Afs 03 2012 f

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Recherche Agronomique Suisse 2 0 1 2

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N u m é r o

3

Agroscope | OFAG | HAFL | AGRIDEA | ETH Zürich

M a r s

Economie agricole Produits et services d’alpage – offre dans q ­ uelques régions ciblées de Suisse Production animale Structure de population et diversité génétique des races ovines suisses Production végétale Effet à long terme des engrais ­organiques sur les propriétés du sol

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La zone d’estivage en Suisse représente un tiers environ de la surface agricole utile. Les produits et services ­d’alpage constituent une source de revenus pour ­l’économie alpestre. Des chercheuses du WSL ont mené une enquête sur l’offre en produits et services d’alpage dans six régions de Suisse. (Photo: Gabriela Brändle, ART)

Sommaire Mars 2012 | Numéro 3

Impressum Recherche Agronomique Suisse / Agrarforschung Schweiz est une publication des stations de recherche agronomique Agroscope et de leurs partenaires. Cette publication paraît en allemand et en français. Elle s’adresse aux scientifiques, spécialistes de la recherche et de l’industrie, enseignants, organisations de conseil et de vulgarisation, offices cantonaux et fédéraux, praticiens, politiciens et autres personnes intéressées. Editeur Agroscope Partenaires bA groscope (stations de recherche Agroscope Changins-Wädenswil ACW; ­ Agroscope Liebefeld-Posieux et Haras national suisse ­A LP-Haras; Agroscope Reckenholz-Tänikon ART) b Office fédéral de l’agriculture OFAG, Berne b Haute école des sciences agronomiques forestières et alimentaires HAFL, Zollikofen b Centrale de vulgarisation AGRIDEA, Lausanne et Lindau b E cole polytechnique fédérale de Zurich ETH Zürich, Département des Sciences des Systèmes de l'Environnement Rédaction Andrea Leuenberger-Minger, Recherche Agronomique Suisse / Agrarforschung Schweiz, Station de recherche Agroscope Liebefeld-Posieux ALP, Case postale 64, 1725 Posieux, Tél. +41 26 407 72 21, Fax +41 26 407 73 00, e-mail: info@rechercheagronomiquesuisse.ch Judith Auer, Recherche Agronomique Suisse / Agrarforschung Schweiz, Station de recherche Agroscope Changins-Wädenswil ACW, Case postale 1012, 1260 Nyon 1, e-mail: info@rechercheagronomiquesuisse.ch Team de rédaction Président: Jean-Philippe Mayor (Directeur général ACW), Sibylle Willi (ACW), Evelyne Fasnacht (ALP-Haras), Etel Keller-Doroszlai (ART), Karin Bovigny-Ackermann (OFAG), Beat Huber-Eicher (HAFL), Philippe Droz (AGRIDEA), Jörg Beck (ETH Zürich) Abonnements Tarifs Revue: CHF 61.–*, TVA et frais de port compris (étranger + CHF 20.– frais de port), en ligne: CHF 61.–* * Tarifs réduits voir: www.rechercheagronomiquesuisse.ch Adresse Nicole Boschung, Recherche Agronomique Suisse/Agrarforschung Schweiz, Station de recherche Agroscope Liebefeld-Posieux ALP, Case postale 64, 1725 Posieux, tél. +41 26 407 72 21, Fax +41 26 407 73 00, e-mail: info@rechercheagronomiquesuisse.ch Changement d'adresse e-mail: verkauf.zivil@bbl.admin.ch, Fax +41 31 325 50 58 Internet www.rechercheagronomiquesuisse.ch www.agrarforschungschweiz.ch ISSN infos ISSN 1663 – 7917 (imprimé) ISSN 1663 – 7925 (en ligne) Titre: Recherche Agronomique Suisse Titre abrégé: Rech. Agron. Suisse © Copyright Agroscope. Tous droits de reproduction et de traduction réservés. Toute reproduction ou traduction, partielle ou intégrale, doit faire l’objet d’un accord avec la rédaction.

Indexé: Web of Science, CAB Abstracts, AGRIS

123 Editorial 124

Economie agricole roduits et services d’alpage – offre P

dans ­quelques régions ciblées de Suisse Rosa Böni et Irmi Seidl Production animale Le changement climatique influence le 132

­bien-être des vaches laitières Jürg Fuhrer et Pierluigi Calanca Production animale Structure de population et diversité 140

génétique des races ovines suisses Alexander Burren, Christine Flury, Christian Aeschlimann, Christian Hagger et Stefan Rieder Production végétale Effet à long terme des engrais 148

­organiques sur les propriétés du sol Alexandra Maltas, Hansrudolf Oberholzer, Raphaël Charles, Vincent Bovet et Sokrat Sinaj Production végétale Effet à long terme des engrais 156

­organiques sur le rendement et la f­ ertilisation azotée des cultures Alexandra Maltas, Raphaël Charles, Vincent Bovet et S­ okrat Sinaj Eclairage Nouvelle méthode pour déterminer les 164

­pertes par brisures Joachim Sauter, Roy Latsch et Oliver Hensel Eclairage Une action commune pour le sol 168 Bruno Arnold et André Chassot 171 Portrait 172 Actualités 175 Manifestations


Editorial

«New Agroscope» Chère lectrice, cher lecteur,

Jean-Philippe Mayor, Président Recherche ­A gronomique Suisse

L’avenir il ne faut pas le prévoir, mais le permettre. Antoine de Saint Exupéry

Dans notre édition spéciale de décembre 2011, le directeur de l’OFAG présentait trois postulats montrant bien à quel point la recherche agronomique est vitale à notre société d’aujourd’hui et de demain, à notre pays, mais pas uniquement, puisqu’elle a une portée mondiale. On pourrait croire que notre recherche agronomique est un long fleuve tranquille observant du haut de sa force paysanne les rivalités pour l’accès aux ressources que se livrent les différents acteurs de la recherche en Suisse. Or, il n’en est rien, depuis que les stations de recherche agronomique existent, elles n’ont cessé de se réformer. D’abord stations d’essais agricoles, elles ont gagné leurs lettres de noblesse en devenant stations fédérales de recherche, puis stations de recherche Agroscope, au nombre de 6. Dès 2006, elles passent au nombre de 3, se répartissant les centres de compétence entre la production végétale (ACW), la production animale (ALP-Haras), l’économie et l’écologie agraires (ART). Mais voilà qu’une nouvelle réorientation de la recherche agronomique provoquera prochainement une réorganisation de ces 3 stations de recherche Agroscope. A l’instar d’AGRIDEA, de la Haute école des sciences agronomiques, forestières et alimentaire HAFL (précédemment HESA) et de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich ETHZ avec son nouveau Département des Sciences et Systèmes de l’Environnement, Agroscope se réforme à nouveau ! Le directeur de l’OFAG B. Lehmann et le conseiller fédéral J. Schneider-Ammann, ont posé les premiers jalons qui permettront à Agroscope de se présenter dans un avenir proche en tant qu’Institution unique. Agroscope se verra ainsi renforcée. La nouvelle organisation Agroscope entrera en vigueur progressivement dès le 1.1.2013. L'une de ses caractéristiques essentielles est le renforcement de sa direction stratégique et opérationnelle: ••Un directeur sera nommé à la tête de la direction opérationnelle d'Agroscope (GL-Agroscope). ••Un Conseil Agroscope constituera l’organe de direction stratégique, dirigé par le directeur de l'OFAG. ••La direction opérationnelle d'Agroscope sera assistée par un Conseil scientifique, composé d’une équipe internationale et concentré sur les orientations stratégiques à long terme d’Agroscope, et par un Conseil du groupe des intéressés – stakeholders, chargé d’assurer l’adéquation entre la recherche d’Agroscope et les besoins des clients. Ces innovations améliorent substantiellement l'organisation actuelle d'Agroscope et lui permettront de se positionner encore plus favorablement sur le plan national et international, tout en renforçant son indépendance scientifique. L'organisation des unités opérationnelles devra encore être définie dans le cadre du processus d’analyse en cours sur le positionnement stratégique d’Agroscope. Nous vous informerons avec plaisir au fur et à mesure de l’avancement du projet. Pendant toute cette période de réflexion, de décision et d’implémentation, il y a lieu de poursuivre notre mission de chercheurs et je remercie tous ceux qui y contribuent passionnément.

Recherche Agronomique Suisse 3 (3): 123, 2012

123


E c o n o m i e

a g r i c o l e

Produits et services d’alpage – offre dans ­quelques régions ciblées de Suisse Rosa Böni et Irmi Seidl Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage WSL, 8903 Birmensdorf Renseignements: Rosa Böni, e-mail: rosa.boeni@wsl.ch, tél. +41 44 739 21 11

Buvette d'alpage, Obertoggenburg. La restauration à l'alpage augmente la valeur ajoutée et sert de canal de distribution pour les produits d'alpage. (Photo: WSL)

Introduction La zone d’estivage en Suisse représente un tiers environ de la surface agricole utile ou 1/8 de la superficie du pays. Près de 50 % des exploitations agricoles pratiquant la garde d’animaux les estivent, soit, pour 2009, un total de 400 000 UGB (unités de gros bétail), ou près de 300 000 pâquiers normaux (Lauber et al. 2011). L’économie alpestre évolue à la suite, entre autres, du changement structurel des exploitations de base en plaine et en région de montagne (Baur et al. 2007; Lauber et al. 2011).

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Recherche Agronomique Suisse 3 (3): 124–131, 2012

Les produits et services d’alpage constituent une source de revenus pour l’économie alpestre. Etant donné le changement structurel en cours, ils concentrent de plus en plus l’attention sur leur potentiel de création de valeur (par exemple Matscher/Schermer 2009). Depuis l’entrée en vigueur de l’Ordonnance sur les désignations «montagne» et «alpage» en 2007, il est possible de commercialiser les produits d’alpage de façon plus ciblée. Leurs caractéristiques positives pourraient favoriser leur conquête de plus grandes parts de marché dans les marchés actuels et futurs. Mais accroître l’offre nécessite des connaissances supplémentaires sur les produits


Produits et services d’alpage – offre dans ­q uelques régions ciblées de Suisse | Economie agricole

Résumé

déjà proposés, sur les exploitants, sur les marchés ainsi que sur les consommateurs. Or, il n’existe à ce jour aucun relevé systématique à ce sujet en dehors du relevé des quantités de lait et de fromages d’alpage, données saisies et traitées par le fiduciaire de l’économie laitière (TSM Fiduciaire). D’où, entre autres, les questions de recherche suivantes sur l’offre: 1) Quels produits et services d’alpage sont-ils proposés, et via quels canaux de distribution sont-ils écoulés? 2) Comment l’offre a-t-elle évolué ces dernières années, et quels projets se dessinent-ils pour l’avenir? 3) Quelles sont les raisons de la production et de l’achat de produits d’alpage? 4) Comment un label éventuel pour ces produits est-il perçu? 5) Quel est l’impact des prescriptions légales sur leur fabrication? Le présent rapport décrit l’offre de produits et services d’alpage. Il présente les résultats d’une enquête écrite, effectuée en 2010 auprès des exploitants dans les six régions de l’étude de cas d’AlpFUTUR (pour obtenir des informations sur les régions, voir tabl. 1). Aperçu de la gamme des produits d’alpage Les «produits d’alpage» sont des produits agricoles (denrées alimentaires) et des services provenant de la zone d’estivage, fabriqués ou conçus par les exploitations agricoles. Par la suite, par «produits d’alpage» nous entendrons donc également les services d’alpage. Parmi les denrées alimentaires caractéristiques de la zone d’estivage figurent en premier lieu le lait, le fromage et d’autres produits laitiers à base de lait de vaches, de brebis et de chèvres estivées. Le fromage est le produit principal en termes de quantité et de chiffre d’affaires. Au cours des dernières années, sa production a augmenté, passant d’environ 4400 tonnes en 2003 à 5150 tonnes en  2009 (TSM 2009 et 2010).

Les produits d’alpage sont des produits de niche qui suscitent l’intérêt du public. 262 exploitants d’alpage de six régions ont participé à une enquête sur l’offre des produits et services d’alpage. Cette enquête démontre que la production et l’offre se concentrent essentiellement sur le produit traditionnel qu’est le fromage d’alpage, ce dernier étant souvent commercialisé de façon directe et en petites quantités. Mais alors que sa production a augmenté ces dernières années au niveau national, le nombre de produits proposés reste stable dans 85 % des exploitations sondées. L’offre de services d’alpage demeure marginale, à l’exception de la gastronomie alpestre traditionnelle. La tradition et la présence d’un cheptel vif sont les raisons principales avancées pour la fabrication des produits d’alpage. Dans le domaine de la fabrication et de la commercialisation, la coopération interexploitations est faible. Pour 63 % des producteurs, la différenciation entre produits de montagne et produits d’alpage est importante, même si 31 % seulement se disent favorables à un label pour ces derniers. Dans l’ensemble, l’offre est intimement liée à la tradition et il existe un potentiel de développement et d’élargissement.

Tableau 1 | Caractéristiques des alpages dans les régions de l’étude de cas d’AlpFUTUR1 Zones de l’étude de cas

Basse-Engadine GR

District de Moesa Diemtigtal / NiedersimCanton d’Obwald GR mental BE

Vallée de Joux Vallées autour de VD Viège VS

Caractéristiques Espèces animales ­dominantes

Vaches mères et vaches laitières, jeune bétail, moutons

Vaches mères, ­moutons

Vaches laitières, ­jeune bétail

Jeune bétail, vaches ­laitières

Jeune bétail, vaches laitières

Moutons

Situation géographique

Alpes centrales ­orientales

Paroi sud des Alpes

Paroi nord des Alpes, Suisse centrale

Paroi nord des Alpes

Jura

Alpes centrales ­occidentales

Petits à moyens Grands, de même Taille et échelons des Grands alpages, à un ou ­alpages, principale- Petits à moyens alpages, que petits alpages, à exploitations d’alpage deux échelons ment à deux écheà un ou deux échelons un ou deux échelons lons Charge en bétail par rapport à la charge usuelle (2008) 1

88,9 %

80,5 %

94,7 %

92,6 %

Grands, de même Moyens à grands que petits alpages, alpages, à un à un ou deux échelon ­échelons 96,1 %

82,4 %

Source: Werthemann/Imboden 1982, relevés internes d’AlpFUTUR.

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Economie agricole | Produits et services d’alpage – offre dans ­q uelques régions ciblées de Suisse

Tableau 2 | Nombre d’exploitations d’alpage ayant reçu l’enquête et taux de retour en % Zone de l’étude de cas

Basse-Engadine GR

District de ­Moesa GR

Canton d’Obwald

Diemtigtal / Niedersimmental BE

Vallée de Joux Vallées autour de VD Viège VS

Exploitations d’alpage ayant reçu l’enquête

22

34

212

267

120

29

Exploitations d’alpage ayant répondu

9

9

89

96

46

13

41%

26%

42%

36%

38%

45%

Caractéristiques

Taux de retour

En 2009, la quantité de lait de vache transformé dans les alpages représentait 58 500 tonnes (58 % de la totalité du lait de vache d’alpage, TSM 2010). Le lait restant est acheminé dans la vallée pour être traité en lait commercialisé ou lait de laiterie. Parallèlement, avec la garde croissante de chèvres laitières, la quantité de lait ainsi obtenue a également augmenté. En 2009, la production de fromage à base de lait de chèvre s’élevait à 112 tonnes dans la zone d’estivage (TSM 2010). La production de lait et celle de fromage de brebis y est encore insignifiante pour le moment. Bien que, conformément à l’ODMA (Ordonnance sur les désignations «montagne» et «alpage»), la viande des animaux estivés puisse être commercialisée comme «viande d’alpage», rares sont les cas où elle est vendue sous cette appellation. Il s’agit alors le plus souvent de porcs estivés et de produits qui en sont dérivés. Parfois, les exploitations d’alpage proposent d’autres produits animaux et végétaux: fromage frais à l’huile et aux herbes, œufs, baies et produits dérivés, sirop de sureau, miel, herbes fraîches et séchées, ou plantes médicinales par exemple. La catégorie services du tourisme d’alpage comprend la restauration, les nuitées, les offres d’animation et de divertissement pour particuliers, familles ou groupes telles que la possibilité d’assister à la traite ou à la fabrication du fromage, de se baigner dans un baquet ou de participer à des «séminaires d’alpage». S’y ajoutent le «leasing de vaches» avec travail éventuel dans l’alpage, des randonnées avec guide, le «Crossgolf alpin», des cours sur les herbes alpines, ou encore du trekking accompagné d’ânes ou de chèvres. Alors que dans les régions touristiques une restauration simple est en place depuis des décennies, des services différenciés ne sont apparus que ces dernières années. Il n’existe aucune donnée chiffrée sur leur ampleur. 2 Loi sur les denrées alimentaires (LDAI), Ordonnance sur les contributions d’estivage (OCest), Ordonnance sur les désignations «montagne» et «alpage» (ODMA), règles d’hygiène (Ordonnance sur l’hygiène OHyg, Ordonnance sur la qualité du lait OQL et Ordonnance du DFI sur la transformation hygiénique du lait dans les exploitations d’estivage).

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Procédure et méthode Pour le relevé de l’offre, une recherche bibliographique et sur internet a d’abord été effectuée; elle comprenait les dispositions légales nationales et cantonales sur la production et la distribution des produits d’alpage2. Ces dernières influencent en effet les aspects suivants de la fabrication: le volume de travail (procédures de travail et contrôles notamment), les investissements (équipement des salles de production par exemple), les types de produits possibles (conditions de fabrication du fromage au lait cru entre autres) ainsi que leur désignation. Cette recherche bibliographique a été suivie d’entretiens: au moyen d’un schéma d’interview standardisé, huit experts de l’économie alpestre (production/commercialisation/négoce/distribution) ont été interrogés, ainsi qu’une représentante du secteur de la protection des consommateurs et une de la recherche sur les tendances. Les questions portaient sur l’offre de produits d’alpage, des exemples de produits novateurs, la fabrication et la commercialisation, la distribution, les bases légales et la demande. Quant au questionnaire de huit pages destiné aux exploitants d’alpage, il a été mis au point grâce à l’étude des ouvrages de référence, aux interviews d’experts, et aux échanges avec les chercheurs du projet intégré AlpFUTUR. Un test préalable a été effectué avec trois exploitants. Ce questionnaire a été envoyé en avril 2010 – en allemand, français et italien – à 684 exploitations d’alpage dans les six régions de l’étude de cas; il était accompagné d’un communiqué destiné à la presse agricole régionale écrite et en ligne. 279 questionnaires ont été retournés (40 %), dont 17 insuffisamment remplis. Les 262 questionnaires exploitables correspondent donc un taux de retour de 38 %. Concernant la représentativité des enquêtes: avec ces 262 réponses, nous avons effectué un relevé de près de 4 % des exploitations suisses d’alpage (en 2009); dans la zone sondée, 11 % des pâquiers normaux du niveau


Produits et services d’alpage – offre dans ­q uelques régions ciblées de Suisse | Economie agricole

100% 90% 80% 70% 60%

Canaux de distribution dans les régions 4

1

5 1 5

9

1

2

4

5

2

10

2

2

3

5 9

3

1

1

13

3

50% 2

1

40% 30%

2

2 30 4

20%

Autres Restauration/hôtellerie Négociants Grossistes Magasins de village Vente directe

41 4

6

3

Vallée de Joux VD

District de Moesa GR

10% 0%

Canton d‘Obwald

Basse-Engadine GR

Diemtigtal/ Niedersimmental BE

Vallées autour de Viège VS

Figure 1 | Canaux de distribution des produits d’alpage en % des exploitations ayant répondu et nombre de mentions (dans les colonnes) par zone de l’étude de cas (réponses multiples possibles).

national (32 700 sur 293 400) ont été estivés en 2008 (données SIPA), et 12 % de la quantité de fromage d’alpage de la Suisse y a été produite en 2009 (623 tonnes; données TSM). Le taux de participation à l’enquête des exploitations proposant des produits d’alpage a probablement été supérieur à la moyenne. Même si les régions de l’étude de cas d’AlpFUTUR permettent un relevé des structures centrales de l’économie alpestre suisse, elles ne peuvent pas refléter l’immense hétérogénéité de cette économie. Le taux de retour de 38 % est satisfaisant, mais le taux régional varie (voir tabl. 2). Les trois régions au faible nombre d’exploitations sondées (Basse-Engadine, Moesa, vallées aux alentours de Viège) se traduisent aussi par des petits échantillons. Elles produisent de plus faibles quantités de fromages d’alpage (9 % des quantités produites dans les six régions selon TSM Fiduciaire, 2009), et dans celles-ci sont estivés 21 % des pâquiers normaux des régions concernées par l’étude de cas d’AlpFUTUR (2008, données AGIS). Leur pondération inférieure, du fait du moindre nombre d’exploitations ayant répondu, se traduit ainsi dans les indicateurs de l’économie alpestre.

Résultats Offre de produits d’alpage et distribution Produit principal de l’économie alpestre: l’enquête auprès des producteurs confirme que le fromage est le produit d’alpage le plus fréquemment fabriqué: 82 % des exploi-

tations vendant des produits d’alpage et ayant répondu à l’enquête en produisent. 11 % proposent d’autres produits laitiers, 9 % de la viande, 2 % de la restauration et 3 % d’autres services (réponse multiple possible). Prix pour le fromage d’alpage: les prix en vente directe (types et degrés différents de maturité) vont de CHF 12.– à 28.– le kg; 80 % des réponses données se situent toutefois entre CHF 15.– et 23.–. Ces chiffres reposent sur les informations transmises par 73 exploitations (56 % des exploitations avec produits d’alpage dans leur assortiment).3 Canaux de distribution: le principal canal de distribution des produits d’alpage est la vente directe (88 exploitations sur 130 concernées les vendent directement à des clients). La figure 1 présente les canaux de distribution mentionnés et les proportions régionales. Les producteurs ont été interrogés sur leur satisfaction vis-à-vis de ces canaux d’écoulement: 71 % s’en disent satisfaits, 12 % non satisfaits et 17 % partiellement satisfaits (n: 161). Quantité de fromages d’alpage écoulée en vente directe: la figure 2 indique les quantités vendues. La médiane est d’une tonne. Clientèle en vente directe: elle se compose avant tout de clients fidélisés (chez 78 sur 95 exploitations ayant répondu  à cette question) et de clients originaires de la région.

Les exploitations d’alpage du canton du Tessin n’ont pas été sondées. Par expérience, les prix du fromage d’alpage y sont supérieurs au reste de la Suisse (le prix d’un fromage d’alpage d’un an est de CHF 40.– à 50.–/kg en vente directe). 3

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Nombre d‘exploitations

Economie agricole | Produits et services d’alpage – offre dans ­q uelques régions ciblées de Suisse

Fabrication et achat de produits d’alpage: les raisons des exploitants Raisons de la fabrication de produits d’alpage: la figure 3 présente les explications données pour la fabrication des produits d’alpage. Les colonnes rouges détaillent ces réponses lorsque la catégorie ouverte «autres, à savoir...» a été choisie. Raisons sous-tendant l’achat: les exploitants ont été interrogés sur les raisons qui, selon eux, expliquent l’achat de produits d’alpage par les consommateurs (voir la fig. 4 pour les résultats). Dans les régions alémaniques de l’étude de cas, les raisons qualitatives et le prix sont déterminants, tandis que dans les régions de langue latine, les caractéristiques culturelles (produits traditionnels et régionaux) sont primordiales.

Quantité de fromages d'alpage en vente directe

25 20 15 10 5 0

jusqu‘à 500

600 – 1000

1100 – 3000 3100 – 5000 6000 – 10 000 kilogrammes

Figure 2 | Quantité de fromages d’alpage écoulée en vente directe (n: 58). 4 n indique le nombre d’exploitations ou d’une autre référence de base à avoir répondu à la question.

4

Cadre légal Besoin d’améliorer la législation: sur les 194 exploitations ayant répondu, 36 % considèrent qu’il n’existe aucun besoin d’améliorer les lois et ordonnances concernant les produits d’alpage. 15 % sont d’un avis contraire et 49 % n’ont pas d’opinion. De plus, des commentaires individuels critiques figurent dans 33 questionnaires. Ils portent avant tout sur la multitude de dispositions et sur la difficulté de les appliquer dans l’exploitation d’alpage (en raison de l’infrastructure, par exemple). Contrôles des alpages: les contrôles des alpages vont de pair avec les directives légales. Sur 205 exploitations, 80 % ont indiqué avoir été contrôlées au cours des cinq

Modifications de l’offre de produits: interrogées sur l’évolution de leur offre au cours des cinq dernières années, 157 exploitations sur 185 ont signalé que le nombre de leurs catégories de produits était resté identique; dans 15 exploitations, ce nombre a augmenté et dans 13 il a diminué. Coopération interexploitations: 107 exploitations sur 130 proposant des produits d’alpage se sont exprimées sur ce point. D’après ces données, 16 seulement coopèrent avec d’autres exloitations/personnes, essentiellement dans la fabrication, et en partie dans l’affinage, la commercialisation et autres.

