Une Seconde Vie ROBIN CAMERON
LEFEBVRE & FILS GALERIE
ŒUVRES D’ART / WORKS
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LEFT UR, ROOM EAST, Installation, 2012 RIGHT The Disappointment
LEFT Injury – Knee RIGHT Injury – Shoulder
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LEFT The Foil RIGHT ABOVE The Sprain Sprint / The Twist Wrist RIGHT BELOW The Mouthy Decide
LEFT The Quick Bust RIGHT The Quick Bust, Detail
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LEFT The Purple Mishap RIGHT The Slight Misadventure
LEFT ABOVE The Loud Defeat LEFT BELOW The Mandibular RIGHT Bail Flail Fail
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LEFT The Foolhardy Sea RIGHT ABOVE The Quiet Collapse RIGHT BELOW The Short Drag
LEFT The Wreckage RIGHT The Last Promise, Detail
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LEFT The Grasp and Crumble RIGHT The Slow Downfall
LEFT The Flop RIGHT The Last Promise
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LEFT Ribless RIGHT The Dashed Misconstrue
LEFT The Small Disaster RIGHT Vayse, Detail
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LEFT RIGHT Vayse
., Robin Cameron & Sebastian Black, Bodega, Installation, 2013
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LEFT The Audacious Escape RIGHT The Complete Fiasco
LEFT The Let Down RIGHT The Blow It
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LEFT Low Woe Toe RIGHT The Worst Stop
LEFT The Nonevent RIGHT The Gold Debacle
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LEFT , ROOM EAST, Installation, 2012 RIGHT at SpazioA, Installation, 2013
UNE CONVERSATION ENTRE / A CONVERSATION BETWEEN JENNY BORLAND & ROBIN CAMERON
Les céramiques de Robin Cameron représentent un passage non seulement à travers la matière et la forme mais aussi un mouvement vers quelque chose de complètement nouveau. L’artiste n’est pas formée à la céramique dans le sens classique du terme, mais c’est pour elle, moins un obstacle qu’un défi à relever. Pour Cameron, l’artiste n’est pas restreint par les matières conventionnelles ou la méthode. Ses passages qui semblent apparemment naturels et sans efforts d’un médium à l’autre sont autant de signes de sa perception de l’art et du rôle de l’artiste comme champs en expansion. La céramique est simplement une des nombreuses méthodes par lesquelles Cameron révèle ses questionnements, sa confiance, son imperfection, sa recherche. La forme sculpturale de la céramique est souvent confondue avec sa valeur d’utilité, de réceptacle fonctionnel, de cadre structurel, d’objet religieux ou d’outil domestique de celle ci. Il est d’ailleurs courant de remarquer que la céramique est fréquemment le dernier vestige des cultures anciennes ou plus récentes. Ce médium renferme en lui-même une intimité tactile ainsi qu’un poids historique. Les céramiques de Cameron révèlent une acceptation de la fragmentation comme état où toutes les parties ne doivent pas forcément être complémentaires pour former un tout. Ses débuts dans les livres d’artiste et l’impression, ont armé Cameron des outils du concept et du procédé, ainsi que des stratégies de Sol LeWitt, Ed Ruscha, Lawrence Weiner, Robert Morris. Mais Cameron s’immisce là où l’Art Conceptuel hésite souvent à s’aventurer, changeant l’Idée en Forme. À la vue d’un diagramme de Sol LeWitt ou d’un texte aux questions sans réponses dont les allusions ne peuvent se saisir au-delà des limites de la page imprimée, nous sommes enclins à adopter certaines réserves. À l’opposé, le travail de Cameron rend visible ce qu’elle recherche et n’a pas peur de s’interroger sur lui-même. Ses sculptures nous encouragent généreusement à les regarder, défauts et qualités comprises. L’œuvre, Une Seconde Vie, est un mariage de frustration et de beauté. Les titres eux-mêmes font allusion à ces luttes: débâcle, chutes, défaites… Mais alors que Cameron ranime les éclats de verre et les pièces d’échecs assumés ou ratés, les morceaux puisent une nouvelle existence surtout dans la façon dont l’artiste se réaffirme en permanence. Avec leurs formes anthropomorphiques, ces œuvres rassemblent non seulement les vestiges de tentatives de l’artiste mais aussi celles d’essais entrepris par d’autres et qui travaillent à ses côtés. L’archéologie de ses sculptures comprend à la fois le personnel et l’anonyme, révélant les traces fragiles de leurs propre existence. Les défis de l’apprentissage de nouvelles compétences, et le désir de défier les lois de ce qui devrait ou ne devrait pas être fait, ces éléments font tous partie des fragments des œuvres de Cameron. Une seconde vie fait à la fois sens dans l’objet et chez le créateur.
