Lf 571

Page 1

Organe central du Parti Communiste des Ouvriers de France w w w . p c o f . n e t n° Mensuel n°571 - Mars 2016

Prochaine parution : le 5 avril 2016

2e

Se battre contre

la casse du Code du travail, l’état d’urgence, la criminalisation de la contestation sociale, les guerres impérialistes,

Pour rompre avec le système capitaliste

“Prolétaires de tous les pays unissez-vous !”


La Forge

2

Mars 2016

Editorial

Se battre contre la politique du gouvernement au service du patronat, pour rompre avec le système capitaliste

Q

uelle différence, dans le fond, entre la politique menée hier par Sarkozy et celle menée aujourd’hui par Hollande ? Souvent, on entend des travailleurs, des gens du peuple, dire que cette dernière est pire. Pire, entre autres, parce qu’elle se réclame de la gauche. Et plus cette politique s’en prend aux travailleurs, aux jeunes, aux couches populaires, plus Hollande et ses ministres se réclament de la gauche, en disant qu’avec Sarkozy, ce serait pire. Par delà les différences de style, le point commun fondamental, c’est que ces politiques sont au service d’un système, le système capitaliste, d’une classe, la grande bourgeoisie, l’oligarchie financière. C’est la défense des intérêts du Capital, des dividendes des grands actionnaires, au détriment de la classe ouvrière et des masses travailleuses, des villes et des campagnes. C’est la liquidation des acquis sociaux, des limites imposées par les luttes de la classe ouvrière, des masses travailleuses à la surexploitation, celles qui sont contenues dans le code du travail, au nom de la « lutte contre le chômage » qui sert de couverture à cette entreprise de destruction et de recul social. Comme si faciliter les licenciements produisait autre chose que plus de chômeurs. C’est le renforcement de l’Etat policier, de l’Etat qui criminalise la contestation sociale et politique, qui impose à la société les choix des monopoles contre la volonté et les intérêts du plus grand nombre. C’est la défense des monopoles français, dans la concurrence internationale, face aux monopoles des autres pays. C’est la défense de leur « droit » à piller les richesses des pays dominés par l’impérialisme français, à mettre en place des régimes qui imposent ce pillage, cette domination aux peuples, par la force. C’est la défense du système de domination mondial, le système impérialiste, par la guerre, les ingérences de toutes sortes, contre les peuples qui « ont le malheur » de vivre là où le sous-sol regorge de richesses. En prendre le contrôle, c’est le but des « guerres contre le terrorisme », qui est lui-même un produit du système impérialiste. Dire cela, ce n’est pas nier les différences entre les droites et la social-démocratie, encore moins gommer le fossé entre les secteurs sociaux et leurs organisations qui se réclament de la gauche et ceux et celles qui se réclament de la droite, sans parler de l’extrême droite. Mais la question de fond est de cibler, de dénon-

cer, de mettre en lumière, la nature et la responsabilité du système capitaliste impérialiste dans la profonde crise dont il fait retomber tout le poids sur les travailleurs, les masses populaires et les peuples et de mettre en évidence la nécessité de la rupture avec ce système. Le développement des fronts de lutte et de résistance, en réponse à l’ampleur des attaques portées par le patronat et le gouvernement à son service, favorise cette prise de conscience, mais il faut mener une grande bataille politique et idéologique pour y gagner plus de femmes, plus d’hommes, plus de jeunes… Il faut, bien sûr, que les combats engagés gagnent en force, en nombre, et qu’ils parviennent à faire reculer le gouvernement et le patronat. La mobilisation contre la mal-nommée « loi travail » peut y parvenir, et il faut, de toute façon, tout faire pour qu’elle gagne. Sur d’autres questions, le travail de mobilisation sera plus long, car on « part de loin » : la dénonciation des guerres menées par l’impérialisme français est revenue dans le débat politique après des années durant lesquelles elle n’était le fait que d’un nombre limité d’organisations, dont notre parti. Il faut donc « développer et organiser les résistances ouvrières et populaires à la politique d’austérité et de guerre ». Mais il faut aussi, dans ce travail, faire progresser la conscience que cette politique défend un système global, le système capitaliste impérialiste, et qu’il faut travailler à la rupture avec ce système. C’est l’engagement que nous avons pris, en fondant notre parti, le 18 mars 1979, en nous revendiquant des révolutionnaires de la Commune de Paris. Le contexte, certes, a bien changé, mais rappelons-nous qu’à cette époque, la lutte de classe était intense et l’affrontement de classe violent. Depuis, la social démocratie a géré à plusieurs reprises les affaires de l’impérialisme français et de Mitterrand à Hollande, elle a montré qu’elle avait choisi son camp. Aujourd’hui, la colère monte, les exaspérations éclatent dans des secteurs de plus en plus nombreux, dont certains sont travaillés par la réaction. Si l’histoire ne se répète pas, la lutte de classe en est toujours le moteur. C’est le moment de remettre dans la discussion, la question de la rupture révolutionnaire avec le système.

Abonnez-vous pour 3 numéros gratuits

Pour cela, il vous suffit de remplir ce bon et de nous le renvoyer à notre adresse nationale ou de le remettre à un de nos militants. Nom : ................................................ Prénom :.................................................................................. Adresse : ............................................................................................................................................................

Adresse

............................................................................................................................................................ internet : ....................................................................................................................................................

La Forge vous parviendra pendant trois mois gratuitement sous pli ouvert. La Forge - Organe central du Parti Communiste des Ouvriers de France 15 cité Popincourt - 75011 Paris - Tél/Fax 01 48 05 30 14 - www.pcof.net - enavant@club-internet.fr

Tarifs d’abonnement pour la France Pli ouvert (version papier) ............ 26 e Version électronique (pdf) ............. 26 e Pli fermé . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32 e Abonnement avec soutien . . . . . . 35 e Chèque à l’ordre de : Société En Avant 15 cité Popincourt - 75011 Paris


Politique

La Forge Mars 2016

Résister pour faire reculer ce gouvernement au service du patronat

P

ersonne ne peut dire si nous sommes à la veille d’un mouvement type CPE, à partir de la mobilisation contre la loi El Khomri. Ce qui est sûr, c’est qu’elle cristallise une contestation qui va des syndicalistes et des syndicats, aux organisations de jeunesse, aux associations qui agissent auprès de salariés, notamment précaires, aux partis et organisations politiques. A la base, il y a l’ampleur de l’attaque : la remise en cause, dans ses fondements du code du travail et, partant, du syndicalisme de lutte, la condamnation à la précarité d’une grande partie des jeunes travailleurs, garçons et filles, le renforcement de la dictature patronale dans les entreprises… L’article consacré à cette question passe en revue les attaques, les « points durs » et conclut sur une exigence de plus en plus partagée : il faut que cette loi soit retirée. Ni négociable, ni amendable. De plus, elle ne va pas résoudre la question du chômage de masse, bien au contraire. « Une loi qui facilite les licenciements, permet de licencier plus facilement ». C’est une évidence qui va totalement à l’encontre du discours

gouvernemental sur la nécessité d’assouplir le « marché du travail », pour permettre aux entreprises d’embaucher. C’est la vieille rengaine patronale qui ne s’est vérifiée nulle part, sauf à condamner les travailleurs à la surexploitation effrénée. Mais même dans ce cas, les patrons n’embauchent que s’ils ont des commandes et qu’ils sont assurés de réaliser des profits. Quant aux chômeurs, ils n’ont rien à attendre de bon des « négociations » actuelles sur l’indemnisation du chômage, où le maître mot est la « dégressivité » des indemnités, pour « pousser les chômeurs à chercher activement du travail ». Avec un chômage qui avoisine 5 millions de personnes, bien plus que le chiffre officiel de 10 % de la population active, de tels propos sont pure provocation.

Parlons des profits 54 milliards, ce sont les profits réalisés par les grands groupes du CAC 40, en 2015, avec des augmentations de dividendes de 12 % ! Airbus, c’est 1 000 milliards de commandes, soit 10 ans de travail, 2,7 milliards de bénéfices, 8 % d’augmentation des dividendes versés aux actionnaires. Mais pour les salariés, c’est 20 minutes de travail en plus par jour – à travers la suppression du temps d’habillage ! Air France, c’est 118 millions de bénéfices, mais le PDG prévient : le plan de restructuration sera maintenu. Et il aurait pu ajouter : les licenciements aussi. Cette arrogance patronale est plus qu’encouragée par la politique du gouvernement et le « climat » qu’il instaure, notamment depuis les attentats. Comme l’avaient dénoncé les syndicalistes, « l’état d’urgence », ce n’est pas contre les terroristes : c’est contre le mouvement ouvrier et populaire, contre le mouvement syndical.

L’état d’urgence, c’est la criminalisation de l’action syndicale : des licenciés d’Air France aux 8 de Goodyear, avec une liste qui ne cesse de s’allonger.

Trop, c’est trop ! L’ampleur des réactions contre la loi El Khomri, la loi « anti code du travail », montre que cette attaque cristallise la colère accumulée depuis des mois, contre la politique de Hollande et de son gouvernement. Comme le disaient les manifestants dans d’autres pays, « trop, c’est trop » ! La manifestation du 27 février, pour l’abandon du projet « inutile et coûteux » de l’aéroport de Notre-Damedes-Landes a été encore plus massive que les précédentes : avec ou sans référendum, c’est plus que jamais « Non » à l’aéroport Vinci, porté à bout de bras par un ex-premier ministre et des élus qui ne veulent pas se déjuger. Comme en écho, il y a eu, le lendemain, la manifestation populaire contre l’exploitation des gaz de schiste, que Total veut imposer, coûte que coûte, en Ardèche. Et quelques jours plus tôt, celle contre les épandages de pesticides, à Bordeaux. Ce sont des mobilisations qui se sont inscrites dans la durée, qui ciblent des gros groupes et tous ceux qui les autorisent à polluer, à provoquer des dégâts connus et irréversibles, pour toujours plus de profits.

Que faire ? Résister, pour faire reculer ce gouvernement au service du patronat. Ce gouvernement qui veut gouverner par la peur, la matraque et doter l’État de tous les moyens « légaux » de surveillance et de répression, d’institutionnaliser l’état d’urgence. Ce gouvernement qui s’engage toujours plus dans

les opérations militaires, de la Syrie à la Libye. Résister, c’est lutter ensemble, c’est construire dès aujourd’hui, dans chaque mobilisation, le rapport de force nécessaire pour imposer des ruptures de fond avec cette politique. C’est aujourd’hui que cela se construit, à travers notamment les « collectifs » qui se mettent en place, les mobilisations dans la rue, dans les entreprises, dans les quartiers, dans les facs… Nous sommes dans une phase de montée de la contestation sociale et politique. Elle peut s’accélérer, mais rien n’est écrit d’avance. Le gouvernement peut aussi jouer la provocation. Une chose est sûre : l’heure n’est ni aux débats sur « l’avenir de la gauche », encore moins sur les « primaires », ni à se faire peur en brandissant sans cesse Marine Le Pen. Concentrons nos énergies sur les questions qui peuvent mobiliser le plus grand nombre, comme l’exigence du retrait de la loi qui remet en cause les protections contenues dans le code du travail. ★

Notre parti se retire du cadre du Front de gauche Nous reproduisons en page suivante la lettre que nous avons envoyée début février aux représentants des organisations membres du Front de gauche. Elle donne les raisons pour lesquelles notre parti a décidé de se retirer du cadre du Front de gauche, tel qu’il a évolué depuis un certain temps. Le fait qu’il s’inscrit aujourd’hui dans la perspective des « primaires » nous conforte dans notre décision.

N

otre dernier congrès de décembre 2015 a procédé au bilan de notre participation au Front de gauche depuis notre entrée en septembre 2011, période qui correspond à l’intervalle entre les deux derniers congrès.

L’espoir qu’il a suscité, auquel nous avons contribué, a fait place à la division et au désarroi, dans un contexte d’offensive du patronat, d’un gouvernement et d’un président qui mènent une politique de reculs sociaux et de

guerre. On ne peut pas se raccrocher à ce qu’a été le Front de gauche sans voir qu’il n’est pas en mesure de répondre aux exigences de la situation. Cette décision est le résultat d’une analyse de l’évolution du

Front de gauche en lien avec la situation : une décision nécessaire pour pouvoir travailler, dans la clarté, à la construction des résistances ouvrières et populaires à la politique d’austérité et de guerre. ★

3


4

La Forge Mars 2016

Politique Aux représentants des organisations membres du Front de Gauche (Ensemble, PCF, PG, République et socialisme)

Cher(e)s ami(e) s, Il a été souvent question de faire collectivement un bilan du Front de gauche, au sein de la coordination et, récemment encore, la question a été posée de donner la possibilité à chaque composante du FdG de présenter son propre bilan, son appréciation de la situation et ses propositions politiques. Notre parti a récemment tenu son 8e congrès et, dans ce cadre, nous avons discuté du bilan que nous tirions de ces années de participation au FdG. Nous tenons à souligner que le bilan et les conclusions tirées ont été votés à l’unanimité des délégués de notre congrès. C’est donc une synthèse rapide de cette discussion que nous voulons présenter aujourd’hui. Tout d’abord, nous pensons que notre parti a participé de façon sérieuse et responsable au travail du FdG, tout en défendant ses positions politiques fondamentales. Nous pensons que nous avons travaillé à l’unité politique du FdG et, surtout, à son enracinement dans les milieux ouvriers et populaires. L’unité entre nous a toujours été politique, et si la discussion est libre sur tous les sujets, nous avons toujours tenu à ne pas faire de l’unité sur les questions idéologiques un préalable à l’unité politique. Pour nous, l’unité fondamentale entre nous est contenue dans le programme « l’humain d’abord ». Cela ne veut pas dire que ce socle est intangible, qu’il n’y a pas eu de désaccords politiques et que, nous-mêmes, nous n’ayons pas manifesté notre désaccord politique sur certaines questions. Ils touchent à l’appréciation de la politique de l’impérialisme français, sur des questions-clés, comme celle des guerres qu’il mène, notamment en Afrique. Nous savons que cette qualification d’impérialisme ne fait pas accord entre nous, et nous n’en n’avons jamais fait un préalable. Mais ce sont des aspects précis, concrets de cette politique, comme les interventions au Mali, puis en Centrafrique, en Syrie et en Irak, sur lesquels nous avons des divergences d’appréciation qui nous ont amené à ne pas signer des positions censées être celles du FdG. Si c’est surtout sur ces questions dites « internationales » que les désaccords ont été les plus importants, certaines questions de politique « intérieure » ont également fait l’objet de positionnements différents : par exemple, nous n’avons pas eu la même position sur la manifestation du 11 janvier 2015, ou la question de l’état d’urgence et de sa prolongation. Il y a eu également, à plusieurs reprises, des débats entre nous sur la conception même du FdG, de son rôle. Nous savions, en entrant dans le FdG, qu’il était essentiellement une alliance électorale, entre ses différentes composantes. Mais il n’a pas été que cela, notamment durant la campagne des présidentielles et encore par la suite. Il a suscité une dynamique, une mobilisation politique de masse à chaque fois qu’il lançait des initiatives. Pour nous, le FdG avait un rôle d’impulsion politique à assumer, en dehors des échéances électorales. Cette conception n’était pas partagée ; nous l’avons dit et regretté à plusieurs reprises. Dans cet esprit, nous – PCOF – avions soutenu la proposition de J.-L. Mélenchon d’organiser une marche de soutien aux sidérurgistes d’ArcelorMittal, soutien à la revendication de nationalisation, portée par les syndicats, une marche lancée par le FdG, pour permettre l’expression la plus large à ce combat politique. C’est un exemple, parmi d’autres, qui renvoie à la question du rôle d’impulsion politique que le FdG devait, à nos yeux, assumer de façon suivie. C’est de cette façon que, pour nous, le FdG pouvait s’enraciner dans le mouvement ouvrier et populaire. Dans notre déclaration sur notre entrée dans le FdG, nous avions dit que l’unité était un combat et que nous étions prêts à le mener, au sein du FdG, à tous les niveaux, dans l’esprit d’avancer, de faire en sorte que le FdG contribue de façon importante et concrète à combattre les politiques néolibérales et à l’émergence et l’enracinement d’une alternative de rupture politique et sociale, alternative dont le socle est le programme « l’humain d’abord ». La situation actuelle est marquée par une aggravation de la crise du système, avec des manifestations dangereuses, en termes de confrontations militaires qui se multiplient, d’attaques toujours plus fortes contre les droits et les intérêts des travailleurs et des masses populaires. Les réformes touchant les institutions vont dans le sens de la mise en place d’un État qualifié par de nombreuses forces politiques, sociales, d’État « policier ». Cette évolution, qui se manifeste au plan international, notamment au sein de l’UE, est le signe du pourrissement d’un système capitaliste, dont la montée des forces d’extrême droite, racistes, xénophobes, est une manifestation et,

