Hisfoire des Arts XfXème siècle
HI5TOIRE DEs ART5 XIXàME sIÈCLE LA PHOTOGRAPHIE ET LE CINÉMATOGR APHE, ré.EI
OU iIIUSiON ?
Le XfXème siècle se coractérise por de nombreuses innovqtions lechniques gui vont profondément modif ier les protiques ortistiques et le regard porté sur le monde gui nous entoure. Les deux gronds opports de ce siècle sont indénioblement lo photographie inventée en1839 et le cinématogrophe né en 1895. fl n'est pos question ici de foire un historique de ces deux innovoTions majeures relotives à lo question del'rmage mois de les guestionner dons leurs enjeux
et leurs spécificités.
En effeI, penser à lq photographie ou ou cinémotogrophe, c'est envisager deux technigues d'enregislrement du réel ovec tout ce gu'elles peuvent ovoir d'obj ectivité., voire de neutrolité. Or, il est porodoxol de constoter que ces techniques d'enregistrement du réel ont, dès leur invention, étoient souvent mises qu service de lo mise en scène, de l'ortifice, de la théôtrolisotion et de l'illusion olors que c'est du côté de lo réalité et de son immédioteté Tongibla gue nous serions enclins à les oppréhender a priori. Voyons donc en guoi ces deux techniques onT orticulé leréel et l'illusion. 5i lo photographie a cette capacité nouvelle, por ropport à lo peinture, de soisir loréalifé. et lq vie dons leurs monifestotions les plus guotidiennes ovec objectivité, il opporoît que dàs ses débuts , elle a été ulilisé.e pour f ixer des scànes construites de touTes pièces. Loin donc d'ètre un moyen d'enregislrer lo réalité de moniàre f acluelle et documentoire, elle a été placée sous l'égide de l'illusion, héritée de la trodition picturole, dons l'idée de r,épondre ou goût de l'épogue du trovestissement et de la théôtrolisotion. C'esl essentiellement la photogrophie victorrenne, de 1840 à 1880, qui o mis en lumière cefle tendonce avec des photogrophes comme Julio Morgoret CAMERON (1815-1879), Oscor Gustove REJLANDER (1813-1875), Henry PEACH ROBINSON (1830-1901) ou encore Lewis CARROLL (1832-1898, Charles Lutwidge Dodgson dit). Sous l'influence de modèles picturoux, ces photographes et d'outres encoîe, entreprennent de mettre en scène des sujets littéroires , religieux, historiques ou de genre. Leurs photogrophies opparoissent comme de véritables compositions ortistigues , largemenl ancrées dqns lo protigue des tableoux vivonts, des chorodes mimées ef du théôtre omateur très en vogue dons les fomilles de lo noblesse et de lo bourgeoisie.
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0.6. REJLANDER, Les deux façons de vivre,L857, éprzuve à l'olbumine ar gentique, 40,9 x7 6,8, Moderno Museet, Sf oc kho I m
Roger FENTON (1919-1869), Zouave, Z'" division, 1855, épreuve sur popier salé, LA County Museum of
Art, LA Anne Dumonteil
et
AlinePalau-Gazé,Service Educatif du Musée Fabre,2OTO
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Histoire des Arts XfXème siècle
Cesfontoisiesphologrophiguestémoignent dugoût del'époquevictoriennepourlqnorrotionetlafiction, au correfour du monde médiéval des légendes arThuriennes et de l'univers de Wolter SCOTT ou de Williom SHAKESPEARE et de lo peinfure. Celo troduiT oussi le goût pour le déguisement et le trovestissement gui permettoil d'âTre, le temps d'une mise en scène photogrophique, un aufre ou sens large, un outre d'oilleurs ou d'une outre condition sociole. L'Albun de l4ar Lodge montre gue lo fomille royole oussi se prâtoit volontiers à cette mise en scène de soi. Au-delà de ces mises en scène, il esI rntéressont de se pencher sur les orfif ices gui ne résultent pos de décors et de d'éguisements mois de monipulotions foites à lo prise devue ou ovec les négatifs. Ainsi, une des photogrophies les plus célèbres de cette p,âriode, The Two ways of life de O.G. REJLANDER, ocquise por Victoria pour son époux le Prince Albert, est lo combinoison de trente négotifs différents donnant lieu à une seule ef même imoge.