The ceramics of Robin Cameron signal a passage not only through medium and form, but a movement towards something entirely new. Ceramics are associated with their use value as functional vessels, structural frameworks, religious objects, or domestic tools. It is also unsurprising that ceramics are often the last remaining artifacts of disappearing ancient and not-so-ancient cultures; contained within the medium itself is the weight of history, and a tactile intimacy. Cameron is not trained as a ceramicist, in the classical sense, but to her this is not a hindrance, rather a challenge to meet. To her the artist is not restricted by conventional materials or methods, and her seemingly effortless movement from one medium to the next is indicative of an understanding that art, and the role of the artist, is an expanded field. Ceramics are simply one of several methods by which Cameron reveals her inquiries, her confidence, her reasearch. Cameron’s background in artists’ books and printmaking equips her with the valuable tools of concept and process, the strategies of Sol LeWitt, Ed Ruscha, Lawrence Weiner, and Robert Morris. But she picks up where Conceptual Art often hesitates to go, turning the Idea into Form. There is a certain level of restraint that we are inclined to adopt in an encounter with a LeWitt diagram, or a text with unanswered questions that allude to but do not reach beyond the limits of the printed page. Cameron’s work, on the other hand, actualizes what she is seeking and is unafraid of accepting a dialogue with itself. Her ceramics encourage us to look at them, flaws and all; they reveal an acceptance of the fragmentary, in which the parts do not necessarily add up to a unified whole. The body of work in Une Seconde Vie is a marriage of frustration and beauty. Their titles name their struggle: debacle, downfall, defeat. But as Cameron reanimates the broken shards and pieces of assumed failures or flops, the pieces take on a new existence much in the way that the artist continuously reasserts herself. With their anthropomorphic forms, the works collage together not only her remnants of shattered attempts, but those by several individuals working around her. The archaeology of these sculptures encompass both the personal and anonymous, revealing the fragile traces of their own making. From the challenges of learning a new skill to the desire to defy the rules of what should and should not be done, these elements are all contained within the fragments of Cameron’s work. A second life finds meaning in the object and its creator.
JENNY BORLAND Votre pratique artistique tire ses origines non seulement de l’impression, du design et de l’art du livre mais aussi de l’Art Conceptuel et du Process Art des années 1960 et 70, qui placent l’accent sur des actions souvent immatérielles plutôt qu’un produit fini. Avec ceci en tête, et en prenant en considération vos céramiques, je suis intéressée par vos pensées sur l’objet et la matière dans un sens plus physique. ROBIN CAMERON L’idée de créer un pont entre le conceptualisme et des objets qui ne sont pas seulement attirants visuellement mais aussi qui ont quelque chose derrière le travail m’a toujours attirée. La matérialité est importante mais le défi de marier la matière et l’idée l’est tout autant. Je connais des artistes qui sont plutôt concernées par les lignes, le papier, et comment les matériaux répondent mais il m’en fallait plus. Je pense qu’en tant que spectateur, nous pouvons sentir si un objet est dénué de sincérité. Je veux extraire un sentiment ou un instant et le capturer dans une œuvre. JB En considérant le livre comme objet ou encore le livre d’artiste qui par sa forme visuelle mais aussi par son contenu unique ou sa production limitée accède à une certaine valeur, comment compareriez-vous un objet d’art avec quelque chose comme l'aspect visuel d’un livre? Qu’en est-il de l’idée de sincérité d’un livre? RC Ce qu’il y a c’est que l’objet d’art est raréfié. Il y a un endroit spécifique pour qu’il soit vu, des conversations autour de lui, des personnes pour aider à le manipuler et à l’exposer (comme dans le contexte de la galerie par exemple). Je pense que les livres bien qu’ils évoluent de la même manière touchent un plus large public. Le livre fonctionne différemment de par sa vie hors de la galerie. Une œuvre faisant partie d’une collection ne se réfléchit pas de la même manière. Le livre peut passer de main en main, de lieu en lieu et ne nécessite pas de conditions spéciales pour être vu. Bien sûr tout cela émerge chez Sol LeWitt. JB Évidement. Je voulais commencer par la question du livre car j’ai observé plus précisément The Book that Makes Itself et il y a un accent continu sur le personnel, le moi, le
Robin Cameron The Book That Makes Itself, 2011