Raisons sous-tendant la production de produits d’alpage 45 65

40

66

35

%

30

47

25

46

39

20 15 10

12

5

6

7

5

7

7

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0

Figure 3 | Raisons avancées par les producteurs pour fabriquer des produits d’alpage, en % des exploitations ayant ­r épondu et nombre de mentions (sur les colonnes); réponses multiples possibles.

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Produits et services d’alpage – offre dans ­q uelques régions ciblées de Suisse | Economie agricole

Raisons expliquant l’achat de produits d’alpage 70 bleu = qualité, jaune = raisons culturelles, vert = situation d’achat, rouge = prix 60

%

50 40 30 20 10

té re ss an ix t éq ui ta bl e Pr

in ix Pr

po nt an tp é er so nn el

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Co

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0

Figure 4 | Raisons expliquant l’achat de produits d’alpage selon les producteurs en % des exploitations ayant répondu (réponses multiples possibles).

Discussion Cette enquête établit à 40 % la proportion des exploitations ayant fabriqué du fromage d’alpage en 2009, ce qui est légèrement supérieur aux 34 % calculés sur la base d’un relevé de la situation des exploitations d’al-

page (d’autres exploitations) pour l’année 2009 (von Felten 2011). Toutefois, selon TSM Fiduciaire, seules 20 % des entreprises d’alpage ont produit du fromage en 2009. Comment expliquer cette différence? D’une part, les données TSM ne prennent pas en compte les exploitations qui ne destinent ce fromage qu’à leur consommation personnelle; il s’agit, dans l’enquête présentée ici, d’au moins 10 % des exploitations. D’autre part, il est vraisemblable que ce sont avant tout des exploitations fabriquant des produits d’alpage qui ont participé aux  sondages.

Distinction entre produits de montagne et produits d’alpage 70

130

60 50 %

dernières années. Les contrôles sont bien vécus dans la majorité des cas: pour 77 % des exploitations ayant répondu (n: 158), ils n’ont posé aucun problème; pour 13 % d’entre elles, ils ont été qualifiés de pénibles, et 10 % étaient sans opinion à ce sujet. Désignation des produits d’alpage: l’ODMA définit ce qui caractérise un produit d’alpage. Dans notre enquête, nous avons demandé si une distinction devait être faite entre produits de montagne et produits d’alpage (pour les résultats, voir la fig. 5). Support pour un label «produit d’alpage»: la majorité des sondés estime qu’un label «produit d’alpage» ne serait pas pertinent pour mieux caractériser ces produits. Concrètement, 46 % s’opposent à un tel label, 31 % le préconisent, et 23 % n’ont pas d’avis sur la question (n: 203). 75 exploitations ont ajouté un commentaire. Le principal argument des défenseurs du label est son effet positif sur les ventes. Quant aux détracteurs, ils craignent des tracas administratifs et financiers supplémentaires, ainsi que le risque de confusion contraire à la différenciation recherchée.

40 30 20

42

34

10 0

Ne pas distinguer les produits de montagne des produits d‘alpage

Distinction entre produits de montagne et produits d‘alpage

Sans opinion

Figure 5 | Souhaits quant à la distinction entre produits de montagne et produits d’alpage en % des entreprises ayant répondu et nombre de mentions (sur les colonnes).

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Economie agricole | Produits et services d’alpage – offre dans ­q uelques régions ciblées de Suisse

Dans les six zones du relevé, 2 % des exploitations ayant répondu proposent des prestations gastronomiques et 3 % également d’autres services. En revanche, dans le relevé suisse sur la situation des exploitations d’alpage, 16 % (n: 667) d’entre elles ont signalé la présence d’une buvette dans leur alpage (von Felten 2011). Cet échantillon était toutefois de plus grande taille et intégrait des régions dotées d’une densité supérieure de gastronomie alpestre. Lors des entretiens personnels avec les spécialistes, de nouvelles offres de services comme la fromagerie de démonstration ou des activités de wellness ont été mentionnées de façon récurrente. En réalité, elles sont faiblement répandues, à hauteur de 3 % seulement selon l’enquête. Ce sont probablement des cas isolés, même si ces exploitations se font bien connaître et sont facilement accessibles grâce à Internet. La proportion élevée de commercialisation directe des produits d’alpage (68 %) n’est pas surprenante. Elle s’explique par les quantités relativement faibles de vente de fromages d’alpage, spécifiques à ce type d’exploitation, et par de meilleures marges comme l’illustre la comparaison suivante: sur le marché aux fromages d’alpage à Muotathal (octobre 2010), le prix au kilo était de CHF 19,50, tandis qu’un prix de CHF 9,40 par kg fut par exemple cité dans l’enquête pour la vente aux négociants en fromages. Dans les entretiens, les spécialistes proches de l’économie alpestre donnent l’impression à diverses reprises que la diversité des produits d’alpage s’est accrue ces dix dernières années. Or, s’y oppose le fait que chez 85 % des exploitants, le nombre de catégories de produits demeure inchangé depuis 5 ans. Chez les 15 % restants, il a augmenté ou diminué dans des proportions équivalentes. Dans l’ensemble, la situation de l’offre sur le marché des produits d’alpage se caractérise donc plutôt par sa stabilité. On remarque néanmoins sur la base des données TSM (2009 et 2010), qu’un nombre réduit des alpages laitiers (recul de quelque 18 % depuis 2000) fournit une plus grande quantité de fromages d’alpage (augmentation de 17 % depuis 2003). Plusieurs raisons peuvent expliquer cela: abandon d’alpages de petite taille ou modification de l’orientation des alpages laitiers (en particulier abandon de la garde de vaches laitières), agrandissement des alpages laitiers existants et construction des fruitières de plus grande taille. Dans ce secteur ont lieu des processus de concentration similaires à ceux des autres branches de l’agriculture. Une autre raison probable est, entre autres, le renforcement des prescriptions légales ces dernières années (en particulier dans le domaine de l’hygiène et de la garde d’animaux).

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Recherche Agronomique Suisse 3 (3): 124–131, 2012

En outre, les raisons liées à la tradition et à la charge en bétail sont citées plus fréquemment comme raisons principales de la fabrication de produits d’alpage que la rentabilité ou les conditions d’écoulement des produits. Mais cela ne signifie pas que la rentabilité et les conditions de vente soient mauvaises. Après tout, 71 % des exploitations sont satisfaites de leurs canaux d’écoulement. A signaler enfin que les entretiens avec les experts donnent souvent l’impression que les règles légales de l’économie alpestre s’accompagnent de mécontentement. Mais en fait, dans l'enquête écrite, seules 15 % des exploitations sondées réclament un besoin d’amélioration (contre 49 % sans opinion). Le faible mécontentement s’exprime aussi à travers le pourcentage (77 %) des exploitations qui ne perçoivent pas les contrôles légaux comme étant un problème. Le sondage présenté ici sur les raisons des achats concerne uniquement le point de vue des exploitants. Dans le cadre de notre projet sur les produits d’alpage, des relevés de la demande sont effectués auprès des consommateurs ainsi que sur des entretiens en groupe.

Conclusions et perspectives Dans l’ensemble, il apparaît que l’économie alpestre, au niveau des produits d’alpage, reste plutôt fidèle à la tradition et aux structures en place, et qu’elle n’a guère été touchée à ce jour par les développements en cours dans l’agriculture de la vallée: les développements en question comme l’offre de nouveaux produits et de services novateurs, dotés d’avantages supplémentaires et englobant une plus grande partie de la chaîne de création de valeur. On peut s’attendre à ce que de tels développements soient aussi synonymes de succès dans tout ou partie de l’économie alpestre. La poursuite d’une telle stratégie sur une base plus large nécessite la réponse aux questions suivantes: la demande existe-elle? Dans quelles conditions les différentes exploitations de produits d’alpage pourraient-elles tirer profit d’une augmentation de la fabrication de ces produits? Les modifications induites par ces changements seraient-elles acceptées par l’économie alpestre et par la société? Le personnel d’alpage qualifié serait-il en nombre suffisant? Plusieurs de ces questions sont traitées par le projet «Produits d’alpage» de même que par d’autres projets partiels d’AlpFUTUR (Pern sonnel d’alpage, AlpFusion, Société, par example).5

5 La recherche permettant cette contribution est soutenue financièrement par la Fondation Ernst Göhner et par la Fondation Sur-La-Croix. Nous tenons à remercier ces Fondations pour leur aide ainsi que les exploitants d’alpage qui ont participé à l’enquête.


Prodotti d’alpe e prestazioni degli ­ alpeggi – Offerta in regioni svizzere selezionate I prodotti d’alpe sono prodotti di nicchia, che destano molto interesse presso la popolazione. Ad un’inchiesta relativa all’offerta di prodotti e alla prestazione degli alpeggi hanno partecipato 262 alpigiani provenienti da sei regioni. Questa inchiesta mostra che il formaggio d’alpe costituisce il prodotto più importante per quanto riguarda la produzione e l’offerta. Questo prodotto viene spesso immesso sul mercato – in piccole quantità – in modo diretto. Mentre la produzione di formaggio d’alpe svizzero è aumentata negli ultimi anni, nell’85 % delle aziende alpestri che hanno partecipato al sondaggio, il numero dei prodotti è rimasto stabile. Oltre la gastronomia d’alpe, l’offerta di prestazioni è marginale. La tradizione e la disponibilità di animali sono i fattori che maggiormente motivano la produzione di prodotti d’alpe. La cooperazione interaziendale nell’ambito della produzione e della vendita di prodotti d’alpe è limitata. Per i produttori (63 %) è importante differenziare i prodotti di montagna dai prodotti d’alpe. Nonostante ciò, solamente il 31 % dei partecipanti all’inchiesta sostiene l’idea di un marchioper i prodotti d’alpe. In generale l’offerta è strettamente legata alla tradizione ed esiste potenziale per l’ampliamento e lo sviluppo ulteriore dell’offerta.

Bibliographie ▪▪ Baur P. et al., 2006. Alpweiden im Wandel. Agrarforschung 14 (6), 254–259. ▪▪ Lauber S. et al., 2011. Evaluation der Sömmerungsbeitragsverordnung (SöBV) und alternativer Steuerungsinstrumente für das Sömmerungsgebiet. Schlussbericht des AlpFUTUR-Teilprojektes 13 «Politikanalyse», WSL. Birmensdorf. ▪▪ Matscher A. & Schermer M., 2009. Zusatznutzen Berg? Argumente für den Konsum von Bergprodukten. Agrarwirtschaft 58 (2), 125–134. ▪▪ TSM, 2009 et 2010. Données sur la production et le traitement du lait alpestre. 2001–2008 et 2009 par canton. TSM Fiduciare. Berne. ▪▪ von Felten S., 2011. Situation der Alpwirtschaftsbetriebe in der Schweiz. Resultate einer Befragung von Sömmerungsbetrieben. WSL. Birmensdorf. ▪▪ Werthemann A. & Imboden A., 1982. L'économie alpestre et pacagère en Suisse. Berne.

Summary

Riassunto

Produits et services d’alpage – offre dans ­q uelques régions ciblées de Suisse | Economie agricole

Alpine products and services – supply situation in selected Swiss regions Alpine products are niche products that generate public interest. In an investigation of the supply situation in six Swiss case study regions, 262 producers from summering farms were surveyed. The results show that the most important of the produced and marketed alpine products is alpine cheese, which is often sold directly to consumers and in small quantities. While production of alpine cheese in Switzerland has increased in the past years, the variety of alpine products on offer has remained stable in 85 % of the participating summer farms. Apart from the traditional alpine gastronomy, few services are provided by summer farms. Tradition and livestock are the most important reasons for the production of alpine products. The cooperation rate of farms in the production and marketing of alpine products is low. Although 63 % of the producers find it important to differentiate «Alpine» and «Mountain» products, only 31 % agree upon the desirability of establishing a label for alpine products. Overall, the supply side tends to cling to tradition, yet potential for extension and further development exists. Key words: products of Swiss summer farms, services on alps, alpine dairy products, regulations.

Traduction:

Jenny Sigot Müller, WSL.

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P r o d u c t i o n

a n i m a l e

Le changement climatique influence le ­bien-être des vaches laitières Jürg Fuhrer et Pierluigi Calanca Station de recherche Agroscope Reckenholz-Tänikon ART, 8046 Zurich Renseignements: Jürg Fuhrer, e-mail: juerg.fuhrer@art.admin.ch, tél. +41 44 377 75 05

Le risque d'hyperthermie pour les animaux au pâturage va augmenter avec le changement climatique. (Photo: ART)

Introduction L’évolution climatique au cours des dernières décennies indique des températures en nette hausse pour la Suisse. De 1981 à 2010, suivant les régions, les moyennes annuelles ont augmenté de 0,9 à 1,4 °C (Ceppi et al. 2010). D’après les dernières projections climatiques pour les trois régions de Suisse (Nord-Est, Nord-Ouest, Sud), il faut s’attendre à une nouvelle hausse à l’avenir. Par rapport aux trente dernières années, la hausse d’ici à la fin du siècle oscillera entre 3,2 et 4,8 °C (scénario d’émission A2) ou entre 2,7 et 4,1 °C (scénario d’émission A1B; CH2011 2011). Cette tendance à des températures plus élevées et des extrêmes toujours plus fréquents a de lourdes conséquences pour l’homme, l’animal et l’envi-

132

Recherche Agronomique Suisse 3 (3): 132–139, 2012

ronnement. En outre, à plusieurs endroits, les conditions climatiques se détériorent pour les animaux de rente dans l’agriculture (IPCC 2007). Mais jusqu’à présent, peu d’importance a été accordée à cet aspect du changement climatique. La température et l’humidité de l’air exercent une influence directe sur le bien-être des animaux et leurs performances. Pour les vaches laitières, la hausse des températures accompagnée d’une humidité de l’air élevée se traduit par une baisse de la consommation de fourrage et de la production laitière et par une altération de la qualité du lait (West 2003). De plus, le besoin de liquides s’accroît. D’autres conséquences des longues périodes de canicule concernent la reproduction, la croissance et la santé (Kadzere et al. 2002). Tandis que


dans les systèmes de stabulation fermés, il est possible de réguler les conditions climatiques à l’aide de moyens techniques et de les adapter de manière optimale à chaque espèce animale, ceci est impossible dans les systèmes de stabulation ouverts et en cas de détention au pâturage. Des questions se posent: les conditions environnementales vont-elles se détériorer pour les animaux de rente en Suisse sous l’effet du changement climatique? Si oui, dans quelle mesure? A quel point faut-il s’attendre à une dégradation du bien-être animal? Dans cette analyse, un indicateur simple du stress causé aux vaches par la température et l’humidité est utilisé pour d’étudier à quel point la hausse des températures depuis 1981 a déjà eu des répercussions négatives sur le risque de stress thermique et comment la situation pourrait évoluer jusqu’en 2060 d’après différentes projections climatiques.

Méthodes

Résumé

Le changement climatique influence le ­b ien-être des vaches laitières | Production animale

Sous l’effet du changement climatique, les températures augmentent en Suisse, ce qui accroît le risque de stress thermique pour les animaux de rente. L’évaluation d’un indice de température-humidité sur différents sites a montré que pour les vaches laitières, ce risque a déjà nettement augmenté en moyenne journalière pendant les 30 dernières années, tandis que les valeurs extrêmes ont à peine varié. L’évolution future du risque de stress dû à la chaleur a été étudiée sur la base de deux scénarios climatiques pour la période de 2036 à 2065. Ces projections montrent que le risque peut être considérable, notamment là où il fait le plus chaud. L‘augmentation du nombre de jours de stress est particulièrement marquée. Les résultats confirment la nécessité de prendre des mesures pour adapter l’élevage de vaches laitières au futur changement climatique.

Indice température-humidité Il existe plusieurs indices, plus ou moins complexes, pour définir le stress causé aux animaux de rente par la chaleur à partir de la température et de l’humidité de l’air (Bohmanova et al. 2007). Les considérations dans cette étude se basent sur un indice température-humidité (Temperature-Humidity-Index, THI), qui se compose des moyennes journalières de la température (T) et de l’humidité relative (Hr). L’avantage du THI est que l’Hr, contrairement à l’humidité absolue, peut être considérée comme relativement constante même avec des températures en hausse (Willett et al. 2007). Le calcul du THI s’effectue à l’aide de la formule suivante (selon Thom 1958): THI = 0,8 × T + (Hr / 100) × (T − 14,4) + 46,4 Pour évaluer les valeurs de THI calculées pour les vaches laitières, on s’est appuyé sur le classement proposé notamment par Armstrong (1994): < 72: aucun stress 72−78: stress léger 79−89: stress modéré 89: stress marqué Pour évaluer l’évolution du stress thermique dans le passé récent, l’indice THI a été calculé à partir de données météorologiques journalières de huit stations sélectionnées. L’étude a porté sur l’évolution des moyennes annuelles et des valeurs journalières maximales du THI, ainsi que sur le nombre de jours avec un THI > 72. Dans 

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Production animale | Le changement climatique influence le ­b ien-être des vaches laitières

85

85 Magadino

Sion 80

Modéré

80

75

75

THI

Léger 70 65

70 Aucun stress

60 1975 85

80

1980

1985

65

1990

1995

2000

2005

2010

2015

1980

1985

1990

1995

2000

2005

2010

2015

THI THI

60 1975 85

1980

1985

1990

1995

2000

Changins

2015

2005

2010

2015

Taenikon 80

75

Léger

70 Aucun stress 65

1980

1985

1990

1995

2000

2005

2010

2015

60 1975 85

1980

1985

1990

1995

2000

Payerne

Modéré

2005

2010

2015

Davos

80

THI

2010

65

70

80

75

Léger

70

70 Aucun stress 65

60 1975

2005

Aucun stress

Modéré

65

2000

75

80

75

1995

70

60 1975 85

60 1975 85

1990

Berne

70

65

1985

80

Léger

75

1980

Aigle

Modéré

75

65

60 1975 85

1980

1985

1990

1995

2000

2005

2010

2015

60 1975

1980

1985

1990

1995

2000

2005

2010

2015

Figure 1 | Evolution de la moyenne (symboles bleus) et du maximum journalier (symboles rouges) de l’indice température-humidité THI dans les années 1981 à 2009 (avec tendance linéaire) sur les sites sélectionnés. Les lignes en pointillés représentent la limite entre «aucun» stress thermique et un stress «léger», ainsi que la limite entre un stress «léger» et un stress «modéré».

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Le changement climatique influence le ­b ien-être des vaches laitières | Production animale

Tableau 1 | Données climatiques (moyennes annuelles) pour la période de référence 1981 Station

Température (°C)

Humidité relative (%)

Davos

4,0

71,0

Taenikon

8,7

75,9

Berne

9,3

74,8

Payerne

9,6

76,0

Aigle

10,1

75,4

Changins

10,5

72,2

Sion

10,5

68,3

Magadino

11,7

70,5

un deuxième temps, les mêmes paramètres ont été calculés pour l’année 2050 (2036−2065) à partir de scénarios climatiques afin d’estimer l’évolution future du stress dû à la chaleur. Données et scénarios climatiques Pour les besoins des calculs, huit stations météoro­ logiques ont été sélectionnées dans différentes régions du pays, afin de couvrir une grande partie de l’éventail des valeurs de T et de Hr. Les moyennes des deux paramètres clés sont indiquées dans le tableau 1. La spectre de température annuelle va de 4 °C dans le site alpin de Davos à près de 12 °C au Tessin (Magadino). Par contre, la fourchette des valeurs d’humidité relative est plus étroite (68−76 %). Les relevés journaliers de T et de Hr pour la période de référence de 1981 à 2009 ont été prélevés dans la base de données de Météo Suisse (www.meteosuisse.ch). La simulation du THI pour les conditions climatiques futures s’est faite sur la base de deux scénarios climatiques. Ceux-ci se réfèrent aux simulations pour la période 1951 à 2100 complétées dans le cadre du projet UE ENSEMBLES (van der Linden et Mitchell 2009), à savoir des simulations avec les modèles climatiques régionaux ETHZ-CLM et SMHIRCA-BCM (pour plus de détails: http://ensemblesrt3.dmi.dk/). Pour la Suisse, ces deux modèles fournissent une limite supérieure (scénario «extrême») et une limite inférieure (scénario «léger») à l’évolution possible du climat suggérée par la totalité des scénarios ENSEMBLES. A partir de l’évolution des émissions A1B (mélange énergétique équilibré partant du principe que toutes les sources d’énergie connaissent un progrès technologique comparable), la simulation avec ETHZ-CLM indique pour 2036 – 2065 une hausse des

températures moyennes saisonnières par rapport à 1981 – 2010 comprise entre 2 à 2,5 °C pour les mois d’octobre à juin et entre 3 à 3,5 °C pour les mois de juillet, août et septembre. La hausse des températures jusqu’en 2036−2065 est plus modérée avec SMHIRCA-BCM, soit +1 °C en hiver/printemps et automne, et de l’ordre de +1,5 °C pendant les mois d’été. Comme le THI a été calculé sur une base journalière, les informations saisonnières tirées des modèles ETHZCLM et SMHIRCA-BCM ont dû être distribuées dans le temps. Pour la température et le rayonnement global, cela a été fait à l’aide d’un procédé statistique appelé «générateur météorologique» stochastique (LARS-WG selon Semenov 2007 ainsi que Semenov et Stratonovitch 2010) qui permet de créer un jeu de données de synthèse à partir d’observations à l’échelle locale. Les tests statistiques ont montré qu’au niveau de la variabilité journalière, les simulations sont satisfaisantes. Néanmoins, la variabilité des conditions métrologiques saisonnières d’une année à l’autre est sous-estimée car il n’existe pas de modèle statistique à ce sujet. Les valeurs de l’humidité relative ont été calculées comme suit. Tout d’abord, on est parti de l’hypothèse que le cycle annuel moyen de Hr resterait inchangé sous le climat futur (Willett et al. 2007). Dans un deuxième temps, l’écart journalier par rapport au cycle annuel moyen a été calculé en fonction du rayonnement global, l’hypothèse de départ étant qu’avec un ciel dégagé, les valeurs minimales de Hr en début d’après-midi sont plus faibles que par ciel couvert et ou en cas de pluie. Enfin, une petite composante de bruit stochastique a été ajoutée, afin de simuler le reste de la variabilité dans les observations. Pour les sites sélectionnés, la comparaison entre les valeurs de Hr observées dans le passé (période de référence 1981−2009) et les valeurs calculées avec cette méthode a montré que cette procédure fournissait des résultats fiables. Pour la période de référence (1981−2009), mais aussi pour chacun des deux scénarios pour l’année 2050 (2036−2065), 200 années de données de synthèse ont été générées avec LARS-WG et les valeurs de THI correspondantes calculées.

Résultats Evolution de 1981 à 2009 Dans un premier temps, l’évolution temporelle du THI a été examinée sur les trente dernières années. Les données des huit stations sélectionnées suivent une courbe différente (fig. 1). La hausse du THI moyen est marquée pour les stations de Sion et de Magadino. Pour les autres sites, elle n’est que minime, voire inexistante (Changins). 

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Production animale | Le changement climatique influence le ­b ien-être des vaches laitières

90 Observation 1981–2009 Simulation période de référence 1981–2009

85

Modéré

Scénario SMHI-BCM (2050) Scénario ETH-CLM (2050)

Maxima annuels, THI max

80

75

Léger

70

65

60 aucun stress 55 Davos

Taenikon

Berne

Payerne

Aigle

Changins

Sion

Magadino

Figure 2 | Maximum annuel de l’indice température-humidité THI sur les sites sélectionnés pendant les 30 dernières années et pour deux scénarios climatiques différents. Boxplot avec médiane, percentiles de 25/75 %-, 19/90 %- et 5/95 %-. Les lignes en pointillés horizontales représentent la limite entre «aucun» stress thermique et un stress «léger», ainsi que la limite entre un stress «léger» et un stress «modéré».

