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AV R I L / M A I / J U I N
ALPHABET(E)A(M)
Matthieu Marchal Musique @matthieumarchal
Jehanne Moll Photographie + Illustration @molljehanne
Florence Vandendooren Agenda Liège
Victoire de Changy LittĂŠrature @victoirecdc
Axelle Minne Coordination Générale @axellemnn
Sigrid Ravaud Agent en mission (encore) secrète @sidbanger
Sébastien Hanesse Culture + Agenda Bruxelles @sebhanesse
Aurélia Morvan Journaliste @blackcherry
Elli Mastorou Cinéma @cafesoluble
LET’S BE FR I EN DS !
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Alphabetable des matières Edito Focus : Lasse Hallström Grande petite édition Hey Yeah ! Interview with : Pascal Hollogne Jolie petite histoire Kiss & Cry L’imprimerie avec un grand «I» Magnitude 4,5 Nicky was ambitious On y était : Bruxelles ma Belle Petit cabinet de curiosités Quelques questions à Piano Club Rêverie automatique Something about loneliness TOP 10 : adaptations (réussies) de livres Un entretien sans maquillage, ou presque Veine graphique With her drummer (E)xploration textile Yummy time ! feat. Foodsterbox Zones d’ombres Anne de Gelas, nostalgique irrémédiable Brèves musicales Chroniques littéraires Dessine-moi un royaume BONUS
I llustration - L e T ypographe
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EDITO A xelle M inne
208 pages. Voilà ce qui plante officiellement les Un an (et des miettes) de notre cher et tendre magazine. 208 pages. Je revois encore la scène, il y a déjà plus d’une année et demie : 5 filles dans une toute petite chambre liégeoise, éblouies par un soleil d’hiver transperçant les fenêtres et ne nous réchauffant guère. 5 filles mettant dans l’ordre les premières lettres du futur magazine, évoquant les artistes dont elles voulaient parler, primeurs d’un printemps 2012, et riant doucement à l’avenir. Je revois une autre scène, il y a un tout petit peu plus de 12 mois, dans l’enceinte d’un café-théâtre : une centaine de personnes fêtant avec nous un ‘A’ un peu timide mais portant déjà fièrement un manifeste de 26 lettres. Des concerts, des cupcakes et des minutes entières à prendre la pose devant le photomaton alors que d’autres profitaient doucement d’un mois de mars clément sous les arbres à peine vêtus. Encore d’autres scènes : ces 4 dimanches soirs, derrière l’ordinateur à fignoler chaque fois un peu plus ce que nous déposons sur la toile, la fièvre et l’empressement, la hâte et puis les sauts de puces à chaque annonce d’une nouvelle édition. Depuis cette après-midi, la toute première percée dans un tout petit studio ardent, l’équipe a rétréci, puis s’est agrandie de nouveau. De 5 à 7 en repassant par 5 et puis de nouveau par 7. Et puis par 8. Et ensuite par 9. Et on peut même dire maintenant par 9 et demi. Il y a eu des gaffes et des petites victoires mais surtout un nombre incalculable de souvenirs imprimés sur nos mirettes. Et puis surtout il y a vous. Vous qui nous lisez, vous qui suivez attentivement ce qu’il se passe, vous qui autant que nous, rêvez d’une Culture avec un grand C. Il est assez ironique de se dire que nous dépassons les 200 pages alors que ce ‘E’ est le dernier. Plus de pages à tourner, de compte Issuu pour nous malmener, de découvertes orthographiques misérables alors que tout est bouclé. Tout ça c’est fini. Oui, c’est bel et bien fini. Mais que vous réserve-t-on ? Pour le savoir, il faudra être là le 6 juillet 2013 et un peu avant aussi. En attendant, lancez-vous corps et âme, dans la lecture de cette ‘dernière’ édition annonçant d’ores et déjà, les prémisses d’un tout nouvel Alphabeta.
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FOCUS : Lasse Hallström C hroniques C inématographiques - E lli M astorou
Lasse Hallström, c’est ce genre de réalisateur qu’on connaît sans connaître, au nom impossible à retenir mais dont on sait qu’on a vu au moins un film. Le contraire serait d’ailleurs difficile, puisque ce Suédois qui a débuté en tournant les clips de ses compatriotes ABBA a connu une carrière prolixe. Dans sa patrie d’abord, puis aux Etats-Unis, où depuis les années 90 il enchaîne des films au casting souvent prestigieux mais aussi de qualité inégale. Malgré les hauts et les bas, Lasse Hallström a réussi à s’installer dans un créneau bien précis du cinéma de genre, en se spécialisant dans les comédies romantiques adaptées de romans éponymes, et signe régulièrement des films avec plus ou moins
d’eau de rose dedans. Et il n’est pas près de s’arrêter là : ses deux derniers opus sortent à deux semaines d’écart ce printemps, et c’est l’occasion pour Alphabeta de vous faire un petit tour du propriétaire.
1975 – 1987
Pér iode suédoise
Comme évoqué plus haut, les choses ont débuté en musique pour ce cher Lasse (contraction de ses deux prénoms, qui fleurent bon la Scandinavie : Lars et Sven), puisqu’il a réalisé la quasi-totalité des vidéoclips du plus célèbre quatuor suédois. La liste est longue, et nous vous l’épargnerons ici
pour nous concentrer sur ses premiers longsmétrages. Le premier a d’ailleurs de vagues airs d’autobiographie, au vu de son personnage principal qui s’appelle Lasse lui aussi. Mais chassez le naturel, il revient au galop : le deuxième film d’Hallström n’est autre qu’un documentaire sur ABBA. Mais quelques années plus tard, Lasse connaît le succès, le vrai : Ma Vie de Chien cartonne au box-office et décroche une nomination aux Oscars. Cette histoire touchante raconte, à travers le regard de celui-ci, l’histoire d’un petit garçon qui passe l’été loin de sa maman : ce qu’il ignore, c’est que celle-ci est gravement malade. Fort de ce succès, le réalisa-
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teur suédois est accueilli chaleureusement par Hollywood, et entame ainsi la seconde période de sa filmographie. 1991 – 2012
P ér iode amér icai n e Plus conséquente que la première, cette seconde période jouit de moyens indéniablement supérieurs, tant au niveau de la production que du casting, souvent de renommée internationale. Mais s’ils sont plus nombreux et mieux financés, les films américains de Lasse Halström ne sont pas forcément meilleurs. J’en entends au fond dire que ce n’est pas étonnant, mais avant de brûler sur le bûcher du bon goût ses créations douteuses, soulignons d’abord les réussies, ou du moins celles qui ont rencontré le plus de succès tant auprès du public que de la critique. Parmi celles-ci, on retrouve un des films qui a contribué à lancer un certain Leonardo DiCaprio, qui jouait dans What’s Eating Gilbert Grape aux côtés de Johnny Depp et Juliette Lewis bien avant que James Cameron lui ob-
tienne un aller simple sur le Titanic. En parlant de Depp, ce dernier a tourné deux fois pour Hallström ; d’abord dans le drame précité, puis dans une comédie romantique avec une autre Juliette bien connue : en l’an de grâce 2000, Madame Binoche et l’ex-Monsieur Paradis mangeaient du Chocolat dans un village de France, et je suis sûre que vous vous en souvenez. Mais le plus gros carton de la carrière US du réalisateur suédois c’est The Cider House Rules, ou L’œuvre de Dieu, la part du diable en VF, une quête de soi poignante adaptée du roman de John Irving, qui fut couronnée de 2 Oscars. Ça, c’était pour la partie glorieuse. Car pour le reste, et même s’il fait tourner beaucoup Richard Gere dans des bonnes histoires, ce n’est pas toujours aussi réussi. Pour ne citer qu’eux, disons que Casanova avec feu Heath Ledger ou encore Dear John avec Channing Tatum ont peiné à convaincre, la preuve qu’un beau gosse ne suffit pas pour faire un bon film, sauf si on
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est une adolescente de 14 ans en pleine crise hormonale. Récemment pourtant, Des saumons dans le désert, sorte de resucée romantique de Chocolat avec du poisson, poussait Ewan McGregor dans les bras d’Emily Blunt de façon plus ou moins convaincante, même si tout cela restait très prévisible. 2013
le double com e - back
Rien n’arrête pourtant l’increvable Lasse ! Au contraire, cette année il met les bouchées doubles en variant les plaisirs. Tout d’abord avec L’Hypnotiseur, qui est une innovation à deux niveaux : premièrement, le réalisateur s’aventure dans un genre inexploité jusqu’ici, le thriller. Mais il reste quand même un peu en terrain connu, puisque l’histoire de cette enquête sur un meurtre violent amenant un policier et un hypnotiseur à collaborer est adaptée d’un roman suédois éponyme. Et c’est là que se dévoile le second changement : après plus de vingt ans, Lasse Hallström revient à ses origines en tournant un film en
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suédois. Malgré ces deux points, et même en faisant jouer son épouse, L’Hypnotiseur débute comme un polar plein de promesses pour se conclure comme un téléfilm pluvieux, perdant son intrigue de vue. Mais à côté du désastre qu’est Safe Haven, cet hypnotiseur scandinave ferait presque office de chef d’œuvre. Difficile en effet de trouver du positif dans cette bluette nauséeuse gavée de bons sentiments niais, qui n’a même pas le mérite d’être portée par des vraies têtes d’affiche. A la place, le spectateur doit se contenter de deux faux comédiens de bas étage au manque de talent flagrant : d’un côté Josh Duhamel, qui a joué dans X-Men mais est aussi Monsieur Fergie-des-Black-EyedPeas dans la vraie vie, et qui s’y connaît manifestement autant en jeu d’acteur qu’en musique. De l’autre, dans le rôle de la midinette énamourée fuyant un passé improbable, Julianne Hough, inconnue chez nous mais qui sait très bien « Danser avec les stars » à la télé US. Cette énième comédie romantique, adaptée
du roman éponyme de Nicholas Sparks (le Marc Lévy américain, grosso modo), est noyée dans l’eau de rose à tel point qu’on en ressort avec la nausée. Le coup de théâtre final ne parvient même pas à susciter l’intérêt du spectateur, probablement parce que ce dernier a déjà quitté la salle. Conclusion : Il sait émouvoir comme il sait atterrer, mais quand il cartonne comme quand il se plante, Lasse Hallström est un réalisateur chevronné qui nous prouve, quand il travaille sérieusement, que ses films portent la patte d’un vrai auteur de cinéma.
1975 A Guy and a Gal (En Kille och en tjej) 1977 Vive Abba (ABBA: The Movie) 1979 Father to Be (Jag är med barn) 1981 The Rooster (Tuppen) 1983 Happy We (Två killar och en tjej) 1985 Ma vie de chien (Mitt liv som hund) 1986 The Children of Noisy Village (Alla vi barn i Bullerbyn) 1987 More About the Children of Noisy Village (Mer om oss barn i Bullerbyn) 1991 Once Around 1993 What’s Eating Gilbert Grape
Safe Haven, sortie le 24 avril The Hypnotist, sortie le 8 mai
1995 Something to Talk About 1999 The Cider House Rules 2000 Chocolat 2001 The Shipping News 2005 An Unfinished Life adaptation Gere Lopez 2005 Casanova 2007 The Hoax 2009 Hachi: A Dog’s Tale 2010
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g RAN DE PETITE éDITION I nterview - V ictoire de C hangy C ouvertures - L es éditions E sperluète
Ca fait un petit moment maintenant que les livres des éditions Esperluète m’émerveillent tant par leur contenu que par la beauté des objets qu’ils constituent. J’ai rencontré Anne Leloup, fondatrice et meneuse des éditions, lors de la Foire du livre de Bruxelles. D’où est partie l’idée de fonder les éditions Esperluète ? L’idée des éditions Esperluète c’est d’associer écrivain et plasticien. De la littérature générale et des travaux d’artistes contemporains qui se rejoignent dans un livre, et pas nécessairement sous forme de catalogue ou
ce genre de choses qu’on connaît davantage, mais plutôt sous forme de commentaires ou de rencontres imbriquées entre les deux entités. Les éditions sont nées assez progressivement car je n’avais pas les moyens ni humains ni financiers pour mettre ça en place de manière immédiate. Donc ça été assez progressif, et ça fait une vingtaine d’années qu’on existe maintenant.
Pourquoi avoir choisi pour symbole de la maison, l’Esperluète - & - ? Pour le signe de la liaison, le « et », le croisement. Quand on choisit quelque chose par sympathie pour le signe et par intérêt graphique, on le décline et on réalise que ça a d’autres significations et qu’on peut s’y rattacher. Il y a aussi le livre ET son lecteur, qui est dimension importante dans le livre pour qu’il vive au delà de la publication et qu’il y ait la rencontre avec le lecteur ;
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N’est-il pas trop difficile de se faire sa place dans le si vaste paysage éditorial belge et français ?
c’est une chose à laquelle on apporte beaucoup d’attention dans la maison.
On remarque dans vos ouvrages des mélanges de genres – entre arts plastiques et littérature – ainsi que des mélanges de publics avec des livres tant pour adultes que pour enfants. Pourquoi ?
C’est difficile, c’est évident... Mais chacun travaille à sa mesure, on tient le coup donc ça va ! Je suis contente qu’on soit toujours là, que ça fonctionne, qu’on puisse toucher d’années en années de nouveaux publics. Ce sont des livres qui ne sont pas périmés au bout de trois mois, et cette optique va vers ce en quoi je crois: ce qui est grand, c’est que lorsqu’un nouveau lecteur arrive « à maturité » et qu’il a envie de lire des choses, un livre paru il y a dix ans est toujours nouveau pour lui.
C’est bien là l’idée. Ce sont vraiment tous ces croisements qui m’intéressent.
Si vous pouviez citer une particularité propre et commune à tous les ouvrages des éditions Esperluète, laquelle serait-elle ?
Vous faites-vous un point d’honneur à ne promouvoir que des auteurs/artistes belges ?
Je suis très attachée à l’idée de faire de beaux ouvrages, à apporter une attention au papier, à la mise en page, à la typographie... Je veux faire en sorte que les choses restent simples, je ne suis pas tellement dans l’ostentatoire : je veux que nos ouvrages soient beaux tout en restant abordables au niveau du prix. Certains disent que c’est du livre d’artiste, c’est peut-être le cas mais je ne veux pas que ça soit chic et cher, ça doit être accessible en librairie et à tous, et cette idée passe malgré tout pour le prix.
Non, la proximité fait qu’on a beaucoup d’auteurs belges au catalogue mais on a aussi des Français, on fait des traductions ... On est assez ouverts !
Le projet d’Esperluète dont vous êtes la plus fière ? Impossible d’en choisir un seul !
Comment voyez-vous l’évolution de la maison d’ici quelques années ? Je dois dire que je n’en ai pas la moindre idée... Je pense qu’on est en pleine
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Tradition Alphabeta : la meilleure boisson, la meilleure ambiance, la meilleure musique pour feuilleter un ouvrage d’Esperluète ?
mutation dans le monde du livre, entre autres par rapport à tout ce qui est support numérique. Je trouve ça vraiment intéressant mais c’est un outil que je ne maîtrise pas, et je ne vois pas trop où on peut trouver notre place là-dedans, puisque nos livres ont du caractère en termes d’objets. Au niveau des nouveaux médias, c’est fascinant tout ce qu’on peut imaginer pour que ça circule d’une certaine manière, c’est peut être davantage la lecture qui se transforme que le livre en soi.
Dans un train, avec un thé... En écoutant John Scofield !
Avez-vous des références en matière d’édition ? Fata morgana, Actes Sud... La liste est longue !
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H EY YEAH ! I nterview & P hotographies - J ehanne M oll
Hey Yeah !, quatuor rock’n’roll qui nous vient tout droit de Nivelles pour nous faire bouger. Après avoir ouvert quelques scènes et après que leur EP soit sorti, ils sont prêts à fouler des nouvelles scènes comme celle du Ronquières Festival. Enfilez vos jeans cloutés… Everyone says Hey Yeah !
Hey Yeah, c’est qui, c’est quoi ? Hey Yeah c’est nous quatre, ça fait quand même quelques années qu’on joue. Bientôt 5 ans. Mais ce n’est que depuis 2 ans qu’on s’est dit qu’on allait vraiment prendre le temps de s’investir pour le groupe. Maintenant que ça commence à prendre forme, on prépare un nouveau CD et on va réaliser un nouveau single.
Quelles sont les origines de votre groupe, comment est-ce que vous vous êtes rencontrés ? On fréquentait la même école à Nivelles. On était tous dans la même classe ou presque. Comme c’est une petite ville tous les fans de musique finissent par se rassembler à un moment ! C’est ce qu’il s’est passé avec nous !
Votre EP « Everyone says hey yeah » est sorti début 2012. Sur quelles routes vous a-t-il emmené ? Sur les routes belges! (rires) Il nous a ouvert une vingtaine de dates sur l’année, notamment à Gand, en France et à l’Orangerie du Botanique. Ca a été le début, le déclic ; on est devenu un groupe à ce moment-là, avec des shows à préparer. C’était l’aboutissement du travail qu’on avait fourni. Quand on a su qu’on allait jouer à l’Orangerie avec un groupe anglais qu’on affectionne, c’est clairement là qu’on s’est dit qu’on
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devait continuer l’aventure. C’était en même temps l’aboutissement mais aussi la suite de notre travail.
nous demande plus de travail, et nous répétons plus régulièrement qu’avant. On prépare généralement l’ordre des chansons la veille du concert ou même parfois une heure avant. Par contre, on essaye à chaque fois de faire des nouveaux morceaux. La préparation consiste surtout à envoyer beaucoup de mails ; c’est vraiment une démarche administrative. C’est pour ça qu’on travaille avec Emy Dehez, de Me, Myself and Music depuis fin 2012. Elle a pris notre projet en main pour nous aider à démarrer sur quelque chose de mieux, pour accéder à de meilleures scènes, aussi !
Vous nous parlez de la scène du Botanique, il y a aussi eu les Ardentes Club ou encore les Pias Nites, comment se passe la préparation de la « tournée » ? Très alcoolisée! (rires). Ce n’est pas vraiment une tournée au sens propre du terme même si on joue beaucoup plus qu’avant. On avait fait 20 dates en trois ans, et là, on en a fait 20 en un an ! Le rythme s’est accéléré ; cela
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Votre premier clip retranscrit l’ambiance d’une tournée justement. Pourquoi avez-vous choisi cette ligne de conduite ?
couplet-refrain. On reste un groupe pop dans la construction des morceaux et dans l’ambiance générale, mais sur scène, on est très rock. En live, on la joue plus rock’n’roll. On transpire.
Quels sont les sujets principaux de vos chansons ?
C’est un clip qu’on a réalisé avec très peu de moyens, c’est un peu artisanal ! Un ami l’a réalisé pour nous et il en a dicté l’orientation. On y ressent le caractère adolescent qui s’amuse et qui boit des bières. En fait, c’est ce qu’il se passe en dehors de la scène ! Le but du clip c’était d’avoir de la dynamique, beaucoup d’images. Il n’y a pas de scénario précis : notre ami nous suivait avec sa caméra et captait des images intéressantes pour retransmettre l’ambiance qu’il y a dans le groupe. Pour notre prochain single on va réaliser un clip avec une équipe professionnelle à qui on laissera carte blanche. Il sera quand même basé sur un scénario. Une histoire d’amour sûrement.
A nos débuts, un ami écossais, Théo Clark, nous aidait à écrire les paroles de nos chansons. Il écrit très bien, même si maintenant nous essayons d’écrire les paroles, nous ne sommes pas spécialement de grands paroliers. Comme pour la plupart des chansons, les nôtres parlent d’amour. Ou de ruptures ! On est plus du côté des loosers ! (rires) Et parfois, elles parlent de souvenirs. L’un amène la base d’un morceau puis on travaille dessus à quatre, on arrange ensemble.
Premier EP, premiers concerts, et le premier album c’est pour quand ?
Quelles sont vos influences ?