Cefie opproche de collage témoigne de vérilables tours de force techniques récurrents à cette époque gui sont à l'origine d'un débot sur lo noture ortisTigue de lo photographie. En effet, avec ces photogrophies de grondes dimensions, utilisont porfois le photomontage ef le ftucage, nous sommes là bien loin d'une protigue d'enregistrement du réel immédiat et quotidian. fj
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0.6. REJLANDER, Temps durs,186O, épreuve
à
l'olbumina argenfique, George EosTman house,
Rochester
Fontoisie et f éerie se côToient dons ces images produites por des professionnels, souvent peintres de formotion, ou pqr des qmoteurs éclairés comme pouvoit l'ê'fre Lewis CARROLL gui pouvoit retrouver pcr ce médium uneimogerie construi'lede toutes piàces gui n'étoit pos sons rappeler son univers littéraire. Ce goût pour la merveilleux, que portogent orislocrotes et ononymes dons cette nouvelle protique de I'image,lrouve son apogée dons le trovoil de Julio Morgaret CAMERON, en porticulier dans les années 1864-1875, avec ses modones à l'enfont et ses anges, ses bourgeois de Colois el ses personnoges shokespeoriens tràs influencés por lo peinture préraphaélite ongloisa. Ses illustrotions photogrophiques éIaient conçues pour ressembler oux peintures à l'huile issues de ce mouvement gui cherchoiT à retrouver lapureté des primitifs itoliens. L'intemporslîté de ses mises en scànes sophistiquées, gui rompt ovec un réolisme photogrophigue de plus en plus présent dons cetle décennie, se cristollise pleinement dons so série photogrophique , réolisée en atelier en 7874-7875, illustront Les fdy/les du roi de son omi Alfred TENNySON (1809-189?) qui est un recueil de poèmes sur les légendes orthuriennes.
Anne Dumonteil et Aline Palau-Gozé,5ervice Educsiif du Musée Fabre, 2010
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A gouche, Lewis CARROLL, Saint âeorge ef le dragon, 1875, épreuve à l'olbumine
argenlique, tl,6xL4,8, Metropolitan museum of ort, Ny
A droite, Julio Morgoret CAMERON, êarefh ef Lynefte, 787 4, épreuve à l'olbumine argentique,
34,8x25,9
Il nous est permis de penser que le réalisme et la conf ormilé de ces mises en scène photogrophigues
ou
siàcle gui les o vues noître, se situent dans lo trqduction des goûts de |êpoque : celui de l'exotisme et de l'orientalisme, et plus lorgement des voyoges, celui pour le théâtre et le décor, celui pour lo littéroture et enfin celui pour les innovofions technigues. Ces engouernents multiples se monifeslent dons l'émergence de proTigues d'ortistes qui commencent à ètre décloisonn'é,es el protéiformes. L'exemple de Lewis CARROLL, écrivain et photogrophe, est significotif. fl o d'ailleurs lo cloirvoyonce de ce qui sero plus tord la spectocle cinématogrophigue puisqu'il écrit en 1856 dons son journal " Je pense que ce seroit une bonne îdée que de faire peindre sur les plogues d'une lonTerne mogigueles personnages d'une pièce dethéôIre que l'on pourroiT lire à houfe voix : une espèce de spectocle de morionnettes".
Avont de clore ceps?sgraphe sur la photogrophie victorienne commevecteur d'illusion et de fontqisie, il convient d'évoquer une oufre de ses richesses : lo protigue essentiellement f éminine gui consiste en lo réolisotion d'olbums. Mêlont le réel eT l'ortif ice, ils anficulent des frogments de photogrophies détourés et lo protique de l'aguorelle.