en même temps, un aiguillon vers plus de réaction politique, idéologique, etc. En même temps, il y a une certaine radicalisation de la lutte de classe, dans le camp ouvrier et populaire. Qui aurait pensé que des questions aussi importantes que le combat contre la mise en place de l’État policier, le combat contre la criminalisation de l’action syndicale, mais aussi le combat contre la politique de guerre, d’ingérence… soient aujourd’hui posées dans le mouvement ouvrier et populaire. Face à cette situation, notre parti pense que l’urgence est de travailler à développer ces différentes formes et terrains de résistance et de les organiser dans des cadres unitaires. Que c’est dans ce travail que les forces de la gauche de transformation sociale, les forces qui se battent pour rompre avec la politique du gouvernement et du patronat, doivent jeter les bases politiques et sociales de l’alternative politique plus que jamais nécessaire. Et que se construiront la dynamique et la force capable de l’imposer, de résister aux attaques redoublées du patronat, de l’oligarchie financière, comme on l’a vu et qu’on continue de le voir en Grèce. Se pose donc la question de la place et du rôle du FdG. Nous prenons en compte les discussions et les propositions récentes concernant la nécessité de son dépassement – pour reprendre un des termes généralement mis en avant pour caractériser à la fois la succession des échecs électoraux, après la campagne des présidentielles de 2012, qui, selon nous, avait permis de développer une mobilisation politique de masse. Nous avons participé, en tant que parti membre du FdG, à un certain nombre de discussions avec les autres forces qui critiquent la politique du gouvernement, à partir de certaines positions que nous pouvons partager, et d’autres avec lesquelles nous avons des désaccords. Il s’agit en particulier du positionnement vis-à-vis de la construction européenne, mais aussi sur des questions en matière sociale… Nous avons délibérément limité notre engagement dans ces processus de discussion qui, selon nous, aboutissent à rabaisser à chaque fois le niveau des exigences en matière de ruptures politiques. Or, nous pensons que la situation exige d’afficher clairement une volonté de rupture politique avec le néolibéralisme, aussi bien de droite que celui que développe depuis des années Hollande et ses gouvernements successifs. Aujourd’hui, il est question d’engager les organisations du FdG dans les discussions autour des « primaires ». Nous y sommes opposés, pour ce qui nous concerne, et nous avons exprimé cette position dans notre journal de février. Nous avons deux raisons principales pour refuser de participer à ce qui risque de devenir le principal terrain de mobilisation politique des organisations du FdG. La première découle des priorités qui nous semblent les plus urgentes et que nous avons évoquées plus haut. La deuxième découle de l’analyse que nous faisons de ces « primaires » en tant que mécanisme qui vient, qu’on le veuille ou non, apporter une caution à la présidentialisation du système institutionnel, au moment même où celui-ci se modifie dans un sens de plus en plus anti-démocratique. Le FdG dans lequel nous nous sommes engagés n’existe plus. Le cadre qui nous est proposé aujourd’hui ne correspond pas aux exigences de l’heure. La conclusion que nous en tirons, c’est que nous ne pouvons ni continuer à participer à la coordination, ni continuer à nous réclamer du FdG tel qu’il existe aujourd’hui. Nous avons travaillé ensemble, à tous les niveaux, des liens se sont tissés : cette expérience de travail en commun, cette connaissance mutuelle sont importantes. Nous continuons et continuerons à nous retrouver, avec vous et d’autres, sur des terrains importants de mobilisations politiques et sociales, de la lutte contre la politique de guerre, de militarisation, contre la fascisation. Nous avons écrit plusieurs articles, dans notre journal, sur le bilan que nous tirons de notre participation au FdG et surtout sur les priorités qui sont les nôtres aujourd’hui. Avant de rendre publique cette décision politique de retrait, nous voulions vous en informer. Paris, 7 février 2016 Le comité central du Parti Communiste des Ouvriers de France


Société

La Forge Mars 2016

Négociations Unedic

Ce n’est pas aux chômeurs de payer la facture de la course aux dividendes !

L

’actuelle convention Unedic, signée en 2014, expire le 30 juin 2016. Des négociations pour son renouvellement se sont ouvertes le 22 février dans un climat très tendu, du fait en particulier de la concomitance avec le projet de loi El Khomri. Le gouvernement, qui devra agréer la nouvelle convention discutée entre syndicats et organisations patronales, réclame « un effort indispensable » pour parvenir à « rééquilibrer durablement les finances » de l’Unedic. Il s’est déclaré favorable à une dégressivité des allocations, mesure par ailleurs plébiscitée par de nombreux patrons. Ses promoteurs prétendent que « l’incitation à travailler » serait ainsi plus importante pour les chômeurs et que leur « employabilité » serait moins détériorée par des périodes de chômage trop longues. Comme si c’était la fainéantise des chômeurs et non le manque d’emplois qui était à l’origine du chômage ! La dégressivité a déjà été expérimentée en 1992, à l’initiative de Martine Aubry, puis abandonnée en 2001. Ses effets ont donc déjà été démontrés : elle pousse à accepter des petits boulots qui, sur la durée, éloignent tou-

jours plus d’un vrai retour à l’emploi. cause des assurances sociales vont de encore plus de sacrifices pendant que D’autres « solutions » sont envisa- pair. Nous devons les combattre. Et les responsables du chômage accugées : réduire par divers mécanismes nous devons le faire dans l’unité, en mulent les profits, c’est NON ! ★ la durée d’indemnisation ; abaisser à refusant, en particulier, d’opposer 49 % de l’ancien salaire le plancher aux chômeurs « classiques » (fin de 1- Mises en place en Allemagne dans les d’indemnisation actuellement à CDI), les intermittents et intérimaires années 2000, les lois Hartz (ancien RH de 57 % … accusés d’être trop « coûteux ». La Volkswagen devenu ministre du social-libéral Hollande a déclaré haut et fort que le convention de 2014 a déjà permis Schröder) ont réduit à un an l’indemnisation système français d’assurance chô- d’économiser 1,9 milliard d’euros sur des chômeurs et les ont obligés à accepter y compris des emplois à 1 euro de l’heure. Elles mage serait trop « généreux » au le dos des privés d’emploi entre 2014 ont abouti à l’explosion de la précarité et de la regard de ce qui se pratique dans les et 2016. Selon Gattaz, ce n’est « pas pauvreté, prix de la « baisse du coût du traautres pays (1) ! Dans un duo bien grand-chose » ! Pour ceux qui en ont vail ». réglé, Gattaz a surenchéri : « La vie fait les frais, c’est déjà trop. Alors, ne peut pas continuer comme avant parce qu’il y a un chômage très élevé et que les réformes précéLes « bons » chiffres de janvier 2016 sont principalement dus à un « rebond inhadentes n’ont pas donné bituellement fort » de la « cessation d’inscription pour défaut d’actualisation ». Ce grand-chose ». L’argument qui ne veut pas dire que tous ceux qui n’ont pas « pointé » à Pôle Emploi ont est à usage multiple, retrouvé un travail : réorganisation de l’accueil et fermeture généralisée des puisque c’est le même qui agences l’après-midi depuis janvier 2016, avancement de la date limite d’actualisasert de justification au tion, dématérialisation des démarches, sous-effectifs pour traiter les données et projet de loi El Khomri suspicion généralisée à l’encontre des chômeurs ne sont sans doute pas étrangers à censé permettre de lutter ces résultats statistiques. La baisse de 0,3 % sur janvier 2016 ne doit pas faire contre le chômage… en oublier la hausse de 4,4 % sur un an ! Sur la durée, la progression depuis 2008 est donnant aux employeurs énorme : +153.3 % ! Si on cumule les catégories A, B et C (chômage total et activiles moyens de licencier té réduite) et les catégories D et E (stages et contrats aidés), le nombre des perplus facilement et de faire sonnes inscrites à Pôle Emploi (chômeurs sans activité ou travailleurs occasionnels) travailler plus longtemps approche les 6,5 millions (environ 10 % de la population active, près d’un jeune de ceux qui ont un emploi ! moins de 25 ans sur 4). Le montant moyen des allocations chômage est de 1 100 Démolition des protections euros nets mensuels, mais seulement 43 % des demandeurs d’emploi sont indemnicollectives et remise en sés. Moins d’un emploi sur deux (48,6 %) est un CDI.

Les vrais chiffres du chômage et de la précarité

8 Mars : journée internationale de lutte des femmes pour leur émancipation

P

roposée en 1910 par Clara Zetkin à la conférence internationale des femmes socialistes (il s’agissait à cette époque des socialistes révolutionnaires), cette date va devenir, après la révolution d’octobre de 1917, une journée de lutte des femmes célébrée partout dans le monde. Cette année, en France, la manifestation du mardi 8 mars appelée par les organisations de femmes, mais aussi les syndicats et les partis politiques, va ouvrir une semaine de mobilisation ouvrière et populaire contre la politique du gouvernement au service du patronat. Dans le tract d’appel à la mobilisation -que nous cosignons- il est rappelé que l’égalité hommes/ femmes est loin d’être acquise et que les inégalités ont même tendance, avec la crise du système et le développement des politiques néolibérales, à s’aggraver. «Les femmes sont touchées par les inégalités de salaire et de retraite, par le temps partiel subi, la précarité, elles sont majoritairement en charge des tâches domestiques et

familiales, minoritaires dans les postes de responsabilité politique ou économique. Elles sont trop souvent victimes de multiples formes de violences : viols, violences conjugales, violences sexistes et sexuelles au travail, lesbophobie, prostitution, agressions racistes, violences contre des femmes réfugiées. Les femmes sont les premières victimes des guerres. (…) Les politiques d’austérité, la montée des extrêmes droites et le retour des extrémismes religieux imposent plus que jamais des régressions pour les femmes : La loi Rebsamen (dilution des rapports de situation comparée et des négociations égalité professionnelle), la loi Macron (travail du dimanche et de nuit), précarisent encore plus la situation des femmes La diminution drastique des dépenses publiques met en danger les services publics et touche particulièrement les femmes : menace sur les gardes d’enfants, sur l’accès au droit à l’IVG (150 centres IVG fermés en 10 ans), sur l’accès aux soins (notamment l’éloignement des services de maternité...)

“Avec les femmes du monde entier : -

contre la domination, l’oppression et l’exploitation sous toutes ses formes

-

pour un monde où les rapports sociaux soient basés sur le respect, la justice et l’égalité des droits”

www.femmes-egalite.org

N°76 mars 2016

Journal de l’Organisation de Femmes Égalité - 3 € pour l’Emancipation et le Progrès social

L’heure est à la construction des résistances ...et les femmes ne sont pas en reste ! Organisation de Femmes Egalité, Foyer de Grenelle, 17 rue de l’Avre, 75015 Paris femmesegalite@yahoo.com

La diminution voire la fin des subventions publiques menace l’existence même des associations féministes qui œuvrent tous les jours pour les femmes» Le tract rappelle les luttes que les femmes ont menées dans la dernière période, en France et dans le monde, pour défendre leurs salaires et leurs conditions de vie, pour l’égalité de droits, contre les violences sexistes. Il n’y a pas d’autre voie que celle de la lutte et de la solidarité pour défendre le droit des femmes. ★

Ce 8 mars, nous aurons une pensée particulière pour Dany, notre camarade, membre de la direction de l’organisation de femmes égalité, qui nous a quittés en octobre dernier. Elle sera présente dans les mobilisations qui vont avoir lieu autour de ce 8 mars 2016, et en particulier dans l’activité des comités Egalité à Paris et en province. Nous encourageons nos lecteurs à participer aux activités de l’organisation Egalité autour de son exposition intitulée : «Femmes au travail, invisible mais indispensables, compétentes mais mal payées !» Il faut y emmener les femmes des milieux populaires que vous connaissez, il faut achetez le dernier numéro du journal à paraître pour soutenir l’organisation mais surtout pour faire connaître cette publication aux femmes autour de vous parce que son contenu toujours très riche est un outil pour convaincre des femmes de s’engager dans la lutte et de s’organiser pour le faire. (Voir sur notre site et sur le site de l’organisation Egalité le détail des activités.)