Contrairement au THI moyen, la valeur journalière maximale du THI est restée pratiquement inchangée durant la période considérée, à l’exception de la station de Magadino au Tessin et très légèrement de Davos. La différence de cours entre la valeur moyenne et la valeur maximale est due au fait que les températures minimales ont enregistré une plus forte augmentation que les maximales. Les valeurs du THI moyen ont oscillé autour de la valeur seuil d’un stress thermique léger, c’est-à-dire un THI de l’ordre de 72. Comme on pouvait s’y attendre, les valeurs les plus élevées typiques d’un «stress léger» (THI 72−78) ont été relevées pour les sites les plus chauds (Sion, Magadino), les valeurs plus basses pour la localité de Davos situé à plus haute altitude. Le THI maximal a varié entre le stress «léger» et le stress «modéré» (THI 79−89). Les conditions de stress extrêmes avec des THI > 89 n’ont pas été relevées pendant la période considérée. Evolution future Pour les maxima annuels du THI tout comme pour le nombre de jours avec un THI > 72, les valeurs calculées à partir des données générées par LARS-WG pour la

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période de référence (1981−2009) sont comparables à celles calculées pour la même période sur la base d’observations (fig. 2 et 3). Dans le cas des maxima annuels du THI, non seulement les moyennes sont comparables, mais aussi l’éventail de variation, tandis que dans le cas du nombre de jours de stress thermique (THI >72), les variations issues des simulations avec LARS-WG sont moindres. Cela tient à la sous-estimation de la variabilité des conditions météorologiques saisonnières d’une année à l’autre. Dans l’ensemble, les calculs indiquent qu’avec les deux scénarios climatiques, les valeurs moyennes des maxima du THI tout comme son percentile à 5 % passent au-dessus de la valeur seuil de 72 dans presque toutes les localités (fig. 2). Davos fait exception; pour ce site, aucune hausse du facteur de stress n’a été constatée, même dans le cas du scénario climatique «extrême». Par contre, le nombre de jours par année où le THI dépasse 72 unités augmente nettement dans les sites les plus chauds, Payerne, Changins, Magadino et Sion (fig. 3). L’impact des scénarios climatiques est plus visible avec le nombre de jours affichant un THI > 72 qu’avec les maxima journaliers. Les données indiquent que par rap-


Le changement climatique influence le ­b ien-être des vaches laitières | Production animale

70 Observation 1981–2009

60

Simulation période de référence 1981–2009 Scénario SMHI-BCM (2050)

Nombre de jours (THI > 72)

50

Scénario ETH-CLM (2050)

40 30 20 10 0

Davos

Taenikon

Berne

Payerne

Aigle

Changins

Sion

Magadino

Abb. 3 | Nombre de jours avec THI > 72 (stress thermique léger) sur les sites sélectionnés pendant les 30 dernières années ainsi que pour deux scénarios climatiques différents. Boxplot avec médiane, percentiles de 25/75 %-, 19/90 %- et 5/95 %.

port à la période de référence, le nombre de jours de chaleur intense est multiplié par 2 à 3 sur plusieurs localités dans le cas du scénario climatique «extrême». Certaines années, le nombre de jours affichant un THI > 72 a dépassé 50 sur cinq des sites étudiés. D’autre part, avec le scénario climatique «léger», le nombre de jours critiques se situe, pour la plupart des sites, dans les limites de la variabilité des résultats calculés à partir des observations pour la période de référence 1981 – 2009.

Discussion L’évolution climatique de ces dernières années et les projections jusqu’à la moitié du siècle permettent de supposer que les conditions climatiques pour les animaux de rente en Suisse vont progressivement se dégrader sous l’effet du changement climatique, comme c’est le cas déjà pour d’autres régions du monde dès le moindre réchauffement (IPCC 2007). Ce changement concerne aussi bien les animaux détenus au pâturage que ceux détenus dans les systèmes de stabulation ouverts. C’est la hausse de température qui est décisive, tandis que l’humidité relative devrait rester relativement constante

même en cas d’augmentation de l’humidité atmosphérique absolue (Willett 2007). Cette évolution climatique a des répercussions négatives sur le bien-être et les performances des animaux de rente. Sans mesures adéquates, un tel changement signifie que les vaches laitières souffriront de plus en plus du stress thermique, avec une chute possible tant de la production laitière (West 2003) que de la qualité de leur lait (Palmquist et al. 1993). En Suisse, un tel scénario ne s’est vérifié jusqu’à présent que dans les années extrêmes comme en été 2003, où les valeurs du THI sur le site de Berne en juillet/ août ont affiché 15 unités de plus que pendant «l’année normale» de 2002. Selon Fischer et al. (2005), durant l’été 2003, dans les exploitations de production laitière de Brandebourg, la consommation de fourrage des vaches laitières a baissé jusqu’à 15 % à cause de la canicule, en dépit d’une technique d’affourragement moderne et d’une détention à l’étable. Ceci s’est traduit par une baisse d’environ 10 % du rendement laitier. En particulier dans les sites déjà chauds, une forte augmentation de la température à l’avenir, de plus de 2 °C (scénario extrême), se traduirait par une période de deux mois avec des valeurs de THI supérieures à 72. Il 

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Production animale | Le changement climatique influence le ­b ien-être des vaches laitières

Figure 4 | Les zones d'ombre dans les pâturages vont devenir de plus en plus importantes dans le contexte du changement ­c limatique. (Photo: ART)

existe plusieurs possibilités pour faire face à l’accumulation de jours de stress thermique pour les animaux. On peut par exemple gérer différemment la mise au pâturage et recourir davantage à la pâture nocturne. D’autres mesures consistent à offrir plus d’ombre au pâturage (fig. 4) et dans l’aire d’exercice extérieure (Schütz et al. 2008, 2009; Tucker et al. 2008), à installer un dispositif d’aspersion pour rafraîchir les animaux (Legrand et al. 2011, Schütz et al. 2011) ou à déplacer la détention au pâturage vers les zones d’altitude, d’où l’importance croissante que pourraient prendre les zones alpines et préalpines ainsi que l’estivage dans le contexte de l’élevage de vaches laitières. En termes de sélection, il est également possible de s’adapter en privilégiant les races et les lignées de vaches laitières qui conviennent mieux

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aux conditions climatiques plus chaudes (West 2003). De telles mesures peuvent toutefois entraîner des coûts lorsqu’il s’agit d’investir dans des dispositifs de protection. Il faut donc peser le pour et le contre et choisir quelles mesures doivent de préférence être appliquées compte tenu des bénéfices et des coûts. Les résultats de l’étude montrent néanmoins clairement qu’à moyen et à long terme, le changement climatique (en dépit des incertitudes liées aux projections climatiques) rendra probablement indispensable l’une ou l’autre mesure d’adaptation de la production laitière. De plus, il faut s’attendre à ce qu’en Suisse aussi d’autres espèces d’animaux de rente, comme les porcs ou la volaille, soient d’avantage exposées au stress thermique et que leur mode de détention doive également être adapté en conséquence. n


Il cambiamento climatico incide sul ­benessere delle vacche da latte In Svizzera, il cambiamento climatico comporta un innalzamento delle temperature, con conseguente aumento del rischio di stress termico per gli animali da reddito. Sulla base della valutazione di un indice di temperatura-umidità incentrato su località selezionate è stato possibile dimostrare che durante gli ultimi trent'anni il rischio medio giornaliero per le vacche da latte ha già subito un sensibile incremento in diversi luoghi, mentre i valori estremi sono rimasti pressoché invariati. L'evoluzione futura del rischio di stress termico è stata studiata sulla base di due scenari climatici temporali per gli anni 2036–2065. Tali proiezioni indicano che il rischio potrà essere notevole soprattutto nelle regioni più calde. Particolarmente marcata è la crescita del numero di giorni di canicola. I risultati documentano la necessità di misure d’adeguamento al cambiamento climatico nell’ambito della detenzione di bestiame da latte.

Bibliographie ▪▪ Allen R. G., Pereira L. S., Raes D. & Smith M., 1998. Crop Evapotranspiration. Guidelines for Computing Crop Water Requirements. FAO Irrigation and Drainage Paper 56. Food and Agriculture Organization (FAO) of the United Nations, Rome, 300 p. ▪▪ Armstrong, D. V., 1994. Heat stress interaction with shade and cooling. J. Dairy Sci. 77, 2044–2050. ▪▪ Bohmanova J., Misztal I. & Cole J. B., 2007. Temperature-humidity indices as indicators of milk production losses due to heat stress. J. Dairy Sci. 90, 1947–1956. ▪▪ Ceppi P., Scherrer S. C., Fischer A. M. & Appenzeller C., 2010. Revisiting Swiss temperature trends 1959–2008. Int. J. Clim., DOI: 10.1002/ joc.2260. ▪▪ Fischer A., Eulenstein F., Willms M., Müller L., Schindler U. & Mirschel W., 2005. Mögliche Auswirkungen des Klimawandels auf die Tierproduktion in Nordost-deutschland. In: Wiggering H., Eulenstein F., & Augustin J. [éd.]: Entwicklung eines integrierten Klimaschutzmanagements für Brandenburg: Handlungsfeld Landwirtschaft, (DS 3/6821-B): 59–65; Müncheberg (Leibniz-Zentrum für Agrarlandschaftsforschung). ▪▪ IPCC, 2007. Climate Change 2007: Working Group II: Impacts, Adaptation and Vulnerability. Parry M. L., Canziani O. F., Palutikof J. P., van der Linden P. J. & Hanson C. E. (eds). Cambridge University Press, Cambridge, United Kingdom and New York, NY, USA. ▪▪ Kadzere C. T., Murphy M. R., Silanikove N. & Maltz E., 2002. Heat stress in lactating dairy cows: A review. Livest. Prod. Sci. 77, 59–91. ▪▪ Legrand A., Schütz K. E. & Tucker C. B., 2011. Using water to cool cattle: Behavioral and physiological changes associated with voluntary use of cow showers. J. Dairy Sci. 94, 3376–3386. ▪▪ Palmquist D. L., Beaulieu A. D. & Barbano D. M., 1993. Feed and animal factors influencing milk fat composition. J. Dairy Sci. 76, 1753–1771.

Summary

Riassunto

Le changement climatique influence le ­b ien-être des vaches laitières | Production animale

Climate change affects welfare of dairy cows Climate change is leading to higher temperatures across Switzerland, increasing the risk of heat stress in livestock. Analyzing a «Temperature-Humidity Index» at various locations, it could be shown that the risk for dairy cows already grew substantially on a daily average over the past 30 years, whereas the maximum of the index did not change much. Future trends of the index were analyzed on the basis of two climate scenarios for the time period 2036–2065. These projections show that, at the warmer sites in particular, future risks could be substantial. Especially marked is the increase in the number of days with heat stress. The results emphasize the need for measures to be taken in order to adapt animal husbandry to future climate change. Key words: climate change, heat stress, livestock, animal welfare.

▪▪ Schütz K. E., Cox N. R. & Matthews L. R., 2008. How important is shade to dairy cattle? Choice between shade or lying following different levels of lying deprivation. Appl. Anim. Behav. Sci. 114, 307–318. ▪▪ Schütz K. E., Rogers A. R., Cox N. R. & Tucker C. B., 2009. Dairy cows prefer shade that offers greater protection against solar radiation in summer: Shade use, behavior and body temperature. Appl. Anim. Behav. Sci. 116, 28–34. ▪▪ Schütz K. E., Rogers A. R., Cox N. R., Webster J. R. & Tucker C. B., 2011. Dairy cattle prefer shade over sprinklers: Effects on behavior and physiology. J. Dairy Sci. 94, 273–283. ▪▪ Semenov M., 2007. Development of high-resolution UKCIP02-base climate change scenarios in the UK. Agricult. Forest Meteorol. 144, 127–138. ▪▪ Semenov M. & Stratonovitch P., 2010) Use of multi-model ensembles from global climate models for assessment of climate change impacts. Clim. Res. 41, 1–14. ▪▪ Thom E. C., 1958. Cooling-degree days. Air conditioning, heating and ventilation. Trans. Am. Soc. Heat 55, 65–72. ▪▪ Thom E. C., 1958. The discomfort index. Weatherwise 12, 57–60. ▪▪ Tucker C. B., Rogers A. R. & Schütz K. E., 2008. Effect of solar radiation on dairy cattle behaviour, use of shade and body temperature in a pasturebased system. Appl. Anim. Behav. Sci. 109, 141–154. ▪▪ van der Linden P. & Mitchell J. F. B. (eds.), 2009. ENSEMBLES: Climate Change and its Impacts: Summary of research and results from the ENSEM-BLES project. Met Office Hadley Centre, FitzRoy Road, Exeter EX1 3PB, UK. 160 p. ▪▪ West J. W., 2003. Effects of heat-stress on production in dairy cattle. J. Dairy Sci. 86, 2131–2144. ▪▪ Willett K. M., Gillett N. P., Jones P. D. & Thorne P. W., 2007. Attribution of observed surface humidity changes to human influence. Nature 449, 710–712.

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P r o d u c t i o n

a n i m a l e

Structure de population et diversité génétique des races ovines suisses Alexander Burren1, Christine Flury1, Christian Aeschlimann2, Christian Hagger1 et Stefan Rieder3 Haute école des sciences agronomiques, forestières et alimentaires HAFL, 3052 Zollikofen 2 Fédération suisse d'élevage ovin, Caprovis Data AG, 3000 Berne 3 Haras national suisse ALP-Haras, 1580 Avenches Renseignements: Stefan Rieder, e-mail: stefan.rieder@haras.admin.ch, tél. +41 26 676 62 09

1

Oxford (OX)

Brun Noir du pays (BNP)

Nez Noir du Valais (NN)

Blanc des Alpes (BA)

Les quatre populations les plus importantes de Suisse. (Photos: Fédération suisse d'élevage ovin)

Introduction Dans le cadre de l’Année de la biodiversité 2010, la Fédération suisse d’élevage ovin a mis à disposition les données généalogiques (pedigrees) des quatre populations ovines les plus importantes de Suisse: Oxford (15 %; n=10 858), Brun Noir du pays (15 %; n=10 964), Nez Noir du Valais (20  %; n=14  371), Blanc des Alpes (44  %; n=32 169), en vue d’une analyse de la diversité génétique1. L’analyse des données du herd-book permet de décrire la structure des quatre populations et de calculer des paramètres génétiques. Ceux-ci permettent d’apprécier l’état et l’évolution de la diversité génétique. Sur cette base, on peut déterminer quelles mesures sont nécessaires et appropriées pour la conservation des races. Le mouton Oxford (OX) est une race lourde de Suisse. Il

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est élevé depuis le 19e siècle et descend de croisements de moutons de Grabs suisses avec des moutons Oxford provenant d’Angleterre et des moutons à viande à tête noire allemands. Ces deux races étrangères sont encore utilisées de nos jours pour les croisements d’amélioration (SZV 2010). Le Brun Noir du pays (BNP) est une race suisse très ancienne, issue de différentes races locales. Son origine remonte au mouton de Frutigen. On suppose que la couleur brune fut obtenue par croisement avec un mouton valaisan brun, le Roux de Bagnes. Avant l’uniformisation de la race en 1925, les moutons bruns de l’Oberland bernois étaient croisés avec des races ovines noires du Jura, du Saanenland et du pays de Fribourg, conduisant au Les nombres entre parenthèses indiquent la représentation de la race dans l'effectif total actif du herd-book ainsi que le nombre d'animaux actifs du herd-book au 1er mai 2010 et âgés de plus de 6 mois.

1


brun-noir des Alpes. Depuis 1925, on a renoncé aux croisements avec d’autres races (SBSVS 2010; SZV 2010). Le Nez Noir du Valais (NN) est documenté dès le 14e siècle. On suppose qu’il est issu du croisement de moutons de la vallée de Visp avec des moutons bergamasques de Lombardie. La désignation de race «nez noir» a été utilisée dès la fin du 19e siècle et fait peut-être référence au croisement avec des moutons Corswold d’Angleterre et d’Allemagne (Baars et al. 2006). Le mouton Blanc des Alpes (BA) descend de plusieurs types locaux du mouton blanc des régions alpines. L’amélioration durable des performances carnée et lainière des anciennes races locales a été assurée grâce au croisement tant avec des moutons Mérinos allemands qu’avec des moutons français Ile-de-France. La race Ilede-France continue à être utilisée pour les croisements d’amélioration (SZV 2010).

Animaux, matériel et méthodes L’analyse porte sur tous les animaux du herd-book nés de 1970 à 2008. Les animaux nés avant 1970 ou de sexe inconnu ont été exclus des analyses. Les paramètres génétiques comme le coefficient de consanguinité ou le degré de parenté dépendent considérablement du couvrement et de la longueur du pedigree (Sölkner et Baumung 2001). Dans le cas présent, le couvrement des quatre pedigrees chute pour les dates de naissances avant 1996, entre autres en raison de l’enregistrement non-électronique des données (fig. 2). Pour cette raison, l’évolution des paramètres n’est représentée qu’à partir de 1996. Les animaux nés entre 1970 et 1995 sont cependant pris en compte dans les calculs comme ascendants. L’analyse de la prolificité a été effectuée avec les logiciels SAS et Excel. Elle a tenu compte de tous les animaux dont la date de naissance et les deux parent étaient connus. Les agneaux multiples ont été identifiés par la date de naissance et les numéros d’identification des parents. Les pedigrees ont été analysés avec les logiciels CFC (Sargolzaei et al. 2006), PEDIG (Boichard 2002) et POPREPORT (Groeneveld et al. 2009). Pour permettre des analyses spécifiques par sexe et pour certaines périodes, les deux derniers logiciels analysent non seulement l’identité des animaux et de leur père et mère mais aussi leur date de naissance et leur sexe. Les animaux dont le sexe et/ou la date de naissance sont inconnus ne sont pas pris en compte. Comme le logiciel CFC ne tient pas compte de ces données, les tailles d’échantillon varient entre les calculs effectués en fonction du nombre d’animaux dont  la date de naissance est inconnue.

Résumé

Structure de population et diversité génétique des races ovines suisses | Production animale

L'année 2010 a été déclarée Année internationale de la biodiversité par les Nations Unies. Dans ce contexte, la Fédération suisse d'élevage ovin a mis à disposition les données du herdbook pour les quatre races ovines les plus importantes de Suisse en vue d'une analyse de la diversité génétique. L'analyse porte sur les races Oxford (OX; n=10 858), Brun Noir du pays (BNP; n=10 964), Nez Noir du Valais (NN; n=14 371) et Blanc des Alpes (BA; n=32 169). Elle a été effectuée avec des logiciels courants pour analyses de génétique des populations. Le coefficient de consanguinité moyen a généralement augmenté entre 1996 et 2008 chez les quatre races, malgré d'importantes fluctuations. Le plus grand accroissement de consanguinité a été observé chez la race NN (5,9 → 9,3 %), suivie des races OX (2,4 → 4,3 %), BNP (2,4 → 3,8 %) et BA (1,4 → 2,5 %). L'accroissement de consanguinité était associé à une baisse de la taille de population effective. La race BA possède le plus grand nombre effectif de fondateurs, d'ancêtres et de génomes fondateurs. Ces trois paramètres ont diminué au cours des années chez les quatre races, avec une baisse plus prononcée chez la race BA. La perte de diversité génétique entre 1996 et 2008 était également indiquée par la contribution marginale des gènes de l'ancêtre principal. Celle-ci a augmenté chez les quatre races (NN 11,05 → 19,79 %; OX 7,67 → 11,27 %; BNP 4,45 → 5,19 %; BA 2,84 → 4,69 %). D'après ces résultats, seule la race NN aurait besoin de pratiques d'élevage ciblées pour maintenir sa diversité génétique. Chez les trois autres races, l'évolution des indices de diversité génétique devrait être surveillée régulièrement.

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Production animale | Structure de population et diversité génétique des races ovines suisses

Encadré 1 | Paramètres génétiques étudiés Le couvrement du pedigree selon MacCluer et al. (1983) et Boichard et al. (1997). Le degré de parenté génétique additive (f) entre deux individus et leur changement annuel (Δf). Le degré de parenté correspond au double du coefficient de parenté, qui exprime la probabilité qu'un allèle à un locus quelconque d'un individu provient du même ancêtre qu'un allèle au même locus d'un autre individu. Le calcul a été effectué selon la méthode de Boichard (2002). Le coefficient de consanguinité (F), qui exprime la probabilité que deux allèles pris au hasard à un locus d'un individu proviennent du même ancêtre, ainsi que le taux d'accroissement de consanguinité (ΔF) par génération (Falconer et Mackay 1996). La taille de population effective (Ne). Ce paramètre représente le nombre d'individus dans une population idéale2 qui conduiraient au même accroissement de consanguinité ou à la même var iation des fréquences d'allèles que ceux observés dans une population réelle (Schüler et al. 2001). Elle a été calculée avec la formule Ne=1/(2xΔF), donc à partir du taux d'accroissement de consanguinité par génération (Falconer et Mackay 1996).

Le nombre effectif de fondateurs (fe) est défini comme le nombre de fondateurs qui pourraient produire la variabilité génétique observée si leurs contributions relatives à la population actuelle étaient égales. Le nombre effectif d'ancêtres (fa) correspond au nombre minimal d'ascendants (pas forcément des fondateurs) nécessaires pour expliquer la diversité génétique totale de la population actuelle. Contrairement à fe, le coefficient fa inclut l'effet de la perte d'allèles causée par des goulots3 d'étranglement . Le nombre effectif de génomes fondateurs (fge) décrit la probabilité que des gènes de la population fondatrice aient persisté jusqu'à la population actuelle, et l'égalité de leur distribution. Comme fge inclut les effets de l'emploi dans l'élevage, des tailles de famille, des goulots d'étranglement et de la dérive génétique aléatoire4. La valeur de fge est toujours inférieure à fe ou fa (Sölkner et Baumung 2001). Les contributions génétiques marginales des plus importants ancêtres au pool génétique entier (Boichard 2002; Boichard et al. 1997). Le terme «marginal» désigne la contribution unique, qui n'est pas expliquée par d'autres ancêtres (Sölkner et Baumung 2001).

Les nombres effectifs de fondateurs, d'ascendants et de génomes fondateurs (Boichard et al. 1997; Caballero et Toro 2000, Lacy 1989) sont décrits comme suit par Sölkner et Baumung (2001): 2 Une population idéale est définie comme une population infiniment grande, dont les individus s'accouplent entièrement au hasard, sans sélection, mutation ou migration, de sorte que les fréquences génotypiques et alléliques restent constantes d'une génération à l'autre (Schüler et al. 2001). 3 Lorsqu'une population est décimée, par exemple par une épidémie, puis reconstituée à partir d'un petit nombre d'individus, elle traverse un goulot d'étranglement (Schüler et al. 2001). 4 Variation aléatoire des fréquences génétiques (ou même perte de gènes) d'une génération à la suivante, sans patron évident (Schüler et al. 2001).

L’analyse a servi à décrire la démographie des populations et à étudier les paramètres génétiques définis dans la boîte.

portion d’animaux sans descendants et la plus grande proportion de mères. Chez les quatre races, il y avait nettement plus de pères inconnus que de mères inconnues.

Résultats et discussion

Evolution des naissances de 1996 à 2008 Le nombre de naissances a peu changé durant la période étudiée chez trois races, alors qu’il a considérablement baissé depuis 2001 chez la race BA (fig. 1). Entre 1996 et 2008, les animaux mâles NN étaient en moyenne légèrement plus jeunes à la reproduction (2,3 ans) que ceux des autres races (OX: 2,5; BNP: 2,6; BA: 2,7 ans). Parmi les femelles, les BA étaient les plus âgées

Les effectifs des quatre races enregistrés au herd-book ont varié entre 160 463 et 533 758 animaux (tabl. 1). Le pedigree de la race BA était plus volumineux que celui des trois autres races, avec une proportion plus forte de pères inconnus et une proportion plus faible d’animaux consanguins. Les animaux NN avaient la plus faible pro-

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Structure de population et diversité génétique des races ovines suisses | Production animale

Tableau 1 | Nombre d'animaux des quatre pedigrees (années de naissance 1970 – 2008) Catégorie

OX

BNP

NN

BA

Animaux

%

Animaux

%

Animaux

%

Animaux

%

168 469

100

160 463

100

157 185

100

533 758

100

Pères

7095

4,21

5524

3,44

7842

4,99

19 056

3,57

Mères

43 175

25,63

33 719

21,01

50 299

32

132 952

24,91

Animaux sans descendants

118 199

70,16

121 220

75,54

99 044

63,01

390 712

73,2

1737

1,03

1018

0,63

1980

1,26

8590

1,61

Père connu, mère inconnue

0

0

1

0,001

0

0

0

0

Père inconnu, mère connue

5744

3,41

7257

4,52

4819

3,07

64 441

12,07

Date de naissance inconnue

1578

0,94

735

0,46

1662

1,06

5 503

1,03

152 179

90,33

148 126

92,31

143 704

91,42

406 020

76,07

Effectif total

Animaux avec parents inconnus (fondateurs)

Animaux consanguins

à l’agnelage (3,5 ans). Les mères des trois autres races ont agnelé à un âge moyen de 3,1 (OX), 3,0 (BNP) et 3,1 (NN) ans. La taille de portée diffère également entre les quatre races (tabl. 2). Des mises bas de 6 agneaux ne se trouvent que chez la race BNP, et des mises bas de 5 agneaux chez les races BNP et BA. Les races OX et NN avaient au plus 4 agneaux par mise bas. La proportion de naissances multiples a augmenté entre 1996 et 2008 chez les quatre races (augmentation chez NN: 9,34 %; BA 8,87 %; BNP: 5,49 %; OX: 2,68).

des années 1990 (fig. 2). Le pedigree NN était moins complet et n’atteignait un couvrement supérieur à 90 % en première génération qu’à partir de 1976. En cinquième et sixième génération ascendante, la proportion d’animaux connus ne dépassait jamais 90 %. Le pedigree de la race BA était le moins complet, avec un couvrement maximal de 91,8% en première génération en 2007. Le moindre couvrement résulte du herd-book ouvert et du programme d’élevage de la race BA: les ascendants d’animaux introduits par croisement ne sont que partiellement enregistrés dans le herd-book BA.