Ces olbums créés dons les années 1860 montrent, su fil de leurs pages, des photomontoges (ou photocolloges) empreints, pour certoins, de réolisme el, pour d'ouTres, de merveilleux. Cette pratigue négligée et oubliée de jeu avec les imoges constitue un témoignsge sw les loisirs des f emmes aisêes de ceTle époque et sur une photogrophie qui devenoit de plus en plus occessible et quotidienne.
Anne Dumonteil
et Aline
Palau-Gazé, Service
Educotif du Musée Fabre,?O7O
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L'exposition Playing wifh Pictures: The Arf of Vicforian Phofocol/age lui est d'oilleurs consacrée en cefte année 2010 à l'Arf fnsTitute de Chicago, exposition qui voyagerq ensuite à New York et à Toronto. CeT évènement permeT d'exhumer ou, à tout le moins, de mettre ou jour un phénomène de soci'été qui étoit touf à fait novateur en ce qu'il orticulait deux pratigues de I'imoge, entre présenlotion et représenlotion, enlre objectivité du rëel et fontoisie, tout en fqisont êmerger lo notion de dêcoratif. Il est tràs certainement question d'une vroie monifestotion de lo modernilé dons cette protigue féminine, avec ses hybridotions, ses ruptures d'échelle, ses imoges surréalistes ovont I'heure tqnTôt teintées
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d'humour ou de subversion.
Les auteurs ne sonT pas toujours identifiés et identif iobles mqis gu'importe I C'est le témoignage
d'une époque et des pensées
f éminines
portiellemenT dévoilées dons ces monipulotions d'imoges gui prime oinsi gue l'innovotion gue la réolisotion de ces olbums proposoit. Elisobeth PLEyDELL-BOUVERIE (?-1889), 1872-77, collection George Eostmon House, Rochester
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Georgina BERKELEy (1831-1919), psge de I'Album Berkeley, 1867-7L, colloge, aquorelle et tiroges à l'
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Constonce SACKVILLE-WEST (1846-1929), page de I' Album Sackville-14/esf , 1867-73, George Eostmon House, Rochester
olbumine, Musée d' Orsoy
Après ovoir envisagélo phofogrophie dons ses mûnifesïofions théâtralisées, illusionnistes eT norrotives, nous ollons voir en guoi elle répond oussi à sa spécificité technigue de restitution du rêel, "puisqu'elle Anne Dumonteil
et
Aline P alau-Gazé, Service Educotif du Musée F abre,
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loufes les goronties désirqbles d'exoctitude" pour reprendrele mof de Charles BAUDELAIRE (1821-1867), de son Salon de 1859. Le domoine gui sero essentiellernent obordé sera celui de lo noissonce du portroit photogrophique eT del'idée d'identilé. nous donne
5i des photogrophes comme Roger FENTON, Hippolyte BAyARD (1801-1887) ou encore Oscor Gustove REJLANDER se mettent en scàne dons leur trovoil de l'imoge, ce n'esf pos pour donner à voir la réalité de ce gu'ils sont mois pour jouer un personnage l'inslont de lq prise photogrophigue, un zouove pour le premier, un noyé pour le deuxième ou un soldot pour le dernier. fl n'est pos guestion d'un propos sur I'identité propre mois sur lo mise en scène de soi dons un rôle identifioble ou reconnoissoble. C'esl le personnoge gui prime et non la personne dans ces scênettes plus ou moins complexes sur le plon du décor, du déguisement ou de lo composition. L'artifice est plus ou moins mosqué mois ce qui en ressort c'est le sentimenT de nqrrotion photogrophigue enhen ovec un récit de fiction.
