NumÉro 55 | printemps 2015
Globalisation et politique Nord-Sud
Swissaid | Action de Carême | Pain pour le prochain | Helvetas | Caritas | Eper | www.alliancesud.ch
Climat : vers une ère postfossile Dette : droit à l’insolvabilité des Etats
CETA : traité à risques
Financement des ODD : enjeux systémiques
News Entreprises et droits humains : Suisse mal placée dh. La petite Suisse est la 20e puissance économique mondiale. En nombre d’accusations de violations des droits humains par les entreprises qui y sont domiciliées, elle se hisse cependant à la 9e place, devant des pays beaucoup plus grands comme l’Australie, l’Afrique du Sud, l’Italie ou l’Espagne. Les Etats-Unis sont en tête du classement. La Suisse arrive à une préoccupante 5e place si l’on compte le nombre de reproches par rapport au revenu national, et même au 1er rang par habitant. C’est ce que montre une étude de l’Université de Maastricht, qui a analysé la base de données du Business & Human Rights Resource Centre ( BHRRC ) de Londres. L’étude porte sur neuf ans et sur 1877 demandes de réaction à des entreprises. Campagne anti-TISA au plan local ia. Le Comité Stop TISA, qui regroupe des organisations de la société civile et dont fait partie la très active Isabelle Muller, a envoyé des pétitions à toutes les communes genevoises. Celles-ci ont invité le Comité et Alliance Sud à présenter les enjeux du nouvel Accord sur les services ( TISA ) en préparation à l’Organisation mondiale du commerce. Suite à ces interventions, Carouge a été la
Syngenta : chips contre la faim dh. Dans la Potato Initiative Africa ( PIA ), le Ministère allemand pour la coopération économique et le développement ( BMZ ) collabore avec plusieurs entreprises. Parmi elles, la bâloise Syngenta. Le but est de créer au Nigeria et au Kenya un secteur moderne de transformation des pommes de terre, car là aussi les gens aiment les chips. Une étude de l’Union européenne montre cependant qu’en Afrique, on n’a pas de besoin de pommes de terre, car on y trouve de nombreux substituts moins chers. La gauche critique vivement cette utilisation de l’argent
du développement : « Pour les entreprises participantes, cela assouvit leur faim de nouveaux champs d’affaires, mais pour lutter durablement contre la faim, il faut s’y prendre autrement. » La PIA reçoit environ 1,4 million d’euros, qui viennent pour moitié du BMZ et pour moitié des partenaires privés. action2015 pour créer un avenir meilleur dh. A quoi peut ressembler aujourd’hui une campagne globale ? Le site Web action2015 en donne un exemple. 2015 est « une année cruciale pour les individus et la planète ». Il s’agira de « susciter des changements considérables » pour « mettre fin à toute forme de pauvreté, de discrimination et d’inégalité ». Comment ? En demandant aux dirigeants mondiaux de prendre les bonnes décisions aux sommets de l’ONU à New York ( septembre ) et Paris ( décembre ). Une trentaine de célébrités comme Muhammad Yunus, Bill Gates ou encore Bono et Sting ont écrit une lettre dans ce sens. Plus de 1200 organisations dans plus de 125 pays participent à cette coalition. Alliance Sud n’en fait pas partie, mais soutient bien sûr ses revendications.
Impressum
Alliance Sud en un clin d’œil
GLOBAL + paraît quatre fois par an.
Président Melchior Lengsfeld, directeur d’Helvetas Swiss Intercooperation
Editeur : Alliance Sud Communauté de travail Swissaid | Action de Carême | Pain pour le prochain | Helvetas | Caritas | Eper E-Mail : globalplus@alliancesud.ch Site Internet : www.alliancesud.ch Médias sociaux : facebook.com/alliancesud, twitter.com/AllianceSud Rédaction : Michel Egger ( m e ) Tel. 021 612 00 98 Iconographie : Nicole Aeby Graphisme : Clerici Partner AG, Zurich Impression : s+z : gutzumdruck, Brig Tirage : 1500 Prix au numéro : Fr. 7.50 Abonnement annuel : Fr. 30.– Abonnement de soutien : min. Fr. 50.– Prix publicité / e ncartage : sur demande Photo de couverture : Transport de charbon sur le fleuve Mahakam, devant la grande mosquée Samarinda sur l’île de Bornéo ( Indonésie ) . © Kemal Jufri / Panos Le prochain numéro paraîtra en juin 2015.
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première commune suisse à se déclarer hors TISA. Vernier et Chêne-Bourg sont en train d’étudier l’affaire. A Genève, les élus municipaux d’Ensemble à Gauche ont déposé une résolution au conseil municipal. Au plan cantonal, une résolution devrait être traitée prochainement par la Commission de l’économie. Dans le canton de Vaud, une interpellation a été déposée au Grand Conseil et toutes les communes ont reçu un courrier de l’Association citoyenne de défense des usagers du service public, leur demandant de réagir. A Aigle, une interpellation a été déposée au conseil municipal. A Berne, les Verts ont déposé une motion.