JENNY BORLAND Your artistic practice has roots not only in print, design, and bookmaking but also conceptual and process-based art of the 1960s and 70s, which places emphasis on immaterial actions rather than an end product. With this in mind, and considering your ceramics, I’m interested in your thoughts on the object and the material. ROBIN CAMERON I always thought that I wanted to bridge conceptualism with objects that were not only visually appealing but that had something behind the works. Materiality is important, but so is the challenge of marrying the physical with the idea. I know artists who are only concerned with lines, paper, and how materials respond but I wanted more. I believe as a viewer you can sense if an object is “insincere.” I want to extract a feeling or moment and capture it in a work. JB How would you weigh an art object against something like the visual form of a book, considering the book-as-object or an artist’s book which gathers value due to its uniqueness or limited production? What about the idea of sincerity in a book? RC The thing is that the art object is rarified. There is a specific place for it to be seen, conversations around it, people to help handle and display it (i.e. the gallery context). I guess that books would function in the same way but are open to a wider audience. The book functions differently because of the life it has afterwards. An artwork that exists in a collection doesn’t seem to act the same way. The book can be passed around or carried from place to place; it needs no special conditions to be seen. Of course these ideas stem from LeWitt. JB I wanted to start with the topic of the book because I’ve been looking quite closely at The Book That Makes Itself in which there is a continual emphasis on the personal: “The Self”, “The Narcissist,” “The Artist” etc. As one proceeds through the book it becomes much more about constructing your own artistic identity and making that interior monologue explicit. Do you feel that this also translates to your ceramics, as an extension of a personal dialogue within the greater frame of your practice?
narcissisme, l’artiste. Pendant ma lecture il m’est devenu évident qu’il s’agissait essentiellement de construire votre propre identité artistique et de rendre ce monologue intérieur évident. Pensez-vous que cela se traduise également dans vos céramiques en tant qu’extension d’un dialogue personnel dans le champ plus étendu de votre pratique?
RC I hadn’t thought of it explicitly, but the ceramics do seem to do that. They are physically made by piecing together all these broken and discarded bits of pottery. I am continually putting together fragments of past works or projects, and building on what I’ve learned. Our identity is always sort of slippery, shifting from subjectivity to experience. There is this continuous internal monologue that all of us have, but we never talk about. The first time I showed the ceramics in New York, it was two heads in conversation with each other. Of course the works are abstract and one doesn’t always read them straightforwardly as heads or faces, which I like. JB So which comes first in the creative process, the idea for a body part or the ceramic fragment?
Robin Cameron, Low Woe Toe in progress, 2013
Sol LeWitt, Sentences on Conceptual Art, 1968 © The Museum of Modern ArtØ/Ø Licensed by SCALA / Art Resource, NY
RC Je n’y avait pas pensé de cette façon là particulièrement, mais les céramiques semblent effectivement faire cela. Elles sont un assemblage de morceaux de poteries abandonnées. J’assemble continuellement des fragments d’études passées ou d’anciens projets pour construire à partir de ce que j’ai appris. Notre identité est toujours quelque peu glissante, passant de la subjectivité à l’expérience. Il y a ce monologue interne continu que nous avons tous mais dont nous ne parlons jamais. La première fois que j’ai montré les céramiques à New York, il s’agissait de deux têtes en conversation l’une avec l’autre. Bien sûr le travail est abstrait et ne se lit pas forcement comme des têtes ou des visages mais c’est l’idée que j’aime m’en faire. JB Donc qu’est-ce qui est premier dans le processus créatif: l’idée d’un membre, d’une partie du corps ou le fragment de céramique? RC Parfois les parties du corps se forment d’ellesmêmes. En travaillant sur une œuvre je découvre la forme de la cambrure du pied alors qu’une autre semble dessiner des côtes ou un segment de doigt. Confronter la structure
RC Sometimes the body parts would just form themselves. When working with a particular piece I would see the arch of a foot, while another fragment might appear to be a rib or a finger segment. Confronting the structure of the body is a way to challenge myself. With a sculpture such as Ribless I pushed the limitations of form. Since it is a ribcage, creating it was the most technically difficult articulation that I attempted. JB I feel like ceramics are often neglected in contemporary art as a viable medium because of their functional or use value, though some of the most interesting artists use it in their work. Do you have other reference objects that you are looking at? RC For Ribless and the jawbones, The Mouthy Decide and The Mandibular, I was looking at a book of medical diagrams from the 1700s while simultaneously thinking about simplifying the idea of a modernist bust. I’m attracted to modernist forms because they represent failed utopian ideals. I agree that ceramics can be marginalized as craft because of their functional nature, but there are many artists who use the medium in a surprising way. I found this German artist Gertraud Möhwald who also used shards to piece her work together, but in a more concise figurative way. Of course there’s Louise Bourgeois’ practice of representing the body as
avec le corps est une façon de me défier moi-même. Avec une sculpture comme Ribless, j’ai poussé les limites de la forme. Comme il s’agit d’une cage thoracique, la créer a été la plus grande difficulté technique à laquelle je me sois confrontée.