Mois ou moment où lo mise en scàne de soi comme personnoge est courante dons les proTiques photogrophiques sont également conçues des images composées et fobriquées inté.gront lq guestion de l'identité, de la personne nommée et reconnoissoble immédiotement. Lo trodition du portroit picturol historié se perpétue donc ou moyen de l'enregistrement photogrophigue. Une diff érence importonte est toutefois à relever : les modèles posent rorement hobillés en figures mythologigues ou en héros préf érant jouer des rôles nouveoux liés oux horizons ouverts ou démocrotisés ou XfXème siècle ou oux goûts de cetTe époque. Ainsi, I'orient et le voyage sont souvent convogués avec des éléments de décor tels gue des malles, des meubles volonts en cannage, des costumes ou accessoires exotiques olors en vogue, de mâme que les personnoges contemporoins ou les rôles particulièrement appréciés en ce temps.
Wqrren THOMPSON se portroiture en artiste, en penseur ou encore en arabe olors gue Oscor Gustove REJLANDER se donne à voir en Goribaldi. Loin d'être un portrait (ou outoportroit) tel gue nous l'entendons a priori, chague image photogrophique est une vroie mise en scène de la personne où ledécor et le costume sont toujours porticulièrement soigné.s ofin de viser lo vroisemblonce et de témoigner d'une certoine outhenticité. fl s'ogit donc de porfrait de fanfaisie et de f iction où l'identité a so ploce mois où elle ne se suffit pos à elle-mâme dons lo réolité physique et quotidienne du visoga et du corps. Roppelons-le, une f ois encore,le goût du décor et du fravestissement étoit très morgué en ces temps où l'on apprécioil le théâtre, de ses formes les plus nobles à ses manifesTations les plus populoires, lo littéroture et les contes ou encore l'orientolisme. Lo photogrophie, dans cette protique artifbialisée du portroit, opparaît comme un substilut de lo peinture puisgu'elle opère dons un registre illusionniste, et non quotidien el immédiot. Nous nous situons là dqns un entre-deux du rëel et de I'illusion.
Anne Dumonteil
et Aline
Palau-Gazé, Service
Educatif du Musée Fabre,2OlO
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Histoire des Arts XIXème siècle
en
Lewis CARROLL, Lorina ef Alice Liddell chinois, 1859 , tiragz à l'olbumine argentique
Lewis CARROLL, Xie Kifchin, L874,tirage à l'olbumine argentigue Kifchin,LST4,tirage
Au-delà de ces goûts portogés au XfXàme , c'es'f oussi une sociologie de lo photo graphie gui se dessine en regard de lo production de portroits. Roppelons d'obord que lo photogrophie demande, à ses débuts et Pour des décennies, un temps depose gui esf loin de l'immédiateléque nous connoissons. Voilà peut-être un des ,éléments gui expliguent lo guestion de l'ottitude et du décor dons les protigues photogrophiques. Mois celo ne souroit suffire. Observer les portroifs photogrophigues du XIXème siècle, c'est faire le constot d'un ort de lo posture et de la mise en scène où lo personne joue toujours, peu ou prou, un rôle ou s'affirme dons son rong sociol, so puissonce ou sa renommée.