C’est la grande question ! Ca sera pour 2014. On y travaille activement, c’est un but final. Pour le moment on travaille plus dans l’optique d’un nouvel EP, plus abouti que le précédent. Quelqu’un de chez Pias sur Pure FM disait qu’il n’y avait plus vraiment de sens de faire un album pour le moment. Que ça fonctionnait plus par single ou par EP, avec l’évolution du marché de la musique. Les stratégies sont différentes. Ce n’est plus vraiment un aboutissement en soi de faire un album. On rêve évidemment toujours d’un faire un ! L’aboutissement artistique c’est
A la base on est tous fort attirés par le rock anglais des années 90’ : BLUR, Oasis etc. Notre base commune est surtout les Smiths car quand j’ai commencé à chanter, on s’est rendu compte que ma voix était assez proche de celle du chanteur des Smith, et cela a relativement influencé nos premières chansons. Maintenant on fait en sorte que notre musique soit plus actuelle : certains morceaux sont plus connotés pop, d’autres sonnent drum. Pour l’avenir on produira quelque chose de plus recherché que simplement
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milieu de la musique, des groupes qu’on connaît et qu’on affectionne. On veut être les suivants, le groupe de l’année prochaine. C’est pour ça qu’on travaille.
l’album. Mais on le fera quand on en aura les moyens, quand on aura assez de chansons et un label. Pour l’instant on est dans la démarche de sortir un single car ça nous permet de toucher beaucoup de gens très vite via les réseaux sociaux. Pour le moment, on se concentre sur la qualité des morceaux, un par un.
Si vous deviez définir le groupe en trois adjectifs, quels seraient-ils ?
Qu’est-ce que vous attendez pour l’année 2013 ?
Psychédélique! (rires). Fun ! Un ingénieur du son nous avait déjà posé cette question et on avait répondu fun. Ca fait un peu entretien d’embauche cette question ! Sinon, on peut dire qu’on est persévérants, sans prise de tête, alcooliques… (rires).
Jouer en été, et d’ailleurs, on foulera la scène du Ronquières Festival ! On espère avoir encore avoir de bonnes dates. On a déjà beaucoup joué dans des cafés mais ce n’est pas vraiment là qu’on peut faire son trou. Le fait de faire le single qu’on a enregistré et le clip, ça nous permet de démarcher et de trouver des bonnes dates. On aimerait bien s’exporter un peu : jouer en France ou en Flandre. C’est assez compliqué pour un groupe wallon de jouer en Flandre mais ce serait génial de pouvoir y faire connaître l’album. Pour le moment on est encore assez local mais on veut grandir et s’exporter. Et jouer dans tous les pays limitrophes dans un premier temps. On a envie de jouer dans toutes ces salles qui font rêver : l’Ancienne Belgique, le Cirque Royal, Forest National, même si c’est assez utopique on est là pour ça ! Commencer en première partie et puis pourquoi pas devenir une tête d’affiche. On ne sait pas prévoir ce que l’avenir nous réserve. Au plus tard dans un an, on aura un EP, mais c’est encore difficile d’envisager la suite. On espère faire partie de la nouvelle vague qui s’exportera cette année : il y a toujours des groupes qui sont portés par le
Quelle serait la boisson parfaite à boire en écoutant votre musique ? Un sex on the beach. Ou une bière. C’est ce qu’on boit quand on fait de la musique. Mais on aime l’idée du sex on the beach, pour le concept.
Le moment parfait pour écouter votre musique ? Tout le temps évidemment ! Je pense que c’est plus un truc à écouter sur sa chaine hi-fi seul chez soi. Mais dans les chansons qu’on va construire ce sera plutôt seul tôt le matin quand le soleil se lève. Ou en voiture en rentrant de concert. Tout le temps en fait, 24 heures sur 24.
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I NTERVI EW WITH : PASCAL HOLLOG N E I nterview - E lli M astorou
Dans quelques semaines, la 16ème édition du Brussels Short Film Festival reviendra prendre ses quartiers dans divers endroits d’Ixelles, entre le Vendôme et le Théâtre Mercelis en passant par l’incontournable chapiteau de la place Fernand Cocq. Derrière cette rencontre annuelle festive, devenue un des événements ciné bruxellois incontournables, se cache l’ASBL Un Soir… Un Grain. Cette structure fondée il y a bientôt vingt ans par des étudiants cinéphiles compte aujourd’hui plusieurs cordes à son arc, comme également le Be Film Festival, qui propose un best-of du ciné belge chaque décembre au Bozar, mais aussi des concerts, des soirées, et de la production de courts-métrages. A cette occasion, nous avons rencontré Pascal
Hologne, un des responsables et cofondateur de l’ASBL, pour en apprendre un peu plus sur ce festival qui depuis seize ans déjà, contribue à faire vivre le vivier de talents qu’est le cinéma de courtmétrage international, et belge en particulier.
Parle-nous des débuts de l’aventure Un Soir… Un Grain : comment est né l’ASBL ? Peux-tu d’ailleurs nous éclairer sur l’origine de ce nom ? Le nom vient d’Un soir, un train, le film d’André Delvaux de 1968. C’est une forme de clin d’œil décalé et caustique à cette personnalité-phare du cinéma belge, et en même temps une référence au grain de folie, au grain de la pellicule de film… et puis nos activités sont principalement noctambules, donc
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ça collait bien ! Au départ on était une petite poignée d’amis étudiants d’ELICIT [NDLR : le Master en Arts du Spectacle de l’ULB]. Ensemble, on a lancé en 1998 une première édition du festival, qui s’appelait Climax. Une fois les études finies, il était nécessaire de créer une structure légale. C’est ainsi que l’ASBL est née, et le 2ème festival eut lieu en mai 1999. Cette deuxième édition s’appelait « Oh, ce court ! ». Ce n’est qu’en 2000, pour la troisième édition, que l’on a pris le nom de Festival du Court-Métrage de Bruxelles pour la première fois.
des stagiaires, des bénévoles et des indépendants qui nous rejoignent tout au long de l’année.
Tu as également réalisé quelques courts-métrages. La réalisation, est-ce une voie que tu veux poursuivre ? La réalisation c’est quelque chose que j’ai toujours eu envie de faire, et que j’ai
pratiqué en tant qu’étudiant : j’ai fait l’INRACI en réalisation, puis je suis allé en ELICIT, où j’ai fait un mémoire en écriture de scénario avec Luc Dardenne, pour compléter et approfondir ma formation dans le but de faire des films. Je ne pensais pas changer de direction et devenir organisateur de festivals. Mais aujourd’hui c’est mon travail, et cela me prend beaucoup de temps. Si j’avais 48h dans une journée, je ferais la réalisation à côté ! Mais c’est un boulot qui prend plein de place, même si c’est un chouette boulot, ce qui rend difficile de se consacrer à 100% à autre chose.
Comment êtes-vous passés d’une initiative étudiante à un travail qui est aujourd’hui à plein temps ? Pendant de nombreuses années, nous avions un travail à côté. Le festival était en hobby, on prenait congé pour aller à Clermont [NDLR : le Festival du Court-Métrage de Clermont Ferrand, un des plus importants du genre]. On payait nous-mêmes l’hôtel, et au lieu d’aller en vacances au soleil on allait voir des films. Pendant le festival, on prenait congé pour faire cela à notre aise, mais pour l’organisation on faisait ça chacun dans notre coin, en dehors de nos heures, car nous n’avions pas de bureaux ! Aujourd’hui nous recevons des subsides d’un peu partout : de l’argent public via des institutions publiques comme La Région de BruxellesCapitale, la Communauté Française, l’Etat, ou l’Europe. Nous avons aussi des partenaires privés. Il a fallu du temps, mais aujourd’hui nous sommes entre 3 et 4 salariés à plein temps. Plus
Le format du court-métrage est souvent un tremplin, et beaucoup de réalisateurs belges qui sont aujourd’hui passés au long ont débuté dans votre festival. Lors de l’édition 2012, on retrouvait, en palmarès national, Le Cri du homard de Nicolas Guiot, ensuite primé aux Magritte et / 26 /
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intérêt du public belge pour son cinéma ?
aux César, et en palmarès international, Curfew de Shawn Christensen, qui a reçu l’Oscar du meilleur court d’animation aux Oscars !
On ne peut pas comparer ce qui se passe dans les salles en termes de fréquentation classique de longsmétrages, et ce qui se passe au Brussels Short. Chez nous, il y a le côté festif, les rencontres, le plaisir de boire un coup et discuter des films, de rencontrer l’équipe, mais aussi découvrir des films que l’on n’aurait pas l’occasion de voir ailleurs. Les gens qui vont dans les grandes salles de cinéma, eux, ont décidé à l’avance de ce qu’ils vont voir. Le grand public est attiré par les stars qu’il voit dans les bandes-annonces à la télé et la radio… et que le cinéma belge n’a pas les moyens de se payer. Et puis nous n’avons pas vraiment, ou peu de «stars » belges. Ce qui est certain, c’est que lorsqu’une place est à prendre, c’est facile de la prendre. Lorsque la place est déjà prise par quelqu’un d’autre, c’est moins facile. En Belgique, la place est prise non seulement par les Américains comme tout le monde, mais aussi par les Français. Il faut se battre contre deux gros concurrents plutôt qu’un seul, du coup c’est plus compliqué. Les médias aussi sont plus frileux, du coup ces films ont du mal à percer. Parce que le premier outil médiatique pour donner envie aux gens de voir un film, c’est la télévision. C’est dur d’échapper au matraquage médiatique, et de faire parler d’un film belge à la télévision. Il faut se battre, mais c’est possible. Comme Olivier Gourmet a dit lors de la conférence de presse des Magritte, on sent en Belgique comme un besoin que la France valide d’abord. Les Flamands subissent moins cette pression, ils ont un système qui s’auto suffit grâce à
Bien sûr, le court-métrage est un vivier de talents belges et internationaux. D’ailleurs je pense que Jaco Van Dormael est le dernier réalisateur belge encore en activité qui n’a pas fait ses débuts chez nous, ou presque ! Hormis Benoît Mariage, qui est passé au long avant la création du festival, on les a quasiment vus tous passer : Joachim Lafosse (A perdre la raison), Fabrice du Welz (Vinyan), Nabil Ben Yadir (Les Barons), Géraldine Doignon (De leur vivant), Delphine Noels (Post Partum), Olivier Masset-Depasse (Illégal), Matthieu Donck (Torpedo)… Frédéric Fonteyne a été jury en 2000, l’année où Cécile de France a reçu le prix d’interprétation pour Le Dernier rêve d’Emmanuel Jespers : c’était le premier prix de sa carrière ! Quant à Bouli Lanners, la première projection publique de son premier film, Travelling, c’était chez nous. L’an passé, lors de la quinzième édition, il m’a dit « C’est le quinzième festival ? Alors ça fait quinze ans que je suis réalisateur. »
Comment te positionnestu par rapport à ce constat sur le cinéma belge d’aujourd’hui, qui semble avoir mal à son public ? Comment expliquer cela ? Comment développer un / 27 /
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leurs programmes télé et leurs stars, car la Hollande ne les écrasait pas. Chez nous la France a pris beaucoup de place. Il faut s’accrocher davantage, mais rien n’est perdu ! Un autre facteur important dans ce constat : en Belgique, il n’y a aucune sensibilisation à l’image dans l’enseignement public. Que ce soit en primaire ou en secondaire, il n’y a pas de cours d’audiovisuel, d’analyse de l’image, on ne te parle jamais de cinéma. Peut-être dans une école artistique, ou bien vaguement quand on passe un film pour illustrer un thème du cours de morale, mais il n’y a pas d’éducation à l’image, aux médias, au langage filmique dans le programme. C’est quand même fou que la télévision, qui est le premier média auquel on est confronté, ne soit pas prise en compte dans le programme scolaire. Livrés à eux-mêmes, les gens sont, dans leur quotidien, globalement davantage confrontés au cinéma et à la télévision qu’à la littérature ! A Brest, qui héberge chaque année le deuxième plus gros festival de France en matière de court-métrage [NDLR : 40 000 spectateurs annuels contre 22 000 à celui de Bruxelles], tous les après-midis il y a mille collégiens dans une salle comble. A Bruxelles, nous organisons des matinées pour les écoles, et il y en a qui font le déplacement. On est proactifs, on les contacte, et certains répondent positivement. La plupart ne donnent pas de suite. Pourquoi ? « C’est pas dans le programme ! ». En France c’est dans le programme. Il y a un baccalauréat de cinéma comme il y a un baccalauréat de maths. Même si l’on ne veut pas forcément devenir cinéaste, comme on ne veut pas forcément devenir mathématicien !
C’est une question d’éducation, d’éveil. Du coup, la population est fatalement moins sensibilisée aux différentes formes de cinéma. C’est donc peut-être en partie à cause de ça que le public belge a moins d’intérêt non seulement pour son cinéma, mais pour le cinéma en général, ou le cinéma d’auteur du moins. Car quand un film belge sort, il fait parfois un score pitoyable, mais à côté un film d’auteur d’un autre pays, très reconnu, ne fait pas d’entrées non plus. En Belgique francophone le cinéma d’auteur ne fait pas beaucoup d’entrées, qu’il soit belge ou étranger en fait. Si on compare le cinéma belge d’auteur au cinéma français d’auteur, ou européen d’auteur, on est plus si à la traîne que ça. Mais la différence avec la France, c’est que nous on ne fait pas de blockbusters ! Non seulement nous avons très peu de cinéma commercial, mais en plus nous avons un très faible taux de pénétration du cinéma d’auteur, quel que soit le pays d’origine. Et comme ce n’est pas au programme dans l’éducation, c’est aux gens à se donner les outils eux-mêmes, avec les moyens que les médias eux-mêmes leur donnent. Ce qui est biaisé, fatalement : on surdéveloppe l’acuité pour un cinéma grand spectacle et on sousdéveloppe l’acuité pour un cinéma d’auteur. Alors que tu peux passer des très bons moments, et voir du cinéma de qualité, avec un film intimiste sans grands noms…
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Pascal Hologne : filmographie // Morceau de choix, 1995 // Comme une vache sans clarine, 1996 // Kino, coréalisé avec Nadia Baribault, Kino Kabaret Montréal, 2005 Festival du court-métrage de Bruxelles – 16 ème édition : du 24 avril au 4 mai, divers endroits à Ixelles.
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Jolie petite histoire I llustrations - A mandine G a誰da
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kiss & cry I nterview - V ictoire de C hangy P hotos - M aarten V anden A beele
C’est par une nuit très froide de janvier que je suis allée applaudir Kiss & Cry au Théâtre National. J’en suis ressortie transie et éblouie, non par l’hiver blanc bien qu’il neigeait à grands flocons, mais par la magie exceptionnelle émanant de ce spectacle. Kiss & Cry se veut performance théâtrale filmée mettant en scène dans des décors miniatures une chorégraphie pour 4... mains ! Des « nanodanses » donc, qui racontent un monde à toute petite échelle. Kiss & Cry est une performance mêlant le cinéma – avec des micro-caméras, du filmage en direct sous la direction du cinéaste Jaco Van Dormael et la projection de tout ça sur grand écran, avec les chorégraphies de Michèle Anne de Mey et des textes de Thomas Gunzig. On découvre sur scène un petit plateau de cinéma orné de décors miniatures, et on suit sur grand écran les aventures de ces personnages secoués par des
tempêtes microscopiques et des battements de cœur de géant. Dans nos oreilles, en plus d’une sélection musicale on ne peut mieux choisie, les textes de Thomas Gunzig narrent avec une poésie folle la finitude des amours, de la vie, de la mémoire et de ses manquements, des souvenirs qu’on possède et puis qu’on oublie. J’ai échangé avec lui quelques mots sur le spectacle.
Comment a démarré l’aventure Kiss & Cry ? Avant Kiss & Cry, Jaco Van Dormael et Michèle Anne De Mey avaient déjà réalisé un petit court métrage qui utilisait ce concept de « danse avec les mains », avec le même danseur, Grégory Grosjean, dans le même esprit de film en direct retransmis sur grand écran. Il avait été diffusé une seule fois lors d’un événement parrainé par Jaco Van Dormael qui regroupait plusieurs artistes présentant un numéro. Ils ont eu envie de développer ce projet là mais ne savaient pas tellement par où commencer. Là-dessus est venue se
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greffer une commande que Jaco avait reçue d’un grand théâtre à Mons, et il s’est dit que ça pourrait être pas mal de répondre à cette dernière en développant une version longue de ce projet qui existait déjà. Une heure trente de chorégraphie pure c’est un peu long, et comme Jaco aime autant les histoires que moi, il m’a demandé d’en écrire une sans idée préconçue sur ce à quoi elle devrait ressembler.
A l’origine ce sont plutôt mes textes qui ont été écrits pour illustrer les danses, mais c’est parfois allé dans les deux sens en rajoutant certains éléments (par exemple les trous de mémoire dans mon texte ont donné l’illustration des trous dans le sable dans la mise en scène filmée).
« Une heure trente de chorégraphie pure c’est un peu long, et comme Jaco aime autant les histoires que moi, il m’a demandé d’en écrire une sans idée préconçue sur ce à quoi elle devrait ressembler.»
On a pu reconnaître certains extraits de nouvelles déjà lues (cf. la girafe dans le plus petit zoo du monde), comment as-tu assemblé et créé les différents textes ?
Kiss & Cry mélange à la fois danse, cinéma, littérature et musique. N’est-ce pas difficile de mélanger les codes de la sorte ?
Ça a été une tâche plutôt difficile. Jaco, Michèle Anne et toute l’équipe ont commencé par regarder tout ce qu’il était possible de réaliser avec des mains et un décor comme des aquariums ou de la fausse neige. Ils ont gardé de ces expérimentations-là une quinzaine de choses qu’ils préféraient. Parmi ces dernières, Jaco avait fait un essai expérimental sur « la girafe », justement. Cette capsule a fait partie des quinze retenues comme celles qui fonctionnaient bien. Jaco est arrivé ensuite chez moi avec une trentaine de photographies et il a fallu que je cherche à les illustrer, à réfléchir sur la forme des textes, on a beaucoup travaillé avec lui sur le comment et l’ordre dans lequel j’allais raconter les choses. Mis à part ce texte de la girafe, tous les autres ont été écrits pour le spectacle.
Non, la création en général a toujours ses difficultés, on part toujours à partir de rien donc c’est toujours le même défi. Que ce soit au niveau du son, de la lumière, des décors ou de la chorégraphie, tout le monde était très pro, et parce qu’ils l’étaient à ce point ils étaient capable de s’adapter à tout. Le processus créatif n’était pas dans ce cas-ci plus difficile que dans un autre.
Les « nano-danses » ont-elles été créées pour illustrer tes textes ou l’inverse ?
En quelle mesure avezvous travaillé tous les trois ensemble, avec Jaco van Dormael et Michèle Anne De Mey ? / 58 /
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tout le monde est encore très fort dans Kiss & Cry, donc pour l’instant rien n’est prévu même s’il arrive qu’on évoque la chose.
On a travaillé à bien plus qu’à trois, parce qu’en plus des chorégraphies, des textes et des séquences filmées, il y avait l’agencement des décors, etc. Bien que nous formions le « noyau dur » de base, c’était réellement un grand travail collectif.
Une tradition d’Alphabeta veut que je t’interroge sur tes trois endroits incontournables au plat pays. Alors ?
Quel était le public visé pour Kiss & Cry ? Je ne sais pas ce qu’il en a été dans l’esprit des choses, mais personnellement je n’ai jamais réfléchi au public que je visais, ni pour ce projet ni pour aucun autre. Le but est de faire quelque chose qui fonctionne, on n’a pas réfléchi en termes de public ni de marketing mais surtout fonction de l’émotion.
Je sors très peu de chez moi, mais quand j’ai envie de travailler ailleurs... Le Bar du matin, à Forest. Pour les œufs sur le plat et le thé vert, les Délices du coin à Anderlecht. Le grand café de la gare à Linkebeek, pour le grand jardin en été avec le château gonflable.
Quel est le futur pour ce spectacle ? En ce moment il tourne énormément à travers le monde entier, Jaco a passé plus d’une année à tourner avec le spectacle et là il a voulu commencer à faire d’autres projets et a engagé une seconde équipe pour Kiss & Cry. Ils voyagent pour le moment en Chine, en Amérique du Sud, en Corée, à Montréal, etc.
« Le but est de faire quelque chose qui fonctionne, on n’a pas réfléchi en termes de public ni de marketing mais surtout fonction de l’émotion. »
Avez-vous d’autres projets ensemble pour demain ? Je sens qu’il y a une envie mais pour l’instant
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L’I mprimerie avec un g rand “i” I nterview & P hotographies - V ictoire
Le typographe, c’est cette papeterie qui fait office d’endroit de perdition, située rue Américaine près de la place du Châtelain à Bruxelles. C’est aussi et surtout un atelier typographique où l’on privilégie la technique d’impression avec des caractères mobiles en plomb et en bois qui utilisent le principe de relief. J’ai rencontré Cédric Chauvelot, le fondateur de la maison, dans une petite pièce au dessus du fameux atelier.