Couvrement du pedigree Chez les races OX et BNP, le couvrement du pedigree selon MacCluer et al. (1983) n’était jamais inférieur à 93 % en première génération; et même en sixième génération ascendante, il atteignait encore 90 % dès le milieu

Consanguinité et parenté L’accroissement de consanguinité entre 1996 et 2008 était presque linéaire chez les races OX, BNP et BA, alors qu’il fluctuait beaucoup chez les moutons NN (fig. 3). Le coefficient de consanguinité moyen était le plus élevé chez la race NN avec 7,2 %, suivie des races OX (3,3 %), BNP (3,0 %) et BA (1,8 %). Ces résultats correspondent à ceux de Hagger (2002), qui ont étudié deux échantillons des races BA et BNP nés de 1996 à 1998 et qui ont obtenu des coefficients de consanguinité moyens de 1,61 % (BA) et 2,75 % (BNP). La proportion d’animaux consanguins nés entre 1996 et 2008 était de 96,7 % (NN), 94,7 % (OX), 94,5 % (BNP) et 82,1 % (BA).Le degré de parenté additive génétique moyen était de 2,6 % (OX), 1,7 % (BNP), 3,2 % (NN) et 0,8 % (BA). Même si les taux d’accroissement de consanguinité (ΔF) ont fluctué considérablement entre 1996 et 2008, une tendance à l’accroissement est apparente chez les quatre races (fig. 4). Il en résulte une taille de population effective Ne décroissante, puisque Ne et ΔF sont inverse- 

OX

40000

BNP

NN

BA

Agneaux nés

35000 30000 25000 20000 15000 10000 5000 20 00 20 01 20 02 20 03 20 04 20 05 20 06 20 07 20 08

98

99

19

97

19

19

19

96

0

Année Figure 1 | Evolution des naissances.

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143


100

100

80

80 60

OX

BNP

40 20

0

0 19 70 19 74 19 78 19 82 19 86 19 90 19 94 19 98 20 02 20 06

20

Année de naissance

60

90

86

82

06

20

19

78

0 19

0

74

20 70

20

02

BA

40

19

40

98

NN

19

60

20

80

94

80

19

100

19

100

19 70 19 74 19 78 19 82 19 86 19 90 19 94 19 98 20 02 20 06

Couvrement du pedigree [%]

Année de naissance

19

40

19

60

19 70 19 74 19 78 19 82 19 86 19 90 19 94 19 98 20 02 20 06

Couvrement du pedigree [%]

Production animale | Structure de population et diversité génétique des races ovines suisses

Année de naissance

Année de naissance 1re génération

3e génération

5e génération

2e génération

4e génération

6e génération

Figure 2 | Couvrement du pedigree des quatre races OX, BNP, NN et BA.

1996

1998

2000 2002 2004 Année de naissance

Figure 3 | Coefficient de consanguinité moyen.

144

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2006

2008

BNP (Ne)

NN (Ne)

BA (Ne)

OX (∆F)

BNP (∆F)

NN (∆F)

BA (∆F)

0,012 0,010 0,008 0,006 0,004 0,002 0,000 -0,002 -0,004 -0,006

98 19 99 20 00 20 01 20 02 20 03 20 04 20 05 20 06 20 07 20 08

900 800 700 600 500 400 300 200 100 0

OX (Ne)

Taux d‘accroissement de consanguinité [∆F]

BA

19

NN

96 97

BNP

19

OX

19

0,1 0,09 0,08 0,07 0,06 0,05 0,04 0,03 0,02 0,01 0

0,008 % et 63 (OX), 0,007 et 74 (BNP), 0,005 % et 145 (NN) et 0,005 % et 109 (BA). La taille de population effective permet de classifier les populations ovines dans les catégories de menace suivantes (OFAG 2002): < 25 sérieusement menacé, 25 – 39 menacé, 40 – 66 légèrement menacé, 67 – 200 potentiellement menacé, > 201 normal. Ces catégories indiquent le risque d’une perte d’information génétique à cause de changements de fréquences génétiques dus à des croisements, à la consanguinité, à la dérive génétique ou à la sélection. Il faut cependant noter que la définition des catégories de menace varie beaucoup entre sources et experts. Les plus grands nombres effectifs de fondateurs, d’ascendants et de génomes fondateurs ont été trouvés entre 1996 et 2008 chez le BA (fig. 5). Chez toutes les

Taille de population effective [Ne]

ø Coefficient de consanguinité

ment proportionnels (voir Animaux matériel et méthodes). Cependant, le ΔF de la race NN était très petit en 2000 et même négatif en 2001. En conséquence, Ne était très élevé en 2000 et non défini en 2001 (Ne ne peut être calculé que pour des valeurs positives de ΔF). Ces fluctuations des paramètres estimés ne correspondent certainement pas à la réalité; elles s’expliquent entre autres par la structure des ancêtres et le couvrement incomplet de l’échantillon. Ainsi, Flury et Rieder (2011) trouvaient également des grandes fluctuations chez la population des vaches d’Hérens suisses, qu’ils expliquaient par le pedigree incomplet. Les taux d’accroissement de consanguinité et les tailles de population effectives des quatre races (animaux nés entre 1996 et 2008) étaient en moyenne de

Année de naissance

Figure 4 | Taux d'accroissement de consanguinité et taille de population effective.


Structure de population et diversité génétique des races ovines suisses | Production animale

Tableau 2 | Distribution des tailles de portée entre 1996 et 2008 [%]

Race

Nombre d'agneaux par mise bas

Proportion de ­naissances multiples

1

2

3

4

5

6

OX

48,95

47,32

3,66

0,07

-

-

51,05

BNP

43,97

48,18

7,32

0,52

0,016

0,002

56,03

NN

66,53

33,15

0,32

0,004

-

-

33,47

BA

54,24

43,58

2,13

0,05

0,001

-

45,76

races, les trois paramètres ont montré une tendance à la baisse, qui était la plus prononcée chez la race BA. Si tous les fondateurs livraient le même nombre d’allèles à la descendance, le nombre fe correspondrait au nombre réel d’animaux fondateurs du tabl. 1 | Comme fe était nettement plus bas chez toutes les races, certains fondateurs doivent avoir produit moins de descendants. Leurs gènes se sont donc perdus. Les pertes génétiques dues aux goulots d’étranglement étaient les plus importantes chez les NN (grande différence entre fe et fa) et les pertes dues à la dérive génétique étaient les plus importantes chez les BA (grande différence entre fa et fge). Un autre paramètre ayant baissé entre 1996 et 2008 est le nombre d’ancêtres dont les contributions marginales expliquent 50 % de l’information génétique des agneaux d’une année (BFS 23→13, SBS 27→22, SN 22→

200200

Effektive Anzahl Gründer, Effektive Anzahl Gründer, und Gründergenome Ahnen und Gründergenome Nombre effectif de fondateurs, d'ascendantsAhnen et de génomes fondateurs

200200

160160

160160 120120

14, WAS 48→28). Comme pour les nombres effectifs de fondateurs, d'ascendants et de génomes fondateurs, la race BA avait le plus grand nombre d'ancêtres expliquant 50 % de l'information génétique. En contrepartie, ce paramètre a aussi baissé le plus fortement chez les BA entre 1996 et 2008. Un autre indicateur d'une baisse de diversité génétique entre 1996 et 2008 est la proportion marginale de gènes de l'ancêtre principal (fig. 6). Cette proportion a augmenté chez toutes les races, avec une grande hausse chez les NN (de 11,05 % en 1996 à 19,79 % en 2008) et des augmentations moindres chez les autres races: OX (7,67 à 11,27 %), BNP (4,45 à 5,19 %) et BA (2,84 à 4,69 %). Chez la race NN, le même animal mâle E a expliqué la plus grande proportion marginale de gènes de la population sur les 13 années étudiées. Chez les races OX et BA, 

BFSOX

SBSBNP

120120

80 80

80 80

40 40

40 40

0 0 19961996 19981998 20002000 20022002 20042004 20062006 20082008

0 0 19961996 19981998 20002000 20022002 20042004 20062006 20082008

Année de naissance Geburtsjahr

Année de naissance Geburtsjahr

200200

200200

160160 120120

160160 SN NN

BA WAS

120120

80 80

80 80

40 40

40 40

0 0 19961996 19981998 20002000 20022002 20042004 20062006 20082008

0 0 19961996 19981998 20002000 20022002 20042004 20062006 20082008

Année Geburtsjahr de naissance

Année de naissance Geburtsjahr fe fe

fa fa

fge fge

Figure 5 | Nombre effectif de fondateurs, d'ascendants et de génomes fondateurs.

Recherche Agronomique Suisse 3 (3): 140–147, 2012

145


Production animale | Structure de population et diversité génétique des races ovines suisses

25

Ancêtre avec la principale contribution marginale des gènes [%]

OX

BNP

NN

BA

20

15

10

5

0

E ♂

A ♂ C ♂

1996

F ♂

A ♂C

1997

F ♂

A ♂C

F ♂ ♂

1998

A ♂

C G ♂ ♂

1999

B ♂

C G ♂ ♂

2000

E ♂

E ♂

E ♂

E ♂

E ♂

E ♂

B ♂

B ♂

B ♂

B ♂

B ♂

B ♂

E ♂

E ♂

E ♂

E ♂

E ♂

E ♂

B ♂

B ♂

C G ♂ ♂

D G ♂ ♂

D G ♂ ♂

A G ♀ ♂

D G ♂ ♂

D G ♂ ♂

D G ♂ ♂

D G ♂ ♂

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Année de naissance

Figure 6 | Contribution marginale des gènes de l'ancêtre principal au pool génétique d'une année.

les animaux mâles A et B ou F et G ont livré les plus grandes proportions marginale de gènes. Chez les OX, trois animaux se partagent ce rôle: les mâles C et D et la femelle A. Ces résultats correspondent à ceux de Hagger (2002), qui avait trouvé des contributions marginales de gènes de l’ancêtre principal de 4,4 % et 2,9 % pour les races OX et BA en 1996.

Conclusions La diversité génétique a baissé chez les quatre races ovines au cours des années 1996 à 2008. Les raisons possibles sont une conduite plus rigoureuse du herd-book, un programme d’élevage plus intensif (épreuves de productivité) et la sélection. Une baisse de diversité génétique peut réduire la productivité et la fécondité. De plus, elle élimine des ressources génétique pour l’élevage futur et réduit le potentiel d’adaptation aux changements de milieu. Pour résoudre les conflits de buts entre de progrès d’élevage et le maintien de la diversité génétique, il faut optimiser la sélection de manière à obtenir le progrès d’élevage maximal avec un accroissement de consanguinité aussi faible que possible. Par exemple, dans le cas de chevaux des Franches-Montagnes, Hasler et al. (2011) ont identifié des étalons avec une bonne valeur d’élevage et un faible degré de parenté aux jumelles. On pourrait aussi optimiser la sélection de cette manière pour les quatre races ovines étudiées, d’autant plus que des valeurs d’élevage pour la performance

146

Recherche Agronomique Suisse 3 (3): 140–147, 2012

existent déjà. Cependant, nos résultats indiquent que de telles mesures ne se justifient encore que pour la race NN. Pour les autres races, il suffit pour le moment de surveiller les paramètres génétiques décrits ici. D’une manière générale, il est bon d’éviter l’accouplement d’animaux étroitement apparentés. Cette étude pourrait être approfondie en quantifiant pour chaque race l’influence de la consanguinité sur des critères de santé, de fécondité et de performance générale. n


Struttura della popolazione e diversità ­genetica delle razze ovine svizzere L’anno 2010 è stato dichiarato dalle Nazioni Unite anno della biodiversità. In questo contesto la Federazione svizzera d’allevamento ovino ha messo a disposizione, in vista dell’analisi sulla diversità genetica, i dati sulle quattro razze principali svizzere, contenuti nel registro delle mandrie. Sono state esaminate la pecora da carne dalla testa bruna (OX; n=10 858), la nera/bruna di montagna (BNP; n=10 964), la naso nero del Vallese (NN; n=14 371) e la bianca delle Alpi (BA; n=32 169). Le analisi si basano su tutti i registri delle mandrie degli anni dal 1996 al 2008 e dei loro antenati fino all’anno di nascita 1970. Questi dati sono stati valutati con un software standard per elaborare quesiti sulla genetica delle popolazioni. Il maggiore incremento nel coefficiente medio di consanguineità ha potuto essere osservato nel periodo esaminato nelle razze NN (5,9 → 9,3 %) seguito dalle razze OX (2,4 → 4,3 %), BNP (2,4 → 3,8 %) e BA (1,4 → 2,5 %). Sebbene i tassi di consanguineità nel periodo dal 1996 al 2008 ha mostrato alcuni forti oscillazioni, per tutte le quattro razze si è potuto osservare una sostanziale tendenza al rialzo. Questa è accompagnata da una tendenza al ribasso nella dimensione effettiva della popolazione. Il maggior numero di animali fondatori effettivi, antenati e genoma fondatore sono stati rilevati nella bianca delle Alpi. In tutte e quattro le razze si è riscontrato una tendenza al ribasso in questi tre parametri con una diminuzione nella razza BA molto più pronunciata rispetto alle altre razze. Un ulteriore indicatore di diminuzione della diversità genetica tra il 1996 ed il 2008 è rappresentato dal contributo marginale di geni del principale antenato. Esso è aumentato per tutte le quattro razze (NN 11,05 → 19,79 %; OX 7,67 → 11,27 %; BNP 4,45 → 5,19 %; BA 2,84 → 4,69 %). Sulla base di questi risultati, solo la popolazione NN richiede pratiche gestionali mirate per il mantenimento della diversità genetica. Nelle altre tre razze, i parametri di diversità genetica dovrebbero essere monitorati regolarmente.

Summary

Riassunto

Structure de population et diversité génétique des races ovines suisses | Production animale

Population structure and genetic diversity of Swiss sheep breeds The year 2010 was declared by the United Nations as the International year of biodiversity. During that year, the Swiss Sheep Breeding Association made herd book data of its four largest breeds available for genetic diversity analyses. Those were Brown Headed Meat Sheep (OX; n=10 858), Black Brown Mountain Sheep (BNP; n=10 964), Valais Black Nose Sheep (NN; n=14 371) and White Alpine Sheep (BA; n=32 169). The analyses included pedigree data from herd book animals born between 1996 and 2008. Ancestors were considered as far back as year of birth 1970. All data was analysed with common population genetic software tools. Within the studied time span the largest increase in mean inbreeding coefficient was found for the NN breed (5,9 → 9,3 %), followed by the OX breed (2,4 → 4,3 %), the BNP breed (2,4 → 3,8 %) and the BA breed (1,4 → 2,5 %). Although the rate of inbreeding within the mentioned period from 1996 to2008 fluctuated to some extent, all four breeds showed a general upward trend. This is accompanied by a general downward trend in effective population size. The White Alpine breed revealed the largest number of founder equivalents, effective ancestors and founder genome equivalents. Over the course of the years, all four breeds showed a downward trend for these three parameters, but the decline in the BA breed was found much more pronounced compared to the others. A further indicator of a declining genetic diversity is the marginal contribution of the most important ancestor. This parameter increased in all four breeds (NN 11,05 → 19,79 %; OX 7,67 → 11,27 %; BNP 4,45 → 5,19 %; BA 2,84 → 4,69 %) during the studied time span from 1996 to 2008. Our results suggest that, for the short term, targeted population management should be envisaged for the NN breed only. However, genetic diversity analyses on a regular basis are recommended for all breeds. Key words: swiss sheep breeds, genetic diversity, pedigree analysis, inbreeding.

Bibliographie La liste bibliographique est disponible chez l’auteur.

Recherche Agronomique Suisse 3 (3): 140–147, 2012

147


P r o d u c t i o n

v é g é t a l e

Effet à long terme des engrais organiques sur les propriétés du sol Alexandra Maltas1, Hansrudolf Oberholzer2, Raphaël Charles1, Vincent Bovet1 et Sokrat Sinaj1 Station de recherche Agroscope Changins-Wädenswil ACW, 1260 Nyon 2 Station de recherche Reckenholz-Tänikon ART, 8046 Zurich Renseignements: Sokrat Sinaj, e-mail: sokrat.sinaj@acw.admin.ch, tél. + 41 22 363 46 58

1

réalisée depuis 1976 à Changins (VD). Vullioud et al. (2006) ont étudié l’impact de ces engrais sur le stockage de la matière organique, les performances des cultures et les bilans des éléments fertilisants après 29 années d’essai. La présente étude complète ce travail en analysant plus particulièrement les effets de ces engrais sur (i) les propriétés organiques du sol après 34 années d’essai et apporte des éléments nouveaux sur (ii) les propriétés biologiques et chimiques du sol.

Matériel et méthodes

Epandage d'engrais azoté minéral. (Photo: ACW)

Introduction L’accès facilité aux engrais de synthèse et la spécialisation des exploitations agricoles conduit à une diminution spectaculaire de l’utilisation des engrais de ferme dans les exploitations sans bétail. Or, la suppression de ces apports organiques occasionne des diminutions importantes de la matière organique des sols (MO) lorsqu’aucune mesure de substitution n’est prise (Maltas et al. 2011; Vullioud et al. 2006). Les mesures habituellement proposées font appel à la restitution des pailles, à l’insertion d’engrais vert pendant l’interculture et à la réduction du travail du sol. Ces techniques sont connues pour leurs impacts positifs sur le stockage de la MO dans les sols agricoles (Lal 2009; Maltas et al. 2011) et l’évaluation de leur efficacité dans les conditions suisses doit être poursuivie sur le long terme. A cette fin, la comparaison de différents engrais organiques (engrais vert, pailles de céréales et engrais de ferme) et chimiques est

148

Recherche Agronomique Suisse 3 (3): 148–155, 2012

Descriptif de l’essai L’essai est situé à Changins (VD, 430 m, 970 mm de précipitations et 9,5 °C en moyenne annuelle) sur un sol brun lessivé d’une profondeur utile de 70 à 100 cm contenant 14 % d’argile et 39 % de silt. Il a débuté en 1976. Le sol présentait alors une teneur en MO de 2,0 % et un pH-H2O de 7,2. Les teneurs en phosphore (P) et potassium (K) extractibles à l’eau saturée en CO2 étaient respectivement de 4,35 et 23,24 mg kg-1. La teneur en magnésium (Mg) extractible au CaCl2 (Mg-CaCl2) était de 20,00 mg kg-1. Le dispositif expérimental est un split-plot comportant six procédés et quatre sous-procédés avec quatre répétitions. Les procédés varient par la nature des engrais organiques apportés et les sous-procédés par la dose d’azote minérale épandue (tabl. 1 et 2). Les 96 parcelles unitaires mesurent chacune 90 m². Les rotations font alterner cultures de printemps et d’automne et permettent ainsi l’insertion d’un engrais vert une année sur deux. D’une durée de 5 à 6 ans, elles comprennent 60 à 70 % de céréales et comportent du colza et du maïs. Les pailles de maïs et de colza sont broyées, puis enfouies dans le sol. Les pailles de céréales sont exportées, sauf dans le procédé «Pailles» où ces dernières sont restituées au sol. Les engrais de ferme (fumier et lisier) sont appliqués tous les 3 ans, sur maïs et colza, sauf entre 1976 et 1993 où le lisier est apporté chaque année. Le travail du sol est effectué à la charrue (20 – 25 cm) juste avant le semis.


Les apports en P et K, optimaux sur l’ensemble des traitements, sont basés sur les recommandations en vigueur, en tenant compte de la valeur fertilisante des restitutions de pailles et des arrière-effets du fumier et du lisier, toutefois sans procéder aux corrections pour la fertilité du sol (Ryser et al. 1987).

Résumé

Effet à long terme des engrais organiques sur les propriétés du sol | Production végétale

Mesures et analyses statistiques La biomasse aérienne des engrais verts est quantifiée en 1988, 1990, 1992 et 1996 (tabl. 3). La biomasse des pailles de céréales ainsi que ses teneurs en N, P, K, calcium (Ca) et magnésium (Mg) sont suivies en 1993, 1998, 2004, 2006, 2007 et 2009 (tabl. 3). Les teneurs totales en matière sèche (MS), N, P, K, Ca et Mg du fumier et du lisier sont déterminées tous les ans avant leur épandage (tabl. 3). Les propriétés biologiques du sol sont analysées en 1999 selon les méthodes des stations de recherche ART et ACW (2001). Les échantillons de sol sont prélevés à la sortie de l’hiver. Les sols incubés n’ont reçu aucun engrais de ferme et engrais vert. Seules les pailles de la culture précédente (avoine) ont été incorporées à l’automne dans le procédé «Pailles». La teneur en MO dans les vingt premiers centimètres de sol est suivie dans le sous-procédé C (fumure N proche de la dose optimale) en 1987, 1993, 1999 et 2007. Les prélèvements de sol sont toujours effectués après la récolte d’une céréale. En 2009, une caractérisation plus fine des propriétés organiques et chimiques du sol est effectuée (tabl. 4). L’horizon 0 – 20 cm est alors analysé  sur tous les procédés et sous-procédés.

Les conséquences de l’utilisation de différents engrais organiques (engrais-vert, pailles de céréales, 35 et 70 t ha-1 de fumier tous les 3 ans et 60 m3 ha-1 de lisier tous les 3 ans) et chimiques (quatre doses d’azote) sont testées à Changins depuis 1976. Cette étude analyse leurs effets à long terme sur les propriétés organiques, chimiques et biologiques du sol. Après 34 ans d’essai, lorsque les cultures reçoivent une fertilisation azotée optimale, la teneur en matière organique diminue de 0,50 g/100 g de terre pour le procédé «engrais minéraux», de 0,20 g/100 g pour «engraisvert» et «pailles» et de 0,18 g/100 g pour «fumier 35 t ha-1 tous les 3 ans» et «lisier 60 m3 ha-1 tous les 3 ans». Seul le procédé «fumier 70 t ha-1 tous les 3 ans» montre une augmentation de la teneur du sol de 0,15 g/100 g. Les engrais organiques n’affectent pas significativement les principales propriétés chimiques du sol, hormis les teneurs en éléments traces. Les procédés recevant du fumier et du lisier présentent des teneurs en cuivre, fer, zinc et manganèse extractibles à l’acétate ammonium EDTA plus importantes que le témoin «Engrais minéraux». Les engrais organiques ont également un effet significatif positif sur l’activité et la biomasse microbienne et semblent modifier la composition de cette dernière.

Tableau 1 | Description des procédés et des sous-procédés Engrais organiques Procédés Pailles

Engrais de ferme

Engrais vert

Emin

Céréales exportées

Non

Non

EV

Céréales exportées

Non

Moutarde tous les 2 ans avant ­culture de printemps

Aucune paille exportée

Non

Non

Fu35

Céréales exportées

35 t ha-1 Fumier† tous les 3 ans

Non

Fu70

Céréales exportées

70 t ha-1 Fumier† tous les 3 ans

Non

Céréales exportées

60 m3 ha-1 Lisier‡ tous les ans de1976 – 1993, puis tous les 3ans

Non

Pailles

Li60

† ‡

Sous-procédés

Fertilisation N

A

Témoin sans N

B

Sous-fertilisation

C

Proche de la dose ­optimale

D

Sur-fertilisation

: fumier au tas de vache laitière, épandu sur sol nu et enfoui par le labour. : lisier de vache laitière dilué, épandu sur sol couvert par la culture. L’eau de dilution est apportée par les eaux de lavage, ce qui équivaut à une dilution 1/1.

Recherche Agronomique Suisse 3 (3): 148–155, 2012

149


Production végétale | Effet à long terme des engrais organiques sur les propriétés du sol

Tableau 2 | Fertilisation azotée chimique† (kg/ha)

A

B

C

D

A

B

C

D

A

B

C

D

A

blé

toutes cultures

B, C, B, C, A A D D

B

C

D

Norme+40

D

2006 – 2010

Norme††

105

C

colza

0

70

B

blé, maïs, colza

150

35

A

2003 – 2004

70

D

105

C

orge, avoine

70

B

maïs, colza

35

A

0

blé

0

orge, avoine

Procédés

1994 – 2002 et 2005

110

1976 – 1993

Norme-40

200 150

0

150 100

30

100 50

0

0 0

40

150 110

0

110 70

Fu70

70

Fu35

30

Pailles

0

EV

0

Emin

Li60 †

: Nitrate d'ammonium épandu sur culture en deux ou trois apports. : Selon la méthode des normes corrigées (Ryser et al. 1987).