Ainsi, gu'il s'ogisse de personnolités, hommes de pouvoir ou comédiennes, ou non, Ie portroit témoigne d'une fonction ou d'une guolité, ces dernières se monifestant ou trovers d'éléments de décor et d'une mise en scène rigoureuse et soignée. Chaque détoil est pensé dons ce trovoil réalisé presgue exclusivemen'f en studio : composition de I'imoge, éléments mis en æuvre, lumière. Les éléments constitutifs de ces décors sont principolement des meubles, des rideoux ou une toile de fond gui théôlrolisent zt encodrent l'ensemble, des élémenls orchitectoniques comme des colonnes gui structurent l'espoce et véhiculent l'idée de pouvoir et de solennilé,
Comille
SILW (1834-1910), Silvy dons le studio
sa fomille, L866,tirage à l'albumine, collection
privée,Paris
Anne Dumonteil
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AlinePalau-Gozé,jervice Educotif du Musée Fabre,2OTO
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Histoire des Arts XfXème siècle
Comilla sfLW, Ferdinand Philippe tl4arie d'Orléans, duc d'Alençon, 7867, tirage à l'olbumine, 8,5x5,5, Notionol portroit Gallery, Londres
Le décor se met ou service du réalisme de lo photo g?sphie dons lo mesure où le modàle se voit renf orcé dqns so fonction ou son rong por des élémenIs extérreurs à lui gui l'environnent et le situent. C'est pourguoi, le codroge esf en plon moyen , afin de montrer le (ou les) protogoniste(s) en pied mois oussi le lieu. A la différence des porTroits peints ou sculpTés, c'es| lo totolité du corps qui est privilégiée et non exclusivement le visoge et le buste. Attifude, posture, expressiviTé du corps eI éléments de d,ê.cor deviennent les fondements de ces portroils phoTogrophiques qui débordent lo seule guestion de l'identité propre. Regorder une photogrophie, c'est ovoir, en eff ef , de nombreux indices sur lo ?e?sonne représenIée e'f sa ploce dons lo société ce qur nous permet de penser gue lo fonction photogrophigue n'est pos strictement identitoire, elle devient oussi sociole. 5i réolisme il y a, il ne se silue donc pos dons l'immédiatzlé de lo prise phoTogrophique avec ce qu'elle pourroil ovoir d'objeclif et de documentoire mois dons lo restitution fidèle ou dons l'odéguotion de la personne photogrophi,é.e et du décor qui l'occompagne.
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est à préciser, du point devue de l'histoire dela photogrophie, gu'un évènement importont vo morguer I'année 1854. En effet, c'est I'année où Andrê Adolphe Eugène DISDÉRI met ou point un nouvel opporeil photogrophigue gui peut reproduire six à huit clichés sur lo même plogue de verre- Celo rompt avec le daguerréotype, qui ne permeF qu'un seul portroit et qui esi, de fait, plus coûteux. Cet opporeil utilisant le collodion humide va démocrotiser lo photogrophie er la développer ou trovers du portroit-corte, oussi oppelê carfe de visife et déposë comme tel.L'engouement pour lo photogrophie va prendre un nouvel essor puisgu'ella devient une activifé, commerciole à grande échelle, ovec ceTte réduction des coûts et cetle copocité à reproduireles imoges. Plus gua jomois, elle s'affirme comme un moyen de représentotion du stotut sociol. D'un point du vue technique,les photogrophies sont réolisées avec plusieurs objectifs ce gui permet une opproche séquentielle, visible lorsque les phologrophies ne sont pos découpées et qu'elles seprésen'fent
sous forme de plonches (exemple du portroiT du Prince Lobkowifz reproduit ci-dessous). Dons la réolité. quotidienna du XIXème siècle, elles ,étoienl séparées et contrecollées sur une ploque de corton de fi,5x6,5 cm, d'où le nom de carfe de visife. Lo photogrophie n'étoit donc plus un luxe réservé à guelguesuns, elle se démocrotisoit dons les couches aisées de lo populotion, notomment sous l'impulsion de Nopoléon fII, lui-mâme modèle de DISDÉRI, seul ou ovec so fomille.
Anne Dumonteil eT AlinePalau-Gazé. SeNice Educotif du Musée Fabre.2OlO
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Histoire des Arts XfXème siècle
André Adolphe Eugàne DISDÉRI (1819-1S89), Prince André Adolphe Eugène DISDÉRI, Napoléon Iff, vers Lobkowitz,1858, tiroge à l'olbumine argentique d'oprès 1857-60, Iirage à l'olbumine argentique, formot corte une ploque deverre,2Ox23,2, Metropoliton museum, Ny de visite
Avec le développement des cortes de visites noît lo protigue de l'olbum dons les fomilles ainsi que I'idée de lo corte comme morchondise,evec l'opporition de collections. Ainsi, il aéIé vendu plus de trois millions de corïes de lo Reine Victorio enTre i860 eT 1862. Notons gu'outre les photogrophies des puissonts, ce sonT oussi les cqrtes des comédiens gui sont à lo mode avec le goût morgué ou XIXàme pour le théâTre et pour le speclacle.
