Sierra de Boumort-Pyrenees

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dossier sierras espagnoles

Texte : YORAN JOLIVET

S I E R r a

D E

B O U M O R T

Photographies : oriol alamany

En fin de journée, le soleil inonde de sa lumière les falaises de Roca de Santa situées dans la réserve nationale de Boumort leur donnant une douce couleur ocre.

La vie

grandeur

nature Entre la Noguera Pallaresa et le Segre se cache une sierra méconnue. Dans ces montagnes semi-désertiques, vivent de nombreuses espèces animales, qui méritent le détour pour les curieux de nature.

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Les falaises de Pessonada forment une large fresque calcaire rouge et bleue, où vient se poser la plus grande colonie de vautours fauves de Catalogne.

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Une balade dans le village troglodyte de l’Espluga de Cuberes montre comment vivaient les habitants de ces drôles de maisons. À droite, la Noguera Pallaresa, considéré comme l’une des meilleures rivières d’Europe pour pratiquer les sports en eaux vives.

B

oumort. Un lieu semi-désertique, peu connu des Pyrénéens, et dont les rares habitants quittèrent les hameaux dans les années 1970. Une série de replis calcaires, ni vraiment méditerranéens ni vraiment montagnards, à l’est de la sinistre bourgade de la Pobla de Segur, non loin des Montsec. La Sierra de Boumort est un mélange d’Albères sans la mer, de Sierra de Cadi sans face nord et de Sierra de Guara sans canyons. D’ailleurs, le Cap de Boumort mesure 2 077 mètres, qui est l’altitude exacte du Tozal de Guara, point culminant de la sierra éponyme. À Boumort, les hauts plateaux succèdent aux falaises colorées, les crêtes effilées prennent le pas sur des croupes appétissantes, dans une alternance de garrigues et de forêts. Le promeneur s’élève dans une odeur enivrante de plantes aromatiques et de sève de pin. Un condensé de Méditerranée et de montagne, de flore collinéenne et subalpine. Le romarin côtoie le pin noir, l’ancolie des Pyrénées le chêne vert, et la pulsatille alpine domine des étendues de lavande. Deux incendies ravagèrent une partie des massifs en 1979 et 1981, laissant des milliers

d’hectares calcinés et désolés. Un trou noir au milieu d’une auréole d’amandiers en fleur. La Sierra de Boumort était destinée à sombrer dans un oubli minéral, loin de toute civilisation, mais, aujourd’hui, elle est devenue un haut lieu d’observation de la faune, en Catalogne. Son histoire débute des centaines de kilomètres, plus au sud, près de Tolède, dans la communauté autonome de Castille. Durant les années 1980, la sécheresse sévit dans cette région et la famine touche durement la faune sauvage, notamment une importante population de cerfs ibériques. L’ingénieur local chargé de la gestion de la faune sauvage s’inquiète et demande à un collègue catalan d’accueillir quelques cerfs. Ce dernier dispose justement de nouveaux territoires, hérités des lois de décentralisation et de la nouvelle

Boumourt est l’un des hauts lieux d’observation de la faune

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république. C’est ainsi que les premiers cerfs ont foulé le sol catalan en 1982 à Boumort, après quatre cents ans d’absence. Mais la population grossit rapidement, et les ennuis commencent, dans les années 1990, avec des dégâts agricoles, commis, plus bas dans la vallée, que la Generalitat de Catalogne doit prendre en charge, à raison de 30 000 euros chaque année. Le gouvernement catalan décide, finalement, de classer ce territoire réserve nationale de chasse en 1991. Ce nouveau statut de protection est précisément ce qui a favorisé une grande diversité de faune et a permis de sortir Boumort de l’anonymat, attirant aujourd’hui un tourisme vert, des chasseurs et des photographes, sans oublier les promeneurs mycophages… À Boumort, tout est exceptionnel. Les cerfs ibériques ont un brame puissant et profond, qui emplit les forêts de Boumort, de mi-septembre à mi-octobre, dans un concert rauque et guttural, baroque et sauvage. La chasse constitue une source de gains importants, et permet de réguler ces populations. L’observateur attentif remarquera, sur ce territoire, le mélange de faune des plaines et des montagnes, assez rare en Europe. On

Le nourrissage des vautours fauves est un spectacle étonnant, tout comme le brame ou les combats de cerfs en période de rut, loin du calme des forêts de pins ou de Roca de Santa le soir venu (ci-contre).