simultaneously mysterious and fragile. I think there is also a nod to cubism, while paintings like Duchamp’s Nude Descending a Staircase also come to mind as do futurist sculpture by Umberto Boccioni. Then there’s the California Ceramics movement such as Ron Nagle’s
JB J’ai le sentiment que les céramiques sont souvent négligées en tant qu’art contemporain viable à cause de leur valeur fonctionnelle alors même que la plupart des artistes les plus intéressants l’utilisent dans leurs œuvres. RC Pour Ribless et the jawbones, The Mouthy Decide et The Mantibular, j’ai étudié un livre de dessins d’anatomie des années 1700 tout en pensant simultanément à simplifier l’idée d’un buste moderne. Je suis attirée par les
Ron Nagle, Beaver Island 2011 © Lefebvre & Fils Galerie / France
shape-shifting work, and the way that instead of using glaze Ken Price would use house paint and sand away the layers. I think working in any medium is about challenging its norms and finding your own way to achieve the aesthetic you want. JB You’re currently working in a ceramics community and you’ve spoken a bit about the performative aspect of making work there, as well as the heightened level of attention and concern for these pieces as they develop. Can you talk a little more about your experiences there? William Cheselden, Engraving, Views of the thorax, vertebrae and pelvis, 1752
Robin Cameron, Ribless, 2013
RC I work at Greenwich House Pottery in the West Village. The space is unique because it has been around for over a hundred years. I think at first I wasn’t used to the kind of energy in a room full of people working separately. I realized later that being involved with this community was essential to the work. Everyone at Greenwich House is acutely aware of what others around them are doing. I kept images of finished works with me to show people because my work appeared as if it was on the verge of collapse. There are always broken ceramics for me to use, and when I try to make my own shards they feel calculated. The only other experience I’ve had that is similar is at Robert Blackburn, a printmaking studio where I made another work in the show, a chine-collé print entitled Movement I. JB The reference to body parts reminds me of reliquaries and works by Paul Thek… are you familiar with Portuguese wax objects that are used as offerings and thrown into fire for healing purposes? I know that some works allude to personal stories about your family and specific injuries. Was this process of making them an emotional experience as well?
Henri Matisse, , 1953 © 2013 Succession H. Matisse Artists Rights Society (ARS), New York
formes modernes car elles représentent des utopies idéales en échec. Évidemment les céramiques peuvent être marginalisées comme artisanat à cause de leur nature “fonctionnelle”, mais il y a beaucoup d’artistes qui utilisent ce médium d’une façon surprenante. L’artiste allemande, Gertraud MÖhwald, utilise également des fragments qui ensemble forment une œuvre plus concise et figurative que la mienne. Il y a bien sûr l’habitude qu’a Louise Bourgeois de représenter un corps à la fois mystérieux et fragile. Je pense également à un aspect du cubisme, me viennent à l’esprit les peintures de Duchamp comme le grand Nu descendant l’escalier où les sculptures futuristes d’Uberto Boccioni… Vient ensuite le California Ceramics Mouvement comme le travail à forme changeante de Ron Nagle et la façon qu’a Ken Price de ne pas vernir son travail mais d’utiliser de la peinture pour bâtiment et de poncer les couches de peinture. Je pense que quelque soit le médium utilisé, le travail de l’artiste est de défier les normes et de trouver sa propre manière d’aboutir à l’esthétique qu’il veut.
RC There are a few of the ceramics that I made for my solo show at ROOM EAST that refer to my family members’ injuries. I think these moments are so ingrained in my memory that they just appear. My brother had fallen out of a tree house; I stepped on a nail when I was young; my Dad fell waterskiing; my Mom fell snow skiing. I think those particular works carry slightly more weight for me. I’m not familiar with Portuguese wax objects. The way that Paul Thek translates the body in pieces as a sort of collage is similar to his experimentation across different media. JB Let’s talk a little bit about this idea of “a second life,” the title of your exhibition at Galerie Lefebvre et Fils in Paris. I recognize the reference to Henri Matisse, and his quote about une seconde vie after being diagnosed with cancer. I thought a lot about the recent Matisse show In Search of True Painting at the Metropolitan Museum while I was looking at your work. The idea of dealing with frustration in a productive way is somewhat provocative.