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Direction Peter Niggli ( d irecteur ) Kathrin Spichiger, Rosa Amelia Fierro Monbijoustr. 31, Case postale 6735, 3001 Berne Tél. 031 390 93 30 Fax 031 390 93 31 E-Mail : mail@alliancesud.ch Politique de développement – C oopération au développement Eva Schmassmann, Tél. 031 390 93 40 eva.schmassmann@alliancesud.ch – Politique financière et fiscale Mark Herkenrath, Tél. 031 390 93 35 mark.herkenrath@alliancesud.ch – Développement durable / c limat Jürg Staudenmann, Tél. 031 390 93 32 juerg.staudenmann@alliancesud.ch – Commerce Isolda Agazzi, Tél. 021 612 00 97 isolda.agazzi@alliancesud.ch
– Multinationales Michel Egger, Tél. 021 612 00 98 michel.egger@alliancesud.ch – Médias et communication Daniel Hitzig, Tél. 031 390 93 34 daniel.hitzig@alliancesud.ch InfoDoc Berne Jris Bertschi / Emanuela Tognola / Emanuel Zeiter Tél. 031 390 93 37 dokumentation@alliancesud.ch Bureau de Lausanne Michel Egger / Isolda Agazzi / Katia Vivas Tél. 021 612 00 95 / Fax 021 612 00 99 lausanne@alliancesud.ch InfoDoc Lausanne Pierre Flatt / A mélie Vallotton Preisig / Nicolas Bugnon Tél. 021 612 00 86, doc@alliancesud.ch Bureau de Lugano Lavinia Sommaruga / Mirka Caletti Tél. 091 967 33 66 / Fax 091 966 02 46 lugano@alliancesud.ch
Photo : © D aniel Rihs
La Suisse n’est pas une île
Points forts 4
Droit de la société anonyme Une occasion à ne pas manquer
Réchauffement climatique 5 Ne plus toucher aux carburants fossiles 6 Photo : © Mark Blinch / Reuters
Financement du développement Importance des questions systémiques
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Libre-échange Canada – UE Nouveau modèle à hauts risques
J’étais parmi ceux qui ont soutenu l’initiative des Verts libéraux visant à remplacer la taxe sur la valeur ajoutée par une taxe sur l’énergie. Pour des raisons tactiques, afin d’éviter un fiasco. Suite à la déroute, d’importantes forces politiques mettent en question le changement de cap énergétique, la réforme fiscale écologique et donc la contribution suisse à la protection globale du climat. Le plus grand parti au Conseil fédéral demande même au gouvernement une « pause de réflexion ». Avant qu’on en arrive là, quelques idées. Le traité à venir sur le climat n’imposera pas de baisses des émissions pour tous les Etats. L’accord de Paris, au contraire, doit se construire de bas en haut : chaque pays définit les objectifs de réduction qu’il s’engage à réaliser. L’avantage de cette approche est de pouvoir intégrer tous les Etats et donc d’aboutir à un accord. Le désavantage est que la somme de tous les objectifs nationaux risque de ne pas suffire pour garantir le respect du plafond de 2°C, c’est-à-dire le seuil où le changement climatique aura des conséquences très graves pour la vie humaine. C’est à cette lumière qu’il convient d’évaluer l’objectif de réduction de la Suisse. Premier pays à annoncer ses intentions, elle entend diminuer ses émissions de gaz à effet de serre de 50 pour cent par rapport à 1990 d’ici 2030, dont 30 pour cent en Suisse. Le reste doit être réalisé par des projets à l’étranger. Cet objectif est considéré comme totalement insuffisant par l’Alliance climatique. Pourquoi? Le Conseil fédéral fonde sa position sur une analyse biaisée. Son objectif climatique part du principe que nos émissions par habitant se situent dans la moyenne mondiale. Or, la richesse de la Suisse par habitant est quatre fois plus élevée et sa population est en tête de classement en termes de durée de vie, de santé et d’éducation. En conséquence, notre consommation totale en équivalents de CO2 est douze fois supérieure à ce que devrait être celle de la population mondiale pour maintenir l’objectif de 2°C. Les chiffres du Conseil fédéral ne sont possibles que parce qu’il ne prend pas en compte les grandes importations d’énergie grise. Si nous atteignons en 2030 la réduction visée, notre consommation totale sera encore neuf fois et demie trop élevée pour l’objectif de 2°C. Si tous les pays avaient la même ambition que la Suisse, le réchauffement climatique – ainsi que l’écrit l’Homo Sapiens Foundation – grimperait de 5 degrés. Une catastrophe ! A la vision biaisée du Conseil fédéral correspond également le poids qu’il veut donner aux « projets à l’étranger ». Certes, il est « meilleur marché » aujourd’hui de diminuer les gaz à effet de serre dans les pays émergents qu’en Suisse. Il n’existe cependant pas de mécanisme de calcul agréé pour éviter de comptabiliser à double ce type de réductions – par la Suisse et par le pays « bénéficiaire ». De plus, de telles compensations à l’étranger ne sont à la longue pas généralisables : tous les pays ne peuvent pas vouloir réduire dans d’autres pays. Il n’y a en effet qu’un seul monde et un seul budget global de gaz à effet de serre. Pas plus qu’en matière de soustraction fiscale, la Suisse ne peut pas faire valoir une revendication extraterritoriale en matière de protection du climat.
Peter Niggli, directeur d’Alliance Sud
Dette publique 10 Besoin d’un mécanisme d’insolvabilité Bons tuyaux de l’InfoDoc 11 La mue de l’altermondialisme
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Révision du droit de la société anonyme
Une occasion à ne pas manquer consultation sur la révision du droit de
Photo : © Peter Klaunzer / Keystone
Michel Egger La
la société anonyme s’est achevée mi-mars. Lacunaire, l’avant-projet du Conseil fédéral ne permet pas
d’adapter la législation suisse aux évolutions inter nationales en matière de transparence ainsi que
de respect des droits humains et de l’environnement. Plusieurs ONG, dont Alliance Sud, ont fait des pro positions pour corriger le tir.
