INSULINE

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tures enrichies en filaments d’actine et en complexe Arp2/3, dont la formation nécessite l’activité de Cdc42 et qui sont inhibées par l’expression du domaine RhoGAP d’ARHGAP10. En conclusion, nos résultats démontrent qu’ARF1 exerce un double contrôle sur la polymérisation de l’actine au niveau de l’appareil de Golgi, positif à travers la cascade COPI/Cdc42/N-WASP/Arp2/3, et négatif en régulant l’activité de Cdc42 à travers ARHGAP10 (Figure 1). La conjonction de ces deux voies de signalisation est probablement nécessaire pour assurer la dynamique du cytosquelette d’actine au niveau de l’appareil de Golgi. Des expériences futures diront si ce cytosquelette d’actine a un rôle structurant au niveau de l’appareil de Golgi et/ou est impliqué dans la formation des vésicules de transport. ◊ ARHGAP10, a novel RhoGAP at the cross-road between ARF1 and Cdc42 pathways, regulates Arp2/3 complex and actin dynamics on Golgi membranes

RÉFÉRENCES 1. Chavrier P, Goud B. The role of ARF and rab GTPases in membrane transport. Curr Opin Cell Biol 1999 ; 11 : 466-75. 2. Donaldson JG, Jackson CL. Regulators and effectors of the ARF GTPases. Curr Opin Cell Biol 2000 ; 12 : 475-82. 3. Antonny B. Contrôle de l’assemblage des manteaux protéiques COPI par les petites protéines G Arf et Sar. Med Sci (Paris) 2002 ; 18 : 1012-6. 4. Bonifacino JS, Lippincott-Schwartz J. Coat proteins: shaping membrane transport. Nat Rev Mol Cell Biol 2003 ; 4 : 409-14. 5. Stamnes M. Regulating the actin cytoskeleton during vesicular transport. Curr Opin Cell Biol 2002 ; 14 : 428-33. 6. Carreno S, Engqvist-Goldstein AE, Zhang CX, et al. Actin dynamics coupled to clathrin-coated vesicle formation at the trans-Golgi network. J Cell Biol 2004 ; 165 : 781-8. 7. Etienne-Manneville S, Hall A. Rho GTPases in cell biology. Nature 2002 ; 420 : 629-35. 8. Qualmann B, Mellor H. Regulation of endocytic traffic by Rho GTPases. Biochem J 2003 ; 371 : 233-41. 9. Camera P, Da Silva JS, Griffiths G, et al. Citron-N is a neuronal Rho-associated protein involved in Golgi organization through actin cytoskeleton regulation. Nat Cell Biol 2003 ; 5 : 1071-8. 10. Musch A, Cohen D, Kreitzer G, Rodriguez-Boulan E. Cdc42 regulates the exit of apical and basolateral proteins from the trans-Golgi network. EMBO J 2001 ; 20 : 2171-9. 11. Luna A, Matas OB, Martinez-Menarguez JA, et al. Regulation of protein transport from the Golgi complex to the endoplasmic reticulum by CDC42 and N-WASP. Mol Biol Cell 2002 ; 13 : 866-79.

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NOUVELLE

Action et sécrétion de l’insuline Double jeu pour les canaux potassiques Pascal Ferré

> Le glucose est un des substrats énergétiques obligatoires d’un certain nombre de tissus, comme les hématies, la medulla rénale et le cerveau. Ce dernier utilise chez l’homme environ 120 g de glucose par jour. Un apport continu de glucose est donc une condition absolue de notre survie et l’organisme a développé des stratégies lui permettant de faire face au caractère discontinu des apports nutritionnels. Après le repas, le glucose arrivant en abondance est mis 694

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du glucose à partir des acides aminés contenus dans les protéines (cela permet de comprendre pourquoi le jeûne s’accompagne d’une fonte musculaire). L’insuline sécrétée au moment du repas inhibe la glycogénolyse et la gluconéogenèse, évitant ainsi un apport simultané endogène et exogène de glucose et l’hyperglycémie qui pourrait en résulter. L’insuline a donc un rôle majeur dans le maintien de l’homéostasie glucidique par ses actions directes sur le foie. Le mécanisme de sécrétion de cette hormone lorsque la glycémie s’élève fait schématiquement intervenir une augmentation de l’utilisation de glucose par

Inserm U.671, Centre de Recherches Biomedicales des Cordeliers, Université Pierre et Marie Curie, 15, rue de l’École de Médecine, 75270 Paris Cedex 06, France. pferre@bhdc.jussieu.fr

en réserve sous forme de glycogène dans les organes, en particulier dans le foie. Dans le foie et les muscles, ce processus est contrôlé par l’insuline, sécrétée en cas d’absorption glucidique. À distance des repas, le foie libère du glucose à partir du glycogène (glycogénolyse) puis si la période de jeûne se prolonge (quelques heures), le foie met en route une synthèse de novo de glucose appelée néoglucogenèse permettant de fabriquer


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de ces canaux entraînait des modifications très importantes du métabolisme glucidique hépatique chez le rat. Pocai et al. [6] ont utilisé un activateur du canal, le diazoxide délivré par voie intracérébroventriculaire ou par voie intrahypothalamique. Cela entraîne une hypoglycémie liée à une inhibition de la production hépatique de glucose et en particulier de la gluconéogenèse, un effet très semblable à celui de l’insuline administrée au niveau hypothalamique. Les effets inhibiteurs centraux de l’insuline sur la production hépatique de glucose peuvent être supprimés en utilisant une sulfonylurée bloquant le canal K+ ou chez des souris dont le gène SUR 1 a été inactivé. Les auteurs ont enfin démontré que les branches efférentes hépatiques du nerf vague étaient nécessaires à la transmission du signal insulinique du cerveau vers le foie. Le mécanisme de signalisation qui va du récepteur de