5


La Forge

6

Mars 2016

Société

Une crise agricole grave et profonde

D

ans notre journal de septembre 2015 (N°565) nous avons consacré une page entière à la question de la crise agricole. Pour expliquer la colère des producteurs de lait, de volailles, de porcs et de bovins, après avoir évoqué les éléments conjoncturels de la crise de surproduction, nous écrivions : « (…) Plus fondamentalement, c’est la levée de toutes les barrières, la concurrence libre et non faussée d’un néolibéralisme débridé qui est au cœur de la crise. Ce néolibéralisme qui a notamment poussé ces producteurs de lait et de viande à s’agrandir, à se moderniser, pour faire face à la concurrence internationale. Un des maillons de ce système, c’est la grande distribution qui joue à fond la concurrence au niveau international pour faire baisser toujours plus les prix d’achat. Pris en tenaille entre les prix des aliments pour bétail, les engrais, les remboursement de prêts aux banques pour leurs investissements, les charges fixes qui ne cessent d’augmenter, les normes drastiques et le

prix d’achat fixé par les abattoirs et les laiteries, ces producteurs sont coincés. » Depuis le 20 janvier 2016, la mobilisation a repris, plus forte encore, car non seulement la crise n’a pas été résolue mais elle s’est amplifiée. Ni le plan d’urgence adopté en juillet par le gouvernement, ni les différentes aides de Bruxelles n’ont suffi à la résoudre, car comme tous le reconnaissent, la crise est grave et profonde. Alors bien sûr, certaines forces, les dirigeants de la FNSEA pour ne pas les nommer, surfent sur cette crise et espèrent en tirer profit. Ce sont eux qui ont accueilli Sarkozy et les autres prétendants de droite au fauteuil présidentiel de 2017 venus faire leur petit tour au salon de l’agriculture. Marine Le Pen a voulu également s’y montrer sous les caméras complaisantes des grands médias. Elle y a développé sa critique de l’Europe et la nécessité de protéger « notre agriculture française » face à la concurrence déloyale des autres pays de

l’UE ! Tous sont venus flatter cet électorat. Mais le salon de l’agriculture est un thermomètre faussé ; beaucoup de producteurs ne s’y retrouvent pas et nombreux sont ceux qui, cette année, plus encore que les années précédentes, n’ont pas fait le déplacement… Cette vitrine du monde agricole, c’est celle de ceux qui réussissent, pas celle de ceux qui crèvent de ne pouvoir vivre de leur travail ! Car ceux là n’ont plus rien à perdre, ce qui explique la violence de leurs actions…

Quelles solutions à cette crise ? Il y a les solutions conjoncturelles, les mesures pour essayer de calmer la colère de ces producteurs. Celles déjà mises en œuvre n’ont pas suffi. Alors, notre ministre de l’Agriculture compte beaucoup sur le prochain conseil européen de l’agriculture du 14 mars qui réunira tous les représentants des

pays de l’UE. A ce conseil seront discutées les propositions du gouvernement français. La principale, c’est la réduction des cheptels à l’échelle européenne. Car, après avoir dit aux producteurs français, comme à ceux des autres pays, qu’il fallait s’agrandir, pour aller à la conquête des marchés mondiaux, on leur dit aujourd’hui de réduire la taille de leurs exploitations ! Mais Monsieur Le Foll aura bien du mal à faire admettre et appliquer cette mesure aux 28 États européens, car la concurrence n’a pas été abolie au sein de l’UE, loin de là ! Les producteurs qui s’en sortent aujourd’hui, sont ceux qui abandonnent cette fuite en avant du « toujours plus » pour rechercher la qualité et la proximité avec les consommateurs des milieux populaires. Cela reste des solutions dans le cadre du système mais elles au moins le mérite de tisser des liens concrets de solidarité, de lutte, entre les consommateurs des milieux populaires et les travailleurs de la terre, de l’élevage. ★

Aéroport de Notre-Dame-des-Landes Avec ou sans référendum, pour nous, c’est NON !

A

la suite du remaniement ministériel annoncé jeudi 11 février, remaniement qui a vu l’entrée au gouvernement de plusieurs écologistes, le président de la République a annoncé qu’il souhaitait un référendum local sur l’avenir du projet d’aéroport de Notre-Dame-desLandes.... et que l’État, maître d’ouvrage qui a signé la déclaration d’utilité publique, se soumettrait au résultat. Dès cette annonce, la droite, très attachée au projet, a commencé à vitupérer sur le recul du gouvernement. Mais très vite, le problème du périmètre de ce référendum local s’est posé : qui allait-on solliciter ? Le département dans lequel se situe l’aéroport actuel comme le futur ? Les départements limitrophes ? La région ? Et sur ce point, des voix discordantes se sont déjà faites entendre, y compris au sein du gouvernement. Valls, qui n’en démord

pas, répète partout que les travaux commenceront à l’automne et veut que le périmètre du référendum soit le département de Loire-Atlantique. Ségolène Royal, plus partagée sur ce projet, verrait bien un périmètre plus large ; elle a demandé, pour la fin mars, un nouveau rapport pour « tout mettre à plat ». Les élus de droite comme ceux de « gauche » des départements limitrophes et y compris de toute la Bretagne veulent avoir leur mot à dire car ils sont impliqués financièrement dans le projet. En dehors de cette cacophonie sur la définition du périmètre de ce référendum local, il y a un problème juridique. La réforme constitutionnelle de 2003 sur la décentralisation qui les a rendus possibles précise que « les référendums locaux à caractère décisionnel (…) organisés par une collectivité locale » ne peuvent l’être que « sur un domaine de sa compétence ».

Or, avec ce projet de référendum, nous ne sommes pas sur une compétence locale mais nationale ! Donc, si le référendum a lieu, on voit déjà les recours juridiques possibles pour contester le périmètre qui aura été retenu et y compris sa constitutionnalité. Même si Hollande le nie, cette proposition de référendum a d’abord servi de monnaie d’échange pour gagner la participation de certains écologistes à son gouvernement. Manœuvre politicienne et mensonges entourent ce dossier depuis le début. Mi-février, en effet, le Canard enchaîné révélait qu’une note de la Direction régionale de l’aménagement et du logement du 9 septembre 2014 mettait en pièce l’argument « écologique » du gouvernement en faveur de son projet. Cette note n’avait jamais été portée au dossier. Le Monde, quant à lui, se procurait une lettre de Loïc Marion, directeur de la réserve naturelle du

lac de Grand-Lieu à 14 km de Nantes, qui non seulement allait dans le même sens mais pointait les dangers d’une urbanisation peu respectueuse du site si l’aéroport actuel de Nantes était abandonné. Car derrière ce dossier, il y a non seulement les intérêts de Vinci mais ceux des promoteurs immobiliers. Ceux-ci lorgnent sur les terrains de l’actuel aéroport qui, s’il était abandonné au profit de NotreDame-des-Landes, seraient livrés à leur appétit. Pour les opposants au projet comme pour nous, avec ou sans référendum, c’est NON ! La mobilisation du 27 février a montré qu’une forte opposition locale et nationale continue de se manifester contre ce projet qui participe des grands projets inutiles, dangereux et coûteux, des projets qui servent avant tout les intérêts des grands groupes monopolistes. ★

rées publiques et actions décentralisées dans les semaines à venir. Et ce n’est pas cette mascarade de démocratie nommée référendum qui va démobiliser. Empêtré d’emblée dans des contradictions juridiques (qui l’organise ? à quelle échelle ?), ce référendum est un piège où les partisans du non ne vont pas tomber. Comment faire confiance à l’organisation d’une consultation populaire impartiale par un Etat ou une collec-

tivité locale qui a tout fait jusqu’ici pour cacher les vérités sur ce projet et possède des moyens médiatiques incomparables à ceux des partisans du non ? Mais surtout, la question qui est posée dépasse de très loin l’enjeu de cet aéroport. C’est aussi un NON à la course au développement capitaliste qui prend le contrepied des affirmations entendues lors de la COP 21. ★ Correspondance Tours

Une très forte mobilisation

S

amedi 27 février a eu lieu la plus grande manifestation pour l’abandon du projet d’aéroport, depuis le retour des menaces d’expulsion et de début de travaux. 60 000 personnes, à pied (venues en car de loin), en tracteur ou en vélo, ont répondu à l’appel des organisations en lutte depuis plusieurs décennies. Les paysans historiques et occupants de la ZAD menacés d’expulsion par le verdict du 25 janvier étaient là, réaf-

firmant leur détermination à ne pas partir. Les collectifs de soutien relancent leurs actions militantes : de Touraine, ce sont deux cars qui ont fait le déplacement. En préparatif à cette mobilisation, les collectifs de la région (Poitiers, Tours, Loches, Saumur-Chinon) se sont réunis pour coordonner leurs actions, en présence de deux habitants de la ZAD. Dans la lancée de cette belle journée, nous allons continuer d’organiser soi-


Europe

La Forge Mars 2016

La crise migratoire fait imploser l’espace Schengen

L

e piège se referme sur les réfugiés, mais aussi sur l’ensemble de l’UE. L’Autriche a décidé de réduire de 60 % les entrées de demandeurs d’asile : de 90 000 en 2015 ils ne seront plus que 37 500 à pouvoir bénéficier de ce statut en 2016, alors même que 11 000 réfugiés campent à la frontière entre la Grèce et la Macédoine dans l’attente du précieux sésame. Depuis le printemps 2015, plus d’un million de migrants et réfugiés sont arrivés en Europe. Mais force est de constater que tous les plans laborieusement échafaudés pour un « partage » de leur prise en charge entre l’ensemble des pays de l’UE se sont avérés inopérants. Ultime solution : obtenir de la Turquie qu’elle fixe sur son territoire 2 millions de Syriens réfugiés moyennant 3 milliards d’euros (1 milliard lui a déjà été versé), sans réelle assurance que les fonds versés soient consacrés aux réfugiés et non à la répression des populations kurdes. En attendant que la Turquie remplisse ses engagements, la Commission européenne, à la veille du sommet UE-Turquie sur la crise migratoire, a décidé de débloquer 700 millions d’aide humanitaire d’urgence pour aider ses États membres en première ligne à faire face l’afflux massif de migrants, notamment la Grèce. Mais comme

toutes les mesures précédentes, celleci n’est qu’un pis-aller et en aucun cas une solution à long terme.

Une zone de circulation de moins en moins libre Sept pays de l’espace Schengen (France, Allemagne, Autriche, Malte, Suède, Danemark et Norvège) ont déjà rétabli des contrôles ou filtrages provisoires à certaines ou à toutes leurs frontières : contrôles « anti-terroristes » après les attentats de Paris entre la Belgique et la France, contrôle des migrants aux frontières des Balkans, érection de « murs » aux frontières... L’expérience de Calais et du passage du tunnel de la Manche aidant, on envisage désormais d’instaurer un contrôle des camions, ceuxci pouvant servir de cache aux migrants. Bien sûr, il n’est pas question de contrôle systématique ni de remise en service des anciens postes frontières avec douaniers, policiers, etc. D’abord, cela coûterait trop cher aux États en matériel et en hommes et ne pourrait être opérationnel immédiatement. Pas vraiment d’actualité à l’heure des plans d’austérité et des coupes dans les budgets publics. D’autre part, le coût du temps passé se répercuterait immanquablement sur le prix des produits,

pas vraiment bon non plus pour la compétitivité tant revendiquée. On s’achemine plutôt vers des contrôles aléatoires mais « orientés » : par exemple, les camions bulgares, roumains, grecs,… susceptibles de transporter des migrants clandestins, mais aussi, pourquoi pas, les camions polonais ou tchèques susceptibles, eux, de transporter des marchandises où la concurrence fait rage au sein de l’UE, comme la viande de porc par exemple. Et là, pas difficile d’invoquer un manquement administratif ou aux normes sanitaires pour refouler la marchandise. Derrière la « concurrence libre et non faussée » et la « libre circulation » comme derrière celle du rétablissement des frontières se cachent les intérêts des monopoles les plus puissants. La réalité de l’UE aujourd’hui, c’est une concurrence acharnée entre les différents pays européens à coups de dumping social et d’utilisation de main-d’œuvre à moindre coût, les migrants, de préférence sans papiers, servant de variable d’ajustement ; l’accord passé avec le Royaume-Uni en est la dernière illustration. Du coup, c’est tout l’édifice de la « libre circulation », fondement même de l’UE, qui est remis en cause. L’UE ressemble de plus en plus à immense navire en perdition qui

Grande-Bretagne / Union Européenne

Cameron impose un « statut spécial »

L

e 22 février, après un sommet marathon de plus de trente heures et une mise en scène savamment orchestrée, le premier ministre britannique David Cameron a fini par arracher à ses partenaires européens, pressés d’en finir, un accord permettant à la GrandeBretagne de rester dans l’UE tout en bénéficiant d’un « statut spécial ». Face au camp des eurosceptiques et des partisans de plus en plus virulents d’une sortie de l’UE, Cameron avait absolument besoin de cet accord qui doit encore être soumis à référendum le 23 juin prochain. « Le Royaume-Uni ne fera jamais partie d’un super État de l’Union Européenne, le pays n’adoptera jamais l’euro, nous ne participerons pas aux parties de l’Union qui ne fonctionnent pas, Schengen, l’euro, une défense commune, la solidarité financière avec les États en difficulté ». Et de conclure :» Il ne sera plus jamais question d’avoir quelque chose sans contrepartie ». Tel est, résumé par Cameron lui-même, « l’esprit » de cet accord qui vise à exempter le

Royaume-Uni d’un certain nombre de « charges » sociales et financières qui incombent aux États membres de l’UE tout en continuant à bénéficier des « avantages » de l’UE, notamment en matière d’accès aux marchés.

Les points principaux de l’accord 1. Avantages sociaux : Droit de ne pas accorder les avantages sociaux (aides, logements sociaux) aux salariés étrangers ressortissants de l’UE pendant les quatre premières années de présence dans le pays et clause de sauvegarde de sept ans sur certaines aides sociales pour les nouveaux migrants qui permet de limiter les versements selon une échelle graduelle. 2. Concernant les enfants d’étrangers ne vivant pas au RoyaumeUni : Mise en place d’un système d’indexation des allocations familiales au niveau de vie du pays où vivent les enfants. Applicable immédiatement aux nouveaux demandeurs

mais pouvant être étendu aux bénéficiaires actuels à partir de 2020. 3. Modification des traités européens Deux éléments de l’accord devront être inscrits dans des modifications à venir des traités européens : 1. Le Royaume-Uni sera exempté de l’objectif d’une poursuite de l’intégration politique vers une « Union toujours plus étroite » ; 2. Concernant la gouvernance économique : droit pour un pays non-membre de la zone euro de demander un débat au sein de l’Union européenne sur des nouvelles réglementations de la zone euro qui poseraient un « problème ». Ni le Royaume Uni, ni aucun autre pays de l’UE, ne disposera toutefois d’un droit de veto mais cette disposition leur permettra de différer une décision. 4. Finances : Afin de faire « jeu égal » en matière de régulation financière et bancaire, la GrandeBretagne pourra superviser les établissements financiers et les marchés pour préserver la stabilité financière, « sans préjudice » au droit de l’UE d’agir de même. 5. Compétitivité : Les Vingt-Huit se

pense pouvoir s’en sortir en refermant ses écoutilles. Mais les coups de boutoir portés par les réfugiés comme ceux portés de l’intérieur par ses propres États membres désireux de se sauver seuls, la mènent inexorablement vers sa propre implosion. Nous avons toujours dénoncé l’UE comme un instrument d’exploitation et d’oppression des peuples européens et du monde aux mains de l’oligarchie financière, au profit exclusif des monopoles. Nous disons aussi qu’il ne peut y avoir de véritable rupture avec les politiques néolibérales sans sortir de l’UE et de l’euro. Mais cette rupture ne peut qu’être l’aboutissement de luttes conscientes et déterminées des peuples européens pour la reprise en main de leur destin. Aujourd’hui, la remise en cause de l’espace Schengen se fait sur des bases réactionnaires et chauvines dont les réfugiés sont les premières victimes. A cette logique de repli identitaire et de sauve-qui-peut généralisé, nous opposons la solidarité avec les réfugiés et migrants qui fuient la misère et les guerres menées par les puissances impérialistes, et notamment l’impérialisme français, ainsi qu’avec les luttes des peuples d’Afrique et du Moyen-Orient pour leur émancipation nationale et sociale contre la domination impérialiste. ★ sont accordés pour « améliorer la compétitivité » et prendre « des mesures concrètes » pour avancer sur les demandes britanniques concernant une diminution des charges administratives et la libre circulation du capital, des biens et des services. Au final, les concessions acceptées par les Vingt-Huit amplifient le mouvement vers une Europe « à la carte » et de moins en moins « unie ». Déjà, les Danois se verraient bien reprendre à leur compte les points de l’accord concernant les migrants alors que, de leur côté, les Polonais et les Tchèques, premiers concernés par ces mesures, s’inquiètent des conséquences pour leurs ressortissants si la GrandeBretagne les met effectivement en œuvre et exigent que ces dispositions ne soient pas étendues à d’autres pays de l’UE. Après la remise en cause de fait de Schengen, le précédent ainsi créé pourrait inciter d’autres pays à s’engouffrer dans la brèche et à se soustraire aux « règles communes » considérées comme trop pesantes. Et s’il advenait que le « non » l’emporte, ce n’est pas seulement l’accord qui volerait en éclat mais bien l’ensemble de l’UE qui serait remis en cause. ★