JB Vous travaillez en ce moment dans une communauté de céramistes et vous avez évoqué l’aspect performatif qui survient lorsque vous travaillez là bas ainsi que le niveau élevé d’attention et de préoccupation pour ces pièces lorsqu’elles se développent. Pourriez-vous m’en dire un peu plus sur vos expériences ?
RC I like the way that Matisse revealed his shortcomings in his process. He would have someone document each stage of a painting, and the most interesting part is to see vulnerability in those images. I also think about how he was so deliberate with the development of his collage. Each paper cut out might be thought about for a year or so before he committed to its use. It is sometimes said that this second part of his career was his most productive. JB Your ceramics take on a new existence after being gathered from the scraps and shards of discarded works, either your own or of others. I’m interested though in the presence of failure, how failure can be made productive despite uncertainties and problems which are encountered daily, not only as an artist but on a personal level.
Marcel Duchamp, Nude Descending a Staircase (No. 2), 1912 © The Philadelphia Museum of Art / Art Resource, NY
RC This concept of productive failure is something I think anyone could relate to. I first became aware of the idea when I created a poster edition in 2009 called Spitting into the Wind. There was a mistake at the printer and I ended up with 500 unusable prints. So I turned that work into another piece called 500 Ways you Disappoint Me which was a pile posters that I left exposed to the elements. It was simultaneously talking about a failed relationship as well. When I reprinted the poster, which was a reference to a Jim Croce song, You don’t mess around with Jim, this was also a moment of asking, “Why not?” Why not do something that someone tells you not to. In the same vein my ceramics function that way. You are not supposed to re-join and re-fire broken ceramic, but ultimately you can do anything that you want.
RC Je travaille à Greenwich House Pottery dans le West Village. C’est un espace unique qui a plus de 100 ans. Je pense qu’au début je n’étais pas habituée à cette forme d’énergie que l’on trouve dans une salle pleine de gens où tout le monde travaille ensemble mais séparément. J’ai réalisé plus tard que prendre part à cette communauté était essentiel à l’œuvre. Tout le monde à Greewich House est extrêmement conscient du travail qu’entreprennent ceux qui les entourent. J’ai gardé des images de mes travaux finis avec moi pour leur montrer parce qu’ils donnent toujours l’impression qu’ils sont sur le point de s’effondrer. Il y a toujours des céramiques brisées que je peux utiliser alors que quand j’essaye de façonner mes propres fragments ils semblent calculés. La seule autre expérience de ce genre que j’ai eue est celle avec Robert Blackburn, un studio d’imprimerie avec lequel je travaille et où j’ai réalisé une autre œuvre pour l’exposition—une impression Chine-collé intitulée Mouvement I. JB La référence au corps me rappelle les reliquats et le travail de Paul Thek … Connaissez-vous ces objets de cire originaires du Portugal qui sont utilisés comme offrandes et jetés dans le feu dans un but de guérison? Je sais que certaines de vos œuvres renvoient à votre histoire familiale personnelle et à des blessures spécifiques. Est-ce que le procédé de création de ces pièces était également un exercice émotionnel?
Robin Cameron, Movement I, Chine-collé Print, Japanese paper, 2012
RC Parmi les céramiques que j’ai réalisées pour mon exposition solo chez ROOM EAST, certaines ont pour sujet les blessures de mes parents, une autre œuvre renvoie à une expérience que mon frère a vécue. Je pense que ces instant sont tellement enracinés dans ma mémoire qu’ils apparaissent d’eux-même dans mon travail. Mon frère est tombé d’une cabane dans les arbres, j’ai marché sur un clou quand j’était plus jeune, mon père est tombé en ski nautique, ma mère en ski… Ces œuvres portent en elles un peu plus que je ne porte moi-même. Je n’ai jamais entendu parler des objets en cire auparavant. Ma façon de penser rejoint celle de Paul Thek qui traduit le corps en parties un peu comme un collage et cela tout en expérimentant avec tellement de médias différents.