MAGAZINE

métabolisme glucidique périphérique et en particulier hépatique. En effet, une injection intra-cérébroventriculaire d’insuline diminue la production hépatique de glucose [4], alors que le blocage de la signalisation insulinique au niveau hypothalamique a l’effet inverse. Rappelons que l’hypothalamus contient, au sein de noyaux spécifiques, des neurones exerçant un effet anabolique (stimulation de la prise de nourriture, diminution de la dépense énergétique), ou catabolique (augmentation de la dépense énergétique, inhibition de la prise alimentaire). En 2000, T.S. Zheng et al. ont montré que l’insuline pouvait diminuer par hyperpolarisation l’activité d’une sous-population de neurones dans les noyaux arqués et ventromédians de l’hypothalamus, en ouvrant des canaux K+ dépendants de l’ATP [5]. Cette observation vient d’être prolongée en montrant que la modulation de l’activité

NOUVELLES

la cellule β-pancréatique, une production accrue d’ATP et une diminution du rapport ADP/ATP conduisant à la fermeture de canaux K+ ATP-dépendants (Figure 1). Cela entraîne une dépolarisation cellulaire qui permet l’ouverture de canaux Ca2+ dépendant du voltage. L’augmentation du calcium intracellulaire, de concert avec d’autres seconds messagers (AMPc), stimule la libération d’insuline. Le canal K+ pancréatique dépendant de l’ATP (Figure 1) est un hétéro-octamère formé de quatre sous-unités appelés Kir 6.2 (inwardly rectifying K+ channel), le canal ionique proprement dit et de quatre sous-unités régulatrices appelées SUR 1 (sulfonylurea receptor), de la famille des transporteurs ABC (ATP-binding cassette) [1]. C’est en se liant à ces sous-unités que les drogues de la famille des sulfonylurées (par exemple le tolbutamide ou le glibenclamide) utilisées dans le traitement du diabète de type 2 ferment le canal potassique et stimulent la sécrétion d’insuline. Inversement, le diazoxide en se liant à SUR 1 ouvre le canal potassique et inhibe la sécrétion d’insuline. Le même type de canal est également présent dans les neurones alors que des isoformes différentes de SUR (SUR 2A et B) sont présentes dans les muscles squelettiques, le muscle cardiaque et les muscles lisses [2]. Les isoformes SUR 2 ont une affinité beaucoup plus faible pour les sulfonylurées que SUR 1. On sait, depuis Claude Bernard et sa célèbre « piqûre » du plancher du 4e ventricule entraînant un diabète transitoire, que le cerveau peut contrôler l’homéostasie glucidique. Bien que l’utilisation du glucose dans le cerveau ne soit pas dépendante de l’insuline (ce qui entraînerait un fonctionnement cérébral assez chaotique puisqu’il dépendrait de l’absorption de glucides !), il a été montré que l’insuline pouvait avoir une action centrale sur le métabolisme énergétique, en diminuant la prise alimentaire et en favorisant la dépense énergétique [3]. L’insuline peut également exercer au niveau central une action sur le

Kir 6.2 Cerveau Sur 1 Canal K ATP-dépendant +

Insuline (diazoxide)

K+

K+

Nerf vague Insuline

Glucose

Glucose (sulfonylurées)

Inhibition de la production hépatique de glucose

Pancréas Foie Figure 1. Le canal K+ pancréatique dépendant de l’ATP. Le glucose absorbé au moment du repas est utilisé par la cellule β-pancréatique, ce qui conduit à la fermeture des canaux potassiques (voir les sous-unités du canal dans l’encart) et à la sécrétion d’insuline. L’effet du glucose, la fermeture des canaux K+, peut être mimé par les sulfonylurées. L’insuline inhibe, par des effets directs sur la cellule hépatique, la production de glucose. L’insuline agit aussi sur le cerveau au niveau de l’hypothalamus en entraînant dans une population de neurones l’ouverture des canaux K+. Cela déclenche un signal, relayé par le nerf vague, qui entraîne également l’inhibition de la production hépatique de glucose. L’effet de l’insuline sur l’ouverture des canaux potassiques peut être mimé par le diazoxide.

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l’insuline au canal potassique reste mal connu. Il fait probablement intervenir IRS 2, une protéine qui se lie au récepteur de l’insuline activé par la liaison de l’hormone [7]. IRS 2 est ensuite phosphorylé sur des résidus tyrosines par l’activité tyrosine kinase du récepteur et recrute alors des effecteurs intracellulaires. Un de ces effecteurs, la phosphatidylinositol-3-kinase, est également impliqué dans les effets hypothalamiques de l’insuline [6]. Toutefois, les étapes ultérieures restent inconnues. En résumé, l’élévation de glucose au moment des repas entraîne la sécrétion d’insuline qui outre ses effets directs sur le métabolisme hépatique active un circuit neuronal central inhibant la production hépatique de glucose (Figure 1). Les canaux K+ dépendants de l’ATP sont donc impliqués dans le système de régulation par l’insuline du métabolisme glucidique au niveau de la sécrétion de l’hormone mais également au niveau de son action hypoglycémiante. Plus de cinquante mutations dans l’une ou l’autre sous-unité du canal K+ dépendant de l’ATP ont été décrites chez l’homme