Il est intéressant de constoter quel'identité proprz des personnes photographiées s'offirme
de plus en plus, noTomment ou trovers du codroge qui évolue. D'un plon moyen qui donnoit à voir les éléments de décor, lo prise photogrophique se ropproche comme nous pouvons le constoter dons le portroit de Nopoléon IfI por DISDERI ou dons ceux des comédrennes prises por le studio londonien DOWNEY dons les années 1890. fl n'est pas encore guestion de plon rapproché, toille ou poilrine comme nous l'entendons oujourd'hui mois de plon amérrcain. Le regard se concentre davontoge sur la physionomie morguant dovontoge I'identrtéprop?e ovec lo singulorité des Troits et non le stotut sociol par l'entrernise du décor et d'un espace organrsé et scénarisé.
studio DOWNEY (W.& D. DOWNEY) A gauche, Sarah Bernhardf,l89O, Woodburytype Notionol portrait Gallery
A droite, Lillie Langtry,1891,22,9xL7
Anne Dumonteil
et
Aline Palau-Gazé, Service Educotif du Musée Fabre, ?O7O
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Poge
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Histoire des Arts XIXème siècle
Lo photographie est à lo mode. Tout un chocun en possàde et désire se faire photogrophier par les studios qui se multiplient: DfSUÉRf , CARJAT, NADAR, MAyER ou encore PIERSON. A ces ateliers professionnels de quolité s'opposent des atelîers où le Travoil s'ovère stondordisé eI médiocre, pour répondre à une demonde da plus en plus forTe et sons exrgence ortistigue. C'est ce gue NADAR (1820191Q, Adrien Gospord-Félix Tournochon dit) dénonce d'oilleurs à propos de ses concurrents MAyER ET PIERSON qui se contentent " d'un formot à peu près unigue, singulièrement protigue pour l'espace de nos logements bourgeois. Sons s'occuper ouTrement de la disposilion des lignes selonle point de vuele plus fovorobleou modàle, ni de I'expression deson visage, non plus guede lo foçon dont lo lumière écloire tout celo. On instolloit le client à une place invarrable, et I'on obtenoit de lui un unique cliché,lerne ef gris à lo vo-comme-je-'fe-pousse ".1
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du point de vue de lo perception eT del'enregisTrernent du réel?
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est indénioble gue lo photogrophie d'identité s'offirme de plus en plus en tont que représentotion de lo physionomie des modèles- Le dé.cor et les indices se ropportonf à lo perconne photographiée disporoissent de plus en plus loissont pleinement so ploce à la réalité physique du corps, codré à mi cuisses, à lo toille ou à lo poitrine, et plus rorement ou niveou du visoge. Ainsi, dons les portraits de NADAR reprêsentont les cêlêbritês ortistigues de son temps (écrivains, orfistes peintres, musiciens ou comédiens) rores sont les éléments exlérieurs liés oux modèles gui subsistent. Ce que privilégie ceITe génération de photogrophes fronçois, c'est l'imoge de lo personne dons lo singulorité de ses troits, de son regard et de son ottitude. lJne étude de la place des moins dans des poses clossigues esl également ou cæur du trovoil de NADAR qui foit oinsi écho à lo protique rngresque du portroit. fl n'est nullement question d'exagération dans les qttitudes e'l les expressions: ce gui prime, c'est lo restitution fidèle de l'identité et del'essence du modàle. Mois gue se posse
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NADAR, Victor HVGO
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BERNHARDT
Gustave COURBET
Pour celo, lo lumière est sovomment trovoillée ainsi gue lo posture ofin de troduire la sensibilité, la concentrotion ou l'esprit du modàle. Il s'ogit donc de portroits d'identité., de portroits physiques, mois gui, ou-delà de I'apparence, visent oussi à montrer I'inTériorité, ce qui nous omène à les consid érer comme des photogrophies ortistigues et non seulement comme des photogrophies documentoires. Roppelons, à ce propos, que celte protique del'image o loujours suscité des réserves,voire des critigues, notomment de 1
NnDnR, Quand j'étais photographe,Paris, Flommorion, p. 198.