JB True. I think this circles back to the idea of revealing yourself as an artist, being honest with reality and things that aren’t necessarily meant to be done. RC It is the job of the artist to question and see what happens; to “reveal mystic truths” if you will, as Bruce Nauman so eloquently put it. ◊ Jenny Borland is curatorial assistant at Artist's Space in New York City
JB Parlons un peu de l’idée de Une Seconde Vie, le titre de votre exposition à la galerie Lefebvre & Fils. C’est une référence à Henri Matisse qui désignait ainsi la seconde partie de sa vie après que son cancer a été diagnostiqué. Votre travail m’a beaucoup fait penser à la récente exposition Matisse In search of True Painting au Metropolitan Museum et à l’idée d’utiliser la frustration d’une façon positive. Gertraud Möhwald, Stoneware, glaze and added broken bits
Louise Bourgeois, Ste Sebastienne, 1992 Art © The Easton Foundation / Licensed by VAGA, New York, NY
RC J’aime la façon dont Matisse révèle ses imperfections dans ce procédé. Il a fait documenter chaque étape d’une peinture. Le plus intéressant c’est de voir la vulnérabilité de ces images. Il était si engagé dans son processus de collage que chaque papier découpé pouvait être l’objet de longues réflexions d’un an ou plus avant d’être utilisé. Il a été dit que la seconde partie de sa carrière a été la plus productive. JB Vos céramiques prennent une nouvelle existence une fois les éclats et fragments assemblés, qu’il s’agisse des vôtres ou de ceux d’autres artistes. Je suis intéressée par la présence de l’échec, peut-être pas au sens littéral mais dans le sens où l’échec peut devenir productif malgré les incertitudes et problèmes quotidiens, et ce pas seulement en tant qu’artiste mais aussi à un niveau plus personnel.
RC Ceci est quelque chose que j’ai considéré pendant longtemps à travers mon travail. N’importe qui pourrait y être confronté. Mon projet de transformer Spitting Into the Wind en poster en 2009 m’a rendue consciente de cette notion. Une erreur d’impression s’est produite et je me suis retrouvée avec 500 posters inutilisables. Alors j’ai changé l’œuvre en un projet intitulé 500 Ways you Dissapoint Me. Il s’agissait d’une pile de posters que j’ai exposée aux éléments. Cela parlait également d’une relation défaillante. Quand j’ai réimprimé le poster qui était une référence à une chanson de Jim Croce You don’t Mess Around With Jim, je me suis dit: pourquoi pas? Pourquoi ne pas faire quelque chose que quelqu’un te dit de ne pas faire? Mes céramiques fonctionnement de la même façon. Elles sont réalisées à partir d’un procédé d’accolement et de réunification de céramiques brisées, qui n’est pas forcément supposé fonctionner mais finalement on peut faire ce que l’on veut. JB Oui et je pense que cela renvoie a l’idée de vous révéler comme artiste, d’être honnête avec vous-même et vos défauts ainsi que les choses qui ne sont pas nécessairement amenées a être réalisées. RC C’est le travail de l’artiste de questionner et d’observer ce qui ce passe pour en quelque sorte révéler des vérités mystiques comme le disait si justement Bruce Nauman. ◊
Robin Cameron, Spitting into the Wind, Poster Multiple, 2009.
Jenny Borland est assistante curatrice à l'Artist's Space de New York.
Robin Cameron, 500 Ways You Disappoint Me, Printed Posters, 2009.
BIOGRAPHIE
BIOGRAPHY
Robin Cameron, (née au Canada en 1981, vit et travaille à New York) a étudié à l'Université Emily Carr à Vancouver et a reçu une maîtrise à l'Université de Columbia, New York, NY en 2012. Des expositions solo lui ont été consacrées à Art Metropole, Toronto et ROOM EAST, New York. Son travail a été promis au Whitney Museum of American Art. Une sélection complète de ses livres est conservée à la bibliothèque du MoMA. Ses livres d’art ont été présentés à l’Institut d’art contemporain (ICA) de Philadelphie, chez Art in general, association artistique new yorkaise, au Centre ressources du New Museum et au Musée d’art contemporain de Chicago. Elle a été membre du jury pour la Bourse destinée aux livres d’artistes et a participé à une résidence du Banff Centre, au Canada. Elle est actuellement représentée à New York par ROOM EAST.