[1]. Elles sont responsables d’une forme récessive d’hyper-insulinisme persistant de l’enfant qui se caractérise par le découplage de l’actvité électrique de la cellule β-pancréatique et du métabolisme glucidique. On peut se demander si ces mutations ont également des conséquences sur la régulation centrale de la production hépatique de glucose et sur la sensibilité à l’insuline [8]. Il est bien sûr tentant au vu de ces informations d’utiliser une molécule « ouvrant » les canaux K+ dépendants de l’ATP (comme le diazoxide) pour diminuer la production hépatique de glucose, un des principaux responsables de l’hyperglycémie observée lors du diabète. Il faut toutefois se rappeler que ces mêmes canaux K+ doivent être fermés dans les cellules β du pancréas pour permettre la sécrétion d’insuline en réponse au glucose. Les diabétiques de type 1 sans insulinosécrétion résiduelle pourraient cependant représenter une population de patients chez laquelle on pourrait envisager d’utiliser un tel traitement pour diminuer la production hépatique de glucose sans risquer évi-

demment de détérioration de la sécrétion. On peut à l’inverse se demander si le bénéfice bien établi en terme de sécrétion d’insuline d’un traitement du diabète de type 2 par les sulfonylurées ne pourrait être en fait amoindri par une action anti-insulinique centrale. ◊ Action and secretion of insulin: a dual role for potassium channels RÉFÉRENCES 1. Aguilar-Bryan L, Bryan J, Nakazaki M. Of mice and men: K(ATP) channels and insulin secretion. Recent Prog Horm Res 2001 ; 56 : 47-68. 2. Aguilar-Bryan L, Bryan J. Molecular biology of adenosine triphosphate-sensitive potassium channels. Endocrinol Rev 1999 ; 20 : 101-35. 3. Woods SC, Lotter EC, McKay LD, Porte D Jr. Chronic intracerebroventricular infusion of insulin reduces food intake and body weight of baboons. Nature 1979 ; 282 : 503-5. 4. Obici S, Zhang BB, Karkanias G, Rossetti L. Hypothalamic insulin signaling is required for inhibition of glucose production. Nat Med 2002 ; 8 : 1376-82. 5. Spanswick D, Smith MA, Mirshamsi S, et al. Insulin activates ATP-sensitive K+ channels in hypothalamic neurons of lean, but not obese rats. Nat Neurosci 2000 ; 3 : 757-8. 6. Pocai A, Lam TK, Gutierrez-Juarez R, et al. Hypothalamic K(ATP) channels control hepatic glucose production. Nature 2005 : 434 :1026-31. 7. Choudhury AI, Heffron H, Smith MA, et al. The role of insulin receptor substrate 2 in hypothalamic and beta

NOUVELLE

Effets du PACAP et du C2céramide sur la motilité des neurones en grain du cervelet Rien ne sert de courir, il faut partir à point Anthony Falluel-Morel, David Vaudry, Nicolas Aubert, Ludovic Galas, Magalie Benard, Magali Basille, Marc Fontaine,

> Au cours du développement, les précurseurs neuronaux engendrés par les épithélia germinatifs migrent vers leur destination cible où ils se différencient et s’intègrent dans le réseau neuronal 696

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A. Falluel-Morel, D. Vaudry, N. Aubert, L. Galas, M. Benard, M. Basille, M. Fontaine, H. Vaudry, B.J. Gonzalez : Institut Fédératif de Recherches Multidisciplinaires sur les Peptides (IFRMP 23), Laboratoire de Neuroendocrinologie Cellulaire et Moléculaire, Inserm U.413, Université de Rouen, 76821 MontSaint-Aignan, France. A. Fournier : INRS-Institut Armand Frappier, Université du Québec, Pointe-Claire, H9R1G6 Canada. hubert.vaudry@univ-rouen.fr bruno.gonzales@univ-rouen.fr

[1]. Une migration anormale ou l’établissement de contacts inadéquats avec les cellules avoisinantes peut conduire à l’élimination des neurones via l’activation d’un programme de mort cellulaire [2]. Le

neuropeptide PACAP (pituitary adenylate cyclase-activating polypeptide) est connu pour exercer des effets pro-différenciateurs et anti-apoptotiques sur divers types cellulaires notamment sur les neurones


Pr Précurseurs des neurones en grain NT-3, NT SDF-1, somatostatine

CGE CM

BDNF, tPA, glutamate, astrotactine

CP CGI

somatostatine Neurones en grain

Figure 1. Trajet migratoire des cellules en grain dans le cortex cérébelleux immature. Différents facteurs décrits comme impliqués dans le contrôle de la migration des neurones en grain sont indiqués sur la droite du schéma. CGE : couche granulaire externe ; CGI : couche granulaire interne ; CM : couche moléculaire ; CP : couche des cellules de Purkinje.

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mide sur la croissance des neurites sans modifier l’initiation, suggérant que ces deux processus sont régulés par des mécanismes distincts. Les effets du C2-céramide et du PACAP sur la morphogenèse du neurone en grain ne résultent pas de modifications d’expression de l’actine ni de la tubuline [9]. En revanche, la distribution cellulaire de ces deux protéines du cytosquelette est fortement modifiée. Ainsi, le C2-céramide induit une diffusion de l’actine dans le cytoplasme et une forte dépolymérisation de la tubuline alors que le PACAP renforce nettement l’association de l’actine avec le cône d’émergence du prolongement neuritique et prévient très clairement la dépolymérisation de la tubuline. Les actions du C2-céramide et du PACAP sur la tubuline sont associées à des modifications de la protéine Tau : le C2-céramide diminue à la fois la quantité totale de Tau et son degré de phosphorylation au niveau de la sérine 195 alors que le PACAP accroît très fortement les taux de Ser195pTau. Par ailleurs, le PACAP atténue l’effet du C2-céramide sur la phosphorylation de Tau et cette action est mimée par l’acide okadaïque, un inhibiteur de la phosphatase PP2A, et le Z-VAD-FMK, un inhibiteur des caspases. Un certain nombre de facteurs tels que la somatostatine, diverses neurotrophines, ou encore le tPA (tissue plasminogen activator) sont connus pour contrôler la migration des neurones en grain à différents stades du développement du cervelet (Figure 1). Le PACAP est exprimé in situ dans les cellules de Purkinje et l’administration de PACAP à la surface du cortex cérébelleux immature induit une augmentation significative du nombre de neurones en grain dans la couche granulaire interne [12], suggérant un rôle du peptide endogène dans les processus de survie neuronale. Pour la première fois, les effets du C2-céramide et du PACAP sur la motilité des neurones en grain ont pu être visualisés et caractérisés par vidéomicroscopie [9]. Ces effets sont associés à des modifications morphologiques particulièrement marquées en ce qui concerne la croissance neuritique et à des régulations différentes des protéines du cytosquelette.