††

Quatre modèles de bilan humique sont testés. Les modèles suisses, SALCA (Neyroud et al. 1997; Oberholzer et al. 2006) et VDLUFA (Vdlufa 2004), le modèle allemand HUMOD (Brock et al. 2009) et le modèle français SIMEOS-AMG développé par Agro-Transfert Ressources et Territoires et l’INRA de Laon (Saffih-Hdadi et al. 2008). Les stocks de carbone (C) sur 0 – 25 cm en 2009 sont simulés à l’aide des quatre modèles et comparés avec les stocks observés. Compte tenu de la profondeur de labour, la teneur en C mesurée sur 0 – 20 cm est considérée égale à celle sur 0 – 25 cm. Les analyses statistiques sont réalisées en utilisant le logiciel XLSTAT 2010, Copyright Addinsoft 1995 – 2009, et le test de Fisher est appliqué pour comparer les moyennes des procédés et sous-procédés.

Résultats et discussion Evolution de la teneur en MO et bilans humiques Les prélèvements de sol pour l’analyse de la teneur en MO ont toujours été réalisés à la même période. Malgré cette précaution, la variabilité interannuelle sur cette mesure est grande (fig. 1). Il est donc recommandé de suivre la teneur en MO sur plusieurs dates avant de conclure à une évolution à long terme de la MO dans le sol. Lorsque les cultures reçoivent une fertilisation N optimale (sous-procédé C), la teneur en MO de tous les procédés, à l’exception de Fu70, diminue par rapport à la teneur observée en 1975 (fig. 1). Dans le procédé Li60, la teneur en MO commence à diminuer après 1993. C’est aussi à partir de ce moment que le lisier n’est plus

Tableau 3 | Matière sèche et macroéléments apportés lors de l’incorporation des différents apports organiques: engrais verts, pailles de céréales, fumier et lisier. Les valeurs représentent les moyennes des valeurs disponibles sur la période 1975 – 2009. Les valeurs entre parenthèses représentent les écart-types des moyennes annuelles

Apports organiques

Matière sèche

N total

N-NH4

P total

Engrais vert

27 (6)

Pailles de blé

Pailles d’avoine

-

44 (3)

2

Ca total

Mg total

-

-

-

45 (9)

11 (2)

kg ha-1

dt ha-1 1

K total

14 (4)

-

3 (1)

2 (0,4)

36 (6)

13 (4)

4 (2)

113 (33)

12 (1)

2 (1)

Fumier- 35 t de matière fraîche ha-1

71 (12)

192 (47)

20 (15)

52 (19)

227 (133)

169 (43)

34 (7)

Fumier- 70 t de matière fraîche ha-1

142 (24)

384 (94)

40 (30)

105 (39)

454 (39)

337 (86)

67 (13)

20 (10)

101 (28)

54 (22)

19 (9)

171 (58)

52 (22)

12 (5)

2

Lisier3 - 60m ha 3

-1

-

-

: biomasse aérienne totale récoltée dans le sous-procédé C du procédé EV. : échantillons récoltés dans le sous-procédé C du procédé «Pailles». : lisier dilué avec les eaux de lavage (dilution 1/1). Analyses effectuées selon les méthodes de référence des stations de recherche Agroscope (Stations de recherche ART& ACW 2011).

1 2 3

150

Recherche Agronomique Suisse 3 (3): 148–155, 2012


Effet à long terme des engrais organiques sur les propriétés du sol | Production végétale

Tableau 4 | Effet des procédés et des sous-procédés sur la fertilité du sol en 2009 A Emin

Analyses†

EV

Pailles

Fu35

Fu70

Li60

Moyenne

B

C

D

Moyenne

Moyenne

Moyenne

Propriétés chimiques MO (g/100g)

1,35

c

1,70

ab

1,65

bc

1,73

ab

2,00

a 1,75

ab

1,70

B

1,78

AB

1,82

A

1,83

A

N total (g/100g)

0,115

b

0,135

ab

0,125

ab

0,128

ab

0,143

a 0,135 ab

0,130

A

0,135

A

0,138

A

0,138

A

Rapport C/N

6,85

c

7,30

bc

7,61

abc

7,85

ab

8,14

a 7,51 abc

7,54

A

7,66

A

7,70

A

7,68

A

CEC (meq)

8,75

a

9,88

a

9,55

a

9,78

a

9,83

a 9,53

a

9,55

A

9,78

A

9,53

A

9,68

A

pH-H2O

7,05

a

7,10

a

7,25

a

7,05

a

7,23

a 7,10

a

7,13

A

7,06

A

7,05

A

7,03

A

764,8

a

817,0

a

760,1

a

740,7

a

765,7

a 745,4

a

765,6

A

747,6

A

737,6

A 732,2

A

P organique

249,3

a

255,5

a

257,6

a

239,6

a

270,7

a 266,4

a

256,5 A

265,1

A

268,0

A 264,3

A

P-AAE

98,15

a

103,93

a

115,35

a

92,73

a

104,48 a 97,20

a

101,97 A

91,27

AB

81,69

B

81,50

B

Phosphore du sol (mg kg-1) P total† †

Cations du sol (mg kg ) -1

K-AAE

150,4

a

162,5

a

141,2

a

145,2

a

159,9

a 159,3

a

153,1

A

137,1

B

135,2

B

131,1

B

Mg-AAE

79,28

a

86,83

a

76,78

a

86,05

a

108,08 a 85,15

a

87,03

A

81,68

A

84,17

A 84,99

A

Ca-AAE

3202

a

4756

a

2265

a

3402

a

5810

a 2124

a

3593

A

2641

A

3099

A

3390

A

6,7

a 7,0

a

6,5

A

6,9

A

6,8

A

6,5

A

a

324,9

A

314,5

AB

269,3

B A

Métaux traces (mg kg ) -1

Cu -AAE2

6,1

a

6,4

a

6,4

a

6,5

a

Fe -AAE

286,5

b

298,0

ab

327,0

ab

315,5

ab

1,7

c

1,8

c

2,0

c

2,3

bc

3,2

a 2,7

ab

2,3

A

2,2

A

2,3

296,0

a

318,3

a

310,3

a

305,0

a

325,3

a 329,8

a

314,1

A

313,5

A

304,9

2

Zn -AAE

2

Mn-AAE

2

347,8 ab 374,5

301,9 AB 2,3

A 308,6

A A

† : les analyses P total et organique sont réalisées selon la méthode de Saunders et Williams (1955); toutes les autres analyses sont effectuées selon les méthodes de référence des stations de recherche Agroscope (Stations de recherche ART et ACW 2011). Les lettres majuscules différentes au sein d’une même ligne indiquent des moyennes significativement différentes entre sous-procédés au seuil de 5 % selon le test de Fisher. Les lettres minuscules différentes au sein d’une même ligne indiquent des moyennes significativement différentes entre procédés au seuil de 5 % selon le test de Fisher.

3,0

MO (g/100g)

2,5

2,0

1,5

1,0 1975

1980

1985

EMIN

EV

1990 Pailles

1995 Fu35

2000

2005

Fu70

2010 Li60

Figure 1 | Effet des procédés sur l’évolution de la teneur en MO sur les 20 premiers centimètres (sous-procédé C). Les barres verticales représentent l’écart-type.

Recherche Agronomique Suisse 3 (3): 148–155, 2012

151


∆ stock-C simulé [t C ha-1 an-1]

∆ stock-C simulé [t C ha-1 an-1]

Production végétale | Effet à long terme des engrais organiques sur les propriétés du sol

1 a)

1 b)

0,5

y = 3,32x + 0,61 R² = 0,79

0

-0,2 -0,1 0 ∆ stock-C observé [t C ha-1 an-1]

0,1

y = 2,95x + 0,52 R² = 0,79

1 c) 0,5

ligne 1:1

-1 -0,3 1

-0,2 -0,1 0 ∆ stock-C observé [t C ha-1 an-1]

ligne 1:1 -0,5 -0,2 -0,1 0 ∆ stock-C observé [t C ha-1 an-1] EMIN

EV

0,1 Pailles

0,1

d) y = 0,98x + 0,12 R² = 0,82

0,5 0

0

-1 -0,3

0 -0.5

-0,5 -1 -0,3

y = 1,95x + 0,21 R² = 0,89

0.5

ligne 1:1

-0,5 -1 -0,3 Fu35

-0,2 -0,1 0 ∆ stock-C observé [t C ha-1 an-1] Fu70

0,1

Li60

Figure 2 | Variations annuelles moyennes du stock de C sur 0 – 25 cm entre 1975 et 2009 observées (axe x) et s­ imulées (axe y) par le modèle a) SALCA, b) VDLUFA, c) HUMOD et d) SIMEOS-AMG. Les quatre points pour un même procédé correspondent aux sous-procédés de fertilisation azotée.

épandu tous les ans mais tous les 3 ans. Les baisses de MO observées entre 1975 et 2009 dans les procédés EV, «Pailles» et Fu35 atteignent respectivement -0,20, -0,20 et -0,18 g/100 g de terre (fig. 1). L’insertion de moutarde tous les 2 ans (procédé EV) et la restitution des pailles de céréales (procédé «Pailles») présentent donc le même effet sur l’évolution de la teneur en MO dans le sol que 35 t ha-1 de fumier apporté tous les 3 ans (procédé Fu35). Dans cet essai, ces trois types d’engrais organiques ne suffisent pas à conserver la MO dans le sol. Le fort déstockage de MO observé provient vraisemblablement de pertes importantes de MO par minéralisation et/ou érosion dans ces systèmes avec labour. Sur un essai voisin, Maltas et al. (2011) ont également montré que lorsque les pailles de céréales sont exportées, l’apport de 12 t ha-1 an-1 de fumier ne permettait pas d’entretenir le stock de MO dans un sol labouré. Par contre, ces auteurs ont observé que la même dose apportée dans un sol travaillé de manière superficielle permettait un stockage de MO dans le sol. Les variations de stocks de C (Δ stock-C) simulées par SALCA, VDLUFA, HUMOD et SIMEOS-AMG sont bien corrélées aux données observées (r2 respectivement de 0,79, 0,89, 0,79 et 0,82, fig. 2). Les quatre modèles de bilan humique permettent donc une bonne comparaison de nos procédés entre eux. SIMEOS-AMG est le modèle qui simule le mieux l’effet absolu des engrais organiques (droite de régression proche de la ligne en trait tillé 1:1, fig. 2d). Les engrais de ferme utilisés dans

152

Recherche Agronomique Suisse 3 (3): 148–155, 2012

cet essai (notamment le fumier) sont plus pauvres en C que ceux paramétrés dans les quatre modèles. SALCA, VDLUFA et HUMOD surestiment ainsi l’effet des engrais de ferme. Afin de contourner ce problème, la dose d’engrais de ferme renseignée dans SIMEOS-AMG a été ajustée de manière à obtenir la quantité de C réellement apportée par les engrais de ferme de cet essai. L’enrichissement du sol en C dû aux engrais organiques est alors bien simulé (fig. 2d). SIMEOS-AMG surestime aussi légèrement les variations de stocks de C, mais l’erreur est comparable pour les six procédés (droite de régression parallèle à la ligne 1:1). L’erreur du modèle provient vraisemblablement d’une sous-estimation de la minéralisation de la MO du sol ou d’une surestimation des apports de C par les racines des cultures. En 2009, l’effet de la fertilisation N (effet des sous-procédés) sur le stock de C, bien que faible, est positif (tabl. 4). VDLUFA (excepté dans le procédé Fu70) et SIMEOS-AMG sont les modèles qui retranscrivent le mieux cet effet (fig. 2). SALCA ne simule aucun effet de la fertilisation N alors que HUMOD le surestime (Holenstein 2009). Propriétés organiques et chimiques du sol Les résultats du tableau 4 mettent en évidence les effets des engrais organiques et des doses d’azote sur les propriétés organiques et chimiques du sol observées en 2009, soit 34 ans après le début de l’essai. Aucune interaction significative n’a été observée entre procédés et sous-procédés, hormis sur le rapport C/N.


Effet à long terme des engrais organiques sur les propriétés du sol | Production végétale

Tableau 5 | Effet des procédés et des sous-procédés sur les propriétés biologiques du sol en 1999 Moyenne Analyses

Emin

EV

Pailles

Fu35

Fu70

Li60

A

B

C

D

Moyenne

Moyenne

Moyenne

Moyenne

Biomasse microbienne bcd 353

abc

368

ab

379

a

341

A

349

A

342

A

363

A

cd 54,8

bc

57,1

ab

59,7

ab 62,3

a

53,4

A

55,0

A

54,9

A

58,2

A

a

a

6,2

a

6,2

a

6,1

a

6,4

A

6,4

A

6,3

A

6,3

A

0,27

cd 0,30 bcd 0,33

bc

0,35

b

0,43

a

0,31

A

0,32

A

0,35

A

0,32

A

c

0,54

c

0,59

bc

0,60

bc

0,61

b

0,68

a

0,57

A

0,60

A

0,62

A

0,60

A

b

0,83

b

0,87

b

0,95

ab

0,96

ab

1,14

a

0,91

A

0,92

A

1,02

A

0,88

A

C microbien (ppm)

316

d

331

cd

N microbien (ppm)

47,6

d

50,8

Rapport C/N

6,6

a

6,5

C minéralisé (mg C-CO2 kg terre -1 h-1)

0,26

d

N minéralisé (mg N-NO3 kg terre -1 d-1)

0,55

qCO2 (mg C-CO2 g-1 C-mic h-1) 0,85

346

6,3

Activité microbienne

Les lettres majuscules différentes au sein d’une même ligne indiquent des moyennes significativement différentes entre sous-procédés au seuil de 5 % selon le test de Fisher. Pour un procédé donné, les répétitions correspondent aux valeurs de ce procédé dans les 4 sous-procédés. Les lettres minuscules différentes au sein d’une même ligne indiquent des moyennes significativement différentes entre procédés au seuil de 5 % selon le test de Fisher. Pour un sous-procédé donné, les répétitions correspondent aux valeurs de ce sous-procédé dans les 6 procédés.

Effet des engrais organiques Les teneurs en MO mesurées en 2009 dans le sous-procédé A (sans azote minéral) différent significativement d’un procédé à l’autre. Comme précédemment observé dans le sous-procédé C (fig. 1), la teneur en MO est plus élevée dans les procédés recevant des engrais organiques que dans le témoin Emin. L’effet des engrais organiques sur la teneur en N total est similaire à celui observé sur la teneur en MO. La composition de la MO du sol semble également affectée par les engrais organiques. En effet, le rapport C/N des procédés recevant des engrais organiques est supérieur à celui du témoin Emin (tabl. 4). Yang et al. (2007) ont observé un résultat comparable. Une élévation du rapport C/N de la MO du sol révèle une plus grande proportion de MO fraîche partiellement décomposée. Bien que, la capacité d’échange cationique (CEC) soit positivement corrélée avec la teneur en MO (R=0,61), les procédés, appliqués durant 34 ans, n’influencent pas significativement la CEC (P>0,05; tabl. 4). Les teneurs en MO ne sont probablement pas encore suffisamment contrastées pour cela. Le pH-H2O n’est également pas significativement affecté par les procédés. La nitrification de l’azote ammoniacale (N-NH4), présent en quantité importante dans les engrais de ferme (tabl. 3), libère des protons, mais les bases échangeables (K, Ca, Mg) apportées par les engrais de ferme (tabl. 3) ont probablement neutralisé cette acidité. L’absence d’acidification du sol en présence d’engrais de ferme a été également rapportée par Maltas et al. (2011).

Par ailleurs, bien que les engrais organiques de cet essai (EV, Pailles, Fu35, Fu70 et Li60) enrichissent le sol en MO par rapport au témoin, les teneurs en P organique mesurées en 2009 ne différent pas significativement entre procédés (tabl. 4). En effet, le P contenu dans les résidus de culture et les engrais ferme est rapidement minéralisé et peut être comptabilisé comme du P inorganique (Fardeau 2000). La valeur fertilisante en P et en K des engrais organiques a été prise en compte dans le calcul de la fertilisation. Il est donc cohérent d’observer des teneurs en P et K extractibles à l'acétate ammonium EDTA (AAE) comparables dans les six procédés en 2009 (P>0,05; tabl. 4). Ce n’est par contre pas le cas de la fertilisation magnésienne. Les apports chimiques de Mg sont identiques sur tous les procédés (35 kg ha-1 en 1997 et 2008) malgré des apports de Mg par le fumier et le lisier non négligeables (35, 70 et 12 kg ha-1 en moyenne par apport respectivement dans Fu35, Fu70 et Li60; tabl. 3). Ces apports supplémentaires de Mg par les engrais de ferme tendent à expliquer la plus haute teneur en Mg-AAE observée dans le procédé Fu70, bien que l’écart soit non significatif (tabl. 4). Les engrais de ferme apportent généralement des éléments traces en raison de l’ajout de ces derniers dans l’alimentation du bétail comme pro-biotiques (Li et al. 2010). Li et al. (2010) relèvent ainsi que l’application de fumier accroît significativement les quantités dans le sol d’éléments traces extractibles au DTPA (acide diéthylènetriaminepentaacétique). Dans cet essai, les quantités 

Recherche Agronomique Suisse 3 (3): 148–155, 2012

153


Production végétale | Effet à long terme des engrais organiques sur les propriétés du sol

d'éléments traces contenus dans les engrais de ferme n'ont pas été mesurées mais sont supposées non négligeables puisque des résultats similaires à ceux de Li et al. (2010) sont observés: fumier et lisier enrichissent significativement le sol en zinc (Zn) et fer (Fe) extractibles à l’AAE et tendent à enrichir le sol en cuivre (Cu) et manganèse (Mn; tabl. 4). Les éléments traces, en tant que micronutriments à faible concentration, sont favorables à la croissance des plantes. A forte concentration, ils peuvent devenir toxiques pour ces dernières et pour la vie du sol (Marschner 1995). Sur la durée de cette étude, ces éléments traces ne semblent pas avoir porté préjudice aux cultures (résultats non présentés) ni à la biomasse microbienne (tabl. 5). Les effets des engrais de ferme à plus long terme restent toutefois à évaluer. Effet de la dose d’azote En 2009, la teneur en MO du sol augmente significativement avec la fertilisation N (tabl. 4). Cette augmentation peut être mise en relation avec l’augmentation de la biomasse des résidus de culture apportés au sol. Cependant, cet effet reste faible et seuls les sous-procédés les plus contrastés (A et D; tabl. 4) diffèrent significativement entre eux. Khan et al. (2007) impute ce faible effet de la fertilisation N sur le stockage du C à une plus forte vitesse de minéralisation de la MO du sol et des résidus de culture lorsque la fertilisation N augmente. L’effet des sous-procédés sur la teneur en MO étant faible, le N total, le rapport C/N et la CEC ne diffèrent pas significativement. Le pH-H2O n’est également pas significativement affecté par les sous-procédés, il tend cependant à décroître avec la dose d’engrais azoté. En effet, la nitrification du N-NH4 des engrais ammoniacaux acidifient généralement le sol (Pernes-Debuysera et Tessier 2004). La fertilisation N diminue également significativement les teneurs en P, K et Fe extractibles à l’AAE et tend à diminuer les autres éléments extractibles à l’AAE (Mg, Ca, Cu, Zn et Mn). La fertilisation N, de par son effet positif sur le rendement des cultures, augmente l’exportation par les récoltes des éléments nutritifs (résultats non présentés) lorsque la fertilisation minérale en ces éléments n’est pas ajustée en fonction du rendement. Dans cet essai, la fertilisation minérale P et K est ajustée au niveau des procédés, mais reste identique pour les quatre sous-procédés. Propriétés biologiques du sol Les biomasses et les activités microbiennes mesurées en 1999 sont plus importantes dans les procédés recevant régulièrement des engrais organiques (EV, Pailles, Fu35 et Fu70; tabl. 5). Les micro-organismes trouvent vraisemblablement des conditions plus favorables à leur crois-

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Recherche Agronomique Suisse 3 (3): 148–155, 2012

sance dans ces sols plus riches en MO (fig. 1). Les engrais de ferme sont les engrais organiques les plus favorables aux micro-organismes (tabl. 5). Le lisier stimule davantage l’activité microbienne que le fumier, par contre la dose d’engrais de ferme (comparaison Fu35 et Fu70) semble avoir peu d’effet. Le rapport C/N microbien tend également à augmenter lorsque des engrais organiques sont régulièrement amenés (tabl. 5). Yang et al. 2007 ont observé un résultat similaire. Un changement du rapport C/N microbien indiquerait une modification de la nature de la flore microbienne (Fließbach et al. 2007). Cette modification peut expliquer les quotients respiratoires (qCO2) plus élevés observés dans les procédés avec engrais organiques. Les micro-organismes dans ces procédés décomposeraient le C du sol plus rapidement. Des qCO2 plus importants peuvent également traduire la présence de MO plus facilement dégradable. En effet, nous avons précédemment évoqué que la MO des sols recevant des engrais organiques semblaient contenir une plus grande proportion de MO fraîche partiellement décomposée (tabl. 4). La dose d’engrais azoté n’a par contre aucun effet significatif sur la biomasse et l’activité microbienne (tabl. 5).

Conclusions ••L’insertion d’engrais vert une année sur deux, la restitution systématique des pailles de céréales et l’apport tous les 3 ans de 35 t ha-1 de fumier ont le même effet sur le stockage de la MO dans le sol. Prises individuellement, ces pratiques ne permettent pas de maintenir la teneur en MO dans les sols labourés de cet essai. Elles doivent donc être combinées entre elles et/ ou associées au non labour. ••SIMEOS-AMG est le modèle de bilan humique qui simule le mieux l’effet quantitatif des engrais organiques et de la fertilisation azotée sur l’évolution du stock de C. Il devra être ajusté aux conditions locales avant d’être utilisé comme outil d’aide à la décision par des vulgarisateurs. ••Après 34 années d’essai, les engrais organiques (engrais vert, pailles de céréales, fumier ou lisier) augmentent la teneur en MO du sol par rapport au témoin ne recevant que des engrais minéraux. Ils ont par contre peu d’effet sur les propriétés chimiques du sol. La CEC, le pH et les teneurs en macroéléments extractibles à l’AAE ne sont pas affectés. Seule la teneur en éléments traces extractibles à l’AAE augmente avec l’application régulière de fumier ou de lisier. Sur la durée de cette étude, ces éléments traces ne semblent pas avoir porté préjudice aux cultures ni à la biomasse microbienne. Leurs effets à plus long terme restent à évaluer.


Effet à long terme des engrais organiques sur les propriétés du sol | Production végétale

Effetto a lungo termine dei fertilizzati organici sulle proprietà del suolo Dal 1976 a Changins sono testate le conseguenze dell’uso di diversi fertilizzanti organici (sovescio, paglia di cereali, 35 e 70 t ha-1 ogni 3 anni e 60 m3 ha-1 di liquame ogni tre anni) e chimici (quattro dosi di azoto). Questo studio analizza i loro effetti a lungo termine sulle proprietà organiche, chimiche e biologiche del suolo. Dopo 34 anni di prove, quando alle colture è apportata una fertilizzazione azotata ottimale, il tenore in materia organica diminuisce di 0,50 g/100 g di terra per il procedimento «fertilizzanti minerali», di 0,20 g/100 g per «sovescio» e «paglia» e di 0,18 g/100 g per «letame 35 t ha-1 ogni 3 anni» e «liquame 60 m3 ha-1 ogni 3 anni». Unicamente il procedimento letame 70 t ha-1 ogni 3 anni mostra un aumento del tenore del suolo di 0,15 g/100 g. I fertilizzanti organici non influenzano significativamente le principali proprietà chimiche del suolo, fatta eccezione per i tenori di elementi presenti in tracce. I procedimenti che ricevono letame e liquami presentano dei tenori in rame, ferro, zinco e manganese estraibili attraverso ammonio acetato EDTA più importanti rispetto al testimone «concimi minerali». Anche i concimi organici ottengono un effetto significativamente positivo sull’attività e la biomassa microbica e sembrano modificare la composizione di quest’ultima.

plus importante que les sols ne recevant que des engrais minéraux. La composition de cette biomasse n semble également affectée par ces apports.

Summary

Riassunto

••La fertilisation N améliore la teneur en MO du sol mais son effet est faible. Par ailleurs, elle tend à acidifier le sol et à l’appauvrir en P, K et Mg extractibles à l’AAE. ••Les sols recevant régulièrement des engrais organiques présentent une biomasse et une activité microbienne

Long-term effect of organic fertilizers on soil properties Consequences of the use of different organic fertilizers (green manure, cereal straw, manure at 35 and 70 t ha-1 every 3 years and cattle slurry at 60 m3 ha-1 every 3 years) and mineral fertilizer (four doses nitrogen) are tested in Changins since 1976. This study analyses their long-term effect on organic, chemical and biological soil properties. After 34 years of trial, when crops receive optimal nitrogen fertilizer, the soil organic matter (SOM) content decreases 0,50 g/100 g of soil for the treatment «mineral fertilizer», 0,20 g/100 g for the treatments «greenmanure» and «straws» and 0,18 g/100 g for the treatments «manure 35 t ha-1 every 3 years» and «slurry 60 m3 ha-1 every 3 years». Only the treatment «manure 70 t ha-1 every 3 years» shows an increase in the SOM content of 0,15 g/100 g. Organic fertilizers do not significantly affect the main soil chemical properties, except for trace element contents. The treatments receiving manure and cattle slurry present higher amounts of copper, iron, zinc and manganese extractable in ammonium acetate EDTA than the control «mineral fertilizer». Organic fertilizers have also a positive significant effect on the activity and microbial biomass and seems to change the composition of this last. Key words: organic fertilizers, mineral fertilizer, soil organic matter, soil properties, long-term field experiment.

