 exposition collective, Guggenheim, New York.

Port Royal, (détail) 1964 Huile sur toile, 65 x 116 cm Oil on canvas, 25 5⁄8 x 45 5⁄8 in.

75


Catalogue édité à l’occasion de l’exposition Catalogue published for the exhibition

Georges Mathieu Les années 1960-1970 The 1960s and 1970s 8 septembre – 20 octobre 2018 September 8 – October 20, 2018

30 RUE BEAUBOURG 75003 PARIS | +33 (0)1 42 72 14 10

info@templon.com | www.templon.com Édition/Editor : Victoire Disderot, assistée de/assisted by Théa Chevalin Traduction/Translation : Charles Penwarden, Fanny Narcy

Édouard Lombard remercie chaleureusement Daniel Templon, Victor de Bonnecaze et Victoire Disderot pour leur accueil et leur implication engagée ayant permis cette exposition et ce catalogue, ainsi qu’AnnMarie Perl dont les recherches méticuleuses sur le récit historique d’après-guerre permettent de reconsidérer avec du recul l’importance de l’œuvre de Mathieu.

Photos des œuvres de l’exposition/Exhibited artworks photos: Bertrand Huet/Tutti Portraits p. 4 : Daniel Frasnay/akg-images p. 20 : Paul Almasy/Corbis/VCG via Getty p. 7 photo © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMNGrand Palais/Philippe Migeat – p. 9 © Édouard Lombard – p. 11 photo © Ph. Migeat & G. Meguerditchian – p. 12 photo © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais/ Bertrand Prévost – p. 13 photo © Centre Pompidou, MNAMCCI, Dist. RMN-Grand Palais/image Centre Pompidou, MNAM-CCI – p. 17 © Air France – p. 19 photo © Emmanuel Watteau – p. 27 photos DR/Rights Reserved – p.29 © The Metropolitan Museum of Art, Dist. RMN-Grand Palais/image of the MMA – p.30 photo © The Solomon R. Guggenheim Foundation/Art Resource, NY, Dist. RMN-Grand Palais © ADAGP & Comité Georges Mathieu

www.georges-mathieu.fr Facebook : Georges Mathieu @georges.mathieu.officiel Instagram : @georgesmathieuofficiel

An initial version of “Georges Mathieu, the Pioneer” was published in the exhibition catalogue Mathieu 1951-1969, Dellupi Arte gallery

Création, édition : Agence Communic’Art 23 rue du Renard – 75004 Paris Tél. : +33 1 43 20 10 49 www.communicart.fr Directeur de la création/Creative director: François Blanc Design : Georges Baur Coordination : Pascale Guerre English copy-editor : Sarah Tooth-Michelet Imprimé en Belgique/Printed in Belgium © Galerie Templon ISBN : 978-2-917515-33-4





info@templon.com | www.templon.com

ISBN 978-2-917515-33-4 25€

30 RUE BEAUBOURG 75003 PARIS | +33 (0)1 42 72 14 10


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