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parcourue par les neurones pendant les 12 premières heures de culture est de l’ordre de 15 µm, soit une vitesse moyenne de 20 nm par minute environ (Figure 2). L’ajout de PACAP dans le milieu d’incubation ne modifie pas le déplacement des neurones pendant les 6 premières heures mais provoque ensuite leur immobilisation. Il en résulte une diminution de la distance au point d’origine dont la valeur moyenne tombe à 8 µm (Figure 2). À l’inverse, le C2-céramide, un analogue des céramides naturels, induit une activation précoce et rapide de la motilité cellulaire. Toutefois, tel le lièvre de la fable qui « part comme un trait, broute, se repose et s’amuse » [10], les neurones exposés au C2-céramide rayonnent autour de leur position initiale, de sorte que la distance à l’origine finalement parcourue reste faible comparativement à celle des cellules non traitées (Figure 2). Cette hypermotilité cellulaire s’apparente à la « danse de la mort » qu’effectuent les neurones de la rétine en cours de dégénérescence [11]. Les effets du C2-céramide et du PACAP sur la motilité des neurones en grain sont associés à des régulations différentes de la croissance neuritique. Le C2-céramide réduit fortement la neuritogenèse en agissant à la fois sur l’initiation et sur l’élongation des prolongements cellulaires alors que le PACAP abolit l’effet inhibiteur du C2-céra-

NOUVELLES

en grain du cervelet [3, 4]. Dans le cortex cérébelleux, les cellules en grain immatures, qui sont engendrées au niveau de la couche granulaire externe, expriment de fortes concentrations de récepteurs du PACAP. Ces précurseurs migrent au travers de la couche moléculaire pour former la couche granulaire interne (Figure 1). Le PACAP pourrait donc contrôler la migration et/ou la différenciation des neurones en grain du cervelet. Comparativement aux facteurs neurotrophiques, peu d’études ont été consacrées à l’action de molécules inductrices de la mort cellulaire programmée, un processus pourtant indispensable au développement harmonieux du système nerveux [5]. Les céramides constituent une classe de messagers intracellulaires produits soit par synthèse de novo, soit à partir de l’hydrolyse des sphingolipides sous l’effet de sphingomyélinases activées par des cytokines pro-inflammatoires telles que le TNFα ou FasL [6]. Il a été montré que les céramides peuvent induire des effets pro-apoptotiques au cours du neurodéveloppement suggérant une interaction avec le neuropeptide PACAP lors de la corticogenèse du cervelet [7, 8]. L’analyse de la motilité des cellules en grain en culture révèle que ces neurones se déplacent régulièrement par nucleokinesis [9]. La distance au point d’origine

697


En conclusion, ces données indiquent que des facteurs bien caractérisés pour leurs effets anti- et pro-apoptotiques tels que le PACAP ou FasL (qui induit la production de céramides) pourraient participer au contrôle de la migration neuronale. Ils accréditent l’hypothèse selon laquelle migration et mort cellulaire programmée sont deux processus étroitement liés au cours du neurodé-

8 8h15

5h25 5

9h25 9

6 6h35

10 10h40

1. Tojima T, Ito E. Signal transduction cascades underlying de novo protein synthesis required for

Ctrl PACAP (10-7 M) C2-céramide (20 µM) C2 C2-céramide + PACAP C2

16 14 12 10 8 6 4 2 0

6h45 6

RÉFÉRENCES

11 11h50

###

4 4h15

7 7h00 Distance à l'origine (µm)

3 3h

veloppement et probablement lors de pathologies. ◊ Effects of PACAP and C2-ceramide on motility of cerebellar granule neurons: the fastest is not the farthest

0

3

6

9

12

Temps (h)

Figure 2. Effets du PACAP et du C2-céramide sur la motilité des neurones en grain immatures du cervelet. A. Microphotographies issues d’un enregistrement vidéomicroscopique illustrant la motilité et la croissance neuritique d’un neurone traité au PACAP pendant 12 heures. La barre d’échelle représente 5 µm. B. Courbes moyennes de distance à l’origine pour des neurones traités par le PACAP et/ou le C2-céramide.

neuronal morphogenesis in differentiating neurons. Prog Neurobiol 2004 ; 72 : 183-93. 2. Vaillant C, Meissirel C, Mutin M, et al. MMP-9 deficiency affects axonal outgrowth, migration, and apoptosis in the developing cerebellum. Mol Cell Neurosci 2003 ; 24 : 395-408. 3. Suh J, Lu N, Nicot A, et al. PACAP is an anti-mitogenic signal in developing cerebral cortex. Nat Neurosci 2001 ; 4 : 123-4. 4. Vaudry D, Falluel-Morel A, Leuillet S, et al. Regulators of cerebellar granule cell development act through specific signaling pathways. Science 2003 ; 300 : 1532-4. 5. Zheng TS, Hunot S, Kuida K, et al. Caspase knockouts: matters of life and death. Cell Death Differ 1999 ; 6 : 1043-53. 6. Birbes H, Luberto C, Hsu YT, et al. A mitochondrial pool of sphingomyelin is involved in TNFalpha-induced Bax translocation to mitochondria. Biochem J 2005 ; 386 : 445-51. 7. Stoffel W, Jenke B, Block B, et al. Neutral sphingomyelinase 2 (smpd3) in the control of postnatal growth and development. Proc Natl Acad Sci USA 2005 ; 102 : 4554-9. 8. Vaudry D, Falluel-Morel A, Basille M, et al. Pituitary adenylate cyclase-activating polypeptide prevents C2-ceramide-induced apoptosis of cerebellar granule cells. J Neurosci Res 2003 ; 72 : 303-16. 9. Falluel-Morel A, Vaudry D, Aubert N, et al. Pituitary adenylate cyclase-activating polypeptide prevents the effects of ceramides on migration, neurite outgrowth, and cytoskeleton remodeling. Proc Natl Acad Sci USA 2005 ; 102 : 2637-42. 10. De La Fontaine J. Les fables. Livres I-XII, 1668-1693. 11. Cellerino A, Galli-Resta L, Colombaioni L. The dynamics of neuronal death: a time-lapse study in the retina. J Neurosci 2000 ; 20 : RC92. 12. Vaudry D, Gonzalez BJ, Basille M, et al. Neurotrophic activity of pituitary adenylate cyclase-activating polypeptide on rat cerebellar cortex during development. Proc Natl Acad Sci USA 1999 ; 96 : 941520.