Proportionnellement à son PIB, la Suisse figure au cinquième rang mondial des accusations de violations des droits humains par des entreprises. C’est ce qu’établit une récente étude de l’Université de Maastricht1. Ainsi qu’il l’a fait en réponse aux interventions parlementaires suscitées ces deux dernières années par la pétition « Droit sans frontières », le Conseil fédéral a donc de bonne raisons de reconnaître la « grande responsabilité » de la Suisse comme siège de très nombreuses multinationales, le risque de réputation que représentent les violations des droits humains par des firmes suisses à l’étranger, et l’importance des Principes directeurs de l’ONU comme cadre de référence sur les questions de droits humains et d’entreprises2. Elaborés par le professeur John Ruggie, ces principes doivent aujourd’hui être mis en œuvre par les Etats à travers un « assortiment judicieux de mesures contraignantes et volontaires ». A cet égard, le droit suisse souffre de plusieurs lacunes importantes. Il ne comprend notamment pas de dispositions obligeant les entreprises à veiller au respect des droits humains et de l’environnement ou à publier un rapport extra-financier avec des informations sur leurs politiques dans ces domaines. Introduire un devoir de diligence Lancée fin novembre, la révision du droit de la société anonyme est l’occasion de corriger ces insuffisances. L’avant-projet que le Conseil fédéral a mis en consultation ne prévoit cependant rien dans ce sens. C’est pourquoi plusieurs organisations de développement, dont Alliance Sud, ont pris position de manière détaillée. Elles demandent en particulier l’introduction d’un devoir de diligence raisonnable, afin de garantir que les organes dirigeants des sociétés identifient les risques de leurs activités pour les droits humains et l’environnement, prennent des mesures pour les prévenir et réduire les incidences négatives, contrôlent l’efficacité des mesures adoptées et publient des informations sur ces différents processus. Tout nécessaire qu’il soit pour améliorer la transparence de la société, un rapport extra-financier ne garantit toutefois pas encore la solidité des informations fournies. Le devoir de diligence raisonnable doit pour cela être complété par un instrument permettant de vérifier si le reporting est conforme aux dispositions légales et aux statuts de l’entreprise. Un tel contrôle pourrait être effectué de deux manières. D’une part, via l’organe habituel de révision, qui se verrait confier une nouvelle tâche. D’autre part, via la possibilité pour les actionnaires
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Les ONG exigent plus de transparence des entreprises quant à leurs politiques et activités en matière de droits humains et d’environnement.
de demander un examen spécial non seulement quand les organes dirigeants portent préjudice aux intérêts matériels de la société, mais aussi aux détenteurs de droits humains et à l’environnement. En outre, les actionnaires devraient pouvoir porter plainte aux frais de la société aussi dans de tels cas. L’intégration de ces dispositions dans le code des obligations permettra à la Suisse de n’être pas à la remorque du trend international vers davantage de régulation des activités des multinationales. Les ONG ont également fait des propositions pour étendre l’obligation de transparence des paiements au négoce des matières premières ainsi que pour réduire l’opacité et l’anonymat des structures juridiques des groupes internationaux.
1 Menno T. Kamminga, Company Responses to Human Rights Reports: An Empirical Analysis, Maastricht University, 2015. 2 Rapport de droit comparé, 2 mai 2014.
Réchauffement climatique
Les carburants fossiles doivent rester dans le sol Jürg Staudenmann L’un
des enjeux clés des négociations sur
le climat est de savoir comment réduire de manière
rapide et effective les émissions de CO2 dans les différents pays. Il serait plus important encore que les
réserves d’énergie fossile ne soient pas exploitées. La question n’a pas été discutée jusqu’ici. Une étude
de la revue Nature va peut-être donner le coup d’envoi.*
Photo : © Robert Wallis / Panos
Selon l’ONU, les émissions de CO2 provenant des énergies fossiles ne devront pas excéder 1100 gigatonnes, si l’on entend ne pas dépasser le plafond de 1,5 à maximum 2°C de réchauffement climatique. Avec le niveau actuel de consommation de pétrole, gaz naturel et charbon, ce volume sera atteint déjà dans 25 à 30 ans. On ne parviendra de fait à maintenir les émissions au niveau requis qu’à une condition : à partir de maintenant, les réserves mondiales devront rester dans le sol à raison d’un tiers pour le pétrole, de la moitié pour le gaz et de plus de quatre-vingt pour cent pour le charbon. C’est ce que montre une étude publiée récemment dans la revue Nature. Cela signifie que la question classique de l’épuisement des énergies fossiles est fausse. Le vrai problème est qu’une grande partie de ces ressources ne doivent simplement pas être utilisées à l’avenir. L’exploitation totale des réserves fossiles déjà découvertes excéderait de trois fois la quantité d’émissions tolérables, celle des réserves supposées de dix fois. Si la communauté mondiale décidait de ne pas toucher aux réserves fossiles, celles-ci perdraient une bonne partie de leur valeur. Aujourd’hui déjà, la rentabilité de l’industrie fossile est ébranlée par l’augmentation des coûts de production et la baisse de ceux des énergies renouvelables. La chute du prix du pétrole a déjà conduit à de nombreux désinvestissements, du géant allemand E-On à la fondation Rockefeller, en passant par Warren Buffet. S’il se maintient en-dessous de 60 dollars le baril, le trend devrait se poursuivre.