En trois mots, c’est quoi le typographe ? C’est de la papeterie, de l’imprimerie avec de la technique traditionnelle et des caractères mobiles. Tous nos produits sont imprimés sur des presses typo Heidelberg et assemblés à la main, de manière artisanale, dans notre at-
de
C hangy
elier. Aujourd’hui le Typographe c’est également une marque que l’on distribue.
Quelle est votre vision de l’imprimerie ? Par rapport à notre manière de travailler, ce qui m’intéresse c’est qu’il y a la contrainte technique : on est limité par un format, l’outil qui est une machine, des lettres… à l’inverse de l’imprimerie d’aujourd’hui où, grâce à l’informatique, on n’est pas limité en faisant un fichier sur Indesign. Le revers de ce côté limité fait qu’on a moins de repères dans le travail. En composant en plomb, les corps sont de 6 – 8 – 10 – 12, une taille de 12,2 par exemple n’est pas possible, on fait avec et c’est comme ça. Ça devient une richesse, parce que la codification est plus synthétique.
« Tous nos produits sont imprimés sur des presses typo Heidelberg et assemblés à la main, de manière artisanale, dans notre atelier. »
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Et de la typographie ?
chaque année on a un beau projet avec le Théâtre de la Monnaie.
Je suis plus attaché aux années 70, pour moi la typographie actuelle s’est éloignée de la lettre. La lettre est devenue plus une image, alors qu’avant elle était image pour communiquer.
Et la suite ? J’envisage de grandir mais de ne pas trop grossir, parce qu’on produit tout à la main, tous nos papiers viennent d’Europe, et c’est justement là le défi pour nous de parvenir à distribuer à l’international avec quelque chose de 100% fait main ici à Bruxelles.
Comment a démarré l’aventure ?
Des références en la matière ?
Il y a six ans, j’ai commencé seul avec une machine et quelques caractères en plomb, sur un coup de tête. Le concept a plu dès le départ, on est représenté sur des salons et aussi par des distributeurs internationaux comme les USA, le Japon, la Corée, qui étaient en attente d’avoir des produits comme ceux qu’on fait.
En papeterie, mes coups de cœur sont les thèmes japonais en pâte de riz, les carnets Midori. Il y a aussi un atelier sur Paris dont on vend les albums photo, ils font tout à la main : « papier + ».
Quel a été votre parcours ?
Des endroits à conseiller à Bruxelles ?
J’ai étudié les Beaux-Arts à Besançon, en peinture et en dessin. Il y avait un atelier typo à l’école et c’est là que j’ai commencé à prendre goût à ce travail.
- La droguerie de Lyon rue de Laeken, parce qu’on y trouve encore des produits pour des techniques comme les nôtres, c’est une vieille institution. - Le théâtre de la Monnaie pour le côté opéra. - Peinture fraiche, une librairie d’art rue du Tabellion - Pour boire un thé, le comptoir Florian, quartier Saint-Boniface. - Pour manger, le Grain de sel près de la place Flagey.
« Il y a six ans, j’ai commencé seul avec une machine et quelques caractères en plomb, sur un coup de tête. »
Les projets qui vous ont le plus marqué ? Les salons avec les professionnels pour la distribution, avec les points d’ancre en Amérique et au Canada, un projet avec Conrad shop et le Bon Marché à Paris, et
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mag nitude 4,5 M ots - victoire de C hangy I llustration - C lemence C assells
Dans la nuit de mardi à mercredi, à minuit dix-neuf, le cœur sous Montréal s’est mis à battre la chamade. Un séisme de magnitude 4,5 et dix secondes de palpitations hors norme. Engourdie de sommeil entre mes draps, je me suis mise à songer aux origines de cet esclandre, au petit monde sous mon monde qui s’activait à faire frissonner la ville de la sorte. J’ai alors pensé au rythme de mon propre pouls, accéléré, qui sait, par la grandeur des choses que je vis depuis que je suis ici. Je me suis alors égarée à imaginer que les pulsations dans ma poitrine auraient tout aussi bien pu s’infiltrer entre les lattes du plancher de ma chambre bleu pâle, avoir traversé les couches de ciment et de terre jusqu’à atteindre le ventre du Canada. L’espace d’un instant nous aurions eu, le pays et moi, la même sève dans nos veines. Tomber en amour de cet endroit aurait d’un même tenant fait trembler les murs de Montréal et vaciller mes propres fondations.
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N icky was ambitious I nterview & P hotographies - J ehanne M oll
Après avoir vogué sur des mers tumultueuses et après avoir traversé nombre de tempêtes, Seasick Sailors pose l’ancre et foule la terre ferme. Un nouveau nom, un nouveau projet, un nouveau départ, quitter le passé c’est aussi larguer les amarres.
Tout le monde sur le pont, embarquons ! On retrouve qui dans l’équipage de Seasick Sailors ? Dans notre équipage, il y a Martin et Marc qui ont créé le projet initial. Martin est guitariste, chanteur, auteur et compositeur du groupe et Marc est bassiste et claviériste. On retrouve aussi Julien, guitariste, et au
duo rythmique, Kévin et Alexi. La fonction de chacun ne s'arrête évidemment pas là. Nous accordons autant d'importance aux riffs qu'aux harmonies et nous utilisons tous nos voix sur scène ainsi que plusieurs claviers.
De nouveaux marins sont récemment montés à bord. Qu’attendez-vous de leur venue ? Nous aurons tendance à dire qu'ils sont redescendus avec nous sur la terre ferme, car nous sommes des marins qui avons les pieds sur terre, nausées obligent ! (rires) L'album
ayant
été
réalisé
avec
de
nombreuses pistes et un grand travail d'harmonies, il a fallu trouver des musiciens capables d’en transposer la
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Seasick Sailors, d’où vient ce nom ?
richesse sur scène, afin de lui être le plus fidèle possible. Il faut savoir que ces nouveaux musiciens nous ont toujours suivi et nous avons toujours échangé
Il vient d’une chanson de rupture de Bob
beaucoup de choses avec eux. Ils nous
Dylan appelée « It's all over now baby
permettent de travailler les harmonies
blue", dans laquelle Dylan dit "All your
avec finesse. Elles sont devenues plus
seasick sailors, they are rowing home".
riches sur scène, comme en studio, grâce
Ca nous a directement touché parce que
à leur présence.
ça représente la parfaite métaphore de l’individu qui ressent le mal de vivre dans
On connaissait votre formation sous le nom d’Adequate. Pourquoi avoir viré de bord ?
le monde dans lequel il évolue.
« Nous affirmons sans rougir notre volonté de faire de la pop »
Même si notre façon de travailler et notre musique a changé, nous abordons toujours les mêmes thèmes que nous traitions avec Adequate, à savoir les histoires de cœurs
Votre nouvel album s’appelle « Nicky was ambitious ». Qui est-il ? Que raconte votre album ?
brisés, entre autres. Notre nouvel album symbolise la rupture qui nous a permis de nous couper du passé pour proposer quelque chose de nouveau. On souhaitait vivement prendre un nouveau départ et donner une impulsion positive à notre
Qui est-il ou qui est-elle ? Tu soulèves un
projet. Le choix du nouveau nom s’accorde
point intéressant ! Il n’y a pas de il ni de
parfaitement à cette soif de nouveauté et
elle : ca pourrait être nous, la personne
ce changement de formation.
avec qui on est ou avec qui on a été en relation. Le fait que cet individu, Nicky, semble avoir été ambitieux à un moment de son existence remet en question la
« All your seasick sailors, they are rowing home »
notion des relations humaines. Le sujet principal de nos textes est la rupture, qu'elle soit amoureuse ou d’une autre
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Rhum sur le pont, vin dans les cales, que boit-on pour écouter votre album ?
nature et le titre évoque cette source d’inspiration.
Tempêtes de nos existences, tumultes du quotidien, vagues à l’âme, qu’est-ce qui vous inspire en plus de l’amour ?
En live, de la bière pour prendre son pied et du bon temps avec ses amis. Pour écouter l’album, qui est teinté d’une ambiance éthérée, un bon rhum est parfait pour
Notre album est ce que l’on peut appeler
planer. Vous pouvez aussi essayer notre
"break up album", c'est à dire qu'il est
cocktail personnel, fruit d’un mélange
principalement basé sur le thème de
de kérosène, d'édulcorants artificiels,
la rupture, et de la sensibilité face aux
d'acide sulfurique, de rhum, d'acétone, de
tumultes de la vie. Musicalement parlant,
teinture rouge et de graisse à essieux…
les couleurs qui teintent l’album sont nombreuses, bien que nos affinités se
Le meilleur moment pour vous écouter ?
rapprochent davantage du rock et de la pop. Nous ne nions évidemment pas l'influence inhérente du hip hop et de
Il y a divers moments pour écouter nos
l'électro ! Pour la suite de nos aventures,
chansons tout comme il y a différentes
nous resterons évidemment fidèles à ce
boissons pour accompagner nos chansons.
que nous sommes, et nous voyagerons à travers différentes influences, comme le bluegrass, la pop indie ou évidemment le rock. Vous jugerez le mélange… Cependant, nous affirmons sans rougir notre volonté de faire de la pop. La pop est sacrée et ne doit pas être victime de préjugés péjoratifs. Nous cherchons à ne pas tomber dans le déjà-vu et nous voulons toucher les gens, tant en les faisant danser que penser.
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ON Y ETAIT : Bruxelles Ma Belle & V.O. au Marivaux C hronique - M atthieu M archal P hotographies - J ehanne M oll
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Neuf heure du matin, il neige. Elle est drue et dense en un samedi de fin mars blanc ; je double les paires de chaussettes aux pieds et me dirige vers la gare du midi récupérer la douce Jehanne qui m'accompagne pour ce reportage en température négative. Nous déambulons à travers le centre-ville à la recherche d'un lieu atypique, méconnu et enchanteur comme ils en trouvent toujours. Quoi, ils ? C'est évident : qui d'autre que Bruxelles ma Belle et ses lives insolites qui allient initiation aux charmes enfouis de notre (superbe) capitale et mise en avant de groupes locaux (au talent fou et à la reconnaissance grandissante) pour nous inviter à découvrir l'ancien cinéma Marivaux ? Véritable forteresse aux grands espaces vétustes, nous prenons part à une fourmilière formée de gens biens en combinaison polaire et slalomons entre les instruments à cordes et les caméras, émerveillés à la fois par le lieu et par le dévouement des artistes et de la team qui s'affairent tout grelotants. Et si je profite des minutes de repos pour visiter comme un farfadet de douze ans l’ancien Marivaux, Jehanne elle ne décroche pas du tournage bien décidée à capturer en images aussi bien le dedans que le dehors de la scène (et comme d’habitude, avouons-le, elle a magnifiquement fait ça). Pour cette vidéo, c’est V.O. qui investi le cinéma abandonné, fait insolite pour Bruxelles ma Belle qui accueille rarement des sextets (et qui plus est accompagné d’un ensemble de cordes spécialement pour l’occasion).
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Les Bruxellois aux doigts bleus et à l’expiration cumulus dressent une folk lumineuse et aérienne qui contrastent avec l’austère froideur du lieu donnant naissance à une bulle étanche, flottant doucement sur les courants d’air. On se sent frissons et presque de trop tant le groupe se donne et la team s’applique pour transmettre un moment d’exception. Mais plus que ça, et ce qui donne la clé de voute aux productions léchées et toujours agréables du collectif, c’est l’ambiance des instants invisibles à la caméra qui nous fait chaud au coeur. En cercle devant un spot pour se réchauffer les doigts à la chaleur de l’ampoule, autour d’une tasse de thé ou pendant la mise en place de la capture, ils ont toujours un regard attentif et délicat sur le groupe. On y sent le plaisir et l’admiration qui font que l’on peut certifier que des vidéos Bruxelles ma Belle, il y en aura encore tout un paquet. Qui sait, peut-être qu’un beau jour une collaboration entre votre magazine préféré et notre collectif favori viendra au monde ? En tout cas, nous on aimerait bien !
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Petit cabinet de curiosités I nterview - A urélia M orvan
Rencontre avec Hervé Dieudonné, un artiste qui aime peindre des oiseaux, dessiner des petites voitures comme un enfant et raviver les photographies en noir et blanc d’une lointaine époque. Nous sommes dans un petit café bruxellois et Hervé Dieudonné a des choses à nous raconter. Installezvous ...
Bonjour Hervé, peux-tu te présenter ?
échappatoire. Ça me permet de ne pas avoir de contraintes, de pouvoir faire vraiment ce que je veux de manière plus personnelle et ça occupe maintenant une grosse partie de mon temps libre. Je suis autodidacte donc j’apprends sur le tas, j’expérimente beaucoup et je fais tout ça chez moi, dans mon salon.
Que fais-tu exactement ? Quelle est ta démarche ? J’aime
bien
photographies
réutiliser que
je
les trouve
vieilles dans
Je m'appelle Hervé Dieudonné, j’habite
les brocantes ou sur Internet, pour
à Liège, j’ai 28 ans, je suis graphiste de
les retravailler à ma manière en les
formation et je me suis lancé dans la
mélangeant à des choses plus spontanées
peinture un peu par hasard, il y a environ
et voir ce qu’il se passe. Je dessine aussi,
cinq ans. Je bosse comme graphiste pour
de plus en plus, et je mixe un peu les deux.
différents clients et je fais de la peinture
Récemment j’ai démarré une série sur
«sur le côté», comme hobby, comme
les oiseaux, c’est un univers que j’aime
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beaucoup puisque l’oiseau représente
les dessins d’enfants. Il faut dire que je
pour moi la liberté. J’aime bien jouer dans
suis pratiquement toute la journée sur
mes dessins, en associant l’oiseau à un
Internet et que je vois défiler tellement
pack d’oeufs par exemple. Dans la société
de choses que parfois je m’y perds. La
dans laquelle on vit, on est conditionné à
musique a aussi une grande place dans
des choses et j’aime bien montrer ça en
mon travail, c’est important pour moi
général.
d’écouter un bon CD quand je crée. J’aime bien le Jazz et le Hip-hop dans le genre
Comment définirais-tu ton style ?
d’Action Bronson mais je suis à fond dans le Death metal, je peins mes petits oiseaux en écoutant Cannibal Corpse (rire).
Spontané, naturel, personnel, coloré.
Quelles techniques utilises-tu ?
J’aime bien mettre l’accent sur des éléments, jouer sur les contrastes de formes et de couleurs, faire des petits
Je travaille beaucoup sur ordinateur, je
éléments et des immenses éléments, des
scanne des dessins, des photos, et soit je les
couleurs très ternes et d’autres très flashy.
imprime pour retravailler manuellement
Lors de l’exposition Art Truc Troc aux
par-dessus, c’est du bidouillage (rire), soit
Beaux-Arts, quelqu’un m’avait mis sur
je dessine directement sur l’image scannée
un post-it que c’était comme un «cabinet
à la palette graphique. Je travaille aussi
de curiosités». J’aime bien ce terme là, je
directement sur la toile ou sur le papier,
trouve que ça colle bien avec ce que je fais.
à l’acrylique, au pastel gras et au crayon. J’aime bien aussi travailler la texture avec des vieux papiers que je trouve par
«Je peins mes petits oiseaux en écoutant Cannibal Corpse»
exemple.
J’aime beaucoup les peintres comme
Si tu devais me parler d’une de tes réalisations, laquelle serait-elle et pourquoi ?
Jean-Michel Basquiat, Cy Twombly ou
Il y en a une en particulier que j’aime
Andy Dixon, l’illustrateur Cody Hudson,
beaucoup c’est «Cheval passion». Elle
les écritures un peu spontanées et les
représente un cavalier anglais qui est sur
choses qui paraissent hasardeuses comme
son cheval. Elle a déja un petit temps mais
Qu’est-ce qui t’inspires ?
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échange du toucan.
je l’aime bien parce que c’est le plus grand format que j’ai jamais fait, elle mesure
Tu as remporté le prix Aralya à cette occasion, peux-tu nous en dire plus ?
1,20m sur 1,20m. Ça me plairait bien à l’avenir de faire des très grands formats mais chez moi c’est assez difficile.
Aralya c’est une galerie sur Internet qui propose des expositions virtuelles. C’est
«J’ai eu pas mal de post-it avec des propositions de troc super marrantes»
comme un musée avec différentes salles mais en ligne et dans le cadre d’Art Truc Troc, ils décernaient un prix à un des participants... Je vais donc être exposé
Tu évoquais l’édition 2013 d’Art Truc Troc qui a eu lieu en février dernier, quel est le bilan de ta participation ?
sur www.aralya.fr aux alentours d’avril, pendant 3 mois.
As-tu d’autres projets ? J’ai fait un visuel pour le sac «Bagarre» de la
Alors je proposais deux toiles: «Touctouc»,
marque Stereolab (www.mystereolab.eu).
un toucan et «The winner» qui représente
Ils ont fait une collection «Artist edition»
un poulet à tête humaine. J’ai été
avec Sozyone, Monsieur Magnetik, Party
agréablement surpris car c’était la première
Harders et moi... Pour le reste: produire,
fois que j’exposais à Bruxelles. J’ai eu pas
refaire des séries et développer tout ça.
mal de post-it avec des propositions de
J’ai des projets de galeries mais je n’ai pas
troc dont certaines super marrantes: une
trop envie d’en parler parce que si ça ne
tarte tatin tous les mois pendant un an,
se fait pas c’est un peu bête ... Voilà, plein
une journée ornithologique, des séjours
de choses sont à venir.
un peu partout (Florence, Barcelone, etc.), un litre d’huile d’olive extra vierge, un petit déjeuner au lit avec danse personnelle le matin, une petite fille qui proposait de me faire un gâteau avec son papa, etc. Il y en a une qui m’intéresse, ce serait une semaine à Aix-en-Provence en pension complète dans un centre d’art et de conférence, en
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Quelques questions à piano club I nterview - M atthieu M archal P hotographie - G illes D e W alque
Vous avez composé l’album uniquement à deux (Anthony et Salvio) pour un résultat très construit ; avez-vous une façon propre à votre relation de composer ?
Sur scène le groupe est rejoint par Julien et Gaëtan, leur présence influence-telle l’atmosphère des morceaux, leur architecture ? Julien et Gaëtan participent également à
Je compose seul les chansons mais nous
la construction du disque en tant qu’ingés
enregistrons tous les instruments à deux.
son donc on a leurs avis dés le début car
Salvio et moi faisons de la musique
ils sont impliqués dans le projet dès le
ensemble depuis très longtemps et nous
départ. Par contre on travaille les lives
nous comprenons rapidement en studio.
séparément du studio, ce n’est que lorsque
Quant à la construction des morceaux,
le disque est terminé que l’on se penche
on privilégie une écriture spontanée en
sur la façon de reproduire au mieux ou
se laissant pas mal de recul pour revenir
réarranger les nouvelles compositions.
dessus et faire évoluer le titre tout en gardant l’essentiel.
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On sent depuis les débuts de Piano Club et encore plus sur cet album des influences 70’/80’ qui se traduisent par l’aspect vintage et presque newwave de certaines sonorités. Est-ce une volonté de sonner à l’ancienne ou estce un choix naturel et implicite ?
plus organiques. Finalement on essaie de
Il n’y a aucune volonté de notre part
Je ne sais pas si c’est une protestation, on
rendre notre son difficile à dater et le plus personnel possible c’est pour ça qu’on le produit nous-mêmes.
L’album a une aura très positive, pleine d’énergie et qui pousse vers l’avant. Une façon de protester contre l’actuel afflux de nouvelles crises ? ne peut s’empêcher de constater que la
de “sonner” vintage, au contraire, nous
période est morose et nous ne sommes pas
essayons d’éviter le cliché du revival de
naïfs, par contre notre envie en tant que
telle ou telle époque. On utilise juste des
musiciens à cet instant précis est d’essayer
sons que l’on trouve beaux, en l’occurrence
de véhiculer un message d’espoir,
des synthés vintage mais aussi un tas
de
monter sur scène en encourageant les
d’autres trouvailles sonores très actuelles
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/Q/
Vous faites partie de ces groupes de scène qui révèle toute leur ampleur en live. Y-a-t’il un retravail effectué pour les concerts ? Peut-on s’attendre à un résultat plus rock ou encore plus 80’s ?
gens qui viennent nous voir et que quelles soient les situations qui nous entourent, les obstacles sont surmontables si on a le bon état d’esprit. Dans ce sens, le propos général de l’album est positif, même si certains titres comme « Sweet sensation » ou « A day like a year » présentent des ambiances plus mélancoliques.