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L’odeur de l’autre Gilles Gheusi, Pierre-Marie Lledo

> « L’odorat, sens de l’imagination et du désir, ébranle le psychisme plus profondément que la vue et l’ouïe. Il semble plonger aux racines de la vie », constate Alain Corbin dans son histoire des odeurs Le miasme et la jonquille. L’équipe dirigée par Ivanka Savic du Département de Neurosciences à l’Institut Karolinska (Stockholm, Suède) ne verrait rien à redire aux propos d’Alain Corbin, si ce 698

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didats au statut de phéromones et présents dans les sécrétions axillaires et dans l’urine [1]. Ces composés de nature stéroïdienne, ont pour nom le 4,16-androstadiène3-one (AND, androstadiénone) et l’œstra1,3,5(10)16-tétraène-3-ol (EST). AND est un dérivé de la testostérone principalement produit dans la sueur masculine, alors que EST est un composé apparenté aux oestrogènes et présent dans l’urine des femmes. Ce travail complète une précédente étude dans laquelle la

Laboratoire Perception et mémoire olfactive, CNRS URA 2182, Institut Pasteur, 25, rue du Docteur Roux, 75724 Paris Cedex 15, France. ggheusi@pasteur.fr pmlledo@pasteur.fr

n’est de rajouter « et au cœur du cerveau ». Une récente étude réalisée par cette équipe et publiée dans les Comptes Rendus de l’Académie Nationale des États-Unis fait en effet état d’une analyse fonctionnelle des régions cérébrales, chez les homosexuels de sexe masculin, activées en réponse à des composés chimiques olfactifs can-


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principale de nombreuses propriétés mais s’en distingue aussi par un organe et des voies spécifiques. Ainsi, l’organe voméronasal et le bulbe olfactif accessoire constituent à eux deux un organe chimiosensoriel spécialisé dans la réception et le traitement des phéromones. Ces messagers de communication chimique agissent à distance de leur lieu d’origine et à très faible concentration. Ils sont à l’origine de comportements sociaux spécifiques, comme les comportements sexuels, et de modifications de l’état émotionnel chez les sujets récepteurs, et induisent des réponses physiologiques tout aussi spécifiques [4]. Ces phéromones interviennent notamment dans le choix des partenaires sexuels. Privés d’organe voméronasal, des souris mâles perdent leur intérêt pour des femelles. L’ablation de cet organe affecte également plusieurs composantes de la physiologie sexuelle des femelles de cette même espèce : l’odeur des mâles n’accélère plus la puberté des femelles immatures ; le regroupement de femelles adultes ne provoque plus la synchronisation de leur cycle ovarien ; la présence d’un mâle étranger auprès d’une femelle récemment fécondée n’interrompt plus sa gestation [5]. Autre particularité de ce système dit accessoire : sa fonction s’exerce de façon non consciente. Ainsi, des souris privées d’olfaction principale sont incapables de distinguer des odeurs d’urine auxquelles leur physiologie endocrinienne réagit pourtant de façon différentielle. C’est par analogie avec la fonction phéromonale du système olfactif accessoire, bien démontrée dans le cas des rongeurs, que l’on a cherché à déterminer le potentiel fonctionnel de l’organe voméronasal humain en tant que point de départ périphérique des modalités d’action de différentes phéromones. Cependant, force est de constater que les travaux anatomiques, génomiques, protéomiques ou encore électrophysiologiques sur l’organe voméronasal chez l’homme adulte offre aujourd’hui encore peu

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les auxquelles elles sont associées et qu’il ne saurait en être autrement pour nos orientations sexuelles. Le travail de I. Savic et de ses collaborateurs ne manquera pas de relancer deux débats récurrents : la question des phéromones humaines et le déterminisme de l’homosexualité. Si le premier est au cœur de l’étude, le second ne serait qu’un prolongement de sa discussion de la part de ceux qui souhaitent encore discuter du déterminisme génétique ou culturel des comportements, que ce soit chez l’homme ou chez l’animal. À ceux qui verront dans les réponses cérébrales mesurées, parce que biologiques, la démonstration d’une orientation sexuelle programmée génétiquement, ou hormonalement instruite, d’autres ne tarderont pas à invoquer l’influence déterminante de l’expérience sexuelle des sujets participants à l’étude dans la construction fonctionnelle et l’activation spécifique des noyaux hypothalamiques impliqués. Souhaitons qu’ils permettront que soient également entendus ceux qui jugent le débat, mené ainsi, obsolète et faisant fi du déterminisme probabiliste des phénotypes comportementaux [3]. Mais rappelons-le, l’étude de I. Savic et al. n’offre à aucun moment les objectifs et les moyens de poser le problème de l’origine des orientations sexuelles. Cette étude s’inscrit dans le cadre des recherches sur le caractère phéromonal des productions apocrines, sébacées et urinaires chez l’homme et chez la femme, rappelant le statut phéromonal potentiel des composés AND et EST. Mais disposer de signaux chimiques d’origine corporelle identifiés et d’une cible primaire hypothalamique en appelle à spécifier deux conditions supplémentaires généralement nécessaires pour désigner comme phéromonale l’information olfactive en question : le lieu de réception du signal et ses conséquences physiologiques et comportementales. L’olfaction proprement dite se double, chez de nombreuses espèces de mammnifères, d’une sensorialité chimique qui partage avec l’olfaction

