4 minute read
Aire Massim, Papouaise Nouvelle-Guinée
L’univers insulaire des Massim se trouve dans la province de Milne Bay en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Les spatules à chaux constituent leur forme d’art la plus courante et la plus connue.
Leur production pour leur propre usage a pratiquement cessé mais ils en fabriquent encore quelquesunes à l’intention des étrangers.
Aujourd’hui, la plupart des gens utilisent des couteaux en guise de spatules à chaux.
Toutefois, les habitants des iles Trobriand de haut rang préfèrent toujours utiliser les spatules traditionnelles en os de casoar, en partie parce qu’elles indiquent leur classe aristocratique.
L’univers des Massim se reflète dans leurs spatules. Les humains sont représentés sur le manche anthropomorphe des spatules. Le milieu naturel des Massim se manifeste sur les spatules dont le manche représente des animaux ou des plantes, et le monde physique qu’ils créent figure sur celles dont le manche represente des pirogues ou des rames. La structure hiérarchique de la société des iles Trobriand est exprimée par des spatules dont l’usage est réservé aux chefs.
Les spatules à chaux sont utilisées lors de la mastication des noix d’arec (mieux connues sous le nom de bétel). Dans la région massim, la mastication du bétel comprend la noix d’arec, la chaux provenant de corail brûlé et le fruit ou la feuille du bétel. La mastication du bétel réduit la faim, produit une sensation de bien-être et accroît la capacité de travail. Les raisons pour lesquelles les ingrédients de la mastication produisent ces effets ne sont pas entièrement connues. Il semblerait que l’euphorie soit causée par les propriétés nicotiniques des noix d’arec mêlées aux alcaloïdes que la chaux libère.
Les spatules massim ont toujours été populaires auprès des collectionneurs d’art océanien et beaucoup d’entre elles demeurent dans des collections privées. La collection présentée au cours de cette exposition constitue probablement le plus grand et le plus bel ensemble de ces objets à vendre depuis que la veuve d’Harry Beasley céda presque une centaine de ses spatules à la salle des ventes en Angleterre en 1975. Beasley était l’un des plus grands collectionneurs d’art océanien anglais du XIXe siècle et il conserva sa collection pendant de nombreuses années au Cranmore Ethnographical Museum de Chistlehurst, dans le Kent. Après son décès en 1939, la plus grande partie de sa collection fut donnée aux musées anglais.
L’analyse stylistique systématique de toutes les spatules dites clappers indiquerait certainement trois choses. Elle révélerait d’autres exemplaires des neuf styles avec de nombreux exemples déjà identifiés ; elle permettrait l’identification d’autres styles distincts avec de nombreux exemples, et elle permettrait le regroupement de certains styles distincts en familles de styles plus ou moins apparentés. Une telle étude montrerait probablement qu’il existe de nombreux styles différents de sculpture de clappers et que la plupart des styles distincts ne sont représentés que par un petit nombre d’exemplaires toujours existants
L’explication la plus plausible de cette diversité stylistique est que les clappers ont été fabriqués par un grand nombre de sculpteurs dont la plupart ont développé leur version personnelle du style massim. Ce fait expliquerait la grande variété de styles et le petit nombre d’exemplaires de la plupart des styles. Certains de ces sculpteurs font partie d’écoles de sculpture, ce qui explique les familles de styles apparentés (ex : le sculpteur Mutuaga).
Les compte-rendu confirment que de nombreux sculpteurs ont fabriqué des clappers et cela dans de nombreuses parties de la région massim. depuis les Trobriand au nord jusqu’à la région Suau au sud-ouest et à le Rossel au sud-est.
Les utilisateurs signalent que la mastication a meilleur goût si le fruit ou la feuille de bétel est inclus. Les Massim ne mélangent pas les ingrédients avant leur consommation mais les introduisent individuellement dans la bouche et broient la noix avec les dents. Si leurs dents ne peuvent plus y arriver, ils ont recours à un mortier et un pilon pour pulvériser la noix en poudre. Ils utilisent alors la cuiller à chaux pour transporter la chaux du conteneur à la bouche. Ils lèchent la pointe de la lame de la spatule, la trempent dans la chaux pulvérisée, puis lèchent la chaux sur la lame.
La mastication du bétel mélangé à la salive est rouge vif et un dépôt de salive teintée de cette matière s’accumule sur la lame de la spatule si celle-ci n’est pas régulièrement nettoyée. De façon surprenante, certaines spatules dont l’âge, la patine et la qualité artistique sont évidents ne présentent pas de taches de mastication de bétel sur leur lame. Ceci est souvent dû au fait qu’elles ont été nettoyées avant ou après leur vente ainsi que le confirment les traces de nettoyage que Ion peut encore constater sur certaines d’entre elles. Dans d’autres cas, on ne distingue ni tache ni trace de nettoyage. Ces spatules ont peut-être été nettoyées longtemps avant leur vente puis conservées comme objets de valeur en les huilant régulièrement mais en cessant leur emploi dans la mastication du bétel.
Ainsi qu’il a été mentionné, certains types sont réserves à l’usage des chefs et indiquent ainsi leur rang. D’autres peuvent exprimer la personnalité de leurs utilisateurs.
Il existe des douzaines de modèles identifiables de spatules à chaux massim et environ 80 % des spatules traditionnelles en font partie. Les Massim utilisent euxmêmes des noms différents pour quelques-uns de ces modèles. Certains modèles sont complexes, d’autres sont simples, mais ils font tous partie d’une tradition de fabrication de spatules à chaux favorisant la création de nouveaux modèles à travers le temps et l’abandon de certains autres.
Les matières que préfèrent les Massim pour la fabrication des spatules sont l’ébène, l’écaille de tortue l’os de baleine, l’os de casoar et certains os humains. Les sculptures des spatules en ébène et en écaille de tortue sont rehaussées de chaux pour les mettre en valeur.