Repenser le financement du climat Cependant, la plupart des pays continuent à viser la pleine et rapide exploitation de leurs réserves, y compris avec le soutien de fonds publics. La dévalorisation prévisible des ressources fossiles devrait logiquement les amener à enterrer leurs programmes d’extraction, sous peine de gaspiller de manière irresponsable les fonds publics pour des énergies du passé. La crainte cependant est que les détenteurs de réserves s’accrochent à cette politique et même tentent d’en accélérer l’exploitation pour profiter des derniers « espaces d’atmosphère » disponibles. Les pays en développement invoquent leur besoin de moyens pour lutter contre la pauvreté. Un argument qui ne tient pas la route dans la mesure où un approvisionnement énergétique climatiquement neutre est aujourd’hui non seulement possible, mais finançable. Cette situation implique de repenser le concept du financement du climat. Si l’appui aux pays les plus pauvres et vulnérables doit demeurer prioritaire, la question doit aussi être posée de savoir à quelles conditions des pays en développement et émergents renonceraient à la valorisation ( même déclinante ) de leurs réserves fossiles. Comment dédommager des pays du Sud qui, en accord avec le Nord, ont bâti leur développement sur l’extraction de ressources non renouvelables ? Et, avant tout : qui doit payer et combien ? Le cas s’est déjà présenté avec l’Equateur qui a, en vain, réclamé une compensation pour le renoncement à des forages pétroliers dans une réserve naturelle. Croire qu’on parviendra à définir et, qui plus est, à mettre en œuvre une répartition des droits d’extraction via les négociations sur le climat, est irréaliste. La voie la plus prometteuse passe par la mobilisation rapide de moyens technologiques et financiers suffisants des pays riches, qui vont au-delà de l’aide classique au développement. * McGlade, Christophe and Paul Ekins ( 2 014 ) : « The geographical distribution of fossil fuels unused when limiting global warming to 2°C », Nature ( 1 4016 ) .
80 pour cent des réserves de charbon doivent rester in exploitées si l’on veut éviter un réchauf fement de la planète supérieur à 2o C. Contraints de céder leurs terres à une multinationale des matières premières, des petits paysans de Jharkand ( Inde ) luttent pour leur survie en extrayant du charbon avec des moyens rudimentaires.
Addis Abeba, conférence de l’ONU sur le financement du développement
Ne pas négliger les questions systémiques Eva Schmassmann
En juillet aura lieu à Addis Abeba la troisième conférence sur le finan-
cement du développement. Les pays pauvres attendent des résultats concrets sur la manière de financer l’agenda global post-2015. Les pays donateurs montrent peu de flexibilité sur plusieurs points importants. Ils mettent ainsi en péril le sommet de l’ONU où, en septembre, la communauté internationale va adopter la suite des Objectifs du Millénaire pour le développement. Depuis janvier, les Etats membres de l’ONU négocient à New York les Objectifs de développement durable ( ODD ). Ceux-ci doivent être adoptés en septembre par l’Assemblée générale des Nations unies et remplacer l’année prochaine les Objectifs du Millénaire pour le développement ( OMD ). En même temps ont commencé les négociations pour la prochaine conférence sur le financement du développement. Cette réunion est au moins aussi importante que le sommet de l’ONU. On devra notamment y décider comment financer les ODD. La conférence de l’ONU sur le financement du développement à Addis Abeba est la troisième du genre. La première s’est déroulée à Mexico en 2002 et a abouti à ce que l’on a appelé le « consensus de Monterrey ». Une conférence de suivi a eu lieu en 2008 à Doha ( Qatar ). Les résultats de ces deux réunions ont été mi-figue mi-raisin. Si elles ont produit de bonnes analyses, la mise en œuvre des résolutions est restée vague et non contraignante. Les pays industrialisés préfèrent décider dans des enceintes où ils sont entre eux, comme l’OCDE, le G20 ou le Fonds monétaire international.
Revendications d’Alliance Sud Alliance Sud sera présente à Addis Abeba. Elle attend que le Conseil fédéral s’engage pour les revendications suivantes : – Les pays en développement doivent pouvoir co-décider les conditions cadres globales du commerce, des finances, etc. – Les questions fiscales doivent être coordonnées sur le plan mondial et débattues avec la participation paritaire de tous les pays. – Les pays industrialisés doivent tenir leur promesse d’allouer 0,7 pour cent du revenu national brut à la coopération au développement.