Bibliographie La liste bibliographique est disponible chez l’auteur.

Recherche Agronomique Suisse 3 (3): 148–155, 2012

155


P r o d u c t i o n

v é g é t a l e

Effet à long terme des engrais organiques sur le rendement et la fertilisation azotée des cultures Alexandra Maltas, Raphaël Charles, Vincent Bovet et Sokrat Sinaj Station de recherche Agroscope Changins-Wädenswil ACW, 1260 Nyon Renseignements: Sokrat Sinaj, e-mail: sokrat.sinaj@acw.admin.ch, tél. + 41 22 363 46 58

C

D

A

B

D

A

B

C

Effet de la fertilisation azotée sur la croissance du maïs (sous-procédé A: non-fertilisé en N; sous-procédé B: sous-fertilisé en N; sous-procédé C: norme N et sous-procédé D: sur-fertilisé en N). En 2011, l’absence de fertilisation azotée (sous-procédé A) marque plus fortement le maïs dans le procédé avec engrais-vert (photographie de gauche) que dans le procédé avec lisier (photographie de droite). Ceci semble indiquer une plus forte carence en N dans le procédé avec engrais vert.

156

Introduction

Matériel et méthodes

Quatre techniques de conservation de la fertilité des sols sont testées depuis 1976 à Changins: la restitution systématique des pailles de céréales, l’insertion d’engrais verts durant l’interculture et l’apport régulier d’engrais de ferme, fumier ou lisier. Ces quatre techniques reposent sur l’apport régulier «d’engrais organiques». En effet, les pailles de céréales, les engrais verts et les engrais de ferme apportent des éléments nutritifs sous forme organique, assimilable après minéralisation, mais aussi sous forme minérale, directement assimilable par les cultures. Ils présentent en ce sens un rôle amendant et fertilisant. Maltas et al. (2011) ont analysé les effets de ces engrais sur les propriétés organiques, chimiques et biologiques du sol. La présente étude complète ce travail, en évaluant leurs effets sur le rendement des cultures et le stock d’azote (N) minéral dans le sol et en quantifiant la valeur fertilisante en N de ces engrais.

Descriptif de l’essai L’essai, présenté en détail dans Maltas et al. (2012), a débuté en 1976 à Changins (VD, 430 m). Le dispositif expérimental est un split-plot avec quatre répétitions. Six procédés permettent de tester la nature et la dose des engrais organiques: Emin (témoin recevant uniquement des apports minéraux), EV (insertion d’engrais vert de moutarde tous les deux ans), Pailles (restitutions des pailles de céréales), Fu35 (35 t ha-1 de fumier de bovins tous les 3 ans), Fu70 (70 t ha-1 de fumier de bovins tous les 3 ans) et Li60 (60 m3 ha-1 de lisier de bovins dilué tous les ans de 1975 – 1993 et tous les trois ans après 1993). Les sous-procédés, A, B, C et D reçoivent des doses croissantes d’azote minéral (Maltas et al. 2012). Le sous-procédé A ne reçoit pas de N minéral alors que le sous-procédé D est sur-fertilisé en N (105 – 200 kg N ha-1 selon les cultures).

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En 2003 et 2004, les modalités du procédé Emin (aucun engrais organique apporté) sont appliquées sur les six procédés, afin d’étudier l’arrière-effet des procédés et des sous-procédés. Le sous-procédé A ne reçoit toujours pas d’azote et les sous-procédés B, C et D reçoivent tous trois la même dose d’azote (30 kg N ha-1 en 2003 et 40 kg N ha-1 en 2004). En 2003, la culture est un colza et en 2004 un blé d’automne. Les rotations font alterner cultures de printemps et cultures d’automne et permettent ainsi l’insertion d’un engrais vert une année sur deux. D’une durée de 5 à 6 ans, elles comprennent 60 à 70 % de céréales, du colza et du maïs. Les pailles de maïs et de colza sont broyées puis enfouies dans le sol sur l’ensemble des traitements. Les pailles de céréales sont exportées après la récolte sauf dans le procédé «Pailles» où ces dernières sont restituées au sol. La fumure phospho-potassique (sous forme de superphosphate et de sel de potasse) est optimale sur l’ensemble des procédés selon les données de bases pour la fumure des grandes cultures (Ryser et al. 1987). Elle tient compte de la valeur fertilisante des restitutions de pailles et des arrières-effets du fumier et du lisier (Ryser et al. 1987). Mesures et analyses statistiques Les rendements en grains sont mesurés tous les ans à la récolte sur l’ensemble des traitements. Les rendements obtenus en absence de limitation en N sont qualifiés de rendements potentiels. Pour une année et un procédé donné, ils correspondent à la moyenne des rendements des sous-procédés qui ne différent pas significativement du sous-procédé présentant le rendement maximal (généralement le sous-procédé D). La valeur fertilisante des engrais organiques est calculée, chaque année, en comparant l’augmentation de rendement due aux engrais organiques à l’augmentation de rendement due à la fertilisation azotée selon l’équation suivante: Valeur fertilisante = (Rdt iA- Rdt EminA) * dose EminB/ (Rdt EminB -Rdt EminA) Avec Rdt iA, Rdt EminA et Rdt EminB: rendement en grains respectivement du procédé i sous-procédé A, du procédé Emin sous-procédé A et du procédé Emin sous-procédé B, exprimés en dt ha-1; dose Emin B: dose d’engrais azoté apportée dans le procédé Emin sous-procédé B exprimée en kg N ha-1. Nous supposons ainsi que la réponse des cultures à la dose de N est linéaire. Les cultures sont vraisemblablement suffisamment carencées en N dans les sous-procédés A et B pour justifier cette hypothèse. La teneur en N de la plante (grains et pailles) est mesurée en 2003 et 2004 dans les sous procédés A afin  de calculer le N absorbé par la culture.

Résumé

Effet à long terme des engrais organiques sur le rendement et la fertilisation azotée des cultures | Production végétale

Les conséquences de l’utilisation de différents formes d’engrais organiques (engrais-vert de moutarde, pailles de céréales, 35 et 70 t ha-1 de fumier tous les 3 ans et 60 m3 ha-1 de lisier tous les 3 ans) sont testées à Changins depuis 1976. Cette étude analyse leurs effets à long terme (34 ans) sur le rendement des cultures, le besoin en engrais azoté et le stock d’azote (N) minéral dans le sol. Lorsque le N est non limitant, les engrais organiques ont des effets contrastés sur le rendement en grains des cultures. L’année de l’apport organique et les années suivantes, le fumier et le lisier accroissent le rendement des cultures comparativement au témoin sans engrais organique alors que l’insertion d’engrais-vert et la restitution systématique des pailles de céréales le diminue. Cependant, en moyenne sur les 34 années d’essai, ces effets restent faibles. Par contre, lorsque l’azote est limitant, les engrais organiques ont tous un arrière-effet positif sur le rendement des cultures. L’effet direct (l’année de l’apport) des engrais organiques peut-être positif ou négatif. L’engrais vert non fertilisé accroit les besoins en engrais azoté l’année de sa destruction mais les réduit l’année suivante. Lorsqu’il est fertilisé avec 60 kg de N ha-1, il diminue les besoins aussi bien l’année de sa destruction que l’année suivante. La valeur fertilisante des pailles de céréales est négligeable. Le fumier et le lisier réduisent les besoins en engrais N de manière significative les trois années qui suivent l’apport. Lorsque la valeur fertilisante des engrais de ferme n’est pas prise en compte, le stock d’azote minéral présent à la récolte est plus élevé dans les procédés avec engrais de ferme que dans le témoin sans engrais organique.

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Production végétale | Effet à long terme des engrais organiques sur le rendement et la fertilisation azotée des cultures

Tableau 1 | Effet des procédés sur les rendements en grains potentiels (en absence de limitation azotée). Les rendements sont exprimés en pourcentage du témoin Emin (= 100 %) Maïs

Procédés Emin

100 (76)

Blé après maïs

Orge de printemps

Colza

(n1=5)

(n1=5)

(n1=5)

100 (48)

2

2

100 (48)

100 (32)

2

Avoine de ­printemps

Blé après avoine

(n1=5)

(n1=5)

2

100 (48)

2

Moyenne 1976 – 2010

100 (53)2

100,0 a

EV

93

98

96

97

100

98

96,4 b

Pailles

90

92

96

96

102

97

95,3 b

Fu35

97

96

100

105

105

102

100,5 a

Fu70

101

100

102

104

106

99

102,2 a

Li60

98

92

104

104

106

101

100,4 a

Nombre d’années. Rendement sec en grains maximal observé sur le procédé Emin (dt ha -1). Les lettres minuscules différentes au sein d’une même colonne indiquent des moyennes significativement différentes entre procédés au seuil de 5 % selon le test de Fisher. 1 2

Les stocks d’azote minéral dans le sous-procédé C sont mesurés en 2009, juste avant le semis, le 26 mars et un mois après récolte, le 24 août (Stations de recherche ART& ACW 2011). Les horizons 0 – 30; 30 – 60 et 60 – 90 cm sont prélevés à l’aide d’une tarière. Chaque prélèvement est constitué d’un composite de 8 à 10 carottes. Quatre répétitions sont effectuées. Les analyses de variance sont réalisées en utilisant le logiciel XLSTAT 2010, Copyright Addinsoft 1995 – 2009, le test de Fisher est appliqué pour comparer les moyennes des procédés et sous procédés.

Résultats et discussion Rendement potentiel des cultures Lorsque l’azote est non limitant, les rendements observés sur maïs, blé, orge, colza et avoine (tabl. 1) sont proches de ceux mentionnés dans les «Données de base pour la fumure», respectivement 81, 51, 47, 33 et 47 dt sec ha-1 (Sinaj et al. 2009). L’effet des procédés sur le rendement potentiel est constant quelle que soit la culture puisque l’interaction entre procédé et culture n’est pas significative (P > 0,05).

130

Rendement potentiel relatif (%)

120 110 100 EV 90

Pailles y = -0,04x + 176 R2 = 0,005; ns

80 70 60 1975

y = -0,16x + 408 R2 = 0,06; ns

1980

1985

1990

1995

2000

2005

2010

Fu35

y = 0,20x - 304 R2 = 0,12; *

Fu70

y = 0,38x - 652 R2 = 0,36; ***

Li60

y = 0,29x - 474 R2 = 0,13;***

Figure 1 | Evolution des rendements potentiels relatifs (Emin = 100 %) dans les procédés avec engrais organiques. ns: régression non significative au seuil de 10 % selon le test de Fisher. *: régression significative au seuil de 10 % selon le test de Fisher. **: régression significative au seuil de 5 % selon le test de Fisher. ***: régression significative au seuil de 1 % selon le test de Fisher.

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Effet à long terme des engrais organiques sur le rendement et la fertilisation azotée des cultures | Production végétale

Valeur fertilisante (kg N/ha)

80

30

-20 EV années avec moutarde -70 1976 1979 1982 1985 1988 1991 1994 1997 2000 2003 2006 2009

Valeur fertilisante (kg N/ha)

80

30

-20 Pailles années avec pailles de céréales

Valeur fertilisante (kg N/ha)

-70 1976 1979 1982 1985 1988 1991 1994 1997 2000 2003 2006 2009

80

30

-20 Fu35 Fu70 années avec fumier

-70 1976 1979 1982 1985 1988 1991 1994 1997 2000 2003 2006 2009

Valeur fertilisante (kg N/ha)

En moyenne sur 34 ans d’essai, l’effet des engrais organiques, bien que significatif, reste faible (-4,7 à +2,2 % par rapport à Emin; tabl. 1). Le procédé EV obtient un rendement potentiel significativement plus faible que celui du témoin Emin (-3,6 %; tabl. 1). Duval (1996) a également observé que les engrais verts de crucifères, et plus particulièrement ceux de moutarde, peuvent avoir un effet nuisible sur la culture qui suit en raison de la présence de composés phytotoxiques dans leurs résidus. Dans cet essai, l’effet supposé allélopathique de la moutarde est observé aussi bien sur les cultures qui suivent l’engrais vert (maïs et orge) que sur les cultures suivantes (blé et colza; tabl. 1). Seule l’avoine ne semble pas affectée. Le rendement du procédé Pailles est inférieur de 4,7 % à celui du témoin Emin (tabl. 1.). La restitution des pailles de céréales dans une rotation largement céréalière a probablement favorisé les maladies des céréales (Charles et al. 2011). L’effet moyen des engrais de ferme (Fu35, Fu70 et Li60) sur la période 1976 – 2010 est très faible (+0,4 à +2,2 % par rapport à Emin; tabl. 1) et n’est pas significatif. Toutefois, ces procédés présentent tous des rendements potentiels supérieurs à celui du témoin Emin. Ce résultat est cohérent avec un autre essai longue durée mené à Changins, qui a mis en évidence une augmentation des rendements potentiels, en moyenne sur 12 années d’essai, de 2 à 13 % avec engrais de ferme (Maltas et al. 2012). Cette augmentation peut être imputée à un effet «matière organique» qui améliore les propriétés physiques, hydriques et biologiques du sol (Lal 2009) et/ou à une augmentation de la disponibilité en nutriments (Zhang et al. 2009). En effet, les sols des procédés avec engrais de ferme présentent des teneurs en matière organique (MO) supérieures à celles du témoin mais aussi des teneurs en zinc et fer extractibles à l’acétate ammonium EDTA plus importantes (Maltas et al. 2011). Le zinc et le fer sont des micronutriments favorables à la croissance des cultures à faible concentration mais qui peuvent devenir toxiques au-delà d’un certain seuil (Marschner 1995). Compte tenu de la forte variabilité interannuelle du rendement potentiel relatif, il est difficile de mettre en évidence une évolution significative des effets procédés (fig. 1). L’effet des procédés EV et Pailles n’évolue pas avec le temps, tandis que celui des engrais de ferme croît significativement. Cependant, ces effets restent faibles même après 34 années d’application (+4, +9 et +6 % respectivement dans Fu35, Fu70 et Li60; fig. 1).

80

30

-20 Li60 années avec lisier

-70 1976 1979 1982 1985 1988 1991 1994 1997 2000 2003 2006 2009

Figure 2 | Valeur fertilisante annuelle des engrais organiques de 1976 à 2009.

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Production végétale | Effet à long terme des engrais organiques sur le rendement et la fertilisation azotée des cultures

Tableau 2 | Arrière-effets des procédés sur les rendements en grains relatifs (Emin = 100 %) après 27 ans d’essai. Le sous-procédé A n’a pas reçu d’azote en 2003 et 2004 et les procédés B, C, D ont reçu 30 kg N ha -1 en 2003 et 40 kg N ha -1 en 2004

Moyennes 2003 – 2004 (% de Emin) Procédés Sous-procédé A

Sous-procédés B, C et D

Emin

100 b

100 b

EV

108 ab

100 b

Pailles

102 b

99 b

Fu35

113 ab

105 b

Fu70

128 a

117 a

Li60

113 ab

108 b

Les lettres minuscules différentes au sein d’une même colonne indiquent des moyennes significativement différentes entre procédés au seuil de 5 % selon le test de Fisher.

Valeur fertilisante des engrais organiques Suivie de 1976 à 2010, la valeur fertilisante des cinq types d’engrais organiques (EV, Pailles, Fu35, Fu70 et Li60) montre des différences importantes (fig. 2). Compte tenu du mode de calcul de cette dernière, les valeurs présentées incluent l’effet direct dû à l’apport de N rapidement disponible et l’effet indirect dû à la minéralisation de la MO stockée dans le sol. La valeur fertilisante des engrais organiques à long terme n’augmente pas au cours du temps (fig. 2), malgré l’enrichissement progressif du sol en MO dans les procédés avec engrais organiques (Maltas et al. 2011). Les valeurs fertilisantes varient, par contre, en fonction du nombre d’années écoulées depuis le dernier apport organique. Entre 1994 et 2010, la valeur fertilisante de l’engrais vert est en moyenne de -27 kg N ha-1 l’année de

sa destruction et de +7 kg N ha-1 l’année suivante (fig. 2). L’engrais vert absorbe de l’azote et réduit ainsi l’offre en N pour la culture suivante par rapport au témoin Emin. Une partie de cet azote est ensuite remis à disposition l’année suivante, lors de la minéralisation des résidus d’engrais vert. Avant 1993, cet effet négatif de l’engrais vert sur l’offre en N l’année de sa destruction n’est pas observé (fig. 2). Sa valeur fertilisante est de +20 kg N ha-1 l’année de sa destruction et +17 kg N ha -1 l’année suivante (fig. 2a). Les 60 kg N ha-1 appliqués sur les engrais verts avant 1993 ont vraisemblablement permis de compenser le N absorbé par l’engrais vert et même d’augmenter l’offre en N pour les cultures suivantes. Lorsque la moutarde est fertilisée, sa valeur fertilisante sur les deux années après sa destruction s’élève à 37 kg N ha -1, alors qu’elle est de -20 kg N ha-1 lorsqu’elle n’est pas fertilisée. La différence de 57 Kg N ha-1 correspond assez bien aux 60 kg N ha-1 épandus sur la moutarde, preuve que cet azote est peu sorti du système sol-plante. Par contre, l’azote disponible dans le sol peut être moins absorbé et potentiellement perdu par lixiviation. La valeur fertilisante des pailles de céréales est très faible (fig. 2b). Elle est en moyenne de -3 kg N ha -1 l’année d’incorporation des pailles et de +3 kg N ha-1 l’année suivante. Les pailles de céréales possèdent un ratio C/N élevé, ce qui provoque une immobilisation de N par la biomasse microbienne l’année de l’incorporation. L’année suivante, une partie de cet azote est remis à disposition lors de la décomposition de la biomasse microbienne. Sinaj et al. (2009) préconisent ainsi en Suisse un renforcement de la fertilisation N de 10 à 20 kg N ha-1 selon la culture suivante lorsque des pailles de céréales sont incorporées. La valeur fertilisante des engrais de ferme est positive et diminue avec le nombre d’années écoulées depuis le dernier apport organique. L’année de l’apport, un et deux ans après l’apport, les valeurs fertilisantes sont respectivement de +31, +15 et +10 kg N ha-1 sous Fu35 (fig. 2c); +58, +28 et +21 kg N ha-1 sous Fu70 (fig. 1c) et

Tableau 3 | Arrière-effets des sous-procédés B, C et D sur les rendements en grains, après 27 ans d’essai. La culture de colza a reçu 30 kg N ha -1 en 2003 et la culture de blé 40 kg N ha -1 en 2004.

Année/ culture

Rendements en grains (dt ha-1) Sous-procédé B

Sous-procédé C

Sous-procédé D

20031- colza

19,9

A

20,8

A

21,2

A

2004- blé

45,0

A

46,6

A

46,7

A

1 Année particulièrement sèche. Les lettres majuscules différentes au sein d’une même ligne indiquent des moyennes significativement différentes entre sous-procédés au seuil de 5 % selon le test de Fisher.

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Effet à long terme des engrais organiques sur le rendement et la fertilisation azotée des cultures | Production végétale

+38, +18 et +10 kg N ha-1 sous Li60 (fig. 2d). Les valeurs fertilisantes exprimées en pourcentage du N total apporté par l’engrais organique donnent une indication sur la proportion du N total assimilé par les cultures. Ainsi, avec le fumier (moyenne de Fu35 et Fu70), la proportion de N total assimilé par les cultures est de 16 % l’année d’application, 8 % un an après l’apport et 5 % deux ans après l’apport. Avec le lisier, ces valeurs atteignent respectivement 37 %, 18 % et 10 %. La MO contenue dans le lisier est généralement moins stable que celle du fumier (Lecomte 1980) et se dégrade donc plus rapidement (Su et al. 2006). Ceci explique les valeurs plus élevées du lisier. Dans les données de base pour la fertilisation des grandes cultures (DBF-GC), les valeurs fertilisantes proposées pour le fumier en stabulation libre sont du même ordre de grandeur que celles de cet essai (20 % du N total l’année d’application et 10 % l’année suivante; Sinaj et al. 2009). Le lisier de cet essai s’est dégradé un peu plus lentement que ceux proposés dans les DBF-GC (45 % du N total l’année d’application et 5 % l’année suivante (Sinaj et al. 2009). Les lisiers de cet essai semblent plus réfractaires à la dégradation. La qualité de leur matière organique demanderait donc à être analysée. Actuellement, la valeur fertilisante des engrais de ferme deux ans après l’apport n’est pas comptabilisée dans les normes de fumure azotée (Sinaj et al. 2009). Ces résultats et ceux de Maltas et al. (2011b) montrent que deux ans après l’apport, la valeur fertilisante du fumier comme du lisier est encore importante et devrait être comptabilisée. Arrière-effet En 2003 et 2004, aucun procédé n’a reçu d’apport organique, ce qui permet d’évaluer les arrière-effets des procédés. Ces effets sont analysés sur des cultures supposées carencées en azote: sur le sous-procédé A sans azote et sur la moyenne des sous-procédés B, C et D qui reçoivent chacun 30 kg N ha-1 en 2003 et 40 kg N ha-1 en 2004 (tabl. 2). Lorsque les cultures sont carencées en N, les procédés recevant régulièrement des engrais organiques présentent tous des rendements supérieurs à celui du témoin Emin (tabl. 2). L’arrièreeffet est plus marqué sur le sous-procédé A sans azote (tabl. 2) que sur les sous-procédés B, C et D qui reçoivent 30 à 40 kg N ha-1. Ainsi, plus les cultures sont carencées en N, plus l’effet résiduel des procédés est important. Cet effet résiduel est donc vraisemblablement dû à une meilleure offre en N dans les sols recevant régulièrement des engrais organiques. Ceci est cohérent avec les résultats précédents qui ont montré des valeurs fertilisantes positives, pour tous les engrais organiques, l’année suivant l’apport. L’augmentation

Tableau 4 | Effet des procédés sur les stocks d’azote minéral (N- min) sur 0 – 90 cm dans le sous-procédés C en 2009 N-min avant semis Traitement

N-min après récolte

_________ kg N ha-1_________

Emin

44 c

45 b

EV

28 d

47 b

Pailles

41 c

49 b

Fu35

50 bc

56 b

Fu70

76 a

75 a

Li60

58 b

61 ab

Les lettres minuscules différentes au sein d’une même colonne indiquent des ­m oyennes significativement différentes entre sous-procédés au seuil de 5 % selon le test de Fisher.

de l’offre en N proviendrait principalement d’une plus forte minéralisation dans ces sols mieux pourvus en MO (Maltas et al. 2011). L’arrière-effet des sous-procédés (B, C et D) est analysé sur la moyenne des procédés (tabl. 3) en 2003 et en 2004. Les rendements ne diffèrent pas significativement entre sous-procédés. Cependant, ils tendent à croître avec la fertilisation azotée passée (tabl. 3). L’effet positif de la dose d’engrais azoté sur la teneur en MO du sol (Maltas et al. 2011) explique vraisemblablement ce résultat. Stocks d’azote minéral Les stocks d’azote minéral dans les 90 premiers cm de sol (N-min) ont été mesurés en 2009, avant le semis et après la récolte de l’avoine de printemps (tabl. 4). Les pailles de la culture précédente (colza) ont été enfouies dans tous les procédés; un engrais vert de moutarde est inséré avant la culture d’avoine dans le procédé EV; et aucun engrais de ferme (fumier ou lisier) n’est épandu. Des engrais de ferme ont par contre été apportés en 2008 sur Fu35, Fu70 et Li60. Les N-min ont été mesurés dans les sous-procédés C qui reçoivent tous 90 kg N ha-1. Avant semis et après récolte, les N-min du procédé Pailles diffèrent peu de ceux du procédé Emin (tabl. 4), ce qui est cohérent avec la faible valeur fertilisante des pailles de céréales observée l’année suivant leur incorporation (fig. 2a). Le procédé EV affecte négativement le N-min avant semis (tabl. 4). La moutarde non fertilisée absorbe donc bien de l’azote qui n’est plus disponible pour la culture suivante. Les N-min avant semis les plus élevés sont observés dans les procédés avec engrais de ferme (Fu35, Fu70 et Li60; tabl. 4). Vraisemblablement, la forte minéralisa- 

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tion de la MO du sol (Maltas et al. 2012) combinée à la minéralisation de la MO fraîche apportée l’année précédente serait à l’origine de ces valeurs. Cependant, la forte minéralisation dans ces procédés occasionne également des N-min après récolte supérieurs. Le risque de lixiviation du N après récolte est donc accru dans les procédés avec fumier et lisier lorsque leurs arrière-effets ne sont pas pris en compte dans le calcul de la fertilisation N.