Pour moi Piano club est un groupe de
On sent un travail de recherche conséquent derrière ce nouvel opus qui mêle bon nombre de genres et de styles différents en tapant toujours là où il faut comme dans « On The Wagon » ou « Today ». Est-ce facile de trouver le juste dosage pour éviter le mash-up difforme ?
rock, il y a donc de l’énergie, de la guitare, de la batterie, des
il nous arrive souvent de retravailler certains morceaux pour la scène mais on le fait surtout pour éviter de se lasser et ne pas avoir à jouer la même chose à chaque concert.
Après la sortie de l’album et la tournée qui va avec, allez-vous garder votre concentration sur Piano Club ou réservez-vous du temps pour vos side projects ?
Il n’y a pas vraiment de réflexion précomposition, les mélodies viennent et j’essaie de les façonner, dans des directions
harmonies vocales,
les amener
qui me semblent
intéressantes mais je les considère toujours
J’ai déjà quelques idées pour la suite
comme des oeuvres individuelles et non
mais l’album vient à peine de sortir et
pas comme une partie d’un album, ce
pour l’instant nous pensons surtout à le
qui fait que chaque titre semble avoir un
défendre de la meilleure façon possible,
style différent. Nous aimons la variété des
toutefois, il n’est pas impossible de voir
genres et le fait que l’on puisse ressentir
de la nouvelle matière arriver rapidement
la signature du groupe sur tout un album
pour Piano Club.
avec que chaque titre différent de celui qui le précède.
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rêverie automatique I nterview - J ehanne M oll
A sept ans, il reçoit une petite mallette contenant l’attirail du parfait détective . Dans le coin du coffret, un appareil photo semblait l’attendre. Oliver Fritze choisit de déclencher l’appareil pour garder une trace des gens qui l’entourent plutôt que de relever leurs empreintes. Après avoir fait ses armes en Allemagne et en Italie, ce jeune photographe a choisi la France, où il s’est distingué en remportant le prix Picto 2012 de la photographie. Rencontre.
Qui es-tu, Oliver ? Je suis né en Allemagne et j’ai commencé à pratiquer la photo assez jeune. En fait, c’est assez amusant parce que mon père m’a offert pour mon septième anniversaire un coffret pour jouer au détective. Il y avait tous les accessoires du parfait détective dedans et un appareil photos, sur lequel je me suis tout de suite focalisé. Les accessoires pour relever les empreintes ne m’intéressaient pas. A partir de là, quand on faisait des sorties de classe à l’école, j’étais le photographe attitré. J’ai toujours aimé regarder et observer pour me créer mes histoires avec ce que je voyais. En fait, j’ai une très mauvaise mémoire et la photo me sert à garder une trace des choses. On peut dire que je suis un photographe de mode léger. Je n’aime pas faire poser un mannequin devant un fond blanc en lui
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faisant faire des déhanchés bizarres avec
Je pense, oui. J’adore voyager, comprendre
son corps.
les mentalités des autres parce que chaque pays contient des différences qui sont
Tu as eu ton premier appareil réflex à l’âge de 16 ans. Qu’est-ce qui a fait qu’un jour tu t’es dit « Je serai photographe » ?
enrichissantes autant dans la vie privée que professionnelle. Je pense d’ailleurs que les photos que j’ai faites aujourd’hui sont davantage françaises que le fruit d’un mélange entre l’Allemagne et la France.
J’étais à l’école, au lycée et tout proche de mon bac. Je prenais en parallèle des cours
J’ai une très mauvaise mémoire
de photo, et je me suis demandé ce que
et la photo me sert à garder
je voulais faire. La photo l’a emporté. J’ai
une trace des choses.
ensuite voyagé en Italie pour y travailler pour la publicité. Après cela, je suis allé à
Ton travail a été récemment récompensé par le prix Picto. Les choses ont-elles changé pour toi depuis ?
Montpellier parce que je voulais connaître la France. Enfin, je suis monté à Paris pour travailler au studio Rouchon où j’ai vraiment appris comment travailler sur les grandes productions de mode. Je me suis beaucoup concentré sur la technique et la
Evidemment, oui ! D’un point de vue
perfection de l’image : je voulais vraiment
personnel, je suis très content que ce
travailler « à l’allemande » en faisant tout
que j’aime faire plaise aussi à d’autres
bien de A à Z. Pendant ce temps, j’avais
gens. C’est un sentiment très agréable
une réelle soif d’apprendre, parce que
qui m’encourage à continuer à faire des
j’adore ça mais à un moment donné,
images.
j’ai réalisé que ça me bloquait et que je
quand j’écris un email, maintenant, on me
n’arrivais plus à produire des photos qui
répond, alors que ce n’était pas toujours
sortaient de ce contexte technique.
le cas auparavant. Certes, ça ouvre des
Professionnellement
parlant,
portes mais il faut quand même continuer à les pousser. Gagner ce prix Picto ne m’a
Tu as traversé l’Allemagne, l’Italie et la France. Est-ce que ces voyages ont façonné ton regard ?
pas fait gagner toute une vie de travail. Mon but dans les prochains mois est aussi d’avoir un agent, ce qui serait intéressant dans le sens où je pourrais avoir des
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dans ma vie, ça me permet de les voir de
opinions et des conseils sur mon travail.
manière plus profonde: je crée des choses
Tes photos se démarquent de ce que l’on a l’habitude de voir en photographie de mode. Tu sembles laisser de la place au déséquilibre, à la sensibilité de tes modèles. Pourquoi ? Est-ce que cette façon de travailler te semble plus enrichissante ?
artificielles. Par exemple, dans la série « Rêverie Automatique » réalisée dans une laverie, j’ai demandé au mannequin de s’imaginer chez elle, au saut du lit, l’esprit embrouillardé et encore teinté des rêves de la nuit qui sont représentés par les papillons. Je me suis éloigné et je suis devenu spectateur de la situation artificielle que j’ai créée. J’attends que le petit accident se crée. C’est ça que j’aime.
Pour tout avouer, la mode n’est pas
J’aime les mannequins, voir les filles,
primordiale
C’est
j’aime les portraits aussi, mais dès qu’on
l’histoire contenue par cette photo qui est
voit une tête et des yeux, on est déjà porté
importante. En mode, je peux dire ce qui
et pris par une pression directe. On n’a
rend la photo jolie à mes yeux mais j’ai
pas le choix de s’en éloigner. Quand j’ai
besoin que l’image contienne du sens. Je
fait la série « Léa, Clémence, Knut, Petra
ne veux pas me poser des questions sur le
und Hartmut », mon but était de couper la
fond, la pose, etc.
tête dès le début. C’était justement dans
dans
la
photo...
l’objectif que le spectateur se concentre
Le déséquilibre se ressent aussi dans ta manière, personnelle et donc moins conventionnelle, de cadrer tes images, pourquoi estce que cette fragilité qui s’exprime de différentes manières dans tes images, est si importante pour toi ?
sur les détails sans être emporté par un regard.
Qu’est-ce qui te touche, t’inspire, te donne envie de créer des images ? C’est une réponse un peu typique pour chaque créateur mais je ne sais ni dessiner, ni écrire. J’aime raconter des histoires et
C’est parce que j’aime les détails et que
le moyen le plus adapté pour moi pour le
j’ai besoin de me concentrer sur une
faire est la photo. Je peux inventer, changer
chose à la fois. Ca me permet de partir
les choses au dernier moment, tester des
loin et d’imaginer des choses. C’est pareil
cadrages différents. J’aime aussi que mes
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images laissent une place au spectateur ;
ce n’est pas la technique qui fait l’image
laisser un petit flou pour que celui qui
et aujourd’hui, j’essaie de travailler avec
regarde puisse s’imaginer ce qu’il y a dans
la lumière du jour. Je l’utilise mais je ne
cet espace. Des coupures pour imaginer
l’ajoute pas. Je laisse faire la vie de tous
ce que fait le mannequin.
les jours.
Quel photographe t’a donné envie de te lancer dans cette discipline ?
Puisque tu laisses une grande place à la sensibilité et à la délicatesse dans tes images, j’imagine que le choix de tes modèles est primordial ?
Je ne peux pas dire qu’un photographe m’inspire. J’éprouve du respect pour beaucoup de gens, autant pour des
Quand je travaille, j’essaie de comprendre
photographes de la vielle école que pour
mes modèles mais je ne les choisis pas
des plus jeunes. Pour moi, chacun mérite
du tout pour leur corps. J’aime vraiment
qu’on s’intéresse à son travail parce qu’il
les taches de rousseur, la peau blanche,
a pris le temps de créer.
les cheveux roux ou clairs. Evidemment, ça dépend de l’histoire ! Le choix du
J’aime raconter des histoires
mannequin est très important pour moi,
et le moyen le plus adapté
je ne les choisis pas par hasard.
pour le faire est la photo.
La lumière est l’outil du photographe.Tu l’apprivoises comment ? Pendant
des
années,
j’ai
appris
Qu’attends-tu de l’avenir ? J’aimerais beaucoup voyager, et pouvoir
à
suffisamment vivre de mes photos pour
perfectionner la lumière, la technique.
le faire. Je m’imagine plutôt travailler
Je comptais les stops de diaphragme, je
dans la publicité que dans la mode parce
mesurais la lumière. J’aimais bien ces
qu’elle permet de raconter un concept
nuances et travailler de la sorte parce
dans une image. J’aime les idées, j’aime le
que j’apprenais beaucoup. En fait, je
sens que contient une photo et j’ai envie
pense que c’était bien de l’apprendre une
de poursuivre dans cette voie.
bonne fois pour pouvoir la laisser ensuite derrière moi. Par la suite, j’ai compris que
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SOM ETH I NG ABOUT LON ELI N ESS
( merci
à la boutique
P hotographie - O phélie L onguépée M odèle : J eanne E M ake - up artist : F anny A mbroise S tyliste : O phélie L onguépée L ilith et M atthieu G uyot de SALOPE C lothing S alope C lothing )
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tOP 10
Adaptations (réussies) de livres
C hroniques C inématographiques - E lli M astorou
Parce que les réalisateurs qui entreprennent de transposer nos bouquins préférés sur grand écran ne le font pas toujours avec le résultat escompté, parce que la critique est aisée mais que l’art est difficile, mais surtout parce que le cinéma et la littérature sont deux sœurs qui s’aiment même si elles ne peuvent pas s’empêcher de se piquer leurs affaires, le Top 10 de ce mois-ci propose dix adaptations littéraires réussies. Fidèles par l’esprit, la lettre, ou les deux : voici des œuvres cinématographiques inspirées d’œuvres littéraires, mais aussi inspirées tout court.
L a B ête humaine Jean Renoir, 1938
Le fils d’Auguste adapte
To
kill a mockingbird
( Du silence et des om-
article
bres), Robert Mulligan,
cette adaptation est à
1962
découvrir dans le premier
Émile Zola dans la France de l’avant-guerre. Et qui de mieux pour incarner Jacques Lantier, le héros passionnément
dé-
traqué de cette aventure amoureuse fatale sur fond de trains qui grondent, que l’éternel Jean Gabin ? Un incontournable, qu’on vous dit !
ceux que ça intéresse, un
numéro Gregory Peck dans un
approfondi
sur
d’Alphabeta,
page 52.
des plus beaux rôles de sa carrière, dans une adaptation approuvée par Nelle Harper Lee en personne, l’auteure
du
roman
original Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur. Minute autopromo éhontée : pour
L a belle personne Christophe Honoré, 2008
Ou comment passer des salons de Madame de La Fayette à un lycée parisien des années deux
/T /
des eighties, des poitrines compressées
dans
des
corsets de soie et John Malkovich en séducteur insatiable :
Stephen
Frears adapte avec puissance le roman épistolaire de Choderlos de Laclos, et le film est, une fois n’est pas coutume, moins indigeste que le roman (essayez de lire 500 pages de
correspondance
en
français du XVIIIème et on en reparle).
S a M ajesté des mouches Peter Brook, 1963
Les gamins hurlants et impitoyables de William Golding existent donc : Peter Brook les a trouvés, les a embarqués sur une île voisine de celle de Lost, et le résultat, un mille tout en conservant,
dormiraient pas dans la
à travers le mutisme du
baignoire.
visage de porcelaine de tesse et la puissance de
Stephen Frears, 1988
la vertu. Et pourtant, face à Louis Garrel dans le salon, j’en connais qui ne
Un
teinté
de critique sociétale, est aussi vivace et captivant
L es L iaisons D angereuses
Léa Seydoux, la délica-
divertissement
casting
de
rêve
fleurant bon le meilleur
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que le roman de 1954.
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/ 122 /
/T /
T hirst ,
chevalier de la Table Ron-
le fait de troquer l’univers
ceci est mon sang
de dont la quête du Graal
british caustique contre
le confrontera à moultes
un cadre amerloque dé-
aventures.
L’adaptation
finitivement moins cing-
d’Eric Rohmer est une
lant. N’empêche, John
excellente
de
Cusack est bon, et Jack
l’aventure
Black aussi quand il n’en
de ce héros arthurien,
fait pas des tonnes. High
mais aussi de se taper
Fidelity-le-film est bourré
des vraies bonnes barres
de
de rire devant un Fabrice
d’un montage dynamique
Lucchini à peine sorti de
et de bonnes répliques,
l’adolescence, et une Ari-
mais reste moins drôle
elle Dombasle pas encore
que Nick Hornby dans le
passée sous le bistouri.
texte.
Park Chan-Wook, 2009 On ne dirait pas comme ça, mais derrière cette histoire d’amour sulfureuse entre un prêtre devenu vampire et une jeune fille révoltée dans une Corée contemporaine se cache bien un roman de Zola ! Thérèse
Raquin
fit
scandale à l’époque par sa description presque clinique de mœurs débridées, et l’adaptation du réalisateur d’Old boy est époustouflante tant dans sa fidélité à l’esprit du roman que dans les libertés
(re)découvrir
Avant
d’être
Madame
BHL, Arielle était aussi la princesse Blanchefleur,
bonnes
musiques,
C apote Bennet Miller, 2005
eh oui.
que le film prend avec la trame originale. Un exemple parfait de réap-
occasion
Un cas d’adaptation un H igh F idelity Stephen Frears, 2000
peu spécial, puisque le matériau
littéraire
de
base est double : le film Stephen
suit, d’après la biographie
Frears est féru des ad-
éponyme de l’écrivain,
aptations, et nous des
un Philip Seymour Hoff-
siennes. Cependant, on
man bluffant en Truman
peut reprocher à cette
Capote durant les événe-
transposition
du
bril-
ments qui l’amenèrent à
lant
d’Hornby
la rédaction de son roman
quelques libertés qui, si
De Sang-froid. L’histoire
elles sont compréhensi-
de l’homme et l’histoire
Vous n’avez peut-être pas
bles, ne desservent pas
du crime qu’il raconte
lu l’histoire de Perceval, ce
toujours le film, comme
se mêlent dans un film à
propriation, et la preuve que copier-coller un livre est la dernière des choses à faire quand on l’adapte au cinéma. P erceval le G allois , Eric Rohmer, 1978
Décidément,
roman
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la tension palpable, qui
vrai que c’était un pari
cors sont magnifiés, les
valut à son protagoniste
très casse-gueule. Mais
couleurs fusent et les
l’Oscar du meilleur ac-
Michel Gondry, son âme
rires aussi. Malgré ces
teur.
de gamin et sa science
réussites, le film n’est
des rêves ont relevé le
pas parfait, et la profon-
pari haut la main. Il faut
deur des personnages en
dire que l’univers visuel
prend un petit coup, mais
du réalisateur d’Eternal
ce sacrifice n’est pas un
Comment réussir à se
Sunshine se rapproche
défaut fatal, car au final
réapproprier
l’univers
dans sa fantasmagorie à
l’émotion l’emporte sur
désin-
celui de Vian, et il a su en
la précision.
volte de Boris Vian ?
tirer parti tout en restant
Adapter
des
très proche de l’histoire
jours, ses mélodies jazz,
telle qu’elle se déroule
son pianocktail et ses
dans le roman. Les dé-
L’É cume des jours Michel Gondry, 2013
délicieusement
héros
L’Écume
magiques,
c’est
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BONUS G atsby
Baz Luhrmann, sortie le 15 mai
Le film d’ouverture du prochain festival de Cannes est très attendu. Premièrement, par les fans de Luhrmann qui savent ce qu’il peut faire quand il reprend Roméo et Juliette avec Claire Danes et Leo DiCaprio. Deuxièmement, par les fans de ce dernier, puisque c’est Roméo qui revêt le complet-veston du héros de Fitzgerald. Et enfin, par les fans du même Fitzgerald, que la lecture de Gatsby le Magnifique a émus jusqu’à la moelle. Pour toutes ces raisons à la fois, et aussi parce que la bande-annonce nous en met plein la vue, rendez-vous le 15 mai dans les salles obscures !
Cet équilibre entre fidélité et relecture, et la capacité d’un réalisateur et se réapproprier une histoire, permet en fin de compte d’accepter un film adapté pour ce qu’il est, et non pour ce qu’il essayerait, vainement, d’imiter. Au choix, bon visionnage ou bonne lecture !
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un Entretien sans maquillag e (ou presque) I nterview - S ébastien H anesse P hotographies - A nne -S ophie G uillet
Une grande dame aux airs de petite fille sérieuse. Une beauté froide et distante qui disparaît l’espace d’un sourire. Quelques traits au crayon autour des yeux, une légère touche de rouge à lèvres et une voix reconnaissable parmi tant d’autres. Ses jambes n’en finissent pas et pourtant des talons allongent encore la ligne. Laurence Bibot retire son masque et se confie. Ce ne sont pas ceux qui se maquillent le plus qui ont le plus de choses à cacher…
Je te vois sur scène, à la télé, je t’entends à la radio. Quel est le secret de cette réussite ? Comment avoir autant de temps et d’énergie pour réaliser
toutes ces choses ? Je ne sais pas… Comme je ne m’occupe en gros que de moi, j’ai le temps que d’autres n’ont pas mais je ne suis pas très méritante. A l’inverse de Nathalie Uffner qui gère un théâtre et des employés, ici en effet je suis ma seule employée donc je gère ça comme ça m’arrange et donc c’est assez commode. Je pense aussi que je fais des choses qui me sont familières. Je pense que je peux répéter une pièce de Sébastien Ministru tout en faisant un « Café serré » car les deux univers sont reliés. Je pense que nous sommes beaucoup à faire ça... Quand je vois les comédiens autour de moi, ils font tous plein de choses, je fais peut-être plus de choses médiatiques que les autres mais
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Tu possèdes de nombreux rôles dans ton répertoire, des personnages et des intonations qui reviennent régulièrement. Quelle est la personnalité du personnage que tu joues dans « Ciao Ciao Bambino » ?
dans nos métiers nous sommes souvent confrontés à ça.
Tu remontes sur scène pour « Ciao Ciao Bambino » de Sébastien Ministru. Peux-tu nous en parler ? C’est une histoire de famille, d’un enterrement, et
cet
enterrement
va
C’est une belge mariée à un italien, une
permettre à la famille de Ciccio de parler
flamande presque plus italienne que
de lui, de ses souvenirs, des raisons de
les italiens. Elle est très protectrice, très
sa mort. C’est un mélange d’histoires d’amour, d’histoires de famille,
amoureuse de son mari, très croyante.
de
Elle est un peu bousculée car il se passe
tolérance, d’homosexualité dans un milieu
des choses qu’elle ne comprend pas et
où au départ c’était pas gagné. Ce sont
qu’elle aimerait qui ne se passent pas.
des thèmes qui reviennent très souvent
Tout à coup elle fait des découvertes, elle
dans les pièces de Sébastien Ministru.
est entourée de gens plus cools qu’elle, et
Nous sommes de bons amis, quand il a
ça la perturbe.
un rôle qui me convient, il pense à moi et j’accepte très naturellement. Même chose
Est-ce que tu n’as pas peur de te perdre, d’oublier qui tu es vraiment parmi tous ces personnages qui t’habitent ? Quel est parmi eux celui qui ressemble le plus à la Laurence du quotidien ?
avec Nathalie Uffner, c’est une évidence pour elle de venir vers moi si un rôle me correspond, tout comme de mettre en scène les pièces de Sébastien. Je pense que nous sommes une sorte de tribu.