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Risque d’annexion du processus post-2015 Le processus post-2015 a suscité une nouvelle dynamique. Mais des objectifs nobles sans financement adéquat sont des tigres de papier. Dans la mesure où, suite au succès relatif des OMD, les pays industrialisés sont intéressés à un agenda du développement durable avec des objectifs ambitieux, un échec à Addis Abeba n’est politiquement pas une option. Il mettrait de plus en danger la réussite des négociations sur le climat à Paris en décembre 2015. Les pays industrialisés tentent toutefois d’annexer complètement le processus sur le financement du développement au processus post-2015. La conférence d’Addis Abeba devrait aboutir au plan intégral et définitif de mise en œuvre des ODD. C’est déjà perceptible au plan du langage. Ainsi, entre autres, la Suisse ne parle plus de financement du développement, mais de financement du développement durable. Les pays en développement protestent. Tout en désirant utiliser les synergies entre les deux processus, ils réclament la continuation d’un processus de financement du développement indépendant. Pour eux, il est en effet crucial de pouvoir débattre de questions systémiques comme le contrôle des capitaux, la réforme des institutions financières internationales ou encore le désendettement ( voir à ce propos l’article en pp. 10 – 11 ). De plus, la mise en œuvre des ODD implique la prise en compte des questions environnementales, un sujet qui jusqu’ici n’était pas partie intégrante des négociations sur le financement du développement. Les nouveaux thèmes pourraient supplanter des anciens thèmes moins appréciés des pays industrialisés. Actualité du 0,7 pour cent Il est difficile de définir à priori la hauteur du financement nécessaire pour réaliser les ODD de manière efficace. Un comité d’experts de l’ONU estime à quelque 66 milliards de dollars par an le coût des seules mesures de lutte contre la pauvreté absolue. Pour l’élimination de la pauvreté, il faudrait investir chaque année entre 5000 à 7000 milliards de dollars dans les infra
structures, auxquels s’ajouteraient d’autres investissements dans les systèmes d’éducation et de santé publiques .* Il convient cependant de voir que si l’on ne fait rien, les coûts à long terme seront encore plus élevés. Une chose est claire : l’aide publique au développement traditionnelle ne suffira pas pour financer les ODD. Elle continuera de jouer un rôle central dans les pays les plus pauvres et ceux déstabilisés par la guerre et des conflits. C’est pourquoi Alliance Sud demande qu’au moins la moitié de l’aide aille dans les pays les plus pauvres. Si les budgets de la coopération devaient rester ce qu’ils sont, une concentration accrue sur les pays les plus pauvres ferait cependant de nombreux perdants : des programmes et projets en cours dans les pays à revenu moyen devraient être suspendus. Pour éviter cela, une hausse conséquente des dépenses globales est nécessaire. L’ancienne revendication d’augmenter l’aide à 0,7 pour cent du revenu national brut n’a donc rien perdu de son actualité.
Photo : © Mark Henley / Panos
Combattre les flux financiers illicites D’autres moyens sont requis en complément de l’aide publique au développement. Le sésame invoqué par les pays industrialisés a pour nom « mobilisation des ressources domestiques ». Il ne suffit pas cependant pour cela de renforcer les institutions nationales et d’accroître les recettes fiscales. Les flux financiers illicites et les transferts légaux de bénéfices des multinationales sont, de manière prouvée, les principaux obstacles à la mobilisation des ressources domestiques. Même les pays industrialisés dotés de systèmes fiscaux performants et d’autorités bien équipées doivent lutter contre les conséquences de l’évasion fiscale. On a besoin d’un processus global coordonné où les pays en développement auront un droit de regard égal. Il convient en particulier de revaloriser le Comité d’experts de
Faire que ce qui s’accorde croisse ensemble ? Sans concession des pays riches lors de la conférence sur le financement du développement, l’agenda post-2015 de l’ONU restera un tigre de papier.
l’ONU pour la coopération internationale en matière fiscale. Sont nécessaires également l’imposition du secteur des matières premières ainsi que la transparence des flux financiers pour aider les pays en développement à accroître leurs recettes fiscales. Dans les pays à revenu moyen, les investisseurs privés peuvent fournir une contribution signifiante à la réalisation des ODD. En termes de développement, ils n’ont cependant une utilité que là où des régulations étatiques sensées peuvent endiguer les impacts négatifs et optimiser les effets positifs. La marge de manœuvre des pays en développement pour introduire avec succès de telles régulations est cependant réduite par de nombreux traités internationaux bilatéraux et multilatéraux de libre-échange et de protection des investissements. Des réformes sont donc nécessaires. Addis Abeba ne débouchera guère sur des accords de financement concrets. Si la communauté internationale prend cependant au sérieux l’agenda d’une transformation vers un avenir durable, elle doit poser les bons jalons. Cela implique notamment une discussion sur les conditions cadres du commerce mondial et les possibilités de droit de regard des pays en développement dans les enceintes qui les définissent. La mobilisation des ressources domestiques dans les pays en développement exige un processus global et coordonné de lutte contre les flux financiers illicites. Quant à la promesse jamais tenue jusqu’ici des pays industrialisés d’augmenter l’aide au développement à 0,7 pour cent de leur revenu national brut, elle doit enfin être tenue.
* ICESDF, Report of the Intergovernmental Commitee of Experts on Sustainable Development Financing, 2014, pp. 8 s.
Accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada
Nouveau modèle à hauts risques Isolda Agazzi
L’Union européenne et le Canada
viennent de parapher un accord de libreéchange explosif. Il restreindra la capacité des Etats à réguler et permettra aux inves tisseurs étrangers, même potentiels, de porter plainte pour le moindre changement législatif, y compris dans le secteur financier. Il pourrait servir de modèle aux futurs accords. Un géant de 500 millions d’habitants – l’Union européenne ( UE ) – face à un « nain » de 35 millions – le Canada. C’est pourtant le modèle canadien qui s’est largement imposé dans l’Accord économique et commercial global ( CETA ), le premier méga-accord de libre-échange dont les négociations ont abouti. Il devrait aplanir la voie des autres traités en cours : le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement entre l’UE et les Etats-Unis ( TTIP ) et l’Accord sur le commerce des services ( TISA ), un accord très large négocié en marge de l’Organisation mondiale du commerce ( OMC ) par vingt-trois de ses Etats membres. Le CETA représente un changement de paradigme dans le commerce et l’investissement des pays européens. Il risque de devenir le nouveau modèle d’accord pour le Vieux Continent. Cela créerait un commerce mondial à deux vitesses, où les pays riches adhèrent à des règles plus strictes et les pays en développement aux autres. Cela pourrait signer l’arrêt de mort du multilatéralisme et de l’OMC. Mais nous n’en sommes pas encore là, car les vingt-huit Etats membres de l’UE et le Parlement européen doivent encore le ratifier, ce qui n’est pas acquis. Droit de regard des personnes étrangères Le CETA comprend de nombreuses obligations jamais contractées auparavant par l’UE. Tout d’abord, le commerce des marchandises : chaque fois qu’elle lancera une consultation sur de nouvelles prescriptions techniques – normes sur l’environnement, la sécurité et la santé au travail, l’innocuité des jouets, etc. –, l’UE sera obligée de consulter non seulement les Etats membres, mais aussi toute « personne intéressée » du Canada et de répondre par écrit à ses demandes. En matière de commerce des services, pour la première fois dans un accord international, l’UE et ses Etats membres prennent des engagements sur la base de listes négatives. Tant l’Accord général sur le commerce des services ( AGCS, OMC ) que les accords bilatéraux existants consignent les obligations des
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parties dans des listes positives. Cela signifie que les dispositions de l’accord ne s’appliquent qu’aux secteurs et sous-secteurs énumérés dans la liste, et sous réserve des restrictions inscrites. Avec un système de listes négatives, tous les secteurs de services sont entièrement libéralisés ( accès complet et sans restriction au marché pour des entreprises étrangères ), sauf si des réserves ont été prévues. Cela implique qu’au moment de la négociation de l’accord, chaque partie doit connaître toutes les mesures en vigueur et déterminer les secteurs et activités qui, à l’avenir, pourraient nécessiter une réglementation. Le Canada, par exemple, a exclu toutes les industries culturelles, l’UE seu-
lement l’audiovisuel. Mais avec une liste négative, le risque d’oublier un secteur – à fortiori s’il n’existe pas encore – est simplement énorme. Quant à l’investissement, sa définition est très large. Non exhaustive et fondée essentiellement sur la notion de capital, elle est différente de celle des accords d’investissement visant avant tout les investissements réels, à savoir l’acquisition ou l’établissement d’une entreprise. De surcroît, elle protège même un investisseur qui n’a pas encore investi, mais a l’intention de le faire. La crémaillère de la dérégulation Le CETA comprend une obligation de gel et de rochet dans pas moins de cinq chapitres :
– les investissements – le commerce transfrontière de services – l’entrée et le séjour temporaire de personnes – les services financiers – le transport maritime.
Photo : © Mark Blinch / Reuters
Les clauses de gel et de rochet signifient qu’un Etat partie ne pourra jamais revenir sur une libéralisation ( ou dérégulation )
en vigueur au moment de la signature du traité. Il ne pourra donc qu’imprimer à l’ordre juridique interne une orientation vers plus de libéralisation – tel un train à crémaillère qui ne peut qu’avancer et jamais reculer. Un parlement ne pourra légiférer que dans un sens. Pensons à la gestion des autoroutes ( péages ) en Allemagne ou en France, au secteur de l’énergie au niveau communal, aux transports urbains… Dans ces domaines – et dans bien d’autres – la ( dé )régulation ne pourra être qu’unidirectionnelle. Il est intéressant de remarquer que, pour le mouvement des personnes physiques, le gel et le rochet sont limités à la catégorie du « personnel clé » ( par exemple, les managers et PDG ) et aux « visiteurs à court terme », c’est-à-dire au personnel qualifié. En revanche, les Etats parties pourront toujours revenir sur l’assouplissement de leur politique migratoire visà-vis des personnes peu qualifiées – accentuant ainsi des flux migratoires à plusieurs vitesses. Possibilité de plainte accrue des entreprises contre les Etats L’un des aspects polémiques du CETA est la possibilité pour une personne physique ou une entreprise considérée comme « investisseur » d’engager une procédure judiciaire contre un Etat, si elle estime avoir subi un dommage du fait du non-respect de l’accord. De surcroît, le CETA ne contient pas d’exception en matière sociale ou de travail. Il ne prévoit que les exceptions reprises de l’AGCS, qui sont absolument insuffisantes. Une nouveauté majeure pour l’UE est que le mécanisme de règlement des différends entre investisseur et Etat ne s’applique pas seulement aux investissements, mais aussi aux services financiers. On pourrait donc imaginer qu’une banque ou un institut financier canadien porte plainte contre l’UE pour un durcissement de la régulation sur le commerce des services. Le CETA contient donc un certain nombre de clauses que l’UE et ses Etats membres contractent pour la toute première fois. L’approche par listes négatives, doublée des clauses de gel et de rochet ainsi que du mécanisme de règlement des différends entre investisseur et Etat, font du CETA un accord dangereux. Les Etats membres de l’UE eux-mêmes ne semblent pas en saisir tous les enjeux. Le CETA ouvre la voie au TISA, qui porte cependant seulement sur le commerce des services et ne prévoit pas de mécanisme de règlement des différends entre investisseur et Etat. Il pave également le chemin du TTIP, où le mécanisme de règlement des différends entre investisseur et Etat est momentanément gelé en raison de l’opposition de la société civile. Bien que la Suisse ne soit pas directement concernée, le CETA représente un risque majeur. Berne et Ottawa envisagent en effet d’élargir l’accord de libre-échange existant et certaines clauses du CETA pourraient en devenir le modèle. Cela représenterait un changement de paradigme pour la Suisse, qui ne connaît pas les clauses de rochet et de gel, ni de protection de l’investissement et de mécanisme de règlement des différends entre investisseur et Etat avec les pays industrialisés.