Anne Dumonteil
et
AlinePalou-Gazé, Service Educofif du Musée Fabre,2AlO
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lo port de Charles BAUDELAIRE dans son Salon de 1859, pour qui " l'ort est et ne peut âtre que la reproduction exacf e de lo noture". Et de conclure " Un moyen industriel ne peut pré"fendre à l'ort, dont lo vocotion est d'exprimer le beou ". En regard de loutes ces protigues photogrophigues mises en scène ou plus soucieuses de lo guestion de f identité, il est à menTionner que le XIXàme siàcle est également porteur d'un type de photogrophie strictement identitoire et documentaire qui sero mis ou point por Alphonse BERTILLON (1853-L914) dès 1870. Nous sommes, ovec son trovoil, dons un enregistrement eI une resfitution les plus fidèles et les plus objectifs possible de lo réalité physigue des personnes et dons l'émergence de lo nofion d'individu. De quoi s'ogit-il exactement ? Le bertillonnoge est le premier systàme d'idenTité judicioire gui ovoil pour projet de distinguer les individus ou moyen de deux photogrophies (visoge deface et deprofil, cadré en gros plon et neutre sur le plon de l'expression) e'r de quolorze mesures porTiculiàres (toille, moins, pieds, oreilles...). Ces fiches, élaborées à partir de 788?,lorsgu'elles éIoient dûment complétées permettoient d'identif ier de monière précise et sons ombigûité les délinguonts et les criminels. fl est à roppeler que BERTTLLON est un criminologue et que, dons ce cadre là, il recourt à lq photogrophie uniguement pour soisir la réalité. physique des personnes et pour contribuer à une onthropométrie ludicioire. C'est l'objectivité du médium photogrophigue qui l'intéresse et so copacité à soisir les caraclé.ristigues individuelles et les singulorilés physigues. 5i l'onolyse des données gui en a été, foite est souvent contestoble,il n'enresfe pos moins quele trovoil de BERTILLON présente un intérèt dons l'histoire de lo pholographie, avec ce qu'elle peut ovoir de documentoire et d'objectif , et dons lo construction de lo noTion d'idenlité photogrophique.
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Une des quaTorze mesures du corps
Pour conclure sur ces protigues phoTogrophigues gui oscillenT dès 1839 enFre illusion et objecTivité de la représentation, en possont par de sovonts mélonges de fantoisie et de réel, nous pouvons offirmer gue lo technigue de lo photogrophie a modlfié le ropport à l'imoge et à so diffusion eI lo rela'lion que les
personnes entretenaient ovec leur propre représentotion. En ouTre, c'est lo question de I'identité photogrophique qui s'est conslruite tout ou long des premières décennies de l'histoire de ce médium. fl est d'oilleurs à noter qu'elle trouve encore des é.chos de nos jours avecle phofomafonqui opporoîf comme Anne Dumonteil
et AlinePalau-Gazé,Service Educotif du Musée Fabre,?O7O
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la version ocfuelle de I'appareil de DISDÉRI , l" cadrage de lo photogrophie d'identité. ou encore les fiches depolice gui s'apporentenl à ceux inougurés por BERTfLLON. Mois si le XfXème siècle est riche de l'invenTion de lo photogrophie et des imoges qu'elle o pu produire, il esf nécessqire de roppeler les opproches systémotigues et pseudo scientifigues gu'il o oussi engendrêes- Sous couvert de cnlères et de coroctères récurrents, des typologies et des profils ont été éloborés dons le codre de recherches qu'elles soient criminelles, onthropologiques, sociologiques ou encore elhnologigues.Le recul historique nous o montré les limites et les dongers de ces opproches gui, oubliqnt lo personne ou l'individu, s'intéressoit dovontoge à un type avec ce que cela peut ovoir de classificotoire et de réduc'leur sur le plon scientifique. C'esI le cos notomment des théories eugénis'fes d'Arthur BATUT (1846-1918) f ondées essentiellernent sur des phofogrophies.