Qu’est ce qui t’a plu dans ce nouveau spectacle ?
Non, je ne pense pas. Le truc, c’est de se
Je n’ai même pas lu la pièce avant de
renouveler. Je suis loin d’oublier qui je
dire oui à vrai dire. Je ne vais pas mentir
suis, je sais faire la part des choses entre
en disant que le thème me plaisait particulièrement,
c’est
l’écriture
les moments où je joue et les moments
de
de la vie réelle. Aucun d’eux ne me
Sébastien qui me plait avant tout.
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ressemble, enfin j’espère que non, pas
Oh ben oui ! Le problèmes c’est qu’il y
encore. J’imagine que forcément il doit
a plein de choses que je n’ai pas encore
y avoir des choses que je dois y mettre
faites. Et c’est peut-être ça le problème, j’ai
et qui sont familières, mais je n’en vois
l’impression que dés que je commence un
pas un qui serait à mon image. Ce qui est
truc, j’ai déjà envie d’essayer autre chose.
jubilatoire dans un rôle, c’est justement
Je voudrais peut-être me lancer dans
qu’il ne te ressemble pas, un personnage
l’écriture, dans le cinéma, pas des choses
qui est éloigné et qui ne soit pas familier
que je n’ai pas encore faites mais peut-
du tout. Je ne me pose pas cette question,
être des choses que j’ai envie d’exploiter.
je ne me demande pas ce que je vais y mettre de moi, j’essaie simplement qu’il soit juste.
Je t’ai connue dans ton spectacle « Bravo Martine ». Qu’est ce qui a fondamentalement changé en toi depuis tout ce temps ? Je ne pense pas avoir changée. Depuis ce spectacle, beaucoup de choses on été faites, j’ai rencontré beaucoup de gens. Ce qui a évolué, c’est le fait de me dire que je pouvais écrire pour d’autres et que je pouvais jouer des textes pour d’autres. Je n’étais pas persuadée de ces deux facettes ou je ne savais pas que c’était cette voie-là que j’allais prendre. Aujourd’hui je me dis que je suis capable de ça.
As-tu d’autres projets en tête, d’autres rêves, des univers auxquels tu souhaiterais toucher ? / 130 /
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VEI N E G RAPH IQUE R eportage - A urélia M orvan
Léa Nahon, San, L’Andro Gynette, Capitaine Plum’: ces quatre tatoueurs belges féminin pluriel apportent tous quelque chose de différent dans l’univers du tatouage. Elles ont des styles dérangeants, innocents, fascinants, et ont accepté de poser crayons et dermographes pour nous raconter des trucs au sujet de ce qu’on appellera «La veine graphique». Mais avant toute chose, les présentations s’imposent !
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SAN
permis de toucher à tout et de développer ma technique. J’ai aussi fait beaucoup de conventions où j’ai rencontré pas
«La plus belle chose de ce métier,
mal de gens, pu les regarder travailler et
c’est sans doute le mélange des idées
continuer à apprendre. Enfin, j’ai monté
de deux personnes»
mon propre shop avec Jean-Philippe.» Son style
Qui ?
«C’est difficile de définir soi-même son
«Je suis Bruxelloise, j’ai 29 ans et je tatoue
style, on a toujours le nez dedans ! Je suis
depuis bientôt quatre ans. J’ai ouvert la
lithographe de base, j’ai étudié la gravure
boutique Deuil Merveilleux avec mon
pendant quatre ans. Je suis toujours
collègue Jean-Philippe Burton, il y a
attirée par ce genre de graphisme et je
pile un an. Avant ça, j’ai passé six ans à
reste encore très attachée à ce que je
l’Académie Royale des Beaux-Arts de
produisais à l’époque.»
Bruxelles. J’y ai fait une Licence en dessin, en lithographie, et j’ai également passé
Ses inspirations
l’Agrégation. Je continue à faire de la
«La liste est longue, mais du coup ça
lithographie, une technique très lourde et
peut sans doute définir un peu plus mon
qui demande beaucoup de temps, quand
univers. Je suis une boulimique de livres:
mon agenda me le permet.»
l’anatomie, les sciences naturelles, les arts plastiques, les gravures anciennes,
Ses débuts
l’histoire de l’art, l’univers de certains
«Je me suis faite tatouer en 2009 pour
artistes contemporains, la psychanalyse,
la première fois. Puis, l’envie de tatouer
etc. Je baigne dedans en permanence
mes proches a fini par me pousser à
et c’est toutes ces sources que je me
acheter du matériel. J’ai ensuite eu la
réapproprie et que je réinjecte dans mon
chance de rencontrer Yann Black et
travail. Mais, la plus belle chose de ce
Easy Sacha par le biais d’une amie. L’un
métier, c’est sans doute le mélange des
m’a permis d’acheter mes premières
idées de deux personnes, avoir des gens
machines convenables, et l’autre m’a
qui viennent vous confier une idée, une
beaucoup appris techniquement, en me
impression, et qui vous permettent de la
permettant de passer une semaine avec lui
traduire avec votre code de langage, votre
à le regarder bosser. Au bout d’un an, j’ai
univers graphique.»
intégré l’équipe d’un street shop qui m’a
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LÉA NAHON
sexes mal dessinés et ces numéros de téléphones bien calligraphiés, ont été mes premiers “flashs” de tatouage.
«Je sais rarement vers où je vais
J’ai développé cet art d’abord dans le
et les tatouages se créent au fur et
PMU à côté de chez moi où mon papa
à mesure, comme des cases de bande
allait boire des bières et puis de fil
dessinée»
en aiguille… le tatouage. C’était il y a bientôt 12 ans. Depuis, j’ai travaillé à
Brighton, Londres, Berlin, Los
Qui ?
Angeles, Rochefort, Paris et Bruxelles.
«Je m’appelle Léa Nahon, tatoueur de
J’ai eu la chance de rencontrer des tas
profession. C’est un nom d’emprunt,
d’artistes qui partageaient ma passion,
en vrai, je m’appelle Jeanne Moreau,
avec qui on a échangé des techniques,
mais mon entourage trouvait que ça
de nouvelles idées, etc. Donc le style
faisait un peu vieille France, alors j’ai
du tatouage a beaucoup évolué mais
choisi un pseudo plus “fashion”. Le
je me réjouis de voir que le côté “old
tatouage est à la mode, il faut suivre
school” perdure à chaque fois que je
le mouvement et puis ça me permet
sors voir un concert.»
d’aller travailler dans d’autres pays sans payer d’impôts. Le tatouage me
Son style
prend pas mal de mon temps mais
«Je ne le définis pas. Certains (comme
j’ai quand même quelques passions
moi) peuvent l’appeler de la flemme.
extra-scolaires. Pour n’en citer que
Je garde juste le dessin jeté sur le
quelques unes: je joue pas mal au foot,
moment, je ne fais pas de dessin propre
j’aime bien la musique, le carnaval de
et bien fini. Les traits de construction
Dunkerque, la boxe anglaise, le Berger
m’intéressent et font toute l’énergie
Blanc et la chasse au cerf au crépuscule
du dessin, je sais rarement vers où je
pendant le brame en Ardennes.»
vais et les tatouages se créent au fur et à mesure, comme des cases de bande
Ses débuts
dessinée. Pour résumer, je reprendrai
«J’ai été, depuis très jeune, influencée
l’expression utilisée par Banksy lors de
par les toilettes du CBGB (de La
notre deuxième exposition commune:
Rochelle, je ne suis jamais allée à
“Faut voir porté”.»
New York). Tous ces dessins, ces déclarations
d’amour
à
côté
des
/ 137 /
/V /
L’A N DRO GYN ETTE
Ses inspirations «Elles
sont
nombreuses
!
Je
ne
m’inspire que très peu de tatoueurs, à
part
Piet
du
Congo
et
«J’aime bien ce qui est glauque,
Yann
dégueu, tout ce qui touche aux organes,
Francescangeli, qui m’ont beaucoup influencée
depuis
mes
au coeur, au corps humain»
premiers
tatouages. Sinon, je citerais plus des peintres et des photographes tels que Egon Schiele, Klimt, Anne Frank, Jan
Qui ?
Saudek, Whitman et Jacques Brel,
«L’Andro Gynette, 26 ans, 1m74. Je me
dont j’ai beaucoup copié le travail.»
vois comme un “bébé tatoueur”, c’est très important (rire).» Ses débuts «J’ai
commencé
à
la
Boucherie
Moderne le 5 juillet 2011 et j’ai
/ 138 /
/V /
fait mon premier tatouage à la mi-
Ses inspirations
décembre. J’ai vraiment tout appris
«Pour mes dessins je m’inspire de
là-bas et depuis je ne me suis pas
deux choses: des illustrateurs comme
arrêtée. Aujourd’hui et depuis peu, je
Stéphane Blanquet, Charles Burns et
travaille chez Deuil Merveilleux avec
les frères Guedin, et des photographes
San et Jean-Philippe Burton.»
comme Sally Mann, car comme elle, je travaille beaucoup sur les enfants,
Son style
je déteste les gosses mais j’aime
«J’ai un univers satirique, plutôt noir.
les dessiner (rire), le photographe
J’aime bien utiliser de la typographie
de guerre James Nachtwey et Joel-
dans mes dessins, associer les mots à
Peter Witkin. J’aime bien ce qui est
l’image et je fais souvent des blagues
glauque, dégueu, tout ce qui touche
noires comme “À trop penser tu
aux
meurs”. Cela dit, ce n’est pas parce
humain. Ce n’est pas pour rien que
que c’est très sombre que c’est pour
je suis tatoueuse, le rapport au corps
autant très trash. Il y a toujours une
m’intéresse vraiment. La première
hyper-émotivité dans mes dessins,
fois que j’ai tatoué, quand l’aiguille a
c’est à la fois obscur et sensible, une
touché la peau, il y a un truc qui m’a
dualité qui me ressemble même si je
percutée, c’est le seul moment où je
ne le montre pas.»
me suis sentie à ma place.»
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organes, au
coeur, au
corps
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CAPITAI N E PLUM’
pas réalistes et rigolos ont finalement trouvé leur public eux aussi. Du coup aujourd’hui, je m’amuse comme une
«On peut faire ce qu’on veut
folle et j’apprends de plus en plus
en tatouage et mes petits dessins pas
vite.»
réalistes et rigolos ont finalement trouvé leur public»
Son style «Je crois que j’ai un style de feignante et d’enfant qui ne veut pas grandir.»
Qui ? «Je m’appelle Plum’, j’ai 24 ans et
Ses inspirations
j’aime bien dessiner des théières ou
«Quand j’ai commencé à tatouer, je ne
des poissons. Je suis plutôt gentille
connaissais que le côté old school et
mais si tu fais caca dans mes bottes,
très classique du tatouage, d’ailleurs
je mords. Sinon, j’aime bien le beurre
je n’aurais certainement pas continué
de cacahuète et Bill Murray. C’est bien
si
comme réponse ?»
boulots comme ceux de la Boucherie
je
n’avais
pas
découvert
des
Moderne, de Peter Aurish ou de Sven Ses débuts
Groenewald. Sinon, je crois que les
«Ça fait un peu plus de trois ans que je
gens qui m’inspirent le plus sont
tatoue. Un très bon ami à moi (Tishma,
Arthur Rimbaud, Dave Mac Keen, Neil
de Laval en France) était tatoueur,
Gaiman, mes copains, mon poisson
un jour j’étais en train de repasser
mort, mes théières, mes pistolets en
en noir un dessin que j’avais fais au
plastique et mon amoureux.»
crayon et j’ai dis “C’est tellement mon moment préféré, le moment ou y’a plus qu’à repasser !”, c’est là
«Le pire de tous! Il s’est vengé parce
qu’il m’a proposé de tatouer. Il m’a
qu’il a été refusé aux Beaux-Arts…
beaucoup aidé, m’a fourni beaucoup
Comme Hitler !»
de matériel et m’a appris les bases avec une extrême rigueur. Je n’ai jamais eu autant de talent que lui du côté technique, mais depuis deux ans je réalise qu’on peut faire ce qu’on veut en tatouage et que mes petits dessins
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Ceux qui se sont déjà aventuré à taper «tatouage» dans une barre de recherche savent que l’expérience n’est pas
«En gros, cette nouvelle branche
toujours très agréable. Sachez qu'il
du tatouage a une bonne gueule
existe un monde qui, s’il n’est pas
w-pour le moment»
meilleur, est différent, où le tatouage, loin d’être réaliste, old school, gore, asiatique ou encore tribal, se veut
Effectivement, depuis Yann Black, il y
graphique et novateur. Un monde dans
a eu Lionel Fahy, Peter Aurisch, Sven
lequel Tin-Tin (le mythique tatoueur
Groenewald, Andrey Svetov, Cy N
français, pas le petit reporter) s’est
Caro, Valentin Hirsch et bien d’autres,
vu rejoindre par celui qui est cité à
des géants ou des géants en devenir.
l’unanimité, le grand Yann Black, il
«Il y a une grosse mouvance, on est
y a une quinzaine d’années. «Le pire
plusieurs à être dans ce style», explique
de tous! Il s'est vengé parce qu'il a
L’Andro Gynette, «à Bruxelles, il y a
été refusé aux Beaux-Arts… Comme
Capitaine Plum’, Marine Martin, Tarte
Hitler !», précise Léa Nahon à son sujet.
Tatin qui commence à peine, Yann
Défini comme «précurseur» par San:
Nonyme. En France il y a plusieurs
«il retranscrivait ce qu’il produisant
gars que j’aime bien: Neal Panda,
en dessin, en tatouage, en adaptant
JA CA, Simon Petit Jean ou encore
le tout aux lignes du corps. Certains
Xav Lepirate, et qui font partie de ce
tatouages étaient aussi basés sur des
que je considère comme la nouvelle
dessins d’enfants, on n’avait jamais vu
génération. Ils sont nouveaux comme
ça à l’époque. Ensuite Jef et Kostek
moi, avec plus d’expérience et de
ont ouvert la Boucherie Moderne à
technique pour la plupart, car moi
Bruxelles, et d’autres sont venus se
je suis encore un bébé.» Capitaine
greffer au mouvement, chacun avec une
Plum’, qui, selon L’Andro Gynette,
identité graphique bien personnelle.»
«ne le sait pas encore mais deviendra
L’Andro Gynette évoque quant à elle
une grosse pointure», met également
«une grosse explosion avec le Buena
l’accent sur des petits nouveaux, «des
vista tattoo club, un gros salon de
jeunes talents moins connus» comme
tatouage en Allemagne avec des gars
elle, citant ... L'Andro Gynette et
qui ont commencé à tout déchirer
Tarmasz (Paris), «qui deviennent des
graphiquement
héros plus vite que la lumière et qui
depuis
les
années
sont méga-fortes» avant de conclure
2000».
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efficacement: «En gros, cette nouvelle
pour le bon vieux tatouage, le vrai, la
branche du tatouage a une bonne
tête de loup et l'aigle dans le dos ! Peut-être est-ce un choix...», ironise cette dernière au sujet de La veine graphique.
gueule pour le moment.» Noire Méduse, une maison d’édition indépendante française créée en 2011, promeut la culture du tatouage et est à l’origine de La veine graphique, un ouvrage spécialisé et pointu sur cette «nouvelle école» de tatoueurs, mettant ainsi un nom sur un style. «Ce premier opus expose le tatouage dans sa forme la plus moderne, émancipée des styles traditionnels, empreintes d’art brut comme de street art» explique Noire Méduse. Ce livre regroupe 15 artistes tatoueurs dont 5 qui exercent ou ont exercé en Belgique: les fameux Jef et Kostek, Nada, Piet du Congo et une certaine Léa Nahon. «Je ne connais pas bien le livre, je l'ai feuilleté l'autre jour chez Navette, mais je me disais bien que le tatouage de la couverture me disait quelque chose (et une bien belle mise en page). En règle générale, j'ai trouvé que les tatoueurs montrés dans ce livre ne se sont pas foulés. Entre les tatouages qui ne représentent rien du tout, ceux qui font tout sur photoshop, qui font des dessins d'enfants, ou pire, qui ne savent pas faire une ligne droite et doivent en faire une deuxième pour rattraper le coup, il n'y a plus de place
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with her drummer I nterview - M atthieu M archal P hotographies - O lga K essler
Ce n’est pas évident de trouver des informations vous concernant ! Est-ce un choix de garder vos vies privées séparées de votre travail et de l’attrait médiatique qu’il provoque ?
avec votre prénom (et le second aussi !) et votre instrument de cuisine préféré ? Mon nom est Matze Pröllocs, je joue de la batterie, Charlotte Brandi joue du piano et du synthé, c’est également
Hé bien, je pense que cela dépend
la chanteuse. AlphaB eta ne ressemble
de
notre
pourtant pas à un magazine de cuisine
propos. C’est vrai que l’on ne parle
mais allons-y ! Depuis que j’aime le
pas beaucoup de nous en tant que
café que je fais à la maison, je suis un
personnes parce que c’est important
grand fan de ma bouilloire !
ce
que
tu
cherches
à
pour nous de protéger notre intimité. Mais concernant le groupe, tu peux en savoir déjà beaucoup sur Internet !
Pouvez-vous vous présenter aux lecteurs d’AlphaBeta ? Peut-être en commençant
Trêve de plaisanterie, parlons musique. La structure de vos chansons est assez minimale, la voix, la batterie, le synthé et quelques arrangements.
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généreux, plein. En même temps, chaque piste est différente de la suivante; dans “Rain Kids” il y a la voix qui progresse et atteint une sorte d’intensité mystique ; on peut entendre une touche new wave dans “Heavy Weight”, bref chaque chanson à son grain de sable qui la rend unique. Vos influences ?
Comment construisez-vous ces chansons, commencezvous avec le chant ou quelques lignes de batterie? Pouvez-vous nous en dire plus à propos de tout ce processus ? La
plupart
des
pistes
de
notre
premier album “The Hawk, The Beak, The Peyr” viennent de jam. On se retrouve dans la salle de répétition et on commence juste à jouer ensemble, n’importe quoi. Quand quelque chose
Tu as raison : c’est une collection
qui se détache sort, on l’enregistre.
de chansons qui évoluent à travers
Ensuite on commence à poser des
différents genres et optiques. Nous
mots sur ces extraits et à les arranger.
sommes
Du coup, nous n’avons pas vraiment
artistes
de règles strictes dans notre façon
Shapes, Wildbirds & Peacedrumes ou
d’écrire. Les choses arrivent, ou non
encore Dirty Projectors. Charlotte est
; c’est un processus créatif donc tu
fan de musique folklorique alors que
ne sais jamais si quelque chose va se
je suis plus jazz et hip-hop.
passer. Il y a beaucoup de variables qui
influencés comme
par
Micachu
différents and
the
On dirait que vous avez construit cet album d’une certaine façon, dans laquelle il prend consistance par ses contrastes et ses jeux d’ombres/lumières. Aviezvous prévu ça ou est-ce venu naturellement ?
peuvent influencer notre inspiration et si celle-ci n’est pas là alors il ne se passera rien. Bien sûr, il y a des musiciens qui travaillent de façon plus logique, plus mathématique mais ce n’est pas notre cas.
Comme je l’ai dit, une construction assez minimale, mais quand bien même le son reste habité,
C’était ce à quoi nous aspirions, on a toujours eu différentes idées que
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Quelle est votre relation avec le public ? Avez-vous de jolis souvenirs ou de belles histoires de tournée à nous raconter ?
l’on voulait combiner. La première chanson que l’on a créé était bien plus dans un style piano folk (à l’image de notre troisième single “Don’t Be So Hot”), ensuite on a commencé à expérimenter avec des synthés et des percussions plus lourdes. Finalement,
En 2012 on a joué environ nonante
on a collecté ce qu’on aimait le plus
concerts dans dix pays. Le public
et ça a formé l’album. Les constrastes
est
sont importants.
beaucoup de monde était venu nous voir et qu’ils avaient aimé ça. C’est toujours
le public connait même les paroles. Et évidemment, on a eu de géniaux concerts en Allemagne aussi, nos fans ici sont fantastiques !