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même équipe avait pris soin de décrire, par des mesures obtenues également par tomographie par émission de positons, la spécificité des réponses cérébrales des hommes et des femmes à ces mêmes composés olfactifs [2]. Alors qu’une exposition à AND active l’aire préoptique et le noyau ventromédian chez les femmes hétérosexuelles, le même composé sollicite simplement les régions olfactives chez les hommes hétérosexuels. À l’inverse, l’exposition à EST engage principalement les noyaux paraventriculaire et dorsomédian chez les hommes hétérosexuels, alors que le même stimulus met en jeu, ici encore, les régions dédiées au traitement des informations olfactives chez les femmes hétérosexuelles. Plus que la démonstration d’un dimorphisme sexuel dans les réponses cérébrales à des composés chimiques, ce furent la nature hypothalamique des régions impliquées et l’origine corporelle des composés chimiques utilisés qui relancèrent le débat sur l’existence et le potentiel fonctionnel des phéromones dans le genre humain. Dans leur dernier travail, Savic et son équipe ont conduit leur logique expérimentale un peu plus en avant en examinant les réponses cérébrales de 12 homosexuels soumis à l’exposition des mêmes composés AND et EST suspectés d’activité phéromonale. Les résultats obtenus montrent que les cartes d’activation des cerveaux des homosexuels s’accordent avec leur orientation sexuelle et non avec leur sexe biologique : au même titre que l’aire préoptique et le noyau ventromédian des femmes hétérosexuelles, ces mêmes régions affichent chez les homosexuels une augmentation significative d’activité en réponse à l’exposition de AND, alors qu’ici encore la présentation de EST n’est majoritairement suivie que par l’activation des régions qui regroupent le « cerveau olfactif ». Fallait-il encore le rappeler, l’ensemble de ces travaux confirment que nos phénotypes comportementaux trouvent leur équivalent fonctionnel au sein même de l’organisation des structures cérébra-

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d’arguments persuasifs aux yeux des spécialistes pour attribuer à cette structure un véritable statut fonctionnel [6-9]. En revanche, l’organe sensoriel de l’odorat – l’épithélium olfactif – pourrait outre des molécules proprement olfactives, reconnaître les phéromones [10]. En regard des nombreux questionnements que suscitent l’existence et le fonctionnement de l’organe voméronasal chez l’homme, la récente étude de I. Savic et al., si elle confirme l’idée d’une communication chimique entre sujets humains dans le cadre de leurs orientations sexuelles, ne permet toujours pas de spécifier quel système sensoriel et quel chemin emprunté sont responsables de la détection de ces phéromones présomptives et de l’activation des régions hypothalamiques en question. Les réponses comportementales des sujets sont également appelées à différer selon le genre et l’orientation sexuelle des sujets comme semble le préciser une étude également récente

du groupe de C.J. Wysocki [11]. Enfin, il reste encore à s’interroger sur la pertinence physiologique des effets observés dans l’activation des régions hypothalamiques des sujets utilisés dans l’étude de I. Savic et al. En effet, l’utilisation des échantillons de AND et EST en concentration pure nécessite d’apprécier à l’avenir l’existence d’effets comparables à des concentrations physiologiques. Les structures héritées d’un lointain passé de vertébré font de l’homme un être sensible à l’autre. Les messages olfactifs pourraient ainsi donc parfois participer à son insu à cette construction interne de l’être désiré, mais toujours au milieu d’un flux d’informations dont la nature, les interactions et les effets demeurent depuis toujours beaucoup plus mystérieux, quelles que soient nos orientations sexuelles, que le rôle supposé de l’organe voméronasal et des phéromones que celui-ci conduirait jusqu’au cœur de notre cerveau. ◊ Brain response to putative pheromones in homosexual men

RÉFÉRENCES 1. Savic I, Berglund H, Lindström P. Brain response to putative pheromones in homosexual men. Proc Natl Acad Sci USA 2005 ; 102 : 7356-61. 2. Savic I, Berglund H, Gulyas B, Roland P. Smelling of odorous sex hormone-like compounds causes sexdifferentiated hypothalamic activations in humans. Neuron 2001; 31: 661-8. 3. Gottlieb G. Synthesizing nature-nurture. Prenatal roots of instinctive behaviour. Mahwah, New Jersey : Lawrence Erlbaum Associates Publishers, 1997. 4. Wysocki C, Preti G. Facts, fallacies, fears, and frustrations with human pheromones. Anat Rec 2004 ; 218A : 1201-11. 5. Halpern M, Martinez-Marcos A. Structure and function of the vomeronasal system: an update. Prog Neurobiol 2003 ; 70 : 245-318. 6. Trotier D, Eloit C, Wassef M, et al. The vomeronasal cavity in adult humans. Chem Senses 2000 ; 25 : 369-80. 7. Meisami E, Bhatnagar KP. Structure and diversity in mammalian accessory olfactory bulb. Microsc Res Tech 1998 ; 43 : 476-99. 8. Liman E, Innan H. Relaxed selective pressure on an essential component of pheromone transduction in primate evolution. Proc Natl Acad Sci USA 2003 ; 100 : 3328-32. 9. Boehm N, Roos J, Gasser B. Luteinizing hormone-releasing hormone (LHRH)-expressing cells in the nasal septum of human fetuses. Brain Res Dev Brain Res 1994 ; 82 : 17580. 10. Rodriguez I, Greer CA, Mok MY, Mombaerts P. A putative pheromone receptor gene expressed in human olfactory mucosa. Nat Genet 2000 ; 26 : 18-9. 11. Martins Y, Preti G, Crabtree CR, Wysocki CJ. Preference for human body odors is influenced by gender and sexual orientation. Psychol Sci 2005 (sous presse).