Conclusions ••Lorsque la fertilisation azotée est non limitante, les engrais organiques ont des effets contrastés sur le rendement en grains des cultures. L’année de l’apport et les années suivantes, l’apport d’engrais de ferme, fumier ou lisier, accroît le rendement (+0,4 à +2,2 % en moyenne), tandis que l’insertion d’engrais verts à base de moutarde et la restitution systématique des pailles de céréales le diminue (-3,6 et -4,7 % respectivement). ••Lorsque les cultures sont carencées en N, les engrais organiques ont tous un arrière-effet positif sur le rendement des cultures. Ceci serait dû à une meilleure offre en azote dans ces sols plus riches en MO.

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••L’engrais vert de moutarde non fertilisé en N accroît les besoins en engrais N de l’année de sa destruction (de 27 kg N ha-1) et les réduit l’année suivante (de 7 kg N ha-1). Lorsque l’engrais vert reçoit 60 kg de N ha-1, les besoins des cultures suivantes diminuent l’année de sa destruction et l’année suivante (respectivement de 20 et 17 kg N ha-1). ••La valeur fertilisante des pailles de céréales est négligeable l’année de leur incorporation (-3 kg N ha-1) comme l’année suivante (+3 kg N ha-1). ••Le fumier et le lisier présentent des valeurs fertilisantes positives et non négligeables les trois années suivant l’apport. L’azote apporté par le fumier représente 16 % du N total apporté l’année de l’apport, 8 % un an plus tard et 5 % deux ans après. Pour le lisier, ces valeurs atteignent 37, 18 et 10 %. La non prise en compte de ces valeurs fertilisantes dans le calcul de la fertilisation azotée accroît les stocks d’azote minéral du sol à la récolte et donc les risques n de lixiviation.

▪▪ Maltas A., Oberholzer H., Charles R. & Sinaj S., 2012. Effets à long terme des engrais organiques sur les propriétés du sol. Recherche Agronomique Suisse 3 (3), 148–155. ▪▪ Marschner H., 1995. Mineral nutrition of higher plants. (Ed. Academic press). Harcourt Brace & compagny Publishers, London. 889 p. ▪▪ Sinaj S., Richner W., Flisch R. & Charles R., 2009. Données de base pour la fumure des grandes cultures et des herbages (DBF-GCH). Revue suisse d'Agriculture 41 (1), 1–98. ▪▪ Stations de recherche ART & ACW, ed. 2011. Méthodes de référence des stations de recherche Agroscope. Agroscope. Zurich-Reckenholz. Vol. 1 | 30 p. ▪▪ Su Y. Z., Wang F., Suo D. R., Zhang Z. H. &. Du M. W., 2006. Long term ­e ffect of fertilizer and manure application on soil carbon sequestration and soil fertility under wheat-wheat-maize cropping system in Northwest China. Nutrient Cycling in Agroecosystems 75, 285–295. ▪▪ Zhang H., Xu M. & Zhang F., 2009. Long-term effects of manure application on grain yield under different cropping systems and ecological conditions in China. J. Agri. Sci. 147, 31–42.


Effetti a lungo termine dei fertilizzanti organici sulla resa e la concimazione azotata delle colture Dal 1976 a Changins sono testate le conseguenze dell’uso di diversi fertilizzanti organici (senape da sovescio, paglia di cereali, 35 e 70 t ha-1 di letame ogni 3 anni e 60 m3 ha-1 di liquame ogni 3 anni). Questo studio analizza i loro effetti a lungo termine (34 anni) sulla resa delle colture, il bisogno di concimazione azotata e lo stock d’azoto (N) minerale nel suolo. Quando N non è limitante, i fertilizzanti organici producono degli effetti contrastati sulla resa in semi delle colture. Nell’anno dell’apporto organico e negli anni successivi, letame e liquame aumentano la resa delle colture rispetto al testimone senza fertilizzante organico, mentre l’inclusione di sovescio e la restituzione sistematica di paglia di cereali la diminuisce. Tuttavia, questi effetti, sulla media di questi 34 anni di prove, restano deboli. Per contro, quando l’azoto è limitante, i concimi organici raggiungono tutti un effetto retroattivo positivo sulla resa delle colture. L’effetto diretto (nell’anno dell’apporto) di fertilizzanti organici può essere positivo o negativo. Il sovescio senza apporto di concimi accresce i bisogni di fertilizzanti azotati nell’anno della sua distruzione, ma li riduce l’anno seguente. Quando è concimato con 60 kg di N ha-1, riduce i propri bisogni sia nell’anno della sua distruzione fino all’anno successivo. Il valore fertilizzante della paglia da cereali è insignificante. Nei tre anni successivi al loro apporto, letame e liquame riducono le esigenze in fertilizzante N in modo significativo. Quando il valore fertilizzante del letame non è preso in considerazione, lo stock di azoto minerale presente al raccolto risulta più elevato nei procedimenti con letame rispetto al controllo senza fertilizzanti organici.

Summary

Riassunto

Effet à long terme des engrais organiques sur le rendement et la fertilisation azotée des cultures | Production végétale

Long-term effect of organic fertilizers on crop yield and nitrogen fertilization Consequences of the use of different organic fertilizers (green manure, cereal straw, manure at 35 and 70 t ha-1 every 3 years and cattle slurry at 60 m3 ha-1 every 3 years) and mineral fertilizer (four doses nitrogen) are tested in Changins since 1976. This study analyses the long-term effect (34 years) on crop yield, the need for nitrogen fertilizer and the stock of mineral nitrogen (N) in the soil. When N is not limiting, organic fertilizers have different effects on grain yield. The year of organic input and the subsequent years, manure and slurry increase yields compared to the control without organic fertilizer, while green manure and systematic restitution of the cereal straw decrease it. However, on average over the past 34 years, these effects remain weak. On the contrary, when nitrogen is limiting, all forms of organic fertilizers have a positive long term effect on crop yields. The direct effect of organic fertilizer (first year of field application) may be positive or negative. The non fertilized green manure increases the need for nitrogen fertilizer during the year of its destruction but reduces it the following year. When fertilized with 60 kg N ha-1, it decreases the need for nitrogen fertilizer the year of its destruction as well as the following year. The fertilizing value of the cereal straw is negligible. Manure and slurry reduce significantly the need for N fertilizer on the three years following the application. When the fertilizer value of manure is not taken into account, the stock of mineral N in the soil present at harvest was higher in treatments with manure than in the control without organic fertilizer. Key words: crop yield, organic fertilizers, nitrogen fertilization, long-term field experiment.

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E c l a i r a g e

Nouvelle méthode pour déterminer les ­pertes par brisures Joachim Sauter1, Roy Latsch1 et Oliver Hensel2 Station de recherche Agroscope Reckenholz-Tänikon ART, 8046 Zurich 2 Agrartechnik am Fachbereich Ökologische Agrarwissenschaften, Université de Kassel, D-37213 Witzenhausen Renseignements: Joachim Sauter, e-mail: joachim.sauter@art.admin.ch, tél. 052 368 31 31.

1

Figure 1 | La méthode de la différence demande beaucoup de temps. (Photo: ART)

Pour la récolte du foin, le fourrage doit être retourné plusieurs fois, puis mis en andains. Chaque opération entraîne des pertes mécaniques, car des feuilles ou des morceaux de feuilles tombent. Ce sont les pertes par bri-

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sures. Déterminer ces pertes demande beaucoup de temps. Une nouvelle méthode qui simplifie la tâche a été testée pour la première fois à la Station de recherche Agroscope Reckenholz-Tänikon ART.


Nouvelle méthode pour déterminer les ­p ertes par brisures | Eclairage

Figure 2 | Avec les méthodes d’aspiration, les résidus végétaux ­ rganiques tels que les engrais organiques sont aussi évalués comme o pertes. (Photo: ART)

Avec la mécanisation de la récolte de fourrage grossier, les pertes par brisure sont devenues un sujet d’actualité pour les agriculteurs et les chercheurs (Bergmann et Höhn 1971; Bergmann et al. 1972). En quarante ans de recherche, diverses méthodes ont été employées pour déterminer ces pertes. Elles demandaient toutes beaucoup de temps et comportaient des erreurs de mesure. Une nouvelle méthode mise au point en 2009 par la Station de recherche Agroscope Reckenholz-Tänikon ART, testée en collaboration avec l’Université de Kassel, pourrait simplifier la saisie des pertes par brisures et fournir des résultats plus précis. Détermination des pertes par pesée: «méthode de la différence» Höhn (1986) a calculé les pertes à l’aide de la méthode de la différence, qui consiste à peser les rendements fourragers des parcelles d’essai après chaque opération (fig. 1). La pesée en soi représente cependant une étape de travail supplémentaire, qui peut aussi entraîner des pertes, car il faut rassembler le fourrage, le peser et l’étaler à nouveau pour la poursuite du séchage. De plus, ce type de test demande beaucoup de temps et de travail.

Aspirer les pertes Beckhoff et al. (1979) ont choisi une autre approche. Les pertes par brisures ont été déterminées par aspiration de surfaces tests définies. L’aspiration peut se faire ponctuellement (environ 1 m²) ou par surface. Le prélèvement ponctuel d’échantillons est souvent appelé «méthode de l’aspirateur». Le prélèvement d’échantillon par surface est souvent appelé, par analogie avec l’appareil utilisé, «méthode de l’aspirateur de feuilles» (fig. 2). Certains essais ont montré que les pertes ne sont pas réparties de manière homogène sur toute la surface, mais qu’elles augmentent en allant vers le centre de l’andain. C’est un point dont il faut tenir compte pour choisir les endroits de prélèvements. Avec la méthode de l’aspirateur de feuilles, la solution consiste à effectuer le prélèvement en biais par rapport au sens de l’andain, de façon à ce que le test englobe une à deux largeurs de travail de l’andaineuse. Ahmels (1989) signale que l’appareil n’aspire pas seulement les pertes par brisures, mais d’autres types de matériel organique, comme les restes de lisier, les matières végétales mortes et les petites particules issues des coupes multiples. Même l’aspiration en deux phases comporte des erreurs. Dans cette variante, des bandes sélectionnées sont séparées directement après la fauche, marquées, aspirées puis recouvertes à nouveau de fourrage vert fraîchement fauché. La deuxième phase sert à déterminer les pertes par brisures. Mais là aussi, la méthode recense également des éléments morts qui se sont détachés des plantes dans l’intermédiaire. Des observations personnelles ont montré que lorsque les chaumes sont longs ou lorsque le prélèvement a lieu après une averse, les brisures végétales ne sont pas toutes entièrement aspirées. De même, les tapis végétaux denses des prairies permanentes rendent difficile le ramassage complet des pertes. En dépit de toutes ces difficultés, la méthode de l’aspirateur de feuilles est devenue la méthode standard pour déterminer les pertes par brisures. De nombreuses comparaisons de systèmes s’y référent (Frick et Rühlmann 1991; Frick et Ammann 1999, 2000; Frick 2002; Sauter et al. 2002; Sauter 2008). Mesures dans des conditions standard Pour éliminer au maximum les influences inconnues, des tentatives ont rapidement été faites pour enregistrer les pertes dans des conditions standard. Ahmels (1989) a par exemple réalisé ses essais sur une surface en dur. La récolte a été chargée à la main sur une remorque, déposée en andains sur une surface asphaltée, travaillée selon l’ordonnance de l’essai et enfin, chargée à la main ou à l’aide du pickup. Avec cette méthode, on ne sait pas tou- 

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Eclairage | Nouvelle méthode pour déterminer les ­p ertes par brisures

Tableau 1 | Les différences entre les rendements de récolte sont mieux représentées par les chaumes artificiels (Lucas 2009) Méthode de détermination des pertes

Procédé

Aspirateur de feuilles

p-Value (t-test)

Rendements dtMS/ha

Pertes (dtMS/ha)

s2

Pertes (dtMS/ha)

s2

Retourneur d’andains

18,4

1,7

0,727

1,0

0,381

p = 0,116

Conventionnel

16,8

2,0

0,761

2,9

0,023

p = 0,067

Différence

1,6

0,3

tefois à quel point les valeurs de mesure ont été faussées par l’absence de chaumes, qui aident le travail des dents de la pirouette ou celui du pick-up. Ahmels a ainsi pu constater que des taux de pertes différents ont été relevés selon que la récolte a été faite à l’aide d’un pick-up ou d’un râteau. Manns (2007) a mis au point un banc d’essai qu’il a présenté avec Hensel (2009). Les éléments centraux de ce banc d’essai sont des caillebotis en métal étiré ainsi qu’un disque rotatif au régime régulé, sur lequel sont montés les outils des systèmes de fanage. Les grilles sont placées dans la zone d’action des outils ainsi que dans la zone de projection, sur laquelle le fourrage déposé à la main est projeté. Les éléments végétaux qui tombent à travers les grilles sont considérés comme des pertes par brisures et évalués comme telles. Même si cette simulation des procédés de fanage ne reflète pas exactement la réalité, des essais comparatifs ont permis de déterminer l’influence de la vitesse des outils sur les pertes par brisures. Comme dans l’étude d’Ahmels (1989), Manns a également renoncé aux chaumes. On ne sait donc pas dans quelle mesure la disposition de l’essai reflète la réalité. Mesures simples, proches de la pratique à l’aide de chaumes artificiels Dans le but de s’approcher davantage de la réalité, une nouvelle méthode a été testée en collaboration avec l’Université de Kassel (Lucas 2009). Huit planches en bois de 50 x 25 cm (0,125 m²) avec des soies plastiques en nylon de 8 cm de long ont été placées après la fauche sur une surface de prairie artificielle (fig. 3). Le peuplement végétal se caractérisait par un fort pourcentage de trèfle Trifolium pratense et Trifolium repens (50 %, resp. 7 % du peuplement total). Les pertes par brisures survenues pendant la récolte s’accumulaient entre les soies et ont été évaluées après la récolte. Une partie de la surface a

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Chaumes artificiels

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1,9

été travaillée de manière conventionnelle à l’aide d’une pirouette de type Krone KW6.62/4 (deux passages) et d’une andaineuse de type Krone Schwadro 38. La deuxième partie de la surface a été travaillée à l’aide d’un retourneur d’andains de type Dion 6096 en trois passages. Parallèlement aux essais avec les chaumes artificiels, les pertes ont également été déterminées avec la

Figure 3 | Des chaumes artificiels sont encore en phase de test. (Photo: ART)


Nouvelle méthode pour déterminer les ­p ertes par brisures | Eclairage

méthode de l’aspirateur de feuilles. Les deux méthodes ont montré que le mode de travail conventionnel causait des pertes plus élevées que le retourneur d’andains (tabl. 1). Aucune différence significative n’a été constatée entre les deux méthodes de mesures. C’est la preuve que les deux méthodes conviennent pour déterminer les pertes par brisure. Des pertes plus importantes se traduisent par des différences de rendements. Si l’on admet que les surfaces d’essai ont une croissance végétale homogène, les différences de rendements entre les procédés de récolte se reflètent par les différents niveaux de pertes. La différence de rendements entre la surface travaillée de manière conventionnelle et la surface travaillée avec le retourneur d’andains est de 1,6 dt MS/ha. Avec la méthode avec aspirateur de feuilles, les différences de pertes entre les deux procédés de récolte étaient de 0,3 dt MS/ha. Les résultats des chaumes artificiels permettent de mieux expliquer les différences de rendements effectives (1,9 dt MS/ha). Des études approfondies peuvent confirmer les premières expériences. n

Bibliographie ▪▪ Ahmels H.-P., 1989. Intensives Aufbereiten (Reissen) von Halmgut, ­A uswirkungen auf Trocknungsverhalten und Qualität, Dissertation. ­F orschungsbericht Agrartechnik des Arbeitskreises Forschung und Lehre der May-Eyth-Gesellschaft (MEG) 155, Université Christian-Albrechts Kiel, Kiel, 160 p. ▪▪ Beckhoff J., Dernedde W., Honig H. & Schurig M., 1979. Einfluss neuer Mähaufbereiter auf Trocknung und Feldverluste bei der Gewinnung von Anwelksilage und Heu. Das wirtschaftseigene Futter 25 (1), 5–19. ▪▪ Bergmann F. & Höhn E., 1971. Beschleunigung des natürlichen Abtrocknungsprozesses von Rauhfutter durch Futteraufbereitung. Station fédérale de recherches en économie et technologie agricole (FAT), Blätter für Landtechnik 17, Tänikon, 3 p. ▪▪ Bergmann F., Bisang M. & Höhn E., 1972. Aktuelle Probleme der Rauhfutterernte. Station fédérale de recherches en économie et technologie agricole (FAT), Blätter für Landtechnik 33, Tänikon, 5 p. ▪▪ Frick R. & Rühlmann M., 1991. Amélioration des prairies par sursemis. Les conditions climatiques et le type d'exploitation décident du succès. Station fédérale de recherches en économie et technologie agricole (FAT), Rapports FAT 408, Tänikon, 11 p. ▪▪ Frick R. & Ammann H., 1999. Utilisation de conditionneurs intensifs pour la récolte des fourrages. Avantages en termes de qualité et d'organisation du travail, mais besoin en puissance et coûtes plus élevé. Station fédérale de recherches en économie et technologie agricole (FAT), Rapports FAT 532, Tänikon, 19 p.

▪▪ Frick R. & Ammann H., 2000. Travail du fourrage avec le retourneur d'andains. Pertes plus réduites, fourrage grossier de meilleure qualité, période de séchage plus longue. Station fédérale de recherches en ­é conomie et technologie agricole (FAT), Rapports FAT 545, Tänikon, 12 p. ▪▪ Frick R., 2002. Conditionneurs traînés : essai comparatif. Travail de bonne qualité et puissance nécessaire réduit. Station fédérale de recherches en économie et technologie agricole (FAT), Rapports FAT 584, Tänikon, 12 p. ▪▪ Höhn E., 1986. Pertes sur le champ lors de la récolte fourragère. Station fédérale de recherches en économie et technologie agricole (FAT), Rapports FAT 285, Tänikon, 7 p. ▪▪ Lucas L., 2009. Vergleich verschiedener Heuwendemaschinen hinsichtlich der Bröckelverluste. Bachelor, Université de Kassel, Kassel, 147 p. ▪▪ Manns C., 2007. Optimierung der Grünfutterbergung im ökologischen Landbau, Diplomarbeit. Université de Kassel, Kassel, 147 p. ▪▪ Manns C. & Hensel O., 2009. Bestimmung der Bröckelverluste bei der ­L uzernebergung unter Prüfstandbedingungen. Landtechnik 64 (5), 360–362. ▪▪ Sauter G. J., Kirchmeier H. & Neuhauser H., 2002. Ernte von Luzernenheu mittels Schwadwendeverfahren. Landtechnik 57 (4), 202–203. ▪▪ Sauter J., 2008. Verluste bei der Futterbergung – Vom Schwader bis zur Ballenpresse. In: Landtechnik im Alpenraum (Eds. Kaufmann R.& Hütl G.), 14.–15. Mai 2008, Feldkirch, Autriche, ART-Schriftenreihe 7, Station de recherche Agroscope Reckenholz-Tänikon ART, Ettenhausen, 29 – 33.

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E c l a i r a g e

Une action commune pour le sol Bruno Arnold1 et André Chassot 2 1 AGRIDEA, 8315 Lindau 2 AGRIDEA, 1006 Lausanne Renseignements: André Chassot, e-mail: andre.chassot@agridea.ch, tél. +41 21 619 44 90

Le profil de sol a rencontré un vif intérêt lors des visites guidées, qui ont donné lieu à des discussions animées autour du sol et de son ­ tilisation en grandes cultures. (Photo: Agridea) u

«Une production végétale qui va au fond des choses» – c’est sous ce slogan qu’AGRIDEA a mis sur pied un essai démonstratif sur la fertilité du sol lors des «Feldtage», du 8 au 10 juin 2011 à Kölliken, en collaboration avec Agroscope, le Service de protection des sols du canton

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Recherche Agronomique Suisse 3 (3): 168–170, 2012

de Berne et l’entreprise AGROline. Ces quatre institutions représentant la recherche, la vulgarisation et la pratique se sont engagées à sensibiliser le public à une utilisation respectueuse du sol et à le convaincre de prendre des mesures concrètes au quotidien.


Une action commune pour le sol | Eclairage

Le sol est un milieu vivant. Il est la base de toute production agricole. Il convient donc de lui accorder le plus grand soin, comme le dit un proverbe amérindien: «Nous n’héritons pas la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants». Face aux risques de compactage, d’érosion ou de perte d’humus, il vaut toujours mieux prévenir que guérir, car des dégâts irréversibles peuvent être causés au sol. Le sol sous pression Au sein du monde agricole, personne ne conteste le fait que le sol représente le moteur de la production végétale et qu’il s’agit d’une ressource précieuse à utiliser de manière durable. Malgré cette reconnaissance générale, les pratiques agricoles ne se développement pas toujours dans le sens d’une exploitation respectueuse. Les exploitations agricoles sont contraintes d’augmenter leur force de frappe pour faire face à la pression économique. Les machines agricoles deviennent toujours plus grandes et plus lourdes, augmentant du coup les risques de compactage. La tendance à déléguer les tâches à des tiers entraîne une réduction du temps disponible pour les travaux des champs et par conséquent de la flexibilité nécessaire à une prise en compte des conditions météorologiques. Toujours plus de travaux sont réalisés avec des machines lourdes sur des sols pas suffisamment ressuyés. Il s’ensuit des dégâts à la structure du sol par compactage ou lissage. La tendance à la spécialisation (p. ex. production de pommes de terre ou de légumes de plein champ) et à l’extensification du travail (p. ex. exploitations de grandes cultures sans bétail) entraîne une simplification des rotations, un travail du sol intensif ou une perte d’humus liée au manque d’apports d’engrais de ferme. Les sols risquent d’être sur-sollicités et de perdre leur fertilité à long terme. Communication sur la protection du sol Ces développements sont certes bien connus, mais des thèmes tels que la protection du sol et le maintien de sa fertilité ne bénéficient souvent que de peu d’attention. Cela peut s’expliquer par la lenteur et la complexité des processus. Pourtant, les services qu’un sol fonctionnel rend à la société sont considérables: sécurité de la production alimentaire, qualité des eaux ou protection contre les inondations. Les ressources ou les occasions manquent souvent pour présenter la problématique de la protection des sols à un large public. Des «Feldtage» au rayonnement national Les «Feldtage», organisés par l’entreprise AGROline tous les trois ans, sont devenus un des principaux événements des grandes cultures en Suisse. Ainsi, pas moins

de 6000 visiteurs de toute la Suisse ont parcouru les nombreux stands des organisations et des entreprises au cours de l’édition 2011. Les essais variétaux de différentes cultures, conduits en PER et en Extenso, sont au cœur des «Feldtage». Ces journées offrent une plateforme idéale pour traiter des thèmes proches de la pratique, car les agriculteurs et les entreprises de travaux agricoles à la pointe y sont présents. Elles permettent ainsi à la vulgarisation et la recherche d’entrer en contact avec des agriculteurs engagés et de leur présenter des thématiques importantes. Essai démonstratif sur la fertilité du sol Agridea, Agroscope, le Service de protection des sols du canton de Berne et AGROline ont uni leurs forces lors des Feldtage 2011 pour présenter le sol. Pour attirer l’attention des visiteurs, un essai démonstratif a été mis en place, comprenant des pois protéagineux, une prairie temporaire, un engrais vert et du maïs semé après labour ou en bandes fraisées. Une tranchée (profil de sol) de 20 m de long, 3 m de large et 1,5 m de profond a été creusée perpendiculairement à la ligne de semis. Une perspective inhabituelle s’offrait ainsi aux visiteurs descendus dans la tranchée. En un coup d’œil, ils pouvaient comparer l’effet des différents procédés sur la structure du sol et sur l’enracinement des plantes et appréhender en direct les interactions entre sol, plantes et techniques culturales. Les visites guidées conduites par Urs Zihlmann, Raphaël Charles (Agroscope) et Andreas Chervet (Service de protection des sols du canton de Berne) couvraient un large spectre, allant de la pédogenèse au maintien de la fertilité du sol par l’apport régulier de matières organiques en passant par la protection contre l’érosion et le compactage. Le sol (type sol brun lessivé) du site des «Feldtage» est issu de dépôts de graviers fluvio-gaciaires de la dernière glaciation (Wurm) et est âgé d’environ 12 000 ans. Il est exceptionnellement profond et très pierreux en sous-sol. Urs Zihlmann a expliqué que de tels sols font partie des meilleures surfaces assolées de notre pays; ils peuvent stocker jusqu’à 200 litres d’eau au mètre carré. Ainsi, les plantes avaient peu souffert du manque d’eau lors du printemps sec de 2011. Cela a impressionné les visiteurs qui étaient encore imprégnés de la sécheresse du début 2011 et par conséquent très réceptifs à la question de la préservation de l’eau en grandes cultures. Les visites guidées dans le profil étaient complétées par de nombreux panneaux traitant diverses thématiques (p. ex. le bilan humique). Deux panneaux posés sur une face du profil représentaient les zones de pression exercée dans le sol par les roues (imaginaires) de machines agricoles de charges différentes. Andreas 

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Eclairage | Une action commune pour le sol

Figure 1 | Après le creusement de la tranchée à l’aide d’une pelle mécanique, le profil a été préparé minutieusement à la main: Urs Zihlmann et Andreas Chervet à l’œuvre. (Photo: Agridea)

Chervet a pu illustrer la problématique des machines lourdes et les avantages du labour on-land, comparé au labour traditionnel. Une action commune couronnée de succès Etant l’élément central du système de connaissance agricole suisse, Agridea avait à cœur d’être présent aux Feldtage aux côtés de partenaires tels qu’Agroscope, le Service de protection des sols du canton de Berne et AGROline, pour offrir une plateforme au sol. Les partenaires choisis s’engagent depuis de nombreuses années

pour une exploitation durable du sol. Agridea les soutient dans leur travail par le biais de publications ou de cours et anime des réseaux tels que «BeraterInnengruppe Düngung Umwelt» (BDU)» ou le groupe d’intérêt «Couverts végétaux» de la Plateforme Grandes cultures PAG-CH. L’union des forces autour de cet essai démonstratif a permis de sensibiliser le monde agricole et même audelà. Cette action est un bel exemple de collaboration n inter-institutionnelle.