Robin Cameron, (b. 1981, Canada lives and works in New York) studied at Emily Carr University in Vancouver and received an MFA at Columbia University, New York, NY in 2012. She has had solo exhibitions at Art Metropole, Toronto and ROOM EAST, New York. Her work has been promised as a gift to the Whitney Museum of American Art. A comprehensive selection of her books are held in the Library of the Museum of Modern Art, and they have been presented at the ICA in Philadelphia, Art In General, the New Museum’s Resource Centre and the Museum of Contemporary Art Chicago. She has served as a jury member for Printed Matter’s grant Books For Artists and she has attended a residency at the Banff Centre, Banff, Alberta. She is currently represented in New York by ROOM EAST.
Céramique avec support en métal et base en bois Ceramic with metal stand and wood base 30 × 15 × 10 cm / 12 × 6 × 4 in 2012
Céramique avec support en métal et base en bois Ceramic with metal stand and wood base 33 × 18 × 15 cm / 13 × 7 × 6 in 2012
Céramique avec support en métal et base en bois Ceramic with metal stand and wood base 33 × 18 × 15 cm / 13 × 7 × 6 in 2012
Céramique avec support en métal et base en bois Ceramic with metal stand and wood base 30 × 15 × 10 cm / 12 × 6 × 4 in 2012
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Céramique / Ceramic 14 × 11.5 × 10 cm / 5.5 × 4.5 × 4 in 2013
Céramique avec support en métal et base en bois Ceramic with metal stand and wood base 37 × 16.5 × 16.5 cm / 14.5 × 6.5 × 6.5 in 2013
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Céramique avec support en métal et base en bois Ceramic with metal stand and wood base 37 × 20 × 19 cm / 14.5 × 8 × 7.5 in 2013
Céramique avec support en métal et base en bois Ceramic with metal stand and wood base 33 × 20 × 40 cm / 13 × 8 × 15.5 in 2013
Céramique avec support en métal et base en bois Ceramic with metal stand and wood base 35.5 × 18 × 20 cm / 14 × 7 × 8 in 2013
Céramique / Ceramic 10 × 18 × 15 cm / 4 × 7 × 6 in 2013
Bail Flail Fail Céramique avec support en métal et base en bois Ceramic with metal stand and wood base 40 × 24 × 23 cm / 16 × 9.5 × 9 in 2013
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Céramique avec support en métal et base en bois Ceramic with metal stand and wood base 35.5 × 20 × 25 cm / 14 × 8 × 10 in 2013
Céramique avec support en métal et base en bois Ceramic with metal stand and wood base 40 × 18 × 18 cm / 16 × 7 × 7 in 2013
Céramique avec support en métal et base en bois Ceramic with metal stand and wood base 37.5 × 23 × 18 cm / 14.75 × 9 × 7 in 2013
Céramique avec support en métal et base en bois Ceramic with metal stand and wood base 37 × 18 × 18 cm / 14.5 × 7 × 7 in 2013
Céramique avec support en métal et base en bois Ceramic with metal stand and wood base 35.5 × 18 × 15 cm / 14 × 7 × 6 in 2013
Céramique avec support en métal et base en bois Ceramic with metal stand and wood base 38 × 16.5 × 14 cm / 15 × 6.5 × 5.5 in 2013
Céramique avec support en métal et base en bois Ceramic with metal stand and wood base 40 × 20 × 18 cm / 16 × 8 × 7 in 2013
Céramique avec support en métal et base en bois Ceramic with metal stand and wood base 33 × 17.5 × 15 cm / 13 × 7 × 6 in 2013
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Céramique avec support en métal et base en bois Ceramic with metal stand and wood base 56.5 × 33 × 30.5 cm / 22.25 × 13 × 12 in 2013
Céramique avec support en métal et base en bois Ceramic with metal stand and wood base 35.5 × 16.5 × 16.5 cm / 14 × 6.5 × 6.5 in 2013
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Céramique avec des fruits Ceramic with fruit 14.6 × 25.5 × 6.5 cm / 5.75 × 10 × 2.5 in 2013
Céramique avec l’arrangement floral Ceramic with flower arrangement 50 × 35.5 × 33 cm / 20 × 14 × 13 in 2013
The Audacious Escape Céramique avec support en métal et base en bois Ceramic with metal stand and wood base 40 × 25 × 20 cm / 16 × 10 × 8 in 2013
The Complete Fiasco Céramique avec support en métal et base en bois Ceramic with metal stand and wood base 33 × 16.5 × 16.5 cm / 13 × 6.5 × 6.5 in 2013
Céramique avec support en métal et base en bois Ceramic with metal stand and wood base 33 × 11.5 × 18 cm / 13 × 4.5 × 7 in 2013