7


La Forge

8

Mars 2016

Mouvement ouvrier et syndical

Il n’y a rien à négocier ou à proposer :

RETRAIT du projet de loi El Khomri ! Le code du travail un frein à l’arbitraire du capital

L

es pages du code du travail où s’inscrivent les droits sociaux des travailleurs et les libertés syndicales ont été écrites avec le sang et la sueur de deux siècles de combats de la classe ouvrière en bute à l’exploitation capitaliste. Le patronat n’a de cesse de vouloir soumettre la force de travail aux lois du marché pour toujours plus de profit, sachant dans cette confrontation permanente pouvoir compter avec un appareil d’État à son service pour défendre ses intérêts de classe. Cette confrontation n’a jamais cessé. Le code du travail, dans ses articles, sanctionne un rapport de force, jamais linéaire, mais toujours le produit d’une exacerbation particulière et bien souvent de nature historique, de la lutte de classe à certaines périodes données. Au centre de cette confrontation, la protection physique, les principes d’égalité et l’extension des droits des travailleurs pour « compenser » ce lien de subordination, lié au caractère inégal du contrat de travail passé entre le salarié et son employeur, contrat par lequel le salarié est contraint d’aliéner sa force de travail en échange d’un salaire. Le dernier moment d’exception dans cette écriture politique du code du travail favorable aux travailleurs, c’est Mai 68, où le droit syndical est enfin reconnu dans l’entreprise avec la section syndicale et la désignation de délégués syndicaux avec prérogative pour la négociation.

Avec la loi El Khomri, le droit du travail bascule Avec ce démantèlement annoncé du code du travail, celui n’aura plus qu’un rôle supplétif, le projet de loi faisant de l’accord d’entreprise la pierre angulaire de la philosophie du futur code. Si cette loi choque, du fait de cette dévalorisation juridique du code du travail et donc d’une certaine forme de négation, c’est qu’elle peut s’apparenter à un retour aux conditions sociales du 19e. Avec cet aphorisme repris par tous les défen-

seurs du projet de loi : puisque 80 % des embauches se font en CDD, rendons plus faciles les licenciements des salariés en CDI, pour stabiliser les CDD dans l’emploi et permettre aux entreprises de pouvoir embaucher ! Et dans un renversement total et complet de la hiérarchie des normes,

privant de toute contestation devant les Prud’hommes. Accord minoritaire et référendum En fait de dialogue social, avec ce projet de loi, tous les moyens sont donnés au patronat pour arracher la signature de délégués syndicaux rendus cogestionnaires et donc cores-

le droit individuel est opposé au droit collectif, lui-même opposé à la loi. Le droit social, dans son principe général et universel, est devenu un gros mot. La protection du salarié face à l’exploitation capitaliste n’aurait plus court puisqu’il faut en finir avec le chômage de masse. Comme l’écrivent les représentants de la très réactionnaire association « Entreprise et progrès » dans leur tribune au journal Le Monde du 15 février 2016 : « La solution ne peut venir que des entreprises privées. La question n’est plus de savoir si elles sont la meilleure solution. Elles sont la seule solution ». L’accord d’entreprise, c’est le patron qui fait « sa » loi dans « son » entreprise ! L’accord d’entreprise, dit « accord collectif », renverse un double principe protecteur en faveur jusqu’à maintenant du salarié : la hiérarchie des normes et le principe de faveur, c’est-à-dire la norme la plus favorable entre la loi, la convention collective et l’accord d’entreprise pouvant bénéficier au salarié. Ni l’un ni l’autre n’aurait plus court puisque le salarié qui refuse de se soumettre à l’accord d’entreprise peut être licencié non plus pour licenciement économique mais pour « motif personnel » et pour « cause réelle et sérieuse » le

ponsables des sacrifices imposés aux travailleurs en termes de droits sociaux, sous chantage patronal : emploi contre salaire ou délocalisation ; aggravations des conditions de travail ou licenciements… L’exemple de ce qui s’est passé à SMART a montré que le référendum constitue une arme de division entre les salariés et de remise en cause du droit syndical dans l’entreprise pour l’ensemble des personnels. Ainsi le projet de loi tout en trompel’œil, s’il impose la nécessité d’un accord majoritaire porté de 30 à 50 % du taux de représentativité des organisations syndicales pour ouvrir la porte aux « accord collectifs », supprime tout droit d’opposition direct pour les organisations syndicales représentatives de 50 % des votes des salariés en cas de désaccord et l’ouvre pour celles représentant 30 % du personnel sur la base de l’organisation d’un référendum au sein de l’entreprise. De fait, tout projet d’entreprise à l’initiative du patron bloqué par les organisations majoritaires, pourra être repris par les organisations syndicales minoritaires. Fin des 35 heures et extension du travail gratuit L’accord d’entreprise n’a plus de sujets tabous : le salaire, la durée « naturelle » du travail, les licencie-

ments, etc., excepté les droits garantis par la Constitution (harcèlement ou discrimination). Gattaz en a rêvé, Hollande le fait. C’est aussi la fin des 35 heures. Si la durée maximale légale de travail reste à 10 heures par jour, elle peut être portée à 12 heures par accord d’entreprise en cas de surcroît de travail ou pour un motif lié à l’organisation de l’entreprise. De même, la durée maximale de 48 heures par semaine peut être portée à 60 heures et autorisée par la DIRECCTE en cas de circonstances exceptionnelles. Par accord ou par autorisation administrative, l’horaire de travail de 44 heures peut être porté à 46 heures pendant 16 semaines. Les 46 heures peuvent être dépassées par décret du conseil d’État dans certaines régions ou secteurs. Dans les PME de moins de 50 salariés, le passage au forfait jour annualisé peut être à l’initiative de l’employeur. Le temps de travail des apprentis peut être allongé. Un accord peut donc mettre fin aux 35 heures, seuil à partir duquel se déclenchent les majorations des heures supplémentaires à 25 % et à 50 % au-delà des huit premières heures. La suppression des RTT (repos compensateurs) est négociable. C’est aussi la baisse des salaires avec fin de la rémunération des heures supplémentaires à 25 % ramenées à10 % (Macron parle de 0 % !). Impunité pour les licenciements économiques, boursiers et autres C’est l’impunité et le déni de justice qu’organise le projet de loi avec le plafonnement des indemnités prud’homales avec un barème fondé sur l’ancienneté et non sur le préjudice subi. De trois mois de salaire pour deux ans d’ancienneté à quinze mois au-delà de vingt ans… La cause économique, motif légal de licenciement, est élargie avec une jurisprudence sur la « nécessité de sauvegarde de l’entreprise ». La « difficulté économique » est ramenée à une simple « baisse de commande ou du chiffre d’affaires sur plusieurs trimestres, une perte d’exploitation sur plusieurs mois, une importante dégradation de trésorerie »… ★ Avec le projet de loi El Khomri, le droit des affaires se substitue à celui du travail ! Un seul mot d’ordre : RETRAIT !


La Forge Mars 2016

Avec les huit de Goodyear

S

ur internet, la pétition de soutien aux huit militants CGT de Goodyear a à son actif plusieurs dizaines de milliers de signatures. Mais force est de reconnaître qu’elle n’est pas encore descendue massivement dans les mains des militants sur le lieu de travail. À cette situation qu’il faut modifier pour gagner leur relaxe, plusieurs raisons.

Un climat jusqu’à maintenant pesant et délétère Depuis cette mi-novembre 2015, nous sommes dans un contexte particulier, celui de l’état d’urgence, qui vient d’être reconduit pour la deuxième fois et ce, jusqu’au 26 mai. Ce contexte s’il est d’ordre politique avec ses implications directement perceptibles en terme notamment de présence militaire et policière, d’autorisations préalables plus difficiles à obtenir pour manifester… ne s’arrête pas à la porte des entreprises. Le patronat use et abuse de la situation pour dire la loi et son interprétation du droit, afin de faire pression tant sur les syndicalistes que sur les travailleurs eux-mêmes qui contestent et revendiquent. Ainsi, on a vu le responsable de l’atelier de la RATP de la ligne B du RER, dérouler tout le catalogue des sanctions possibles, y compris pénales, devant l’ensemble du personnel si les travailleurs continuaient de maintenir leur droit de retrait pour cause de présence d’amiante sous les caisses des trains. Et combien d’exemples de la sorte dans nombre de boîtes, où tout de suite c’est la référence aux flics ou à la menace de porter plainte… Tout

devient plus compliqué. Il faut discuter, argumenter… Il faut aller « au charbon » pour, y compris, faire signer une pétition. Rappelons-nous au lendemain du fameux comité central d’entreprise d’Air France et l’épisode des chemises arrachées, c’était à qui y allait de sa plaisanterie en direction des responsables. C’était avant les attentats, avant l’état d’urgence.

Le gouvernement, la droite et le patronat à la manœuvre pour plus de précarité La refonte annoncée du code du travail et sa mise en œuvre programmée, sans (au moment où nous écrivons ces lignes) de riposte de masse, permet aussi aux patrons, là encore, d’être à l’offensive en faisant bien comprendre que « les règles du jeu » vont changer. Ainsi, la direction de Nuvia, du groupe Vinci, après avoir commencé à négocier avec les représentants de la CGT sur le site de la centrale de Cruas (07), où les ouvriers sous-traitants du nucléaire sont en grève depuis la mifévrier pour les salaires et les conditions de travail, comme leurs camarades de la centrale de Paluel (76), vient de leur adresser un « bras d’honneur » au motif que ce n’est pas maintenant qu’ils vont vraiment négocier alors que la loi El Khomri est en discussion. Les patrons savent ce que « politique » veut dire ! Et comme pour bien appuyer là où cela fait mal, de nouveaux cas de répression anti-CGT, portés directement par le Parquet, sont venus s’ajouter à la liste déjà longue. Celui

Rassemblement de soutien aux 8 de Goodyear, Place de la Nation à Paris, le 4 février 2016.

de Joël Moreau, ancien délégué central CGT de PSA qui, à Mulhouse, a eu le tort de s’en prendre directement à Valls : 250 € d’amende pour « outrage » ! Et dernièrement, c’est l’ancien secrétaire de l’Union départementale CGT du Rhône, Pierre Coquant, qui est renvoyé devant la cour d’appel par la cour de cassation pour avoir participé à une manifestation non déclarée, en l’occurrence une distribution de tracts au péage de l’autoroute contre la « réforme » des retraites de 2010 ?!

Ne nous trompons pas de cible Le pouvoir politique, en s’en prenant notamment aux militants de la CGT, qui plus est dans le cadre de l’état d’urgence et en pleine offensive contre le code du travail, cherche par tous les moyens à ce que la confédération redevienne le partenaire social qu’elle a pu être au début du quinquennat de F. Hollande. Qu’elle privi-

légie une fois pour toute la « contreproposition », la « proposition » et le « compromis positif » au terrain de la lutte, à celui de la résistance. Dans cette bataille pour la relaxe des huit de Goodyear, comme de l’amnistie de tous les militants, nous ne pouvons pas partir du principe que « les confédérations sont à la rue » ! (1) La bagarre se mène sur ce terrain comme sur tous les autres au sein du mouvement syndical et en particulier au sein de la CGT. Cette « guerre contre le monde du travail » qui est déclarée, nous ne la gagnerons qu’en soutenant et en renforçant celles et ceux qui, notamment dans la première organisation syndicale du pays, ne lâchent pas sur les positions de lutte. C’est sur le piquet de grève que les ouvriers de Kronenbourg (67) ont signé massivement la pétition de soutien aux huit militants CGT de Goodyear. Une initiative à relayer. ★ (1) Expression utilisée par la CGT Goodyear dans sa déclaration du 26 février 2016.

Défense de la Bourse du travail de Bobigny

Le maire capitule en plein conseil municipal

D

ans cette ville qui était tenue par le PCF depuis cinquante ans et perdue lors des dernières élections municipales, le nouveau maire UDI veut recomposer le tissu associatif et syndical à sa main pour consolider sa position et « remercier » celles et ceux qui l’ont soutenu. D’où son premier objectif : la fermeture de la Bourse du travail ! Après avoir perdu devant le tribunal administratif concernant sa volonté de supprimer les subventions allouées à la Bourse (cf. La Forge d’octobre 2015), le 17 février dernier, il avait décidé de passer en force et de mettre à l’ordre du jour du conseil municipal de février « la résiliation

de la convention cadre conclue entre la commune de Bobigny et l’association Bourse locale du travail de Bobigny ». Devant le danger réel de voir ce lieu dédié à l’organisation des luttes des travailleurs, à l’accueil des salariés avec ou sans papiers en difficulté disparaître, les syndicats de la bourse ont décidé de s’opposer au coup de force du maire et d’empêcher le vote de la délibération lors du conseil municipal. Le gros travail de mobilisation effectué par l’ensemble des organisations syndicales de la Bourse (CGT, FO, CFDT, CGE) via plusieurs adresses unitaires, soutenu et relayé y compris

par des organisations syndicales qui n’y ont pas de locaux (FSU, Solidaires), l’engagement de la LDH et des partis politiques, dont notre parti, a permis que, ce 17 février, plus de 500 personnes se rassemblent sur le parvis de l’Hôtel de ville pour exiger le maintien de la Bourse du travail de Bobigny. Le conseil s’est ouvert avec une demiheure de retard, et une forte présence policière. Dans la salle, après une première intervention du secrétaire de l’UL CGT dénonçant les contre-vérités développées par le maire dans les médias, les slogans « la bourse vivra », « retrait, retrait de la délibération » ont fusé. Le

maire, chahuté, répond par « ne pas vouloir la disparition des syndicats et de lieu d’accueil », mais ne lâche pas sur le vote de la délibération mettant fin à la convention. Et, pour plus de garantie, il fait voter le huis clos du conseil vers 20 heures. Les représentants des organisations syndicales et les personnes qui avaient envahi le conseil refusent d’évacuer les lieux et, de fait, obligent le maire à en appeler aux forces de l’ordre. Pour quelqu’un qui, la main sur le cœur, ne cessait de répéter « qu’il ne voulait pas entraver l’activité syndicale », la situation est devenue rapidement intenable et il a fini par accepter la demande de 

9


La Forge

10

Mars 2016

Mouvement ouvrier et syndical

 rencontre immédiate que lui ont proposée les responsables syndicaux.