Vous avez donné un court concert pour les “Berlin Session” et le résultat était absolument électrique. Comment était-ce de l’intérieur ?
d’expériences
qu’elle a réellement vécu. Je pense seulement
30%
d’entre
agréable
n’avais jamais joué et que tu vois que
je peux dire que Charlotte écrit propos
particulièrement
quand tu es dans un pays où tu
avec “You’re a runner” justement)
que
vraiment.
et Londres étaient forts parce que
Concernant les paroles (par exemple
à
différent,
Les concerts à Prague, Bratislava
Comment écrivez-vous les paroles ? La plupart du temps elles nous transportent dans un monde d’illusions, on revient en arrière… Mais la phrase d’accroche dans “You’re a runner” nous trouble et nous fait frissonner en même temps !
beaucoup
toujours
elles
ne sont que fiction. D’ailleurs je
Pour être honnêtes, on a eu beaucoup
suis toujours très excité de lire ses
de problèmes techniques et le concert
paroles, il y a toujours tant de façons
a du être bouclé en très très peu de
de les interpréter et c’est toujours
temps. Malgré tout, jouer dans une
intéressant
nous
pièce avec une telle atmosphère et
racontent la façon dont ils ont compris
acoustique est toujours une bonne
quand
les
gens
les paroles !
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d’une certaine façon ?
expérience. Quand tu joues là-dedans tu dois écouter vraiment attentivement pour s’adapter au son qu’a la pièce en
Hé bien, ça serait trop que de décrire
elle-même, c’est un challenge ! C’est
Berlin comme une ville qui nous
génial que les réactions inspirées
façonne mais il est certain que l’on aime
par ces deux clips soient si bonnes.
tous les deux Berlin, on y rencontre
On tient donc à remercier les “Berlin
tellement de personnes formidables,
Session” qui ont rendu ça possible !
des amis, des musiciens, des labels. Il y a toujours du mouvement, une scène
Chez AlphaBeta on a toujours cru que la ville dans laquelle on vit influence un peu, la personne que nous sommes et ce que nous faisons. Berlin vous affecte-telle
énorme, juste tout ce dont nous avons besoin de la ville dans laquelle on vit.
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(E)xploration textile I nterview - V ictoire P hotographies - L éa S ionneau
de et
C hangy S ofia C halaguina
C’est par une occasion douce et fortuite
était mercière : j’ai passé mon en-
que j’ai fait la rencontre de Léa, étudi-
fance dans les draps anciens, le tissu.
ante en design textile. J’ai tout de suite
Ma mère brode aussi énormément, j’ai
été interpellée par cette discipline peu
toujours touché au textile et ça m’est
connue. J’ai invité par la suite la dem-
resté.
oiselle pour un thé, et j’ai cherché à en savoir plus.
En quelques mots, qui es-tu Léa ?
Comment définirais-tu cette discipline ? Je vais reprendre la note d’Anne Masson qu’on peut retrouver sur le site
Je m’appelle Léa Sionneau, j’ai vingt-
de la Cambre :
trois ans, je viens de Toulouse. Je
“Par son histoire et son omniprésence au
suis arrivée en Belgique il y a deux
quotidien, le textile engage des dimen-
ans pour étudier le design textile à la
sions tant fonctionnelles et élémentaires
Cambre. Le travail du textile est très
que symboliques, culturelles et décora-
propre à la Belgique ou au nord de la
tives, dans un usage à la fois intime et
France : la dentelle, le lin, le nombre
collectif. C’est un médium fondamentale-
de filatiers est impressionnant ici ou
ment humain, naturellement connexe à la
en Hollande. J’ai toujours été attirée
mode, au design, à l’architecture. Matière
par le textile, mon arrière-grand-mère
souple, le textile est mobile, fait de fibres
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et fils, de trames et réseaux, il entretient
j’ai d’abord fait de l’artisanat
des connivences avec la ligne, le texte et
un passage aux beaux-arts (de Metz/
les processus numériques. Il est à la fois
ESAL) pour avoir une bonne base
porteur d’innombrables savoir-faire an-
en théorie d’arts plastiques (acqué-
cestraux et terrain prospectif de re-
rir un approche du dessin, de la vi-
cherche et d’innovation, à l’origine d’un
déo, de la photo...). Le design textile
vaste champ industriel. La recherche de
regroupe bien ce que j’ai fait avant.
textures et structures, de rythmes, dessins
En artisanat, j’ai appris la tapisserie
et colorations est l’objet même du travail
d’ameublement. Le tissu y était om-
du designer textile, qu’il met en œuvre
niprésent parce qu’on apprenait à re-
comme un moyen d’expression autonome
couvrir et garnir du siège, faire des
ou vers des applications déterminées.”
rideaux... Ce qui m’a posé problème
puis
avec l’artisanat c’est que tu agis et tu Le textile fait partie de notre quoti-
ne réfléchis pas, bien que cette disci-
dien. Non seulement on le porte sur
pline m’ait apporté une rigueur et des
nous mais il nous entoure de part en
savoirs techniques ancestraux. Mon
part. Il peut être dans le domaine pub-
passage aux Beaux-Arts m’a appris à
lic ou dans le domaine privé, il peut
comprendre puis à acquérir le fonc-
symboliser des choses, être un facteur
tionnement d’un processus de créa-
culturel : les tissus africains par ex-
tion. En faisant le design textile il y
emple, la dentelle belge ou du nord
a évidemment l’aspect technique mais
de la France. Le textile peut être fac-
pas gratuit ou motivé par une volonté
teur de signe, décoratif, il peut être
d’objet fini et final.
appliqué à la mode, à l’architecture
Quelle est la différence entre le design textile et le stylisme ?
ou au design. Le textile est fait de fibres, de trames, de réseaux, c’est une matière ou quelque chose qui est construit en tout cas.
Le design textile, c’est la volonté
Quel a été ton parcours avant d’arriver en design textile ?
de créer des matières ou plutôt des surfaces. On va parfois réfléchir à l’application mais pas systématiquement. Le styliste va parfois créer la
Ça a été un petit peu la continuité
matière - si il fait de la maille par ex-
logique de ma formation parce que
emple -, mais son travail sera avant
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tout de mettre en forme le tissu et
technique, du tissage, de la sérigra-
de l’appliquer au corps. Les stylistes
phie, de la maille... et de pouvoir ré-
à la Cambre ont des formations en
injecter ce savoir dans nos recherches
textile mais pas avec les mêmes de-
et questionnements. Nous avons pour
mandes ni les mêmes contraintes.
cela une équipe de professionnels en-
Ensuite, il y a beaucoup de design-
seignants, chacun à son projet défi-
ers textiles qui bossent avec ou pour
ni et orienté vers ce qu’il a envie de
des stylistes plus tard, comme le Duo
faire. On a les mêmes bases mais des
Chevalier Masson qui a collaboré avec
vocations différentes. La recherche et
Christian Wijnants, récent lauréat du
l’expérimentation est ici plus intéres-
prestigieux Woolmark Price. Ma chef
sante que le résultat, on ne produit
d’atelier travaille par exemple avec
pas forcément quelque chose de fini.
des stylistes comme Lacroix.
Quelle est la mission d’un designer textile ?
Ce n’est pas trop frustrant, justement, de ne pas faire de produits « achevés » ?
Un designer textile fait un peu office
Non, c’est une constante recherche,
de chercheur: il cherche des rythmes,
c’est grisant. Mais on a quand même
des structures,
des colorations. Ce-
des projets qui se finalisent d’une
tte quête peut être dans un but dé-
manière ou d’une autre : là par exem-
terminé (mode ou design) ou le de-
ple on est sur un projet de drapeaux.
signer peut se vouloir plasticien et
Mais c’est vrai que certains sont un
le travailler comme une œuvre d’art.
peu plus frustrés de ne pas penser
Dans ma classe par exemple, il y a une
l’objet au départ.
fille qui veut faire un stage chez Dé-
Tu travailles aussi la couleur ?
cathlon, c’est donc l’aspect plus technique. Une autre veut plutôt le réaliser dans une maison de tisserand de luxe. L’été prochain j’entamerai un
Oui, les questions de coloration sont
stage chez un plasticien, Sylvain Au-
importantes. Tu ne choisis pas une
burgan, ce sera donc plutôt un moyen
couleur parce qu’elle te plait mais
artistique que technique. À la Cambre
parce qu’elle a des priorités et véhi-
notre formation consiste, au travers
cule des sens. On travaille la tein-
d’énoncés, à appréhender un savoir
ture, la coloration, la décoloration, la
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Une création dont tu es spécialement fière ?
teinture naturelle... La question de la couleur est très présente, autant que celle du rythme dans les motifs. Tu ne choisis rien au hasard en design tex-
Le sujet de cette année : le drapeau
tile, il faut tout justifier.
– la couleur de l’autre. On devait au travers de trois couleurs, d’une or-
C’est quoi ta vocation à toi en la matière ?
ganisation en aplats et de la sérigraphie, réaliser un portrait sensible de quelqu’un dans la classe. Les couleurs
Pour l’instant, je vais faire un stage
étaient là pour spécifier la personne.
avec un plasticien mais l’an prochain
C’est intéressant de travailler à la fois
j’aimerais plutôt travailler dans une
sur quelqu’un et sur un objet – le dra-
maison qui fait du vêtement ou de
peau – qui véhicule pas mal de sens.
l’habit. J’aimerais mieux être poly-
J’ai trouvé ça vraiment passionnant
valente que de me concentrer sur un
parce que ça mêlait de la vraie tech-
seul domaine en particulier. Pour don-
nique, une vraie réflexion au niveau de
ner l’exemple d’une boite qui fait des
l’organisation de la surface, du choix
choses que j’aime bien : Cotélac, qui
du tissu, ...Après ça on a fait une col-
est une maison créée par Raphaëlle
laboration avec la section photo, avec
Cavalli, une designer textile. Elle crée
la très talentueuse Sofia Chalaguina,
d’abord le tissu, la matière puis seule-
pour le mettre en image et j’étais très
ment le vêtement. C’est une entre-
contente de ce qui en est ressorti.
prise qui a son usine en France. Ca forme un tout qui m’intéresse vrai-
Une tradition d’Alphabeta Magazine : la meilleure musique, le meilleur moment, la meilleure boisson à siroter en regardant tes créations ?
ment : un vrai savoir-faire, un souci écologique et éthique, des choses produites localement... Surtout dans le textile où la question de la production est vraiment au cœur de questionnements politiques, économiques et culturels. Je pense par exemple à la
J’écoute toujours Nostalgie quand je
production chinoise, indienne, etc.
travaille mais je ne sais pas si c’est très représentatif de ce que je fais. Pour le moment, il faut être au calme et pou-
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voir se plonger dans l’univers. Quant
triques très beaux pendant les années
à la meilleure boisson : un bon café.
20 et ce jusqu’à la fin de sa vie, très modernes et Bauhaus, très actuels en-
Des références en matière de design textile ?
core.
Tes trois endroits de prédilection à Bruxelles ?
Les gens qui m’inspirent, dans l’art en général : Louise Bourgeois, Annette Messager, Sophie Calle (le trio infer-
- La rue Wayez et autres rues commer-
nal !). Et puis il y a Sonia Delaunay
çantes d’Anderlecht.
qui est notre déesse à tous, une pein-
- Le coin Dansaert, Pimpinelle, T2, le
tre à la base qui a travaillé dans le tex-
café « Au laboureur ».
tile et qui a fait beaucoup de pattern
- Le bois de la Cambre l’été, classique
et de motifs assez abstraits et géomé-
et efficace.
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Yummy time ! feat. Foodsterbox C hronique - F lorence V andendooren P hotographies - J ehanne M oll
Les « box » commencent à pousser comme
arrivé sans dégâts malgré un trajet
des champignons en Belgique. C’est
par la poste.
ainsi que pour la catégorie cuisine de ce numéro, nous avons décidé de tester un de
La boîte reçue était sur le thème
ces nouveaux concepts : les foodbox.
« souvenirs d’enfance ». Elle contient 6
produits
(Cuberdons
Ketjep,
du
Léopold,
Après plusieurs échanges avec la
Brussels
très sympathique équipe de chez
de chez Terre Exotique, du Sirop
Foodsterbox, j’ai eu la chance de
saveur Rose du Temps des mets, de
recevoir la box du mois de mars.
la Purée aux cèpes de Supersec et
Le concept est clair : « Chaque mois,
de la Sauce tomate à l’ancienne de
recevez dans votre boîte aux lettres notre
chez Sur le sentier des bergers), une
sélection de 5 à 7 produits culinaires
petite note détaille chaque produit,
originaux de qualité. Et sublimez-les
sa provenance, son utilité et son prix.
grâce à nos recettes exclusives et astuces
Mais on retrouve également des fiches
de chefs renommés ».
recettes
permettant
Sucre
Perlé
d’accommoder
ces produits culinaires. D’emblée, quand on a le paquet entre
- Les Macarons saveurs d’enfance
les mains, l’impression est positive.
- Les Chouquettes
Une boîte emballée avec soin où
- Les Boulettes sauce tomate
chaque produit est protégé. Tout est
/Y /
Vous ne pouvez donc pas dire que
de cette façon je pouvais rapidement
vous ne savez pas quoi faire de tous
voir si les recettes fournies étaient
ces beaux produits !
réalisables par tous, même par des novices comme moi.
On est ici dans un positionnement « épicerie fine ». Donc, si vous êtes un
Et la réponse est oui ! De magnifiques
Foodie qui recherche de la qualité et
macarons sont sortis du four sous mes
de l’originalité, c’est par ici qu’il faut
yeux ébahis. Nous avons, ma comparse
chercher !
photographe
et
moi-même,
pris
beaucoup de plaisir à la confection de Les les
propositions différents
imagination
de
produits combinés,
recettes,
ces petites douceurs, et nos familles
et
respectives se sont régalées !
mon m’ont
fait hésiter longuement, mais j’ai
Voici donc nos bébés macarons en
finalement décidé de me lancer pour
images et la recette pour que vous
la première fois dans la fabrication de
puissiez aussi les préparer.
macarons ! Ma gourmandise a pris le pas sur ma raison. Mais avouons que
Et puis… Régalez-vous !
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Macarons Saveurs d’enfance
Ingrédients 3 blancs d’œufs 125 g de poudre d’amandes 200 g de sucre glace 30 g de sucre en poudre 60 g de crème liquide 200 g de chocolat blanc 5 cl de sirop de rose (ici Le Temps des Mets) Colorant alimentaire liquide rouge
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/Y /
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/Y /
Enfourner pour 10 min à 150 °C. Ne
Préparation
pas oublier de mettre une cuillère en bois dans la porte du four pour
0’ : Préchauffer le four à 150 °C.
la laisser entrouverte les 5 dernières min.
0’ : Mixer le sucre glace et la poudre d’amandes au robot mixer pendant une bonne minute. Tamiser au-dessus
52’ : Pendant la cuisson, préparer la
d’un saladier.
ganache. Faites chauffer la crème et la laisser bouillir une minute.
2’ : Monter les blancs en neige ferme puis ajouter une cuillère de sucre
53’ : Baisser le feu puis ajouter le
quand ils commencent à prendre.
sirop du Temps des Mets et le chocolat
Ajouter le reste du sucre et fouetter à
blanc. Remuer jusqu’à ce qu’il soit
vitesse maximale. Les blancs doivent
entièrement fondu. Retirer du feu et
faire des pics en enlevant le fouet.
laisser tiédir.
Ajouter ensuite 20 gouttes de colorant rouge dans les blancs fermes. Bien
60’ : À la sortie du four, laisser refroidir
mélanger.
les plaques quelques minutes puis verser un peu d’eau sous la feuille
5’ : Saupoudrer peu à peu la poudre
de papier sulfurisé. Au bout d’1 min
bien
environ, les macarons se décollent
tamisée
dans
les
blancs
et
mélanger à la spatule jusqu’à ce qu’il
facilement.
Les
laisser
soit brillant, lisse et qu’il fasse un
refroidir à l’envers sur une assiette
ruban.
pendant 15 min.
8’ Sur une feuille de papier sulfurisé
65’ : Coller les coques de macarons
posée sur une plaque du four, dresser
deux à deux avec une noix de ganache.
des petits dômes de 3 cm à la poche 70’ : Régalez-vous !
(douille lisse). Comme les macarons vont s’étaler, attention de bien laisser des l’espace entre chaque petit tas. Laisser croûter 40 min. 50’ : Déposer la plaque de macarons sur 2 autres plaques identiques vides.
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sécher
et
/Y /
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ZON ES D’OM BR ES I nterview - S ébastien H anesse P hotographies - A xelle M inne
Quelques regards tendres échangés, une
la scène indépendante, produit avant
complicité si particulière, l’aura d’un duo
par un label indépendant et mainten-
électrique s’invite à notre petit-déjeuner.
ant par nous-même, nous n’avons pas
C’est l’histoire d’un couple fusionnel à
une machine de guerre derrière nous
la vie et déjanté à la scène. Charlotte a le
qui sort notre album et qui organise
physique de la copine du chef de la bande,
six mois de tournée et de promotion.
David a les yeux du solitaire intrépide. A
Nous
eux deux, ils forment SOLDOUT, un duo
bosser et aller jouer à l’extérieur
marginal et malicieux qui en veut plus,
pour se faire connaître. Quand nous
toujours plus…
sommes en tournée dans un autre
Il y a quelques années, j’ai assisté à un de vos premiers concerts à Liège. Vous revenez avec votre nouvel opus « More ». Que s’est il passé depuis tout ce temps ?
devons
vraiment
beaucoup
pays, nous n’avons pas envie de nous mettre à bosser sur un autre album, on attend que le précèdent soit fini pour passer à autre chose, commencer un tout nouveau truc. Le fait que nous n’avons pas envie de faire deux fois le même album demande toujours du temps pour trouver de nouveaux sons. Depuis le dernier album, nous
« More » est notre troisième album.
avons aussi commencé à bosser avec
Vu que nous sommes un groupe de
des réalisateurs sur la BO d’un long
/Z/
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/Z/
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/Z/
métrage, c’est comme un autre petit
nous définissait comme un groupe
album finalement qui va sortir dans le
« électro porno » car, selon lui, notre
courant de l’année. Nous avons aussi
musique est hyper sexuelle. Ce sont
réalisé la musique d’un documen-
les gens qui nous comparent. Le côté
taire, quelques trucs à côté qui nous
dark et mélancolique est clairement
ont aussi demandé du temps. Si nous
présent, tout comme le côté électro
n’avions pas réalisé cette musique de
et le côté pop. Pour continuer à sortir
film, l’album serait peut-être sorti six
des albums, il faut surtout s’amuser,
mois plus tôt mais pas avant. Nous
il faut explorer de nouveaux terrains
n’avons pas envie d’attendre autant
sinon on fini par tourner en rond.
de temps pour sortir le prochain. Le
Notre but est de s’imprégner de tout
format a également changé, les gens
ce qui se passe autour de nous et
accordent moins d’importance à un
d’amener le son encore plus loin. On
album, nous pouvons raconter des
se demande souvent si on écouterait
histoires plus courtes comme des EP
nous même notre musique si nous
voir même une seule chanson.
n’avions pas créé ce groupe, on est certain maintenant que ce nouvel album ferait partie de notre playlist.
Après toutes ces années, comment définiriez-vous SOLDOUT ? Dans quel univers vivez-vous ?
Nous avons créé un album que l’on avait aussi envie d’écouter chez nous.
Comment travaillez-vous en général et plus précisément sur ce dernier opus ?
Nous sommes un groupe de musique électronique, mais en même temps, on ne se sent pas dans le même trip que
Nous travaillons un peu plus séparé-
les groupes électroniques. Nous ne
ment. Au début c’est plus amusant
sommes pas non plus un groupe rock
de travailler ensemble car on ne se
ni un groupe pop. Je pense qu’on ne
connaît pas, mais après huit ans nous
se retrouve pas purement dans ces
avons besoin d’autre chose. Le boulot
appellations, on fait ce qui nous plait.
est assez bien réparti, nous avons cha-
On ne se donne pas de règle, de style
cun notre spécificité. L’un bosse les
ni de genre, nous suivons simplement
sons, l’autre le texte et la voix, nous
nos envies du moment. Nous avons
sommes très complémentaires.
d’ailleurs reçu le tweet d’un gars qui
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/Z/
« More » est beaucoup plus électro et moins sombre que votre précédent opus. Aviez-vous besoin de prendre du temps et de revenir au son de vos débuts ?