Un spot pour paparazzi animaliers En 1985, la Sierra de Boumort a mis en place un site d’alimentation pour rapaces où les gardes de la réserve apportent des cadavres d’animaux. Ce lieu attire de nombreux nécrophages, “c’est l’un des deux endroits en Europe où l’on peut faire des observations simultanées des quatre espèces de charognards”, se vante Modesto Llusa. Percnoptères, vautours fauves, vautours moines et gypaètes barbus fréquentent ainsi les lieux, accompagnés parfois des aigles royaux. Face à la demande croissante de photographes professionnels de se rendre sur le site, la réserve a aménagé un cabanon, au tarif de 94 € le premier jour, puis 65 € les jours suivants, avec une semaine maximum pour tenter de réaliser LA photo d’envol de gypaète ou de vautour moine.

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Les gypaètes barbus joue un rôle sanitaire important en se nourrissant de cadavres d’animaux. À droite, une maison troglodyte de l’Espluga de Cuberes.

Accès Sur l’A 64, sortir à Montréjeau, direction Lerida. Passer le tunnel de Vielha, continuer jusqu’à Pont de Suert, puis prendre à gauche la N-260, direction Tremp. À La Pobla de Segur, suivre Hortoneda ou Pessonada pour entrer dans la Sierra de Boumort.

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y trouve grand tétras, perdrix rouges et perdrix grises espagnoles... La loutre nage dans les cours d’eau qui ceinturent les massifs. Fouines, martres, et genettes rapinent les micromammifères, et quelques “sérieuses” rumeurs font écho de la présence d’un grand félin aux longues oreilles. Mais, chut ! Parler du lynx reste tabou, dans les Pyrénées. Boumort héberge les populations les plus méridionales de gypaètes barbus et d’isards, selon Modesto Llusa, chef des gardes de la réserve nationale de chasse de Boumort. Le site permet des observations des rapaces nécrophages, uniques en Europe. Les falaises de Pessonada forment une large fresque calcaire rouge et bleue, tachée de blanc par les fientes de vautours fauves. Quand on gravit ce monument rocheux, on évolue au milieu de la plus grande colonie de vautours fauves de Catalogne. Une drôle d’expérience pour qui n’a jamais marché au milieu d’un escadron d’oiseaux mesurant 2,70 mètres d’envergure. Un immense voilier des airs parcourt aussi le ciel de Boumort, c’est l’imposant vautour moine que les Espagnols nomment “vautour noir”. Une réintroduction de ce vautour, très rare, dans les Pyrénées, est en cours à Bou-

mort depuis le printemps 2007 (lire Pyrénées Magazine n° 119). Percnoptères, aigles royaux et faucons pèlerins animent également les ballets de rapaces, le jour. La chouette de Tengmalm et le hibou grand duc brisent le silence de la nuit. Cette grande diversité commence à faire la renommée de Boumort, qui accueille de plus en plus de visiteurs, avec quatre mille personnes recensées les week-ends de septembre 2008. Les gardes de la réserve étudient actuellement de nouveaux aménagements pour recevoir ce public toujours plus nombreux. Mais l’accès difficile du cœur de la sierra favorise les quatre-quatre au détriment des randonneurs, et les projets de développement à venir laissent une large place aux véhicules motorisés. Reste au promeneur naturaliste à trouver sa place dans cette vaste sierra encore très sauvage. n

PRATIQUE

Où manger / Où dormir ?

n Office de tourisme de La Pobla de Segur, Avda. Verdaguer, 35. Rens. : (00 34) 973 68 02 57 ou www.pobladesegur.cat n Office de tourisme de Tremp, Plaza de la Creu, 1. Tél. : (00 34) 973 65 00 05.

À voir / À faire n Les dinosaures de la Conca Dellà. Passionnantes découvertes paléontologiques à Isona, près de Tremp. Observation sur le terrain des empreintes de dinosaures et des œufs fossiles. Parc Cretaci – Museu Conca Dellà, C/ Museu 7, à Isona. Rens. : (00 34) 973 66 50 62 ou www.parc-cretaci.com

n Refuge gardé de Cuberes. Situé au cœur de la Sierra de Boumort, c’est le meilleur moyen de la découvrir. Accès par des pistes à peu près carrossables. Ambiance montagnarde et familiale. Ouvert du 1er juillet au 1er novembre. Nuit, 12 e, demi-pension, 27,50 e. Rens. : (00 34) 973 25 24 39 ou www.refugicuberes.com n Restaurant Fa Uns Anys, C/ Font, 11, La Pobla de Segur. Cuisine soignée et originale. Menus à partir de 15 e. Tél. : (00 34) 973 66 01 60. n Hôtel Solé, Avda. Estació, 44, La Pobla de Segur. Tél. : (00 34) 973 68 04 52.


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