La rencontre a effectivement eut lieu sur le champ dans le couloir menant… aux toilettes. De son côté, le préfet du département se déplace en personne pour « prendre la température ». Il ne peut que constater la très forte mobilisation et la détermination des

personnes présentes. À la reprise du conseil, à la fin de la rencontre entre le maire et les responsables syndicaux, toujours sous huis clos… mais avec la présence de 300 personnes (?!) et du préfet, le maire annonce un accord avec les organisations syndicales sur la « pérennisation de la Bourse », l’ouverture de négociation dès le lendemain matin… mais maintient le vote de la fin de convention lors de ce Conseil municipal. Bronca dans la salle. A nouveau, le maire en appelle aux forces de l’ordre pour faire évacuer la salle. Réquisition refusée sur le champ par le préfet qui, à son tour, convoque

séance tenante le maire… dans le couloir, devant les toilettes ! Après une très… très longue absence, réouverture de la séance du Conseil municipal. Le maire est obligé de constater l’absence d’un grand nombre d’élus de sa majorité. Le quorum n’étant plus atteint, le Conseil municipal est clos, sans s’être tenu, et la délibération n’a pas été votée. Objectif atteint ! Dès le lendemain matin, les négociations ont repris entre les représentants syndicaux et les services de la mairie. Le surlendemain, le maire remettra un document officiel, écrit de sa main, garantissant la pérennité

de l’utilisation des locaux existants de la Bourse du travail. Cette victoire n’exclut pas la méfiance. Mais elle est nette, qui plus est arrachée en direct devant et avec une partie du monde militant syndical et politique de la ville et au-delà. Elle a vu cette majorité de droite, faite de bric et de broc autour de ce maire farouchement libéral, exploser face à la forte mobilisation appelée par les organisations syndicales. Elle a aussi vu un préfet paralysé par la contestation de militants pas vraiment intimidés face à un vote imposant le huis clos. Correspondance

Kronenbourg (67)

Grève pour les salaires et solidarité ouvrière

D

e plans de restructuration en « lean management » (1), l’entreprise Kronenbourg, aux mains de Carlsberg, (3e groupe brassicole mondial), accumule les bénéfices (de 60 à 120 millions en 8 ans !). Dans les « grand-messes » qu’il tient face au personnel, le PDG n’a pas assez d’éloges envers les salariés pour les efforts qu’ils ont fournis, mais quand vient le temps des NAO, c’est 0,3 % d’augmentation non indexé sur la grille des salaires qu’il leur propose ! Sur les postes de travail, notamment à la production, c’est toujours plus de « performances » qualité, hygiène, maintenance qui sont demandées aux ouvriers, mais les moyens en effectifs ne suivent pas. « Il ne faut pas traverser la ligne jaune qui sépare la zone de circulation de la zone d’embouteillage avec un gobelet de café, par contre on ne nous donne pas le temps nécessaire pour assurer le nettoyage correct des machines. » En 2015, c’est un accord sur le travail 7 jours sur 7 qui est signé par les

organisations syndicales sauf la CGT qui, en menant la lutte contre le travail du dimanche, a recueilli, dans un sondage qu’elle a initié, 60 % d’avis négatifs par rapport au travail du dimanche. Sur ce coup, la CGT avait lancé un mouvement de grève, mais il n’a pas pu se développer car la compréhension collective des enjeux sur cette question n’était pas bien perçue ; tous les ouvriers ne se sentaient pas concernés par cette mesure. Pour que les salariés les plus âgés puissent bénéficier d’un départ anticipé, il fallait la signature d’un accord 7/7. C’est dire si le travail de division et de « brouillage » des esprits a fonctionné ! Mais l’amertume et la colère sont montées d’un cran ; les uns pris en otages par rapport aux autres, tout cela initié par la direction, ça ne passe pas. Et la marmite explose ; forts des explications de la CGT sur la nécessité de la lutte pour avancer, en ce mois de février, les ouvriers ont voté en majorité la grève pour un cahier de revendications qui sera peaufiné le

premier jour du mouvement par les grévistes réunis en AG : 150 euros d’augmentation de salaire indexée sur la grille, des emplois (1 départ, une embauche), respect du personnel, formation correcte… Le mouvement a été suivi par la production à 80 % pendant 5 jours. La direction fait une autre proposition : 1 % sur les salaires non indexé, 20 euros de prime d’habillage, embauche de 8 CDD, heures de grève à prendre sur des récup, examen des conditions de travail... Les grévistes, réunis en AG, votent en majorité contre. La CFDT et FO annoncent qu’ils signeront cet accord. La CGT réunit les plus déterminés du mouvement ; du débat il ressort que le mouvement de grève étant cassé, l’important est de préserver l’unité qui s’est consolidée pendant ces cinq jours. Au départ, la minorité qui avait voté contre la grève avait quand même suivi la majorité. Une grande partie des grévistes sont des jeunes, une génération qui ne veut plus de la précarité, du mépris

qu’on leur sert à tout instant de leur vie au travail, de l’individualisme dans lequel l’entreprise les enferme par le biais de la « philosophie » du « lean management ». C’est ce qu’ils ont exprimés avant la reprise du travail. Un mouvement de solidarité fort s’est développé autour de ces cinq jours de lutte. Une trentaine d’organisations, UL, UD, Fédérations, bases syndicales CGT, sont venues sur le piquet de grève apporter leur soutien par leur présence et aussi financier. Au vu de ces éléments et réflexions qui nous ont été rapportés par les acteurs du mouvement, nous pouvons dire que la conscience de classe sort grandie de cette lutte. ★ Correspondance « Lean management » (anglais) : gestion basée sur la recherche de la performance (en matière de productivité, de qualité, de délais, et enfin de coûts), censée être plus facile à atteindre par l’amélioration continue et l’élimination des gaspillages.

Agenda militant du mois de mars Dans les semaines qui viennent, quelques dates à retenir concernant les mobilisations syndicales notamment sur la région parisienne. Mardi 8 mars A l’appel des organisations féministes, de partis dont le PCOF, de la CGT, de Solidaires, de la FSU : Rassemblement à 12h30 devant le MEDEF, 55 avenue Bosquet, Paris 7e (M° Ecole militaire) puis Manifestation le soir, avec un rendez-vous à 18h00 à la Fontaine des Innocents (M° Les Halles).

Samedi 12 mars - Rendez-vous à 14h00 Place St-Michel en direction du Sénat pour manifester contre l’état d’urgence permanent. - Réunion nationale des comités de soutien aux 8 de Goodyear à 14h30 à la Bourse du travail de Paris. - De 17h00 à 20h00, Réunion-débat organisée par Femmes Egalité sur les femmes au travail, invisibles et mal payées, en présence de syndicalistes du commerce de la CGT et de Solidaires - 63 rue de Buzenval 75020 Paris.

Mercredi 9 mars - Première mobilisation contre la Loi Travail à l’appel des organisations étudiantes et lycéennes et des organisations syndicales qui appellent au retrait de la loi. Une première manifestation partira du siège du MEDEF à 12h30 vers le Ministère du Travail. Et un rassemblement aura lieu à 14h00, place de la République. - Grève à la RATP à l’appel de la CGT et de Solidaires. Rassemblement à partir de 10h00 devant le siège de l’entreprise, 54 quai de la Râpée (M° Gare de Lyon). - Grève à la SNCF à l’appel de la CGT et de Solidaires contre le projet de la nouvelle convention collective.

Samedi 19 mars Manifestation contre la guerre, le racisme et le colonialisme à l’appel du Collectif « Ni guerres, ni état de guerre » et du Réseau Sortir du colonialisme - Rendez-vous à 14h00 au M° Barbès-Rochechouart

Jeudi 10 mars Manifestation unitaire des retraités à 14h00 à Montparnasse, pour le relèvement des pensions à l’appel de 9 organisations de retraités.

Jeudi 31 mars Mobilisation générale pour le retrait de la Loi Travail, avec grèves et manifestations.

Vendredi 18 mars 19h00, meeting unitaire à la Bourse du travail à l’occasion de l’anniversaire de l’occupation de l’église St Bernard (1996/2006) par les « sans-papiers » avec les collectifs de « sans-papiers », Resf… et les organisations syndicales CGT et Solidaires. Meeting précédé à 17h00 d’un rassemblement devant e l’église Saint-Ambroise dans le 11 .


Jeunesse

La Forge Mars 2016

Réforme du code du travail

Les jeunes disent NON !

La détermination des syndicats lycéens des stages et des services civiques réforme du code du et étudiants et des organisations de rémunérés à la moitié du SMIC ne suf- travail jeunesse, qui sont à l’origine des appe pou rrait ls fisaient pas ! Comme si la liber té de être la provocation à manifester le 9 mars, a précipité les licencier et de faire travailler plus de trop, celle qui calendriers syndicaux. Le 9 mars est allait créer de l’emploi ; comme si un met tout le monde devenu également une journée de taux de chômage de 25 % parm i la dans rue. La réfégrève et de mobilisation dans les jeunesse, –qui peut atteindre 50 % rence au CPE est entreprises, première étape avant le dans certains quartiers populaire s –, ce dans toutes les rendez-vous du 31 mars. Cette mobilin’était pas encore assez ! bouches, sation a, sans doute aussi, pesé dans sous la « C’est très puissant et très nouv eau » toutes les plumes... décision du gouvernement de reporter de vouloir modifier aussi « substantielCette réforme perde 15 jours l’examen en Conseil des lement » « notre appréhension du code verse vise à éterniministres du projet de loi El Khomri. du travail », pouvait-on lire il y a ser la précarité et à Le code du travail pourrait, de prim Manifestation contre le cpe en 2006 e quelque temps sur le site du Grou pe couper pour les abord, sembler quelque chose d’ass ez Manpower, un des employeurs les plus jeunes toute sorte d’esp éloigné des préoccupations des jeun oir en une mais générale, de la jeunesse. Les es connus des précaires ! Et c’est juste socié lycéens et étudiants. Peu d’articles té meilleure. Et c’est pour ça que bougies d’anniversaire pourraient bien , ment cette dimension de l’attaque qui nous dans le projet, les concernent spécifidisons Non ! Non, parce que nous être aussi chaudes et lumineuses que a été ressentie par de nombreux jeun es en avons marre d’être sacrifiés quement. Pourquoi se sont-ils donc par ce les fumigènes et feux de Bengale allu: une attaque radicale, exercée par le système cupide qui ne nous offre més dans les manifestations ! ★ sentis aussi rapidement et aussi forte que - gouvernement contre la classe ouvr ière, précarité et misère et qui ne ment concernés par cette réforme ? laisse à les salariés et la jeunesse. Bref, une beaucoup d’entre nous que le choi Les dispositions sur l’apprentissag x e déclaration de guerre contre tous ! entre chômage ou armée ! touchent, certes, les jeunes de moin s Ressentie comme telle, elle a fait tou- L’UJR revendique dans sa plat de 18 ans. Permettre, pour des apprene-forme L’UJR est engagée dans la lutte cher du doigt ce qui est en jeu : la le droit à l’éducation, à la sant tis mineurs, des journées de 10 heur é, au es remise en cause du rempart cont (A consulter sur le site www.ujr-fr.org /) re la sport et à la culture, au loge et des semaines de 40 heures, sur ment, « surexploitation et les abus patronau x l’accès à un emploi et un salai simple décision de l’employeur, alors re qui érigé par des générations de salariés Nous sommes une organisapermettent de sortir de la précarité, de qu’actuellement ils ne peuvent dépa s- qui se sont battus pour des prot tion de jeunesse populaire. ections faire des plans pour l’ave ser 8 heures par jour et 35 heures par nir, de vivre collectives, une digue que l’on veut […] Nou s nous battons pour le décemment, avec des conditions de semaine, sauf exception autorisée par faire sauter ! droi t d’ét udier, de vivre épatravail dignes ». Il devient de plus en un inspecteur du travail, est en soi nou is, de nou s construire. plus évident que ces exigences éléscandaleux mais n’explique pas l’am Nou s som mes une organisamen pleur de la réaction d’une fran taires ne peuvent pas trouver de ge tion de jeunes révolutionréponse dans un système à bout de importante de la jeunesse. naires. Nous pensons qu’aucun souffle où les seules revendications Les étudiants salariés, de plus en plus acquis social ou démocratique ne qui comptent sont celles des grands nombreux à devoir travailler pour peut être durable s’il n’est accompatrons et de leurs actionnaires. Alor financer leurs études, ont bien sûr, eux s oui, il faut se battre contre cett pagn aussi, des raisons de se sentir conceré d’un changement radical e réforme et, tous ensemble, en gagn nés : ceux qui n’ont ni bourse, de la société, une société transer ni le retrait ! arrières familiaux suffisants, arrivent formée de fond en comble par le déjà difficilement à concilier études peuple et pour le peuple. […] et travail ; autant dire que ça pourrait Nous sommes une organisadevenir impossible avec des journées tion internationaliste […] Le sentiment, chez les jeunes, d’être qui dépassent 10 heures, sans possibiNou s combattons les guerres une génération sacrifiée qui devr a lité de refuser ! Surtout si des heur impérialistes pour le partage des es vivre moins bien, être encore plus pré- Les manifestations qui ont arrac supplémentaires sont imposées (san zones d’influence, le contrôle hé le s caire que la génération précéden te, ne retrait du CPE, c’était il y majoration de salaire si leur décompt a dix ans, des matières premières et des e date pas d’aujourd’hui. Ce qui se pro- dans les premiers mois de se fait sur trois ans) ! Alors que l’année marchés. Nous condamnons la duit, c’est le basculement, à plus 2006. Vouloir instaurer un contrat nombre d’entre eux travaillent dans la grande échelle, de la colère à la part icipation de la France aux mobi- spécifique pour les jeunes restauration rapide ou la grande distr (contrat « i- lisation, de la galère individuelle opé rati ons de guerre et d’occuà la première embauche »), c’éta bution, la nouvelle définition du trait s’attamanifestation collective. Des mobilisa pati on. Nous luttons pour sa - quer spécifiquement aux jeunes vail de nuit risque également de qui se tions contre les retraites avaient sort ie de l’OTAN et pour le retrait émer- allaient entrer sur le marché traduire pour eux par des baisses de du travail gé le mot d’ordre : « les jeunes dans des trou pes et bases françaises à la avec un contrat spécifique, low salaire. cost, galère, les vieux dans la misère, l’étr ang er, notamment en de mais c’était aussi un coin par lequ L’ampleur qu’a pris le hashtag el le cette société-là, on n’en veut pas », cri Afri que . patronat et le gouvernement (Chirac#‎OnVautMieuxQueCa‬, lancé sur les de colère auquel beaucoup de mon […] Travailler en lien étroit de Villepin, à l’époque) entendaient réseaux sociaux par quelques vidéaste aussi s aujourd’hui ajoute : « on la combat avec le PCOF nous permet d’éta! ». rompre, pour tous les salariés, actifs sur Internet, et le contenu des la digue La mobilisation que commence à crisblir un front commun entre la de toutes les protections collective innombrables témoignages traduise s. nt talliser le projet de réforme du code jeun du C’est pourquoi le projet avai esse et la classe ouvrière, une colère et un rejet qui vont bien t réuni travail est en train de remettre le « dans un même mouvement de cont une force collective unie et soliau-delà de telle ou telle disposition esTous ensemble » dans le top 5 des mots tation les lycéens qui se projetaient dair précise de la loi El Khomri. Comme e pour mener à bien les et à d’ordre ! Rien ne se passe sur com- les salariés de tous âges. Pour com l’époque du CPE, les jeunes se probats politiques et réaliser de nommande dans les mobilisations de masse, breux militants du mouvement ouvrier jettent dans la société qui les attend nos obje ctifs révolutionnaires. : mais les sondages qui prédisent que les et syndical, la mobilisation de précaires pendant les études, précaires Nou s app elon s tous les jeunes la jeumanifestations du 9 mars contre le nesse et son entrée massive pendant les stages, précaires à vie en acco rd ave sur c cette platela ! projet de réforme du droit du travail scène politique avaient alors Comme si la précarité actuelle que les form e et été ces resobjectifs à pourraient « déboucher sur un mouvesenties comme une bouffée d’oxygèn jeunes subissent ne suffisait pas rejoindre l’Union des Jeunes e, ! ment de contestation sociale géné rali- et un des acquis majeurs de ce Comme si la multiplication des CDD Révolutionnaires ! mouve, sé » sont un signe. Signe que la ment avait été la politisation inég ale,

Extraits de la plateforme de l’UJR

C’était donc ça que voulait dire Hollande quand il promettait de faire de la jeunesse la priorité de son quinquennat !