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gauche, Froncis GALTON (18?2-l9tl), composite des gronds mothématiciens oméricoins
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A droite, Arthur BATUT, composite
tii, !t1
des
hommes de sa propre fomille
QUE5TToNNEMENTS EN RELATTON AVECLA PHOTOGRAPHTE, SES DÉMARCHES ETSEs ENJEUX
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Henry PEACH ROBINSON, Deux photogrophies de lo série ,Teune fille au chapeau rouge, 1858, épreuve à l'olbumine, 23,3xL8,7, Nqfionol museum of Photography, Brodford, Angleterre Anne Dumonteil
et Aline Palau-Gazé,5ervice Educotif du Musée Fsbre,2OlO
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Histoire des ArTs XIXème siècle
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Réflexion sur la référence de ces photogrophies et sur les notions de norrotion et de séquence Réflexion sur le possoge de l'écrit à l'illustrotion et à l'illustrotion photogrophique (enjeux de chocun des médiums)
Lewis CARROLL, Saint êeorge et le dragon,1875, épr euv e à l'al bumi ne ar gent i que, 11,6x74,8, Metropo I iton museum of arÎ, NY
André Adolphe Eugàne DISDERI, Les enfants Richie, 1862, portraifs carfe de visite non découpés, tirage al bumino-or gentique, 19,1x23,5, Not. 6ol l. of Ausf rol is, Canbzrra
F.epérage des élémenfs qui contribuent à la théôtrolisotion de lo photographie Réflexion sur lo norrqtion ou trovers de ces deux exemples photogrophigues
NADAR, Soroh Bernhordl, 1864
-
NADAR, Sarah Bernhardf en Théodora Sardou, 1882, t4,6xt0 ,5
de
Victorien
Anolyse comporotive de ces deux photogrophies du mâme modàle por NADAR (posture, décor, vêtemeni , cadrage, intention du photogrophe...) P,éflexion sur les guestions personne / personnage et identi'ré. / rôle
Anne Dumonteil
et Aline
Palau-Gazé., Service Educotif du Musée Fabre,2OTO
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Hisfoire des Arts XfXème siàcle
'.:flr
André Adolphe Eugène DISDERI, Napoléon ffT ef fani//e,1859. formot carfe de visife
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sa
André Adolphe Eugène DISDERI, Napoléon lff, vers L857-6O, Iiroge à I'olbumine argentique, formaF carfe de visife
Anolyse comporotive de ces deux photogrophies de Napoléon décor, ottitude, intention du photographe et du modè|e...) Réf lexion sur le cadrage et ses implicof ions
lff
(imoge de soi, image du pouvoir,
Réflexion sur l'orticulotion perconne, individu e'l identilé Réflexion sur les échos contemporoins du trovoi I d'A lphonse BERTTLLON
ryË
Alphonse BERTILLON , Fiche de Francrs êALTON,1893
Anne Dumonteil
el
Aline Palau-Gazé, Service Educotif du Musée Fabre,
2O1O
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Hisloire des Arts XfXème siècle
John Williom WATERHOUSE (1849-1917), The Lady of Shalott, 1888, huile sur foile, 200x153, late Gallery, Londres
Henry PEACH ROBINSON, The Lady of Shalotf, 186L, épreuve à l'olbumine argentique d'après deux né.gatif s, 30,4x50,8, Coll. Gernsheim, UniversiTy of Austin, Texos
Anolyse comporotive des deux oeuvres dont le sujet est idenTigue avec réflexion sur les spécif icités de chocu ne et les porticulorit,és de chocun des médiums Réflexion sur l'orticulotion peinture / photographie, sur leurs influences ré.ciproques et leurs opports mutuels ou XIXàme siècle Réf lexion sur la guestion du phofographique
Anne Dumonteil
el AlinePalau-Gazé,\ervice Educotif du Musée Fabre.2OlO
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