NOUVELLE

Les stratagèmes du Plasmodium pour se protéger dans l’organisme qu’il envahit Dominique Labie

> Le paludisme à Plasmodium falciparum reste une cause majeure de morbidité et de mortalité : 300 millions de malades, 2 à 3 millions de décès chaque année. On sait que la virulence est liée à l’adhérence de globules rouges parasités à l’endothélium et entre eux, pour former des rosettes. Cette adhérence est le fait de la protéine de surface PfEMP1 (Plasmodium falciparum erythrocyte membrane pro700

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lée au niveau de l’initiation de transcription et un mécanisme épigénétique a été évoqué dans cette régulation. Ce phénomène permet une « évasion immunitaire » permanente qui est le problème majeur de toute stratégie vaccinale [4]. Les gènes var ont, à plus de 80 %, une localisation subtélomérique. Ils sont séparés du télomère par des séquences répétitives (rep20 ou TARE) en nombre variable (1 à 6) et il y a à leur proximité immédiate d’autres familles multigéniques (rif, stevor, Pf60) (Figures 1 et 2). Quelques gènes var, cependant, ont des localisations internes.

Département de génétique, développement et pathologie moléculaire, Institut Cochin, 24, rue du Faubourg Saint-Jacques, 75014 Paris, France. labie@cochin.inserm.fr

tein-1), codée par les gènes de la famille var, qui est aussi un facteur de virulence. Environ 60 gènes var répartis sur les 14 chromosomes du Plasmodium n’expriment jamais qu’une seule protéine par un système de commutation mutuellement exclusive [1-3]. Cette commutation peut atteindre une fréquence de 2 % par génération. Elle a lieu in situ au stade précoce d’anneaux, elle est apparemment contrô-


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(parasites ∆sir2) en même temps qu’il y a modification de la chromatine et repositionnement dans un site permissif. Le phénomène d’extinction est donc réversible par un mécanisme épigénétique et s’accompagne d’une localisation nucléaire différente, les gènes transcrits n’occupant pas la même position périnucléaire que les gènes éteints. Une recherche complémentaire, dont les résultats paraissent dans le même numéro de Cell, a été menée par les chercheurs de l’Institut Pasteur et a précisé comment agissent les facteurs épigénétiques qui contrôlent l’expression des gènes var qui sont situés respectivement entre 20 et 50 kb du télomère [9]. Les auteurs individualisent deux facteurs dans la régulation de l’activation ou de l'extinction des gènes : d’une part, une structure d’hétérochromatine, liée à la présence de PfSir2, se propage à partir du télomère ; d’autre part, la réversibilité de l’extinction des gènes est bien liée à l’acétylation des histones. Quand un gène var spécifique est activé, PfSir2 est détaché de la région promotrice du gène, et il y a acétylation des histones. On a observé aussi que des gènes var éteints peuvent être réactivés et transcrits quand on les soustrait de leur contexte chromosomique et qu’on les place sur des épisomes transfectés. En même temps que l’extinction d’un gène sur un chromosome, on constate la diffusion d’une structure hétérochromatique condensée qui part du télomère,

MAGAZINE

de ces sous-groupes. Ils font l’hypothèse selon laquelle des différences de structure pourraient refléter une diversification fonctionnelle. Les mêmes auteurs ont ensuite mis en évidence l’utilisation préférentielle de gènes télomériques du groupe A dans les formes graves de paludisme chez l’enfant [7]. C’est dans ce contexte que vient de paraître une série d’articles qui sont une avancée importante dans la compréhension du mécanisme de régulation des gènes var subtélomériques et de la transcription mutuellement exclusive qui s’effectue in situ. Un travail coopératif, coordonné à Melbourne (Australie), a procédé par comparaison avec des observations faites sur la levure [8]. Chez cet eucaryote, on a montré que, dans l’extinction de deux locus HMR et HML, de localisation télomérique, la protéine SIR2 (silent information regulator 2) joue un rôle majeur par désacétylation des histones. Or une protéine homologue, PfSir2, existe chez le Plasmodium. Les auteurs on procédé en insérant entre le télomère et var, dans la région TARE6 du chromosome 3, un transgène hDHFR (dihydrofolate réductase) (Figure 3). Dans cette région subtélomérique, le transgène n’est pas exprimé et se présente donc comme soumis à un contrôle hétérochromatique de même que les gènes var endogènes et le gène rifin. Le rôle de PfSir2 est mis en évidence par le fait que les gènes éteints sont réactivés par interruption de PfSir2

NOUVELLES

Une recherche intense est menée dans de nombreux laboratoires, dont une partie importante à l’Institut Pasteur (Paris, France) par l’équipe que dirige Arthur Scherf. On a montré que les télomères, à proximité desquels sont la majorité des gènes var, s’agglomèrent en 4 à 7 groupes (clusters) à la périphérie du noyau, ce qui pourrait faciliter des recombinaisons ectopiques. Une régulation au niveau de la chromatine a été envisagée qui expliquerait l’extinction d’un gène avec l’activation de l’expression d’un autre gène var [5]. Par ailleurs, une recherche menée au Danemark, opérant par des analyses de séquences, a mis en évidence l’existence de sous-groupes de gènes var [6]. Les auteurs décrivent trois sous-groupes (A, B, et C) qui se distinguent par leur localisation chromosomique, la direction de transcription, et la structure en domaines de la protéine codée. Le groupe C, en particulier, comporte les gènes var centromériques. Des différences de structure entre les groupes de gènes var se retrouvent au niveau des domaines DBL (duffy binding like) et CIDR (cysteine-rich inter-domain). Les auteurs montrent que les recombinaisons ont lieu préférentiellement à l’intérieur d’un

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Plasmodium falciparum Région télomérique

Figure 1. Organisation des chromosomes de P. falciparum étudiée par FISH. Il a été établi que les télomères se localisent à la périphérie du noyau et on a constaté une certaine condensation à proximité des télomères. Deux modèles d’organisation de la chromatine sont proposés qui expliqueraient cette condensation : hétérochromatine ou formation de boucles. Les télomères, fixés à la périphérie du noyau, sont représentés en rouge (d’après [9]).