Durant ces dernières années, il y a
Notre premier album avait une éner-
avons aussi découvert Austra et on
quelques groupes qu’on a découvert comme The Knife ou Underworld, nous ne sommes pas des grands fans de musique électro même si, par exemple, les remixs de Boyz Noise nous impressionnent à mort. Nous s’est senti directement proche de son
gie plus punk, le second une énergie
travail. Nous avons ressenti la même
plus rock. L’énergie et la direction
chose pour Agnès Obel. Nous avons
change au fur et à mesure des albums.
eu un véritable choc avec Grimes, c’est
« More » est plus abouti, on bosse et on
hyper proche de ce qu’on aime et de
voit ce qui sort. On ne décide jamais
ce qu’on a envie de faire. Beaucoup
à l’avance de comment va être notre
de groupes émergent et leur univers
album. Ça serait dommage de penser
sombres ressortent comme dans nos
que l’on joue les mêmes sons que
albums. Aujourd’hui, le côté dark est
sur notre premier album sans y voir
beaucoup plus grand public et pas
d’évolution. Nous avons fait un gros
seulement réservé aux gothiques. On
travail sur les voix, l’interprétation et
nous
le son. Nous voulions réaliser quelque On écrit, on essaie des trucs jusqu’au sur la bonne voie. Nos prestations live sont en perpétuelle évolution, elles changent à chaque fois.
Si je vous dis Grimes, à quoi pensez-vous ? Avezvous d’autres influences ? Quand
j’ai
souvent
Vous êtes à la fois discrets et incontournables sur la scène musicale belge. Est-ce une volonté ou une certaine timidité de votre part ?
moment où on sent que nous sommes
sûr !
également
à The XX.
chose de plus ouvert, de plus contrasté.
Bien
compare
On a pas envie de faire un Dj set en boîte à 2h du mat’. On préfère organiser une sorte de drink vers 21h
entendu
comme au Potemkine à Bruxelles ou à
Oblivion, j’ai découvert un morceau
la Caserne Fonk à Liège, on a envie de
génial et proche de nos propres sons.
pouvoir parler et boire un verre avec
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les gens. On refuse de jouer dans des
régulièrement, le fait d’être dans un
soirées, simplement parce que nous ne
tunnel et de ne pas savoir comment en
sommes pas des Dj, nous ne sommes
sortir. Dans ce dernier album, je parle
pas légitimes. Quand tu es Dj, tu dois
aussi beaucoup du temps qui passe
être au courant de tout, de connaître
et de la peur d’oublier comme dans
les nouvelles technologies, c’est un
« 94 ». Je me souviens de choses que
véritable métier en soi. Nous n’avons
j’ai vécu durant mon enfance mais je
pas envie d’être invité pour notre nom
ne me souviens plus de certaines de
et attirer des gens à la soirée.
nos tournées, ça me fait flipper ! Tu as parfois besoin d’avoir des photos
Comment travaillez-vous vos textes ? Est-ce que vous vous inspirez de votre vécu au quotidien ?
pour te souvenir mais je n’ai pas envie d’avoir des outils pour m’en souvenir, je veux le faire par moi-même.
Vous bossez parfois sur des projets différents comme sur la BO d’un film. Avezvous encore d’autres pistes à explorer ?
Charlotte : Je n’écris pas sur le quotidien, j’écris plutôt sur les grandes lignes de ce que j’ai vécu et sur ce que d’autres autour de moi ont vécu. J’aborde souvent les mêmes thèmes, comme l’amour, mais il y a
Charlotte : J’ai fait un peu de sérig-
des manières différentes d’en parler.
raphie avec une amie qui lançait une
J’écoutais beaucoup de jazz quand
gamme de sacs mais ma priorité reste
j’étais petite, je chantais dans un
la musique. J’écris des morceaux
groupe de reprises de bossanova.
toute seule depuis quelques années et
Dans toute l’histoire de la musique,
j’aimerais travailler là dessus bientôt.
mes paroles préférées sont les paroles
Je me dis qu’il faut que j’arrive à faire
de jazz et de bossanova. Dans le jazz,
un truc seule. J’aime aussi écrire pour
ils parlent de manière détournée
d’autres gens et pour le cinéma.
d’amour ou alors une fois que l’amour n’est plus là. J’essaie de m’en inspirer,
David : J’aimerais aussi bosser seul. Je
comme dans « About you » en disant
ne fais rien d’autre que de la musique,
« je ne t’aime plus mais personne ne
je suis un peu monomaniaque.
t’aimera autant que moi ». Le thème de
l’addiction
revient
également
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Anne de g elas, nostalg ique irrémédiable T exte 1 - S ébastien H anesse T exte 2 - A nne de G elas
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Anne De Gelas, une artiste à la fois marginale et mystérieuse, une femme simple à la vie terriblement mouvementée, une photographe talentueuse que j’ai rencontré il y a quelques mois lors d’un vernissage. La force de son œuvre m’a ouvert les yeux sur de nouveaux horizons... un travail qui résonnait dans ma tête, quelques passages d’une vie donnant écho à la mienne. Face à cette découverte, je me suis enfoncé dans son travail quotidien de journal intime que je découvre depuis quelques mois, tentant de mieux la connaître, de mieux me connaître. Elle utilise les mots justes, ses clichés m’emmènent dans un quotidien hors du commun. Par son travail, par ses carnets, elle libère sa souffrance, elle exorcise ses démons, elle me donne l’envie et le moyen d’extérioriser les miens. Une amoureuse fidèle, une nostalgique irrémédiable, une photographe expérimentale, une aventurière qui n’a pas froid aux yeux, une femme de caractère, le fruit des amours de Sophie Calle et de Margueritte Duras, une généreuse qui ne veut pas qu’on lui manque, une fusée éclairante, , une mère aimante. Anne De Gelas reste insaisissable. Il s’agit certainement pour moi d’une démarche thérapeutique pour partager avec vous cette découverte, ce genre de personne qui vous donne une clé pour ouvrir un de ces satanés tiroirs, une nouvelle manière de voir le monde qui nous entoure, un mode d’emploi simple pour aborder une vie compliquée. Elle m’a montré que mon histoire dépassait de loin ma petite vie personnelle, que mes démons et mes blessures béantes touchent les autres. Comme une réponse à ses mots, comme une introduction à son travail, comme deux âmes qui discutent et résonnent, comme un projet journalistique un peu différent, comme un message à mes proches.
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« une journée (presque) …parfaite » T, mon amoureux, le père de mon fils est décédé le 5 avril 2010 d'un accident vasculaire cérébral. Il est tombé à coté de nous sur une plage de la mer du nord. La violence de sa mort m'a placé devant un grand vide... un silence qui résonnait dans ma tête auquel faisait écho un ciel bleu intense de l'absence d'avion du aux cendres d'un volcan en colère, ma colère. Face à cette perte, je me suis enfoncée dans mon travail quotidien de journal intime que je poursuis depuis plus de 10 ans, en y inscrivant ma souffrance mais aussi ce trop plein de vie qui bouillait en moi. Cette expérience aussi intime soit-elle je la reconnaissais dans les mots des autres qui très vite m'ont approché pour parler de leur expérience de la mort et du deuil. Ces blessures difficiles à dire trouvent rarement un interlocuteur, cet échange si nécessaire pourtant car un défunt reprend un peu vie au travers des paroles partagées. Ce travail m’a permis de libérer la puissance de désir et la colère qui éclataient au creux de ce désespoir. Le deuil est une expérience de vie et d'amour que je raconte au plus près de tous ces aspects contradictoires : la douleur, la famille transformée, la solitude soudaine, la colère, le face à face avec ceux qui restent, le quotidien à affronter, le manque du corps, l’épuisement, les éclaircies, les changements, la résistance. Très vite les autoportraits se sont imposés, autant par le besoin d’un regard sur moi, mon propre regard ou celui de l'appareil photographique qui tentait de remplacer celui de l'être aimé, que comme une preuve que je continuais à vivre. J’approche l’autoportrait comme un miroir d’une violence qui nous arrive. Mon travail traite également de la nouvelle relation qui c’est instauré entre mon fils et moi, une complicité autant qu’une confrontation, un rapport à la fois doux et violent. Il s’agit certainement d’une démarche thérapeutique pour dépasser ma souffrance personnelle, une convalescence. Mon travail a toujours traité du quotidien des évènements simples et bouleversants que je voulais mettre en lumière, ce travail en est à la fois la poursuite et un arrêt violent. Mais comme je le désirais, après l’avoir exposé j’ai remarqué qu’il dépassait de loin ma petite histoire personnelle pour toucher les autres, aussi le sens même du deuil en était élargi.
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Brèves musicales C hroniques M usicales - M atthieu M archal
P antha du Pr i nce & Th e Bell Laboratory “Elem ents of Lig ht ” 2013
Pour saisir l’ampleur d’un processus il faut pouvoir en visualiser la mécanique. Imaginez : cinquante clochettes en bronze de taille, d’épaisseur, de densité différentes, autant de carillons pour un total de plus de deux tonnes, un xylophone éparse, des marimbas discrètes et évidemment la mag-
ie polaire et savamment minimaliste de Pantha du Prince (aka Hendrik Weber). On se souvient de Black Noise en 2010, miraculeux album de techno impressionniste qui semblait être dicté par la rigueur grise et la douceur bleue d’une nuit d’hiver blanc ; alors à l’annonce d’une collaboration avec les norvégiens du Bell Laboratory, on ne peut qu’appréhender la rencontre de ces deux entités glaciales qui découpent chacun à leur façon le son en fines lamelles de lumière. Ce n’était pas une appréhension craintive, mais plutôt celle qui tient au ventre avec un soupçon d’excitation la veille du grand voyage dont a toujours rêvé.
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Une fois le disque entre les mains, il apparaît comme une prédiction qu’en effet ce sera un voyage dans les confluents de la lumière et du son ; “Elements of Light”se divise en cinq actes révélateurs : l’onde, la particule, le photon, le spectre lumineux et le quantum. Si la tracklist nous propose une grille de lecture par le phénomène, il est intéressant d’abandonner la compréhension au bénéfice de l’immersion, étape par étape dans cette mystique et obsédante cathédrale. Le narthex / Dès le premier pas on peut ressentir les vibrations de l’atmosphère qui se condense, la luminosité baisse, l’humidité s’accentue et le froid est millénaire. Notre vue semble muter, les perceptions deviennent étranges et précises, centrées et diffuses, tout comme notre ouïe bouleversée par l’implacable silence et l’immense bruit - devenu presque irréel - qui en émerge. La nef / Le rythme se dessine progressivement toujours entouré de carillons indéfinissables, on ne les sait proch-
/B/
es ou lointains, vifs ou à peine tremblants. Après cinq minutes de conditionnement, étouffés par les murs ancestraux et l’ombre écrasante des voutes ; on est prêt et ils le savent. Le beat apparaît et radicalise l’atmosphère en détournant le regard de la contemplation, portés par une soudaine chaleur infuse qui unit aussi bien qu’elle désincarne. Nous voilà à danser sur le sacré entre rave spiritueuse et trip spirituel. Le transept / Enfin accommodés aux lieux, la confiance est gagnée par l’outrage divin et en véritable profane céleste, «Photon» dessine une house intemporelle, figée dans ce lieu d’un autre temps. Le choeur / Tout concorde si bien le choeur, le coeur, le rayon lumineux, l’essence du visible et de l’incapturable, la matière et le néant, l’absolu en dix-sept minutes et trente-cinq secondes qui à jamais permettra d’ouvrir la porte de l’Omega et d’en délivrer la tempête. Salvatrice et protectrice, elle émerveille en bourrasques dans le dos, en courants d’air fugac-
es sur l’échine, en soufflant délicatement derrière l’oreille. Un cadeau divin. La chapelle rayonnante / On ne sait pas vraiment si c’est un rêve ou une apparition, peutêtre un mirage, une transe, une projection. Mais peu nous importe, tout s’estompe si vite qu’on ne peut que plisser les yeux une dernière fois pour se construire la meilleure image possible de ce voyage qui déroute d’abord par son austérité et sa construction limpide loin des carcans habituels de l’électro et qui sublime avec sa grâce spectrale. La lumière s’abat en faisceaux à travers les meurtrières, soulevant en son sein des particules de poussière qui dansent, fusionnent et disparaissent.
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Joh n Talabot fi n
2012
John Talabot ou Oriol Rivolera ou encore D.A.R.Y.L c’est le mec qui depuis quelques années maintenant est le type à suivre pour ce qui à trait à la scène electronica underground de Barcelone. Touchant à tout, fusionnant les styles et débordant d’enthousiasme et d’idées, le gars est l’opposé des peaux blanches et têtes froides de Détroit qui cultivent dans leurs cernes bleues l’idée d’une minimale pure, racée et décharnée. John Talabot danse en mixant, il bouge la tête, il smile à tout va et est putain d’heureux. Ca se sent, ça s’entend et ça fait un bien fou. Débutant avec «Depak Ine» on flippe un instant avec cette intro en ost de Jumanji mais dès les premi-
/B/
ères samples on bascule dans un joli trip entre house et chillwave. Extrêmement bien ficelée, elle donne une idée de l’ouverture de l’album sans pour autant laisser le moindre indice quant à la suite. C’est d’ailleurs un principe récurrent dans le disque, chaque piste suivante réussit à nous étonner, à nous surprendre par une nouvelle vision tout en gardant une cohérence, haut fait dans le milieu ultra-schématisé de la house. S’en suit «Destiny,» pop-hit jouissif qui se distille et s’insinue aussi facilement qu’un tube de l’été (le plaisir en plus) et ainsi de suite : l’extase se renouvelle toutes les trois à huit minutes dans un enchaînement maîtrisé et naturel ; les apnées de «El Oeste», le trip-hop de «Last Land» et la new-wave acidulée de «When The Past Was Present». Finalement, à travers un album polyvalent qui fonctionne à la fois par diffraction et convergence John Talabot n’oublie pas de nous offrir quelques instants d’house à danser d’une célérité folle. A voir absolument en live.
Vessel Or der of Noise 2012
Ce disque n’est pas recommandé pour les personnes cardiaques, les femmes enceintes, les dépressifs et encore moins pour les claustrophobes. Décharné jusqu’à la moelle, il invoque un coeur vicié qui pulse en une marée noire, grumeleuse et épaisse qui englue tout sur son passage, l’auditeur compris. Dès lors soumis aux infimes mouvements, Vessel ne se gène pas pour (dé-) construire des rythmiques où chaque beat semble sorti de la crypte, flottant entre des samples au formol et des instrus alanguies et initiatiques («Stillborn Dub», couloir de suie et d’ombres toxiques). Le cortège funèbre s’emporte en une transe sale et moite qui colle à la peau, les ver-
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tiges vissés au crâne et les relents putréfiés qui tendent la nuque dans une ondulation chamanique d’anti-house exemplaire («Silten» & «Lache»). Techno de descente chimique tirant sur l’ambiant, Order of Noise flirte avec le malaise pour attiser le chaos, imperceptible et aléatoire. «Court Of Lions» est l’apologie de l’angoisse acide qui remonte en écume dans la bouche, parsemé de cris inaudibles et contextuels, le corps léthargique qui encaisse une IDM cadavérique et minimaliste sans broncher. Extrêmement difficile à comprendre et encore plus à apprécier, le jeune Gainsborough a mis en musique à seulement vingt-deux ans ce sentiment de malaise extrême qui ne s’apprécie que par son horreur, dans une pulsion d’auto-destruction dont on ne comprend ni le plaisir tiré ni son origine. L’album se clôt par «Villane», noyade en eaux glacées, la pression qui broie le corps, l’équilibre qui se brise, les poumons qui brûlent et la corrosion du sel, les sens qui s’éteignent et enfin, la solitude extrême. Le son n’en est plus, la vue
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n’est que noir aqueux et miroitant, l’odeur si matérielle qu’elle semble traverser en un raz de marée le cerveau jusqu’à l’extinction finale, inconnue de tous et de soi-même. Le mal qui fait du bien. Dictaphon e Poems from a Rooftop 2012
Les gens s’observent continuellement, souvent par inattention, distraction mais parfois... Dans le parc du quartier, le vent qui bruisse à travers les feuilles et le grattement des semelles sur la terre et les graviers. Devant un passage piéton, la ville en sépia et les néons oranges qui projettent des ombres burlesques, à attendre le feu vert les mains dans les poches. Dans la file d’attente de l’hôpital, les gestes nerveux et les alentours frénétiques, tellement
de bruits qu’ils ne deviennent qu’un. Parfois dans ces moments, il y a des regards. Ces regards qui ont une histoire, un enclin, un angle, une chose à dire, ils sont infimes, presque inexistants mais ils crient de toutes leurs forces pour émettre un instant de vie si désuet et anodin qu’il s’évapore sans laisser de trace. Un clignement des paupières, les yeux se détournent, puis la tête, les épaules, le tronc, les genoux, les pieds. Adieu. Le cycle se répète, dans un autre endroit, avec une nouvelle sensation, la vielle dame du bus qui regarde à travers la vitre une môme de trois ans qui rigole, deux personnes qui se retrouvent par hasard au coin d’une rue, la supplication du sans-abri et le remerciement de la personne à qui on rend son écharpe perdue plus tôt. «Poems from a Rooftop» est un recueil de ces regards ; à travers neuf pistes d’ambiant instrumental légèrement bidouillé c’est autant de capture d’instant qui sont retranscrites en musique. Moment d’évasion jamais niais, Dictaphone nous offre un album au cachet at-
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mosphérique rarement aussi bien maîtrisé et qui a lui seul a le mérite de prouver qu’écouter de la musique peut être une activité à part entière qui entraîne une attention complète et non complémentaire aux tâches ménagères. Gr i m es Visions 2012
On peut dire que depuis l’année dernière Grimes est vite passée du phénomène ultra-hype à l’artiste dont tous les crétins d’hipsters blasés disent que ce n’est plus si bien que ça. Autant les pucelles qui crient au buzz que ceux qui le critique, tous ont tort. Grimes c’est juste une petite Canadienne qui kiffe être sous influence pendant qu’elle bricole de la pop cosmique à dos de licorne hantée par une electro
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fraise tagada au milieu d’un cimetière style japanimation et oh my god une magical girl. Vous l’avez compris, la meuf n’a aucune prétention et loin de vouloir devenir une icône, elle propose tout simplement un disque accompli sortant tout droit de son univers particulier. Et ça fonctionne. Pour peu que Sailor Moon vous dise quelque chose, que vous avez connu la newwave et que vous n’êtes pas réfractaires aux altérations mentales, c’est déjà presque gagné. Avec des titres comme «Circumambient», aguicheurs, bien tournés et carrément rafraichissants elle constitue le corps de l’album, sa structure et son empreinte. Dans un deuxième temps il y a les locomotives, qui permettent les transitions et qui relancent la sinusoïdale, une fois le maxima presque atteint. «Vowels = space and time» en est un exemple parfait : débutant en mantra, l’instru évolue avec une souplesse formidable, les mécaniques prennent doucement place en fond de tâche et sans comprendre comment on est complètement dedans, manipulés par des sonorités sous-jacentes.