Comme pour le CPE ?

www.ujr-fr.org

11


La Forge

12

Mars 2016

Histoire

18 mars 1871 - Proclamation de la Commune de Paris

L

e 18 mars est une date anniversaire importante pour les communistes. Pour nous, membres du PCOF, elle l’est à double titre. Le 18 mars 1871 marque le début de la Commune de Paris. C’est aussi, et ce n’est pas un hasard, la date anniversaire du congrès constitutif du PCOF, le 18 mars 1979.

Ce que fut concrètement la Commune de Paris Le Second Empire de Louis-Napoléon Bonaparte avait favorisé « l’essor et l’enrichissement de toute la bourgeoisie, à un point dont on n’avait pas idée » note Engels dans son introduction à l’édition de 1891 de l’ouvrage de Marx « La guerre civile en France ». Il se caractérisait également par « l’appel au chauvinisme français » et « la revendication des frontières du Premier Empire, perdues en 1814 » qui ont débouché sur la guerre de 1870, la défaite de Sedan, la chute de l’Empire. Le 4 septembre 1870, les représentants de la bourgeoisie proclament la République. Les troupes prussiennes étaient aux portes de Paris. Pour la défendre, « tous les Parisiens en état de porter des armes étaient entrés dans la Garde nationale et s’étaient armées, de sorte que les ouvriers en constituaient maintenant la majorité ». Dès le mois d’octobre 1870, les premiers affrontements éclatent entre « le gouvernement composé presque uniquement de bourgeois et le prolétariat armé », mais « pour ne pas déchaîner une guerre civile à l’intérieur d’une ville assiégée par une armée étrangère, on laissa en fonction le même gouvernement ». Le 28 janvier 1871, lorsque Paris affamé capitule, la Garde nationale accepte un armistice, mais conserve ses armes et ses canons. Cette situation était inacceptable pour les classes possédantes qui ne veulent pas des ouvriers parisiens en armes. Le 18 mars 1871, Thiers, nouveau chef du gouvernement, envoie des troupes de lignes récupérer les armes de la Garde nationale : « Paris se dressa comme un seul homme pour se défendre, et la guerre entre Paris et le gouvernement français qui siégeait à Versailles fut déclarée ; le 26 mars la Commune était élue, le 28 elle fut proclamée ; le Comité central de la Garde nationale qui, jusqu’alors avait exercé le pouvoir, le remit entre les mains de la Commune… Le 30, la Commune supprima la conscription et l’armée permanente et proclama la Garde natio-

nale, dont tous les citoyens valides devaient faire partie, comme la seule force armée ; elle remit jusqu’en avril tous les loyers d’octobre 1870… suspendit toute vente d’objets engagés au mont-de-piété municipal. Le même jour, les étrangers élus à la Commune furent confirmés dans leurs fonctions, car «le drapeau de la Commune est celui de la République universelle». Le 1er avril, il fut décidé que le traitement le plus élevé d’un employé de la Commune, donc aussi de ses membres, ne pourrait dépasser 6 000 francs. Le lendemain furent décrétés la séparation de l’Eglise et de l’Etat et la suppression du budget des cultes… Le 5, en présence des exécutions de combattants de la Commune prisonniers, auxquelles procédaient quotidiennement les troupes versaillaises, un décret fut promulgué, prévoyant l’arrestation d’otages, mais il ne fut jamais exécuté. Le 6, le 130e bataillon de la Garde nationale alla chercher la guillotine et la brûla publiquement, au milieu de la joie populaire. Le 12, la Commune décida de renverser la colonne Vendôme, symbole du chauvinisme et de l’excitation des peuples à la discorde, que Napoléon avait fait couler après la guerre de 1809, avec des canons conquis. Ce qui fut fait le 16 mai. Le 16 avril, la Commune ordonna un recensement des ateliers fermés par les fabricants et l’élaboration de plans pour donner la gestion de ces entreprises aux ouvriers qui y travaillaient jusque-là… Le 20, elle abolit le travail de nuit des boulangers, ainsi que les bureaux de placement, monopolisés depuis le Second Empire par des individus choisis par la police et exploiteurs d’ouvriers de premier ordre… »

Les leçons qu’en ont tirées les communistes La Commune est la première expérience historique d’exercice du pouvoir d’Etat par la classe ouvrière. Dans « La Guerre civile en France » (juin 1871), Marx analyse ce qu’était l’appareil d’Etat légué par la révolution bourgeoise de 1789 qui s’est déchaîné contre les Communards : « Un immense appareil gouvernemental, qui enserre comme un boa constricteur le véritable corps social dans les mailles universelles d’une armée permanente, d’une bureaucratie hiérarchisée, d’une police, d’un clergé, dociles et d’une magistrature servile ». La leçon qu’en a tirée Marx, c’est que « la classe ouvrière ne peut pas se contenter de prendre telle quelle la machine de l’Etat et de la

faire fonctionner pour son propre compte. L’instrument politique de son asservissement ne peut pas servir d’instrument de son émancipation ». Cette question est une des pierres de touche du communisme. Car il en découle deux choses : la nécessité de « briser d’emblée » la vieille machine d’Etat bourgeoise (Lénine), qui ne peut pas être recyclée, et de la remplacer par une démocratie de type nouveau, impliquant l’ensemble des travailleurs dans l’exercice du pouvoir, se donnant les moyens de contenir la résistance des exploiteurs et de construire une société sans classes et sans exploitation. C’est le but que le PCOF fixe dans son programme stratégique : faire la révolution et instaurer le socialisme. Les enseignements que le mouvement ouvrier et communiste ont tiré de la Commune de Paris sont précieux dans toute notre activité politique. Ils nous invitent à ne jamais oublier qu’il faut inscrire notre lutte quotidienne dans une perspective de rupture révolutionnaire, en nous préservant de ce que Lénine appelait les « illusions constitutionnelles » : « le capital… assoit son pouvoir, si solidement, si sûrement, que celui-ci ne peut être ébranlé par aucun changement de personne, d’institutions ou de partis ». Dans ces conditions, le suffrage universel n’est pas « capable de traduire réellement la volonté de la majorité des travailleurs et d’en assurer l’accomplissement » (L’Etat et la révolution, Lénine, septembre 1917). La Commune de Paris, composée en majorité « d’ouvriers ou de représentants reconnus de la classe ouvrière », de conseillers « élus au suffrage de tous les citoyens, responsables et révocables à tout moment » fut, tout

au contraire, « un corps agissant et non parlementaire, exécutif et législatif en même, temps » défendant les intérêts ouvriers et populaires « au lieu de décider une fois tous les trois ou six ans quel membre de la classe dirigeante «représentera» et foulera aux pieds le peuple au parlement ». L’électoralisme, que fustigeait Lénine, en s’appuyant sur l’expérience de la Commune et sur le contre-exemple des partis réformistes de la IIe Internationale, fait, aujourd’hui encore, des ravages. Il place les élections dans les différentes institutions de l’Etat bourgeois au centre de toute l’activité politique. Les campagnes électorales peuvent, certes, être, comme on l’a vérifié en 2012, des moments importants pour faire grandir l’idée de rupture, créer une effervescence politique dans la classe ouvrière et le peuple et développer une dynamique de mobilisation, mais l’activité électorale, la conquête de postes dans les instituions bourgeoises ne peuvent pas être un but en soi. La Commune n’a tenu que quelques semaines, car les conditions objectives et subjectives n’étaient pas réunies pour sa victoire sur l’ensemble du territoire. Mais quel souffle cette extraordinaire expérience révolutionnaire continue de nous transmettre. « L’antithèse directe de l’Empire » a dit Marx. Exacte antithèse également de cette démocratie « représentative » que nous impose aujourd’hui le capital. « Ce que les ouvriers devaient briser, écrivait Marx en parlant de la Commune, ce n’était pas une forme plus ou moins imparfaite du pouvoir gouvernemental de la vieille société, c’était ce pouvoir luimême ». Une perspective toujours d’actualité ! ★

18 mars 1979 - Création du PCOF S’engager à nos côtés pour construire le front révolutionnaire qui permettra d’enterrer le capitalisme avec sa crise. « Le congrès constitutif du PCOF s’est tenu le 18 mars 1979. En choisissant cette date, anniversaire de la prise du pouvoir par les Communards, le 18 mars 1871, les communistes qui ont fondé le parti voulaient signifier que c’est pour cet objectif qu’il a été créé : pour un changement radical de société, par et pour la classe ouvrière et les masses populaires. […] Nous lançons un appel à tous ceux qui se reconnaissent dans notre ligne et dans notre action, à tous ceux qui, engagés dans le combat politique contre le système, veulent travailler, en théorie et en pratique, au développement d’une alternative révolutionnaire. Nous les appelons à s’engager à nos côtés pour construire le front révolutionnaire qui permettra d’enterrer le capitalisme avec sa crise. » Cet appel, lancé à l’occasion du 30e anniversaire du PCOF, nous ne pouvons que le renouveler aujourd’hui ! ★


Contre la guerre impérialiste

La Forge Mars 2016

Collectif « Ni guerres, ni état de guerre »

Travailler dans la durée « Le travail du collectif “Ni guerres, ni état de guerre”, doit s’inscrire dans la durée. » Cette réflexion revient souvent dans les discussions au sein du collectif qui regroupe des organisations, des personnalités, des individus. Le collectif national se réunit toutes les semaines, en réunion « ouverte », où se discutent les questions politiques, les questions de structuration, les initiatives à prendre et celles auxquelles le collectif décide de s’associer ou de participer. Il se fixe également l’objectif de susciter la création de collectifs « locaux » qui reprennent sa plate-forme. Le collectif a une adresse de contact : antiguerre16@gmail.com. Le rassemblement du 27 février était sa première initiative publique d’ampleur : un rassemblement sur une place connue (la place de la rotonde à Stalingrad), mêlant les performances artistiques et les interventions politiques de la grande majorité des organisations du collectif, ainsi que des personnalités. Notre site rend compte du succès de cette initiative, fruit d’un réel travail collectif. Des rendez-vous sont fixés : diffusions des tracts appelant à la manifestation du 19 mars, organisée avec le réseau « Sortir du colonialisme »,

sur le thème : contre la guerre, le racisme et le colonialisme. Ces diffusions auront lieu notamment les 8 et 9 mars (manifestation contre la loi El Khomri) et le 12 (manifestation et rassemblement contre l’état d’urgence).

de la société, le quadrillage des territoires et des esprits par le complexe militaro sécuritaire ; - Soutien au droit à l’autodétermination des peuples et solidarité avec les forces de résistance et d’émancipation.

La construction d’un mouvement anti-guerre

Certes, ces exigences et ces axes de mobilisation nécessitent un travail de clarification, d’argumentation. Les questions liées à la militarisation de la société, le complexe militaro-sécuritaire… doivent faire l’objet d’un travail de recherche, de confrontations des sources, etc. Nous devons nous y atteler ! Le « soutien au droit à l’autodétermination des peuples » est un droit qui figure même dans des documents internationaux. Mais cela nécessite de se mettre d’accord sur la définition des peuples. Il y a des conceptions très différentes sur cette question, qui touche aussi à la question de la lutte pour l’indépendance. De la même façon qu’il y a des différences importantes concernant la définition des « forces d’émancipation ». On le voit, par exemple, sur la question de la Syrie. Ces différences et divergences vont être discutées au sein du collectif. Cela fait partie de la lutte politique. Mais nous veillerons à une chose qu,i

Il y a débat sur la question de savoir s’il y a eu un « mouvement antiguerre » puissant dans notre pays, ou pas. Nous pensons qu’il y a eu un grand mouvement de ce type, mais que cela fait longtemps qu’il n’y a pas eu de mouvement ciblant les guerres de l’impérialisme français. Le fait que ce collectif prenne cette question en mains est très important, et il faut travailler à ce que cette orientation soit concrètement développée dans le travail du collectif. Nous pensons que ce qui doit nous guider, ce sont les axes contenus dans la plate-forme : Arrêt immédiat des interventions militaires françaises, retrait des bases, sortie des traités et des alliances militaires (Otan) : - Dénonciation des ventes d’armes ; - Combat contre la militarisation

pour nous, est essentielle, c’est de ne pas perdre de vue que notre cible, c’est l’impérialisme français. Notre parti apportera plus particulièrement sa contribution sur deux questions : - celle de la politique de guerre de l’impérialisme français en Afrique ; - celle de la militarisation de l’économie, de la société. Ce choix est lié au fait que nous voulons développer la mobilisation sur la nécessité de s’opposer à la politique de guerre de l’impérialisme français, dans le mouvement ouvrier et populaire et dans la jeunesse. La militarisation de l’économie et de la société pose la question de la lutte contre le diktat et le poids politique et économique des monopoles de ce secteur. Ils sont liés à l’appareil d’Etat qui est leur « client ». Ils engloutissent d’immenses richesses matérielles et humaines, pour une production totalement parasitaire. Autrement dit, pour garantir les profits de ces entreprises et gaver leurs actionnaires, le gouvernement réduit les services publics, liquide la protection sociale… Ce sont ces « liens » qu’il faut mettre en lumière, pour gagner le soutien des travailleurs, des milieux populaires. ★