District de la finance à Toronto. Si le CETA est ratifié, le Canada aura un droit de regard sur la régulation des services financiers et bancaires de l’Union européenne.
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Endettement public des pays en développement
Besoin d’un mécanisme d’insolvabilité Mark Herkenrath
L’exemple de la Grèce montre
le chaos qui peut résulter d’une crise de la dette. Nombre de pays pauvres croulent également sous le poids d’une dette énorme. C’est pourquoi l’ONU débat enfin d’un processus organisé
Photo : © Pascal Mora
de restructuration de la dette. La Suisse freine.
Zone frontière dans l’enclave espagnole de Melilla en Afrique du Nord. La problématique non résolue de la dette dans leur pays d’origine pousse des milliers de personnes à chercher un avenir meilleur au Nord.
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Ces derniers temps, c’est avant tout la dette publique des pays européens qui échauffe les esprits. On traite en premier lieu du cas de la Grèce. On ne parle en revanche presque pas de la montagne de dettes des pays en développement. Comme si la problématique de l’endettement des pays pauvres était réglée. Le Conseil fédéral lui-même souligne que l’initiative de désendettement des pays pauvres très endettés ( PPTE ) et celle des banques de développement sur l’allègement de la dette multilatérale ( IADM ) auraient remédié à ce problème.1 Il reconnaît cependant aussi que l’endettement de quelques pays a repris l’ascenseur. Plus grave que ce que l’on pense Les données du Fonds monétaire international ( FMI ) montrent que la situation est sérieuse. Selon ses dernières estimations de décembre 2014, trois pays en développement à bas revenu sont de facto en état d’insolvabilité, alors que quatorze autres n’en sont pas loin.2 Six d’entre eux, soit presque la moitié, ont bénéficié d’un désendettement partiel dans le cadre de l’initiative PPTE. A cela s’ajoutent vingt-neuf pays pauvres qui, selon les critères du FMI, ont un risque au moins « modéré » de banqueroute de l’Etat. Seize d’entre eux – soit plus de la moitié – ont profité des initiatives de désendettement. Autrement dit, la remise partielle de dettes n’a, dans beaucoup de cas, apporté qu’un soulagement passager. Dans de nombreux pays pauvres, l’important besoin en financement extérieur pour des projets d’infrastructure et des systèmes de formation et de santé ont fortement accru le poids des crédits. Responsabilité des créanciers Les raisons de l’endettement croissant des pays en développement varient bien sûr de cas en cas. Dans certains pays, il est dû à des gouvernements irresponsables et corrompus qui prennent des crédits pour financer des « éléphants blancs » et des importations d’armes, ou pour se remplir les poches. Les créanciers qui soutiennent de tels régimes ont leur part de responsabilité. Ils savent en général à quels bons à rien ils prêtent leur argent, qui plus est à des taux très attrayants. Puisque les pays insolvables ne peuvent annoncer leur faillite, les prêteurs irresponsables peuvent même compter – en cas de banqueroute de fait – avec un remboursement partiel à un moment ou l’autre. Dans la plupart des cas, cependant, les crédits sont octroyés de manière raisonnable pour des projets publics qui soit génèrent des gains soit stimulent la croissance économique. Le risque demeure cependant qu’un investissement d’envergure tourne simplement mal ou que des catastrophes naturelles rendent soudain impossible le service de la dette, suite par exemple au changement climatique, à une baisse du cours de
la monnaie ou à des turbulences financières et économiques externes. Les pays concernés doivent alors procéder à de nouveaux emprunts pour servir les anciennes dettes – jusqu’à ce que la spirale de la dette s’emballe et qu’ils ne trouvent plus de nouveaux créanciers. Besoin d’un mécanisme d’insolvabilité international Si un Etat est massivement surendetté ou insolvable de fait, il ne peut pas – comme une entreprise – se déclarer simplement en faillite et entrer dans un processus d’insolvabilité organisé. Il s’ensuit au contraire une bagarre pénible et de longue haleine sur la question de savoir quels créanciers seraient prêts à renoncer à une partie de leurs exigences. Les pays endettés et les créanciers tentent donc souvent de différer le plus possible une restructuration des dettes depuis longtemps nécessaire. Ils espèrent – le plus fréquemment en vain – pouvoir encore s’en sortir avec des rallonges. Le résultat est que des situations non durables traînent pendant des années et que des fonds publics sont jetés par la fenêtre. Il serait donc très important de créer enfin un cadre juridique international adapté pour un mécanisme d’insolvabilité équitable et transparent pour les Etats. Nombre d’organisations de développement, dont Alliance Sud, le réclament depuis des années. Entre-temps, le Conseil fédéral a reconnu l’utilité potentielle de cette idée. Dans sa réponse à un postulat déposé par le conseiller aux Etats Felix Gutzwiller ( PLR / ZH ) et 27 cosignataires, il a déclaré fin 2011 qu’un tel mécanisme « pourrait à l’avenir contribuer à la résolution de tels problèmes ». Dans le rapport