Un album qui fait plaisir, à considérer pour ce qu’il est et non ce que l’on en dit. Tool Opiate 1992
Je vais me faire casser la gueule dans le métro par de gros métalleux pas contents si j’utilise le terme métal ou hardrock et je me couperais probablement les veines de tristesse si j’en viens à utiliser «rock gothique» alors les gars, ok, on se calme, on fait des compromis et on va dire métal progressif. Donc, Tool est un des plus illustres groupe de métal progressif de ces dernières décennies qui s’est distingué en s’affranchissant (à terme) de toute cette mouvance de distorsion pour la distorsion, de double-pédales à tout va et d’hurlements porcins sans queue ni
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tête. Décidant qu’ils pouvaient conserver une philosophie et une sonorité rock’n’roll tout en développant une musique à la fois vengeresse, vindicative, dénonciatrice et intellectuelle, ils taillent le boudin pendant un long moment sans jamais faiblir. Les pistes s’allongent d’album en album et la complexité de construction ne cesse également de s’accroitre. Le propos véhiculé par le groupe mature lui aussi et de l’anti-conformisme il subit plusieurs transformations politiques, sociales et surtout conspirationniste. Mais avant cette immense carrière qui commence avec «Undertow» et se termine par «10.000 Days», il existe une démo composée de trois titres enregistrés vite-fait en studio, deux lives et une piste cachée. Mis en vente en 1992 «Opiate» n’est clairement pas le cd qui a fait découvrir Tool à la majorité des connaisseurs mais quand on pose l’oreille dessus, on comprend tout. L’intégralité du parcours, chaque album qui suit prend un nouveau relief, mis en éclairage par ce prémisse brut et dél-
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icieux. Le disque débute directement par de gros riffs sur lesquels la voix de Maynard se pose rapidement avec une technique qui laisse apercevoir tout le potentiel qu’il va utiliser par la suite. L’instru est captivante et le chant complètement haletant ; c’est totalement ahurissant pour une première démo et en même temps il ne pouvait en être autrement tant il se diffuse en une vague primale et bouillante qui ne peut surgir que d’un premier cri de rage. La seconde piste enchaîne avec une pure ligne de basse (pour notre plus grand soulagement ; la basse étant usuellement utilisée dans le métal pour faire un bruit de fond) et ne lâche pas la pression avec des compositions ultra-spontanées mais loin d’être simplistes et ce jusqu’à la première piste live. «Cold and Ugly» se lance avec un commentaire de Maynard : «Throw this Bob Marley wannabe motherfucker out here !» qui réclame que l’on dégage l’enfoiré d’hippie qui souffle comme un con dans sa trompette avant le début du live. Remarque qui représente l’essence même du groupe à ce moment
précis de leur jeunesse ; charismatiques, intelligents et désabusés. L’album se poursuit et entretient la flamme avec une vigueur jamais entendue dans une autre formation ; démo unique et résultante de tellement de facteurs externes et internes à l’époque, aux membres, à leurs inspirations du moment et à leurs révoltes que l’on n’aura sans doute plus jamais la chance de retomber sur un enregistrement si fondamental pour un tel groupe. Véritable pierre angulaire de la carrière de Tool, et plus encore de ce qui se faisait en métal alternatif début des années nonante, Opiate doit absolument être écouté au moins une fois.
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Chroniques littéraires C hroniques L ittéraires - V ictoire
C’est non sans une certaine émotion que j’ouvre avec l’édition #E d’AlphaBeta Magazine cette rubrique de chroniques littéraires. Les lecteurs en quête de mots et d’images à se glisser sous les paupières retrouveront ici quelques uns de mes coups de cœur en la matière, parfois récents et parfois moins, toutes catégories confondues. En prologue à ce beau programme, j’ai eu l’envie de partager avec vous cet extrait des dires de Justine Neubach (http://silencieuse.net, de loin la plus grande écrivain sur la toile que j’ai pu croiser jusqu’à ce jour) qui résume parfaitement la couleur et le ton que j’ai envie de poser sur cette rubrique toute neuve.
de
C hangy
« La critique aimante ne doit pas se faire au détriment de la voix du livre. Elle ne doit venir écraser ni le timbre particulier des phrases de l’auteur, ni le ton qui vient naturellement pour les penser quand on les lit pour soi. Elle doit ouvrir la brèche, laisser monter l’envie du livre jusqu’à l’insupportable, agir comme un philtre d’amour. »
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Dans
la catégorie
bande - dessinée
Konosh i ko Luc Giar d et Jean-Mar i e Apostoli dès Les Im pr essions nouvelles .
Konosh i ko Luc Giar d et Jean-Mar i e Apostoli dès Les Im pr essions nouvelles . Davantage roman graphique que BD en tant que telle, Konoshiko relate deux récits imbriqués l’un dans l’autre. Le premier : l’histoire de Konoshiko, paysan japonais ; ses aventures et ses rencontres fantomatiques, le tout sous la forme de 300 dessins chiffonnés à la manière d’estampes japonaises, tour à tour encombrés puis légers, entièrement réalisés à l’encre de Chine. Le second, c’est la mémoire même de ces dessins, leurs différents parcours et voy-
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ages de main en main entre cinq personnages à la destinée tristement commune bien malgré eux. Konoshiko est un livre tant à lire qu’à regarder, une histoire tout à tour dérangeante et enivrante, une œuvre d’art à posséder chez soi et à feuilleter souvent. Dans
la catégorie
roman / littérature
Miss Per eg r i n e et
plus insolites les unes que les autres, nous emmène dans des aventures à chaque chapitre un peu plus saugrenues, à base d’enfants aux pouvoirs variés - de la petite fille qui lévite au garçon invisible – de brouillard impénétrable d’une petite île du pays de Galles et de menaces de monstres terrifiants. Ce roman, visant à la base un public d’adolescents, m’a pris au cœur comme aucun ne l’avait fait depuis bien longtemps. C’est burlesque et loufoque en diable, c’est de la réalité décousue à larges mailles, et pourtant, allez savoir pourquoi : on y croit. A lire sous la couette, avec une lampe de poche et la pluie battante contre les vitres en bande-son. Dans
la catégorie
Beaux Livres
les en fants particuli ers
-
Ransom Riggs B ayar d Jeun esse. L’histoire raconte le parcours de Jacob Portman, 16 ans, sautillant à pieds joints sur les traces du passé de son grand-père. Le texte, ponctué de photos en noir et blanc toutes
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Abécédai r e de voyag e – Valér i e Li n der Esper luète. Sur la quatrième de couverture, on peut lire « objets glanés frottés et mots choisis dans le dictionnaire ». Abécédaire de voyage est un petit livre plié en accordéon à feuilleter et à déplier, aux pages intérieures comme celles de nos carnets de brouillon d’écolier – à lignes ou à larges carreaux. A chaque double page, une lettre de l’alphabet estampée, quelques mots gribouillés et raturés et un dessin frotté à la ligne de plomb. A comme à priori, à bientôt, au cas où, au revoir, E comme essentiel, encore, est-ce-que, ensemble. L’idée ? Proposer uniquement des mots en lien avec le voyage, de près ou de loin. C’est trop beau et ce défilé de lettres ça nous parle pas mal, chez AlphaBeta (forcément).
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Dans la catégorie Essais / Réflexions
Petites
passe et des plus belles. Je ne sais pas vous, mais étant particulièrement fière de ce sang noirjaune-rouge qui coule dans mes veines - avec ses atouts évidents et ses tares tout autant -, j’ai parcouru ces pages non sans une certaine et fière délectation. A feuilleter le dimanche matin, avec une tranche de cramique nappé de sirop de Liège. Dans
la catégorie jeunesse
mytholog i es belg es
– Jean-Mar i e Kli n ken berg Les Im pr essions Nouvelles. En 19 chapitres, l’auteur nous emmène dans les méandres sinueux de la « belgitude ». Tantôt avec l’autodérision qui caractérise si parfaitement nos caractères du plat pays, tantôt avec un certain cynisme et toujours avec réalisme, il passe par ces petites réalités qui font de notre quotidien de belges ce qu’il est : l’amour de la côte – de kust, les gaufres brûlantes, Quick & Flupke et Justine Henin à la télévision, le roi (la loi, la liberté) et la complexité de nos institutions, j’en
Je t’ai m e tellem ent que – An n e Her bauts Caster man « Je t’aime tellement que j’ai mal au ventre », « je t’aime tellement que la lune a téléphoné pour prendre de mes nouvelles », « je t’aime tellement qu’on a de
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l’eau de mer au robinet ». Parce qu’on a tous un jour tellement aimé que, le dernier album d’Anne Herbauts ne peut qu’emporter le quidam, qu’importe son âge. L’amour donc, avec ses moments d’escalade et de chute libre, avec ses sentiments de plénitude et de manque impossible à combler, le tout ponctué par les mots très simples et très vrais et les illustrations comme à chaque reprise sublimes et colorées d’Anne Herbauts. Et puis, c’est du Belge, alors... A offrir aux enfants en prétexte pour le garder pour soi.
dessine-moi un royaume I nterview - A urélia M orvan
Parfois, traîner sur Facebook n’est pas qu’une perte de temps, si si ! C’est au détour d’une des photos de couverture de Matthieu Marchal, notre cher collègue et critique musical d’Alphabeta Magazine, que je l’ai découvert, lui et la «Dear city» qu’il avait dessiné pour la pochette d’un EP. Lui, c’est David Fleck, un sympathique britannique qui dessine des villes surchargées où des montagnes russes côtoient des tout petits bâtiments, des mondes sousmarins, des hommes-maison, bref, de bien jolies choses. David Fleck ne fait pas que dessiner des paysages singuliers, il envisage de les bâtir en vrai un jour aussi. Et en plus de tout ça, il a gentiment accepté de passer une partie de son mardi 19 mars à construire des réponses à mes questions ...
Salut David, peux-tu nous dire quelques mots à ton sujet ? Je m’appelle David Fleck, j’ai 23,64 ans (au moment où j’écris) et actuellement ma vie est divisée entre une masse de choses telle que l’illustration, que je pratique depuis environ 4 ans maintenant, l’étude de l’architecture, prendre du plaisir à être marié et regarder les séries Lost et 24. Je suis en ce moment à Glasgow en Écosse, le temps est froid et humide depuis la semaine dernière et je suis actuellement assis, habillé de deux pulls, écoutant de la musique bizarre que j’ai trouvé sur Internet.
Quel est ton approche en tant qu’illustrateur, qu’estce qui te motive ? Je dessine des choses quand je peux, et je vois comment l’inspiration me vient. Je n’ai pas réellement de grandes stratégies ou de buts définis en ce mo-
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ment, je saisis juste les opportunités quand elles viennent à moi et j’utilise mon temps libre pour dessiner les petites idées que j’ai. Je dessine pour les quelques raisons suivantes: 1) J’en suis capable. Je suis droitier et ça fonctionne plutôt bien. 2) Cela ne m’importe que peu si c’est mauvais, ça ne fera de mal à personne et ça ne gâche pas trop de temps. 3) Ça me permet de penser. 4) Je peux exprimer des idées que je ne pourrais pas exprimer avec des mots. 5) Les gens semblent aimer ce que je dessine et c’est super.
Les voyages ont également une grande influence sur moi, tu as raison. Quand j’ai quitté l’école, j’ai passé du temps en Inde à travailler avec une église et une école, et ça m’a vraiment ouvert les yeux sur une autre culture et sur la vie à laquelle j’étais habitué. Les paysages urbains et les personnes que j’ai rencontré en Inde, continuent leur chemin dans mes dessins maintenant.
De quelle manière définirais-tu ton style ?
Les villes sont mon sujet favori pour le moment. Depuis que j’ai lu Les villes invisibles d’Italo Calvino, j’ai exploré des façons différentes de montrer les aspects de certaines villes. Dessiner des paysages urbains est hypnotique. C’est un exercice à la fois super et minutieux de dessiner une ville complexe puis de regarder les bâtiments, les rues et les toits émerger, tout en imaginant les histoires qu’ils pourraient cacher ou contenir.
As-tu d’autres thèmes de prédilection sur lesquels tu aimes travailler ?
Je n’ai jamais essayé de rentrer dans un certain style de façon consciente, du coup, je suis assez surpris que mon style et mes dessins soient maintenant reconnus comme étant les miens. Ce n’est pas quelque chose que je fais intentionnellement ! Je pourrais donc le définir comme simple mais complexe, léger mais un peu sérieux. Je dessine simplement de la façon que j’aime alors peut-être que devrais-je laisser quelqu’un d’autre décrire mon style.
Tu dessines manuellement ou sur ordinateur via une tablette graphique ?
Tu
dessines beaucoup de paysages urbains, qu’est-ce qui t’inspire ? Les voyages ?
Tout est dessiné à la main d’abord, avec un bon vieux crayon et du papier. Si je pense que ça pourrait être un bon dessin, je le fais sur du beau papier à croquis. Sinon, je vais juste le griffonner sur un papier à copier ou du papier calque. J’utilise le même crayon, de la marque Muji, depuis environ 4 ans maintenant, donc j’espère qu’il ne se cassera pas. Une fois que j’ai fini le dessin, ou la peinture, je scanne et ajoute les touches de couleur avec Photoshop.
Un tas de choses m’inspirent. L’architecture doit être l’une de mes plus grandes influences. J’aime les bâtiments et les villes, ce sont des espaces design dans lesquels nous vivons notre vie quotidienne et qui me passionnent.
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Certains de mes dessins sont formés de 5 couches, voire plus, de papier calque, que j’ai ensuite scannées et assemblées sur ordinateur.
c’est un peu plus superficiel. Je voudrais vraiment trouver un poste où les deux pourraient se rencontrer et se compléter l’un l’autre, mais je ne sais pas trop à quoi ça pourrait ressembler. Pour l’instant, je vais juste continuer à faire les deux et voir ce qu’il se passe !
Si tu devais me parler d’une seule de tes illustrations, laquelle serait-elle et pourquoi ?
Est-ce que tu connais la Belgique ? Est-ce que tu parles un peu français ?
«Gustaf» est un de mes dessins préférés, même si c’est un de ceux que la plupart des gens ne semblent pas vraiment aimer ou remarquer. Ça me va comme ça cela dit. Je l’ai dessiné quand j’étais dans un bus en Suisse. Il s’arrêtait si souvent pour que l’on puisse observer des bâtiments lugubres et soi-disant incontournables de l’architecture moderne en béton et, j’étais tellement écoeuré de voir ces bords nets et ces intérieurs stériles que j’ai dessiné ça. Ce dessin représente le genre de personnage, de couleur, de texture et d’étrangeté que j’aime. Après avoir visité tant de bâtiments ennuyeux et inhumains, c’était rafraîchissant d’imaginer et de dessiner quelque chose de plus fun.
J’avais un ami belge à l’école mais il parlait néerlandais et trouvait ça hilarant quand j’essayais de prononcer des mots simples. J’ai appris le français pendant des années à l’école mais ça n’a pas collé, à mon grand regret.
Pour conclure, est-ce que tu peux nous dire un mot sur d’éventuels projets ? Je ne planifie pas vraiment trop loin dans le futur donc c’est difficile à dire. En ce moment, je travaille sur quelque chose de complètement différent, dans le cadre de mes études d’architecture. Je coordonne un projet photographique avec d’autres, où des enfants et des jeunes de milieux défavorisés à travers le monde, recevront des appareils photo jetables pour documenter les lieux où ils vivent. Ils auront entre leurs mains le pouvoir de raconter leur propre histoire. Les photos seront présentées dans des expositions et autres, bientôt !
Quand tu seras grand tu veux être architecte ? Illustrateur ? Les deux ? Ce sont des domaines complémentaires selon toi ? J’ai toujours voulu être architecte. Construire des choses dans et autour desquelles les gens vont vivre leur vie, profiter pendant des années et des années, ça signifie beaucoup pour moi. L’illustration c’est génial mais ça n’a pas la même signification pour moi,
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BO
NUS
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Laurence, je dois t’annoncer une bien triste nouvelle. Demain, tu vas disparaitre. Il me reste quelques questions à te poser avant ta mort.
// Ton dernier gros mot ? Merde ! // La dernière personne à qui tu dis « Je t’aime » ? Une seule ce n’est pas possible. Ca serait à mon mari et mes enfants. // La derrière personne à qui tu dis « Je ne t’aime pas » ? Je ne vais pas perdre mon temps à ça. Si je meurs demain, je me contrefous des gens que je n’aime pas. // La dernière chanson que tu écoutes ? Un truc joyeux, ou alors quelque chose de mélancolique, un Burt Bacharach.
// Ta dernière position sexuelle ? Tu veux la position exacte ?! J’ai bien une idée mais je ne peux pas tout raconter ni tout expliquer… // Ton dernier mot à Nathalie Uffner et à Sébastien Ministru ?
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Merci, tout simplement. // Ton dernier mot à Marka ? Viens, rejoins-moi quand tu peux. // Ton dernier tweet/texto ? Un truc bien idiot…Mieux vaut en rire. // Le dernier objet que tu veux emporter avec toi ? Un rouleau de papier toilettes. // Le dernier secret que tu révèles ? Il y a des secrets que tu n’as même pas envie de révéler, même juste avant ta mort car tu sais que les autres vont continuer à vivre avec ton secret. Je n’ai pas vraiment de gros secrets. Peut-être que j’irais retrouver des profs et je leur dirais toutes les fois où j’ai triché. // La dernière pièce classique que tu voudrais jouer avant de mourir ? Un truc qui a de la gueule… Macbeth ! // Le menu de ton dernier repas ? Je ferais plein de trucs différents, tout ce que j’aime, des aubergines grillées des chicons au gratin, de la purée, des frites. Je demanderais plutôt à mon mari de faire des frites. Ca serait aussi l’excellente occasion de demander aux gens que j’aime ce qu’ils font le mieux. Ce n’est pas ce que je mange qui a de l’importance mais ceux qui le prépare. // Le dernier endroit où tu veux aller ? J’amerais boucoup voir à quoi ressemle le toit de la basilique de Koekelberg. // Le sujet de ton dernier « Café serré » ? Je balancerais qui couche avec qui dans la rédaction ! // Ta dernière blague ? Mais je ne fais pas de blagues moi…Une faute d’orthographe sur mon épitaphe. // La dernière drogue que tu prends ? Je fume, je bois. Peut-être tester de l’héroine , juste pour gouter, un simple shoot. Il paraît que c’est bien… // La dernière personne que tu tues ? Il y en a quand même plusieurs qu’on a envie de voir mourir… Je tuerais un psychopathe. // La dernière femme que tu voudrais absolument voir ou rencontrer ? J’aimerais beaucoup voir Catherine Deneuve. Je ne sais pas si c’est une grande femme mais j’aimerais bien lui serrer la pince. Je lui dirais : « Je crois que nous fumons les mêmes cigarettes ». Ensuite je lui en offrirais une… // La dernière phrase que tu veux voir sur ta tombe ? A bientôt…
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Charlotte, David, je dois vous annoncer une bien triste nouvelle. Demain, vous allez disparaitre. Il me reste quelques questions à vous poser avant votre mort. // Votre dernier gros mot ? Salope! // La dernière personne à qui tu dis « Je t’aime » ? Charlotte : David, évidemment. David : Charlotte. Charlotte : Ah mais tu n’étais pas obligé ! (rires) // La derrière personne à qui vous dites « Je ne t’aime pas » ? David : J’aime tout le monde ! On a jamais vraiment besoin de le dire à quelqu’un. Charlotte : Quand on n’aime pas quelqu’un, on lui dit clairement, mais nous n’avons pas d’ennemis. // La dernière chanson que vous écoutez ? Charlotte : « Dance of the Kinghts » de Prokofiev. David : « Echoes » de Pink Floyd ou alors Le Lac des Cygnes. // Votre dernière position sexuelle ? Charlotte : Ouf…Je ne connais pas les noms ! Je ne vais pas te faire un dessin ! Peut-être un truc dans un endroit public. // La dernière soirée à laquelle vous voudriez absolument aller ? Charlotte : Je ne veux pas aller à une soirée avec de la musique trop forte. Je veux aller chez des potes, à un diner, je veux pouvoir parler aux gens. // Ton dernier mot à Charlotte ? Je t’aime. // Ton dernier mot à David ? C’était pas mal quand même…On s’est bien amusé ! // Le dernier objet que vous emportez avec vous ? Charlotte : Une couverture parce que j’ai toujours froid ! Chez moi je suis toujours enroulée dans une couverture, alors pour mes derniers moments j’aimerais être au chaud. // Le menu de ton dernier repas ? David : Un bolo ! Charlotte : J’en ai déjà mangé un hier soir et là ça ne me donne pas trop envie… (rires). Un truc italien à base de pates, mais pas un truc trop lourd.
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// Le dernier endroit où vous voudriez aller ? Charlotte : L’Iran, c’est le pays de ma mère, je n’y suis jamais allée. J’aimerais y aller avant de mourir. // Le dernier artiste que vous voudriez absolument voir ou rencontrer ? Depeche Mode. J’aimerais beaucoup qu’ils écoutent notre album. Ca fait des semaines qu’on essaie de les contacter mais ce n’est pas simple… // La dernière phrase que tu veux voir sur ta tombe ? Charlotte : Je veux être incinérée, je veux que mes cendres soient dispersées dans la nature. Je n’ai pas envie d’un endroit de recueillement.
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PROCHAI N E EDITION
DIMANCHE 7 JUILLET 2013