Céramique avec support en métal et base en bois Ceramic with metal stand and wood base 35.5 × 26.6 × 19 cm / 14 × 10.5 × 7.5 in 2013
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Céramique avec support en métal et base en bois Ceramic with metal stand and wood base 39.3 × 14 × 14 cm / 15.5 × 5.5 × 5.5 in 2013
Céramique avec support en métal et base en bois Ceramic with metal stand and wood base 39 × 13 × 13 cm / 15.25 × 5 × 5 in 2013
Céramique avec support en métal et base en bois Ceramic with metal stand and wood base 34 × 18 × 14 cm / 13.5 × 7 × 5.5 in 2013
Céramique avec support en métal et base en bois Ceramic with metal stand and wood base 33 × 15 × 15 cm / 13 × 6 × 6 in 2013
COLOPHON Robin Cameron Une Seconde Vie First edition, 1000 copies Copyright © 2013 Robin Cameron ISBN 978-0-615-89531-4 Exhibition at Lefebvre & Fils Galerie October 23, 2013–January 31, 2014 CATALOGUE This catalogue includes ceramic works from 2012–2013, P-R-O-C-E-S-S-E-S at ROOM EAST, 2012 ., Robin Cameron & Sebastian Black at Bodega, 2013 Sense and Sensibility at SpazioA, 2013 Une Seconde Vie at Lefebvre & Fils Galerie, 2013 ARTWORKS Robin Cameron IMAGES OF CERAMICS AND ROOM EAST Genevieve Hanson & Phoebe d’Heurle (p. 4–27, 29–38, 56–63) IMAGE OF BODEGA Eric Veit (p. 28) IMAGES OF SPAZIOA Serge Domingie (p. 39) PORTRAITS Wilson Cameron (p. 52–53) INTERVIEW Jenny Borland EDITOR Steven Pulimood TRANSLATION Mathilde Pagnier DESIGN Project Projects Printed and bound by DZA Druckerei zu Altenburg GmbH, Germany ACKNOWLEDGEMENTS My Family, Payal Parekh, Steven Pulimood, Louis Lefebvre, Garth Swanson, Giuseppe Alleruzzo, Ariana Pacifico, Hasabie Kidanu, and everyone at Greenwich House Pottery. Robin Cameron is represented by ROOM EAST www.roomeast.com Published by Lefebvre & Fils Galerie 24, rue du Bac, 75007 Paris
Une Seconde Vie robin cameron
les céramiques de robin cameron incorporent des formes fragmentées dans un assemblage coloré et disparate. Pour créer ces sculptures de terre, l’artiste a tout d’abord rassemblé des morceaux de poteries délaissés par d’autres. Elle utilise la porcelaine pour combiner les fragments abandonnés créant ainsi de nouvelles formes qui évoquent des morceaux de corps meurtris ou isolés. Chaque angle de ces pièces, montées sur tige d’acier et reposant sur leurs socles de pin, révèle des anatomies alternatives: un masque semble avoir une mâchoire ou un œil, une main révèle sa paume ou des doigts articulés, un pied s’accompagne de sa plante et d’orteils. De la hanche à la tête, des pieds aux doigts, ces nouvelles pièces explorent la figure humaine comme un fragment. Chaque face juxtaposée à la suivante avec soin. Cameron est fascinée par le concept de l’échec productif, un territoire de conflit dans lequel quelque chose—objet ou idée—qui en lui même n’est rien d’autre qu’une cause perdue peut trouver un nouveau sens. Ils sont ce qu’ils ne sont pas supposés être: des fragments re-soudés, des échecs trouvant un nouvelle forme. ◊
cover The Audacious Escape, 2013
robin cameron ’ s ceramics incorporate frag mented shapes in an idiosyncratic assemblage of colorful forms. To create these ceramic sculptures the artist first gathers broken shards of failed pot tery discarded by others. She uses new porcelain to combine the castoff shards thereby creating ad hoc new forms that conjure up injured or isolated parts of the body. Each angle of these works, mounted to steel rods and displayed on their pine bases, reveals alter native anatomies: a mask seems to have a jaw or an eye, a hand manifests its palm or articulated digits, a foot finds its sole and accompanying toes. From hip to head, from foot to finger, these new works explore the human figure as fragmented, each facet con joined to the next in careful juxtaposition. Cameron is fascinated with the concept of productive failure, a territory of proposed conflict in which something— an object or an idea—that in itself is a lost cause, can find new significance. They are what they are not supposed to be: fragments that are re-fired; failures that find new form. ◊
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