qui en a suivi, en septembre 2013, il estime cependant qu’il n’y a pas pour cela de « soutien notable » au plan international. Blocage suisse à l’ONU Dans l’intervalle, un soutien a émergé sur la scène internationale en faveur d’une procédure d’insolvabilité pour les Etats. Les pays en développement ont en effet obtenu, en septembre 2014, que des négociations soient menées à l’ONU afin de créer un cadre juridique multilatéral pour la restructuration de la dette des Etats. Ils poussent en outre pour que le document final de la conférence prochaine de l’ONU sur le financement du développement ( voir pp. 6-7 ) reconnaisse la nécessité d’un tel instrument. La Suisse se montre pour l’instant peu coopérative. Elle s’est abstenue lors du vote initial à l’ONU et a même refusé une résolution sur les modalités spécifiques de négociations. La justification officielle du blocage helvétique est que ce vote sur les modalités de négociations était entaché d’un vice de procédure technique. La vraie raison serait cependant autre : quand il s’agit de questions importantes de politique économique, la Suisse préfère en discuter au sein du FMI, car les pays industrialisés y ont plus de poids que les pays en développement. Le problème, c’est que jusqu’ici les propositions du FMI pour traiter les crises de la dette se sont avérées clairement insuffisantes. 1 Un cadre multilatéral pour la restructuration des dettes, 13.9.2013, http://bit.ly/1AuuSIE 2 Voir http://bit.ly/18DloDe
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Les bons tuyaux de l’InfoDoc La mue de l’altermondialisme A la veille du Forum social mondial ( FSM ) de Tunis, qu’est devenu le mouvement al termondialiste ? Se présentant comme une alternative sociale au Forum économique mondial de Davos, la première édition du FSM de Porto Alegre en 2001 avait résonné comme un coup de tonnerre. Depuis lors, les médias se sont en bonne partie désin téressés des forums sociaux et, signe des temps, la manifestation Public Eye on Davos portée par Greenpeace et la Déclaration de Berne, a annoncé son arrêt en février 2015. Peut-on en conclure par un KO du sys tème sur la galaxie altermondialiste ? Rien n’est moins sûr. Comme le déclarait Nicolas Haeringer, coprésident du conseil scientifique d’Attac, « des choses se passent sans qu’on le voie forcément. Les mobilisations ne sont pas vaines, elles perdurent et peuvent avoir des effets inattendus plus tard. Certains parlent de « constellation » ou de « bruit de fond » ( Libération, 19 août 2014 ). L’organisation du FSM à Tunis rappelle les mobilisations révolutionnaires du printemps arabe de 2011. Cette même année
voyait le surgissement du mouvement des Indignés en Espagne et celui du mouve ment Occupy à travers plus de 80 pays. Plus récemment, en France, le mouvement zadiste ( dérivé de l’acronyme ZAD pour Zone à défendre ) organise de gigantesques squats politiques destinés à s’opposer à des projets d’aménagement. La grande force du mouvement alter mondialiste ? Sa capacité à absorber les nouveaux défis. Pour preuve, dès le FSM de Dakar en 2011 puis de Porto Alegre en 2012, le concept de « crise de civilisation » est apparu dans le sillage des mouvements amérindiens. Autre crise figurant désor mais au sommet de l’agenda du mouve ment : la crise climatique. Les tuyaux – Forum social mondial : le dossier d’InfoDoc :
www.alliancesud.ch/fr/infodoc/dossiers/FSM
– Eddy Fougier, « Altermondialisme : contre-pouvoir global ou grande alternative ? », CERISCOPE Puissance, 2013 : http://goo.gl/GstWDy
– Les chroniques de Tunis 2015 ( dès le 24 mars ) : http://goo.gl/H6rkGx – « De l’altermondialisme aux « Indi gnés » : un nouveau souffle pour la contestation du capitalisme ? », La Revue internationale et stratégique, n° 86, 2012 : http://goo.gl/b2cP8K ( disponible au centre de documentation ) – « Les nouveaux horizons de l’associa tion alter », Libération : http://goo.gl/mFFVZG
– « ZAD, le dernier endroit où l’on converge », Le Courrier : http://goo.gl/AkjorT
– Cédric Durand, « Ce que veut le mouvement pour la Justice clima tique », Contretemps, CETRI, 16 décembre 2009 : http://www.cetri.be/spip.php?article1487
Pour plus d’informations : Alliance Sud InfoDoc Avenue de Cour 1, 1007 Lausanne doc@alliancesud.ch ou 021 612 00 86 www.alliancesud.ch / documentation
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Regards suisses sur le Sud.
Dès 2040
avec la même quantité d’émissions de CO2, le monde ne doit plus utiliser d’énergie fossile.
80 pour cent
des réserves mondiales de charbon doivent rester dans le sol.
10 milliards
Faits et chiffres En marche vers l’objectif de 2°C
de dollars d’investis sements dans l’industrie fossile ont déjà été suspendus à cause de la chute des prix du pétrole. Source : Nature
Photo : © F rançois Schaer / p hovea
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Mathare, au cœur de Nairobi ( Kenya ), est l’un des plus grands bidonvilles d’Afrique. Avec les stigmates usuels de la misère : violence, drogue, prostitution. Depuis 25 ans, la Mathare Youth and Sports Association ( MYSA ) s’engage pour les jeunes en es sayant de leur ouvrir des perspectives. L’entraînement au football est l’une des acti vités importantes. Le FC Mathare, club professionnel, est devenu l’un des ténors de la première ligue du Kenya. Nombre de joueurs de Mathare ont été sélectionnés pour l’équipe nationale ou des équipes connues en Europe. www.mysakenya.org Formé au Centre d’enseignement photographique ( CEPP ) d’Yverdon, le photographe François Schaer ( 48 ans ) vit et travaille à Genève. Il est membre de la galerie Focale et de l’agence Phovea. Ses travaux sont exposés régulièrement en Suisse et à l’étranger.