Remerciements

Nous adressons nos plus vifs remerciements à AGRO, UFA semences et l’Office fédéral de l’environnement pour leur soutien financier.

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P o r t r a i t

Achim Walter: la croissance des plantes mise ­ en lumière Il y a un an, Achim Walter succédait à Peter Stamp comme professeur pour les grandes cultures à l'Institut des sciences agronomiques de l'EPF Zurich (EPFZ). La constitution du nouveau groupe de travail et la mise en place de l'enseignement ont été ses principales préoccupations jusqu'à ce jour. Achim Walter a très rapidement trouvé ses marques dans cette nouvelle institution car, lorsqu'il était encore étudiant en physique à Heidelberg, il avait décroché une bourse lui permettant d'étudier pendant une année au Département des sciences de l'environnement de l'EPFZ, au début des années 1990. C’est de cette expérience qu’est née sa passion pour la biologie. Après un diplôme en physique et en biologie, il a passé sa thèse de doctorat en 2001 avec un travail sur l'analyse de la croissance des feuilles et des racines grâce à des techniques d'imagerie. En 2002, Achim Walter s’est rendu avec sa jeune famille aux USA, dans le désert de l’Arizona, pour étudier dans l’environnement artificiel du «Biosphere 2 Center» les effets du climat sur la physiologie des plantes. Puis, il a été promu chef de groupe au prestigieux centre de recherche Jülich, en Allemagne, où il s'est concentré sur le développement de techniques optiques non invasives permettant d'analyser la croissance des feuilles et des racines en temps réel. Certaines plantes ont leur phase de croissance avant tout le matin, d’autres le soir, tandis que d’autres encore semblent n’avoir pas de période de croissance privilégiée. Achim Walter veut découvrir quel est l'avantage pour une plante d'avoir sa phase de croissance maximale à une heure donnée de la journée. Cet intérêt se porte maintenant sur les plantes cultivées et les répercussions de ses découvertes dans l'agronomie. Ainsi, depuis son arrivée à l’ETH Zurich, le jeune professeur a déjà lancé plusieurs projets concernant le maïs, les pommes de terre, le sarrasin et de nombreuses autres plantes. Il conduit ses études en laboratoire et au champ pour analyser les phénotypes de différentes plantes dans différents milieux, en utilisant des méthodes conventionnelles, mais surtout des techniques innovantes développées par son groupe. La phénotypisation permettra de grands progrès dans la production végétale. «Et ainsi», Achim Walter en est convaincu, «nous serons capables de développer de nouvelles technologies qui permettront de contribuer à la sécurité alimentaire mondiale».

Achim Walter: «L’amélioration de la phénotypisation permettra de grands progrès dans la production végétale». ­ (Photo: Susi Lindig)

En outre, en tant que délégué aux études en agronomie, Achim Walter a très à cœur l’aspect éducatif de sa tâche. Il est conscient que la véritable innovation ne peut que s’appuyer sur des fondations solides. Seul celui qui maîtrise les bases de sa discipline peut la faire avancer. Il voit la collaboration avec les anciens membres du Département des sciences de l’environnement, nouvellement réunis avec les membres de l’Institut des sciences agronomiques au sein du Département des sciences des systèmes de l’environnement (D-USYS), comme une réelle chance. «La collaboration plus intime entre les sciences de l’environnement et les sciences agronomiques permettra de réunir le meilleur des deux disciplines afin d’établir des systèmes agricoles plus résistants et durables». Jörg Beck, Département des sciences des systèmes de l’environnement, ETH Zurich

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A c t u a l i t é s

Actualités La chrysomèle des racines du maïs est un enjeu capital en Europe A Fribourg en Brisgau, des experts venus du monde entier ont débattu des problèmes de ravageurs dans les cultures de maïs.1 La lutte contre la chrysomèle des racines du maïs est l’enjeu le plus important en Europe. Cet insecte importé des Etats-Unis se propage rapidement. En Suisse, le ravageur des racines a été repéré au Tessin depuis l’an 2000. Au nord des Alpes, des mesures de rotation de culture très strictes ont permis d’empêcher jusqu’à présent l’établissement d’une population de ces insectes en Suisse. Cependant, ces dernières années, les coléoptères se sont multipliés en Bavière, au Bade-Wurtemberg et en Alsace. Par conséquent, le ravageur est aux portes du Plateau suisse, la principale zone

de culture de maïs en Suisse. Les mesures de protection des plantes envisagées comprennent non seulement l’assolement, mais aussi les insecticides au sol et le traitement des semences avec des insecticides. De gros espoirs sont mis dans le développement d’un produit biologique à base de nématodes. Le maïs Bt génétiquement modifié, qui produit une protéine agissant spécifiquement contre le coléoptère, est utilisé avec succès sur de grandes surfaces aux Etats-Unis, mais sa culture n’est pas autorisée en Europe. 24th Conference of the IOBC International Working Group on Ostrinia and other maize pests (www.iwgo.org)

1

Michael Meissle, Station de recherche Agroscope Reckenholz-Tänikon ART

Nouvelles publications Recommandations concernant la pâture pour des exploitations laitières bio

ALP actuel

Recommandations concernant la pâture pour des exploitations laitières bio Fiche technique destinée à la pratique

nº 43 | 2012

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Impressum Editeur: Agroscope Liebefeld-Posieux ALP-Haras www.agroscope.ch Rédaction: Gerhard Mangold, ALP Mise en page: RMG Design, Fribourg Impression: Tanner Druck AG, Langnau im Emmental Copyright: Reproduction autorisée sous condition d’indication de la source et de l’envoi d’une épreuve à l’éditeur. ISSN 1660-7589

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Gabriela Brändle, ART

Fredy Schori Agroscope Liebefeld-Posieux ALP-Haras Tioleyre 4 CH-1725 Posieux fredy.schori@alp.admin.ch Dans le programme SRPA (sorties régulières en plein air), obligatoire pour les exploitations laitières bio, les vaches doivent sortir au pâturage au moins 26 jours par mois durant la période de végétation. En Suisse, pays herbager, cette obligation ne pose aucun problème étant donné qu‘il y a suffisamment de surfaces de prairie et de pâture et que, grâce aux conditions météorologiques, l’herbe pousse en abondance. Une production laitière basée sur la pâture est judicieuse, car les vaches sont en mesure de valoriser l’herbe de façon efficace et elles ne sont ainsi pas en concurrence alimentaire directe avec les humains. Les systèmes de production basés sur la pâture sont économiques si l’exploitation de cette dernière est efficace, et durables, si la conduite des pâturages est bonne. En règle générale, les charges environnementales par unité de production diminuent dans le cas d’une utilisation efficace. L’exploitation des pâtu-

rages a encore un grand potentiel d’amélioration. Cette fiche technique montre comment il est possible d’utiliser plus efficacement les pâturages. Les recommandations publiées ci-dessous reposent sur des études menées depuis plusieurs années sur l’exploitation bio de la «Ferme de l’Abbaye» à Sorens et peuvent être appliquées aussi bien à des exploitations bio qu’à des exploitations conventionnelles travaillant avec des systèmes de production laitière basés sur la pâture. Cette fiche technique est subdivisée en 4 parties: • Croissance de l’herbe et besoin en surfaces de pâture • Qualité de l’herbe et complémentation en minéraux • Consommation d’herbe pâturée • La hauteur de l’herbe est décisive

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ALP actuel 43 Dans le programme SRPA (sorties régulières en plein air), obligatoire pour les exploitations laitières bio, les vaches doivent sortir au pâturage au moins 26 jours par mois durant la période de végétation. En Suisse, pays herbager, cette obligation ne pose aucun problème étant donné qu‘il y a suffisamment de surfaces de prairie et de pâture et que, grâce aux conditions météorologiques, l’herbe pousse en abondance. Une production laitière basée sur la pâture est judicieuse, car les vaches sont en mesure de valoriser l’herbe de façon efficace et elles ne

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sont ainsi pas en concurrence alimentaire directe avec les humains. Les systèmes de production basés sur la pâture sont économiques si l’exploitation de cette dernière est efficace, et durables si la conduite des pâturages est bonne. En règle générale, les charges environnementales par unité de production diminuent dans le cas d’une utilisation efficace. L’exploitation des pâturages a encore un grand potentiel d’amélioration. Cette fiche technique montre comment il est possible d’utiliser plus efficacement les pâturages. Les recommandations publiées ci-dessous reposent sur des études menées depuis plusieurs années sur l’exploitation bio de la «Ferme de l’Abbaye» à Sorens et peuvent être appliquées aussi bien à des exploitations bio qu’à des exploitations conventionnelles travaillant avec des systèmes de production laitière basés sur la pâture. Cette fiche technique est subdivisée en 4 parties: ••Croissance de l’herbe et besoin en surfaces de pâture ••Qualité de l’herbe et complémentation en minéraux ••Consommation d’herbe pâturée ••La hauteur de l’herbe est décisive Fredy Schori, Agroscope Liebefeld-Posieux ALP-Haras


A c t u a l i t é s

Rapport ART 749

Production laitière dans les exploitations de montagne et de collines en Suisse et en Autriche Comparaison de coûts

Octobre 2011

Autrices et auteurs Christian Gazzarin, Raphaela Brand, Gregor Albisser, Nicole Wettstein, Station de recherche Agroscope Reckenholz-Tänikon ART, Tänikon 1, CH–8356 Ettenhausen; Leopold Kirner, Bundesanstalt für Agrarwirtschaft, Marxergasse 2, A –1030 Wien, christian.gazzarin@art.admin.ch Octobre 2011 Impressum Edition: Station de recherche Agroscope Reckenholz-Tänikon ART, Tänikon, CH-8356 Ettenhausen, Traduction: ART Les Rapports ART paraissent environ 20 fois par an. Abonnement annuel: Fr. 60.–. Commandes d‘abonnements et de numéros particuliers: ART, Bibliothèque, 8356 Ettenhausen T +41 (0)52 368 31 31 F +41 (0)52 365 11 90 doku@art.admin.ch Downloads: www.agroscope.ch ISSN 1661-7576

Les exploitations de montagne suisses basent leur production laitière sur les herbages dans un contexte de prix qui explique en grande partie les grandes différences de coûts. Une partie non négligeable du lait suisse est exportée sous forme de fromage vers l‘UE. Or, tandis que le prix du lait se rapproche de plus en plus du niveau européen, les coûts de production restent tout aussi élevés. Dans le cadre d’un possible accord de libre-échange avec l’UE, il est donc intéressant pour la Suisse de connaître la rentabilité des exploitations de vaches laitières en région de montagne et en région de collines dans les conditions européennes. L’Autriche est le pays européen qui se rapproche le plus de la Suisse par ses structures et ses conditions naturelles. Les coûts de production des deux pays ont donc été comparés à partir de différentes sources de données (International Farm Comparison Network, études de cas). Les groupes comparés ne sont que

moyennement représentatifs de la production laitière autrichienne étant donné la sélection régionale et le management d’exploitation plutôt au-dessus de la moyenne. Toutefois, même après correction de ces effets, on constate que les exploitations autrichiennes produisent à des coûts nettement plus avantageux. Suivant les groupes, les exploitations autrichiennes produisent un kilogramme de lait avec des coûts réels de 30 à 45 % inférieurs aux coûts des exploitations suisses correspondantes. Dans cette comparaison, la différence entre le prix du lait en Autriche et en Suisse est encore de l’ordre de 9 centimes (2010). Outre le haut niveau des prix en Suisse qui se répercute sur les salaires, les terrains, les concentrés et les autres moyens de pro-

Production laitière dans les exploitations de montagne et de collines en Suisse et en Autriche

on constate que les exploitations autrichiennes produisent à des coûts nettement plus avantageux. Suivant les groupes, les exploitations autrichiennes produisent un kilogramme de lait avec des coûts réels de 30 à 45 % inférieurs aux coûts des exploitations suisses correspondantes. Dans cette comparaison, la différence entre le prix du lait en Autriche et en Suisse est encore de l’ordre de 9 centimes (2010). Outre le haut niveau des prix en Suisse qui se répercute sur les salaires, les terrains, les concentrés et les autres moyens de production, la charge de travail élevée est également responsable de la différence. De plus, les exploitations suisses affichent des coûts plus importants pour les machines et les bâtiments. Ces coûts de structure sont déterminés essentiellement par le management de l’exploitation. Des économies pourraient être réalisées en limitant au strict nécessaire les quantités d’agents de production directs, ainsi que le travail, les machines et les bâtiments. Cela veut aussi dire minimiser la quantité de fourrage conservé, améliorer le management du travail et le taux d’utilisation maximale des capacités disponibles (bâtiments, machines). Sinon, les coûts ne peuvent être réduits qu’en augmentant de manière considérable le volume de production par exploitation. Christian Gazzarin, Raphaela Brand, Gregor Albisser, Nicole Wettstein, Station de recherche Agroscope Reckenholz-Tänikon ART

Rapport ART 749 Une partie non négligeable du lait suisse est exportée sous forme de fromage vers l‘UE. Or, tandis que le prix du lait se rapproche de plus en plus du niveau européen, les coûts de production restent tout aussi élevés. Dans le cadre d’un possible accord de libre-échange avec l’UE, il est donc intéressant pour la Suisse de connaître la rentabilité des exploitations de vaches laitières en région de montagne et en région de collines dans les conditions européennes. L’Autriche est le pays européen qui se rapproche le plus de la Suisse par ses structures et ses conditions naturelles. Les coûts de production des deux pays ont donc été comparés à partir de différentes sources de données (International Farm Comparison Network, études de cas). Les groupes comparés ne sont que moyennement représentatifs de la production laitière autrichienne étant donné la sélection régionale et le management d’exploitation plutôt au-dessus de la moyenne. Toutefois, même après correction de ces effets,

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Actualités

M C oem d ime un nmi iqtut e é isl ud ne gperne s s e

www.agroscope.admin.ch/medienmitteilungen www.agroscope.admin.ch/communiques 23.02.2012 L'œil du vigneron – suivi non destructif des maturations du raisin à Agroscope par fluorescence. Se promener dans les vignes, observer le raisin et en déduire son état de maturation sans prélèvements et analyses fastidieuses: est-ce possible? De nouveaux appareils de mesure optique sont apparus ces dernières années sur le marché qui permettent de suivre en temps réel l'évolution de la maturité des raisins. Agroscope en a testé plusieurs et présente ses premières conclusions.

13.02.2012 Retournement de tendance dans les résultats du contrôle des aliments pour animaux La station de recherche Agroscope Liebefeld-Posieux ALP-Haras est mandatée pour contrôler tous les aliments pour animaux de rente et de compagnie commercialisés

AgRAR foRSchung Schweiz RecheRche AgRonomique SuiSSe

en Suisse. Elle représente ainsi le premier maillon de la sécurité dans la chaîne alimentaire. Durant l'année écoulée, ALP-Haras a prélevé et analysé 1411 échantillons. La proportion d'aliments pour animaux de rente nonconformes a diminué par rapport à l'année précédente, tandis que la situation a continué à s'améliorer en ce qui concerne le petfood.

09.02.2012 Les ravageurs se moquent du froid! Un froid extrême a régné en Suisse au mois de février. Les ravageurs allaient-ils mourir dans leur grande majorité? Nos fruits et légumes allaient-ils échapper cette année à la voracité des chenilles et des vers? La réponse des entomologistes d’Agroscope est non. Les insectes indigènes – et parmi eux les ravageurs – sont en effet bien adaptés au gel. Ce sont les conditions régnant après le repos hivernal qui seront déterminantes pour leur taux de multiplication.

Informations actuelles de la recherche pour le conseil et la pratique : Recherche Agronomique Suisse paraît 10 fois par année et informe sur les avancées en production végétale, production animale, économie agraire, techniques agricoles, denrées alimentaires, environnement et société. Recherche Agronomique Suisse est également disponible on-line sous www.rechercheagronomiquesuisse.ch Commandez un numéro gratuit! Nom / Société

Recherche Agronomique Suisse/ Agrarforschung Schweiz est une publication des stations de recherche agronomique Agroscope et de leurs partenaires. Les partenaires sont l’office fédéral de l’agriculture ofAg, la haute école des sciences agronomiques, forestières et alimentaires hAfL, AgRiDeA Lausanne & Lindau et l’ecole polytechnique fédérale de zurich eTh zürich, Département des Sciences des Systèmes de l’environnement. Agroscope est l’éditeur. cette publication paraît en allemand et en français. elle s’adresse aux scientifiques, spécialistes de la recherche et de l’industrie, enseignants, organisations de conseil et de vulgarisation, offices cantonaux et fédéraux, praticiens, politiciens et autres personnes intéressées.

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Prénom Rue/N° Code postal / Ville Profession E-Mail Date Signature Talon réponse à envoyer à : Rédaction Recherche Agronomique Suisse, Agroscope Liebefeld-Posieux ALP-haras, case postale 64, 1725 Posieux, Tél. +41 26 407 72 21, fax +41 26 407 73 00, e-mail: info@rechercheagronomiquesuisse.ch www.rechercheagronomiquesuisse.ch

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Actualités

Liens Internet

Manifestations

Infocentre plantes sauvages www.wildpflanzen.ch Les objectifs de «l'Infocentre plantes sauvages» sont d'améliorer les connaissances sur les plantes sauvages indigènes et les espèces adaptées aux exigences locales et régionales, et d'inciter leur utilisation dans les espaces verts, les parcs et les jardins. L’utilisation de la banque de données sur les plantes sauvages est gratuite.

Dans le prochain numéro Avril 2012 / Numéro 4 Selon la loi suisse sur le génie génétique, la culture des plantes génétiquement modifiées (PGM) doit s’accompagner d’un monitoring environnemental. Celui-ci devrait permettre de déceler au plus tôt les effets néfastes pouvant s’exercer sur l’environnement et de prendre les éventuelles mesures qui s’imposent. Agroscope analyse les difficultés d’un monitoring environnemental et discute les éventuelles mesures.

••Les défis à relever lors du monitoring environnemental des plantes génétiquement modifiées, Olivier Sanvido et al., ART ••L’économie alpestre en Suisse: enquêtes sur la situation et le choix des exploitations d‘estivage, Stefanie von Felten et al., WSL et ART ••Surface fourragère dans l’exploitation agricole de base – Paramètre clé de la demande d’estivage, Markus Fischer et al., WSL et ART ••Etudes de chomosomes et autres relevés sur des croisements entre équidés, Gerald Stranzinger et al., ETH Zürich ••L’importance de l’esthétique lors de la conversion au semis direct, Flurina Schneider et Stephan Rist, Université de Berne ••Motivations pour la réalisation de mesures de compensation écologique, Ingrid Jahrl et al., FiBL ••Un schéma de qualité pour l’épeautre, Geert Kleijer et al. ACW

Mars 2012 13. – 14.03.2012 18. Arbeitswissenschaftliches Kolloquium Agroscope Reckenholz-Tänikon ART Tänikon 16.03.2012 20 Jahre Integrierte Produktion im Ackerbau Agroscope Reckenholz-Tänikon ART Reckenholz, Zurich 23.03.2012 Jahrestagung der SGPW Schweizerische Gesellschaft für ­Pflanzenwissenschaften Agroscope Reckenholz-Tänikon ART Reckenholz, Zurich 29.03.2012 AGFF-Generalversammlung/Frühlingstagung Agroscope Reckenholz-Tänikon ART Landwirtschaftliches Zentrum Liebegg, Gränichen Avril 2012 13.04.2012 7. NATUR Kongress 2012 Agroscope Reckenholz-Tänikon ART Congress Center, Bâle 19.04.2012 7ème Réunion annuelle du Réseau de recherche équine en Suisse Haras national suisse HNS Avenches 27.04. – 06.05.2012 BEA/PFERD 2012 Haras national suisse HNS Berne Mai 2012 09. – 10.05.2012 Landtechnik im Alpenraum Agroscope Reckenholz-Tänikon ART Feldkrich, Autriche

Informationen: Informations: www.agroscope.admin.ch/veranstaltungen www.agroscope.admin.ch/manifestations

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Freitag, 23. März 2012, 10.15 –16.00 Uhr

Energieeffiziente Pflanzenproduktion

Jahrestagung der Schweizerischen Gesellschaft für Pflanzenbauwissenschaften SGPW

Hauptreferate • Energiebilanzen im Pflanzenbau Thomas Nemecek, Agroscope ART • Verbesserung der Energieeffizienz von Landwirt schaftsbetrieben Werner Schmid, Landesanstalt für Entwicklung der Landwirtschaft LEL, Schwäbisch-Gmünd, DE • Approches pour une économie d'énergie en cultures sous serres Céline Gilli, Agroscope ACW Posterausstellung

Kurzreferate zu diesen Themen (Referate in Deutsch) Biologische Stickstofffixierung, energieeffiziente Agrartechnik, Energiesituation im Kontext der gesamtbetrieblichen Nachhaltigkeit (RISE), Nachhaltigkeit Schweizer Zuckergewinnung, Schweizer Pflanzenbau im Kontext globaler Energieverknappung, AgroCleanTech Plattform Informationen – Gespräche – Geselligkeit Treffen der Schweizer Pflanzenbaufachleute Anmeldung bis 15.3.2012 auf http://sgpw.scnatweb.ch oder an der Tageskasse

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harasnational.ch

7ème réunion annuelle du Réseau de recherche équine en Suisse 19 avril 2012 9 h - 17 h, Théâtre du Château, Avenches -

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Journée ouverte à tout public avec exposés et posters Echange et transmission d’un savoir scientifique aux détenteurs, cavaliers, meneurs et éleveurs Thèmes: Prévention et maladies ; Elevage et génétique ; Bien-être et détention ; Définition des besoins Prix (y. c. les repas): Participants CHF 120.- (€ 100.-) Participants au cycle Equigarde® CHF 100.- (€ 85.-) Etudiants et doctorants CHF 40.- (€ 35.-) Inscription* obligatoire Schweizerische Eidgenossenschaft Confédération suisse Confederazione Svizzera Confederaziun svizra

Eidgenössisches Volkswirtschaftsdepartement EVD Département fédéral de l'économie DFE Forschungsanstalt Agroscope Liebefeld-Posieux ALP -Haras Station de recherche Agroscope Liebefeld-Posieux ALP-Haras

Siebte Jahrestagung Netzwerk Pferdeforschung Schweiz 19. April 2012 9 - 17 Uhr, Théâtre du Château, Avenches - Öffentliche Tagung mit Vorträgen und Ausstellung - Wissenschaftlicher Austausch und Wissenstransfer zu den Haltern, Reitern, Fahrern und Züchtern - Themen: Prävention und Krankheiten; Zucht und Genetik; Wohlbefinden und Haltung; Definition der Bedürfnisse - Tagungsgebühren (inkl. Verpflegung): Teilnehmer CHF 120.- (€ 100.-) CHF 100.- (€ 85.-) Equigarde®-Teilnehmer Studenten und Doktoranden CHF 40.- (€ 35.-) - Anmeldung* obligatorisch *Anmeldungen und Infos: / * Inscriptions et renseignements : Tel. 026 676 63 00 Fax: 026 676 63 04 sabine.begert@haras.admin.ch


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