Notre intervention au rassemblement du collectif

N

otre camarade avait choisi de développer un thème, celui de la lutte contre les guerres de l’impérialisme français en Afrique. Vous qui êtes venus par le métro, vous avez dû voir ces grandes affiches de l’armée de l’air, destinée à donner envie aux jeunes hommes et aux jeunes femmes de s’engager pour rejoindre une armée représentée sous ses meilleurs jours : des jeunes vous accueillent, sourire aux lèvres, sur un aérodrome où les avions, les hélicoptères, les engins qu’on devine de haute technologie, sont là, disponibles. Pas de scène de guerre, mais un endroit où on sent qu’il y a des choses à faire, à apprendre. Et quand le chômage est à ce niveau chez les jeunes, quand la ministre du « travail » engage la démolition du code du travail qui précipite les jeunes dans plus de précarité, plus de flexibilité, le message peut séduire. Mais où ces jeunes vont-ils être envoyés ? Et pour quoi faire ? C’est vrai que la plupart ne seront pas envoyés sur les terrains de combat, car pour un combattant, il faut sept ou huit personnes à la logistique. Mais aujourd’hui, ils risquent quand même de se retrouver parmi les

10 500 soldats de Vigipirate, avec des armes de guerre entre les mains. Certains se retrouveront en Afrique, car c’est en Afrique qu’il y a le plus de militaires engagés dans des « opérations extérieures ». Sur les 20 000 hommes engagés en dehors des frontières, la moitié sont en Afrique, dans les néocolonies. Depuis les « indépendances », il y a eu pas moins de 51 opérations militaires. Sur ce plan, il n’y a pas rupture entre les différents chefs d’État, chefs des armées : pour ne prendre que les dernières années, Sarkozy a lancé la guerre en Libye et, aujourd’hui, Hollande la poursuit, comme on vient de l’apprendre ces derniers jours. Hollande, c’est la Syrie, l’Irak, le Mali, la Centrafrique et, plus généralement, le Sahel. Pourquoi cette politique de guerre sur le continent africain ? Il suffit souvent de regarder ce qu’il y a dans le sous-sol des régions où se déroulent ces guerres. C’est l’uranium, au Niger, au Mali, c’est le pétrole souvent encore non exploité. Et c’est le BRGM (le bureau de recherches géologiques et minières) qui a les cartes de ces sous-sols. C’est le train Bolloré, le train blue line, qui relie Cotonou à Abidjan en

passant dans les régions riches en minerais, qu’il veut extraire et transporter vers les terminaux Bolloré – il en a quinze en Afrique – pour renforcer son emprise sur le continent. Piller les richesses et empêcher les concurrents de s’installer, pour cela il faut la présence militaire française. Mais il y a aussi un autre aspect à souligner et à dénoncer : ces guerres et ces forces déployées en permanence sont là pour empêcher les luttes des peuples contre les dictateurs mis en place par la France. Elles sont là pour combattre les mouvements et les organisations révolutionnaires. On le voit au Burkina : l’insurrection populaire a chassé Compaoré, un des piliers de la Françafrique. Ce sont les forces spéciales françaises qui l’ont exfiltré vers la Côte d’Ivoire, chez Ouattara, qui a lui-même été mis en place par l’armée française. Et on apprend que Compaoré avait depuis des années des liens étroits avec les chefs de groupes terroristes qui viennent d’attaquer Ouagadougou, faisant 31 morts. Ces groupes, dont l’objectif est de déstabiliser, de diviser la population, de semer la peur pour essayer de stopper les luttes qui se développent. Ce rôle contre-révolutionnaire, nos camarades du

Burkina, de Côte d’Ivoire, du Bénin… ne cessent de le dénoncer, tout comme ils exigent le départ des militaires français. Quel est notre responsabilité aujourd’hui ? Il faut informer, lutter contre la désinformation, donner la parole aux forces qui se battent contre la domination de l’impérialisme français, contre ses guerres et contre sa politique de pillage. Il faut expliquer aux jeunes, qu’ils et elles ont mieux à faire que de se laisser berner par ces campagnes de propagande de l’armée, que la solidarité avec les peuples d’Afrique est un vrai idéal, pour lequel cela vaut la peine de se mobiliser. Et pour ceux et celles qui veulent s’engager dans ce combat, il faut rejoindre le collectif qui a organisé ce rassemblement, politique, culturel et festif. ★

13


La Forge

14

Mars 2016

International

Les nouvelles technologies et la recherche au service de la militarisation de la société

L

a controverse qui oppose en ce moment le géant de la Silicon Valley, Apple, au FBI remet sur le devant de la scène l’importance des secteurs des nouvelles technologies et de la recherche de pointe dans la surveillance à grande échelle des citoyens, au sein des dispositifs policiers et militaires des États. Dans cette course au renseignement, l’État étasunien est bien sur souvent, et à juste titre, pointé du doigt. On se souvient des répercussions considérables des révélations d’Edward Snowden qui ont mis à jour l’espionnage à l’échelle mondiale mené par la NSA, qui n’a été possible qu’avec le soutien logistique apporté par les plus grands monopoles mondiaux de l’informatique et de l’Internet, tels Google, Facebook, Microsoft, et même Apple, qui se pose aujourd’hui en défenseur acharné de la vie privée de ses clients. Dans ce domaine, l’État français n’est pas en reste et dispose depuis les années 70 d’un des réseaux d’écoute et d’interception parmi les plus efficaces et les plus étendus de la planète, mis en place par la DGSE, avec le support des grands opérateurs du secteur des télécommunications. Ainsi, la loi sur le renseignement votée en 2015, quelques mois après

les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Casher, ne fait que durcir et graver dans la loi des pratiques largement répandues auparavant. Les géants hexagonaux de la téléphonie et d’internet sont sommés de conserver les données des utilisateurs pour une durée maximale de 5 ans et de les mettre à disposition des autorités sur demande. Des algorithmes sophistiqués ont été mis au point au cours de la dernière décennie afin d’analyser ces « métadonnées » à des fins commerciales pour comprendre et anticiper les comportements et les habitudes des consommateurs. Ils permettront désormais de surveiller les citoyens et leurs comportements. En parallèle, l’État investit des dizaines de millions d’euros dans des entreprises telles que Qosmos – déjà pointée du doigt par des organisations de défense des droits de l’homme pour avoir collaboré avec l’appareil de répression des régimes de libyen et syrien – spécialisée dans l’analyse et l’interception du trafic internet (notamment celle des transmissions cryptées). Que ce soit à des fins de surveillance du citoyen ou pour le secteur militaire à proprement parler, la recherche consacrée aux techniques de cryptage/décryptage de données repré-

sentent un enjeu stratégique. L’informatique, la robotique (à commencer par les drones) sont plus que jamais au cœur des nouveaux dispositifs militaires dont les objectifs sont de devenir de plus en plus réactifs dans les situations opérationnelles et de plus en plus indépendants des interventions et des décisions humaines. L’analyse des interventions militaires menées par les grands pays impérialistes au cours des vingt dernières années montre à quel point les progrès dans ces domaines ont été rapides. Il faut noter que même si la collaboration entre les entreprises privées du secteur informatique et l’armée reste forte, les militaires s’intéressent de plus en plus aux solutions logicielles et aux applications dites « open sources » développées en grande partie par la communauté universitaire, qui permettent de s’affranchir des coûts élevés et de l’obsolescence programmée des outils proposés par les grands monopoles du secteur. Les communications, l’informatique et la robotique, bien que très souvent mentionnées, ne sont pas les seuls secteurs de pointe qui intéressent les militaires. Ainsi, dans un rapport destiné à la Croix-Rouge, des chercheurs britanniques et américains ont insisté sur les utilisations poten-

tielles des recherches en neurobiologie (notamment celles consacrées au traitement des maladies neuro-dégénératives) à des fins militaires. Ces chercheurs ont pointé les potentialités d’utilisation des progrès de la recherche, que ce soit pour le conditionnement des soldats (disparition du stress, de la fatigue ou de la peur) ou pour celui des prisonniers (interrogatoire, torture) à l’aide de traitements chimiques ou, plus généralement, pour le développement de nouvelles armes biochimiques. Pour finir, notons que – et ceci est vrai au niveau national et européen – une part conséquente des crédits consacrés à la recherche publique est désormais dévolue au thème de « la liberté et sécurité en Europe », promu parmi les « grands défis sociétaux » couvrant, sous des appellations savamment travaillées, certains des aspects évoqués ci-dessus (notamment de la cyber-sécurité). Faire avancer la conscience des travailleurs, chercheurs, de la communauté scientifique sur ces questions et la faire partager à un plus large public s’inscrit dans la lutte contre la mise en place et le renforcement de la politique sécuritaire/militariste de l’impérialisme français, menée par le gouvernement Valls - Hollande. ★

Syrie

Une guerre impérialiste entre les grandes puissances

L

e théâtre des confrontations inter-impérialiste actuellement le plus important se situe dans la région Syrie, Irak, Turquie, Iran… autrement dit, la région du Proche et du Moyen-Orient. Cette confrontation inclut Israël, la Jordanie, l’Arabie saoudite et les différentes monarchies du Golfe. Il s’agit d’une confrontation interimpérialiste, d’une guerre de partage et de repartage entre puissances impérialistes. L’impérialisme US et ses alliés, membres de l’Otan, ont mené plusieurs guerres dans cette vaste région, semant le chaos, la désolation, provoquant d’immenses destructions humaines et matérielles. Les dirigeants de ces puissances impérialistes sont des criminels de masse. Ils ont réprimé et liquidé les forces progressistes dans ces pays, en s’appuyant notamment sur les régimes réactionnaires et sur les groupes armés, tels Al Qaida et, plus récemment, l’Etat Islamique. Ces groupes terroristes ont pu se développer en

instrumentalisant la colère de secteurs des populations victimes de ces guerres. Devenus un obstacle à la domination des puissances impérialistes, ces groupes sont aujourd’hui visés par les bombardements des puissances impérialistes, au nom de la « guerre contre le terrorisme ». Mais ils restent utiles aux puissances impérialistes occidentales tant qu’ils s’opposent à l’autre grande puissance impérialiste, la Russie. La Russie n’est ni une force de paix, ni un allié des peuples. La nature capitaliste du régime et du système en place en Russie se manifeste aussi bien en Russie même, où l’exploitation de la classe ouvrière et des masses travailleuses ne peut être niée, où c’est une oligarchie qui dirige et tient tous les rouages économiques et politiques. La politique « extérieure » de cette grande puissance est basée sur les principes de l’impérialisme : exportation de capital pour le contrôle des matières premières, lutte pour la conquête de

marchés, participation aux guerres de repartage… Le fait que l’impérialisme russe soit moins puissant que l’impérialisme étasunien, qu’il est une des cibles de la politique agressive de l’impérialisme US – tout comme la Chine – ne change pas la nature impérialiste de la Russie. C’est pourquoi, nous dénonçons la guerre que mène Poutine en Syrie, comme une guerre impérialiste, au même titre que celle menée par l’impérialisme US, l’impérialisme français, etc.

Le renforcement de la présence militaire russe Le fait nouveau dans cette région, ce n’est pas la présence de l’impérialisme russe (il a toujours été présent directement ou à travers le soutien politique et militaire qu’il apporte notamment au régime syrien), mais sa montée en puissance, sur le terrain,

réalisée en quelques mois. Ce sont les initiatives de Poutine qui ont obligé les autres puissances impérialistes et leurs alliés à « bouger ». En réponse, les puissances impérialistes occidentales ont encore accru leur présence et leur engagement militaire. La Russie veut asseoir son influence dans cette région. Elle renforce ses liens avec l’Iran, vend ses armes à tous les acheteurs, y compris aux monarchies du Golfe qui s’opposent à l’Iran… Le soutien au régime de Bachar al Assad fait partie du rapport de force que Poutine a réussi à créer face aux autres puissances impérialistes. Il soutient Bachar et veut l’imposer dans les « négociations », pour contrebalancer le poids des autres puissances impérialistes et de leurs alliés respectifs. Il joue sur leurs contradictions, en « tapant » notamment sur le régime d’Erdogan qui est, en quelque sorte, un « maillon faible » au sein de l’Otan, dans la mesure où sa politique de soutien à l’EI et aux autres groupes armés, considérés comme « terroristes », crée des tensions avec Washington et d’autres puissances engagées sur le terrain. C’est pourquoi, Poutine soutient les forces kurdes de Syrie, pour 


La Forge Mars 2016  mettre en difficulté le régime

d’Erdogan. Ce soutien n’est pas dicté par une politique internationaliste, mais par le calcul et le pragmatisme. Poutine a réussi à s’imposer comme le principal interlocuteur d’Obama dans cette guerre, dans la répartition géographique et politique qui est en train de se dessiner sur le terrain, à coups de bombardements. Les deux dirigeants ont « négocié » un cessez-

le-feu, qui gèle, en quelque sorte, les lignes de front. Il n’y a pas de garantie qu’il « tienne » longtemps, d’autant qu’il se fait sur le dos des groupes armés qui se battent sur le terrain pour leur survie. C’est une « paix impérialiste », l’autre face de la guerre impérialiste. Le combat de Poutine contre le « terrorisme » n’est pas nouveau. Les groupes islamistes armés qui agissent

en Syrie, en Irak…, ont des alliés dans des régions de Russie et des pays limitrophes. Pour Poutine, l’offensive militaire en Syrie contre l’EI vise aussi à intimider les autres branches de cette organisation, démanteler les réseaux, tout en se préparant à les frapper, au moment voulu. « Nous nous opposons aux guerres d’ingérence et de spoliation, donc à tous les impérialismes. Mais nous

sommes en France et c’est donc en France que nous pouvons nous battre en priorité contre « notre » propre impérialisme. » Nous nous retrouvons totalement dans cette phrase de la plate-forme du collectif « ni guerres, ni état de guerre ». C’est pourquoi, nous dénonçons aussi la participation de l’impérialisme français à l’Otan et que nous ciblons bien évidemment l’impérialisme US et ses alliés. ★

Turquie

Il faut immédiatement cesser les politiques bellicistes, instaurer la paix à l’intérieur et à l’extérieur

A

lors que les attentats du 10 octobre n’ont pas encore été élucidés entièrement, Ankara a été de nouveau secouée par une nouvelle attaque. Lors de l’attentat à la bombe qui visait les véhicules transportant civils et militaires, 28 personnes ont perdu la vie, 61 ont été blessées. Tout d’abord, nous condamnons fermement ces attaques. Cependant, quelle que soit l’ampleur de l’attaque, il est inadmissible que le gouvernement empêche le droit des citoyens à suivre et à connaître la vérité en instaurant immédiatement un black-out médiatique. Le premier ministre a déclaré dans la précipitation que l’attaque avait été perpétrée par le PKK / PYD-YPG. Le coprésident

de PYD (Parti de l’Union démocratique), Salih Muslim, a immédiatement nié toute responsabilité dans cette attaque et a précisé qu’il ne s’agissait que d’un prétexte du gouvernement turc visant à intervenir militairement à Rojava, le Kurdistan syrien. (…) En instrumentalisant ce climat de peur, le gouvernement Erdogan / Davutoglu cherche un alibi qui pourrait consolider sa politique réactionnaire à l’égard de la Syrie et de la question kurde. Le pays est arrivé à un point où la question la plus importante n’est plus de savoir qui est l’exécutant, mais qui a conduit ces politiques qui ont plongé le pays dans un bain de sang.