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Vers le centromère

GGGTT(T/C)A var TARE 1-6 Autres familles de gènes

Figure 2. Organisation des gènes à l’extrémité télomérique des chromosomes du Plasmodium. Cette organisation montre d’une part la zone TARE 1-6 (ou Rep20) entre var et le télomère, et, d’autre part, les gènes situés à proximité immédiate de var (rif, stevor, Pf60) (voir texte).

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s’étend plus ou moins loin sur les régions codantes et s’accompagne d’une désacétylation des promoteurs. Par comparaison avec la levure, on note cependant une différence. Chez la levure, l’effet d’extinction du télomère ne s’étend que sur environ 3 kb alors que, chez le Plasmodium, elle est de l’ordre de 55 kb, atteignant les régions codantes de var et du gène voisin rifin. On constate, sur toute cette longueur du chromosome, un gradient de structure d’hétérochromatine et d’hypoacétylation des histones. La transcription mutuellement exclusive des gènes est donc liée à un remodelage dynamique de la chromatine. Un dernier article, enfin, a montré que la variation antigénique du Plasmodium s’accompagne d’un déplacement dans la localisation nucléaire [10]. Les gènes, à l’état réprimé, sont positionnés à la périphérie du noyau. L’examen

de cette zone périphérique du noyau du Plasmodium montre une chromatine condensée dans laquelle on observe quelques brèches de chromatine non condensée. Lors de son activation, la région télomérique où se trouve le gène var se détache du cluster aggloméré dont il faisait partie, il reste à la périphérie, mais est déplacé vers des sites distincts, confirmant ainsi qu’il existe dans les zones périnucléaires des régions permissives pour la transcription (Figure 3). Comme toujours, une telle série de résultats très informatifs laisse des questions ouvertes [11]. Quel est l’élément initiateur de tous ces processus ? Comment sont contrôlés les gènes var qui ne sont pas localisés à proximité des télomères ? Pourquoi, comment l’activation est-elle limitée à un seul gène ? Quels seraient les facteurs d’un contrôle additionnel ?

Chr3L silencieux

Chr 3L actif

Ch

r3L

Sélection +WR Terminaison active ou cluster

Chr3L actif

Rep20 Cassette BSD Cassette hDHFR Gènes variants

Figure 3. Modèle proposé pour expliquer l’extinction ou l’activation de gènes subtélomériques et leur repositionnement dans le noyau. À l’extrémité du chromosome 3, un transgène hDHFR est inséré dans une région hétérochromatique, entre le gène var et le télomère, et n’est donc pas exprimé. Par ailleurs, un plasmide (BSD) est fixé à la région Rep20 d’un autre chromosome. Son activité transcriptionnelle montre qu’il est situé dans une zone différente de celle du gène silencieux. Une sélection par un antifolate, WR, active la transcription de hDHFR, dont le promoteur se trouve alors dans une conformation ouverte. L’extrémité du chromosome 3 activée se serait délocalisée de la région hétérochromatique dont il faisait partie pour se colocaliser avec le plasmide épisomique dans un compartiment du noyau transcriptionnellement compétent (d’après [8]).

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Il reste donc encore à résoudre de multiples problèmes. ◊ Plasmodium’s stratagems to be protected in the invaded organisms RÉFÉRENCES 1. Chen Q, Fernandez V, Sundström A, et al. Developmental selection of var gene expression in Plasmodium falciparum. Nature 1998 ; 394 : 392-5. 2. Scherf A, Hernandez-Rivas R, Buffet P, et al. Antigenic variation in malaria : in situ switching, relaxed and mutually exclusive transcription of var genes during intra-erythrocytic development in Plasmodium falciparum. EMBO J 1998 ; 17 : 5418-26. 3. Deitsch KW, Del Pinal A, Wellems TE. Intra-cluster recombination and var transcription switches in the antigenic variation of Plasmodium falciparum. Mol Biochem Parasitol 1999 ; 101 : 107-16. 4. Kyes S, Horrocks P, Newbold C. Antigenic variation at the infected red cell surface in malaria. Ann Rev Microbiol 2001 ; 55 : 673-707. 5. Scherf A, Figueiredo LM, Freitas-Junior LH. Plasmodium telomeres : a pathogen’s perspective. Curr Opin Microbiol 2003 ; 4 : 409-14. 6. Lavstsen T, Salanti A, Jensen ATR, et al. Sub-grouping of Plasmodium falciparum 3D7 var genes based on sequence analysis of coding and non-coding regions. Malaria J 2003 ; 2 : 27. 7. Jensen ATR, Magistrado P, Sharp S, et al. Plasmodium falciparu associated with severe childhood malaria preferentially expresses PfEMP4 encoded by group A var genes. J Exp Med 2004 ; 199 : 1179-90. 8. Duraisingh MT, Viss TS, Marty AJ, et al. Heterochromatin silencing and locus repositioning linked to regulatiion of virulence genes in Plasmodium falciparum. Cell 2005 ; 121 : 13-24. 9. Freitas-Junior LH, Hernandez-Rivas R, Ralph SA, et al. Telomeric heterochromatin propagation and histone acetylation control mutually exclusive expression of antigenic variation genes in malaria parasites. Cell 2005 ; 121 : 25-36. 10. Ralph SA, Scheidig-Benatar C, Scherf A. Antigenic variation in Plasmodium falciparum is associated with movement of var loci between subnuclear locations. Proc Natl Acad Sci USA 2005 ; 102 : 5414-9. 11. Deitsch KW. Malaria virulence genes : controlling expression through chromatin modification. Cell 2005 ; 121 : 1-2.


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