Comme le prouvent les exemples des attentats de Reyhanli, de Suruç, de Diyarbakir, du 10 octobre et du 17 février, ce qui a conduit le pays au centre des attaques et des affrontements, c’est l’obstination du gouvernement de l’AKP et d’Erdogan à poursuivre une politique belliciste, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. De surcroît, à commencer par la Syrie, le Moyen-Orient est devenu un terrain de la lutte de partage entre les USA, les États de l’UE et de la Russie. Si la Turquie a été aspirée au cœur de cette lutte, c’est en raison des politiques réactionnaires menées par le gouvernement de l’AKP. La participation de la Turquie à cette guerre signifie une catastrophe pour les

peuples de cette région. La Turquie doit s’éloigner de cette politique belliciste et cesser de provoquer à la frontière syrienne. Afin de permettre au pays de sortir de ce chaos et de l’instabilité, le gouvernement doit très rapidement abandonner sa politique d’agression et de provocation. Il doit suivre une politique basée sur le respect des affaires intérieures de la Syrie et doit immédiatement prendre des dispositions au niveau national afin que la question kurde puisse se résoudre démocratiquement sur la base de l’égalité des droits. ★ Parti du Travail (EMEP) Le 18 février / Ankara

Le déploiement de l’Otan en mer Egée

L

a « crise des réfugiés » provoque une crise politique de l’UE, avec la remise en cause de la « libre circulation » des personnes. Elle se traduit également par une présence plus importante de l’Otan sur les mers, notamment en mer Egée. En effet, l’Otan a décidé de déployer une flotte croisant entre la Turquie et la Grèce, en appui au dispositif Frontex. Sa mission : empêcher les bateaux « illégaux » de s’approcher des côtes

grecques et, en principe, venir en aide aux embarcations en détresse. Cette « aide », c’est l’organisation du renvoi des occupants vers la Turquie. C’est l’Allemagne qui sera chargée de diriger l’ensemble des opérations qui mobilisent des bateaux allemands, turcs, grecs, italiens et français. Hollande s’est empressé d’annoncer la participation d’un navire français, pour marquer sa « solidarité avec l’Allemagne ». Le rôle de l’impérialisme

allemand dans la direction de cette flotte Otan traduit sa montée en puissance sur le terrain militaire, en Europe. C’est un nouveau pas dans le traitement militaire de la « crise des réfugiés », dont l’origine principale est précisément les guerres impérialistes menées en Syrie, Irak et en Afrique, avec notamment l’intensification des opérations des puissances impérialistes étasuniennes, françaises, britanniques, en Libye (voir article dans ce

journal). C’est aussi la confirmation des liens étroits entre l’UE et l’Otan, réaffirmés dans chaque traité européen, depuis le Traité de Maastricht de 1992 (qui met en place un deuxième pilier de l’UE, avec la création de la politique étrangère et de sécurité commune). Lors du sommet sur la sécurité à Berlin, le secrétaire général de l’Otan, Stoltenberg, a chaleureusement remercié Valls pour la contribution de la France à l’Otan. ★

Ouattara donne la nationalité ivoirienne à Compaoré Le document accordant la nationalité ivoirienne à Blaise Compaoré avait été émis le 17 novembre 2014, quelques jours à peine après son exfiltration du Burkina par les militaires français. Cette naturalisation est en quelque sorte un « retour d’ascenseur » accordé en reconnaissance des services rendus par Compaoré aux ex-« rebelles » ivoiriens qui dirigent aujourd’hui la Côte d’Ivoire. Cette décision n’avait pas été ébruitée avant la publication du décret de naturalisation paru au Journal officiel à Abidjan, le 18 janvier 2016, et sa révélation par la presse, le 24 février.

Le 21 décembre 2015, les autorités burkinabè ont émis un mandat d’arrêt international à l’encontre de Blaise Compaoré pour son implication présumée dans la mort de l’ancien chef d’État Thomas Sankara. Maintenant, les autorités ivoiriennes peuvent très officiellement répondre : « Comme la France, la Côte d’Ivoire n’extrade pas ses nationaux » ! La France a tout intérêt à ce type d’arrangement, car le procès de Compaoré serait forcément, en filigrane, celui des services français qui font et défont les princes de la

Françafrique au gré des intérêts de l’impérialisme français. Mais le peuple burkinabè s’en est mêlé et, aujourd’hui, les piliers de la Françafrique se serrent les coudes, car aucun ne peut se sentir à l’abri de ce qui est arrivé à celui qui a sévi pendant 27 ans à la tête du Burkina ! Dans une déclaration du 29 février 2016, le Parti Communiste Révolutionnaire de Côte d’Ivoire (PCRCI) a indiqué : « Le PCRCI est partisan de l’asile politique à tous ceux qui sont menacés dans leur intégrité pour des rai-

sons d’opinions, mais il ne peut accepter que la Côte d’Ivoire soit un refuge pour dictateurs déchus et qui ont l’obligation de rendre compte à leurs peuples. […] Le PCRCI exige du gouvernement ivoirien d’éviter de faire de la nation ivoirienne un refuge pour assassins ou présumés assassins. La majorité du peuple ivoirien refuse les naturalisations destinées à couvrir la fuite de présumés malfaiteurs et le PCRCI s’engage à apporter sa contribution à l’effort de lutte du peuple ivoirien afin que Blaise Compaoré n’échappe pas à la justice du Burkina Faso par la faute de la Côte d’Ivoire. » ★

15


La Forge

16

Mars 2016

International

Libye

La France à nouveau sur le sentier de la guerre

L

politiques libyennes ont été traumatisées par la guerre de 2011, prélude au démembrement du pays et à la renégociation des contrats pétroliers. Réunifié ou non, aucun gouvernement n’est prêt à autoriser une intervention étrangère. Ajoutons que la plupart des pays du Maghreb, en particulier la Tunisie, s’opposent à une nouvelle aventure militaire occidentale dans ce pays qui risquerait de provoquer de nouvelles vagues migratoires, de disperser les djihadistes dans toute l’Afrique du Nord et au Sahel et donc, de déstabiliser durablement une grande partie du continent africain. Mais si cette guerre est tenue secrète, c’est aussi lié à des raisons de politique intérieure. Pour s’en tenir à la présidence de Hollande, l’accumulation des agressions françaises au Mali, en Centrafrique, puis en Syrie et maintenant à nouveau en Libye, interpelle de plus en plus de monde. Ce n’est plus simplement le coût de ces interventions qui est mis en avant, coût humain et budgétaire, mais la finalité. En Afghanistan, en Irak, depuis des années, on fait la guerre, on détruit des pays, et pour quels résultats ? La Syrie prend le même chemin avec son cortège de morts, de destructions, de personnes déplacées et de migrants dont personne ne veut. Ces derniers mois, depuis les attentats de novembre

2015 à Paris, le débat sur la guerre et sur l’état de guerre a fait irruption dans le paysage politique français. Le gouvernement n’a plus les coudées franches comme en 2013, lorsque presque tous les parlementaires votaient pour la prolongation de l’opération « Serval » au Mali. L’intérêt d’une guerre secrète, non déclarée, c’est donc aussi qu’elle peut se passer de l’examen du Parlement et du jugement de l’opinion publique. Le coup de colère du ministre va-ten guerre Le Drian, menaçant le journal Le Monde d’une « enquête pour compromission du secretdéfense après la publication d’informations faisant état de la présence de forces spéciales françaises et d’agents secrets en Libye » est significatif de l’impasse dans laquelle s’est fourré ce gouvernement : tous les moyens sont bons pour museler tout ce qui risque d’alimenter la condamnation de la politique de guerre conduite par le gouvernement. Hollande, Valls, Le Drian prennent le même chemin peu glorieux que le socialiste Guy Mollet, puis de Gaulle, ont emprunté il y a plus d’un demi-siècle. Etat de guerre, état d’urgence n’avaient pu stopper la marche du peuple algérien vers son indépendance et l’opposition grandissante du peuple français à une guerre coloniale qui n’osait pas dire son nom. ★

Bolloré, un prédateur dangereux pour les travailleurs et les peuples

La situation n’est guère plus enviable chez Camrail, privatisée en 1999 pour 35 ans : 3 600 salariés ont été licenciés. Les dirigeants syndicaux ont été les premières cibles, en butte à des infiltrations patronales, des mutations forcées, des licenciements punitifs et même, pour certains, des mois d’emprisonnement. Cette voie ferrée aurait dû être une colonne vertébrale favorisant l’unité des peuples du Cameroun. Mais Bolloré s’est empressé de fermer les gares les moins rentables, surtout les petites gares de voyageurs. D’où la colère des populations villageoises qui ont protesté par des marches pacifiques ou en élevant des barricades sur les rails contre « le caractère asocial de certaines restructurations et les visages inhumains de la privatisation ». Voilà comment Bolloré apporte « progrès et bonheur » aux travailleurs et aux peuples africains. Une exploitation forcenée de la force de travail digne de la période coloniale et une répression conduite en complicité avec le pouvoir politique et le service d’ordre Bolloré pour empêcher toute organisation collective des travailleurs. ★

’article du Monde du 24 février, confirmant que la France mène, avec ses alliés américains et britanniques, une guerre secrète en Libye n’est pas vraiment un scoop. Cela fait au moins deux ans qu’il n’est question que de parachever le sale travail commencé en 2011 et qui a conduit à l’assassinat de Kadhafi et à l’éclatement du pays. L’impérialisme américain ne cache pas que son armée se livre à des attentats ciblés et à des bombardements aériens. En Grande-Bretagne, le leader de l’opposition travailliste au Parlement a enjoint le premier ministre, Cameron, à s’engager à consulter le Parlement avant de renouveler quelque opération militaire que ce soit en Libye. Même l’Italie, l’ancienne puissance coloniale, a fait entendre sa voix en reconnaissant avoir des agents dans le pays. Depuis 2014, Le Drian, ministre de la Défense, plaide pour des frappes aériennes et des opérations spéciales en Libye. L’article ne fait donc que confirmer ce que chacun subodorait : la guerre a recommencé en Libye ; tous les protagonistes de 2011 y sont déjà présents, sauf que, du côté français, Hollande a remplacé Sarkozy et que la lutte contre le terrorisme a remplacé la défense des droits de l’homme comme prétexte à l’intervention. Pour l’instant, du côté français surtout, c’est une guerre secrète qui met

en première ligne les forces aériennes et, sur le terrain, des militaires du service clandestin de la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure) et du COS (Commandement des opérations spéciales). Le ministère de la Défense ne communique, ni sur le nombre, ni sur l’emplacement, de ces soldats de l’ombre. Selon certains, ils seraient au moins un millier et leur pénétration dans le pays est grandement facilitée par la présence, au nord du Tchad et du Niger, de bases militaires installées récemment dans le cadre du dispositif « Barkhane ». Pourquoi cette tactique de guerre secrète ? Un haut responsable français de la Défense donne une réponse partielle : « La dernière chose à faire serait d’intervenir en Libye. Il faut éviter tout engagement militaire ouvert. Il faut agir discrètement. » Un autre, plus précis, invoque l’absence d’un cadre légal pour envoyer des soldats sur le terrain et ajoute « mais aussi pour des raisons budgétaires et politiques ». Il y a, tout d’abord, les raisons propres à la situation libyenne. Le pays est toujours coupé en deux avec deux parlements et deux gouvernements. En décembre 2015, un accord politique est signé à Skhirat entre factions antagonistes, mais il n’a pas été confirmé depuis. Toutes les forces

Cameroun

L

’empire Bolloré s’est constitué, d’une part, en achetant à bas prix de vieilles sociétés coloniales, d’autre part, en profitant des privatisations imposées aux États africains par le FMI et la Banque Mondiale dans le cadre des plans d’ajustements structurels. Aujourd’hui, il se trouve à la tête d’un groupe immense : tout ce qui, en Afrique, se vend, s’achète, se transporte, se conditionne aura à faire au groupe Bolloré. Prétendant apporter partout progrès et bonheur, il gère son empire africain avec toute la férocité des anciens potentats de la traite coloniale. Selon un journaliste camerounais, « sa gestion des ressources humaines, c’est du cuir dont on fait les cravaches ». C’est de cette gestion dont nous allons parler en prenant deux exemples : l’un dans un secteur traditionnel, l’agriculture de plantation, l’autre dans un secteur en plein essor, le chemin de fer. Après avoir abandonné l’exploita-

tion forestière jugée aujourd’hui peu rentable, Bolloré s’est lancé dans l’achat d’immenses terres réputées vierges pour se consacrer à la culture du palmier à huile. Ainsi, la plus grande plantation de palmiers à huile du Cameroun, celle de Kienké, s’étend sur 8 500 hectares. Les conditions de travail et de salaire y sont telles que les journalistes camerounais parlent d’un « Germinal sous les Tropiques ». Des milliers d’ouvriers y travaillent 6 jours par semaine, sans couverture sociale pour 22 Francs CFA par régime de 15 kg récolté. Les plus chanceux peuvent se faire jusqu’à 53 euros par mois, quand aucun intermédiaire n’oublie de les payer ! Et lorsqu’un leader improvisé – les dirigeants syndicaux sont souvent achetés – dénonce ces conditions de travail ainsi que l’insalubrité et la surpopulation des baraquements, il est arrêté par la police. Les autorités lui glissent à l’oreille « si tu continues

on va te tuer ! ». Si Bolloré s’est lancé dans le palmier à huile, c’est qu’il mise sur les agrocarburants censés remplacer les énergies fossiles. Ses plantations ne cessent de grignoter sur les cultures traditionnelles (48 % des terres, en fait, ne sont pas vierges) et sur les villages dont la population est expulsée manu militari. Les principales victimes sont les « Pygmées dont certains sont entourés de toutes parts d’exploitations sur lesquelles ils n’ont pas le droit d’entrer. Ils sont forcés de vivre dans des zones marécageuses inondables où pullulent moustiques et maladies associées (paludisme, choléra) ». Ces plantations mettent en danger la souveraineté alimentaire et constituent une menace pour l’environnement. L’usine de la Socapalm à Kienké rejette une huile souillée, mélangée à des produits chimiques qui interdisent la pêche dans les cours d’eau environnants.

Dir. publication C. Pierrel - Imprimerie Expressions2, 10 bis rue Bisson 75020 Paris - Commission paritaire - 0413P865753- N°ISSN 0242-3332


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.